Leçons de physique expérimentale
TOME 1
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- LEÇONS
- DE PHYSIQUE
- EXPÉRIMENTALE.
- TOME PREMIER.
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- LEÇONS
- DE PHYSIQUE
- EXPÉRIMENTALE.
- Par M. V Abbé NoLLETj de V Académie Royale des Sciences, & delà Société Royale de Londres.
- TOME PREMIER.
- Second£ Edition»
- Chez les Freres Guérin , rue S. Jacques * vis-à-vis les Mathurins, à S. Thomas
- d’Aquin.
- M. DCC. XLV.
- Avec Approbation, & Privilège du Roy*
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- A
- MONSEIGNEUR
- LE DAUPHIN»
- ONSEIGNEUR
- Ayant conçu le dejjein décrire & de donner au Public les Leçons de Phyfique expérimentale que je-fais de vive voix depuis plufteurs Tome I. a
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- ij E P I T R E.
- années , pourr ois-je les lui offrir dans une circonfiance plus heureu-je que celle oh Vous voulez bien les honorer de votre préfence & de votre attention ? En mettant au jour cet Ouvrage, je fuis dif penfé maintenant de vanter ïutilité deJon objet à* en faire con-noître la dignité ; l'une & ï autre font prouvées, dès que cet objet efl de votre goût & qu’il a été approuvé parle fage Confeil qui régie vos Etudes : un tel exemple apprendroit, fil'on ne leffavoit pas, que la connoiffance des effets naturels convient à tous les états ; on pourr oit en conclure auffi quelle convient à tous les âges , fi vous ri aviez fait que des progrès or-, dinaires dans les autres fciences y
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- EPI T R E. îrj
- fi ton ignorait les preuves que vous avez données d’un génie pré- ' maturé.
- Depuis dix ans que je travaille à former & a perfectionner une Ecole de Phyfique > ce qui a le plus animé & foutenu mon zélé dans cette laborieufe entreprife r
- défi, MONSEIGNEUR,
- de ni être flatté que je pourrais un jour vous en offrir les fruits ; je touche enfin au terme de mes défit s & de mes efpérances ; vos ordres m appellent.
- Le Public qui apprendra mon bonheur par cette Epître, verra fans doute avec plaifir , qu en faifant ufâge de mes foibles ta-lens , vous honorez de vos regards & de vos faveurs m étabhffe-
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- ïv E P I T R E,
- ment auquel il a bien voulu ap~ plaujir i & tout Ie monde Jen-tira comme moi-même, combien je fuis heureux d'avoir une occasion Ji favorable d* exercer mon zélé , & de donner un témoignar ge public de ïattachement inviolable du profond refpeél avec lefquels je dois & je veux être toute ma vie 9
- MONSEIGNEUR,
- .Votre très-humblè, très-obcif-Tant, & très-fïdele Serviteur $ J. A, NOLLET.
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- PREFACE-
- UN E fcience qui n’embrafle que des queffions frivoles ^ ou qui termine celles quinepa-roiffent être de quelque ittipor-tance que par des probabilités* ôc en s'appuyant fur des hypo-théfes, n’intéreffe ordinairement qu’un petit nombre d’efprits ; il eft rare qu’on y prenne goût., ÔC le tems ne peut guéres en étendre les limites, s’il n’en réforme l’objet ; parce que le défir de fçavoir qui naît avec nous, ôt qui peut feul exciter notre attention , nous porte naturellement vers le vrai, & ne peut nous y fixer que quand nous y prenons quelque intérêt»
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- .j P RE F A C E.
- L’hiftoire de la Phyfique 9 fi l’on fe rappelle les révolutions qu’elle a éprouvées ? eft très-capable de juftifier cette réflexion.
- Pendant près de vingt fiécles 3 cette fcience n’a été prefque autre chofe qu’un vain aflembla-ge de fyftêmes appuyés les uns fur les autres , & affez fou vent •oppofés entre eux. Chaque Phi-lofophe fe croyant en droit d’élever un pareil édifice à fa mémoire , s’eft efforcé de l’établir fur les ruines de ceux qui Pa-voient précédé ; de tems en tems Ton a vu qu’une vraifemblance en effacoit cent autres.
- s
- Ces exemples tant de fois renouvelles j ne dévoient pas donner beaucoup de crédit aux opinions philofophiques ; l’effet le plus naturel qu’on devoit en at-
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- PREFACE. vi|
- tendté, & qu’ils ont eu, c’etoit de tenir les hommes dans la dé-fiance fur la dodrine des Phyfi-ciens ; ôc Ton ne doit pas être furpris que leur curiofîté n’ait été que médiocrement piquée par des connoiflances ou ils voyoient régner tant d’incertitudes. L’ob£ curité du langage a dû les rebuter encore plus. Dans ces tems de barbarie , comme fi les fcien-ces rougifîant de leur état, n’euf-fent ofé fe montrer à découvert, ceux qui faifoient profeÆion de les poflféder, affedoient des ex-preflions qui n’offroient que des idées confufes , 6c dont la plupart étoient abfolument inintelligibles pour quiconque n’étoit pas encore convenu de s’en contenter. On donnoit pour des explications certains mots vuides de
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- vïij PREFACE. fens, qui s’étoient introduits fous les aufpices de quelque nom célébré _> ôc qu’une docilité mal entendue avoit fait recevoir, mais
- dont un efprit raifonnable tïë 'pou-
- voit tirer aucune lumière. s
- Enfin la Phyfique fi mal cultivée jufqu’alors , ôc fi peu connue 9 parut au grand jour, ôc fe fit goûter lorfqu’elle offrit des découvertes utiles , des vérités évidentes , lorfqu’elle put fe faire honneur d’être entendue de tout le monde. Defcartes fon premier réformateur, après l’avoir tirée dé l’obfcurité des écoles , où elle avoit vieilli fous l’autorité d’A-riftote, ne lui laiffa, pour ainfi dire , que le nom qu’elle avoit coutume de porter , ôc la rendit telle que les Ecoles réformées elles-
- mêmes peu-à-peu , ont adopté
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- P R E î A C £, k
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- depuis ce qu’elle a reçu de nouveau } ôt l’enfeignent préfente-ment en termes intelligibles.
- Cette réforme porta principalement fur la manière d’étudier la Nature. Au lieu de la deviner 9 comme on prétendoit l’avoir fait jufqu’alors 3 en lui prêtant autant d’intentions êc de vertus particulières , qu’il fe préfentoit de phénomènes à expliquer ; on prit le parti de l’interroger par l’expérience, d’étudier fon fecret par des obfervations affidues ôc bien méditées , & l’on fe fit une loi de n’admettre au rang des connoif* fances , que ce qui paroîtroit évidemment vrai. La nouvelle méthode fit de véritables Sçavans ; & leurs découvertes excitant de toutes parts l’attention ôc la cu-riofité, on vit naître des amateurs
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- * PREFACEj .
- de tout fexe ôc de toutes conditions.
- Le goût de la Phyfique deve-nu prefque général, fit fouhaiter qu’on en mît les principes à la portée de tout le monde. Bien-tôt on vit paroître en différentes Langues dès Traités élémentaires 9 qui remplirent à cet égard les dé-firs du Public» Mais la fcience dont ils traitent, fe perfe&ionnè tous les jours ; les découvertes fe multiplient 9 les erreurs fe corrigent , les doutes s’éclaircifTent : les mêmes motifs qui ont fait écrire ces élémens , doivent porter à les renouveller de tems en tems , pour y faire entrer les augmentations , les corrections, les éclairciffemens qui intéreffent né-ceffairement ceux qu’une louable curiofité rend attentifs aux pro-
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- PREFACE. xj
- grès de cette fcience. D’ailleurs il eft à propos que ces fortes d’ouvrages foient proportionnés au génie & à la portée des per-fonnes à qui on les deftine : j’en connois d’excellens en ce genre qui réu/IilTent en Angleterre, en Hollande , en Allemagne , Ôc qui, s’ilsétoient traduits dans notre Langue, n’auroient peut-être pas un aufïi grand nombre de Lecteurs en France, parce que les principes y font ferrés , ôt qu’if faut, pour les entendre, une attention tropfuivie de la part de ceux qui ne voudroient que s’amufer utilement , & parce qu’on y a employé plus de géométrie que les gens du monde n’en fçavent communément.
- Il y a environ cinq ans, que publiant le Programme de mon
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- iij PRETA C E.
- Cours de Phyfique expérimenta* le j je rendis compte de la manié* re dont j’avois formé cet établi!* fement êc des progrès qu’if avoir faits depuis fa naiffance. J’offris alors ce petit volume au Public ? comme une Table * des matières que je me propofois deraffembler dans un ouvrage plus confidéra-ble , pour lui être préfenté, s’il continuoit de m’accorder fes fuf-frages, ôc fi j’avois lieu de me flatter que mes leçons fuffent encore de fon goût. Cette condition a été remplie au-delà de mes vœux : lorfque je la fis , c’étok un motif, & en même tems une régie que je prefcrivois à mon zélé ; mais je ne regardois alors qu’autour de moi ; attentif au ju-
- * Programme , ou Idée générale d’un Cours de Phyfique, dans la Tréf. p. xxxin.
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- PREFACE. xiij gement qu’on porteroit de mes efforts & de leurs £uccès , je n’é-tendois point mes vues plus loin que l’enceinte de Paris. Je ne préfumois pas que mes foibles talens fe feroient connoître au? delà des Alpes , * Ôc que j’au? rois l’honneur de les aller exercer dans une .Cour étrangère* Je ne préfumois pas que mon Ecole feroit non-feulement applaudie , mais imitée dans nos provinces ** par les Collèges,
- * En 173g. je fus appelle à la Cour de Turin, où je refiai près de fïx mois pour donner des Leçons de Phyfique à S. A. R. Monfeigneur le Duc de Savoye. Après quoi le Roi fit placer à l’Univerfité tous les inftrumens que j’avois portés, afin que les Profefleurs puffent s’en fervir dans la fuite pour cultiver Ôc pourenfeigner la Phyfique par voie d’expérience.
- * * Pepuis la publication de mon Pro-gramme, plufieurs Collèges de Meflieurs de l’Oratoire , de la Doctrine Chrétienne, ôc de Saint Lazare , fe font mis dans l’ufa-ge de repréfenter les preuves d’expérience
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- sîv PREFACE/
- par les Univerfités , par les Aca-; demies même. Enfin je ne pré-finnois pas que nos Princes ho-noreroient * mes Cours 6c de feur préfence, 6c de leur attention ; qu’ils voudroient bien unir leur voix à celle du Public , 6c que l’épreuve qu’ils feroient de ina manière d’enfeigner , me vau-droit enfin l’honneur de travailler fous les yeux 6c pour l’utilité de
- dans les exercices publics.
- L’Univerfité de Reims en ufe de même 6c j’y ai envoyé' une colleétion d’initru-mens qui eft déjà très-confidérable. L’Academie Royale des Sciences 6c Belles. Lettres de Bordeaux, s’eit aufii meublée depuis quelques années un beau Cabinet de Machines 6c d’inftrumens de Phyfique » dont elle m’a fait l’honneur de confier l’exécution à mes foins.
- * En 1738. Monfeigneur le Duc de Pen-thiévre voulut voir un de mes Cours de Phyfique , auquel S. A. S. afïifta avec beaucoup d’afiiduité 6c d’attention ; peu, de tems après j’eus l’honneur d’en faire un à^VerfailIes pour S. A. S. Monfeigneur le: I>uc de Chartres, à la clôture de fes étua des.
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- PREFACE. x¥ Monfeigneurle Dauphin. Ce dernier avantage excitoit mon zélé ; mais je le défirois plus alors que je n’ofois Fefpérer.
- ’ Ces événemens que je ne rap^ pelle point ici par un fentiment de vanité , quoiqu’ils (oient bien capables d’en infpirer , m’affu-rent en quelque forte du fuecès de mon entreprife, & de l’approbation que l’on veut bien lui continuer. C’eft donc pour m’acquitter de la promeffe que j’ai faite fous cette condition, que je, publie aujourd’hui cet Ouvrage., Je ne m’excuferai pas d’en avoir différé cinq ans l’imprefîion ; (i; j’ai quelque reproche à craindre , c’eft peut-être de l’avoir donné trop-tôt ; car s’il eft tel que je le fouhaite, les perfonnes à qui je: le deftine , ne, me fçauront pas.
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- m) PREFACE, mauvais gré d’y avoir employé tout le tems qu’il me falloit pour le rendre digne d’elles.
- Le titre de l’Ouvrage annon* ce ce qu’il eft ; ce font mes Le* çons telles que j’ai coutume de les faire depuis neuf ans, à des Compagnies qui s’aflemblent pour les prendre en commun. Je fuppofe toujours que le plus grand nombre n’eft pas en état d’entendre les expreflions d’Al» gébre ou de Géométrie , & certains détails qui s’écartent trop des premiers principes ; je penfe aufïi que l’utilité qu’on en peut attendre, ne feroit point apper-çûe par ceux qui ne font que s’initier j ou qui ont réfolu de ne donner à cette étude que des mo« mens de récréation, qui ne prennent rien fur des occupations
- plus
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- P R E PAGE, xvij plus néceflaires relativement à leur état ou à leur goût. C’eft pourquoi, plus occupé du foin de me faire entendre , que du reproche qu’on me pourroit faire d’avoir abandonné le langage des Sciences dont il eft aflez ordinaire de fe parer, je tâche de parler ôc d’écrire comme ont fait avant moi quantité d’Auteurs reconnus pour bons, & dont les Ouvrages pour la plupart peuvent être mis entre les mains de tout le monde.
- Ce n’eft pas que je n’eftime, comme on le doit, ces façons de s’exprimer qui font certainement plus précifes , plus abrégées, ôc qui mettent en état de fuivre plus loin une grande partie des con-noiflances qui font l’objet de mes Leçons ; je m’en fers même fort utilement, lorfque je travaille en
- Tome L b
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- xviij PREFACE. particulier avec des perfonnes qui veulent faire une étude plus férieufe de la Phyfique, ôc qui s’y font préparées par celle des Mathématiques ; mais ayant égard au plus grand nombre de mes Le&eurs, je n’ai pas cru qu’il fût à propos de faire entrer dans le même Ouvrage ces calculs ôc ces détails,dont ils pourront abfolument fe paffer , ôc qui exigeroient d’eux plus d’efforts ôc d’application qu’on ne peut, ou qu’on ne doit en attendre ; j’ai mieux aimé les réferver pour des volumes fépa-rés, que je pourrai donner dans la fuite par forme de Supplémens* Ôc fous le titre d’Annotations» Quoique je me fois abftenu d’employer aucune exprefïion d’Algébre, aucun ligne de Géométrie , par ménagement pour le
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- PREFACE, xix
- Leéteur à qui ce langage ne ferait point alfez familier ; je n’ai pour* tant point porté ces fortes d’égards jufqu’à m’interdire l’ufage des termes confacrés : j’ai conformé ma diêtion à celle qui eft généralement reçûe, afin que la lecture de mon Ouvrage puiiTe fervir d’introduêtion à celle des autres Livres de Phyfique ; mais j’ai eu foin de diftinguer ces mots par le caraélére italique , la première fois qu’ils font employés , de les définir, & de les expliquer le plus nettement qu’il m’a été poffible* Et pour ne point interrompre aufi fi le difcours par des définitions trop fréquentes, êc qui feraient inutiles pour quantité de perfon-nes , j’ai mis à la tête de ce premier Volume un petit Di&ion-naire Ôc une Planche où les Com-
- bij
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- XX P R E F A C '£:
- mençans trouveront Pexplicatîon des termes qui fe rencontrent fréquemment dans le corps de l’Ouvrage y ôc que j’ai fuppofé être connus du plus grand nombre.
- Je ne me préfente ici fous les aufpices d’aucun Philofophe ; ce n’eft ni la Phyfique de Defcartes, ni celle de Newton , ni celle de Leibnitz 5 que je me fuis prefcrit de fuivre particuliérement ; c’efl, fans aucune préférence perfon-nelie, ôc fans diftin&ion de nom, celle qu’un accord général ôc des faits bien conftatés me paroiflent avoir bien établie. Pénétré de ref-pe£t, ôc même de reconnoiffance, pour les grands hommes qui nous ont' fait part de leurs penfées , ôc qui nous ont enrichis de leurs découvertes, de quelque Nation qu’ils foient , ôc dans quelque
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- PREFACE. xxj
- te ms qu’ils ayent vécu, j’admire leur génie jufques dans leurs erreurs , ôc je me fais un devoir de leur rendre l’honneur qui leur efl dû ; mais je n’admets rien fur.leur parole, s’il n’eft frappé au coin de l’expérience ou démontré félon les réglés : en matière de Phylîque, on ne doit point être efclave de l’autorité ; on devroit l’être encore moins defes propres préjugés , reconnoître la vérité par-tout où elle fe montre , ôc ne point affe&er d’être Newtonien à Paris, ôc Cartélien à Londres.
- Pour me renfermer plus exactement dans les bornes de mon Titre, je me fuis difpenfé de rapporter les différens fyftêmes qui ont été propofés fur le méchanif* me de l’Univers , ôc qui ont partagé les Phiiofophes tant anciens
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- xxiJ PREFACE.
- que modernes. Quoiqu’on puifle abfolument ignorer tous ces efforts d’imagination qui, pour la plupart, ne font point aiïez d’honneur à l’efprit humain, & dont le plus beau ne peut pafTer que pour xmmgèmQUxpeut-être, cependant on ne peut guéres fe refufer la connoiflance de ceux qui ont eu îe plus de crédit, & je rapporte-rois volontiers ici ce qu’ont pen-fé Defcartes ôc Newton à cet égard, fi je n’avois été prévenu par un Auteur, dont l’Ouvrage eft entre les mains de tout le monde, ôc qui a traité cette matière avec le même agrément qu’on rencontre dans tous fes écrits.
- C’eft encore pour ne point pafTer au-delà d’une Phyfique fen-fib’e &c appuyée fur des faits , que * Hilt du Ciel, liv. z,
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- PREFACE. xxîij j’écarte foigneufement toutes les queftions métaphyfîques qui pour-roient tenir en quelque forte aux matières que j’ai à traiter ; fi l’on eft curieux de fuppléer à cette omifïion, que j’ai faite à deïïein, on pourra lire avec beaucoup de fatisfaûion les ouvrages du P. Ma-lebranche, ôc fur-tout celui qui a pour titre, laReeherche de la Vérité\ J’ai fuivi, en écrivant mes Leçons , la même méthode que j’ai coutume d’employer quand je les fais de vive voix. Je choifis dans chaque matière ce qu’il y a de plus intérelfant, de plus nouveau, ôc qui me paroît le plus propre à être prouvé par des expériences. J’explique , avec le plus de précifion ôc de netteté qu’il m’eft poiïible , l’état de la queftion ; j’en rappelle l’origine, ôc j’indique, autant que
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- xxîv PR Ê P A C JE.
- je le fçais, les Auteurs qui pafferiÊ pour l’avoir traitée avec le plus de fuccès : je la prouve enfuite par des opérations dont je fais connoître le méchanifme., ayant foin d’en écarter tout ce qui pour-roit s’y mêler d’étranger, pour ne point partager l’attention. Enfin je ramène, foit à la queftion même , foit aux faits qui m’ont fervi de preuves , tout ce qui peut y avoir rapport dans les phénomènes de la nature , dans les procédés des Arts, dans les machines le plus en ufage pour les commodités de la vie civile. C’eft ainfi que j’en ai toujours ufé depuis Pé-tabliffement de mes Cours ; ôc quoique j’aye étudié avec attention le goût du Public à cet égard* je n’ai rien apperçu qui put me déterminer à changer cet ordre :
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- PREFACE, xxv fai crû voir au contraire qu’il avoir tout l’effet que je m’étois propofé qu’il eût. Il m’a femblé que des principes allez fouvent abftraits , & que l’on ne pourroit apprendre de fuite fans une application laborieufe , s’inlinuolent plus aifément dans l’efprit, lorf-qu’ils étoient ainfi entrecoupés par des expériences intéreffantes, qui obligent d’en reconnoître ôc la vérité & l’utilité.
- Dans la diftribution des Matières qu’on doit regarder comme le fond de cet Ouvrage , je me fuis attaché à ralfembler fous un même titre, celles qui font néceflairement liées enfemble , & j’ai eu foin de faire précéder les propositions qui peuvent s’entendre plus facilement, ôt qui doivent fervir comme de princi-
- Tome L ç
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- xxvj PREFACE: pes pour l’intelligence des autres; ainfi quoiqu’on puifle à la rigueur* prendre chaque Leçon féparé-ment, & que la plupart ayent en-tr’elles une efpéce d’indépendance , je confeillerai toujours au Leêteur qui voudra les fuivre avec plus de facilité ôc de profit * de les voir dans l’ordre où elles font, parce qu’il trouvera dans les premières des notions qui pourront l’aider pour la fuite.
- Les faits dont je me fers pour prouver mes proportions, ne font pas toujours ni aufli nombreux ni suffi nouveaux qu’ils pourroient l’être. Ceux qui ont vu l’appareil de mes Inftrumens, en affûtant à mes Cours , feront peut-être fur-pris de ne retrouver dans les gravures de cet Ouvrage,qu’une par-' de de ce qu’ils ont vu dans mes
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- PREFACE, xxvij tabinets ; il eft jufte d’expoferles motifs qui m’ont fait fupprimer ce qu’on pourroit peut-être défirer de plus , fi j’annonçois ces volumes comme un recueil de mes Démonftrations.
- * Depuis que j’enfeigne la Phy-lîque expérimentale, fai eu tout lieu de reconnoître que le moyen le plus fiir de captiver Pattention, ôc de faire naître promptement les idées, c’eft, fuivant la penfée d’un Poète célébré * , de parler aux yeux par des opérations fen-fibles. En conféquence de cette vérité, je me fois pourvu de certaines machines que j’ài imaginées pour faire entendre mes penfées aux perfonnes qui n’ont des Sciences qu’une teinture très-
- * Segnius irritant animos dsmijjh per aures9 (hiàm qiice finit oculis fnbjecla fidelibus.
- Horat. de Arte Poet.
- cij
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- xxviij PREFACE. légère , & pour leur faire prendre plus facilement ôc en moins de tems , certaines notions fans lef-quelles on ne faifiroit pas bien l’état d’une queftion, ou les preuves qui en établiffent la théorie. Mais comme ces moyens n’ont de force que dans l’ufage même qu’on en fait, & que les pièces qui les compofent n’expriment rien , fi elles ne font en jeu ; il eût été inutile d’en donner la figure ou la defcription ; c’eût été multiplier , fans aucun avantage ^ des planches qui font déjà allez nombreu-fes.
- Une autre raifon pour laquelle je me fuis difpenfé de repréfen-ter dans cet Ouvrage tout ce qu’on voit dans mon Ecole, c’eft que je n’ai pas crû devoir y faire entrer plus d’expériences qu’il
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- P R E F A C E< xxix
- h9en faut pour prouver folide-ment la do&rine qu’il renferme. Je l’ai déjà dit^aillenrs * ; je n’ai -jamais prétendu faire de mes Leçons un fpeétacle de puramufe-ment, où l’on vît répéter 9 fans deffein ôc fans choix , un grand nombre d’expériences capables feulement d’occuper les yeux. Je crois être plus en état que perforine en France , de fatisfaire les Curieux par l’aflbrtiment des machines dont je fuis muni : mais je ferois peu flatté qu’on ne vînt chez moi que pour y voir opérer; & je fuppofe toujours une eu-riolité plus raifonnable dans mes Auditeurs. C’eft pourquoi de tous les faits que je fuis en état de produire pour prouver chaque Pro-
- * Program. ou Idée gén. d’un Cours de Ployf. dans la Préf. p. x.
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- C llj
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- xxx P R E F A C E. pofition , je n’eniploye jamais qu’un certain nombre qui foit fuff fifant ; & par cette œconomie je gagne du tems pour des chofes plus néceffaires, ôc je me mets en état de varier agréablement & utilement mes preuves } pour des perfonnes qui alîiftent plusieurs fois à mes Cours. J’ai eu la même attention en écrivant; je n’ai point voulu que le Leéleur, ébloui d’un nombre fuperflu d’opérations,pût perdre de vue la do&rine qu’il s’agit d’établir ; en lui rapportant des faits dignes d’attentionjj’aicomp-té mettre fous fes yeux des preuves qui affermiffent fes connoif-fanees. En un mot , foit en ouvrant mon Ecole au Public, foit en lui offrant mes Leçons écrites , mon intention a toujours été qu’il y trouvât un cours de Phy-
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- PREFACE, xxxj
- ïïque expérimentale -, ôc non pas un cours d’expériences.
- Par la defcription que j’ai donnée des inftrumens fous le titre de Préparation, je n’ai pas prétendu mettre fuffifamment au fait de leur conftruélion ceux qiti voudroient les imiter : ü àuroit fallu entrer dans un détail de proportions , de choix de matières > de précautions à prendre , & bien. Souvent de connoifTances un peu étrangères à mon objet, qui àuroit grolïi confidérablement les volumes, ôc cela en pure perte pour la plupart des Leéleùrs, à qui il fuffit de voir en gros, qu’un tel effet peut être produit par une certaine méchanique. Mais comme je fens de relie combien il fé-toit utile qu’il y eût de bonnes
- inllruÛions fur le choix des Inf*
- • • • • c 111)
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- xxxij PREFACE. trumens de Phyfique, ôc fur îà manière de les conftruire, pour aider le zélé des Amateurs ou des Sçavans qui s’appliquent à cette Science, ôc dont le nombre s’accroît tous les jours ; j’ai réfolu de ralfembler dans un Ouvrage fépa-ré ce qu’un long ufage aura pu .m’apprendre touchant cette matière. Ce deffein s’éxécute aèluel-lement, ôcl’on en peut voir quelques fragmens dans les Mémoires de l’Académie des Sciences pour les années 1740 ôc 1 741 , où j’ai feulement fupprimé les. pratiques qui regardent l’Ouvrier.
- Quant au choix des expériences , j’ai quelquefois préféré celles qui font connues depuis long-tems, à d’autres plus récentes 3 parce que je leur ai trouvé un rapport plus direél aux proportions
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- PREFACE, xxxiij que j’avois à prouver, ou parce-qu’elles donnoient lieu à des applications plus intéreffantes > ou bien enfin parce qu’elles m’ont oarutrop belles pour être omifes ; !.eur date alors m’a fembîé d’autant plus indifférente j que , com-’ me cet Ouvrage n’ell point fait ,oour des Sçavans de profeffion, ..a plupart de ceux qui les y verront , leur trouveront encore tout ..l’agrément de la nouveauté : & d’ailleurs les chofes n’ont-elles de mérite qu’autant qu’elles font nouvelles ?
- On me reprochera peut-être d’avoir fait entrer dans les Applications quelques remarques d’une mince utilité ; foit que l’objet en mérite peu la peine , foit qu’elles fe préfentent d’elles - mêmes à tout le monde. Mais on doit
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- xxxiv PREFACE, faire attention que cet Ouvrage m’eft pas fait feulement pour des perfonnes qui ont déjà vécu un certain teins dans le monde , ôc à qui l’ufage a donné quelques idées y obfcures Ôc confufes à la vérité , mais avec lefquelles on peut fentir les caufes prochaines de ces effets les plus communs. Je le deftine principalement aux jeunes gens de l’un ôc de l’autre fexe, qui patient les premières années de leur vie dans des Colleges ou dans des Pendons , pour qui tout eft nouveau dans la Nature y dont fefprit eft naturellement avide de ces fortes de con-noiffances, ôc qu’il convient d’accoutumer , par des exemples faciles ôc familiers, à des idées claires ôc diftintles , Ôc à des inductions judicieufes ; car 3 c’eft 1$
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- PREFACE, xxxv
- .réflexion d’un Seavant * bien ref-peêlé , ôc bien digne de l’être 5 qu’il eft toujours utile de penfer Julie, même fur des fujets inutiles.
- Au relie il faut prendre garde de confondre l’effet avec fa cau-fe ; l’unpourroit être connu du Payfan le moins inftruit, pendant que l’autre ne le ferait pas du plus fçavant Philofophe. Quelqu’un -ignore-t-il qu’une éponge , une pierre tendre , un morceau de fu-acre fe mouille entièrement avant -que d’être tout - à - fait plongé f -mais quelqu’un fçait-il bien pourquoi cela fe fait ? D’ailleurs les phénomènes les plus communs ne le paroiffent pas toujours également , quand on les conlidére par toutes les faces. Tout le mon-
- * M. de Fonteneîle , Hift. de T Acad, des Scienc. 16pp. dans la Préf. p.xi.
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- xxxvj PREFACE. de fçait qu’une pierre tombe eîî vertu defapéfanteur ; mais tout le monde ne fçait pas qu’en tombant elle doit parcourir des efpaces qui répondent aux quarrés des tems de fa chute. En faifant application de ce dernier effet,après l'avoir prouvé, fi je dis qu’une bouteille ou un verre peut fe caffer en tombant, afiurément je n’inftruis perfonne ; fi je dis encore qu’en tombant de plus haut, les corps fragiles courent un plus grand rifque , cette vérité ne pa-roîtra pas plus neuve que la première : mais fi j’ajoute qu’un. Corps grave en tombant fe brife en vertu de fa chûte accélérée., & qu’on peut prévoir Peffort qu’il fera capable de faire à la fin de cette chûte , en mefurant la hauteur du lieu d’où il tombe ; je ne.
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- P R E F A C E. xxxvij
- erois pas que cette obfervation loit inutile pour tous ceux à qui je la propofe;ôc fi quelqu’un après l’avoir lue fe plaignoit que j’aye voulu lui apprendre qu’un verre peutfe calTer en tombant, ou qu’il fe brife plus fûrement en tombant de plus haut, il feroit voir qu’il a peu de difcernement, ou beau* coup de mauvaife volonté.
- Grâces au bon goût qui régné dans notre fiécle, je puis me dif-penfer de prouver que la Phyfï-que eft utile, & qu’il n’y a perfon-ne qui ne puifïe prendre part aux découvertes dont elle s’enrichit tous, les jours. Quoique cette Science porte un nom Grec, on fçait maintenant que fon objet n’efi: point étranger ; que les con-noiiïances qu’elle offre intéreffent tout le monde, ôc que lorfqu’elle
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- xxxviij PREFACE. prononce par la voix de l’expérience , elle peut être entendue à tout âge ôc en tous lieux. L’étude de la Nature étoit encore pour ainfi dire, au berceau ; la connoifTance qu’on avoit de fes phénomènes ôc de leurs caufes , méritoit à peine le nom de Science , qu’un des plus grands hommes de l’Antiquité lâ vantoit déjà comme une refïource pour l’efprit humain , comme une occupation dont il pouvoit tirer avantage dans tous les tems ôc dans toutes les circonftances de la vie *. Avec combien plus de. raifon ne pourroit-on pas la recommander comme telle , à pré-
- * Hæc fludia adolefcentiam aluni, feneBu-tem oblsBant ; fecundas res ornant, adverfis perfugium ac Jolatiutn pnebent ; deleBant do-mi, non impediunt forts ; pernoBant nabif-cum , peregrinantur , YuJîïcanUir. Çic. pro Archia Poët.n0.16.
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- FRETA CE, xxxîx
- lent qu’elle occupe dans tous les états policés des compagnies de Sçavans , que les Princes honorent de leur proteètion , & qu’ils entretiennent par leurs libéralités ; à préfent, dis-je, que Tes progrès s’annoncent toüs les ans par des volumes , où chacun peut puifer félon fon goût, ou félon fes befoins , des connoiflances > dont le moindre avantage eft d’orner l’efprit.
- Quelque état que l’on prenne dans le monde, il eft bien rare que l’on n’ait pas à réfléchir fur la force des Corps qui fe meuvent par leur poids , ou autrement , fur celle des animaux, fur l’impulfionôt le‘mouvement des fluides, fur faction & fur les effets d’une infinité de machines, nouvelles ou anciennes, touchant,
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- xl P R E F A C E, le choix defquelles on a fouvent intérêt de fçavoir décider à propos. Eft-il poffible de voir ces effets admirables des téleicopes , des lunettes , des microfcopes , dont Pufage eft aujourd’hui fi commun , fans défirer d’en con-noître la méchanique & les propriétés ) fur lefquelies laconftruc-tion de ces inftrumens eh fondée? A qui peut-il être inutile d’apprendre ce qu’il y a de nouveau dans une Science d’où, dépendent nos amufemens les plus rai-lonnables, nos commodités , nos befoins ? A qui peut-il être indifférent de fçavoir ou d’ignorer des chofes qui peuvent occuper > au moins agréablement , dans des tems ou dans des lieux où les douceurs de la fociété nous manquent ?
- Mais
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- PREFACE, xlj
- Mais l’avantage le plus précieux , ôc que toute ame bien née ;ne manque pas de reffentir en étudiant la Nature , c’eft la né-ceffité où Ton eft de reconnoître .par-tout l’Etre fuprême qui a formé ce vafte univers , ôc qui préft-'.de fans celle à fes propres œuvres. Plus on avance dans cette étude, plus on eft convaincu que ce qui en fait l’objet, n’eft point une production du hazard ; tout y annonce une puilfance infinie qui étonne, une fagelfe profonde qu’on ne peut alfez admirer, des intentions ôc une bonté qui méritent toute notre reconnoiflan-ce. Ces merveilles que nous avons fous les yeux parlent au cœur autant qu’à l’efprit ; en éclairant l’un il eft naturel qu’elles touchent l’autre : ce que nous en apprenons Tome L d
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- xîij PREFACE. en nous rendant moins ignorans que le vulgaire, peut aufli faire naître en nous des fientimens plus vifs, ôc nous rendre plus fidèles à nos devoirs.
- Un illuftre Prélat en faifant PHiftoire de PEducation d’un grand Prince qui lui a voit été confiée > me fournit un exemple ôc une preuve bien authentique des bons effets qu’on peut attendre de, la Phyfique, lorfque les principes de cette Science font enfeignés avec defiein Ôc avec choix , ôc que celui qu’on en infi-truit efl: capable de réfléxion. Je finis cette Préface par la traduction de fies propres paroles ^ telle qu’on la trouve dans celui de fies
- * M. Bofluet, Evêque de Meaux, dans fa Lettre Latine au Pape Innocent XL touchant l’éducaiion de feu Monieigneur le Dauphin, p. 16,
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- PREFACE, xiiij Ouvrages qui a pour titre , Poli-tique tirée de F Ecriture Sainte , p. 41. * « Pour l’expérien-ce des cho » Tes naturelles, dit-il, nous avons » fait faire devant le Prince les » plus néceffaires ôc les plus bel-« les. Il n’y a pas moins trouve 3’ de profit que de divertiflement; » elles lui ont fait connoître l’in-» duftrie de Fefprit humain & les 33 belles inventions des Arts } foie 33 pour découvrir les fecrets de la 33 Nature ou pour l’embellir , ou 33 pour l’aider.Ma'is ce qui eft plus 33 confidérable , il y a découvert 33 l’art de la Nature même3ou plû-
- * Expérimenta veto rerum naturalium fie exhibere fecimus, utinhis Princeps ludo fiua-vijfimo atque utilifiîmo, humante mentis hifio-viam , præclaraque artiuminventa, quibusna-turam & retegerent & ornarent, inter dum ad~ juvarent ; ipfam déni que nature artem, immd fummt Opificis & patentiffimam & occultijfi-mam Providentiam mtr avenir. Eoffuet, io-co cilato.
- dij
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- xliv PREFACE.
- <»> tôt la Providence de Dieu > qui » eft tout à la fois fi vifible ôc il » cachée. «
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- XÏV*
- EXPLICATIONS
- De quelquef termes de Géométrie employés dans cet Ouvrage.
- AI R e , fuperficie ou efpace enfermé dans une figure quelconque; l’aire du cercle , par exemple , efi l’étendue qui efi; terminée par la circonférence.
- Angle, ouverture de deux lignes qui fe rencontrent en un point comme AC, B C, fig. i. le point de concours le nomme lefommetou h pointe de l’angle. On diffingue principalement trois fortes d’angles ; fçavoir, l’angle aigu , l’angle droit, & l’angle ohm : l’angle aigu efi celui dont l’ouverture ernbralfe moins que le quart d’un cercle qui au-roit pour centre le fommet de l’angle , comme A CB , fig. i. l’angle droit efi celui dont l’ouverture embrafle jugement un quart de cercle, comme A CD; & l’angle obtus efi celui dont l’ouverture cfl plus grande qu’un quart de cercle * comme A CE.
- Angulaire, qui a un ou plu.»
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- xîvj Explications. fieurs angles ; ce terme eft quelquefois1 employé pour lignifier qu un corps eft tranchant par plufieurs endroits.
- Arc, partie de la circonférence d’un cercle. Comme toute cette ligne eft di-vifée en 360 parties égales, les arcs le diftinguent entre eux par le nombre de ces parties ou degrés quïls contiennent ; ainfî l’on dit, un arc de 10, de 30, de yo degrés. Celui qui en contient jüfte-ment 90, fe nomme plus ordinairement quart de cercle ; comme loîfqu’il en a 180, on l’appelle communément demi cercle ; tels font les arcs A B D , A DF, fig. 1. On donne aufli le nom d’arc aux parties de toutes les autres courbes qui ne font point circulaires ; on dit l’arc d’une parabole , d’une ellipfe , &c.
- Atmosphère , vapeurs, ou exha-laifons qui fortent d’un corps, & qui l’entourent uniformément jufqu’à une certaine étendue; ce mot s’entend communément de la mafle d’air qui enveloppe le globe terreftre , & qui reçoit tout ce qui s’exhale continuellement de la terre.
- Axe, ligne droite qu’on fuppole immobile pendant que le corps qu’elle trayerfe fait fa révolution autour d’elle.
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- Explications, xlvîf ï’axe d’une fphere ou d’un globe , cft •une ligne droite qui pafife au centre , &c qui aboutit à deux points oppofés de la -furface , qu’on nomme pôles. L’axe d’un cône eft aufîi une ligne droite qui commence au fommet, & qui aboutit au centre de la bafe , comme IK , fig. 2.
- Base, ce qui fert de fondement & d’appui à quelque corps ou à quelque machine ; on appelle la bafe d’un cône ou d’une pyramide, le plan le plus bas qui les termine, comme le cercle repréfenté par LM K, fig. 2.
- Centre , milieu , ou l’endroit qui efl: egalement diflant de toutes les parties oppofées & correfpondantes d’un même corps. Le centre du cercle efl un point également éloigné de tous ceux qui compofent la circonférence , comme C, fig. 1. Le centre d’une fphere ou d’un globe, efl: le point qui efl: également diftant de toute la fuperficie. On donne quelquefois le nom de centre à un point qui n’eft pas également diflant de tous ceux qui terminent la figure ; il fuffit qu’il partage en deux parties égales tous fes diamètres : ainfi P peut être regardé comme le centre de l’ellipfe re-préfentée par la fig. 3..
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- fcîvnj Explication.'
- Cercle, figure terminée par une ligne courbe , dont tous les points
- D,F,G , &c. font également diftans d’un autre point C, qu’on nomme le centre , fig. I. On eft convenu de divifer tout cercle , petit ou grand, en 3 60 parties égales , qu’on nomme degrés ; de forte que ces parties font toujours proportionnelles , c’eft-à-dire , plus grandes dans les grands cercles, plus petites dans les plus petits, mais toujours en même nombre dans les uns &: dans les autres.. Chaque degré fie fubdivife en 60 minutes, chaque minute en do fécondés, & chaque fécondé en 60 tierces. Dans la fphére on diftingue deux fortes de cercles, les grands & les petits. Les premiers font ceux dont le diamètre palfe au centre même de la fphére , tels font l’Equateur, l’Horizon, le Zodiaque, &c. On appelle petits cercles , ceux dont le plan ne partage pas la fphére en deux parties égales ; ou , ce qui eft la même choie-., dont le centre n’eft pas le: même que celui de la fphére : tels font les cercles polaires, & les deux tropiques..
- Circonférence , ligne courbe qui rentre fur elle-même , qui termine & renferme un certain efpace ; telle eft la
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- ligne QfitR S, fig- 3. ou A D F G ? fig. 1. On confond affez fouvent le cercle avec fa circonférence ; cependant , à parler exactement, la circonférence eft une ligne qui termine, ,& le cercle eft l’efpace terminé.
- Cir e u l A 1 R £ , qui a la forme d’un cercle , ou qui fe fait en tournant autour d’un centre ; le mouvement d’u~ ne fronde eft circulaire.
- Concave , qui eft creux & rond ^ le dedans d’une calote ou d’un chapeau eft concave.
- Concentrique , .qui a je même centre ; le cercle n 0 h, fig. 4. eft concentrique! NO H, parce que le centre Ç eft commun aux deux.
- Cône, corps folide formé par la révolution d’une ligne droite fixée pa;r -up bout, & qui décrit par l’autre un cercle dont le rayon eft plus petit qu’efi-le ; c’eft la forme qu’on donne .communément aux pains de fucre ; voyez, la fig. a.de point I fe nomme le fiommet ou la f ointe du cône ; la ligne 1 K 3 Con axe $ ôc le cercle L MK, fabafe.
- Conique , qui a la figure d’un cône, .ou qui appartient au cône ; les différentes figures qui naiffent de la coupe 7’çmç L è
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- 1 Explications d’un cône, fe nomment feBions coniques*
- Convergents, fe dit de deux rayons de lumière qui tendent à fc réunir en un point. Si A C, B C, figure i. etoient deux rayons de lumière qui par-tiflent des points A & B, leur convergence feroit en C , & le degré de cette convergence feroit exprimé par la valeur de l’angle A CB.
- Convexe , courbé ou cintré comme la furface extérieure d’un globe.
- Corde, en terme de Géométrie eft une ligne droite dont les extrémités terminent un arc de cercle comme NO , fig. 4. Cette ligne fe nomme aufti fou-iendante. Si l’arc qu’elle mefure étoit la moitié de la circonférence, ou bien ïi elle palfoit au centre du cercle, alors elle fe nommerait diamètre.
- Courbe, fe dit d’une ligne don,t toutes les parties ne font pas dans la même direction , telle que l’arc AB D ,fig. 1. On appelle auffi furface courbe, celle dont toutes les parties ne font pas dans le même plan ; telle elt celle d’un globe, d’un cylindre, &c.
- Cube, corps folide régulier , terminé par flx faces quarrées & égales : les dez à jouer font de petits cubes : voyez, la fig. j".
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- E-X PLICÂTIONS. I{
- C ü B i q u e , qui a les dimenfions d’un cube ; un pied cubique exprime une quantité de matière contenue fous fîx faces, dont chacune eft d’un pied en quarré.
- Curviligne , qui eft compofé de lignes courbes.
- Cylindre , eft un folide compofé de plufieurs plans circulaires, égaux & concentriques : le premier & le dernier de ces cercles prennent le nom de bafe , & la ligne A B qui pafte par tous les centres, fe nomme Y axe du cylindre. Voyez, la fig. 7.
- Cylindrique , qui a la forme ou les dimenfions d’un cylindre ; ce qui doit s’entendre d’une cavité , comme d’un corps folide. Un corps de pompe doit être intérieurement bien cylindrique.
- Diagonale, ligne droite qui va d’un angle à l’autre oppofé , dans une figure à plufieurs côtés ; telle eilVX, fig. 6*
- Diamètre , ligne droite qui partage un cercle en deux parties égales , comme G D , fig. i. On appelle aufli de ce nom les lignes qui palfent par le centre des autres figures ; comme S T, fig. 3. pu VX9fig. <5. Onmefure les cercles par
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- EJ Explications. leurs diamètres , comme auflî toutes les figures j & tous les corps réguliers qui' font compofés de cercles ; ainfi l’on compare Tes cylindres & les fphéres par leurs diamètres.
- Divergents , fie dit de deux rayons de lumière qui partent d’un même point, & qui vont eh s’écartant l’un de l’autre , comme CJ, CB, partant du point C , jfig. i. là divergence fe mefure par la valeur de l’angle que font les rayons en s’écartant.
- Equilatéral , qui a fes côtés égaux, tel eft le triangle CD E, fig. 8. compofé; de’ trois lignes égales ; celui des côtés fur lequel' le triangle eft pofé , fe nomme fa bafe, & l’angle qui eft oppofé, s’appelle lefommet.
- Exagoné, qui a fix côtés ou fix-faces ; on dit un plan- exagone, une pyramide exagone.
- Excentrique , qui n?a pas le même centre ; le cercle ohi, fig. 4. eft ex-. centrique aux deux autres de la même figure, parce que fôn centre D n’eft pas le même que le leur qui eft en C ; & la diftance qui eft entre C & D, eft la me-’ fure de cette excentricité.
- Globe, eft un folide régulier ,
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- Explications. îiij dont tous les points de la furface font également diftans d’un centre commun ,
- fiZ' 9* «
- Globule, petit globe : on le fert fouvent de ce mot pour lignifier urt petit Corps rond dans tous les fens ; le mercure en fe divifant fe met en globules ; les petites parties- d’air paroifîentr dans lyeau en forme de globules.
- - Hemisphere r moitié de fphére ou. de globe : on entend alfez fouvent par. ce mot , cette partie: de la terre qui efi: bornée, par. l’horizon rationel ; le. Soleil: édaire tous les jours notre hémifphére.
- Horizontal , parallèle à l’horizon : ce mot défigne la pofition d’un plan ou: d-’une ligne..
- IN c i d e N c e , lignifie-la chute oir la diredion d’une ligne fur une autre ligne ou fur un plan : on appelle angle' $ incidence , celui qui efi formé par cet-; te rencontre;
- Ligne, efi: une fuite de points qui-fe touchent : s’ils font, dans là même di-redion, ils forment une ligne droite „
- * <ù>
- comme-E F, fig. 10. finon ils font une: ligne courbe comme EGF. On. conçoit toutes les lignes courbes comme des af-fcmblages de lignes droites- infiniment:
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- lîv Explications; petites , inclinées les unes aux autres, JEf,fg, gh, i k, &c. fig. I o. en ce fens il n’y a point de ligne coqrbe proprement dite..
- Obtus , fe dit d’un angle qui a plus, de ço degrés. Voyez. Angle.
- Parallèle, fe dit d’une furface ou d’une ligne qui, dans toute fon étendue , ell également diftante d’une autre ligne ou d’une autre furface. Les lignes Xx & Vu, de la fig. 6. font parallèles entr’elles.
- Parallélogramme , figure plane dont les côtés oppofés font parallèles entr’eux ; telle efi: la fig. 6.
- Pentagone figure plane , terminée par cinq côtés.
- Perpendiculaire , en parlant d’une ligne ou d’une fuperficie , fignifie qu’elle fe préfente à une autre ligne ou furface , de manière qu’elle fait avec elle deux angles droits , ou au moins un ; la ligne HI,fig. il. ell perpendiculaire a LM.
- Plan étendue ou fuperficie droite & unie , terminée par une ou par plu-fieurs lignes droites ou courbes : la fig. I. repréfente un plan circulaire ; la fig* S. repréfente- un plan quarré.
- PoiNTj étendue fort petite, dont
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- Explications. î#
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- jbn confond les dimeniîons.
- Pôle , l’une des extrémités de l’axe* autour duquel- fe font des révolutions. Les pô.les du Monde font les deux points: immobiles autour defquels fe fait le-mouvement de toute lafphére.
- Polygone , figure qui a plufieurs côtés ; c’efl le nom générique dont les efpéces font, le tÉangle , le quarré, le pentagone , l’exagone , &c.
- Prisme , corps folide terminé aux deux bouts par des . plans polygones * égaux- 3 lemblables & parallèles, &dans fe longueur , par autant de parallélogrammes qu’il y a de côtés aux deux polygones qu’on nomme les bafes. Quand ces deux bafes font des triangles, le prifme fe nomme triangulaire, tel eft celui qui eft repréfenté par la fig. 12.
- Prismatique , qui a fe figure d’uu prifme , ou qui a quelque rapport au. prifme r on- appelle verres prifmatiques, ceux dont on fe fert pour féparer les rayons de la lumière : on appelle aufli quelquefois couleurs frïfmatiques , les rayons colorés de lumière, qu’un prifme de: verre fait appercevoir.
- Pyramide , corps* folide qui a plufieurs faces} & qui s’élève en diminuant3
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- A- »•
- Explications.-
- fig. 13. Le cône peut être regarde com^ me une pyramide ronde.
- Quadrilatère , figure terminée’ par quatre lignes droites. Ld. figure 6 eft im quadrilatère régulier.
- Quarre’ , figure à quatre côtés, quÿ à les quatre angles droits ; fi les quatre côtés font égaux, elle fe nomme quar-' ré parfait ; s’il y en a #eux longs & deux courts , qui foie'nt oppofés entr’eux s elle fe nommé qudrré long ; la fig. 6 efl: de la- première efpéce.
- Rayon ,én- parlant d’un; cercle , eft une ligne droite tirée du centre à la circonférence , telle eft CB ou CD 7 fig. 1. le rayon du- cercle s?appeile aufîi demi-diamètre.-
- Rectangle , fe dit d’une figure qui-a un ou plusieurs angles droits : le triant gle V X u , fig- 6 eft reélangle , parce que l’un de fes angles u eft droit.
- Rectiligne,qui eft compofé de lignes droites; les deux triangles , ouïe quarré-de là fig. <5 font des figures reétilignes..
- Secteur, eft un triangle formé par un arc & par deux rayons : tel eft ABC^ fig 1 .Le fecteur d’une fphére eft un cône; droit, donc la bafe aboutie au-plan d’um fegment,.
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- Explications. îvîf
- Segment , eft une portion d'une'figure curviligne , terminée par un arc & par une corde; O Z -N, fig. 4. eft un fegment de cercle. On dit auiïi fegmenc dejfhére , pour exprimer la partie qui eft contenue fous une portion de la fur-face convexe, & fous un plan qui ne paffé point par le centre ; c’eft en quoi le fegment diffère de f’hémifphére.
- Sinus , eft une ligne droite qu'on tire de la pointe d'un arc de cercle , perpendiculairement fur le diamètre qui paffe par l’autre bout du même arc 5 & celui-là s’appelle finus droit : comme H K j fig. 1. mais la partie du diamètre coupé par le fînus droit jufqu’à la circonférence , s’appelle finus verfe , ou flèche,K G & le rayon entier, ou demi-diamètre * eft le finus mal, ou le plus grand def tous les finus.
- Sphere. Voyez Globe.
- Spherïque , qui a la figure d'une* fphére , comme une balle parfaitement tonde de toutes parts.
- Sphéroïde , corps- folide qui approche beaucoup dé la figure fphéri-que , mais qui n’efï pas parfaitement fond de toutes parts , n’ayant point tous fis diamètres égaux ; telle eft la figure
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- îviif . Explications.’ qu’on attribue maintenant à la Terre;
- Triangle , figure comprife fous trois lignes qui forment trois angles , €DE, fig. 8. Les triangles reçoivent différens noms , fuivant la nature des lignes & des angles qui les compofent. Ainfi l’on appelle triangle rettiligne celui qui eft compofé de lignes droites ; curviligne, celui qui eft formé par des lignes courbes ; mixte , celui dont les côtés font en partie droits & en partie courbes ; reÜangle, celui qui a un angle droit ; équilatéral , celui dont les trois côtés font égaux , &c.
- Vertical , fe dit de ce point du Ciel qui répond dire&ement au-delfus de no-ïre tête, ce que l’on nomme autrement Zénith. : une ligne qui tombe à plomb de ce point, eft nécelfairement perpendiculaire à l’horizon ; c’eft pourquoi l’on fe fert quelquefois de ce mot pour exprimer une direction qui tombe à angles droits, fur un plan horizontal.
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- LEÇONS
- DE PHYSIQUE
- EXPÉRIMENTALE.
- Première Leçon.
- Préliminaire.
- A Phyfique eft Iafcience des corps ; fon objet eft de les connoître par leurs propriétés, par les effets qu’ils préfentent à nos fens , & par les ioix félon lefqueiles s’exercent leurs actions réciproques. C’eft en quoi principalement elle diffère de l’Hiftoire Naturelle , qui nous apprend feulement quelles font les productions de la nature , 8c les différences fenfibles qui les carac-<
- !Tome /.
- A
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- 2 Leçons de Physique térifent félon leurs genres 8c leurs efpéces.
- Nous appelions Corps naturels tou* tes les fubflances matérielles donc raffemblage compofe l’Univers. Ce que nous remarquons en elles d’uni* forme & de confiant dont nous n’ap* percevons pas les caufes , nous le nommons propriété s 8c nous partons de-là comme d’un point fixe , pour expliquer les différens phénomènes, fans ofer afïurer que ce que nous donnons pour première caufe phyfi* que , ne foit l’effet d’un autre princi* pe qui nous efl: inconnu.
- Si nous étions certains d’avoir entièrement pénétré la nature des corps; fi nous fçavions, à n’en point douter, qu’ils n’ont point d’autres propriétés que celles qui font déjà parvenues à notre connoiffance , nous pourrions nous flatter avec raifon d’en avoir une idée complette , 8c nous n’aurions plus que des applications à faire pour rendre raifon des effets naturels , qui font l’objet de notre étude. Mais il s’en faut bien que nous puif? fions le préfumer ; rien ne nous med en droit de faire une pareille fuppofi^
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- Experimentale. £ •tion ; l’expérience qui nous a appris ce que nous fçavons de ces propriétés des corps, bien loin de nous dire qu’elle n’a plus rien à nous faire eonnoître 3 femble au contraire noqs annoncer une fource intariffable de nouvelles découvertes , par celles mêmes que nous faifons tous les . jours.
- : Quoique la Ph y fi que ne puifife pas fe vanter de fçavoir tout ce que les corps ont de commun entre eux , ou tout ce qu’il y a de particulier en chacun ; elle connoît cependant un certain nombre. d’attributsqu’elle Xegarde comme primitifs jufqu’à ce 'qu’elle apperçoive une caufe première donc ils foient les effets, & qui fe trouve généralement Sc d’une manière abfolue dans tout ce qui ell matière. Telles font, par exemple , Y étendue actuelle , la figure en général jTz mobilité , &c. qui accompagnent tous les corps d’une manière inféparable , dans quelque état ou dans quelque circonlfance qu’ils puiP fent être.
- Il efl des propriétés d’un ordre inférieur ? qui ne conviennent à tous Aij
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- 4 Leçons de Physique les corps qu’autant qu’ils font dans certains états ou dans certaines cir-confiances : celles-ci pour l’ordinai-re ne font que des combinaifons des premières , & forment une fécondé claffe. Telle eft, par exemple, la liquidité , qui dépend probablement de la mobilité refpeétive des parties 3 de leur figure , de leur grandeur , Scc. elle ne convient qu’aux matières qui font dans cet état qui les fait nommer liqueurs : elle appartient à l’eau qui peut couler, & pointa la glace ÿ quoique ce foit le même corps.
- • Enfin ces propriétés du pre^ rnier & du fécond ordre , fe combinent de plus en plus , ôc conviennent à un nombre de corps d’autant moindre : alors elles ne s’étendent plus à tous comme les premières ; elles n’embraflent point certains états comme les fécondés ; elles fe bornent à des genres, à des efpécès, aux individus même. Telles font plufieurs propriétés de l’air, du feu, de la lumière , des métaux, de l’aimant, ôcc. Nous allons traiter d’abord des propriétés les plus générales ; & nous defcendrons enfuite dans le détail
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- Expérimenta te: ÿ
- belles qui font particulières à certains corps.
- PREMIERE SECTION.
- De P étendue & de la divifibilité des
- Corps,
- Ce qui le préfente le premier à nos idées ou du moins à nos fens, quand nous examinons les corps qui nous environnent ; c’eft leur étendue, c’eft> à-dire , une grandeur limitée d’une façon quelconque, à laquelle on con-çoit des parties diftinguées les unes des autres.
- L’étendue matérielle dont il s’agit ici, a trois dimenfions, longueur, largeur, Sc profondeur, que les Géomètres considèrent & mefurent féparé-ment l’une de l’autre , mais qui font ïnféparables en Phyllque : car le plus petit corps eft folide ; il a au moins deux furfaces réellement diftinguées ; * Sc comme la profondeur eft compo-fée de furfaces 3 Sc que les furfaces ïéfultent d’un aflemblage de lignes,
- A iij
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- L TE’ Ç O N S ; D E F H Y S I QÆT E si s’enfuit que le moindre de tous les corps eft long , large , & profond.
- Tous les grands corps, je veux di-xe ceux dont rétendue eft affez grande pour être vifible ou palpable, peuvent fe partager en plufieurs portions ? qui décroifient toujours de grandeur , à proportion que la divi-£on augmente, jufqu’à ce qu’enfîn chacune d’elles échappe à nos fens. C’eftainfiquelalimeréduitcommeetx poudre, un morceau de métal que le cifeau a féparé d’une plus grofle mafle^
- Quelque petites que nous paroifi* fent alors ces porcioncules de matière , on fe perfuade aifément qu’elles font encore divilibles ; les Arts nous font connoîtrc par mille procédés dif-férens, que ces petits corps font eux-mêmes des affembîages de molécules ou petites mafies féparables les unes des autres ; le grain de froment que la meule met en farine , fe fubdivife encore bien davantage dans l’eau qui l’aide à fermenter.
- Ces molécules elles-mêmes qui ne font fenfibles que lorfqu’elles font plufieurs enfemble , & que nos yeux peuvent à peine diltinguer les unes
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- ËxPER IMENT AtE. des autres'avec le meilleur microfco pe , fe décompofent encore en bien des occafions, & nous font connoître d’une manière évidente , qu’elles ont des -parties qui peuvent être féparées les. unes des autres, & qui bien fou-vent ne le reffemblent pas; Un morceau de bois mis au feu , cefle bientôt d’être du bois : nort-feulement les tnolécules qui compofent fa maffe ? fe défuniilent ; mais les parties même que la nature avoir liées enfemhle :pour former ces molécules, cèdent aulîi à l’adion du feu , & paroilTent féparément fous la forme de fumée 3 de flamme , de cendres , &c„
- Enfin ces dernières parties, fou-Vent différentes entre elles, mais dont l’union formoit de petites maf-fes femblables dans un même tout; ces parties , dis-je , ne font point encore des êtres que nous puïlïions regarder comme abfolument inféca-bles. Quoiqu’on leur donne quelquefois le nom de principes , c’elt plutôt une dénomination d’ufage,qu’un titre fur lequel on puiffe s’appuyer pour leur attribuer l’indivifibilité phyfique. Kpn a raifon de croire que dans l’état
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- ^ Leçons de Physique où elles fe préfentent ordinairement, elles n’ont point acquis le dernier dé-gré poftible de petiteffe ; elles ont leurs Elémens , & ces Elémens font encore de nature différente dans placeurs : tel eft, par exemple , lefoufre qu’on regardoit autrefois comme une de ces fubftances inaltérables , employées par la nature dans la compo-fition des corps, & qu’une Phyfque plus éclairée trouve encore le moyen de décompofer , & même d’imiter.
- Mais quand nous avons épuifé tous nos efforts pourdivifer une matière, que les procédés nous manquent, & que l’expérience refufe de nous éclairer ; que devons-nous penfer de la di-vifibilité des corps ? & quelle doit être la régie de nos conjectures ? devons-nous croire que tout eft fait ; que nous avons pouffé la nature juf-ques dans fes derniers retranchemens, êc que nous fommes arrivés à ces petits corps fimples, avec lefquels on peut croire qu’elle a commencé l’ouvrage que nous avions entrepris de décompofer ?
- Il yauroit de la préemption à îe penfer i & les difficultés même que
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- Expérimentale; ‘ ÿ ftous avons trouvées dans nos tentatives , doivent au moins nous faire foupçonner le contraire. Quand nous entreprenons de divifer un corps , l’exécution en devient de plus en plus difficile , à mefure que les parties di-yifées décroiffent de grandeur : c’efl 'que nous ne pouvons les féparer, qu’en faifantagir entre elles une matière étrangère qui les défunifle, ou en les faififlant extérieurement pour les forcer à fe féparer : plus elles deviennent minces,moins elles donnent! de prife aux moyens qu’on employé ; Sc leur défunion eft d’autant plus difficile , qu’elles fe reftemblent davantage , ou qu’elles approchent plus de la première fimplicité, foit qu’elles fe touchent alors par des furfaces plus analoguesfoit qu’il fe trouve peu de corps plus durs & plus petits qu’elles pour les entamer. 11 eft donc tous naturel de croire que quand une matière ne fe divife plus, c’eft bien moins parce qu’elle n’a plus de parties à divifer , que parce qu’il n’y a plus rien d’affiez fubtile pour interrompre fa continuité.
- La matière eft-elle donc divifible à l’infini ï
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- ’ïô Leçon's de Physique Ce que nous avons dit jufqu’icl * n’engage point à le conclure ; & cette queftion qui fait tant de bruit dans les Ecoles, paraît le réduire à peu de chofes quand on veut s’entendre.Car s’il s’agit d’une divifibilité purement idéale ,• il eft évident qu’on peut répondre’par l’affirmative ; puifqu’alors tout fe réduit à fçavoir fi l’on conçoit toujours comme divifible un corps, quelque divifé qu’il puiffe être : or il eft certain qu’on le conçoit ainfi ; on imagine encore deux moitiés dans la plus petite particule : les furfaces qui: la renferment, quoiqu’infiniment rapprochées , ne fe confondent jamais; Sc l’on pourra toujours dire la même chofe à chaque nouvelle divifion qu’on voudra feindre. Cette divifibilité imaginaire n’a donc point de bornes , de forte que ft l’Art & la Nature s’entendoient pour exécuter tout ce que nous pouvons penfer, on pour-roit trouver dans l’atle de la plus petite mouche un nombre de parties qui égalerait enfin celui des grains de fable qui fe rencontrent fur les bords de tout l’Océan: propofition qui ne .peut paraître paradoxe , qu’à ceux
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- Experimentale. ît qui confondroienr la comparaifon de nombres ( qui' eft la feule donc il s’agit ici ) avec celle des grandeurs matérielles.-
- Mais la nature eft-elle auffi féconde que notre imagination ? ce que nous concevons comme pofïible , a-t-il lieu dans le réel ? Ces petites portions d’étendue qui fe touchent fans fe confondre , pour être réellement diftinguées l’une de l’autre, font-elles pour cela a&uellement diviftbles ? Ont-elles jamais exillé, ou eft-ilmême de leur nature de pouvoir exiller féparément l’une de l’autre ? C’ell fur quoi l’expérience n’a rien prononcé de certain ; & comme en matière de Phyfique les preuves tirées des faits font les feules qui éclairent, on peut dire que cette quelfion eft indécife.
- Cependant pîufieurs Philofophes en fuppofant des bornes à cette divifi-bilité phyfique , ont pris le parti de dire que les Elémens des Corps étoient abfolument infécables, & que la nature même en les formant s’étoit im-pofé comme une loi de ne les jamais divifer. Iis citent pour preuve* une expérience defix mille ans ; c’eft pou!
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- ï2'Leçons de Physique cela , difent - ils , que l’état naturel des chofes a toujours fubfifté le même depuis fa première origine ; un chêne cfl toujours un chêne ; un cheval eft aujourd’hui ce qu’il étoit au commencement ; fi les Germes, ou ce qui conftitue chaque nature en particulier, étoit quelque chofe de divifible, la nature en général n’auroit-elle pas changé de face , par les différentes mutations qu’auroient fouffertes les efpéces particulières ?
- Quoique j’aye plus de penchant pour admettre les Atomes ou Cor-pufculesinfécables, que pourfuppo-îer la matière phyfiquement divifible à l’infini ; je ne puis difîimuier cependant que l'argument que je viens de citer, tout fpécieux qu’il eft, n’a point affez de force pour décider la quef-tion, & qu’on y peut répondre vali-* dement. Car, quand bien même ce3 petits Etres , produétion immédiate de la création, ne feroient point in-fécables, comme on lefuppofe, l’Auteur de la nature n’auroit-il pas pourvu fuffifamment à la durée de fes œuvres , en ne laiflant dans le monde que des moyens impuifians pour en dé^
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- Experimentale, i j ranger l’oeconomie ? Que l’on prouve donc que l’indivifibilité abfolue des parties primordiales eft la feule voie qu’ait dû prendre la fageffe du Créateur pour rendre chaque efpéce inaltérable. Mais fi cette admirable uniformité avec laquelle nous voyons que la nature fe reproduit tous les jours, n’efi: point une preuve invincible de l’exiftence des Atomes ; elle doit au moins faire penfer que nous ne devons pas nous promettre fi légèrement de changer,félon notre gré, une matière en une autre ; tous les moyens que l’art pourroit nous fournir pour de femblables opérations, ne feroient que de foibles imitations de la nature , des digeftions, des fermentations', des calcinations, &c; & fi la nature elle-même depuis fon origine s’efl: confervée conftamment, ôc fans aucun changement,malgrétous les mouvemens qui fe font opérés ôç qui s’opèrent tous les jours clans fon propre fein.; devons-nous nous flatter de faire des miracles dans nos Laboratoires ? La Chymie plus fçavan-te aujourd’hui qu’elle n’a jamais été, abandonne par cette raifon même 4
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- f4 î-EçéNs de Physique <ide plus en plus, ces fortes de prêtent lions chimériques, pour s’attacher à des opérations d’une utilité plus réelle. Elle déeompofe , le plus qu’elle peut, les produdions naturelles, pour en connoître les propriétés ; elle en fait des Extraits qu’elle tourne à nos ufages ; & fi elle cherche à imiter la nature , ce n’efl pins en elfayant de compofer des matières qu’elle ne fe flatte pas même de bien connoître.
- De ce que nous venons de dire touchant la divifibilité des Corps, il réfulte , iQ. qu’il n’y a point de bornes à cette divifion mentale , qui n’exige dans la matière -qu’une diftinc-tion réelle de parties ; 2°. que la divifibilité phyfiquement poflible ou non poflible à l’infini, n’efl: qu’une affaire de fyflême , où l’on trouve des probabilités pour 8c contre ; 30. qu’on ne peut nier au moins une multiplicité de parties aduellement réparables, 8c fi petites, que leur nombre 8c leur •ténuité furpafiènt de beaucoup les Idées communes.
- La dernière de ces trois propofi-tions eff la feule qui foit fufceptible de ce genre de preuves auquel nous
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- Experimentale. 15 flous bornons dans cet ouvrage. J’en appelle donc à l'expérience , & j’en** treprens de faire connoître par des faits dignes de curiofité, ce que l’on doit penfer de la prodigieufe divill* failité des Corps.
- PREMIERE EXPERIENCE»
- F REPARATION.
- Ç) Ue l’on établiffe fur trois petits doux , ou d’une manière équivalente , une pièce mince de monnoie , de cuivre , d’argent, ou d’or : 8c qu’on allume deuous 8c deffus de la Fleur de Soufre, ainfi qu’il eft repré? 'fenté par la Figure 1.
- Effets.
- Par cette opération dont certaines gens abufent pour altérer la monnoie , la pièce fe fépare en deux félon fon plan ; 8c fort fouvent l’une des deux parties plus mince 8c plus caf-fante, laide encore l’autre allez bien marquée pour ne paroître pas fenfi^ fbiement diminuée»
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- tiS Leçons de Physique
- Explications*
- Un Corps eft ciivife, quand la liaî-fon de fes parties eft interrompue par une matière étrangère & qui n’eft pas propre à s’unir avec elle : c’eft ainfi qu’une lame de couteau fépare un morceau de bois en deux. La partie la plus fubtile du Soufre qui fe dé-velope en brûlant, Sc qui s’infinue de part Sc d’autre entre les parties du métal dilaté par le feu, forme dans l’intérieur de la pièce , Sc félon fon plan, une couche de matière étrangère au métal, qui caufe la divifion, Sc qu’on apperçoit quand les parties font jfëparées.
- Applications.
- La même caufe qui défunit les fur-faces liées, les empêche aufti de fe joindre , quand bien même elles au-roient pour cela toutes les difpofi-tions néceffaires : c’eft donc par cette raifon, qu’on employé les huiles Sc les grailles pour tenir féparées des matières-dont on veut empêcher l’union ou le mélange ; quelque chofe d’humide , pour prévenir l’adhérence de
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- Experimentale; 17 ‘Celles qui font grafles; des poudres abforbantes , quand il régne fur les fu-perficies une fluidité qui les feroit s’attacher. Ainfi , pour nous fervir de quelques exemples familiers, nous ferons remarquer qu’on employé le beurre à froid & par couches dans les pâtes qui doivent être feuilletées ; que l’on enduit de quelque matière liquide l’intérieur des moules où l’on doit couler la Cire j le Soufre , &c. 6c que l’on pofe fur du fable fec les vaifleaux nouvellement formés dans les manufactures de porcelaines ou de fayance-G’eft aufli pour cette raifon, que dans les Arts on a grand foin de bien né-toyer les furfaces qu’on veut aflembler •à demeurer •
- L’ufage des colles 6c des foudures ii’eft point un argument qui démente cette propofîtion ; quoique ce foit interpoler une matière étrangère entre des parties qu’on veut joindre..
- • ; Ce qui fait principalement qu’une . couche d’eau interpofée , par exemple , entre deux morceaux de Cire entretient ordinairement leur défunion 9 c’efl: que l’eau n’étant point propre à .pénétrer les Corps gras., 6c ne s’y.ap-; ‘lame. A B
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- ig' Leçons de Physique pliquant même qu’imparfaitement \ îon interpofition ne peut point leur fervir de lien commun. Mais il n’en ell pas de même d’une colle qui peut pénétrer tant Toit peu les pièces qu’elle doit attacher enfemble ; c’elî un Corps fluide quand on Fernployé , & qui par cette raifon Te moule de part & d’autre dans les creux infenft-blés des furfaces; mais bientôt il devient folide , parce que fon humide l’abandonne , ôc qu’il pénétre plus avant ; alors ces petits liens multipliés prefqu’autant de fois qu’il y a de petits vuides entre les parties fo-lides des furfaces, font une adhérence très-confidérable. C’eft par le même principe <, quoiqu’un peu différemment , que les foudures fervent à liée les métaux ; un mélange de plomb ôc d’étain , par exemple , mis en fufion par l’attouchement d’un fer chaud, pénétre les premières furfaces du mé-* tal dilaté par la même chaleur ; un prompt refroidiflement donne lieu à fes parties de fe rapprocher ; la foudu-re qui perd en même tems fa fluidité 9 fe troiive adhérente de part ôc d’autre, fert de lien commun aux pièces ? & les joint»
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- Experimentale. ip II. EXPERIENCE.
- P RE PA RATION.
- D Ans un verre à boire on met des petites feuilles de cuivre ; dans un autre verre femblable on met un peu de limaille de fer ou d’acier ; on ver-lé dans l’un & dans l’autre une demi-once d’eau-forte. Voyez Us Figures 2,
- Effets»
- Dans le premier vaiiïeâu , il fe fait tm petit bouillonnement; le métal paroît agité ; fon volume diminue en 'apparence ; la liqueur s’échauffe ; elle prend une couleur verte ; les feuilles rdifparoiffent enfin ; l’on âpperçoit une vapeur qui s’élève au-déffus du verre. Dans l’autre vafe , on remarque des effets à peu près femblables, màis plus prompts'; plus violents > 6c "la couleur approche du rouge.
- Explications.
- * 9
- ' - Les parties de l’eau -forte qu’on
- Bij
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- 'o.o Leçons de Physi<£üe peut conlidérer comme autant de petits tranchans, ou de petites pointes fort aiguës , font portées entre les parties du cuivre ôç du? fer , par une force dont la connoiffance partage encore les Phyfi tiens > & fur laquelle l’expérience n’a point encore prononcé d’une manière décifive ; chaque petite malle pénétrée de toutes parts , difparoît peu à peu par la di-.vifion de fes parties qui nâgent indépendamment l’une, de l’autre dans la liqueur qui les a défunies, & qui, par leur mélange, paroît fous une couleur qu’elle n’a voit pas avant l’opération. La chaleur qui naît pendant la dilïolution eft une fuite naturelle du mouvement des parties & de l’adion d’une matière fur l’autre : comme aulfi la vapeur qui s’élève fenfible-ment, eft un effet de la chaleur augmentée.
- La même choie s’opère dans l’aiii-, tre verre avec plus de promptitude & avec plus de violence ; la principale raifon de cette différence, c’eff que l’eau-forte dont on fe fert dans ces deux opérations pour divifer les maffes 3 a plus lieu d’exercer fou
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- Ex PÉRIMENT ALE.’ 2'-t tîon fur le fer réduit en limailles, que fur le cuivre qu’on a lailfé en feuilles ; elle agit d’autant plus qu’elle eft appliquée en même-tems à plus de fur-lace ; or les quantités de matières étant égales, celle-là préfente plus de fuperfîcie, qui eft plus divifée. Sup-pofons , par exemple , une once de fer raflemblée en une petite raaffs lphérique ; fi l’on coupe ce petit globe par fon diamètre, on augmentera fa furface ; car il n’aura pas moins qu’auparavant celle de fes deux hé-mifphéres ; mais il aura de plus celle qu?on aura fait naître par fa coupe diamétrale: & fi l’on multiplie les , coupes, il eft aifé de voir qu’on au-' gmentera de plus en plus fa fuperfi-cie.
- Une rarfon qu’on peut ajouter l c’eft que le cuivre à volume égal » eft plus pefant que le fer; il y a donc plus de vuide dans le dernier de ces deux métaux, & par conféquent plus d’accès à- l’eau-forte : toutes chofes étant égales d?ailleurs.
- Quant aux couleurs que prend la liqueur par ces diflolutionsce n’eft point ici le lieu d’en parler ; nous
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- Leçons de Physique expliquerons ces fortes d’effets é£j traitant de la lumière.
- Applications.
- L’eau commune fait à l’égard d’un grand nombre de corps, ce que l’eau-forte opère fur les métaux ; elle divi-fe les terres, les fels, les fucs des plantes , &c. elle fe charge de leurs parties divifées , 8c elle les tient fépa-rées, tant qu’elle efl en quantité fuf-fifante pour empêcher qu’elles ne fe rejoignent. Les rivières ne paroiffenc troubles après les pluies ou après les fontes de neiges, que parce qu’elles reçoivent alors dans leurs lits des eaux qui font chargées de fable 8c de terre. Les fources minérales prennent leurs différentes qualités des matières qu’elles contiennent en particules fi fubtiles , que leur tranfpa-rence n’en efl point altérée ; 8c la Hier efl faîée, félon l’opinion commune 8c la plus vraifemblable , parce qu’elle diffout des mines de fels qui fe rencontrent dans fon lit, comme ü s’en trouve dans les antres parties de la terre.
- Çes fortes de diffolutions ne dé°
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- Experimentale. * 2# compofent point les corps ; elles ne font rien autre chofe que divifer leurs malfes , ôc rendre indépendantes les unes des autres leurs molécules ainft défunies. L’Art nous fournit même des moyens très-faciles pour les remettre dans leur premier état; ilfuf-fit le plus fouvent d’évaporer la liqueur qur les tient en di Ablution, ôc e’éft la voie la plus fîmple , quand leurs parties font moins évaporables que celles du dilfolvant. Cette pratique eft en ufage pour féparer le fel de l’eau dans les Salines, pour tirer le falpêtre des lelfives qui le contiennent y pour rafiner les fucres, pour augmenter la force des bouillons qu’on nomme confommés, & généralement pour épailïïr toutes les matières où la partie liquide efb trop abondante.
- - On peut encore raffembler ce qui eft dilfout en le précipitant ; ce qui -ne manque pas d’arriver toutes les fois qu?on préfente au diftolvant une matière plus pénétrable pour lui, que celle dont il eft chargé ; car alors en entrant dans la nouvelle maffe , il dé-pofe les autres parties que leur pro<?
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- H E« de Physique pre poids raiïemble au fond du vafei c’eft ce qu’on voit arriver , par exemple , quand on verfe de Pefprit de vin fur de l’eau qu’on avoit raffafiée de fucre ; parce que l’un de ces deux liquides pénétre l’antre, & abandonne les parties de fucre dont il étoit chargé.
- Quand on précipite ainfi les mé^ taux , on le peut faire d’une façon curieufe, & qui n’eft que trop capable d’en impofer à ceux qui ne font point inftruits de ces fortes de faits. Si, par exemple, on trempe une lame de fer dans une diflblution de cuivre ou de vitriol bleu avec l’eau-forte 5 le diftolvant agira par préférence fur Je fer , Ôc dépofera des parties de enivre en la place de celles qu’il détachera de la malle de fer, de forte qu’à la fin de l’opération on pourra tirer du vailfeau une lame de véritable cuivre : mais c’eft abufer de cette expérience, que de la propofer com>-me un procédé pour convertir le fer en cuivre ; puifqu’on ne retire jamais de ce dernier métal , que ce qu’on en.- avoit fait entrer dans la première «diftolutiom
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- Experimentale. 2$ Les infufions à proprement parler, ne font encore que des diffolutions ordinairement plus lentes, avec cette différence qu’au lieu de faire difparoî-tre toute la maffe, elles en détachent feulement une certaine portion.
- Les corps qu’on fait infufer font pour l’ordinaire compofés de parties de différentes natures : la liqueur qui les pénétre , fe charge de celles qui cèdent à fon action ; 8c les autres qui s’y refufent, demeurent liées fous un volume qui diffère peu de celui qu’elles avoient. Le bois d’Inde , celui de Bréfil , &c. trempés dans l’eau commune , lui abandonnent un certain fuc que la nature a placé entre les fibres de ces fortes de bois ; cet extrait qui fait une teinture, ne laiffe point appercevoir de diminution fen-fible quant au volume, dans les morceaux qui en font dépouillés.
- Les infufions deviennent bien plus promptes 8c plus chargées avec l’eau chaude : la chaleur augmente la liquidité de l’eau , & la rend plus pénétrante; elle dilate les folides qu’on y plonge , 8c les rend plus pénétrables; ces deux raifons concourent au me-*
- Tome I, G
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- 2.6 Le'çons de Physique me effet. Les racines & les fruits qu’on fait cuire pour fervir d’aîimens, ne fedépouilleroient point dans l’eau froide des fucs acres & des autres parties défagréables , qu’on leur ôte en les faifant bouillir.
- Quoique les diffolutions Sc les in-fufions qui ne font que divifer ou extraire , ne changent rien à la nature des parties qu’elles féparent, Sc qu’elles détachent ; cependant elles les rendent propres à des effets, pour lefquels on les appliqueroit envain fans l’une ou l’autre de ces préparations. Quels fecours pourroit-on attendre de la plupart des minéraux ou des végétaux qu’on emploie dans la Médecine, fi une divifion beaucoup grande qu’on ne peut la faire avec aucun tranchant ordinaire , ne procuroit à ces mêmes corps une quantité de furface fuffifante , des grandeurs ôc des figures convenables aux parties intérieures du corps animé fur lequel ils doivent agir ? Cette agréable variété de couleurs qu’on admire dans les étoffes ôc dans toutes les matières fufceptibles de teinture, ne vient-elle pas des infu-
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- Experimentale. 27 lions en plus grande partie ? Des fucs qui fe font épaiflis dans les plantes mêmes où la nature les a préparés^ 8c qui yrefteroient en pure perte pour nous, fe ramollilfent 8c s’étendent dans l’eau , qui les pénétre ; ils s’impriment avec elle fur une furface préparée ; l’eau s’évapore , 8c l’imprelfion refte.
