Visite à l'exposition universelle de Paris en 1855
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- A L’EXPOSITION
- UNIVERSELLE
- DE PARIS, EN 1855
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- CE VOLUME
- A ETE IMPRIMÉ EN ONE JOURNÉE
- PAR CH. LAHURE
- IMPRIMEUR DU SÉNAT ET DE LA COUR DE CASSATION
- rue de Vaugirard, 9, à Paris
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- Ai, Xoul. lo
- A L’EXPOSITION
- UNIVERSELLE
- DE PARIS, EN 1855
- CONTENANT
- I ° L’énumération des objets
- sur lesquels doit se porter principalement l’attention des visiteurs 2° L’indication des places où se trouvent ces objets 3° Tous les renseignements nécessaires relatifs à leur mécanisme, à leur emploi, à leur fabrication à leur prix, etc.
- PUBLIÉ AVEC LA COLLABORATION DE MM.
- Alcan, professeur au Conservatoire im-^ C. IVepveu, entrepreneur de travaux périal des ArtB et Métiers ; cj publics ;
- lîaudcmcnt, professeur au Conserva- £ *1- Péligot, préparateur au Conservatoire ; 5 toire ;
- Itoquillon , bibliothécaire au Conser- £ Pronnier, ingénieur civil ;
- vatoire ; ? Silbermann , conservateur des collec-
- Dclbrouck aîné, architecte ; j tions au Conservatoire ;
- Deherain , préparateur de chimie au ? e. Xrélat, professeur au Conservatoire, Conservatoire ; ? architecte ingénieur de la Commission
- Fortin Hermann , constructeur d’in- ? impériale ;
- strumetits pour les sciences ; £ E. Trélat, docteur en médecine ;
- J. G,andry, ingénieur civil ; £ Tresca, sous-directeur du Conservatoire
- lUolinos, ingénieur civil ; V impérial des Arts et Métiers ; etc-, etc.
- SOUS LA DIRECTION DE M. TRESCA
- Inspecteur principal de l’Exposition française à Londres, ancien commissaire du classement à l’Exposition de 1855
- PARIS
- LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET
- BUE pierre-sarrazin, n° 14
- 1856
- Droit de traduction réservé
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- AVIS.
- Les lettres et les chiffres qui servent à indiquer les emplacements occupés par les divers produits, sont ceux qui ont servi au placement.
- Dans l’Annexe, les piliers ont été numérotés de 1 à 146 à partir de la place de la Concorde, et, dans le sens transversal, les seules lettres A, B, C, D indiquent les distances à partir du côté du bord de l’eau.
- Dans le Palais principal et les bâtiments de la carrosserie, les chiffres régnent dans le sens longitudinal, les lettres dans le sens transversal.
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- INTRODUCTION HISTORIQUE.
- Le public a si souvent été entretenu des défauts que présentent les locaux affectés à l’Exposition universelle de 485o, des retards que son ouverture et son achèvement ont éprouvés , des ennuis supportés par les exposants, des inconvénients subis par le public faute d’une ventilation suffisante, qu’il ne sera sans doute pas superflu et qu’il paraîtra peut-être de toute justice de lui faire connaître, en quelques mots, quelles ont été les difficultés, les résistances à vaincre pour achever les choses au point où elles sont aujourd’hui et pour expliquer comment, malgré le désir unanime de donner à cette grande solennité industrielle tout l’éclat possible et une splendeur digne de la France, la diversité dans les opinions sur son succès probable et l'influence des circonstances ont exercé sur la marche des préparatifs une action regrettable.
- La Commission impériale, créée par le décret du 24 septembre 4853 pour diriger et surveiller l’Exposition univer-20G o
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- selle, sous la présidence de son Altesse Impériale le Prince Napoléon, avait, dès le 29 du même mois, formé dans son sein une sous-commission chargée de préparer l’exécution de cette grande œuvre.
- La première et la plus grave des questions qui préoccupèrent cette sous-commission présidée par le Prince, fut celle de l’insuffisance du bâtiment appelé le Palais de l'Industrie, qui n'offrait, avec ses galeries, qu’une superficie de 45 000 mètres pour réunir les produits de l’industrie du monde entier à une seconde exposition universelle, tandis qu’à la première , dans des circonstances peu favorables, 97000 mètres carrés avaient à peine suffi. Après plusieurs séances consacrées à la discussion de cette grande difficulté et à la recherche des moyens de la résoudre, une députation delà sous-commission , accompagnant son président, alla demander à l’Empereur la permission de lui exposer les besoins de la situation. Dans une audience que Sa Majesté voulut bien lui accorder dans les premiers jours de février 1854, la sous-commission exposa qu’une superficie de 105 000 mètres carrés était nécessaire et que , si l’on voulait employer le Palais de l’Industrie à l’exposition universelle, il était de toute nécessité d’y ajouter de spacieuses annexes. L’Empereur,, convaincu de l’exactitude de ces appréciations , autorisa la sous-commission à lui présenter le projet des annexes qu’elle jugerait nécessaires.
- Le 14 février 1854, la sous-commission chargea deux de ses membres, M. le général Morin etM. Vaudoyer, d’examiner les projets d’annexes présentés par la Compagnie du Palais de l’Industrie, et au besoin d’en préparer d’autres. Le 17 février, un rapport fut lu à la sous-commission à l’appui d’un projet d’annexes qui portait la surface totale à 90 000 mètres carrés.
- L’emplacement appelé le Jeu de Paume était élargi ainsi que l’avenue qui conduit à l’allée d’Antin, par la suppression d’une rangée d’arbres de chaque côté ; deux vastes galeries de 25 mètres y étaient élevées et formaient le prolongement du bâtiment principal auquel elles auraient servi d’entrée. Autour de ce bâtiment, des galeries de 20 mètres de largeur en accroissaient la superficie, et l’on obtenait ainsi un supplément de 50 à 60 000 mètres donnant en tout, avec le palais principal, 95 à 100 000 mètres carrés. Le reste devait
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- Dans ce projet, le Jeu de Paume était couvert par une galerie, qui, prolongée jusqu’auprès du quai delà Conférence, venait, par l’effet de l’obliquité forcée des lignes, s’approcher de très-près de l'extrémité de l’annexe, ce qui permettait de donner à ces deux bâtiments une façade monumentale et de leur ménager une entrée commune près du pont de la Concorde. On avait aussi proposé d’occuper le panorama, de l’entourer de galeries circulaires et de le prendre pour centre d’une galerie de jonction avec l’Annexe; mais à ce moment on regarda , comme impraticable l’expropriation prononcée depuis, et il fallut se borner à utiliser deux allées existantes pour les transformer en galeries couvertes de jonction, entre le Palais et l’Annexe.
- Ce projet, qui avait du moins le mérite de former, de l’Expo -sition, un ensemble unique et de lui donner encore un assez grand caractère, fut approuvé parla sous-commission, mais il ne put obtenir la sanction de M. le ministre d’État, et dès lors il fallut se résigner à organiser le mieux possible l’Exposition dans deux bâtiments n’offrant ensemble qu’une superficie disponible de 70 000 mètres carrés, auxquels cependant un étage de galeries établies dans la moitié seulement de l’Annexe, ajouta environ 8400 mètres, ce qui formait un total de 78 400 mètres carrés.
- La préparation des règlements généraux, et les détails de la correspondance avaient été, par le décret d’institution, confiés à M. Arlès Dufour et à M. Thibaudeau que leurs profondes connaissances des nécessités d’une grande entreprise appe>-laient naturellement aux fonctions de secrétaires généraux.
- La classification des produits fut confiée, à une commission qui en arrêta les bases, à la suite de nombreuses séances auxquelles assistèrent MM. Morin, Leplay, Rondot, de Cban-courtois, Focillon et moi ; chacun de nous se chargea de la rédaction des classes qui étaient le plus en rapport avec ses aptitudes personnelles.
- Sous la direction de M. le général Morin , je préparai les différents projets de répartition entre les puissances étrangères et la France.
- Les termes du premier projet donneront une idée complète de l’esprit qui présidait dès lors aux préparatifs de l’Exposi tion :
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- Projet de répartition pour l’Exposition de 18£>5.
- « Les espaces occupés par les différentes nations à Londres ont servi de base à ce projet, si ce n’est en ce qui concerne la France et l’Angleterre.
- « Pour la France, on s’est reporté aux expositions quinquennales, qui ont fourni les indications suivantes :
- Expositions Exposants. Surface totale
- 1834 .......... 2441 14 288n"c
- 1839 .......... 3381 16 500
- 1844 .......... 3960 17 760
- 1849 .......... 4532 27 040
- « Les circonstances fâcheuses au milieu desquelles l’Exposition de 1849 a dû se produire ne permettent pas de supposer qu’il y ait moins de 5000 exposants français en 1855. Les chiffres précédents indiquent qu’il faut compter pour chacun d’eux un espace de 6 mètres carrés, passages compris, puisque cet espace était de 5m,96 à l’exposition de 1849, bien qu’aucune machine n’y lut mise en mouvement.
- « L'exposition de Londres confirme d’ailleurs ce chiffre : l’espace moyen par exposant y était de 6m,27 , et pour la France, seulement, de 6m,5l.
- « On a donc pensé qu’il y avait lieu de compter, au minimum, 5000 exposants français, à raison de 6 mètres pour chacun, repréientant par conséquent un espace de 30 000 mètres carrés.
- « L’espace alloué à l’Angleterre a été déterminé par d’autres considérations. Les commissaires anglais qui ont été récemment envoyés à Paris ont déclaré que, pour qu’ils puissent s’occuper avec succès de l’exposition de 1855 , il était nécessaire qu’une surface en tables, de 40 000 pieds leur fût assurée, soit environ 4000 mètres carrés, sans compter celle qui serait occupée par les machines de chemins de fer et les appareils d’agriculture. A Londres, l’espace total était de 2,80 fois aussi grand que l’espace occupé par les objets exposés, en telle sorte que, sur les mêmes bases *, la surface demandée par
- 1. 11 y a lieu de croire que la disposition du palais des Champs-
- Surlace par exposant. ... 5,84m-c ... 4,94 ... 4,49 ... 5,96
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- les commissaires anglais serait 4000 x 2, 80 = 11 200 mètres carrés, soit 12 000 en tenant compte du matériel des chemins de fer et des machines agricoles.
- « Cette demande, d'ailleurs, n’a rien d’exagéré, puisque la France occupait à Londres 11 144 mètres, c’est-à-dire une ^surface équivalente. Cette surface de 12 000 mètres ne représenterait encore que 1738 exposants, si l’espace de 6œ,39 occupé par chaque, exposant anglais à Londres était reconnu nécessaire.
- « L’Angleterre comptera donc, au minimum, pour 1750 exposants, occupant un espace total de 12 000 mètres carrés.
- « Au point de vue de l’exposition de 1855, comme à celui de l’exposition de 1851, l’Angleterre et la France sont dans une position tout exceptionnelle, qui motive suffisamment le mode exceptionnel de répartition dont les bases viennent d’être indiquées.
- « Les autres pays, au contraire, se trouvent dans une position presque identique par rapport aux deux expositions. L’espace occupé par eux à Londres paraît devoir leur être indispensable à Paris ; il conviendra même d’allouer une surface un peu plus grande à nos voisins immédiats qui, comme la Belgique et la Suisse, ont des industries similaires aux nôtres, ou qui, comme la Sardaigne et l’Espagne, ont plus de facilités pour nous adresser leurs produits.
- « La Suède et le Danemark, qui, par des circonstances imprévues, n’ont pu paraître à Londres qu’avec très-peu de produits, devront disposer d’une surface plus en rapport avec l’importance de leur industrie.
- « Si, d’un autre côté, l’on remarque que les États-Unis n’avaient qu’imparfaitement utilisé la surface de 4120 mètres qu’ils occupaient à Londres, et qu’à New-York même leurs produits ne comprenaient qu’une surface presque égale, de 4500 mètres, on ne s’étonnera plus que cette grande nation n’ait été comprise dans la répartition actuelle que pour 3000 mètres seulement.
- « La même observation est applicable à la Russie, qui a été
- Élysées ne permettra pas d’utiliser aussi bien la surface totale, et que les passages devront occuper plus des deux tiers de celte surface.
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- comptée pour 1000 mètres carrés : mais l’on sent toute l’incertitude de ce chiffre au milieu des circonstances actuelles.
- « 11 est vrai que le projet ne comprend que les États ayant réellement figuré à l’exposition de Londres : plusieurs qui s’y étaient fait inscrire, tels que le royaume de Naples, l’Arabie et le Maroc, n’y ont cependant envoyé aucun produit; il est permis d’espérer, d’ailleurs, que beaucoup d’autres, parmi lesquels les grands États de l’Amérique, prendront part à l’exposition de 1855, bien qu’ils n’aient été aucunement représentés à celle de 1851. Mais, en l’absence de bases certaines sur lesquelles il serait possible d’établir, quant à présent, leurs parts dans la superficie totale, on doit certainement admettre que les envois de ces contrées établiront une compensation surabondante par rapport à la surface éventuellement dévolue à la Russie ; en portant à 70 000 mètres carrés la superficie totale, on réserverait ainsi de 1500 à 2500 mètres ipour être distribués au fur et à mesure des demandes qui parviendraient à la Commission delà part des États non désignés dans la répartition actuelle.
- « Telles sont les considérations d’après lesquelles a été préparé le tableau suivant, dans lequel les chiffres ont été, d’ailleurs, fractionnés en nombres ronds, de manière à allouer le même espace aux différents pays qui avaient figuré, pour des surfaces à peu près égales, à l’exposition de Londres.
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- llil 111 111 : ; : : : : : : : : : DÉSIGNATION des PAYS.
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- - « Ces ‘chiffres,établissent en faveur de chacun des'pays qui
- y sont dénommés une part,plus considérable que celle qui leur était dévolue à Londres ; mais, pour exercer envers eux une telle libéralité, la France seule se trouvera forcée de se restreindre aux proportions des dernières expositions nationales. Il suffira d’ailleurs de jeter les yeux sur ce tableau pour reconnaître la nécessité d’obtenir une superficie minimum de 70 000 mètres carrés, sans laquelle il serait impossible d’assurer à chaque nation un espace proportionné à ses besoins. »
- En acceptant les bases de cette répartition , sauf quelques modifications de détail, la commission impériale admettait .qu’un espace supplémentaire de 25 000 mètres serait obtenu par des annexes, et quelques jours plus tard elle acceptait, avec le projet suivant, le chiffre de 80 000 mètres qui servit de base aux allocations officielles transmises le 12 et le 18 août à M. le ministre des affaires étrangèrés. Voici ce projet :
- « Les nouvelles dispositions prises pour les annexes du palais de l’Industrie exigent une répartition par pays, en déterminant dès à présent les produits qui, suivant leur nature, doivent prendre place dans chacun des deux bâtiments.
- «: En distribuant parmi les vingt-sept classes françaises les produits qui ont concouru à l’exposition de 1851, on arriverait aux résultats suivants, pour l’espace occupé par chacun des sept groupes de la classification adoptée par la Commission impériale.
- Espace occupé à Londres Proportions par rapport à l’espace
- par total occupé par les produits
- i nrnrinits df» rlinmiA irmune. île l’inrlusLrie.
- les produits de chaque groupe. 1er groupe 4433 .. de l’industrie.
- 0,133’ )
- 2e groupe .... 7365 .. 0,222 0436
- 3e groupe .... 2658 .. 0,081 1 1
- 4e groupe .... 3030 .. 0,092 1
- 5e groupe .... 4699 .. 0,143 1 0,564
- 6e groupe .... 5336 .. 0,162 I
- 7* groupe .... 5584 .. 0,167 > I
- « On voit, d’après cette énumération, qu’il serait convenable de placer dans le bâtiment principal les quatre dernières classes, et de réserver pour l’Annexe les produits des trois premières.
- « La surface disponible du bâtiment principal étant de 4S 000
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- mètres, il en résulterait que celle de l'Annexe devrait être de (45,000 =) 35,000 mètres, ce qui est à peu près la
- surface du bâtiment projeté sur le quai de la Conférence.
- « La surface totale serait alors de 80 000 mètres, c’est-à-dire de 4 0 000 mètres de plus que dans le précédent projet de répartition.
- « De ces 4 0 000 mètres, 5000 devraient être réservés à la France par suite des demandes nombreuses qui sont déjà signalées pour les machines en mouvement ; on pourrait, pour la même raison, augmenter de 3 000 mètres l’espace réservé à l’Angleterre, tout en accordant aux autres pays, et particulièrement au Zollwerein, à l’Autriche et à la Belgique, des augmentations proportionnelles, ce qui conduirait aux chiffres suivants :
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- 1 EXPOSITION DE 1855.
- DÉSIGNATION DES PAYS. ESPACE alloué. RAPPORT de l’espace alloué à chaque nation à. la superücie totale. IDEM par rapport à la super-licie totale, la France et l’A ngleterre exceptées.
- France m. C. 35 000 m. c. 0 4350 xn. c. »
- i Produits industriels 12 000 Angleterre.... j Machines, etc 3 000 15 000 0 1880 »
- ( 1er groupe 15 000 Zollwerein 8 000 0 1000 0 266
- Autriche 5 000 Ü 0625 0 166
- Belgique 4 500 0 0562 0 150
- Etats-Unis 3 500 0 0437 0 113
- Suisse 1 800 0 0225 0 060
- Hnllande 600 0 0075 0 020
- Turquie 600 0 0075 0 020
- Danemark 500 0 0062 0 016
- Égvpte 500 0 0062 t 0 016
- Espagne 500 0 0062 0016
- Portugal 500 0 0062 0016
- Rome 500 0 0062 0 016
- Sardaigne 500 0 0062 0 016
- Suède et Norvège. 500 0 0062 0 016
- Toscane 500 0 0062 0 016
- Tunis 400 0 0050 0 013
- Chine 200 0 0025 0 007
- Etats du nord de l’Allemagne 300 0 0038 0 010
- Étals de l’Amérique méridionale ; 750 0 0012 0 003
- Grèce 100 0 0012 0 003
- Deux-Siciles 150 » »
- Perse 100 0 0012 0 003
- Etats non désignés » 0 0100 0 0027
- 80 000
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- « Ces chiffres seraient dignes de la France, puisqu’ils établissent, en faveur de tous les pays, une surface plus grande que celle qu ils occupaient respectivement à Londres. Il n’y a d’exception à cet égard que pour les États-Unis et la Chine. »
- Les détails historiques que nous avons donnés relativement à la réalisation de ces 80,000 mètres montrent qu’outre la perte de temps que des discussions souvent stériles entraînaient, le service exécutif de l’Exposition avait à résoudre un problème devenu d’autant plus difficile par la réduction de l’espace mis à sa disposition, que d’une autre part et à l’inverse, on avait, par tous les moyens de la publicité et de l’action gouvernementale, provoqué tous les industriels du monde à se présenter à ce grand concours.
- L’organisation du service intérieur de l’Exposition éprouvait aussi des modifications et des incertitudes, et ce ne fut que le 31 octobre 1854, que le commissariat général fut définitivement constitué par la nomination de M. le général Morin, qui avait agi jusqu’alors comme président du comité exécutif, et qui fut investi, comme commissaire général, de tous les pouvoirs nécessaires. A partir de la même époque, les fonctions de commissaiie du bâtiment appartinrent à M. Vaudoyer. Le service général du classement m’avait été confié dans les premiers jours de juin. En même temps, M. Natalis Rondot avait été nommé commissaire du catalogue, et M. Trélat architecte-ingénieur de la Commission impériale.
- Les chiffres étant arrêtés ,• il appartenait au service d’exécution de désigner les emplacements eux-mêmes. Nous avions un instant pensé à réunir ensemble les produits d’une même classe à quelque nationalité qu’ils appartinssent, mais il eût fallu à l’avance, pour mettre ce projet à exécution, connaître l’importance des produits de chaque classe, et pour la France et pour chacun des pays étrangers. Nous ne pouvions espé-, rer que ces renseignements nous parviendraient en temps convenable, et dès lors nous avons dû nous borner à assigner des emplacements à l’ensemble de l’exposition de chaque contrée. Mais combien de considérations durent influencer la décision. Nous ne pouvions placer les pays étrangers dans l’Annexe : ils se seraient plaints d’être relégués loin de l’exposi-
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- tion principale ; nous ne pouvions y placer exclusivement la France , la surface eût été trop petite , et nous pensions dès lors que c’eût été prendre pour nous le local le plus convenable et le mieux approprié à une exposition de l’Industrie. Le mieux était de partager les deux bâtiments entre tous les intéressés. On a vu plus haut sur quelles bases il a été possible d’indiquer à l'avance, dans l’ordre de la classification adoptée , les produits qui pourraient trouver place dans l’un et dans l’autre bâtiment ; on a naturellement réservé le palais principal pour les objets manufacturés, dont l’ornementation et les formes gracieuses se prêteraient mieux à un grand effet d’ensemble, et l’on a consacré plus particulièrement l’Annexe aux produits naturels et aux machines. Cette division , moins philosophique que le mélange de tous les produits similaires , porte avec elle un caractère important qu’une autre solution n’eût pas offerte : d’une part, toutes les richesses du sol, classées géographiquement ; d’autre part, les produits de l’industrie, offrant une plus facile comparaison. La nécessité de fournir de l’eau et de la vapeur aux machines, en forçant à réunir en un même point ces grands instruments du travail, venait encore compléter cette division rationnelle.
- Chaque pays eut donc dans le palais principal une part calculée sur les 47 pour 100 de son allocation totale : il trouva dans l’Annexe le surplus, soit dans la section des machines jusqu’à concurrence de ses besoins, soit pour tout ce qui ne sera pas de cette nature dans la section des produits.
- Il était dès lors possible de partager le palais principal, mais il fallait avant tout arrêter un plan général de circulation que la disposition des lieux rendait difficile, alors surtout que le premier devoir consistait à ne perdre aucun espace. C’est à cette époque que nous visitâmes le Palais en détail, et que nous reconnûmes l’absolue nécessité d’éclairer la partie du rez-de-chaussée située au-dessous des galeries, de manière à pouvoir au besoin négliger les ouvertures vitrées sur les Champs-Élysées, pour trouver des surfaces verticales. Ce ne fut pas sans quelque résistance que nous fîmes adopter le principe des ouvertures nombreuses, dès lors pratiquées dans le plancher, et sans lesquelles le rez-de-chaussée, trop obscur encore malgré l’abatage de quelques arbres, n’eût- pu être
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- utilisé. Mais ces ouvertures nous enlevaient encore une partie de cette place que nous devions ménager à tout prix, et l’étude des dispositions intérieures devenait par ce fait plus difficile.
- C'est alors que fut adopté le projet de distribution générale dont la suite des événements s’est chargée d’indiquer les avantages , et qu’il nous a fallu poursuivre au milieu de toutes les critiques. Nous eussions sans doute préféré ménager au milieu de cette nef quelques grands effets, nous eussions volontiers évité ces salles intérieures qui la rétrécissent, si les nécessités de la situation n’avaient commandé de tout utiliser. Un mètre perdu, c’était un exposant de moins : le choix n’était pas difficile,
- Telle est l’origine de notre grande ligne de vitrines-trophées , que l’on a voulu depuis lors qualifier du nom de vitrines d’honneur ; en nous permettant d’utiliser mieux l'espace, elles avaient d’ailleurs l’avantage de déguiser le vice principal de la construction , cette grande voûte qui vient jusqu’à terre et qui faisait ressembler le Palais à un vaste hangar. Les vitrines-trophées, en limitant la vue, forment comme les pieds droits de cette voûte, et lui rendent la proportion qui lui manquait.
- Obligés d’arrêter les dispositions générales en l’absence de tous renseignements, nous fixâmes d’une manière invariable les massifs des tables à deux mètres de largeur, nous proposant d’utiliser ensuite celte dimension en fractions exactes de un mètre et de cinquante centimètres, suivant la nature des produits. L’exposition de Londres nous avait appris que, pour tous les objets manufacturés, la profondeur de un mètre est la meilleure.
- C’est aussi dans ce mémorable précédent que nous avons puisé le désir de voir apparaître les produits similaires par vastes assortiments, avec installation commune. Les vitrines ont été, je ne crains pas de le dire, une de mes grandes préoccupations, et tout en reconnaissant qu’une partie des retards éprouvés sont dus à ma pers stance à cet égard, lorsque je me dégage de toute considération personnelle , je me félicite encore aujourd’hui d’avoir soutenu cette thèse attaquée de toutes parts. Les vitrines collectives sont pour beaucoup dans le grandiose des installations, je dirai même
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- dans la variété des aspects, chaque industrie s’étant groupée sous une forme particulière. Une circulaire spéciale prescrivit aux exposants des profondeurs et des hauteurs réglementaires.
- Ce n’était pas tout que d’avoir décidé en principe que tous les pays seraient représentés dans le palais principal, il fallait encore indiquer à chacun sa place ; de nouvelles difficultés nous attendaient. Les galeries supérieures étaient évidemment celles qui se prêtaient le mieux à une exposition, mais il était impossible de les donner à tout le monde ; chacun d’ailleurs, si petit qu’il fût, tiendrait à faire briller son drapeau sur la nef ; la justice voulait que l’on fit un sacrifice à ceux qui devaient envoyer un moins grand nombre de produits. Ces considérations et d’autres encore conduisirent à ne placer sur le sol que les grandes nations qui se trouveraient ainsi moins favorisées au premier étage. L’Angleterre, les États-Unis, la Belgique, l’Autriche, le Zollwerein furent seuls avec la France à occuper le rez-de-chaussée ; chaque pays occupa dans la galerie l’emplacement situé au-dessus de celui qu’il occupait sur le sol; toutes les autres contrées furent distribuées au premier étage, aux dépens surtout de la place que la France aurait dû proportionnellement y conserver. Sous ce rapport, la Confédération suisse est en quelque sorte la plus favorisée; c’est elle qui a, dans la répartition, la plus grande part, après les pays déjà cités , et toute son exposition du Palais est dans la galerie supérieure. Pour satisfaire d’ailleurs à cette condition de donner à tous vue sur la nef, l’Exposition française abandonna son terrain le meilleur à la Sardaigne et aux États pontificaux à l’est, à l’ouest à l’Espagne et au Portugal.
- La Suède, la Norvège, le Danemark et la Hollande d’une part, la Toscane et les pays orientaux de l’autre, occupèrent les deux galeries transversales.
- Répartition de l’espace alloué à la France.
- Les chiffres qui précèdent indiquent comment nous avons pu échapper, par l’étude des faits antérieurs, aux.incertitudes de toute nature qui pesaient sur les préparatifs de l’Exposi
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- tion. Examinons maintenant ce qui, dans les travaux du classement, regarde plus particulièrement la France. Par les'soins du commissariat général, 199 comités départementaux avaient été constitués en France avec mission de provoquer dans leurs circonscriptions respectives l’adhésion des industriels, -et pour les engager à paraître dignement au grand concours. Dans les premiers jours d’octobre, la:plupart des comités avaient adressé l’indication sommaire des espaces demandés sur les listes d’inscription, et l’état récapitulatif de ces demandes, établi avec grand soin dans les bureaux du secrétariat, fut envoyé à M. le commissaire général. Dès lors on put voir dans quelle situation fâcheuse le manque d’espace plaçait la commission impériale ; les demandes avaient dépassé les espérances les plus exagérées, ainsi qu’on peut s’en convaincre par le rapport suivant qui porte la date du 11 octobre 1854, et qui émane plus particulièrement du service du classement ; le même esprit de déférence envers les gouvernements étrangers se remarqué dans toutes les pièces officielles émanantde la commission impériale.
- « J’ai pris connaissance des états récapitulatifs des différents comités des départements, et du relevé général qui en a été fait par les soins du secrétariat, afin de préparer, suivant votre désir, un projet de répartition de l’espace réservé à la France, entre les différentes localités.
- « Voici les bases sur lesquelles ce projet de répartition me paraît devoir être établi.
- « Parmi les renseignements fournis par les comités, il en est deux auxquels il ne m’a pas semblé possible d’accorder la moindre confiance : la profondeur moyenne n’est pas un élément qui puisse servir de base à une évaluation simple, et d’ailleurs elle a été faussement évaluée dans la plupart des départements, de comité de la Seine, seul, ayant nettement indiqué qu’il préférait ne donner aucune évaluation pour la profondeur moyenne. Quant aux questions que soulève la hauteur, elles se trouvent suffisamment éclairées par les instructions récemment données aux comités relativement aux vitrines, en ce qui concerne les objets de petite dimension ; et il est inutile d’observer que les grands objets ne sauraient être soumis à aucune réglementation.
- « La longueur des façades des expositions est dès lors le seul
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- document sur lequel un projet de répartition puisse être convenablement basé. En additionnant les chiffres des 199 comités français, on arrive à une longueur totale de 28 kilomètres r sans y comprendre les dix comités suivants qui n’ont pas encore adressé leurs bulletins au secrétariat : ce sont les comités de Rodez, Rochefort, Calvi, Valence, Pont-Audemer, Cherbourg, Bar-le-Duc, Montreuil, Rouen.et Mirecourt.
- « En l’absence de renseignements positifs émanant de ces comités, il m’a paru convenable de leur assigner un espace moyen, égal à la moyenne des demandes des autres comités,, celui de la Seine excepté : la longueur totale en façade se trouve ainsi portée à 29 kilomètres; c’est d’après ce chiffre total que j’ai pu fixer la proportion des réductions à opérer.
- « Le plan général des distributions dans le bâtiment principal étant maintenant complet, j’ai pu calculer la longueur de façade que l’exposition française y pourra trouver; cetle longueur est de 5 kilomètres, à quelques mètres près ; et, d’après cette mesure, j’estime que l’Annexe présentera seulement 4 kilomètres de façade : en tout 9 kilomètres. Prise dans son ensemble, la longueur en façade doit donc être réduite dans la proportion de 9 à 29, c’esl-à-dire à 31 pour 100.
- k Resterait à savoir s’il convient de faire porter cette réduction d’une manière uniforme sur tous les espaces demandés par les différents comités, ou si une étude spéciale des besoins de chacun doit faire prévaloir le système d’une réduction variable.
- « Le premier mode offre sans contredit l’avantage d’une grande simplicité, et ne laisse prise à aucune réclamation; l’autre, au contraire, est d’une application difficile, et ne saurait, il faut bien le dire, être appliqué en toute connaissance de cause.
- « A première vue, il aurait été naturel de penser que,l’exposition de 1855 étant la première en France qui fit appel à certains produits, aux produits naturels particulièrement, il conviendrait de traiter plus favorablement la province au préjudice de la capitale, qui compte dans son sein une foule de petites industries, très-intéressantes sans doute, mais qui n’ont été jusqu’ici acceptées dans les expositions précédentes qu’avec une certaine réserve.
- « L’examen plus attentif des chiffres nous a démontré que ce 206 b
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- qu’il était juste de faire en faveur des produits naturels s’était fait tout naturellement sans qu’il soit nécessaire de leur venir en aide,
- « A l’exposition de 1849, le département de la Seine comptait 61 exposants sur 100, les départements 39.
- « Pour 1855, le chiffre des demandes pour Paris n’est que de 48 pour 100, le chiffre des départements s’élevant ainsi de 39 à 52.
- « Il nous a semblé dès lors que la réduction devait être opérée entre les comités au prorata des demandes, et qu'ainsi il y avait convenance à vous proposer d’allouer à chaque comité un espace représenté par une façade égale aux 31 centièmes de la façade demandée par chacun d’eux.
- « S’il était nécessaire de fixer en mètres carrés la surface mise à la disposition de chaque comité, il suffirait de multiplier par 1 mèt. 20 cent, cette façade, ce chiffre étant la mesure de la profondeur moyenne présentée par les emplacements réservés à l’installation des produits dans le bâtiment principal. L’espace en mètres carrés serait donc, pour chaque comité, représenté par 37 centièmes du chiffre de la demande en façade, avec instruction, quant aux profondeurs, d’avoir égard aux prescriptions indiquées dans la circulaire pour les vitrines.
- « Il sera sans doute préférable de faire porter la réduction sur le nombre des exposants, laissant ainsi à chaque exposition individuelle les éléments nécessaires pour qu’elle soit aussi complète que possible.
- k On peut déjà indiquer, à titre de renseignement, quel sera le nombre approximatif des exposants français. Le chiffre des inscriptions est de 12 795 exposants ; il s’élèvera, lorsque les renseignements seront complets, à plus de 13 000, et cependant il importe que ce nombre soit réduit à un maximum de 6000.
- « Les statistiques des précédentes expositions portent, y compris les passages , l’espace occupé en moyenne par chaque exposant à plus de six mètres carrés (6 mètres 30 à l’exposition de 1849, 6 mètres 50 à l’exposition universelle de 1851). Cette évaluation par exposant en porterait le nombre, pour les 35 000 mètres carrés réservés à la France, à 35000 divisé par 6 ou 5833, soit à 44 pour 100 des demandes inscrites.
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- « Si ces bases sont admises, il en résulterait donc que le projet définitif de répartition auquel elles conduiront forcément réduira à 31 pour 100 la longueur totale en façade demandée pour les divers comités français, et que le nombre des exposants se trouvera réduit, par la force même des choses, aux kh centièmes des demandes inscrites.
- « La France sera donc traitée plus sévèrement encore que les pays étrangers à l’exposition universelle de 1855. »
- Porté par M. le commissaire général à la sanction de la sous-commission, le lendemain, ce rapport fut approuvé quant au principe de la répartition, mais en laissant à chaque comité le soin de répartir entre le nombre d’exposants qui lui paraîtrait le plus convenable l’espace mis à sa disposition.
- U est peut-être intéressant de connaître les résidences des comités français et l’espace alloué à chacun d’eux : on a joint à ces renseignements les dates de l’arrivée des bulletins destinés à faire connaître définitivement le nombre des exposants et l’espace attribué par comité.
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- TABLEAU
- DE LA RÉPARTITION ENTRE LES COMITÉS FRANÇAIS DE L’ESPACE RÉSERVÉ A LA FRANCE.
- 1 NUMÉRO D’ORDRE 1 [ des comités. 1 DÉPARTEMENTS. COMITÉS. NOMBRE | des exposants inscrits 1 ! ALLOCATION j par comité. DATE de la réception des bulletins.
- AI*., Rnurf ...... . 2 1 50 18 fév.
- 2 Belley 15 7 >> 3 fév.
- 3 Gex 7 9 > 12 déc
- 4 Kan tua 11 6 50 6 déc.
- 5 Trévoux 1 2 » 5 déc.
- 1 non 40 35 « 6 déc.
- 7 Saint-Quentin... 45 75 *> lOjanv
- 8 Vervins 21 20 » 7 mars
- 9 Moulins 35 20 » l4janv 23 mars
- 10 Montlnçon 5 18 •'
- 11 ALPES (BASSES-) Dignes 48 30 » 15 déc.
- 12 Al. P K S ( HABTES-) Gap 18 15 » 26 déc.
- 13 Mini r.iiF. Privas 18 12 » 9 déc
- 14 Annonay 23 18 P. 1 déc.
- 15 I.argendère 3 2 » l déc.
- 16 17 A iinrwps \ÎP7.if‘rPs ...... 12 10 » 10 mars
- Sédan 44 48 P. 7 fév.
- 18 Rethcl 12 30 » 1 déc.
- 19 Hocroi 14 12 » 9 déc.
- 20 Vouziers 4 4 » 9 déc.
- 21 AniF.f,F. Foix 5 4 » iodée. 6 déc.
- 22 Pamiei's 5 3 »
- 23 Saint-Girons. ... 1 1 » I6janv
- 24 AUBE Truyes 47 65 *> 4 janv
- 25 AUBE Carcassonne 27 35 >• 9 déc.
- 26 Castelnaudary... 5 6 » 1 mars
- 27 Limoux 12 10 « 22 fév.
- 28 Narbonne. 28 2 » 5 déc.
- 29 30 AVEYRON... . Undp7.. 5 »
- Espalion 6 3 » 20 janv
- 3l Milhau 9 8 50 5 déc.
- 32 Saint-Affrique... 1 » 30 18 fév.
- 33 Villefranche 3 8 » 18 mars
- 34 BOUCllES-MJ- RHÔNE... Marseille 123 100 » 1 mars
- 35 CALVADOS Caen 41 45 » 9 déc.
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- NUMÉRO D’ORDRE des comiiés.
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- DÉPARTEMENTS.
- COMITÉS,
- O -aj
- 5 I
- " £
- 36 CALVADOS (Suite).... Bayeux 12 10 P. 13 fév.
- 37 Falaise 8 5 ï> 4avril
- 38 Lisieux 20 20 25janv
- 39 Potil-l’Êvèquc... 12 10 » 5 déc.
