Le Devoir


Note de présentation du journal Le Devoir (1878-1906)



Journal qui paraît tous les dimanches, Le Devoir est fondé par Jean-Baptiste André Godin en 1878. Le premier numéro est daté du 3 mars. La devise Mutualité-Solidarité-Fraternité sert alors, mais de façon provisoire, de premier sous-titre. Destiné à être, selon les termes de son créateur, une « feuille de propagande sociale », le journal est ouvertement engagé. Les articles qui paraissent dans ses colonnes ont tous une tonalité socialiste, féministe et anticléricale.

Composé de contributions originales signées par des journalistes et par Godin lui-même, mais aussi d’articles empruntés à d’autres publications (L’Abeille médicale, Woman Suffrage Journal, La Solidarité, Le Moniteur universel, Le Temps...), Le Devoir se présente comme le « journal des réformes ». Avec une attention portée en priorité aux questions de société, chacun des numéros, dont la taille varie entre sept et seize pages grand format, rend compte d’événements politiques, économiques et sociaux, tant sur le plan national qu’international. La publication propose également des extraits de roman, des articles des sciences sociales ou encore des citations de philosophes et d’écrivains tels que Goethe, Fichte, Rousseau, Lamartine... Le Devoir est enfin le porte-parole privilégié des multiples événements, quotidiens ou non, qui scandent la vie du Familistère et de l’usine de Godin. La fête de l’Enfance et celle du Travail font ainsi l’objet, chaque année, de comptes rendus détaillés. Des placards vantent également les productions maisons (cuisinières, appareils de chauffage...) de l’entreprise du fondateur du Familistère.

Tous connus pour leurs sympathies socialistes, plusieurs rédacteurs en chef se succèdent à la tête de l’hebdomadaire : Champury (1878-1880), Fortis (1881-1883), Deynaud (1883-1885) puis Rouanet (1886-1887). Dans les périodes de creux (1880-1881, 1885-1886), l’intérim est assuré par Godin. Dès les premières années, le nombre d’exemplaires du Devoir expédiés vers la France et l’étranger varie, selon les semaines, entre 2 000 et 15 000. En France, en 1881, 66 départements sont destinataires, les meilleures ventes s’effectuant à Paris. À la même date, Le Devoir est diffusé dans dix-huit pays étrangers.

En 1881 toujours, le journal possède à son actif 461 abonnés payants, dont une minorité de familistèriens (29 exactement). Les lecteurs appartiennent pour l’essentiel à la frange cultivée des classes moyennes et supérieures (fonctionnaires et employés d’administration, journalistes, ouvriers qualifiés, ingénieurs, architectes, commerçants, rentiers, gérants de coopérative et syndicalistes, juristes, médecins...) que la philosophie fouriériste de Godin séduit plus que les doctrines égalitaristes. En dépit d’une diffusion correcte, Le Devoir n’est pas toujours un investissement rentable. Entre 1879 et 1888, le déficit est même permanent, de 8 500 francs en moyenne chaque année. Grâce à ses deniers personnels Godin comble le manque à gagner. Le journal devient mensuel en 1888 et cesse de paraître en 1906.

Michel Lallement
Laboratoire interdisciplinaire de sociologie économique (LISE, Cnam/CNRS)