- III. EXPERIENCE.
- * r
- , P R E P A R A T I O A*.
- La quatrième figure repréfente une petite-, calfolette de verre en partie pleine d’une liqueur odorante, comme de l’eau de fleurs d’orange, ou de refprit de.vin chargé de lavande , 8c pôfée fur une petite lampe allumée.
- • ' Effets.
- :Qiiand la liqueur commence â, bouillir, il fort par le bec de la caf-loletté une vapeur fort abondante qui fe répand dans toute la chambre , 8c qui s’y fait fentir d’une extrémité à l’autre, fans cependant qu’il paroifle une diminution fenfible dans le volume de la liqueur, lorfque l’expérience cefle après deux ou trois minutes.
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- 28 Leçons de Physique
- Explication.
- La vapeur qui porte Ton odeur dans toute la chambre , n’efl: rien autre chofe que la partie la plus évapo-rable de la liqueur, que le feu a fépa-rée de la malle, & qu’il a extrêmement divifée: ces petits corps, nonobftant le peu de diminution qu’ils caufent au volume qu’ils ont quitté, fe trouvent en afiez grand nombre pourfe répandre également, & fe faire fen-tir dans un très-grand efpace.
- Si l’on veut connoître de plus près ce nombre prodigieux de particules odorantes , & fe repréfenter d’une manière plus-précife la divifion fur-prenante qu’a dû fouffrir la petite quantité de liqueur évaporée ; il fuf-fit de la comparer au volume d’air contenu dans une chambre qui peut avoir 12. pieds en quarré fur io. de hauteur. Quand ce peu de liqueur dont il s’agit, égaleroit deux lignes cubiques avant l’expérience, & qu’a-près l’évaporation , il ne fe trouvât que 4. particules dans chaque ligne cubique d’air; ( fuppolition qu’on peut faire en mettant les chofes au
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- Experimentale. 29 pis ;) que de millions de parties n’ap-percevra-t-on pas par cette compa-raifon, & par ce calcul qu’on peut faire facilement ? Mais ces millions de parties , de combien ne feront-ils pas encore augmentés > fi l’on fait attention que ce qui fait ici l’odeur fenfibiement répandue , n’efl: que la moindre partie de ce qui s’eff: évaporé ? Car dans une liqueur ou dans Line vapeur odorante on doit diftin-•guerles parties propres du liquide de celles dont il eu parfumé.
- Applications.
- Les odeurs confidérées par rap-* port à nos fens, font des imprefiions faites fur l’organe par les Corpufcu-les qui s’exhalent des Corps odorans. Ce qui fe paffe en petit dans l’expérience qu’on vient de citer, nous l’éprouvons tous les jours en grand par divers effets naturels. Il régne fur notre globe un certain degré de chaleur , qui varie félon les tems & les lieux ; ce feu que la nature entretient, êc qui met tout en mouvement, joint à d’autres caules dont nous parlerons ailleurs, détache continuelle-
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- 30 Leçons de Physique ment les parties les plus fubtiles de tous les Corps qui couvrent la furfa-ce de la terre : celles qui font propres à fe faire fentir par l’odorat, répandues & dotantes comme les autres dans la partie de l’Atmofphére qui en eft chargée , fe font d’autant plus fentir , qu’elles fe trouvent en pins grand nombre dans un volume d’air déterminé. C’elf par cette raifon fans doute, que l’on fent mieux les fleurs d’un jardin le foir 3 lorfque l’air fe rafraîchit , que dans Je fort de la chaleur du jour. Cette fraîcheur qui con-denfe l’air aux approches de la nuit, en rapprochant fes parties refferre auffi davantage les exhalaifons dont il efl: chargé , & quand on le refpire en cet état, il porte avec lui fur l’organe un plus grand nombre de ces parties odorantes dont nous parlons.
- Si la chaleur entretient toujours une quantité plus ou moins grande de mouvement dans tous lés Corps, Sc qu’elle occaftonne par-là , comme on n’en peut douter, une perte continuelle de leur fubflance; doit-on s’étonner que tout périfTe avec le tems, 6c que certains Corps diminuent 6c
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- Experimentale. 31 s’évanouiflent promptement ? C’eft ainfi que les étangs & les marais fe défi féchent s quand les pluies ou les four-ces ne réparent point l’évaporation.
- Mais pour nous renfermer dans des exemples pris des Corps odorans, ne le remarquons-nous pas d’une manière bien fenfiblé dans les plantes & dans les fleurs ? Pourquoi pendant la grande chaleur s’affoibliffent-ellesjuf-qu’à plier fous leur propre poids ? pourquoi le matin reparoiflent-elles avec leur première vigueur ? N’eft-ce pas que ce qui s’exhale pendant le jour excède la réparation qui vient du fèin de la terre ? pendant la nuit il n’en eft pas de même, les vuides fe rempliflent.
- Quoique les plantes par leurs ex-halaifons perdent une fi grande quantité de leur fubflance, on ne peut pas dire pour cela, que la partie defti-née aux odeurs ait beaucoup de part à leur dépériflfement fenfible. Il paroît partons les autres corps de ce genre, que la nature les a fournis à une di-vifibilité fi prodigieûfe , qu’ils peuvent fournir à leur effet pendant des elpaces de tems qui furprennent.
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- $2 Leçons de Physique .Tout le monde fçait qu’un grain de mufc fe fait fentir d’une manière incommode pendant vingt ans , dans un appartement où Pair fe renouvelle tous les jours. Nefçait-on pas de même que des chiens courent un cerf pendant lîx heures quelquefois, fans avoir le plus fouvent d’autre guide que l’odeur qu’il laide après lui ? Combien donc de corpufcules cet animal laifie-t-il échapper, pour tracer fi long-tems fa route à quarante autres animaux, à la vûe defquels il fe dérobe fouvent ?
- La plûpart des bêtes, & fur-tout les chiens, ont Fodorat très-fin ; la difpofition de cet organe dont la partie principale eft en dehors, & le fréquent ufage qu’ils en font, contribuent fans doute à cette délicatefie que nous n’avons pas : la nature nous en a dédommagés parle toucher,que nous avons beaucoup plus exquis ; c’efl: auffi de tous nos fens celui dont nous nous fervons le plus, après les yeux, dans l’examen que nous faifons des différons objets qui fe préfentent : mais les animaux qui ne touchent que très-rarement par forme d’épreuve , examinent avec le nez ce que leur
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- Experimentale; 33
- vue leur annonce d’intéreffant ; comme ils font prefque uniquement occupés du foin de leur nourriture , 6c qu’il y a beaucoup d’affinité entre l’odorat ôc le goût, il convenoit qu’ils fçuflent mieux flairer que tâter.
- IV. EXPERIENCE.
- Préparation.
- Au fond d’un grand vafe de cryf-tal, on délaye le poids d’un grain de Carmin, & l’on remplit d’eau bien nette le vafe , qui tient dix pintes de Paris , 6c qui efl: repréfenté par la Figure cinquième.
- Effets.
- La couleur s’étend de manière que tout le volume d’eau en paroît fenfi-blement teint.
- Explication.
- Le Carmin efl: une fécule,ou une ef-péce de lie très-fine, que l’on tire par infiifion de la cochenille , 6c de quelques matières végétales ; les parties qui ont déjà été divifées par la préparation qu’on en a faite, cèdent fore
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- 54 Leçons de Physique aiiement à Pa&ion de l’eau qui les pénétre & qui les étend ; de manière qu’elles fe partagent proportionnellement à toute la maffe du fluide.
- Pour concevoir aifément combien la matière eft divifée dans cette dernière expérience , il fuflit de connoî-tre le rapport du poids d’un grain à celui de dix livres , qui ell comme l’unité à quatre -vingt douze mille cent foixante. dVlais une quantité d’eau pefant un grain, fe préfente encore fous,,un volume bien fenfible * qui, pour être coloré uniformément, doit contenir plufieurs particules de Carmin ; quand on n’y en fuppoferoit que dix , le produit que nous venons de citer, fe trouverait augmenté encore de dix fois fa valeur; ce qui fera neuf cens vingt-un mille fix cens parties fenfibles dans un volume qui étoit bien peu confidérable avant que d’être étendu dans l’eau.
- Applications.
- C’eft par des particules de matières ainfi divifées & étendues dans quelques liquides, que les Peintres & les Teinturiers donnent aux furfa-
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- ; Va-SL^l . I .L, &CON. Fl > f .
- TlficulUtti d del - et J*etiLp
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- Experimentale. 3$ ces des corps , certaines couleurs qu’elles n’ont pas naturellement. Celles qui font peintes,toujours cachées fous l’enduit dont on les couvre, ne font plus vifibles par elles-mêmes , mais par les couches dont le pinceau les a revêtues. Il n’en efl pas de même de celles que l’on fait teindre; on les prépare pour l’ordinaire dans un bain qui, par la chaleur , St par l’aélion de certains fels, dilate les -pores, St creufe une infinité de petites cellules propres à recevoir en-fuite les parties colorantes; c’efl: principalement cette préparation qui rend les teintures durables, St qui empêche que les matières teintes ne fe décolorent quand on les lave. Ce n’eft pourtant pas toujours des particules colorantes qui teignent les furfaces ; nous ferons voir en traitant de la lumière , que le changement de couleur dépend fou vent d’un nouvel arrangement que prennent entre elles les parties mêmes des furfaces , comme quand l’eau-forte , par exemple > change le papier bleu en rouge , ou 'que la chaleur rougit une écrevilfe.
- - OuTREÎesexpériencesquenousve-
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- 36 Leçons de Phvsïquë nons de citer pour prouver la divisibilité des corps ; les Arcs nous offrent des pratiques ingénieufes qui la font connoître d’une manière aufïi évidente. On ne peut voir fans être fur-pris, la prodigieufe du&ilité de l’or Ôc de l’argent. Les Ouvriers qui battent ôc qui filent ces métaux , leur procurent un dégré d’étendue qui s’eft attiré depuis long-tems l’attention des * De mira Philofophes. Boyle * eft un des pre-ffflutlo-" m*ers qui ait fait cette remarque, 2. que le poids d’un grain d’or mis en feuilles peut couvrir une furface de yo. pouces quarrés. Cette obferva-tion donne lieu d’appercevoir,parun calcul fort fimple , un nombre étonnant de parties vifibles dans cette petite quantité de métal. La longueur d’un pouce contient au moins deux cens parties vifibles ; puifque fur des inftrumens de Mathématiques on le trouve quelquefois partagé par cent divifions , ôc qu’un Obfervateur un peu attentif peut fort aifément tenir compte des moitiés. En faifant donc cette fuppofition qui eft très-recevable , une feuille d’or d’un pouce quarré 3 pourra fe couper en deux
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- Experimentale.- 37 cens petites bandes plates, & chaque petite bande en deux cens petits quarrés ; de forte que toute la feuille ainfi divifée , donnera quarante milles partie^, qui eft leproduitde 200. multiplié par 200.
- Mais dans un grain d’or battu, on trouve 50. petites feuilles fembla-bles à celles que nous venons de di-vifer ;on doit donc multiplier encore 40000. par yo. ce qui donnera deux millions pour la fomme des parties que l’on peut compter avec les yeux dans une portioncule de matière qui n’eft que la 72e. partie d’un gros. Ce nombre, quelque prodigieux qu’il foit , fe trouve encore augmenté de moitié , quand on fait attention que chacune de ces particules d’or peut être vûe 8c touchée au moins par deux furfaces , ou par les deux plans oppofés dont les dimenfions font égales.
- Ce que les feuilles d’or 8c d’argent nous apprennent de la du&ilité de ces deux métaux, 8c de la divilî-bilité furprenante de leurs parties, eft encore bien au-deffous de ce que l’on remarque chez les ouvriers qui
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- 38 Leçons de Physique préparent le fil d’argent doré dont on fe fert pour fabriquer les étoffes, le galon , la broderie, &c. Cet Art où le commun des hommes ne trouve qu’un objet de commerce,ou des reflources pour le luxe, préfente aux yeux d’un Philofophe, des merveilles qui n’ont point échappé aux obfer-vations de Boyle , du PereMerfene , de Rohauit, & de plufieurs autres Phyficiens, dans ces tems où il n’é-toit point encore arrivé au degré de perfe&ion qu’il a acquis depuis. M.de *Mém. de Reaumur * qui l’a examiné aveccet-SM*d.des .te exactitude qu’on luiconnoît, en îzsYo- c'. a mieux que perfonne découvert les beautés, & fait connoître le véritable merveilleux. C’efl d’après lui que je vais donner ici une idée de la prodi-gieufe extenfion dont l’or elt capable quand on le file.
- Avec une quantité de feuilles d’or qui n’excéde jamais le poids de fix onces, & qu’on diminue quelquefois prefque jufqu’à une , on couvre un cylindre d’argent, d’environ 22. pouces de longueur, 15. lignes de diamètre, 8c du poids de43. marcs.On fait pafler ce rouleau doré fuecefiive-
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- Experimentale. 39 ment par les trous d’une lame d’acier, qui vont en décroiflant, de façon que s’allongeant aux dépens de fon diamètre , il devient enfin aufii délié qu’un cheveu , & d’une longueur qui égale prefque 97. lieues de 2000. toifes chacune.
- Pendant cette opération l’or s’étend fur le fil d’argent à proportion de fon allongement ; enlorte qu’on doit le confidérer comme une enve-lope ou un fourreau dont les parties ne fouffrent point d’interruption fen-lible. Ce fil doré que l’on nomme trait, pafife enfuite entre deux rouleaux d’acier poli, qui l’écrafent en forme de lame fort mince , dont on envelope un fil de foie pour les ufa-ges des dififérens Arts qui l’em-ployent; & dans l’opération des rouleaux , le trait s’allonge encore d’un 7e. Ainfi au lieu de 97. lieues que nous avons compté pour fa longueur, on en peut compter ni.
- En fuppofant donc du fil le plus légèrement doré , voilà une once d’or que l’on doit confidérer fous la forme de deux petites lames , dont chacune égale la longueur de .111.
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- 4© Leçons de Physique lieues, ou qui égalent cnfemble 222. lieues. Mais fi l’on fait attention que îe trait en s’écrafant fous les rouleaux, prend la largeur d’environ un 8e. de ligne , & par conféquent les deux petites lames d’or qui revêtent l’argent de part & d’autre ; on pourra partager encore leur largeur en deux parties ; ( car une ligne fe divife fort bien en 16. portions fenfibles 1 ) ainli au lieu de deux lames il en faudra compter quatre , qui égaleront en longueur 444. lieues. Dans une telle étendue, combien de toifes, de pieds, de pouces, de lignes ? Et fi l’on divife feulement chaque ligne en 10. quelle fuite de chiures ne faudroit-il pas pour exprimer la fomme des parties vifibles dans une once d’or étendu par la filière ? L’imagination fe refîne prefque à de pareils nombres ; mais pour s’en faire une idée , il fuf-fira de comparer la furface de notre once d’or filé à celle d’une égaie quantité du même métal en feuilles. La première efl à la fécondé dans le raport de 2580. à 146. mais aufli l’épaiffeur des feuilles, quelque petite qu’elle foit, efl toujours beaucoup
- pUis
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- Experimentale. 41 plus confidérable que celle de la couche d’or qui fe trouve fur le fil : l’une diminue à peine jufqu’à la trente millième partie d’une ligne ; l’autre fe porte fouvent à un degré de ténuité qui excède la cinq cens vingt-cinq millième partie d’une ligne.
- L’art en filant ainfi les métaux , imite d’aflez près la nature , quant au procédé. La foie avant que d’être filée pour nos ufages , l’a déjà été pat les infe&esqui nous lafourniffent. La chenille qu’on nomme communément ver à foie, porte une filière naturelle , par laquelle elle moule ce fil précieux dont elle fait fa coque.
- Des perfonnes * curieufes ôc attenti- * ujie ves aux merveilles de la nature, con-fidérant l’extrême fineffe de cette flnv* cap 2? matière, en mefurérent 300 aunes qui n’excédérent point le poids de 2 grains f ; ôc M. de Reaumur portant plus loin encore fes Obfervations , a trouvé que les fils des araignées » telles qu’elles les produifent immédiatement, & avant qu’elles les joignent pour en former leur toile, que ces fils, dis-je , font à l’égard d’un cheveu , moins gros que ne l’eft le fil T’orne L D
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- 42 Leçons de Physique trait doré à l’égard du premier cylindre dont il a été tiré ; & que leur diamètre égale à peine l’épaiffeur de cette légère couche d’or qui couvre le fil d’argent.
- Les expériences & les obfervations que nous venons de rapporter prouvent fuffifamment que tous les corps qui tombent fous nos fens , ne font autre chofe que des alfemblages formés par le concours de plufieurs maffes plus petites, dont chacune peut fe divifer encore en particules îiifceptibles elles-mêmes de divifion êc de fubdivifion.
- Lorfqu’en divifant une matière autant qu’il nous efl polîible, nous n’appercevons rien que d’uniforme dans-toutes les molécules quilacom-pofent, nous lui donnons le nom de fimple ; nous fuppofons que fes parties font toutes d’une même nature , & nous les appelions homogènes, fans prétendre qu’elles le foient abfolu-ment, & julqu’à ce que quelque découverte nouvelle en fane un jour juger autrement.
- Nous nommons au contraire corps mixtes, ceux dont les parties mifes à
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- Experimentale. 43 part ne fe reffemblent point , comme les plantes, les animaux & quantité de minéraux , où l’analyfe fait voir que plufieurs matières effentiel-lement différentes ( que l’on nomme hétérogènes ) concourent à la compo-fition d’un même tout.
- Les molécules infenfibles qui forment une maffe continue , font fou-vent jointes enfemble de manière qu’il faut employer une force conft-dérable pour les féparer : cette portion de matière fe nomme un corps dur ou folide. Cette dureté , qui n’eft, à proprement parler 9 qu’une ténacité plus ou moins grande des parties , & qui n’eft jamais parfaite dans les corps que nous connoiffons , puisqu'elle cède toujours à une force finie ; cette dureté , dis-je , décroît jufqu’à la fluidité, c’eft-à-dire, jufqu’à ce que l’adhérence naturelle des parties fuffife à peine pour empêcher qu’elles n’obéiffent librement à leur propre poids , quand il les follicite à fe mouvoir les unes fur les autres, & à changer la figure de leur tout. Enfin la fluidité qui commence où les corps ceffent d’être regardés
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- 44 Leçons de Physique comme folides , augmente jufqu’à la liquidité qui a elle-même des degrés : on appelle corps liquides ou liqueurs , ceux qui font en cet état, où leurs parties ayant un mouvement libre les unes fur les autres , obéif-fent avec une indépendance mutuelle aux efforts de leur péfanteur , ou à la moindre force qu’on emploie pour les féparer ; & leurs caractères les plus diflin&ifs font de n’avoir d’autre figure , que celle qu’on leur fait prendre dans les vaifi-féaux qui les contiennent , & de ranger leur plus haute furface dans un plan parallèle àl’horifon. L’eau qui coule , par exemple , efl une liqueur; la fumée qui s’élève dans l’air , & qui change continuellement de forme , efl un fluide ; & la pierre que l’on taille à coups de marteaux a efl un corps folide.
- Nous nous contentons maintenant de définir ces différens états des corps naturels , parce que nous aurons occafion d’en parler plus amplement ailleurs en examinant leurs caufes.
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- Experimentale. 4$
- IL SECTION.
- De la figure des Corps.
- T Ous les Corps ont une grandeur déterminée,non-feulement ceux dont les dimenfions frappent nosfens, mais aufîi les parties de ces mêmes Corps, à tel degré de ténuité qu’on les porte par la divifion, & fous tel ordre qu’on les confidére. La petitefle n’eft point une qualité abfolue ; rien n’eft petit que par comparaifon à quelque cho-fe de plus grand ; & quand on fup-poferoit le moindre de tous les Etres matériels, il furpaffera toujours en grandeur chacune defes deux moitiés.
- La grandeur, ou ( ce q,ui eft la même chofe ) l’étendue plus ou moins grande d’un Corps, eft toujours limitée par des furfaces qui renferment la quantité de matière qui lui eft propre : cette quantité de matière fe nomme fa Majfe, & le plus ou le moins de furface non interrompue qui limite fa grandeur apparente, s’appelle fon Volume*
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- Leçons de Physique
- L’ordre ou l’arrangement que prennent entre elles les furfaces qui terminent le volume des Corps, eft ce qu’on nomme leur Figure. Comme ces furfaces ne peuvent fe confondre , & qu’elles fe diflinguent toujours par des fituations relatives, il eft évident que d’être figuré, eft une propriété aufli commune à tous les Corps, que celle d’être folidement étendus, ou d’avoir plufieurs parties réellement diftinguées.
- Mais ces furfaces peuvent varier à l’infini par leur grandeur, leur nombre , leur arrangement refpe&if; c’eft pourquoi toutes les fubftances matérielles à qui il convient effentielle-ment d’avoir une figure en général , reçoivent celle-ci ou celle-là en particulier , & elles font aufti variables 8c peut-être aufti variées entre elles , qu’il eft poftible de combiner enfem-ble la grandeur , le nombre & l’ordre des fuperficies.
- Cette propriété qu’on pourroitnom-mer Figurabilité , s’étend à tous les Corpsd’une manière fi générale qu’elle les accompagne dans toutes fortes d’états ; elle convient à ceux qui fe
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- • Experimentale. 47 meuvent comme à ceux qui font en repos ; elle convient non-feulement aux folides , mais les fluides 8c les liqueurs ont aufîi leur figure qui dépend des obftacles qu’on oppofe à leur épanchement ; la mer, les étangs, les rivières font figurés par leurs côtes 8c par leurs rivages ; le vin, par fon tonneau ; la flamme & la fumée, par l’air qui les environne, &c.
- Quand au premier coup d’œil deux Corps paroiuent terminés de même , on dit alors qu’ils fe refîemblent en figure : ainfi nous appelions cubes les dez d’un trictrac , parce qu’au premier afped chacun d’eux fe préfente fous fix faces égales ; 8c nous appelions femblables deuxfoldats vêtus du même uniforme. Mais cette première reffemblance a des bornes fort étroites ; elle ne s’étend qu’à certains caractères généraux qui foutiennent à peine la première vue ; un examen plus détaillé découvre bientôt une infinité de différences , jufques dans les individus de la dernière efpéce ; de forte qu’on pourroit dire avec jufte raifon, que dans toute la nature il efl: probable qu’il n’y a pas deux Etres
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- Leçons de Physique parfaitement femblables , fur-tout fi l’on joint à la variété de figure celle de la couleur 8c du volume. Lorfque nous jettonsles yeux fur un troupeau de moutons, ils nous paroiffenttous fe relfembler, parce que nous nous arrêtons aux premières apparences ; mais le berger à qui l’habitude a fait appercevoir des variétés, les diftin-gue bien les uns des autres. Dans une foule de peuple nous ne trouvons pas deux virages femblables , 8c nous y diftinguons entre dix mille les traits d’une perfonne que nous cherchons, par l’ufage où nous fommes de voir des hommes, ôc d’apprendre à ne les point confondre.
- Cette prodigieufe variété de figures multipliées fans fin pour ceux qui obfervent plus attentivement, ne convient-elle qu’aux grands Corps, c’eft-à - dire, à ceux que nous pouvons voir 8c toucher fans aucun fecours de l’art ? ou bien convient-élle également aux molécules de ces mêmes Corps ? s’étend-elle jufques à ceux qui échappent à nos yeux, que nous connoilfons par d’autres fens, qui ne fe font fentir que plufieurs enfemble,
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- Experimentale. 49 6c que le préjugé femble annoncer fans aucune figure, parce qu’ordinai-rement on n’eft point inflruit de celle qu’ils ont ?
- Cette queflion fe trouve déjà décidée par la définition même que nous avons donnée de la figure en général. Car fi ce n’efl autre chofe qu’un affemblage de furfaces qui terminent une certaine portion de matière, il eft évident qu’un Corps fi petit qu’il puifTe être, fera toujours terminé par des furfaces, 6c par confisquent figuré.
- Quoique l’expérience ne puifTe pas fe prêter à tonte l’étendue de ce rai-fonnement, Sc nous faire voir des figures par-tout où nous avons raifon de croire qu’il y en a; cependant elle nous en montrera qui ont été longtemps ignorées, que l’art a fçu découvrir depuis, 6c nous apprendrons par des exemples curieux, que nous ne devons pas chercher à concevoir fans figure, les Corps en qui nos fens n’en découvrent point.
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- $o Le çons de Physique PREMIERE EXPERIENCE.
- '^PREPARATION.
- Ayant placé le microfcope repré-lenté par la Figure 6. au jour d’une fenêtre , ou fi c’eft la nuit, devant la lumière d’une bougie baffe , de manière que le miroir qui eft deffous la platine , éclaire par réflexion le trou lïir lequel tombe la lentille objective : on fait palier le premier verre du porte-objets fur lequel on a mis des grains de fable , 8c l’on fait defcendre le corps du microfcope jufqu’à ce qu’on rencontre le point de vue nécefîaire.,-
- Effets.
- . Ayant placé l’œil au-deflus 8c fort près de la première lentille oculaire on apperçoit les grains de fable trans-parens, comme des criflaux de la groffeur d’une mufcade, anguleux 8c diverfement taillés. Figure 7.
- Explications.
- Nous n’expliquerons rien ici des effets qui regardent difeftement l’optique 3 parce que nous en traiterons
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- TOJlt. Z, I . LEÇON . JPL Z
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- Experimentale. £ ï ailleurs. Nous nous bornerons feulement à ceux qui ont rapport à la figure des Corps, dont il eft préfente-ment queftion.
- Lorfque nous arrêtons la vue fur un grain de fable ordinaire, il paroît comme un point ; l’oeil confond fes dimenfions : mais avec le fecours du microfcope, l’objet paroît plus grand; on difiingue aifément des lignes, des angles, des finuofités, des contours, des furfaces, en un mot, une figure bien terminée, dont on apperçoit facilement les différences, quand on la Compare à quelqu’autre.
- A P P li c AT i o n s*
- Les grains de fable doivent être
- O
- confîdérés comme autant de petits criftaux fort durs, préparés par la nature , & que l’art applique utilement à' différens ufages. Farce qu’ils font petits & anguleux, on s’en fert commodément pour ufer ou nettoyer les métaux , ou tout autres Corps encore plus durs, fur lefquels la lime, ou le tranchant de l’acier ne trouve' pins de prife : on les mouille en pareil cas pour aider leur mobilité & pour cm-
- Eij
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- S* Le ç on s de Physique pêcher, qu’en s’ufant mutuellement, ils ne perdent, avec leurs petits angles tranchans, la propriété qu’ils ont d’entamer les matières les plus folides.
- La tranfparence du fable blanc le rend propre à d’autres ufages ; il eft la bafe ae tous les ouvrages de verre ; le mélange de quelques fels , & l’action d’un feu très-violent qui le di-vife, & qui en fépare les faletés, met fes parties en état de fe lier, & de former une pâte fufceptible de toutes fortes de formes, Sc qui en fe refroi-diiTant prend de la confiltance fans çelfer d’être diaphane.
- IL EXPERIENCE,
- V REPARATION*
- Que l’on fade paffer fous la lentille le fécond verre du porte-objets fur lequel on a mis quelques goûtes d’eau falée que l’on a laiffé fécher.
- Effets.
- ; « En approchant l’oeil du microf* cope, on apperçoit des molécules qui parodient fous des figures fem?
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- Expérimentale. blables, quand la préparation a été faite avec un même Tel : fi l’on a employé, par exemple, celui qui vient de la mer, & qu’on fait fervir communément à l’ufage des tables; ce qu’on apperçoit avec le microfcope, reflem-ble à des petits Cubes. Figure 8.
- Explications.
- Les parties de ce fel que l’eau avoÎÉ divifées, & qu’elle tenoit en diffôlu-tion, fe font fixées fur le verre du porte-objets, pendant que la partie liquide s’eft évaporée. Avant cette évaporation de l’eau, le fecours du microfcope ne fuffit pas pour les rendre vifibles, parce qu’alors elles fonc encore trop divifées & trop minces pour être apperçues ; mais à mefure que la liqueur les abandonne , elles fe rapprochent, & elles forment des molécules d’un plus grand volume ; êc quand bien même elles refleroienc aufil petites qu’elles étoient dans l’eau, nous ferons voir ailleurs qu’à grandeurs égales, des corps tranfparens fe voyent mieux lorfqu’ils font plongés dans l’air, que dans tout autre liquide plus matériel.
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- 54 Leçons de Physique
- Chaque Tel qui fe criffailife affeéfe ordinairement une figure qui lui efl propre , & qui dépend vraifemblable-ment de la figure même de Tes moindres parties. Le Tel marin, par exemple , forme des cubes, le falpêtre des.aiguilles, le fucre des globules 5 &C. Figures p. & io.
- Applications*
- . L’uniformité de figures dans les molécules, n’eft point une qualité particulière aux fels ; on en rencontre.beaucoup d’autres exemples, fur-tout dans le genre minéral : le criftai de roche, & la plûpart des pierres tranfparentes paroiffent allez fonvent en petit comme en grand , fous la forme de prifme ou de pyramide exagone ; mais on n’en doit pas conclure du particulier au général, que les parties infenfibles de tous les Corps font autant de petits modèles de ce qu’ils font en plus grand volume.
- Le fel, à caufe de fon extrême di-vifibilité, & de la ligure anguleufe Ôc pointue de fes parties, s’infinue fort aifément dans les pores de toutes les
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- 'Experimentale, friatïéres animales, végétales, foîides ou liquides : 8c par cette raiSon on Remployé avec Succès pour les con-ferver. Car la corruption n'étant rien autre chofe qu’un déplacement de parties, qui change l’état des molécules dans les Corps mixtes; tout ce qui pourra contenir ces parties dans l’ordre qu’elles ont reçu de la nature, empêchera nécessairement que les petits compofés qui réfultent de leur affemblage , ne Soient altérés ; 8c au contraire tout ce qui donnera lieu au mouvement des moindres parties, oc-cafionnera corruption. Or les particules Salines, comme autant de petits coins „ rempliSSent les petits vuides, Soutiennent 8c appuyent les particules Solides, arrêtent le progrès de l’évaporation , & conServent au moins pour quelque tems l’état naturel. C’efl ainfi que la chair des animaux , lorsqu’elle eft Salée , demeure plus long-tems propre à nos uSages ; 8c que les fruits confits dans le Sucre Se gardent pendant plufieurs années.
- Cette prodigieuSe variété de figures que l’on obServe dans tous les Corps inanimés , 8c dans les petites E iiij
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- 5*6 Leçons de Physique mafles qui les compofent, n’eft nî moins grande , ni moins admirable dans le genre animal: le même infiniment qui vient de nous faire voir les angles & les pointes des parties faillies , nous découvre aufîi un monde de petits Etres vivans, de petits infectes , que nous n’eufïions peut-être jamais foupçonné d’exifler, dont nous n’eufïions certainement pas deviné les formes, & qu’on doit être curieux de connoître ; c’efï pourquoi j’ajouterai encore l’expérience fuivante, pour achever de faire voir combien la nature a varié la figure des Corps en tout genre.
- III. EXPERIENCE.
- T R £ P A R AT I O N.
- On fait pafïer fous la lentille objective du microfcope le troifiéme verre du porte-objets , fur lequel on a mis avec la pointe d’un cure-dent, une petite goûte d’une des liqueurs dont on va donner la préparation.
- i°. Dans un vaiffeau dont l’ouverture foit un peu large , il faut mettre macérer dans l’eau un peu de foin
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- Expérimentale, <j bâché, dp la paille, des fleurs de différentes efpéces & des parties de plantes quelconques , & l’expofer environ une femaine à l’air libre, mais à l’ombre pendant un tems chaud ; ou bien fi l’on en a la commodité, on pourra, fans attendre, puifer un peu d’eau dans quelque marre aux endroits où il y a de la moufle verte, ou quelques autres plantes aquatiques.
- . 2°. Dans une fiole de verre qu’il faut tenir ouverte, il faut expofer de môme du vinaigre commun.
- O
- 3°. Dans un verre à boire , ou dans quelque vafe équivalent, il faut garder pendant quatre ou cinq jours de l’eau qui fe trouve dans l’écaille des huitres, lorfqu’on les ouvre.
- Effets»
- On apperçoit dans la première li- Fig queur, une infinité de petits animaux qui paroiflfent de différentes efpéces, foit par leurs figures, foit par leurs façons de fe mouvoir qui font extrêmement variées.Les unsfemblables à des petites boules a, s’élancent en ligne droite, & forment toujours des angles bien marqués, quand ils changent de
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- $8 Leçons de Physique airedions ; les autres b, plus allongés, 6c d’une forme ovale,ne font que tournoyer ; plufieurs Iaiffent appercevoir difïindement des pâtes, une queue fouvent fourchue , Sc des antennes ; d’autres c , compofés d’anneaux , fe meuvent à la manière des vers de terre , ou comme les Sangfues. On ap-perçoit à quelques-uns les principaux organes , ôc la circulation des humeurs ; & pour peu qu’on obferve avec attention , on découvre bientôt jufqu’à la caufe finale de leurs mou ve-mens ; car on en voit qui dévorent les autres, & l’on conçoit fans peine que les uns fe meuvent pour joindre leur proie, ôc les autres pour éviter d’être pris.
- Fig. i2. Dans le vinaigre qui a été expofé plufieurs jours à l’air par un tems doux, on voit des infedes qui par leur figure reffemblent beaucoup à des petites anguilles très-vives : il arrive très-rarement qu’on les trouve mêlés avec des animaux qu’on puiffe juger d’une autre efpéce.
- Fg. 13. L’eau des huitres, contient un nombre infini de petits animaux qui fe reffemblent par la figure, ôc par
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- Experimentale, çp la manière de fe mouvoir : la petite goûte dans laquelle ils nagent pa-Toît femblable à un badin , dans lequel on verroir fourmiller une quantité prodigieufe de carpes fans nageoires & fans queue ; la tranfparen-ce de leur corps effc telle , qu’on ap-perçoit aifément les parties intérieures.
- Explications.
- La nature a varié la figure des plus petits animaux , autant 8c peut-être'' plus encore que celle des grands : mais dans ceux-là comme dans ceux-ci , elle eft uniforme 8c confiante pour chaque efpéce. Ainfi le vinaigre préparé comme nous l’avons dit, fait voir des anguilles qui ne différent que par la grandeur; & l’eau d’huitres ne contient pour l’ordinaire que ces animaux dont nous avons parlé.
- La première liqueur cependant en contient plufieurs qui ne fe reffem-blent ni par la figure , ni par la manière de fe mouvoir.; ce n’eff point une raifon pour conclure , que la figure de ces petits êtres animés , eft
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- éo Leçons ee Phÿsiçus un effet du hazard ; & qu’une feu'Iâ 8c même efpéce affeéte indifféremment celle-ci ou celle-là. Cette liqueur dont il s’agit, eft une infufion de plufieurs fortes de plantes , où différens animaux rencontrent leur nourriture ; 8c l’eau commune qui en eft la bafe, eft un milieu qui peut convenir en rriême-tems à ceux qui fe nourriffent d’herbes , 8c à ceux qui font voraces. Le brochet vit dans la même eau que la carpe > quoiqu’ils fe nourriffent l’un 8c l’autre bien différemment ; 8c l’hiftoire des infeétes nous fournit nombre d’exemples qui ont un rapport bien plus direét 8c plus prochain avec cette fuppofition. il n’en eft pas tout-à-fait de même du vinaigre ou de l’eau d’huitres : il eft probable que ces deux liqueurs ne conviennent qu’à très-peu d’efpéces de ces petits animaux ; 8c le milieu qu’ils habitent, les met vraifembla-blement à l’abri de la pourfuite des autres. J’ai effayé plufieurs fois de mettre enfemble des infeétes d’eau douce avec ceux du vinaigre , ou avec ceux de l’eau des huitres ; les premiers ont toujours péri dans le premier inftant.
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- ït’.ti.i . : ô*
- D/ieulijn<{ del. et u'cu/p
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- Expérimentale. 6i Applications*
- Les infeéles ont été regardés fore long-tems comme les enfans de la corruption , & de la pourriture des autres corps. L’erreur des Anciens touchant leur origine a été telle, qu’ils ont cru pouvoir les faire naître artificiellement, en obfervant certains procédés dont ils ont même ofé donner des recettes. Ce que le préjugé populaire avoit établi, des rhilofophes ont tâché de le confirmer , ôc d’en rendre raifon ; & les fyftêmes que cette opinion a fait naître, ont trouvé des défenfeurs jufi» ques dans ces derniers tems. Mais l’hypothèfe la plus ingénieufe peut-elle tenir contre des faits qu’il n’efl plus permis d’ignorer ? Les Naturalises modernes mieux inftruits qu’on ne l’étoit autrefois de i’hifloi-re des infeétes, leur ont donné une origine plus noble & plus vraie ; ils ont reconnu 6c conllaté par des ob-fervations qui ne laiflent plus rien d’obfcur, que la génération de ces petits animaux eft aufïi-bien réglée, ôç d’une uniformité aufli confiante
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- ^Leçons de Physique pour chaque efpéce, que celle des lions ôc des chevaux, &c. Ils ont répondu par des expériences décrives , à des apparences trompeufes ôc trop peu approfondies, fur lefquelles on apptiyoit l’ancienne opinion* Telle matière corrompue , difoit-on, fait voir des vers ôc des mouches; peut-on douter que ces animaux ne doivent leur exiftence à cette corruption ? Comme li l’on pouvoit conclure qu’un cadavre de cheval engendre des corbeaux , parce qu’il arrive fouvent qu’on y trouve de ces oifeaux voraces aflemblés ; ou qu’un pré fait naître des moutons, parce qu’on y en rencontre des troupeaux qui paillent ; on pardonneroit de le foupçonner à quiconque ne fçauroit pas que les oifeaux font des nids pour perpétuer leur efpéce , ôc qu’un agneau vient d’une brebis. Si l’on peut en quelque façon excufer ceux qui les premiers ont été trompés par les apparences, parce qu’alors on n’étoit nullement inllruit de la vraie manière dont nailfent ces petits animaux fi différens des autres par leurs tailles ôc par leurs figures ; pré*
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- Experimentale. 63 lentement que l’on fçait comment s’engendrent ceux qui font allez viables pour être obfervés , il n’eft plus permis de penfer que la nature fi conforme à elle-même, prenne d’autres Voies pour multiplier ceux qu’une çxtrême petitefîe permet à peine d’appercevoir avec le microfcope, ni qu’elle abandonne au hazard le foin de les faire naître.
- . Il faut donc bien fe garder de croire que les petites anguilles qu’on ap-perçoit dans le vinaigre , ainfi que les petits animaux qu’on obferve dans les infufions des plantes, foient des parties putréfiées de ces végétaux , qui fo. convertirent en corps animés. L’expérience apprend , que fi l’on tient les vaiffeaux fermés, il ne s’y engendre rien ; mais on doit penfer que quand ils font ouverts , les me-res que l’air tranfporte de côtés 8c d’autres, y vont dépofer leurs oeufs ou leurs vermificaux , comme dans un lieu qui doit faciliter leur développement , fournir à leur nourriture , 8c les faire croître. Cette conjecture ( fi c’en efl une ) elt folidement appuyée fur des exemples : combien
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- Leçons de Physique d’efpéces de mouches voyons-nous aller placer leurs œufs dans des eaux croupies , où le vermiffeau venant à éclore, fe nourrit & prend fon ac-croiffement jufqu’à ce que le tems de fa métamorphofe étant arrivé , il s’élève dans Pair avec une nouvelle forme & des aîles, qui le rendent fem-blable à fa mere ?
- Quelque intéreffante que foit cette matière , je ne dois pas m’y arrêter davantage : le Ledeur curieux d’en être plus amplement inftruit, doit confulter PHilloire des Infedes, par M. de Reaumur ; c’eff-là qu’il fera con* noiffance avec ce peuple nouveau ; c’eft le bien voir, que de le voir par les yeux d’un tel Obfervateur. Il me fuffira de remarquer ici, que fi Pon eft fenûble à cette prodigieufe variété de figures, par lefquelles la nature a différencié les plus petits corps ; il ri’eft point de genre qui fourniffe plus à notre curiofité , que celui des Infedes j où Pon doit admirer également 8c les différences qui caradéri-fent les efpéces, 8c Puniformité qui régné dans chacune.
- III;
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- Experimentale. 6?
- III. SECTION.
- De la folidité des Corps,
- T j A folidité d’un corps n’eft autre choie que la quantité de matière qui eft liée enfemble fous Ion volume ; je dis, qui eh: liée enfemble ; car s’il ar-rivoit qu’une matière étrangère paflat librement à travers d’un corps , 8c qu’elle y exerçât fes mouvemens avec indépendance , comme l’eau de la rivière qui baigne intérieurement un monceau de pierres qu’elle rencontre dans fon lit ; cette matière ne contri-bueroit en rien à la folidité dont il eh: ici queltion. Elle l’augmenteroit au contraire , fi elle fe trouvoit fixée fous le même volume, comme fiTeati courante que nous venons de citer pour exemple , dévenoit de la glace au moment qu’elle fe trouve entre les pierres amoncellées. Un panier percé de toutes parts, 8c plongé dans un fluide , n’a que fa propre folidité ; fi c’efl: un morceau de bois , il eft plus folide de toute la quantité d’eau Tome h F
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- 66 Leçons de Physique dont il eft pénétré, & qu’il unit à fa maffe.
- Etre folide eft une propriété, non-feulement commune , mais même effentielle à tous les corps ; foit qu’on les conftdére en tout, foit qu’on n’ait égard qu’à leurs parties les plus Amples. C’eft aufti le ligne le moins équivoque de leur exiftence. Des il-lulions d’optique en impofent quelquefois à nos yeux ; nous fommes tentés de prendre des phantômes pour des réalités : mais en touchant, nous nous affurons du vrai, par la perfuafion intime où nous fommes, que tout ce qui eft corps eft folide , capable par conféquent de réfiftance, & qu’on ne peut placer le doigt ou autre chofe dans un lieu qui eft OC"-eupé par une matière quelconque , fans employer une force capable de la pouffer ailleurs.
- Toute réfiftance annonce donc une foiidité réelle plus ou moins grande ; c’eft une vérité tellement avouée , que je ne crois pas qu’elle ait befoin d’autre preuve que l’habitude où l’on eft de confondre les deux idées, quoiqu’à parler exade-
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- Expérimentale. 67 ment, Tune repréfente la caufe , 8c l’antre l’effet. Mais il y a tel cas où l’une & i’autre ( la folidité & la réfif-tance ) échappent à nos fens, on à notre attention. Certains corps nous touchent fans ceffe , nous touchent par-tout également ; l’habitude nous a rendu leur contad fi familier que nous avons befoin d’y réfléchir, pour re-connoître l’impreflion aduelle qu’ils font fur nous. Quand on agit dans tin air calme, il eff peu de perfon-nes qui penfent qu’elles ont continuellement à vaincre la réfiflance d’un corps dont la folidité s’oppofe à leurs mouvemens. Si l’on fortoit de l’atmofphére pour y rentrer, 011 fentiroit fans réflexion l’attouchement de l’air, comme on fent celui de l’eau quand on s’y plonge.
- Ce qui fait encore que la folidité des. fluides échappe à notre attention ; c’eff que leurs parties indépendantes les unes des autres , 8c d’une petiteffe qui furpaffe beaucoup la délicateffe de nos fens , cèdent au moindre de nos efforts , fur - tout quand elles font en petite quantité : 8c nous ne penfons pas que nous
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- 68 Leçons de Physique agiffons, quand nous agiflons très-peu;
- Puifque les fluides font les feuls corps dont la folidité ait en quelque façon befoin d’être prouvée, & que la grande facilité qu’ils ont à céder> pourroit faire croire à ceux qui n’y feroient point aflez d’attention, que ces fortes de corps font incapables de réfiflance ; nous les employerons par préférence dans les expériences que nous appellerons en preuves, & nous choifirons l’air comme le moins folide de tous ceux qu’on peut retenir dans un vaifleau fermé, afin que fa folidité bien établie fur des faits, fafle conclure à plus forte raifon , la même chofe pour tous les autres corps.
- PREMIERE EXPERIENCE,
- T R E P A R AT I 0 N.
- Dans un vafe de criftal repréfenté par la Fig. 14. on verfe cinq ou fix pintes d’eau bien claire ; & l’on met flotter fur la furface de l’eau un petit morceau de liège Ai, on defcend en-fuite perpendiculairement le vafe B afin que l’air qu’il contient ne puiffe pas s’échaper.
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- Experimentale* 6$
- Effets.
- La partie de la furface de l’eau qui répond à l’ouverture du vaifleau B 9 s’abaifle à mefure qu’on le fait defcen-dre ; le petit morceau de liège qui flotte défais , rend cet abaiflement fenlible , & fait voir qu’il n’entre point d’eau dans le vaifleau B*
- Explications.
- Le vaifleau B, contient une colonne d’air qui remplit fa capacité ; cette malle fluide, quoique peu matérielle, eft pourtant compofée de parties réellement folides, qui ne peuvent être déplacées par un autre corps, à moins qu’on ne leur ouvre une nouvelle place qu’elles puiflent aller occuper. Comme le vaifleau B efl: fermé de toutes parts, Sc que l’eau qui fe préfente à fon ouverture efl plus pefante que l’air ; ce dernier fluide ne peut fortir du lieu où il efl, Sc comme il efl folide en fes parties, il fe comporte à l’égard de l’eau qu’il rencontre, comme tout autre corps dont les parties feroient liées. Ainfl la furface de l’eau baifle autant qu’on
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- •jo Leçons de Physique fait defcendre le vafe qui contient l’air ; ce qui devient évident par le petit morceau de liège qui flotte deffus.
- Quoique l’air du vaifleau B , s’op-pofe à l’eau qui fait effort pour y entrer; fa réilftance n’efl: point telle qu’elle l’en exclue entièrement. Nous verrons ailleurs qu’une maffe d’air efl: un corps flexible , 8c qu’elle peut fe reflèrrerdans un plus petit volume quand on l’y force : nous ferons voir aufli qu’un corps plongé dans un fluide , y efl: d’autant plus preffé, qu’il y defcend plus avant. Ces deux principes une fois fuppofés , expliquent fort bien pourquoi l’eau s’élève un peu dans le vaifleau B , nonobfl tant la réfiftance de l’air ; ce qui arriverait aufli en fubftituant à l’air toute autre matière flexible , & incapable de fe mêler avec l’eau ; comme nous le prouverons en parlant de la compreflibilité des corps. Mais quelque chofe qui arrive , 8c à quelque profondeur que l’on porte le vaifleau B, jamais l’eau ne réduira le volume d’air à zéro pour occuper toute la place. Quand une fois l’effort qui fe
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- Experimentale. 71 Fait à la bafe , aura rapproché les parties autant qu’elles peuvent l’être , il n’eft point de force qui le reflerre dans un plus petit efpace ; ce qui fuffit pour prouver que ce fluide a comme tous les autres corps , une folidité abfolue.
- Applications.
- Par l’expérience précédente, pour peu qu’on y penfe, on apprend pourquoi l’on ne remplit point un pot ou tout autre vafe femblable , quand on le plonge l’orifice en bas ; par quelle raifon l’entonnoir dont le canal remplit trop exactement le col d’une bouteille > n’eft point propre à y introduire une liqueur ; & ce qui oblige d’avoir recours à certaines voies extraordinaires, pour remplir des vaiflfeaux qui ne font ouverts que par un très-petit canal , comme la eaflblette de la 3 e Exp. ie Secl. Le préjugé , ou l’habitude que nous avons de vivre dans l’air , nous fait regarder comme vuide tout ce qui n’eft plein que de ce fluide ; dans cette confiance mal fondée , nous croyons qu’une liqueur n’a qu’à fe
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- 72 Leçons dePhysiqué prefenter de quelque façon que ce î'oit à Touvertufe d’un vafe , pour y trouver accès ; mais nous devrions faire attention que toutes ces capacités font naturellement remplies d’air, comme elles fero'ient pleines d’eau, fi elles avoient été fabriquées au fond d’un étang, & qu’elles n’en fuffent jamais forties : nous devrions penfer de plus, que l’air ayant de la folidité dans fes parties, on ne doit pas prétendre de loger avec lui un autre corps dans le même lieu ; Sc qu’ainli pour mettre de l’eau , du vin , &c. dans une bouteille , il faut que l’air puilfe paffer entre le col Sc l’entonnoir pour faire place à la liqueur. Mais quand ce col eft tellement étroit, qu’il ne peut pas donner en même-tems un paffage libre à deux matières qui coulent en fens contraire, c’eft-à-dire , à la liqueur qu’on veut faire entrer , Sc à l’air qui doit fortir ; il faut que cela fe faf-fe fuccelîivement. C’eft pourquoi quand on veut introduire l’efprit de lavande dans la caffolette que nous avons citée , on commence par la chauffer y Sc quand l’action du feu
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- Experimentale. 75 a fait fortir une bonne partie de l’air qu’elle contenoit, on plonge le coi dans la liqueur qui va prendre fa place. Nous ne confidérons maintenant dans cet effet, que le déplacement d’un fluide qui doit précéder l’intro-•duétion d’un autre. Lorfque nous expliquerons les propriétés de l’air, nous ferons connoître comment un vafe que l’on chauffé , perd une grande partie de l’air qu’il contient.
- Nous avons dit pourquoi l’air ne peut point s’échapper du vaifféau B dans l’expérience précédente ; c’eff: par la même raifon , qu’il demeure dans la cloche du plongeur , & qu'il fournit à fa refpiration pendant quelque tems. C’eff par la raifon contraire, que l’on puife commodément une liqueur dans un vafe qu’on ne veut pas remuer, avec une efpéce de chalumeau renflé par le bas, comme il eft -repréfenté par la Fig. 17. Car comme cet infiniment eff ouvert en C, l’air s’échappe par cette iflue à mefure que la liqueur s’introduit par D ; ôc l’expé-xience fuivante apprendra comment on peut le tranfporter plein, en empruntant la réfiffance de l’air extérieur*
- lome L G
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- 74 Leçons de Physique IL EXPERIENCE.
- F R E PA RATION.
- La Fig. 16. repréfente line efpéce de fontaine , dont le canal EFeft ouvert de part & d'autre ; la partie E eft élevée d’environ 2 lignes au-def-fus du fond du baiïïn GH, qui eft percé au centre : on remplit d’eau le refervoir 1K , jufques aux | environ.
- Effets.
- Cette fontaine coule à plufieurs reprifes par les petits canaux 1,2, 3,4. tant que l’eau contenue dans le refervoir peut fournir à cet effet.
- Explications.
- Lorfque le canal EF eft ouvert, il laiffe un paffage libre à l’air qui exerce intérieurement fa preffion fur la furface de l’eau en 1K. Il y a alors deux caufes qui concourent à l’écoulement ; la preffion de l’air intérieur , 6c le poids de l’eau. De ces deux caufes , la première eft contrebalancée par la réfiftance de l’air extérieur qui répond au bout de chacun des petits
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- Experimentale. 7^ canaux 1 , 2 , 3,4. & qui s’oppofe par dehors à la chute de l’eau avec une force égale à la prefiion qui la follicite par dedans ; la fécondé cau-fe ( le poids de l’eau ) fubfiffe entièrement, & fuffit pour la faire couler. Mais fi le canal E F vient à fe boucher , l’air intérieur cefifant de prefifer lafurface de l’eau en IK, laifïe agir librement celui du dehors , dont la réfiftance l’emporte fur la péfan-teur du liquide, Sc l’écoulement cefr fe. On fe fert afiez ingénieufement de l’eau même qui s’écoule , pour caufer les intermittences. Comme elle ne peut fortir du bafiïn G H, qui la reçoit, que par le trou qui efi au centre ; elle s’y trouve d’abord , & pendant quelque tems, en afiez grande quantité pour noyer l’extrémité E du canal ; & ce n’eft que quand elle efi; écoulée, qu’il fe trouve ouvert de nouveau, & qu’il rend le paflage à l’air.
- A F F L1CAT1 O NS.
- On trouve en difFérens lieux des fources intermittentes dont les écou* lemens font périodiques; ces effets Gij
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- 76 Leçons de Physique naturels qui fe rencontrent allez ordinairement dans le voifinage des montagnes , dépendent bien fouvent de plulieurs caufe's qui s’entr’aident pour la même fin ; mais comme les différentes explications qu’on en donne , font la plûpart fondées fur certaines propriétés de l’air que nous n’avons point encore fait connoître 5 nous différons de les rapporter, juf* qu’à ce que i’ordre que nous nous fommes propofé dans cet ouvrage , nous ait donné lieu de traiter de ce fluide. Nous fuppofons feulement ici ( ce qu’il a de commun avec tous les autres corps ) qu’il elt capable de ré-fîfter & d’agir fur d’autres matières ; Sc nous en trouvons des preuves non feulement dans les .expériences que nous venons de citer , mais encore dans plufieurs effets que nos propres befoins nous mettent tous les jours fous les yeux. La néceffité de tenir ouverte la partie Cdel’inlîrument cité ci-deffus * pour permettre à l’eau d’y entrer par l’extrémité D , ne laiffe point ignorer la réfiffance de l’air qui reffe-roit enfermé. Mais quand on veut tranfporter la liqueur qu’on a puifée}
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- E X P E R ï M E N T A £ E. 77 c’eft encore par une femblable réfif-tance employée en dehors, qu’on en vient à bout.En fermant avec le doigt la partie c du canal, on donne lieu à l’air extérieur d’oppofer toute fa force en d à la chûte du liquide renfermé» Les lampes & les encriers dont les ré^ fêrvoirs font des bouteilles renverfées, comme le repréfente la Fig. 1 y.ne font encore que des exemples variés des mêmes effets. Si l’onfaifoit la moindre petite ouverture en la partie fupéricu-re L du vafe, la liqueur fe trouverait alors entre deux puiflances égales; car l’air qui refifteroit en M ne ferait qu’équilibre à celui quiprefferoit par L, &z l’huile ou l’encre obéirait librement à fa pefanteur qui ne lui permettrait pas de relier fufpendue au-deffüs de fon niveau. Mais tant que le réfervok eft fermé par le haut, l’air qui s’op-pofe en M a des forces fulfifantes pour foutenir la liqueur. Un tonneau plein, quoiqu’ouvert par un trou de vrille , trompe encore l’attente de celui qui l’a percé , s’il oublie de lui donner de l’air par le haut. C’efl encore par la même caufe , qu’une bouteille bien Jaouchée par le col, au fond de la-G iij
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- 78 Leçons de Physique quelle on a fait fecrétement un trou, inonde & ftirprend beaucoup celui à qui on la donne à déboucher.
- La folidité des corps fe nomme au(Ti Impénétrabilité ; mais ce terme a befoin d’être expliqué pour prévenir des objedions tirées de certaines expériences , par lefquelles il paroît que plufieurs matières mêlées enfem-ble confondent leurs grandeurs, &fe pénétrent mutuellement : une éponge , par exemple , reçoit intérieurement une quantité d’eau qui femble perdre fon propre volume ; puifque celui fous lequel elle fe trouve renfermée après cette efpéce de pénétration , n’en eft point fenfiblement augmenté ; un vaiffeau plein de cendre ou de fable admet encore une grande quantité de liqueur ; 6c parties égales d’efprit de vin 6c d’eau mêlées dans le même vafe, y tiennent moins de place qu’elles n’en occu-poient avant le mélange : la matière eft-elle donc pénétrable ? ou fi elle ne i’elt pas, dans quel fens faut-il entendre fon impénétrabilité ?
- C’eft qu’il faut foigneufement diftin-guer la grandeur apparente des corps*
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- Experimentale. 79 de leur folidité réelle. Les parties in-divifibles ( s’il y en a ) font abfolument impénétrables. Celles même d’un ordre inférieur, qui commencent à être compofées, ne font encore vraifem-blablement jamais pénétrées par aucune matière ; en un mot il y a dans tous les corps tels qu’ils puilfent être, une certaine quantité de parties qui occupent feules les places qu’elles ont, & qui en excluent nécelfaire-ment tout autre corps. Mais ces parties folides & impénétrables qui font proprement la vraie matière de ces corps , ne font pas tellement jointes enfemble, qu’elles ne laiffent entre elles des efpaces qui font vuides, ou qui font pleins d’une autre matière qui n’a aucune liaifon avec le relie, 8c qui cède fa place à tout ce qui fe préfente pour l’cn exclure ; en admettant ces petits interftices dont nous prouverons l’exillence dans la leçon fuivan-te , on conçoit très - facilement que l’impénétrabilité des corps doit s’entendre feulement des parties folides qui fe trouvent liées enfemble dans le même tout 2 de non pas du comparé qui enréfulte.
- G« • •,
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- TOM-r . J . LEÇON . FL
- T>h rt(//titirt </<*/ /’/' vfctiff'
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- Leçons de Fhvs. Expfr. 8i
- II. LEÇON.
- De la Porofité} Compreffibilité3 & Elafticitè des Corps.
- PREMIERE SECTION. De la Porofité.
- La Porofité des 'corps n’eil antre chofe que le vuide qui fe trouve entre leurs parties folides ; ôc par ce mot de vuide nous ne prétendons pas faire entendre des efpaces privés de toute matière : il eft indubitable que la plus grande partie de ces interfaces loge des fluides dont la préfence fe mani-fefte par mille preuves.Quand je plonge dans l’eau une éponge féche , ou une pierre tendre , j’en vois fort h? beaucoup d’air,à mefure que l’eau les pénétre : & quand je fais fécher des matières humides, elles deviennent plus légères à mefure qu’elles perdent par l’évaporation , ce que leur po-îoflté a voit admis. Ces corpufcules-
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- &2 Leçons de Physique étrangers ne remplirent que les plus grands vuides ; la matière du feu, celle de la lumière que nous voyons palTer dans des corps impénétrables à l’air , à l’eau , &c. ne nous permettent point de douter qu’il n’y ait des pores d’un autre ordre , qui fe remplirent de ces fluides beaucoup moins groffiers que les autres ; mais quand on confidére la matière propre d’un corps, c’eft toujours en faifant abf-tradion de toutes ces parties étrangères qui fuivent d’autres loix, 8c qui ne participent point à fes affedions. On peut croire aufîi quraprès ces premiers vuides qui n’en font point à proprement parler , puifqn’ils font pleins d’une autre matière , il en eft d’autres plus petits 8c qui le font au fens littéral. La liberté requife pour les mouvemens, femble l’exiger; mais s’ils exiftent dans la nature, ils ne font point fufceptibles d’aucune preuve d’expérience. En exceptant donc feulement les parties fimples 8c primordiales des corps, nous établilfons comme une propofition générale, que tout ce qui eft compofé de parties matérielles eft poreux, les corps durs
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- Experimentale. 83 comme les liqueurs , ceux qui font organifés comme ceux qui ne le font pas : & s’il y a quelque différence dans les uns 8c dans les autres, ce n’eftque parla grandeur, par le nombre , par la figure ou par l’arrangement des pores.
- PREMIERE EXPERIENCE.
- Préparation.
- La Figure première repréfente une machine pneumatique, fur la platine de laquelle on a établi un canon de verre NO, terminé en haut par un vafe de bois de chêne P , qui a été creufé félon le fil du bois , 8c dont le fond efl épais d’environ 3 lignes ; on met de l’eau dans ce vafe , & l’on fait agir la pompe.
- Effets.
- Après quelques coups de piflon,' l’eau contenue dans le vafe de bois paffe à travers le fond , 8c tombe par goûtes dans le canon de verre , le bois s’étend , & quelquefois le vaif-feau fe fend.
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- Leçons de Ph¥sïq.ué Expli c'ati o n s.
- La machine pneumatique efl un infiniment qui fert à pomper l’air qui efl renfermé dans un vai fléau. Nous nous abfliendrons de rien dire ici de fa conflruction 8c de fes différons ufa-ges r parce que c’eft une chofe étrangère à notre objet préfent, & qui trouvera naturellement fa place dans les leçons qui traiteront des propriétés de l’air. Il nous fuffira de dire ici qu’en faifarrt agir la pompe de cette machine dans l’expérience précédente , on peut ôter l’air qui efl contenu dans le canon de verre NO.
- Un morceau de bois conlîdéré félon fa longueur, efl un aflfemblage ou un faiffeau de petites fibres renfermées fous l’écorce qui leur fert d’en* velope commune. On peut s’en faire une idée ( fort grofliére à la vérité ) en fe repréfentant une botte d’allu-métes couvertes d’un fourreau.Quelque fnenues que puiffent être ces fibres ligneufeselles ne s’approchent Jamais de manière qu’elles ne taillent entre elles des internices qui forment autant de petits canaux. En creufaat
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- Experimentale. 8$ le vafe de l'expérience précédente,on a réduit la longueur de ces canaux à Fépaiffeur du fond qui n’efl que de deux ou trois lignes ; ainfi l’on peut confidérer ce fond comme un crible ouvert par une infinité de petits trous qui panent d’une furface à l’autre ; cependant les pores du bois de chêne font fi petits, que l’eau dont on remplit le vaiffeau,aidée de fon feul poids, ne peut fe faire jour à travers. Il faut emprunter une force étrangère qui la mette en état d’aggrandir les paffages de de pénétrer ; on fe fort ici de la preflion de l’air extérieur, qui agit toujours fur la furface de l’eau , mais qui ne peut avoir fon effet que quand on diminue , ou qu’on fait celfer la réfiflance de celui qui ell renfermé dans le canon de verre, Sc qui lui fait équilibre , tant qu’il y relie : ainfi après quelques coups de pi-fton, l’eau poufifée par dehors n’étant plus fou-tenue par dedans NO , fe filtre à travers le fond du vafe de bois, & s’a-malle en gouttes qui forment en tombant une efpéce de pluye.
- Les pores n’ont pas pu s’aggrandir, qu.e les parties folides du bois ne fe
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- 26 Leçons dePhysique foient écartées les unes des autres, Sc que la furface ne fe foit étendue ; mais li la circonférence que l’eau pénétre moins, ne s’étend pas proportionnellement autant que le milieu, le fond du vafe deviendra courbe, ou le vafe lui-même s’ouvrira par quelque fente.
- Applications.
- Les bois qu’on nomme tendres(parce qu’étant plus poreux que les autres ils font plus aifés à couper) lorsque leur furface n’eft enduite d’aucune matière grade , deviennent humides , quand ils font plus fecs que l’air qui les touche ; ou bien ils perdent une partie de leur humidité, s’ils font dans un air qui en ait moins qu’eux : parce qu’il efl de la nature des fluides de s’étendre par-tout avec égalité; ôc comme l’état de l’atmofphére varie fans celle, les bois ainfi que tous les corps fpongieux , fouffrent continuellement des alternatives d’humidité Sc de fécherefîe ; ce qui caule des variations dans leurs volumes ; les furfaces augmentent d’étendue dans un tems, dans un autre elles dimi-
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- Experimentale. 87 nuent. C’eft par cette raifon , que les charpentes dans les bâtimens neufs, que les cloifons de fapins,que les lambris 8c autres ouvrages de menuiferie qui n’ont point été faits avec des bois long-tems gardés à couvert, fe fendent fouvent avec éclat, & que les aflemblages perdent leur julteffe 8c leurfolidité ; qu’une fenêtre qui fe ferme aifément dans un tems, le trouve trop large dans un autre , 8c peut à peine rentrer en place ; qu’un tonneau entr’ouvert fe raccommode en reliant dans l’eau , &c. Car tous ces effets ne font autre chofe que des di-menfions augmentées par l’humidité , ou diminuées par la fécherelfe.
- Ces fortes de défordres ne feroient pas à beaucoup près aulïi conlidéra-bles qu’ils font, li la diminution ou l’augmentation des furfaces le faifoit également par - tout 8c en même-tems ; dans les ouvrages qui font d’une feule pièce, ou qui font alfemblés à colle , il n’arriveroit qu’un changement de grandeur qui feroit fouvent d’une légère conféquence : mais parce qu’un côté devient humide 8c plus grand j pendant que l’autre relie fec
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- ,S8 Leçons de Physique ôc fans diminution) il s’enfuit des ger-jfures, des courbures, des difformités. .C’eiL ainfi qu’un lambris fe creufe en -dehors, quand la furface qui touche un mur humide , demeure plus étendue que l’autre ; 8c qu’une porte fe déjette, quand les pièces qui la corn* pofent, ne font pas également fufcep-tibles ou exemptes des impreffions de l’air.
- L’ufage des peintures à l’huile 8c des vernis remédie affez bien à ces fortes d’inconvéniens : en bouchant ainfi les pores du bois avec une matière qui n’efl point pénétrabîe à J.’eau, non feulement on empêche l’humidité d’y entrer, mais auffi celle -qui s’y trouve renfermée dans le tems qu’on finit l’ouvrage , n’en peut plus fortir ; 8c c’eff un moyen de confer-ver un état confiant aux chofes qui n’en peuvent changer que par le fec du par l’humide.
- C’efl une chofe admirable , que des petites parcelles d’eau qui s’infïnuent dans une matière folide, puiffent ainfi par leurs petites forces multipliées, augmenter fon étendue , nonobflant les ré.fiflances énormes qui font effort
- quelquefois
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- •Experimentale.
- quelquefois pour la retenir dans fes dimenfions.On a vu des cables mouillés à deiTein fe gonfler aux dépens de leur longueur, Sc faire approcher du point fixe où ils é-toient attachés des maflés prodigieufes. Une femblable expérience, & qui n’ell pas moins digne d’attention, fe paffe tous les jours fous des yeux qui n’en remarquent pas tout le beau, dans les carrières où l’on taille les meules de moulin. Ces fortes dë pierres font fort dures, ôz fon n’ell pas dans finage de les fcier. Qn en choifit un bloc que l’on façonne en forme de cylindre d’un diamètre convenable. Tandis qu’ilrepo-iê fur fa bafe, on le partage par des tranchées circulaires & parallèles , à, telle diffance l’une de l’autre qu’il fe trouve entre elles de quoi faire autant de meules : mais comme ces tranchées ne peuvent pas aller jufqu’à l’axe du cylindre, il relie un noyau qu’il faut fonipre à chaque tranche qu’on veut détacher; pour cet effet on remplit tout ce qu’on a creufé avec des coins de bois tendre & bien féchés, dont on augmente enfuite le volume en les mouillant par afperfionou autrement,, T'orne L H-
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- po Leçons de Physique Ce qu’il ÿ a de merveilleux dans cette pratique, c’eft que ni le poids, ni la dureté d’une telle pierre, ne puifle empêcher l’humidité d’avoir fon effet fur le bois, & que par un moyen fi fimple, & fi peu puiflant en apparence , elle fe fépare de la mafle dont elle fait partie.
- IL EXPERIENCE.
- T REPARATION.
- En place du canon de verre de l’expérience précédente, on met celui qui eft repréfenté par la Figure 2. il eft garni par le haut, d’un flacon de criftal dont le fond efl: de cuir de buffle, & dans lequel on a mis du mercure jufques à la hauteur de deux doigts environ.
- Effets.
- Au premier & au fécond coup de piflon le mercure paffe à travers le cuir, & tombe dans le tube par petits globules qui imitent une pluye d’ar-gent.
- Explications.
- La peau de buffle qui fert de fond
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- Experimentale. <pï au flacon, efl: comme celle de tous les autres animaux, très-poreufe; le mercure qui repofe defllis, n’efl; pas en aflfez grande quantité pour forcer le paflage par fon propre poids ; mais quand on y joint la prefîion de l’air extérieur comme dans la première expérience, alors fes petits globules fe font jour, & imitent en tombant * une pluye d’argent, par leur nombre & par leur couleur.
- Applications*
- La vie des animaux s’entretient par les alimens ; mais de tout ce qu’ils prennent par forme de nourriture, la nature n’en employé qu’une très-petite partie à la fubfiftance du corps qui les digère : quand elle a fait fon extrait 3 & qu’elle l’a placé félon fes vues, elle a des voies par lefquelles elle fçait fe débarraffer du fnperflu : on croiroit volontiers que les évacuations les plus vulgairement connues font auiïi celles qui emportent la plus grande quantité de ces fubf-tances excédentes ; mais il en elf d’autres qu’on apperçoit moins, & qui opèrent davantage, parce qu’elles fe
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- $2 Leçons de Physique font continuellement. Ce qu’on ap~ pelle tranffiration, n’eft autre chofe qu’une évaporation d’humeurs fur-abondantes qui fe fait en plus grande partie par les pores de la peau:, fi elle efl telle qu’elle rende la furface du corps notablement humide, elle fe nomme tranfpiration fenfible , ou vulgairement fueur j Sc cet état n’efb pas naturel, il fuppofe un exercice violent , ou quelque agitation extraordinaire dans les parties internes ; mais l’animal le plus tranquille & qui fe porte le mieux, n’efl: pas un inflant fans tranfpirer d’une manière peu fenfible à la vérité , mais fi efficace à la longue, que félon les expériences' de Sandorius, de M. Dodart, Sc de quelques autres perfonnes qui les ont faites avec foin , de huit livres de nourriture qu’un homme auroit prifes en 24-. heures, la tranfpiration infen-fible en enlève cinq.
- On ne doit donc pas être furpris du dépérifiement Sc de la défaillance de ceux qui font trop long-tems fans manger , ou qui ne prennent que des fubftances peu capables de fournir à la réparation de celles qui
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- Experimentale.'
- perdent continuellement par la-tranfpiration : mais on a raifon de l’être, quand on voit des létargiques-& certains animaux, comme les mar-motes, les loirs, &c. vivre plufieurs mois endormis, fans prendre aucun aliment.
- Ceux qui ont vû des corps vivans 8c endormis de cette forte, ont dû s’ap-percevoir que leur état reffemble bien plus à un engourdiffement général répandu dans toute l’habitude du corps* qu’au fommeil naturel & commun, Dans un animal qui n’eft Amplement qu’endormi félon le cours ordinaire de la nature, la refpiration ell fenfible &. fréquente ; la chaleur & la moleffe des membres témoignent que les humeurs fe meuvent & circulent avec liberté; il n’y a pour ainff dire qu’un pas à faire de ce fommeil au réveil ; ainfi. la tranfpiration continue , parce que fes caufes font à peu-près les mêmes : mais dans un létargique ce ft’eff pas la même chofe, tout eft dans une inaètion prefque entière ; il ne diffère d’un mort que par un refte de mouvement qui fe laiffe à peine appercevoir& qui le plus
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- 94 Leçons de Physique fouvent ne fe ranime plus : ou s’il fe ranime enfin, l’extrême maigreur & la grande foiblefle du malade marquent bien à Ton réveil la perte qu’il a faite de fa fubftance par une tranfpiration plus lente mais trop longue. J’ai ob-fervé quelquefois de ces efpéces de rats qu’on nomme loirs ; l’engourdif-fement où ils étoient, leur rendoit les membres aufii roidcs que s’ils eufient été morts; à peine paroiifoient-ils plus chauds que la muraille d’où on les avoit tirés ; prefque aucun figne de mouvement interne, & une difficulté pour les éveiller qui permettoit de les agiter de toute manière, & même de leur faire des bleflurcs. Dans un tel état, l’animal fait bien peu de diffipation ; il peut donc le foutenir quelque tems fans nourriture , & ce teins où il vit ainfi, eft toujours celui de toute l’année , où la tranfpiration eft moins abondante, c’eft-à-di-re, pendant le froid.
- Dans les grandes chaleurs de l’été on tranfpire davantage , & d’ordinaire on mange moins que dans toute autre faifon ; les parties de l’efto-mac deftinées à faire la digeftion des
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- Experimentale. ' pj alimens, fe relâchent juflement lorf-qu’il feroit le plus néceffaire qu’elles éxerçaffent leurs fondions ; les animaux font alors moins vigoureux, parce qu’ils perdent plus, & qu’ils réparent moins qu’en tout autre tems ; l’apétit & le befoin de manger ne font point la même chofe.
- Si la peau des animaux a des pores qui tranfmettent les humeurs du ..dedans au-dehors, elle en a auffiqui permettent le paffage à des matières qui agiffent du dehors au-dedans ; la Médecine applique extérieurement des remèdes qui portent leurs effets jufqii’ aux parties les plus internes, ôc qui ne permettent point de douter de cette dernière efpéce de porofité,
- III. EXPERIENCE.
- PREPARATION-
- On met un œuf dans un gobelet de verre plein d’eau claire, que l’on couvre d’un récipient, fur la platine de la machine pneumatique , comme il elt repréfenté par la Fig- 3.
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- $6 L E Ç O î? S D Ê P H Y s r Q. U E Effets»
- Quand on fait agir la pompe pour ©ter une partie de Fair qui eft dans le récipient * toute la furface de l’œuf fe couvre de petites bules d’air qui fe détachent peu à peu-, pour gagner la furface de l’eau ; ôc à certains endroits de l’œuf on remarque des petits jets d’air qui font formés par une iùite continuelle de petits globules»
- Explications.
- La coque d’un œuf eft poreufe, & par cette raifon il s’évapore en peu de jours une partie de fa lubflance , qui eft bien-tôt remplacée par Fair qui l’environne.Cet air contenu dans l’œuf n’en fort point tant qu’il eft retenu par la preffion de l’atmofplié-re : mais quand on diminue ou qu’on fait ceffer cette preftion , comme il arrive dès qu’on ôte Fair qui eft dans le récipient, & qui preffe l’eau contre toute la furface de l’œuf ; auffi-tôt l’air intérieur, par une propriété que nous expliquerons dans fon tems, fait effort pour paffer au-dehors , & montre en fortant les pores de la coque
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- Experimentale. 97 coque par lefquels il y étoit entré.La plupart de ces pores font fi petits que l?air n’y pafle qu’en parties infenfibles; mais l’adhérence mutuelle de ces particules les retient, jufqu’à ce que le volume augmenté par un affez grand nombre , Toit forcé de s’élever à la furface de l’eau , par la différence qu’il y a entre les pefanteurs Ipécifiques des deux fluides.
- La porofité n’efi point égale partout , il y a des endroits où ces petits pa{Tages font plus ouverts, 8c par lefquels l’air pafle allez librement, 8c en affez grande quantité, pour obéir tout d’un coup à fa légéreté refpec-tive ; c’ell ce qui donne lieu à ces petits jets qu’on remarque en diffé-rens endroits. L’eau que l’on met dans le gobelet, 8c dans laquelle l’œuf doit être entièrement plongé, ne fert que poyr faire appercevoir les buies d’air qui fortent de la coque , 8c qu’on ne pourroit pas remarquer fi elles pafloient immédiatement dans l’air du récipient.
- Applications.
- Les œufs qu’on nomme fiais, font
- Tome 1. 1
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- ip8 Leçons de Physique ceux qui n’ont point encore perdu cette partie qu’on nomme le lait, 6c qu’on trouve d?abord en les ouvrant quand ils ne font point trop cuits : ainlï fans avoir égard à la date, on pourroit nommer de même ceux qui feroient pondus depuis plufieurs jours, mais à qui l’on auroit épargné cette diffipation de fubftance , qui n’eft qu’un effet de l’évaporation,qui fe fait affez promptement par les pores de la coque. Non feulement c’eff une chofe curieufe de conferver frais par leurs qualités des œufs qui font vieux par le tems; mais il y a un avantage réel à fe procurer toujours en bon état un aliment qui devient fou-vent équivoque > quand il eft gardé» Dans les voyages de Mer, 6c dans les faifons où les poules ne pondent point, ou trèsrrarement, c’eft une vé^> ritable reffource qu’une provifion d’œufs qui font auffi bons que s’ils étoientnouvellement pondus. M. de Reaumur qui ne borne jamais fes re^-cherches à des fpéculations de fimple curiofité, nous en offre un moyen qui paroît auffi fimple 6c plus fur que tous ceux qu’on avoit imaginés avant lui»
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- Experimentale. 99 Il confeille de boucher les pores de l’oeuf avec un enduit indifloluble à l’eau , & qui ait quelque confiftance afin que ce qui fait effort pour tranf-pirer du dedans au-dehors de l’oeuf, ne puiffe pas fondre ce qui fe fera moulé dans les pores comme autant de petits bouchons. Deux ou trois couches de vernis le plus commun, une légère couverture de graille de mouton, ou de cire chauffée feulement jufqu’à liquidité , font des moyens qui réuffiffent également; <3c je puis dire d’après ma propre expérience , qu’un oeuf ainfi gardé cinq ou fix mois fait encore le lait, & n’a pas le moindre mauvais goût.
- Les oeufs vernis ou enduits, comme on vient de le dire , n’ont pas feulement l’avantage de fe conferver bons pour être mangés comme frais ; ils ont encore celui de pouvoir être couvés en toute fureté , après un tems qui, fans cette précaution, fe-roit craindre avec raifon qu’ils ne fuffent corrompus : c’efl donc un nouveau moyen pour tenter d’élever des oifeaux étrangers, qu’on ne peut tranfportervivans qu’avec beaucoup
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- ioo Leçons d e Physique de peine- & d’embarras , & qui pour l’ordinaire ne s’accouplent point hors de leur pays. Leurs œufs vernis fe tranfporteront aifément, feront propres à être couvés apres un long tranfport ; & l’on fçait qu’une efpécc couve les œufs d’une autre : une £>oule fait éclore des canards , des faifans, &c. Mais en pareil cas il ne faut pas oublier de préférer le vernis à tout autre enduit qui s’applique-roit chaud, & qui pourroit tuer le germe ; non plus que d’ôter le vernis même qui couvre la coque, quand il s’agit de mettre les œufs fous l’oi-feauquiles doit couver. Cette tranf-piration qu’on avoit intérêt d’arrêter jufqu’alors , devient néceffaire pendant l’incubation ; ôc ce font encore deux faits également conflatés par les expériences de M. de Reaumur : i°. qu’un œuf verni demeure envain fous l’oifeau qui couve ; 2Ç. que celui qui a été enduit & qui ne l’eftplus, fe couve, ôc vient à bien comme s’il ne l’avqit jamais été.
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- : Experimentale, ion IV. EXPERIENCE.
- P RE P A R AT I 0 N.
- Sur un morceau de papier blanc, on écrit ou l’on deiïine ce que l’on veut, avec une liqueur claire & fans couleur, qui efl préparée avec du vinaigre difïillé & de lalitarge; on met le papier5qui ne porte aucune marque d’écriture quand il efl fec , dans les premières feuilles d’un livre qui a 400 ou 500 pages ; on étend enfuite avec une petite éponge fur la dernière feuille du livre , une autre liqueur qui n’efl pas plus colorée que la première , & qui efl une préparation faite avec l’orpiment , la chaux vive 6c l’eau commune; & Pon tient le livre fermé\pendànt trois ou quatre minutes. Fig. 4.
- Effets.
- Quand on retire le papier qu’on avoit mis dans le livre , on trouve coloré d’un brun noir tout ce qu’on y avoit écrit ou delîïné avec la première liqueur ; 6c l’on ne rencontre aucune marque femblable dans tout le relie du livre.