- 40 Vire 110 65 » 19 dec.
- 41 TA NT A T. . .... ... AnrillttC . 10 6
- 42 f.TTAP. F.NTF. ... ...... Angonlème 37 25 j, 18 fév.
- 43 CHARENTE-INFÉRIEURE La Rochelle 5 4 » 15 mars
- 44 Rochefort 8 3 >1 i 6 mars
- 45 St-Jean-d’Angely 6 8 >7 9 riée.
- 46 CHER Bourges 16 20 2ojanv
- 47 CORRÈZE Tulle 10 6 jj 5 déc.
- 48 CORSE • Ajaccio • 17 14 ,j 12 triai s
- '49 Bastia 19 10 22 fév.
- 50 Calvi
- 51 Oorte 3 j 6ayril
- 52 Sartene 1 » 30 déc.
- 53 CÔTE-D’OR Dijon 68 30 4janv
- 54 Beaune 25 20 » 20janv
- 55 Chàtiilon-s.-Seine 21 • 35 - » 19 déc.
- 56 Semur 16 15 » 1 déc.
- 57 CÔTES-DO-NORD Saim-Brieuc. ... 6 10 » 9 déc.
- 58 Quintin 11 .2 » I2janv
- 59 l.oudeac 101 56 » 30 déc.
- 60 Dinan 5 8 > 25janv
- 61 Guimgamp...... 7 • 10 ‘ » 23 dée.
- 62 Lannion 8 4 1» 27 déc.
- 63 CREUSE Cueret 32 90 5 déc.
- 64 nORnnr.NP. Pérignp.ux 25 jj 10 fcv.
- 65 noims Besançon 82 60 jj 9 déc.
- 66 DRÔME Valence ........ jj 26 mars
- 67 Suint-Dié S 6 » I3janv
- 6S N.yons 5 3 )» il janv
- 69 Montélimart 25 15 » 15 déc.
- 70 EURE Andelys 21 12 9 dec.
- 71 Bernay 6 3 » 5 déc.
- 72 Evreux 19 20 lOjanv
- 73 1. oliviers 16 40 9 déc.
- 74 Pontaudemer.... 8 9 » 23 déc.
- 75 EIIRE-ET-T AIP. . . Hharires. 40 40 15 déc.
- 76 FINISTERE F. : . . Quimper • * 40 25 jj 23 déc.
- 77 GARD Nîmes 110 jj 12 déc.
- 78 Mais ,, 18 ,j 12 déc.
- 79 Uzès 8 5 » 5 déc.
- 80 V'igan 16 15 » H déc.
- 81 GARONNE (HAOTE-). .. Toulouse 4l 40 » 10 mars
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- NUMÉRO D’ORDRE II des comités. B DÉPARTEMENTS. COMITES. NOMBRE B desexposantsinscrits g ALLOCATION g par comité. j| 1 DATE de la réception des bulletins.
- 82 Auch 75 13 fév.
- 83 GIRONDE Bordeaux ....... 137 140 18 fév 1
- 84 HÉRAULT Montpellier 21 7 fév.
- 85 Béziers 12 12 6 déc.
- 86 l.odève 2 3 » 16janv
- 87 Saint-Pons 2 1 » ; 7avrii
- 38 ll.T.E-ET-VïT.ÀTNE.. . . Tiennes 43 36
- 89 Saint-Malo........ 19 15 20 fév.
- 90 Fougères 15 9 » il déc.
- 9l Vitie 4 2 » 10 mars
- 92 Redon. 3 » 6 junv
- 93 Montiort 8 5 » 5 déc.
- 94 INDUE Cliàteauroux .... 19 20 » lOjanv
- 95 INDUE-ET-LOI RK lours 65 60 23 déc.
- 96 Grenoble .... 52 4()
- 97 Vienne 68 70 9 déc.
- 98 La-Tour-du-Pin. 7 5 » 27 déc.
- 99 Saint-Marcellin,. 8 5 9 déc.
- 100 JURA Lons-le-Saulnier. 67 50 17 janv
- 101 LANDES Moni-de-Marsan. » j> « ji
- 102 Saint-Sever 3 3 )> 1 mars
- 103 Dax .. 5 6 » 5 déc.
- 104 i.niR-F.T-r.nï?u .. . Blois ... 22 3 fév.
- 105 Komorantin 8 15 » 3 déc.
- 106 Vendôme 5 5 U déc.
- 107 LOIRE Saint Etienne.... 266 235 „ 17 janv
- 108 Montbrison 22 25 j, 9 déc.
- 109 Roanne avec St- » »
- Ëlienne » » » 26 janv
- 110 T.DIRE (HAUTE-') . ... f.f* l'ny 125 28 mars
- 111 LOIRE-INFÉRIEURE,. .. Na'ntes 85 110 12 déc.
- 112 LOIRET Orléans 83 58 30 déc.
- 113 LOT... .1 Cahors 8 6 27 fév.
- 114 Gourdon 1 » 1 déc.
- 115 Figeac..... 6 4 6 déc.
- 116 LOT-ET-GARONNE Agen 52 40 » 8 déc.
- 117 LOZÈRE 20 8 .
- 118 M ÀINE-KT-I.OlRF. .... Angers 52 50 16 déc
- 119 Chi.let 25 20 jj 14 déc.
- 120 Saumur 6 8 » iodée.
- 121 MANETTE A vraru'.hpA 10 8
- 122 Cherbourg » 22 fév.
- 123 Coutanccs....... 7 12 » 22 fév.
- 124 Montai 8 8 J) 1 mars
- 125 Saint-J.ô 8 5 » 18 fév.
- 1 126 Valugnes 2 2 » 3 fév.
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- 1 NUMÉRO D’ORDRE 1 1 des comités. 1 DÉPARTEMENTS. COMITÉS. NOMBRE 1 des exposants inscrits 1 ALLOCATION par comité. DATE de la réception des bulletins.
- 127 MARNE Ghàlons 43 25 » 5 déc.
- 128 Reims 108 140 » 5 fev.
- 12S MARNE fHAITTE-'l ,. Chaumont 28 32 » 10 mars
- 130 MAYENNE Laval 48 60 » 13 mars
- 13l Mayenne 12 3 » 13 mars
- 132 Cbàteau-Gontier. 2 19 » 13 mars 1
- 133 MF.rRTÏlE Nancy 95 85 >> 28 déc. I
- 134 MEUSE . . , . Bar-lë-Duc 50 65 » 6 fév.
- 13 fi RfrtnniTf a v . . . Loriftnt 23 20 » 7 mars
- I3fi MOSEI Ï.F. Metz 57 60 » 27 fév.
- 137 Sarveguemines.. 21 25 » 19 déc.
- 13ft NIEVRE 1 . .... Nevers 42 40 » I4janv
- 13Q Avesnes 48 55 » 5 mars
- 140 Cambrai 48 35 » 8 déc.
- 141 Douai. 63 55 x îSjanv
- 142 Dunkerque 22 20 ». 16 mars
- 143 Hazebrouek 22 15 » 9 déc.
- 144 Lille.....' 375 600 >• 4janv
- 145 Valenciennes.... 107 120 ». 8 mars
- 146 Compiegne 33 15 » 13 mars
- 147 Sentis 28 25 » 6 déc.
- 148 Clermont 23 35 » 6 fév.
- 149 Beauvais 60 55 » 30janv
- 150 Alençon 88 65 » 16 déc.
- 151 PAS-DE-CALAIS....... Arras 24 25 » iiojanv
- 152 Béthune 7 11 mars
- 153 Boulogne-sur-Mer 32 50 >> '20janv
- 154 Montreuil-s-Mer. 30 déc.
- 155 Saint-Omer 12 15 » 10 déc.
- 156 Saint-l’ol 4 3 » 5 déc.
- 157 PUY-DE-DÔME Clerruont-Ferr... 103 160 » 1 mars
- 158 ' PYRÉNÉES (BASSES-).. Pau. 41 25 ». 22 fév.
- 159 PYRÉNÉES (HAUTES-). Tarbes 7 8 « 10 mars
- 160 PYRÉNÉES-ORIENTALES Perpignan., 43 32 » 18 fév.
- 161 RHIN flîAS-'l Strasbourg 87 130 » 18 déc.
- 162 RHIN (HAUT-) Colmar 169 650 ». 25 janv
- 163 RHÔNE 480 650 » 12janv
- 164 SAÔNE (HAUTE-) Vesoul 5 13 »> 19 déc.
- 165 Gray 6 5 » 19 déc.
- 166 Dure 12 15 »> 13 fév.
- 167 SAÔNE-ET-LOIRE Maçon fl 7 »> i3 fév.
- 168 Chàlons-s-Saône. 17 18 »> 27 déc.
- 169 SART11E «... Lg Mans 44 40 ». îavril.
- 170 SEINE Paris 6248 5000 » 7avril
- 171 SEÏNR-F.T-MARNF.. . . . iVlplun 120 100 » 23 déc.
- 172 SE1NE-ET-01SE Versailles 123 160 » 6 fév.
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- 1 NUMÉRO D’ORDRE | des comités. DÉPARTEMENTS. COMITÉS. | NOMBRE I des exposants inscrits g ALLOCATION j par comité. 1 DATE de la réception des bulletins.
- ' 173 SEINE-INFÉRIEURE.... Rouen 155 . 80 » 27 fév.
- 174 Elbeuf 51 180 » 25 déc.
- 175 Dieppe 41 25 » 22 déc.
- 176 Le Havre 32 30 » 1 déc.
- 177 Bolbec 8 5 » 28 déc.
- 178 Neuichâiel . 15 10 » 16 déc.
- 179 Yvetot. 12 15 » 5 déc.
- 180 DEUX-SÈVRES Niort 33 25 » iodée.
- 181 snivfMF. Amiens
- 182 TARN. Albi 20 9 » 6 déc.
- 182 b- ,, » » 12 déc.
- 183 Castres 34 35 >. 23 mars
- 184 Gaillac. 5 3 .. 4janv
- 185 Lavaur 14 mars
- 186 TARN ET-GAUONNE. .. Montauban 21 20 » 9 déc.
- 187 ftrnmnles
- 188 Grasse 7 4 » il déc.
- 189 Draguignan 7 4 » 24 mars
- 190 loulou 11 16 « 24 mars
- 191 vArri.rçF.
- 192 VENDÉE Napoléon-Vendée 24 16 > 24 déc.
- 193 32 »
- 194 VI F.NNF. ( T! AïtTF.-A . . . . Limoges 87 78 » 30jauv
- 195 VOTRES ........ . . . Èpinul 37 45 »
- 196 Mirccourt 18 12 >• 5 déc.
- 197 Remiretriont 19 20 » 23 déc.
- 198 Saint-Dié 37 35 » 9 déc.
- 199 YONNF. .. Auxerre, i 48 60 >• 11 déc.
- La loi d’une proportionnalité rigoureuse ne fut pas appliquée cependant d’une manière absolue; nous prîmes soin d’examiner pour chaque circonscription si le chiffre demandé par exposant était plus ou moins exagéré, et nous tînmes compte de cette circonstance dans les chiffres définitifs.
- Les administrations publiques restaient en dehors de cette répartition , ainsi qu’un certain nombre d’établissements industriels de premier ordre qu’il était important, au point de vue national, de voir figurer avec tout l’éclat désirable au
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- concours de toutes les nations. C’est ainsi que la commission impériale se réserva de statuer directement sur les demandes de M. Schneider, du Creuzot, de MM. Nicolas Schlumberger et André Kœcklin, dans l’Alsace, de M. Cail et Cie, de M. Mercier, de Louviers, etc., etc.
- Malgré toutes les précautions prises, la répartition, on le pense bien, fut l’objet de réclamations nombreuses pour lesquelles M. le secrétaire général dut entretenir une volumineuse correspondance, dont les éléments devaient émaner de nous, qui avions, en définitive, la responsabilité de l’organisation intérieure et de la répartition des places. Mais la difficulté devint plus grande encore au moment où nous arrivèrent les bulletins individuels dont nous avons parlé déjà : 80000 mètres étaient distribués sur le papier, nous n’en avions toujours en réalité que 75000, dont 45000 appartenaient aux expositions étrangères; le surplus nous donnait à peine 12000 mètres de surface utilisable pour la France, d’après les plans adoptés pour les passages et pour les emplacements que les produits devaient occuper. Sur ces 12 000 mètres, nous n’en avions que 500 en réserve pour les éventualités imprévues, mais toujours à la condition que nous trouverions, de manière ou d’autre, l’emplacement supplémentaire qui manquait à notre total de 80000.
- Les bulletins des comités arrivaient lentement, mais la plupart avec des augmentations de surface, auxquelles il nous était impossible de satisfaire. De là la nécessité de voir par nous-mêmes toutes les demandes, de les restreindre, de les discuter, d’éclairer dans leurs réclamations les présidents des comités eux-mêmes, de manière à maintenir toujours les chiffres de notre répartition primitive.
- L’arrivée des documents de province devint plus abondante à partir du 1" janvier, et il fut nécessaire de doter immédiatement le service du classement du personnel destiné à préparer les travaux d’organisation intérieure.
- Dès le commencement, M. Savoye avait été nommé commissaire adjoint; M. Picot fut nommé inspecteur principal; l’inspecteur ingénieur de la galerie des machines, M. Lecœu-vre, avait coopéré jusqu’alors au service d’installation des machines confié à M. Trélat, et, par arrêté du 18 janvier, MM. Robin, Grobost, Loyau , Duranton , Marlin, Forest,
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- Gromort, Dahlstein , Duffourc d’Antist, Sauvageot et de Saint-Martin furent désignés pour remplir les fonctions d’inspecteurs ; 6 sous-inspecteurs, MM. Peligot, Houzeau, Hoa-rau , Masson , Domergue et Decombes remplirent les mêmes fonctions sous un autre titre ; enfin 4 employés aux écritures vinrent compléter le personnel qui devait classer les produits, recevoir plus de 30 000 colis, distribuer et désigner les places à plus de 20 000 exposants ; c’était environ 1 fonctionnaire pour 1500 colis et 1000 exposants; tout devait être fait en moins de cent jours. MM. Marlin et Robin quittèrent le service , pour cause de santé, pendant le cours des opérations. MM. Hoarau et Sauvageot n’ont demandé à se retirer qu’après l’ouverture de l’Exposition.
- Pour faciliter le travail, en même temps que pour réunir tous les éléments qui devaient y concourir simultanément, le Conservatoire des Arts et Métiers mit à la disposition de la Commission impériale les locaux nécessaires au service du classement et à celui du catalogue,confié, comme nous l’avons déjà dit, à l’habileté de M. Natalis Rondot, et dont l’organisation définitive date de la même époque.
- Aussitôt l’arrivée des pièces, des relevés furent faits de tous les produits annoncés par catégories d’industrie, de manière à pouvoir connaître toujours le total des allocations faites à chaque catégorie de produits : ces totaux étaient indispensables pour pouvoir réunir avec ensemble tous les envois de même nature. Chaque bulletin individuel, vérifié préalablement par moi, était enregistré de la sorte et transmis ensuite au catalogue. Les difficultés, et elles furent nombreuses, étaient jugées chaque jour par M. le commissaire général, et les bulletins étaient réservés jusqu’à réponse du comité compétent aux observations transmises par nous à M. le secrétaire général.
- En même temps des fiches individuelles étaient faites pour chaque exposant ; classées à leur tour par nature de produits, elles devaient nous servir à vérifier les relevés diiectement faits sur les listes départementales. Ce travail fastidieux et pénible fut abordé de la meilleure grâce; nous y travaillâmes tous de concert, puisant ainsi, dans cet exercice d’écriture, l’habitude qu’il nous fallait acquérir pour classer plus tard sur le terrain.
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- La date fixée pour la remise des bulletins définitifs était celle du Ier novembre, mais elle fut prorogée jusqu’au 30 dû même mois. On peut voir, par le tableau qui précède, combien ces envois furent retardés; sur les 499 comités français, 442 seulement étaient en règle le 4 5 janvier,
- 428 — le 34 janvier,
- 435 — le 7 février,
- 443 — le 47 février,
- 466 — le 7 mars,
- 4 83 — le 20 mars.
- Les renseignements des départements n’étaient donc pas complets quatre mois après l’époque fixée pour l’achèvement de cette opération préliminaire.
- Mais on se ferait encore une opinion très-inexacte des embarras que de pareils retards ont dû apporter dans toutes nos opérations, si l’on n’observait que les comités les plus importants figurent parmi les moins pressés : les 4 66 listes déjà reçues, à la date du 7 mars, ne représentaient que la moitié environ de l’espace utilisable réservé à la France ; Paris, Amiens, Valenciennes, Le Puy, Toulouse, etc., etc., n’avaient encore transmis aucun renseignement.
- Chaque jour suffisait à son travail; nos relevés étaient au courant ; nos cartes étaient terminées, le personnel allait se plaindre de n’avoir plus rien à faire, quand enfin la liste de la Seine arriva, c’est-à-dire 3200 noms dont les produits devaient occuper une surface totale de 7000 mètres carrés, 2000 de plus que ne le permettait le chiffre fixé à 5000 dans l’état de répartition définitif.
- Toute augmentation était impossible : tout retard était un danger; le comité de la Seine avait eu à examiner tant de demandes, que l’examen auquel il s’était livré l’avait conduit en quelque sorte à la veille de l’ouverture; un nouveau travail de commission était impossible, et c’est alors qu’aidé de M. Varcollier fils, en ce moment secrétaire adjoint du jury, j’obtins deM. le commissaire général l’autorisation de reviser, avec chacun de MM. les présidents de section, les listes préparées par eux, en prenant pour points de comparaison les espaces alloués dans les départements aux industries similaires. Commencée le 3 mars, cette révision fut terminée le 45, grâce au dévouement de tous les membres du jury d’admission, qui
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- voulurent bien, dans cette circonstance difficile, m’honorer (Tune bienveillance dont je ne saurais trop les remercier.
- Toujours est-il que les lettres d’admission des exposants du comité de la Seine n’ont pas été reçues avant le 15 mars; six semaines avant l’ouverture de l’Exposition, nos principaux fabricants ignoraient encore s’ils étaient refusés ou admis : en l’absence de toute décision, chacun s’était arrêté dans ses préparatifs, et si d’autres causes ne devaient être considérées comme prépondérantes pour retarder l’installation des produits, celle-ci seule eût été suffisante pour ne pas permettre à l’industrie parisienne de figurer dès les premiers jours, avec son éclat accoutumé, dans les galeries de l’Exposition.
- Le tableau suivant fait connaître les résultats du travail d’admission : les chiffres réservés correspondaient à des exposants qui avaient demandé des espaces considérables, sur lesquels on espérait obtenir des réductions de quelque importance.
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- TABLEAU
- PRÉSENTANT PAR CLASSES LES NOMBRES DES EXPOSANTS ADMIS ET RÉSERVÉS AVEC LA DÉSIGNATION DES DIVERSES SUPERFICIES QUI LES CONCERNENT.
- Des renseignements que j’ai pu faire prendre dans les documents officiels, il résulte qu’en 1851 le Comité exécutif était
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- en possession, dès la fin de novembre, de toutes les listes d’exposants, à l’exception de celles de Manchester et de Londres, qui ne furent complétées qu’au commencement de février. On sait d’ailleurs que l’ouverture de cette Exposition avait été fixée, et a eu réellement lieu au 1er mai.
- Les documents étrangers n’avaient pas, au point de vue des travaux du classement, la même importance que les documents français, puisque nous ne nous proposions d’intervenir en rien dans l’arrangement intérieur des compartiments alloués aux autres pays ; mais la date de leur arrivée n’a pas laissé que d’avoir une influence considérable sur la rédaction du catalogue de M. Rondot.
- Voici toutefois les dates de l’arrivée des premiers renseignements officiels pour chaque pays :
- Dates d’arrivées des premiers documents reçus des divers pays représentés à l’exposition de 1855.
- Angleterre..................... 25 février.
- Zollwerein.................... 9 mars.
- Autriche........................ 10 avril.
- Belgique........................ 15 mars.
- États-Unis...................... 15 février.
- Suisse........................ 5 février.
- Hollande........................ 15 mars.
- Turquie......................... 15 mars.
- Danemarck....................... 20 avril.
- Égypte.......................... 15 mai.
- Espagne......................... 10 avril.
- Portugal........................ 15 mai.
- Rome......................* • • 10 avril.
- Sardaigne..................... 24 février.
- Suède et Norvège.............. 2 mai.
- Toscane......................... 15 avril.
- Tunis........................... 15 mai.
- États du nord de l’Allemagne... 15 février.
- États de l’Amérique méridionale. 10, mai. Grèce........................... 19 mars.
- L’arrivée tardive de ces documents peut faire pressentir que
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- des retards du même ordre ont eu lieu pour l’arrivage des colis, sans lesquels aucune installation défînitiVe n’était possible. Quelques caisses isolées avaient été reçues au Palais de l’Industrie dans le courant du mois de février; les réceptions furent encore peu nombreuses en mars, et ce fut seulement en avril que les envois furent assez considérables pour nous offrir des embarras sérieux, alors qu’il fallait les recevoir à la fois dans le palais et dans l’annexe et les surveiller dans ces deux constructions qui n’étaient encore closes d’aucun côté.
- Les premiers arrivages avaient dû être placés provisoirement dans le bâtiment principal, d’où il fallut ensuite les transporter à l’annexe. Aussitôt que le dépouillement des documents écrits nous avait permis d’assigner une place aux diverses industries qui devaient être reçues dans le palais, chaque caisse était portée dans la salle même où les produits devaient être installés, et cette disposition importante fut exécutée avec l’ordre le plus parfait; mais, par suite des heureuses circonstances que nous aurons à signaler bientôt, nous verrons que les locaux affectés à certaines industries spéciales durent pour la plupart changer de destination, ce qui vint, dans une grande proportion, entraver la plupart des mesures d’ordre qui avaient été mûrement débattues et arrêtées au commencement des opérations. Ces mesures, chaque fois modifiées quand les circonstances en faisaient entrevoir la nécessité, n’eurent pas toujours pour effet de régler toutes les difficultés avec la précision qu’elles auraient inévitablement atteinte s’il n’était survenu aucune modification.
- Vers la fin du mois de mars les travaux de dépouillement étaient complètement terminés, au moins pour les documents transmis. Un grand nombre de places collectives étaient déjà distribuées sur le papier; mais il devenait nécessaire de distribuer le service entre toutes les personnes qui devaient y coopérer, pour désigner dès lors les emplacements individuels.
- Plusieurs d’entre nous s’étaient jusqu’alors mis constamment , au palais de l’Exposition, à la disposition de toutes les demandes individuelles; mais à partir de cette date, le service du classement y fut complètement installé dans des
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- locaux qui n’étaient. pas terminés encore, mais ,qui .suffirent à tous les besoins.
- A partir de cette époque, chaque inspecteur fut chargé d’un service spécial; la première édition du catalogue donne la nomenclature de cette distribution, qui fut plus tard modifiée suivant l’état d’avancement de telle ou telle partie du service.
- M. Savoye avait pris la direction de la réception des colis; M. Picot voulut bien se charger de la concentration de tous les documents et de toutes les mesures d’ordre que leur conservation exigeait; M. Dahlstein continua la direction des plans d’ensemble, sur lesquels était faite avec la plus grande exactitude la désignation de toutes les places assignées.
- C’est au moyen de celte distribution du service, dans laquelle chacun avait des attributions déterminées, mais soumises à une direction générale, qu’il devint possible d’achever en grande partie pour le 15 avril la répartition des places dans le palais principal ; dans l’annexe les travaux étaient moins avancés, surtout dans la section des produits , par suite de la non-livraison de la galerie supérieure, dont les travaux, en encombrant le plancher, ne nous permirent d’utiliser jusqu’alors ni l’étage ni le sol.
- Pour donner à celte partie du travail son caractère propre, il m’a paru utile de faire dresser un état complet des dates de l’arrivée des colis français et étrangers ; les documents recueillis dans le first report des commissaires anglais pour l’Exposition de 1851 nous ont permis, dans cet état, d’indiquer d’urie manière comparative les mômes dates pour les deux expositions universelles. Un enseignement important doit ressortir de ces chiffres, qui ont été continués jusqu’à la fin de juin.
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- ÉTAT DE L’ARRIVAGE DES COLIS A LONDRES EN 1851
- FÉVRIER. MARS. AVRIL. MAI. JUIN.
- France ; 16 1443 3024 3296 3363
- Angleterre 2176 8584 19880 19971 20062
- Autri che » 300 690 718 732
- Zollwerein 937 1456 1732 1778 1813
- Belgique 263 741 949 956 956
- Pays-Bas ;..... » 274 301 301 301
- Russie » 247 251 369 381
- Suède , Norvège et Danemark 18 21 89 112 113
- Espagne et Portugal : » )> 247 247 358
- Italie ; » 99 127 171 171
- Suisse ; 114 137 148 150 151
- Grèce, Turquie, Égypte, Tunis.. » 213 263 476 476
- Amérique 3 671 796 895 “ 901
- Chine 64 96 183 269 269
- Totaux 3681 14282 28681 29951 30236
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- ÉTAT DE L’ARRIVAGE DES COLIS A PARIS EN 1855
- CO
- 1 FÉVRIER. MARS. AVRIL. MAI. JUIN.
- S France » 1862 6731 8365 8691
- S Angleterre 7) 550 3960 5442 5912
- 1 Autriche » 544 2080 2117
- 8 Zollwerein » 888 2850 3208 3360
- 8 Belgique )> 550 1910 2062 2116
- S Pays-Bas » 67 660 785 788
- I Russie » » » » \)
- Suède, Norvège et Danemark » » » 89 670
- Espagne et Portugal » )> 425 671 685
- Italie )> 175 275 363 369
- Suisse » 150 303 355 374
- Grèce, Turquie, Egypte et Tunis » 26 57 239 253
- Amérique » 26 64 567 641
- Chine S » » J) 2
- Totaux » 4351 17779 . 24186 25978
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- De ces chiffres officiels que nous avons restreints autant que possible, il résulte que les arrivages étaient, aux différentes époques, les suivants :
- 1851. 1855.
- Le 15 février 181 »
- 22 — .... 1,057 »
- 28 — .... 3,681 »
- 8 mars .... 5,970 »
- 15 — .... 8,199 15
- 22 — .... 10,420 1,485
- 31 — 14,282 4,351
- 5 avril .... 18 850 7 842 ‘
- 12 — 23 875 11 125
- 19 — .... 24 302 14 233 '
- 30 — .... 28 681 17 779
- 10 mai 29 223 21 660
- 17 — .... 29 348 22 430
- 24 — .... 29 483 22 710
- 31 — .... 29 950 24 186
- 7 juin 30 001 24 459
- 14 — 30 035 24 744
- ' 22 — 30 089 25 272
- 30 — .... 30 236 25 978
- Le 15 mars, on avait reçu à Londres plus de 8000 colis; à Paris, 4 5 seulement, et cette différence ne fait qu’augmenter jusqu’au 12 avril, époque à laquelle elle s’élève à 12 000. Tandis qu’à cette époque l’Exposition de Londres avait reçu les quatre cinquièmes de ses colis, l’Exposition de Paris n’était en possession de ces quatre cinquièmes que le 10 mai, cinq jours avant l’ouverture de l’Exposition.
- Tandis que pendant le mois de mai l’Angleterre a rpçu 1300 colis, la France en a reçu 7000; en juin; les chiffres respectifs sont de 250 et de 1500.
- On s’étonnera sans doute que l’Exposition' de 1855 accuse un moins grand nombre d’envois que celle.de 1851. Cela tient uniquement à ce que les fabricants parisiens ont apporté leurs produits sans emballage, et que si ceux de Londres ont fait de même, ils sont incomparablement moins nombreux, la
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- capitale de l’Angleterre n’étant pas, à l’égale de la nôtre, une ville manufacturière.
- Encore bien qu’il ne m’appartienne pas d’examiner les causes de ces différences, que je ne puis attribuer qu'aux incertitudes de la situation générale, il ne sera pas inutile d’observer que les retards les plus considérables se remarquent dans les envois des puissances étrangères.
- L’Angleterre avait encore à recevoir le 4" mai 1855 2000 colis ; la France n’en attendait plus à la même date, en 1851, que 340. Les États allemands du Zolwerein ne reçurent à la première Exposition que 46 colis après le 30 avril ; il en a reçu 500 à partir de la même époque, en 1855. L’Autriche, après le 1er mai de cette année , a encore admis 1600 colis, tandis qu’à Londres son contingent ne s’est complété que par 42 colis seulement. Tous les autres États sont dans une semblable situation , et ils doivent s’attribuer une grande part dans les retards dont les journaux étrangers se sont plaints. La moyenne des retards pour les nations étrangères seulement est d’environ six semaines; n’eussions-nous eu que ces seules difficultés à surmonter, qu’encore nous aurions fait preuve d’une diligence plus grande, en étant prêts le 15 juin, comme l’était le bâtiment de Hyde. Park au jour de l’ouverture, c’est-à-dire fort incomplètement. Après avoir disculpé la France du reproche d’inexactitude qu’un examen moins attentif pourrait lui attribuer, examinons à un autre point de vue les préparatifs de l’Exposition. En fixant au 1er mars la limite à laquelle les colis devaient être admis, la commission impériale était loin de compter que la moitié seulement des envois serait réunie le 20 avril, dix jours avant l'ouverture annoncée; elle n’avait pu prévoir que, même à cette époque, l’état des bâtiments ne permettrait pas de recevoir les produits, et que les,exposants eux-mêmes refuseraient d’exposer aux inconvénients d’un bâtiment inachevé, tous les objets présentant quelque délicatesse ou quelque fraîcheur.
- Mais il nous faut remonter en arrière pour apprécier, dans leurs conséquences, les modifications de superficie que le retour du Prince entraîna. Dans la partie française, les manufactures impériales avaient été placées près de la porte nord-est ; autour d’elles, les meubles, les instruments de musique venaient prendre place; puis, en remontant vers l’ouest,
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- l'imprimerie, les dessins de fabrique et la plastique industrielle, la céramique, la verrerie, les bronzes, les armes et la quincaillerie. La plupart des places étaient distribuées déjà ; la lingerie et la confection devaient occuper la grande galerie latérale; les tissus, au rez-de-chaussée, étaient dès lors en possession des salles occupées aujourd’hui par Lille, par Reims et par les centres de l’industrie drapière.
- Beaucoup de départements,ceux surtout qui avaient le plus tardé à se mettre en règle, demandaient des augmentations d’espace; certaines industries parisiennes étaient en réclamation ; le déficit contre lequel nous n’avions cessé de combattre allait en augmentant.
- Tel était l’état des choses lorsqu’à son retour le prince Napoléon, plus que jamais convaincu de l'insuffisance du local et de la nécessité de réunir l’annexe au bâtiment principal, fit décider l’occupation du Panorama et sa jonction à ces deux bâtiments au moyen d’une galerie et d’un passage au-dessus du Cours-la-Reine, ainsi que cela avait été proposé dès le mois de juillet 1854. Il obtenait en même temps la clôture, jusque-là refusée, delà portion des Champs-Élvsées qui est aujourd’hui occupée par divers hangars.
- Sans ces accroissements de superficie et cette réunion des deux bâtiments, il eût été impossible de recevoir tous les produits admis, et en levant les objections qui avaient été, en son absence, opposées à ce projet, S. A. I. a rendu à l’Exposition un immense et incontestable service; mais celte mesure tardive vint apporter de nouveaux retards au classement même des produits. La distribution des espaces aux exposants français, qui avait été terminée et tracée sur le terrain après tant de labeurs et de peines, était à refaire en entier, et des travaux d’installation déjà très-avancés durent être sacrifiés.
- Son Altesse Impériale, dans sa sollicitude pour les demandes les plus fondées, décida qu’une nouvelle annexe, communiquant avec les deux palais, couvrirait dans toute sa largeur l’avenue occupée aujourd’hui par le hangar de l’agriculture. Nous proposâmes aussitôt un nouveau projet de distribution ; le lendemain de cette décision, des instructions nouvelles avaient été approuvées par M. le commissaire général : et chacun travaillait au nouveau projet. L’étude de certaines
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- difficultés, particulièrement celles qu’entraînerait pour l’Autriche la communication à établir sur son terrain, amenèrent bientôt à la pensée d’occuper le panorama. Ce fut le 20 avril que cette décision fut prise, décision dont la portée a exercé sur le succès de l’entreprise une influence si considérable, mais qui avait, au point de vue de la rapidité des travaux, ce double inconvénient d’exiger encore une fois des dispositions nouvelles pour l’installation des produits déjà pourvus de leurs emplacements, et de conduire à un nouveau choix dans les produits qui occuperaient la galerie de communication.
- Tandis que dans le cas de la galerie unique, nous y aurions mis la quincaillerie, la grosse céramique , les instruments de précision, les appareils de chirurgie, ce qui concerne le chauffage et l’éclairage, il nous fallut au contraire grouper autour du panorama les produits les plus brillants, destinés à former cortège aux chefs-d’œuvre des manufactures impériales. Les meubles, les instruments de musique, les tapis, les papiers peints, les dessins industriels furent proposés à l’approbation de Son Altesse Impériale, et aussitôt les emplacements déjà distribués dans le palais à ces industries durent céder à d'autres le droit acquis, et dans bien des cas, l’installation commencée. Le travail ainsi modifié reçut une exécution aussi prompte que possible, et l’on voit par la note ci-jointe, que j’ai écrite dans la nuit du 14 au 15 mai, et que Son Altesse Impériale a fait insérer dans le catalogue officiel, que toutes les dispositions étaient alors prises, qui ont été définitivement exécutées.
- Distribution des objets exposés.
- « Les bâtiments consacrés à l’Exposition universelle de 1855 devaient se composer d’abord du palais de l’Industrie, construit sur le carré Marigny, et de l’annexe établie sur la rive droite de la Seine, sur une longueur de 1200 mètres, depuis la place de la Concorde jusqu’au nouveau pont de l’Alma. Par décision de S. A. I. le prince président de la commission impériale, ces deux bâtiments sont en ce moment réunis par une galerie de jonction qui, partant de l’entrée sud du palais,
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- traverse et entoure l’ancien panorama, et conduit au rez-de-chaussée de l’annexe par un double pont sous lequel on a pu conserver la circulation du Cours-la-Reineetdel’allée latérale.
- « Une vaste enceinte de 22 087 mètres carrés a, en outre, été réservée autour du panorama pour placer les objets d’un grand volume, les modèles de constructions, divers pavillons, des vitraux, et un hangar de 1500 mètres carrés de surface pour les voitures et les machines agricoles.
- « La libre circulation des visiteurs dans cette enceinte, qui donne accès à d’immenses buffets, ajoutera sans doute un grand intérêt à l’Exposition.
- « La surface totale recouverte est ainsi répartie entre les
- différentes constructions :
- « Palais principal, ycompris les marquises
- d’entrée............................ 32 668 mètres.
- « Annexe avec le bâtiment des chaudières. 33 700 « Galerie de jonction, avec les buffets. . 9 026
- « Galeriedesvoituresetdesmachinesagri-
- coles:.............*.............. . 1 500
- « Surface couverte dans l’enceinte par approximation ......................... 500
- « Total. . . . 1-07 510 mètres.
- cc Le bâtiment de l’Exposition de Londres présentait en rez-de-chaussée et galeries, une surface totale de 94 000 mètres seulement.
- « Les différents pays qui ont pris part à l’Exposition y sont représentés chacun en plusieurs endroits ; en général, les produits des onze premières classes du système de classification ont été placés dans l’annexe ; mais, dans ce bâtiment même, les machines sont toutes placées entre l’avenue d’An-tin et Chaillot, tandis que les autres produits occupent l’autre moitié du bâtiment, entre la place de la Concorde et l’avenue d’An tin.
- « Dans chacune de ces divisions, comme dans le palais principal, les différents produits d’une même nation se trouvent groupés ensemble, et pour chacune d’elles on s’est efforcé de réunir les produits similaires.
- «Les surfaces occupées parles diverses nations se trouvent ainsi réparties :
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- PALAIS PRINCIPAL. ANN! Section des produits. EXE. Section des machi- GALERIE de jonction. TOTAL.
- mèt. mèt. mèt. mèt. mèt.