- I iij
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- j02 Leçons de Physique
- Explications*
- Ces deux liqueurs que l’ufage a nommées encres de fympathie , font de telle nature , que partout où elles fe rencontrent, leur mélange paroît fous une couleur qu’elles n’avoient ni l’une ni l’autre avant que de fe joindre. C’efl un effet qui leur eft commun avec plufîeurs autres liqueurs , & dont nous effayerons de rendre raifon en parlant de la lumière 8c des couleurs. La dernière de ces deux liqueurs exhale une vapeur fort pénétrante qu’on apperçoit à l’odeur, 8c qui paffe à travers des feuillets du livre en très-peu de tems. Or la vapeur d’une liqueur, c’efl la liqueur même divifée en très-petites parties j & dans cet état elle eft également propre à s’unir avec ce qu’on a étendu de la première fur le papier blanc ; il s’y fait donc un mélange des deux , qui paroît fous la couleur qu’elles doivent faire naître toutes les fois qu’elles fe joignent enfemble ; 8c comme cette couleur dépend abfolument de l’union des deux, la vapeur en pénétrant le livre n’a dû laiffer aucune
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- Expérimentale. 103 ïrace de fon paffage , puifqu’on fup-pofe que les feuilles ne portoient rien de la première liqueur.
- Applications.
- Depuis qu’on a banni de la Phyfî-que toutes ces qualités occultes avec lefquelles on répondoit à tout, mais qui au fond ne rendoient raifon de rien à quiconque vouloit des idées claires Sc diftindes ; on ne doit plus recevoir la fympathie Sc Vantipathie , comme les caufes d’aucun phénomène , à moins qu’on ne prenne ces mots par abbréviation, pour l’adion méchanique d’un corps fur un antre ; comme quand on dit , tel remède, ou tel aliment, efi ami de la poitrine , de l'eflomac , (ire* façon de parler, pour dire qu’on en doit attendre un bon effet, Sc pour ne point expliquer en détail comment fe pafîe cette adion qui conferve,ou qui répare.' Mais ff quelqu’un pour rendre raifon de l’expérience précédente avoit dit : la fécondé liqueur fait paroître la première, parce qu’elle fympathife avec elle ; il n’auroit rien dit pour ceux qui veulent une explication intelligi-»
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- io4 Leçons de Physique ble ; on exigeroit de lui qu’il fît cort-noître' en particulier, on au moins err général, en quoi confifte cette fym-pathie ;fes raifons ne fe feroient goûter que quand il les établiroit fur des principes connus : car s’il fuppofoit dans fon explication quelque chofe de nouveau en Phyfique , il faudroit encore qu’il le prouvât, fans quoi ce ne feroit qu’une hypothéfe qui n’au-roit nulle force.
- Ce qui fait recourir aux fympathies ou aux antipathies, pour expliquée certains faits, c’eft ordinairement la difficulté qu’on trouve à les accorder avec les loix ordinaires & connues de la nature ; mais ceux qui en ufent ainfi, font fouvent bien peu informés de ces loix , & de l’ufage qu’on peut faire de leur connoiffance. Un homme inftruit fçait que les propriétés que nous connoiffons dans les corps, font en bien petit nombre , mais qu’elles font très-fécondes dans leurs applications : elles fe montrent par tant d’endroits différens, qu’il a peine à fe perfuader de les trouver jamais en défaut ; fans fe flatter de les connoître toutes, il ne fe permet pas
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- Experimentale, 10$ légèrement la liberté d’en imaginer de nouvelles ; il aime mieux croire qu’il ne les voit pas toujours où elles font, & que ce qu’il n’apperçoit pas eft refervé à un génie plus heureux ou plus clairvoyant.
- Mais ( il faut l’avouer) les faits font inexplicables très-fouvent, parce qu’ils font faux ou exagérés ; & c’eft agir prudemment que de les con-flater avant que défaire les frais d’une explication. Ceux qui les racontent ont crû voir ce qu’ils n’ont point vu,faute de difeernement ou d’attention ; ou bien ils ies redifent d’après gens intéreffés ou de mauvaife foi : £ la crédulité, l’amour du merveilleux, vient encore à l’appui de l’ignorance & de la prévention, on reçoit comme faits conflans toutes les imaginations creufes & puériles qui fe pré-fentent , & toutes les exagérations qui fe tranfmettent de bouche en bouche, & qui s’accréditent par le tems & par l’autorité de quelqu’un .à qui l’on fuppofe des lumières qu’il n’a pas. Je ne parle point de l’impof-fibilité prétendue d’accorder fur un infiniment deux cordes, dont l’une
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- Itô6 Leçons e>e PhysîqüE feroit de boyaux de mouton,& l’aütfé de boyaux de loüp ; du danger imaginaire de jetterdans le feu de l’urine ou du fang ; de la guérifon qü’on at* tend de certains fruits qu’on porte dans fa poche, ou qu’on jette dans un puits ; & d’une infinité d’autres remèdes , ou préfervatifs femblables , dont tout le monde fent le ridicule, 6c qui ne s’appuyent d’aucune expérience qu’on puiffe citer.Mais qui elice qui n’a point entendu parler de la fameufe poudre de fympathie , & de feseffets admirables? On fçaitquece n’efl autre chofe que du vitriol calciné au Soleil & pulvérifé ; ce minéral efl aflringent ; quand on l’applique fur une plaie il ne manque guère de la deffécher , & de la difpofer à fe fermer en peu de tems : jufqu’ici point de fympathie,dans le fens qu’on le fuppofe. Quand on employé cette poudre près du bleffé fur un linge baigné de fon fang encore chaud, il arrive quelquefois que la bleffure s’en reffent ; il n’y a encore là rien de fympathique que pour ceux qui ignorent que du vitriol en poudre s’exhale en particules infenûbles, que l’aie
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- X PERIMENT À LE.
- Voifîn porte aux environs, & qui s’attachent par préférence aux endroits humides. Mais le merveilleux de cette opération, c’ell: quand cette poudre agit à une grande diftance, comme à 4. à 6> ou à 10. lieues.
- Il n’y a pas d’apparence ( il faut en convenir ) qu’on explique jamais un tel phénomène avec quelque vrai-femblance par les loix ordinaires 6c ^connues dé la nature : mais pourquoi chercher à l’expliquer , ce prétendu phénomène ,• s’il n’elt qu’une exagération outrée de quelque Charlatan , foutenue aveuglément par la crédulité, 6c par l’envie d’entendre &de débiter des merveilles ? C’efl: le jugement qu’on doit en porter d’après ceux qui n’en ont voulu croire que leurs propres yeux. * Combien de*,Cou?J'f*
- • 11 1 1 • , , , . Chymie de
- pareilles chimères s évanouiraient 9imay9ti ü l’on étoit de bonne foi dans le récit492* des faits 6c de leurs circonftances ?
- Autant nous fommes certains que la porofité ell une propriété commune à tous les corps , autant nous ignorons la quantité abfolue de leurs pores.Comme tout ce qui eft matière eft pefant, 6c que la pefanteur ne coq-
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- io8 Leçons de Physique vient qu’à ce qui efl matériel ; nous fçavons bien qu’un corps a moins de vuide qu’un autre,quand à volume égal il péfe davantage que lui : mais çette comparaifon ne nous apprend que leur porolîté relative ; elle ne nous dit pas que dans l’un des deux il y a juflement telle ou telle quantité de parties folides, ce qui nous fe-roit connoître évidemment de combien ileftporeux.Le vrai moyen d’en être inftruit, feroit d’avoir une matière de comparaifon qui fût toute foli-de, en qui la grandeur & le poids fuffent abfolument fynonimes : car en comparant une portion de cette matière avec un pareil volume d’une autre matière ; fi celle-ci pefoit moitié moins , par exemple, on auroit raifon de conclure, non-feulement qu’elle eft une fois moins folide, comme nous faifons d’ordinaire ; mais on fçauroit de plus la jufte valeur de ce moins, & l’on regarderoit comme certain , que la porofitéde cette matière comparée feroit égale à fa folidité ; puilque la péfanteur , attribut qu’on peut regarder comme inféparable des parties matérielles,s’y feroit fentir une
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- Experimentale. iof fois moins que dans une femblable étendue qu’on fuppofe toute matière.
- Mais un corps de cette efpéce ne fera jamais qu’une fuppofition qu’on ne peut pas réalifer ; nous ne con-noiflons rien de femblable dans la nature. L’or eft de tous les êtres matériels que nous connoiffons, celui qui eft le plus compacte , & qui renferme le plus de matière fous un volume déterminé ; il n’y a point de matière connue dont un pouce cube pefe autant qu’un pouce cube d’or. Cependant ce métal eft poreux , puif-qu’en un moment le mercure s’y introduit , & que l’eau régale dont on fe fert pour le diftoudre , agit de fur-face en furface jufques à la dernière. Plufieurs Phylîciens * même ont per-té leurs conje&ures jufques à croire au’il pouvoit y avoir dans l’or autant p#*. 3. ae vuide que de plein. Quelle idéefiûp'8> aurons-nous donc de la porofité des autres corps ? de l’eau commune, par exemple, qui péfe environ dix-neuf fois moins que l’or ; ou de l’air qui eft 800 fois moins folide que l’eau.
- Une matière n’eft pas toujours plus poreufe qu’une autre par cette
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- ïio Leçons de Physique feule raifon qu’elle a des pores plus ouverts ; le nombre compenfe fou-vent, ou lurpafle même dans l’une ce que fait la grandeur dans l’autre. Un bouchon de liège , quelque comprimé qu’il foit dans le col d’une bouteille , ne devient jamais aufti compare qu’un morceau de bois de quel-qu’autre efpéce : jamais fon volume diminué par comprefiion ne le rend aufïi pefant. que le chêne, par exemple ; fa porofité eft donc toujours plus grande ; cependant ni le chêne, ni aucun autre bois fembîable ne fera jamais auffi propre que le liège pour arrêter l’évaporation de quelque liqueur renfermée dans un vailleau : il eft donc plus que vraifemblable que ii dans l’un des deux la fomme des vuides eft plus grande, c’eft moins par la grandeur que par le nombre des pores. Quand l’eau régale qui diflout l’or , refufe de pénétrer une mafle d’argent, dira-t-on, en confé-quence de la légéreté refpe&ive de ce dernier métal, qu’il a les pores plus ouverts que le premier ? pourquoi ce qui entre dans celui-ci ne peut-il pas entamer l’autre, fi, comme
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- Experimentale, iu ron lelbppofe , fes parties plus diftan* tes les unes des autres, donnent plus de prife au diffolvant ? Ne vaudroit-il pas mieux dire que les petits vuides dans l’argent, ne font pas tout-à-faie aulïi grands que dans l’or, mais qu’ils font beaucoup plus nombreux ?
- Jufquesici l’explication ne va point mal. Mais fi l’on répond que l’eau forte ordinaire , qui divife l’argent Sç la plûpart des autres métaux, ne dom-ne aucune atteinte à l’or;il faut avouer que la grandeur refpedive des pores devient une raifon bien foible : car pourquoi ce qui peut s’introduire dans une moindre ouverture , n’en
- Êeut-il pas pénétrer une plus grande ?
- ft-ce qu’il faudroit une jufte prG* portion entre les petites pointes du diffolvant, Sc les pores de la matière diffoluble ? ou bien, faudra-t-il pour étayer cette explication, joindre la figure à la grandeur ?
- On ne peut douter qu’une matié-? re ne diffère d’une autre par la confia guration de fes parties inîenfibles ; Sc de ce qu’elles font différemment figurées en différens corps , il s’enfuit que les pores dans les uns & dans les
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- ti2 Leçons de Physique autres doivent prendre différentes formes. A l’aide de ce principe qui eft inconteftable , on conçoit aifé-ment qu’une particule folide pour le placer dans un de ces petits vuides, ou pour palier de l’un à-Fautre, doit avoir non-feulement une grandeur proportionnée, maisaulfiune figure convenable; & que l’une de ces deux conditions venant à manquer, Pau-tre peut fort bien ne pas fuffire. C’eft ici le cas où l’on eft obligé de recon-noître, qu’avec des principes certains 6c avoués d’ailleurs , on demeure encore en doute fur les explications , quand on n’applique ces principes que par conjectures , & que l’expérience ne dit pas fi l’on a bien deviné.
- Au refte quoique nous ignorions fi c’eft une proportion de grandeur, ou de figure , ou l’une & l’autre en-femble , qui font agir un dilfolvant fur une matière préférablement à une autre, le fait n’en eft pas moins connu , 6c depuis long-tems les Arts en ont fait leur profit.
- Le Graveur en taille douce prend une planche de cuivre mince 6c bien polie> il l’enduit légèrement d’une
- efpéce
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- 'Expérimentale. 113 efpéce de cire préparée qu’il noircie à la fumée d’un flambeau ; il defïine enfuite fur cette furface enduite, avec une pointe d’acier qui découvre le cuivre par autant de traits que Ton deffein en exige, il borde fa planche avec un eprdon de cire amollie , il la pofe horifontalement, & il la couvre de 5. ou 4. lignes d’eau forte affaiblie avec de l’eau commune au tiers ou à moitié. En peu de tems le cuivre découvert par la pointe d’acier , cède à l’aétion du diflblvant, Sc fe creufe plus ou moins, félon les vues de l’artifle qui régie la durée de l’opération , pendant que la cire ( qui ne fe diffout point dans l’eau forte ) confêrve le réfie de la furface en fou entier. C’eft ainfî qu’on prépare une feuille de métal pour multiplier 300a. ou 4000. fois la même eflampe , en la faifant paffer fuceeffivement par la preffe fur autant de feuilles de papier.
- Le marbre efl impénétrable à l’eau & à quantité d’autres liqueurs ; mais il ne l’eft pas pourl’efprit de vin, pour l’efprit de térébenthine , pour la cire fondue ; ces. exceptions ont été failles par des perfonnes ingénieufes-
- T’ome I. K
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- * Mémoires de l’^cad* 1718.
- 50.
- 114 Leçons de Physique comme autant de moyens pour introduire dans l’intérieur du marbre des couleurs étrangères , & pour imiter avec celui qui eft blanc les autres espèces qui font naturellement colorées. Feu M. Dufay qui s’étoit beaucoup exercé à teindre des pierres dures, Sc qui a fait part à l’Académie des Sciences de fes découvertes en ce genre, * me fit voir plufieurs fois des tables de marbre artificiellement teintes, bien imitées, Sc fi fortement pénétrées, qu’elles avoient été polies depuis fans rien perdre de leurs couleurs.
- Les vernis dont on fait maintenant tant d’ufage, ne font autre chofe que des gommes de différentes efpé-ces que l’on liquéfié par le moyen de quelque diffolvant. Telle s’étend dans l’efprit de vin , qui refte entière dans les huiles qu’on employé avec fuccès pour fondre les autres ; tout l’art confifte à connoître dans quelle matière chacune eft diffoluble , Sc ce choix ne devient fans doute né-ceffaire que par la différence qu’il y a entre la poroüté des unes Sc celle des autres.
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- Experimentale, 115*
- IL SECTION.
- De la Compreffibilité, & de rElajliciîê des Corps.
- fJ1 Out ce que nous avons dit de la porofité,a déjà dû faire connoître que la grandeur apparente d’un corps quelconque,excède toujours la quantité réelle de fa matière propre:& cet excès varie peut-être autant que les efpéces qui compofent l’univers ; car on rencontre rarement deux matières qui, à volumes égaux , péfent également.
- C’efl ce rapport du volume à la maffe qu’on nomme denjîté : un corps eft plus denfe qu’un autre,quand la quantité réelle de fa matière diffère moins de fa grandeur apparente ; ou ( ce qui eff la même chofe ) quand fous une grandeur donnée,il contient plus de parties folides. Le plomb eff donc plus denfe que le cuivre, l’air eff moins denfe que l’eau.
- Mais le même corps peut changer K ij
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- ii6 Leçons de Physique de denfité ; c’eft-à-dire, que fa mafle reliant la même , Ton volume peut varier , foit en augmentant, foit en diminuant. Quand un corps devient plus denfe, c’eft que Tes parties foli-des lé raffemblent dans un plus petit efpace ; & cela peut le faire de deux manières, ou lorfqu’on fupprime une caufe interne qui les tenoit plus écartées , ou quand on applique extérieurement une force qui les oblige à fe rapprocher mutuellement. On peut diftinguer l’une de l’autre, ces deux manières de diminuer le volume d’un corps , en appellant la première condenfation, l’autre, com^rejjion; (quoique , à dire vrai, ce foit toujours condenfer une matière que d’occa-fionner la diminution de fon volume de quelque façon que ce foit : ) ainfî ferrer de la neige dans les mains pour en faire une pelotte, c’eft la comprimer ; faire refroidir une liqueur, ou diminuer la chaleur qui dilate fes parties , c’eft la condenfer.
- Nous ne connoiffons aucun corps dans la nature ( en faifant abftra&ion des parties élémentaires, ou atomes, S’il j en a ) dont le volume ne puiffe
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- Experimentale. 117 être diminué de l’une de ces deux manières au moins , & allez fouvenc de l’une 8c de l’autre façon. Quelque dure que puilfe être une matière, elle ne l’efb jamais parfaitement ; fes molécules font toujours plus ou moins dilatées, foit par un mouvement interne qui peut être ralenti, foit par l’aélion d’un fluide étranger qui la pénétre , & qu’on peut vaincre par une puifiance extérieure. Une barre de fer, par exemple, qui a été chauffée jufqu’à rougir, devient enfuite plus menue & plus dure , à mefure qu’elle fe refroidit ; parce que fes parties fe rapprochent peu à peu, en perdant le mouvement violent qu’elles avaient acquis dans le. feu.Une éponge mouillée & dilatée par l’eau qu’elle contient, fe place dans un efpace beaucoup moindre, quand on exprime le fluide qui remplit fes pores. Uneboule de marbre ou de verre, un diamant même, jettés fur quelque chofe d’aufli dur r rejaillilfent à l’in— liant ; 8c nous ferons voir bien-tôt que le mouvement de réflexion eft une preuve de la compreflibilité du corps réfléchi.
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- ïi8 Leçons de PhysîqüS
- Tous les corps généralement dans tel état qu’ils fe préfentent, folides, fluides, ou'liquides , font fufceptibles de condenfation. Un morceau de marbre, & fur-tout s’il eft noir , fe trouve fenfiblement plus petit,quand il a féjourné quelque tems dans un lieu beaucoup plus froid que celui où il étoit, lorfqu’on l’a mefuré d’abord. Une velfie ou un ballon rempli d’air pendant l’été, devient flaf-que pendant l’hyver ; & la liqueur du thermomètre ne defcend vers la boule , que quand fon volume ne fuffic pins pour remplir la partie du tube , qu’elle occupoit dans un tems plus chaud : mais nous remettons à parler plus amplement de la manière dont les corps fe condenfent,en traitant du feu Sc de la chaleur qui les raréfient.
- Quant à la comprefîion, on ne peut pas dire qu’elle convienne auffi généralement à la matière confidérée dans tous fes états : tous les corps folides font compreffibles, & jufqu’ici l’expérience n’en a fait excepter aucuns ; l’air fe comprime considérablement , 8c produit par cette propriété des effets furprenans, que nous
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- Expérimentale, np rapporterons dans leur lieu. D’autres fluides, comme la fumée , la flamme» ôcc. n’ont point encore été éprouvés dans cette vûe ; fans doute parce qu’il feroit très-difficile , & probablement impoflible de les appliquer feuls à des expériences de cette efpéce : mais pour les.fîqueurs , elles n’ont jamais donné aîreèlement aucun figne de compreHibilité, quelque chofe qu’on ait fait ; & il femble que l’on a fait d’abord tout ce que l’on peut faire : l’expérience de l’Académie del cimen-to, »eft aufli ingénieufe que le réfultat devoit être peu attendu ; & l’on ne Voit pas que depuis qu’on l’a faite, perfonne ait réuiïi à faire mieux ;
- M. Newton * la rapporte comme J une chofe fort curieufe ; & comme a. s’il eût appréhendé qu’un fait aufli *** furprenant ne fût révoqué en doute, il afllire qu’il le tient d’un témoin oculaire ; pour moi, je le cite d’après mes propres yeux , 6c l’ufage que j’eri fais dans mes cours , a déjà mis bien du monde à portée de le citer de mê° me ; voici le fait ;
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- 120 Leçons de Physique PREMIERE EXPERIENCE.
- P R EPAKATIO K,
- Une boule de métal dont on a mefuré exactement la capacité, allez mince pour être flexible, remplie d’eau entièrement& bouchée de façon qu’elle ne puiffe rien perdre par l’orifice , s’applique à une petite prefife quieftrepréfentéeparla Fig. 5.
- Effets.
- Quand on fait agir la prefife, la boule de métal comprimée , s’appla-tit un peu ; & fi l’on continue de prefifer, l’eau fie fait jour à travers des pores, & paroît fur la furface en petites goûtes femblables à celles de la rofée.
- Explications.
- C’eftune chofe démontrée,qu’une capacité fphérique , à furfaces égales ,. contient plus de matière que toute autre : il s’enfuit qu’un vaif-feau qui a cette figure, & qui effc plein,ne peut pas la perdre qu’il n’arri-ye de ces deux choies l’une ; ou qu’il
- augmente
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- Experimentale. 121 augmente de furface pour conferver là même capacité , ou que ce qu’il renferme fe condenfe en diminuant de volume. Quand l’eau commence à paffer à travers le métal, la boule fe trouve un peu applatie ; mais en mefurantfa capacité, on la trouve la même qu’elle étoit avant l’expérience : il faut donc convenir que cet ap-platilfement n’eft dû qu’à la du&ilité du métal ; & que le volume de l’eau n’a point été fenfiblement diminué fous la prefle.
- Boyle , le Baron de Verulam > ôc quelques autres Phyficiens qui ont elfayé de comprimer l’eau dans des boëtes de métal, ont cru voir des marques de fa comprelîibilité ; mais il y a toute apparence que ce qu’ils ont apperçû, devoit être attribué à la flexibilité ou au reflort du métal, ou bien à celui de quelques bulles d’air renfermées avec l’eau dans la même boëte.
- IL EXPERIENCE.
- T REPARATION»
- ABC D , Fig, 6. efl un tube de Tome I, L
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- 122 Leçons de Physique verre fore épais , qui a 3 lignes de diamètre intérieurement, 7 pieds de hauteur, & qui eft recourbé en forme de feiphon ; on y verfe d’abord un peu de mercure qui remplit la courbure , & qui fe met de niveau en B C; on emplit la partie CD avec de l’eau ; on bouche exactement ôc folidementle tuyau en D y ôc l’on verfe enfuite du mercure dans la branche AB, jufqu’à ce qu’elle foit entièrement pleine.
- Effets.
- La colonne d’eau qui eft entre CD, oppofe tant de réfiftance à la preftion du mercure , qu’elle ne diminue pas fenbblcment de volume.
- Explications.
- Nous ferons voir en traitant de l’Hydroftatique, que la preftion qu’exerce le mercure contre l’eau en C, eft égaie au poids de la colonne contenue dans la partie A B du tuyau.. Or cette colonne de mercure qui a environ 6 pieds 10 pouces de hauteur, égale trois fois le poids del’at-mofphére, ce qui fait une force très-grande ; ôc puifqü’elle ne fuffit pas
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- Experimentale. 123 pour condenfer fenfiblement le volume d’eau contre lequel elle agit, c’eft une marque que les parties des liquides font fort dures, & que les matières qui font en cet état font bien peu flexibles.
- Applications,
- v Quoique dans les expériences que nous venons de rapporter, l’eau ne laifle appercevoir aucun ligne de condensation; on n’en doit pas conclure que les liqueurs foient abfoîu-ment incomprelïibles, mais feulement qu’elles font capables de rélifter aux efforts qu’on a employés jufqu’ici contre elles.Tout nous porte à croire qu’elles céderoient enfin d’une manière fenfible , s’il étoit poflibie de les foumettre à de plus grandes prêt lions, & qu’elles cèdent même à celles qu’on emploie , mais d’une quantité trop petite pour être apperçûe. Tous lès corpsfolides fe compriment, parce qu’étant poreux, leurs parties peuvent fe rapprocher ; mais qu’eft-ce qu’une liqueur , linon un affemblage de petits corps folides que nous ne pouvons pas regarder comme des
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- ï24 Leçons de Physique êtres fimples, mais plutôt comme des petites maffes compofées de parties qui ne font pas fi étroitement unies qu’elles ne laiffent de petits vuides en» tre elles, Si laporofitérend les grands corps fufceptibles de condenfation , la même caufe ne doit-elle pas avoir le même effet dans les plus petits ? Tout ce qu’on peut dire, c’eft que la compreflibilité doit diminuer, comme la grandeur des corps ; c’eft> à-dire , que les plus petits font les moins flexibles ; que les parties d’une liqueur par conféquent à caufe de leur extrême pçtiteffe font à l’épreuve des plus grandes forces : mais il fuit du même principe, qu'il n’y a d’abfolu-ment incompreflible , que ce qui eft abfolument Simple ; tels que feroient des atomes, ou les parties primor-* diales des corps 3 fur lesquelles nos épreuves n’ont point de prife,
- Il eft avantageux pour nous , que tout ce qui eft liquide puiffe réfilter à des preffions qui" rapprochent ôc qui broycnt les autres corps : tout ce que nous tirons des végétaux par expreflion , le vin , le cidre, les huiles -, &c. nefe fépareroient jamais des
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- Expérimentale. -i2ÿ bardes folides qui les renferment, a les liquides pouvoient fe comprimer comme elles ; les fruits fournis à la preffe ne feroient qu’y changer de volume ; la facilité que nous avons à extraire les lues que la nature y a préparés pour nos ufages, eltprefque toute fondée fur la réfiftance que les liquides oppofent à la cortipreifton.
- On ne peut s’empêcher d’être fur-pris , quand on confidére que le même corpseli compreffible ou ne Tell -pas, félon qu’un degré plus ou moins de chaleur change fon état : un morceau de glace donne des marques de compreffion ; qu’il fe réduife en eau, c’eft toujours la même matière , ' mais elle ne fe comprime plus : la cire , le foufre, le métal, ôcc. font voir la même chofe , quand on les fait palier de l’état de folidité à celui de liquidité. Ce phénomène eft in-térelTant, & mérite bien une explication : malheureufement nous n’a-• vons à offrir qu’une conjecture, mais pourtant, une conjecture appuyée fur des principes connus, & qui la rendent probable.
- On peut dire que l’état naturel de
- Liij
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- iz6 Leçons de Physique prefqne tous les corps, efl d’être fo-lid es ; quand ils font liquides , c’efî: parce qu’une matière étrangère les rend tels en pénétrant leur intérieur, & en donnant par fa quantité ou par fon a&ion'à leurs parties une mobilité refpeélive qui rompt toute liai-jfon, & prefque toute adhérence entre elles. C’eft ainfi que de la terre abreuvée d’une quantité d’eau fuffi-fante , devient de la boue qui coule fur un plan incliné ; l’eau elle-même ,celle d’être glace aufli-tôt qu’un fluide plus fubtile, & connu fous le nom de matière du feu, la pénétre en aflez grande quantité , ôc y porte aflez de mouvement pour détacher fes parties les unes des autres.
- Si l’on demande maintenant pourquoi les corps folides peuvent fe comprimer , & que les liqueurs n’ont pas la même propriété ; ne peut-on pas répondre avec vraifemblance , que <lans les premiers les parties portent pour ainfl dire à faux , ou ne font, appuyées que fur un fluide fans a&ion qui cède au moindre choc ; au lieu que dans les liqueurs les molécules plus divifées, & par cette raifon déjà
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- Experimentale. 127 moins fléxibles, font appuyées fur lin fluide allez abondant, 6c dont les parties font d’autant plus dures qu’elles font plus Amples. Si l’on avoit mis dans un vafe une certaine quantité de globules d’acier ou de quelque autre matière équivalente pour la dureté , elles ne céderoient point fenfible-ment à la compreflïon , foit qu’elles fuflent feules, pourvû qu’elles fe tou-chalfent ; foit qu’elles fulTent mêlées avec d’autres plus petites qui les em-pêchalfent de fe toucher, pourvû que ces dernières fulfent elles-mêmes inflexibles. Fig. S.
- III. EXPERIENCE.
- ' F REPARATION.
- Sur une tablette de marbre noir bien unie , 6c enduite d’une très-le-gére couche d’huile , on 1 aille tomber plu fleurs fois 6c en différens endroits de la hauteur de 2 ou 3 pieds une petite boule d’y voire , qui peut avoir environ \ de pouces de diamètre. Fig. 7.
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- 128 Leçons de Physique
- Effets.
- En regardant obliquement la tablette de marbre , on apperçoit partout où la boule d’yvoire a touché > une tache ronde qui a environ deux lignes de diamètre; & cette tache eft plus grande aux endroits où la boule eft tombée de plus haut.
- Explications.
- ^ L’yvoire , quoique très-ferme, eft une matière compreflible ; quand il .tombe fur le marbre, le mouvement de fa péfanteur qui l’y pouffe , occa-ftonne une preffion qui porte une partie plus ou moins grande de cette petite iphére vers fon centre; & comme ces parties comprimées font de nature à fe rétablir dans un inftant, il ne refte aucune marque de cette comprefïïon fur la boule ; mais la tache qui paroît fur le marbre , eft une preuve inconteftable de cet ap-platiffementqui a difparu ; fi l’on n’aime mieux dire que le marbre s’eft enfoncé & remis aufti-tôt, ce qui prouve également la compreflibilité d’un corps très-dur : l’un ôc l’autre arrive
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- Experimentale. 129 probablement, la même compreffion creufe le marbre, & applatit la boule ; mais de ces deux effets, le dernier eff fans doute le plus confidérable, à en juger par la nature des deux corps comprimés ; c’eft pourquoi nous nous arrêtons par préférence au dernier; & ce que nous allons dire pour, faire entendre que la tache ronde prouve inconteflablement l’applatif-iement de la boule , en faifan: abfi tradion de la flexibilité du marbre, obligeroit de même à conclure un enfoncement dans le marbre, fi l’on n’avoit aucun égard à la compreffibi-lité de l’yvcire.
- On Içait en effet que la circonférence d’un cercle appliquée parfa partie convexe fur une ligne droite , ne la rouche qu’en un point G. Fig. 9. On fçait auffi que les furfacés fphéri-ques font compofées de lignes circulaires , comme les plans le font de lignes droites , 8c que les furfacés fe comportent entre elles à cet égard » * comme les lignes qui les compofent. Si le cercle ne touche la ligne droite qu’en un point, la boule d’yvoire de notre expérience, pofée Amplement
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- 130 Leçons de Physique fur la tablette de marbre, ne doit la toucher aufîi qu’en un point. Quand on l’a laide tomber deffus, s’il paroît qu’elle y ait été appliquée par une fur-face circulaire de deux lignes de diamètre,il faudra néceffairement convenir que le premier point de tangence, g. Fig. 9. a été rapproché du centre par l’effort de la compreffion, & qu’a-près lui ceux d’alentour ont fouffert le même déplacement ; ce qui a donné lieu à une portion fenfible de la fur-face, d’être appliquée au marbre , 8c d’y laiffer fon impreffion fur la couche légère d’huile dont il eft enduit.
- Applications*
- Si l’on comprime un corps également dans toute l’étendue de fa furfa-ce, au cas qu’il foit compreffible, il ne s’en peut fuivre qu’une diminution de volume; parce que tous les points op-pofés obéiffent à des puiffances égales , & leurs fituations refpeftives ref tent les mêmes/Tel eft l’état des animaux qui vivent dans l’air ou dans l’eau ; environnés de toutes parts de l’un de ces deux fluides , ils n’en remarquent point la preftion, quoiqu’el-
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- Experimentale. 131 Je foit confidérable ; parce qu’elle fe fait équilibre à elle-même, 8c qu’elle ne déplace rien de ce qui lui eu: fournis ; mais fi la comprefiion devient plus forte d’un côté que de l’autre, fon effet ne fe borne plus à diminuer le volume; la figure change auiïï, comme il eft aile de l’appercevoir dans une balle de plomb qui tombe fur quelque .chofe de dur, & qui y perd une partie de fa fphéricité ; ou dans une bal-Je de jeu de paume qui laiffe fouvent contre la muraille, des vefiiges bien remarquables de fon applatiffement.
- De f Elafticitè ou rejjbrt des Corps.
- De tous les corps qui fe compri--ment, les uns demeurent dans l’état que la compreffion leur a fait prendre; c’eft-à-dire, qu’ayant changé ou de grandeur , ou de figure , ils perfévé-rent dans ce changement, lorfque la compreffion vient à ceffer ; comme la balle de plomb qui refte applatie après fa chute, & la pelotte de neige qui demeure dans la forme qu’on lui a donnée avec les deux mains. Les autres au contraire fe rétabliffent, &
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- 132 Leçons de Physique reprennent, après avoir été comprimés , les mêmes dimenfions & la même figure qu’ils avoient avant que de l’être. Telle eft la bille d’yvoire de l'expérience précédente ; telle eft une bulle d’air qui partant du fond d’un vafe plein d’eau devient plus grofle à mefure qu’elle s’élève vers lafurface.
- Les corps de la dernière efpéce fe nomment des corps à rejfort, Ou Elaf-tiques ; car VElaJîicité n’eft autre chofe que l’effort par lequel certains corps comprimés tendent à fe rétablir dans leur premier état. Cette propriété fuppofe donc qu’ils foient compref-fibles ; 8c comme les liqueurs ne le font pas d’une manière fenfible , on doit conclure que fi elles ont du ref-fort, leur réaftion a trop peu d’étendue pour être vifible.
- Tous les corps même qui font élastiques , ne le font pas au même degré ; il y en a tels qui ne fe rétablit fent prefque point, & alors l’élaftici-té eft regardée comme nulle dans i’u-fage ; 8c l’on appelle ces fortes de corps mois, ce qui veut dire feulement une privation de refiort aflez aftif pour être confidéré.
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- Experimentale. 133 Ceux en qui la force élaftique fe fait appercevoir , réagiffent plus ou moins félon la dureté , la roideur, ou la difpofition de leurs parties internes ; mais il n’en eft aucun dont on puiffe affurer avec des preuves pofitives , que le reffort eff parfait Sc inaltérable ; on remarque prefque toujours que cette qualité fe perdou s?affoibîit par un long exercice , ou par une compreffion de trop longue durée un arc qui eft trop long-tems où trop fouvent tendu, garde enfin la courbure qu’on lui a fait prendre : le crin, la laine , ou la plume dont on garnit les meubles, perdent par fuceeffion de tems prefque tout ce qu’ilsioffrent de commode dans\la nouveauté, & leur affairement n’e^ que la fuite néceffaire d’un reffort ufé*
- . Nous ne pouvons donc point nous promettre des expériences rigoureu-fement exades pour établir la théorie du reffort ; puifque les corps qui en ont le plus, n’en ont point encore autant qu’il leur en faudroit pour être parfaitement élaftiques. De plus, on ne peut opérer que dans quelque milieu matériel : quand on choihroit l’air
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- 134 Leçons dE Physique comme celui qui l’eft le moins ; nous avons déjà fait voir qu’il efl capable de réfiftance, & Ton doit s’attendre qu’il fera difparoître une partie de l’effet , fi petite qu’elle foit : mais les à-peu-près fuffifent, quand il ne manque prefque rien à l’exa&itude, 8c qu’on efl obligé de rabattre quelque chofe pour les empêchemens inévitables. L’acier trempé 8c l’yvoire m’ont paru allez propres aux effets par lef-quels on peut prouver ce qu’il importe le plus de fçavoir touchant l’élafti-cité ; c’eft pourquoi je m’en fervirai préférablement à toute autre matière dans les expériences de ce genre ; mais comme celles dont j’ai fait choix, exigent quelques, connoiffan-ces des principales propriétés du mouvement,dont nous n’avons encore rien dit, j’ai cru qu’il étoit à propos de les différer, d’autant plus qu’elles trouveront une place convenable parmi celles que nous employerons pour faire connoître les loix du mouvement dans le choc des corps.
- Les arts ont appliqué les refforts à tant d’ufages, que ce feroit une longue 8c mutile entreprife d’en faire ici
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- Experimentale- 133: l’énumération ; il nous fuffira d’en citer deux ou trois exemples, par lef-quels on pourra juger de l’utilité des autres.
- S’il eft utile & commode de voyager à Ton aife, on doit prefque tout cet avantage aux lames d’acier , aux bandes de cuir 3c aux autres corps élaftiques fur lefquels on fufpend les voitures : fans cette précaution , la plus belle chaife de porte , le carrofle le plus fomptueux , ne feroit qu’un tombereau couvert & orné, dans lequel on feroit durement fecoué ; car fi tout ce qui compofe la voiture étoit également inflexible , les divers mou-vemens caufés Sc brufquement interrompus par les inégalités du terrain, fe communiqueroient dans toute leur force jufques aux perfonnes qui en occuperoient l’intérieur.
- La mefure du tems eft une chofe 11 intéreflante pour tout le monde, qu’il eft peu de perfonnes qui n’ayent une pendule ou une montre , & qui ne la regardent comme un meuble nécef-faire ; ces fortes d’inftrumens qu’on doit confidérer comme des chefs d’oeuvre de l’art, font animés par un
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- 136 Leçons de Physique reffort, (Fig. io.) formé d’une Iamë d’acier roulée fur elle-même dans un barillet qu’elle fait tourner en fe déve-Iopant,& dont le mouvement fe communique par des roues dentées, juf-ques aux pivots qui portent les aiguilles pour leur faire indiquer les heures & les minutes fur un cadran divifé à cette intention. Nous dirons ailleurs comment on eft parvenu à rendre l’action du reffort prefqu’égale pendant tout le tems qu’il fe dévelope ; car une difficulté qui fe préfente d’abord, c’eft que cette a&ion diminuant toujours à proportion que le reffort fe détend , le mouvement doit auffi fe rallentir dans toutes les pièces qu’il anime , & les aiguilles doivent faire les heures & les minutes plus longues vers la fin qu’au commencement. Il a donc fallu trouver un remède à cet inconvénient, & l’on en eft venu à bout par une invention fort ingénieu-fe dont nous aurons occafion de parler en traitant de la théorie du lévier ôc des machines qui y ont rapport.
- De quels fecours ne font point les refforts dans l’Arquebuferie ? parquet autre moyen auroit-on pû opérer dés
- mouvemens
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- Experimentale. 137 mouvemens auffi prompts,& auffi difficiles à être apperçûs par un ôifeau ou par un quadrupède que la nature a mis en garde contre tout ce qui menace fa vie, Sc qui oppofe aux rufes Sc à l’adreffe du Chaffeur le mieux exercé , des organes d’un fentiment exquis, Sc une agilité qui trompe fouvent fes pourfuites. Le chien d’un fufil conduit par un reffort, porte en un clin d’oeil un caillou tranchant contre une petite pièce d’acier trempé; le feu prend à la poudre , Sc le plomb qu’elle chaffe, frappe l’animal avant qu’il ait été averti par la flamme ou par le bruit, ou du moins avant qu’il ait pu profiter de cet avis.
- Non-feulement les arts ont profité de l’élafticité des corps, Sc en ont fait des applications heureufes ; ils ont encore trouvé des moyens pour la faire naître ou pour l’augmenter dans ceux qui n’en ont que peu ou point.
- Tous les corps fonores , comme nous le dirons plus amplement à la fuite des expériences fur l’air, doivent être à reflort ; c’eft pour cette rai-fon qu’on fait les cloches Sc les tim-Teme L M
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- 138LEÇONS de Physique bresavec du cuivre & de l’étain fondus enfemble ; parce qu’on a remarqué qu’un métal mêlé eft plus dur, plus roide, & plus élaftique , que les métaux fimples dont il eft com-•
- 1 plupart des métaux même fans être alliés, deviennent capables d’une plus grande réaction quand on les bat à froid; ce que les ouvriers appellent écrouir. On s’en apperçoit bien par la vaiffelle : quand une cuilliére ou une fourchette a été feulement fondue & limée , & qu’elle ne doit rien au marteau, la façon en eft moins chere, mais elle eft moins durable ; la pièce fe faufle au moindre effort, & fon poli n’eft jamais fi beau. Un ouvrier intelligent en horlogerie, en inftru-mens de Mathématiques, en orfèvrerie , ôcc. ne manque jamais à écrouirfes ouvrages, non-feulement pour leur procurer plus de folidité, mais encore pour les faire valoir par un poli plus brillant, en rapprochant les parties, & en rendant les pores du métal plus ferrés.
- Mais de tous les corps dont on augmente artificiellement le reffort, il
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- Experimentale. 139 n’eneft point de plus remarquable que le fer converti en acier ; & parmi les différens procédés qu’on emploie à cet effet fur ce métal, rien n’eft comparable à la trempe.
- Il faut fçavoir 1 °. que l’acier n’efl: point un métal particulier ; on doit le regarder comme un fer préparé , quoiqu’il fe trouve des mines qui en fourniffent immédiatement : le plus ordinaire & le plus fin, efl: celui qu’on fait avec du fer forgé, en y introdui-fant une certaine dofe de parties fa-lines ôc fulfureufes qui augmentent fa dureté , ôc qui le rendent propre à être trempé. 20. Tremper l’acier 9 c’eft le refroidir fubitement dans le moment qu’on le fort bien rouge du feu ; 8c cela fe fait d’ordinaire en le plongeant dans de l’eau froide 5 ou dans quelque chofe d’équivalent.
- Les principaux effets de la trempe fur l’acier, ceux dont les arts tirent le plus d’avantage, font de le rendre très-dur, d’augmenter fon élafticité 9 ,& de la rendre durable. Tous les outils tranchans, jufqu’à ceux qu’on emploie pour cultiver la terre , en un mot depuis la lancette jufqu’à la bê-
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- 140 Leçons de ‘Physique che , tous font redevables de leur principal mérite à cette dureté qui coûte fi peu, & qui feroit défavanta-geufe par excès, fi l’on n’a voit foin de la modérer par un dégré de chaleur qu’on faitfuccéder à la trempe, & qu’on nomme recuit.
- Les effets admirables de la trempe fur l’acier , ont intéreffé avec raifon la curiofité des plus habiles Phyfi-ciens ; tous ont déliré d’en fçavoir les caufes, & quelques-uns en ont hafardé des explications ; mais on doit convenir que perfonne n’en a donné d’auffi vrai - femblables, & d’aufïi bien appuyées, que M. de Reaumur. Après une fuite d’expériences de plufieurs années fur cette matière , il fuppofe que l’affion du feu chaffe de l’intérieur des molécules de l’acier une grande partie des fels & des foufres qui s’y trouvent difféminés , fans pour cela les faire fortir de la maffe totale : fuppolition fondée fur les effets ordinaires & connus du feu , & fur l’expérience; car on fçait d’ailleurs que dans la fu-fion des matières hétérogènes & fixes , le feu procure toujours l’union
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- Ex PE Rî MENT ALE. IÇi des parties femblables ; ôc quand fon adion augmente jufqu’à un certain point ipr l’acier , elle le dépouille de fes foufres ôc de fes fels , ce que les ouvriers appellent brûler. La trempe faifit donc l’acier dans un tems où fes principes, quoique les mêmes, fe trouvent différemment mêlés ; avant que de le chauffer, les parties faiines, fulfureufes, métalliques, &c. extrêmement divifées & intimement mêlées , compofoient un tout d’une tif* fure plus uniforme , mais cependant plus hétérogène dans fes molécules, puifque chacune participoit également des trois ou quatre fortes de matières qui entrent dans la compo-fition de l’acier ; mais#après un dégré de feu fuffifant, les fels & les foufres extraits & pelotonnés} pour ainfi dire à part du métallique , font un tout plus homogène dans fes molécules, mais plus poreux Sc moins lié, quant à l’affemblage de ces petits pe-lottons de différentes efpéces. Cette hypothèfe ( fi c’en efl une ) explique fort heureufement tous les phénomènes quiréfultent de la trempe. i°. L’acier caffé paroît d’un grain
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- 142 Leçons de Physique plus.groffier après avoir été trempé, parce que les parties métalliques qui font les plus apparentes par leur couleur , font ramaflees en petites mafies plus écartées les unes des autres.
- 20. La trempe donne plus de volume à l’acier qu’il n’en avoit avant ; ôc cela doit être , puifqu’elle le fixe dans un état où le mélange ôc l’union de fes principes eft moindre.
- 3c. L’acier durcit à la trempe , parce que fes molécules fe forment de parties plus femblables, ôc par cette raifon plus capables de s’unir.
- 40. L’acier trempé fe cafife plutôt que celui qui ne l’eft pas , ou qui l’eft moins ; c’efi: que la liaifon de fes molécules entre efles eft moindre, puif-qu’elles font de matières difiembla-bles, ôc qu’elles fe touchent par moins de furface.
- 50. Enfin le recuit rend l’acier trempé moins cafiant ôc plus flexible ; parce qu’un dégré de feu modéré, fait renaître en partie le mélange intime des parties dififemblables , ôc qu’il lui fait prendre un état moyen entre celui d’un acier non-trempé 3 ÔC celui d’une trempe exceffive.
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- Experimentale. 143 ' Quoique nous ayons des procédés certains pour augmenter , diminuer , anéantir même le reffort de plufieurs corps, nous n’en connoiffons pas mieux la caufe de l’élalHcité en général : tout ce qu’on a imaginé juf-qu’à préfent pour en rendre raifon, ne peut paffer tout au plus que pour 4es conjectures dont les unes font vifiblement démenties par l’expérience, les autres fuppofent ce quieften , queftion , d’autres enfin plus ingé-nieufes que probables, n’ont aucuns faits qui parlent pour elles.
- Dire qu’un reffort que l’on tend en le courbant, a les pores plus ouverts en fa partie convéxe , cela eft vrai ; que les pores quoique plus ou-; verts, ne le font point affez pour fo remplir d’air groffier, & qu’ils en ref-ïent vuides, cela paroît encore vrai-fomblable : mais ajouter, qu’en con-féquence de ces petits vuides la pref-iion de l’air qui agit par le côté op-pofé, elt la caufe de l’effort qu’on -voit faire au corps élaffique , pourfe •remettre dans fon premier état ; c’efl ce que la raifon ne dit point, 8c ce que l’expérience dément formellement 1
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- 144 Leçons de Physique car i’élafticité dans un lieu privé d’air groffier, fait fes fondions comme ailleurs.
- J’appelle fuppofer ce qui eft én queftion, que d’attribuer le reffort des corps à l’air qu’ils contiennent entre leurs parties, comme autant de petits ballons qui fe trouvent comprimés dans la partie concave d’un bâton que l’on courbe, &qui réagif-fent jufqu’à ce qu’il foit redreffé ; car il reliera toujours àfçavoir quelle eft la caufe du reffort de l’air.
- Enfin fi l’onfuppofe avec le changement de figure qui fe fait dans les pores d’un reffort tendu, l’adion d’un fluide qui fe trouve par-tout, comme la matière fubtile, ou quelque chofe
- ar fon poids; plication qui aura quelque vraifemblance .-maisje doute fort qu’elle foit bien reçue , lî elle n’ell appuyée fur des faits ; & je ne vois pas qu’il foit facile d’en trouver qui parlent clairement.
- Ce que nous avons dit dans la leçon précédente & dans celle-ci, touchant la divifibilité des corps, la fub-tilicé de leurs parties > la variété de
- * leurs
- de femblable qui a on courra former une ex
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- Experimentale, i43: leurs figures, leur impénétrabilité & leur porofité , nous engage & nous met à portée d’expliquer en général de quelle manière nous acquérons la connoiffance des objets qui nous environnent : car tout ce qui eft hors de nous-mêmes nous feroit inconnu , s’il ne faifoit fur nous quelque impref-lîon fenfible ; & cette imprefîion qui prend tant de formes différentes, nous la devons prefque entièrement à la petiteffe extrême des parties qui nous touchent, & aux différentes figures qu’elles affeélent : tout ce qui eft matériel s’adreffe à nos fens, & nous jugeons d’après leur rapport.
- Digreffion fur les Sens,
- On appelle Sens certaines facultés du corps animé , par lefquelîes il entre en commerce avec les objets extérieurs : ce font autant de moyens que le Créateur a établis pour mettre les animaux en état de fe nourrir , de le défendre, de s’entre-aider a & de fe reproduire ; car fans les fens , à peine différeroient-ils d’une plante qui végété dans la même place où la na-Tome I. N
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- 146 Leçons de Physique ture l’a fait naître, qui féche fur pied quand la nourriture ne lui vient plus , & qui fouffre avec une égale infenfibi-Jité la bêche qui la cultive,& le-fer qui la fait périr/
- L’exercice des fens eft une fonction purement animale; elle convient aux bêtes comme à l’homme : il fem-> ble même qu’à cet égard , plulieurs efpéces d’entre elles aient été mieux traitées que nous ; quelle fmeffe dans l’odorat des chiens ! quelle portée de vûe dans les oifeaux de proye !
- On diflingue communément cinq fortes de fens ; le toucher , Vodorat, le goût, Y ouïe , & la vûe. Il ell peu d’animaux en qui l’on n’en compte autant: il y a peut-être dans la nature des efpéces qui ont quelqif autre fens que nous ne connoiffons pas ; mais il en efl de ceci comme de toutes les cho-fes qui ne font point impoflîbles , on ne doit pas les admettre fans nécef lité & fans preuves. Chaque fens a fon fiége particulier dans quelque partie du corps, qui à cet égard fe nomme fon organe ; l’oreille efl celui de fouie ; l’oeil efl celui de la vûe.
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- Experimentale. 147
- Quoique tout organe foit fenfi-ble, il ne l’eft pourtant pas pour toutes fortes d’objets, chacun a fon dif-trid particulier ; l’oreille fe dirigeroit en vain vers la lumière , & la vue la plus perçante n’apperçoit pas le fon des cloches. Quand bien môme î’ob-jetferoit de la compétence de l’organe qu’il affede, la ienlarion naturelle n’a lieu qu’autant que I’impreflion n’eft ni trop forte ni trop foible. On ne diftingueroit point l’irnage du fo-leil , fl l’on recevoit immédiatement fes rayons dans les yeux ; 6c peu de perfonnes pourraient lire une écriture de petit caradére à la clarté des étoiles.
- Qu’eft-ce donc que fentir ou faire ufage de fes fens ? de la part du corps animé, c’eft recevoir fur tel ou tel organe l’imprefîion modérée d’un objet qui le touche ou par lui-même, ou par quelque matière intermédiaire : de la part de l’ame qui anime le corps , c’eftfe retracer les idées qu’elle a attachées à ces imprefiions , ou s’en former de nouvelles lî les impref-fions font neuves. Un homme , par exemple , jette la vue en plein jour
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- 148 Leçons de Physique fur un chien ; la lumière qui éclaire le-corps de cet animal rejaillit jusqu’au Spedateur , & frappe dans le fond de fon oeil une place terminée comme la figure de l’animal qui la réfléchit; à cette occafion l’ame fe rappelle l’idée d’un chien qui lui eft familière , & fl la mémoire lui fournit l’idée de quelqu’autre chien, elle juge que celui-ci eu grand, petit, maigre, gras,&c. parla comparaifon qu’elle en fait. De fçavoir maintenant comment l’organe affedé par l’objet détermine l’efprit à penfer en conféquence, c’eft ce que la Phyfique n’apprend point, êc c’eft, je crois, ce qui furpafle la portée de nos foibles lumières ; l’union de l’ame avec le corps, le commerce de ces deux êtres de natures fl différentes, eft un de ces myftéres qu’il eft peut-être plusfage d’admifer que d’étudier.
- Mais comme un homme voit un chien , un chien voit un homme ; «5c fes adions, comme les nôtres, fem-blent fe régler fur ce qu’il voit , fur ce qu'il entend, Scc. Que fe pafle-t-il donc dans cet animal , lorfqu’un objet affede quelqu’un de fes fens ?
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- Experimentale. 149 c’eft encore une de ces queftions épineufes, où la curiofité échoue , & fur lefquelles les génies les plus heureux ont épuifé toute leur Phi-lofophie. Selon la doctrine de Def-cartes, une bête n’eft autre choie qu’une belle machine dont toutes les pièces font fi bien aiïorties, & ordonnées avec une correfpondance fi parfaite , qu’une d’entre elles étant remuée par l’objet extérieur qui a prife fur elle , détermine immédiatement les autres à fe mouvoir, de telle ou telle manière ; les nerfs de chaque organe ayant été touchés comme il convient, tranfmettent aux membres les différens mouvemens d’où réfulte telle ou telle adion. Cette penfée eft grande, elle eft hardieelle eft même féduifante, quand on la médite fans préjugé ; mais c’eft l’affoiblir que de fonder fa vraifemblance fur des exemples, ou fur des fimilitudes. Celui de tous les êtres animés qui nous paroît le plus imbécile , une huître , un limaçon eft fans comparaifon au-deflus de la montre la plus parfaite , & de tout ce que l’art a pu. produire de plus ingénieux. Le commun des
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- lyo Leçons de Physique hommes ne confentira jamais à regarder les adions d’un cheval, d’un chien de chalTe , ôcc. comme les effets d’un méchanifme purement matériel ; pour goûter cette Philofo-phie , il faut être un peu Philofophe.
- On aimera mieux croire fans doute , que le corps d’une bête efl animé & conduit par un être intelligent qui commence & périt avec lui, 8c qui efl le principe de toutes ces pen-fées, & de tous ces jugemens dont on croit voir des lignes dans les di-verfes adions des animaux. Ce fenti-ment qui n’efl contraire ni à la raifon » ni aux dogmes de la foi, a trouvé 8c trouve encore aujourd’hui des dé-fenfeurs * non-feulement dans le vulgaire qui juge fur les apparences, mais même parmi ceux qui méditent, 8c qui n’admettent les opinions qu’a-près les avoir difcutées.
- Mais il ne faut pas croire qu’en prenant ce parti on fe mette au-deffus de toute difficulté. Quand on con-fidére la docilité d’un animal domef-tique , les rufes 8c l’adreffe de certaines bêtes voraces , le bon ordre 8c l’mduilrie qui régnent dans quelques
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- Experimentale. 151 efpéces d’Infe&es qui vivent Sc trar vaillent en fociété, il eftbien commode d’en rendre raifon , en difant : cefi que tous ces animaux font in tel-lïgens s /’Auteur de la nature les a rendus tels , en renfermant dans leurs corps une ame dditne efpéce convenable à leur condition. Mais cette ame , fi elle efi: immatérielle, comme on le prétend -, que devient - elle , Jorf-qu’un ver ayant été coupé en cinq ou fix parties , & même davantage , chaque morceau continue de vivre 8c redevient un animal complet, Sc tout-à-fait femblable à celui qu’on a divifé ? comme on l’a obfervé depuis peu t* y a voit-il donc plufieurs âmes * wfl. à?s dàns le thème indi vidu , ;ou bien ce de
- qui n’efi point matière eft-il divifible ? ,
- Ne pouffons pas plus loin cettequef-tion dans un ouvrage où nous nous n- 54. hommes interdit toute dilcuffion mé-taphyfique ; attachons-nous feulement à ce qui peut être éclairci Sc prouvé par l’expérience & par les obfervations. Quant à la matière préfente , bornons-nous à faire connoî-tre le méchanifme de nos fenfations ; conduirons l’objet extérieur ou fon N iiij
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- 2 Leçons de Physique adion jufqu’à la partie du corps' destinée à recevoir Son impreffion ; 6c voyons quelles font les conditions nécefïaires dans l’objet pour être activement fenfible , ôc dans l’organe pour être affedé efficacement.
- Le Toucher.
- Le premier 6c le plus général de tous les Sens , c’eft le toucher ; on peut dire que tous les autres ne font que des efpéces dont il eft le genre.-Quand nous entendons le fon de la voix ou de quelque infiniment, cette fenfation n’éft autre chofe qu’un ébranlement caufé à une- certaine partie de l’oreille par le contad rde l’air, qui eft lui-même agité par le corps Sonore'. Quand nous i voyons quelque objet, c’eft que la lumiéré qui vient de lui à nous, frappe le fond de l’oeil. Ainfi , goûter , voir , entendre ^fentir les odeurs, c’eft à propre-ment parler, être touché en telle ou telle partie du corps par une certaine matière : au lieu que le toucher que nous regardons comme le premier Sens, confifte à recevoir fur telle partie fenfible du corps que ce puifle
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- Experimentale. 155 être, l’impreftion d’une matière quelconque ; les autres fens ont des organes 8c des objets qui leur font propres , celui-ci occupe toute l’habitude du corps animé, & s’étend à tout ce qui eft palpable. Il a encore cet avantage fur eux , d’être en même tems adif 8c paflif ; non-feulement il nous met en état de juger de ce qui fait imprelïïon fur nous ; mais encore de ce qui rélifte à nos impulfions : nous pouvons appliquer l’organe à Fobjet, 8c c’eft par le tad que nous nous afîurons le plus fouvent de l’état des corps qu’il nous importe de connoître.
- - Les corps que nous touchons ou qui nous touchent, font fur nous des impreftions différentes , félon leur grandeur, leur figure , leur confif-tanee, le dégré ou l’efpéce de leur mouvement, leur température , &c. 8c l’on a donné à toutes ces différentes manières de toucher des noms qui expriment ou l’adion des corps fur nous, ou notre adion fur eux : heurter , piquer, pincer, grater, chatouiller , font autant d’expreftious qui défignent ee que différens corps nous font fen-
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- i£4.Leçons de Physique tir en conféquence dç leur maffe , de leur forme , ou de leur manière de fe mouvoir ; froid , chaud , dur , mol ,fec, mouillé, dénotent d’ordinaire le fenti-ment qu’excite en nous une matière que nous tâtons , par l’état aétuel des parties quicompofent fa maffe. Comme les fenfations du toucher peuvent varier à l’infini, par la variété même de l’objet, par l’étendue 8c la difpo-fitionde l’organe , 8c par les différentes manières dont l’un eft applicable à l’autre ; il s’en faut bien qu’elles foient toutes caraétérifées par des noms propres : ceux que nous venons de rapporter, 8c plufieurs autres que nous obmettons, ne font, pour ainfi dire , que des termes génériques par lefquels on fait connoître, à l’aidé de quelque circonlocution , les différentes efpéces qui peuvent s’y rapporter ; on défigne , par exemple , par chatouillement, ce que l’on fent dans la gorge lorfqu’une légère âcreté; excite la toux ; on dit qu’un reméde; pince, pour faire entendre qu’il laide des imprefîions fur les parties qu’il affeéle.
- Quoique l’objet du toucher foit
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- Experimentale, i pour l’ordinaire hors de nous-mêmes , les différentes parties du même corps ne laiflent pas que d’agir réciproquement les unes fur les autres , tant au-dehors qu’au-dedans. Quand la main touche le pied , elle fait naître deux fènfations ; elle eft en même tems l’objet de l’une , & l’organe de l’autre. Pour ce qui paffe à l’intérieur & fans interruption , l’habitude nous en dérobe le fentiment ; l’a&ion des fluides fur lesfolides , par exemple , ne devient fenfible que quand elle apporte quelque changement à l’état naturel ; & alors nous éprouvons ce qu’on nomme langueur> joiblejfe, ou 'douleur.
- On peut dire en général que les nerfs font dans chaque organe , la partie la plus ellentielle, celle où l’aétion de l’objet fe termine, & après laquelle nous n’appercevons plus rien de méchanique : le fond de l’oeil où s’accomplit la vifion, n’ert qu’une expanfion du nerf optique ; la lame ipirale du limaçon , qu’on regarde comme la pièce qui a le plus de part aux fondions de l’oreille, eftun corn-pofé de fibres nerveufes ; & l’organe
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- i$6 Leçons de Physique du toucher fe trouve dans toute détendue de la peau, & fur-tout à la furface extérieure, où l’on fçait qu’a-boutiffent tous les petits nerfs qui forment la plus grande partie de ce tiiTu. Ce font ces petits mammelons dont l’arrangement forme des filions vers l’extrémité des doigts, où le tad efl ordinairement plus fin qu’ail-*m.leCat>leurs» Un habile Anatomifte * a don-%nï,{.z%s. né depuis peu une defcription très-concife ôc très-intelligible delà peau, dans un ouvrage écrit ex profejtô fur les fens , & dont je crois la ledure très-utile à ceux qui voudront fur la matière préfente des inftrudions plus détaillées que celles qui peuvent être, placées ici.
- Ce qui prouve incontellablement que les nerfs ont plus de part au toucher qu’aucune autre partie, c’efl que ce fens exerce fes fondions plus ou moins parfaitement,félon l’état aduel de ces petites houpes nerveufes qu’on apperçoit à la fiiperficie de la peau & qui ne font couvertes que par l’é-* 1 épiderme : * qu’une brûlure les deffé-
- che, qu’une matière étrangère les couvre, qu’un trop grand froid les
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- Experimentale, i 5:7 contrade , ou les empêche de s’épanouir ; îa partie où ils font, perd le fentiment, & ne le reprend que quand .ces accidens ceiïent. Les maladies des nerfs qui ne vont pas jufqu’à détruire leur oeconomie , font aufti les plus aiguës , parce qu’elles attaquent immédiatement l’organe des fenfations ; l’engourdiffement 8c la paralyfie qui fufpendent ou qui arrêtent leurs fonctions, caufent pour l’ordinaire l’in-fenfibilité.
- Des accidens, des maladies, la vieillelfe nous privent fouvent des au-très fens. On voit affez fréquemment des aveugles, des fourds , des gens même en qui le goût 8c l’odorat font prefqu’entiérement ufés : mais il eft fort rare de trouver un homme universellement infenfible ; on en apper-çoit bien-tôt la raifon , dès que l’on conlidére par combien d’endroits nous pouvons fentir les objets extérieurs comme rélîftans, en comparai -fon des parties organiques qui nous ..les repréfentent comme fonores, colorés , favoureux , ou odorans. L’étendue du toucher eft donc une ref-fo.urce que la nature a ménagée à
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- 15*8 Leçons de Physique ceux qui par quelque accident ou par vice de conformation , fe trouve-roient privés des autres facultés. Auf-fi voyons-nous des aveugles fuppléer par le tad à i ufage des yeux ; & quoique le toucher ne foit pas à beaucoup près aufiî délicat que les autres fens , lorfqu’il eft employé par nécefiité, & perfedionné par l’habitude , il fait prefque des prodiges. Je ne voudrais pourtant pas garantir tous ceux que l’on raconte à cette occafion , car tout ce qui tient du merveilleux, ne va guéres fans exagération.
- Le Goût.
- Comme l’accroiffement & l’entretien des animaux dépend de la nourriture qu’ils prennent , & du choix qu’ils en font, il étoit à propos que la nature les conformât de manière à défirer d’eux-mêmes les alimens nér ceffaires, 8c àdiflinguer ceux qui leur conviennent : il falloit qu’ils fentifi-fent le befoin de manger, 8c qu’ils euffent du plaifir à le lâtisfaire ; car fans cette précaution le foin de vivre eût été à charge. Jugeons-en par nous - mêmes : s’il n’étoit queflion
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- Experimentale, que de remplir un devoir lorfqu’on fe met à table , il faut convenir que les indigeftions ne feroient pas communes , & qu’on verroit peut-être 'biendes gens périr d’inanition.L’Auteur de la nature a prévu ce défordre, & pour le prévenir, il a mis en nous-mêmes des motifs plus puiffans que iï0tr;e parelfe. L’eftomac à jeun nous follicite par, la faim & par la foif ; ôc la bouche qui fournit à ces deux appétits , fe dédommage par les faveurs, qu’elle goûte , de la peine qu’elle prend de préparer les alimens pour la digeftion.
- f Le goût confifte donc à fentir l’im-preflion des matières favourenfes, à les; admettre ou à les rejetter , fui-^ant les idées qu’elles font naître , ôc les jugemens qui s’enfui vent.
- Les faveurs, objet du goût en général , viennent principalement des parties falines qui fe trouvent dans toutes les matières tant animales que végétales, que l’on prend ou comme alimens, ou comme remèdes. Ces petits corps anguleux & tranchans5 font plus propres que d’autres à pénétrer jufqu’à l’organe immédiat ,
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- 160 Leçons de Physique St à s’y faire fentir. On peut en juger en mettant fur la langue quelque grain de fel pur, de quelque nature qu’il foit, il y fait une impreffion très-forte ; St l’analyfe fait voir que de tous les mixtes ceux qui affeéfent le plus l’organe , font les plus abonda ns en fels.
- On ne connoît qu’un très-petit nombre de fels qui différent effen-tiellement, ou dont les parties di-vifées par l’eau , fe montrent fous des figures.conftamment différentes. Delà il fuit que les fenfations du goût feroient peu variées, fi les particules falines que les alimens contiennent , agiffoient feules, &fans mélange fur l’organe : mais la nature les a mêlées avec d’autres principes qui ne font point favoureux par eux-mêmes , qui n’agiffent que comme objets du toucher en général , St dont le nombre St les dofes fe combinent à l’infini. L’eau , la terre , l’air, le foufre , l’huile , font autant de matières infipides, que la nature a fait entrer dans prefque tout ce qui fert de nourriture aux animaux. La bouche en broyant ces alimens, fournit une
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- Experimentale. 161 une lymphe qui facilite la défunion des parties , 8c qui développe les principes ; mais ce diffolvant n’a poinc autant de prife fur les uns que fur les autres : le foufre 8c l’huile, par exemple , ne cèdent point à fon a&ion, comme la terre 8c l’eau ; ainfi la partie faline ne fe dégage jamais qu’im-parfaitement, 8c à proportion de la dilfolubilité de ce qui lui effc étroitement uni.
- Les faveurs les plus (impies , 8c far
- s généralement ou les fels font le moins mitigés par le mélange d’autres matières. Tout le monde connoît ce que c’eft que falé, aigre . doux, amer, âcre , 8cc. Ces différentes fen-fations font (î marquées, qu’on les diflingue d’abord ; elles font comme la baie de toutes les antres qui deviennent d’autant plus difficiles à décider 8c à exprimer , qu’elles s’éloignent davantage de cette première fimplicité. L’amer du caffé, par exemple , corrigé par la douceur du fucre, produit une fenfation mixte : le fuc des fruits mêlé à l’efprit de vin, prend un nouveau goût; celui des viandes Tome L O
- lefquelles on ell le pli d’accord , font celles
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- 162 Leçons de Physique change prefque entièrement , & fe déguife de mille façons différentes, comme on le fçait par un nombre infini de préparations 6c de mélanges, dont la délicateffe a fait un art important & très - cultivé dans notre fîécle.
- Il en efl de l’objet du goût, comme de celui du toucher : les faveurs mixtes dépendant de certains principes , dont l’affemblage efl fufceptible d’une infinité de combinaifons , il efl impoffibie de les défigner toutes par des noms particuliers ; on les exprime en les comparant à quelque faveur plus flmple , on plus connue : on dit, tel fruit efl un peu acre Ch amer s tel poijfon a le goût du brochet > 6cc.
- Quant à l’organe du goût, tous les Anatomifles conviennent qu’il efl principalement dans la langue ; un grand nombre d’entre eux croient qu’il efl dans tout l’intérieur de la bouche, 6c ptufieurs l’étendent juf-qu’à l’éfophage , 6c même jufqu’à l’ef-tornach. Il n’eft guéres poflible de le borner à la langue feule ; chacun peut reconnoître par fa propre expé-
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- Experimentale. 163 rience, que les matières favoureufes fe font fentir,quoiqueplus foiblement,au palais 8c au fond de la bouche; mais ce qui décide la queflion , c’eft qu’on a vu des gens quin’avoient point de langue., 8c qui goutoient les alimens. * C’eft encore ici l’extrémité des fibres nerveufes, ces mammelons dont nous avons parié précédemment, qui font l’organe immédiat : mais au lieu que pour la fenfation du. toucher, ils font petits 8c recouverts par une fur-peau.affez unie , 8c d’un tiffu un peu ferré ; dans toutes les parties de la bouche où on les obferve , 8c fur-tout',dans la langue , * ils font plus gi'OS:* moins compacts , 8c comme enchaffés dans une envelope ou.gaine fort poreufe , abbreuvés d’ailleurs d’une lymphe qui entretient leur fou-pleffe, 8c qui met la partie favoureu-fe des alimens en état de les toucher comme il convient pour fe faire fen-tir : car./elle la divife , elle la développe de manière qu’elle lui donne le dégré de ténuité néceffaire pour s’infmuer par cette peau très-poreufe, qui. couvre les petites houpes ner-yeufes fur lefquelles l’impreflion doit fe faire. O ij
- * Mc'm. de F.A cad* 1718. f. <5.
- * Fig. 11.
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- 164 Leçons de Physique L’organe du goût Te gâte Sc s’ulé comme les autres, par un ufage immodéré de Ton objet : les faveurs fortes , comme les liqueurs fpintueufes , Sc ces ragoûts étudiés fi fort à la mode aujourd’hui, diminuent beaucoup la fenlibilité des parties qui en fouf-frent fréquemment l’impreffion ; l’expérience fait voir que des gens du peuple qui s’accoutument à boire de l’eau de vie, trouvent le vin infrpi-de , Sc ne s’en foucient plus. On fçait au contraire que les buveurs d’eau' ont pour l’ordinaire le goût plus délicat Sc plus fin que d’autres. Cette’ boiffon qui n’a prefque point defa-veur, conferve à l’organe toute fenlibilité , parce qu’elle n’eft point’ capable d’en altérer la texture. La maladie ou le grand âge peuvent aufïi cauferdu défordre dans cette partie : au ‘ commencement d’une cônvalef-eence, il arrive allez fouvent qu’oiï ne trouve point de goût ; aux ali-mens, parce qu’il refie encore quelque humeur vicieufe qui engorge les pores par où doivent palier les particules favoiireufes ; ou parce que les accidens qui ont précédé * ont
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- Experimentale. 16$ caufé quelque altération à l’organe même y qui n’eft point encore revenu à fon état naturel. Mais infenfible-ment je paffe les bornes de mon def-feiiî ; c’eft à la Médecine & à l’Anatomie qu’il convient d’ajouter ce qui peut manquer ici ; peut-être en ai-je déjà trop dit.
- L’Odorat.
- - L’odorat à qui nous donnons le troifiéme rang parmi les fens, quand on commence par ceux qui font en apparence les plus grolîiers 3 pour-roit être placé au fécond , fl l’on avoit égard à l’ordre que la nature obferve dans leur exercice ; car fes fondions précédent fouvent celles du goût. Ce qu’on nous préfente pour boire ou pour manger n’eft guéres admis, s’il n’a été examiné d’abord , & approuvé par ce fens ; 8c les animaux qui n’ont le ta<d ni auiïi familier 3 ni aufti fin que nous , décident par l’ufage du nez de la qualité des alimens, fur-tout quand ils font nouveaux pour eux , 8c qu’ils n’y voyent pas extérieurement de reftemblance âvec ce qui leur eft déjà connu. Il y
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- 166 Leçons de Physique une fï grande affinité entre le goût & l’odorat, tant par rapport à l’objet que par rapport à l’organe, que quelques Anatomiftes ont regardé le dernier comme une partie , ou comme un fupplément du premier : & en effet nous voyons que tout ce qui agrée à l’un , eft naturellement ami de l’autre ; on eft tenté de porter à la bouche les matières qui exhalent des odeurs agréables, à moins qu’on ne leur connoiffe des qualités nuifi-bles ; & fi par hazard quelque aliment ufité déplaît à l’odorat, il faut que l’habitude, ou quelques motifs puiflans l’emportent fur la répugnance qu’il ne manque pas de faire naître;'$ fans quoi l’on s’en interdit l’ufage fuç le feui témoignage du nez.
- Comme l’intérieur du nez communique avec la bouche , il arrive, fou-vent que les fenfations du goût s’al-s lient & fe confondent, pour ainfi dire* avec celles, de l’odoratcet effet arrive quand les faveurs font fpiritueu-fes Sc volatiles, & delà vient encore-une variété prodigieufe de -fenfations differentes , félon que l’odorat y. a-plus ou moins de part. Quand il-y
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- Experimentale. 167 participe un peu trop } comme Son organe eft plus fenfible que celui du goût, celui-ci perdfes droits pendant quelques inftans, & toute la fenfa-tion appartient à l’odorat. Qui eft-ce qui ne fçait pas ce qui arrive , lorsqu'on prend une dofe de moutarde trop peu mefurée , ou lorfqu’on avale à longs traits de la bière forte ?
- Il paroît que le principal objet de l’odorat font les Tels volatils, 8c que la' variété des odeurs vient du mélange 8c de la quantité des autres principes qui leur font unis ; car les fèls fixes ne font point capables de fe porter à l’organe , 8c tout ce qui n’efl: point fel dans les mixtes, quoiqu’il Soit volatil 9 Semble infipide à l’odorat comme au goût. On ob-ferve au contraire que tout ce qui facilite l’évaporation des matières où le fel volatil abonde, tout ce qui développe leurs principes, les rend auffi plus odorantes. Quand on cuit les viandes, l’adion du. feu divife les parties , les fubtilife > 8c les met en état de s’exhaler , 8c alors les odeurs deviennent très-fenfibles. Quand on mêle du fel ammoniac eh poudre
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- 1(58 Leçons de Physique avec de la chaux vive , ou avec du fel de tartre , le volatil urineux fe développe , s’élève, & fe fait vivement fentir.
- Par la même raifon la fermentation ou la putréfaction, rend prefque toujours odorantes les matières qui ne le font que peu ou point dans leur état naturel, ôc le plus fouvent elle change la qualité des odeurs ; car ces mouvemens inteflins donnent lieu aux parties de fe déplacer & de fe défunir. Si cette défunion ne va pas jufqu’à décompofer les molécules, Sc changer la nature du mixte qui commence à fermenter, il devient feulement plus odorant, parce qu’il s’exhale en plus grande quantité ; mais fi les principes mêmes qui corh-pofent les parties intégrantes viennent à fe féparer , non - feulement l’odeur en deviendra plus forte ôc plus pénétrante, parce que l’organe fera affeCté par des parties plus fub-tiles ; mais la fenfation fera auffi d’une autre efpéce, parce qu’elle fera caufée par des corpufcules d’une ftru&ure différente, où la partie fali-
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- Experimentale, i69 plus ou moins abondante , plus ou moins développée. Un fruit qui fe pourrit, la chair qui fe corrompt, exhalent des odeurs de plus en plus défagréables, non-feulement parce quelles font plus fortes, mais auffî parce qu’elles font plus fétides à rae-fure que la corruption fait du progrès;
- Les odeurs font encore moins ca-ra&érifées que les faveurs ; à peine convient-on de quelques fenfations fondamentales dans ce genre ; on le contente de rapporter les moins connues à celles qui le font davantage , à la fumée du foufre , à celle du linge brûlé, à la vapeur de l’urine , à la violette , au citron, à l’ambre , &c. fans prétendre pour cela que ces différentes exhalaifons foient des odeurs fimpîes.
- Il faut que les corpufcules capables d’ébranler l’organe de l’odorat, lbient fufceptibles d’une prodigieufe divifibilité. On en peut juger par une expérience , & par quelques obfer-vations que nous avons rapportées dans la première leçon , * pour prou- *IIL Ëx~
- f t 1 1 • 1 pcyicïicâj p*
- ver en general combien les corps z7.vjùv. font diviïibles. Ces petites parties ex-
- Terne L P
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- 170 Leçons de Physique halées flottent dans l’air , & c’eft ce fluide qui les porte dans l’intérieur du nez où eft l’organe , lorfque par la refpiration nous le déterminons à prendre cette voie.
- L’intérieur du nez eft revêtu d’une membrane que les gens de l’art nomment pituitaire : c’efl un tiffu compo-fé pour la plus grande partie des fibres du nerf olfadif, qui eft communément reconnu pour être le fujet des odeurs. Ces fibres nerveufes aboutiffent à la fuperficie de la membrane en forme de petits mamme-lons fur lefquels fe fait Pimpreflion ' des corpufcules odorans. * Voilà en gros l’organe de l’odorat , un plus grand détail ne conviendroit point ici : ceux qui voudront être plus amplement inftruits,trouveront de quoi fe fatisfaire dans le traité de M. le Cat, que nous avons cité ci-deïïus, dans l’expofition anatomique de M. Winfi. low, &c.Nous ajouterons feulement que les odeurs fortes,& leur fréquent ufage, endurcifient pour ainfi dire les petites houpes nerveufes aufquel-les elles s’appliquent , & leur font perdre ce fentiment délicat dont
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- Experimentale. 171 Jouiffent ordinairement lesperfonnes qui n’ufent point de tabac ni de parfums. On perd aufiï pour un tems l’ufage de ce fens lorfqu’une humeur Surabondante ou trop épaiflie , au lieu d’abreuver l’organe autant qu’il convient feulement pour entretenir fa fouplelfe 8c fa fenfîbilité, engorge & gonfle toute fafubflance ; car alors non-feulement il n’efl point dans fou état naturel, 8c difpofé à bien faire les fondions, mais fair qui pafle avec peine n’y porte pas la même quantité d’odeur : c’ell ce qu’on éprouve , 8c qu’il efi: aifé d’obferver, lorfqu’on a cette indifpofltion qu’on appelle rhu» me de cerveau.
- Nous ne dirons rien ici de l’ouie 8c de la vue , parce que nous aurons occafion d’expliquer le méchanifrne de ces deux fens, en traitant des fons 8c de la lumière ; il nous relie à terminer cette digreiïion par quelques remarques qui fe préfentent encore à faire fur les fens en' général conlidérés dans l'homme.
- i°. Quoique fuivant l’intention de la nature, chaque individu de notre dpéce doive faire de fes fens l’ufage
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- 172 Leçons de Physique pour lequel ils lui font accordés ; ce-pendant il efl: indubitable que toutes ces facultés ne font point au même degré de délicateffe dans tous les * yownai hommes. On en a vû * dont l’odo-rat ctoit auffi fin que celui des chiens ma». ds de chafTe ; d’autres distinguent les fZTijî’;. objets dans un lieu affez obfcur pour les dérober aux vues ordinaires ; certains gourmets apperçoivent dans les ragoûts ôc dans les liqueurs, des différences qui échappent aux goûts communs. Un tel degré de perfection dans les fens , lorfqu’il ne s’y trouve pas aux dépens de quelque avantage plus précieux, doit être regardé comme un bienfait de la nature ; mais que la fenfibilité de nos organes foit limitée 5 & que nos fenfations n’ayent pas toute l’étendue qu’elles pourroient avoir , ce n’eft point un mal, & nous aurions tort de nous en plaindre tau contraire une délicatefle dans les fens beaucoup plus grande qu’elle .ne s’y trouve communément, nous expoferoit à bien des incommodités , à moins qu’il ne fe fît en même tems une réforme dans les objets qui ont coutu-
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- Experïm entalé. 175 fiie de les affe&er, & que nous ne changeafïions auffi de manière de penfer. Trop de lumière bleffe nos yeux , tels qu’ils font ; s’ils étoient plus délicats, une clarté ordinaire fe-roit toujours exceffive, & nous ne verrions jamais fans douleur. Seroit-il agréable de voir toujours les objets comme on les voit à faide dumicrof-cope ? La plus belle peau ne nous paroîtroit jamais qu’un tiffy, mal uni, ou plein derugofités; ôc le plus beau diamant ne nous montreroit que des faces mal dreffées, ôc peu fimétri-fées : il eft aifé d’appliquer cette reflexion aux autres fens.
- 2°. Dans l’ufage des fens, quoique l’organe foit fuffifamment affecté par l’objet , il arrive fq^ivent que la fenfation n’a point fon effet pat rapport à l’ame. Combien de fois n’arrive-t-il pas qu’on a les yeux ouverts fur un objet éclairé , fans le voir ? ou que l’on parle affez haut à quelqu’un qui n’efl point fourd , êc qui cependant n’entend pas ce qu’on lui dit ?\Tous les corps que nous touchons, ou qui nous touchent par hazard, viennent-ils pour cela à notre
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- 174 Leçons de Physique connoiffance ? Oeil que pour con-noître ce que l’on touche , il faut le tâter ; pour entendre , il faut écouter ; & pour voir, il faut regarder. Or tâter, écouter, & regarder, ce n’efî pas feulement laiffer agir l’objet fur l’organe , c’ell joindre l’attention de l’ame à l’exercice du fens qui efl en fonction. Un homme diilraitfe comporte fou vent comme un lourd , un aveugle ^un infenflble : qui ne con-noît pas les effets de la diflraffion ?
- 3°. Les fenfarions , comme nous l’avons déjà dit, font naître des idées, & ces idées font agréables ou déplaisantes à l’ame qui les conçoit ; mais ce qu’il y a de plus remarquable,c’efl que le même objet fait plaifir aux uns Sc déplaît aux autres. Quelques perfon-nes aiment les amers, le plus grand nombre les dételle ; certaines odeurs plaifent à ceux-ci, 8c font infuppor-tables à ceux-là : 8c c’eft ce qui a donné lieu à cette maxime, Il ne faut fus difputer des goûts- 11 y a plus encore : ce qui me faifoit peine à fentir il y a quelques années, m’eff agréable aujourd’hui. Tel qui a marqué de la répugnance en buvant de la bière,ou
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- Experimentale. 17^ en prenant du tabac pour la première fois, en fait fes délices dans la fuite ; l’odeur du mufc qui étoit de mode autrefois , fait maintenant mal à la tête à tout le monde. Les organes ne font-ils pas à-peu-près les mêmes dans tous les hommes ? & changent-* ils d’un tems à l’autre dans le même individu ?
- Puifque c’efl: une chofe reconnue , que les parties organiques font plus délicates, & par conféquent plus fui-ceptibles des impre(Lions dans certaines perfonnes que dans d’autres , & qu’une aètion immodérée de l’objet eft capable de les bîeffer ; il peut arriver que ce qui ne feroit qu’une fen-fationordinaire pour les uns,de vienne pour les autres une irritation violenté , fâcheufé, & inquiétante pour l’ame qui veille à la confervation du corps, & qui défapprouve tout ce qui tend à déranger l’oeconomie animale.
- Mais il faut convenir que l’imagination a autant de part qu’aucune autre caufe à toutes ces variétés. Les objets nous plaifent ou nous caufent de la répugnance félon les idées que nous y attachons; & ces idées dépen-
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- %q6L EÇONS DE P HT S1 Q UE dent beaucoup de l’habitude , de la mode, Sc des préjugés. On a oui dire à des gens que l’on croit de bon goût, qu’une telle matière , en la brûlant, produit une bonne odeur ; en voilà allez pour la faire aimer quand on i’éprouvera.Le rapport des yeux préfente d’abord les huîtres fous des lirni-Ihudes dégoûtantes ; mais peu à peu ces premières idées s’affoiblilTent, «Sc cèdent à d’autres plus flatteufes qu’on a conçûes en y goûtant : ainfi comme les fenfations dépendent en partie de la difpolition de l’organe , les ju-gemens qui s’enfuivent , tiennent beaucoup aufli de celles de Pâme.
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- Experimentale. 177 •0- à'
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- III* LEÇON.
- Delà Mobilité des Corps ; du Mou* vement > de fis propriétés & défis loix.
- PREMIERE SECTION.
- De la Mobilité des Corps*
- J L ne faut point confondre la mo-lilité avec le mouvement ; ce font deux chofes tout-à-fait différentes. La première eft une propriété commune à tous les corps ; l’autre eft un état hors duquel on les confédéré fouvent, 8c qui ne leur eft point effentiel. Je me reprefente quelquefois telle ou telle matière comme étant en repos ; mais je conçois toujours quelle peut recevoir le mouvement qu’elle n’a pas.
- La mobilité eft fondée fur certaines difpofitions qui ne fe trouvent pas au même degré dans tous les corps y c’eft ce qui fait que les uns
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- 178 Leçons de Physique font plus mobiles que les autres,c’efL à-dire,qu’il faut employer moins de force pour les faire paffer du repos au mouvement. Les principales de cesdifpofitions font la figure , le poli de la furface , ôc la quantité de matière contenue fous le volume d’un corps qu’on veutmouvoir.
- Pour concevoir ceci facilement, repréfentons-nous d’abord deux maf-fes de verre , d’yvoire, ôcc. d’égal poids, dont l’une foit un cube , ôc l’autre une boule, toutes deux pofées fur une table Ces deux corps ne différeront que par la figure, Ôc cela fuffira pourrendre le dernier beaucoup plus propre que le premier à recevoir ôc à conferver le mouvement.Donnons-leur maintenant la même figure , ôc ne changeons rien à l’égalité de leurs malles ; mais imaginons feulement que la furface de l’un eff raboteufe,& que celle de l’autre eft unie : cette différence rendra celui-ci plus mobile ; une moindre force le fera mou-» voir fur un plan folide, ou dans un fluide. Enfin fuppofons deux corps bien femblables par leur figure , ôc par le poli de leurs furfaces, mais dif-
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- Experimentale, i jp férens par leurs quantités de matière; une bille d’yvoire , par exemple , 8c une autre de plomb , de même diamètre , fufpendues de même , ou fur le même plan horizontal 8c fort droit; ne faudra-t-il pas frapper celle-ci plus fortement que l'autre , pour la mouvoir ? & la même force imprimée à Tune 8c à l’autre , ne trouvera-t-elle pas moins de réfiflance dans la plus légère que dans la plus pefante ?
- Cette réfiflance au mouvement y qu’on apperçoit dans tous les corps, ayant égard feulement à leur malle , fe nomme force d’inertie : elle eft, ainfi que la péfanteur , proportionnelle à la quantité de matière propre de chaque corps. Mais quoique ces deux forces ayent cela de commun entr’el-les , on ne peut pas dire qu’elles foient la même chofe ; il y a des preuves du contraire : la pefanteur, comme nous le verrons dans la fuite,exerce toujours fon a&ion de haut-en-bas , 8c autant qu’elle peut, perpendiculairement à l’horhon ; mais la force d’inertie réfifle au mouvement dans quelque fens qu’on faffe effort pour mouvoir un corps.
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- 180 Leçons dé Physiquê Pour nous faire une idée jufte de l’inertie, repréfentons-nous l’expérience propofée par M. Newton * ; imaginons un corps d’une grandeur & d’un poids déterminé , par exemple , une boule de plomb pefant une livre , fufpendue librement par un fil fort long, dans un air tranquile , & une autre boule de plomb femblable pareillement fufpendue, qui va heurter la première avec quatre degrés de mouvement. Si la boule en repos ne faifoit aucune réfift'ance à celle qui vient la heurter , après le choc on les verrait toutes deux fe mouvoir avec quatre degrés de mouvement. Car pourquoi le mouvement diminueroit-il dans la boule qui choque , s’il n’y avoit point de réfiftance de la part de celle qui eft choquée ? & par quelle raifon la boule déplacée ne le ferait-elle pas félon toute l’étendue du mouvement qui la pouffe l Mais l’expérience fait voir autre chofe : la bou-
- le en repos reçoit de celle qui la frappe une portion de fon mouvement ; & cette dernière perd dans le choc ce que l’autre paraît avoir acquis. Un corps en repos fait donc une ré-
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- Experimentale. i8i finance réelle à l’effort qui tend à le mouvoir. Il y a plus encore;fi la boule en repos * péfe 30, ou 40 livres s * l’autre qui n’a plus alors qu’une maffc beaucoup moindre , avec le même effort, ne la porte pas auffi loin que dans le.cas précédent ; cependant II pour mouvoirun corps quelconque, il ne s’agiffoit que de lui faire perdre fon -état de repos, le mouvement communiqué feroit le même dans une greffe que dans une petite maffe. Il y a donc quelque choie déplus à vaincre, qu’une feule privation de mouvement.
- Dira-t-on que la boule en repos ne .réfiffe que parce qu’elle eff ap* puyée par l’air qui l’environne, Sc qu’il faut déplacer pour la .faire changer de lieu ? Mais, i°, les corps qui fe choquent dans le vuide, font voir la.même chofe que .dans l’air, ou s’il y a des différences, elles ne font pas fenfibles,
- 2°. La réfiffance de l’air fait elle-même partie de laqueffion préfente ; car il s’agit de l’inertie des corps en général. 5i l’air en qualité de matière , fait réfiffance au mouvement des
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- sf$2 Leçons dePhysique corps qui tendent à le déplacer, 8c qu’on en convienne , l’inertie eft prouvée.
- 3°. Si la réfiftance que fait la boule en repos, venoit uniquement de celle de l’air , fur lequel elle s’appuye ; pour réfifterune fois plus, il faudroit qu’elle répondît à un volume d’air une fois plus grand : mais le fait eft qffil fuffit de doubler le poids de la boule , & tout le monde fçait qu’un folide fphérique, pour avoir le double de malle , ne reçoit pas une fur-face deux fois auffi grande que celle qu’il avoir.
- Seroit-ce donc la pefanteur de la boule fufpendue qui s’oppoferoit à fon déplacement ? De quelque longueur qu’on fuppofe le fil, dira-t-on, fi le corps grave qu’il tient fufpendu, eft libre,il le tiendra tendu dans une fituation verticale , 8c fe placera au point le plus bas que la fufpenfion lui puifTe permettre d’obtenir. Il fuit de-îà , que fi l’on le force d’en fortir, en quelqu’endroit qu’on le porte à l’entour, il fera plus haut ; 8c qu’il faudra pour l’y porter, vaincre fa pefanteur qui fait effort pour le retenir où il eft.
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- Experimentale. 183
- Cette objection eft fpécieufe,mais elle ne fera jamais conclure que la force d’inertie & la pefanteur font la même chofe dans les corps, à quiconque fera attention que dans les boules fufpendues des expériences citées , la réfiftance eft toujours proportionnelle aux maffes conlidérées dans toute leur valeur ; au lieu que la pefanteur, au tems du repos, eft réduite à zéro par le fil qui fufpend la boule, & qu’elle n’agit prefque pas , lorfque cette même boule fe meut, fi le fil eft fort long, comme on le fup-pofe , & qu’on ne faffe décrire que de petits arcs.
- Pour rendre ceci plus intelligible, fuppofons la boule en repos au bout du fil qui la tient fufpendue,alo^s tout l’effort de fa pefanteur eft vaincu par la réfiftance du point de fufpenfion ; •fi on la pouffe avec le doigt dans un arc de cercle , à mefure qu’elle s’éloigne du lieu de fon repos, on fent qu’elle péfe de plus en plus fur la main qui la dirige , de manière que fi le fil devient horizontal, elle fait fen-tir tout fon poids;& quand on la conduit en defeendant par le même arc
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- 1S4 Leçons de Physique de cercle, on fent décroître proportionnellement l’effort de la pefanteur, jufqn’à ce que le fil foit vertical, & que le point de fufpenfion foit chargé de tout. On conçoit donc que la boule en queftion ne réfifte comme pefante, que quand le fil n’eft plus vertical, quand elle a paffé du lieu le plus bas à un autre plus élevé ; ce déplacement doit donc précéder abfo-îumcnt la réfiftance , ou l’effort qui vient de la pefanteur; maispouropé-rer ce déplacement, il faut employer une force réelle , capable de vaincre & de tranfporter toute la rnaffe de cette boule ; car fi cette force qu’on employé efttrop petite, elle n’eft pas moins une force réelle, & cependant elle n’^ point l’effet qu’on demande, fur un corps folide dont les parties font liées. Ainfi la boule fufpendue a donc fait une réfiftance qu’il a fallu vaincre, avant que fa pefanteur pût fe faire fentir.
- De plus les fluides réfiftent aufli bien que les autres corps. Quand un folide fe meut dans l’eau, en fuivant une direftion horizontale, on ne peut pas dire que la rçüftance qu’il éprou-
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- Experimentale. i8j ve > vienne de la pefanteur du milieu , puifque toutes les parties de ce milieu , qu’on fuppofe homogènes , font en équilibre entr’elles, & qu’on n’a rien à attendre de leur pefanteur, quand on lestranfporte félon une direction qui lui efl tout-à-fait indifférente , telle qu’on la fuppofe.
- Enfin la force d’inertie fe rencontre dans les corps en mouvement, comme clans ceux qui font en repos ; celui qui fe ment avec deux degrés * n’en reçoit un troifiéme que par un nouvel effort qu’il faut faire pour le lui donner ; la même réfiftance qu’il oppofe à la première force qui lui ôte fon repos, il l’employe également contre celle qui veut ajouter à fon nouvel état : c’eft pourquoi après avoir rapporté les expériences qui prouvent la force d’inertie dans les corps en repos, j’en ajouterai une qui me paroît décifive , & qui ne permet pas de confondre les effets de l’inertie avec ceux de la pefanteur.
- Tome h
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- ï86 Leçons de Physique PREMIERE EXPERIENCE.
- P R E P A R AT I O N.
- La machine qui eft reprefentée par la Fig. 3 porte environ à 6 pieds de hauteur deux billes d’yvoire A, j5„, d’un pouce - de diamètre chacune y & attachées enlemble avec un peu de cire : le marteau D , qui eft de même matière, eft mené par un ref-fort que Ton tend plus ou moins , 8c qui fe détend quand on tire le cordon E , pour faire frapper le marteau fur une des deux billes.
- Effets.
- L’une des deux billes d’yvoire B, ayant été frappée par le marteau , fe détache de l’autre A, 6c la précédé en tombant.
- Explications.
- Si les deux billes feulement détachées l’une de l’autre, n’obéilïoient qu’à leur pefanteur , comme on fup-pofe qu’elles commencent à tomber en même tems, qu’elles font en tout femblables, & dans le même air 3 il
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- Experimentale. 187 eft indubitable qu’elles arriveraient enfemble fur le plan qui termine leur chute : mais l’une des deux ayant reçu un coup de marteau qui ajoute à l’effort de fa pefanteur, obéit encore à cette nouvelle impulfion, dont l’effet eft de la faire précéder l’autre ; 8c cette précefïion eft d’autant plus prompte , que le coup de marteau a été plus grand. Voilà un nouvel effet qu’on ne peut attribuer à la pefanteur , puifque pour le faire naître cet effet, il faut employer une caufe particulière , fans laquelle il eft nul, 8c dont, il jfuit exactement les proportions. Or tout ce qui anéantit une force adive;j= s’appelle réfiftance : un corps qui tombe librement , réfifte donc à un mouvement plus prompt que celui de fa pefanteur , 8c ne le reçoit que d’une autre puiffance dont l’adion eft fufceptible de plus & de moins.
- Applications.
- Une pierre que l’on jette avec la main contre un arbre de médiocre groffeur, y caufe fouvent une émotion qui paffe fenfiblement jufques»
- Q >j
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- i88 Leçons de Physique1 aux branches , & retombe au pied cîu même arbre , où elle demeure fans mouvement : une pareille pierre lancée contre un rocher ifolé, retombe de même , & ne laide appercevoic aucun ligne de mouvement communiqué : on voit tout d’un coup la caufe de cette différence , fi l’on fait attention que tout ce qui eft matériel , oppofe Ton inertie au choc des autres corps ; & que cette force par laquelle il réfifte au mouvement, eft toujours proportionelle à fa malfe. En fuppofant que la pierre portât fuc-ceffivement le même effort contre l’arbre 8c contre le rocher ; le premier, comme ayant beaucoup moins de matière , a fait une réfiftance trop foible , pour confumer entièrement la force qui l’a foliicité à le mouvoir fans être un peu déplacé ; 8c ce déplacement a été fenfible par l’agitation des branches : l’autre ayant une malle beaucoup plus grande , a fait une réfiftance complette , vi&orieu-fe ( pour ainfi dire ) ; 8cd’effort de la pierre diftribué à un certain nombre de fes parties , n’a pas fuffi pour,s’entendre à toutes d’une manière fenfi-
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- Experimentale, igp ble, & pour mouvoir le corps en fon entier.
- On a vu ci-defïus qu’une boule de plomb qui péfe une livre, & qui va heurter une autre boule de même matière & de même poids, lui donne une certaine quantité de mouvement; & qu’elle en donne moins, ou, pour parler plus exactement, qu’elle déplace moins unetroifiéme boule qui péfe trente ou quarante fois autant. On en a conclu,comme on le devoit, que ce dernier corps, ayant plus de matière, réfiftoit davantage ; de-là il fuit que plus il aura de malfe , plus il aura ae réfiftance;& qu’enfinil peut en avoir en telle quantité , que l’effort qu’il a à foutenir, ne fuffife pas pour être diftribué fenfiblement à toutes fes parties.Cependant ce corps ne peut pas fe déplacer , que toutes fes parties ne fe meuvent en commun ; c’eft donc par cette raifon que l’inertie des corps conferve les uns fenfiblement en repos contre un effort qui met les autres en mouve» ment.
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- ipo Leçons de Physique
- IL SECTION.
- Du mouvement en général, & de fes propriétés.
- O N appelle mouvement, l’état d’un corps qui eft actuellement tranf-porté d’un lieu dans un autre , Toit qu’on le confîdére en totalité, foit qu’on n’ait égard qu’à Tes parties. Ainft le bateau qu’on abandonne au courant de la rivière, eft en mouvement, parce qu’il change continuellement de place ; & l’on ne peut point nier que les ailes d’un moulin ne fe meuvent , quoiqu’elles tournent dans le même lieu, parce que chacune d’elles pafle fucceiïivement par tous les points du cercle qu’elle décrit.
- Toutes les fois qu’un corps fe meut , il change de fituation refpec-ti vement aux objets qui l’environnent de près ou de loin : un homme , par exemple , afhs dans un caroffe , ou dans un bateau qui le tranfporte,change continuellement de rapports, linon avec les perfonnes qui Taccom-
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- Experimentale. ïpi pagnent, au moins à l’égard des dif-férens lieux qu’il parcourt pendant fon voyage.
- Si j’apperçois à ma gauche ce que f avois à ma droite, je puis donc conclure en toute fureté , qu’il y a eu un mouvement réel ; mais ce changement de rapports ne fuffit pas feui pour m’apprendre fi c’eft moi qui ai paffé du lieu que j’occupois,dans un autre. Car le même effet s’enfuivroit 5 quand j’aurois reffé conftamment en repos, pourvû qu’on eût déplacé ce que j’ai autour de moi. Que le foleil tourne en 24. heures autour de la terre , ou qu’en un pareil tems la terre tournant fur elle-même , préfente fucceffivement tous les points de fa furface à la lumière de cet aftre 9 c’eft la même chofe, quant aux apparences ; & le fyftême qui attribue le mouvement réel à notre globe, pour expliquer les différens a'peds du ciel, n’eût jamais été qu’une pure hypo-théfe , & ne l’emporteroit pas lur l’opinion contraire, s’il n’étoit appuyé d’ailleurs fur des raifons plus fortes, que les pofitions relatives des corps céleftes avec la terre.
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- ips Leçons de Physique
- Il y a trois chofes principales à confidéref dans un corps qui Te meut : fa direction, fa vîtejje, 8c la quantité de fon mouvement.
- La direélion s’exprime par la ligne droite qu’un corps décrit , ou tend à décrire par fon mouvement : car quoiqu’il parcoure un efpace qui, outre fa longueur , a encore les autres dimenfions qu i! a lui-même ; cependant comme fi fa matière étoit réduite en un point, on ne confidére dans la direction que le chemin parcouru par ce feul point ; c’eft pour cela qu’en nommant deux termes feulement , on fait connoître fans équivoque de quelle manière le mobile fe dirige ; comme quand on dit, telle rivière coule de l'Eft à l’Oueft ; tel objet j>ajfe de gauche à droite.
- Quand un corps commence à fe mouvoir , c’eft toujours par une ligne droite, qu’il fuit autant qu’il peut ; 8c quand il eft obligé de la quitter, il recommence à en décrire une autre de la même efpéce, qu’il n’abandonne encore , que quand on le force de fe diriger autrement,mais toujours en ligne droite^ comme nous
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- Experimentale. 193 le ferons voir ci-après. Ainfi quand lin mouvement fe fait en ligne courbe , cette courbe n’efl autre chofe qu’une fuite de petites lignes droites différemment dirigées. La fronde qu’on fait circuler, paffe par une infinité de directions ; 8c le cercle qu'elle décrit peut être confidéré comme un polygone d’une infinité de côtés.
- On donne aux directions des corps qui font en mouvement, autant de noms différens , qu’il en appartient aux portions relatives des lignes droites ; on dit j par exemple, tel corps fe meut obliquement, parallèlement, perpendiculairement , 8cc. à l’horifon , à tel ou tel plan. La direction de la pluie efl oblique à l’horifon quand il fait du vent.
- La vîteffe du mouvement fe con-noît par l’efpace qu’un mobile parcourt , 8c par le tems qu’il employé à le parcourir. Pour avoir une idée diflincte de la vîteffe , il ne fuffit pas de dire un homme a fait dix lieues , il faut encore accufer pendant combien d'heures il a marché.
- De même quand il s’agit des vîtef-fes relatives , ce n’efl point affez de Tome h R
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- 1^4 Leçons de Physique comparer les tems , ou les efpaces feulement, pour fçavoir en quel rapport font les vîteffes de deux corps, il faut divifer les efpaces par les tems, & fi l’on trouve, par exemple, qu’en tems égaux chacun d’eux ait parcouru une toife, on pourra conclure égalité de vîteffe ; & l’inégalité au contraire j fi l’un des deux employé plus de tems à parcourir un efpace donné, ou que dans un tems déterminé il ne parcoure pas autant d’efpace que l’autre. Les aiguilles d’une pendule, ou d’une montre, font toutes deux le tour du cadran , elles parcourent le même efpace; mais celle des heures emploie douze fois autant de tems que celle des minutes : la dernière a douze fois autant de vîteffe que la première ; ou bien en prenant le tems de douze heures pour la mefure commune , on verra en comparant les efpaces parcourus , que l’aiguille des minutes fait douze fois le chemin, que celle des heures ne parcourt qu’une feule fois ; ce qui revient au même.
- On confond affez fouvent la vîteffe avec le mouvement ; fi l’on fait
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- Experimentale. IpJ tourner un morceau de liège une fois plus vite qu’un plomb de pareil volume , on dit communément, que le liège a plus de mouvement. Cette expreffion n’efl point exade, & Ton verra bien-tôt que le plus & le moins de mouvement ne vient pas feulement du dégré de vîteffe. Cependant ceux-mêmes qui ne l'ignorent pas , fe conforment quelquefois à l’ufage , ôc l’on dit , un mouvement uniforme, accéléré, retardé , &c. quoique ces modifications doivent toujours s’entendre de la vîteffe.
- La vîteffe uniforme efl celle d’un corps qui parcourt des efpaces égaux en tems égaux. Comme fi la boule qui roule fur un plan , parcourt une toife dans la fécondé , une autre toife dans une fécondé fuivante, une toife encore dans la troifiéme fécondé , & toujours de même ; de façon que les tems & les efpaces parcourus foient toujours égaux entr’eux. Cette uniformité fe conçoit aifément comme poffible ; mais dans l’état naturel elle ne fe rencontre prefque jamais, à caufe des obftacles inévitables dont nous parlerons ci-après.
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- i$6 Leçons de Physique On appelle vîtelfe accélérée celle d’un mobile, qui dans des tems égaux mefure des efpaces qui vont toujours en augmentant, ou bien des efpaces qui font égaux entr’eux , dans des tems qui décroilfent de plus en plus : comme une pierre qui tombe librement , & qui va plus vite vers la fin de fa chûte qu’au commencement.
- Si tout au contraire, des efpaces égaux ne s’achèvent que dans des tems qui augmentent de plus en plus, ou , qu’en fuppofant l’égalité des tems , les efpaces parcourus aillent toujours en décroifiant , cette vîtelfe eft celle qu’on nomme retardée ; telle eft celle d’une bille qu’on roule , ôc qui fe rallentit peu à peu jufqu’au repos.
- La quantité du mouvement s’efti-me par la malfe ôc par la vîtelfe prifes enfemble, de manière qu’en multi-pliant l’une par l’autre , on peut fça-voir au jufte quel eft le rapport des mouvemens de deux corps que l’on compare. Suppofons, par exemple , qu’un des deux ait ioo grains de matière , que l’autre en ait 500, ôc que tous deux fe meuvent avec ^ de-
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- Experimentale. 197 gfés de vîteffe : la quantité du mouvement dans le premier fera 100 multiplié par 4 , ce qui fera 400 ; & dans le dernier ce fera yoo multiplié par 4, le produit fera 2000 : ainfi ces deux quantités de mouvement comparées feront entr’elles comme 400, & 2000. On apperçoit aifément la raifon pour laquelle on doit eftimer ainfi la quantité du mouvement, quand on confi-dére que toute la vîteffe avec laquelle on fait mouvoir un corps , appartient également à toutes les parties de fa maffe ; car fi je mets un tout en état de parcourir une toife en une fécondé de tems, je détermine par-là fa vîteffe , mais je l’imprime , cette vîteffe , à toutes les parties qui com-pofent ce tout ; de forte que fi après l’impulfion reçûe , elles venoient à fe défunir, on ne conçoit pas qu’aucune d’elles dût demeurer en repos ; on fent au contraire , qu’en obéiffant toutes également à la même caufe qui les a déterminées à fe mouvoir , elles continueroient d’exécuter fépa-rément ce qu’elles ont commencé en commun , en faifant abftraftion néanmoins des obflacles qui aug-R iij
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- 198 Leçons de Physique mentent en conféquence de la dî-vifion , & que nous expliquerons ailleurs.
- Un corps qui fe meut, peut en mouvoir d’autres ; & cette faculté efl relative aufli à fa maffe & à fa vîteffe , de façon qu’on peut compenfer l’une par l’autre. Car celui qui a peu de maffe fait autant d’effort avec beaucoup de vîteffe , qu’un autre en feroit avec moins de vîteffe s’il avoir plus de maffe. Avec un petit marteau qu’on fait agir promptement , on chaffe aufîî Lin le même clou, qu’avec un plus gros qui tomberoit lentement; une petite baguette ne bîeffe pas comme un bâton , quand bien même l’une & l’autre frapperoient avec la même vîteffe.
- Le mouvement des corps, quand il eft employé pour en mouvoir d’autres foit qu’il tende à les mouvoir feulement, foit qu’il les meuve en effet, fe nomme pmjfance , ou force motrice.
- On avoit toujours penfé que cette force en toutes fortes de cas indiftinc-tement, devoitêtre évaluée comme la quantité du mouvement par la maffe
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- Experimentale. ipp êc par la vîteffe ; & en effet qu’un corps foliicité à fe mouvoir , fe meuve réellement, ou bien qu’il Toit retenu par des obftacles, on ne voit autre chofe en lui que fa vîteffe, multipliée autant de fois qu’il a de parties îolides, ou (ce qui eft la même chofe ) toute fa malle multipliée par^, fimple vîteffe ; & l’on ne voit pas qï$i des oppofitions invincibles , ou la liberté d’agir, puiffent rien changer à la quantité de matière , ni à l’impul-lion qui a une fois réglé fon dégré de vîteffe.
- Cependant plulienrs Philofophes très-célébres ont embraffé le fenti-ment de M. Leibnitz, qui le premier a établi une diftinftion entre la force motrice qui eft vaincue par un obftacle, & celle qui agit contre une réfiftance qui cède. Ils appellent la première force morte, & ils conviennent qu’elle doit être évaluée comme la quantité du mouvement, en multipliant la malle par la fimple vîteffe. Quant à la dernière , qu’ils nomment force vive, ils prétendent que pour l’effimer félon fa jufte valeur } il faut multiplier la malle , non
- Riiij
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- 200 Leçons de Physique par la i.mpie vîtefle , niais par leqoar-ré de la vîteffe , c’eft-à~dire , par la vîteffe multipliée par elle-même. Si, par exemple , la vîteffe eft 3 , ce n’eft " point par 3, qu'il faudra multiplier la maffe , mais par p , qui efl le produit de 3 multiplié par 3. Suivant cette
- «inion, un corps qui agit contre un Racle avec 2 de maffe, & une im-pulfion qui régie fa vîtefle à 4, n’a que 8 degrés de force, tant que la réfiflance eft viftorieufe; mais fi cette réfiftance vient à céder, la force à laquelle elle obéit devient vive , & de 8 elle s’élève à 32.
- On juge bien qu’un Philofophe comme M. Leibnitz , & aufli verfé qu’il Tétoit dans les Mathématiques, ne s’efl: point déterminé légèrement à introduire un principe aufli nouveau , & qui paroît d’une aufli grande,importance pour la méchanique ; il l’a même annoncé par un titre qui marquoitfa confiance*; & en effet il appuie fa théorie fur des expériences & par des raifonnemens fl
- * Brevis demonflratio erroris memorabilis Cartefii, & aliorum^&c. Ad. erud. Lipf. 168é, g. 161.
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- Experimentale. 201 fpécieux , qu’on ne doit point être furpris qu’il ait trouvé des défenfeurs parmi les Phyficiens les plus habiles 8c les plus éclairés. Mais l’on ne peut diflimuler aulîi que le plus grand nombre révolté contre cette nouvelle doctrine, l’a regardée comme un paradoxe ; 8c qu’après de longues difcuflions, la plupart ont pen-fé qu’il falloit plutôt cherchera concilier les phénomènes qui fervent de preuves à l’opinion de M. Leibnitz , avec des principes connus & généralement avoués, que d’admettre une nouveauté qui ne paroiffoit point liée avec les idées claires 8c diftinc-tes qu’on s’étoit faites jufqu’alors du mouvement des corps.
- Nous ne croyons pas devoir approfondir cette queftion dans un ouvrage , où l’on ne s’efl propofé que d’établir les principes les moins con-teftés : les pièces de ce fameux procès fe trouvent mieux expofées que nous ne pourrions faire,dans plufieurs ouvrages imprimés 8c très-connus. Je n’en citerai que deux ; l’un eft le vingt - unième 8c dernier chapitre d’un volume in~S°. imprimé en 17^0.
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- 202 Leçons de Physique fous le titre d’ lnfiitutions de Fhyjîque % dans lequel une dame , aufii refpec-table par Tes lumières que par fanaifi fance , a fait valoir avec toute la fa-gacité poflible , tout ce qu’on peut dire en faveur des forces vives : l’au-
- tre efb une Dijfertatïon fur FeJHmation des forces motrices des Corps , dans laquelle M. de Mairan , qui en eft l’auteur , rappelle un mémoire qu’il avoit lû en 1728. à l’Académie des Sciences ; 8c dans lequel il combat l’opinion des forces vives par des raifons bien fortes , 8c explique fort intelligiblement , 8c par les principes ordinaires , tout ce qui paroiffoit ne pouvoir l’être qu’en admettant celui de M. Leibnitz.
- Je ne dois pas obmettre cependant ( ‘8c c’elf une des raifons qui me dif-penfent de m’étendre davantage fur cette queflion ) que fi les fentimens font partagés fur la manière d’évaluer la force des corps en mouvement, on elt parfaitement d’accord fur le produit de ces forces, & fur les effets qui en doivent réfulter. Ceux qui n’admettent point la diftin&ion Léi-bnitienne , conviennent cependant
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- Experimentale. 203 avec les défenfeurs des forces vives, que les effets font quadruples de la part d’un corps quife meutavecdeux degrés de vîteffe , par comparaifon à celui qui n’en a qu'un. Mais, difent-ils , ce n’eft pas parce que 4 eft le quarré de 2 , que cet effet s’enfuit ; c’eft feulement parce que le mobile qui a deux degrés de vîteffe , fait un effort qui eft répété deux fois autant que celui d’un corps quife meut avec un degré de vîteffe. Et il faut avouer que fiî’on fait entrer la confidération du tems dans l’examen des faits qu’on apporte en preuves des forces vives ; on fe retrouve alors dans la route ordinaire , St le quarré des vîteffes n’a pas plus lieu pour l’eftimation des forces qui ne font que retardées par des réfiftances qui- cèdent, que pour évaluer celles qui agiffent contre des obftacles invincibles.
- Il fuit de cet aveu St de fa reftric-tion, que fi l’affaire des forces vives n’eft point une queftion de nom , au moins on peut dire qu’eile n’eft pas d’une auffi grande conféquence qu’elle paroiffoit devoir l’être pour la mé-chanique , St qu’on peut fans erreur
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- 504 Leçons de Physique eftimerindiftinftement dans la pratique , la force des corps par la quantité du mouvement, c’eft-à-dire, par leur maffe & par leur fimple viteiïe aèluelle, s’ils fe meuvent réellement; & s’ils font retenus par des obftacles invincibles , par leur tendance au mouvement qui eft comme la maffe, & leur vîteffe initiale , c’eft-à-dire , celle avec laquelle ils commence-roient à fe mouvoir , fi l’obftacle cédoit.
- Le repos eft l’état oppofé au mouvement , c’eft donc celui d’un corps qui perfévére dans les mêmes rapports defituations avec les objets qui l’environnent de près ou de loin. Je dis j de près ou de loin / pour faire entendre qu’il s’agit ici du repos ab-foîu ; & qu’on ne regarde pas comme tel l’état d’un corps qui eft emporté avec ce qui l’entoure , comme un homme qui voyage avec trois autres perfonnes dans la même voiture ; car s’il eft en repos relativement à ceux qui l’accompagnent, il ne l’eft pas par rapport aux objets extérieurs.
- Cette efpéce de repos à qui nous donnons l’exclufion, eft peut-être le
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- Experimentale, 20 j feul .cependant qu’on doive admettre en parlant à la rigueur ; car fi tout le globe que nous habitons, tourne fans.ceffe fur Ton axe, & qu’il décrive un orbe autour du foleil , comme il eft très-probable , il n’y a aucun corps fur fa furface qui ne participe au mouvement qui eft commun à toutes Tes parties ; & fi quelque cho-feparoît en repos , ce n’eft que relativement aux autres objets terreftres. Mais comme tout ce qui l’entoure à cet égard , s’étend autant que toute notre fphére, quand on ne compare que des corps terreftres entr’eux , on peut regarder comme abfolu le repos de celui qui ne change point de fi-tuation refpedivement à eux.
- Le repos n’a pas fies degrés comme le mouvement, à moins qu’on ne le confonde avec la force d’inertie ; il eft toujours tout ce qu’il peut être : mais il peut arriver ( & c’eft une cho-fe fort ordinaire ) qu’un corps foit en repos confidéré comme un tout, & que fes parties foient dans un mouvement aftuel. Un bloç de marbre qui s’échauffe à l’ardeur du foleil, ne change point de place 3 mais toutes
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- 206 Leçons de Physique fes parties font agitées ; car tous les Phyficiens conviennent qu’un des principaux effets de la chaleur , eftde mettre en mouvement les parties de la maffe fur laquelle elle agit.
- III. SECTION. Des Loix du Mouvement firnple.
- O N appelle Loix du Mouvement certaines régies, fuivant lefquelles tous les corps fe meuvent généralement & conftamment, lorfqu’ils obéiffent à quelque force motrice.
- Le mouvementfimyle eft celui d’un corps qui n’obéit qu’à une feule force , ou qui ne tend qu’à un feul point. Tel eft celui d’un homme qui gliffe en ligne droite fur un canal glacé, ou celui d’un corps grave que fon propre poids fait defcendre par une ligne perpendiculaire à l’horifon : un tel mouvement eft l’effet d’une feule im-pulfion , ou de plufieurs qui fe fuc^ cèdent dans la même diredion.
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- Experimentale. 207
- Première Loi du Mouvement fimple.
- 'Tout corps qui cfl une fois mis en. mouvement, continue defe mouvoir dans la direction , & avec le degré de vîtejfe qiiil a reçu , fi fon état n'cfl changé par quelque caufe nouvelle.
- C’eft-à-dire , que s’il quitte la ligne droite qu'il a commencé à décrire, fi fa vîtefie fe rallentit ou s’accélère , ces changemens viennent d’une caufe particulière qui le détermine autrement, qui ajoute ou qui retranche à fon mouvement , fans quoi la première caufe ne cefferoit d’avoir pleinement fQn effet. Car pourquoi fon état changeroit-il ? La force d’inertie qui l’a retenu , tant qu’elle a pu , dans fon repos, Sc qu’il a fallu vaincre pour lui faire prendre du mouvement, le fait refifier enfui-te , autant qu’elle peut, à toute variation , Sc cette réfiftance doit être vaincue de nouveau par une force pofitive , avant qu’on apperçoive aucun degré de plus ou de moins dans l’état du mobile.
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- 208 Leçons de Physique Mais pourquoi la nature s’eft-elîc fait une loi qui n’a jamais fon effet ? ou plutôt , comment avons-nous pu affîgner aux corps qui fe meuvent, une confiance de diredion & de vî-teffe , qui ne repréfente pas la nature ? Quelqu’un a-t-il jamais vû un mouvement fans altération , 8c qui fe perpétuât fans avoir befoin d’être réparé ? Le corps le plus mobile 8c le plus violemment agité , ne revient-il pas au repos, après un tems plus ou moins long ?
- Il faut avouer-que nous n’avons en notre difpofition aucune expérience qui prouve diredement, 8c d’une manière pofitive , l’énoncé de cette première loi.
- Mais, i°. nous avons fait voirci-deffus , qu’un corps, en tel état qu’il foit , tend à y perfévérer, par une force que nous avons nommée inertie. Ce principe fuffit pour établir la loi dont il s’agit, puifqu’en faifant ab-ffraétion de toute réfiffance étrangère , lorfqu’une fois un corps eft en mouvement, on ne voit plus rien en lui qui réfiffe à l’impulfion qu’il a reçue 3 ni qui détruife l’inertie qui s’oppofe
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- Experimentale. 209 s’oppofe à Ton changement d’état.
- 20. S'il efl vrai que les corps perdent toujours leur mouvement après un certain tems, il n’efl pas moins vrai qu’on connoît toujours des obstacles qui le leur font perdre ; & parce que des réfiftances inévitables ,, ( quoiqu’étrangéres , ) font ceffer le mouvement d’un corps , feroit-ce une raifon pour conclure que le mouvement efl; de nature à ne pouvoir fub-fifter ? Ne doit-on pas plutôt juger tout le contraire, de cela même qu’il faut abfolument des réfiftances pofiti-ves pour le faire ce fier ? Voyons donc quelles Sont les caufes qui font ceflfer lé mouvement , & choififfons par préférence celles qui Sont tellement liées avec l’état naturel, qu’elles ne peuvent être évitées.
- imentDans quelque endroit 8c de quelque manière qu’on faffe mouvoir un corps, il Se trouve toujours dans quelque fluide, qui à cet égard Se nomme milieu , 8c qu’il efl obligé de pouffer Sans ceffe devant lui pour Se faire un paffage ; 8c comme ce milieu efl; matériel, il fait une continuelle réfiftance au mobile qui tend à le dé? Tome L S
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- 2io Leçons de Physique placer. Celui-ci ne peut donc continuer de fe mouvoir qu’en employant à chaque inftant une partie de Ton mouvement, pour vaincre cette ré-flftance ; ainfi après un certain tems, il l’a tout employé, & fe trouve réduit au repos.
- 2mentXous les corps étant pefans, aucun d’eux ne peut fe mouvoir dans une direction différente de celle qui eft propre à la pefanteur , s’il n’eft foutenu par une fufpenfion , ou par un plan , ou bien il gliffe dans quelque fluide qui le touche de toutes parts. De quelque manière qu’on s’y prenne , il faut toujours qu’il paffe par les différens points de la furface du plan qu’il parcourt, ou du milieu qu’il divife,ou que les pièces qui le fufpen-dent faffent la même chofe l’une fur l’autre. Cette application fucceffïve de furface à furface fe nomme frottement , ôc réfifte encore au mouvement: car lafuperficiedes corps n’eft jamais parfaitement unie ; les parties hautes de l’une s’engagent dans les Cavités de l’autre , ce qui fait qu’elles ne gliffent qu’avec quelque difficulté. La réliftance des milieux & celle
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- Expérimentale. 211 qui vient des frottemens, font donc des caufes qui empêchent que la première loi du mouvement ait un plein effet, parce qu’étant inévitables dans l’état naturel, il en réfulte des réfif-tances qui détruifent indifpenfable-ment une partie de la vîteflfe des corps à chaque inftant.
- -Toute machine que l’on fait mouvoir , n’exerce donc jamais fur la rélif-tance qu’on s’eff propofé de vaincre, tout le mouvement qu’elle a reçu , puifque les caufes dont nous venons de faire mention, en confument né-ceflairem'ent une partie. Comme il ell important de fçavoir ce qui doit lui ‘en relier après cette dédu&ion, nous allons expofer ici ce qu’on doit principalement confidérer quand on veut évaluer les rélîllances qui naif-fent ou des frottemens, ou des milieux.
- Article premier.
- De la réfijlance des Milieux.
- Les milieux quoique fluides , réflf-tent comme les autres corps par leut inertie qui s’oppofe à leur déplace-
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- ment ; mais l’inertie, comme nous l’avons déjà dit, eft toujours proportionnelle à la malle : toutes chofes égales d’ailleurs, plus le milieu a de denfité, plus il fait de réfiftance.
- Mais la malle des corps ne dépend pas feulement de leur denfité , elle dépend aulîi de leur grandeur ; car une pinte d’eau péfe plus qu’une cho-pine de la même eau : ainfi le même milieu en pareilles circonflances rélifte à proportion de la quantité qu’on en déplace , 6c cette quantité doit être mefurée par la furface antérieure du corps qui s’y meut, 6c par l’efpace qu’on lui fait parcourir. Si je divife l’eau ou l’air avec le plat de la main ; à chaque inftant j’en déplace beaucoup- plus que fi je les divifois en teins égal, feulement avec le tranchant de la même main , 6c je trouve auffi plus de réfiftance.
- La mafife de cette portion du milieu qu’on doit déplacer, étant déterminée par fa denfité , par la grandeur de la furface folide qui la pouffe , elle doit l’être encore par la vîteffe du mo-bile;car on conçoit bien que fi je fais mouvoir ma main dans l’eau, de la
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- Experimentale. 213 longueur de deux pieds dans une fécondé , je déplace une plus grande quantité du fluide, que fi dans un tems égal ma main n’avoit parcouru qu’un efpace d’un pied. Or une plus grande quantité d’eau fait une plus grande malle, qui réfifte plus, & l’inertie s’op-pofe à une plus grande vîtefle, comme elle s’eft oppofée au premier degré qu’on a fait prendre au fluide qui cède. Les expériences fuivantes feront preuves de ce que nous, venons d’établir touchant la réfiftance des milieux, & achèveront d’éclaircir ce que nous en avons dit.
- PREMIERE EXPERIENCE.
- T REPARATION.
- On a divifé en deux parties égales une efpéce de baquet ou d’auge, par une cloifon qui s’étend d’un bout à l’autre,pour mettre de l’eau d’un côté, & laifler l’autre plein d’air feulement. Une double potence qui s’élève fur le milieu de la cloifon , fufpend deux verges de la même longueur, aux bouts delqnelles font attachées deux boules de métai, qui font femblables
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- 214 Leçons d e Physique par leurs poids & par leurs volumes, Sc qui peuvent, lorfqu’on les met en mouvement, aller & revenir chacune dans la partie du baquet, à laquelle elle répond. Voyez la Fig. 4.
- E F F E T s-
- Les deux boules partant en même tems avec des quantités égales de mouvement ; celle qui fe meut dans l’eau perd toute fa vîtelfe en 4 ou y fécondés , au lieu que l’autre dont les balancemens fe font dans la partie de l’auge qui ne contient que de l’air, conferve fort long-tems fa vî-teffe , & ne la perd entièrement qu’a-près un très-grand nombre de vibrations.
- Explications.
- Les deux boules étant de même métal j & ayant des volumes égaux , comme on le fuppofe, ont nécessairement des malles égales, & lorfqu’el-les commencent à décrire des arcs femblables aux bouts de deux verges d’égales longueurs, leurs vîtelfes font auffi femblables, comme nous le ferons voir dans la fuite. Ainfi puifqua
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- Experimentale. 21$ le mouvement fe mefure par la maffe 6c par la vîteffe, les deux boules de notre expérience commencent à fe mouvoir avec pareilles quantités de mouvement. Dans le premier inftant chacune d’elles déplace un égal volume du fluide dans lequel elle fe meut ; mais le volume d’eau déplacé par F, eft environ 800 fois plus den-fe que l’air pouffé par G. Ces deux mobiles ont donc déployé leurs forces fur des réfiffances bien inégales , puifqu’elles font dans le rapport de 1 à 800 ; ainfi la boule F n’a point pû paffer outre qu’elle n’ait confumé une partie de fa force, qui égale 800 fois celle que la boule G a perdu de la fienne. Ce qui fe fait dans le premier inftant recommence dans l’inf-tant luivant ; 6c les vîteffes des deux mobiles diminuent ainfi , avec une différence à peu-près proportionnelle à celle des milieux , jufqu’à ce qu’enfin l’un 6c l’autre foient entièrement réduits au repos.
- Afp licati o ns.
- M. Neuwton a démontré qu’un corps Iphérique qui fe meut dans un
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- 2î6 Leçons de Physique milieu tranquille, & d’une denfîté égale à la Tienne , perdoit la moitié de Ton mouvement avant que d’avoir parcouru un efpace égal en longueur à deux de Tes diamètres. Qu’on Te rappelle ici les principes que nous avons établis ci-deiïus, & que nous venons de confirmer par l’expérience précédente ; on concevra facilement comment on peut foumettre à un calcul exad la réfiftance qu’un fluide peut faire au mouvement d’un corps folide qui y eft plongé. Car fuppofez que ce fait une boule d’or qui fe meuve en ligne droite dans l’eau,ce qu’elle déplace équivaut à un cylindre dont la bafe a pour diamètre celui de la boule , & pour axe la ligne que fon centre décrit. On fçait quel eft le rapport des denfités de l’or & de l’eau ; on fçait auflî quel eft le rapport d’une boule à un cylindre, d’un diamètre, Ôc d’une hauteur donnée. Toutes ces quantités étant donc connues , on peut juger de la réfiftance que l’eau oppofe à la boule pendant qu’elle parcourt tel ou tel efpace : ôc en comparant ce qu’elle a perdu de fa vîteffe, avec ce qu’elle avoit en
- commençant
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- Experimentale, nq commençant à fe mouvoir, on peut juger de ce qui lui en refte.
- Nous avons déjà dit , que pour évaluer la réfiftance des fluides , ii falloir avoir égard auiïi à la vîtefle du mobile. Il n’y a point de milieu il divifible , qui n’exige un tems fini pour céder. Nous trouvons ordinairement ce tems fort court , parce que les vîteffes que nous employons pour les divifer ne font point fort grandes ; & la comparaifon que nous faifons du tems employé contre eux » à celui avec lequel ils obéiifent , nous fait porter ce jugement dont on revient quand on confidére certains effets qu’on ne peut expliquer qu’en fuppofant qu’on n’a point donné au fluide le tems de céder. Pourquoi » par exemple , les coups de rames font-ils avancer un bateau ? & pourquoi le font-ils avancer d’autant plus vite qu’ils font plus prompts & plus fréquens ? c’eft que lorfqu’on frappe l’eau plus vite qu’elle ne peut céder, elle devient par cette lenteur à obéir le point d’appui d’un levier que le batelier fait agir. Les poiffons font avec leurs queues ce que le batelier Tome L T
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- 2i8 Leçons de Physique fait avec fes rames, le nageur avec fes bras 8c fes jambes , les oifeaux aquatiques avec leurs pieds, qui pour cet effet font conformés d’une manière propre à pouffer un grand volume d’eau.
- IL- EXPERIENCE.
- P REPARATION.
- Hî, Figure y. repréfente un mouvement d’horlogerie , dont le modérateur eft un volant à deux ailes ,1,2; on monte le reffort avec une clef, 8c la pièce K eft un levier qui fe meut de gauche à droite , ôc de droite à gauche , pour mettre le rouage en jeu , ou pour l’arrêter. On pofe cet infiniment fur la platine de la machine pneumatique que nous avons re-prefentée entière dans la Figure 1. de la 2. Lefon ; & on le couvre d’un récipient ae verre garni par le haut d’une tige de métal L , qui paffe à travers d’une virole de cuivre pleine de cuirs gras, 8c avec laquelle on peut mener le levier K, fans laiffer rentrer l’air, quand on a fait le vuide dans le récipient. Voyez la Figure 6.
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- Experimentale. 2Jp Effets•
- Lorfqu’on met le rouage en jeu dans le vuide , on s’apperçoit par la fréquence des coups de marteaux qui battent fur le timbre , que le mouvement du rouage eft beaucoup plus libre que quand le récipient eft plein d’un air femblable à celui de l’at-mofphére.
- Explications-
- ‘ f
- - Ce qu’on nomme communément le vuide de Boyle , n’eft autre chofe qu’un efpace où l’on a raréfié l’air autant qu’il eft pofîible , par le moyen de la machine pneumatique , que ce Philofophe Anglois a beaucoup perfectionnée ; mais nous ferons voir , ( & tous les Phyficiens en conviennent , ) que ce vuide n’efl qu’un milieu moins denfe , que celui où nous voyons la plûpart des corps fe mouvoir. Dans l’un 8c dans l’autre de ces deux milieux , c’eft-à-dire, dans l’air ordinaire 8c dans l’air raréfié » le rouage n’a point une entière liberté , parce qu’indépendamment des autres caufes, le volant a tou-
- Tij
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- 22i Leçons de Physique jours quelque réfillance à vaincre pour fe mouvoir dans le fluide qui l’environne. La réfifhnce de ce fluide efl: proportionnelle à fa denfité ; & par cette raifon dans un air moins denfe , le modérateur moins gêné lui-même , laide plus de liberté aux roues, & procure plus de fréquence aux marteaux.
- Applications.
- On voit par cette expérience , que l’air efl un milieu réfiftant qui fe comporte à l’égard des corps en mouvement , comme tous les autres fluides; à cela près, qu’étant beaucoup moins denfe que la plupart d’entr’eux , il réfille moins en pareilles circonflan-ces : c’eft pourquoi pour trouver un point d’appui dans fa réfiflance , comme nous avons vû qu’on en trouve dans celle de l’eau , il faut le frapper avec bien plus de viteflfe , ou bien en pouffer un plus grand volume en même tems. Les oifeaux s’élèvent , fe foutiennent, & font de longs trajets dans l’air, malgré le poids de leur corps qui excède toujours confi-dérablement celui du milieu qu’ils
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- Experimentale. 221 éccupent. Ceux qui volent long-tems & fort loin, comme les hirondelles , la plûpart des oifeaux de proie , plulieurs aquatiques, &c. ont ordinairement peu de corps, beaucoup de plumes , & des ailes fort grandes ; ceux au contraire qui ont •lin vol plus court ou moins fréquent,, ont d’ordinaire plus de chair, & des ailes plus petites par proportion. Mais h l’on y fait attention , on remarquera que ceux-ci battent plus promptement que les autres en volant ; les moineaux , pinçons, chardonnerets , linotes , 8cc. volent comme par fauts , 8c ne fe foutiennent point long-rems dans une même direction pleurs aîîes ne peuvent élever 8c fDiitenir leur corps que par une vîteffe a laquelle ils peuvent à peine fournir quelques inltans : pendant qu’ils fe repofent pour recommencer, leur propre poids les gagne , 8c leur fait perdre une partie de l’élévation précédemment acquife ; c’eft pourquoi leur vol n’efi: qu’une fuite d'é-lancemens.
- Il y a des oifeaux qui fe foutiennent pendant quelque tems à la même élé-
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- 222 Leçons de Physique vation * fans paroître mouvoir les ailes , ( ce qu’on nomme flâner ; ) on doit fuppofer qu’elles le meuvent pourtant, mais que leurs vibrations font fi promptes & fi courtes , qu’on ne peut les appercevoir à une certaine diflance. La grande vîtefle de ce mouvement peut fuppléer pendant quelque tems à des battemens plus ouverts ; & Ton remarque aufli que les oifeaux qui planent , font obligés de tems en tems de regagner par un vol ordinaire la-hauteur qu’ils ont perdue infenfiblement, & de re-pofer, pour ainfi dire , par des mou-vemens plus, lents ôc plus étendus rt les mufcîes dont le reflbrt a été trop -tendu pendant ces vibrations courtes St fréquentes. ,
- On voit par-là pourquoi les oi^ féaux domefliques, ou ceux qui s’en-graîfîent. beaucoup en certaines fai-fonS, volent fi peu ou fi mal. A me-lure qu’ils augmentent en mafle, il faudroit aufii que leurs ailes devinlfent plus grandes , pour emb rafler un plus grand volume d’air, ou que leurs forces augmentaflent par proportion pour les faire agir avec plus de vîtefr
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- Experimentale. 223 fe : mais Je degré de force , 8c la conformation dans chaque efpéce , ne font pas variables comme l'embonpoint.
- Que l’on compare maintenant le poids d’un-homme avec la force qu’il lui faudroit avoir dans les bras, pour mouvoir des ailes d'une grandeur proportionnée à fa malfe, avec une vî-telfe capable de le foutenir en l'air , 8c l’on verra quelle a été la folie de ceux qui ont cherché les moyens de voler, & qui les ont regardés comme polîibles. En vain s’imagineroit-on qu’il ne faudroit que de la dextérité & de l’exercice ; il feroit facile de faire voir que les bras d’un homme le plus robufte & le plus exercé, ne font pas capables d’un effort fuivi, qui pût produire un tel effet.
- III. EXPERIENCE.
- T REPARAT ION.
- L’inftrument que repréfente la FigB 7. eft un double moulinet dont les ailes en même nombre pour chacun» font auffi de même poids, de même largeur & de même longueur ; avec
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- 224 Leçons de Physique cette différence , qu’à i’un des deux le plan de chaque aîle peut s’incliner à l’axe , de telle façon que i’on veut : un même reffort qui fe détend quand on baiffe un bouton qu’on voit en M, pouffe également deux petites broches N N, qui font fixées aux moyeux des moulinets ; ainfi en obéiffant tous deux à cette impulfion commune, ils commencent à fe mouvoir avec des vîteffes égales.
- Effets.
- Si toutes les aîles des moulinets font dans des pofitions femblables relativement à leurs axes, par exemple , fi dans l’un & dans l’autre le plan de chaque aîle eft parallèle à l’axe commun, le mouvement imprimé par le reffort dure également dans tous les deux ; ils font un pareil nombre de tours, & finiffent enfemble de fe mouvoir. Si au contraire dans l’un des deux moulinets la largeur des ailes tombe fur l’axe à angles droits , ou ( ce qui eft la même chofe ) que leurs plans fe trouvent tous dans celui d’un même cercle ; alors la même impulfion fait tourner celui-ci
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- Experimentale. 2.2.$ bien plus vite & beaucoup plus long-tems que l’autre.
- E XPLICJTION S.
- Dans le premier cas de l’expérience précédente , les ailes de chaque moulinet fe préfentent de face au milieu commun qu’elles ont à déplacer pour fe mouvoir : elles ne différent d’ailleurs par aucune circonftan-ce , comme on le fuppofe ; elles éprouvent donc en même tems des réfiflances égaies ; elles perdent par conféquent pareilles quantités de forces dans les mêmes inltans ; quand la vîteffe manque tout-à-fait à l’un des deux moulinets , elle doit pareillement manquer à l’autre. Tout au contraire dans le fécond cas , l’un des deux moulinets préfente fes ailes de champ ; dans cette pofition ce ne font plus que des lames qui divifent facilement l’air , 8c qui n’éprouvent plus à beaucoup près la même oppofi-tion de fa part , puifque le volume qui doit fe déplacer efl beaucoup moindre : ainfi celui qui dans des tems égaux perd moins de fa force , doit tourner plus vite ôc plus long-tems que l’autre.
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- 226 Leçons de Physique
- Applications.
- Cette dernière expérience fait voir qu’une même maffe peut éprouver des réfiftances différentes dans le même milieu , félon qu’elle lui préfente directement une furface plus ou moins grande. Le batelier fait agir fa rame par le plat, quand il cherche .un point d’appui dans la réfilfance de l’eau ; mais il la relève par le tranchant pour fe moins fatiguer, quand il veut fe mettre en état de re-commencer.
- C’eft par la même raifon , qu’un corps conferve ordinairement mieux fon mouvement lorfqu’il eft entier, que s’il eft* divifé ; car la divifion multiplie les furfaces, & par confé-quent la réfiftance du milieu. Quand une once de plomb fort d’un fufil, fous quelque quantité de furface qu’elle foit, l’impulfion de la poudre qui détermine fa vîteffe eft la même ; cependant tout le monde fçait qu’une balle eft toujours portée beaucoup plus loin qu’une pareille Quantité de plomb en grains : cette différence vient de la réfiftance de
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- Experimentale. 227 Pair qui agit en raifon des furfaces ; car chaque petit grain de plomb ainfî que la balle , préfente toujours à l’air qu’il divife , la moitié de fa fuperficie fphérique ; & à poids égaux > la fom-me des petites furfaces hémifphéri-ques du plomb grainé, excède beaucoup celle d’une feule balle.
- - Comme il arrive Couvent qu’on ne compte point allez fur la réliftance du milieu , quelquefois auffi le préjugé lui en prête pi us qu’il n’en a. Qui efl-ce qui n'a pas oui dire, par exemple , qu’un coup de fufil qui paffe au-deffus de l’eau, ou qui traverfe d’un bord à l’autre d’une rivière ou d’un étang, ne porte pas le plomb aulîi loin que par-tout ailleurs ? La raifon qu’on en donne en difant que la vapeur de l’eau épaiffit l’air , a bien quelque vraifemblance ; mais on la fait trop valoir , quand on attribue des effets fenfibles à ce prétendu épaiffiffement de l’air. L’expérience précédente a fait voir qu’on ne fait varier confidérablement fa réfiftance qu’en faifant naître des différences conlidérables dans la denfité ; Sc des épreuves que j’ai plufieurs fois répé-
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- 228 Leçons de Physique tées avec foin , m’ont appris que lé fait en queftion eft pour le moins une exagération. Si quelqu’un s’eft apperçu qu’il n’atteignoit point les objets étant fur l’eau , comme lorf-qu’on tire ailleurs , c’eft qu’il a été trompé par la diftance , qui nous pa-roît toujours moindre quand nous ne voyons qu’une étendue trop uniforme , & que nous n’y trouvons pas d’objets qui nous aident à l’eftimer. Ainfi il ne feroit pas furprena'nt qu’on eût manqué de tuer à 60 pas un oi-feau , qu’on croyoit tirer à yo ; mais la denfitédu milieu augmentée par la vapeur de l’eau, auroit bien peu de part à cet effet.
- Jusques ici nous avons confidéré le milieu comme tranquile , mais s’il eft agité , fa réfiftance fera augmentée ou diminuée par fon propre mouvement. Le poiffon qui remonte le courant d’une rivière , a deux réfif-tances à vaincre : l’une eft le mouvement de l’eau dont la direétion eft contraire à la fienne ; l’autre eft l’inertie du volume auquel il répond , 6c qu’il doit déplacer comme il feroit dans une eau dormante. Un homme
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- Experimentale. 229 qui marche contre le vent, a la même chofe à faire ; & c’efl pour cette raifon , que quand on fait mouvoir un çorps contre la direction d’un fluide dont le mouvement eft rapide , on diminue fon volume autant qu’il eft poiïïble pour donner moins de prife à l’effort du courant. Un vaiffeau qui a le vent contraire , plie fes voiles ; & en pareil cas, le batelier fait afleoir ceux qu’il pafle d’un bord à l’autre de la rivière.
- Si le mobile ôc le fluide qui lui jfèrt.de milieu , fe meuvent tous deux dans la même direction ; ou ils ont des vîteffes égales , ou l’un des deux en a plus que l’autre ; dans le premier cas, la réfiflancedu milieu eft nulle; teleii le mouvement d’un poiflonquî fuit précifément le courant de l’eau : dans le dernier cas, celui des deux qui a le plus de vîtefle en communique à l’autre aux dépens de celle qu’il a. Un boulet de canon qui part clans la direction du vent, ne trouve pas autant de réfiftance dans l’air, qu il en fouf-friroitdans un rems calme; mais comme il va plus vite que le vent, il faut toujours qu’il s’ouvre un paflage dans
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- 230 Leçons dè Physique ce milieu qui fuit devant lui avec trop de lenteur. Si l’on connoît par les régies que nous avons établies , quelle feroit la réfiflance d’un milieu, s’il étoit en repos ; on connoîtra de même ce que fon degré de vîtefle pour ou contre , ajoute ou diminue à cette réfiflance.
- Article II.
- De la réfiflance des frottemens.
- Pour fe faire une jufte idée des frottemens , il faut obferver que la furface d’un corps quelconque n’eft jamais parfaitement unie : quand on fuppoferoit que toutes les parties fo-lides qui la compofent font exactement dans le même plan, ( & quand cela fe trouve-t-il ? ) les pores qui les féparent nous obligeroient encore à nous repréfenter cette fuperficie comme un affemblage de petites éminences & de petites cavités. Sup-pofons que deux plans de cette efpé-ce fe touchent dans tonte leur étendue , les parties hautes de l’une entreront dans les creux de l’autre , comme il arrive à-peu-près à une pe-
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- Experimentale. 231 lote couverte de velours,que l’on po-fe fur un tapis de même étoffe ; ou bien fi c’eft un corps folide que l’on plonge dans un liquide , celui-ci en conféquence de la ténuité & de la fluidité de Tes parties , fe moule exactement dans toutes les cavités de l’au-tre , comme on peut le remarquer par l’humidité qu’on y apperçoit quand il en fort.
- S’il s’agit maintenant de faire parcourir à un corps la furface d’un autre corps , cela peut s’exécuter de deux manières différentes qu’il eft important de bien diftinguer : i°. En appliquant fucceflivement les mêmes parties de l’un à différentes parties ae l’autre, , comme quand on fait gliffer un livre fur une table : & nous nommerons ce frottement, celui de la première efpéce. 20. En faifanc toucher fucceflivement différentes parties d’une furface à différentes parties d’une autre furface , comme îorfqu’on fait rouler une boule fur un billard : & nous nommerons ce dernier frottement,de la fécondé efpéce.
- Dans le premier cas,le mouvement que l’on fait faire à celui des deux
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- 232 Leçons de Physique corps qui pafle fur l’autre , a une direction perpendiculaire à celle félon laquelle les parties des furfaces font réciproquement engagées. Car félon notre fuppofition, lafurface que l’on fait glilfer horizontalement, eft celle d’un corps grave que fon poids appuyé verticalement fur la table ; 6c cette efpéce de frottement occafion-ne fouvent la rupture de ces petites éminences qui forment l’inégalité des fuperficies, comme on peut le remarquer par la ponlîiére qu’on fait naître de deux marbres , ou de deux morceaux de bois drelfés , qu’on frotte l’un fur l’autre un peu rudement.
- Dans le fécond cas , ces mêmes parties engagées fe quittent à-peu-près comme les dents de deux roues de montre fe défengrennent en roulant l’une fur l’autre : s’il arrive qu’elles ayent peine à fe quitter, c’efl qu’il y a difproportion entre les parties feillantes , & les vuides qui les reçoivent ; mais jamais cette dernière efpéce de frottement n’eft aulfi efficace que l’autre 3 pour rallendr le mouvement.
- L’ufage
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- Experimentale. 233
- L’ufage où l’on eft d’enrayer les roues des voitures dans les defcentes rapides, nous fournit un exemple familier des différens effets que produî-fent ces deux fortes de frottemens. Quand on craint qu’un carroffe , ou une charrette, ne fe précipite en def-cendant trop vite , on empêche les roues de tourner fur leur axe ; alors le même point de la circonférence traîne fucceffivement fur une fuite de points pris fur le terrain ; c’eft un frottement de la première efpéce , qui réfifte confidérablement au mouvement de la voiture. 11 n’en efl pas de même quand chaque roue tourne à l’ordinaire fur fon effieu ; elle fe déployé fur les différentes parties du plan qu’elle a à parcourir ; fon frottement , quant à fa circonférence , n’eft que de la fécondé efpéce ; Sc fon mouvement beaucoup plus libre, le feroit trop , s’il fe trouvoit encore favorifé par une pente trop roide.
- 1! n’efî pas aufli facile d’eftimer la réfiflance qui vient des frottemens , que celle des milieux confidérés par rapport à leur denfité , au volume de à la vîteffe du mobile qui les délire 1, V
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- 234 Leçons dePhysïque place. Le pafiage fuccefîif d’une fur-face fur une autre , eft d’autant plus retardé , qu’elles ont toutes deux plus d’inégalités ; mais ce plus ou ce moins varie à l’infini > non feulement par la nature des corps, mais aufli par le degré de perfection qu’ils peuvent recevoir de l’art. Un ouvrier ne peut jamais dire qu’il a poli également deux morceaux du même bois , du même métal, de la même pierre, &c. & quand il auroit une réglé certaine pour s’en afiîirer , on ne pour-roit pas compter fur la confiance de cet état ; toutes les matières s’ufenc & s’altèrent peu à peu > & ces ac-cidens dont on ne peut guéres efii-mer la valeur, augmentent quelquefois , & plus fouvent diminuent le poli des furfaces.
- Les autres quantités qui entrent dans l’évaluation des Frottemens, la grandeur des fuperficies , la preffion qu’elles ont l’une fur l’autre, leur degré de vîtefies, font des chofes plus faciles à mefurer ; mais comme leur valeur efi relative à l’état aCtuel des JMaces, il refie toujours beaucoup d’incertitude dans l’eftimatiou des
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- Experimentale. 23$’ réfiftances qui en réfultent. On fe contente pour l’ordinaire d’un à-peu-près qui fouvent n’en ell point un , en fup-pofant qu’un tiers de la puiffance , ou du mouvement imprimé à une machine , ell employé à vaincre les frottemens : mais on voit bien que cela doit s’entendre d’une machine en grand, & qu’il doit y avoir beaucoup de variété , fuivant Ton degré de fimplicité, & félon la perfedion des pièces qui la compofent.
- Quelques Phyficiens * ont préten-du que la grandeur des furfaces n’en-troit pour rien dans le frottement , sc.
- Sc qu’on ne de voit avoir égard qu’au degré de preflion. «Un Corps, difent- *u h»*. » ils, qui a plus de largeur que d’épaif-» feur, ne doit pas faire plus de réfif-» tance quand on le traîne fur fa plus » grande furface , que lorfqu’il frotte » par fon côté le plus étroit ; parce » que la preffion qui vient de fou » poids , étant la même dans Fun Sc » dans Fautre cas ; fi dans le premier;
- » il y a plus de parties engagées, elles » le font moins profondément que » dans le fécond. »
- Ce xaifonnement, qui ne conclu-
- Vij
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- £3^Leçons de PHVsnitfE roit pas feul, & auquel on peut en
- * r. ttitit °PP°^er bien d’autres * $ a été ap-de e^icad. puyé de quelques expériences très-<ks in^énienres, Sc en apparence très-fa-
- 1701 « P0 ^ # # J 1
- jos. eif. vorables à l’opinion qu’on vient d’ex-pofer ; mais dans une matière comme celle-ci, où l’on ne peut pas tirer des conféquences du particulier au général , il faut fe régler fur ce qui arrive le plus ordinairement. Des épreuves réitérées m’ont prefque toujours, fait voir comme à M. Mufchenbroek qui en a fait beaucoup en ce genre , qu’il falloit compter les furfa-ces pour quelque chofe , pour beaucoup moins cependant que les pref* fions ; quant aux rapports des unes Sc des autres avec les effets, je n’ai rien trouvé d’affez confiant pour en pouvoir faire le fondement aune e-xafte théorie.
- Outre la prefiion Sc la grandeur des furfaces, on doit encore faire entrer la vîteffe dans l’évaluation des frottemens ; car comme cette forte de réfiffance vient des parties engagées qu’il faut rompre , ou qu’on ne peut dégager qu’en faifant céder la prefiion qui tient les furfaces appli-
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- ËXT?ERIMENTA£E. 237 quées l’une à l’autre ; il efl évident que la fomme des réfiflances doit être d’autant plus ^grande , que le corps frottant aura plus de chemin à faire dans un tems déterminé ; parce qu’alors il faut que les parties engagées le rompent en plus grand nombre , ou fe dégagent plus fréquemment.
- Mais une chofe très-remarquable , c’eft que cette augmentation de ré-liftance qui vient de la vîteffe avec laquelle on fait frotter les furfaces , a les bornes , au-delà defquelles on peut accélérer le mouvement, fans que les frottemens en deviennent plus confidérables ; ainli l’on peut dire en quelque façon, qu’en augmentant la caufe , on n’augmente plus fon effet ; paradoxe qui mérite d’être expliqué.
- Suppofons que D E, 8c F G, Fig, 8.repréfentent deux furfaces de corps durs , dont les inégalités infenfibles foient engrennées les unes dans les autres ; que la prehion qui les joint, agilfe dans la direction A B, perpendiculaire à celle du mouvement qui fait glilfer ces deux corps l’un furl’au-
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- Leçons de Physique tre. On voit bien que celui de def-fus ne peut fe mouvoir félon la direc* tion B C, à moins que fes parties les plus élevées e ,f, g, b, ne fe dégagent des creux dans lefquels elles font enfoncées, ce qui ne fe peut faire qu’autant que le corps entier DE, fera foulevé contre l’effort de la pref-fion. Si cette preffion eft affez gran-de pour faire retomber ces parties qui ont été dégagées , dans les creux qui fuivent immédiatement ceux qu’elles ont quittés , c’eft-à-dire, que la partie e, fortant du i retombe au 2 , au 3 , &c. il eft vifible que l’effort qu’il faudra faire pour foulever le corps DE, ou ( ce qui eft la même cho-fe ) pour défengrenner les parties, fe répétera autant de fois qu’il y a de ces petites élévations à la furface FGs Sc plus le corps frottant fera de chemin dans un tems donné , fur celui auquel il eft appliqué , plus ces fou* lévemens & ces rechûtes auront lieu: ainli la réfiftance des frottemens augmente par lavîteffe, tant que cette vîteffe n’empêche pas que les parties liantes d’une furface fe logent fuc-ceffivement dans toutes les parties
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- Experimentale. 2 39 baffes de l’autre furface, de la manière qu’on vient de l’expofer.
- Mais il peut arriver que le mouvement qui fe fait félon la direction B C, foit fi rapide, que lorfque les parties faillantes e9f9g9h9 ont été dégagées, elles foient entraînées d’une quantité confidérable avant que la preffion les engage de nouveau ; que la partie e, par exemple, ayant quitté le 1» creux de la furface F G, au lieu de retomber dans les, foit tranfpor-tée jufqu’au 3 , ou jufqu’au 4, & alors on conçoit aifément que le corps frottant D E , pourra parcourir 2, ou 3. fois autant de furface fur F G, fans cependant que fes parties y foient plus fréquemment engagées.
- Les expériences que je vais rapporter , feront voir ce qui m’a paru invariable dans les ffottemens ; i°. Que le frottement de la première espèce fait beaucoup plus de réfifian-ce, que celui de la fécondé. 20. Que le frottement augmente par l’augmentation des furfaces, toutes cho-fes égales d’ailleurs. 30. Que la preffion fait croître auflî la réfifiance du frottement $ de quelque elpéce qu’il
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- £40 Leçons de PhysïcIüe
- foit. 40. Qu’à proportions égaies, la réfiftance des frottemens augmente plus confidérablement par les pref-îions que par les furfaces»
- PREMIERE EXPERIENCE.
- Préparation.
- La Figure 9. repréfente un infiniment compofé 5 iq. de quatre rouleaux , 1 , 2 , 3, 4 , fufpendus par des pivots très-fins dans deux doubles montans P P s 20. d’un autre rouleau 'plus grand que les précédens, St dont l’axe 0 0 a dans toute fa longueur environ 2 lignes 7 de diamètre , & fe termine par deux pivots d’acier, qui roulent dans deux vis percées félon leur longueur , ou bien fur les deux interférions des deux paires de rouleaux ; un reffort fpiral fixé d’une part à l’un des doubles inentans , ôt de l’autre à l’axe de ce dernier rouleau, le fait tourner alternativement fur deux fens, St l’on compte la durée du mouvement du rouleau par le nombre des vibrations du reffort : 30. d’une pièce R, repréfen-tée feule par la Fig. 10* quirepofefur
- l’axe
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- Experimentale. ' 241 Paxe du rouleau , tantôt par une fur-face s , tantôt par deux autres 11, femblables à s , & au bout de laquelle1 ou attache un ou plufieurs petits poids', pour augmenter la preflion for l’axe. Quand on tend le reffort, on avance le levier V, pour appuyée un des croilillons du grand rouleau , afin d’être fur du degré de tenfion , ôc pour le détendre avec juftefle.
- • On met d’abord les pivots du rouleau dans les trous des vis ôc
- enfuite on les fait repofer fur les interférions des rouleaux , fans charger l’axe avec la pièce Æ ; ôc dansl’una ôc dans l’autre épreuve, on a foin que 1-e reiTort foit tendu également.
- Effets.
- ' Le refifort ayant été détendu , fï dans le premier cas on a compté 29 ou 30 vibrations avant que le mouvement celle entièrement ; dans le fécond on en compte environ 400,dont chacune dure près d’une fécondé.
- Explication*.
- L’expérience précédente confédérée dans les deux faits qu’elle établit â T'orne I. X
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- 242 Leçons de Physique prouve visiblement que les frotte-mens, de quelque forte qu’ils foient, détruifent le mouvement par une ré-finance qui ne diffère que du plus au moins. Mais elle fait voir en même tems , que des deux efpéces de frottemens que nous avons diflin-guées -, la première a des effets bien plus confidérablesque l’autre : quand les pivots tournent dans les vis percées , c’efl un frottement de la première forte ; toute leur furface cylindrique paffe fucceffivement fur la partie inférieure de chacun des trous : quand au contraire ces mêmes pivots font tourner par leur mouvement les rouleaux qui les portent , ce n’eft: plus qu’un frottement de la fécondé efpéce; car alors la circonférence des uns ne fait plus que fe développer fur celle des autres ; la partie qui a touché, ne touche plus l’inflant d’ar près , Sc celle qui la précédé lui fert de point d’appui, pour fe dégager fuivant une diredion favorable, comme la dent d’une roue qui commence à engrenner le pignon, favorife le défengrenage de celle qui avoit én-grenné avant elle.
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- Experimentale. 245 Applications*
- Rien n’eft fi commun que les effets du frottement ; on les rencontre par-tout, & l’on peut dire en général que c’efi: la principale caufe des altérations & du dépérilTement que nous remarquons dans tous les ouvrages de l’art , & fur-tout dans ceux dont nous faifons un fréquent ufage. Les habits, les meubles , les bijoux, les inflrumens, &c. ne durent qu’un Certain tems , parce que les frotte-mens , aufquels ils font continuellement expofés , changent infenfible-ment les furfaces & les formes, Sc leur font perdre les qualités qui en dépendent. Les matières les plus dures & les plus folides, ne tiennent point contre un long fervice fans donner des marques de diminution ; un rafoir , un couteau , une hache perdent bientôt le fil de leur tranchant ; le foc d’une charrue a befoin d’être réparé de tems en tems ; 8c le cheval dont le pied gîifife fur le pavé , y laide une trace où les yeux les moins attentifs ne peuvent méconnoître les parties de fon fer, que le frottement
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- à'44 Leçons de Physique y a fait refter. Mais comme rien ne s’anéantit dans l’univers, toutes ces particules ainfi détachées de leurs maffes, fe mêlent avec différentes matières , dans Iefquelles elles fe retrouvent lorfqu’on y penfe le moins. De bons Phyficiens ont été furpris de trouver du fer dans l’argile & dans la cendre des plantes , parce qu’ils ne faifoient point allez d’attention à la prodigieufe divifibilité des métaux en général, & en particulier à la difper-fion continuelle qui fe fait des parties de celui-ci, tant par les outils que l’on ufe à cultiver la terre , que par une infinité d’autres ufages qui le mettent en état d’être répandu partout. D’autres plus attentifs à cette grande 8c continuelle confommation des ouvrages de fer, Pont reconnu , ce métal, dans la boue des grandes villes , & lui ont attribué la couleur noire qu’elles ont, & dont il eft très-vraifemblablement la caufe. Si l’or étoit aufii commun que le fer, <Sc qu’on en fît un ufage aufii fréquent & aufii étendu , ne doutons pas qu’on ne le rencontrât de même dans toutes les matières où l’on prendroit la
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- Expérimentaux. 24^ peine de le chercher avec foin : mais celui qui l’auroit trouvé quelque parc que ce pût être , feroit-il en droit de dire qu’il a fait de l’or ? pas pins, ce me femble , que celui qui trouve aujourd’hui du fer dans la cendre , ne peut fe vanter d’avoir fait du fer* Parmi tous ces fameux Adeptes qui onc enrichi le monde de leurs promelTes, s’il s’eft trouvé quelque faifeur d’or qui le fût de bonne foi, c’eft que dans un grand nombre de matières paflees au creufet,il fe fera trouvé par hazarcl quelque parcelle d’or qui ne devoit rien autre chofe à l’opération de l’ar-tifte, que de l’avoir féparée des corps étrangers dans lefquels elle étoit cachée. Faire de l’or de cette manière me paroît une chofe poûible ; mais je doute fort qu’on en fît allez pour payer la dépenfe du charbon.
- Si les frottemens nuifent en beaucoup d’occafiôns, il y en a bien d’autres aulh où nous les mettons à profit ; les arts ont fçu tourner à leur avantage , jufques aux chofes même qui femblent oppofées à leur progrès. Une lime n’efl autre chofe qu’une furface hérifiee exprès de pointes
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- 246 Leçons de Physique & de tranchans ; Ton frottement fur les matières les pins dures, eft un moyen très-commode de les figurer à fon gré par une diminution de volume bien ménagée ; aufïi cet outil efl-il en ufage dans un grand nombre de métiers. L’ouvrier intelligent qi\i l’employe, tire du même moyen dif-férens avantages fuivant les modifications qu’il y met. Tantôt pour gagner du tems , il fait agir une lime dont l’âpreté exige plus de force de fa part ; tantôt il la choifit d’une taille plus fine , pour adoucir ce que la première n’a fait qu’ébaucher ; & enfin quand la plus dbuce de fes limes ne l’efl point encore affez , il la frotte d’huile qui retient les parties du métal à mefure qu’elles fe détachent ; par ce moyen les petits creux de l’outil fe rempliffent, de façon que fes pointes en deviennent plus courtes, & fa lùrfacè moins rude.
- Ce que nous >difons des limes, doit, s’entendre dé^ meules & autres pierres à aiguifer , qui n’en différent, quant à l’effet du frottement, que par une plus grande dureté.