- France 22 664 6888 8316 8000 ’ 45 868
- Angleterre 9 141 3608 3348 16 100
- Etats de l’Association
- allemande 4 855 2732 1296 8 883
- Autriche 2 828 2132 972 5 932
- Belgique 2 604 984 972 4 560
- Suisse 1 1 IG 656 54 1 826
- Etats-Unis 1 G19 984 270 2873
- Hollande 300 570 120 990
- Turquie 330 246 576
- Danemark 300 207 40 547
- Egypte '.. 363 246 6119
- Espagne 328 162 490
- Elats Romains 307 164 471
- Etats Sardes 350 328 678
- Portugal Suède et Norvège.... 330 108 444
- 300 315 40 655
- Toscane :.. 315 246 561
- Tunis 130 164 294
- Villes hanséatiques... 138 108 246
- Grèce 104 82 186
- Etats de l’Amérique
- du sud 216 246 462
- « Ces chiffres ne comprennent pas les surfaces des escaliers, buffets et dépendances.
- « Dans le palais principal, la moitié du rez-de-chaussée est exclusivement occupée par les produits français. La nef contient des pièces monumentales de tous les pays. En face des produits manufacturés de la France se trouvent ceux de l’Angleterre, des États-Unis d’Amérique, de la Belgique, de l’Autriche et des États de 1 Association allemande.
- « Dans la galerie supérieure, les nations étrangères occupent une place proportionnellement plus grande par rapporté celle qui est réservée à la France( et leurs produits y sont disposés
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- dans l'ordre suivant, en partant de l’escalier principal et en faisant le tour de la galerie vers la gauche : France, Sardaigne, États-Pontificaux, Toscane, Grèce, Turquie, Tunis, Égyple, Angleterre, États Unis, Amérique du sud, Belgique, Autriche, Association allemande, Villes hanséatiques, Danemark, Suède et Norvège, Hollande, Suisse, Espagne, Portugal, France.
- « Des nécessités partculières ont obligé à modifier en quelque point cet ordre dans l’annexe, où il est remplacé par la disposition suivante, en partant de la place de la Concorde.
- « Section des produits : Angleterre, États-Unis, Amérique du sud, Tunis, Égypte, Turquie, Grèce, Toscane, Élats-Pontifi-caux,États sardes,Portugal et Espagne,Suisse, Hollande,Villes hanséatiques, Danemark, Suède et Norvège, États de l’Association allemande, Autriche, Belgique et Franco.
- « Section des machines : France, Belgique, Autriche, Association allemande, Angleterre, Hollande, Suisse, Danemark, Suède, Norvège et États-Unis de l’Amérique du sud.
- « Les instruments agricoles et les voilures sont pour la plupart réunis dans les constructions qui entourent le panorama.
- « Une partie des produits français étant en outre distribués dans la galerie de jonction, il ne sera peut-être pas inutile d’indiquer en quelques mots dans cette note comment ils se trouvent répartis.
- « Annexe : En partant de l’avenue d’Antin et se dirigeant vers la place de la Concorde, on trouvera, successivement au rez-de-chàussée les produits de l’A'gérie et des autres colonies françaises, les matières minérales et les produits métallurgiques, compris dans la première classe du système de classement, ceux des classes 2, 3, 8, 9, 40, 44 et 42.
- « Les machines qui forment les classes 4, 5, 6 et 7 se trouvent immédiatement auprès de l’entrée principale, en face de l’avenue d’Antin.
- « La galerie de jonction contiendra, d’un côté, les objets de métal, la quincaillerie, la coutellerie, les fontes moulées, les modèles de constructions civiles et les armes. Elle renfermera dans l’autre partie de son pourtour les meubles et les instruments de musique que les nouvelles dispositions prises ont permis d’enlever au bâtiment principal, réservé dès lors aux
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- tissus de toutes sortes, à la céramique et à la verrerie, aux bronzes, à la bijouterie, à l’orfèvrerie, à l’imprimerie, à l’art industriel et aux articles de fantaisie.
- « Les produits des manufactures impériales et les diamants de la couronne trouveront place dans la partie centrale de l’ancien panorama.
- « Le commissaire du classement,
- « H. T. »
- Nous ne parlerons pas ici des heureuses dispositions prises sous la direction deM. le général Morin, pour la réception des produits, pour l’installation du service des douanes, pour le déchargement et le bardage des colis, pour le service médical, pour la distribution des cartes provisoires et définitives des exposants ; chaque jour amenait ses difficultés,qui,suivant leur degré d’importance, étaient décidées par le président de la commission impériale ou par les fonctionnaires compétents; mais il est une question plus grave qui a exercé aussi une énorme influence sur la rapidité des aménagements extérieurs : nous voulons parler de l’installation des vitrines.
- La compagnie du palais de l’Industrie qui avait pris l’initiative de l’exécution des divers bâtiments, et qui les avait construits en vertu de contrats spéciaux, avait cru trouver dans ses contrats mêmes le droit absolu pour elle d’exécuter, sans distinction, tous les travaux d’emménagement intérieur, soit pour le compte individuel des exposants, soit pour celui de la commission impériale. Cette prétention qui ne nous parut pas suffisamment justifiée, et qui d’ailleurs paraissait en opposition manifeste avec l’article du règlement général, fut, après pourparlers, discutée en sous-commission. La décision qui intervint, tout en refusant de sanctionner une prétention si nettement formulée, maintint à la compagnie le droit d’exécuter les travaux, dont le règlement par la commission serait d’ailleurs obligatoire, tout en réservant aux exposants la faculté de les faire exécuter par eux-mêmes, ou par tels ouvriers qu’il leur plairait. Nous fûmes en conséquence invités à adresser les exposants à la compagnie, tout en les informant toujours qu’ils n’étaient aucunement tenus à s’adresser à elle. La faculté de faire régler les mémoires par la commission impériale fut sans doute la raison dominante
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- qui fit affluer chez les entrepreneurs de la compagnie des demandes nombreuses, que ceux-ci ne s’étaient pas suffisamment mis en mesure d’exécuter, alors surtout que l’exécution des cloisons et des tables, à la charge de l'administration, avait été forcément confiée aux mêmes entrepreneurs.
- De tous les travaux d’installation, ce sont ceux relatifs à la confection des vitrines qui éprouvèrent les plus grands retards; aux plaintes qu’on lui adressait sur le défaut apparent d’activité dans les travaux dont il était chargé, le principal entrepreneur répondait que tout le montage se faisant chez lui, la mise en place ne demanderait qu’un temps très-court, et un grand nombre d’exposants, tant étrangers que français, exprimèrent les plus vifs mécontentements, lorsque, après les délais expirés, ils reconnurent que leurs travaux étaient à peine commencés. De là des récriminations interminables qui nous forcèrent, à un instant donné, à introduire de nouveaux entrepreneurs pour faire à la hâte les travaux les plus urgents. Quelques difficultés, survenues d’ailleurs sur la question du payement des mémoires, n’ont peut-être pas été sans influence sur la lenteur de certains travaux ; peut-être aussi les constructeurs du bâtiment trouvaient-ils dans les retards des installations individuelles, cet avantage qu’on penserait moins à leur attribuer les lenteurs de leur propre travail.
- Des difficultés d’un autre genre se levèrent bientôt sur les limites des droits de la Compagnie du palais de l’Industrie et de la Commission impériale, en ce qui concernait une foule de détails du service intérieur; elles ne purent être réglées qu’après de nombreux pourparlers et des difficultés sérieuses.
- A mesure que les préparatifs du classement avançaient, il devenait de plus en plus nécessaire de presser l’achèvement du bâtiment principal et de l’annexe pour y faire les préparatifs d’installation des produits; mais, sans action directe, sans pouvoir sur les entrepreneurs de la Compagnie, le commissaire général ne pouvait que réclamer une action plus vive de la part du ministère d’Ètat. Des difficultés réelles, et dont il est juste de tenir compte à la Compagnie, apportaient à ses travaux des retards très-fâcheux et indépendants de sa volonté. La prolongation des froids, les exigences des ouvriers , tout concourait à empêcher l’achèvement des travaux,
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- elles retards furent tels que le bâtiment principal, qui devait être livré le 31 janvier 1854, le fut à peine le 6 mai, huit jours avant la séance d’ouverture, et que l’annexe ne l’a été que plus de six semaines après.
- A travers toutes ces complications, une question importante, négligée à l’origine des études sur le bâtiment principal, celle de la ventilation d’un local couvert en verre et destiné à recevoir un public si nombreux, avait été, encore à temps, vers la fin de 1854, soulevée par la commission et examinée par M. le général Morin et par M. Vaudoyer; mais les moyens qu’ils avaient indiqués alors, bien que d’une exécution facile à cette époque, n’avaient pas été acceptés, et elle était restée en suspens jusque vers le milieu de février, époque à laquelle M. le ministre d’État chargea une commission spéciale, présidée par M. Régnault, de lui proposer une solution.
- Mais déjà le plancher était posé, une grande partie des tables étaient en place, et il n’était plus possible d’établir des canaux d’appel convenablement multipliés et répartis. La commiss:on fut obligée de se borner à prescrire l’ouverture de deux galeries d’appel parallèles, de grandes sections destinées à amener, dans les passages et sous les tables, de l’air qui y arriverait par les orjfices extérieurs du bâtiment, et à faire ouvrir, dans le faîte des arcs en fi r, des lanternes d’échappement. Ces moyens, employés tardivement, ont entraîné des travaux qui ont troublé et entravé l’installation des produits de manière à donner lieu à des réclamations nombreuses et fondées de la part des commissaires étrangers, et l’expérience a prouvé que l’appel de l’air, au lieu de se faire parles galeries, avait simplement lieu par les portes et par les fenêtres du palais. La quantité d’air évacué a d’ailleurs été trouvée suffisante, et d’environ 28 mètres par personne, en admettant qu’il y ait 25 000 visiteurs dans le palais.
- Pour en finir avec les difficultés inhérentes au bâiiment, il nous reste à dire quels effets fâcheux l’action du soleil et celle de la pluie qui tombait à travers les toitures, et surtout à l’annexe, exercèrent longtemps leur influence, non pas seulement en détériorant les produits, mais en arrêtant leur installation.
- J’ai fait faire à la date du 24 avril, par l’un des inspecteurs
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- du service de classement, un état abrégé de ce qui manquait au bâtiment principal pour être terminé.
- A cette date, la porte de l’entrée principale n’était pas posée, non plus que celles des entrées est et ouest. Celles des quatre pavillons d’angle étaient en place, mais sans ferrures et sans vitrages. Le dallage en bitume près des entrées était à peine commencé.
- Aucun water closet n’était encore élabli dans ce bâtiment, qui devait quelques jours plus tard recevoir des milliers de visiteurs; aucun paratonnerre n’était encore posé à cette époque; mais ce travail fut exécuté plus tard avec une précision et une ponctualité admirables sous 1 habile direclion.de M. Bridel.
- Le conduit de ventilation était encore incomplet sur divers points, ainsi que le plancher, aux endroits où il avait été enlevé pour la construction de ce conduit. Les supports en fer de la lanterne supérieure manquaient en différents endroits, mais ils étaient mis en place pour toutes les lanternes de la nef. La pose du vitrage entraînait de graves inconvénients pour l’installation des produits, par suite des nombreux débris de verre qui tombaient à chaque instant.
- Le sol et les toitures, on le voit, étaient, avec les portes et les fenêtres, les parties les moins avancées, celles par lesquelles se terminait le travail. Nous avons dit déjà comment les besoins d’une ventilation suffisante avaient exigé à cet égard quelques travaux supplémentaires, et l’on conçoit tonte la gêne que la conduite de ces opérations a dû apporter dans l’organisation de tous les aménagements intérieurs. En même temps, la reconfection du plancher, qui'avait été fait jointif, quoique par parties détachées, et dans lequel il fut reconnu plus tard qu’il convenait de laisser des vides entre les planches, était venue bouleverser toutes les cloisons et toutes les tables déjà construites, à tel point que quelques-unes d’entre elles, bien que convenablement établies d’abord, se trouvèrent à la suite de cette opération entièrement disloquées.
- Une commission nommée par M. le ministre d’État pour la réception du bâtiment, accepta les travaux le 25 avril ; mais la commission impériale n’en prit effectivement possession officielle que le 3 mai suivant.
- Un état semblable fut dressé relativement aux travaux d’in-
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- slallation intérieure, en retard par le fait des divers entrepreneurs ; mais il serait sans intérêt de l’énumérer ici.
- Pendant que les travaux se terminaient, et jusqu’à ce que l’appropriation entière fût complète, les fabricants parisiens refusèrent absolument d’apporter leurs produits, de telle sorte qu’un certain nombre de salles, plus particulièrement consacrées à l’industrie parisienne, restèrent, jusqu’après l’ouverture, entièrement vides.
- Cependant l’ouverture de l’Exposition, fixée primitivement au Ier mai, fut remise au 15, et les travaux continuèrent avec une croissante activité, dans tous les points où ils étaient possibles. Le seul espace qui pût être réservé pour le trône et pour les principaux corps de l’État était le centre même du palais. Le centre sur lequel nous installâmes la belle fontaine qu’on y voit aujourd’hui, et toute la salle de l’orfèvrerie française , durent être réservés pour la cérémonie, au rez-de-chaussée ; la grande galerie latérale qui règne au pourtour de la nef, au premier étage, fut garnie de banquettes pour les invités. Ce balcon magnifique, dans lequel les places principales étaient distribuées à la bijouterie française qui les occupe si bien aujourd’hui, ne put recevoir, avant la cérémonie d’ouverture, que ces lustres en bronze , en cristal et en pierreries qui devaient, d’après le projet arrêté, en faire le principal ornement. Les tapis qui devaient se dresser à l’arrière de cette galerie ne s’obtinrent qu’avec la plus grande difficulté, les exposants ne voulant les mettre qu’après l’installation des vitrines dont le placement était impossible encore. Quoi qu’il en soit, la cérémonie d’ouverture ne laissa rien à désirer : l’exposition était loin d’être complète, mais le spectacle principal, celui du pourtour de la nef, qui faisait en quelque sorte le programme de la promenade officielle, était orné suffisamment.
- Le succès de l’Exposition était dès lors décidé.
- Les quinze jours qui suivirent furent employés à distribuer les places aux nouveaux exposants qui, d’abord refusés par le comité de la Seine, avaient été admis par Son Altesse Impériale après examen de M. Leplay, chargé déjà à ce moment de diriger le bureau des réclamations. Ces exposants supplémentaires n’avaient pu recevoir leurs allocations respectives avant que l’on sût si quelque emplacement restait encore disponible parmi les produits similaires.
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- Le travail était devenu plus actif dans l’Annexe aussitôt que les préoccupations de la cérémonie d’inauguration avaient été terminées; les places du panorama avaient été arrêtées, afin qu’aussitôt la livraison du bâtiment on pût procéder à leur distribution; l’ornementation des escaliers, celle du palais et celle de la partie supérieure des vitrines étaient en cours d’exécution.
- Par suite d’une autorisation spéciale de M. le ministre d’É-tat, M. le commissaire général avait enfin pu faire la commande des toiles destinées à intercepter les rayons du soleil, dont l’influence, malgré le dépoli des carreaux, avait, sur les produits délicats, une action telle que les vitrines se déformaient sur quelques points et que les industriels trouvaient, dans cette nouvelle cause d’avarie, une raison presque suffisante d’abstention.
- Tel est le cadre très-abrégé des opérations multiples auxquelles l’administration dut se livrer : sans action directe sur les constructeurs, sans autorité pour une foule de détails de service que la Compagnie trouvait trop souvent occasion de discuter, elle était la plupart du temps conduite à agir au milieu d’obstacles de tout genre qui demandaient à la fois un respect profond pour les différents intérêts engagés dans une question aussi complexe et une grande fermeté.
- En tenant compte des immenses difficultés qu’elle avait eues à surmonter, la commission avait fait tout ce qu’humainement il lui était possible de faire ; si tout n’était pas prêt, tout se trouvait préparé et le temps seul devait naturellement achever l’œuvre.
- Ce fut lorsque les choses se trouvaient en cet état, qu’il survint un fait dont je n’ai point ici à rechercher les causes, mais qu’il m’appartient de considérer dans ses conséquences, notamment en ce qui concerne l’influence qu’il a eue sur ma conduite ultérieure.
- M. le général-Morin donna sa démission de commissaire général, et fut remplacé par M. Leplay.
- La retraite inattendue du chef bienveillant sous les ordres duquel j’avais, pendant une année entière, consacré à cette grande entreprise tout ce qui m’est donné de dévouement et d’énergie, m’affecta douloureusement. La nomination d’un nouveau commissaire général devait nécessairement changer
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- ma position, et le désir exprimé par le Prince de me voir rester au poste que j’occupais fut la seule cause qui m’empêcha de résigner aussitôt des fonctions qu’il avait daigné me confier sans que je lui en eusse adressé la demande.
- Ce désir fut un ordre pour moi et je continuai mon service auprès de la nouvelle direction Je pensais d’ailleurs qu’en se portant héritière du fruit des travaux et des veilles de celle qu’elle remplaçait, elle se montrerait envers celle-ci, sinon reconnaissante, tout au moins animée de ce vulgaire respect humain, qu à défaut d’autres sentiments, on affiche en pareil cas pour ceux dont on héiite.
- Eh bien ! il n’en fut pas ainsi ; la retraite du général Morin fut suivie d’abord de sourdes attaques contre lui, qui se traduisirent immédiatement en mauvais vouloir contre tous ceux qu’on lui savait le plus particulièrement affectionnés : sourdes attaques, qui ensuite et à mesure qu’on profitait davantage des bonnes dispositions qu’il avait prises, se changèrent en hostilité déclarée.
- Quant à moi, en me décidant à rester à mon poste, j’attachais surtout un vif intérêt à connaître le résultat de la grande expérience qu’avait ordonnée l’Empereur.
- Lors de la dernière visite que Sa Majesié avait faite à l’Exposition, il avait été décidé que l’entrée du palais de l’Industrie serait gratuite le dimanche 28 mai. J’avoue que ce ne fut pas sans une certaine émotion que j’attendis, ce jour-là, l’arrivée de la foule, qui devait condamner ou sanctionner les dispositions que nous avions toujours regardées comme suffisantes pour la circulation d’un public nombreux. La galerie du Panorama n’était point encore ouverte, non plus que l’Annexe, et pourtant quatre-vingt mille personnes furent admises sans discontinuité; aucun désordre, aucun encombrement ne fut signalé nulle part. Cependant la foule entrait partout à sa fantaisie, sans suivre aucune voie obligatoire : le compartiment indien fut le seul dans lequel nous fûmes.obligés d’établir, vers la fin de la journée, un sens déterminé à la circulation.
- L’expérience dès lors était pour moi complète : les dispositions que nous avions arrêtées pour les deux autres bâtiments, la galerie du Panorama et l’Annexe étant encore plus favorables sous ce rapport : je regardai notre œuvre comme achevée.
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- Dégagé de celle principale préoccupation, toute d’intérêt général, je deviens plus libre de réfléchir sur ma position personnelle. Plusieurs dissidences d’opinion avec le nouveau commissaire général, la prévoyance d’autres plus nombreuses qui ne pouvaient manquer de surgir entre nous dans l’avenir, enfin le juste mécontentement que me causèrent quelques modifications administratives , me décidèrent à supplier de nouveau S. A. I. de recevoir ma démission que, cette fois, elle voulut bien accepter. Mais en me retirant, j’offris néanmoins de me mettre à la disposition de M. le commissaire général pour lui prêter un concours officieux que pouvait nécessiter la direction dont il était si inopinément chargé.
- En faisant celte offre qui ne fut pas acceptée, j’avais pensé que ce concours pourrait être encore utile, non certes par ma valeur personnelle, mais par les renseignements dont j’étais en possession. J’avais supposé que c’était par pur dévouement à la chose publique, qu’un homme d’une position élevée avait consenti à se dévouer à l’entier achèvement d’une œuvre qu’il avait trouvée, pour le moins fort avancée et ma retraite toute volontaire me faisait un devoir de ne point l’abandonner dans les premières difficultés.
- Il a paru successivement dans le Moniteur universel et dans plusieurs autres journaux, sous la forme de communications, émanant delà direction actuelle, une série d’articles pleins de malveillance et d’accusations mensongères contre l’ancienne administration. Ne pouviez-vous donc profiter en silence des labeurs de ceux qui vous ont remis un travail presque achevé, qui vous ont livré des plans que vous avez suivis à la lettre, sans chercher à mettre à leur charge tous les mécomptes inévitables dans une pareille entreprise, sans s’efforcer d’ameuter contre eux tous les mécontentements inséparables du conflit de tant d’intérêts opposés? Pense-t-on s’être grandi et n’est-ce point un triste piédestal que celui d’une aussi injuste polémique? L’opinion des hommes considérables qui, par suite de leurs fonctions officielles, ont suivi les travaux de près, est-elle donc si indifférente qu’on lui préfère celle d’un public irréfléchi et frondeur, qui s’inquiète fort peu de savoir par qui et comment l’Exposition s'est faite ?
- L’honorable général sur qui a porté le fort de vos attaques 206 d
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- a pu les dédaigner, moi-même je les eusse passées sous silence si d’autres que moi n’y eussent été intéressés, me tenant pour satisfait d’avoir pu faire mon devoir dans mes fonctions difficiles, heureux surtout des nombreux témoignages de sympathie que j’ai reçus de toutes parts, au moment où ma démission fut connue.
- J’ai cru devoir raconter simplement les faits : le public est maintenant à même d’apprécier.
- Mais je ne regarderais pas cette partie de ma tâche comme complètement achevée, si je la terminais sans rendre ici un solennel et respectueux hommage au prince qui a su, sous l’ancienne administration comme sous la nouvelle, imprimer à l’ensemble des travaux l’impulsion de sa prodigieuse activité. Il est peut être permis de demander si cette influence prépondérante est respectée autant qu’elle a droit de l’être dans cette continuelle insistance que l’on apporte à établir entre les deux administrations une démarcation si tranchée. Les résultats eussent été assurément les mêmes, puisque la haute volonté du prince présidait, dans tous les cas, aux opérations.
- Les difficultés inséparables d’une nouvelle direction vinrent entraver, pendant une quinzaine de jours au moins, la rapidité des travaux d’achèvement, et il est juste de tenir compte de ces retards inévitables si l’on veut apprécier avec convenance la part de ce qu’a fait chacun.
- Pour ne point nuire à l’ensemble de cet exposé, nous n’a-Vons jusqu’ici parlé que du bâtiment principal : on sait maintenant en quel état nous l’avons livré à l’administration qui nous a succédé ; mais il est indispensable de nous reporter à quelques mois en arrière, et d’examiner comment ont été conduits les travaux dans l’Annexe. En ce qui concerne les dispositions générales à prendre pour la mise en mouvement des machines, le lecteur sait déjà que la commission impériale s’était confiée à l’habileté de M- E. Trélat qui, comme commissaire adjoint du service du bâtiment, avait en même temps à s’occuper des travaux de construction de l’Annexe.
- Le bâtiment proprement dit et même les galeries supérieures ont été exécutés comme le bâtiment principal ; mais tout ce qui concerne l’installation des machines a été remis,
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- quant à l'exécution, à M. Nepveu, sous la direction de M. Tré-lat et avec l’utile collaboration de M. Lecœuvre , attaché au service du classement comme inspecteur des machines.
- Confié à M. Trélat, le service d’installation des machines devait se suffire à lui-même, et je n’aurais à revendiquer ici aucune part d’action, si les dispositions générales que j’ai été chargé de prendre n’avaient donné lieu à quelques critiques ; je tiens à garder la part de responsabilité qui m’ap-partient.
- Le projet de distribution générale étant arrêté, nous vîmes bientôt qu’il serait convenable de placer les machines vers l’extrémité de Chaillot; nous pensions dès lors que le fonctionnement des appareils serait pour le public un attrait puissant, et qu’en forçant tous les visiteurs à explorer la galerie la plus éloignée, nous assurions d’une manière plus complète une circulation aussi uniforme quelepeutpermettreuneexposi-tion. Il avait été décidé que l’eau, que la vapeur seraient mises gratuitement à la disposition des exposants, ainsi qu’un arbre général de transmission sur lequel ils emprunteraient la puissance mécanique dont ils auraient besoin.
- Nous avions pendant longtemps espéré que la Commission impériale finirait par sanctionner le projet qui lui avait été soumis par M. le général Morin, pour la construction de deux galeries élevées de 4 mètres chacune, dans toute sa longueur. En formant connue un vaste balcon, d’où l’on pourrait observer toutes les machines en mouvement, ces galeries auraient sans aucun doute ajouté beaucoup à la beauté du coup d’œil. Dans le cas où elles auraient été construites, il eût été peut-être convenable de fixer latéralement les transmissions , si le défaut absolu d’une résistance suffisante ne se fût rencontré dans le mode de construction des piles, exécutées exclusivement en petits matériaux de rebut. Cette raison et le désir de donner un grand effet à l’ensemble de cette installation engagèrent avee raison M. Trélat à placer un arbre unique dans l’axe même du bâtiment.
- La question de savoir si cet arbre serait placé sous le sol ou au-dessus avait une telle importance, comme dépense et êoifime caractère, qu’elle fut étudiée avec le plus grand soin. En Angleterre, les arbres n’âvaient point une disposition unique, parce qu’ils étaient établis par chaque constructeur, à ses
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- frais et suivant ses convenances propres. La Commission impériale se proposant d’être à cet égard plus généreuse, une disposition générale était nécessaire. Plusieurs industriels anglais, parmi lesquels nous citerons sans hésiter MM. Platt et Cie, regardaient, l’arbre supérieur comme absolument indispensable ; mais cette raison ne fut pas la plus importante de celles qui nous déterminèrent. Si l’on songe que les courroies , pour transmettre d’une manière commode le mouvement , doivent avoir une certaine longueur, il est facile de comprendre que cette longueur ne peut être obtenue avec un arbre sous le sol qu’à la condition d’en éloigner davantage les machines et de perdre ainsi un emplacement considérable, tant par cette cause que par suite du passage des courroies à la hauteur du plancher. 11 fallait d’ailleurs une installation qui se prêtât à toutes les circonstances possibles. Si nous ne nous trompons, l’expérience a prouvé surabondamment que la disposition adoptée satisfait à toute la généralité du problème. Nous avons d’ailleurs établi qu’aucune considération ne pouvait nous permettre de perdre la moindre parcelle de terrain, et celte disposition est de beaucoup la plus favorable sous ce rapport.
- D’un autre côté, la hauteur des supports a fait l’objet de quelques observations; mais on oublie qu’au moment où M. Trélat en arrêtait les dimensions sur un spécimen en bois qu’il avait placé dans l’Annexe, la galerie était encore indécise, et que la hauteur actuelle fut jugée par tous la meilleure pour satisfaire à la fois la vue, au premier étage comme au rez-de-chaussée.
- Le principe de cette disposition ayant d’ailleurs été sanctionné par M. le général Morin, alors commissaire général, il faut bien croire qu’au point de vue de l’agencement mécanique, elle était réellement la plus favorable.
- Le commissaire du classement n’eut d’ailleurs, il le répète, à intervenir en aucune façon dans les travaux d’installation proprement dits; il n’eut plus tard à s’entendre avec M. Trélat que pour la désignation des emplacements offerts aux machines des différents pays, alors que les commissaires étrangers furent en position de préciser les espaces dont ils auraient besoin pour leurs machines.
- Cette distribution ne put avoir lieu que le lo avril; à
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- celte époque, chaque pays fut mis en possession de tout l’espace qui lui revenait encore, soit dans la section des machines , soit dans la section des produits , de manière à réaliser autant que possible les chiffres primitifs des allocations officielles.
- Les travaux de M. Nepveu marchèrent, à partir de cette époque, avec une merveilleuse activité; mais les tables destinées à recevoir, vers l’extrémité est du bâtiment, les autres produits des douze premières classes, ne purent s’exécuter qu’avec lenteur, au milieu des colis nombreux qui encombraient le sol et des ouvriers qui achevaient le bâtiment lui-même. En ce qui concerne la France, les places étaient distribuées pour toutes les industries qui ne devaient pas trouver place dans le bâtiment du Panorama, et la plupart des vitrines collectives étaient en cours d’exécution avant l’ouverture officielle.
- Les travaux étaient moins avancés dans le bâtiment du Pa-norama, qui ne fut livré à la Commis-ion impéiiale que vers le 25 mai, époque à laquelle cependant toutes les dispositions intérieures, les tables et les cloisons, étaient arrêtées sur plan à peu près comme elles ont été depuis lors exécutées.
- A l’époque de'notre démission , le 30 mai, aucun des deux bâtiments qui ont reçu depuis lors les produits de la carrosserie française et étrangère, n’existait même en projet; les produits agricoles , à ce moment installés dans l’Annexe, ne furent transportés que plus tard à la suite des instruments de l’agriculture, pour lesquels nous avions fait construire le hangar dans lequel ils se trouvent aujourd’hui.
- D'après ce qui précède, on peut voir que si des retards regrettables ont eu lieu relativement à l’achèvement des travaux, du moins aucune fausse manœuvre n’est venue peser sur les opérations ultérieures, les seuls changements qui aient été apportés depuis étant réellement sans importance au point de vue de l’effet général.
- Quelques semaines seulement après notre retraite, au moment même où les travaux du jury allaient commencer, les jurés anglais étaient les premiers à proclamer les mérites de l’Exposition ; l’opinion publique a ratifié ce jugement qu’il importe de conserver, en souvenir de la bienveillance constante de tous les fonctionnaires étrangers: Voici textuelle-
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- ment la note inscrite au Moniteur du 2 juillet dernier: « Dans une réunion des diversjurys anglais pour l’Exposition universelle, tenue aujourd’hui, rue du Cirque, n° 14, sous la présidence de lord Ashfourton, il a été résolu unanimement qu’il est désirable d’attirer l’attention du public anglais sur le grand mérite de VExposition et sa supériorité dans les produits exposés sur celle de 1851 , et quelle est éminemment digne de l’attention des artistes, des manufacturiers, de leurs ouvriers et de toutes les classes du royaume uni. » D’autres commissions ont également adopté des résolutions analogues.
- Cependant l’administration ne restait pas inactive. Son état-major avait été modifié par l’adjonction de plusieurs hommes de talent, et tout le personnel qui s’était formé avec nous depuis le commencement des opérations était là pour l’éclairer sur toutes les mesures prises et sur les décisions à prendre. Les principaux soins du.commissariat général durent se porter sur divers travaux d’achèvement parmi lesquels nous nous bornerons à signaler les plus importants.
- L’ornementation du palais, confiée à M. Vaudoyer, qui s’adjoignit M. Rossigneux, fu t l’objet d’améliorations remarquables. Nous avons dit que la fontaine monumentale du centre de la nef était en place, mais les bancs circulaires et les fleurs disposées au pourtour ne furent installés qu’après notre départ. La toile de la toiture, en étoffes de couleur rayée, produit un effet très-satisfaisant; l’arrangement des couronnements des vitrines principales, pour lequel nous avions commencé à employer des corbeilles de fleurs d’un aspect fort agréable, fut complété par une toiture uniforme , rayée en bleu et blanc, qui égaye sans monotonie la vue générale. Des rideaux en mousseline brodée furent placés en portières dans les galeries supérieures peut-être avec une trop grande profusion ; de nouveaux objets furent autorisés à occuper la nef, déjà un peu embarrassée, et, sous ce rapport, nous exprimerions volontiers quelques regrets de ce que le principe qui avait présidé jusqu’alors au choix des objets qui devaient occuper ces emplacements principaux ne continua pas à être observé. Nous n’avions placé de cette façon que les pièces monumentales, qui avaient dès lors leur raison d’être exceptionnellement exposées ; il y aurait eu plus d’effet d’ensemble si l’on n’avait entremêlé parmi eux cette quantité de petits objets qui
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- changent complètement le caractère de cette partie de l’Exposition.
- L’Annexe s’est terminée sans aucune modification importante , si ce n’est pour les produits de l’agriculture qui, à l’exception de ceux de M. Vilmorin, ont été réunis aux instruments agricoles , dans le hangar prolongé. Restée sous la direction de M. Trélat, la galerie des machines est absolument ce qu’elle devait être dès le principe.
- Le bâtiment du Panorama et le palier qui le sépare de l’Annexe ont été plus particulièrement arrangés par les soins de la nouvelle administration , quoique la partie centrale, que nous avions réservée en faveur des manufactures nationales, ait été disposée sous la direction de M. Chabrol, architecte du ministre d’État.
- Les emplacements principaux, occupés aujourd’hui par les fontes de M. Ducel et par la chaire de M. l’abbé Choyer , étaient désignés à notre départ; les autres ne l’étaient encore sur les plans que collectivement pour chaque nature d’industrie, à peu près comme on le voit aujourd’hui sur le terrain. Cependant la salle des dessins industriels ne devait point, dans notre projet, utiliser la galerie extérieure du sud-ouest, réservée alors pour le buffet ; celle du sud est occupée aujourd’hui par la quincaillerie ; elledevait avoir la même destination.
- Nous avons dit déjà que les hangars de la carrosserie ont été construits aux derniers moments, par suite des admissions supplémentaires, le long du bâtiment principal, emplacement que nous avions souvent proposé pour dés annexes, mais qui nous avait été refusé constamment pour ne pas nuire à l’effet principal.
- L’horlogerie, placée d’abord sur les deux voies du passage de communication, n’en occupe plus qu’une seule aujourd’hui. Cette galerie, ainsi réduite, peut encore témoigner des difficultés que l’on rencontre pour obtenir, une disposition convenable avec des vitrines isolées et sans projet ' d’ensemble. Toute l’Exposition aurait eu le même aspect si le principe des vitrines collectives n’avait pas fait l’objet d’une règle générale dans la plupart des cas obligatoire.
- Ces notions historiques données, il nous reste à indiquer quelle a été la marche croissante du nombre des visiteurs depuis l’ouverture de l’Exposition. Pour donner, plus d’inté-
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- rêt à cesi ndications, nous mettrons en regard les chiffres cor” respondanls pour l’exposition de 4851.
- EXPOSITl DATES. ON DE lï PRIX d’entrée. 55. NOMBRE de person- nes. Exrosm DATES. ON DE 18 PRIX d’entrée. 5t. NOMBRE de pers"n- nes.
- 20 mai fr. c. 0,20 (Gratuit.) 0,20 0,20 0,20 0,20 0,20 24 mai.... fr. c. 3.25 1.25 1,25 1,25 34812 52 518 55 837 54 î 04
- 27 mai 3 juin 10 juin 80118 42 908 54 587 29 mai 5 juin 9 juin
- 17. juin 24 juin 61 819 86 606 17 juin 24 juin 1,25 1,25 1,25 68155 08 394 51 069
- 1“' juillet... 62 208 1er juillet...
- 8 juillet.... 0,20 62 107 8 juillet.... 1,25 65 962
- ,15 juillet.... 0,20 73 521 15 juillet.... 1,25 74 122
- 22juillet.. . 0,20 86 912 22 juillet.... 1,25 08 161
- 29 juillet.... 0,20 91074 29 juillet.... 1,25 69 036
- 6 août 0,20 74 224 5 août..... 1,25 68 069
- 12 août 0,20 96 000 12 août 1,25 58 554
- 19 août 0,20 « 19 août 1,25 57 079
- On voit par ce rapprochement que les chiffres, de nos jours à 20 c. (le dimam he), donnent un total notablement supérieur à celui des visiteurs à 1 fr. 25 c. de l’Exposition de Londres; on doit donc espérer que, pendant les mois de septembre et d’octobre, le nombre des visiteurs s’élèvera au-dessus de 109 000, qui est le chiffre le.plus élevé que l’on ait atteint à l’Exposition de 1851 ; encore ce chiffre n’a-t-il été obtenu que pendant deux jours, les 7 et 8 octobre, c’est-à-diré à la veille de la fermeture qui a eu lieu le 11 de ce mois ; la nôtre n’est annoncée que pour le 31 octobre.
- Les prix d’entrée, en France , pour des opérations de ce genre, ne sont pas acceptés avec la même facilité qu’en Angleterre, par suite sans doute de l’habitude contractée de visiter gratuitement toutes les Expositions; l'augmentation cependant se fait aussi remarquer pour les entrées à 1 fr. ; tandis qu’au commencement le nombre des visiteurs ne s’élevait guère au-dessus de 30 000, plusieurs journées du mois d’août dénotent la présence de plus de 90 000 personnes.
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- A 1,’EXPOSITION UNIVERSELLE. 57
- Un autre élément d’appréciation fera mieux connaître l’importance relative des deux grands concours : encore bien que le nombre définitif des exposants ne soit pas officiellement arrêté, puisquede nouvelles admissions se font encore, il nous a paru qu’il serait intéressant de faire connaître les nombres comparatifs des exposants dechaque nation en 1854 et en 4 855.
- Nous avons, dans la liste ci-jointe, rangé les différents pays d’après ces nombres eux-mêmes.