- Les compas, & généralement tous
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- E X P E R T M E N T A L Ë. 247 les inftrumens à charnières, qui doivent relier ouverts ou fermés à différons degrés, tiennent pour l’ordinaire cette propriété d’un frottement bien égal ; & l’on gagné beaucoup de tems dans l’ufage qu’on en fait, quand on n’eft point obligé de les .fixer par d’aütres moyens , comme lorfqu’on les arrête avec des vis ou autrement.
- On diminue la réfiftance des frot-temens ,.en enduifant les furfaces de quelque fluide ou dé quelque matière grade. On frotte de fa von les bords d’unè boëte. dont le couvercle tient trop ; on met de l’huile aux charnières pour en faciliter le jeu ; on graiffe lés moyeux des roues en dedans ; ce font autant de moyens par lefqueîs on remplit les inégalités les plus grof-fîéres des furfaces , 8c qui par confé-quent les rendent plus liffes 8c plus propres à gliffer l’une fur l’autre.D’ailleurs- les parties de ces fluides ou de ces corps gras interpofés, changent l’efpéce du frottement : ce font autant de petits globules qui roulent entre les furfaces qui leur fervent de véhicule commun, 8c qui font en petit ce que nous voyons d’une ma-
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- 248 Leçons de Physique
- niére plus fenfible,, quand on met des rouleaux fous une pierre, ou fous une poutre, pour en faciliter le tranfport.
- IL EXPERIENCE.
- ."Préparation.
- On lailTe les pivots du grand rouleau fur les interférions des 4 petits: & Ton tend le refiort au même degré que dans l’expérience précédente. On fait d’abord pofer la pièce R fur J’axe du grand rouleau par une feule furface / , & avec fon propre poids feulement ; 8c enfuite on la retourne pour faire porter les deux furfaces t /, fans augmenter le poids, & l’on compte les vibrations dans l’un & dans l’autre cas.
- Effets.
- t: i **
- Lorfque le frottement fe fait par une feule furface, comme dans le premier cas , on compte 40 vibrations ; lorfque la furface qui frotte ell double comme dans le fécond , on n’en compte plus que 2p \ ; toutes chofes étant égales d’ailleurs, ainfi qu’on Fa fuppofé.
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- Experimental b;
- Explications.
- . L’inégalité des furfaces étant la caufe première des frottemens, il e£t bien plaufible qu’en augmentant l’étendue qui frotte , on doit faire croître auflî le nombre de ces inégalités : s’il fe trouve quelque cas où cela n’arrive point fenfiblement, ce fera fans doute une exception due à la difpofidon particulière des fuper-ficies , ou bien lorfqu’on employera une fi grande quantité de mouvement que la réfiftance des frottemens deviendra trop peu confidérable pour être mefurée , & par.conféquent pour être comparée. Mais comme dans les grandes machines , où les frottemens font d’une bien plus grande conféquence qu’ailleurs , les pièces ont toujours des furfaces affez rudes, nous croyons qu’on ne doit point négliger la quantité de leur étendue. On voit cependant par l’expérience précédente , que la réfiftance des frottemens , quoique dépendante en partie de la grandeur des furfaces, ne la fuit pas dans toutes fes proportions* Dans l’un des deux cas cités la fu.per-
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- ù.$ô Leçons dé Physique ficie étant double , les frottemens ne font point doublés : & il feroit très-difficile , pour ne rien dire de plus, de déterminer le rapport de ces ré-fîftances avec une quantité de furfa-ce donnée.
- Applications.
- Les frottemens confidérés en rai-fon des furfaces, retardent la vîteiTe de tous les corps indifféremment : nous venons de le prouver, pour les folides, & l’on peut remarquer tous les jours que la même chofe fe paffe à l’égard des fluides & des liqueurs; Les jets d’eau ne s’élèvent jamais à la hauteur à laquelle ils devroient monter, eu égard à leur quantité de mouvement ; & les rivières coulent plus lentement dans le tems des eaux baffes.
- L’eau qui eft amenée par un tuyau & qui rejaillit en l’air, éprouve par^: tout du frottement ; la furfaçe intérieure & immobile du tuyau la retarde d’une part, & quand elle paffe dans l’air, elle doit être regardée encore comme dans un autre tuyau , dont la furface ne diffère de l’autre
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- Experimentale. 2 ji que par la rareté & par la mobilité de fes parties.
- Quoique la furface d’un gros tuyau foit plus grande que celle d’un plus étroit, elle eft cependant moindre relativement à fa capacité ; car c’eft: une chofe démontrée , que celui qui a 2 pouces de diamètre ( nous parlons de tuyaux ronds & cylindriques ) contient quatre fois plus d’eau que celui dont le diamètre n’eft que d’un pouce ; & que la circonférence du premier n’eft que deux fois auïïi grande que celle du dernier. On voit par-là que dans de pareils tuyaux , le frottement qui vient des furfaces, diminue à mefure qu’on augmente la capacité ; puifque fi le volume d’eau qui eft quadruple dans le plus gros, étoit contenu dans quatre îemblabtes au petit, il répondrait à des furfaces dont la fomme feroit double de celle qui le contient. L’expérience eft tout-à-fait d’accord avec cette théorie ; car plus on diminue la capacité des tuyaux dans les pompes » dans les aqueducs , dans les fontaines , &c. plus on trouve de retardement dans la vîtefie des eaux.
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- Leçons de Physique
- C’eft par la même raifoo, que les rivières font plus rapides dans le tems des grandes eaux ; les frotte-mens qu’elles ont à vaincre de la part de leurs lits font partagés alors à une malle plus confidérable& s’oppo-fent moins par conféquent au mou-yement du fluide.
- III. EXPERIENCE.
- P R E PA RATION.
- L’inftrument étant difpofé comme dans l’expérience précédente, il faut que la pièce R repofe fur l’axe du grand rouleau par la furface s , & attacher en X le petit poids Y qui double la preflion.
- Effets.
- Dans ce dernier cas on ne compte que 21 vibrations , quoique le reflbrt ait été tendu comme dans les épreuves précédentes.
- Explications.
- Le poids qu’on ajoute augmentant la preflion , fait croître aulïi le frottement i parce que les parties des
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- Experimentale. 2$$ farfaces qui s’engagent mutuellement, s’enfoncent bien plus avant, 6c ré-fîftent davantage au mouvement qui tend à les féparer. On voit par cette dernière expérience , qu’une double preffion fait plus qu’une furface augmentée de moitié ; car nous avons vu précédemment, qu’en faifant frotter deux furfaces au lieu d’une, le nombre des vibrations n’a été diminué que d’un quart, 6c nous voyons maintenant qu’en mettant la prelïion double , il ne fe fait plus que 21 vibrations au lieu de 40 , ce qui eft prefque la moitié de diminution.
- Applications,
- <
- ' Dans les grandes chaleurs lesmou-vemens d’horlogerie fe rallentiffent fenfiblement ; cet accident qui dérange les pendules 6c les montres, dépend ordinairement de plufieurs caufes qui concourent au même effet. Il en’eft une à laquelle on fait peu d’attention , mais qui mérite cependant d’être comptée comme les autres : c’efl: le frottement qui augmente par la preffion à mefure que les pièces s’échauffent. Car on lçait, 6c
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- 2£4 Leçons de Physique nous le prouverons quand il en fera tems , que les métaux ainfi que toutes les autres matières augmentent en volume par le chaud , comme iis diminuent de grandeur par le froid ; la même caufe dilatant les pla«? tines rend les trous plus étroits , Ôc groffit les pivots, de manière que par ce double effet, le frottement augmente par preffion , ôc le mouvement en eft d’autant plus gêné.
- Un Tourneur qui façonne un morceau de métal entre deux pointes fixes , eft quelquefois furpris de fen-tir que fa pièce rélifte au mouvement de l’archet après avoir tourné librement pendant quelques minutes ; c’eft que le frottement augmente par la preffion à mefure que le métal s’allonge en s’échauffant : aufli le remède le plus prompt & le plus en ufage , c’eft de le mouiller avec un peu d’eau pour le refroidir.
- Le fervice que l’on tire des pinces, des tenailles, ôc de tout ce qui eft analogue à ces inftrumens , ne vient encore que d’un frottement augmenté par une forte preffion.
- Une remarque qu’il eft à propos
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- -i tom.i: in.Leçojst.PL.3
- Dhettlhznd del -et \.Lcuép
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- 1 Experimentale. de faire ici, c’eft que les machines qui font leur effet en petit, ne le font pas toujours quand on vient à les exécuter en grand , quoiqu’on y garde les mêmes proportions : cela vient pour l’ordinaire de ce que les frottemens ne fuivent point dans leur accroiffément, la proportion des fur-faces feulement, mais plutôt celles des preftions qui augmentent affez fbuvent, comme le poids ou la folidi-té des.pièces ; c’eft-à-dire, par exemple', que fi dans le modèle on avoit réduit toutes les dimenfions au pouce, .pour pied , en conftruifant en grandi lé chevron qui auroit 12 pieds de long', Sc .6 pouces d’écarrifîage, peferoit 1728 fois autant que ce qui ie repréfente'en petit,s’il eftde même matière. Cette confidération qu’on ne peut négliger quand on a des principes., fait quelquefois juger défa-vantageufement d’une machine dont le fuccès paroît être affuré par l’expérience même.
- De tout ce que nous avons dit <5c prouvé touchant la réfiftance des milieux & des frottemens , il faut conclure que dans l’état naturel il ne
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- 2$6 Leçons de Physique peut y avoir aucun mouvement mé-chanique inaltérable ; i °. parce qu’un corps ne peut fe mouvoir que dans un efpace , & qu’il n’y a aucun lieu parfaitement vuide de toute matière; 2°. parce qu’un corps , tel qu’il foit, ne peut exercer fon mouvement que fur quelque furface , ou bien il faut le fufpendre à quelque point fixe , autour duquel ilfie puiffe mouvoir : dans l’un 8c dans l’autre cas il y a frottement , ou fur le plan , ou au point de fufpenfion , ou dans le milieu même dans lequel il pafie. La quantité du mouvement qu’on lui aura imprimée, fera donc néceffairement diminuée par ce double obftacle: ainfi pour fe mouvoir perpétuellement , il faudrait qu’il prît à chaque inftant de nouvelles forces , pour réparer celles qu’il perd ; ce qui eft contraire à la première loi du mouvement,qui veut qu’un mobile garde conftamment l’état qu’on lui a fait prendre , fi cet état n’eft changé par une caufe nouvelle. De - là il paraît évidemment démontré qu’il ne peut y avoir de mouvement perpétuel mécharii-que dans l’état naturel, & que ceux
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- Experimentale. 2^7 qui le cherchent avec obflination 3 6c qui multiplient les frais dans cette vûe, perdent leur tems, leurs peines, 6c leurs dépenfes.
- Si quelqu’un prend pour perpétuel, le mouvement d’un pendule qui continue les vibrations égales par le moyen d’un reffort ou d’un poids qu’on remonte au bout d’un tems, ou de toute autre chofe équivalente, il n’entend pas l’état de la queftion ; car il s’agit d’un mouvement une fois imprimé , auquel on n’ajoûte plus rien par la fuite , 6c qui fe fuffife à lui - même pour le perpétuer. Le relfort ou le poids par fon effort confiant, répare fans ceffe le degré de vîteffe perdu dans l’inflant précédent, 6c cette réparation efl une addition au mouvement primitif.
- Ceux qui s’en IaifTent impofer par l’infpection d’une machine , ou par une prétendue démonflration géométrique , fur laquelle on s’appuye quelquefois , pour établir la découverte, du mouvement perpétuel , font les dupes de la mauvaife foi ou d’un paralogifme qui ne tiennent guéres contre des gens inflruits. Le T’qtiis /» Y
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- 25S Leçons de Physique mouvement perpétuel eft la pierre philofophale de laméchanique ; ordinairement ceux qui s’y heurtent, ne font pas fort initiés dans cette fcien-ce , de même qu’une recherche obf-tinée de la quadrature du cercle , ou du grand œuvre , n’annoncent à pré-fent ni un Géomètre fublime, ni un habile Chymifte.
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- Experimentale, 2.^
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- IV- LEÇON-
- Suite des Loîx du Mouvement fimple.
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- Des caufes qui changent la direction du Mouvement.
- A Pre’s avoir enfeigné dans îa dernière fe&ion de la leçon précédente, ce qui diminue indifpenfablement la vîtéfïe du mobile , il nous refie à faire connoître les caufes qui changent fa direélion, quand il ne garde pas celle qu’il avoit d’abord. Mais pour le faire d’une manière plus in* tel'ligible , nous commencerons par établir la fécondé ôc la troifiéme loi du mouvement (impie , fur lefquelles font fondées la plûpart des chofes que nous avons à dire touchant cette matière.
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- a6o Leçons de Physiquê
- Seconde Loi du Mouvement jîmple.
- Le changement qui arrive en plus ois en moins au mouvement d'un corps , eft toujours proportionnel à la caufe qui le
- Dans un mobile dont on fuppofe la mafle confiante , il n’y a de variables que fa vkeffe & fa diredion : pour changer l’une ou l’autre , il faut une force pofitive qui n’efl point dans le mobile avant le changement, êc qu’il n’a pas la faculté de fe donner à.lui-même. Cette force , quand elle agit, ne peut produire que ce dont elle efl capable , ainfi l’on peut juger de fa valeur parcelle de fon effet* Comme une livre de plomb dans le baffin d’une balance, n’a ni plus ni moins que le poids d’une livre, on ne doit pas s’attendre que fon adion contre l’autre baffin excède, ou vaille moins qu’un pareil poids » fi la balance eft jufte ; & réciproquement fi ce dernier baffin eft tenu en équilibre » on peut en toute fureté conclure que le poids de l’autre part qui en eft la caufe} égale une livre»
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- Experimentale. 261
- Troifiéme Loi du Mouvement Jtmfle.
- . La réaBïon cft égale à la comfrejfion.
- : Lorfqu’un corps en mouvement , ou qui tend à fe mouvoir, agit fur un autre corps , il le comprime , <5c ce dernier exerce réciproquement fur lui une compredion égale. Quand avec le bout du doigt j’appuye fur un badin vuide de balance , pour foulever une livre de plomb qui eft dans l’autre badin, c’ed la même cho-feque d je recevois la livre de plomb fur le bout de mon doigt pour la fou-, tenir. Qu’un homme fur le rivage tire fon bateau à bord avec une corde , ou qu’il fe tienne dans le bateau pour tirer la même corde attachée à un pieu fur le rivage , il s’enfuivra le même effet ; car la réfidance ou la réadion du point fixe, égale Fadion de celui qui agit contre elle.
- . Examinons maintenant comment un mobile change de diredion, Sc quelle réglé il fuit dans ce changement.
- . Quand un corps en mouvement change de diredion, c’ed qu’il y efl
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- z62 Leçons de Physique forcé par un obftacle ; car félon la première loi, il tend de lui-même à perfévérer dans fon état : mais cet obllacle peut être une matière fluide , dans laquelle il s’ouvre un pafl-fage ; ou bien un corps folide qui lut oppofe toute fa mafle à caufe de la liaifon de fes parties. Une pierre jet— tée dans l’eau nous repréfente le premier cas ; une balle de paume lancée contre la muraille , efl: un exemple du fécond.
- PREMIERE SECTION.
- Du changement de Direction occaftonné par la rencontre d’une matière fluide.
- SI le mobile que l’on a déterminé vers un certain point, vient à rencontrer quelque matière fluide, ou comme telle à fon égard , il ne fait que paflfer d’un milieu dans un autre ; 8c ordinairement ces milieux ne font point également pénétrables pour lui , foit par la différence de leurs denfités, fort par quelque autre eau-
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- Experimentale. 26 3 fe qu’il n’eft point tems d’examiner ici. Ce plus ou moins de réfiftance qu’il éprouve en entrant dans le nouveau milieu , ne manque point de lui faire quitter fa première diredion , toutes les fois qu’il entre obliquement ; 8c ce changement fe nomme réfrattion, pour faire entendre que la diredion du mobile eft comme brifée à l’endroit où les deux milieux fe joignent. Eclairciffons ceci par une figure , 8c par quelques exemples.
- Suppofons un grand badin plein d’eau dont la coupe foit repréfentée par A B C D, Fig. 1. 8c une pierre , ou tout autre corps dur E, placé dans l’air, 8c que l’on dirige vers la furface de l’eau avec allez de vîteffe pour l’y faire entrer, 8c l’y faire continuer fon mouvement.
- Pour cet effet, on ne peut dirigée cette pierre que de deux manières; fçavoir par la ligne perpendiculaire PF, ou bien par une ligne oblique prife entre ? F, 8c CF. Car il eft évident que fi elle fuivoit C F, ou fa parallèle , elle n’entreroit jamais dans l’eau, ou ( ce qui eft la même chofe ) elle ne changeroit point de milieux
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- 2.64 Leçons de Physique Si le corps E vient à la furface de l’eaiï par la ligne PF, il continue de fe mouvoir par F p, 8c fa diredion ne reçoit aucun changement.
- . Mais s’il fuit une ligne oblique comme e Fs dès qu’il fera parvenu en F, l’eau fera pour lui un milieu réfringent : au lieu de continuer fon mouvement par F G, il prendra une nouvelle diredion qui fera entre F G Si F A, telle, par exemple, que F H„ Celt-à-dire , que la pierre, ou en général le mobile, fouffrira réfradion, 8c que cette réfradion l’éloignera de la perpendiculaire imaginée Fp , plus qu’il n’auroit fait, s’il avoit continué de fe mouvoir félon fa première diredion.
- La réfradion fe feroit en fens contraire , fi le mobile paffoit d’un milieu plus réfiftant, dans un autre qui le fût moins , par exemple, s’il fortoit de l’eau pour entrer dans l’air : de façon que s’il avoit décrit la ligne H F, il ne continueroit point par FKr ni par aucune autre entre K 8c C s mais la réfradion qu’il fouffriroit en F, le détermineroit dans une nouvelle diredion entre K 8c P. ce qui l’appro-
- cheroit
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- Experimentale. 26 f cheroit davantage de la perpendiculaire P F.
- Pour ôter toute équivoque fur cette perpendiculaire que l’on prend pour ligne de comparaifon, lorfqu’on veut exprimer en quel fens fe fait la téfraétion ; il eftbon d’obferver qu’elle n’a rien de commun avec l’horizon, qu’autant que la furface du milieu réfringent eft horizontale, comme il arrive quand c’eft un liquide en repos ; car c’eft toujours de la perpendiculaire à cette furface qu’il s’agit, dans quelque pofition que puilfe être le milieu qui caufe la réfra&ion. Si , par exemple , au lieu d’une eau dormante , telle que nous l’avons fup-pofée , on choifilfoit celle d’une cafi cade , ou d’une rivière qui eût une pente conlidérable, pour y lancer une pierre ; la perpendiculaire à laquelle on rapporteroit la direction de ce corps, tant avant qu’après fon entrée dans l’eau , feroit une ligne inclinée à l’horizon ; elle feroit même horizontale , fi la furface réfringente étoit verticale.
- La réfraction dépend donc de deux conditions, fans l’une ou l’autre T’orne L Z
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- 2.66 Leçons de Physique defquelles elle n’a plus lieu : la première eft l’obliquité d’incidence de la part du mobile ; la fécondé , qu’il y ait plus de réfiftance dans un milieu que dans l’autre : prouvons d’abord ceci par des faits , & tâchons enfuite d’en faire connoître la caufe.
- PREMIERE EXPERIENCE.
- PreparatioN.
- La machine qui eft repréfentée par la Fig. 2. porte à deux pieds £ au-def-fus de fa bâfe un petit canon de cuivre 1, par lequel on fait tomber une balle de plomb du poids d’une once environ , dans un vafe de criftal L , qui a 12 ou J 4 pouces de hauteur, Sc au fond duquel on a étendu un lit de terre glaife, ou de cire molle, d’un pouce d’épaiffeur.
- La balle ayant marqué fa place par cette première chûte , on la fait tomber de même une fécondé fois , après avoir empli d’eau le vaiffeau L.
- Effets.
- On trouve la balle de plomb après
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- Experimentale. 267 îa fécondé chute , dans le même endroit qu’elle avoit marqué en tombant la première fois.
- Explications.
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- t II paroît par cette expérience, que la balle de plomb a toujours confervé fa première diredion , foit qu’elle fît tout fon mouvement dans l’air, foie qu’elle tombât en pallant de l’air dans l’eau. Mais par quelle raifon fe fe-roit-elle détournée , fi les obftacles qu’elle a rencontrés fe font toujours xappofés également de toutes parts ; ii l’effdrt de fa pefanteur à qui elle obéifloit, n’a jamais eu à vaincre que 'des réfiftances qui cédoient toutes enfemb'ie avec la même facilité , ou qui la retardoient de quantités égales ? Confidérons cette balle dans les différens inftans de la chute.
- i°. Lorfqu’elle eft encore entièrement dans l’air, ce fluide qu’on fup-pofe en repos, 8c d’une denfité uniforme autour du mobile , ne fait que retarder la vîtefle. Mais cette réfifi tance n’influe en rien fur la diredion , -puifqu’elle agit indifféremment en toutes fortes de feus.
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- z6S Leçons de Physique
- 2°. On peut dire la même choie en confidérant la balle dans le tems qu’elle eft entièrement plongée dans l’eau; car la difficulté qu’elle trouve à s’ouvrir un paffage dans ce liquide, quoique plus grande que dans l’air, ne l’empêche point de tendre au même but, mais feulement d’y arriver .avec autant de vîteffe qu’elle en au-roit dans un milieu moins réfiftant.
- 3 e. Enfin fi l’on examine ce qui fe fait pendant que la balle paffe de l’air dans l’eau , & qu’elle eft encore partie dans l’un , & partie dans l’autre de ces deux milieux ; otf concevra facilement que cette immerfion De doit rien changer à fa première direction.
- Car lorfque le corps M , Ftg. 3. defcend par' la ligne P p ; toutes les parties de la furface décrivent des parallèles comme ATT*, nt ; & la réfif-tance du milieu s’exerce fur tout l’hémifphére NO n. Quand il commence à fe plonger , l’eau réfifte directement en O ; & à mefure qu’il s’enfonce , les parties OS, SR, R N, & leurs correfpondantes Os > sr ,rn , participent fuccçfTiyement à la réfif-
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- TOJM.l. IV. LE CO U . Fl. j. .
- J>/i€'u//*tnd dcï, et ifcuip .
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- Experimentale. 2<5p tance du nouveau milieu. Mais comme ces différentes parties forment des plans plus obliques les uns que les autres depuis O jufqu’en N, de part Sc d’autre ; la réfiftance de l’eau pendant cette demie immerfion , augmente par des quantités qui vont toujours en décroiffant Dans tout ceci l’on n’apperçoit aucune caufe qui doive faire perdre au corps M, fa première direction ; en conféquence de fa figure Iphérique , les obltacles qui fe rencontrent en N, en R, en^, &c. font juffement compenfés par lesréfiftances quis’op-pofent aux parties n, r, s, Scc. Sc cet équilibre maintient toujours le centre M dans la ligne T p. Cette expérience prouve donc que l’obliquité d’incidence de la part du mobile , eft abfolument néceffaire pour la réfraction , puifque fans elle il continue ion mouvement fuivant fa première direction , quoiqu’il paffe d’un milieu moins réfiftant dans un autre milieu qui l’eft plus.
- Applications.
- ... Un corps grave, que fon propre
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- 2rjo Leçons de Physique poids fait tomber dans l’eau , doit fë trouver au fond dans un endroit qui réponde perpendiculairement à celui de la furface par lequel il a paffé en tombant. Mais i°. il faut fuppofer pour cela que le fluide étoit en repos pendant le teins de la chûte. Car on fçait que ce qui tombe dans une rivière ou dans un torrent, eft entraîné par le courant de l’eau en même tems qu’il obéit à la force de fa péfanteur. C’eft pourquoi les gens qui fe noyent dans les eaux qui coulent , ne fe trouvent jamais vis-à-vis du lien où ils ont commencé à dif-paroître.
- 2°. La figure du corps qui s’enfonce dans un fluide , contribue beaucoup , ou à lui faire garder , ou à lui faire perdre fa première direction indépendamment de la réfradion ; car cette figure peut être telle qu’elle oc-cafionne des./inégalités dans la ré;* fiftance du même fluide. Si,par exemple , au lieu dé faire tomber dans l’eau un corps fphérique, tel que celui de notre expérience, on fe fer-voit d’un hémifphére ou de quelque chofe femblable , & qu’on le diri-
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- Experimentale. 271 geât parallèlement à fa partie plane ; il fuit de l’explication que nous avons donnée ci-defliis, que ce dernier mo-
- bile plus arrêté d’un côté que de l’autre par le fluide qu’il divife,à caufe de fa figure, ne garderoit point fa première direction , & qu’il décriroit
- milieu très-uniforme.
- C’eft une chofe qui fe trouve bien confirmée par une expérience aufli fimple que fréquente. Toutes les fois qu’on jette horizontalement quelque corps tranchant & convexe d’un côté , comme une écaille d’huître, ou toute autre chofe équivalente , on ne le voit jamais fuivre la direction qu’on lui a donnée ; & fi l’on a tourné la convexité en embas, on remarque très-fouvent qu’il s’élève i le penchant de fon propre
- On peut obferver aufli que les oi-feaux pefants , comme les corbeaux, les pigeons, les pies , &c. quand ils s’abbatent après un long vol, ne manquent point de courber leurs aîles 8c leur queue , pour fe donner une figure convexe en deffous ; ce
- Z» • • •
- Xllj
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- 2rj2 Leçons de Physique qui les dirige néceflairement dans une courbe fort allongée qui adoucit leur chûte. Ces mêmes oifeaux au contraire fe pofent d’une manière pe-fante , & fe heurtent fouvent contre la terre , Iorfqu’ils font trop jeunes, parce qu’ils defcendent par une ligne moins inclinée à l’horifon , foit qu’ils ne fçachent point encore prendre line figure qui les dirige autrement, foit que leurs plumes encore trop courtes , ou leurs membres trop foi-bles , ne le leur permettent pas.
- IL EXPERIENCE.
- F reparution»
- ABC y Fig. 4. eft un quart de cercle , auquel on a fixé un canon de fufil fur le rayon AB , & que l’on a attaché à une muraille , ou à quelque chofe d’inébranlable , de manière cependant qu’il pnifle tourner fur le point B ; à 18 ou 20 pieds de distance, eft un baquet ou une baignoire de 4 ou y pieds de longueur , pleine d’eau , dont on couvre la furface avec une gaze tendue , ou avec de grandes feuilles de papier. F eft un
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- Experimentale. 273 chaffis garni de gaze ou de papier, qui a environ 18 pouces de hauteur Sc 1 pied de largeur. Ce chaffis s’élève perpendiculairement à la furface de l’eau ; Sc fa bafe D E, qui eft une planche un peu pefante , le place fur les bords du baquet, à une diftance fuffifante de fon extrémité G. Il faut avoir foin de revêtir le petit côté G du baquet avec une planche de lapin fort épailfe Sc bien unie , qui le pré-ferve d’accident, Sc fur laquelle on puiffe appercevoir l’impreffion d’une balle. Enfin tout étant ainfi difpofé , on charge le canon avec de la poudre en fuffifante quantité, Sc avec une balle de plomb qui foit de calibre s’il efl: poffible ; on le dirige vers le point/, de manière qu’il falfe avec la furface de l’eau un angle de 30 ou 40 degrés , Sc l’on y met le feu avec une petite mèche placée en a. Voyez la figure citée.
- Effets.
- La balle après avoir percé les deux gazes en 1 Sc en K, au lieu de continuer fon mouvement dans cette di-re&ion pour venir en L 3 va frapper
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- 274 Leçons de Physique la planche de fapin en H, par une ligne qui fait angle avec la première qu’elle a fuivie en venant $ A en K : ce que l’on apperçoit facilement en faifant écouler l’eau du baquet, & en plaçant l’oeil enfuite en I; car on remarque que le point Ht fl fenlible-ment au-deffus de fa première di-redion, & que la réfradion qu’elle a foufferte au point K , en entrant dans l’eau , l’a éloignée de la perpendiculaire JP p , plus qu’elle ne l’auroit été, fi elle avoit continué de fe mouvoir diredement jufqu’en L.
- Explications.
- C’eft une fuite des loix du mouvement , qu’un mobile fe porte toujours du côté où il trouve moins de réfif-tance ; car l’effet étant proportionnel à fa caufe , un corps qui rencontre en même tems deux obftacles, doit fouffrir davantage de celui qui eft le plus fort, 8c vaincre auffi plus aifément celui qui l’eft moins : or vaincre plus aifément un obftacle , c’eft le repouffer d’une certaine quantité en moins de tems, ou le repouffer davantage dans un tems déter-
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- miné. Canin obflade, tel qu’il foit, ne cède jamais fenfiblement dans un inftant indivifible ; le plus foible eft donc celui qui Te laide vaincre dans un rems plus court.
- L’air 8c l’eau dans lefquels la balle de notre expérience a paffé fucceffi-vement, ont fait obftacle l’un après l’autre à fon mouvement ; mais tant qu’elle a été entièrement dans l’un ou dans l’autre de ces deux milieux, la réfillance ayant été également distribuée à toutes les parties de l’hémi-fphére antérieur, comme nous l’avons fait voir dans l’explication de la première expérience fa diredion n’a point dû changer ; les oblf actes, ou les parties réfiftantes du fluide fe fai-fânt équilibre de part & d’autre, elle a dû perfévérer conftamment dans la ligne AK, 8c enfuite dans la ligne KH.
- : Si l’égalité des obftacles contre toutes les parties de l’hémifphére an-térieurwop , Fig. y. entretient le corps m dans fa direction , tant qu’il efl: dans un feul& même milieu ; il efl: évident qu’en pafifant obliquement de l’air dans l’eau, ce mêmehémifphére, pen-
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- ü’jô Leçons de Phÿsique dant tout le tems de Ton immerfion , rencontre des obftacles plus difficiles à vaincre d’un côté que de l’autre de fa furface. Car , par exemple , le point R venant à toucher l’eau,éprouve plus de réfiftance que le point qui ne rencontre encore que de l’air. Âinfi l’équilibre étant rompu entre les obftacles de part & d’autre ,• le centre M fe porte du côté des plus foibles , & commence à s’écarter de fa première direction S T. Mais comme la différence qu’il y a entre la réfiftance de l’eau Sc celle de l’air , eff principalement fondée fur le tems. qu’il faut employer pour repouffer, l’un ou l’autre de ces deux fluides , cette différence augmente à ;mefure que la vîteffe du mobile diminue ; car fi la balle de plomb repouffoit l’air & l’eau avec une vîteffe infinie, leurs réfîftances étant nulles , ou infiniment petites , il n’y auroit point de différence entre elles.
- Le mouvement du corps M rallen-ti de plus en plus par fon immerfion dans l’eau , doit donc fe reffentir de cette différence augmentée entre la réfiftance qui fe fait en la partie ORPy
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- Experimentale. 277 & celle qui agit contre O Ainfi le centre M doit abandonner de plus en plus fa première direction, & descendre par une petite ligne courbe, .dont le dernier élément commence -la nouvelle direction V X , que la balle fuit après fon immerfion.
- Applications.
- L’expérience précédente nous conduit naturellement à une remarque qui peut être de quelque utilité à ceux qui veulent tuer du poiffon à -coups de fufil. Quelque bons tireurs -qu’ils puilTent être , ils manqueraient -Souvent leur proie, s’ils obmettoient (d’avoir égard à la réfra&ion que doit Souffrir le plomb en entrant dans l’eau. Ce que nous avons fait voir ci-deffus, prouve qu’il faut tirer plus bas que l’objet, puifque le coup Se relève toujours dans l’eau , quand on tire obliquement. A la vérité comme on ne peut tirer qu’à une petite pro--fondeur , à caufe de la grande réfif-itance d<e l’eau , & que la péfanteur du plomb dont la vîteffe eft affoiblie , détruit une partie de la réfraction en le faifant baiffer ; comme d’ailleurs
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- 278 Leçons dePhysique on doit fuppofer que l’objet qu’on Te propofe de toucher , a une certaine étendue, il femble que dans la pratique ce changement de diredion qu’éprouve le plomb en entrant dans l’eau , n’eh point une chofe fort importante par elle-même , .& qu’on pourroit la négliger. Mais il faut faire attention que le poilTon que nous voulons tirer , ne fe voit que par des rayons de lumière qui viennent de lui à nous, qui paffent obliquement de l’eau dans l’air, & qui étant par conféquent dans le cas de la réfraction, ne nous repréfentent point l’objet dans le vrai lieu où il efh Ajoutez à cela ( & c’efl ce qu’il y a de plus néceffaire à remarquer ) que la réfradion de la lumière fe fait en fens contraire de celle des autres corps, comme nous le ferons voir en traitant de l’optique ; de forte que le lieu apparent du poiflon eh: plus élevé que ion lieu réel : ce qui donne de nouvelles forces à la raifon qu’on au-roit de tirer plus bas , quand on n’auroit égard qu’à la réfradion du plomb.
- Quoique les réfradions s’obfervent
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- Experimentale. 279 le plus ordinairement dans des milieux fluides , on peut dire en général qu’elles ont lieu dans tous les corps , même folides , lorfque le mobile qui les pénétre , y rencontre obliquement des couches de matières plus réfif-tantes les unes que les autres. Il arrive, par exemple, très-fouvent, lorft .qu’on veut percer une planche avec un poinçon,ou avec une aiguille mince & flexible , que le fer le courbe , 8c ne fuit point la direction qu’on s’eft efforcé de lui donner : c’eft que la pointe a rencontré obliquement des parties plus dures les unes que les autres , comme il eft aifé d’en remarquer dans le fapin,où ces fortes de réfradions fe font fouvent;car on a de la peine à y chaffer un clou félon ion gré, fur-tout s’il eft long 8c mince.
- La réfradion efl: fufceptible de plus 8c de moins. Nous avons vû qu’elle eft nulle lorfque la diredion du mobile eft perpendiculaire à la furface du milieu réfringent ; elle commence avec l’obliquité d’incidence , 8c elle augmente avec elle , 8c proportionnellement à elle. Car la balle qui tombe par ST, Fig. y. fouffre moins
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- aSo Leçons de Physique de réfradion que celle qui eft dirigée par st ; & fi l’on le rappelle ce que nous avons dit pour rendre rai-fon de la réfradion en général , on appercevra facilement , & par l’infi* pedion feule de la figure, que la caille de cet effet augmente à mefure que Pimmerfion devient plus oblique. Car on voit que plus la direction eft inclinée à la furface de Peau , plus la partie O QN-de Phémifphére antérieur eft de tems dans Pair ; Sc par conféquent, plus les réfiftances qui fe font de la part de Peau en la partie O R P , ont l’avantage fur celles qui agiflént contre les points cor-refpondans O QJtf.
- Mais dans quelque degré que Pon confidére la réfradion , on la trouve toujours proportionnelle à l’incidence du mobile , quand les milieux ne changent point ; & Pon en juge en comparant les angles d’incidence A CP & B FD, Fig. 6, avec ceux de réfradion a C p Ôc b F d, que Pon mefure par les lignes P A, a p , qui en font les finus ; car fi P A eft à af , comme 2 eft à 3 , les deux lignes femblables D B &db, qui repréfen-
- tent
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- Experimentale. 281 tent le cas d’une réfraction plus grande , font encore dans le même rapport entre elles.
- Nous ^entreprendrons point de prouver ceci par des expériences ; la difficulté de diriger des corps graves dans des lignes parfaitement droites & obliques à la direction naturelle de leur pèfanteur, ne nous le permet pas. Nous aurons lieu de le faire commodément , en traitant de la lumière qui n’a pas cet inconvénient.
- - Nous ajouterons feulement , & nous le prouverons par le fait, que qüând l’incidence eft parvenue à un certain point d’obliquité , la réfraction fe fait hors du milieu réfringent, ( ce que l’on , nomme alors réjletlion ) de manière par exemple, qu’une pierre , ou une balle de plomb , au lieu de paffer de l’air dàns l’eau , comme nous l’ayons vu précédemment, fe rëléve après avoir touché la furface, & forme avec elle un angle prefque femblable à celui qu’elle avoit fait en tombant. Voyez la Fig* 7.
- Foms L
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- 282 Leçons de Physique III. EXPERIENCE.
- T REPARATION.
- Il faut difpofer le quart de cercle de la Fig. q. de manière que le canon . 6c fa ligne de diredion MN* , faflent avec la furface de l’eau N P, un angle d’environ y degrés , 6c placer à l’autre bout du bacquet une planche de bois tendre S, qui s’élève perpendiculairement à la furface de l’eau , Sc qui fe préfente de face à la longueur du même bacquet ; il faut auffi placer à fleur d’eau un chaffis de gaze , qui ait environ un pied de longueur. Le canon ayant été chargé comme précédemment , il faut y mettre le feu.
- Effets.
- La balle de plomb étant parvenue en N, au lieu d’entrer dans l’eau & d’y fouftrir une réfradion , comme dans la fécondé expérience , rejaillit du point de contad, ôc va frapper la planche en S, faifant fon angle de ré-fle&ion O NS, a. peu près égal à c§-lui de fon incidence MNP.
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- Experimentale. 283 Explications.
- En expliquant ci-de fias les caufès delaréffa&ion , nous avons fait con-noître que la réfiftance du milieu contre une boule qui fe meut en ligne droite, s’exerce fur la moitié de lafurface fphérique N On, Figure 3. nous avons fait voir auffi en expliquant la fécondé expérience , que quand cet hémifphére vient à toucher en même - tems deux milieux dont l’un réfifte plus que l’autre, le corps entier dont il fait partie , fe porte davantage du côté du plus foi-ble. De-là , il fuit que cette déviation doit être d’autant plus grande que les fluides réfiflans différent plus entre eux , & que le plus foible des deux occupe une plus grande partie de Phémifphére P RO Q_N, Fig. 3. La réfiftance de l’air eft très-petite , on dure très-peu en comparaifon de celle de l’eau , 8c quand la balle de plomb eft dirigée par une ligne fore inclinée , comme dans notre expérience , on peut voir par la Figure que la partie qui répond à l’air, eft:
- A aij
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- 284 Leçons de Physique beaucoup plus grande que celle qui touche l’eau. Ainfi l’excès de réfiffan-ce de la part de ce dernier milieu , devient comme un point fixe qui re-fufe le paflage au mobile, allez long-tems pour lui donner lieu de continuer Ton mouvement dans l’air , qui lui cède très-promptement.
- Jufqu’ici l’on voit allez bien pourquoi la balle n’entre point dans i’eau, & par quelle raifon elle achève Ton mouvement dans l’air , après avoir touché par une dire&ion fort oblique le milieu le plus réliflant. Mais il faut convenir que ce que nous avons dit ne fuffit pas pour faire entendre ce qui la détermine à remonter de bas en haut , par une autre direction oblique , qui fe trouve dans le même plan que celle de fon incidence : car de ce qu’elle doit achever fon mouvement dans l’air, il ne s’enfuit pas qu’elle foit obligée de s’élever après avoir defcendu ; s’il n’y avoit aucune caufe pour produire cet effet, il paroît qu’on ne devroit s’attendre qu’à voir glilfer ou rouler cette balle fur la furface de l’eau, quand une fois elle y feroit parvenue, & qu’il
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- Experimentale. 28 y lui ïefteroit aflez de vîteffe pour rendre l’effet de fa pefanteur infenfible. En un mot, tout ce que peut faire la réfiftance de l’eau , c’ell d’interdire le paffage au mobile ; mais en ne con-lidérant en elle qu’un obflacle invincible , on ne voit pas qu’elle puif-fe déterminer à monter , ce qui juf-qu’au point de contad eft bien déterminé à defcendre. Il y a donc , quelque chofe de plus à confidérer , foit dans l’eau qui réfléchit, foit dans la balle qui fouffre cette réfiedion , ou bien dans l’une & dans l’autre, relativement aux circonftances où elles fe trouvent dans notre expérience. Mais somme ce qui fe paffe ici à la rencontre d’une furface fluide dans le cas d’une incidence fort oblique , arrive toujours quand un mobile tombe fur un plan folide à telle inclinai-fon que ce foit ; nous remettons à en examiner la caufe en parlant du mouvement réfléchi dans la fedion fuivante : il nous fufflra pour le pré-fent d’avoir fait connoître qu’il y a telle obliquité d’incidence où la fur-face de l’eau fe comporte à l’égard d’une balle de plomb, ou de tout au-
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- *286 Leçons de Physique tre corps dur , comme un plan folidé 8c impénétrable.
- Applications.
- L’expérience que nous venons cTèxpliquer , doit fervir de régie à ceux qui tirent dans l’eau. S’ils ne tirent pas de fort près ou d’un lieu élevé , la diredion du coup peut devenir trop oblique , 8c le plomb pour-roit bien ne pas entrer dans l’eau. Telle perfonne qui fe croiroit en fureté fur le rivage oppofé , courroit rifque d’être blelfée : 8c c’eft toujours une précaution fort fage ; de ne fe point rencontrer dans le plan de la réfledion. Dans un combat naval, combien de boulets de canon voit-on fe relever ainfi après avoir touché la mer, 8c faire par un mouvement réfléchi ce quifembleroit devoir manquer par leur première direction !
- Mais (ans aller chercher des exemples fl terribles, un jeu d’enfans que tout le monde connoît fous le nom de ricochets, nous montre la même chofe avec moins de danger. Une pierre un peu tranchante par les
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- •^k&tillctrîd fiel. ci~ Seul?.
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- Experimentale. 287 bords , plus épaiffe du milieu , Sz lancée fort obliquement à la furface de l’eau, fe relève du point de Conrad par les raifons que nous avons rapportées; & fi elle a reçu une quantité fuffifante de mouvement , lorfi, que fon propre poids la détermine de nouveau dans une incidence oblique., il donne occafion à une nouvelle réfledion qui fe réitéré fouvent 5 ou 6 fois de fuite.
- Des expériences que j’ai répétées avec foin, mais que je n’ai point encore eû occafion de faire affez en grande, pour établir une théorie exacte Si détaillée, m’ont déjà confirmé dans l’opinion où je fuis, que la fur-face de l’eau ne commence point à réfléchir fous le même angle, ou à pareille obliquité d’incidence , toutes fortes de corps indifféremment. J’ai remarqué qu’une balle de 6 lignes de diamètre entroit dans l’eau, quand fa diredion faifoit un angle de 6 degrés avec la furface , tandis qu’une plus grofife, à pareille incidence, étoit réfléchie : Si je ne doute pas qu’un boulet de canon ne le foit fous un angle beaucoup plus ouvert, Si que cela
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- s88 Leçons e>e Phys i que ne varie autant que le diamètre des boulets. Car la réfiftance de beau efl d’autant plus grande, que les parties choquées font en plus grand nombre ; quand un mobile fphérique tombe fur fa furface, & vient à la toucher avec un mouvement confidéra-ble , on ne doit point croire que ce foit par un feul point, c’eft toujours par un fegment, & cefegment éprouve d’autant plus de réfiftance , qu’il fait partie d’une fphére plus grande ; parce qu’ayant plus d’étendue avec moins de convexité , il heurte plus dire&ement, & un plus grand nombre de parties d’eau.
- Après avoir examiné les change-mens qui arrivent à la direction d’un mobile , quand il rencontre un obfta-cle qu’il peut pénétrer , ou dans lequel il peut continuer fon mouvement , voyons maintenant ce qui arrive à ce même mobile , quand l’obft tacle eft un corps folide qui lui refu-fe le pafîage.
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- JDhtu/tand. det,et Soup
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- TOM.! IV. LUCON , _P/ i
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- Experimentale. a8p
- IL SECTION.
- Du Mouvement réfléchi.
- N Ous avons fappofé dans la fec-tion précédente , que ce qui tendoit à changer la direction du mobile, étoic «ne matière qu’il pouvoit pénétrer , & dans laquelle il avoit la liberté de continuer Ion mouvement d’une manière affez confidérable, pour donner lieu d’appercevoir s’il obéiffoit à une nouvelle détermination. Maintenant nous fuppofons un obftacle invincible , une maflê inébran'able qu’il ne puiffe déplacer, ni entr’ou-vrir, pour pafler outre. Je dis, pour palier outre : car comme ii n’y a point de matière parfaitement dure, 8c dont les parties ne cèdent à une force fuf-fifante ; lorfqu’un corps en choque un autre , quand bien même ce dernier ne pourroit être déplacé à caufe de fa grandeur, il fe fait toujours un enfoncement à l’endroit du contact; êc ü cet enfoncement eft tel que le inobile s’introduire dans la malle * Tome L B b
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- 290 Leçons de Physique comme lorfqu’un boulet de canon s’enterre , ou qu’on tire une balle de moufquet dans du fable , ou dans de la neige accumulée ; alors l’obflacle enfoncé devient un nouveau milieu , & s’il y a réfraction, elle fe fait félon les loix que nous avons établies eide (Tus.
- L’obflacle, ou le corps choqué, étant donc tel qu’on le fuppofe , inébranlable quant à fa mafie totale, mais flexible quant à fes parties, ileft question de fçavoir comment le mobile fera dirigé après le choc.
- Mais avant que de répondre à cette demande , il efl à propos d’examiner fi le corps qui choque , continuera de fe mouvoir ; car s’il devoir refter fans mouvement, en vain cher-cheroit-on quelle doit être fa direction , & il y a bien des cas oùl’obfta-cle le réduit au repos , fans lui rien rendre de ce qu’il lui a fait perdre.
- Pour fixer nos idées, repréfentons-nous une bille d’acier lâncée contre une muraille ; & pour plus de fim-plicité, regardons le corps choquant comme parfaitement dur, & ne çon-fîdérons que la flexibilité du corps
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- Experimentale, apt choqué. Au premier inftant du con-taft la bille exerce, contre un très* petit efpace de la pierre quelle rencontre , un effort qui eft comme fa maffe & fa vîteffe aduelle. Ce petit nombre de parties ainfi comprimées par l’acier,c édent àfonmouvement, reculent fur les parties les plus prochaines , 8c celles-ci fur d’autres ; la pierre fe condenfe en cet endroit, ÔC il fe fait un petit enfoncement ; mais cet effet ne fe produit pas avec une vîteffe égale à celle qu’avoit le mobile au moment qu'il a commencé à toucher ; car ce qui a été déplacé , a réfifté , & toute réfiftance ( quoique vaincue ) détruit une partie de la force qui la fait céder : ainfi à la fin du premier inftant la bille d’acier fe trouve retardée, 8c fon effort au commencement du fécond inftant eft moindre qu’il n’étoit d’abord.
- Mais comme les parties choquées pendant le premier inftant, ont cédé en arriéré , leur introceftion, ou enfoncement , a donné lieu à la bille d’acier de toucher la pierre par une plus grande furface. Le mobile perdra donc plus de fa vîteffe pendant le fe-
- B bij
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- 292 Leçons de Physique cond inftant que pendant le premier : i °. parce qu’il aura plus de parties à repouffer ; 2°. parce que celles du milieu qui ont été enfoncées précédemment , réfiffent davantage qu’elles n’ont pu faire pendant le premier inf-tant ; car alors la matière choquée étoit moins condenfée , âc le corps choquant avoit plus de mouvement.
- On voit par l’examen de ces deux premiers inffans, que la bille d’acier en formant un enfoncement dans la pierre , doit diminuer de vîteffe, par des quantités qui vont toujours en augmentant, puifque les parties qui reçoivent fon effort, fe multiplient à chaque inftant, & que fe trouvant de plus en plus appuyées par celles de derrière , leur réfiffance commune croît pour le moins en raifon de ces deux caufes.
- La vîteffe du mobile a beau être retardée uniformément , ou non , cette diminution ne doit point empêcher qu’il ne perfévére dans fa pre^ miére direction , tant qu’il lui relie du mouvement : ainli l’enfoncement qui fe fait dans la pierre , n’eft achevé que quand la bille ceffe de fe mou-
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- Experimentale. 293 Voir ; & réciproquement on peut conclure qu’elle eu réduite au repos , quand les parties de la pierre ne cèdent plus : de forte que s’il ne fe trouve alors quelque nouvelle caufe pour rétablir le mouvement dans la bille, comme elle a confommé entièrement celui qu’elle avoit reçu dans fa première détermination , on ne voit pas qu’elle puilfe fe mouvoir davantage , & en effet l’expérience fait voir qu’elle ne fe meut plus ; car , fi l’endroit de la muraille qui elt expofé au choc eft de la pierre tendre , ou du plâtre , la bille demeure dans le trou qu’elle a fait, - ou bien elle retombe par fon propre poids, fi rien ne l’arrête.
- Il n’en eft pas de même fi le mobile rencontre pour obftacle une pierre dure, on le voit rejaillir après le choc, ôc dans un fens différent de fa première direction : ce mouvement fe nomme réfléchi. Voyons donc quelle en eft la caufe , & quelles font les loix qui le dirigent.
- Dans la pierre , comme dans le plâtre,il fe fait pendant le choc un enfoncement qui ne diffère que du plus au moins. Mais quand l’obftacle eft B b iij
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- 294 Leçons de Physique
- élaflique , que les parties enfoncées ont la vertu de fe rétablir dans le lieu & dans l’ordre où elles étoient avant leur déplacement, il efl aifé de voir pourquoi le corps choquant recommence à fe mouvoir, & ce qui le détermine dans une direction différente de celle qu’il avoit d’abord : car ces parties enfoncées en fe rétabliffant, repouffent le mobile devant elles, ôc tendent à le diriger comme elles le font elles-mêmes.
- Mais tous les corps élaffiques ne le'font pas également, & l’on peut dire qu’on n’en connoît aucun qui le foit parfaitement : nous le fuppo-ferons cependant pour rendre notre théorie plus fimple , & nous confi-dérerons d’abord le choc dired 5 c’eft-à-dire, celui d’un mobile dirigé perpendiculairement à la furface de l’obflacle.
- En fuppofant que l’obflacle DE , Fig. 8. cft un corps dont l’élaflicité efl parfaite , le point de contad A , porté en B , par l’effort du mobile <?, doit revenir de B en A, avec une vîteffe égale à celle avec laquelle il avoit été déplacé. Le corps C, qu’il
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- Experimentale. 295* chafle devant lui, parcourt en même tems le même chemin ; & lorlque par cette réadion il eft redevenu tangent à la furface D E, il fe trouve qu’il a pour aller d’A en F, le même degré de mouvement qu’il avoit lorfqu’en arrivant d’E en A, il a commencé l’enfoncement d B e. Ainfi l’oblfacle dont le reffort feroit parfait 3 rendroit au mobile , par une réadion com-plette, tout le mouvement qu’il lui auroit fait perdre dans le tems de la eomprelïion. Il s’agit maintenant de régler la direction de ce mouvement réfléchi.
- En expliquant laréfradion , * nous *p«g.*6t. avons fait voir que quand le mobile Tlg' 3m Mtombe perpendiculairement furie milieu -réfringent, il ne quitte point la ligne de fa première diredion, êc qu’après comme avant l’immerfion, il tend au même terme ; parce que toutes les parties de fon hémifphére antérieur font également foutenues par la réfiffance du fluide, & qu’il n’y a aucune caufe qui favorife ou qui rallentiffe fon mouvement plus d’un côté que de l’autre. Par une rai-fon femblable , li la furface D E * eft *Tit'*•
- B b iiij
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- 25>6 Leçons de Physïque folide & parfaitement élaflique , le mobile qui vient d’L en A , après avoir formé l’enfoncement d B e , fera renvoyé dans la même ligne exactement & vers le point F, parce que les parties correfpondantes G, H, o-béiffent à des réa&ions parfaitement femblables, dont l’équilibre entretient nécelfairement le centre C dans une ligne qui a pour termes A, F.
- * vag. Nous avons encore prouvé * que ^ans je cas Pimmer{i0n oblique , le mobile abandonne fa première direction , & nous en avons fait voir la caufe dans l’inégalité des réfif-tances qui agiffent fur les points P>R,0, .g_, N, pendant que cet hémifphére fe plonge dans le milieu réfringent.Nous avons remarqué au£ iï que cette déviation du mobile étant caufée par des retardemens qui vont toujours en augmentant, juf-qu’à ce qu’il foit plongé , le centre M fuit une petite courbe MV.
- La même chofe arrive, Sc par des raifons femblables , lorfqu’un corps fphérique tombe obliquement fur un plan folide Sc à relfort. Fig. p. Les parties enfoncées font autant de petits
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- Experimentale. 297 refforts qui ont été tendus par l’effort du mobile, ôc qui rallentiffent fa vî-teffe de plus en plus, jufqu’à ce qu’en-fin il ait confommé tout le mouvement qu’il avoit îorfqu’il a commencé à toucher la furface du plan en /. De-là vient la petite courbe i l, que décrit le centre du mobile ; & il eft évident que ft ce plan enfoncé fi-niffoit au point L, la billes’échappe-roit parla ligne LM s ôc fon centre par conféquent fuivroit la parallèleIm,
- . Mais comme pendant l’enfoncement elle touche le plan par une fur-face , ôc non par un point ; ôc que tous les refforts qu’elle a tendus fe déployent fucceffivement, ôc félon l’ordre dans lequel ils ont été comprimés , il s’enfuit ce double effet : i°. Elle reprend fon premier degré de mouvement, parce qu’elle eft re-pouffée avec autant de force qu’elle a comprimé. 20. Elle remonte par une courbe M P, Fig, 10. femblable à celle qu’elle a fuivie en faifant fon enfoncement, parce que les refforts qu’elle a tendus , fe débandent contre fa partie poftérieure , ôc lui donnent une vîteffe qui s’accéléré depuis
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- Leçons de Physique M jufqu’en P , de même que celle qu’elle avoit d’abord a été retardée depuis 1 jufqu’en M. Ainfi comme l’extrémité I de la ligne de fon incidence a été le commencement de la première courbe , celle de fa réélection P f^efl: la continuation de la fécondé , & de cette manière l’angle K M ^devient égal k S MT.
- L’égalité des angles d’incidence & de réfleétion fe démontre d’une manière plus géométrique , en fup-pofant un principe que nous prouverons ci-après, en parlant du mouvement compofé , fçavoir , que le mo-bile qui parcourt la ligne T M fe comporte comme s’il obéilfoit à deux puiiflfances, dont une lui auroit donné la vîtelfe néceffaire pour parcourir la ligne TV, pendant que l’autre le feroit defcendre de la hauteur T S. Si, Iorfqu’il eft parvenu en M, une caufe quelconque anéantit fon mouvement de haut-en bas , fans rien diminuer de celui qui le tranfporte horizontalement , il eh évident que dans un tems femblable à celui qu’il a employé pour venir de T enAf, il ira d'M en R} n’étant plus commandé
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- Experimentale. 25K) que par une feule puiffance. Mais au lieu de cette fuppofition , fi lorfque le mobile eft en M, la puiffance qui le commandoit de haut-en-bas, fe trouve tout d’un coup convertie en une autre d’égale force , mais qui le foîlicite à fe mouvoir de bas en-haut; il remontera fans doute par MQ^9 avec le même degré de vîtelfe qu’il avoit en defcendant par T M. Or nous avons vû précédemment comment de ces deux mouvemens dont l’incidence oblique efi: compofée , celui qui efi: perpendiculaire au plan s’anéantit dans le mobile , & fe change , à pareil degré , en un autre qui efi: oppofé dans la même ligne.
- Jufqu’ici nous avons fuppofé le mobile inflexible, 8c nous n’avons confidéré que le.reffort du plan qui réfléchit ; mais il efi: aifé de concevoir que les mêmes effets auroient lieu, fi le plan étoit parfaitement dur, êc que la bille fût un corps à refl'ort ; car dans le choc elle s’applatiroit, 8c les parties enfoncées en fe rétablif-fant, s’appuyeroient fur le plan , 8c repoufferoient le mobile avec la même vîteffe avec laquelle elles auroient
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- 300 Leçons de Physique été comprimées } & dans un fens contraire.
- A la vérité $ ni l’une ni l’autre de ces deux fuppofitions ne repréfen-tent la nature ; car fî l’on ne con-noît pas de corps dont le reiïort Toit parfait, on ne voit pas non plus de corps foiides qui en foient entièrement privés. Ainfi toutes les fois qu’il y a réflexion , l’on peut dire que le mobile & l’obflacle y ont tous deux part, félon leur degré d’élaf-ticité.
- Il peut même arriver qu’un troi-fiéme preffé entre l’un & l’autre dans le tems du choc , entre pour quelque chofe dans le mouvement réfléchi, en faifant l’office d’un refiort qui fe débande d’une part contre le plan, & de l’autre contre le mobile ; & alors, foit que l’incidence foit direête, foit qu’elle foit oblique , on doit encore en attendre tout ce qui a été énoncé ci-defflis , lorfque nous n’avons fuppo-fé du reflort que dans l’obflacle ou corps choqué.
- Il paroît donc que les chofes les plus importantes à fçavoir touchant le mouvement réfléchi, peuvent fe
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- Experimentale. 301 réduire à ees deux chefs : i°. Que le reflort eO: la caufe néceflaire de la réfledion ; 20. Que la diredion du mouvement réfléchi efl telle que Pan-gle de réfledion efl égal à celui de l’incidence du mobile , lorfque la réadion efl parfaite.
- : Quoique ces deux propofitions ne puiflent fe prouver par des expériem ces rigoureufement exades , parce que nous ne eonnoiflons aucun corps folide qui ait un reflort parfait, ou qui n’en ait pas du tout .; & que d’ailleurs lapefanteur du mobile & la réfiflan-ce de l’air détruifent une partie des effets ; cependant on peut faire fentir ce qui doit être , en faifant voir par des à-peu-près ce qui efl. Nous aurons foin de remarquer ce qui fe mê-léra d’étranger dans les faits , & le refiant nous repréfentera fuffifamment ce que nous venons d’enfeigner,
- PREMIERE EXPERIENCE,
- T RE PA RAT IO N,
- La machine qui efl repréfentée par laEr^.u. doit être placée de manié-
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- 302 Leçons de Physique re que fa bafe Toit dans lin plan horizontal ; A B une cuvette qui a environ un pouce de profondeur ; on la remplit de terre-glaife que l’on a mêlée avec du fable fin, en telle quantité qu’elle foit très-flexible, fans être cependant trop vifqueufe. Cette cuvette fe peut mouvoir fur un pivot qui efl: au point A, & elle s'arrête à tel degré d’inclinaifon que l’on veut, par le moyen d’une agrafle ôc d’une vis qui efl: en B. C efl: un petit canon de cuivre fixé à un coulant à reflort, qui glifle dans une rainure à jour pratiquée au bras de la potence, & par lequel on fait pafler une balle de plomb calibrée.
- E F F £ t s.
- Quand on laiflfe tomber la balle de plomb parle petit canon C, foit qu’ef? le arri ve perpendiculairement à la fur-' face de la cuvette , foit que cette cuvette fe préfente obliquement à fa chûte., il fe fait un enfoncement dans la terre molle, & la balle y perd tout fon mouvement.
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- Experimentale. 303 Explication s-
- Quand la balle en tombant a commencé à toucher la terre molle, elle avoit une certaine quantité de mouvement ; c’eft aux dépens de ce mouvement , qu’elle a déplacé une portion de la matière flexible. Elle a donc dû ceflerde fe mouvoir quand les parties qu’elle a rencontrées en repos dans Ta direction , ont été portées aufli loin que l’exigeoit la valeur defoneffort; & elle n’a pas dû ceiïer plutôt, parce qu’un corps en mouvement ne peut être réduit au repos que par un obflacle dont la réfiflance égale le produit de fa force.
- Que la balle tombe perpendiculairement fur un plan incliné à l’horizon , comme dans Tune des deux expériences précédentes , ou bien qu’elle vienne par une ligne oblique contre un plan horizontal , comme le repréfente la Figure 12 ; c’eft abfo-lument la même chofe , quant à l’effet qui doit s’enfuivre ; ôc fi le plan eft flexible & fans reffort , comme nous lefuppofons, le mouvement de la balle doit s’y confommer entière-
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- 304 Leçons de Physique ment, aufîi bien que dans le cas précédent ; car la direction oblique ne change rien à ce que nous avons die pour la chute perpendiculaire ; elle ne pourroit tout au plus qu’occafion-ner une petite réfraction que nous négligeons , parce que nous fuppofons renfoncement peu confidérable ; mais elle n’a rien par elle-même qui puiffe remettre lé mobile au defîus du plan qu’il a une fois touchée
- Applications.
- Les corps fans relïort, ou dont I’é-ïafticité efi fort imparfaite , font plus propres que d’autres à rompre les efforts violens, parce qu’ils retardent par degrés la vîteffe du mobile, Sc qu’ils le réduifent au repos en cédant de plus en moins. Pour bien entendre ceci > il faut faire attention qu’il n’y a nul mouvement, fi prompt qu’il puiffe être , qui n’employe un tems fini ; ainfi quand le corps M, Fig. 13. defeend par la ligne D E, pour faire la place de fon hémifphére dans la terre molle , quoiqu’à nos fens cet effet paroiffe fe paffer dans un in£ tant indivifible , il faut pourtant
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- Experimentale. 30 j concevoir le tems de cet enfoncement comme partagé en plufieurs inflans égaux pendant lefquels le mobile déployé fa force contre les parties qui cèdent. Mais cette force diminue à chaque inflant, & elle diminue par des quantités qui croif-fent beaucoup plus que les tems ; car au fécond inflant les réfiflances font en plus grand nombre que dans le premier, puifque l’héinifphére plus enfoncé préfente une plus grande furface à la terre molle qu’il faut re-pouffer ; 8c les parties déjà comprimées s’oppofent davantage à leur déplacement. On peut donc confidé-rer les 3 efpaces D, F, E , comme les • produits de trois inftans égaux, pendant lefquels le corps M a confom-mé toute fa vîteffe en parcourant la ligne D E.
- Tous les obflacies qui cèdent ainfi, partagent l’effort du mobile , 8c arrêtent comme en plufieurs fois une puiffance qui ne manqueroit pas de les forcer , fi toute fon aftion étoic réunie dans un tems plus court. Un tambour réfifleroit-il à un feul coup qui égaleroit en force la fomme des ‘ïoriiç 1» Ce
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- 306 Leçons de Physique coups de baguettes qu’il reçoit en une heure ? Une planche de chêne arrête-t-elle une balle de moufquet qu’un fac rempli de laine ne manque point d’amortir ?
- C’efi: par une femblable raifon qu’on n’eft point blefle par la chûte d’un corps dur qu’on reçoit dans fa main , pourvu que la main cède pendant quelques inftans, au lieu de fe roidir contre. On rifqueroit de rompre la corde , quand on arrête un bateau que le courant delà rivière emporte, fi l’on ne prenoit la précaution de là filer peu à peu pour vaincre l’effort par degrés.
- IL EXPERIENCE.
- P R £ P A R AT 1 O N.
- On fe fert pour cette expérience de la même machine qui a fervi pour la précédente , & qui efl repréfentée par la Figure 11. au lieu de la cuvette pleine de terre molle , on y place une tablette de marbre noir bien polie , & enduite d’une très-légère couche d’huile ; & ia balle qu’on fait tomber par le petit canon de cuivre , efl d’yvoire.
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- Experimentale. 307
- Effets.
- Quand on laiffe tomber la balle d’yvoire perpendiculairement fur la marbre , après avoir touché le plan , elle remonte parla même ligne qu’elle a fuivie en tombant, mais moins haut que le lieu d’où elle eft defcen-due, & l’on remarque fur la tablette une tache ronde qui a environ une ligne de diamètre.
- Explications.
- Ce que l’on a dit ci-defitis en éta-bliiïant la queftion du mouvement! réfléchi, fuffit pour expliquer le faic que nous venons de rapporter ; la tache qu’on trouve fur le marbre , prouve bien que dans le choc il y a eu eompreflion de parties dans l’un des deux corps , & vraifemblablement dans tous les deux , comme on l’a fait voir en parlant du reflort : 6c comme après l’expérience on retrouve les furfaces dans le même état: où elles étoient avant le contad, il efl: indubitable qu’elles fe font rétablies , 6c nous avons fait voir que ce 1 établilfement, s’il étoit parfait, fe*
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- 308 Leçons de Physique roit fuffifant pour rendre au mobile dans un fens contraire , tout le mouvement qu’il avoit confommé en fui-yant fa première direction. Si cet effet n’a pas lieu , c’efl que la réfidance de l’air s’y oppofe d’une part, & qu’on a raifon de croire que Pyvoire & le marbre ne fe rétabliffent pas avec la même vîtelfe avec laquelle on peut les comprimer.
- Applications.
- Un corps à refîort que l’on a comprimé , 8c qui a la liberté de fe remettre , ne revient à fon premier état qu’après un certain nombre de balan-cemens, qu’on nomme vibrations , 8c qu’il eft facile d’appercevoir dans une lame d’acier , dans une corde de cîa-veffin , dans une branche d’arbre , 8cc. que l’on a pliée 8c qu’on abandonne à elle-même. Ce mouvement qui ramène le corps élaftique au-delà du lieu de fon repos, vient de ce que la partie comprimée en fe rétabîiflànt reprend le même degré de vîtelfe qu’elle a reçu au premier inftant du choc , 8c dans un fens contraire , comme nous l’avons expliqué page,
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- Experimentale. 309 294. Prenons pour exemple une corde de viole ou de clavefîm , Fig. 14. tendue entre deux points fixes G, H, 8c contre laquelle on fait heurter un corps folide avec une quantité de mouvement fuffifante pour la mener du point 1 au point AT. Cette percufi lion allonge la corde ; car il eft évident que la fomme des deux longueurs G K 8c H K , eft plus grande que GH. Si elle eft libre de fe remettre, fon reffort ramènera le point AT, en 1, & alors elle aura dans la direction IL une vîtefle égale à celle que lui avoit fait prendre la perçuffion pour aller en K. Cette vît elfe doit avoir fon effet ; elle doit tranfporter le point / vers L , jufqu’à ce que des réfiftances fuffifantes Payent fait cef-fer. Mais fi le milieu de la corde fe meut ainfi , les parties qui la compo-fent de part & d’autre doivent s’allonger , 8c leur réfiftance afïoiblira de plus en plus ce mouvement ; il finira enfin , quand toute la vîtefie de la réadion fera confommée , 8c l’on voit que fi la corde en revenant de K en 7, fe trouve avoir le même degré de vîteffe qu’elle avoit reçu. par le
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- 3io Leçons de Physique choc pour defcendre enÆ, la ligne IL doit devenir égale à 1K. Si les refforts étoient parfaits, & que leurs vibrations fe fifient dans un milieu non réfiflant, ces fortes de mouve-mensferoient perpétuels. Car lorfque la corde , en vertu de fa réaétion , efl parvenue en L , elle a le même degré de tenfion qu’elle avoit, lorfqu’elle étoit comprimée au point K ; Sc par conféquent elle auroit la force né-çeffaire pour y retourner à la fécondé vibration. On en pourrait dire autant de la troifiéme, & d’une infinité d’autres ; mais la réadion n’étant jamais complette par les raifons que nous avons dit, la fécondé vibration a moins d’étendue que la première 3 Sc la troifiéme moins encore que la fécondé , Sc ces diminutions enfin îaifl’ent reprendre à la corde fon premier état.
- J’ai pris une corde pour exemple afin de rendre cette explication plus fenfible ; maison doit concevoir que la même chofe arrive à tous les corps élaftiques , à la différence près du plus au moins, félon la figure & la raideur de leurs parties. Ajnfi la peau
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- Experimentale. 311 d’un tambour devient alternativement concave 8c convexe ; 8c la bille d’yvoire qui efl tombée fur un marbre , ne reprend fa figure fphéri-que, qu’après avoir été quelque tems un ellipfoïde , dont le grand diamètre efl: de deux fois une , horizontal & vertical. Fig. 1
- * C’eft une chofe remarquable , que le même refibrt fait toutes fes vibrations ifochrones , c’eft-à-dire , dans des tems égaux , foit qu’elles foient petites ou grandes : 8c l’on a occafion d’en voir la preuve, lorfqu’onmet en jeu la machine, * avec laquelle nous * JC. avons mefuré les frottemens. Car enfi£-* comparant les vibrations du refifort foirai avec les ofcillations d’un pendule à fécondés , on remarquera très-facilement que la première 8c la trentième fe font dans des tems fenfible-ment égaux.
- Il faut remarquer encore que les reflorts tendus fe rétabiiffent avec d’autant plus de vîteffe , qu’il a fallu plus de force pour les tendre ; ainfi quand deux lames feroient également ëlaftiques, fi l’une des deux efl moins flexible que l’autre, elle fera des vi-
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- $12 Leçons de Physiq.uk bradons qui auront moins d’étendue* mais qui feront plus fréquentes, comme nous le ferons voir en parlant des fons.
- III. EXPERIENCE.
- T REPARAT ION.
- On emploie pour cette expérience la machine qui a fervi dans 1a. précédente ; Fig. 11. mais au lieu de laif-ler la tablette de marbre dans fa fitua-tion horizontale , on l’incline comme la ligne A D , 6c l’on avance le petit canon C dans fa coulilTe , de façon qu’il réponde directement au point E.
- Effets.
- Si la balle d’yvoire tombe fur la tablette de marbre par la ligne NE, elle va par E F fe loger dans une ouverture pratiquée à la pièce G, ôc dont la largeur eft égale à fon diamètre ; <5c l’on peut remarquer à la furfa-ce du marbre une tache qui n’eft point parfaitement ronde , comme dans l’expérience précédente, mais un peu oblongue, 6c fituée de manière que fon grand diamètre fe trouve dans le plan de xéfle&ion.
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- Experimentale; 31g Explications.
- Nous avons faffifamment expliqué les caufes du mouvement réfléchi, Ôc l’expérience fait voir que l’angle de rëfleétion A E F , efl prefqu’égal à celui d’incidence H ED. Je dois donc moins m’arrêter à établir l’égalité de ces angles, qu’à faire con-noître .pourquoi celui de réfle&ion n’efl pas rigoureufement femblables à l’autre dans le fait. Trois caufes concourent à le rendre plus petit : i°. La balle qui choque , & le plan qui la renvoie , n’ont point un reffort parfait ; la réa&ion n’efl donc pas complette. 20. L’air qu’il faut divifer pour paffer d’E en F, retarde un peu la vîtefle du mobile ; il efl donc plus long-rems en chemin qu’il n’y devroic être, ôc ce retardement donne lieu au progrès d’une troifiéme caufe. Car 3'°. la pefanteur agit fur la boule d’y-voire, tant qu’elle parcourt E F, Scia. rappelle de haut en bas. C’efl pourquoi au lieu de décrire une droite rigoureufe , elle parvient en G par une courbe dont l’extrémité efl un
- 'TomeM D d
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- ^ï4 Leçons de Physique peu plus bas que la diredion de fon mouvement réfléchi.
- Mais fi l’égalité des angles n’a jamais lieu dans l’état naturel, n’entrevoit-on pas à travers de ces obfta-cles , qu’elle n’eft pas moins une régie établie dans la nature , .& fondée fur des loix généralement reconnues t
- La petite, tache oblongue que l’on voit fur le marbre après le contad ? eft une preuve que la boule qui choque obliquement un obftacle s’y enfonce par une ligne courbe , comme nous l’avons dit à la page 296, & qu’elle fort de cet enfoncement par une pareille ligne ; ainfi le grand dia-. métré de la tache oblongue eft repré-fentépar la ligne g u Fig. 10.
- Applications.
- Le jeu de billard , Sc celui de la paume , font prefqu’entiérement fondés fur là régie que nous venons d’é? tablir ôc de prouver ; dans l’un c’eft un mobile fphérique, que l’on' pouffe r le plus fouvent contre un plan., fui-, vaut une diredion oblique ou per? pendiciilaire ; dans l’autre , c’eft le plan meme qu’on préfente au mobj?
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- E X~P E R I M E N T A L E. 3 I £ le, fous différens degrés d’inclinai-fon , & la principale chofe confifte à bien eflimer le mouvement réfléchi s par l’angle d’incidence.
- Lorfqu’un boulet de canon tiré horizontalement vient à toucher terre , il rebondit à plufieurs reprifes, 6c l’on remarque fur le terrain des traces beaucoup plus longues que profori^ des^ C’eft que le boulet s’enfonce & fc relève comme la bille de notre expérience , en fuivant deux courbes qui fe. joignent au dernier degré de l’enfoncement , où naît la réfledion. Et coinme fa‘ vîtefle de haut-en-bas eft beaucoup moindre que fon mouvement horizontal , il parcourt une très-grande longueur dans le tems qu’il defeend à peu de profondeur ; & de-là vient la grande différence qu’on remarque dans ces deux di-ïnenfions, lorfqu’on examine les traces dont nous parlons.
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- 5'i6 Leçons de Physique
- III. SECTION.
- De la Communication dit
- £ ...
- Mouvement dans le Choc des Corps.
- Uoique les obftacles folides qui arrêtent ou qui réfléchiffent les corps qui fe meuvent,, n’ayent leurs effets qu’en vertu du mouvement qui leur eft communiqué par le mobile, Sc que cette communication fe faffe félon les régies que nous avons à établir dans cette fection ; cependant nous avons cru devoir traiter féparé? ment de cette a&ion des corps, confidence dans les cas où la maffe choquée laiffe appercevoir d.es marques de la percultion qu’elle fouffre, par un déplacement fenfible de tout foii volume ; c’elt-à-dire, qu’après avoir cnfeigné ce qui arrive à un mobile ? lanr par rapport à fa .yîteffe , que par rapport à fa direction $ de la part d’un pbitacle inébranlable, ou conlideré pomme tel , nous allons examiner les changemens dont l’une & l’autrç
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- . ËîÇ P E RIMENT A L E. ÿjsf ,{là vitefle & la direction ) font fut ceptibles, quand l’obflacle eft déplacé ou peut l’être par le ,choc. Et pour procéder du plus fimple au plus com-pofé , nous confidérerons premièrement les effets de la perçufîion dans les corps mois , où la réa&ion n’a pas lieu , pour palier enfuite au choc des corps à reffort.-
- Nous fuppofons toujours, pour rendre notre théorie plus fimple Sc ..plus facile à faifir ; i°. Q.ue les corps qui fe choqueiit,ont un reffort parfait, ou qu’ils n’erl ont point du tout : 2?. Que leur mouvement fe fait dans un milieu fans réfiffance , Sc fans frotte-mens ; de forte que la doctrine que nous allons expofer feroit faufle , fî les faits qu’elle annoncerafe trou-, ;yoient exa&emént repréfentés par l'expérience , puifque les empêche-mens dont nous faifons abflra&ion , entrent néceffairement pour quelque choie dans les réfultats. Ainfi nos preuves ne doivent paffer pour juf-tesque quand elles paraîtront faire un peu moins que ce qu’on en aura attendu. Si, par exemple, le corps 'A, venant heurter le corps B, fïg.
- D d iij
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- 8 Leçons de Physique 16. faifoit fur lui toute l’imprelfion qu’il peut faire, en vertu du mouve-ment qu’il a en partant du point a ; il auroit fait plus , puifqu’il auroit encore vaincu les frottemens, la réfifi tance du milieu, &c. Il n’exercera donc fur le corps B , qui efl fon dernier obftacle, que ce qui lui reliera de force après avoir furmonté les autres ; & fi l’on ne tient pas compte de ce qu’il aura perdu pour vaincre ceux-ci, on ne doit pas s’attendre à un effet complet lorfque le choc fe fera en b.
- Nous ne confidérons ici que le choc direèl , c’eft-à-dire , celui de deux corps dont les centres de gravités fe trouvent dans la direction de leurs mouvemens, comme dans la Fig. 16. &pour en rendre l’exécution plus facile , nous ferons toutes nos expériences avec des corps fphéri-ques , que nous fufpendrons à des fils fort déliés * afin de diminuer autant qu’il eft pofiible les frottemens & la ré-fillance de l’air:& comme nous aurons fouvent befoin de connoître le degré de vîtelfe de ces petits globes, nous les tiendrons fufpendus à des points
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- Expérimental fe. 519 fixes , autour defquels ils pourront décrire des arcs de cercles qui feront mefürés par des graduations. * Ce que nous enfeignerons dans la fuite touchant la pefanteur, fera con-iioître comment on peut par la grandeur de ces arcs régler la vîtelfe des corps qui les décrivent. G’ell un procédé qui a été employé avec fuccès par plulieürs habiles Phyficiens, 8c fur-tout par M. Mariotte. La machine dont je me fers , 8c qui ell repréfen-tée par la Figure 17. n’eft autre chofe que la fienne, dont j’ai étendu les ufa-ges , & que j’ai rendue plus commode.
- Avant que deiix corps fe choquent il y a entre eux un efpace qui doit être parcouru , ou par l’un dés deux entièrement, ou en partie par l’un, & en partie par l’autre : autrement il n’y auroit point de choc» Cet efpace ne peut être parcouru que dans un certain tems, 8c la dürée de ce tems mefure la vîtelfe refpeftive de ces deux corps ; c’efl-à-dire , la vîtelfe avec laquelle la diltance diminue , foit que l’ün des deux relie en repos, foit qu’ils fe meuvent tous D d iiij
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- ^20 Leçons de Physique deux dans le même fens, ou en feus contraires, également, plus ou moins vite l’un que l’autre : de forte que fi deux corps A , B, Fig. 16. diftans de 4 pieds j fejoignent en une fécondé, la vîtelfe refpedive eft la même, foie que B feul parcoure l’efpace entier , foit qu’il rencontre A venant à lui au deuxième ou au troifiéme pied 5 &c. pourvû que le mouvement qui les approche l’un de l’autre fe pafTe dans une fécondé. Il ne faut donc pas con-fondre cette vîtefle refpedive avec la vîtelfe abfolue y ou propre de chaque mobile ; car on voit par cet exemple , que celle-ci peut varier dans des cas où l’autre ne changeroit point.
- La vîtelfe refpedive étant donnée il faut encore eonfidérer les malfes ; car le corps choqué oppofe fon inertie au corps choquant* & nous avons vu ailleurs que cette efpéce de réfif-tance fe mefure par la quantité de matière contenue & liée fous le même vojume. Ainfi l’on doit s’attendre que dans le choc une grande malfe recevra moins de vîteffe qu’une plus petite ; & que pour faire prendre plus de mouvement à un même corps 3
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- Experimentale.- 32 v îï en faudra donner auffi davantage aü mobile qui doit le communiquer, parce que l’inertie réfilte non-feulement au mouvement, mais auffi à un
- F lus grand mouvement, comme nous avons prouvé ailleurs.
- Quand nous avons parlé du mouvement en général, nous nous Tommes abflenus d’examiner la nature de cette efpéce d’être, ou de modification , parce que ces fortes de questions appartiennent plutôt à la Mé-taphyfîq.ue, qu’à la Phyfique expérimentale. Par la même raifon nous ne nous arrêterons pas à difcuter de quelle manière la vîteffe palfe d’un corps àd’autre. Nous nous bornerons aux faits qui peuvent être conlïatés ; ôc en parcourant les cas les plus généraux , nous établirons par voie d’expérience des propofitions qu’on pourra regarder comme des principes ou des loix , aufquelles on pourra rapporter d’autres effets plus détaillés , comme autant de conféquences..
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- 3 22 Leçons de Physique Article premier.*
- Du Choc des Corps non-Elajliques.
- Première Proposition.
- Quand un corps en repos efi choqué par un autre corps , la vîtejje du corps choquant doit fe partager entre les deux félon le rapport des majfes.
- C’eff-à-dire , qu’après le choc, les deux corps continueront de fe mouvoir feion la diredion du corps choquant ; & que la vîteffe de celui-ci ayant été diminuée par la réfiftance de l’autre, le reliant qui fera commun aux deux , doit être d’autant moindre , que le corps choqué aura plus de maffe.
- Ainfi le corps en repos ayant été choqué par une malle égale à la Penne , la vîteffe après le choc fera réduite à moitié.
- Il reliera les deux tiers de la vîteffe* fi le corps qui choque efi double de l’autre.
- Si c’eli le corps choqué qui ell double en malle , la vîteffe après le
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- Experimentale. 323 ÉHÏoc ne fera que le tiers de ce qu’elle etoit avant : mettons ces trois cas en expériences.
- PREMIERE EXPERIENCE.
- P REPJRJTIO N*
- La machine qui eh: repréfentée par là Fig. iy. étant difpofée de façon que le fil à plomb foit parallèle à la ligne A B ; que les deux fils de fufpenfion CD, E F, foutiennent dans une mê-"me ligne y & à même hauteur , les ‘centres de deux boules de terre mol-flê(, qui péfent chacune 2 onces , 6c de manière qu’étant en repos leurs Turfaces fe touchent en un point ; que la première graduation de chacune des deux régies mobiles G , H, Toit vis-à-vis de chacun des fils, Ôc ‘qu’erifin le petit curfeur ou index L , Toit placé un peu avant la troifiéme graduation de la régie G, ôc l’autre 'index M , vis-à-vis la fixiéme de Pau-Trè régie H.
- - - - ‘ ! .• Effets.
- La boule Fportée en M, ôc abandonnée à fon propre poids, va frapper l’autre boule D, l’une ôc l’autre
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- 3'2'4 Leçons de Physique s’applatiffent également à l’endroit du contaét , & après le choc elles fe meuvent toutes deux du même côté, & le fil qui fufpend la boule D} va toucher l’index L.
- Explications.
- Quand la boule F effc tombée par un arc de fix graduations, fi elle ne trou voit point d’obflacles , elle re-monteroit dans la partie oppofée , par un arc femblable. Cefl une cho-fe dont on peut s’aflurer en- ôtant de fon chemin la boule I>, & nous en dirons la raifonen expliquant les phénomènes de la pefanteur. Ainfi lorfi-qu’en venant du point M, elle le trouve en F ; fon mouvement alors elt tel, qu’il peut élever fa mafle de deux onces dans un arc de fix graduations. Mais une fotee qui peut tranfporter une mafle de deux onces à fix degrés de diflance dans un tems donné , ne peut porter qu’à la moitié de cette diflance une mafle double en pareil tems. Or quand la boule F rencontre la boule D, qui ne lui permet de paflèr outre qu’en remportant avec elle, c’efl une vîtefle de
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- Experimentale. 52^ 6 degrés appliquée à une maffe de 4 onces , & l’une Sc l’autre enferm ble doivent ceffer de fe mouvoir* après avoir parcouru feulement trois graduations, comme l’expérience le fait voir.
- Il fe fait dans le tems du choc un applatiffement aux deux boules, Sc dans le cas préfent cet applatiiTement eft égal de part Sc d’autre; ces deux faits méritent d’être obfer-vés Sc expliqués.
- Nous avons déjà dit que rien ne lé-fait avec précifion, & par faut, dans là nature ; Sc que les effets les plus prompts, Sc qui paroiffent inlianta-nés à nos fens, ne font jamais produits que dans un tems fini, c’eîb-à-dire , ' dans un tems dont la durée B’efl pas la plus courte qu’on puiffe imaginer. Lorfque les deux boules commencent à fe-toucher, les parties les plus avancées de la boule choquante ont déjà perdu une partie de leur vîtelfe, pendant que le centre & les parties les plus reculées ont encore toute la leur; ce n’eft donc qu’après quelques inftans ( fort courts # 4a vérité) que cette maife rallentie
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- 326 Leçons de Physique prend une vîteffe également retardée dans toutes Tes parties. Mais files parties d’un corps fe meuvent plus vite les unes que les autres, leur pofition relative, ou ( ce qui eff: la même cho-fe ) la figure du corps doit être changée. L’applatiffement de la boule F eft donc un effet Sc une preuve de fa vîteffe retardée fucceflïvement en plufieurs tems.
- On doit dire la même chofe de la boule choquée : elle ne pafie pas toute en un même inftant de fon état de repos à trois degrés de vîteffe ; les parties immédiatement expofées au choc j fe meuvent Sc plutôt Sc plus vite que le centre Sc l’hémifphé-re qui eff au-delà ; Sc ces déplace-mens fucceffifs oçcafionnent une in-troceffion de matière qui change la figure.
- Mais ces applatiffemens dans l’une Sc dans l’autre boule, font caulës par l’inertie qui s’oppofe au changement d’état de chacune d’elles ; Sc cette inertie eff égale à lamaffe : ainfi dans le choc de deux corps, dont les poids font égaux Sc de même matière, les applatiffemens doivent auffi fe faire également de part Sc d’autre,
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- "Experimentale. 327
- IL EXPERIENCE.
- 1* REPARAT ION.
- On fait la boule D de 4 onces , îaboule F de 2 onces : on laiiïe la première en repos, & l’on donne à l’autre 6 degrés de vîteife , le relie étant difpofé comme dans l’expérience précédente.
- Effets,
- Après le choc, les deux boules continuant de fe toucher parcourent jenfemble deux graduations , & l’ap-pïatilfement de part & d’autre eftplus grand que dans le cas précédent.
- Explications.
- La boule F en defcendant de 6 graduations reçoit 6 degrés de vîtef-fe, c’eft-à-dire , qu’elle peut porter fon propre poids l’efpace de 6 graduations vers la partie oppofée. Mais .ce poids étant augmenté de deux tiers en fus par la rencontre de la boule D , qu’elle emporte avec elle , fa force ne fuffit plus que pour un tiers .(le l’elpace qu’elle auroit parcouru fi
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- 32B Leçons de 'Physique rien ne s’éto.it oppofé à fon paflage» Quant à l’applatiiïement, il doit être d’autant plus grand que le corps choqué a réfifté plus long-temsà fon déplacement ; puifque, comme nous l’avons dit, c’efl: cette réfiftance qui interrompt l’uniformité de vîteiïe dans les parties de chaque boule : or dans le cas préfent, la boule D réfiile une fois plus que n’auroit fait une boule de deux onces. Il y a donc eu lieu .à l’enfoncement d’un plus grand npmbre de parties.
- XII. EXPÉRIENCE.
- T REPARATION.
- Dans cette expérience on procédé comme dans les deux autres ; excepté feulement qu’on donne à la boule D 3 qui effc en repos, deux onces de mafl'e , & quatre onces à la boule F que l’on fait mouvoir avec 6 degrés de vîteffe.
- Effets.
- Les deux boules unies après le choc parcourent quatre graduations ;
- Ôc les applatiUemens font moins forts que dans les deux cas précédens.
- Explications•
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- Ê'x P E R-1 M E N T A L E, 3
- Explications,
- Ce que nous avons dit pour expliquer les deux expériences précédentes , fuffit pour rendre raifon de celle-ci. Il faut toujours confidérer les deux boules après le choc comme ne faifant qu’une même malle ; 6c l’on -doit faire attention.auffi, que 6 degrés de force qui pouvoient porter une m’affe de 4 onces dans un efpace de 6 graduations, n’en peuvent pas tranfporter une de 6 auffi loin. Si la réfiftance de 4 onces devoit con-iumer toute la force après cet efo . pace parcouru, un tiers d’augmentation au poids doit auffi diminuer le tiers de l’efpace 6c par conféquent au lieu de 6 graduations qu’auroit fait la boule F toute feule & fans obstacle , étant jointe à la boule Z) qu’elle a mife en mouvement, elle n’en peut plus faire que 4.
- Mais comme la boule D qui ne pèle que deux onces, a moins réliffé que lorfqu’elle en péfoît quatre ou troiselle a moins donné lieu à l’enfoncement de fes parties, 6c réciproquement elle a. moins retardé les par-Famel* E.e.
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- 33o Leçons de Physique ties antérieures de ia boule F. Car on conçoit aifément que fi elle pre-noit tout d’un coup , & dans un inf-tant indivifible , toute la vîteile qui lui doit être communiquée, il n’y au-roit aucun applatiffement de part ni d’autre , puifqu’elle fuiroit devant la boule F dès l’inftant du contaél3avec line vîteffe égale à celle du corps choquant, ce qui la feroit échapper à l'on aélion.
- Applications.
- Puifque dans le choc où l’un des deux corps eüen repos, la vîteffe du corps choquant diminue à proportion de la maffe du corps choqué , on doit en tirer cette conféquence, que le mouvement doit être infen-•fible après le choc , fi celui qui eften repos , eff infiniment plus grand que celui qui vient \t frapper ; & c’eff par cette raifon , fans doute, qu’un boulet de canon paroît avoir perdu tout fon mouvement , quand on l’a tiré contre un rempart ou contre une groffetour; car la vîteffe qui lui reffe après le coup eff à celle qu’il a congt-jnuniquée s commcTa maffe eff à çel-
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- Experimentale. 331
- îe de l’obftacle qu’il a frappé , c’efl-à-dire , comme une quantité infiniment petite à une quantité infiniment grande.
- - C’eft auiîi en conféquence de ce principe , que l’on dit, que la plus grofife malle ell toujours déplacée '( quoiqu’infiniment peu) parla per-culïion du plus petit corps. Mais je ne vois pas qu’on foit obligé d’admettre cette propofition comme une fuite nécefifaire de la loi que nous venons d’établir, à moins qu’on nefup-pofe le corps choqué abfolument inflexible ; autrement, s’il ell aufïi grand qu’on peut l’imaginer , fa réliliance fera allez durable pour confumer tonte la vîtelfe fenfible du mobile par l’introcelTion des parties occalion-née par le choc.
- Les expériences que nous venons de rapporternous apprennent auiîi pourquoi en général tous les corps fe rompent, on perdent plutôt leur figure en heurtant contre des oblla-clés inébranlables, que lorfqu’ils en rencontrent de mobiles. Une chaloupe fe brife contre un rocher , & elle ne périt point par le choc d’une au-
- E e ij
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- 332 Lëçoks dï Physique
- tre chaloupe qu’elle rencontre en re-rf pos. C’eft que le rocher ne cédant que peu ou point au mouvement de la chaloupe , les parties de celle-ci qui commencent le choc , ont déjà perdu toute leur vîtefle , pendaat que les autres ont encore toute la leur. Il fe fait donc un changement de figure, les pièces font contraintes Sc fe rompent, fi< le choc eft aflez .violent : au lieu que fi le bateau rencontre un corps flottant qui obéifle à fon impulfion, les parties expofées au choc ne font point entièrement arrêtées, & les autres fontpeu^à-peu retardées comme elles.
- Les ouvriers qui travaillent du marteau difent, que le coup porte à fauxquand la matière qu’ils travaillent lui échappe , foit parce qu’elle n’eft pas fuffifamment foute-nue, foit parce que l’inflrument eft mal dirigé::: & le forgeron fe plaint avec raifon d’une enclume trop lé» gère , ou qui eft placée fur un plancher peu folide ; car alors le fer qu’il travaille , cédant avec fon point d’appui , le coup n’a point tout fou effet, comme il l’auroit û l’enclume
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- Ex PERIMENT ALS.
- $>lus immobile tenoit dans lin parfaic repos- le côté du fer. qui la touche ,, pendant que le. marteau frappe fur l’autre.
- Le jeu du- mail a tant de rapport à notre première proportion fur' le choc des corps , & aux expériences que nous avons employées pour la prouver, qu’il efb prefqu’inutile d’en faire ici l’application.Pour peu qu’on y falTe attention „ on verra bien-toc fur quoi font fondées les proportions qu’il faut mettre entre lamaffe du mail & la boule ; coipment l’un an moyen d’un long manche , reçoit du joueur une très-grande vîteffe ; pourquoi, & dans quel rapport, u ne partie de cette vîteffe eft communiquée à-l’autre ,,&c.
- I I. P r o p o s i t i o n:
- Quand deux corps qui fe meuvent die meme fens avec des vîteffes inégales , viennent à fe heurter , [oit que leurs maf-fes [oient égales , ou non , ils continuent de fe mouvoir enfemble & dans leur première direélion , avec une vîteffe commua qe} moins grande que celle du corps cho-
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- quant , mais fins grande que celle dit çorps choqué , avant la perciijjîon.
- Dès qu’on fuppofe que les deux: corps fe meuvent dans le même fens. Il faut néceffairement que celui qui précédé aille moins vite que l’autre pour être choqué ; car s’ils alloient tous deux avec des vîteffes égales ÿ il eft évident qu’ils ne s’approche-roient point ; & par conféquent il n’y auroit point de choc. Quand le corps qui a le plus de vîteffe rencontre celui qui en a moins, la lenteur de l’un fait obftacle à l’autre ; mais cet obftacle eft mobile, & il doit partager l’excès de vîteffe du corps choquant , à raifon de fa malle , comme on l’a fait voir ci-deffus. Les expériences qui fui vent, feront connoî-tre dans quel rapport la vîteffe eft retardée dans l’un 8c accélérée dans l’autre.
- PREMIERE EXPERIENCE.
- P P E P. A R J T 1 O N.
- Il faut faire les boules D 8c F du poids de 2 onces chacune, 8c les laif-fer tomber en même tems , l’une par
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- Experimentale. 333 tin arc de 3 graduations, & l’autre par un arc de 6, pris du même côté.
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- Effets.
- Ces deux boules fe joignent à l’endroit où leurs fils de fufpenfion fe 'trouvent perpendiculaires à l’horizon : il fie fait à Tune & à l’autre un 'pètit applatifiement , après quoi elles continuent de fe mouvoir enfem-bie du -même côté, 3c remontent un 'arc de \ graduations
- Explications.
- La boule F ayant 6 degrés de vi-tefife propre contre 3* s’eft approchée de la boule D avec une vîtefie ref-pective , qui étoit 3 excès de 6 fur 3. 'Nous dirons ailleurs pourquoi lorsque leur mouvement fe fait dans des arcs du même cercle , quoiqu’iné-gaux , les deux boules fe choquent précifément à l’endroit le plus bas de leur chute.
- Quant aux enfoncemens des parties qui fe touchent dans le choc , ils doivent être proportionnels à la vîtefie refpeétive , qui eft moindre que la vîtefie abfolue ou propre d©
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- Leçons de PhysiQuet là boule choquante , dans le cas pré-fent,où la boule choquée qui fe meut du même fens, échappe en partie à fon effort.
- Enfin les deux boules remontent enfemble un arc de 4 graduations c’effà-dire, que leur vîteffe commune comparée à celle, de la boule F avant le choc.fe trouve diminuée d’un quart ; & c’eft à quoi l’on devoir s’attendrercar le corps choquant ayant.6 degrés de vîteffe r Sc rencontrant un autre corps d’une maife égale à la fienne qui n’en a que 3 , doit en perdre autant qu’il faut qu’il, en communique à l’autre pour le mettre en état d’aller auffi vite que lui : or l’égalité des maffes exige qu’il lui en donne 1 & 7, qui eft la moitié de différence des deux vîteffes avant le choc : & 1. Sc ôté de 6 Sc ajouté, à 3,fait qu’il fe trouve 4 Sc 7 dans Puru & autant dans l’autre.
- IL EXPERIENCE.
- F R E PA RAT 10 N%
- Cette expérience fe fait comme la première., avec, cette différence que
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- Experimentale. 337 que la boule D péfe 4 onces, 8c la boule F 2 onces : les vîtelfes reliant dans le rapport de 3 a. 6.
- Effets•
- Après le choc les deux boules continuent de le mouvoir enfemble ; les âpplatilTemens font plus grands que dans l’expérience précédente, & l’arc qu’elles parcourent elt de 4 graduations.
- Explications.
- Tout ce que nous avons dit pour expliquer la première expérience , fuffit pour faire entendre celle-ci ; il ne s’agit que d’appliquer les mêmes railons en gardant les proportions. L’excès de vîteffe dans la boule F avant le chocétoit 3 , qui a dû diminuer des deux tiers par la réfiltance de la boule D, dont la mafle eft double : ainli après le choc il a dû le trouver 4 degrés de vîtelTe, puifque de 6 qui étoient dans le corps choquant , il ne s’en elf perdu que 2 , par l’adion qui a rendu la vîtelTe uniforme dans les deux boules.
- . Les applatilfemens ont été plus Tome L F f
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- 338 Leçons de Physique grands que dans la première expérience ; parce que la rélifiance du corps choqué a été plus forte : c’effc ce que l’on reconnoîtra d’abord , fî l’on fait attention que la boule D étant de 4 onces , a confumé un tiers de la vîteffe du corps choquant 3 au lieu qu’étant feulement de 2 onces dans le cas précédent, elle n’en à confumé que le quart.
- III. EXPERIENCE.
- T REPARATION*
- On donne à la boule D 2 onces de malfe , à la boule F 4 onces, Sc l’on met les vîteffes dans le rapport de 6 à 3.
- Effets.
- La boule D après le choc eft emportée par la boule F, de forte qu’elles parcourent enfemble un arc de £ graduations ; & les applatiffemens font moindres que dans les deux expériences précédentes.
- E x P lication s.
- ' La boule F partageant fon excès
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- Expérimentale. 339 de vîtelfe qui eft 3 , avec une malle qui eft moitié moins .grande que la fienne , en retient les deux tiers ; les deux mafles jointes enfemble après le choc , doivent donc repréfenter 6 degrés de vîteffe , moins un, que la réfiftance du corps choqué a retran-ché,avant que de prendre un mouvement uniforme à celui du corps choquant.
- Les appIatilTemens ont été moins grands que dans les cas précédens, parce que la réfiltance a été moins forte de la part du corps choqué ; car 2 onces de malle réfiftent moins à 4 onces, que 4 à 2 , ou 2 à 2 ; les viteflès étant toujours en même rapport.
- Applications.
- I
- Il eft aifé de voir par les expériences de la fécondé propofition , qu’a-près le choc de deux corps, dont l’un va plus vite que l’autre dans la même diredion , les vîteffes propres, pour devenir uniformes, changent dans l’un de plus en moins, Sc dans l’autre de moins en plus ; puifque celle du corps D a toujours été augmen*:
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- 340 Leçons de Physique tée, & que celle du corps F au contraire a toujours fouffert quelque diminution. C’eft ainfi qu’un bateau qui obéit à l’impulfion des rames , reçoit un accroiffement de vîteffe en retardant celle d’un volume d’air agité, dans la direction duquel on le mène ; ii va moins vite que le vent 9 mais Ton mouvement eft toujours plus prompt que s’il n’alloit qu’à force de bras.
- Le vol le plus rapide , la courfe la plus légère , n’empêche pas que le plomb du çhaffeur ne frappe la pièce de gibier qui fuit devant lui ; mais U égale diftançe le coup eft moins fûr que fi l’animal étoit pofé , ou qu’il vînt en fens contraire : & l’on fçait qu’un lièvre , un chevreuil, &c. tiré en flanc , efl: plus facilement arrêté, que quand il fuit devant le coup. Une des raifons qu’on en peut donner, c’eft qu’alors la vîteflfe refpedive du plomb eft plus grande , parce que l’animal fe meut dans une diredion qui ne l’éloigne que peu ou point du çhaffeur, & qu’à cet égard il eft comme fixe. Nous avons vu par les expériences de la première propofition
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- Expérimentale. 341 qu’en pareil cas * le choc ell; plus grand.
- III. Proposition.
- Si les deux corps qui doivent fe cho** çpuer , fe meuvent en fens directement con-traires * le mouvement périra dans tun & dans Vautre , moins dans Vun
- des deux: s'il en refte après le choc , les deux corps iront du même fens 3 & ta quantité de leur commun mouvement fer a égale à Vexcès de Vun des deux avant le choc.
- C’efl>à-dire, que dans le cas où les deux mouvemens feroient5 égaux avant le choc, les deux mobiles feroient réduits au repos. Et fi l’un des deux avant le contaft en avoit davantage , il ne refteroit après la percuf-fion que la quantité excédente, qui feroit le mouvement commun des deux corps. Deux expériences mettront ceci en évidence.
- PREMIERE EXPERIENCE.
- F REPARATION.
- La boule D péfant 2. onces, ôc la boule F autant, on éléve l’une par Ff iij
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- 342 Leçons de Physique un arc de 6 graduations d'une part, ôc l’autre par un arc femblable du côté oppofé ; & on les laide tomber en même tems.
- Effets.
- Ces deux corps fe rencontrent au lieu le plus bas de leur chûte où ils demeurent en repos ;& leurs appla-tidemens font plus grands que dans les cas où la boule F ed tombée par un arc femblable contre D en repos , ou qui fuyoit devant elle.
- Explication-s.
- Dans cette expérience la quantité du mouvement ed égale de part ôc d’autre ; car dans l’une ôc dans l’autre boule avant le choc, on compte 6 degrés de vîtede multipliés par 2 onces de mafle. Deux corps qui fe rencontrent allant en fens contraires, fe font réciproquement réfidance ; ici de part Ôc d’autre la force ou la puif-fanee efl retenue en équilibre par une réfidance égale , Sc cet équilibre £ait naître le repos dans les deux mobiles.
- Les applatidemens font plus grands qu’ils n’ont été dans les expériences
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- Experimentale. 343 eîes deux premières propofitions, où nous avons toujours donné 6 degrés de vîteffe au corps choquant ; mais il faut faire attention que dans celle-ci la vîteffe refpective d’où dépend la force du choc, eftdoublée ou plus que doublée. Car Iorfque la boule D étoit en repos avant le choc, lavî-teffe refpeàive de F n’étoit autre chofe que fa vîteffe propre, c’eft-à-dire , 6 ; ou moins que 6, Iorfque la boule D fuyoit devant elle: ici les deux boules ayant chacune 6 degrés de vîteffe propre en allant l’une vers l’autre , la vîteffe refpeétive eft 12 ; c’eft-à-dire , que I’efpace qui les répare avant le choc, eft parcouru en une fois moins de tems.
- IL EXPERIENCE.
- F REPARATION»
- On fait mouvoir les deux boules D & F l’unç vers l’autre , comme dans l’expérience précédente , & l’on met leurs quantités de mouvement dans le rapport de 12 à 24 , en doublant la malle ou la vîteffe de F.
- F f iiij
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- 344 Leçons de Physique
- Effets.
- Les deux boules après le choc continuent de fe mouvoir dans la direction d’F avec 2 degrés de vîtefle , fi l’on a doublé le mouvement par la mafTe, ou avec 3 , fi c’elt par la vîtefle.
- Explications.
- Si les 24 degrés de mouvement de la boule F lui viennent de 4 onces de mafle & de 6 degrés de vîtefle: lorfqu’elle rencontre la boule D venant contre elle avec 12 degrés de mouvement, produit de 2 onces par 6 de vîtefle, elle oppofe fa double mafle 6c la moitié de fa vîtefle pour l’arrêter, 6c cela fuflït ; car 3 de vî-refle multipliant 4 de mafle , égale tout le mouvement de la boule D qui eft 12 ; il relie donc à la boule F 3 degrés de vîtefle, avec lefquels elle continue d’agir fur D , qu’on doit confidérer comme en repos immédiatement après le contad. Mais elle ne peut mouvoir un corps en repos qu’en lui communiquant de la vîtefle aux dépens de la Tienne , 6c nous
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- Experimentale. 343* avons vû que cette communication fe fait en raifon des maffes ; comme la boule D n’a que 2 onces de malfe, contre 4, la boule F ne perd qu’un tiers de la vîteffe qui lui relie ; ainfî la vîtelfe commune après le choc eft 2 pour deux malfes qui prifes enfem-ble égalent 6 onces.
- On voit donc , i°. que le mouvement qui refie après le choc , eft égal à la différence des deux quantités avant le choc ; car 12 ell l’excès de 24 fur 12:2°. que cette différence divifée par lafommedes malles, donne la vîtelfe commune après le choc; car 12 divifé par 6, fomme de 2 & de 4 onces , donne 2 de vîtelfe , comme l’expérience l’a repréfenté.
- On trouverait la même chofe , 11 l’on avoit doublé le mouvement de la boule F, en doublant fa vîtelfe propre. Car alors pour arrêter la boule D qu’on fuppofe avoir 12 degrés de mouvement, & égale en malfe , elle perdrait 6 degrés de vîtelfe ; ôc pour l’emporter avec elle , il faudrait qu’elle lui en communiquât encore 3, de 6 qui lui relient. Après le choc , 11 réitérait donc 3 degrés de vîtelfe
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- 346 Leçons de Physique commune à 4 onces de malle, Tomme des deux boules, & par confé-quent la quantité de mouvement fe-roit toujours 12 , différence de 24 à 12.
- Applications.
- Ces dernières expériences font connoître en général , pourquoi il faut employer plus de force pour repouffer un mobile dans un fens contraire à Ton mouvement, que pour l’arrêter fimpîement : car non feulement il faut employer une force équivalente à la tienne pour vaincre fon premier mouvement ; mais il faut encore ajouter toute celle qui efl né-ceffaire pour lui en faire reprendre un autre. C’eft pourquoi l’on fait plus d’effort pour faire rétrograder une boule qui roule fur un plan , que pour la fixer en s’oppofant à fon paffage. Mais nous avons vû en même tems , que l’effort d’un mobile qui vient contre un autre peut croître , & par la vîteffe , & par la maffe. On ne doit donc pas être furpris que les joueurs de paume trouvent quelquefois le batoir ou la raquette trop le-
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- Experimentale. 347 gère ; puifqu’en fuppofant le coup frappé avec la même vîteffe, fon effet doit être moins grand fi la maflfe avec laquelle il emporté eft plus foible.
- Corollaire,
- II fuit des deux premières proportions & des expériences qu’on a employées pour les prouver : i°. Que quand les mouvemens ne font point réciproquement oppofés , les deux malles réunies après le choc repréfen-tent la même quantité de mouvement qui fubfifloit dans l’une d’elles a ou dans toutes les deux avant le contact. Prenons la première expérience de la première propofition pour exemple.
- Avant le choc , tout le mouvement réfidoit dans la boule F, 8c fa quantité étoit 12 , produit de 6 degrés de vîteflfe par 2 onces de rnalfe. Après le choc, la quantité du mouvement dans les deux boules réunies eft encore 12, produit de 4 onces de malle par 3 de vîteffe commune. On peut aifément appliquer ce calcul aux autres expériences, 8c l’on trouvera toujours la même chofe»
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- 348 Leçons de Physiqüe
- De cette première conTéquence , il en naît une autre ; c’eft que fi l’on Cônnoît la vîteffe commune après le choc , on peut connoître quelle eft la Tomme des maTTes ; & réciproquement la Tomme des maffes Tera connoître la vîteffe commune. Prenons pourexemple la première expérience de la Teconde propoTition.
- La Tomme des mouvemens avant le choc, étoit 18 ,Tçavoir 12,produit .de 2 onces par 6 de vîteffe ; & 6 , produit de 2 onces par 3 de vîteffe* Selon la première conTéquence , après le choc les deux maffes doivent repréTenter enTembîe une quantité de mouvement qui égale 18. Je Tçai que la maffe totale eft 4 onces , je diviTe 18 , quantité du mouvement, par 4 , Tomme des maffes , & j’ai 41 pour la vîteffe commune.
- De même je Tçai que la vîteffe commune eft 4 { ; je connois que la Tomme des maflès eft 4, en diviTant 18 par 4 f
- Enfin l’on voit par la troifiéme pro-pofition , i°. que quand les corps Te heurtent en Tens contraires , il périt une partie du mouvement 5 20. que.
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- Experimentale. 349 l’on peut juger , comme dans les autres cas, par la vîtelfe commune après le choc , & par le rapport des maffes, quelles ont été les vîtelTes propres avant le choc ; ou bien quel eA lç rapport des malles, par la comparai-fon de la vîtefTe commune , ayeç les vitefTes propres.
- Article I L Du Choc des Corps à rejjbrt.
- Pans -toutes les expériences qui ont fervi de preuves aux propofitions énoncées fur le choc des corps non-édaftiques , nous avons toujours ob-fervé deux effets principaux , fçavoir line communication de mouvement du corps choquant au corps çho» que s & un changement de figure ou applatilTement à l’un & à l’autre à l’endroit du conta#, Ces deux effets ont une caufe commune, qui ell la perculïion ; c’eA par cette action que la vîteife fe tranfmetÔç fe diftribue uniformément entre les deux malles :mais pendant que cette répartition fefa.it entre les deux corps, leurs figures changent, & l’applatif-
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- Leçons de Physique fement qui en réfulte, dépend particuliérement de la réfiftance plus ou moins longue du corps choqué : c’ell pourquoi} quand bien même la vîteffe refpedive feroit toujours la même , la grandeur des applatilfe-mens varieroit toujours, fuivant le rapport des malles qui Te choquent, comme on a pu le remarquer par les expériences précédentes.
- Dans le choc des corps à reUfort, la nature fuit toujours les mêmes loix qu’elle s’efl prefcrites , & que nous avons reconnues dans la per-cuffiondes corps non-élafliques :mais comme les parties enfoncées par le choc fe rétablilfent avec la même vîteffe qu’elles ont été déplacées , ce dernier effet qui fe mêle à celui du mouvement communiqué par le choc , apporte beaucoup de changement aux réfultats.
- Il faudra donc foigneufement distinguer deux fortes de mouvemens dans la percuffion des corps élafti* ques j l’un qui eft indépendant du reffort, & que nous nommerons mouvement primitif ; l’autre qui naît de la réaction des corps applatis ou com-
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- Experimentale. 351 primés dans le choc, & que nous appellerons mouvement de reffort, mouvement réfléchi, oufimplement ré action.
- Première Proposition.
- Quand un corps a reffort va frapper un autre corps à reffort qui efi en repos , ou qui fe meut du même fens que lui j celui-ci après le choc fe meut dans la direction du corps qui l’a frappé, & avec une vîtejje compofée de celle qui lui a été donnée immédiatement, ou par communication , & de celle quil acquiert par fa. réaftion après le choc ; & le corps choquant dont le refjort agit en fens contraire , perd en tout ou en partie ce qu’il avoit gardé de fa vîtejfe première : &fi fon mouvement réfléchi excède le reflant de fa vîteffe première , il rétrograde fui-vant la valeur de cet excès.
- Ces ex prenions générales s’entendront mieux , fi nous en faifons des applications. Suppôfons donc que les mafies foient égaies ; en con-féquence de cette première proportion j je dis qu’après le choc , celui des deux corps qui étoit en repos, recevra tant par communication que par faréadion j une quantité de mou-
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- •'35*2 Leçons de Physique vement égale à celle qu’avoit l’autre corps avant la percuffion ; & que celui-ci fera réduit au repos par Ton reflort, qui détruira le relie de fa vî-telTe primitive.
- Si l’on fuppofe les mafles inégales , & que le corps choqué Toit le plus petit, tous deux après le choc iront dans la direction du corps choquant ; mais celui-ci aura moins de vîtefîe que l’autre.
- Enfin fi le corps choqué a plus de malle que l’autre , il ira feul dans la direction du corps choquant, 8c celui-ci retournera en arriére.
- Réalifons ces trois fuppofitions par autant d’expériences qui ferviront de preuves à notre première propofi-tion , 8c aux conféquences que nous en tirerons.Nous employons des boules d’yvoire bien rondes, que l’on fufpend à des fils comme celles de terre molle -, 8c avec la même machine.
- PREMIERE EXPERIENCE.
- Préparation»
- La boule D en repos, pefe 2 onces 5
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- Experimentale. 3^3 ces ; la boule F qui eft égale, defcend par un arc de 6. graduations.
- E F F E T S.
- Après le choc , la boule F demeure en repos à l’endroit du contad, & la boule D parcourt un arc de 6 graduations dans la partie oppofée ; ce qui fait voir que le corps choqué a reçu une vîteffe égale à celle du corps choquant.
- Explications*
- La boule F ayant rencontré la boule D en repos, lui a communiqué la moitié de îa vîteffe, à caufe de l’égalité des maffes ; & elle en a gardé 3 par la même raifon , pour continuer de fe mouvoir dans la même di-redion. Tel feroit l’effet total de cette percuffion, fi les boules n’avoient point de reffort, comme on l’a vu par la première expérience de l’article premier. Mais à caufe de l’élafti-cité , la boule D comprimée ou ap-platie, fe rétablit en s’appuyant contre la boule F s ce qui fait que cette réadion la porte en avant, avec autant de vîteffe qu’elle a été compri-Tome h G g
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- 3^4 Leçons dï Physique mée. Or cette vîteffe eft la moitié de celle qui a fait rencontrer les deux boules, c’eft-à-dire , 3 degrés. Ainfi après le choc la boule D fe meut avec 6 degrés de vîteffe , fçavoir 3 qu’elle a reçus par communication a 8c 3 qui lui viennent de fa réaétion.
- La boule F a gardé 3 degrés de fa vîteffe primitive ; mais fa réaction qui eft égale fe fait en fens contraire, 8c la réduit au repos.
- II. EXPERIENCE.
- P R E P A R AT I O N.
- La boule D étant de 2 onces , 8c la boule F de 4 onces, on donne à celle-ci 6 degrés de vîteffe, l’autre étant en repos.
- E F F £ T S.
- Après le choc, la boule D parcourt 8 graduations dans la direction de la boule F, 8c celle-ci continue de fe mouvoir du même côté, 8c parcourt 2 graduations.
- Explications.
- Il faut confidérer d’abord le jîiou-
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- Experimentale. 3 5*5-vefnent communiqué en raifon des maffes indépendamment du refïort ; ôc voir enfuite ce que la réaction ajoute à ce premier effet, ou ce qu’elle en diminue.
- Si les boules n’étoient point élastiques , F de 4 onces rencontrant D de 2 onces en repos, ne perdroitque 2 degrés de vîteffe des 6 qu’elle a , & les deux maffes s'en iroient du même côté avec un mouvement commun , dont la vîteffe feroit 4 , comme nous l’avons vu ci-deffus. * Mais après le choc , il y a réaétion réciproque entre les deux boules à caufe de leur élafticité ; & cette réaction eit égale à 4 degrés de vîteffe communiquée , qui ont caufé lacom-preffion. H faut donc regarder cette réaffion, comme une force qui fe déployé entre les deux boules pour les repouffer de part & d’autre ; elle concourt avec le mouvement communiqué à la boule D , ôc elle l’augmente de moitié. Elle tend au con-* traire à détruire celui qui reffe à la boule Fs mais il faut faire attention que cette dernière maffe eft de 4 ©nces, double de l’autre , ôc que la G gij
- * /. Pro[U VI. Ext*
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- 35*6 Leçons de Physique réaction qui peut faire avancer deux onces de 4 efpaees, n’en peut faire rétrograder que 2 à un poids qui efl: double : ainfi la boule Fmalgré fa réaction , avance encore 2 graduations après le choc, en vertu de fon mouvement primitif.
- III. EXPERIENCE.
- PREPARATION.
- I
- La boule F de 2 onces va frapper avec 6 degrés de vîteïïe , la boule D en repos qui pefe 4 onces.
- Effets.
- Après le choc, la boule D parcourt 4 graduations dans la direélion de la boule F, ôc celle-ci retourne en arriére l’efpace de 2 graduations.
- E X P LICATION S>
- La réfilfance de la boule D contre la boulé F, a réduit la vîtefïe première de 6 à 2, en vertu de fa double malfe; mais les deux degrés de vî-telfe qu’elle a reçus par communication , ont ocafionné une réaélion de même valeur 5 ce qui fait qu’elle par-
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- Experimentale. 3^7 court 4 graduations en avant. La même réaétion agiilant fur F, qui ne péfe que 2 onces, a dû produire un effet double , c’eft-à-dire qu’en vertu de fon refïort, elle parcourroit 4 graduations en arriére; mais elle a gardé 2 degrés de fa première vîteffe : cet effet fe réduit donc à moitié, elle n’en parcourt que 2.
- Applications.
- On a pu remarquer par les réfuî-tats des trois expériences que nous venons de rapporter en preuves de notre première proportion , que le mouvement de réaflâon double toujours celui que le corps choqué acquiert par communication. Car lor£ que la boule D en vertu du mouvement primitif de F, n’auroit dû avoir que 2,3 , ou 4 degrés de vîteffe ; on a vu qu’elle en avoit 4,6, ou 8.
- On a dû obferver encore que cette, même réa&ion qui double le mouvement du corps choqué pour aller en avant, tend avec autant de force à repouffer le corps choquant en arriére ; mais que ce dernier effet diminue comme la maffe augmente. Car *
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- Leçons de Physique par exemple, lorfqu’en vertu de cette force la boule Z) de i onces recevoir 4 degrés de vîteffe en avant, la boule F de 4 onces n’en recevoit que 2. en arriére.
- Ces deux obfervations feront comprendre la raifon de plufieurs effets qu’on a tous les jours fous les yeux , ôc qu’on auroit peine à expliquer , fi l’on ignoroit ces principes.
- Tous les Artiftes qui travaillent en chambre fur des enclumaux , ou fur des tas d’acier, comme les Pla-? neurs, Orfèvres, Horlogers, &c. ne manquent pas d’amortir les coups par un rouleau de nattes , ou chofes équivalentes, fur quoi ils établiffent le billot qui porte finfirument. Sans cette précaution, une grande partie de la force imprimée par le marteau, feroit tranfmife au plancher, & cauferoit des ébranlemens préjudiciables à la charpente.
- C’eft par de femblabîes raifons ? que l’on confirait de briques les remparts des places fortifiées ; fi on les faifoit de grais ou de quelqu’autre pierre dure , les coups de canon venant à frapper ces corps élaftiques 3
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- Experimentale. 35:9 franfmettroient leur mouvement à une plus grande profondeur , & caufe-roient plus de dommage.
- Les effets qui réfultent de la réaction réciproque de deux corps élafti-ques qui font comprimés par le choc, feroient les mêmes, fî ces deux corps, abflradion faite de leur refïbrt 9 avoient preffé entre eux une troifiéme matière capable de fe rétablir ; comme fi, par exemple, un anneau d’acier Fig. 18. étoit frappé de part 6c d’autre , en même - tems par deux boules A 6c B , fufpendues à des fils : cet anneau comprimé par le double choc repoufferoit en fe rétabliflant, les deux corps qui l’auroient choqué à des diflances proportionnelles à leurs maffes ; c’efl-à-dire également loin , s’ils étoient égaux , ou plus loin celui des deux qui feroit le moins pefant.
- On doit encore attendre la même chofe d’un corps dont le reffort an» tërieurement tendu viendroit à fe débander entre deux mobiles ; comme fi l’anneau d’acier dont nous venons de parier, comprimé par un fil diamétral , venoit à fe détendre contre
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- i6o Lëçoks de Physiqûë les deux corps A Ôc B : ils feroiens tous les deux repoufles en fens contraires , &àdes diffances qui feroient en raifon réciproque des poids.
- Ces effets, qui font des conféquen-ces de notre première propofition , doivent fervir à expliquer le recul des armes à feu, celui des fufées, &c. Car on doit regarder la poudre qui s’allume entre la culaffe , Ôc la balle ou le boulet, comme un reffort qui fe déploie de part ôc d’autre; fonaction produit dans les deux mobiles line vîteffe qui eff d’autant plus grande dans l’un des deux , que fa maffe eff plus petite relativement à l’autre. Ainli comme le canon, le moufquet, &c. ( fur-tout fi l’on fait attention aux obffacles qui les retiennent ) font beaucoup plus difficiles à mouvoir que le boulet ou la balle qui fait la charge ; on conçoit aifément pourquoi ce dernier mobile reçoit de la poudre enflammée une vîteffe incomparablement plus grande.
- Une autre raifon contribue encore à augmenter la vîteffe de la balle 5 c’eff une certaine longueur au canon qui donne le tems à la poudre de s’allumer
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- Ex ÎERIMENT ALE. 3&Î lumer, & de déployer toute Ton action; s’il eft trop court, le plomb eft déjà forti avant que l’explofion Toit entièrement faite ; c’eft une des raisons pour lefquelles les pilloiets ne portent jamais auffi loin que les fu-ÊIs ; & l’on fait le canon de ceux-ci plus long qu’à l’ordinaire , quand on les de/line à tirer de fort loin. Mais cette longueur a fes bornes, Sç quand ori les excède , au lieu de procurer, à la balle une plus grande vîteffe, on lui fait perdre au contraire , par un, frottement inutile,, unepartie de celle qu’elle auroit,, li le canon avoit uns meilleure proportion.
- ', Quant au, reculon peut diré en général v: ;qu’en fuppofant la quantité, & la. qualité de la poudre égale, un fufil repoufle d’autant plus , que la charge de plomb fait plus de réfif-tance r fpit par fon poids., foit par la bourre,qui ,1e ;retient.,r..,. •
- Une fufée s’élève parce que la. partie inférieure qui s’enflamme , fait l’office d’un reflort qui agit d’une part contre le corps de. la fufée , Ôc de l’autre contre un volume d’air qui ne cède pas au® vite qu’il.eft frap-‘Xomeh. H h
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- ÿ.6'2 L é ç o n s ’ b $ F h y s i-i u s pé; 8c comme ce reffort fe renouvela le continuellement, par l’inflammation fuCéelïive de ' toutes les parties de la fufée} il en accéléré le mouvement par deux rai Ions : ï?. parce que rendant ‘dans le mobile même , il ajoute tobjours à. fa vîteflë ; 2°i parce que le poids ou là réfiftanCe de cë mobile diminue !à chaque inff tànt, parla diïKpation des parties qui brûlent. : - ? 0
- ‘ On poùrroit demander ief, ipôbf4 quoi fur le tapis d’un billard Vlorfi qu’une bille ëft pouffée contre une àutreen repos, il n’arrive pas la mêr me chofe que dansi la; première expérience , ; qui parôit lë ‘/même
- cas ? 'Ppürquoijles billës/étànt égales^ ce! 1 ë qbl'ch o qu e c © rit ihu bëffeptel-que'toujours de.fe mouvokfjne deé ,yrort-elle pas; relier fans mouvement âpres lë choc f cdririne- îl: à0v& °àriî^
- boule F, lorfqtfiBlîë7 ïènèdécfi&J2s&h
- '^0 -ç OVPiv. :;V il Ofîlj
- Qnôique ceV deux éas^pàtbilïehîf fembiables, ils1 différent cependant entre eux, en ce que là- boule - Fdp nôtre première expérience hVqu’üïÿ îffoiiVement ffrnple 6c-;dire'ff ,°abliê>ï
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- Ë X E E R' X ;M E N; T À t. f. $4$
- .que la bille qu’on lui compare en a deux : car non-feulement Ton centre eft porté en ligne droite , mais en même-tems elle roule fur le plan, <$c toutes les parties de fa fnrface décrivent des cercles parallèles autour de fon axe. Lorfqn’elle rencontre une bille en repos , le mouvement direct de fa maffe totale eft arrêté , par les taifons que nous avons rapportées ; mais celui de fes parties autour de l’axe commun fublîlle s de forte que dans l’inftant. duohoc, fi le plan s’évanoui ffoit , & qu’elle fut foutenue par fes pôles, on la verroit tourner fans avancer ni reculer ; mais fi ce mouvement de rotation fe. fait fur un plan, il faut de nécefîké qu’il porte la bille en avant ; c’eft une choie qui fe conçoit aifément..
- II. Propos iti'ô N.
- Si deux corps élafiiques égaux ou inégaux en majfe , viennent fe heurter avec des vîtejfes propres qui faient égales ou inégales , apres le choc, ils fe féparent, & leur vttejfe refpeüive efi la meme qu’a* vaut le choc.
- Car fi. ces deux corps étoient fans H h ij
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- •g'64 Leçons dê Phÿsious
- reflbrt, ou iis s’arrêteroient récipro* quement, ou l’un des deux emporte-roit l’autre, comme on l’a vu par les expériences du premier article. S’ils fe réparent , c’eft donc uniquement en vertu de leur réa&ion ; mais nous avons vu aufïi que cette rea&ion etë égale à la comprëffion , qui eft comme la vîteffe rèfpe&ive avant le choc : celle qui en réfulte après le choc doit donc être femblable , & c’eft ce que l’expérience confirme*
- PREMIERE EXPERIENCE»
- Préparation.
- ;
- La boule D pefant 2 onces , Sels boule F autant, on les fait tombée l’une contre l’autre par des arcs de 6 degrés chacun. C’eft le cas où les mafies Sc les vîtefifes propres font égales.
- Effet/.
- Après le choc , les deux boùles fe féparent, & remontent chacune dè fon côté un arc de 6 graduations ; ainfi les vîtefles propres font de 6 de* grés& la vîtefife refpeètive de 12 3 comme avant. le cho ç.
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- £ X P E R I MENTAL E. ^6'Ç E X- P* L I C A T I O N JV
- Les deux boules en s’enfrecbo-quant à forces égales, ont perdp tout leur mouvement primitif, mais la réaétion égale à la force avec laquelle elles fe font comprimées, ou ( ce qui efl: la même chofe ) à leur vîtefle refpedive , les a rëmifes en état de remonter les 6 graduations qu’elles avoient parcourues en del-Cendant^
- IL EXPERIENCE.
- "Préparation,
- ' Il faut donner à la bôiile D 4 ôrt~% ces de maffe , ôc à-la boule F 2 onces , & les faire tomber l’une contre l’autre ; la première par un arc de 4 graduations, ôt la fécondé par un arc de 8 : c’eft un des cas où il y a inégalité de malfes , & de vîteifes propres , quoique la vîtelfe refpedive foit: encore 12.
- E F F E T r.
- Les deux boules après s’être Heurtées, retournent à l’endroit d’où elles
- Hh iij
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- $66 Leçons de Physique font parties avant le choc , ce qui fait Voir que la vîteffe refpe&ive eft la même que devant.
- E X r Z I CA T 2 0 NS.
- Si les boules Z) & F, de'cette expérience , n’avoient point de reffort r elles s’arrêteroient réciproquement r parce que leurs forces font égales % car 4 onces de maffe.multipliées par 4 degrés dé vîteffe, donnent 16pour la quantité du mouvement, ce quf eft égal à 8 degrés de vîteffe , multipliée par 2 onces de maffe..Mais ces deux boules font ëlaftiques, & leur çompreffion eft l’effet d’une vîteffe ïefpedive de 12 degrés; la réaétioix eft donc une pareille vîteffe appliquée d’une part à une boule de 2 onces , & de l’autre à une boule de 4 onces ; mais la force qui peut transporter 2 onces à 8 graduations, n’en peut faire parcourir que 4 à une. maffe de 4 onces , pendant le même-tems* Ainft les deux boules après le choc ont dû revenir aux endroits d’où elles étoient parties , comme l’expérience l’a repréfenté. 7.:.
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- ït X PEEÎMENTAE È*
- #*«
- AP P L I C AT 10 N" S,
- ' Ge;que nous avons enfeigné touchant le choc* de deux corps à refi fort, a lieu aufii quoiqu’il- y en ait urï plus grand-nombre côntigus les uns aux autres, ôc ces effets s’exécutent avec une promptitude admirable. Si fon fufpend--, par; exemple, 7 ou & boules "d'y voire de manière qu?ellésaient; leurs; centres; dans- une même* ligne' , comme le repréfente Ta Fig, ï<? ôc que l’on fafle tomber la première par un arc de cercle contre la fécondé , la huitième fe féparera des autres avec une vfceffé femblabîe à celle qpi’auroit eu la: fe coude après le choc , li rien ne s’etoit oppofé' à fon paffage > ôc fi l’on en fait tomber deux ehfemble'contre- la troifiémedes; deux dernières fe dépareront des1 autres* qu# demeureront- tontesWnirepo-Si ""
- De même auffîj que l’on Me torfi-ber la huitième contre - la feptiéme! d’une part, Sc de l’autre la première contre la fécondé ;• ce-s deux boules choquantes, remonteront après le choc par les mêmes arcs- quelles auront parcourus' ém dépendant* ; eom*-
- H h iii|
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- 3^3 Leçons be PhysiQÜS me fi leur percuffion avoit été immé-r diate.
- Pour expliquer ces effets, il faut fe fouvenirde ce que nous avons die à.la page 311 , qu’une boule à reffort dans l’inftant du choc , prend une figure ovale , par laquelle, non-feulement la "partie, choquée eft rapprochée du centre , mais . ëncore celle, qui, lui eft diamétralement oppofée.* Ges deux parties fe/tétabliffent auffi-^ tôt, 8c avec des vîtéffes égales àcel-î le avec laquelle s’eft laite leur corn-preffion. On conçoit donc que la fécondé boule frappée par la première, fe fépare d’abord un peu delàtroifié-mè , & qu’ayant pris,tant par commu-; nication que par réâ&ion, une yitef-fe égale à celle du corps qui l’a heurtée , comme nous l’avons expliqué dans la première expérience de la première propofition ; elle fait fur la boule ftiivante ce. que la:première a fait fur elle. La même chofe fe fait der la troifiéme à la quatrième.,! 8c ainfi de fuite jufqu’à la dernière, qui n’é-' tant retenue par rien, obéit à l’impul-fion qu’elle reçoit, & décrit, un arc qui exprime une vîteffe femblable
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- Experimentale. 369 à celle du premier corps choquant.
- Ces exemples de mouvemens communiqués par des corps élafliques & contigus , pourront nous fervir dans la fuite j pour appuyer quelques opinions ( vraifemblables d’ailleurs ) touchant certains phénomènes fur l’explication defquels les Phyliciens font encore partagés. Nous nous contentons pour le préférât d’établir ces prin-cipes d’expérience, que nous rappellerons , & dont nous ferons ufage à mefure que l’ordre des matières hs petmettra.
- Corollaire*
- On a pû remarquer par les expériences que nous venons de rapporter , que quand les corps à reffort fe choquent de manière qu’ils aillent dans la même direction , ou que l’un des deux relie en repos après le choc, la fomme des mouvemens elt la même après comme avant laperculïion % car immédiatement avant le choc de' la première expérience, tout le mouvement réfide dans la boule F, & fa quantité ell 12 , fçavoir 6 de vîtefie multipliée par 2 de malTe ; & après
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- 37o Leçons de.Fhï'sï.Q'17e le choc pareille quantité fe retrouve dans la boule D qui fe meut feule» Mais li l’un des deux retourne en arriére , la quantité du mouvement fe trouve plus grande après qu’avant le choc, comme il paroît par le résultat de la troifiéme expérience; car avant que la boule F rencontre la boule D en repos , fa quantité de mouvement eft 12 : fçavoir 6 de vî-telfe multipliée par 2 onces. Et après la pereuffion, la fomme des mouve-mens eft 20 ; fçavoir dans la boule D, 16, produit de 4 onces par 4 degrés de vîtefîe , & dans la boule F, 4, produit de 2 onces par 2 de vîteffe.
- Non-feulement la fomme.des mou-vemenseft plus grande après le choc* mais celui du corps choqué excède même en quantité celui du corps choquant, avant le contaèl. Car dans, la boule F avant le choc, le mouvement étoit 12, & après la pereuflion* il eft 16 dans la boule D , comme nous venons de le remarquer»
- Cet excès ou cette différence de mouvement dans le corps choqué ,, égale précifément la quantité de celui qui rétrograde après le choc; c’eft ce
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- qu’on appercevra d’abord, fi l’on fait attention que la quantité du mouvez ment dans la boule F qui retourne en arriére , eft 4 , différence de 16 à 12.
- Ainfi les maffes étant connues, fi l’on fçait la vite fie de celle qui rétrograde après le choc, on peutfçavoir la quantité du mouvement de l’autre , & quelle a été la fomme du mouvement primitif.
- Nous ne devons pas quitter cette matière fans avertir, qu’on ne doit point eftimer l’impulfion des fluides, félon les régies que nous avons étar folies touchant le choc des corps fondes; ceux-ci ayant leurs parties liées agiffent félon toute leur maffe, mais il n’en eft pas de même de l’adion des autres : à caufe de la mobilité ref pedive de leurs parties , il n’y a que ce qui eft immédiatement & directement expofé au choc qui falTe effort ; le relie ne perd point fa vîteffe , 6c par conféquent ne contribue point à l’effort ; c’eft pourquoi l’eau & le vent ne communiquent pas tout d’un coup leur viteffe aduelle à un mobile , ce n’eftqu’aprèsun certain tems, que celui-ci reçoit tout le mouvement qui
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- 572 Leçons t>e Physique. peut lui être tranfmis : c’eft une chbfe dont il efl aifé de fe convaincre , en obfervant les ailes d’un moulin à vent, ou la roue d’un moulin à l’eau, quand elles commencent à fe mouvoir.
- Fin du premier Volume
- TABLE
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- TO.M . 1 , lis, IsEÇOJV rl .7
- Dheulland d<tl . et <Sculp
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- S7Î
- TABLE
- DES MATIERES
- Contenues dans le premier Volume»
- Explications de quelques termes de Géométrie employés dans cet Ou» vrage.
- PREMIERE LEÇON.
- Préliminaire. Page r.
- PREMIERE SECTION. De l’étendue & de ia divifibilité des Corps, f.
- Première Expérience , qui prouve que la Matière eft divifîble en un très-grand nombre de parties, ry.
- II. Exp. pour prouver la même Proportion par des diil'olutions. 19.
- III. Exp. qui prouve la même dhofe par les odeurs. 27.
- . IV. Exp. qui prouve encore la divifibilité des Corps par les parties colorantes, 33. Preuves tirées de la ductilité des Métaux , 8c des procédés qui font en ufage chez: les Batteurs 8c Fileurs d’Or. $y. & fmv» SEC. SECT. De la figure des Corps. 4y.
- Ü. Exp. qui prouve que les plus petits
- ‘Toms /. ïi
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- 574. TABLE
- grains de fable font figurés, yo.
- II. Exp. qui prouve que les différons Sels font compofés de parties diverfement figurées. 52.
- III. Exp. par. laquelle on fait voir que les plus petits Infeéles différent en figures »
- ' autant 8c plus que les plus grands A ni-' maux. 56.
- TROIS. SECT.De la folidité des Corps.6y.
- I. 'Exp. Que les matières les moins compactes font capables de réfifter à d’autres Corps. 68.
- II, Exp» qui prouve la même chofe. 74,
- IL LEÇON.
- De la porofité, cornerejjibilité & élafii-cité des Corps.
- PREMIERE SECT. De la Porofité. 81.
- I. Exp. qui prouve la porofité du Bois. 83.
- II. Exp. qui fait voir ia porofité de la peau: des Animaux. 90.
- III. Exp. par laquelle on fait voir que la coque des œufs eft poreufe. py.
- IV. Exp.. qui prouve la porofité du Papier, 8c de plufieurs autres Matières , par les encres de fympathie. 101.
- Que la quantité 8c la figure des pores n’efl: pas la même en toute matière. Preuves tirées de la Gravure à l’eau forte, de la teinture des Marbres 8c des Vernis. 107. & fuiv.
- SECONDE SECT. De la compreffibilité 8c de l’elafticité des Corps. 11 y.
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- DES MATIERES. 57;
- ï. Exp. qui prouve que l’eau n’efl: pas fenli-blement compreffible. 120.
- II. Exp. qui prouve la même chofe. 121.
- III. Exp. par laquelle on prouve que les Corps foüdes les plus durs font fenfible-ment compreflibles. 127.
- De l’élafticité ou reffort des Corps. Remarques fur les applications qu’on a faites des Corps à relfort aux Montres, aux Pendules, aux Armes à feu, aux Voitures , aux Sons, 8cc. 131. & fuiv.
- Comment les Me'taux acquièrent du reffort ; les effets de la trempe fur l’Acier. 138. & faiv.
- Digreffion furies Sens en général. 145. Et en particulier du Toucher. 1 jz. Du Goût. jj-8. Et de l’Odorat. 16$.
- III. LEÇON.
- De la mobilité des Corps.
- Du Mouvement, de fes propriétés 8c de fes loix.
- PREM.SECT.de la mobilité des Corps.177.
- I. Exp. pour prouver que la force d’inertie n’eit pas la même chofe que la péfan-teur. 18<5.
- SECONDE SECT. Du Mouvement en général , 8c de fes propriétés, ipo.
- Diftinétion des Forces vives 8c des Forces mortes. 198.
- TROISIEME SECT. Des Loix du Mouvement {impie. 206.
- Première Loi du Mouvement {impie. 207,
- Art. I. De la réiiftance des milieux. 211$
- ü i)
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- 37 6 TABLE
- I. Exp. qui prouve que les milieux réflflenî en raifon de leurs denfités 213.
- II. Exp. qui prouve la même chofe. 218.
- III. Exp. par laquelle on prouve que la rélîflance des milieux eft proportionnelle aux volumes des Corps qui s’y meuvent. 223.
- Art. II. De la réfiftance des Frottemens. 23°.
- I. Exp. qui fait connoître deux fortes de Frottemens, fort différens l’un de Tau-tre. 240.
- II. Exp. qui fait voir qu’on doit tenir compte des furfaces Jorfqu’on veut évaluer les Frottemens. 248.
- III. Exp. qui prouve que les Frottemens augmentent beaucoup plus par les preffions, que par la grandeur des furfaces 252.
- Çonclufion fur le Mouvement perpétuel méchanique. 25J.
- IV. LEÇON.
- Suite des Loix du Mouvement /impie,
- Des caufes qui changent la dire&ion du Mouvement. 259.
- Seconde Loi du Mouvement limple. 260.
- Troifiéme Loi du Mouvement limple. 161.
- PREMIERE SECT. Du changement de direction occafionné par la rencontre d’une matière fluide. 262.
- I. Exp. pour prouver que l’obliquité d’incidence eft une condition néceffaire pour la réfraction. 2 66.
- U. Exp. pour prouver qu’il y a réfra&ion*
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- DES MATIERES. 377
- lorfque les milieux font différens, 8c que le Mobile palTe obliquement de l’un dan» l’autre. 272.
- III. Exp. qui fait voir que quand l’incidence du Mobile eft trop oblique, la ré-fraétion fe change en réfleétion. 282. SEC. SECT. Du Mouvement réfléchi. 28p.
- I. Exp. qui fait voir qu’il n’y a point de Mouvement réfléchi, quand il n’y a point de reiTort dans le Mobile, ou dans le plan qui eft choqué. 301.
- II. Exp. qui prouve que le Mouvement de- vient réfléchi, quand le Corps choque', . ou celui qui choque, eft élaftique. 306.
- III. Exp. pour faire voir que l’angle de ré-. fleétion eft égal à celui d’incidence. 312. TROIS. SECT. De la communication du
- . Mouvement dans le choc des Corps. 316. Art. I. Du choc de§ Corps non élaftiques. 322.
- I. P r o po s. Quand un Corps en repos eft - choqué par un autre Corps , la vîtefle
- du Corps choquant fe partage entre les deux félon le rapport des maflfes. ibid. ï. Exp. dans laquelle on employé des maffes égales. 323.
- II. E&p. dans laquelle le Corps choqué a deux fois autant de mafle que le Corps choquant. 3 27.
- III. Exp. dans laquelle le Corps choquant a deux fois autant de mafle que le Corps choqué. 328.
- II. Propos. Quand deux Corps, qui fe meuvent du même fens avec des vîtefles inégales , viennent à fe heurter, foit que leurs malles foient égales ou non, ils
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- 378 TABLE
- continuent de fe mouvoir enfemble , & „ dans leur première direction , avec une vîtelfe commune , moins grande que celle du Corps choquant , mais pius grande que celle du Corps choque' avant la perculEon. 333.
- I. Exp. avec des maffes égales , les vîtelfes étant dans le rapport de 3 à 6. 3 34.
- II. Exp. avec des malTes, l’une double de l’autre, 8c des vîtelfes qui font en raifon réciproque des malfes. 336.
- III. Exp. dans laquelle Fun des deux Corps , ayant une fois moins de malfe que l’autre , a deux fois autant de vîtelfe que lui. ?38-
- III. Propos. Si les deux Corps qui doivent fe choquer, fe meuvent en fens direc-. tement contraires , le mouvement périra . dans l’un 8c dans l’autre, ou au moins dans l’un des deux ; s’il en relie après le choc , les deux corps iront du même fens, 8c la quantité de leur commun mouvement fera égale à l’excès de l’un des deux avant le choc. 341.
- I. Exp. avec deux Corps dont les malfes 8c les vîtelfes font égales, ibid.
- II. Exp. avec deux mobiles, dont les quantités de mouvement font dans le rapport de 12 à 24. 343.
- Corollaire, ou conféquences des Proportions précédentes. 3 47.
- Art. II. Du choc des Corps à reflorr. 34p. I. Propos. Quand un Corps à relfort va frapper un autre Corps à relfort qui eft en repos , ou qui fe meut du même fens que lui, celui-ci après le choc, fe meut
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- DES MATIERES. 37$
- dans la direction du Corps qui l’a frappe' , 8c avec une vîtelfe compofée de celle qui lui a e'te' donne'e immédiatement, ou par communication, 8c de celle qu’il acquiert par fa réaction après le choc ; 8c le Corps choquant dont le reifort agit en fens contraire , perd en tout, ou en partie , ce qu’il avoitgarde' de fa vîtelfe pre-mie're : 8c fi fon mouvement re'fie'chi excède le reliant de fa vîtelfe premie're , il re'trogradefuivant la valeur de cet excès.
- 33*r-
- I. Exp. avec deux mobiles de même malfe, 8c qui ont des relforts e'gaux. 35a.
- II. Exp. avec deux Corps également diadiques , celui qui elt choqué ayant une fois moins de mafle que l’autre. 3 54.
- III. Exp. avec des Corps également diadiques , celui qui choque ayant une fois moins de malfe que l’autre. 356.
- II. Propos. Si deux Corps diadiques égaux ou inégaux en malfe , viennent fe heurteE avec des vîtelfes propres qui foient égales ou inégales ; après le choc ils fe fépa-rent, 8c leur vîtelfe refpeétive ed la même qu’avant le choc. 363.
- I. Exp. avec des boules d’yvoire de même poids, & qui ont des vîtelfes égales. 364.
- II. Exp. avec des boules d’yvoire, dont les vîtelfes 8c les malfes font inégales-16$. <
- Corollaires, ou conféquences des Propo-fitions précédentes. 3 69.
- Fin de la Table des Matières.
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TOME 2
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- LEÇONS
- DE PHYSIQUE
- EXPÉRIMENTALE.
- TOME SEÇON&*
- • -S
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- p.n.n. - vue 2/518
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- LE
- DE PHYSIQUE
- EXPÉRIMENTALE.
- Tar M. l’Abbé Nollet, de T Académie Royale des Sciences , & de la Société Royale de Londres.
- TOME SECOND.
- Si: conde Edition*
- PARI SVX *
- Chez les Freres Guérin , rue S. Jacques* vis-à-vis les Mathurins, à S. Thomas
- d’Aquin.
- muai
- M. D C C. XL V.
- Avec Affîtebatien & Privilège du Roy*
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- LEÇONS
- DE PHYSIQUE
- EXPÉRIMENTALE.
- V- LEÇON.
- Sur le Mouvement compofé, & fat les Forces centrales.
- peatsaass
- PREMIERE SECTION.
- Du Mouvement compofé,
- N appelle mouvement com-pofé, celui d’un corps déterminé à fe mouvoir par plufieurs caufes ou puiffan-ces qui agirent félon des directions différentes ; tel eft, par exemple, le 'Tome IL A
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- 2 Leçons de Physique mouvement d’un bateau qui s’entretient dans la direction du canal AB, en obéiflant en même tems aux deux pui(Tances C, D , Figure i.
- Comme le mouvement (impie a Tes loix , le mouvement compofé a aufli les Tiennes ; elles peuvent toutes Te rapporter à une feule qui efl énoncée dans la propofition fuivante , & dont elles ne (ont que des confé-quences.
- Loi du Mouvement eompoje.
- Qu si n n un corps efl mis en mouvement par plufleurs puffances qui agijfent en même tems, & félon différentes directions j ou il demeure en équilibre , ou bien il prend un mouvement qui fuit le rapport des puffances entr’elles pour la vîteffe, &• il reçoit une direclion moyenne entre celles des puffances aufquelles U obéit.
- Car lorfque deux puiflances agif-fent en même tems fur un mobile, ou elles font directement oppofées comme A, E , Fig. 2. ou bien leurs directions font angle enfemble, comme B M & FM, C M8cGM, &c. puifque fi elles Te réuniffoient, com-
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- Experimentale. 3 me on le voit en N, il eft évident qu’elles concourroient dans la même direction, 8c qu’il n’en réfuîteroit qu’un mouvement fimple dont la vîteffe fe-roit le produit des deux forces : de forte que fi l’une des deux étoit capable de tirer ou de pouffer le corps M en N, les deux enfemble qu’on fuppofe égales, le feroient aller jufqu’en K.
- Les deux puiffances étant oppofées dans la même ligne , le mobile fur lequel elles agiffent, demeure en équilibre entr’elles, en cas d’égalité; car il n’eft pas poffible qu’il aille en mê-* me tems à droite & à gauche ; 8c pourquoi fe porteroit-il d'un côté plutôt que de l’autre, s’il éprouve d’une part autant de réfiffance qu’il fouffred’im-pulfion de l’autre part ?
- Mais fi les puiffances font inégales a le mobile obéit à la plus forte des deux , félon leur différence ; c’eft-à-dire, que fi E eft à a comme 3 eft à 2 , le corps Mobëit à ia première, comme fi fa valeur étoit 1 , différence de 3 k 2. Ainfi les puiffances étant directement contraires, il en réfulte ou le repos, ou le mouvement fimple, mais retardé.
- Aij
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- ^ Leçons de Phys i que
- Quand les puiffances font dirigées de manière qu'elles faffent angle , ou ( ce qui efl: la même chofe ) que leurs diredions fe croifent aü mobile, comme B b , Ff, alors le mouvement fe compofe en vîteffe 8c en diredion, 8c Tune 8ç l’autre fe mefure par la diagonale du parallélogramme, par les côtés duquel les puiffances font exprimées. Expliquons ceci en confidé-rantféparément dans la Fig. 3. les deux puiffances C, G, de le mobileMàe la Fig. 2.
- Suppofons donc que le corps M foit tiré en même tems par deux forces C, G, que nous faifons égales en les exprimant par deux lignes de même longueur ; que chacune de ces lignes foit divifée en 6 efpaces égaux Sc diftingués par des chifres 8c par des lettres. Imaginons que C Mefl une régie fur laquelle fe fait le mouvement de haut en- bas, pendant que cette régie fe meut parallèlement à elle-même fur la ligne M G. Il efl certain que la régie mobile étant parvenue au chifre 1 de la ligne MG , le corps M fera defeendu d’une pareille quantité , 8c qu’il ne fera ni au
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- r, 'B. x: t t M:, E;:N T AJL-p, T S
- point i, ni au point : a., «mais en h ; de même pendant que la régie parviendra au chifre 2 , le corps M def-cendra encore d’un eÇpacè, &fe trouvera au point k. [C& qui. continuant toujours de roême pendant, le mouvement parallèle de; la régie fur MG * on Voit que le mobile M aura pafie fucceflivement par tous les points de la ligne Mn , diagonale du parallélogramme MG n C:> dpntles deux cotés GM, C Mi expriment le rapport des puiffanceSé, q >
- La longueur de cette diagonale M n donne la vîtefîe du mouvement çoriipofé , qui, comme l’on voit , n’eft jamais auffi-grande, que la fom-mc dès deuxjvîtenes ,qui la font naître ; car Mn n’égàle pas M G ôç MC prifes enfemble. Et fi ces, deux forces concouraient à pouffer le mobile dans une même direction, elles lui feraient faire plus de chemin qu’il n’en fait lorfqu’elles le folîicitent d’aller vers deux points différens. Mais en obéiiïant ainfî à l’une & à l’autre en même tems, il arrive par un chemin plus court au; terme des deux tendances.
- ' * " ........' A iij
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- 6 Leçons dé Physique
- Cette même ligne devient plus courte, à mefure que les directions des puiffances font entr’elles un angle moins aigu ; car dans le cas où ces puiffances agiroient fuivant les lignes H M, D M> Fig. 2. la diagonale feroit Ml, plus longue que ne feroit LM, ou O M, fi leurs aClions étoient exprimées par GM, CM, ou bien par B M, FM.
- De toutes les pofitions que peuvent prendre entr’elles deux forces qui agifient en même tems fur un mobile , il n’y en a qu’une qui rende leurs actions réciproquement indifférentes , c’eft lorfque leurs directions font entr’elles un angle droit , comme CM, GM, Fig. 3. Car celle qui agit horizontalement tend à mener le mobile à la diffance G , 8c il lui eft indifférent que ce foit en G, ou en », ou à tout autre point pris dans cette ligne. De même celle qui agit verticalement, demande que le mobile arrive à une diffance égale à MCj 8c cette diffance de haut en-bas fe trouve par-tout dans la ligne C n. Ainfi quand l’une & l’autre force agit en même tems, chacune d’el-
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- Experimentale. 7 les s’exerce fur le mobile, comme s’il étoit libre de la parc de l’autre ÿ elles ne s’aident ni ne fe nuifent.
- Mais il n’en eft pas de même fi l’angle que ces deux puiffances font entr’elles, eft obtus ou aigu ; dans le premier cas elles fe détruifent en partie, & dans l’autre elles s’entr’aident. Si, par exemple, les deux forces font entr’elles l’angle RP Qj Fig. J. le mobile vient en S, 8c la puiffance PR eft diminuée de la quantité Tou St : 8c au contraire fi les puiffances font dirigées de manière qu’elles faffent entr’elles un angle femblable à V X Y, Fig. 6. le mobile vient en u, 8c la puiffance If eft augmentée d’une quantité égale à Z u , ou Yy.
- La diagonale dont nous parlons , donne encore la diredion du mouvement compofé ; car fi l’on applique à tout autre parallélogramme le raifonnement que nous avons fait , lorfque nous avons fuppofé les puiffances égales entr’elles, comme les deux côtés d’un quarré parfait, on verra que cette ligne ne demeure également diftante de l’une 8c de l’autre puiffance, que dans le cas d’égalité ;
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- 8 Leçons »e Physiq.üe ôc que quand les forces font inégales entr’elles , la diagonale eft plus inclinée à celle des deux qui eft la plus grande, comme on peut le voir en jettant les yeux fur la Fig. 4.
- Il fuit de ces principes,que fi l’on fçait l’angle de direction des puiflances ôc leur degré de force , on connoît auflî refFet qu’elles doivent produire fur le mobile , c’eft-à-dire , fon degré de vîteflfe , ôc le chemin qu’il doit tenir. Car on voit par les Fig. 3,4, $ ôc 6* que fi l’on exprime la valeur des puiffances, ôc leur direction , par des lignes qui fe joignent par un bout , en établififant un parallélogramme fur ces deux premiers côtés, la diagonale donnera ce que l’on cherche.
- Il fuit encore , que fi l’on connoît l’effet commun de deux puiflances fur un même mobile , ôc l’état de l’une des deux , je veux dire , fa direction, ôc fon degré de force, on peut juger de la valeur ôc de la pofition de l’autre. Si je fçais, par exemple, qu’un mobile a été porté de P en S, Fig. £. par faCtion de deux forces dont une eft exprimée par PR, je tire la ligne S parallèle ôc égale
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- Experimentale. ‘ 9
- à P P ; 8c en achevant le parallélogramme , je vois que Pt?efl l’autre puiffance plus.petite.que la première, 8c faifant avec elle l’angle de direction P P .g.
- i Nous allons joindre les preuves d’expériences aux explications 8c aux raifons que nous venons d’expofer ; & pour procéder avec ordre , nous confïdérerons d’abord les effets de deux puiffances directement contraires , 8c nous verrons erifuite comment fe compofe le mouvement produit par deux forces dont les directions fe croifent au centre du mobile.
- Nous fuppofons encore que le rap port des forces demeure confiant ; ç’çflrà>. dire , -que • pendant tout le tèms qu’elles agiffent fur le mobile y il n’arrive à l’une des deux aucun changementquilafaffeplus ou moins différer de l’autre , en forte que fi elles font égales en commençant, cette égalité perfévére jufqu’à la fin : ce qui peut fort bien fubfîfter avec des af-fô’ibliffemens caufés par la réfiftance des milieux, ou par des frottemens, pourvû que ces changemens foient égaux de part 8c d’autre.
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- &o Leçons de Physique
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- PREMIERE EXPERIENCE.
- T R E P j* R AT I 0 N.
- La Fig. 7. repréfente une table ronde , on un guéridon, qui porte en fa circonférence des poulies de renvoi , comme A , B ; on fait paffer fur ces poulies deux cordes C A E, CB D, qui tiennent d’une part au mobile C, & qui foutiennent de l’autre part un poids de plomb D, E.
- Effets.
- Si les deux poids font égaux , le corps C demeure en équilibre , partout où il fetrouve dans la ligne A B , fi le poids E péfe 2 onces, & que D n’en péfe qu’une, le corps C eft emporté vers A , comme lî E péfoit 1 once , & qu’il n’y eût aucune réfif-tance en D : ce qui fe reconnoît en expofant fous fa chûte une cuvette remplie de terre molle , dans laquelle il fait un enfoncement qu’on peut mefurer & comparer.
- Explications.
- On appelle équilibre en général, l’é*
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- . TOÆ. H, V, LEÇON , PI, 1 ,
- Dheulland. del. et J'euif
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- Experimentale. ii tat d’un corps qui eft follicité de fe mouvoir en deux fens oppofés avec des forces égales ; cette double tendance ne peut avoir fon effet, à caufe que les forces qui la produifent de part & d’autre font égales ;c’eft pourquoi autant que dure cette égalité, le mobile demeure en repos. C’efl auffi la raifon pour laquelle le corps Cde notre expérience demeure partout où il fe trouve, dans la ligne qui joint les deux puiffances, lorfque les poids E 6c D font égaux.
- Mais fi l’un des deux vient à augmenter , l’équilibre efl rompu auffi-tôt, ôc le mobile obéit au plus fort. II ne lui obéit cependant qu’autant qu’il excède le plus foible ; car la ré-fîftance de celui-ci n’efl: point anéantie, elle fubfifte toujours, Sc fon effet efl de confumer une force contraire & égale à la fienne ; ainfi quand le mobile C efl emporté par le poids E , ce ne peut être que par la quantité dont ce dernier furpaffe l’autre.
- Applications.
- Tous les corps qui font preffés ou retenus entre une puiffance 6c un
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- 12 Leçons i>e Physique point d’appui, font autant d’exemples qui repréfentent ce que nous venons de prouver par l’expérience précédente : car nous fçavons par la troifiéme loi du mouvement fimple , que la réaction eft égale à l’aéiion ou à la compreiîion; ainfi quand un me-nuifier ferre un morceau de bois entre fon établi 8c le valet, c’eft le fixer entre deux puiflances égales : on doit dire la même chofe d’un morceau de fer retenu dans l’étau d’un ferru-rier ; d’une corde tendue entre deuk points fixes ; d’un bateau attaché à un pieu pour réfifter à la violence du courant, 8cc.
- Deux poids égaux font en équilibre , 8c par conféquent demeurent en repos aux deux bouts d’une corde qui embralfe une poulie , tant que cette corde eft égale de part & d’autre ; car alors chaque poids ed autant tiré en en-haut par fon antagonifte , qu’il l’efl en en-bas par fa propre mafi fe. Mais fi la corde devient plus longue d’un côté que de l’autre , l’équilibre ne fubfifte plus ; la péfanteur de la quantité excédenteefl: une nouvelle puiiTance qui aide à defeendre
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- Experimentale. 13 celui des deux poids qui efl le plus bas. Et c’eft une chofe à laquelle on doit faire attention , quand on conf-truit dés machines pour tirer de l’eau, des pierres, des mines &c de fou-terrains très-profonds ; ou pour élever des fardeaux à des hauteurs considérables ; fi l’on oublioit de faire entrer en compte le poids des cordes , on tomberoit fou vent dans des erreurs ; car ces cordes font ordinairement très-pefantes, & quand elles font étendues de toute leur longueur, elles ajoutent beaucoup à la réfiftan-ee qu’on s’e.fl propofé de vaincre : ôn s’en apperçoit fenfiblement quand on tire a’une grande profondeur un fceau plein d’eau ; on a plus d’effort à faire quand il commence à monter 9 que lorlqu’il arrive en-haut.
- II. EXPERIENCE.
- Vreparatjon,
- La machine qui efl repréfentée pat la -Fig. 8. efl un plan vertical d’un pied en quarré, élevé furunebafe : en fiT-eft un point fixe', auquel efl attaché un fil qui paffe fur une poulie G s
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- 14 Leçons de Physique & qui porte à Ton extrémité un plomb F. La poulie Geft mobile fur deux fils de laton tendus parallèlement d’F7 en I, & on la tire avec un fil quipaffe fur une autre poulie fixée en/.
- Effets.
- Lorfqu’ontire la poulie de G en 7, le poids monte par la diagonale F1.
- Explications.
- Le corps F eft mis en mouvement par deux puiflances, dont une exige qu’il s’élève d’une hauteur égale à FG; ôc l’autre, qu’il s’avance d’une longueur égale à GI. Car le point fixe qui arrête le bout du fil en H, & qui caufe l’élévation du mobile F, doit être regardée comme une puif-* fance égale à celle qui tire la poulie mobile vers le point I. Si ces deux forces avoient leurs effets féparément, le plomb parcourroit fucceffivement les deux lignes F G & GI', mais parce qu’elles agifient en même rems , & qu’elles font égales entr’elles , le mobile s’avance autant & à mefure qu’il monte, ce qui fait qu’il fe meut dans la diagonale F L
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- Experimentale. ij Cette expérience fait affez bien voir ce que nous avons donné comme une fuppofition dans la Fig. 3. Car le fil F G qui tient le plomb fuf-pendu , repréfente la régie mobile qu’on peut regarder comme divifée en 6 parties égales , & qui diminue de longueur à mefure qu’elle s’avance fur chacune de fes parallèles marquées fur le plan : c’eft la même cho-fe que le corps F monte en s’avançant fur le fil, ou que ce fil, au bout duquel il efî fixé , diminue de longueur ; s’il diminue donc d’une partie, lorfqu’il fera parvenu à la première parallèle , le plomb fera en ai s’il diminue encore d’une partie en s’avançant à la fécondé parallèle , le plomb fe trouvera en b, Sc ainfi de fuite , jufqu’à ce qu’enfin le mobile ait parcouru toute la ligne FI.
- Applications.
- Les vols qu’on imite à l’Opera 8z aux antres fpe&acles, s’exécutent pat une' méchanique affez lémblable à celle que nous avons employée dans l’expérience que nous venons d’expliquer ; on a foin feulement de pro-
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- i6 Leçons de Physique portionner les pièces aux efforts qu’el les doivent foutenir , & pour cachei le plus qu’il ëfl poflible les cordes aux yeux du Spedateur, on les fait avec des fils delaton affez menus, ôc en affez grand nombre, pour concilier en même-tems la force ôc la flexibilité.