- TABLEAU DU NOMBRE DES EXPOSANTS DE CHAQUE NATION EN 1851 ET EN 1855.
- ( France..........
- Empire français. ] Algérie......
- { Colonies..........
- Royaume uni dé s M..____j
- laGrande-Breta- ^e.troP°le......
- gueetd’Irlande.jGolomes.........
- Royaume de Prusse...............
- Empire d’Autriche............... ’ ' ’ '
- Royaume de Belgique.............
- Royaume d’Espagne et colonies espà^
- gnôles..............
- Royaume de Portugal et colonies portugaises ....................
- Royaume de Suède................ ;
- Royaume des Pays-Bas.
- Confédération suisse... ;.......
- Royaume de Wurtemberg........
- Etats sardes.................
- Grand-duché de Toscane'.
- Royaume de Bavière...........
- Royaume de Grèce.............
- États-Unis d’Amérique...........
- Royaume de Norvège
- République mexicaine.........
- Royaume de Saxe..............
- A reporter...
- j 10 691 69 j 1710.
- 2 445 6861( 7 oo. 520) ' 381
- 1313 872
- 1296 731
- 686 506
- 568 286
- 443 157
- 417 117
- 411 113
- 408 203
- 207 109
- 198 95
- 197 99
- 172 999
- 131 36
- 130 499
- 121 ! Compris avec
- la Suède.
- 107 12
- 90 190
- 20 027 ; 14175
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- 38
- VISITE
- 1858. 1851.
- Report 20 027 90 89' 88 14175 39 134 Compris avec
- Monarchie danoise
- Villes hanséatiques
- Grand duché de Bade
- Grand-duché de Hesse 74 71 59 24 23 18 16 la Prusse. 80 52 13 33 5
- États pontificaux
- Duché de Nassau
- Ville libre de Francfort-sur-le-Mein.. Grand-duché de Luxembourg
- Royaume de Hanovre Compris avec
- Duché de Brunswick la Prusse. Id. Id. Id. Compris avec l’Amérique du Sud. Compris avec
- Duchés de Anhalt, Dessau et Cœthen. Électorat de Hesse 15
- République de la Nouvelle-Grenade.. Grand-duché d’Oldenbourg 13 13 11 4
- Duché de Saxe-Cobourg-Gotha la Prusse.
- Confédération argentine, empire du Brésil
- République de Costa-Rica 4
- République dominicaine
- Égypte 6*
- Republique de Guatemala 7 u
- Royaume Hawaien 5 n
- Principauté de Lippe-Detmold 2 2* n
- Empire ottoman
- Principautés de Reuss 2
- Grand-duché de Saxe-Altenbourg... Duché de Saxe-Cobourg 2 6 »
- Duché de Saxe-Meiningen 3
- Grand-duché de Saxe-Weimar 1 1
- Principauté de Schaumbourg-Lippe... Principauté de Schwartzbourg-Ru • dolstadt *
- Tunis 1*
- Russie, Chine et Pèrse 305
- Totaux 20709 , ne sont con , que parce qu mêmes. 14 837 ipris dans ce :e les produits
- * L’empire ottoman, l’Égypte, Tunis, etc. tableau pour un si petit nombre d’exposants ont été envoyés par les gouvernements eux-
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- A L’EXPOSITION UNIVERSELLE.
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- On peut dire que le palais de l’Industrieetses annexes renferment les produits de plus de 20 000 exposants ; la moitié en plus du chiffre officiel de l’Exposition de Londres.
- Cette différence est à elle seule un immense succès.
- Je ne terminerai pas cette notice sans adresser mes bien sincères remercîments à tous mes collaborateurs pour le zèle et le dévouement qu’ils ont apportés, pendant mon administration, dans l’accomplissement de leur tâche; je leur suis surtout reconnaissant d’avoir continué leurs bons offices après notre départ; c’est à leur coopération assidue qu’il faut en grande partie attribuer la complète réussite de la grande entreprise qui doit jeter sur l’industrie française un nouvel éclat. C’était avec une bien vive satisfaction que je recevais de la bouche du prince, dans l’une de ses nombreuses visites dans lesquelles il apporte tant d’intérêt et d’affection pour les arts industriels , l’assurance que ces services avaient été convenablement appréciés par Son Altesse Impériale et les hommes qui y consacrent leurs veilles.
- MM. les commissaires étrangers voudront bien aussi recevoir l’hommage public de ma gratitude pour l’extrême bienveillance que j’ai toujours rencontrée dans mes nombreux rapports avec eux ; je conserve précieusement, comme titre de famille, les lettres par lesquelles la plupart d’entre eux ont bien voulu m’exprimer les regrets qu’ils avaient éprouvés de la résolution que j’avais prise en me retirant. J’espère que la continuation de leur bienveillance ne sera pas, à la fin de l’Exposition, sans profit pour les collections du Conservatoire des arts et métiers. H. T.
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- DESCRIPTION GENERALE
- DE L'EXPOSITION.
- La première exposition des produits de toutes les nations s’est ouverte à Londres en 4 851 le 1er mai dans le bâtiment justement appelé le palais de Cristal, dont les dimensions dépassaient toutes celles des expositions antérieures : la longueur du palais était de 564 mètres (4851 pieds) et sa largeur maximum de 4481.
- La capitale de l’Angleterre, si riche ep squares et en parcs, avait consacré l’une de ses promenades les plus fréquentées à cette grande entreprise, dans le plus admirable site, auprès de la rivière de la Serpentine, dont les eaux arrosent la partie ouest de la' ville. A proximité des quartiers les plus riches, entre la ville et la campagne, cette situation ressemblait assez à celle qui est occupée par notre palais de l’Industrie; seulement les pâturages de Hyde-Park sont remplacés par la magnifique promenade des Champs-Élysées, la Serpentine par la Seine, les brouillards de la Tamise par le soleil de la France.
- La principale voie conduisant au palais de Cristal, était Piccadily, cette grande route de Londres qui aboutit au monument de Wellington, après avoir côtoyé les parcs principaux de Saint James et du Régent, qui renferment les palais royaux.
- Notre palais de l’Industrie est desservi par plusieurs grandes voies de communications; la grande avenue des Champs-Élysées et le cours la Reine sont les principales, et l’on y arrive avec une grande facilité, par les boulevards, par les quais, par la rue de Rivoli, le Palais-Royal et les Tuileries.
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- PALAIS PRINCIPAL.
- Plan des Galeries.
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- PALAIS PRINCIPAL
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- PLAN GÉNÉRAI, DK IIEXPOSITION riXIYERSKlXE DK .1855.
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- VISITE A L’EXPOSITION UNIVERSELLE.
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- Plus rapprochée du centre de la capitale, entourée de nombreux monuments admirablement placés, la grande fête industrielle est moins isolée en France qu’elle ne Pétait au milieu de Ilyde-Park.
- Une différence essentielle doit d’ailleurs être faite ; tandis que l’exposition de l’Industrie attirait à Londres tous les visiteurs, nous avons cette fois plusieurs expositions qui se disputent les regards; l’exposition des Beaux-Arts, celle de la Société d’horticulture, qui se renouvelle chaque semaine, celle des animaux reproducteurs qui, par suite des conditions spéciales qu’elle entraîne, n’a pu durer que peu de temps.
- Si nous entrons au palais de l’Industrie par la porte principale, nous ne sommes pas, il faut en convenir, éblouis comme on l’était à Londres par ce vaste transept au fond duquel quelques arbres restés debout venaient former une imposante ornementation. L’entrée de notre bâtiment étant placée sur sa longue face il n’était pas possible de ménager un effet, de même imporiance. L’œil est plutôt étonné des nombreuses merveilles qu’il rencontre à chaque pas qu’il n’est ébloui par la première inspection.
- On trouve trop petit le Palais lorsqu’on le compare à celui de Londres, mais celui de Londres n’offrait pas cette somptuosité des objets disposés dans la nef, il ne possédait pas ce balcon qui permet d’embrasser d’un coup d’œil tout l’ensemble; il n’avait pas surtout ces galeries supérieures dont les voûtes sont d’un admirable aspect.
- Le grandiose du bâtiment de Iiyde-Park n’était pas exempt d'une certaine monotonie que le nôtre ne comporte pas; la rotonde du Panorama, la galerie circulaire qui l’entoure, le Jardin avec ses instruments agricoles et la carrosserie, ne ressemblent en rien au palais principal ; consacrés à des produils de natures différentes, chacun de ces emplacements est approprié à cette nature même.
- Tous les espaces sont si bien utilisés et la variété en est si gl’ande que l’on croirait avoir tout vu lorsqu’on se trouve an bas de l’escalier de jonction : on croit sortir de la vaste enceinte et l'on se trouve dans un nouveau monde, qui n’a ni commencement ni fin, qui renferme les richesses naturelles les plus variées et les plus inattendues d’un côté, tandis que de l’autre se déroulent une innombrable quantité d’engins
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- VISITE
- puissants, dont une pareille réunion n’a jamais existé ; l’Annexe, palais des produits bruts et des machines, n’a pas moins de 4200 mètres de longueur, le double environ de la longueur du palais de Hyde-Park.
- La nef principale du palais a une ouverture de 48 mètres; les voûtes supérieures 24, et celle de l’Annexe 27.
- A Londres le transept avait une largeur de 28 [mètres seulement; la nef longitudinale 24 mètres.
- Le palais principal et les annexes ont été exécutés sur les dessins de M. Vielpar MM. Yorck et Cie, entrepreneurs généraux, dont M. Barrault et M. Bridel ont été les ingénieurs. La dépense totale des constructions s’est élevée à environ 4 8 millions qui se répartissent de la manière suivante :
- Palais principal............. 43 millions.
- Annexe........................ 4 millions.
- Panorama.................... 4 million.
- L’appropriation de ce dernier bâtiment a été conduit par M. le commandant Guillaumot et par M. Chabrol, architecte du ministère d’État.
- La compagnie concessionnaire du Palais a pour directeur -M. le comte de Routille, et pour administrateurs MM* Ardouin, Kicardo et Bouissin.
- Le palais de Hyde-Park, proposé d’abord en adjudication publique, a été entrepris sur des plans nouveaux et plus économiques j par MM. Fox et Henderson, sur les dessins de sir Joseph Paxton.
- Le caractère architectural est bien différent pour les deux bâtiments ; à Londres, point d’ornementation : une construction simple en fonte et en bois, sans maçonnerie, couverte en verre ; à Paris, des murs en pierre décorés avec art, mais qui ne servent en rien à la solidité de l’édifice, la construction reposant entièrement sur les colonnes en fonte. A Londres, des toitures planes vitrées de sept mètres, de support en support, si ce n’est dans les parties principales, la nef et le transept; à Paris, des voûtes en verre dépoli dans toutes les parties de l’édifice.
- A Londres, la surface totale s’élevait à 95 000 mètres, en y comprenant les passages et les cours intérieures, l’admi-
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- PANORAMA liT JARDIN
- PALAIS PRINCIPAL
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- C/vwr-' ''/tA~ /JrÀtir</ /? ÿonsjfjafvrtc'. 4Z
- £cJteUe/<{& o,o0o6»pour mètre/
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- A L’EXPOSITION UNIVERSELLE. 63
- nistration et les buffets ; à Paris, elle doit être estimée, si l’on y comprend le jardin, comme il suit :
- Palais de l’Industrie.............. 50 ’73f7 mètres.
- Galerie du quai de Biily........... 41 540
- Panorama et pourtour.............. 9 026
- Terrain enclos de barrières........ 22 087
- Total.................... 123 390
- Les conditions des deux entreprises sont, comme on le voit, bien différentes; nous ne pousserons pas plus loin cette comparaison, nous bornant à donner quelques indications générales sur la disposition des produits en 1855.
- Palais principal.
- La grande nef est occupée par les produits monumentaux de toutes les nations, parmi lesquels on remarque les fontaines des exposants français, le trophée de la marine an-* glaise, le trophée des terres cuites de l’Autriche , le phare de 1 administration des travaux publics, la statue-du feu roi de Prusse. Une glace de Saint-Gobain, une glace belge * deux chaires des Pays-Bas, des autels en orfèvrerie et en marbre, des bronzes complètent dignement cet ensemble dont'notre planche indique le caractère principal.
- Au rez-de-chaussée, la partie sud appartient entièrement aux nations étrangères; la partie nord à la France. Sur les deux fronts, vingt vitrines monumentales renferment des produits remarquables. Derrière ces vitrines, des salles sur lesquelles plane la vue des galeries, sont consacrées à autant d’industries distinctes : ce sont pour la France, l’imprimerie, la plastique industrielle, les coffrets et les jouets d’enfants, la céramique, la verrerie, l'orfèvrerie et enfin les bronzes, cette gloire de l’industrie parisienne.
- On trouvera dans l’introduction historique, page 15 , la répartition de l’espace entre les différentes contrées, soit au rez-de-chaussée, soit au prémier étdge : les plans ci-joints suffiront d’ailleurs pour indiquer les divers emplacements occupés par chacune d’elles.
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- VISITE
- Les tissus de luxe, les fleurs artificielles, la bijouterie font de la galerie supérieure, dans la partie française, un véritable paradis des dames.
- Panorama et jardin.
- Au centre d’une grande salle circulaire, dans laquelle la lumière est adroitement ménagée, s’élève une vaste estrade au sommet de laquelle les diamants de la couronne attirent de nombreux visiteurs; tout autour, les chefs-d’œuvre de la manufacture de Sèvres, se dessinent en silhouettes gracieuses auprès du service de l’empereur, sorti des ateliers de M. Chris-tofle.
- Les murs sont ornés des magnifiques tapis des Gobelins et de Beauvais, qui représentent dignement les manufactures impériales auprès des tapisseries de M. Sallandrouze et des moquettes d’Aubusson. Quelles perfections dans ces produits : ces couleurs inaltérables, fixées sur le biscuit ou le tissu, assurent à ces œuvres d’art l’admiration des siècles à venir.
- La galerie au pourtour renferme d'une part les instruments de musique, les armes et la coutellerie; de l’autre, tous les produits de l’ébénisterie française auprès desquels les dessins de nos artistes industriels occupent une galerie spéciale.
- Dans le jardin, deux hangars contiennent la carrosserie de la plupart des nations représentées au Palais de l’Industrie, l’Angleterre et l’Autriche exceptées. Le bâtiment des instruments et des produits agricoles étale les conquêtes dont les arts mécaniques ont doté l’agriculture.
- Dans le jardin, des modèles de construction, le yacht de l’empereur, le modèle d’une hélice et un grand nombre de pièces de dimensions considérables entourent la galerie circulaire qui est le principal buffet de l’établissement. La cantine pour les ouvriers et les hommes de service est placée tout auprès du modèle de cité ouvrière qu’a fait construire M. Clarck, et qui sera meublé bientôt de tous les objets spécialement destinés aux populations ouvrières.
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- A L’EXPOSITION UNIVERSELLE.
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- Annexe.
- Le plan général que nous donnons des annexes, indique à la fois la distribution entre les nations étrangères pour la section des produits et pour celle des machines.
- Dans la section des produits, une double galerie de 7 mètres de largeur, disposée pour recevoir les produits les moins encombrants, est surtout remarquable par les produits naturels des colonies les plus importantes, et par les nombreux instruments scientifiques qu’elles renferment. Au rez-de-chaussée se trouvent les produits minéraux et métallurgiques, les produits agricoles des pays étrangers, les substances alimentaires et les produits chimiques.
- Vers le centre de l’annexe, la section des produits se termine par l’exposition des colonies françaises et les magnifiques collections de l’Algérie.
- Si ces témoins de la fécondité du globe n’offrent pas toujours une variété suffisante pour attirer les regards des visiteurs les plus pressés, la section des machines, au contraire, jouit du rare privilège d’être favorablement apprécié par tous. Ces masses de fer de toutes formes qui travaillent le métal le plus résistant, la pierre la plus dure, les bois les plus difficiles aussi bien que les fils les plus fins et les tissus les plus légers, excitent l’admiration générale. Cette longue galerie dans laquelle le mouvement est partout, qui décèle par quels moyens l’homme a su soumettre à ses besoins la puissance des eaux et celle de la vapeur, qui fait voir comment les mille doigts Ce la mécanique peuvent être doués de tous les genres de précision , laisse bien loin derrière elle la galerie par laquelle la commission royale de Londres avait inauguré, en 4851, ce genre d’expositions.
- La disposition générale fait le plus grand honneur à l’ingénieur qui a dirigé les travaux et au constructeur qui les a si habilement exécutés.
- Notre plan général indique les emplacements occupés par les machines des principales contrées.
- Les indications qu’il renferme seront suffisantes pour faire connaître au visiteur où il devra chercher les différents produits ; mais il nous a paru désirable, avant de nous livrer à 20(* e
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- un examen comparatif des produits similaires , de jeter un coup d’œil rapide sur l’Exposition de chaque pays,
- FRANCE.
- Annexe, section des produits, travées 44 à 71, de A à D. — Annexe, section des machines, travées 71 à 111, de A à D. — Bâtiment des produits agricoles. — Bâtiment de la carrosserie. — Panorama tout entier. — Palais principal, rez-de-chaussée, travées. 1 à 32, de A à H. — Palais principal, galerie, travées 1 à 10, de A à B ; 10 à 23, de A à O ; 23 à 32, de A à B.
- Dans l’examen comparatif des produits des différentes classes, la France occupe nécessairement une assez large place pour qu’il soit inutile de décrire ici le caractère spécial que •présente son Exposition.
- Dans les arts du dessin , dans les articles de luxe, elle n’a de rivale nulle part ; le bon goût qui préside aux œuvres de nos artistes, le sentiment général de la forme ont dès longtemps imprimé leur influence dans la plupart des industries françaises. Nous verrons d’ailleurs sur quels points la France, soit au point de vue agricole, soit au point de vue de l’industrie manufacturière, a su maintenir en sa faveur une évidente supériorité.
- Afin de rendre plus facile; la recherche des produits français , nous avons reproduit la table suivante qui pourra être consultée avec fruit.
- Les lettres A, J et P qui précèdent la désignation indiquent qu’en général les produits de la même nature, qui appartiennent aux pays étrangers, sont placés dans l’Annexe , dans le Jardin ou dans le Palais de l’Industrie.
- Nomenclature des produits français, avec l’indication des emplacements qu’ils occupent,.
- A. Aciers et coutellerie... Panorama.
- P. Armes.................... Panorama.
- J. Agriculture ( instruments d’)................. Jardin.
- A. Agricoles (produits)... Jardin,
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- A L’EXPOSITION UNIVERSELLE, 6,7
- A, Alimentaires (substan-
- çes)................Annexé'; A à B ; 44 à 49.' * '
- P. Bijouterie .......... Palais ; g. C à D ; \ \ à 20, '
- P. Bronzes.............. Palais; r.-d.-c. D. à F ; 20 à 29.
- P. Bonneterie.............Palais; r.-d.-c. E à F; I à 3.
- P. Broderies............ Palais; g. B etc ; 2 à 28.
- P. Brosserie, vannerie... Palais; r.-d.-c. C à D; 2à 8,
- P. Boutons.............. Palais ; r.-d.-c. C à D; 20 à 24.
- A. Boissons.............Annexe; r.-d.-c. Aà B; 47 à 53.
- P, Cotons filés et tissés... Palais ; r.-d.-c. A à C ; I à 6. P. Couvertures et flanelles. Palais ; r.-d.-c. D à G ; 30 à 32:
- P. Chaussures...........Palais ; r.-d.-c. C à D ; 47 à 30.
- P. Chapellerie............ Palais; r.-d.-c. C àE; 4 à 3.
- P. A. Constructions navales. Annexe; r.-d.-c. A àD ; 4 4 à46. A. Construction ( maté- .
- riaux de)...........Annexe; r.-d.-c. B à D; 54 à 60.
- P. A. Cordages.............. Palais; r.-d.-c. A à.B; 44*à 42.
- P. Châles,............. Palais ; g. A ; 24 à 32.
- P. Coffrets et nécessaires. Palais; r.-d.-c. B à À ; 9 à 44. P. J. Carrosserie , sellerie ,
- bourrellerie........ Jardin.
- A; Cuirs et peaux.........Annexe; r.-d.-c. A àD; 73 à 4 42.
- A. .Caoutchouc, gutta-per-......... •
- cha, etc............ Annexe; g. A à B ; 59 à 65.‘
- P. A. Chauffage,appareils,etc.Annexe; r.-d.-c.BàD ; 48 à 54.
- P. Dentelles.............. Palais ; .g. B à C; 44 à 20.
- P. Draps.................. Palais;ri-d.-c. ; AetB;24à32.
- P, Dessins ,de fabrique.., Panorama
- P. Étoffes, de soies.,.,,,. Palais.; g. A à Ç ; 5.à %6.
- P. Éventails et écrans.Palais.; r.-d.-c, Ç à D; 49 à gl,
- P. Fleurs artificielles.Palais; g, B à Ç; 40.à .
- P. Fourrures.............. Palais;.r.-jd,:t.ç, D q G; .
- P. Gravures, lithographies '
- et photographies... Palais; r.-d.-c. B à C; 3 à 8.
- P. Ganterie............... Priais ; r.-d.-c. C et D; 30 à 32,
- P. A. Horlogerie.......... Annexe ; r.-d.-c. B àD ; 44 à 47.
- P, Imprimerie.et librairie. Palais ; r.-d.-c, B à F ; 3 à 8.
- P. A. Instruments de précision........................ Annexe,; g. C à B; 44 à 52, et
- r.-d.-c. B à C; 47-à 48. ”
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- P. Jouets d’enfants....... Palais; r.-d.-c. C à F ; 10 à 16.
- P. Laines filées..........Palais; r.-d.-c, A à C; 20 à 32.
- P. Mérinos................ Palais; r.-d.-c. B à C; 19 à22.
- A. Machines............... Annexe; A à B; 73 à 112.
- P. Meubles................Panorama.
- P. A. Marbrerie...........Marquises est et ouest.
- P. Musique ( instruments
- de).............. Panorama.
- P. Modes et confection
- pour dames....... Palais; r.-d.-c.etg.BetG; 1 à4.
- A. Mines................ Annexe; r.-d.-c. A àD; 54 à 65,
- P. Orfèvrerie........... Palais; r.-d.-c. C à F; 45à 18.
- P. Porcelaines et poteries. Palais; r.-di-c. A à E; 13 à 19.
- A. Papiers................ Annexe; g. C à D; 52 à 57.
- P. Parapluies et camées.. Palais; r. -d.-c. C à D ; 9 à 14. P. A. Papiers peints et décorations ..................Panorama.
- A. Produits chimiques... Annexe; A àB; 49 à 59 .
- A. Quincaillerie........ Panorama.
- P. Soies grèges et cocons. Palais ; g. A à B ; 30 à 32.
- P. Toiles.................Palais; r.-d.-c. A à B; 10 à 15.
- P. Tapis................Panorama.
- P. Tapisseries..........Palais; g. B à C; 10 à 22.
- P. Vitraux et stores....Palais ; escaliers.
- P. Velours et peluches... Palais; g. B à C; 8 à 12.
- P. Voyage (articlesde)... Jardin.
- Nous avons dit pour quelles raisons il nous paraissait inutile de décrire sommairement le caractère de l’Exposition française; on trouvera dans les notices suivantes un aperçu général sur celles de chaque pays, en commençant par l’Algérie et les colonies françaises.
- ALGÉRIE.
- Annexe, section des produits ; travées 65 à 70, de A à D.
- Dans l’espace réservé à nos colonies, et c’est justice, l’Algérie occupe la plus grande place; à gauche, se trouvent ses
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- bois, ses denrées alimentaires ; au milieu, ses vins, ses huiles, ses matières textiles; à droite enfin, dans les galeries, les produits de l’industrie arabe ou coloniale et les objets fabriqués avec ces matières premières.
- La collection de bois de l’Algérie est très-complète : essences de nos climats et arbres tropicaux, chênes verts, chênes-lièges, palmiers, thuyas, orangers, oliviers, cèdres, se trouvent réunis dans notre colonie africaine et peuvent y atteindre des dimensions énormes si on en juge par le tronc d’olivier sauvage qui aurait eu plus de mille ans d’existence.
- Parmi les bois d’ébénisterie, le thuya se place en première ligne; ses belles teintes sombres, ses veines brunes sur un fond rouge et chaleureux, expliquent la préférence qu’on lui a donnée; des pianos, des meubles, des caisses à liqueur, montrent tout le parti qu’on peut tirer de cet arbre précieux. M. Testut, ébéniste à Alger, a exposé un grand nombre de beaux produits exécutés soit en> thuya, soit en olivier, dont la couleur est beaucoup plus claire , et qui rappellent dans des tons plus jaunes l’acajou neuf. Nous avons remarqué surtout un meuble en thuya et en houx coloré en bleu noirâtre , rehaussé d’ornements en cuivre.
- Dans la partie nord de l’Exposition sont placées les huiles de l’olivier domestique ; cette galerie obscure que personne ne regarde et où se trouvent réunis les huiles, les vins et les laines d’Algérie nous paraît, si on y ajoute les céréales, renfermer tout l’avenir de notre belle colonie; deux systèmes sont en effet en présence : faut-il tenter en Algérie la culture des denrées coloniales, du sucre, du coton, même du thé, ou bien faut-il que nous ayons en Afrique une succursale de notre Provence, qui nous donnera des céréales, du vin , dev l’huile, de la garance, de la soie et de la laine fine? Le premier système parait être celui du gouvernement ou plutôt celui du général qui dirige l’administration spéciale de l’Algérie : un grand prix de 10 000 francs a été décerné en effet aux cultivateurs de coton, sans qu’aucune récompense analogue soit venue encourager les producteurs de céréales; le second, surtout représenté par M. Decaisne, professeur de culture, au Muséum, qui, dans ses.leçons comme dans ses écrits, soutient son opinion avec l’énergiqué passion pourde bien qu’il apporte dans toutes ses œuvres. Nous ne pouvons
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- entrer ici dans la discussion que nécessiteraient des qüès-tions d’un si haut intérêt ; cependant, quand on songé à là rareté et au prix considérable de la main-d’œuvre en Algérie; quand on voit que d’un côté il y à tout à créer, tandis que de l’autre il n’y a qii’à continuer la culture à laquelle le sol est propre, puisqu’elle y existe de toute antiquité, il nous semblé qu’il n’y a pas à hésiter.
- La garance, le cochenille, le tabac, lë lin, le ricin, l’olivier, ie mûrier, la vigne, l’asphodèle, telle est l’ëxtrêmè variété de plantes industrielles que porte le sol algérien.
- Blé dur et tendre-, maïs, orge, avoine, dattes, tëlles sont, les denrées alimentaires dont l’Algérie peut déjà exporter dès quantités considérables. Les céréales algériennes paraissent d’une qualité tout à fait supérieure, et la palme qu’avait obtenue l’Australie en 4 851 pourrait bien cette année passer à notre colonie d’Afrique.
- La culture des fruits sera encore pour ce pays la source d’une grande richesse; elle ne disparaît de notre Provence que pour se retrouver de l’autre côté de la Méditerranée. Les oranges, les citrons, les fruits frais et confits seront sans, doute prochainement un article important d’exploitation pour l’Algérie.
- Les iainès enfin, dont nous voyons un grand nofiibre d’échantillons et qui méritent toute l’attention, forment une des: parties les plus importantes de la collection des produits algériens. L’Arabe est éminemment pasteur; sa richesse réside presque exclusivement dans ses troupeaux. Il y attachera donc un soin tout spécial et se hâtera de les améliorer si on le pousse dans cette voie, si, en lui achetant plus cher des produits plus parfaits, on le met à même d’améliorer ses toisons au moyen dé croisement avec des béliers mérinos ; cé croisement est appelé à réussir d’autant mieux que l’examen que M. Baudement a fait d’un grand nombre d’échantillons algériens l’a conduit à penser que déjà plusieurs troupeaux avaient reçu autrefois du sang mérinos, si toutefois les mérinos eux-mêmes n’étaient pas originaires de nos provinces, barbaresques. Au reste, quelques producteurs ont exposé des échantillons de toisons croisées qui présentent déjà-un grand progrès sur la laine commune des races indigènes.
- Les vitrines de la galerie nord renferment les produits dé
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- l’industrie arabe : écharpes légères et transparentes brodées d’or et de soie, burnous rouge et blanc, gaudourahs de mousseline transparente, riches éventails de plumes d’autruche,, maroquins repoussés, bottes de cavaliers armés de longs éperons, babouches de femme sans talon ornées d’or, vraie chaussure de harem avec laquelle on ne peut faire un pas, mais qui donne à la démarche cette nonchalance, cette paresse de mouvement qui est un des charmes des mauresques.
- Puis la selle, les harnais, les armes de l’homme de grande tente, de l’argent sur le velours et le cuir, de l’argent encore sur le fusil et sur le yatagan ; on sent que ces richesses portatives conviennent à un peuple non attaché au sol, qui veut tout transporter avec lui ; peuple nomade qui vit sous la tente, qui, lorsqu’il est poursuivi, chasse ses troupeaux devant lui, et fuit vers le désert,, sur sa jument rapide, animal de cette race célèbre, aussi élégante que robuste, aussi résistante que viye, qui deviendra aussi l’une des causes, de prospérité de la colonie.
- Les richesses minérales de l’Algérie, encore mal connues, mal exploitées, së sont discréditées au point que les actions des mines de Mouzaïa et de Tenez sont cotées à la Bourse aux prix les plus bas ; les échantillons de minerais sont assez beaux cependant, et il est possible que la non-réussite de ces affaires tienne plutôt à une mauvaise administration qu’à une pauvreté réelle des mines ; de la galène, du fer oligiste, de la limonite, promettent à l’Algérie du plomb et du fer; enfin, les marbres sont déjà une richesse tout acquise qu’elle pourra exploiter quand ses voies de communication seront plus parfaites. Nous avons remarqué entre autres quelques beaux échantillons de marbre portor qui ne se trouve plus nulle part ailleurs. L’agate, connue sous le nom d’onix africain, est un magnifique produit spécial à l’Algérie; les plaques qui existent à l’Exposition sont, de toute beauté; la demi-transparence, les veines coloriées, le fond blanc jaspé de cette belle variété de quartz en feront une des matières premières les plus recherchées pour la confection de la sculpture d’ornement.
- Si l’on se rappelle qu’il y a à peine quinze ans qu’on s’occupe sérieusement de cette partie africaine de notre territoire,
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- on comprend qu’on ne soit pas encore arrivé plus loin. Ce qu’on devait demander à cette exposition, c’était de montrer non pas ce qui était fait en Algérie, mais ce qu’on pouvait y faire ; l’exposition des produits minéraux et végétaux prouve qu’un immense avenir attend cette succursale de la France, où nous pourrons faire ce qui nous manque en Europe ; des céréales qui nous donneront un complément utile toujours, indispensable quelquefois ; des huiles que notre midi ne fait plus qu’avec peine'; des vins, si la terrible maladie qui ruine nos vignerons continue encore ses ravages ; de la soie, enfin, de la laine fine si nous suivons l’exemple de l’Angleterre, nous réservant de faire de la viande chez nous comme elle a fait chez elle, et faisant de la laine fine en Algérie comme elle en fait à Victoria et à Melbourne.
- COLONIES FRANÇAISES.
- Annexe, section des produits ; travées 69 à 70, de A à D.
- La pauvreté‘et le petit nombre des échantillons envoyés par nos colonies a conduit, sans doute, au système de classification que nous avons vu en vigueur dans l’exposition de nos colonies. Tous les produits réunis, agglomérés, sans distinction de pays, qu’ils viennent des Antilles ou du Sénégal, de la Guyane ou de la Réunion, forment sans doute un ensemble assez satisfaisant au premier coup d’œil, mais cette confusion augmente énormément les difficultés d’un examen sérieux. Il nous semble qu’il eût été plus digne et en même temps plus utile de montrer franchement notre pauvreté; plus elle aurait été évidente et palpable, et plus vite on se serait occupé de la détruire.... Il est difficile de guérir quand on cache son mal.
- Le Sénégal et le Gabon sont peu représentés à l’Exposition, ou du moins leurs produits éparpillés sont difficiles à apprécier. Le Gabon nous a envoyé un bel échantillon d’huile de palme qui pourra devenir d’un haut intérêt pour le commerce de ce comptoir; le Sénégal envoie des dents d’éléphant, de la gomme, du caoutchouc, des résines, de l’indigo et des armes sauvages.
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- L’exposition de l’île de la Réunion est plus riche, elle apparaît toujours avec ses cafés et son sucre, ses épices, muscade, girofle et cannelle; l’huile de coco quelle envoie pourra devenir un article d’exportation intéressant, maintenant qu’on emploie cette huile en grande quantité dans la confection des savons.
- Nous avons trouvé dans nos colonies des Antilles des produits analogues; leur café et leur sucre continuent à être leur principale richesse, grâce à la législation spéciale qui les protège ; en revanche, notre Guyane n’a rien, et c’est là une grande faute. On s’est beaucoup occupé depuis quelque temps de la Guyane ; on espérait et on espère encore arriver à quelques résultats en faisant de cette colonie un lieu de déportation ; mais l’occasion était belle pour montrer les richesses naturelles de cette contrée, tandis qu’on sera encore dans l’avenir réduit à discuter dans le vide comme par le passé, sans avoir vu, sans avoir eu entre les mains les produits de cet immense territoire inculte et inoccupé. La faute est d’autant plus grave, que la Guyane anglaise a une fort belle exposition bien classée, et dont plusieurs produits montrent tout le parti que les Anglais ont déjà su tirer de cette conquête qu’ils ne possèdent cependant que depuis quarante ans.
- Nos possessions de l’Inde nous ont envoyé deux magots; au moins, on ne leur attachera pas plus d’importance qu’elles n’en ont,
- De tous nos établissements d’outre-mer , deux seulement peuvent être appelés à un grand avenir : l’Algérie sera une seconde France, jeune, fertile, peuplée par le trop plein de la mère patrie; elle pourra lui donner les matières premières que celle-ci mettra en œuvre; enfin , la Guyane, l’immense Guyane, saine quand on pénètre à l’intérieur , pourrait produire toutes les denrées coloniales que sa latitude lui permet de cultiver et qui réussissent si bien dans les possessions anglaises voisines. Le succès de l’Algérie est maintenant certain, mais celui delà Guyane est douteux encore si le gouvernement ne se décide à soutenir cette colonie avec une énergique patience contre la malveillance dont elle est l’objet.
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- ROYAUME UNI DE LA GRANDE BRETAGNE Et DE L’IRLANDE.
- Annexe, section des'produitstravées 1 à 10 de A à D.— Annexé, section des machines; travées 126 à 142 de A à D. — Jardin.— Palais principal, rez-de-chaussée ; travées 1 à 15 de H à N. — Palais principal, galerie ; travées 1 à 15 de K à N.
- L’Exposition universelle de Londres, en 1851, au succès de laquelle nos industries françaises avaient si heureusement concouru, devait être pour nous un gage de l’empressement qu’apporteraient les grands manufacturiers dè l’Angleterre à se rendre à notre premier appel. L’hésitation fut cependant grande. L’opinion publique se préoccupa pèndànt quelque tèmps des questions économiques qui ferment aux produits anglais le marché dè la France, et la plupart des industriels ne paraissaient vouloir prêter à l’Exposition leur concours que dans lè cas où il leur serait permis d’èspérèr, dans un prochain avenir, un abaissement notable dans les droits dè douane. En profitant avec habileté de notre communauté d’intérêts dans la question éuropéennè, le dévouement des commissaires anglais parvint cependant à rallier les plus hostiles, et plus de deux»mille exposants ont envoyé leurs produits à l’Exposition. Les nombreuses colonies anglaises, qui ne sont pas comprises dans ce nombre, ajoutent ertcore à là splendeur de l’ensemble par l’immense variété de leurs produits.
- Nous jetterons un coup d’œil rapide sur la physionomie générale des galeries anglaises, les plus complètes après celles de la France. Les colonies seront examinées à part, ces pourvoyeuses de la métropole offrant chacune un caractère propre qu’il est utile de mettre eh évidence; les Indes, le Canada, l’Autriche nous offriront surtout d’intéressantes richesses.