- - L’ufage apprend à un Batelier, que ce n’efl: point par la ligne la plus courte qu’il faut diriger fon bateau fur la rivière pour arriver au point le moins éloigné du rivage oppofé ; il fçait que s’il tendoit de P en R , Fig. i. il arriveroit en quelque endroit au-deffous, comme en L; il fe dirige vers T, Sc la force du courant le ramène peu à peu , en lui faifant décrire une ligne courbe.
- La raifon de cet effet fe préfente d’elle-même quand on fait attention que le bateau pouffé dans une direction qui n’efl point celle du courant, compofe fon mouvement des deux forces dont il éprouve l’affion : auflï voit^on que quand l’une des deux augmente , il faut que l’autre croiffe par proportion , fi l’on veut confer-ver le même effet. Si la crue des eaux
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- Experimentale. 17 eaux rend le courant plus rapide , il faut travailler davantage pour arriver au même but ; ou bien il faut diriger le bateau plus haut, de ce dernier parti eft celui que nous voyons prendre aux Bateliers établis fur les ports pour le paflage public.
- Les poiiïons nous fourniffent un exemple de mouvement compofé, alfez remarquable ; lorfqu’ils veulent aller de côté ou d’autre, ils frappent Peau d’un coup de queue ; le fluide ne cédant point aufli vite qu’il eft frappé, fert de point d’appui au corps du poiflon pour fe tourner à droite ou à gauche. Mais quand l’animal veut aller en avant, ce mouvement eft toujours précédé de deux coups de queue fubitement frappés , & en fens contraires ; le corps alors prend un mouvement compofé de ces deux impulflons, il ne va ni à droite, ni à gauche , mais dans une direction qui tient le milieu entre l’une & l’autre»
- Cette manière d’aller en avant par des mouvemens obliques, ôc oppo-fés les uns aux autres, fe peut obfer-ver encore dans la plûpart des reptiles , comme les ferpens 3 couleuvres* Tome IL B
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- 18 Leçons de Physique vipères, &c. l’habitude qu’ont ces animaux d’employer ces deux moù-Vemens , & de les combiner enfem-ble, leur donne la facilité non-feulement de fuir avec une grande vîtelfe , mais même de tromper ceux qui les pourfuivent par des détours fort adroits.
- Les oifeaux , & la plûpart des in-^ feftes aîîés, compofent auiïi leurs vols quand il s’agit de tourner ; c’eft en battant d’une aîïe ou plus fortement , ou plus fréquemment que de l’autre: c’eft une obfervation qu’on peut faire aifément en regardant voler un papillon ; l’irrégularité de fes mouvemens eft un effet & une preuve très- fenfible de l’aftion inégale de fes allés.
- L’art imite en quelque forte ce mé-chanifme naturel avec lequel les animaux compofent leurs mouvemens. Nous voyons tous les jours arriver fur la Seine des bateaux de foin 8c autres , qui n’ont d’autres moteurs que' le courant de la rivière, & un petit aviron court 8c un peu large , qu’un homme fait mouvoir continuellement de droite à gauche} à-
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- Experimentale. 19 peu-près comme la queue d’une carpe qui nage en avant.
- Mais une imitation bien parfaite & bien curieufe de ces mouvemens compofés, c’eft l’appareil & la manoeuvre admirable d’une galère, où l’on voit le bon ordre & l’habitude employer avec une adrefle inexprimable , plufieurs rangs de rames pour varier les vîteffes & les directions du vaiffeau félon le befoin.
- III. EXPERIENCE.
- Préparation.
- AB CI), Fig. 9. efl un petit billard5 au bout duquel s’élève perpendiculairement un chalîis qui porte deux ailes tournantes E, F; à chacune de ces ailes, eft fufpendu un marteau d’y-voire qui fe meut librement autour du point G. On dirige les marteaux comme l’on veut, en tournant plus ou moins les ailes qui les portent, ÔC l’on règle leurs vîtelles dans tel rapport que l’on fouhaite , en les-faifant tomber par des arcs plus ou moins grands, mais toujours en même-rems fur une bille d’y voire placée en H.
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- 20 Leçons de Physique
- Effets.
- Quand les marteaux ont des vî-teffes égales, & que les ailes font également inclinées à la ligne HJ', la bille après le choc , fuit cette dernière direction. Si les deux coups font inégaux , ou les directions différemment inclinées , la bille décrit une ligne qui s’écarte plus on moins de H1j comme HB, ou H K, félon le rapport des forces qui l’ont déterminée à le mouvoir.
- Explication s.
- Cette expérience doit s’expliquer de même que la précédente : un des marteaux qui agiroit feul, chafferoit la bille dans fa direction ; elle iroît donc vers M ou vers N ; mais quand ils agiffent tous deux en même-tems, comme il n’eft pas poffible qu’un même mobile fe porte à la fois vers deux points oppofés, la bille ainfi frappée prend un mouvement qui participe des deux vîteffes 8c des deux directions. Ce qu’on voit de plus par cet exemple, c’eff que deux forces une fois imprimées par des caufes qui
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- Experimentale, m ceffent d’agir enfuite , ont le même effet, & compofent le mouvement du mobile , comme fi leurs adions étoierit continues ; car on a dû remarquer que deux coups de marteaux opèrent fur la bille , ce que les deux fils tirés en même-tems ont fait fur le plomb de la fécondé expérience.
- Application-s*
- Ce que l’on jette par la portière d’un caroffe qui roule, ou fur le rivage quand on eft dans un bateau emporté par le courant, ou bien de côté en courant à cheval, n’arrive jamais au but qu’on s’eft propofé , fi l’on n’a égard qu’à la feule impulfion du bras. Car outre celle-ci, on doit encore compter fur le mouvement de la voiture , du bateau , ou du cheval, qui eft commun au mobile & à la main ; c’eft pourquoi quand on faute hors d’un carroffe ou d’un bateau en mouvement, on doit s’attendre de tomber au-deffous de Pendroit qu’on a vis-à-vis de foi à l’inftant qu’on s’élance. Mais on ne doit pas croire que les accidens qui arrivent en pareil cas, viennent de ce que le mouYe-
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- 22 Leçons de Physique ment compofé devenant plus oblique , ne porte pas le corps affez loin pour toucher terre , ou pour échapper à la roue ; car on peut voir par la Fig. 3. que fi la ligne MC, repréfente le corps de la voiture , l’extrémité n de la diagonale en eft auflfi loin que le point G ; mais le mal vient de ce qu’on ne prend point toute la vî-telle qu’on croit prendre , parce qu’on a pour point d’appui un plan qui n’eft point fixe , & dont le mouvement occafionne fouvent une chute inopinée.
- Un noyau preffé obliquement, & qui s’échappe des doigts , eft encore un exemple bien familier du mouvement compofé de deux impulfions dont les effets fubfiftent , ôc confervent leurs rapports , quoique les caufes ayent ceffé d’agir. Ce fait en rappelle un autre qui eft moins commun, mais qui n’eft guéres ignoré des joueurs de billard. Si du tranchant de la main , on frappe une bille hors du plan de fbn équateur, qui eft perpendiculaire au tapis fur lequel elle eft pofée ; elle s’échappe d’abord en avant, comme lemoyau preffé obliquement de deux
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- Experimentale. 23 côtés ; mais ce qui paroît fingulier, c’efl qu’après avoir ainfi avancé de 8 ou io pouces, elle revient en roulant vers le lieu de Ton départ.
- Ce fait s’explique aifément, quand on fait attention qu’en frappant la bille de la manière qu’on l’a dit, on lui a fait prendre deux fortes de mou-vemens ; fçavoir un en ligne droite , qu’elle a fuivi d’abord, & un autre de rotation fur elle-même , 8c dans un fens contraire à fon mouvement di-red ; comme il arrive à une poulie fufpendue dans une chape , fi l’on en frappe le bord obliquement. Ce dernier mouvement ne s’apperçoit pas tant que la bille ne touche point le tapis , ou qu’elle glifie defius arép trop de vîteffe : mais quand le mouvement dired eft aflez rallenti parles frottemens, & qu’elle vient à polbr fur le tapis , le mouvement de rotation qui fe fait en fens contraire, I§ ramène vers le lieu d’où elle efl par* tie ; car il n’eft pas pofiible qu’une boule tourne fur un plan fans changer de place , fi elle touche ce plan par l’équateur de fa rotation, à moins qu’on ne fuppofât des furfaces fans
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- 24 Leçons de Physique frottement, ce qui ne fe trouve pas dans l'état naturel.
- Jufqu’ici nous avons confidéré le mouvement compofé de plufieurs forces, qui gardent entre elles un rapport confiant ; nous allons maintenant examiner de quelle manière le mouvement fe compofe quand ces rapports changent. Quand, par exemple , de deux puiffances qui agiffent en même-tems, l’une devient plus forte ou plus foible , ou bien ( ce qui revient au même ) quand un mobile ayant reçu deux impulfions qui compofent fon mouvement , il fe trouve des caufes étrangères ou accidentelles , qui diminuent ou qui aur gmentent Tune des deux ; comme fi * 8.par exemple,le fil F H, * de la fécondé expérience, au lieu de fe raccourcir toujours d’une partie, à mefure qu’il arrive à chacune des parallèles, diminuoit d’abord d’une , enfuite d’une & demie , ôcc. ou au contraire.
- On a pu remarquer par les preuves & par les exemples que nous avons rapportés, que le mouvement coin-pofé fe fait toujours en ligne droite , toutes les fois que le mobile..obéit
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- 'cipuj* -jj pwip'jyci
- 7<Z' &0Ô3T A ' II‘WOJL
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- Experimentale. 2$ à deux puiffances qui perfévérent dans le même rapport entre elles ; foit qu’elles ne reçoivent aucun changement , foit que les changemens foient égaux ou proportionnels de part & d’autre ; parce que les effets de chaque inllant m h, b k, k L Scc. Fig. 3. & 4. fe rencontrent dans la même di-redion, & que leur fomme produit la diagonale Mn. Mais il n’en effc pas de même , li le rapport des puiffan-ces change : le produit de chaque tems infiniment petit, eft une ligne droite que le mobile décrit toujours en conféquence de la loi établie ci-deffus ; mais chacune de ces lignes a fa diredion particulière , félon l’état aduel des puiffances, comme on peut le voir par la Figure 10. Car fi le mobile Æf eft pouffé horizontalement par une force dont l’adion foit égale dans tous les in Hans, & qu’en même-terns il obéiffe à une impulfion de haut en-bas qui augmente de plus en plus, comme les efpaces Ma, ab,bct ôcc. pendant le premier tems , le corps M parviendra en 1, à la fin du fécond au point 2 , enfuite au point 3 , &c. Chacune de ces lignes, com-Tortie II• G
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- 26 Leçons de Physique me on voit, eft une petite diagonale ; mais de leur fui ce , il fe forme une courbe qui varie comme le rapport des puifiances : deux expériences rendront cette théorie fenfible.
- IV. EXPERIENCE.
- Y REPARATION.
- La Machine repréfentée par la Fig. il. efl formée de deux plans élevés verticalement , dont l’un ABC, plus avancé que l’autre , efl: chantourné en portion de cercle par le haut, ôc laide en cette partie une efpéce de goutiére A B entre lui ôc l’autre plan qui efl plus reculé. Ce dernier efl divifé de B en D en trois' parties égales, ôc de B en C en trois parties inégales qui vont en augmentant comme 1,3, 5. Aux angles que forment entre elles les lignes de divifîon , on a fixé des anneaux perpendiculairement au plan* ôc le tout efl porté fur une bafe que l’on met de niveau par le moyen de trois vis.
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- ' Experimentale. 27
- E F F £ T S»
- 'On taille tomber une balle de métal par la goutiére A B, 8c elle décrit la courbe BEF, en paffant par les anneaux.
- Explications.
- Lorfque la balle efl: parvenue du point A au point B, par l’arc de cercle qu’elle a décrit, elle a acquis une certaine vîtelle avec laquelle elle s’échappe dans la direction B D ; 8c en conféquence de la première loi du mouvement (impie , elle fuivroit cette ligne , Ci rien ne s’y oppofoit. Mais cette balle efl pefante, 8c la pefanteur, comme nous le verrons bien-tôt, efl une force dont la direction elt de haut en bas , 8c qui donne au mobile une vîtefle accélérée ; ceit pourquoi lorfque la balle eft parvenue au point B, 8c qu’elle ceffe d’être foutenue par la goutiére, elle fe trouve foumife à deux puiiTances , l’une qui efl fa vîtefle acquife en def-cendant du point A, l’autre qui efl fa propre pefanteur. La première qui a fa direction vers D, eft uniforme 5 la
- C ij
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- 2.8 Leçons de Physique fécondé qui eft dirigée vers C, eft accélérée : ainll les efpaces que cette balle parcourt en defcendant, n’étant ni égaux entre eux , ni dans un rapport confiant avec ceux quelle parcourt en avant ; le changement de direction qu’elle éprouve à chaque inf-tant, lui fait décrire la courbe BEF,
- A P P L I CAT I ONS.
- Des exemples fans nombre , font voir que la pefanteur des corps change leur mouvement, quand ils ne font pas dirigés comme elle ; c’eft une force qui a fon effet, comme toute autre l’auroit en pareil cas ; & quand on ne l’apperçoit pas, c’efl que l’autre puiffance qui agit en même-tems fur le mobile , eft beaucoup plus grande.
- Une balle de calibre tirée à 70 pas, ne paroît pas avoir baifle ; fi Ton en juge par les apparences , on diroit qu’elle n’a fuivi que la feule impul-fion de la poudre, & que fa pefanteur n’eft entrée pour rien dans fon mouvement , puifqu’elle femble s’être en^-tretenue dans la vraie direction du canon.
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- Experimentale. 29 Mais il faut faire attention à deux chofes ; la première , c’eft que la vî-tefle de la balle dans une telle diftance eft fi grande,que fapefanteurne la fe-roit defcendre que d’une très-petite quantité, fi on la laifloit librement tomber pendant un pareil tems : ainfî cette chute ne doit pas être plus con-fidérable, quand un autre mouvement tranfportele mobile. La fécondé, (<$c cette raifon eft la plus forte,) c’eft que les canons des armes à feu font plus épais vers leur culafîe 3 qu’à leur embouchure , de façon que la ligne de mire G //, & la vraie direction de la balle , fe croifent en chemin, comme on le peut voir par la Fig. 12. Ainli quand on croit diriger la balle en H, on la dirige véritablement en 1 ; & fï l’on tire à une diftance convenable , que l’impulfion de la poudre foit proportionnée au poids de la balle, de que l’angle formé par la ligne de mire & la direction du canon intérieur,foit dans une bonne proportion; l’effet de la pefanteur fera baifier le coup de la quantité I H, ôc l’on touchera par un mouvement vraiment compofé le but qu’on s’eft pro-
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- fjo Leçons de Physique pofé , n’ayant égard qu’au mouvement (impie imprimé par la poudre enflammée.
- Tous les fufiis relèvent donc le coup, & quand on s’en plaint, on ne doit l’entendre que de ceux qui 3e font trop ; car file canon étoit partout d’une même épaiffeur , le rayon vifuel feroit parallèle à la direction de la balle ; le poids du plomb feroit de néceffité baiffer le coup , & ce defaut de conftru&ion obligeroit le tireur d’avoir égard à l’effet de la pe-fanteur.
- Tous les écoulemens d’eau qui ne fe font point perpendiculairement à l’horizon , font encore voir des mou-vemens cornpofés en lignes courbes, par des forces dont les actions ne demeurent pas conftamment en même rapport dans tous les inflans* L’eau qui tombe d’une goutiére , par exemple, part horizontalement avec une vîteffe qu’elle acquiert en defeen-dant du toit, & cette vîteffe d’elle-même eff uniforme ; mais en même-tems elle tend à fe mouvoir de haut en bas, avec une force qui croît dans tous les inffans de cette double
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- Experimentale. tendance il' naît une courbe , qu’un écoulement fucceffff repréfente aux yeux , Ôc fon extrémité où fe termine la chute, fe porte d’autant plus loin en avant, que la vîteffe horizontale eft plus grande , comme on peut le remarquer, lorfque l’écoulement efl plus abondant ; car alors la malle de l’eau étant plus confidé-rable , elle efl aufli moins retardée par les frottemens, ou par larcfiftan-ce de l’air.
- V. EXPERIENCE.
- Préparation.
- Sur deux cordes de boyaux fortement & parallèlement tendues d’un bout à l’autre d’une chambre, on fait glilfer la planche LM, Fig! 13. que l’on tire par le moyen d’une ficelle qui paffe fur la poulie de renvoi N ; au milieu de cette planche mobile eft un bout de tuyau ou de canon, dans lequel efl un petit cylindre de bois dur, & qui peut fe mouvoir de bas en haut fans fortir ; delfous eft un marteau pouffé par un reffort qui fe tend ; quand on fait paffer le manche
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- 32 Leçons de Physique du marteau par la mortoife L, où il eft retenu par une petite clavette O, Cette dernière pièce tient à une fi-celle de 2 ou 3 pieds de longueur qui eft fixée, comme les deux cordes, à la muraille; on met une balle d’y-voire & de calibre dans le petit canon , 8c l’on tire la planche le plus uniformément que l’on peut, 8c avec une vîteffe capable de lui faire parcourir environ 8 ou 10 pieds dans une fécondé.
- Effets.
- Lorfque la planche a parcouru environ le tiers de fon chemin , la clavette retenue par la ficelle à laquelle elle eft attachée , détend le reflbrt qui pouffe le marteau , alors le coup porté endeffous fur le petit cylindre îe communique à la balle d’yvoire ; elle eft chaffée du petit canon d’où elle s’élève , 8c va retomber par une ligne courbe,fur la planche qui a continué de s’avancer, pendant que la balle étoit en l’air.
- Explications.
- Si la planche M L demeuroit en
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- Experimentale. 33 repos, pendant que le marteau imprime Ton impulfion, il eft évident que la balle s’éleveroit perpendiculairement par la ligne Pp; il eft in-conteftable auiïi, que fi la balle n’a-voit qu’un mouvement commun avec la planche , elle ne fortiroit pas plus qu’elle de la diredion horizontale ; mais fi elle part avec les deux mouve-mens enfemble, la loi du mouvement compofé exige qu’elle prenne une diredion moyenne, & qu’elle s’élève par une ligne oblique à l’horizon,comme P ^ou P R. Lorfqu’elle eft une fois déterminée à fe mouvoir dans une de ces lignes , elle continueroit toujours en conféquence de la première loi du mouvement fimple , fi fa pe-fanteur n’y mettoit obftacle. Cette puiflance , qui eft comme réfidente en elle , & qui la folücite fans cefie à defcendre, l’éloigne de plus en plus de la diredion qu’elle a ; & comme les efpaces qu’elle lui fait parcourir de haut en bas vont toujours en augmentant ( ce que nous expliquerons d’une manière plus précife en parlant des loix de la pefanteur, ) il arrive que dans le tems qu’elle auroit
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- 34 Leçons de Phys ique mis à parcourir la ligne P R , elle parvient au point S, par la ligne P T S, & la planche qui n’a pas interrompu fon mouvement, fe retrouve fous la balle à la fin de la chûte.
- Applications.
- L’expérience qu’on vient d’expliquer , fournit des réponfes aux questions fui vantes.
- i°. A quelle forte de danger feroit expofé un moufle qui fe laiflèroit tomber du haut en bas de la hune , pendant que le vaifTeau eft à la voile ? eourroit-il le rifque de fe perdre dans la mer, ou bien fa chûte fe fe-roit-elle fur le pont ?
- 2°. Que deviendroit une orange qu’un Cavalier courant à toute bride , prendroit foin de jetter perpendiculairement à l’horizon ? la vîteffe du cheval la laifferoit-elle en arriére ?
- 3°. En fuppofant que la terre tourne fur fon axe en 24 heures, & qu’un canon ou un mortier placé fous L’équateur , eût un mouvement d’Occi-dent en Orient qui égalât à-peu-près 25^0 toifes par fécondés , le boulet qui feroit tiré perpendiculairement
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- Experimentale. 3^ fuivroit-ii cette diredion , tant en montant qu’en defcendant ?
- Il fuit des explications précédent tes que le moulfe tomberoit au pied du mât , par une ligne qui paraîtrait verticale à ceux qui feraient fur le vailfeau ; mais dont on apper-cevroit bien la courbure , fi l’on étoit fur le rivage ; car il ell bien vrai que cette chûte ferait parallèle au mât -qui ell droit; mais les différens points du mât anfquels répondrait le moulfe en tombant , feraient plus avancés les uns que les autres dans la direction horizontale , & leur fuite fe trouverait dans une ligne courbe , parce que la chûte fe fait avec une vîtelïe accélérée ; ce qui s’entendra aifément fi l’on prend pour le mât la ligne Mf de la Fig. 10. les efpaces interceptés entre les lettres M, a > b , c , d, e,f, pour le chemin que parcourt le moulfe en tems égaux pendant fa chûte, & la ligne Mc ou/ 6, pour l’efpace parcouru horizontalement par le vailfeau.
- L’orange du Cavalier 8c le boulet de canon , feraient précifément dans le cas de la balle d’yvoire de notre
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- $6 Leçons de Physique dernière expérience , & feroient
- comme elle ; ni l’un ni l’antre de ces deux mobiles ne tomberoit en arriére ; & fi des caufes accidentelles n’y mettoient empêchement, l’une arri-veroit dans la main du cavalier , âc l’autre dans l’embouchure du canon d’où il feroit parti ; ce qu’il eft aifé d’appercevoir, en appliquant à ces deux fuppofitions les raifons dont nous nous Tommes fervis pour expliquer le mouvement de la balle d’y-voire.
- Quoique ces effets puiffent Te conclure en toute fûreté de la théorie , on ne doit guéres les attendre dans la pratique ; parce qu’à Tinftant que le mobile part, Ton mouvement eft réglé en conféquence des deux im-pulfions , telles qu’elles font à l’inf-tant du départ; mais il arrive très-ordinairement qu’avant Ta chûte le plan mobile qui doit le recevoir, reçoit quelque changement, ou dans favî-telfe , ou dans fa direction ; ou bien le mobile rencontre des obftacles qui dérangent les rapports des impulsons dont Ton mouvement eft com-pofé : en pareils cas les à-peu-près
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- Experimentale. 37 fuffifent, & on lésa prefquetoujours, ou s’ils manquent, les caufes fe pré-fentent d’elles-mêmes.
- IL SECTION.
- Des Forces centrales.
- TT O u t ce que nous avons enfel-gné touchant le mouvement fimple dans les leçons précédentes, ôc ce que nous venons d’expofer dans celle-ci fur le mouvement compofé, fait voir qu’il n’y a aucun mouvement qui foit naturellement dirigé en ligne courbe 5 un corps une fois déterminé à fe mouvoir, foit par une feule caufe , foit par plufieurs enfemble, tend toujours à perfévérer dans l’état où il efl, & cet état confifte à pafl'er avec une certaine vîtefle d’un terme à un autre, par la voie la plus courte qui efl: une ligne droite. Si l’on voit donc un mobile décrire une ligne courbe par fon mouvement, il faut confidérer le chemin qu’il fait comme une fuite de mouvemens non interrompus , mais dont les diredions
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- 38 Leçons de Physique particulières changent à tout inflant,1 Sc forment entr’elles des angles fore obtus , de même qu’on a coutume de confidérer un cercle , ou^ne ligne courbe, comme un affemblage de lignes droites infiniment courtes & infenfiblement inclinées entr’elles ; telle feroit la ligne i, 2, 3, 4, J, 6 de la Fig. 10. fi les parties interceptées entre ces chifres n’avoient point une longueur fcnfible.
- Cette fuite de mouvemens en lignes droites dont Pafiemblage forme une courbe , ne peut donc point être l’effet d’une feule détermination,plu-fieurs même ne fuffiroient pas , à moins qu’elles 11e changeaient continuellement de rapport entr’elles , comme nous l’avons expliqué Sc prouvé dans la fe&ion précédente.
- Mais ces rapports peuvent changer , non-feulement quant à Yintenjî-té, e’elt-à-dire , quant au degré de force ; mais ils peuvent varier aulîi quant à la direction des puilfances, Sc c’eft une autre vûe fous laquelle il nous relie à confidérer le mouvement compofé. •
- Suppolons donc que le mobile AJ
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- Experimentale. 39 Fig. 14. Toit follicité de fe mouvoir par deux puiffances qui foient entr’elles comme les deux lignes ACôc AB, tant pour l’intenfité que pour les directions , c’elt-à-dire que leurs forces foient comme 1 à 3, 6c que leurs directions fallent entr’elles un angle droit au point A. Il efl certain que le mouvement compofé commencera par A d, & qu’il continueroit juf-qu’en D, fi rien ne changeoit ; mais fi les deux puiffances à la fin de ce premier tems fe retrouvent difpofées entr’elles comme au commencement; fi, par exemple , la tendance vers D reliant telle qu’elle réfulte du mouvement compofé, l’autre puiffance fê dirige vers H, le mouvement fe compofera de nouveau , 6c le mobile parviendra en e : & s’il arrive encore pareille chofe , que l’une des deux puiffances fe dirige en 1, on verra le mobile arriver en/, & de-là en^, 8c enfuite en h,Ci le point K & le point L deviennent fucceffivement les termes de la puiffance qui étoit d’abords C» Ce que nous venons de fuppofer , fe trouve réellement dans le mouve-ment d’une fronde , ou de tout au-
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- 40 Leçons de Physique tre corps que l’on fait tourner au bout d’une corde ; car la main paffant fuc-ceflivement par les points C,H,I,K,Lt fait palier la corde par les lignes A c, à H, e I, &c. & comme on fuppofe que cette corde efl toujours de même longueur, elle repréfente une puif-fance qui ne varie que par fa pofition. Si l’on confidére comme infiniment petites les lignes Ad, de, ef ,fg, & c. que le mobile parcourt, leur fuite fera une courbe telle qu’on voit décrire à tous les corps qui fe trouvent en pareil cas.
- Tous les corps qui circulent comme la pierre d’une fronde , font donc tin effort continuel pour ne plus circuler , puifque s’ils étoient libres, ils s’échapperoient par quelqu’une des petites lignes droites qu’ils commencent à chaque inflant, comme d D, ou eE, que l’on nomme tangentes. C’efl une conféquence de la première loi du mouvement, que l’expérience confirme;car fi la corde fe cafle ou fe lâche tout-à- fait,quand la fronde eff en d, la pierre qu’elle porte ne continue pas fon mouvement par les points e,/, g, &c. mais elle fuit la
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- Experimentale. 41 ligne d D;8c toute l’habileté du frondeur confifte à bien eltimer la tangente qui tend au but.
- Mais tendre à s’échapper par la tangente, 8c faire effort pour s’éloigner du centre du mouvement circulaire, ce font deux expreffions qu’on peut regarder comme fynonimes; car il efl évident que fi le mobile A , au lieu d’aller de de ne, & dV en/, continuoit de d en /, 8c d'I en m ; il s’écarteroit de plus en plus des points I, K; on peut donc dire en général que tous les corps qu’on fait mouvoir en ligne courbe , tendent à s’éloigner du centre de leur mouvement ; 8c que quand cette tendance n’a pas fon effet, c’efl qu’ils font retenus ou poulfés vers ce centre , par une force contraire.
- Ces deux forces qui produifent le mouvement circulaire ou en ligne courbe, 8c quifollicitentcontinuelle-, ment le mobile , l’une à s’approcher, l’autre à s’éloigner du centre, fe nomment forces centrales ; 8c pour les distinguer l’une de l’autre , on appelle la première ferre centripète , 8c la dernière force centrifuge.
- Tome IL D
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- 42 L E ç O NS D E Ph YS IQUE
- Les forces centrales font .directement oppofées Tune à l’autre ; car quoique la force centrifuge ait fa direction par la tangente , il faut faire attention que le rayon«qui repréfente la force centripète , s’il étoit prolongé , feroit coupé par cette tangente dans une fuite de points qui vont toujours en s’écartant du centre : rem dons ceci plus intelligible par une Figure.
- O
- Suppofons y par exemple, que le mobile M, Fig. iy. foit porté par le rayon B C, fur la longueur duquel il puiffe glilfer ; il efl certain que fi. l’on fait tourner ce rayon autour du centre C, tous les points compris entre M ôc B , pafiferont fucceflivement avec le mobile fur tous ceux de la tangente M D ; & par conféquent le corps Mcn obéiffant à la force centrifuge , gliffera diredement d’M en B. C’eft par cette raifon , que la-carde d’une fronde demeure tendue pendant qu’on la fait tourner ; & que quand on fait circuler de même un gobelet plein d’eau, le fluide bien loin de fe répandre , fait effort contre le fond du vafe. raflons aux expérien-
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- Dhetdland del. et >Set dp, j
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- Expérimental fi. 43 ces, & faifons voir d’abord , que les forces centrales ont lieu dans toutes fortes de matières , fluide ou folide , pourvû que leur mouvement fe faffe en ligne courbe.
- PREMIERE EXPERIENCE.
- Préparation.
- La machine qui eft reprcfentée par la Fig. s6. eft une table triangulaire établie folidement fur trois pieds que l’on peut caller avec des vis. Vers le fommet du triangle on a élevé perpendiculairement un montant qui porte une roue verticale , que l’on fait tourner avec une manivelle ou autrement : cette roue par'le moyen d’une corde & de deux petites poulies de renvoi, mène deux grandes poulies horizontales A B , enarbrées de fer, 6c placées aux deux autres angles de la table : ces poulies ont plufieurs gorges dont les diamètres différent entr’eux , Sc c’eftfur leplanfupérieur de ces poulies qu’on établit les différentes pièces qui fervent aux expériences de cette efpéce.
- Pour celle dont il s’agit maintenant v
- Dij,
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- 44 Leçons de Physique on attache fur une des deux poulies ^ouB, un fupport ou portant CD, comme il cft repréfenté : un fil de fer tendu d’un bout à l’autre, enfile deux boules d’yvoire dVgale grofleur qui tiennent Tune à l’autre par une foie de 5 pouces de longueur, & qui peuvent glifîer avec une grande facilité fur le fil de métal qui les porte. On place l’une des deux boules au milieu , & l’autre à la diflance que la foie peut permettre.
- Effets.
- i°. Quand on fait tourner la grande roue, & qu’on imprime un mouvement circulaire au portant, la boule E décrit un cercle , & entraîne avec elle celle qui eft au centre du mouvement.
- 2°. Si l’on coupe la foie qui lie les deux boules, & qu’on recommence l’expérience, la boule F demeure au centre , & l'autre s échappe feule.
- 3°. Si dans une troifiéme épreuve , les boules étant liées comme dans la première , on les place à égale dif-tance du centre de part ôc d’autre ? elles ne partent ni l’une ni l’autre, avec
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- Experimentale. 45* quelque vîteffe qu’on les faffe tourner*
- Explications.
- Lorfque le portant tourne horizontalement , le fil de fer qui efl tendu d’un bout à l’autre , forme par fa révolution un plan circulaire dont il efl le diamètre, & tous les points compris dans fa longueur, depuis le milieu jufqu’aux extrémités C ôc D , décrivent autant de cercles concentriques. La boule E par conféquent fe trouve dans un de ces cercles qu’elle décrit aufii ; ce mouvement lui donne une tendance à s’éloigner du centre de fa rotation , par la tangente; 3c comme elle efl: portée par un rayon qui fe meut lui-même avec elle, elleglifle fur fa longueur, comme nous l’avons expliqué par la Fig. 1 y. Ce qui la fait mouvoir ainfi , elt une force réeile, puifqu’elle l’emporte fur la réfiflance, non feulement de fa propre maffe, qui, par fon inertie, demeure autant qu’elle peut à la diftan-ce où on l’a pofée , mais encore fur celle d’une autre maffe qui ne circule pas, & qu’une pareille tendance ne follicite point à fortir de fa place 3
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- Leçons de Physique comme il paroît lorfqu’on coupe la foie ; car alors le centre de la boule Fêtant au centre même de la rotation , il ne peut y avoir de force centrifuge que dans fes parties , qui tournent effectivement ; mais dans un corps fphérique & homogène , tel que la boule de notre expérience, les parties correfpondantes ont des forces centrifuges égales, & directement contraires 3 en équilibre par confé-quent: elles font les unes aux autres comme les deux boules E & F liées enfemble par une foie, & pofées à égales diltances du centre de leur mouvement ; mais nous ferons plus en état de faire entendre cet équilibre , quand nous aurons fait connoître comment on doit mefurer la force centrifuge.
- II. EXPERIENCE.
- F R£ FA R AT 10 N.
- Au lieu du portant & des deux, boules d’yvoire dont nous nousfom-» mes fervis dans l’expérience précédente , on en place un autre qui porte au milieu de 1k longueur un petit:
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- Experimentale. qy réfervoir plein d’eau, auquel communiquent deux tuyaux de verre inclinés G, H , & enflés en forme de boule par les deux autres extrémités „ comme on le peut voir par la Fig. 16.
- Effets.
- En faifant tourner ce portant & ce qu’il contient, l’eau s’élève du réfervoir par les tuyaux , ôc remplit les. deux boules qui font à leurs extrémités.
- Explications.
- Avant qu’on imprime le mouvement de rotation , l’eau fe tient à niveau du réfervoir, dans la partie inférieure des tuyaux ; parce que ces petites colonnes du fluide font équilibre par leur poids à celles qui répondent , dans le réfervoir, à l’orifice de ces tuyaux. Mais quand ces petites portions d’eau viennent à tourner avec une certaine vîtefle, la force centrifuge , plus grande que leur pefanteur qui leur tient lieu de force centripète, les porte vers la boule creufe. A mefure qu’une partie monte j une autre lui fuccéde pour faire
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- 48 Leçons de Physique équilibre à Peau du réfervoir ; & fuc-ceflîvement il s’en éléve une affez grande quantité pour remplir ôc le tube ôc la boule.
- Applications.
- Ces deux premières expériences prouvent bien clairement ce que nous avons avancé d’abord , que tous les corps indiftin&ement , en quelque état qu’ils puiflent être, acquiérent une force centrifuge en tournant ; la liaifon des parties, ou leur fluidité , ne change rien à cet effet ; cette efl péce de force eft comme la vîtefle répartie à toutes les particules de matière qui circulent, ou plutôt elle n’efl autre chofe que leur vîtefle même confidérée dans cette circonftance.
- Les toupies ôc les pirouettes dont les enfans s’amufent , peuvent être citées ici comme des objets d’inftruc-tion ; en effet , ces exemples familiers nous font voir que la force centrifuge fe met en équilibre avec elle-même, dans les corps dont Paxe ou le centre de gravité ne circulent point ; ci-mite nous l’avons enfeigné ci'deflus 3 en mettant la boule d’y-
- voire
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- Experimentale. 49 voire au centre de la rotation ; en pareil cas fi le mobile n’a que le mouvement circulaire fans aucun balancement , quoiqu’il paroifîe très-fou-vent en repos, on reconnoît aifé-ment que fes parties tendent à s’exalter du centre , & qu’elles ne font retenues que par leur adhérence naturelle ; car fi l’on y fait tomber quelque fluide , bientôt il fe difïîpe , 8c abandonne la furface folide avec laquelle il tourne. Les roues des car-roflfes 8c des chaifes de pofle jettent la boue au loin ; 8c la meule du gagne-petit vuideroit l’auge dans lequel elle plonge en partie, 8c feroic une afperfion continuelle 8c incommode , fi l’on n’avoit foin d’arrêter l’eau qu’elle emporte de trop, par un morceau de cuir ou de chapeau , qu’on fait traîner fur fa furface.
- Les foleils qu’on fait paroître dans les feux d’artifice, deviennent plus grands 8c plus beaux par leur mouvement de rotation; carie falpêtre enflammé fe répand par une infinité de tangentes 8c forme un plan plus étendu qu’il ne pourroit être s’il brûloir fans tourner.
- Tome IL
- E
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- * JLcîes de Leipjl
- * T6W.6* p* II. CT4/.
- * Ibld.tom* S • jp. 41*
- 50 Leçons de Physique On peut mettre notre fécondé ex? périence à profit en appliquant à l’élévation des eaux, ou à leur évacuation, le principe dont elle efi: la preuve ; c’efi: un moyen que l’on a déjà tenté avec fuccès, & je ne doute pas qu’en bien des occafions on n’en pût tirer de grands avantages. La fameu-fe pompe de Hefle qui fut annoncée aux Sçavans fous le nom de Rotatilis fviiï'or * , que Papin devina , & qu’il 'èmploya depuis avec divers change-mens, n’étoit autre chofe au fond qu’un tambour ou cylindre creux plongé dans l’eau , & dans lequel on raifoit tourner des volans fixés à un axé ; ce mouvement faifant circuler l’eau , lui donnoit une force centrifuge qui la faifoit s’élever par un canal
- ® * ♦ > y 1 • r ’
- ou tuyau pratique a la circonférence du .tambour. Plufieurs perfonnes ont encore conftruit des pompes, où la force centrifuge efl: appliquée d’une 'manière ingénieufe. On en trouve quelques-unes dans Ramelli, 8c dans le recueil des machines approuvées par l’Académie des Sciences *. On 'a fait aufii fur ce principe des fouf-flets de forges * ,& des efpéces de cribles , ou vans, pour nettover le
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- ExFE RI MENTALE. y £
- bled ; la partie principale de ces machines elt toujours un axe garni de volans qu’on fait tourner dans un tambour ; on imagine bien que s’il y a un trou , ou un tuyau ouvert , à la circonférence du tambour , ôc un autre à l’un des côtés, près du centre du mouvement , il doit fe faire un écoulement d’air continuel par le premier: car tandis que la force centrifuge caufe une évacuation par la circonférence , le poids de l’air auquel rien ne s’oppofe plus alors, doit remplir le tambour par le centre.
- M. Defaguilliers profitant de ces deux déterminations qu’on peut faire prendre à des fluides par de fembla-bles machines , en a fait conftruire une* , avec laquelle il s’efl: propofé de changer l’air de la chambre d’un ^^4/7. malade,- de renonveller aufli celui des fouterrains, ou des lieux qui deviennent infects par le grand nombre ou par le mauvais état des peu-fonnes qui les remploient : comme les faites de fpectacles, les réfectoires de communautés, les infirmeries,
- &c. Les expériences qui en ont été faites à Londres à la chambre des
- E ij
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- £2 Leçons de Physique Communes, ont fait voir que l’auteur ne s’étoit point trompé dans fes vues, & que cette invention offre des avantages réels.
- Si l’on vouioit fe fervir de tuyaux inclinés, comme dans notre expérience, il eftvrai qu’on y trouveroit le même inconvénient que dans la vis d’Archimède. On ne pourroic guéres les appliquer qu’à des élévations d’eau médiocres , parce qu’ils exigeroient une trop grande longueur ; mais il y aura bien des cas où cet inconvénient n’en fera point un. On fçait que le fuccès des machines elî redevable aux circondances , Sç .que celle qui n’eff pas la meilleure à certains égards , doit être fouvent préférée pour d’autres raifo.ns qui l’emportent,
- La force centrifuge eft un moyen .dont je me fers fouvent pour raffem-bler la liqueur dans mes thermomètres , quand des fecouffes ou quel-qu’autre caufe l’afeparée en plufieurs parties. Comme ce petit accident interrompt l’ufage de l’inlfrument, Sc qu’il peut arriver à tous ceux qui en ont, je crois devoir dire ici le renié-
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- Experimentale. $5 de que j’y apporte. Il ell facile & ' fort fïmple. H faut tenir le thermomètre par le haut de fa planche , 8c le tourner un peu vîte cinq ou fix fois , de manière que la boule fe trouve dans la circonférence du cercle qu’on lui fait décrire, 8c fon tube dans le rayon. La liqueur féparée acquiert une force centrifuge qui la réunit bien-tôt au refie.
- On fçait une partie des effets que produit un pareil mouvement fur les animaux. Les jeunes gens fe diverti fient quelquefois à faire tourner des poules apres leur avoir mis la tête fous l’aile, pour les endormir , di-fent-ils ; 8c en effet on voit fou vent ces animaux refier immobiles à l’endroit où on les pofe après cet exercice ; mais il y a toute apparence que c’efl moins l’effet d’un fommeil, que celui d’un étourdiffement caufé par le trouble qui s’eft mis dans leurs fens, 8c qui les empêche , tant qu’il dure , de recevoir les impreffions qui les déterminent dans leurs mouve-mens ordinaires.
- Je fçais , à n’en point douter, qu’un animal peut mourir quand on l’ap-E iij
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- 54 Leçons de Physique plique à cette épreuve. J’ai attaché par les pattes de derrière un fort lapereau , aune corde que fai fait tourner rapidement par deux hommes , environ i oo tours de fuite , & lorf-que l’on cefla il n’étoit pas mort , mais il ne put fe foutenir fur fes pattes , & il expira quelque tems après» Un chat que l’on fit tourner de même , ne mourut point , mais il vomit beaucoup; Ôc quoiqu’il n’eût reçu aucun coup , on apperçut à fa gueule quelques goûtes de fang. L’œ-conomie animale fe dérange fans doute en pareil cas , parce que la force centrifuge détermine les fluides à fe porter vers la tête , leur cours naturel efl interrompu par ce mouvement étranger , & leurs fondions ceflént.
- Le jeu de bague , celui de l’efcar-polete feroit dangereux par la même raifon , fi la pofition du corps ne pré-venoit les accidens ; fi au lieu d’y être aiïis, ou dans une fituation qui met les vaiffeaux à peu près parallèles à l’axe de la rotation, l’on y étoit couché de manière que la longueur du corps fût perpendiculaire à ce même axe , je ne doute nulle-
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- Experimentale. $$ lnent qu’on n’en fût bien-tôt incommodé : peut-être auffi pourroit-on tenter ce moyen , pour rétablir le cours des humeurs dans des membres qui font attaqués de paralyfîe. Un Sçavant m’a prévenu fur cette pen-fée , mais comme il ne fait pas fon étude ordinaire d’anatomie , ni de médecine, non plus que moi, je crois que c’elt aux gens de fart à juger de ce qu’elle vaut, & de l’ufage qu’on en peut faire.
- L a force centrifuge n’étant autre chofe que l’effort d’un corps qui tâche de continuer fon mouvement, par la tangente de la courbe qu’on lui fart décrire ; elle doit fe mefurer comme le mouvement même , par la mafTe & par la vîteffe : ainfi de deux mobiles qui circulent avec des vîteffes égales , celui-là a plus de force centrifuge qui a le plus de matière ; de même aufîi, quand les maffes font égales, cette même force ne peut différer que par le degré de vî-teffe.
- Pour connoître le degré de vîteffe d’un corps qui circule, il faut avoir égard à deux chofes; i°. à la gran-E iiij
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- 56 Leçons bb Physique deur de fa révolution j 20. au tems qu’il employé pour la faire.
- On appelle révolution, la courbe que décrit le mobile , à compter du point d’où il part, jufqu’à ce qu’il fe rencontre fur ce même point,ou vis-à-vis , fur une ligne qui palTe au centre. Tel eft le cercle qui commence en À, Fig. 17. & qui finit au même point, ou la fpirale AED , qui commence & finit fur la même ligne D C. Fig. 18.
- Le tems qui s’écoule pendant que le mobile fait une révolution entière , s’appelle tems périodique. La vîtef-fe eft d’autant plus grande, que le tems périodique eft plus court, & la révolution plus ample : ainfi le mobile A iroit avec plus de vîteffe que le mobile D, fi l’un & l’autre par-couroit en même-tems le cercle dans la circonférence duquel il efl ; ou bien , fi tous deux ayant la même révolution à faire,comme A, F, le dernier faifoit fon tour plutôt que l’autre. De même que l’on mefure un cercle par fon rayon, la révolution circulaire s’eflime par la diftance du mobile au centre; par conféquent li la difiance de Cen D efi une fois plus
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- Experimentale. 5:7 petite , que de Cen A, on doit conclure que la révolution du mobile A eft une fois plus grande que celle de D.
- En comparant les forces centrifuges de deux corps, nous avons donc trois chofes à confidérer, la malle » la difiance au centre , Ôc le tems périodique.
- III. EXPERIENCE.
- F R EPARuéTION*
- Sur l'une des,deux poulies horizontales A ou B , de la machine qui efl repréfentée par la Fig. 16. on établit un fupport Fig. ip. fur lequel font arrêtés quatre tubes de verre inclinés au plan , & qui fe joignent au milieu. Dans chaque tuyau de la première paire , font renfermées deux liqueurs dont les péfanteurs font différentes ; fçavoir dans le premier,de l’eau commune ôc de l’huile de térébenthine colorée ; ôc dans le fécond, de l’huile de tartre avec de l’efprit de vin. Ceux; de la fécondé paire font pleins d’eau avec une petite boule de cuivre dans l’un, & une de liège dans l’autre»
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- 58 Leç ons d e Ph ys ique Quand tout eft en repos , les deux liqueurs les plus légères fe tiennent dans la partie la plus élevée des tubes qui les renferment, 8c chacune des petites boules occupe auiïi la place qui convient à fon poids : celle de métal demeure en bas , 8c celle de liège en haut de fon tube. Mais lorsque l’on met la machine en mouvement :
- Effets*
- L’efprit de vin 8c l’huile de térébenthine cèdent leurs places à l’eau, 8c defcendent dans la partie inférieure de leurs tubes ; la boule de cuivre gagne le haut du lien, 8c celle de liège, tout au contraire, fe porte de haut en-bas.
- Explications.
- Par le mouvement de rotation imprimé au fupport , chaque portion des tubes, 8c ce qu’elle contient , décrit un cercle , & acquiert une force centrifuge ; la première couche d’eau qui touche l’huile de térébenthine exerce donc contre cette liqueur , toute la tendance qu’elle a
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- Experimentale. pour s’éloigner du centre de fort mouvement : cet effort feroit impuift fant , fi la force centrifuge de l’huile étoit égale à celle de l’eau ; parce qu’étant foutenue par une colonne de même liqueur appuyée contre l’extrémité du tube, rien ne l’oblige-roit à céder fa place : mais elle eil moins pefante , & l’eau , en confé-quence de fon excès de maffe, prévaut contre l’huile, & la précipite peu à peu ; car ce qui fe paffe entre les deux premières couches arrive de même pour toutes les autres : ainlî l’huile 8c fefprit de vin fe déplacent 9 non par un effort pofitifdeleur part,
- ( car le mouvement circulaire donne aufii de la force centrifuge à ces deux liquides ; ) mais parce que cette force en eux n’égale point celle de l’eau; 8c comme la matière eft impénétrable , 8c que la place néceffaire pour contenir la colonne d’eau ne fiiffic pas pour comprendre avec elle celle de l’huile , le lieu le plus éloigné du centre eft occupé par celle des deux liqueurs qui a le plus de force pour s’en emparer.
- On doit expliquer de même le dé«
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- éo Leçons de Physique placement des deux boules ; par-tout où elles fe trouvent dans leurs tubes, chacune répond à un volume d’eau dont la maffe eft differente de la fien-rre, en plus ou en moins. Cette inégalité fait naître un excès de force centrifuge dans l’un des deux volumes qui fe touchent ; & de cette manière la boule de liège plus foible que l’eau,eff obligée de defeendre ; le cuivre au contraire prévaut , & s’élève aii-deffus de tous les petits volumes, d’eau correfpondans.
- Applications.
- On voit donc par ces effets , que la force centrifuge augmente comme-la maffe des corps , quand les vîteffes font égales, & que la force centripète d’une matière, peut être l’effet de la force centrifuge d’une autre, qui circule avec elle ou autour d’elle. Le Payfan qui vanne fon bled, nous en offre un exemple qui a mérité l’attention des Philofophes r lorf-qifil veut raffembier la paille qui eff mêlée avec le grain pour l’en purger , il imprime à toute la maffe un mouvement circulaire ? & auffi-tôt
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- Experimentale, 61 &n voit les parties les plus légères fe porter au centre du mouvement,, parce que les plus pelantes ont plus de force pour aller à la circonférence,.
- On remarque atilïi que tous les corps qui flottent fur une eau qui tourne, fe raflemblent vers le centre <le fan mouvement ; c’efl: pourquoi l’on évite avec tant de foin tous les endroits de la mer & des grandes rivières , où l’eau lailfç appeicevoir un lembîable mouvement ; car une trille expérience a fait connoître qu’on y périt le plus fouvent.
- Mais ce qui arrive par un excès de maflfe, fe feroit de même par une plus grande vîtelïe : un corps environné d’une matière en circulation, quoiqu’il fût plus pefant que cette matière , céderoit pourtant à fa force centrifuge , fl elle tournoit beaucoup plus vite que lui; de manière , par exemple , que le degré de vîtefle dans l’une, l’emportât fur le plus de malle dans l’autre. Les tourbillons de vent qui enlèvent la poulflére Sc le fable, nous enfourniflentunexem-ple & une preuve ; car on peut ob-ferver que ces corps beaucoup plus
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- 62 Leçons de Physique pefans que l’air clans lequel ils tournent , font en plus grande quantité au centre du tourbillon , quand il commence , & qu’ils n’ont point encore acquis toute la vîteflè du fluide.
- Defcartes en partant de ce principe , avoitingénieufement imaginé qu’on pourroit expliquer méchani-quement cette force centripète des corps , qu’on nomme pefanteur , en fuppofant au-tour de notre globe un tourbillon de. matière très-fubtile dont la vîteffe feroit fort grande : car ( difoit-il ) cette matière , à caufe de la rapidité de fon mouvement, auroit beaucoup de force centrifuge ; 8c tous les autres corps qu’elle rencon-treroit comme flottans en ayant beaucoup moins qu’elle , feroient obligés de lui céder dans tous les inftans, jufqu’à ce qu’ils fulfent arrivés à l’endroit le plus bas , c’eft-à-dire , au centre du mouvement , ou qu’ils euflent rencontré quelque obftacle invincible qui les empêchât d’y aller.
- Ce Philofophe cherchant à appuyer fon raifonnement fur quelques faits, pour donner plus de vraiièm-blance à fon hypothéfe, indiqua une
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- Experimentale. 6$ expérience fort curieufc , qu’on n’a pas lieu de croire qu’il ait jamais exécutée de fon tems , mais qui l’a été depuis , & que nous allons rapporter.
- VI. EXPERIENCE.
- Préparation*
- A, Fig. 22. eft un globe de cryftaî plein d’eau , avec laquelle on a fait entrer un peu d’efprit de térébenthine coloré. Cette boule eft foutenue aux pôles par deux piliers ou poupées à pointes , entre lefquels elle peut tourner très-librement , lorf-qu’on met en mouvement la grande roue verticale B , qui communique par une corde croifée avec la poulie C, fixée à l’un des pôles; le plan qui porte les deux piliers ou fup-ports du globe , peut s’élever de s’incliner plus ou moins par le moyen de deux charnières D , D , ôc d’une vis F, qui fert à le fixer à la hauteur que d’on veut ; le tout eft porté fur une table à trois pieds, que l’on met de niveau par des vis.
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- 6% Leçons de Physique
- E F F £ T X.
- i°. Quand on fait tourner le globe fur fon axe placé horizontalement, l’efprit ou l’huile de térébenthine qui n’occupoit qu’un petit fegment du globe en fa partie fupérieure , fe di-vife en un grand nombre de petits globules qui flottent dans la mafle d’eau renfermée avec eux , & qui peu-à-peu reçoivent comme elle un mouvement de rotation : on les voie enfuite fe xeflferrer de plus en plus, & former autour de l’axe de la rotation commune une enveloppe , où plutôt un folide, dont la figure eft ordinairement cylindrique.
- 2°. Dès que l’on celle de faire tourner le globe de verre , le cylindre formé par les parties d’huile colorée , fe dilate d’abord par les extrémités , êc enfuite dans le refte de fa longueur , jufqu’à ce que le mouvement venant à cefl'er dans l’eau , toute l’huile fe raffemble par fa légéreté, à la partie fupérieure du globe où elle étoit avant l’expérience.
- 3°. Si l’on recommence le mouvement de rotation 3 & qu'on incline l’axe
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- Experimentale. 6$ Taxe du globe lorfque les particules, d’huile y font raffemblées ; elles fe portent peu à peu au pôle le plus élevé, & s’y tiennent tant que dure cette inclinaifon.
- 4°. Quand > au lieu d’huile colorée , on met dans l’eau une petite boule de cire ; elle eft portée dans l’axe par le mouvement de rotation * & s’y comporte comme chacun des globules d’huile ; c’eft-à-dire , que il cet axe eft bien horizontal, elle fe tient par-tout où elle fe trouve dans fa longueur, & que s’il eft incliné elle gagne le pôle le plus élevé.
- 5°. Un globule d’air que l’on fubf-titue à la boule de cire, fait voir la même chofe ; mais fi lorfqu’il eft à l’un des pôles on arrête , o-u qu’on rallentiffe le mouvement du globe de verre, il arrive quelquefois que cette particule d’air fe porte vers le centre de la fphére.
- 6°. Si l’on met dans le globe une petite boule de cire , que l’on aura rendue un peu plus péfante que l’eau * en introduifanr au centre un petit grain de plomb , Sc qu’on la faffe circuler lentement à quelques pouces de
- T'orne 11. F
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- 66 Leçons de Physique dillance de l’axe ; en redoublant alors de vîteffe, on voit cette petite malle, quoique plus pelante qu’un pareil volume d’eau, defcendre dans Taxe , 8c y demeurer conffamment , en tournant fur elle-même ; 8c lorfqu’on incline l’axe de la rotation , au lieu de fe porter au pôle le plus élevé, comme la précédente, elle prend une route toute contraire. Cette expérience eft délicate , elle demande un peu d’habitude dans celui qui la traite ; mais quand de dix fois qu’on la tente , elle ne réulîîroit qu’une , ç’en ed af-fez pour prou ver le principe fur lequel ce fait eft fondé.
- Explications.
- Pour bien entendre tous ces faits îî faut concevoir d’abord la maffe d’eau renfermée dans le globe de verre , comme compofée d’une infinité de couches fluides fort minces les unes fur les autres, 8c qui vont toujours en décroiffant de diamètre jufqu’au centre.
- Quand on met le globe de verre en mouvement, la furface folide entraîne par fon frottement celle du
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- Experimentale. 67 fluide qui la touche immédiatement ; & comme l’huile colorée en fait partie , elle eft déplacée au premier tour. Son déplacement occafionne fa di-vifion ; car étant portée plus bas qu’elle n’étoit, fa légéreté exige qu’elle remonte ; elle rencontre l’eau en mouvement qui la fépare, & chacune de ces parties preflée également de toutes parts par le fluide qui l’environne , prend une figure globuleu-fe. Le globe continuant détourner, le mouvement fe communique de couche en couche à toute la malle de l’eau , de manière qu’elle fe meut enfuite comme un folide ; je veux dire , que toutes les parties en tournant gardent entre elles des fitua-tions confiantes, Ainfi comme tous les points de la furface du verre C, D , E , F, G, Figure 23. à compter d’un pôle à l'autre, défignent des circonférences de cercles parallèles, de même on peut fe repréfentcr tontes les tranches d’eau qui leur répondent ? comme autant de plans circulaires qui tournent parallèlement fur le même axe A B.
- Maintenant fi nous confidérons Fij
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- 68 Leçons e>e Physique nos petits globules d’huile difperfés dans l’eau, nous verrons que chacun d’eux eft follicité à s’approcher du centre, non de la fphére commune ,, mais du cercle particulier dans lequel il fe trouve. Celui qui eft en a , par exemple , & qui tourne dans ce parallèle , a bien , en conféquence de fon mouvement circulaire , une force centrifuge, par laquelle il tend vers. F j & avec laquelle il s’échapperoit certainement avec l’eau , fi le globe étoit ouvert en cet endroit ; mais il eft renfermé , & il répond continuellement à un volume d’eau qui a plus, de maffe que lui , & qui tournant avec une viteffe prefqu’égale à la ftenne , lui difpute la place la plus, élevée , avec une force centrifuge prévalente ; ce qui l’oblige de céder jufqu’au centre du mouvement où cette force eft nulle. Chaque particule d’huile éprouve le même fort dans la tranche d’eau où elle fe rencontre ; ainfi elles viennent toutes fe ranger au centre de leur révolution particulière > comme les chifres i , St > S » 4 j S * 6 > &c. & cet effet celle dès que la caufe ne fubfifte plus 3
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- Experimentale. 69 c’eft-à-dire , que, l’huile remonte par fa Iégéreté refpedive , quand l’eau perd fa force centrifuge en ceflànt de tourner.
- Tant que l’axe de la rotation eft horizontal, & que le mouvement eft uniforme dans toute la maffe du fluide , les particules d’huile rangées, dans l’axe confervent conftamment la forme d’un cylindre ; & par quelle raifon en affeéteroient-elles une autre ? La figure du verre l’exige-t-elle „ comme l’a penfé un Phyficien de ces derniers tems ? c’eft un fentiment qui eft infoutenable , non feulement parce qu’il eft pleinement démenti par Pexpérience; mais encore parce qu’on: ne trouve rien dans la théorie des forces centrales, ni dans les autres loix du mouvement , qui le favo-rife.
- En effet, quand un corps plus léger que l’eau eft pouffé vers Taxe de la rotation commune à toute la maffe ; eft-ce la partie du fluide qui eft; au - deffus de lui qui le follicite à tomber ? n’eft-ce pas plutôt celle, qui eft au-deffous, qui tend à le déplacer l quelle part a donc à cet effet:
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- 70 Leçons de Physique la furface du vaifïeâu & fa figure ? quelle qu’elle puifife être , quand le vaiflfeau eft plein , je n’y vois qu’un point d’appui qui retient le fluide , mais qui ne change rien à la direction des parties inférieures.
- Mais fi le raifonnement laifloit quelque apparence de doute fur cette queflion , n’eft-elle pas clairement décidée par l’expérience ? Si la fphé-ricité du verre étoit capable de convertir par fa réaétion les forces centrifuges particulières de chaque cercle , en une force centripète commune , comme on l’a prétendu ; je demande pourquoi l’on ne voit aucun ligne de cette converfion , lorfqu’on fait tourner avec l’eau des parcelles d’huile, ou toute autre matière légère : pourquoi ces corps en venant à l’axe n’affeâent-ils jamais une figure qui puifie faire croire qu’ils tendent à un même centre ? par quelle raifon une boule de cire, une bule d’air , &c. demeurent-elles indifféremment dans tous les points de l’axe où ils fe rencontrent? *
- Enfin pour achever de convaincre ceux qui auraient encore quelque
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- Experimentale. 71' doute, changeons de vaiffeaux, mettons notre fluide dans un hémifphére , dans un cône , dans un cylindre : 11 rinclinaifon des parois entre pour quelque chofe dans les effets, nous verrons fans doute les corps légers fe porter vers la bafe des deux premiers, & demeurer dans l’autre indifféremment où ils (e trouveront : cette différence donnerait à la vérité quelque crédit à l’opinion que nous combattons; mais elle ne s’apperçoit nullement , & les perfonnes mêmes les plus intéreffées à l’y trouver, font convenues qu’on ne la voyoit pas, quand je leur ai répété ces expériences, avec tout le foin & toute l’attention pof-fible.
- Aprèsun tel aveu, n’avois-je pas lieu de croire que mes preuves étoient vidorieufes ? non, voici encore une objedion à laquelle il faut répondre. On oppofe expérience à expérience ; une bulle d’air , dit-on , revient du pôle vers le centre de la fphére; elle y eff donc pouffée par une force qui ne peut être que la force axifuge » convertie en centripète par réadion.
- Quand le mouvement eff unifor-
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- 72 Leçons de Physïqds me dans le fluide , une boule de cire, une parcelle d’huile , &c. demeure dans tous les points de Taxe indifféremment & aufli long-tems que dure le mouvement uniforme ; fi la bulle d’air quitte le pôle pour aller vers le centre de la fphére , c’eft un tour de main qui n’en peut impofer qu’à ceux qui ne l’apperçoivent pas, ou qui font trop prévenus pour leur opinion : en effet, cela n’arrive que quand on ral-lentit le mouvement du globe de verre , & en voici la raifon.
- Comme le mouvement fe communique de la furface du verre à la maffe de l’eau par le frottement, il fe ral-îentit de même ; mais ces frottemens ont d’autant plus d’effet, que les fur-faces répondent à un plus petit volume d’eau : ainfi la partie du liquide qui eft contenue fous la furface foli-âeCH, perd fon mouvement bien plutôt que celle qui eft fous G ou fous F ; la vîteife commence donc à diminuer par les pôles ; & les parallèles qui approchent le plus de l’équateur , confervent la leur plus long-tems que les autres.
- Quand la bulle d’ah eft dans l’axe,
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- Experimentale. 73 en quelque endroit que ce Toit, elle y. eft retenue par la force centrifuge de l’eau ; :mais cette force diminue comme le mouvement circulaire, plutôt1 au pôle qu’ailleurs ; la bulle d’air qui s’y trouve , fort, bien-tôt du lieu qu’elle occupe à caufe de fa grande légéreté ; i’inclinaifon des parois du;verre' la conduit obliquement; mais comme en s’avançant ainfî, elle fe rencontre dans des parallèles plus voifins de-l’équateur , & dans lefquels le mouvement, & par conlequent la force centrifuge s’eft confervée , elle efl audi-tôt repouffée vers Taxe , Sc plus près du centre ; qu’elle n'étoit avant fon déplacement.
- Sur quels fondémens pourroit-on penfer que cette bulle d’air en pareil cas, ait une détermination fixée pré-cifément au centre ? Il arrive à la vérité qu’elle, y..va ! quelquefois ; mais c’ell l’effet de quelque accident, balancement ou fecouffes dans le fluide , défaut de pofitiondans l’axe, &c. car le plus fouvent elle ne. va pas jufqu’à. ce terme , bu bien .elle paffe outre. • . : .-.=»:
- Le . mouvement- du fluide plutôt Tom IL G
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- 74 Leçons de Physique ïâllentiaux pôles qu’aille u rs, eff auflî la véritable caufe par laquelle fliui-le rangée en cylindre autour de'l’axe, Je dilate par les extrémités.dès qu’oa arrête le mouvement du verre. ’ Enfin quand on incline l’axe de la rotation, les corps qui s’y trouvent fe portent au pôle le plus élevéou à celui qui Peft le moins, félon qu’ils font plus légers ou plus pefans que le fluide. Ce qui prouve bien encore qu’ils n’éprouvent du centre aux pôles aucune force qui les follicite à ref-îer au centre;, & qu’ils font retenus dans l’axe par la force centrifuge, à-peu-près comme ils feroient dans un tuyau , félon* la longueur, duquel il leuriêroit libre de fe mouvoir.
- Il relie à dire comment une boucle de cire que l’on a: rendue plus pelante que l’eau , peut, être chaflée au centre, Sc p être retenue par la même aétion qui y conduit un autre corps plus léger que le même fluide : la même caufe produit-elle deux effets contraires ?
- . Si l’on voit aller ait centre du mouvement commun un corps qui çirçpte avec m ffiûde ? e'eff ijffailib
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- E X P E R I M.E N T A L Ë, 7 J îdement qu’il a moins de force centrifuge que ce fluide; mais cet excès de force dans celui-ci, peut venir ou de fa malle , ou de fa vkeffe. Dans le cas préfent, c’efl par la vîteffe' que l’eau a cet avantage fur la boule de cire : lorfqu’on la tient à quelques pouces de diftance de l’axe, on augmente tout-à-coup le mouvement de l’eau qui ne communique pas d’abord toute cette augmentation de vît elfe au petit corps folide ; l’excès de vîteffe qu’elle a fur lui pendant quelques inf-tans,furpaffe fon excès de maffe.qui ell très-peu confidérable ; ainfî la force centrifuge du fluide devenue plus grande que celle de la petite boule flottante , par cet accroiffement de vîteffe, chaffc cette dernière jufques dans l’axe. Dès qu’elle y efl, elle tourne fur elle-même , & festparties prenant des forces centrifuges directement oppofées entre elles, fa pé-fauteur ne peut agir que félon la direction d’un pôle à l’autre.
- Applications. . 1
- . f
- On voit par ces réfultats , que. la penfee de Defcartes fur la caufe phy-
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- *j6 Leçons de Physique flquede la pefanteur, eft moins juflé qu’ingénieufe ; car s’il étoit vrai que les corps tombaient vers la terre, par la force centrifuge d’un tourbillon fluide , comme l’huile ou la boule de cire de notre expérience ; leur tendance ne feroit pas toujours dirigée au centre du globe , comme les phé^* noménes les plus connus de la pefan* tëur nous l’apprennent; mais à différons points de l’axe , ce quieftévh dent par les expériences précédentes.
- M. Hughens éclairé par la feule théorie, avoir apperçu cette difficulté fcûen avant que l’expérience l’eût ren^ due fenfible. En trouvant l’hypothéfe d’un'feul tourbillon infoutenable , il imagina que le fluide, à la force cem-trifuge: duquel on devoit attribuer la defcentë>des corps graves, formoit un grand înombre de tourbillons, dont les révolutions fe faifoient en toutes fortes de fens. Ce nouveau fyftême n’a pas été beaucoup plus heureux; que le premier: l’un eft Ample ; mais fon infuffifance eft prouvée : l’autre pourroit peut-être fatisfaire à l’explication des phénomènes;mais quel moyen d’admettre une matière dont
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- ' E X P E R t M E N T A L E. 77 lé mouvement fe fait dans toutes fortes de directions, fans fe détruire f aura-t-elle prife fur les autres corps, fans l’avoir fur elle-même ? & fi elle fe heurte en fens contraire, comment fon mouvement fubfiftera-t-il ?
- Cette dernière opinion fur la cau-fe de la pefanteur , effuya beaucoup de contradictions, Sc donna lieu à des difculîtons fort curieufes ; mais quelque ingénieufes qu’aient été les raifons qu’on a apportées en fà faveur , il faut convenir, qu’elles n’ont point été allez fortes, pour faire re* garder cette queltion comme décidée , puifque l’Académie des Sciences la propofa pour fujet du prix de l’année 1728. ' .
- Celui des Mémoires envoyés qui fut couronné , ne fuppofe dans le tourbillon que deux mouvemens dont les directions fe croifent à angles droits ; c’eft-à-dire , que l’un a pour axe un des diamètres de l’équateur, & que l’autre fe fait fur les pôles de ce même cercle, comme l’eau de notre globe de verre.
- M. Bulfinger qui eft l’Auteur de cette nouvelle hypothéfe, voulant
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- 7$ Leçons de Physique comme Defcartes rendre fou idée fenfîble par quelque fait , a eu à-peu-près le même fort ; il a imaginé • *4' & indiqué un moyen * pour faire tourner en même-rems le globe de verre fur deux axes qui fe coupent à angles droits s mais ce riétoit point la ’l-eiSentiel : il Falloir que la mafle d’eau contenue.dans ce globeprît les deux mouvemens qu’on fuppofe dans le tourbillon ; mais c’efi ce qui n’arrive pas , & ce qui ne peut arriver 5 je fuis fur du fait pour avoir fait l’expérience avec foin , 3c pour l’avoir répétée plufieurs fois devant des témoins bien clair-voyans. En appliquant une marque à la furface extérieure' du globe de verre , ont voit que ces deux rotations n’ont lieu que par rapport au globe feulement ; mais que relativement à quelque point fixe pris au dehors ou au dedans de la fphére , l’une des deux fe réduit à une efpéce de mouvement qui décrit un 8 de chiffre, & dont la révolution entière par con-féquent fe fait en deux fens contraires , par rapport aux objets qui font dehors ou dedans le globe de verre ;
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- ,, ^ - j.fi' X P E R'f^M-ÈN Èi '
- d’attr l?oü;jvoit -quel’eau eomenue dans ce vaiiïeaü ne reçoit pas en même items deux mouvemens de rotation, comme on le pourrait croire , êt comme on l’a prétendu ; -car le mouvement' fe communique du1 gfen be aufluide1 qu’il 'renferme $ par le frottement de jfefetfaœ [intérieure mais quoique ce globe tourne fer deux fensles differens points de fa furface ne décrivent point des cercles qui fe coupent à angles'droits* On ne rioit donc pas être ferpris de ce que, lorfqu’on en vient au fait* les corps légers ne font voir qu’une tendance à Taxe * comme dans les expériences d’une, feule rptation, & non pas une dire&ion au centre de la Ipfoére , comme on l’a voit imaginé. Voyez les Mémoires de l’AcacL des Sciences,pour l’an. 1741« p. 184.
- Quoique les hypothéfes & les expériences que nous venons de rapporter , n’ayent point l’avantage d’expliquer d’une manière bien fatisfai-lânte, pourquoi les corps füblunaires tendent à fe porter vers le centre de la terre $ nous fçavons pourtant, à n’en pas douter, qu’une matière flui-
- ~ iii]
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- 8o Leç ons ,be; Physique de qui circule, peut précipiter, non-feulement dès corps plus légers qu’elle , mais, même ceux qui. ont plus de maffe. Si ce principe j qui eft in-çontgftable j n’a -pas, été jufqu’içi appliqué allez heureufement,. pour réfoudre pleinement la' queflipn, nous ne devons pas - défefpérér qu’il ne le puiffe être un jour. Il me paroît plus raifonnable de croire que d’autres pourront faire ce que nous n’avons pas fait, que de regarder comme ab« folumentj; impoffible: ce que . nous ayons tenté; inutilement. • . ...-l-, ; u
- V. EXPERIENCE.
- 4 w •* , » • *
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- ’ P R £ P A R A T X; O V. '•/'!
- i. ‘ O '’ " / b' # ! 1 ' • 1 ' ' i . , . .* , / .. ? ’ * ‘ ' \ 'lf- *
- - Sur les deux poulies horizontales de la maehine repréfentée par la Fig* 3 6. il faut fixer les deux fupports^,#, Fig. 20. & 21. les deux lettres précédentes défignent deux boëtes qui gliffent fort librement. fur deux, fils de métal tendus parallèlement d’un bout; à l’autre du fupport, & dont on peut. varier les poids , en mettant dedans des rondélesde plomb. C, D, font encore deux boëtes qui gliffent
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- Experimentale. 8î verticalement entre deux .fils parallèles de métal foutenus 6c rendus par deux potences d’acier : l’on peut aufïi varier leurs poids. Ces boëtes font jointes entr’elles par des cordons 6c par. des poulies de renvoi ; de manière que B ne peut s’avancer vers le bout du fupport, fans enlever d’autant la boëte D. Sous chacune des deux premières1 boëtes il y a un petit reffort très-foible , qui traîne fur Une crémaillère dont les dents font ptefque à fleur du plan , & qui empêche la boëte de revenir en arriére , quand elle s’efl: avancée. Le fupport depuis le milieu de'fa longueur juf-qu’à fbn extrémité , de part & d’autre , ell divifë en pouces Sc en lignes , pour régler la grandeur de la révolution de chaque boëte A, ou B, par la longueur du rayon au bout duquel on l’a pofée.
- Effets.
- i°. Les deux boëtes A, B t étant également pefantes, comme aufïi les deux autres C, D: fi l’on place les deux premières à 4 pouces de distance du milieu de leurs fupports,
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- g 2 L E Ç O N $ PE P H Y S I a ÜS Sc qu'on baffe tourner l’une &:l’autrO avec des vîtèffes égales , en mettant ïa corde dans les gorges des deux poulies horizontales , qui font égales entr’elles ; chacune des deux boëtes A ôc B , s’échape en même tems vers l’extrémité de fon fupport, ôc enlève la boëte C, ou D , qui lui fait réfiffanGe.
- 2°. Le même effet arrive , quand la boëte A pèle deux fois autant que l’autre , & que celle-ci eff au bout dun rayon une fois plus long. Si 9-pat exemple , A péfant 4 onces eff au chiffe 4 , il faut placer B péfant 2 onces au chiffe 8*
- 30. Mais fi les poids reliant égaux * l’on met Tune des deux boëtes à 4, ôc l’autre à 8 de diffance , celle-ci part ^ & la première relie en place , à moins qu’on n’augmente le mouve-* ment.
- 40. Enfin tout étant difpofé comme dans le cas précédent, fi l’on veut que les deux boëtes 'A., ôc B, s’échappent en même tems , il faut doubler le contrepoids de celle qui eff à une diffance double du centre » & cela réuffit*
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- • Experimentale; 8j-Explications,
- Nous avons dit ci-deflus que l’eP timation des forces centrifuges dé-pendoit de trois chofes ; de la mafle du corps qui circule , de fa diftance au centre du mouvement, & du tems périodique de là révolution. Dans les expériences que nous venons de citer , les tems périodiques font égaux, parce que les deux poulies horizontales fur lefquelles font établis les deux fupports, & qui leur diftribuent F.a&ion du moteur commun , font toutes deux de même grandeur : le milieu de chaque fupport eft toujours le centre de la révolution , & par conféquent on en régie la grandeur par ;la diftan.ee que l’on met entre le centre .& la pofition de la boë.te : la mafle du mobile eft connue par le plomb dont on le chargez Ôcl’on peut connoître la quantité de la force centrifuge, par la valeur du poids C, ou D , qu’elle enlève , qui doit être confldéré comme une force centripète.
- Dans le premier cas , ôc dans le fécond , les forces centrifuges paroif-
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- 84 Leçons de Physique fent égales dans les deux mobiles * puifqu’ffs enlèvent dans le même mitant des réfiftances égales. Et elles le font en effet : car d’abord la maffe j la diftance au centre , le tems périodique , tout eft égal de part & d’autre : enfuite les maffes à la vérité , Sc les diftances au centre font différentes ; mais comme elles font en rai-» fon réciproque, Funecornpenfe l’autre. Car nous avons dit & prouvé que la force centrifuge augmente autant par la vîteffe que par la maffe : Dr ici la vîteffe dépend de la diftan-ce au centre , puifque les tems périodiques font égaux ; ce font deux mobiles, dont l’un décrit un cercle une fois plus grand que l’autre dans le même tems , n’eft-ce point aller avec une vîteffe double ? Ainfi comme 2 de vîteffe & 1 de maffe équivaut à 2 de maffe & 1 de vîteffe , les forces centrifuges de nos deux mobiles font égales, quand leurs diftan-ces au centre font en raifon réciproque de leur poids.
- Dans le troifiémecas, la vîteffe eft plus grande dans l’un des deux ; il décrit un plus grand cercle , dans le
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- Experimentale. 8 £ tems que l’autre en parcourt un plus petit; la force centrifuge doit donc être aufli plus grande : & le quatrième cas nous apprend que cet excès fuit celui de la vîtefie , puifque la force qui en réfulte , enlève une ré-fiftance double.
- Applications.
- Lorfque l’on a pofé l’une des deux boëtes A , ou B , de l’expérience précédente, à une certaine diftance du centre, fi la dent de la crémaillère ne la retenoit çn place , on conçoit aifément que le poids C, ou D , l’en* traîneroit par le rayon à l’extrémité duquel elle eft. On voit aufii que quand on la fait tourner avec afiez de rapidité, fa force centrifuge la fait aller dans un fens contraire , & que les dents de la,crémaillère n’ont rien à faire. Mais entre ces deux excès, il eft un certain degré de force centrifuge, qui feroit un jufte équilibre avec le poids D ; & s’il pouvoit fubfifter, il eft hors de doute que le mobile continueroit fes révolutions,fans s’ap* procher ni s’éloigner du centre.
- C’eft une chofe qui devient évi-
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- 86 Lëçons d e Physique dente , fi l’on fe rappelle le troiftéme cas de la première expérience. Deux boules d’y voire, de poids égaux, liées par un fil & placées à diftances égales du centre de leur mouvement, fe font réciproquement équilibre , & ne fe déplacent point avec quelque vttefTe qu’on les faffe tourner.Les mafTes étant égales , feurs forces centrifuges ne peuvent augmenter que par lavîteffe ; mais tant qu’elles font dans le même cercle , ou ne peut augmenter celle de l’une qu’on'n’augmente en même tems, & également, celle de l’autre ; ainfi leurs forces font toujours égales & directement contraires. Dans quelque inftant que l’on confédéré donc un de ces mobiles , il eft en équilibre entre fa force centrifuge ôc celle de fort antagonifîre ; ôc c’eft par cette égalité de forces oppofées, qu’il- s’entretient conflammcnt à la même di£ tance du centre, ou ( ce qui eft la même chofe) que fes révolutions font toujours femblables- entr’elies.
- - Les corps celeffes ont des mouve-méns qui doivent s’expliquer félon ces principes. Si la lune tourne autour de là terre, la terre elle-même
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- TOALM. V . LEÇON .PL 4
- Dfu'iitland de/. et Scalp
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- E XP ERIMENTÀLE. S7 les autres planètes autour du fo-leil, en faifant des révolutions fi bien réglées:, qu’un Àftronome en connoît là durée & l’étendue avec la dernière précifion ; c’efi: que tous ces allres font follicités en meme tems par deux puilïances : d’un côté la force centrifuge , qui réfulte de leur mouvement prefq.ue circulaire , tend à les éloigner du centre de cette révolution du côté oppofé , ils font retenus pair une force centripète , dont l’exiftence eli avouée de tous les Phir lofophes ,» quoiqu'ils foient encore peu d’accord fur=la .nature; de fa caur le. Si l’une:de cés, deux forces cefioit d’agir,ces grands mobiles viendroient fe précipiter au centre du monde ; ou bien ils iroient fe perdre dans l’im-menfité des cieux-:mais n?ayons point de: pareilles craintes,-& ne nous arrêtons point à de vaines fictions. L’Etre qui a été allez fage pour arranger l’univers tel qu’il eft, a pourvu à la durée defes oeuvres, par des loix fur f infaillibilité defquelles nous devons compter.
- - Nous ne; nous, étendrons pas davantage ici fur; Inapplication' que d’on
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- 88 Leçons de Physique peut faire des forces centrales aux mouvemens des corps céleftes ; pai> ce que nous en traiterons à part dans la Leçon qui regarde le fyftéme gé-^ néral du monde. •
- Aere’s avoir fait connoître d’où naiffent les forces centrales , & de quelle manière on doit en faire l’ef-timation , je pourrois examiner les différens rapports qu’elles peuvent prendre entr’elles, 6c toutes les fortes de courbes qui peuvent naître de ces changemens : mais ces queffions ne peuvent guéres fe traiter comme il convient, fans employer des dé-f monftrations géométriques , qui ne feroieht point entendues par la plupart de ceux pour qui j’écris. D’ailleurs ce feroit paffer les bornes que je me fuis prefcrites , dans des leçons où je n’ai prétendu enfeigner que par voie d’expérience. Je pafferai donc légèrement fur cet article , 6c je me contenterai de faire entrevoir mécha-niquement les principaux effets qui doivent arriver , lorfque les forces centripètes 6c centrifuges ne perfé* véreront point dans le même rapport pendant une feule, ou pendant
- plufieurs
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- Experimentale. Bp ffiufieurs révolutions de fuite.
- Pour prendre une idée des différentes formes que peut recevoir la courbe de révolution par ces change-mens prenons un fil que nous replierons fur lui-même, & dont nous joindrons les deux bouts enfemble par un nœud. Qu’il foit retenu d’une part à une épingle fixée perpendiculairement à quelque plan , ôc de l’autre qu’on le tienne tendu avec le bout d’un crayon , comme on le voit en la Fig. 2 j. Le crayon fera le mobile ; l’effort que l’on fera pour tenir le fil tendu , exprimera la force centrifuge; ôc la longueur du fil , ou plutôt, la diffance qu’il entretiendra de l’épingle au crayon , repréfentera la force centripète.