- Dans la classe des mines et de la métallurgie, nous aurions pu désirer une collection plus imposante, eu égard à l’immense développement que le traitement du fer a pris dès longtemps dans l’industrie des îles britanniques, si, en regardant de plus près les produits exposés, nous n’y trouvions un choix à la fois sobre et judicieux de toutes les branches les plus im-
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- portantes dè cette industrie ; on s’étonne à première vue du petit nombre d’objets ; bientôt ori n’est pas moins étonné de leur importance. La source de toute la fortune de nos Voisins, la houille, devait surtout figurer au premier plan ; 2'64 échantillons réunis par le board of traâe dans tout le royaume, sont là pour attester combien les exploitations de ce précieux Combustible sont nombreuses. Les cokes qui les accompagnent, particulièrement ceux de Newcastle, exciteront Penvie de toutes les nations moins bien traitées. lies briquettes comprimées d’anthracite et de bitume, pour les forges, là marine et les locomotives, sont là pour attester le parti que nos Voisins savent tirer de Ce combustible si riche, mais d’un emploi difficile ; c’est à peine si chez nous l’ànthracite est exploitée pour' quelques fours à chaux; rarement et comme par exception pour le chauffage de quelques usines.
- Quoique les produits de l’industrie du fer soient exposés sous le nom collectif du Département dés sciences et des arts, et que, par conséquent, ils doivent faire l’objet d’un éloge d’ensemble, tant pour la beauté des échantillons que pour léur judicieux arrangement, nous nous permettrons dé' citer d’une manière toute spéciale deux rails qui, par leurs dimensions, peüventplus particulièrement édifier les visiteurs sur la puissance de production des usines anglaises ; un rail Barlow de 16“,02, un rail Brunei de 24m,45, une manivelle colossale pour machiné de bateau , un canon en acier fondu ,'sont autant de pièces importantes dans cette remarquable collection, qu’on pourrait simplement appeler une carte d’échantillons, tant il est vrai qu’elle représente les véritables produits commerciaux.
- Parmi les autres productions minérales, nous nous bornerons à citer encore celles de l’exploitation de M. Sopwith ; on trouverait difficilement une illustration plus complète des procédés employés dans le traitement des minerais de plomb argentifère.
- Les fontes moulées de Coal Brookdale Company sont d’une belle exécution sans doute , mais nous leur reprocherions volontiers la négligence de leurs dessins.
- Ne quittons pas les produits minéraux sans dire un mot dé cette belle carte géographique de M. Mylne, qui ne le cède en rien, sous aucun rapport, aux plus belles cartes connues.
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- Les productions végétales occupent, dans les envois des colonies anglaises, une large place. Leur prodigieuse variété, leur action dans l’industrie manufacturière et dans l’alimentation du pays, leur assignaient naturellement un rôle considérable à l’Exposition de I85S. Mais nous n’étions pas autant préparés à voir figurer les produits agricoles de l’Angleterre avec un tel éclat. Tandis que les envois des Indes frappent par une variété qui exclut, pour ainsi dire, toute classification méthodique, ceux-ci nous apparaissent dans un ordre admirable, et nous permettent d’apprécier d’un seul coup d’œil les résultats de cette culture perfectionnée dont la nécessité d’une large production a su doter cette grande nation. Les céréales, les légumineuses, les fourrages, les bois sont pris dans les produits naturels eux-mèmes ; les racines et les fruits sont représentés par des imitations parfaites; les animaux, par des peintures soignées. Cette collection, dans son ensemble , fait le plus grand honneur au professeur Willson qui l’a faite ; nous regrettons seulement que la place qui lui a été affectée dans l’annexe soit un peu éloignée des grandes lignes de circulation ; il faut monter dans les galeries pour la voir.
- Puisque nous parlons d’agriculture, disons un mot des instruments , de ces instruments de l’Angleterre, si bien construits, si bien étudiés sous tous les rapports. Ils sont là tous : charrues, herses, rouleaux, exlirpateurs, semoirs, pour représenter le système de culture mécanique, si cette expression est permise, que nos voisins ont adoptée. Chacun des appareils remplit parfaitement son but; mais ce but n’étant pas le même que celui que nous nous proposons avec les instruments similaires, ils ne sont applicables chez nous qu’à la condition de les employer tous. Les machines locomobiles, qui commencent à s’acclimater en France, les moissonneuses, les faucheuses, les faneuses, les machines à battre, dont une pour la force d’un homme , forment l’arsenal agricole de l’exploitation anglaise, sans contredit le plus complet et le plus parfait qui ait été jusqu’alors réuni. Trois constructeurs surtout sont à la tête de cette industrie ; M. Croskill, M. Garrett et fils, M. llamsomes et fils ont des usines importantes. Les instruments agricoles de l’Angleterre sont construits dans des ateliers complets ; leur construction est chez nous livrée trop
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- souvent aux charrons de village ; différence essentielle qui a bien aussi sa raison d’être dans le morcellement de notre sol.
- Les machines anglaises sont remarquables par l’invention et par l’exécution. Lorsque les Penn, les Whitworth, les Ste-phenson, les Fairbairn figurent au nombre des exposants, la France peut s’enorgueillir de ne pas être en arrière, et d’opposer aux œuvres du génie anglais ses chefs-d’œuvre.
- Les machines motrices sont moins nombreuses qu’en France dans la partie anglaise de l’Exposition. Si nous exceptons les belles machines de Fairbairn, les essais rationnels de Siemens, nous voyons en général un point d’arrêt dans la construction des machines à vapeur; cependant les machines de bateaux préoccupent vivement les constructeurs anglais. Mais lés machines outils, les machines de filature et, en général toutes les machines de fabrication sont l’objet de continuels perfectionnements. La grande presse hydraulique de Dunn, pour essayer la résistance' des bois et des câbles, les machines outils de Whitworth, celles aussi de Buckton, parmi lesquelles une machine pour tailler les engrenages et une autre pour tailler les molettes, la scierie de John Birch, qui a servi à la construction du Palais-de-Cristal de Londres , la tréfilerie de Johnson , peuvent donner aux visiteurs des .notions assez complètes sur l’emploi des moyens mécaniques usités dans le travail des métaux et du bois.
- Les opérations successives de la filature du coton sont exécutées devant le public par les belles machines de MM. Platt frères ; la machine à peigner le lin , de MM. Comb ët Cie ; le tissage mécanique de M. Smith et frère, donnant 250 coups de navette à la minute; le beau. Jacquart à double effet du même fabricant, enfin le métier à moquettes de M.’Woqd complètent l’assortiment des machines employées dans les arts textiles. Ce dernier appareil, qui coupe la trame pour produire le velouté, a été acquis, quant au principe, à l’Exposition même, pour l’énorme prix de 250 000 francs.
- La locomotive Stepherison, célèbre par le'nom de son inventeur; ne présente aucune supériorité sur nos machines françaises.. La pompe d’Appold étonne toujours la foule par la nappe" d’eau qu’elle entretient; un autre appareil, de M. de Bergue, cherche à lui faire une concurrence dans
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- laquelle il lui sera difficile de l’égaler quant à l’effet utile .produit.
- Parmi les machines de moindre importance, nous citerons, pour l’élégance de leurs principes et l’intérêt qu’elles offriront .aux visiteurs, un appareil de M. Crip.ps, de Manchester, pour graver sur rouleaux les dessins d’étoffes dessinées sur papier, au moyen d’une transmission par courroies, en ressorts d’acier ; un indicateur de niveau, de M. Coffey , avec, soupape sçlfacting, se fermant d’elle-même si le tube indicateur vient à se briser; une charmante petite machine pour marquer de numéros successifs les tickets de chemins de fer ; enfin , le ventilateur de Lloyd, qui ne doit faire aucun Jbruit quand il fonctionnera; nous verrons, bien.
- Nulle part, si ce n’est à Paris et à Bruxelles, on ne fait aussi bien la carrosserie qu’à Londres ; aussi les voitures anglaises attirent-elles l’attention générale.. Tout est si bien en ce genre, qu’il est à .peine permis de dire que les voitures de MM. Davis et fils, celle de M., Rock, \edog-cart de M, Sta-:rey ont une légère prééminence,
- L’horlogerie anglaise est toujours irréprochable, mais ne présente cette .année aucune nouveauté fort essentielle; nous nous bornerons à distinguer les produits de deux maisons importantes de Londres, celles de MM. Davis, et fils, et de MM. Frodsham et Baker, pour leurs chronomètres. L’exposi-tion des instruments d'optique est plus complète et compte des instruments de premier ordre : nous parlerons en détail .du grand c,ercle méridien du professeur Airy, dont un mp.dèJe pn. bois et carton .a les honneurs de la nef : plusieurs autres .observatoires, celui d’Édimbourg, celui de Kew, ont envoyé Ja plupart de leurs instruments d’observation pour rastronp-mie et la météorologie. Lord yy’.rpjttesiey, lord Ross pnt suivi .^exemple des établissements publics. ,Le modèle du télesr ..cope de lord Ross,, es1 accompagné d’épreuves, phptogra-pbiques du monde, planétaire : çes représentations,sont foutes fort intéressantes, Les microscopes deM, Ludds.e.tdeM. King, deBristo.l, sont d’une excellente construction, et les préparations microscopiques deTopping .sont bien faites. Les appareils enregistreurs d’Oshr et de Brookç sont tout à fait exceptionnels. On sait que les observations météorologiques de .l’observatoire royal de Greenwich s,ont toutes faites avec les
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- beaux instruments que le Conservatoire des arts et métiers de Paris s’était empressé d’acquérir en 4851, et ce sont ceux-là même qui sont exposés au Palais de l’Industrie. L’image photographique continue que l’on obtient de toutes les variations barométriques, thermométriques et autres, permet de conserver une trace permanente des différents phénomènes ; ces instruments ne sont pas encore répandus en France, mais l’observatoire de Paris vient d’en étudier la marche. La collection des instruments trigonométriques du lieutenant-général James,, de l’arme du génie, est la plus complète que l’on puisse voir.
- Les appareils, de chauffage et de télégraphie figurent en grand nombre dans la neuvième classe ; l’appareil fumivore du docteur Arnott,lesgrillesdeHoole, les soufflets de M. Ornons sont surtout intéressants. Les appareils électriques du professeur Wheastone, le télégraphe électrique de Walker employé sur le Soulh-Easthermdtailway, celui de W. Henley, auquel un aimant artificiel sert de pile, ainsi qu’un appareil du même genre avec lequel il peut obtenir et transmettre à une distance quelconque une étincelle incendiaire; la collection des fils métalliques pour télégraphes sous-marins, mines, chemins de fer, de M. Newall, sont principalement dignes d’intérêt : un spécimen du câble de Calais à Douvres fait partie .dp cette dernière collection.
- Non loin de ces, objets sont les modèles destinés aux écoles du département des sciences et arts : l’institution de Marlbo-rough-House, a été fondée avec les fonds provenant de l’exposition universelle de 4 854. Bien que gérée par une commission indépendante, sous la présidence de S, A. R. le prince Albert, cette entreprise ne voulut faire aucun bénéfice. Tous les fonds disponibles, devaient, aux termes même de sa co.n-îStitution, être employés en faveur du développement de l’inr .dustrie,. Il n’en pouvait être fait un meilleur usage que par lp création de ce nouveau service public, qui, soup pne administration intelligente, a su répandre ses bienfaits dans toutes les provinces du royaume,. Les modèles exposés sont ceux •que l'établissement central fait établir pu meilleur marché possible pour les céder encore avec réduction de prix aux établissements secondaires ; on s’est;.moin,s attaché p produire des modèles irréprochables qu’à les rendre facilement accès-
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- sibles par leur prix, et c’est à ce point de vue surtout qu’il importe de les juger, encore bien que plusieurs soient d’une exécution parfaite.
- M. le professeur Willis s’est placé dans le même ordre d’idées pour la construction de ses intéressants modèles de mécanique. Sa double machine d’Atvood fait immédiatement saisir quelques lois de la chute des graves et quelques principes élémentaires de la science ; le joint universel de Hooke avec ses plateaux divisés rend un bon compte de toutes les circonstances du mouvement transmis par cet organe.
- Le département des sciences et arts a déjà obtenu des résultats considérables depuis quatre ans : il s’est mis résolument à l’œuvre pour faire pénétrer le goût des arts dans les masses, et déjà quelques objets de l’exposition anglaise sont, sous le rapport de la forme, bien supérieurs aux produits similaires à l’exposition de 1 851.
- Les produits. chimiques, les substances alimentaires, les instruments de chirurgie seront examinés dans leurs classes respectives avec les détails convenables. Disons que les produits chimiques proprement dits sont plutôt des produits exceptionnels de laboratoire que des objets de grande fabrication : la collection de Londres était plus industrielle que celle d’aujourd’hui. Leprussiate rouge de Kind, sa naphtaline, les beaux produits de M. Warren Delarue, le camphre, le calomel, le sublimé corrosif de Baker sont parmi les produits les plus intéressants. Les appareils en platine de Ben-thums et Froends sont tout à fait remarquables. Le graphite désagrégé chimiquement de Brodu appelle d’autant plus l’attention que cette matière réduite en poudre, purifiée par. lévigation et rassembléé ’par pression dans le vide en blocs suffisamment résistants, sert à la fabrication de ces excellents crayons dont l’Angleterre a le monopole et dont la mine est détachée par sciage des blocs ainsi obtenus. Il paraît que la désagrégation s’obtient au moyen de l’acide sulfurique.
- ' Les cuirs et les papiers qui se rattachent aux industries chimiques ont d’habiles représentants : les cuirs tannés de M. Hêpburn,' les maroquins pour reliure de MM. Watson et Robèrt,'lès maroquins pour sellerie de MM. Wilson et Walker 'sont‘de la plus pârfaitè fabrication. Aussi, voyez comme ils sont'mis en oeuvre dans ces nombreux spécimens de la selle-
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- rie anglaise dont M. Langdon surtout peut être fier. Les papiers de luxe de M. Delarue dans le palais,, ceux de Holling-worth dans l’annexe, la collection des nouvelles matières premières employées dans la fabrication et réunies par le ministre du commerce, les vieux cordages et le papier qui en provient, deM.Lamb, forment unesériedesplus intéressantes.
- La classe des substances alimentaires se fait surtout remarquer par les fromages les plus renommés et les conserves de bœuf salé.
- . La marine et l’art militaire, celui des constructions civiles devaient être largement représentés à l’exposition. Le grand trophée de la nef, d’un aspect un peu sauvage, a le rare mérite d’attirer l’attention générale. Composé de tous les éléments principaux du matériel naval, il est surtout remarquable par ces modèles si bien exécutés de navires, de barques, de bateaux pêcheurs, de bateaux de sauvetage, du comité de Sun-derland. Les dessins de R. Napier et fils, parmi lesquels celui du bateau à vapeur le Persan, maintenant en construction, de la puissance de 1000 chevaux, et de 3600 tonnes, sont moins visités, malgré l’intérêt réel qu’ils présentent, que la coupe longitudinale du James Buyns, qui laisse voir tous les aménagements intérieurs et l’ameublement de ce navire plus spécialement chargé pour l’Australie.,
- Si l’on voulait caractériser d’un mot la puissance maritime de l’Angleterre, il suffirait de citer, les nouvelles constructions deBlackwall : ce bâtiment, qu’exécute en ce moment M. Scott Russell, disposera de 3000 chevaux de force et pourra porter 30 000 tonnes. Telle est la richesse de l’Australie que les Anglais, pour communiquer avec elle, n’hésitent pas à préparer d’aussi prodigieux moyens de transport.
- Le choix sera difficile pour faire seulement quelques citations parmi les modèles de construction. Le modèle en rèlief des docks et du port de Sunderland, ceux du pont de Salt-Ash, du pont de Chepstow, par Brunei, celui du Merinos-Salt de Bradfort, le Victoria-Bridge, enfin le magnifique modèle du Britannia, ce premier pont tubulaire qui relie l’Angleterre à l’Écossè, tels sont ceux qui suffisent pour faire apprécier les ressources immenses dont, nos voisins disposent dans les constructions qu’ils savent élèver partout où leur commerce en demande.'
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- Toutes les industries des métaux ouvrés sont amenées depuis longtemps en Angleterre à un degré de perfection que les moyens mécaniques dont disposent toutes les usines ont contribué depuis vingt ans à développer encore ; cependant elles n’ont pas également répondu à l’invitation qui leur était faite eii ce moment par la France. Tandis que la fabrication des aciers et celle dés outils de toutes sortes a pris soin d’envoyer ses plus beaux ét ses meilleurs produits, la quincaillerie proprement dite s’est presque entièrement abstenue, ou du moins n’a envoyé qu’une représentation insuffisante des nombreux articles qu’elle fait en si grande quantité ; serait-ce que les conditions du concours, bien différentes pour ces deux industries principales, ont encouragé lés uns et conseillé l’abstention aux autres ? Encore bien que la France possède quelques fabriques d’acier fin, que quelques-unes de nos usines préfèrent quelquefois aux aciers anglais, c’èst là un fait exceptionnel qui ne saurait suffire pour contester la supériorité générale des aciers anglais sur les nôtres. La maison anglaise de W. Jackson est encore en possession du marché français, sinon pour toutes les grosses pièces, au moins pour tous les aciers de taillanderie et de qualité, elle tient encore le premier rang sur notre importante maison Jackson frères, Petin, Gaudet et C% et sur les beaux produits prussiens de M. Krupp. Les aciers fondus de la maison Bedford, à Scheffield, illustrés par la plus belle collection de limes que l’on puisse voir, ceux de Specer et Jackson, les ressorts [de Thurton et fils, et de tant d’autres, soutiendraient encore la supériorité des aciers anglais en l’absence de la maison principale. Les faux de Gurfelt et fils, les faucilles de Butterley, Hobson et Cie,. ajoutent encore à l’importance de cette magnifique exposition.
- Les arts métallurgiques se Sont tellement développés en Angleterre, que partout où la fabrication mécanique peut être introduite, la beauté des résultats setle bas prix ne laissent rien à désirer. Mais aussitôt que la main-d’œuvre devient considérable, nos grands établissements, favorisés par le bas prix des salaires, peuvent soutenir avec avantage la concurrence. Nous pourrons citer tels articles de serrurerie, qui, fabriqués en France avec les fers'anglais, vont se vendre eri Angleterre à des prix inférieurs aux produits anglais eux-
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- mêmes, quoique chargés de frais de transports et de droits considérables.
- Parmi les petits objets en métal, nous trouvons en général des formes commodes, mais bizarres, exécutées avec tout le soin et la solidité désirables ; mais ces objets d’usage journalier nous semblent souvent trop chargés d’ornements et de moulures sans but et sans originalité. Nous avons cependant remarqué beaucoup de choses intéressantes, les petits bronzes pour l’ébénisteriede Wooldridge, les tuyaux et appareils à gaz, de Russell et Cie, la serrurerie d’appartement, de Hart et fils, et de Boobbyer, les serrures de sûreté de Brarnah, les articles de fantaisie d’Allen et Moore, les services de table et de thé de Griffiths et Cie, les poteries en fer émaillé de Henrich et fils, surtout ses tubes pour conduites d’eau; lés mors et autres articlesde sellerie, de Valsall, se recommandent à divers titres, mais, en général, pour le prix et l’exécution. Les aiguilles anglaises ont une supériorité bien établie ; les tôles vernies de Hopkins, les cheminées de plusieurs fabricants ne nous paraissent ni commodes ni bien appropriées au combustible minéral, le seul employé en Angleterre pour les usages domestiques. Peu habitués à ces formes anormales, nous les jugeons peut-être avec trop de sévérité ; les fourneaux de cuisine se rapprochent davantage des nôtres ; ceux de MM. Benham et fils sont parfaits : rien n’y manque, et ils ne sont point surchargés d’ornements.
- La grille en fonte de M. Baylegs, qui se trouve à l’est de la nef, est certainement la meilleure pièce d’ornement en fonte.
- Si l’exposition de l’orfèvrerie anglaise a pour but de montrer que la Grande-Bretagne est riche et qu’elle peut laisser dormir impunément de gros capitaux, elle a parfaitement réussi, car il est rare de voir réunies d’aussi grandes masses d’argent ; mais si nos voisins ont cru exposer des objets d’art, ils se sont considérablement trompés. Le mauvais choix des sujets a beaucoup contribué à cette non-réussite ; des accidents de chasse, des scènes historiques, des épisodes de romans ne sont pas toujours faits pour fournir un thème à des œuvres dont les conditions sont aussi spéciales qu’un vase , une aiguière ou un candélabre. Le goût un peu bourgeois de la commande a mis l’artiste dans la nécessité do placer de petites
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- figures les unes à côté des autres, sans pouvoir les réunir et les grouper en une ligne agréable à l’œil.
- La pièce de la société des orfèvres de Londres nous semble être ce qu’il y a de meilleur, ce genre étant une fois admis, et cependant là encore l’exécution artistique laisse à désirer ; les figures sont mal dessinées, peu élégantes et bien décidément- en argent. Personne ne pourra croire qu’elles s’animeront jamais.
- Deux choses cependant méritent l’attention r un bouclier et plusieurs vases en argent bruni dont le ton sobre permet de voir les détails, tandis que le brillant des autres objets produit un miroitement qui fatigue. Ces œuvres ont été dessinées et exécutées par un Français.
- M. Elkington a seul une exposition réellement remarquable. Dans une vitrine de la galerie, on peut voir des imitations littérales de l’antique et de l’art indien qui valent mieux que les œuvres du cru anglais. L’exemple de M. Elkington, qui a certainement pris modèle sur nos artistes, devrait être suivi. L’Angleterre est assez grande, elle est assez supérieure à toutes les nations dans plusieurs industries, pour avouer franchement qu’elle est inhabile à certaines choses, et puisqu’elle est riche, qu’elle prenne nos sculpteurs et nos peintres ; ils la guideront plus sûrement dans la bonne voie, ils la ramèneront au beau style de l’école florentine du xvie siècle qui, en somme, n’a jamais été surpassée.
- La bijouterie anglaise est bien supérieure à son orfèvrerie, autant d’un côté il y a de lourdeur et de richesse grossière: autant ici il y a de délicatesse et de bon goût. L’exposition est tout à fait remarquable par la beauté des pierres, cela va sans dire, mais aussi par l’extrême habileté de la monture: ce que nous n’attendions pas. Les diamants, les rubis, les saphirs se lient les uns aux autres sans qu’on s’en doute; l’argent disparaît sous ces flots de pierreries. Les bijoux en or sont travaillés avec une rare perfection de main-d’œuvre : entre autres les tissus entrelacés pour parures, de M. Bisson.
- Puisque nous en sommes aux œuvres d’art, nous pouvons passer aux poteries anglaises ; nous aurons là beaucoup à apprendre. Les arts céramiques sont arrivés à de beaux résultats en Angleterre ; elle fait aussi bien que nous les porcelaines et les faïences de luxe, si nous réservons toutefois les chefs-
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- d’œuvre de notre manufacture impériale. Mais elle fait infiniment mieux les grès et les terres cuites pour les arts et les manufactures.
- Quelques-uns des objets de M. Minton sont tout à fait hors ligne ; nous avons surtout admiré de petits vases à forme lenticulaire qui portent des ornements d’or et des figures peintes dans ces tons sobres, pâles, qu’affectionne M. Gérome, et dont il donna un si beau spécimen dans le grand vase de l’exposition de Londres. Deux candélabres offerts par S. M. la reine Victoria à l’empereur sont de très-bon goût; nous n’aurions pas cru que le biscuit de porcelaine pût aussi bien se placer à côté du bronze. M. Minton a encore de belles imitations de l’étrusque et des bustes d’après l’antique qui jouent le marbre à s’v méprendre. Au reste nous ne sommes pas seuls de notre avis ; le nombre de vendu exposé sur les produits de M. Minton, fait voir qu’il est fier de montrer que les Français ont apprécié son talent et son habileté.
- Les poteries de grès dénotent une fabrication bien plus avancée que la nôtre; de grands appareils pour les distilleries et les opérations chimiques, des serpentins énormes munis de robinets, une foule de pièces que nous employons ordinairement en fer-blanc ou en étain sont là en terre cuite et en grès, et il est inutile de parler de l’économie que peut procurer cette substitution.
- La cristallerie anglaise est eu retard au contraire. Les verres taillés et moulés sont lourds; ils n’approchent pas de cette légèreté, de cette forme ample et délicate dont la mode s’est répandue en France depuis quelques années. En revanche certains articles spéciaux sont parfaits : de grandes jattes à mettre le lait, une foule d’objets usuels se recommandent par leur bon marché. L’exposition de MM. Chance frères et Cie, de Oldbury , nous arrêtera un instant : et d’abord de magnifiques objectifs de 0m,74 de diamètre ; on comprend toute la difficulté d’exécuter, sans un défaut, sans une soufflure, une pareille masse de verre qui pèse plus de 60 kilog.
- Le bloc de verre dans lequel le disque est taillé pèse plus de 200 kilog.; c’est dans ce bloc qu’il faut chercher dans tous les sens une masse qui présente l’homogénéité désirable, tailler, puis faire recuire ; cette dernière opération est la plus dangereuse ; souvent le disque se brise en refroidissant. Les
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- objectifs de MM. Chance sont au nombre de deux, l’un existait à l’Exposition de 1851 ; on a mis 5 ans avant d’obtenir le. second.
- Nous trouvons à côté de ces objectifs de grandes masses de verre dépoli pour les serres, et des vitres d’un mètre carré de deux couleurs, rappelant les verres de Bohême : un verre blanc et un verre coloré sont accolés, puis, à l’aide de l’acide, fluorhydrique, on enlève le verre coloré par places, et on obtient ainsi une gravure en creux, blanche , qui produit un. j.oli effet en se détachant sur le fond rouge.
- Les fenêtres du grand escalier de l’Est portent quelques vi-. traux appartenant à la chambre des lords dont nous ne parlons que pour mémoire.
- La fabrication des tissus est, chez un peuple, la première à laquelle il se livre, parce qu’elle satisfait à ses besoins les, plus impérieux lorsqu’il a pourvu à sa subsistance. Nous, voyons ensuite cette fabrication se développer avec une rapidité toujours croissante à mesure que toutes les autres industries manufacturières lui servent en quelque sorte de bases dans ses périodes successives d’accroissement. Si ces. observations sont fondées, rien ne saurait mieux peindre la puissance industrielle de l’Angleterre que l’importance de ses industries textiles : en aucun point du globe ces industries ne sont à beaucoup près aussi développées : cherchant partout ses matières, la Grande-Bretagne envoie partout ses produits, et son commerce d’exportation en tissus est la source la plus abondante de son incroyable prospérité. Les cotons, les laines, les soies que son climat ou d’autres nécessités lui: refusent, elle les obtient le plus souvent en échange des mêmes produits dont elle a quadruplé la valeur par le travail.
- L’industrie du coton est, de toutes , la plus importante et la plus prospère ; Manchester, qui en est le principal centre, lui doit d’avoir décuplé sa population en cinquante ans. L’Angleterre seule met en œuvre quatre fois autant de coton que la France.
- C’est surtout au point de vue commercial que l’exploitation des cotonnades a été faite ; Les districts de Manchester et Sal-ford se sont fait représenter en masse : on a pris chez chaque fabricant ce qu’il fait, non de plus beau , mais le mieux, et
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- les produits ont été placés de manière que les visiteurs, les acheteurs surtout, puissent les examiner à loisir sur les vastes comptoirs qu’il occupent. Malgré cette simplicité d’arrangement , ces tissus n’en forment pas moins la plus riche et la plus, belle collection qui ait jamais été faite. Aucun nom n’est s.ur les produits,, mais un carnet d’échantillons bien fait suffit pour enregistrer chaque jour des ordres importants.
- . Quoique l’introduction encore récente du coton en Europe ait modifie d’une manière notable la prééminence qu’avaient eue jusqu’alors les différentes industries qui s’exercent sur la laine, les emplois variés que l’on fait de cette matière,, pure ou mélangée,’ lui ont permis de subsister et de s’accroître à côté de. l’industrie cotonnière. La population deBradford s’est élevée, de 18.01 à 4830, de 6400 à 23 000. âmes. Lèeds, qui fabrique en grande quantité les draps, ne s’est fait représenter que d'une manière insuffisante, sinon par rapport fi la bonne qualité des produits, du moins par leur quantité. Les tissus pour robes d’Halifax et de Grlascow sont convoités par nos. parisiennes., qui ne peuvent, à prix d’argent, s’en procurer. Ceux de M, Akroid et fils attirent surtout les regards.
- La belle collection des popelines d’Irlande jouit avec les châles d’Écosse de la môme vogue. Parmi ceux-ci, les tartans de M. Morgan et Cie, parmi ceux-là les tissus de MM. Pim frères et Cie, de Dublin, ont les honneurs. Les châles de MM. Kerr et Scott, et ceux de MM. Çlaburn et Crisp ne diffèrent des châles français que par leurs prix plus favorables.
- Les tissus dAlpacca de MM. Sait, Titus et Cie sont d’autant plus admirés qu’il est impossible de se les procurer en France.
- Quoique quelques essais d’éducation du ver à soie aient été faits en Angleterre sans grand succès, et que par conséquent toute la matière que la fabrication des soieries consomme provienne exclusivement du commerce extérieur, la valeur de la matière brute actuellement mise en œuvre atteint, si elle ne dépasse, 125 millions de francs. Manufacturées dans un grand nombre de villes , les soieries anglaises sont notablement inférieures aux nôtres ; nous excepterons cependant de cette appréciation générale quelques moires antiques, celles de M. Clarke et celles de MM. Kempe Stone et Cie , lès ma-
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- gnifiques velours de M. Th. Kempe, les très-beaux crêpes de MM. Grout et Cie. Les autres tissus, les rubans surtout, sont d’une infériorité marquée, et ils n’ont d’autre mérite que leur bon marché.
- Tel est l’avantage d’une puissante organisation commerciale et industrielle que les tissus de MM. Harrop,' Taylor et Pearson, exclusivement confectionnés avec des soies de Chine,' ont un prix moitié moindre que celui des tissus de Lyon fabriqués avec la soie française. Les étoffes de soie pour tentures de MM. Kerth et Cie font un bon effet.
- Le lin est un des produits les plus importants de l’Irlande, mais les quantités sont insuffisantes, on le pense bien, pour alimenter toutes les fabriques du royaume : 70 millions de kilogrammes sont tirés du dehors. Dundee, Arbroust, Belfast sont les principaux sièges de l’emploi du chanvre et du lin. Lorsqu’on se rappelle l’importance des tissus damassés en Angleterre, on.s’étonne que cette grande industrie ne soit pas mieux représentée au Palais dqs Champs-Élysées, quoique M. Beveridge de Dumferline ait une exposition remarquable ; les toiles à voiles et les batistes sont plus favorisées sous ce rapport. • -
- La bonneterie anglaise jouit d’une grande réputation qu’elle mérite à tous égards : solidité et bon marché , ce sont là les seules qualités dont on ait à s’inquiéter dans les produits de cette nature. Les bas, les tricots se présentent à des prix dont nous ne nous doutons pas en France; à côté des dentelles si connues d’Angleterre, et qui sont magnifiquement représentées à l’Exposition, se trouvent des rideaux brodés à la mécanique d’un bon marché fabuleux, article peu connu chez nous et4qui. y aura un grand succès s’il peut s’introduire en franchise. Le confort anglais ne saurait se passer de tapis aussi ^manufacturiers se sont-ils mis à l’œuvre et ont-ils produit ces tapis assez jolis et à si bon marché qu’on en rencontre partout à Londres dans les appartements comme sur les escaliers; ce qui est encore un luxe chez nous est une habitude de l’autre côté du détroit. Nous n’avons rien vu d’aussi brillant, non pas que nos tapis de Beauvais et des Gobelins, mais que nos produits habituels français. En revanche, nous avons vu. des tapis dont toutes les bourses*peuvent approcher, ce' qui vaut mieux. Toutes les fois qu’ellépeut fabri-
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- quer en grand pour les masses, que les machines peuvent jouer le rôle le plus important dans la production, l’Angleterre triomphe et nous laisse loin derrière elle. C’est le caractère propre de cette belle exposition anglaise : infériorité de l’artiste, supériorité de l’ouvrier : faire bien, beaucoup, à bon marché, voilà ce que fait l’Angleterre ! Faire beau mais peu, voilà malheureusement ce que fait la France, avec ses produits élégants qui restent l’apanage des classes aisées et ne pénètrent pas dans les masses.
- Les industries concernant l’ameublement et la. décoration ne sont pas une des parties les plus brillantes de l’exposition anglaise ; cependant les galeries du rez-de-chàussée qui renferment cette classe comptent quelques objets d’un haut intérêt. <
- Un autel en pierre de Caen, dans le goût du moyen âge, destiné à une chapelle de l’immaculée Conception , est d’un bon style gothique et l’exécution en est très-soignée. • ' ’
- Quelques corniches en carton pierre, d’après des dessin!? probablement français, sont les choses les plus intéressantes,1 en y ajoutant toutefois les produits d’une nouvelle industrie;, qui nous paraît appelée à un grand avenir. " '
- ' M. Magnus de Londres expose des chambranles de cheminée en ardoises émaillées au grand feu , qui jouent très-bien le marbre et qui ont sur lui l’avantage d’un extrême bon marché ; quand les ornements sont de bon goût, les produits dé M. Magnus ne laissent rien à désirer.
- Les ébénistes anglais n’ont envoyé qu’un petit nombre de meubles au grand concours de 1855 ; presque tous ces objets en style gothique sont assez ordinaires; ils sont solides, per-’ sonne n’en doutera ; mais ils exagèrent même un peu cette qualité qui dégénère en une lourdeur exagérée. '
- Nous dirons plus loin tout le prix que nous attachons au meuble de Graham ; cette œuvre exceptionnelle demande à être examinée en détail.
- Quelques lits, quelques chaises gothiques, un buffet en bois sculpté, enfin un meuble compliqué servant de bibliothèque, de pupitre à feuilleter les livres et à écrire, c’est là presque toute l’exposition des meubles anglais.
- I Si. nous passons sous silence la marqueterie, les boîtes miroitantes imitant les laques indiennes, nous ne pouvons nous
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- dispenser de citer quelques sculptures sur bois très-remarquables. M, Wallis, à Louth (Lincoln),, a plusieurs groupes d’oiseaux : bécasses, et perdrix exécutées, avec un talent, hors ligne; nous trouvons près de là plusieurs bouquets de fleurs également sculptés sur bois., mais bien, inférieurs aux oeuvres de M. Wallis. .
- Les papiers peints anglais couvrent les murs du grand es-calier de l’est ; ils sont bon marché, et de. plus les. fabricants de la Grande-Bretagne ont la sagesse de ne pas demander à cette, industrie plus qu’elle ne peut faire; les papiers sont couverts de dessins de fantaisie ; ce ne sont pas de mauvais tableaux comme ceux que font maintenant nos fabricants en ce, genre. Une bordure qui "règne le long du vestibule de l’est, copiée de l’Alhambra, est d’un fort bon effet.
- Dans, ce même escalier, no,us trouvons, une collection de bois, d’ébénisterie et de marbres imités, bien supérieurs à tout ce que nous connaissions en ce genre.
- Le caoutchouc se trouve sous toutes les formes dans l’exposition anglaise comme dans la nôtre bateaux, manteaux , vêtements de plongeur, souliers, bretelles, manches de couteau, bois de fusil, tout est en caoutchouc; les vêtements imperméables sont bien confectionnés, et quelquefois le caoutchouc est entièrement dissimulé dans une étoffe légère; les prix, sont encore un peu élevés , mais, nul doute que si la demande continue à croître comme elle le fait depuis, quelque temps, on arrivera à produire ces articles à prix réduit.
- Au milieu de l’expos.ition des chaussures, qui nous ont paru peut-être moins élégantes, que les nôtres, nous avons rencontré un nouveau mode de fabrication qui conduit à un bon marché extrême : les bottines de troupe de M. Atoff, de Londres , ne coûtént que 4 fr. 60 c. ; les chaussures de chasse, un peu plus soignées, reviennent à 5 francs.
- Le manque d’indication des prix ne nous a pas permis de découvrir ces produits fabriqués à des prix très-faibles, pour femmes et enfants, qui avaient été remarqués à l’exposition do Londres, chez MM. Dickson, dont l’exposition actuelle doit renfermer cependant des articles analogues, sinon supérieurs, des souliers d’enfants à 5 fr. la douzaine, 42 cent. la. paire, des souliers de femme à 7 fr. 50 c. la douzaine, à 62 cent, là paire. La douzaine de bottines confectionnée en Angleterre
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- pour l’exportation commençait à 25 fr. en 4851, il estpro-bable que les prix en sont encore baissés..
- . Les chaussures pour femmes n’ont rien de bien'remarquablej il nous paraît, seulement impossible que les produits.que rem-ferment les vitrines puissent jamais être vendus : les Anglaises ne sont pas des Cendrillons et. les petits souliers exposés sont de la taille de la célèbre pantoufle de verre.