- Si l’on promène le crayon fur le plan autour de l’épingle , & que le fil le tienne toujours à une diffance égale , il eft évident que la ligne de fa révolution fera un cercle.; puifque pendant tout le tems de fon mouvement , il aura été au bout d’un rayon de même longueur ; ôc l’on jugera avec raifon qu’un mobile fait une révolution parfaitement circulaire , Tome 11, H
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- po Leçons de Physique quand Tes forces centrales nechangeftt point pendant qu’il fe meut.
- . Mais -fi pendant qu’on promène le crayon on diminue la difiance qui efl entre jl’-un & l’autre , en faifant prendre au fil la forme d’un triangle , comme a d c , Fig. 2y. ou autre-ment ; la ligne de révolution , au •lieu d’être la circonférence d’un cercle , comme ci-devant , fera toute autre courbe, comme b c , dont la nature dépendra des proportions qu’on aura mifes entre les degrés de rac-r eourcilfement du fil & leurs durées. Cet effet fera comprendre qu’un mobile , dont les forces centrales varient entr’elles pendant fa révolution, décrit une courbe relative aux change-mens de leurs rapports ; Sc l’on en pourra tirer les conféquences qui fui-vent.
- i°. Que G les rapports qui auront été changés pendant la révolution, fe rétabliffent dans leur premier état f avant qu’elle fbit entièrement finie , la courbe que décrira le mobile, telle qu’elle puifie être”, rentrera fur eller même ; & fi les rapports des forces varient enfuite, cqpme ils ont varié
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- - Expérimentaie. ‘ 91
- d’abord , la fécondé révolution fera parfaitement femblable à la premié-;
- re,
- de C.
- 20. Que fi ces rapports ne fe rétablirent point, & que la force centripète , par exemple, foit plus foible au commencement de la fécondé ré»-volution , qu’elle n’étoit en commençant la première , la courbe ne fera point rentrante ; le mobile en s’éloignant du centre de fon mouvement > décrira des fpires plus ou moins ré-guliéres, félon le progrès de la force centrifuge , ou la diminution de la force centripète.
- Enfin pour donner un exemple des courbes régulières qui peuvent réfui ter de la variation des forces centrales , au lieu de retenir le fil par un feul point fixe , attachons deux épingles, F,/, Fig. 26. 8c faifons toujours mouvoir le crayon de manière que le fil. foit aufit tendu qu’il peut l’être ; nous aurons par la révolution entière une efpéce d’ovale que les Géomètres appellent ellipfe. Le caractère principal de cette .courbe elt, que deux lignes tirées des points F,/, (qu’on nomme les foyers, ) à tel point
- Hij
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- $2 Leçons de Physique que ce puifTe être de la circonférence , comme F G ,/G, ou bien FL , fL , que ces deux lignes , dis-je, prises enfémble , égalent là longueur du grand axe H I.
- Un mobile décrit donc une ellipfe ; lorfque par les variations des forces centrales, fa diflance à l’un des deux foyers F, ouf, diminue & augmente régulièrement, comme les lignes F H, FM,FG, 8c c. 8c réciproquement , quand on iui voit décrire une pareille courbe , on peut légitimement conclure , que les forces centrales fe mettent dans les rapports convenables , pour le mettre fucceffîve-ment dans tous les degrés de diftan-ce d’où elle procède.
- Ces différens mouvemens s’exécutent encore fort bien , avec la même machine que nous avons employée précédemment, 8c qui eft représentée par la Fig. 16. en y joignant ce qui fuit.
- ,VI. EXPERIENCE.
- F RE FARATIO N.
- : La Fig. 27. repréfente une table
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- Expérimenta le. '9$ ronde , qui a environ deux pieds & demi de diamètre , ouverte au centre par un trou rond large de 3 pouces ; cette table s’attache folidement & parallèlement fur celle de la machine , Fig. 16. mais de manière qu’il refie entre l’une & l’autre une diflance d’environ un pouce, pour donner la liberté au mouvement de la poulie horizontale A on B: au centre de cette poulie on fixe avec des vis une efpé-ce d’alidade coudée , fur la longueur de laquelle glifle très-librement une boëte R , qui péfe environ 2 onces * & fous laquelle on a attaché un porte-crayon. En i' eft un barillet garni d’un reflort, & qui tire à lui la boëte R, par le moyen d’un cordonnet de foie » qui tient d’une part au porte-crayon, & de l’autre à une fufée qui tient au barillet, & fur laquelle il fait plufieurs tours.
- Effets.
- Lorfqu’on fait tourner la poulie horizontale, l’alidade fe met en mouvement ; & pendant qu’elle circule , la boëte glifle dV en R , & le crayon marque fur un carton qui couvre la
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- 94 tfîÇONS DE Physique: table ronde, une ligne fpirale qui corn» menue enr, 6c qui finit en R.
- Explications.
- La boëte R mue circulairement re^ çoit une force centrifuge : dès que cette force vient à excéder la puiffan-ce du reffort qui retient le mobile r celui-ci s’éloigne aufii-tôt du centre de fon mouvement. Il gliffë en ligne droite fur l’alidade ; mais c’eft une ligne droite qui fe meut elle-même , & dont tous les points décrivent des. cercles concentriques. Ainfi comme le mobile paffe par tous les points de cette ligne, à la fin de chaque révolution il. fe trouve- dans la circonférence d’un plus grand cercle, que celui où il étoit, en la commençant 6c de ce double mouvement nak la fpirale qu’on trouve tracée fur la table après l’expérience.
- Applications.
- C’eft par des lignes femblables à celle que nous venons de faire con-noiti'e , que viennent au centre du mouvement tous les corps qui circulent avec d’autres dont la force
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- Experimentale. centrifuge prévaut. L’huile colorée du! globe rempli d’eau , la paille qu’on fait tourner avec le grain pour l’en; féparer, les corps qui flottent fur une eau qui tourne , &c. tons ces mobiles ne viennent point en ligne droite au centre commun, c’eft toujours en circulant de manière que la courbe qu’ils décrivent rentrant au-deffous d’elle-même , diminue jufqu’à zéro l’étendue de fes révolutions ; ce qui eft la même chofe que d’aller au centra par une ligne fpirale.
- VII. EXPERIENCE.
- PREPARATION..-
- Les chofes demeurent difpofées comme dans l’expérience précédente , excepté feulement qu’au lieu du barillet à reffort, on ne met qu’une petite poulie qui tourne horizontal le ment ; .& au point 2% Fig. 28. une autre petite poulie , dont l’axe eft aufli vertical. Deffous la boëte V eft encore une poulie qui tourne fur le porte-crayon; «Sc.uri fil dont les bouts font liés enfemble comme celui de la Fig. 2/. embraffe les trois poulies*
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- $6 Leçons de Physique
- Effets•
- Lorfqu’on met l’alidade en mou* vement avec une vîteffe fuffifante , le mobile V décrit exactement l’ellip-fe TVX, dont les deux foyers font !TY; & s’il fait plufieurs révolutions, c’eft toujours en repaffant fur la même ligne.
- Explications.
- La force centrifuge du mobile tient toujours le fil auffi tendu qu’il peut l’être ; mais à caufe des deux points fixes T Y, fa diffance au point Ydi-minue & augmente fucceffivement St régulièrement, comme celle du crayon au point F de la Fig. 25. c’eft pourquoi fa révolution fe fait exactement dans une ligne femblable à celle de cette figure ; & comme les cir-conflances demeurent les mêmes , pendant les révolutions fui vantes, le mobile continue auffi de fe mouvoir dans la même ellipfe.
- A P P Lie A T 10 NS.
- La connoiffance de l’ellipfe , 6c de fes principales propriétés ? eft d’autant
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- Experimentale. çj tant plus intérelfante, que tous les corps céleftes font leurs révolutions dans des courbes rentrantes de cette efpéce ; l’Agronomie plus éclairée maintenant qu’elle ne l’étoit dans des tems plus reculés, n’admet plus ces cercles excentriques, aufquels on étoit obligé d’avoir recours,pour expliquer certaines variations que l’on obferve depuis long-tems dans les diftances des aftres ; c’ell un fenti-ment prefque univerfellement reçu que les aphélies 6c périhélies des planètes primitives , que les apogée Sc périgée de la lune font des fuites né-ceflaires d’un mouvement elliptique; mais ne prévenons point ici ce que nous devons dire ailleurs touchant les mouvemens céleftes ; contentons-nous d’avoir établi des principes que nous rappellerons , lorfque l’ordre des matières demandera que nous expliquions la forme , la durée , les rapports , &c. de ces révolutions, Sc que nous tâchions d’en indiquer les caufes phyfiques.
- Tome IL
- ï
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- VI- LEÇON-
- Sur la Gravité ou Péfanteur
- des Corps.
- appelle gravité ou -pép
- auteur 9
- cette force qui fait tomber les corps de haut en-bas, lorfque rien ne s’op-pofe à leur chûte , ou que les obüa-des ne font pas fuffifans pour les arrêter.
- Les Philofophes ne font point d’accord entre eux fur la caufe de cette force. Les différentes opinions que cette queftion a fait naître, peuvent fe ranger en deux claffes ; les unes regardent la péfanteur comme un principe de la nature, comme une qualité inhérente & primordiale des corps, qui peut n’avoir d’autre caufe que la volonté tout-à-fait libre du Créateur ; & c’eft couper court à toutes difficultés : les autres prétendent qu’elle eft l’effet de quelque matière iavifible '3 mais les preuves fur lef-
- i n
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- * Kepler
- Frenicle 5 T\obervMt
- *100 Leçons de Physique quelles elles font appuyées ( il faut l’avouer ) ont effuyé cie grandes objections , aufquelles il ne paroît pas qu’on ait encore pleinement répondu.
- Dire avec Ariftote Sc ceux qui l’ont fuivi, que les corps en fe portant de haut en-bas, obéiflent à un principe qui les fait tomber ; ce n’efl rien dire qui puifle éclairer l’efprit.-
- Regarder avec Newton la péfan-teur des corps fublunaires, comme {a fuite naturelle d’une gravitation géné? raie, qu’on obferve dans toute la nature , Sc dont il a fi bien calculé les loix ; c’ell abandonner la caufe pour s’attacher à l’effet.
- Prétendre avec la plupart des New-» toniens d’aujourd'hui , que cette pé-fanteur des corps qui nous environnent , n’elt qu’un exemple particulier, d’une tendance ou attraction réciproque , que tous les êtres matériels ont naturellement les uns vers les autres, par la feule volonté de Dieu; c’eflintroduire en Phyfique une nouveauté quis’efl préfentée à l’elprit de Newton,comme à celui de plufieurs Phil.o-* fophes avant lui, * mais qu’il n’a pas
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- Experimentale, ioï Voulu qu’on lui impütât, s’il en faut croire fes propres paroles. *
- Mais aulTi attribuer comme Gafïen-di , la chute des corps à certains écoulemens d’une matière qui agiffe comme celle de l’aimant ; n’efl: - ce point indiquer une caufe bien obfcu-re j bien vague, & dont l’exiflence n’eft fondée fur rien de certain ?
- Enfin nous avons vû en parlant des forces centrifuges , quelle a été la penfée de Defcartes fur cette question , en quoi fon hypothéfe eft dé-fe&ueufe , ce que pin (leurs grands hommes ont fait depuis pour la rendre recevable , & pour la défendre ; & tout bien confidéré , il femble que ceux qui voudront n’entendre, fur la caufe phyfique de la péfanteur , que des explications qui foient en même-tems fatisfaifantes & intelligibles , ne doivent point les chercher dans aucun ouvrage , qui ait été connu juf-qu’à préfent.
- Tenons-nous-en donc aux phénomènes ; fi la caufe échappe à notre curiofité , nous avons de quoi nous en dédommager, par la connoiffance des effets : autant celle-là eft incer-
- * FM,f.
- Naturalis T y: ne. Math an. iom. i fag» 11« ed♦ Gencv*
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- ïû2 Levons de Physique taine , autant celle-ci eft bien constatée , & ce qu’elle peut nous apprendre eft également curieux & utile.
- Avant Galilée, c'eft-à-dire , il y a environ un fiécle , on étoit peu inf-truit des loix de la péfanteur: c’eft à ce Philofophe Italien que nous Sommes redevables des plus intéreflantes découvertes qu’on ait faites Sur cette matière. Sa théorie a été générale-* ment reçue de tons les Scavans, &
- O 9
- c’eft Sur Ses fondemens que Meilleurs Hughens, Newton, 6c Mariotte,ont travaillé depuis avec tant de Succès 6c d’applaudiflemens. Je ne me propoSe point de faire entrer dans cette leçon, •tout ce que ces grands hommes ont enfeigné touchant la péfanteur; cette entreprise excéderoit les bornes que je me Suis prefcrites, 6c c’eft dans leurs écrits mêmes qu’il faut les étudier , quand on veut tout fçavoir ce qui eft connu Sur cette matière ; mais en Suivant toujours le plan que je me fuis fait, dès le commencement de ce cours, je ferai choix des propofitions les plus intéreflantes,& je les appuyé-rai fur des preuves d’expérience.
- Je traiterai d’abord des effets qui
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- EXPERIMENTALE. 1Ô$ viennent de la péfanteur feule ; & je pafferai enlliite à ceux où cette force n’entre que pour une part;
- PREMIERE SECTION-
- Des Phénomènes ou la Péfanteur agit feule fur le Mobile,
- II ne faut point confondre ces deux termes, péfanteur & poids, quand oïl les prend dans le fens abfolu , c’eft-à-dire , quand ce qu’ils expriment: s’entend d’un fe-ul corps, fans aucune comparaifon avec d’autres corps. Par péfanteur , on doit concevoir la force qui foUicite les corps à defcendre , 6c qui leur fait parcourir de haut-en-bas un certain efpace , dans un tems donné* Par poids, nous entendons la fomme des parties péfantes qui font contenues fous le même volume.
- La péfanteur appartient également à toutes les parties d’un même corps; qu’elles foient unies ou féparées, cette force n’en eft ni augmentée, ni diminuée ; mais le poids d’un corps
- I iiij
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- ïo4 Leçons de Physique change comme la quantité de marié-re qui le compofe. Qu’on laifTe tomber en même tems deux onces de plomb , elles defcendront avec la même vîteffe, foit qu’elles tiennent enfemble, foit qu’elles foient réparées ; mais le poids dans l’une des deux , n’efl que la moitié de ce qu’il feroit, fi elles ne faifoient qu’un même corps.
- On peut donc dire en parlant exactement , .qu’un, petit corps a autant de péfanteur qu’un plus grand, quoiqu’il ait moins de poids, parce que l’un & l’antre tendent de haut-en-bas avec la même vîteffe.
- Mais quand on compare deux matières enfemble par rapport à leurs poids , ôc que l’on prend un volume déterminé pour terme de comparai-fon , comme lorfque l’on compare un pouce cube d’eau avec un pouce cube de mercure, le poids comparé s’appelle pefanteur fpècifique , c’efl-à’dire , la quantité de parties péfan-tes qui appartient fpécialement à tel? le ou telle matière , fous un volume donné. On dira donc , par exemple , la péfanteur ( en fous-entendant fj>é-
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- âfique ) de Peau eft à celle du mercure comme i eft à 14, pour dire que le dernier de ces deux fluides , à volume égal , a 14 fois autant de poids que l’autre. Nous donnerons à la fin de l’Hydroftatique , une table des péfanteurs fpécifiques des matières les plus vulgairement connues ; mais avant que d’en venir à cet examen , tout ce que nous dirons doit s’entendre de la péfanteur abfolue.
- Quoiqu’on ne puiflfe pas dire que la gravité eft eftentielle à la matière , puilqu’on la peut concevoir, fans ce penchant qu’elle a pour aller vers le centre de la terre ; cependant une longue & continuelle expérience ne nous permet pas de croire, que de tous les corps qui font en notre pouvoir , il y en ait aucun exemt de cette affedion. Si quelques Philofo-phes ont penfé qu’il y eût des corps naturellement légers , c’eft qu’ils ont été trompés par les apparences, .& qu’ils ignoroient des chofes qu’on a fçû depuis. Ces corps qu’ils ont crû fe mouvoir de bas-en-haut, comme les vapeurs , la fumée , la flamme , &c. n’affedent cette diredion con-
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- iô6 Leçons de Physique traire à celle de la péfanteur , que parce qu’ils font dans certaines cir-conflances qui les y forcent. Que l’on fafle celfer ces caufes, 8c bientôt on les verra tomber comme tous les autres corps, 8c prouver par leur chute, qu’ils péfent ..comme eux , 8c dans le même fens.
- PREMIERE EXPERIENCE,
- T RE PAR AT I O Ni
- On met fur la platine d’une ma** chine pneumatique , un bout de grof-fe chandelle allumée , ou bien un petit morceau de papier trempé dans une liqueur faite avec l’étain 8c le mercure , 8c qui fume beaucoup ; on met deflus un récipient cylindrique de verre, qui a 4 pouces de diamètre 8c environ un pied de hauteur ; 8c l’on fait le vuide le plus promptement 8c le plus parfait qu’il eft pof* flble. Voyez la Fig. 1.
- Effets*
- Après quelques coups de pifton ÿ ïa flamme de la chandelle s’éteint ,• & quand flair efl: fuffilatnment raté*
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- Experimentale. 107 fié , la fumée de la mèche , ou la vapeur qui s’efï élevée du papier retombe à la manière des corps graves* & s’étend fur la platine.
- Explications,
- La flamme ne pouvant fubfifter dans tin air trop raréfié, par des raifons que nous dirons ailleurs, lorfqu’on a diminué la denffté de celui qui efï dans le récipient, la chandelle s’éteint ; mais lorfque cet air efï raréfié à un Certain degré , non-feulement la fumée ou la vapeur ne s’y éléve plus , mais celle-même qui avoir gagné le haut du récipient, fe précipite , parce que le fluide qui l’environne étant moins péfant qu’elle fpéct-fi que ment, ne peut ni la folliciter à ‘monter , ni s’oppofer efficacement à fa chute. Il ne faut point paffer légèrement fur ce principe, parce qu’i'l fert à expliquer une infinité de phénomènes de cette efpéce. Examinons donc en détail ce qui fe pafle dans cette expérience , Sc voyons comment l’air & la fumée changent de péfanteur relativement l’un à l’autre.
- Une matière raréfiée efï celle qui y
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- ïo8 Leçons de Physique fous un volume donné, n’a plus un auffi grand nombre de parties propres , qu’elle avoit avant fa raréfaction. L’air du récipient, après pîu-fieurs coups de piflon , efl réduit à un petit nombre de parties, fans rien perdre de fon volume, car il remplit toujours le récipient ; chaque portion prife au hazard dans ce vaiffeau , contient donc moins de particules d’air , ou bien efl compofée de parties beaucoup plus écartées les unes des autres, qu’elles ne i’étoient avant la raréfaêliom Ainfi comme le poids fuit le nombre des parties matérielles , une ligne cube de cet air péfe moins qu’une ligne cube du même air non raréfié. Ce que nous di-fons de ce petit volume doit s’entendre , par proportion , d’une fuite de volumes femblables pofés les uns fur les autres en forme de colomne ; d’où l’on peut concevoir , que fi la maffe d’air contenue dans le récipient efl divifée en un certain nombre de co-lomnes pareilles, chacune d’elles pé-fera plus ou moins , fuivant que la malfe totale aura été plus ou moins raréfiée.
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- Experimentale. 109 La fumée , gu la vapeur dont la fource eft placée au fond du vaifleau, peut être aufli confidérée fous des petits volumes, dont la fuite fera une colomne ; & £i l’on compare un volume de vapeur à un pareil volume d’air , on conçoit bien que celui des deux qui a le plus de parties pe-? fantes, a plus de forces pour aller à l’endroit le plus bas, ou pour s’y tenir.
- Ainli l’air étant dans fon état na^* turel, éléve les vapeurs , la fumée, la flamme, Scc. parce qu’à volume égal, il a plus de poids ; mais quand on l’a raréfié , c’elt-à-dire, quand on a diminué le nombre des parties pé-? fantes de ce volume égal, il ne peut plus les élever , il ne peut pas mêr me les foutenir , & la fumée répandue dans le vaiifeau, fe trouvant alors plus péfante relativement à l’air, qui a changé de denfité, le déplace à fon tour, par la gravité naturelle.
- Application De tous les corps qui font à la fur-r face de la terre , il fe détache continuellement des corpufcules qui, lorfi qu’ils ont quitté la mafle dont ils fai-?-foient partie, fe répandent 8c $’élé*
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- fio Leçons de Physique vent dans l’atmofphére, jufqu’à ce que certaines circonftances les déterminent à retomber. Ces petits corps connus fous le nom de vapeurs ôc à'exhalai fins ? font la matière d’une infinité de phénomènes admirables, étonnans & néceffaires relativement à nos befoins, Nous ferons mention ailleurs des différentes formes qu’ils prennent, & de leurs principaux effets , nous ne voulons parler ici que de leurs mouvemens, c’eil-à-dire , de la manière dont ils s’élèvent & retombent, à quoi nous conduit naturellement l’expérience que nous venons d’expliquer.
- Cette queftion peut fe réduire à quatre chefs principaux , fçavoir , i°. comment ces corpufcules fe détachent de leurs maffes ; 2°. par quelle eaufe ils s’élèvent dans l’air ; 30. de quelle manière ils s’y foutiennent à une certaine hauteur ; 40. & enfin pourquoi il arrive qu’ils retombent vers la furface de la terre.
- Quant à la première demande, l’opinion la plus univerfellement reçue efl, qu’il régné fur notre globe , & au-dedans, un certain degré de char
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- Experimentale, m leur qui entretient en mouvement les parties infenfibles de tous les corps. Ce mouvement, dit-on , détermine .celles de ces parties qui font les plus fubtiles ? & par conféquent les plus mobiles,à quitter la maffe commune , comme on le remarque vifiblement à la fur fa ce de l’eau que l’on fait chauffer , des viandes Ôc des fruits que l’on fait cuire.
- Il eft allez vraifemblable que la chaleur naturelle ou artificielle , eft la caufe principale de cet effet ; .mais on a peine à croire qu’elle foit la feule , quand on confidére que l’évaporation ne diminue pas toujours comme la chaleur. Dans les hy vers les plus rigoureux , on voit quelquefois d’un jour à l’autre difparoître la neige qui couvrait la furface de la terre ; & l’expérience a fait, voir à plufieurs habiles Phyficiens , que la glace diminue confidérablement dans l’air le plus froid & le moins expofé £ux rayons du foleil.
- Je ne fçais s’il faudrait en conclure , félon l’opinion d’un Auteur *
- * Mufchenbroek dans les comment, fur les ex-per.de Florence,i.part.p.137.ei.de Leide. 1731.
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- ïï2 Leçons de Physique fort verfé dans la Phyfique expérimentale, que la glace a un principe interne de dilatation qui n’efl: point la matière du feu, ni le degré de chaleur qui a pû s’y conferver, mais le mélange d’une autre matière très-fubtile qui la fait comme fermenter.
- Ne pourroit-on pas s’en tenir à des principes connus & avoués de tous les Phyficiens , en difant que dans les cas où il ne paroît pas qu’on puiflfe attribuer l’évaporation à la feule action du feu , on doit en chercher la caufe dans la grandeur des furfaces, dans leur état, ou dans la nature, du fluide ambiant, par rapport à celle des corps qui s’évaporent. Car toutes chofes égales d’ailleurs , il eft certain qu’un cube de glace ifolé préfente à l’air fix fois plus de furface, que l’eau d’un vafe dont l’ouverture feroit éga-, ie à un des côtés de ce cube ï les parties évaporables ont donc fix fois plus de liberté de s’échapper de la mafle.
- Mais à furfaces égales en apparence , n’a-tron pas lieu de croire que jes parties de la glace donnent plus de à l’air que celles de l’eau ? N’en
- eft-il
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- Experimentale. 113 eft-il pas de ce fluide comme de tous les autres ? à mefure qu’il approche de la congélation, fa fluidité ne diminue-t-elle point par degrés ? les parties ne commencent-elles point par fe pelotonner, avant que de fe lier enfemb'e ? Et fl la glace n’étoit qu’un aflemblage de ces petites maf-fes, ou petits compofés plus grofflers que les parties de l’eau, fa furface ra-boteufe , linon pour nos fens , au moins pour un contact proportionné à ces petites rugofités, ne donneroit-elle pas plus de prile à l’air qui la touche ?
- Si ceci n’eft qu’une conje&ure par rapport à la glace , on ne peut nier que ce ne foit une chofe évidente par rapport à la neige. Au premier coup d’œil on remarque que fa furface eft un aflemblage de molécules légers 8c à jour, pour ainfl dire , de tous côtés ; & cette légéreté eft d’autant plus grande que la neige s’efl; formée dans un tems plus froid.
- Mais quel avantage prétendons-nous tirer de cette augmentation de furface pour l’explication du fait dont il s’agit ? En fuppofant que la malle Tome IL K
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- H4 Leçons de Physique d’air qni environne les corps puifle contribuer à leur évaporation, d’une autre manière que par le degré de chaleur qu’elle peut leur communiquer, il eft certain que cet air aura d’autant plus d’a&ion fur les corpuscules évaporables, qu’il les touchera dans une plus grande étendue, ou ( ce qui eft la même chofe ) que ces petits corps tiendront par moins d’endroits à leur mafTe commune. On peut donc dire en général , que les mêmes parties d’un corps ( de l’eau par exemple ) font d’autant plus dif-pofées à s’exhaler , qu’elles font plus ïfolées ; & qu’en conféquence, la neige ou toute autre congélation de ce genre peut s’évaporer autant , 6c peut-être plus que beau contenue dans un vafe.
- Mais que peut faire, dira-t-on , Pair extérieur fur ces petites parties pref-que ifolées f
- Non feulement il aura plus d’avantage pour les détacher de la malle » en les heurtant de côté 8c d’autre , mais il employera pour les enlever dire6tement 3 les mêmes moyens qui les font monter, quand elles font entièrement détachées,
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- E X P ERÎMENTAtE, I Tf • Celui de ces moyens qui efl: le plus connu & le plus généralement reçu , c’eft Ton excès de péfanteur. On die communément que ces petits corps qui forment les vapeurs & les exha-laifons , étant fpécîfiquement moins péfans que l’air qui les environne, s’élèvent dans l’atmofphére , comme la fumée de notre expérience s’efi: élevée dans l’air du récipient, & qu’ils montent ainfi jufques dans la moyenne région, où ils fe trouvent en équilibre avec un air plus rare : la difficulté a toujours été de faire entendre , comment les parties évaporées des corps terreftres pouvoient acquérir cette légèreté refpeètive , capable non feulement de les élever au-deflns de l’air, mais encore de vaincre 1 a réfif-tance du frottement , qui s’oppofe continuellement à leur afeenlion : on a toujours peine à comprendre comment de l’eau , par exemple, peut devenir plus légère qu’un fluide qui, à volume égal, péfe environ Soo fois moins qu’elle.
- Quand on fuppofe ces particules fort divifées , leur extrême petiteflfe aide à concevoir, comment elles fe
- Kij
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- ii6 Leçons de FhYsiqüe fouticnnent en haut par le frottement ? qui s’augmente comme les furfaces multipliées par la divifion ; mais cette réponfe qui lève une difficulté, quand il ne s’agit que d’expliquer la fufpen-fion des vapeurs, en fait naître une autre très-confidérable, quand on examine leur afcenfion. Car le même frottement qui les foutient, leur fait obf-tacle , quand elles ont à monter, & cet obftacle efl d’autant plus grand qu’elles font plus divifées.
- D’ailleurs que gagne-t-on par cette divilîon, fi chaque partie ( quelque petite qu’elle foit ) immédiatement environnée d’air, refie telle qu’elle étoit dans la mafife d’où elle s’efl échappée ? Le volume d’air qui lui répond , ne décroît-il pas dans la même proportion ? Et fi l’eau en général pèle 800 fois plus que l’air, ce rapport fe trouvera dans les plus petits volumes, comme dans les plus grands.
- Il faut donc de deux chofes' l’une , ou que les parties qui s’exhalent des corps changent d’état en quittant la mafife , ou que l’ait qui les touehe employé, pour les enlever, un autre moyen que fa péfanteur.
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- Experimentale. 117
- Cette confidération a fait naître quelques hypothéfes fort ingénieu-fes : on a fuppofé que chacune de ces particules étoitun petit ballon rempli d’un air fubtil, que la chaleur dilate, à peu près comme les boules de fa-von donc les enfans fe divertiffent. » Cette vélicule, dit-on, effc plus lé-as gère que le volume d’air auquel elle sa répond dans l’atmofphére , & fon 30 excès de légèreté peut être tel , » qu’il furpaflfe encore la réüftance du 3» frottement. »
- L’imagination efl ingénietife , il faut l’avouer, & je crois qu’il ne fe-roit point impoflible de lui confer-ver de la vraifemblance ; mais s’il faut de la chaleur pour donner à ces petits balons un volume fuffifant, nous n’aurons guéres de vapeurs en hyver ; ou s’il en faut li peu pour les enfler, comment ne crèveront - ils pas en ete f
- D’autres cherchant dans la dilatation des vapeurs, un principe de légèreté fufluante , ont conlldéré leurs parties comme autant de molécules dont les pores agrandis Sc diftendus par i’a&ion du feu, augmentent leur
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- tî8 Leçons de Physique volume autant Sc plus , que leu G première' deiifité n’excédoit celle de Pair. Suivant cette opinion , une particule d’eaû réduite en vapeur, fera , par exemple , rooo ou 1200 fois plus grande qu’elle n’étoit, & par conféquent elle répondra à un volume d’air plus que fuffifant pour la fou-lever. Cette grande dilatabilité des vapeurs eft appuyée fur des expériences qu’on ne peut révoquer en doute , & que nous rapporterons quand l’ordre des matières le permettra ; mais-elle exige un degré de chaleur beaucoup plus grand que celui qui régne ordinairement dans les corps qui-commencent à s’évaporer ; & fi partant d’un tel exemple, lorfqifon voir des vapeurs s’élever par un tems.frais » on conclut qu’il fait aûèz chaud pour les dilater au point d’être plus légères que l’air, il paroît que c’efi fup-pofer ce qui eft en queftion : je crois qu’il y a une grande différence entre la fim pie évaporation > & la dilatation des vapeurs.
- Mais fi la chaleur naturelle ne peut le plus fouvent que contribuer à détacher ces corpufcules de leurs maf-
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- r~ Experimentale. up> les , & qu’elle ne les mette pas toujours en état de s’élever, fi l’air d’ailleurs ne peut par Ton poids feul les forcer de monter tels qu’ils font ; quel eft donc le moyen que la nature ajoute à cette première caufe ? Car il efï certain que les vapeurs s’élèvent en tout tems, il n’y a que du* plus ou du moins.
- ' S’il m’efi permis de hazarder icimes conjectures , je dirai que l’air de l’atmofphére fait en même tems l’office de diiïolvant & d’éponge à l’égard des corps qu’il touche immédiatement» Comment conçoit- on que de l’eau douce devient falée, quand ©nia met dans un vaiflèau au fond duquel il y a du fel ? C’efl que la liqueur s’infinuant dans les pores du corps folide , fe rejoint elle-même de tous côtés défions les parties qui Compofent lafurface,les fouléve enfin, 8c les divife à tel degré, que ces parties elles-mêmes entrent dans les pores de l’eau, de la même manière * 8c par la même caufe que celles de l’eau ont pénétré le fel. Plus les parties du fel font ifolées , plus le fel efl poreux , plus il eft humide avant qu’on le
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- Ï20 Leçons dePhy.sique plonge, & plus aulîi fa difïblutiori devient facile, 8c Ton en voit la rai-fon, fans qu’il foit befoin de la dire ; de même les corps qui s’évaporent } continuellement plongés au fond d’une maffe d’air fpongieufe , fournif-fent une quantité de vapeurs d’autant plus abondante , que leurs parties font plus expofées à l’action de ce fluide , 8c qu’il eft lui-même par fon état aètuel, plus difpofé à les admettre dans fes pores. Je n’oferois dire que l’air s’infinue dans les pores des corps folides ou des liquides, comme l’eau dans du fucre ou du fel qu’elle diffout ; mais je n’avancerai rien que de croyable , quand je dirai, que, puifqu’il y a dans tous les corps une très-grande quantité d’air diffé-miné, leurs furfaces font compofées de molécules dont un très - grand nombre n’elt que de l’air, 8c que cet air communique à d’autre qui fait de même,partie des couches inférieures, tellement que la matière propre de ces corps lorfqu’ils font environnés d’air, reffemble à un grain de fel humide qu’on plonge dans l’eau, 8c qui eft d’autant plus aifToluble qu’il a été
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- Experimentale. 121 plus pénétré d’eau avant que d’être plongé. La furface qui nous paroît la plus .unie , préfente donc à l’air qui la touche/, des parties ifolées & qui ne tiennent à la maffe que par un petit: nombre de points; & comme il n’y a aucune matière connue , en tel état qu’elle puiffe être , .dont les par-très : Soient parfaitement en repos les unes à l’égard des autres,, il n’y a donc à là fuperficie des corps aucune particule qui né foit di.fpofée plus ou moins à céder aux efforts de l’air qui l’entoure. : . ;
- ne pour ex:pliquerff6n,.élalHcité , un corps fpongieux dont, les parties ref-femblent àde petits fflamens ou à de petites lames1 fpirales ; pour enlevec les petites parties des corps dont nous venons de parler , :il n’aùra pas befoin d’autre.force ",) que celle qui s’obferve tous les:jours dans les corps de cette efpéce ; car comme le fel s’élève dans une ‘maffe d’éau à mefure qu’elle le diffout, quoique fes parties foient plus pefantes que celles de l’eau , comme l’eau s’élève dans du. fucre malgré fon propre poids* de.même on Tom IL L
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- 12 2 L E Ç O N S © E ¥ H Y S I Q U S •pourra dire que les vapeurs & les ex^ balai fons ., fans devenir plus légères que l’air , s’élèvent dans I’atmofphére jliivant la proportion qu’il y a entre elles & la porofité du fluide.
- Il efl vrai qu’on ne fçait pas tien comment les liqueurs s’élèvent aa-deffus de leur niveau, dans une éponr ge, dans les tubes capillaires Sc autres corps femblables ; car de dire que l’atr tra&iôn efl la caufe de cet effet y c’eff lie fatisfaire qu’une partie du monde, encore-n’eft-ce pas -celle.qui n’admet que des idées claires Sc intelligibles ; mais on êft parfaitement d’accord fur le fait ; de quand je ?dis que les va* peürs montent dans I’atmofphére s -comme beau-dans une, éponge, je ne prétens pas remonter’jufqu’à la prer miére caufe ; je m’en tiens à la caufe prochaine & immédiate* -emun mot, jje ne me propofe que d’expliquer un fait par Un autre , ce qui ,eftf très? permis en-Phylique.
- Je ne puis étendreici cette idée au» tant qu’il le faudroit pour lui donner toute la waifemblance dont .elle eff fufceptible ; cette digreffion nous é~ loigneroit trop dé notre çbjèt pré*
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- Experimentale, 125 Cent ; j’aurai occafion de la reprendre & de la fuivre plus loin, en parlant des tuyaux capillaires ; j’ajouterai feulement que fi cette dernière caufe ajoutée aux autres, que nous ne rejet-tons point, les rend fuffifantes pour former & pour élever les vapeurs , elle pourra de même contribuer à les tenir fufpendues, jnfqu’à ce que Pat-mofphére venant à changer de denfî-té, foit par compreiïion , Toit par condenfation , Toit même par dilatation, ces petits corps fufpendus fe rapprochent, pour former des maffes -plus pefantes, ou bien qu’ils foieng -«feulement abandonnés à leur propre poids ; comme on voit qu’il arrive dans le récipient d’une,machine pneumatique , où l’on apperçoit un petit brouillard après les premiers coups de pifton , parce que Pair en fe raréfiant abandonne les corps étrangers qu’il contient.*. ., *Un».d*
- Pour revenir à notre première ex- l\^ de* périence, il eft donc certain qu’A-‘25^40‘ riftote & ceux qui Pont fuivi, fe font trompés, lorfqu’ils ont prétendu qu’il y a des corps qui tendent naturellement à fe mouvoir de bas en haut,
- Lii '
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- I24LEÇONS DE PHYSI Q.UË Ce que nous avons dit touchant les faits qui leur en ont impofé, fuffie pour faire entendre qu’il n’y a point de Iégéreté abfolue , & que les corps à qui l’on donne improprement le nom de légers, font ceux qui ont peu de poids ou de matière propre fous un grand volume.
- On peut confidérerdans la pefan-teur comme dans toute autre force , la direction , & l’intenfité , c’efLà-re , la mefure ou la quantité de fon aétion fur les corps.
- La direction de la pefànteur efi toujours la même ; les corps qui tombent librement le dirigent d’eux-mêmes vers la furface de la terre, par une ligne perpendiculaire à l’horizon, comme il paroît quand on en fait l’épreuve lûr une eau dormante ; & s’ils décrivent quelquefois en tombant, des lignes obliques ou des courbes , c’ell qu’ils y font forcés par des ob-flacles ; telle elt la chute d’un pendule pendant fa demie-vibration; il ne décriroit pas un arc de cercle, s’il n’étoit retenu par le fil ou la verge qui l’oblige de tourner autour du point de fufpenûon*
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- Expérimentale; ï2f
- Âu lieu d’exprimer la dire&ion de la péfanteur , par une perpendiculaire à l’horizon, on l’exprime fou vent ,• par une tendance au centre de la terre , ce qui fignifieroit la même chofe y fi notre globe étoit parfaitement-fphérique ; car alors tous les rayons prolongés du même point, feroient autant de perpendiculaires à la furfa-ce. Mais cette hypothèfe n’eft plus ni reçue , ni recevable ; & fi le globe terreftre eft un fphéroïde applati vers les pôles comme il y a tout lieu de le croire , le compas & la régie font voir, que les lignes dirigées perpendiculairement à tous les points de fa ftirface n’aboutiflent pas au vrai centre , mais à différens points qui corn-pofent un efpace autour du centre. Mais comme cet efpace efl fort petit, à caufe du peu de différence qu’il y a entre la figure attribuée à la terre 8c celle d’une fphére parfaite ; on peut fans erreur fenfible , 8c quand il ne s’agit point de cette queftion, garder l’exprefiion commune , 8c prendre le centre de la terre pour celui des corps graves.
- Quant à l’intenfité de la pefanteur ,
- L ii]
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- t2'6 Leçons üe Physique on peut demander i°. fi elleeft la même dans tous les corps, dans tous les îems , dans tous les lieux. 2°. Si elle varie fuivant l’état des corps. -5°. Sr elle peut augmenter dans le même mobile , & comment fe font fes progrès.
- L’expérience ne peut nous appren^ dre qu’à peu près, combien un corps parcourt d’efpace dans un certain tems, en vertu de la péfanteur qui l’anime , parce qu’il a toujours à vaincre des obftacles inféparables de l’état naturel, comme en éprouvent les corps qui obéiflènt à toute autre puiflance. La réfiflance des milieux qui varie comme leurs denfités , Ia< figure du corps qui tombe , le rapport de fa mafle à fon volume, Sc quelque autre confidération dont nous parlerons dans la fuite , empêchent qu’on ne fçache bien exactement la niefure de la péfanteur primitive , Sc telle qu’elle feroit, fi elle n’é-toit diminuée par des caufes étrangères. On fçait feulement qu’à Paris, par exemple , ou aux environs, 'une balle de plomb, ou tout autre corps qui auroit beaucoup de matière avec
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- Ê X P Ê R ï M Ë Nf At È.- Ï2J peu de volume, parcourt dans l’air libre environ 1y pieds de France dans la première fécondé de fa cbûte ; oiï Verra bientôt , pourquoi j’embralfe toutes ces cir confiances dans cette proportion.
- On croyoit autrefois que la péfan-teur & le poids étoient fynonimes ; & que les corps tomboient d’autant plus vite, qu’ils avoient plus de maP fe. Il y avoit effe&ivement quelque vraifemblance à croire qu’un mobile eompofé de quatre parties péfantes, devoit tendre davantage au terme de la péfanteur, que celui qui n’en au-roit qu’une ou deux ; & ce qui ache-voit d’induire en erreur, c’ell qu’on voyoit une' plume , un papier, un ballon de laine, &c. tomber toujours plus lentement qu’une pierre , un morceau de métal, &c. mais un plus ou un moins ne décident rien, quand rl n’a point de proportion avec la cau-fe que l’on foupçonne. Galilée vit bien comme Ariïtofe , qu’une plume tomboit moins vite qu’une livre de plomb ; mais il mefura ce moins, il le compara avec l’excès de malle du corps le plus prompt à tomber , 6c
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- 128 Leçons de Physique il trouva qu’il ne répondoit pas à la différence qu’il y avoit entre les poids des deux mobiles. Il prit donc une autre idée de la péfanteur, & au lieu de penfer, comme on avoit fait juf-qif alors , qu’il y en avoit plus dans le plomb que dans la plume , il imagina que cette force étoit égalé dans l’une & dans l’autre , mais que laré-fifiance du milieu fe faifoit plus fentir fur celui des deux corps qui avoit le moins de matière. Ce raifonnetnent étoit bien fondé *.& nous en ferons connoître toute la jufiefie en expliquant l’expérience qui fuit»
- IL EXPERIENCE.
- .V REPARATION.
- On établit fondement fur la platine d’une machine pneumatique,un chaf-fis qui contient un tuyau de verre qui -a fîx pieds de longueur, deux pouces \ de diamètre, plus large & ouvert par fes deux extrémités A, B Fig. 2. on joint en-haut par le moyen d’un anneau de cuir mouillé , une platine de cuivre fous laquelle eft fixée la çhappe d’une pièce qui tourne verti-
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- Expérimenta le. 12$ Salement, & qui fe divifant en fix rayons, forme autant de pinces à renfort. Cette pièce eft repréfentée feule de face dans la Fig. 3. & elle fe voit de côté en CD Fig. 4. fon axe porte un pignon à lanterne qui engrène une roue à chevilles F, en-arbrée fur une tige de cuivre bien cylindrique qui traverfe la platine & un colet G rempli de cuirs gras. Le bout de cette tige eft fixé à un rouleau H au-deffus duquel eft un anneau qui répond à un-levier/,& ce levier fe meut
- Ear le moyen d’im cordon ; JC eft un arillet garni d’un reffort de montre * pour contretirer le cordon qui enve-lope Sc qui fait tourner le rouleau H.
- Avant que de placer cette pièce fur îe tuyau du verre » il faut avoir foin de garnir les fix pinces en mettant à chacune deux petits corps dont les volumes Ibient à peu près femblar blés , mais qui différent en poids : de forte cependant que ces différent ces ne foient pas également grandes dans chaque paire. Ainfi l’on pourra mettre, par exemple, dans la première un morceau de plomb ôc une plume ; dans la fécondé, un morceau*
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- *3ô Leçons de Physique de cuivre & une petite feuille de papier;' dans la troifiéme , un morceau de bois 8c un morceau de fer, &c.
- Lorfqu’on a raréfié l’air dans le tuyau le plus qu’il eft poffibîeavec la pompe , en tirant la corde L > on fait tourner la roue F pour mettre une des pinces dans une fituation verticale , comme D ; on tire enfuite le cordon Mpour élever la roue F dont le bord preffe le petit dévier n , 8c fait ouvrir la pince ; celle-ci ayant faitfon office, on en fait paffer une autre de même , 8c ainfi de fuite jufc cpi’à la dernière.
- E F F £ T /.
- Tons ces corps échappant deux à deux,, tombent en même tems , 8c ne laiffent appercevoir aucune différence fenfible dans la durée de leur chute.
- Mais fi l’on recommence l’expérience,en laiffantle vaiffeau plein d’air dans fon état naturel, ceux qui ont le plus de poids tombent plus vîte, 8c la lenteur des autres eff plus fenfible à mefure que leur maffe efi: moins grande. Ainfi le bois tombe plus leur
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- Experimentale. 13 p fement que le fer ; mais fa lenteur n’efl pas fi grande que celle du papier & de la plume.
- Explications.
- La première partie de cette expérience prouve évidemment Sc directement , que la péfanteur eff égale dans tous les corps,& que les différences qu’on apperçoit dans leurs chûtes, ne doivent être attribuées qu’a la ré-fiffance des milieux par lefquels ils tombent : puifqu’en fupprimant ou en diminuant beaucoup cette réfifiance les tems qu’ils employent à defcen-dre de hauteurs égales , font fenfi-Mement les mêmes*- La féconde partie nous apprend, comment nous devons évaluer ces différences que nous remarquons dans la chûte des graves qui différent entre eux par leur quantité de matière. Car fi nous regardons la péfanteur comme une vîtcfie commune & égale dans tous les graves , les quantités de mouvement, ou les forces de deux corps qui commencent à tomber, ne peuvent différer entre elles que par la maffe. Supposons donc un morceau de plomb-
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- $32 Leçons de Physique qui péfe 12 onces, & un morceau cîe bois de même volume & de même figure qui en péfe une : puifque la vî-tefie initiale , ou la péfanteur de ces deux mobiles eft la même, leurs quantités de mouvement, au premier inf-tant de leur chûte , feront comme leurs maffes, c’eft-à-dire, 1 dans celui-ci, & 12 dans l’autre. Suppofons maintenant que pendant leurs chûtes, la réfiftance du milieu rallentilfe leur mouvement cPun demi-degré ; cette diminution fera égale dans i’un 6c dans l’autre , puifque c’eft le même milieu, que les volumes font égaux 6c les figures femblables , mais le morceau de plomb qui a perdu un demi-dégré de mouvement, en a encore 11 j, au lieu que le morceau dé bois, par une femblable perte,ne s’en trouve plus avoir qu’un demi ; dans l’un le mouvement efî rallenti feulement de la douzième partie , dans l’autre il l’efî de la moitié , quoique ces deux effets procèdent de la même caufe.
- Applications.
- Le principe que nous venons de
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- Expérimentale. 133’ prouver par l’expérience précédente , eft d’une grande importance ; auffi n’a-t-on rien négligé pour le mettre dans tout fon jour. M. Newton l’a confirmé par les vibrations de plufîeurs boules fufpendues , dont il a mis les diamètres & les poids en différens rapports: nous ferons voir inceffaminent que cette efpéce de mouvement eft un effet de la péfan-teur ; ainfi* quand deux boules de même poids, de même groffeur , Sc fufpendues à des fils égaux , continuent de balancer auffi long-tems dans le même air , elles font voir qu’elles font animées par des péfan-teurs égales •: & l’on doit perfévérer ' dans le même fentiment, quoique la diminution du poids y apporte une différence , fi, comme l’expérience le fait voir, cette différence ne fuit pas le rapport des maffes.
- Meffieurs Frenicle & Marîotte é-prouvérent d’après Galilée, la chûte direde des corps à de grandes hauteurs ; mais perfonne ne fit ces fortes d’épreuves dans des circonftances plus avantageufes que celles où prouva M. Defaguilliers * en profi-
- ** x r1.362.art*
- 4»
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- *3$ Leçons e>e Physique tant de la grande élévation du dôme de S. Paul à Londres , & des lumières de Meilleurs Newton, Halley , &c. qui voulurent être préfens.
- On lit tomber plufieurs corps de différens poids , & de différens volumes , de la hauteur de 272 pieds ; & l’on remarqua que deux boules dont les diamètres étoient d’environ j pouces \, & qui péfoient l’une 2610 grains, .& l’autre 1^7 7, employèrent des tems fort dilférens à tomber de toute cette hauteur ; car la plus péfante acheva fa chûte en 6 fécondés {, & celle de l’autre en dura près de 19 ; ce qui fait bien voir que la vîtelfe des corps qui tombent n’eft point. proportionnelle à leur mafî'e ; car dans cette dernière expérience les deux boules , quant au poids , font à peu près dans le rapport de 19 à 1 ; & toutes les autres circonftances font égales pour l’une êc pour l’autre ; cependant il s’en faut bien que la plus péfante tombe 19 fois plus vite que l’autre, car au lieu de 6 fécondés , elle n’auroit dû en employer qu’une.
- Il eh facile d’expliquer maintenant ?
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- Experimentale, i 3 £ '.pourquoi ia même matière devient -plus lente à tomber, à mefure qu’elle fe divife ou qu’elle augmente de volume , comme un morceau de bois que l’on réduit en coupeaux minces, un jeu de cartes, ou un paquet de plumes qui n’eff pas lié. La chûte d’une groffe pluye efl bien différente de celle de la neige ; & l’eau qui tom-ba fans fe divifer , fait un effort bien plus conlidérahle que celle qui fe réduit en goûtes, & qui s’étend dans •fait qu’elle traverfe.
- Sans cette réfiffance de l’air a qui retarde & qui divife les corps dont les parties ne font point fortement liées , on verroit avec autant de danger que d’étonnement une potée d’eau jettée par une fenêtre, tomber fur le pavé , avec autant de bruit 3c d’effort qu’un glaçon de même poids. S’il y en avoit la valeur d’une pinte , autant vaudroit recevoir fur la tête une pierre du poids de deux livres qui tomberoit de la même hauteur. Mais la furprife ne dureroit pas long* Lems , pour ceux qui feroient au fait des principes que nous expliquons. ;Gar ils fçauroient qu’une raaffe liqui-
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- î36 Leçon? de Physique de qui tombe par quelque milieu matériel que ce foit, éprouve une ré-fiftance direde en fa partie inférieure , & un frottement aux fur-faces latérales : que ces deux fortes de ré-fiftances retardent davantage ce qui eft expofé à leur adion immédiate que le refte , 8c qu’aiofi. le mobile dont les parties ne font prefque point liées, doit en peu de tems changer de figure 8c fe divifer; mais ces deux derniers effets doivent ceffer, quand la caufe qui a coutume de les produire , ne fubfiffe plus.
- Une expérience prelqu’auiïi ancienne que la machine pneumatique, 8c qui, pour n’avoir pas le mérite de la nouveauté, n’en eft pas moins cu-rieufe, prouve admirablement bien ce que nous difons ici de la chûte des liqueurs.
- IIL EXPERIENCE. '
- . / j
- P R EPARATION.
- Dans un tube de verre un peu fort, Fig. f. dont le diamètre égale -S ou io lignes , on met quelques pouces d’eau ; 8c après avoir fait le
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- ' Experimentale. T37 vuide dans le refte de la capacité, on îe fcelle à la lampe d’un Emailleur s en A,
- E F F E T S,
- Quand on fecoue ce tube perpendiculairement , l’eau, s’élève toute d’une pièce , à la hauteur de quelques ponces’, comme en B ; & en retombant de même fur le fond , elle fait le même bruit & le même effort qu’un corps folide& ce fon efl beaucoup plus aigu , quand on réferve une boule creufe , Sc mince en la partie fupérieure , comme on le voit par la figure».
- E X P L I CAT 10 N•
- Si dans ce vaiffeau il y avoit de Pair tel que celui de l’atmofphére , depuis la furface de l’eau C jufqu’en A , lorfque par la fecouffe onéleve-roit l’eau de C. en B la colonne d’air contenue dans cette partie pren-droit fa place pour un inflant , Sc l’eau en retombant rencontreroit ce fluide flexible qui retarderoit fa chute , 8c qui après une divifion réciproque , lui céderoit fa première pla?-T’orne IL. M
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- i38 Leçons de Physique ce ; mais quand il n’y a que de l’eau dans le tube , & que rien ne la défu-nit, elle retombe toute enfemble, Si la bafe de cette colonne liquide frappe immédiatement le fond du vaif-feau, comme pourroit faire un cy-lindre folide du même poids.
- Applications.
- Le mercure d’un baromètre ( fi l’inft trament eft bien fait ) fe trouve dans le même cas que l’eau de cette dernière expérience ; quand on le fait balancer dans le tube, fi la fecouflfe eft forte , on court rifque de cafter le verre , 8c l’on entend toujours le coup , comme celui d’un corps folide, parce que la partie fupérieure du tuyau eft vuide d’air, & que le mercure heurte immédiatement le fond.
- Le tems n’apporte par lui-même aucune différence à la péfanteur des corps ; à moins qu’on ne fuppofe ( mais pourquoi le fuppoferoit-on ? ) que les changemens qui lui arrivent font uniformes 8c proportionnels dans toute la nature : car pour ce qui eft des poids comparés, ce qui péfe une livre 3 continue toujours de pé-
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- Experïment AXË. r$ $ fer exactement une livre, tant que la quantité de matière relie la même. On en peut juger parles péfanteurs fpé-èifiques de matières connues ; l’or, par exemple , eft conllamment dans lé rapport de 19 7 à 1 fur l’eau pure. Il eft vrai que ces quantités font fujettes à de petites différences ; mais il eft plus raisonnable de les attribuer aux différens états des matières , au froid,, au chaud, à la féchereffe, à l’humidité , ôcc. que de les rejetter fur une Caufe inconnue qu’on n’a pas lieu de foupçonner. S’il arrive tous les jours qu’un corps devienne plus ou moins péfant qu’il n’étoit, on doit faire attention qu’il a perdu ou acquis des parties matérielles qui augmentent ou diminuent fa maffe. Une éponge, ou quelque corps équivalent, fufpen-due au bras d’une petite balance , 8c expofée aux imprelfions de l’air, devient tantôt plus , tantôt moins pé-fantè ; c’eft que l’humidité qui régne dans l’air , ajoute à fon poids en certain tems, & qu’au contraire elle en fort, quand il fait plus fec. Cette explication eft fi naturelle 8c fi bien reçue , que bien des perfonnes em-
- Mij
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- 1^.0 Leçons de P-hystq.ue' ployent ce moyen pour connoîtrâ l’humidité ou la fécherefle de l’air. On fçait que le bois flotté efl: plus léger que le bois neuf, faudroit-il en conclure que la péfanteur varie? n’eft-il pas viïible que cette diminution de poids vient de ce qu’il a perdu une partie de fa fubftance ? Au moins ne peut-on. pas douter que l’eau ne lui ait fait perdre une grande partie de fes fels ;.car la1 leflive que l’on fait de fa cendre , en. contient peu , & par cette raifon elle efl moins propre qu’u? ne autre à blanchir le linge.
- Si quelques expériences ont paru, indiquer des , changemens dans -le. poids d’une même, matière , nous ne devons donc point croire qu’elles, pififlent prouver comme quelques, perfonnes l’ont cru, que la péfanteur: varie par fucceflion.de tems ; il nous, paroît. plus vraifemblable que ceux, qui les ont faites. , auront été tromr-pés par quelque défaut dans l’exécution ,,qui aura échappé à leur vigilance. Les poids des pendules ,.des horloges des tournebroches, &c. font des preuves- d’expérience qn’on peut leur oppofer, & qu’on ne peut révor quer en doute...
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- Experimentale. 14*
- Mais fi le tems n’apporte aucune variation à la péfanteur des corps , cette force ne change-t-elle pas félon les lieux ?
- Lorfqu’on fait attention que le cem-, tre des corps graves- eff celui de la terre , ' on peut être porté à croire qu’à une diftance plus ou moins grande de ce terme , la péfanteur pourrait bien n’être pas la- même. Mais quand , pour comparer cette force à elle-même , nous l’avons éprouvée aux plus grandes hauteurs &profom deurs qui nous foient acceffibles , 8c que nous n’y appercevons aucune différence , il femble qu’il foie permis de croire- qu’elle eft uniforme par tout. Audi l’a-1-on fuppofé avant qu’on eût trouvé des raifons pour croire le contraire.
- Newton nous allure ( 8c Newton mérite qu’on l’écoute ) que cette puif-fance fecréte qui follicite les corps à.tomber vers la terre, agit moins fur eux quand ils en font plus éloignés ; il fait plus, il nous donne des. régies pour évaluer cette diminution r 8c comme s’ileûtporté la balance juf-qu’aux Affres,, il veut que l’on croye
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- 314.2 Leçons de Physique qu’une pierre qui commenceroit k-tomber de la Lune , ne feroit pas plus de chemin en une minute, qu’elle en fait ici-bas en une fécondé; c’elt-à-di-m, qu’à une telle hauteur, elle tom-beroit 3 600 fois plus lentement qu’elle ne fait aux environs de la furface de la terre.
- S’il eft étonnant que ce Philofophe ait ofé prononcer ainfi, fur des cho-fes qui parodient au-delfus des forces de l’efprit humain , on doit être encore bien plus furpris qu’il ne les ait pas données comme des fyftêmes , mais qu’il ait appuyé tout ce qu’il a avancé , fur des preuves & fur des démon Ihations qui tiennent contre l’examen le plus rigoureux. A la vérité Newton n’a pas démontré que la force centripète de la Lune foit la même que celle des autres corps qui appartiennent à notre globe ; mais il l’a fuppofé avec tant de vraifemblance , que cela ne peut guéres palfer pour une limple conjedure ; car fa théorie de la Lune , qu’il fonde fur cette fnp-polition,eft celle qui approche le plus de la vérité & qui donne les lieux de cette planète les plus conformes
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- Ôux obfervations des Aftronomes.
- Comment donc peut-on fçavoirce qui fe pafle à la Lune pour en parler avec tant de hardiefle , & pour avoir encore l’avantage de fe faire croire ?
- G’eft dans les ouvrages même de M. Newton , ou dans des extraits plus amples que ceux que nous pouvons nous permettre ici, qu’il faut étudier fes penfées & fes preuves. Ce qu’il a enfeigné touchant la péfanteur des corps , eft lié avec tout le fyfté-me générai dur monde- qu’il a plus heureufement concerté qu’aucun autre Philofophe ; & il eft aflez difficile de fe former une idée bien jufte de cette partie , quand on la fépare des antres avec lefquelles elle a une connexion néceilaire. Nous nous contenterons donc de faire feulement entrevoir ici, comment il eft poftïble de juger de la pefanteur des corps à la hauteur de la Lune, par celle qu’ils ont ici-bas ; en fuppofant que la force centripète de la Lune n’eft autre cho-fe que cette gravité qui fait aller tous les corps qui font près de nous, vers le centre de la terre.
- Suppofons que T} Fig. <5. repré-
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- fente la terre , L la Lune , L QJP & l’orbite de cet aftre , c’eft-à-dire, la révolution qu’elle fait autour de la terre dans l’efpace de près d’un mois. On connok allez bien la dillance qu’il y a de la terre à la Lune, c’elt à-peu-près 60 fois le demi-diamétre du globe terrellre, voilà des quantités connues depuis long-tems, & fur lefquei-les tout le monde eff d’accord.
- En parlant des forces centrales dans la leçon précédente, nous avons, fait connoître qu’un corps qui- circule j ne le fait q.u’en conféquence: d’une force qui le pouffe ou qui le tire toujours vers un même point pendant qu’une autre force le follici-te à fe mouvoir dans une autre direction. Lorfque nous voyons tourner la Lune autour de nous , nous pouvons-donc conclure en toute fureté qu’elle a une force centripète, ou , ce qui efl; la même chofe, qu’elle péfe vers, la terre.
- Nous avons fait voir aufïï en parlant du mouvement compofé, que fi un mobile obéit en même tems à deux puiffances , comme LP , L C t ©n connoît le rapport de ces deux puiffances
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- Experimentale, 145 puilTances par la diagonale L ^_que ce corps décrit.
- Comme on fçait le teins que la Eune eft à parcourir tout Ton orbite , on connoît aulïi celui quelle employé pour en décrire une petite portion , comme L Qj Sc par-là on peut juger du chemin qu’elle auroit fait en pareil tems, li elle n’avoit obéi qu’à l’une des deux puilTances. Si , par exemple , L ^_eiî ce qu’elle parcourt de Ton orbite en une heure , L P repréfente la quantité dont elle defcen-droit en une heure , Il elle fuivoit i’impullion de la feule péfanteur.
- C’efl: à-peu-près de cette manière que Newton elt venu à bout de con-îioître qu’un corps grave , en commençant à tomber de la Lune , par-courroit à-peu-près iy pieds dans l’efpace d’une minute ; puis comparant cette vîteffe à Celle des corps qui obéilTent ici-bas à la péfanteur , il la trouva 3600 fois moins grande ; car une pierre qui tomberoit librement pendant une minute , parcour-roit 3600 fois iy pieds, ou bien 54000 pieds : d’où il conclut que la péfanteur décroît comme le quarre Tmç IL "N
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- 146 Leçons de Physique de la diftance augmente; car 3600 eft le quarré de 60, 6c la Lune eft 60 fois plus éloignée du centre de la terre que les corps qui font comme nous à la furface.
- Si nous pouvions nous élever à des hauteurs allez confidérables, ce feroit une chofe bien curieufe de conftater cette théorie par quelque expérience ; mais nos plus hautes montagnes ne font pas fuffifantes , 6c quand on les fuppoferoit de deux lieues perpendiculaires au-deiïus du terrain le plus bas où nous publions defcendre , on voit par le calcul que le décroiflement de la péfanteur fe^ roit encore infenfible.
- Si une diftance plus ou moins grande des corps graves au centre de la terre , a pu faire reconnoître quelque variation dans leur péfanteur, la différence des climats devoit-elle faire naître de lemblables foupçons ? Dans un tems fur-tout où la figure de la terre étoit encore réputée fphérique, tous les lieux de fa furface ne de-voient-ils point paroître indifférens pour cette tendance au centre ?
- Dès qu’on a fuppofé que la terre f§
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- Experimentale. 147 .meuten 24heures autour de Ton, axe ,
- on auroit pû faire attention, que toutes les parties de fa furface ne tournent pas également vite ; celles qui •font fous l’Equateur, décrivant des cercles beaucoup plus grands que celles qui avoilinent les pôles,comme nous l’avons fait voir en expliquant l’expérience du globe de verre dans la leçon précédente *. Cette con- * « •lidération conduifoit naturellement à penfer que tous les corps qui font à la furface de notre globe , participant à fon mouvement, ont une force centrifuge ;.que cette force contraire à la péfanteur doit être plus •grande vers l’Equateur que vers les pôles ; 6c qu’ainli la péfanteur doit diminuer à mefure qu’on efl plus près de cette partie de la terre. Mais avant Defcartes 6c M. Hughens il n’étoit guéres queftion de forces centrifuges ; Ôc ü Copernic, en propo-•fant fonhypothéfe, l’eût encore chargée de cette nouveauté , il y a bien de l’apparence que dans fon tems eide n’eût pas été mieux reçûe que le relie.
- . En 1672. M. Richer étant allé pa£
- N ij
- Exprro
- 22.
- 3c
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- ï 4$ Le ç o n s de P h y s iq. u'ë ordre du Roi à Fifle de Cayenne ) fituée à-peu-près à 5 degrés de latitude, pour des obfervations qu’on ne peut faire dans notre climat, fit le premier une découverte plus inté:-reflante fans doute que toutes celles qu’il s’étoit proposées. Il obferva qu’un pendule qui battoit les fécondés à Paris, mefuroit des tems plus longs dans le pays où il étoit.
- Un pendule efi un infiniment com-pofé d’un corps pélânt, comme une balle de plomb, par exemple , qui décrit des arcs autour d’un point fixe, par le moyen d’un fil ou d’une verge mince qui le tient fufpendu. Nous ferons voir dans la fuite de cette leçon , que fon mouvement, que l’on nomme ofcillation, efi un effet de la péfanteur, & qu’il efi plus ou moins prompt, félon que le fil de fufpen-lion a plus ou moins de longueur. .
- M. Richer s’étant donc bien afluré que fon pendule réglé à Paris pour battre les fécondés , retardoit à la Cayenne, y remédia en le raccour-ciffant d’une quantité dont il tint un compte exad ; & cette expérience Répétée depuis par plufiçurs boni
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- Ex PERIMENT A £ E. 14c? ftbfervateurs , 8c en dernier lieu par. les Académiciens qui font allés au Pérou, 8c par ceux qui ont fait le voyage du Nord , pour les mefures qui ont rapport à la figure de la ter-* re , a toujours fait connoître que les corps tombent plus lentement vers l’Equateur qu’ailleurs , 8c que ce retardement diminue, à:proportion que la latitude du lieu augmente.
- Fondé fur cette connoifiance on a compté plus que jamais fur le mouvement journalier de la terre ; 8c com* me cette rotation , une fois admife imprime aux parties du globe des forces centrifuges, qui ne font point égales dans toute fon étendue , on commença à former des doutes fur fa figure qui pafifoit pour fphérique dans l’opinion commune.
- Tant que l’on a confidéréla ter-re comme immobile , il étoit vrai-femblable qu’elle fût une fphère parfaite , parce que fes parties n?obéif-fant qu’à une péfanteur égale , dévoient former autour du centre commun de leur gravité , des rayons ou des colomnes de même longueur , pour être en équilibre. Mais fi cqtte
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- X$o Leçons de Physique gravité primitive fe trouve diminuée par une force contraire , & que cette diminution nefefafle point en quantités égales dans toute l’étendue du globe , il n’eft guéres pofïïble d’accorder l’équilibre de fes parties avec une figure parfaitement fphérique.
- Soit AD B E , Fig, 7. une coupe diamétrale de la terre, au moment de la création , compofée de parties également péfantes vers le point C 9 & afifez fluides pour s’arranger, en conféquence de cette péfanteur; il efl: certain que tous les rayons A C , D C, FC y ôcc. pour être en équilibre , doivent être de même longueur,. & que toutes leurs .extrémités feront rangées dans la circonférence d’un cercle.
- Mais fi l’on confidére la terre comme ayant un mouvement de rotation fur l’axe A B, l’équilibre ne peut plus* fubfifter entre des rayons égaux : car alors la force centrifuge détruit une partie de la péfanteur, & cette diminution va toujours en augmentant du pôle à l’Equateur. Car le point D décrit en 24 heures un grand cercle , le point F dans le même teins par-
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- Experimentale. * i<>i court un parallèle dont le diamètre efl beaucoup plus petit, Sc le point A ne tourne point. La colomne C D pour être aufli péfante que CA, doit donc augmenter en longueur,& com-penfer par plus de matière ce que fa force centrifuge diminue de fa gravité.
- Le mouvement de rotation caule un femblable effet dans les autres parallèles ; mais cet effet va toujours en diminuant jufques aux pôles , pat deuxraifons; i°. parce que la vîteffe du mouvement, & par conféquent la force centrifuge qui en réfulte , diminue dans cette proportion ; 2°. parce que cette force , qui efl directement contraire à la gravité fous l’Equateur, ne lui efl qu’obliquement oppofée par-tout ailleurs, comme il efl aifé de le remarquer dans la figu* re ; car, par exemple, à la latitude du point E, la péfanteur agit félon la direction FC, & la force centrifuge a fa tendance par FL.
- Il fuit donc de tout ceci, que fi la terre tourne fur fon axe, la péfanteur n’eft point égale par-tout ; la matière qui compofe ce globe, pour être en
- N iiij
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- i$2' Leçons de Physique équilibre avec elle-même , doit s’élever de plus en plus depuis les pôles jufqu’à l’Equateur , comme HL K G, d’où il réfulte que le diamètre defon; équateur efl plus grand que Ton axe AB. Ceci devient feniible par l’exemple qui fuit.
- On emplit de paille d’avoine un fac de cuir de mouton , compofé de 12 fufeaux femblables aux imprimée dont on couvre les globes qui re-préfentent le ciel ou la terre ; cette efpéce de fphére flexible efl: garnie, à fes deux pôles , de deux morceaux de bois percés qui gliffentfur un axe de fer quarré , dont les deux extrémités font arrondies comme deux pivots,, Sc par le moyen d’une poulie fixée à Tune des deux , comme il paroît par la Fig. 8. on imprime à ce globe un mouvement de rotation , par le moyen de la machine avec laquelle nous avons fait tourner le globe de verre , & que nous avons repréfentée par la Fig. 22. de la leçon précédente. Ce mouvement lui fait perdre en peu de tems fa figure fphérique, pour' prendre celle d’un fphéroïde qui pa-rok fcnfiblement applati par les pô-
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- Experimentale, les , & élevé à l’équateur, plus qu’une fphéricité parfaite ne l’exige.
- MM. Hughens Sc Newton , fans avoir recours à de pareilles expériences , qui auroient peu de poids dans-une matière qui exige tant de préci-fion:, fondés feulement fur les loix de la ftatique Sc des forces centrales, avoient reconnu que la terre dévoie être un fphéroïdeapplati vers les pôles ; ils avoient même pouffé leurs calculs jufqu’à déterminer , de corm-bien.le diamètre de l’Equateur excé-doit l’axe en longueur. Mais comme cette décifion. tenoit à des hypothé» les qui y laiffoient encore de l’incertitude , le travail de ces deux grands; hommes n’eut prefque pas d’autre fuccès, que de fixer l’attention des Sçavans fur cette queffion, Sc d’en faire fentir l’importance.
- Quand la théorie nous conduit à quelque découverte phyfique, il Semble qu’il foit réfervé à l’expérience d’y mettre le dernier fceau; mais quel moyen de faire des expériences fur la figure de la terre ? Les plus décisives qu’on puiffe faire , c’efl: de las mefurer a&uellement en comparant.
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- ïf4 Leçons ce Physique les arcs d’undefes méridiens, com* me on a fait depuis*
- Quoique l’hiftoire de ce qui s’eff paffé à ce fujet, foit des plus curieuses & des plusintérelTantes, je m’abf-tiendrai de la rapporter, parce qu’elle n’eft point nécelTairement liée avec mon objet préfent ; elle efb beaucoup mieux détaillée que je ne pourrais faire ici à caufe des bornes que je me fuis prefcrites , dans plufieurs ouvrages très-récens , 8c fur-tout dans celui qui a été écrit exprès par M. de Maupertuis, qui a contribué plus que perfonneà conduire 8c h exécuter cette belle entreprife. Je dirai feulement que le voyage que cet il* luftre Académicien a fait au Nord1 avec plufieurs de fes confrères-, pour mefurer un arc de méridien , qui put être comparé à ceux qu’on avoit me-furés en France, a déjà confirmé la figure que MM. Hughens 8c Newton avoient attribuée à la terre ; 8c qu’il y a toute apparence que les autres Académiciens , qui font encore a&uellement au Pérou , ne nous apprendront rien de contraire , mais feulement de quelle quantité préci-
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- •TOM. II, VI. LE, COU. 1U . jl .
- pcr(n{'-ec cjrtiiiepar* Mgreaü-
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- Experimentale. Tément notre globe eft applati vers les pôles.
- Une autre queftion qui fe préfente maintenant, c’eft de fçavoir fi le poids d’un corps varie félon les dif-ferens états qu’il peut prendre ; fi le mouvement, le repos, le froid, le chaud , la folidité , la fluidité , &c. peuvent le rendre plus ou moins pé-fant dans le même lieu ?
- On peut répondre en général que le poids ou la péfanteur abfolue d’un corps ne varie point, tant que fa quantité de matière eftla même : une livre de plomb péfe toujours intrinfé-quement une livre, foit qu'on la tienne fondue ou folide, plus ou moins chaude, qu’elle fe meuve ou non ; car lorfqu’elle a pafle par tous ces états, fi elle n’a rien perdu de fa quantité de matière , on y retrouve conf-tamment le même poids.
- Mais fi l’on confidére la péfanteur comme la vîtefie a&uelle avec laquelle le corps grave fe porte de haut-en-bas, il s’en faut bien qu’elle foit la même au commencement-on. à la fin de la chute. Quelle que puifle être la caufe de la gravité , il faut
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- îytf Leçons-d e Physiqü'E' concevoir cette force comme fi elle étoit placée dans le mobile même , fur lequel elle agit : à peu près com» me le feu qui éléve une fufée, par l’inflammation fuccefiive des parties1 qu’elle contient ; de manière qu’elle1 agit fur un corps pendant qu’il tombe autant 8c de même à chaque instant, que s’il étoit arrêté ; ainfi, toutes chofes égales d’ai!leurs , une balle-de plomb qui a cédé à fa péfanteur pendant l’efpace d’une fécondé , ai une vî-tefie aèluelle plus grande, que celle qui ne feroit tombée que pen-. dant une demi-feconde. Rendons ceci fenfible par une expérience.
- IV. EXPERIENCE.
- P R E PARA T I O N-
- A B , Fig. p. eft une caille plus longue que large, ouverte par-defiüs 5 êc dans laquelle glifle un tiroir rempli de terre molle. A D , 8c B C, font deux eolomnes cylindriques de 3 pieds 8c ~ de hauteur, divifées en pouces , 8c fur lefquelles on fait glifi fer une traverfe mobile E F, qui s’arrête avec des vis, à telle hautepr quç
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- Experimentale. 177 -l’on fouhaite. Au milieu de cette tra-verfe ed un trou , dans lequel on retient une boule d’y voire d'un pouce -de diamètre , par le moyen d’une -pince à reffor-tè ; la boule//, fem-blable à la précédente , ed fufpendue par un fil à la moitié de la didance entre la cuvette & la traverfe mobile : & le fil de fufpenfion ed arrêté de manière que, quand on lâche la boule G, l’autre commence à tomber en "même-tems.
- Effets•
- Les deux boules ayant commencé à tomber en même-tems, n’achèvent leur chûte que l’une après l’autre , Sc la boule H, qui arrive la première fur la terre molle, y fait un enfoncement , qui ed beaucoup moin-. dre que celui de la boule G qui arrive après.
- Explications.
- L’enfoncement que chaque boule fait dans la terre molle , ed le produit de fon effort; cet effet exprime -la force actuelle du mobile à la fin ÿe fa chûte ; cette force ne peut ve*
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- ïjS Leçons de Physique nir que de fa mafle & de Ton dégrë de vîtefie : mais les mafles font égales ; fi les forces font différentes, c’efl: donc que la boule G, en achevant de tomber , avoit plus de vîteffe que la boule H.
- V. EXPERIENCE.
- V REPARATION.
- Le tiroir de la machine que nous Venons de décrire ci-deflus , ayant été tiré un peu en-avant, afin qu’une nouvelle boule puifle tomber fur un endroit où la terre molle n’ait point été enfoncée ; on arrête la tra-verfe mobile à un pied d’élévation au-deflus de la caifife , pour faire tomber une boule de cuivre qui péfe‘ 3 onces ; enfuite on élève la traverfe à trois pieds , pour faire tomber fur une nouvelle place , une autre boule de cuivre creufe , de même diamètre que la première , & qui ne péfe qu’une once.
- E F F E T J*.
- En comparant les deux enfonce-mens , on les trouve parfaitement égaux.
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- Experimentale.
- Explications.
- Ce que l’expérience précédente ira fait qu indiquer en general, celle-ci le démontre avec plus de pré-cifion ; car non-feulement elle fait connoître que la vîteffe des corps qui tombent librement, s’augmente par une chûte plus longue , mais elle nous donne la mefure de cet ac-croiffement, en faifant connoître qu’il eft proportionnel à la hauteur : c’eft ce qui devient évident, quand on fait attention qu’une once de malfe a produit le même effet que 3 onces, parce que la hauteur de fa chûte a été 3 fois plus grande.
- Applications.
- Il n’y a pas de payfan qui ne fçache, que la chûte d’une pierre eft d’autant plus à craindre qu’elle vient de plus haut, ôc que les corps fragiles courent plus ae rifque de fe rompre en pareil cas. Ces faits font trop connus pour mériter qu’on s’y arrête. Nous remarquerons feulement, que comme dans notre expérience une plus grande mafle , venant d’une moindre
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- ri6o Leçons de Physique hauteur , a produit le même effort qu’une moindre maffe qui venoit de plus haut ; on peut choifir entre ces deux moyens , lorfqu’il s’agit d’emprunter la puiffance d’un mobile qui doit agir par fa chûte : car il efl fou-vent avantageux de pouvoir fubfti-tuerdu poids à une grande élévation.
- Il n’eft pas douteux , par exemple, que des marteaux employés à force de bras avec une vîteffe fuffifante, ne vinffent à bout d’enfoncer des pilotis , de forger des ancres, dé battre le fer des mines dans les forges où on les prépare en grand , &c. mais il en coûte bien moins de dépenfe en faifant tomber d’une hauteur médiocre des maffes très-péfantes , dont le mouvement efl animé & réglé le plus fouvent par la force de l’eau , ou par celle du vent.
- Nous venons de voir en général que la chûte des corps s’accéléré dans tous les inffans ; voyons maintenant par des expériences quelle efl lapro-greffion de cet acçroiffement de vî-îceffe.
- yi, EXPERIENCE.
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- Experimentale. i6t VI. EXPERIENCE.
- .. Préparation.
- » A B 8c C D , Fig. io. font deux: cordes de métal ou de boyaux d’environ 12 pieds de longueur , fortement 8c parallèlement tendues à quelques pouces de diftanee l’une de l’autre, 8c faifant avec l’horizon un angle d’environ 22 dégrés ; G eft un mobile qui gliffe fort librement par le moyen de deux petits rouleaux fur la corde A B , & fon centre de pé-fanteur eft plus bas que la corde , afin que la pointe qui eft à fa partie fupérieure garde toujours la même fituation ;//- eft un pendule un peu péfant qui fe meut fur deux pivots A, a, 8c dont la verge excède un peu vers/. La'longueur du pendule doit être telle qu’il faffe juftement une vibration, pendant que le mobile G parcourt la neuvième partie de la corde AB; pour s’en affurer il faut avoir une petite règle de bois, qui ferve à mefurer la corde en neuf parties égales ; 8c placer vis - à - vis la première de ces parties , 8c fur la corde CD un petit timbre K, dont le poJ> 1-orne IL G
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- 162 Leçons de Physique tant gliffe & s’arrête avec une vis, U telle diflance que l’on veut. Il doit auffi avoir un petit marteau , que le mobile G détende en paffant. D’une autre part le pendule //fait Tonner de même un autre timbre I dont le ton eft différent ; & la queue de la verge qui excède en/, fait lâcher en paf-fant un petit fil de foie qui retient le mobile G ; de forte que quand tout efl bien ajufté, le mobile G ne part, que quand le pendule fait Tonner Ton timbre I pour la première fois ; 8c l’autre timbre K ne Tonne Ton premier coup» que quand le pendule fait entendre le fécond coup du lien : ainfi entre le premier 8c le fécond coup du timbre , il s’écoule un tems dont on a la mefure , 8c pareillement pendant ce tems le mobile parcourt un efpace connu. On recule enfuite le timbre K jufqu'à ce que l’efpace parcouru par le mobile G Toit fixé par le deuxième tems : c’eft-à-dire, jufqu’à ce que le troifiéme coup du timbre I s’accor*> de avec celui du timbre K que l’on a reculé, 8c ainfi de fuite. Et en mefu-rant les efpaces parcourus , on les compare avec les tems.
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- Experimentale. ï 63 Effets.
- Pendant la première vibration du pendule , le mobile G parcourt la neuvième partie de la corde ; s’il continue de fe mouvoir de fuite pendant le fécond tems , il parcourt trois fois autant d’efpace, & dans le troifiéme , cinq fois, de forte que fa vîtelfe eft accélérée , puifque dans des tems égaux il mefure des efpaces qui vont en augmentant, Sc le progrès de cette accélération fuit les nombres impairs 1 , 3, 5,7 , 9 , &c. ce qui fait dire que les efpaces parcourus , à commencer du premier inftant de la chute , répondent au quarré des tems : car à la fin du fécond tems on trouve pour le nombre des efpaces,