- Si vous n’aimez pas ces gants de peau, bien faits, mais de tons bizarres, voyez ceux de laine et de drap que l’Angleterre exporte en. grande quantité, et. qui présentent solidité et bon marché. Les gants anglais s’exportent en Amérique, La Grande-Bretagne consomme peu elle-même les produits, de sa ganterie, et c’est à la France qu’elle demande ses articles de luxe.
- Le peuple anglais, voyageur et ami du confort,. devait mettre grand soin aux nécessaires de toilette : l’exposition en renferme en effet quelques-uns, d’une trèsrgrand,e richesse et de très-bon goût, montés en argent et en vermeil; peut-être même la recherche a-t-elle été un peu trop loin, et personne ne fera croire à un homme sérieux; qu’on ait besoin d’au-; tant de petits outils pour se laver les mains et se faire la barbe.
- Des nécessaires de toilette à la librairie, la transition est brusque, mais il n’y a qu’un pas à faire à l'exposition pour rencontrer les livres et les photographies anglaises ; on nous permettra donc, sans autre excuse, de nous y transporter.
- Les Anglais ont une’ grande collection de gravures et de lithographies au Palais de l’Industrie, qui aurait peut-être été mieux placée au Palais des Beaux-Arts.; on connaît le remarquable talent des graveurs anglais, dont les œuvres, sont bien souvent au-dessus des tableaux,originaux qu’elles repro? duisent. M. Mac Queen, de Londres, a.plusieurs planches très-jolies, entre autres celle de l’oncle Tobie et la veuve dans la diligence (Tristam Shandy). Les petits enfants, éta-;. blis sur un banc et apprenant leurs leçons, sont remplis de, naturel et de finesse; on a pu obtenir, parles procédés delà stéréotypie, toute la suite de la Petite Passion d’Albert Durer, la facilité de refaire un nouveau cliché quand celui qu’on emploie est fatigué, permettra de tirer un nombre d’épreuves pour ainsi dire infini de cés belles gravures/ Il serait à désirer
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- que la même opération fût reproduite pour toutes les estampes dont on a conservé les bois originaux.
- Les tons durs et crus des épreuves lithochromiques montrent que cette nouvelle méthode n’est pas encore arrivée à toute la perfection désirable, mais si on ne peut obtenir d’œuvres d’art, on appliquerait cependant ces procédés très-utilement aux dessins d’ornement et de machines.
- Les photographies anglaises sont fort belles, nous avons été tout à fait séduit par quelques paysages aux tons gris et harmonieux dont les sites sont encore plongés dans lesbrouillards du matin. Nous n'avons, dans notre exposition, rien qui soit supérieur à la collection de la société photographique de Londres.
- Quelques épreuves tirées de la reproduction complète des collections de la reine d’Angleterre composent un fragment du plus haut intérêt et que tous nos peintres devraient aller voir. Nous avons surtout remarqué les Trois Grâces, des fragments du Massacre des Innocents, la Vierge aux enfants, plusieurs têtes d’après nature, une Lèda reproduite d’après les dessins originaux de Raphaël ; le fac-similé est complet. On est là en contact immédiat avec le maître sans une pensée entre la sienne et la vôtre; les épreuves de M. Thompson nous ont paru atteindre la perfection de M. Delessert dans sa reproduction du Marc Antoine, ou de MM. Bisson dans celle des Rembrandt ; remarquons de plus que les photographies^ nos habiles artistes ont été exécutées d’après des gravures qui se prêtent mieux à la reproduction.
- Nous apprécions la netteté de caractère des livres anglais, et les gravures sur bois qu’ils renferment sont fort jolies; plusieurs d’entre elles, exécutées par M. Thompson , sont au niveau de ce qu’on fait de meilleur. Ces livres illustrés nous ont paru peut-être un peu chers ; ajoutons que si nous avons trouvé dans l’exposition anglaise de sérieux in-folios, reliés et imprimés avec tout le soin désirable, nous n’avons rien trouvé d’aussi complet, d’aussi charmant que le petit Horace de M. Firmin Didot, c’est là un chef-d’œuvre de goût auquel l’exposition anglaise n’a rien à opposer.
- Les reliures bon marché sont très-convenables : le livre entièrement sombre donne aux lettres d’or du titre beaucoup de relief. Les reliures de prix nous ont paru moins heureuses,
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- elles sont trop chargées, on voit trop qu’elles ont voulu être riches : ce sont plutôt des reliures de livres d’étrennes destinées à faire de l’effet, que des œuvres sérieuses comme les apprécient les amateurs.
- Il nenous reste, pour avoir passé en revue toute l’exposition anglaise, qu’à dire quelques mots des instruments de musique, il nous a semblé que la collection la plus complète appartenait à M. Érard, qui a plusieurs pianos et une harpe. Les pianos, au lieu d’être en acajou comme on les aime en France, sont en général en noyer; au reste, on ne trouve rien de nouveau dans cette industrie arrivée déjà à une perfection remarquable.
- POSSESSIONS DES INDES.
- Annexe, section des produits, travées. — Palais principal, galeries, travées, 1 à 3, K et L.
- 11 n’est peut-être pas, dans tout le Palais de l’Industrie, une partie qui ait un cachet plus spécial que le coin sud-est de la galerie où se trouve l’exposition des Indes. On voit là, rassemblés, dans quelques vitrines, tous les produits de cette terre à laquelle tout le monde a rêvé. Tissus, meubles,' armes, jouets, bijoux; tout est là, c’est complet, surtout parce que rïen n’y est ajouté. L’honorable Compagnie a eu le bon esprit de n’apparaître nulle part ; sa main n’a agi que pour transporter toutes ces merveilles à Paris, mais elle leur a conservé tout leur caractère et toute leur naïveté.
- Singulier peuple que ces Hindous! qui ont tout inventé deux mille ans avant Jésus-Christ, et qui en sont restés là, regardant passer le monde sans se donner la peine de le suivre; vivant près des Anglais comme près des Mogols, avec leurs castes nettement dessinées, leur soumission aveugle à la fatalité, à la loi du plus fort, servant leurs vainqueurs sans se mêler à eux.
- Que de richesses accumulées dans cette exposition, et des richesses qui seront toujours inconnues en France et même s’éloigneront d’elle de plus en plus, maintenant qu’il nous faut faire absolument du bon marché.
- Au milieu, là tente du rajah s’étale dàns toute sa splendeur
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- avec ses tapis de velours rouge brodé d’argent ; on croirait qu'elle n’est vide que pour un instant : les lits de repos sont à leur place; sur les étagères, les jeux d’échecs d’ivoire et de corail n’attendent que les mains des joueurs; les pipes ciselées, la coiffure du prince indien, ses éventails de plume, ses armes, sont épars sous sa tente. Entouré de tout ce luxe, fumant, rêvant, se laissant vivre comme il est si facile de le faire en Orient, ces fantômes de princes souverains, regardant danser les bayadères, se font éventer par leurs serviteurs , tandis que la vieille dame de Londres, comme iis appellent la Compagnie, veille à tous leurs besoins, les débarrassant de tout soin comme de toute puissance. On peut voir à quelques pas une collection de petites poupées qui sont la fidèle image de cette existence sans but, l’étiquette elle-même vous le dit : modèle d’un prince indien avec sa suite. En effet, c’est un vrai modèle; car celui qui est en chair et en os est aussi impassible et aussi inerte.
- Des coffrets de bois de sandale, des boîtes d’ivoire et de marqueterie montrent à quelle perfection peut arriver ce travail indien, travail lent, mesuré, qui produit des merveilles en prenant Son temps. Les petites statuettes d’ivoire, de bois peint, dont l’exposition abonde, montrent tout un côté de ce vieux peuple enfant qui s’amuse à faire des jouets et qui les fait si bien. A côté des processions ou marchent les éléphants, entre des files de graves soldats anglais, reviennent les fameuses divinités à six bras et à triples rangs de mamelles, images de ce peuple si nombreux, si fécond, mais dont les bras sont sans énergie, dont la tête sans fierté se courbe sous le bâton.
- Les châles, le désespoir des fabricants français, sont voisins de l’exposition anglaise; les uns sont sobres de tons, leurs couleurs rabattues se marient sans se heurter; chez les autres, au contraire, l’éclat des rouges les plus vifs, des verts les plus crus vient lutter avec d'éblouissantes broderies d’or et d’argent; mais toujours dans ces gammes harmonieuses qui font le charme de ces fins tissus. Qui a inventé aussi ces dessins bizarres qui les couvrent? Dans quels nuages vagabonds a-t-on pu découvrir ces courbes gracieuses qui s’enchevêtrent, reviennent, circulent sans qu’on y voie ni commencement ni fin !
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- Les bijoux, dont quelques-uns renferment des pierres d’un grand prix, sont d’une finesse, d’une légèreté inouïes ; à côté des saphirs transparents, on voit les diamants de l’Inde, les plus beaux du monde, montés à jour sur des fils d’argent qui s’agitent sous le souffle. Les vases d’argent émaillés de bleu ont des formes d’une parfaite élégance, qui renvoient bien loin derrière eux les gros blocs d’argent poli de l’exposition anglaise, les statues de Pierre le Grand, etc.
- Ah ! chers voisins et alliés, faites du fer, de îa viande, et tissez du coton ; mais laissez vos Indiensvous faire des bijoux, des vases et des châles, ils s'y entendent mieux que vous.
- Les armes présentent l’assemblage le plus singulier : il y â là des fusils sur lesquels un homme a passé sa vie à fouiller précieusement des ciselures, qu’il a rehaussées d’or et même d’émail avec de petites figures charmantes; mais ce sont des fusils à mèche, et un troupier n’en voudrait pas ; il y a des sabres de ce fameux acier indien, que l’Angleterre ni la France ne savent faire, des yatagans formidables et puis un appareil propre à égratigner l’ennemi. Il y a encore des casques d’où pendent de longues cottes de mailles, des casques empanachés d’aigrettes fines et délicates, des arcs, des piques, des poignards dont la lame va se repliant comme un serpent.
- Un bon marché inouï de main-d’œuvre, des spécialités absolues, l’absorption de tous au profit de quelques-uns : voilà l’Inde.
- Notre spirituel voyageur Jacquernont avait ünè suite de trente serviteurs, et il ne dépensait pas 25 louis par mois ; il était obligé d’avoir trois hommes pour soigner un cheval, un pour couper l’herbe, un pour panser la bête, et un troisième pour lui apporter à boire. Il ne serait venu à aucun d’eux l’idée anarchique de cumuler ces trois fonctions, et si le coupeur d’herbe était mort, le palefrenier'Se serait fait rouer de coups plutôt que de donner une poignée de foin à l’animal qu’il étrillait.
- Quelques Anglais suffisent à conduire cet immense continent qui subit la loi sans la comprendre et sans Ta discuter. Les guerres sérieuses n”ont pas été avec les Hindous, mais avec les Afghans qui sont, au contraire, assez belliqueux, mais qui n’ont plus les talents de leurs voisins du sud. * - .
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- Cette masse innombrable de travailleurs produisant au profit de quelques privilégiés, travaillant lentement, et , toujours dans le même sens, a dû produire facilement les merveilles que nous voyons ici et qui ne sont réalisables que dans ces conditions.
- Nous venons de parler longuement des objets manufacturiers de l’Inde, mais c’est depuis peu de temps qu’ils sont goûtés en Europe, et le sol lui-même produit des denrées qui ont les,premières attiré les Européens dans ce pays du soleil. Le poivre noir et blanc, les matières colorantes, l’indigo, entre autres, qui est pour l’Inde, maintenant, l’objet d’un si grand commerce ; le thé qu’elle produit et qu’elle reçoit de la Chine ; les fibres résistantes et soyeuses de ses végétaux, aloès, plantain, etc.; les huiles, celle de ricin qui peut maintenant être appelée à de grandes applications industrielles; le. tabac, les soies, les laines, ces magnifiques laines du Thibet qu’on cherche à acclimater dans notre Algérie.
- Des dents d’éléphants, des peaux de tigre, des gommes, des parfums, de grandes nattes, sur lesquelles il est si bon de s’étendre sous un ciel de feu, se trouvent encore dans l’exposition de l’annexe.
- Que dirons-nous de Ceylan; c’est une migration de l’Inde qui reflète tous ses produits manufacturés et denrées naturelles, tout ce ,que peut produire un sol fertile, iûépuisable, avec des irrigations bien entendues, un peuple énervé qui travaille peu, il est vrai, mais qui travaille pour rien ; pauvre grand peuple, toujours conquis, toujours absorbé, et.qui n’a plus d’histoire. , , ,
- « AUSTRALIE. -
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- Annexe, section des produits ; travées. — Palais principal,
- salon de l’escalier sud-est.
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- L’Australie, se présente avec un caractère tout spécial qu’il nous faut examiner; l’or et. la laine, voilà les deux richesses de‘l’Australie; l’or a été découvert récemment, et il a déjà, attiré dans la colonie un mouvement d’affaires et d’individus qui aura forcément la plus grande importance sur le développement futur de. ce nouveau monde.
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- L’Angleterre a compris que sur son sol morcelé, envahi par la culture, à côté de sa population dense et exigeante, il fallait chez elle faire des produits alimentaires ; aussi a-t-elle poussé ses races de moutons exclusivement vers la boucherie, s’inquiétant peu ou pas de la laine. Elle avait en Australie, au contraire, d’immenses prairies, admirablement disposées pour le parcours; c’est là qu’il fallait faire de la laine, et c’est là qu’elle en a fait. Elle vient encore tous les ans acheter en France, en Saxe, les plus beaux béliers mérinos pour les exporter en Australie; aussi est-elle déjà arrivée à de remarquables résultats : la finesse des toisons qu’elle expose, leur longueur de mèche ne laissent rien à désirer.
- De la houille, des minerais de cuivre et d’étain, quelques fourrures, des peaux, des denrées alimentaires, du riz et des céréales entrent encore dans les produits de la colonie.
- Les céréales, qui avaient été considérées à juste titre comme les plus belles de l’Exposition de '1851 , doivent nous arrêter un instant. Le sol de la colonie de Sydney est tellement riche, qu’une surface de plusieurs milliers d’ares cultivés en blé a rendu en 1852 dix-huit boisseaux par are, sans que le sol ait reçu aucun engrais et sans même qu’on se soit préoccupé d’un système régulier d'assolement.
- Lé maïs réussit bien aussi dans la colonie. Malheureusement la cherté de la main-d'œuvre, à cause de l’attrait qu’exercent les mines d’or, a empêché jusqu’à présent la culture du coton de prendre un grand développement.
- Ajoutons qu’une assez grande quantité de vins se rencontrent dans l’exposition australienne ; ces vins, qui paraissent pour la première fois en France, ne sont pas encore assez connus pour qu’on puisse se prononcer sur leur valeur.
- Une collection de bois incomplète encore, dit le catalogue de l’Australie, bien qu’elle soit déjà considérable, donne les plus belles espérances pour cet article d’exportation. Le bois d’ébénisterie, avec lequel sont établies les vitrines de l’escalier, n’est cependant pas très-beau; il rappelle un peu, mais incomplètement, notre thuya de l’Algérie.
- Appuyée d’un côté sur la production de la laine fine, de l’autre sur les masses d’or que fournit son sol, conduite par le génie entreprenant, hardi des Anglais, l’Australie voit s’ouvrir 206 (I
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- devant elle la plus belle carrière, et le jour n’est peut-être pas loin où elle pourra peser d’un grand poids sur les destinées du monde civilisé.
- CANADA.
- Annexe, section des produits; travées 10 à 13, de A à D, — Annexe, section des machines ; travées 14? à 143, A.
- A l’exception du Mexique, des petites républiques qui se trouvent au sud de cet État, et des possessions russes du nord-ouest, toute l’Amérique septentrionale est peuplée par la race anglaise.
- Toute la région centrale de ce grand continent constitue maintenant les États-Unis et est indépendante. Mais l’Angleterre a conservé la partie septentrionale qui porte le nom générique de Nouvelle-Bretagne. La plus grande partie de cette immense étendue de terrains est continuellement ensevelie sous les glaces et la neige, aussi ne nous occuperons-nous spécialement que des provinces méridionales du Canada, dont l’exposition est des plus intéressantes.
- Le Canada se divise en deux provinces- dont la physionomie est bien distincte : le haut Canada est occupé par les Anglais; le bas Canada, qui nous appartenait autrefois, a conservé les moeurs, les lois, presque le cœur français.
- L’émigration conlinuelle de la Grande-Bretagne, qui va se fixer surtout dans le haut Canada, augmente rapidement la population de cette province, qui est maintenant la plus peuplée. L’émigration française est nulle dans le bas Canada; mais malgré ce désavantage la population marche aussi vers un accroissement rapide. D’après les documents les plus récents, on peut porter à deux millions d’âmes la population des deux provinces réunies.
- Le gracieux trophée qui s’élève au centre de l’espace réservé au Canada nous indique immédiatement quel est le caractère spécial des productions de ce pays. A la base se rangent des barriques remplies de denrées alimentaires, céréales , viandes et poissons conservés ; sur la partie supérieure s’élève un faisceau de billes de bois de construction qui sup-
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- portent les outils de l’agriculteur et du bûcheron ; enfin des pelleteries entremêlées aux pavillons britanniques couronnent le sommet.
- Arrêtons-nous donc un instant devant ces différents produits, et examinons en premier lieu les bois.
- Dans les exportations de 1853, les produits des forêts entraient pour 47millions, juste la moitié des exportations totales. Ce résultat montre assez de quelle importance sont pour le Canada les immenses forêts qui couvrent une partie de son sol. Les essences du nord de l’Amérique sont en général celles que nous rencontrons en Europe : le chêne, le noyer, dont les échantillons sont magnifiques, le charme, l’orme, le sapin et le cèdre. Citons encore le tamarac, ou ép'inette rouge, employé avec succès à la construction des navires. Les pins dont est couverte la côte du Labrador atteignent des dimensions considérables, et sont recherchés pour le gréement des vaisseaux.
- Les Canadiens savent employer habilement ces richesses naturelles : toute la boissellerie envoyée à l'Exposition est remarquablement traitée; il en est de même de la menuiserie ; le trophée est muni d’une porte bien construite et dont le prix arriverait à peine à M francs; en France une porte semblable coûterait au moins 30 francs.
- Les céréales sont un article important d’exportation pour le Canada; les maraîchers de Montréal ont aussi conservé les traditions de la belle culture française, et ils exportent leurs fruits et leurs légumes dans plusieurs parties de l’Amérique septentrionale.
- Malgré la guerre d’extermination qui a un peu dépeuplé les forêts canadiennes, l’Exposition renferme plusieurs belles fourrures, parmi lesquelles se distinguent celles des renards noirs et argentés; le prix de cette fourrure est incroyable, elle atteint quelquefois 600 francs pour une seule peau de renard noir. Le trophée est surmonté d’un castor, cet animal intéressant qui a presque disparu.
- Les poissons conservés et tous les produits qu’on extrait de leurs dépouilles, ainsi que de celles des grands mammifères aquatiques qu’on rencontre encore dans l'océan Arctique, entrent pour une part notable dans le commerce du Canada. La baie ou va se jeter le fleuve Saint-Laurent est connue pour
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- l’extrême abondance du poisson, etles pêcheries y font chaque année des bénéfices considérables.
- Les richesses minérales du Canada consistent surtout en fer et en cuivre. Des gisements censidérables de cuivre natif ont été découverts récemment près du lac Supérieur, et l’exploitation en est déjà commencée ; l’Exposition en renferme plusieurs beaux échantillons, ainsi que des pyrites de cuivre et des malachites; de la blende, de la galène argentifère, de l’argent et de l’or natif complètent la belle collection des produits métalliques du Canada.
- Depuis longtemps habité par des Européens, ce pays possède déjà une industrie habile, de jolies voitures, de beaux tissus, une belle collection de taillanderie, qui montrent que le temps n’est peut-être pas loin où les importations en produits manufacturés n’auront plus au Canada l’importance qu’elles ont encore. Les machines agricoles du Canada sont les plus perfectionnées du monde, et ne le cèdent en rien à celles de l’Angleterre elle-même.
- Au reste, la richesse de la colonie se montre dans les énormes travaux d’art qu’elle entreprend ; elle est couverte d’un réseau de chemins de fer qui viennent de tous côtés rejoindre le fleuve Saint-Laurent, cette immense artère de l’Amérique septentrionale que de nombreux travaux mettent en communication avec les grands lacs. La facilité de la navigation et le bon marché qui en résulte pour les voyageurs et les marchandises donneront à cette grande route une importance prépondérante pour les communications avec l’Amérique occidentale, et pourront faire une sérieuse concurrence au canal de l’État de New-York. Le grand fleuve lui-même va être traversé près de Montréal par un pont destiné au passage d’un chemin de fer : sa longueur sera de près de 2 kilomètres. Une colonie qui exécute de pareils travaux pour s’éviter des frais de transbordement est certes dans une belle voie de prospérité.
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- COLONIES ANGLAISES.
- Annexe, galerie; travées 1 à 13, A et D. — Palais principal, palier de l’escalier sud-est.
- Le génie entreprenant de la race anglo-saxonne, les grandes guerres de l’Empire pendant lesquelles la marine anglaise a dominé les mers durant vingt ans, ont doté le royaume-uni d’un grand nombre de colonies sur tous les points du globe; nous avons déjà parlé des Indes, cet immense continent qui appartient à une société de marchands, mais le cap de Bonne-Espérance et l'île Maurice, en Afrique, le Canada, la Guyane et la Jamaïque en Amérique, enfin l’Australie, voilà encore des possessions britanniques appelées à un immense avenir, et qui montrent déjà maintenant où elles pourront arriver plus tard.
- La Guyane doit nous occuper spécialement. Nous avons là aussi un territoire énorme, mais les gouvernements successifs qui y ont envoyé des colons paraissent avoir pris à tâche de ruiner cette possession dans l’estime de la mère patrie, et quand un homme dit qu’il va à Cayenne, ou le considère en France comme un homme mort. Cependant la Guyane française est exactement dans la môme situation que la colonie anglaise. Très-rapprochées, elles ont le même climat, les mêmes productions, et nul doute que si nous avions une exposition de la Guyane française, nous y trouverions la répétition delà belle exposition de la colonie britannique. Celle-ci produit du sucre en quantités considérables; en 1854, la colonie a exporté 83 millions de livres anglaises de sucre et 2 millions de gallons de rhum. Remarquons de plus que ce sucre pourrait être parfaitement raffiné dans la colonie qui possède les machines propres à cette opération, mais le gouvernement a mis sur 1 introduction de ces produits des droits tels, que la colonie n’exporte que des cassonades.
- La Guyane britannique ne fait plus ni coton, ni café, productions dans lesquelles elles réussissait cependant, mais les droits d’exportation l’ont encore forcée à abandonner ces cultures. Son exposition de bois est des plus remarquables : bois
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- de marine , bois d’ébénisterie les plus variés croissent spontanément sur tout le sol.
- Quelques-unes de ees plantes donnent en outre des fibres textiles qui paraissent supérieurs à notre chanvre, qui n’exigent presque aucune culture. Les fibres de plusieurs palmiers, brillantes et solides , pourront sans doute être employées aux usages les plus variés ; celles du bananier , dont les Indiens fabriquent des cordages d'une résistance remarquable, celles ù'agava, du mahoe, sont encore recueillies sur les plantes qui les produisent, mises à rouir pendant quinze jours ou trois semaines, puis propres à la fabrication.
- Les fécules les plus variées, banane, igname, arrow-root, les gommes, les résines, les huiles sont encore les produits naturels de cette belle colonie, qui, malheureusement, n’a pas encore assez d’habitants, puisqu’elle n’en compte pas 90 000, et sur ce nombre à peine 4000 Européens, y compris la garnison. Il n’est pas douteux, cependant, que cette exposition aura un effet excellent sur la prospérité de la colonie en montrant toutes les richesses don t elle est douée ; ajoutons que, d’après des statistiques officielles, les côtes seules ' de la Guyane sont attaquées de temps à autre par la fièvre jaune, mais que l’intérieur du pays est parfaitement sain, et qu’on y rencontre des cas de longévité extraordinaire.
- La Jamaïque est la plus importante des Antilles anglaises. Sucre, café, rhum d’une réputation universelle, piment, arrow-root, bois de teinture et d’ébénisterie ; tels sont les articles d’exportation de cette colonie à peu près semblables à ceux des autres Antilles.
- Nous avons remarqué avec intérêt les fibres du lace Balle découpées en lames extrêmement minces, de manière à fournir une sorte de tissu fort élégant à mailles écartées, et que les créoles paraissent employer comme ornement sur des étoffes de soie.
- La belle colonie du Cap, que les Anglais prirent aux Hollandais pendant les guerres de l’Empire et qui leur fut définitivement laissée en 1814, est bien représentée dans l’exposition des colonies anglaises. Nos alliés ont là une possession importante au point de vue maritime, et qui leur assure un lieu de relâche très-utile pour leurs vaisseaux qui se rendent dans les Indes ; la rude guerre que leur font les Cafres est aussi
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- . une excellente école pour l’année britannique. D’après des chif-fres qui remontent à une dizaine d’années, la colonie exporterait annuellement pour une valeur de 6 millions de francs; ces exportations consistent spécialement, comme le montré l’exposition , en bois d’ébénisterie, bois de construction; en vins/ et parmi eux le fameux vin de Constance, remarquable surtout par sa rareté; enfin en produits animaux provenant des’ nombreux troupeaux que nourrit le sol du Cap, et aussi en dépouilles des bêtes sauvages qui s’y rencontrent, éléphants, autruches, etc.
- Les habitants du cap de Bonne-Espérance, descendants des! Hollandais depuis longtemps fixés sur le sol, constituent une race à part : les Afrikanders, aimables, doux, flâneurs/ qui contrastent singulièrement avec la roideur extrême des Anglais, dont les habitudes finissent cependant par déteindre sur les mœurs des premiers colons.
- L’émigration sè dirige peu vers la colonie du Cap, dont la* prospérité pourra être sérieusement menacée lorsque l’Angleterre prouvera dans le canal de l’isthmë de Suez un chemin plus rapide pour se rendre à ses possessions des Indes.
- L’île Maurice, voisine de notre île de la Réunion, n’appartient aux Anglais que depuis 1810; jusque-là elle avait été* colonie française. Elle se défendit courageusement, mais finit par succomber. En 1815, les Anglais nous rendirent l'île Bourbon et gardèrent l’île de France, dont les productions^ sont semblables à celles de sa voisine; elle est pourvue de plusieurs ports excellents, tandis que notre colonie n’en ai aucun; du café* du sucre, de l’indigo, des épices, des bois; tel est l’aspect de l’exposition de cette colonie anglaise.
- L’importance des produits envoyés par le Canada et l'Australie nous engage à en faire l’objet d’un examen spécial.
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- SUÈDE,’NORVÈGE Et DANEMARK.
- Annexe , section des produits, travées 25 et26, A et D. — Annexé,’
- section des machines, travées 145 et 146, B et C. — Palaisprin-' c'ipal , galerie, travées 30 à 32, H à I. ‘ . ' . '
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- Ces trois contrées, qui occupent le nord de l’Europe, ont conservé, danë l’état1 de leur industrie, un rapprochement*'
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- que leurs relations politiques ont du contribuer à rendre plus intime. La Suède et la Norvège, quoique obéissant au même monarque, ont cependant deux gouvernements distincts, et le signe de l’union entre les trois pays se laisse voir sur leurs drapeaux respectifs.
- Pour consacrer autant que possible ces bonnes relations,: les produits sont groupés ensemble, quoique distingués par lfes emblèmes de chaque pays, soit dans le bâtiment principal, soit dans l’annexe.
- La Suède est la seule des trois contrées qui nous ait envoyé, quelques machines importantes, parmi lesquelles une machine de bateau fort remarquable, d’où l’on pourrait conclure que cette puissance est beaucoup plus avancée que les autres dans les arts mécaniques; l’on sait d?ailleurs combien ses richesses minérales ont contribué au développement et à la. prospérité de sa métallurgie. Ailleurs, cependant, la première place semble luiéchapper : les porcelaines du Danemark, par exemple, sont bien supérieures aux siennes, et, dans les ébauches de l?industrie norvégienne, on voit déjà poindre, dans quelques directions, une inspiration artistique que la Suède ne possède pas au même degré et dont la Norvège est sans doute redevable à l’impulsion donnée par. quelques peintres célèbresdont elle a raison de s’enorgueillir. Nous dirons en quelques mots ce qui distingue principalement les trois expositions.
- La Suède a la presque totalité de ses produits dans le bâtiment principal, si l’on en excepte ses machines et ses,fers qui sont placés vers les deux extrémités de l’annexe.. Ses échantillons de fer de toutes dimensions sont d’une qualité vraiment prodigieuse : contournés à froid sous toutes les formes, ils ne paraissent pas avoir le moins du monde souffert dans leurs qualités essentielles; aussi le fer de Suède est-il partout recherché pour les objets dans lesquels il est besoin d’un métal de qualité supérieure. Quelques spécimens de forge, d’armes à feu et d’armes blanches suffisent, au reste, pour constater les avantages de la produclion suédoise sous ce rapport ; on comprend que de pareilles armes doivent résister à tous les chocs sans se briser ; et ce n’est pas sans étonnement que l’on voit desdames de sabre qui se redressent sans aucun accident après avoir été pliées en cercle jusqu’à ce que les deux exlré-
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- mités se joignent : les fusils ont peut-être le défaut d’être d’un poids trop considérable.
- Nous avons déjà dit un mot des machines delà Suède ; elles sont d’une exécution surprenante, et, bien qu’elles soient en petit nombre, on peut en conclure que ce pays est surtout avancé dans les arts faisant emploi du métal qui constitue sa principale richesse. Les produits manufacturés sont loin d’atteindre à une pareille perfection.
- Les vases et les meubles de porphyre et de marbre sont moins beaux que ceux envoyés en 1851 à l’exposition de Londres ; les meubles ne sont point d’un goût irréprochable; mais quelques instruments de précision, assez bien faits, quelques spécimens de verrerie et de porcelaines, des toiles damassées, des châles, des soieries et des étoffes pour meubles, enfin quelques papiers peints et de belles fourrures, laissent pressentir l’importance que l’industrie suédoise se dispose à prendre dans un avenir prochain.
- Nous mentionnerons encore, dans l’Annexe, comme objet exceptionnel, un traîneau qu’on ne croirait point fait pour le roi Oscar, mais qui est orné de fourrures admirables, particulièrement de petit gris. :
- Quoique la Norvège ait envoyé moins de produits que les pays qui l’avoisinent, et que son industrie soit certainement moins avancée, son exposition offre cependant quelques objets dignes d’intérêt. On remarquera surtout, dans l’Annexe, ses échantillons de sapin du Nord dont l’importance est bien connue et dont quelques spécimens atteignent un mètre de diamètre. Les petits cabriolets de montagne à voie étroite, pour une seule personne, sont à la fois solidement établis, bien suspendus et d’une légèreté extraordinaire : est-ce pour cela qu’ils sont installés dans la galerie supérieure? Le traîneau de Finlande, en forme de bateau, avec son voyageur en costume national et son attelage spécial pour un renne, forme un objet de curiosité fort original.
- L’industrie minéralogique de la Norvège n’est représentée que par un petit nombre d’échantillons et un petit monument en talc.
- Dans le palais, on ne saurait citer vraiment, comme produits remarquables, que quelques sculptures sur bois dans le style byzantin, bien imparfaites encore, et de beaux atlas lithogra-
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- phiés que l’on peut louer sans réserve. Deux ou trois cylindres en verre fabriqués pour vitrage, quelques costumes nationaux , divers tissus communs, des articles de vêtement, parmi lesquels des chaussures en caoutchouc, forment à peu près le complément de l’exposition de Norvège. Une table de salle à manger d’un beau bois et d’un bon travail est disposée pour prendre cinq ou six formes différentes : on la croirait faite pour nos petits appartements de Paris, dans lesquels on sait de moins en moins comment réunir quelques personnes.
- Les produits du Danemark se rapprochent davantage de l’ensemble de la fabrication allemande ; nous n’y avons point vu de minéraux, mais des outils de taillanderie et des instruments d’agriculture accompagnent une collection de céréales et de laines qui peut donner une assez juste idée de l’agriculture du pays.
- Quelques dynamomètres et d’autres instruments de précision d’une construction nouvelle indiquent les tendances actuelles de l’industrie. Des chronomètres et une très-belle collection d’échappements portent le nom célèbre de Jurgensen.
- Dans une autre direction, des rouleaux de papier mécanique montrent aussi de grands progrès accomplis; ils sont placés dans le voisinage de quelques essais de fabrication d’ustensiles en gutta-percha. Nulle part le filigrane d’acier ne se fait avec plus de perfection, non plus que les meubles en vannerie et en fil de métal. Des instruments de chirurgie, deux appareils à douche très4)ien construits, de la coutellerie, de jolis échantillons de poterie d’étain dans le genre anglais, quelques spécimens de bronze, de très-beaux médaillons et statuettes en porcelaine, de magnifiques pelleteries de phoque, d’ours blanc, des peaux de renne accompagnant les gants fabriqués avec elles et qui sont d’une exécution irréprochable, des tissus imprimés de laine et de coton de couleurs un peu tranchantes i enfin des pianos qu’on croirait français, forment-les objets principaux parmi les envois du Danemark au Palais de l’Industrie»
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- A l’exposîtion universelle.
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- PAYS-BAS.
- Annexe, section des produits; travées 23 à 24, A à U. — Annexe,
- section des machines ; travées 144 à 145, C. — Palais principal,
- galerie ; travées 30 à 32, G à H.
- L’exposition des Pays-Bas présente deux caractères bien distincts, si l’on considère séparément les produits européens et ceux des Indes Orientales, qui sont peut-être trop confondus dans les emplacements qui leur sont consacrés en commun. Nous sommes cependant conduits à décrire séparément chacun de ces groupes, qui appartiennent à deux civilisations bien distinctes que les relations commerciales ne suffisent pas à rapprocher. La métallurgie de la Hollande ne se fait point remarquer par de nombreux spécimens : parmi eux, le cuivre sous toutes les formes, provenant des usines de M. Anthoven, de La Haye, et de MM. Folkers et O, d’Amsterdam, est le seul métal qui soit convenablement représenté; quelques articles de poêlerie en fonte sont insuffisants pour constater l’avénement de l’industrie néerlan-1 daise que l’on retrouve cependant avec une incontestable supériorité dans la galerie des machines en mouvement. Les appareils de la société VAllas, son compteur à eau, qui est utilisé sur une conduite dans le palais principal, et les diverses machines à vapeur qui figurent-à l’Exposition, sont d’une exécution satisfaisante; tout en ne présentant aucune particularité nouvelle.
- MM. Yan Stolz frères ont pris la peine de réunir une collection de onze cent vingt-sept échantillons de produits agricoles, la plupart récoltés dans le pays. Les lins rouis à l’eau chaude de M. Ochtmann, et la vitrine qui l’avoisine doivent attirer à bon droit notre attention. Cette vitrine porte une mention ainsi conçue : La guerre avec la Russie privant le commerce, entre autres productions, de son chanvre, l'expo* sont à pour but de montrer à l’industrie textile des matières premières d’autres contrées. Ces matières premières consistent en lins ou chanvres de Manille, de Java, du Brésil, de la Hongrie, de Naples, delà Westphalie, du Hanovre, et en
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- différents filaments de Java désignés sous les noms d’agave, rameh, koffs, pisang, etc., etc. Il appartenait à la Hollande de continuer à l’Exposition le rôle si important qui lui a si longtemps appartenu dans le commerce du monde.
- Son exposition, dans l’annexe, se complète d’ailleurs par des tabacs, des cordages de toutes sortes très-remarquables, quelques carreaux émaiilés dans le genre flamand i des papiers et de nombreux produits chimiques. Les cires des Indes et les acides gras fabriqués à Amsterdam ont produit de très-belles bougies pour l’éclairage.
- Parmi les denrées alimentaires, la Hollande a eu soin de nous envoyer ses fromages, ses pains d’épices, ses eaux-de-vie, ses liqueurs', ses farines, et surtout ses sucres qui sont d’une fort belle fabrication ; une raffinerie importante a été récemment établie à Java.
- La carrosserie de M. Hermans ne laisse rien à désirer, particulièrement sa calèche, très-sobre d’ornements, destinée à Sa Majesté néerlandaise. Dans la galerie du palais principal, les produits de la Hollande sont trop en contact avec ceux du Japon : l’avantage, au point de vue du goût, n’est pas toujours au profit des premiers, quoique les autres laissent voir déjà une certaine tendance vers les formes européennes; cette observation est surtout applicable aux meubles, si l’on veut en excepter toutefois les beaux objets en imitation de laque de Chine, de M. Leeyers, d’Amsterdam, qui se rapprochent nécessairement de ceux du Japon pour la délicatesse du travail et pour la forme. A en juger cependant par quelques chefs-d’œuvre, la sculpture sur bois est en grand honneur en Hollande comme en Belgique : la chaire de vérité, de MM. Cuypers et Stolzenberg, et celle de M. L. Veneman, sont en effet, comme coupe et comme travail de bois, les deux pièces capitales de l’Exposition; d’un style simple et d’une exécution hardie, ces deux monuments concourent heureusement à la décoration de la nef principale.
- Les modèles de constructions navales ne pouvaient manquer d’être nombreux parmi les envois de la Hollande; nous n’avons particulièrement remarqué que la suite des poulies de toutes dimensions réunies dans l’Annexe. La plupart des instruments de précision sont relatifs à la marine, ou aux observations de laboratoire.
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- D’autres grandes industries, exploitées plus spécialement en Hollande, ont également envoyé leurs œuvres : celle de la taille des diamants, particulièrement chez M. Dumoulin; la fabrication des toiles fines, des draps, des couvertures de laine, et celle des tapis de haute laine, d’une beauté et d’un bas prix exceptionnels, surtout chez M. Kenkensfeldt,' de Delf, et chez M. Khonemberg; enfin les œuvres typographiques de M. Enschédé, de M. Vomkens, et la volumineuse collection de la Société de librairie néerlandaise. La passementerie d’or et d’argent aussi bien que l’orfèvrerie ne se distinguent des produits anglais ni par la forme, ni par la sobriété avec laquelle l’argent massif est employé.
- Ces indications rapides établissent suffisamment que les arts industriels n’ont point encore atteint la même prééminence que le commerce chez cette nation qui a été la première du monde; les progrès accomplis annoncent cependant une ère nouvelle inaugurée déjà par la présence de près de cinq cents exposants au Palais de l’Industrie.
- Les meubles en laque, aux couleurs brillantes et si variées, les porcelaines si délicates et les bronzes fort originaux du Japon occupent une place importante, nous dirons même la meilleure place dans l’emplacement dont les, Pays-Bas disposent au palais principal. On sait que l’empire japonais, plus clos que ne l’est la Chine par sa muraille fantastique , reste absolument fermé aux étrangers de toutes les nations; les Chinois, les Chorcins et les Hollandais peuvent seuls communiquer avec Nangosuck, dans l’île de Kuisiu; encore cette communication n’est-elle tolérée que pour un seul bâtiment de la marine hollandaise admis à y charger des marchandises indigènes en échange d’autres produits européens adressés par le gouvernement néerlandais aux autorités du Japon. On comprend dès lors tout l’intérêt qui s’attache à ces curiosités japonaises dont nous n’avions pas vu d’aussi complète réunion.
- COLONIES NÉERLANDAISES.
- Annexe, section des produits; travées 23 à 24, de G à D,
- Java, les Moluques et plusieurs des îles de l’archipel indien, dans les mers situées entre l’Australie et la Chine,
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- sont pour les Pays-Bas ce que sont depuis longtemps les Indes, et ce qu’est déjà l’Australie pour l’Angleterre. Sous l’influence du même climat les colonies néerlandaises récoltent les mêmes produits, tandis que, sous le rapport des. objets manufacturés, c’est à peine si l’on y retrouve les traces de la civilisation de l’Inde, dans les produits les plus communs et les moins recherchés, dans ceux-là même qu'on chercherait en vain dans l’exposition des Indes anglaises. Dans la galerie supérieure, les produits des Indes Orientales néerlandaises, recueillis par le comité local de Java, ont conservé leur caractère primitif : ce sont bien là les nattes, les vases qui indiquent l’enfance des arts; les cotonnades et les ombrelles y viennent attester le commerce avec le monde de l’Occident. D’ailleurs, une riche variété de produits naturels, parmi lesquels les bois, le caoutchouc, la cire, la coche^ nille, constate l’importance commerciale de ces possessions lointaines; mais cette imporlance est bien mieux encore mise en lumière par l’exposition collective de la Société de commerce des Pays-Bas, à Amsterdam ; car c’est à elle qu’appartient cet immense trophée qui n’a pas moins de douze mètres de hauteur et dix mètres de diamètre à sa base, et qui n’est cependant formé que des produits des possessions néerlandaises dans les Indes Orientales.
- La partie inférieure du trophée se compose de vingt-quatre vitrines contenant les échantillons des produits importés par la société dans la mère patrie; plus haut se trouvent les emballages qui servent au transport des diverses denrées ; au-dessus sont inscrits les noms des résidences de Java et des principales possessions voisines. La Société de commerce a fait des dépenses considérables pour la réunion et l’installation de ces produits, qui forment un tout fort original et très-satisfaisant.
- Ce qui l’est plus encore, c’est que les importations des colonies dans les Pays-Bas dépassent chaque année le chiffre énorme de 30 millions de francs.
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- ROYAUME DE BELGIQUE.
- Annexe., section des produits, travées 41 à 44, A àD. — Annexe, section des machines, travées 112 à 116 , A à D. —. Bâtiment des instruments d’agriculture. — Bâtiment de la carrosserie. — Palais principal, rez-de-chaussée, travées 17 à 21, H à N. —? Palais principal, galerie,' travées 11 à 20, K. à N,
- La Belgique occupe au. palais des Champs-Elysées une place beaucoup plus étendue que ne sembleraient le compor-ter sa population et son importance commerciale. Le grand nombre des produits exposés à Londres et l’espoir d’un meil-leur résulat encore à celle de 1855 avaient conduit la Com-mission impériale à classer la Belgique parmi les nations les plus favorisées, et ses produits occupent dans le palais .principal, entre les États-Unis de l’Amérique et l’Autriche, un emplacement considérable..
- L’empressement des exposants belges doit, sans doute, êtré attribué en grande partie au voisinage, à la communauté de langage, aux relations constantes de commerce avec la France; mais il atteste aussi une grande activité de travail, une production industrielle incontestable.
- Dans le palais, quatre genres de produits attirent surtout l’attention et représentent en quelque sorte le cœur et les deux extrémités du pays. Bruxelles brille par ses dentelles; la province de Liège se recommande par une variété de draps et une collection d’armes très-considérable, tandis que la Flandre expose des fils et des toiles dignes de sa vieille réputation. • ‘ ! !
- Dans la galerie supérieure, les dentelles étalent leurs dessins élégants et leurs admirables réseaux. Les armes, les toiles et les draps occupent la plus grande partie du rez-de-chaussée. Il y a des échantillons pour toutes les conditions, pour toutes les bourses. Ces produits, par leur bon marché relatif, défient toute concurrence et s’expédient à l’Étranger dans presque toutes les directions. La draperie s’exporte en Amérique, les toiles suivent en partie la même voie, et conjointement avec les fils, elles se consomment aussi dans plu-
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- sieurs contrées de l’Europe. Les armes de luxe alimentent le marché de Paris, et celles de guerre sont demandées partout.
- Le caractère spécial de ces produits est leur bas prix. On peut faire partout aussi bien qu’en Belgique ; mais l’on ne saurait, sans partialité, mettre ce pays sur l’arrière-plan, si l’on met, en regard du goût et de la solidité de ses produits, l’indication de leur valeur commerciale.
- L’exposition belge ne renferme ni chefs-d’œuvre, ni tours de force; elle s’adresse aux consommateurs, aux hommes sérieux beaucoup plus qu’à la foule curieuse et avide de choses extraordinaires. Et cependant elle a bien aussi son côté attrayant. A part les dentelles qui attirent les regards du public élégant, elle appelle l’attention des visiteurs par une immense glace (16 mètres carrés environ) de Floreffe qui se trouve dans la nef et qui semble servir d’enseigne à l’exposition belge, aussi bien que les riches broderies d’or, d’argent et de soie de M. Van Halle de Bruxelles.
- A l’étage, derrière les dentelles, sont rangés les cotons, les étoffes de fantaisie , les instruments de musique , la poterie, la verrerie et plus loin les tapis, les marbres, etc., etc.
- Il y a peu de meublés parmi les produits belges si l’on en excepte des parquets et des portes d’appartements que recommande un travail parfait; mais l’industrie métallurgique, par ses applications les plus usuelles (classe xxi), tient une grande place et laisse deviner qu’à l’annexe on retrouvera, non sans quelque importance, le fer et le zinc à côté des machines et des produits agricoles.
- Dans l’annexe, la place occupée par la Belgique est moins grande, mais il faut remarquer qu’avant d’arriver à la galerie du Cours-la-Reine on trouve, sous des tentes, entre cette galerie et le palais principal, les voitures et lés instruments aratoires de la Belgique à côté de ceux de la France. Ce démembrement de produits enlève sans doute à l’ensemble quelque chose de sa grandeur, lui cause un certain préjudice dans l’esprit des masses ; mais il aurait permis de comparer plus efficacement les produits des divers peuples, si tous avaient bien voulu adopter ce mode de morcellement. Du reste, l’essai qu’on en a fait sur les machines agricoles et sur les voitures peut porter des fruits pour l’avenir, et amener
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- une organisation beaucoup supérieure à celle dont l’Angleterre avaitrdonnél’exemple en 4851.
- La carrosserie de Bruxelles a une ancienne réputation à soutenir; aussi est-elle entrée en lice avec ses meilleurs fabricants.
- Les machines et les produits de l’agriculture tiennent, les uns et les autres, un rang honorable ; les machines industrielles et le matériel des chemins de fer couronnent dignement le contingent belge.
- Peut-être devrait-on regretter que nos. voisins si riches en produits naturels, en charbons, en minerais de fer, de zinc, de plomb, aient, jusqu’à un certain point, négligé cette partie de leur exposition ; ils n’ont pas donné non plus une idée saisissante de leur production métallurgique. Il y a, sans doute, des expositions de fonte d’un grain et d’une couleur parfaites, des fers dont la nervure ne laisse rien à désirer. Le jury saura sans aucun doute apprécier ces qualités ; mais, pour le public, celte partie de l’exposition belge est tout à fait insuffisante; Se-raingseul offre u nepièceforgée quiattirera l’attention générale.
- En résumé, l’exposition belge, qui compte 700 exposants, a un caractère très-sérieux; elle est éminemment commerciale. Malgré les lacu nés qu’elle présen te, on peut, après l'avoir visitée, se faire une assez juste idée deséchanges que toutes les nations pourraient utilement faire avec la Belgique, pour peu que l’on énumère avec soin les prix indiqués sur la plupart des produits.
- VILLES ANSÉÀTIQUES.
- Annexe, section des produits , travées 25 à 26, A et B. — Palais principal, galeriesr travées 30 à.32, L.
- Les villes de Hambourg , Brême et Lubeck sont plus connues par leur immense commerce que par les industries qui leur sont propres ; et, quoique le nombre de leurs exposants soit assez considérable, il né faut point s’étonner de l’absence de tout caractère national dans l’ensemble des produits. QueL ques-uns cependant ne laissent pas que d’être très-remarquables, et nous'pourrions citer une vingtaine de noms parmi ies 83 exposants des villes libres, qui ne sont pas sans intérêt:
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- Les cigares importés à Hambourg, ou fabriqués dans cette ville avec les tabacs étrangers, constituent une branche de commerce importante qui est bien représentée. A cette industrie se lie celle de la fabrication du papier à cigarettes ; ce papier, fait avec les tiges et les débris du tabac, er-t encore une curiosité qui , grâce à l’accroissement indéfini du nombre des fumeurs, est sans doute appelé à un certain avenir.
- Les cuirs tannés et vernis de Hambourg méritent aussi ufie mention particulière, ainsique les chaussures dans la confection desquelles ils sont employés.
- Les meubles sont établis avec soin et sont certainement d’une grande solidité , mais on né saurait y rencontrer les conditions artistiques qui seules pourraient motiver les prix élevés auxquels la plupart d'entre eux sont cotés. Il faut toutefois excepter les sièges et autres ouvrages en vannerie, qui sont à la fois d’une très-belle exécution et d’un prix peu élevé.
- L’industrie des conserves alimentaires ne pouvait manquer de figurer parmi les produits des villes anséatiques ; les prix sont très-modérés, et l’on sait, en examinant les bohes, que les produits qu’elles renferment jouissent d’une réputation européenne.
- Les produits exposés par les différents États dü sud dé l’Allemagne présentent à peu près le même caractère.
- Le grand-duché du Luxembourg se fait remarquer cependant par ses peaux de chevreau pour gants, et par une bibliothèque en fonte pour laquelle une grande somme de travail a été dépensée au profit du plus grand dévergondage de goût que l’on puisse rencontrer.
- Francfort expose surtout des caractères d’imprimerie et des ouvrages de typographie et de lithographie.
- Le grand-duché de Hesse compte , au nombre de ses produits, de magnifiques objets de galvanoplastie, des peaux, des cuirs vernis, des nécessaires et des chaussures.
- Dans l'exposition dé l’électorat de Hesse, on trouve principalement des bijoux, des émaux et des jouets d’enfants.
- Oldembourg se distingue par sà bijou terie en pierre dure et quelques autres contrées par des produits asse£ importants pour qu’il en soit fait une mention spéciale.
- Nos lecteurs nous sauront gré de leur donner, sur l’indu-
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- strie tout exceptionnelle des pierres dures, quelques détails intéressants.
- Elle compte à peu près 160 moulins à polir l’agate, qui occupent 1600 ouvriers.
- Environ 250 perceurs d'agate, contre-maîtres et apprentis, y sont employés.
- Les pierres polies sont montées par 350 orfèvres patentés, occupant 1100 ouvriers.
- Le production brute dépasse annuellement 2 500 000 francs dans lesquels la main-d’œuvre est comprise pour moitié, ce qui porte en moyenne à 750 francs par tète le salaire des polisseurs, qui s’élève pour les plus habiles jusqu’à 2000 francs et plus. Du reste, ces polisseurs, perceurs et orfèvres travaillent tantôt pour leur propre compte, tantôt sur les ordres des marchands d’agate , qui leur fournissent souvent les dessins et les modèles.
- Outre les agates qui proviennent des mines d’Oberstein et de ses environs, on travaille principalement les pierres du firésil, les topazes, améthystes, cornalines, chalcédoines, aventurines, le jaspe oriental, l’ouyr, le lapis-lazuli, etc.
- La plupart de ces pierres polies se vendent en Angleterre, en France, en Allemagne, en Belgique, dans l’Amérique du Nord. Les pierres montées sont surtout destinées, soit aux foires de Leipzig et de Francfort, soit aux marchés américains.
- ROYAUME DE PRUSSE,
- Dans l’exposition duquel se trouvent aussi les produits de l’Union de la Thuringe, du grand-duché de Mecklenbourg, des duchés de Brunswick et Anhalt-Dessau, des principautés de Lippe et Schaumhurg-Lippe et de la ville libre de Francfort. —Annexe, section des produits, travées 27 à 35, A à D. — Annexe, section-des machines, travées 120 à 126, A à D.—Palais principal, rez-de-chaussée, travées 24 à 30, H à L. — Palais principal, galerie, travées 24 à 30, L à N.
- L’exposition prussienne est une des plus importantes au Palais de l’Industrie, tant par le nombre de ses exposants
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- que par l'importance et la variété des produits : elle résume en quelque sorte toute l’exposition allemande, qui se recommande surtout par le caractère de vérité qu’elle présente ; moins qu’ailleurs, les produits ont été fabriqués en vue de l’exposition : il est vrai,que celte bonne foi doit être considérée comme une condition indispensable de la plupart des productions de l’Allemagne, dont le principal mérite consiste dans des prix que l’on regarderait ailleurs comme impossibles.
- Si l’on considérait, comme dernier terme de la civilisation, la fabrication des produits à bas prix pour la consommation générale, nul doute qu’il ne faille accorder à l’Allemagne une prééminence marquée; ses articles principaux sont ceux , en effet, dont l’usage est le plus répandu et qui se prêtent même à une grande fabrication, sans exiger un matériel considérable. Il y a moins de manufactures en Prusse qu’en France et en Angleterre , mais il y a beaucoup plus d’artisans.
- La fabrication des draps et des toiles, les articles de coutellerie, de quincaillerie, la fonderie de fer et de zinc, et en général l’emploi industriel de tous les métaux communs sont en Allemagne . d’une exploitation presque générale ; il faut y joindre, pour quelques localités, certaines fabrications spéciales , telles que celles des cotons, des soieries, des armes, des outils, des terres cuites, des jouets d’enfants, des ustensiles de ménage, etc., etc., pouvant occuper, dans quelques localités, un grand nombre de bras peu rétribués.
- L’introduction des machines-outils et des machines de fabrication a contribué plus qu’aucune autre circonstance à modifier, sur la plupart des points, les conditions économiques de la production dans ces contrées, mais cette introduction môme porte l’influence des progrès qu’elle entraîne à sa suite sur les principaux objets de la fabrication antérieure, plutôt qu’elle n’a eu pour résultat la création d’industries nouvelles.
- A cette amélioration a succédé, depuis une dizaine d’années surtout, un progrès sensible sous le rapport du goût et du dessin, à tel point que les. formes sont méconnaissables, et que certains produits de l’orfèvrerie, de l’industrie des bronzes, des soieries, des porcelaines et de la fonderie ne le cèdent en rien, sous ce rapport, aux productions les plus re-
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- marquables des nations considérées comme les premières dans les arts d’imitation. En examinant avec attention l’exposition allemande, on sent cependant que ce progrès n’est pas général : à côté de produits très-irréprochables, on rencontre souvent des formes bizarres , que le contraste met davantage en lumière, mais dont la Prusse a su, mieux que tous les autres États allemands, se garder. Cette transition toutefois ne peut se faire sans quelques écarts regrettables; qui se rencontrent quelquefois jusque dans le mode d’installation des produits.
- Le royaume de Prusse, qui s’étend au travers de l’Allemagne depuis la France jusqu’à la Russie, se divise en deux parties séparées par le Hanovre, la Hesse et le duché de Brunswick. La Prusse rhénane est le principal centre de l’industrie, puis aussi la Westphalie; et il est curieux de suivre sur la carte le prodigieux mouvement industriel de toutes les contrées allemandes qui avoisinent la France , depuis la Belgique, jusqu’à la Suisse. Le grand-duché de Bade, la Bavière et. surtout le Wurtemberg, participent, autant que les provinces rhénanes, à cette activité qui se fait sentir encore dans les différents pays de Saxe.
- D’un autre côté , le voisinage de la mer du Nord et de la Baltique exerce, sur le commerce des États du nord de l’Allemagne, une influence non moins marquée ; Berlin, Breslau , Stettin et Magdebourg, sont les principaux côtés. L’examen des produits exposés par les différents États ne peut manquer de mettre en relief ces différentes causes d’influence.
- . Dans l’Annexe, les matières minérales de la Prusse occupent une place considérable : les houilles maigres et les cokes de la vallée de Sarrebruck, assez semblables aux produits similaires du centre de la France, sont réunis en collection par les soins de l’administration royale des mines avec les houilles grasses du même bassin, et forment comme une introduction à la métallurgie du fer , si bien représentée tout auprès. Les combustibles'minéraux d’Essen, près de Dusseldorf, laissent beaucoup plus à désirer. Presque tous les métaux figurent à côté de leurs minerais : le plomb, le cuivre, le nickel, l’argent, mais surtout le fer et le zinc se trouvent exposés dans leurs différents états de préparation ; les usines de fer n’ont oublié ni le combustible ni les fondants, ni aucune dés modifi-
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- cations apportées parla fabrication dans.les métaux préparés. Les minerais de fer et ceux de zinc sont surtout nombreux et importants: le fer carbonate des. houillères, rencontré vers 1849 sur les rives de la Ruhr, occupe une place distinguée à côté des anciennes exploitations du pays. Par les ruptures ménagées dans les spécimens de fonte , le visiteur distingue facilement les fontes blanches, les fontes grises et les fontes truitées : quelques échantillons présentent un caractère la-melleux très-remarquable.
- Il serait difficile de citer les plus importants parmi ces échantillons nombreux, dont quelques-uns atteignent des dimensions inusitées; nous avons remarqué cependant les fers et les tôles de MM, Stumm frères, ceux de la société anonyme du Phénix, une tôle du poids de 750 kilogr. d'une ré» gularité remarquable, de MM. Jacobi, Haniel et Huyssen ; ainsi que les tôles de quelques fabricants, aussi minces que des feuilles de papier ; aussi M. le comte de Renard distribue-t-il pour adresses de petits carrés de tôle de fer, dont l’épaisseur n’atteint pas trois centièmes de millimètre , et qui lui servent de cartes de visites. Rien déplus élégant que les ornements fabriqués avec les tôles, dans le genre des fers repoussés des xv’ et xvie siècles.
- Le laminage du zinc réalise les mêmes progrès : les feuilles nos 46 et au-dessous, de MM. Ruffer et Cie, de Breslau , sont d’une fabrication tout à fait exceptionnelle. Leurs tôles de zinc ondulées méritent également une mention particulière,. Nous rencontrerons dans la même voie les trois établissements prussiens de la société de la Vieille-Montagne, qui expose également en Belgique, en France et dans le duché de Bade,
- La fabrication du nickel, dit argent allemand, n’est pas sans importance en Prusse; MM. Herbers, d’iserlohn, et Ivay-s.er> de Naumbourg, en Silésie, préparent ce métal avec une pureté telle qu’il ne contient plus ni arsenic ni soufre.
- , Les produits les plus remarquables de la métallurgie prus--sienne sont ceux de M. F. Krupp, dont les aciers fondus avaient déjà fait grande sensation en 4851, 11 s’est en quel» que sorte surpassé lui-même. Le bloc, d’acier fondu - de 5000 kilogrammes, plusieurs rouleaux de laminoirs, un canon du calibre de 42, un ressort chargé de 3000 kilogrammes, sont
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- tous des objets remarquables , dont la parfaite homogénéité se trouve suffisamment établie par les belles cassures de quelques autres pièces. Les cloches en acier foridu, delà société de Bockum, ont un son magnifique qui n’est que trop attesté pour les oreilles des visiteurs par l’usage- exagéré qu’on en fait dans l’Annexe. Les fers-blancs des hauts-fourneaux d’Ein-tracht méritent aussi d’être mentionnés particulièrement.
- Les cuivres laminés de Heckmann, et surtout les appareils évaporatoires pour sucreries, construits dans ses ateliers, sont bien faits pour accompagner les riches minerais de cuivre py-riteux, de cuivre carbonaté et même de cuivre natif que ren-* ferme cette division de l’exposition prussienne.
- Les produits agricoles sont d’un haut intérêt ; ils se com-posent principalement de laines , de céréales et de lins ; quelques toisons de Silésie, Posnanie et du Brandebourg présentent les plus belles qualités de làines.fines.
- Dans les arts chimiques, les acides de la distillation des corps gras, les substances préparées pour la teinture de Trommsdorf, les plus beaux peut-être de l'Exposition, les produits divers de l’industrie sucrière sont bien préparés et d’un bas prix remarquable. Des effets de coloration fort singuliers sont obtenus par quelques gouttes de plusieurs substances distribuées sur divers tissus et étendues en repliant l’étoffe sur elle-même ; ces premiers essais du Dr Runge sont loin de dire que ce procédé n’ouvrira pas une voie nouvelle dans laquelle M. Jobard avait voulu déjà trouver un moyen d’improvisation pour les tissus industriels. 11 va sans dire que quinze Farina se disputent • la palme pour ' la Véritable eau de Cologne ; il paraît que cette industrie n’est pas dès moins lucratives.
- L’exposition prussienne,'dans l’Annexe, est complétée par les cuirs, des courroies bien fàbriquées, les mêmes objets de cuirs-vernis pour l’exportation ; par des amadous formidables qui serviraient au besoin de vêtements, puisqu’on en fait déjà des casquettes, sans doute non incombustibles; par des papiers de toutes sortes, parmi lesquels il convient de distinguer les papiers non filigranés, en couleur, de MM. Ebart frères, de Berlin, et par toutes sortes d’objets eii caoutchouc naturel, vulcanisé ou durci, voire même le buste de l’empereur Na-
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- poléôn Ier à Sainte-Hélène, qui est vraiment d’une exécution très-parfaite; enfin par quelques instruments de précision, les articles de poêlerie et les papiers peints.
- Parmi les instruments de précision en verre, les modèles pour la cristallographie sont intéressants, quoique l’exécution laisse peut-être à désirer; mais le télégraphe de MM. Siemens et Halske attire l’attention générale; on sait que l’un des associés faisait profiter de son appareil la Russie, pendant que l’autre rendait à l’armée alliée le même service.
- Nulle part ailleurs la fabrication des appareils de chauffage par le gaz n’est aussi avancée ; les fourneaux et calorifères de M. Elsner, de Berlin, nous montrent les petits foyers à double courant d’air, dans lesquels les gaz mélangés viennent brûler à la surface d’une toile métallique.
- En machines, l’exposition prussienne est, sinon complète, du moins intéressante ; ses machines à vapeur, ses locomotives , sa sucrerie à vapeur, ses presses, ses cardes, quelques machines de la fabrication des draps et des papiers, et un métier Jacquart, attestent un mérite d’exécution que l’état d’avancement de son industrie métallurgique ne peut que^ faire progresser.
- Conformément au plan général, les produits des quinze dernières classes sont placés dans le bâtiment principal, et nous y retrouvons tout d’abord les métaux sous toutes les formes ; les outils d’acier, la coutellerie de Henkels et Schmolz, les armes blanches d’Hœller et Eünenschlok qui sont exportées en grand nombre en Amérique et en Asie; les cuivres estampés pour ornements et boutons; la tréfilerie de fer et de cuivre; les tuyaux sans fin en plomb et en étain ; les cuivres guillochés pour cadres, tabatières et autres emplois; les aiguilles de toutes sortes, particulièrement celles des fabriques Printz Schleicher et Beissel, à Aix-la-ChapeJle ; les articles de sellerie en argent, de Berlin; les coffres-forts de toutes dimensions jusqu’à celle d’un simple registre, surtout ceux de MM. Sommermeyer et Cie ; les ustensiles de ménage en fer étamé, les poêles en fonte d’un travail parfait, forment une série non interrompue d’ouvrages en métal, jusqu’aux fontes de Berlin et aux plus beaux ouvrages d’orfèvrerie. Des éventails du comte Stolberg qu’on prendrait pour de la dentelle, si ce n’était leur rigidité; des couvertures en fonte,
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- fondues sur des modèles en papier découpé, et presque aussi délicates, nous montrent.ee que nos voisins font et ce que nous ne pouvons encore, faire. :
- . Les armes de luxe et l’orfèvrerie sont représentées par des produits fort estimables, particulièrement comme ciselure, et la galvanoplastie en argent fin ne pourrait revendiquer une œuvre d’un plus beau travail que le bas-relief offert par la ville de Berlin au prince de Prusse, à l’occasion du 25e anniversaire de son mariage.
- La fonderie du zinc excelle aussi dans l’exécution des or-nements de l’habile architecte Diebitsch dans le style de l’Alhambra, et la statue de bronze damasquinée de Frédéric-Guillaume III, au ceutre de la nef, fait le plus grand honneur à l’École des arts et métiers fondée par le célèbre Beuth; dont l’influence, ainsi que celle de l’architecte Schinkel, a exercé une action si considérable sur les destinées industrielles de l’Allemagne : leurs ouvrages se trouvent dans la grande logo aux galeries, ornée de leurs bustes.
- , Citons encore les poêles en fonte, les dorures sur bois les plus solides, les boutons les plus variés de Ritzel et de Greeff, pour compléter l’énumération des principaux articles de quincaillerie.
- , Les tissus prennent une grande part dans l’exposition prussienne ; on y remarque entre autres les cotonnades imitant les fourrures de différents animaux, de Glàdbach ; les velours de laine de Schœller et fils ; de très-beaux velours et peluches de laine, des velours et des tissus de soie, des tissus légers dans le genre de Mulhouse et de Paris; enfin les draps de toutes sortes dont la collection est aussi complète qu’on puisse le désirer; l’industrie du défilochage est déjà depuis quelque temps acclimatée en Prusse.
- Quoique Berlin ait quelques ébénistes habiles , on ne voit point dans son exposition de meubles remarquables, si ce n’est quelques laques de Stobwassen d’une très-belle exécution; les instruments de musique, en petit nombre, sont venus.de Berlin, Breslau, Dantzig, Brunswick, Cologne, Dusseldorff et Werel. ; _
- La manufacture royale de porcelaines représente presque seule l’industrie céramique ; mais ses principales pièces, par leurs décorations et leurs peintures," sont d’une perfection très-
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- remarquable ; les lithophanies en blanc et en couleur , qui sont appliquées aux fenêtres de l’escalier sud-ouest, appartiennent au même établissement ; et, parmi les produits plus ordinaires, MM. Villeroy et Boeh , qui occupent un des trophées de la nef, ont des biscuits et des poteries fort intéressantes.
- Dans les arts de reproduction enfin, nous rencontrons des livres de sciences en grand nombre et d’une très-belle exécution chez MM. Wieweg et Winkelmann; mais nous avons particulièrement remarqué les chromolithographies de Rei-mer , de Berlin, et quelques cartes géographiques. Les cartes muettes, exécutées au pinceau sur papier ciré, ouvrent une méthode nouvelle dans l’enseignement de la géographie, en ce qu’elles permettent de tracer à la craie tous les détails omis à dessein, et de les effacer ensuite.
- Nous ne dirons rien de la magnifique reliure de l’album donné au prince et à la princesse de Prusse par les provinces du Rhin; les vues les plus pittoresques et les scènes historiques les plus intéressantes de ce beau pays, dues pour la plupart aux principaux peintres de Dusseldorff, sont réunies dans une œuvre d’art, en ivoire et orfèvrerie, d’up travail tout à fait remarquable.
- M, le commissaire de la Prusse représente, auprès de la commission impériale, en même temps que le royaume de Prusse, un certain nombre d’États de l’Allemagne : cé sont les duchés d’Anhall-Dessau et Cœthen, le duché de Brunswick , le royaume de Hanovre, la principauté de Reuss, branche aînée (la principauté de Reuss, branche cadette, a délégué un commissaire spécial), le duché de Saxe-Cobourg, le duché de Saxe-Cobourg-Golha, la principauté de Lippe et Schaum-bourg-Lippe, celle de Schwarzbourg-Rudolstadt, le duché de Saxe-Meininger, le grand-duché de Mecklembourg et celui de Saxe-Weimar. Les produits de ces différents États allemands sont réunis à ceux de la Prusse et sont d’ailleurs trop peu nombreux pour qu’il soit possible d’entrer dans quelques détails à leur sujet; nous dirons seulement que la fabrication des objets en métal et que l’industrie des laines et des draps constituent la' partie dominante de ces expositions partielles. Les différents genres d’impression, la galvano-
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- plastie, et surtout la fabrication des jouets d’enfants occupent, après ces industries principales, la place la plus importante,
- GRAND-DUCHÉ DE BADE.
- Annexe, section des produits, travées 26 et 27, C. — Section, des machines, 123 et 124. — Galerie d’agriculture, 2 à 6- —
- Palais principal, rez-de-chaussée et galerie.
- Les cent exposants du grand-duché de Bade ont fourni des produits à presque toutes les divisions de la classification of-cielle, les ressources de ce pays industrieux le portant à la fois vers l’agriculture, les mines et la plupart des manufactures. L’exploitation minérale de la vallée de Kinzig, dont l’existence remonte à une époque fort éloignée, présente une collection remarquable de minerais de plomb et de cuivre, à côté desquels la société de la Vieille-Montagne a disposé les spécimens de ses mines des environs de Wieslach, autrefois abandonnées , mais qui ont acquis depuis lors une grande importance. Tandis que , dans l’exposition prussienne, le lin' et la laine formaient la plus grande part des produits agricoles., nous rencontrons ici les bois, les céréales, le chanvre et le tabac ; sous l’influence d’un heureux climat, et par l’emploi de bonnes méthodes de culture, le grand-duché de Bade a pu rendre sa production agricole considérable.
- Les bois de la forêt Noire sont exportés au loin , particulièrement' pour la France et pour Taris; la production du chanvre en 1833 dépassait 3 500 000 kilogrammes, et elle s’est encore élevée l’an dernier ; cette matière textile, très-résistante, est recherchée pour la fabrication des toiles à" voiles et des cordages de marine ; la plupart des échantillons sont d’excellente qualité, aussi la semence est-elle aussi fort recherchée. Plusieurs producteurs ont exposé des tabacs du pays, dont la production s’élevait, particulièrement dans le Palatinat, à plus de 7 millions de kilogrammes. Les feuilles ^ de MM. Fraumann et Cie et de M. Hirschhorn et fils méritent
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- ün intérêt particulier. Le houblon des mêmes contrées ne le cède en rien à ceux de Bohême et de Bavière. Le Jardin'
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- Central d’agriculture d'Heidelberg, transporté en 1850 à Carlsruhe, d’après les plans de son directeur, feu Mezger, figure au nombre des exposants par des spécimens des differentes cultures du pays, qui doivent aux écrits de cet agriculteur la plus grande partie des améliorations réalisées.
- La construction des machines a pris , dans le grand-duché de Bade comme en Wurttemberg, une activité remarquable.
- La locomotive à grande vitesse de la société de Carlsruhe, est d’une très-bonne exécution. Étantchargée de 62 tonnes 1/2, elle brûle 5k 85 de coke par kilomètre, avec une vitesse de 64 kilomètres à l’heure; son prix est de 60 000 francs avec son tender.
- Les pompes à incendie de M. Metz sont d’une exécution très-soignée : c’est cet industriel qui a organisé dans différents pays de l’Allemagne le service des pompiers volontaires; le fourgon spécial sur lequel il transporte tous ses appareils de sauvetage en cas d’incendie est très-bien entendu.
- Le grand-duché de Bade est le berceau de la fabrication de l’horlogerie dans la forêt Noire : fondée dans le milieu du xvne siècle, cette fabrication produit aujourd’hui de 600 à 700 000 pièces. En 1847 on comptait 1568 maîtres et 2566 ouvriers, exclusivement employés à cette industrie, sans compter les femmes et les enfants qui sont fréquemment chargés de quelques opérations spéciales. Par la fondation d’une école d’horlogerie à Furlwangen en 1850, le gouvernement, en fournissant aux fabricants des modèles bien confectionnés et de bon goût, a considérablement contribué aux perfectionnements introduits depuis lors. Le travail est en général divisé de manière à. faire descendre autant que possible le prix de vente, et l’on est étonné de la précision à laquelle certaines pièces, établies dans ces conditions, peuvent atteindre.
- La fabrication des cuirs est bien représentée, notamment par les produits de MM. Heintze et Freudenberg : on sait que l’on attribue à la parfaite qualité du tan de la forêt Noire et de l’Odenwald la bonne préparation des cuirs dans cette contrée.
- Les vins du Bhin et les kirschenwasser de la forêt Noire, ne pouvaient être oubliés parmi les produits badois ; 19 000 hectares de terre sont consacrés à la viticulture, et la production ne s’élève pas à moins de 430 000 hectolitres.
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- Les eaux minérales de Freyersbach, Rippoldsau, Anto-gast, Petersthal', Griesbach, Baden-Veiler, Langenbruken, ont toutes des propriétés particulières qui les font rechercher : les analyses du professeur Bunsen, d’Heidelberg, donnent des indications fort intéressantes sur leur composition.
- Nous trouvons encore dans l’exposition badoise des toiles métalliques, des garnitures de cardes, des appareils et produits chimiques, des cigares, dont ceux de MM. Mayer frères sont très-remarquables, des gravures de la maison Artaria et Fontaine et des instruments de musique.
- Nous mentionnerons particulièrement, parmi les manufactures de tissus, les velours de coton de la Société pour la filature et le tissage à Ettlingen ; ces produits sont remarquables par le complet assortiment des couleurs, et les produits en laine et soie de M. Kœchlin et fils, ainsi que les mouchoirs de coton de M. Herosé, que l’on peut citer parmi les premiers industriels de l’Allemagne, ne peuvent manquer d’être également remarqués ; les industries du coton seulement n’alimentent pas moins de 117 fabriques, occupant 9000 ouvriers.
- Des industries si diverses et déjà si développées chez une population de 1 360 000 âmes, confectionnant pour plus de 50 millions de produits, constatent une heureuse tendance vers une prospérité qu’il suffira d’encourager pour en obtenir de plus importants résultats encore.
- ROYAUME DE WURTEMBERG.
- Annexe, division des produits, travées 27 à 28. — Annexe, division des machines, travées 124 à 127. — Bâtiment des instruments d’agriculture. — Palais principal, rez-de-chaussée, travées 29 et 30, I et J. — Palais principal, galerie, travées 29 et 30, N.
- Les produits de Wurtemberg, quoique envoyés en petit nombre et par 182 exposants seulement, forment un ensemble remarquable, caractérisant, avec une grande exactitude, l’industrie allemande au milieu de laquelle cette partie de l’Exposition apparaît cependant avec les qualités qui lui sor t
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- propres; tous les genres d’industrie s’y rencontrent avec des spécimens intéressants qui font de l’exposition wurtember-geoise un des types les plus complets au Palais de l’Industrie. La classe des produits minéraux est représentée par les pierres à aiguiser, les pierres de construction et les pierres ponces artificielles, dont une fabrique très-renommée existe à Bieti-gheim. Les os broyés pour engrais, les instruments de l’Institut royal pour l’agriculture et l’art forestier, de beaux échantillons de houblon et la collection complète des laines du Wurtemberg représentent convenablement les tendances agricoles du pays.
- La fabrication des machines, plus ordinairement réservée aux grandes nations, est représentée par des cardes d'une bonne exécution et surtout par les produits des usines d'Ess-îingenchargées de la construction des locomotives Engerth pour le Sœmmering, et de nombreuses commandes pour les chemins de fer du Nord et du Midi en France. Les deux locomotives exposées par ces usines portent les numéros de construction 268 et 2'7/l, et elles sont toutes d’une remarquable exécution.
- On connaît la précision avec laquelle marchent les horloges de la forêt Noire ; quoique exécutés en bois, et en apparence assez gros, ces instruments ont quelquefois une précision extrême que l'on rencontrera souvent chez les huit exposants de ces articles.
- Les Allemands sont grands amateurs de collections': celle des fossiles de Souabe et de Franconie, et celle des plantes médecinales du Wurtemberg, sont tout à fait remarquables.
- C’est au Wurtemberg qu’est due l’invention des ardoises artificielles , d’un usage plus satisfaisant pour l’écriture et pour 1’enseignement que les ardoises ordinaires : les produits de l’inventeur méritent de fixer l’attention des visiteurs de l’Exposition.
- Dans les arts chimiques, le sulfate de quinine, l’amadou, le cirage à base de glycérine, qui utilise une matière encore sans emploi, les savons de toutes espèces, les gélatines pour collé forte, les Cuirs et les maroquins, les carmins et les outre-mers, lès papiers de chiffons, de bois ët de paille, blancs et des couleurs les plus variées, indiquent une fabrication fort avancée et très-économiquement conduite.
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- Sous le numéro 92, M. Wagner a réuni de nombreux échantillons de pierres de construction : les granités, les grès* les calcaires démontrent une précieuse richesse en matériaux de ce genre, parmi lesquels il convient de distinguer particulièrement les grès du terrain Kuperien supérieur, qui sont employés à la construction de la cathédrale de Cologne et des principaux monuments de l’Allemagne. Les chaux hydrauliques et ciments de MM. Leube frères, à Ulm, figurent dignement à côté de cette collection.
- Les manufactures du Wurtemberg ont dès longtemps acquis une grande importance, la coutellerie, lès outils de tous genres, particulièrement les faux et faucilles, les toiles métalliques , les objets de quincaillerie et les meubles en métal, jouissent d’une réputation bien défendue par les articles exposés : nulle part on ne trouverait unè exposition plus complète que celle des faux et faucilles de MM. llaucisen et fils, de Stultgard, suivant les formes usitées en France, en Allemagne, en Italie, en Suisse, en Pologne, en Hollande et presque en Amérique ; ces articles font l’objet d’exportations considérables.
- On voit, par cet exposé rapide, combien les produits du Wurtemberg sont variés, et il faudrait citer encore ses verres ornés, dits verres mousseline, ses draps et cüirB-de laine, ses toiles, sa bonneterie d’une qualité extrême , ses chapeaux de feutre d’un bas prix extraordinaire; ses jouets d’enfants font une concurrence sérieuse à Nuremberg, en Bavière ; l’imprimerie de Stultgard a envoyé de très-belles œuvres, et il n’est pas jusqu’aux instruments de musique qui ne soient représentés par une fabrique dé.pianos des plus importantes.
- ROYAUME DE SAXE.
- Annexé, section des produits, travées 28 à 29, C.— Palais principal , rez-de-chaussée, travées 2î à- 29, J à L.
- Le royaume de Saxe, situé au centre de l’Allemagne, n’est représenté à l'Exposition que par environ cent* exposants, la plupart de Leipsick, de Dresde, de Chemnitz. L’industrie saxonne produit annuellement en fil de coton, tissus de lin,
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- de coton, de laine , toiles cirées, broderies, dentelles, bonneteries, jouets en bois, instruments de musique, pour environ 200 millions de francs, tant pour l’exportation maritime que pour les marchés continentaux.
- Parmi les conditions favorables à ce grand développement de l’indastrie manufacturière en Saxe, il faut en première ligne placer ses combustibles minéraux : la houille des deux bassins de Plauen et Zwickau est de très-bonne qualité et l’extraction annuelle s’élève déjà de 9 à 4 0 millions d’hectolitres. Les lignites sont également en aussi grande abondance en Saxe et ceux exposés sous le numéro 3 sont vraiment remarquables. •
- L’exposition du pays dénote l’importance de ses laines et de tous les produits textiles : les machines de la filature et du tissage y ont suivi les progrès des produits eux-mêmes.
- La filature de coton occupe 500 000 broches, réparties entre 120 établissements ; la filature de la laine cardée et de la laine peignée, 220 000; dans cette dernière industrie la pei-gneuse Schlumberger devient d’un usage général. La filature de lin semble au contraire avoir perdu par la concurrence de l’Irlande la plus grande partie de son ancienne activité.
- Le tissage a pris en même temps une extension considérable et l’on pourrait ponsidérer la Saxe comme une vaste manufacture de tissus de toutes sortes, parmi lesquels cependant les draps et la bonneterie doivent être signalés à la fois pour leur bas prix et leurs qualités. Le catalogue spécial publié par M. le commissaire de Saxe renferme des indications précieuses sur les prix de ces différents tissus, parmi lesquels les étoffes pour meubles et les dentelles occupent encore un rang important.
- En générel l’industrie du tissage ne s’exerce pas en ce pays dans de vastes ateliers; les tisserands.travaillent chez eux comme nos ouvriers lyonnais; l’introduction progressive du tissage mécanique modifie de jour en jour ce mode de travail et changera nécessairement, dans un avenir rapproché , les conditions économiques de la production dans ce pays.
- Nous citerons encore les huiles volatiles parmi les produits de l’exposition saxonne, quatre exposants de Leipsick ayant envoyé sous ce rapport des collections vraiment remarquables.
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- ROYAUME DE BAVIÈRE.
- Annexe, section des produits ; travées 26 à 27, A à B. — Palais principal, rez-de-chaussée ; travées 30 à 32, G à L. —Palais principal, galerie; travées 31 à 32, L etM.
- Quoique les fabriques d’objets manufacturés ne forment pas en Bavière un faisceau considérable, il est pourtant incontestable que depuis une vingtaine d’années les sciences et les arts y ont fait détonnants progrès. L’examinateur sérieux trouvera, dans l’exposition bavaroise, la preuve de ces progrès remarquables; quoique les produits envoyés ne présentent pas en général le.brillant éclat et le goût qui distinguent ceux de quelques autres contrées , on y trouvera cependant des objets d’un mérite incontestable, parmi lesquels il faut citer particulièrement une magnifique collection de minerais formée par la direction générale des mines et des salines à Munich. Cette ville a toujours été réputée pour ses instruments scienti-r fiques, et bien qu’elle présente les excellents télescopes de M. Bauder, il . n’en faut pas moins regretter l’absence de M. Merz et fils, les digues successeurs de Fraunhofer, dont les produits cependant avaient été annoncés.
- Parmi les produits chimiques, on remarquera, par son bas prix, l’extrait de noix de galle de MM. Borer et Porzetius de Ratisbonne, les crayons très-renommés de MM. Faber de Steiri, près Nuremberg, et surtout les bronzes en poudre qui pendant longues années ont assuré à la Bavière le monopole de l’approvisionnement de l’Europe.
- On sait la réputation dont jouit M. Adam Kuchenrenter pour ses pistolets de tir, rayés, qui portent avec une étonnante précision jusqu’à une distance de 500 mètres. Une carabine à deux canons de ce constructeur mérite la plus grande attention.
- MM. Klett et Cie, les habiles constructeurs du Palais de l’Industrie de Munich en 1854, n’exposent que des clous et des épingles, mais la fabrication de ces menus objets est chez eux d'une importance considérable.
- M. Steigervald représente principalement l’industrie delà
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- cristallerie en Bavière ; ses grands vases égyptiens et moresques ne le cèdent en rien, sous le rapport de la fabrication, aux produits les plus remarquables de ce genre, et la rapidité avec laquelle la plus grande partie des produits exposés par cet industriel se sont vendus, témoigne suffisamment du bon goût qui a présidé au choix des modèles.
- La pierre lithographique de Munich ne pouvait manquer.de figurer à l’Exposition de 4855 : celle de MM. Fischer et Kluge est d’une beauté remarquable, èt quoiqu’il faille surtout chercher les mérites des produits bavarois dans les objets de grande consommation, il ne faut point négliger cependant de mentionner les gravures photographiques de M. L. Schomnyer, et surtout les portraits de M. F. Honfstangl qui sont peut-être les plus beaux spécimens de ce genre, que la photographie puisse revendiquer dans le Palais de l’Industrie.
- Le nombre des exposants bavarois ne s’élève qu’à 425 : on aurait pu croire à un plus grand empressement de la part des industriels qui ont assisté à la grande exposition de Munich l’an dernier, si les désastres amenés par le cruel fléau qui a frappé cette ville, au milieu de la splendeur de cette exposition, n’avàient considérablement refroidi le zèle des plus ardents. Réduite à ses modestes proportions, l’exposition de la Bavière n’en doit pas moins être comptée parmi les plus intéressantes, en ce qu’elle ne contient que les produits habi-tuels de l’industrie du pays. Le nombre des exposants bavarois était à Munich de 2460, parmi lesquels 63 obtinrent la grande médaille, 263 la médaille d’honneur, et 531 une mention honorable.
- CONFÉDÉRATION SUISSE.
- Annexe, section des produits, travées 20 à 22, À à D. — Palais principal, galerie, travées 22 à 39, B à G.
- Pour un pays de deux millions et demi d’habitants, l’exposition de Suisse est relativement considérable; ses limites sont d’autant plus faciles à reconnaître dans le palais principal, que son exposition est gracieusement entourée d’une ceiniurede broderies, devant lesquelles les dames, font station.
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- On y voit, en outre, les articles les plus variés d’horlogerie, de bijouterie, des soieries unies, des rubans, des cotonnades, avec leurs nombreuses variétés, des bourres de soie, qui constituent, sans qu’on s’en doute, une branche très-importante et très-productive de fabrication, des cotons filés et teints, des articles de paille et de sculpture en bois, des instruments de mathématiques, des outils, si multiples pour l’horlogerie, des pianos, des parquets, dont les exposants ont reçu des commandes pour les palais du Louvre et de Saint-Cloud, des cuirs et peaux, des télégraphes usuels et perfectionnés, des dessins de machines, plusieurs reliefs de la Suisse ou d’une partie de ce pays, des meubles, des carabines, si chères aux Suisses, et qu’ils manient si adroitement, de la poterie, et, entre autres,, trois remarquables poêles en faïence et des vins des bords du lac Léman. N’oublions pas de mentionner deux petites vitrines, devant lesquelles la foule passe sans même y jeter un coup-d’œil : l’une contient de tous petits ressorts pour chronomètres, l’autre des flint et des crawn-glass, produits remarquables qui ont obtenu la grande médaille à Londres.
- La Suisse a une exposition d’industrie dans toute l’acception du mot. Ses principaux produits sont répandus dans toutes les parties du monde : en Orient, aux États-Unis, dans l’Amérique méridionale, en Chine, sur la côte de Guinée, etc.
- Ces énormes montres que vous voyez dans une des vitrines de Neufchatel, sont destinées à l’empereur et aux mandarins de la Chine. Le siège principal de la fabrication des montres est dans les montagnes arides du canton de Neufchatel, et il s’en fait un millier par jour, depuis le prix de 20 fr. jusqu’à celui de 1000 fr.
- A Genève, c’est l’horlogerie fine et à enjolivements qui se fabrique le plus; vous .y voyez des montres dont les dimensions extérieures ne dépassent pas celles d'un franç, enchâssées dans des lorgnons ou des carnets de cartes de visite.
- Le canton de Saint-Gall et le demi-canton d’Appenzell se livrent avec succès à la fabrication des broderies, des mousselines et des cotonnades. Ces deux petits pays , dont la population réunie dépasse à peine 200 000 âmes, font pour plus de 50 millions d’articles d’exportation.
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- Ces stores et rideaux que vous admirez se confectionnent dans les familles pendant le cours des longs hivers et l’interruption des travaux des champs. Industrie morale qui mérite encouragement, et à laquelle nous souhaitons une prospérité croissante.
- Les soieries de Zurich sont exposées collectivement par cinquante-huit fabricants de ce canton. Elles ne sont pas comparables à celles de Lyon, sans doute, mais elles offrent le précieux avantage d’un extrême bon marché. Il y en a beaucoup à 1 fr. 50 c. le mètre.
- Les rubans forment la principale fabrication de la riche ville de Bâle, qui croît en importance d’année en année. Ces rubans joignent à la distinction le mérite du bon marché; mérite qui ne peut pas toutefois être apprécié, puisque les exposants de Bâle ont, malgré toutes les sollicitations, refusé de désigner les prix, tant est grande la crainte de MM. les commissionnaires , qui interviennent toujours entre le producteur et le consommateur.
- Les articles de paille occupent une longue suite de vitrines : c’est encore une branche importante de fabrication en Suisse ; le siège principal en est dans la partie catholique du canton d’Argovie , et, dans une mesure beaucoup plus restreinte, à Fribourg; ces articles, ainsi que ceux d'horlogerie, sont admis en France avec des droits modérés, mais les broderies, les mousselines, les cotonnades, les cuirs, en sont, comme on sait, complètement exclus.
- L’économiste se demande comment l’industrie peut prospérer dans un pays placé dans des conditions si peu favorables : à une grande distance de la mer, sans matières premières, sans houille, sans douanes protectrices.
- Et cependant, non-seulement l’industrie manufacturière n’y décline pas, mais elle s’y développe d’une manière remarquable.
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- EMPIRE D’AUTRICHE.
- Annexe, section des produits , travées 35 à 41, A à D. — Annexe, section des machines, travées H6àl21,AàD. — Palais principal, rez-de-chaussée, travées 21 à 25, H à N. — Palais principal , galerie, travées 20 à 25 , K à N.
- On chercherait vainement, dans l’exposition autrichienne, un caractère industriel bien prononcé : les tendances du travail manufacturier sont loin d’être identiques dans toutes les parties du vaste empire, formé d’éléments si divers ; l’Italie autrichienne se fait remarquer par sa prédilection marquée pour tous les arts d’imitation, négligés ailleurs d’une manière fâcheuse ; l’industrie de la Bohême ne ressemble pas à celle de la Hongrie, quoiqu’on puisse regarder ces deux contrées comme les centres principaux des industries agricole et minérale du pays.
- Malgré ce défaut d’ensemble, que l’on aperçoit bientôt en visitant avec attention l’exposition autrichienne, elle ne laisse pas cependant que de présenter, par la variété de ses productions, un grand intérêt, tantôt au point de vue de l’élégance et de la bonne qualité de certains produits ; mais dans la plupart des cas, par les conditions économiques particulières à ses industries principales.
- La Moravie et la Hongrie se font surtout remarquer par leurs exploitations minérales dont l’administration impériale des mines a formé, dans les différents districts, une excellente collection technologique. Les houilles et les cokes qui figurent à l’Exposition .proviennent en grande partie de la Bohême et de la Moravie ; mais les mines de Sleyordef, en réunissant à leurs charbons les minerais de fer carbonaté qu’elles possèdent, peuvent cependant fournir d’exacts renseignements sur la valeur des combustibles de la Hongrie ; ceux de la Transylvanie sont également bien représentés par les produits des mines de Magyar Hermany. Un bloc remarquable de lignite provient des mines de Léoben (Slyrie). La plupart des fers autrichiens sont traités au charbon de bois, particulièrement ceux destinés à la fabrication de l’acier : les
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- usines d’Innerberg en Styrie, celles de Freybuch en Carinthie qui produisent l’acier dit des Curmes à la double marque; celles de Jenbuch,dans leTyrol, doivent être comptées parmi les plus intéressantes. Le pudlage au gaz de tourbe est lin des traits caractéristiques de la fabrication autrichienne : plusieurs forges ont obtenu des succès remarquables dans cette direction, et l’établissement de Secco, à Milan, présente plusieurs échantillons de fer obtenus sans autre combustible. L’exposition la plus importante pour les pièces de grandes dimensions est celle de MM. Rosthorn et Dickmann. Les autres métaux sont aussi l’objet d’une exploitation notable : les plombs deBlecberg et de Untersitzen, les zincs d’Auronzo, les cuivres de Brixlegv et de Kitzbühl, dans le Tyrol, l’étain des différentes mines de Bohême attestent une variété de production fort remarquable. Le tellure est un produit important au laboratoire général des monnaies de Vienne , le mercure s’exploite à Brùnn, le nickel et le cobalt à Berndorf, l’antimoine et l’argent en Hongrie, principalement à Iglo, les minerais aurifères à Kremnitz.
- Lelaminage du cuivre, du laiton, et des différents alliagesdu nickel et du cuivre, connus sous les noms d'alfucia, de pack-fond, de maillechort, constitue une fabrication très-avancée dans les districts des forges. Une feuille de packfond des usines de M. Schaller, près Vienne, n’a pas moins de M mètres de longueur. Les laitons laminés de Tafilmethas sont d’une parfaite fabrication.
- Les échantillons de produits agricoles ne font pas défaut dans l’exposition autrichienne. On y remarque les blés, les orges, les seigles, les. avoines de Hongrie, de Moravie et de Bohême, les riz de la Lombardie analogues à ceux de nos départements d’Alger. L’empereur Ferdinand expose de fort jolis colzas de son domaine de Prague. Le maïs a été l’objet d’essais très-intéressants ; l’épi dépouillé de sa graine et converti en farine a été soumis à une sorte de panification ; les biscuits obtenus avec cette substance ont contribué déjà à la nourriture de 5 ou 600 personnes l’an dernier, et permettent d’espérer, en temps de disette, de trouver ainsi les éléments cl’une alimentation supplémentaire. En se bornant à la concasser, on l'emploie avantageusement à la nourriture dés bestiaux.
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- Les tabacs occupent une placé importante dans l’èxposition autrichienne ; ceux de la Gallicie sont les meilleurs, si on les compare avec les produits similaires delà Hongrie, de la Silésie, de la Lombardie, dont les nombreux échantillons sont réunis par les soins de l’administration impériale.
- Les laines constituent le produit agricole le plus important de l’Autriche ; nulle part les toisons n’ont été plus soigneusement préparées pour l’exposition, et nulle part on ne rencontre une collection plus intéressante, La société pour améliorer la production de la laine en Bohême, n’a rien négligé pour que les plus beaux troupeaux fussent dignement représentés ; on remarque surtout les toisons du comte François de Thun Honenstein, celles du prince Ad. Swarzemberg, bien connu par ses constants efforts en faveur de l’agriculture, celles du comte de Mundy. Les laines du troupeau des fermiers réunis et bien d’autres encore qu’il conviendrait de citer, rendront la tâche du Jury bien difficile lorsqu’il s’agira dé répartir, entre les exposants de l’Autriche, les récompenses que ne peut manquer de leur attirer cette exposition tout' exceptionnelle par ses nombreuses variétés, et ses qualités supérieures. En général ces laines sont destinées à la carde : nous n’avons vu qu’un seul échantillon de laine à peigner.
- Lés plans de drainage de M. Kreuter sont intéressants : cet ingénieur, depuis 5 ans, n’a pas drainé moins de 5000 pièces de terre.
- Lés bois du comte Zomoeski offrent un intérêt particulier pour la marine. Ses chênes, sapins et frênes de Gai liCie pour raient être amenés sur le marché français avec des avantages marqués. Les mélèzes en grume de M. Bumert, et en planches débités peuvent alimenter, comme bois d’harmonie, tous les facteurs d’instruments de musique.
- Les cuirs de Hongrie, particulièrement ceux de MM. Pollak fils et de M. Suess ont une réputation bien méritée : quelques peaux en poils complètent cette partie de l’exposition autrichienne. Les articles do sellerie les accompagnent : les selles variables, pour tous chevaux, au moyen d’un arçon régu-1 lateur, ne présentent aucune nouveauté d’invention.
- - La quincaillerie, les produits chimiques et les substances alimentaires occupent les deux galeries de l’Annexe. La taillanderie de la Carinthie et de la Styrie sont remarquables ;
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- les produits surtout de M. J. Zeitlinger, de M. Weinmes-ter, et ceux de MM. Gobel et Cie, dans la haute Hongrie. Les scies de M. Miller et Cie sont d’une excellente fabrication. Sans être aussi complète sous ce rapport que l’exposition prussienne, celle de l’Autriche est encore remarquable, et a souvent l’avantage du bon marché. Les armes communes auxquelles on pourrait reprocher surtout leur mauvaise mise en bois, sont fabriquées à des bas prix extraordinaires : où trouverait-on ailleurs desp'stolets à 4 francs la paire? Les cadrans, étiquettes et ustensiles en fonte émaillée sont également d’un bas prix remarquable. Quelques instruments de mathématiques et de précision, et parmi ces derniers les nouvelles batteries galvanique de M. Jedlik, Esapo et Ilamar, occupent, avec quelques pièces d’horlogerie, l’une des galeries latérales.
- Les bougies d’acide stéarique et les allumettes allemandes doivent sans doute au grotesque de leur arrangement d’occuper une place spéciale dans l’avenue principale: les autres produits des industries chimiques occupent la galerie du côté de la Seine. Les papiers de Josefstal et ceux de Lorenz fils et Echmann, sont cités pour leur bonne fabrication ; les céruses et les savons font l’objet d’une industrie considérable.
- Les collections de farines sont assez importantes, celle principalement de la société impériale des moulins à vapeur de Vienne ; les sucres indigènes de M. le comte de Larish-Meennich à Freistadt, ceux de M. Richter, préparés directement en cubes de \ à 2 centimètres de côté, pour les usages domestiques, annoncent que cette fabrication est très-avancée en Silésie et en Bohême : cette industrie compte d’ailleurs un assez grand nombre d’exposants. Nous ne dirons rien des sculptures fondantes en sel gemme de la direction des salines et des domaines de Hongrie : bientôt il ne restera rien de ces échantillons bizarres.
- L’immense bouteille figurée avec des milliers de bouteilles des différents vins de l’Autriche, de M. Scherzer, pourrait à bon droit paraître ridicule, si elle n’était destinée à faire connaître une des plus grandes richesses de l’Autriche, richesse méconnue ou à peine appréciée en France. Le vin est peut-être, sous ce rapport, le fait capital de l’expositioti autrichienne; sans parler des vins fins, dontquelques-uns sont de
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- très-bofine qualité, il importe que l’on n’ignore pas avec quelles facilités les différents crus de l’Autriche pourront, arriver sur le marché français dans des conditions de prix très-favorables; les vins de Tokay sont chers, mais ce que, l’on appelle les vins de commerce, et ce sont précisément ceux-là que M. Scherzer a réunis, se vendent à un prix relativement très-inférieur.
- C’est surtout dans le palais principal que l’exposition d’Autriche laisse apercevoir l’absence d’ensemble que nous indiquions tout à l’heure. En réunissant, par groupes distincts, les produits, dans des salles bien décorées, on a cependant cherché à atténuer ce défaut par une installation convenable.
- Les cuivres estampés occupent une petite place auprès d’objets de toutes sortes que l’on pourrait qualifier du nom générique d’industrie parisienne de l’Autriche, si les fabricants qui ont contribué à cette réunion n’avaient pris soin de négliger tout à fait la forme, ou de n’y penser que pour la rendre plus tourmentée et plus bizarre. Nous examinerons ces produits dans leur ensemble, parce que si nous voulions les citer en détail , il nous serait impossible de ne pas indiquer que la plus grande partie se compose de pipes de toutes sortes, particulièrement en écume de mer : on n’en verra jamais une égale collection. On sait que la matière première se récolte en Crimée, et quelques beaux échantillons nous montrent cette singulière substance en grande masse ; d’un grain fin et homogène, on ne pourrait mieux la comparer qu'à la faïence fine pour sa blancheur et son aspect général, si n’était son étonnante légèreté. Elle est ici tourmentée, de mille manières, ciselée, creusée, représentant sur le bout d’une pipe colossale jusqu’à des sujets à huit ou dix personnages , qui peuvent bien contribuer un peu à faire perdre, par leur masse, tout l’avantage pour lequel nous avons dit que cette substance était recherchée. A côté des têtes de pipes, les tuyaux de toute espèce; l’arsenal est tout à fait complet.
- Les boutons de nacre ne sont pas moins nombreux que ces instruments des loisirs de l’Allemagne, et ils dénotent au moins une industrie fort avancée par la variété que les differents fabricants ont su mettre dans leurs produits. A voir ceux de Al. Winter, on croirait que tous‘les boutons du monde sont confectionnés dans ses ateliers. Les petits monuments en
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- nacre dé M. Schwartz sont très-brillants', sinon jolis; ils sont très-recherchés et d’un beau travail : quelques-uns d’entre eux ont jusqu’à 30 centimètres de hauteur: Les jouets d’enfants de toutes sortes sont d’un bas prix extraordinaire; ceux en bois blanc sculpté, dans le genre suisse, ne laissent pas de présenter vin caractère de naïveté fort original. À côté d’eux, les cannes, parleur nombre et leurs variétés, semblent se disputer avec les pipes la prééminence dans l’exposition autrichienne. Les ciselures des pommes de quelques-unes d’entre elles sont tellement grandes et tellement contournées, que le seul moyen de s’en servir sagement consisterait à les tenir par l’autre extrémité. A en juger par l’exposition, on doit croire que cette industrie n’est pas sans importance en Autriche. Citons encore, pour compléter la description de eette première salle, les boîtes et encadrements en composition plastique : quelques-uns de ces objets se vendent 40 et 80 centimes la douzaine, nous n’avons pas le droit de demander qu’ils soient d’une forme gracieuse.
- Les papiers de fantaisie gaufrés ou marbrés de M. Kneper forment une fabrication importante aussi par l’extrême bon marché, le format grand-raisin de toutes les sortes ne se vendant que 30 francs la rame. L’exposition de M. Wert-heim, de Vienne, est bien plus intéressante encore : sa grande fabrication lui permet d’obtenir tous les outils à des prix impossibles ailleurs : ses rabots montés , de tous profils, à \ fr. la paire, vaudraient trois fois autant partout ailleurs. Des presses à papier, des coffres-forts, et parmi eux les produits remarquables de M. Kosak demandent à être particulièrement cités pour leur bonne construction et le fini du travail. Les bronzes et la bijouterie sont peu nombreux; disons seulement que les tabatières en argent, et surtout les belles parures de grenat, méritent d’être mentionnées : nulle part on ne fait mieux en ce genre, et ces produits ont un caractère particulier qu’on voudrait retrouver plus souvent en visitant les galeries autrichiennes. La fonderie de fer de Kitschelt a également envoyé quelques produits intéressants.
- La Bohême nous avertit que dans les arts de la verrerie et de la céramique nous trouverons beaucoup à admirer ; aussi les trophées de la nef sont-ils consacrés à ces industries principales. La porcelaine se distingue plutôt par le caractère
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- propre de ^industrie allemande, le bon marché , que par des qualités particulières. Les imitations de Chine, cependant, sont très-remarquables, et la fabrique du comte de Thun tient, à n’en pas douter, le premier rang. L’industrie des terres cuites est peut-être plus complètement représentée que celle de la porcelaine : celles de M. Brunseweller, de Wa-gram, disposées en pyramide dans la nef, ont à la fois le mérite d’une bonne exécution et d’un bas prix. A en juger par le dessin qui accompagne dans l’Annexe les produits céramiques de M. Miesbucq, qui expose aussi cette jolie fontaine en terre cuite que l’on remarque presque au centre de la nef, nous devons considérer cette fabrique comme une des plus importantes , sinon comme la plus considérable. M. Miesbucq est le Minton de Vienne et l’un des plus grands producteurs de l’Autriche.
- La cristallerie de la Bohème soutient sa vieille réputation r et si les produits de la France lui sont quelquefois égaux et supérieurs sous le rapport du goût et de la forme, nous ne pourrions méconnaître sans injustice le mérite des couleurs et du travail. Peut-être a-t-on fait plus d’efforts en 1851 , mais tels qu’ils sont, les produits de M. Gebruder , ceux du comte de Harrach , ceux surtout de M. Mayer neveu, doivent être comptés parmi les plus beaux de l’exposition de 1855. Les cristaux gravés de Negenburth sont d’une perfection inimitable. Le filigrane en verre, de Venise, est exposé par M. Tom-masi, les plus belles aventurines, par M. Biguglia ; mais pourquoi cette belle matière est-elle si fâcheusement introduite dans tous ces objets de verrerie , dont le caractère principal devrait être celui d'une grande légèreté? Les essais de reproduction en verre des médailles et des camées laissent deviner, chez M. Pantosek, une industrie pour laquelle nulle substance ne saurait présenter plus d'avantage. Les ustensiles en verre pour la chimie de M. Stolzle sont d’une exécution et d.’un bas prix fort remarquables.
- Les tissus forment la principale richesse de la fabrication autrichienne, remarquable surtout par ses draps et ses soieries. Le damassé de fil est d’une belle exécution, ainsi que le prouvent surtout les produits de M. Oberlecthner, les mouchoirs imprimés du comte de Nariach , les cotons de M. Dornalzer , de Plugen ; les teintures Andrinople de M. Ganal et Cie, les
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- crins tissés et quadrillés pour meubles ont bien aussi leur importancé. Les draps , d’une excellente fabrication, sont d’un bas prix extraordinaire ; ces beaux draps militaires , particulièrement les draps blancs , dont l’Autriche fait un si grand usage, sont cotés, chez M. Skène, 4 fr. 75 c. le mètre ; les étoffes pour pantalons, de Strakish, à 5 fr. 50 c. et 6 fr., Offermann , Scholler, etc., sont dans des conditions presque identiques.
- Les châles sont plus surprenants encore; Rossi, Klawatsh, Krammer, Zusel en exposent à 24 francs qui ne laissent rien à désirer, et ces maisons considérables en fabriquent dans tous les genres. Les étoffes de soie pour meubles de Nell, celles de Naas et les nombreux tapis de cet éminent industriel, caractérisent surtout la fabrication autrichienne, dont les tissus de soie ne le cèdent en rien aux plus renommés.
- Les pelisses de voyage en fourrures, avec ornements de couleurs en cuir et en laine ont une ampleur et un confortable tout à fait particuliers ; ce costume national est d’un effet excellent. Les beaux vêtements en feutre, de M. Muck, de Prague, pour hommes et pour femmes, doivent aux mêmes formes d’attirer également l’attention générale.
- L’Autriche se faisait remarquer à Londres par ses belles ébénisteries : elle a été beaucoup plus sobre cette fois, quoiqu’un meuble très-remarquable de M. Rosani mérite d’être apprécié; mais c’est à M. Thonet qu’appartient la première place parmi les meubles ordinaires fabriqués en bois débité sur la longueur des fibres, puis courbés au feu ; ses sièges sont d’une solidité à toute épreuve en même temps qu’agréables par la forme. Cette innovation est une de celles qu’il importe d’encourager. Les coffrets en imitation de vieux chêne, de MM. Stammer et Breul, donnent lieu déjà à une exploitation considérable : le prie-Dieu en marquetterie, qui se trouve auprès de leur exposition dans la nef, sort également de leurs ateliers. La reliure et la maroquinerie sont chez M. Girardet des industries considérables , exécutées dans ses divers ateliers comme on exécute les objets d’art. Les boîtes à ouvrage de M. Klein sont aussi d’une bonne et solide exécution.
- . L’imprimerie impériale de Vienne conserve toujours sa prééminence, surtout par l’invention : aucun établissement public n’a plus fait pour l’industrie ; ses produits galvandpla-
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- stiques et ses chromolithographies ont été trop bien appréciés à Londres pour qu’il soit nécessaire de revenir sur ce sujet. Ses tableaux en chromotypographie ne sont pas moins remarquables, mais le nouveau mode de reproduction des objets d’histoire naturelle est peut-être ce qui mérite les plus grands éloges. Une petite branche, avec ses feuilles, étant passée au laminoir entre deux planches de zinc et de plçmb doux, laisse une empreinte en creux sur celle-ci, qui, reproduite par les procédés de la galvanoplastie, permet ensuite de multiplier par l’impression tous les détails de l’empreinte originale; les collections de plantes, les broderies, les dentelles et les tissus de toutes sortes, soumis à ce procédé, fournissent, à en juger par les résultats, des images très-satisfaisantes. Les copies galvanoplastiques de camées, les gravures hyalographiques sur verre sont aussi fort intéressantes. La carte d’Europe, la carte topographique des États pontificaux , et la plupart des ouvrages typographiques , sont d’ailleurs en tous points des chefs-d’œuvre.
- Les reliures d’album, en velours gaufré en or, constituent l’une des spécialités de l’industrie milanaise.
- Les gravures par zincde Forster suffisent pour prouver que ce mode de reproduction facile est d’un avenir assuré : les grandes pholophées de Conti ont le défaut d’être un peu dures. Celles exécutées par Lorent, de Venise, sont d’une harmonie‘de tons étonnante : on sait d’ailleurs que l’emploi du papier ciré pour recevoir les épreuves négatives ajoute beaucoup à la douceur des tops dans les œuvres photographiques.
- La facture des instruments en cuivre est en Autriche fort avancée, et les spécimens exposés témoignent de l’importance de cette industrie. Les pianos sont peu nombreux ; nous n’en connaissons qu’un seul, encore son mérite est-il très-discuté. Les accordéons doivent être considérés plutôt comme jouets que comme instruments sérieux.
- Les détails qui précèdent suffiront sans doute pour faire connaître l’importance de l’industrie dans les contrées qui nous occupent. Près de 1800 exposants se sont présentés au concours; un très-grand nombre ne peuvent manquer d’y recueillir de nouvelles distinctions.
- L’exposition autrichienne laisse deviner que la construction des machines n’a pas encore fait tous les progrès désira-
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- blés : les spécimens sont peu nombreux ; l’exécution laisse souvent à désirer. La locomotive Engerth , dont l’application se répand partout en Allemagne et sur plusieurs chemins de fer français n’est représentée en Autriche que par un dessin , tandis que le Wurtemberg l’a construite. Cette importante machine sera considérée sans doute comme une ample compensation à la pénurie que nous sommes obligés de signaler. L’exposition très-variée de M. Schmid, de Vienne, une presse mécanique lithographique et typographique de Sigl, et, parmi les métiers de filature de tissages, deux cardes, une pour la laine, l’autre pour le coton, et un banc à broches constituent à peu près les machines principales de l’Autriche qui compte encore cependant deux locomotives, dont une avec son tender, sortant des ateliers de M. Gun-ther-, est d’une jolie disposition..
- La carrosserie ressemble à celle que l’on fait partout ailleurs, si ce n’est toutefois la voiture d’apparat d’un mauvais goût extrême, et dont la décoration rappelle assez celle de nos corbillards de luxe.
- ITALIE.
- Les seules contrées qui aient pris part au grand concours de 1853 sont, avec les États sardes, le grand-duché dej^os-cane et les États du pape. Le royaume des Deux-Siciles ,fqui n’a point pris une part officielle à l’exposition, a cependant les produits d’un exposant dans le palais de l’Industrie : il en est de môme du duehé de Parme : deux cheminées dé marbre et une psyché d’un charmant style qui attire l’attention générale dans la nef, sont toutefois les seuls produits envoyés par cet État indépendant.
- ÉTATS SARDES.
- Annexe, section des produits; travées 18 à20, C et D. — Palais principal, galerie ; travées 7 à 10, B à D.
- L’exposition des États sardes, bien qu’incomplète, révèle néanmoins le véritable caractère d’un pays producteur, où
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- l’agriculture et l’industrie manufacturière ont fait des progrès remarquables.
- La minéralogie qui, dans les montagnes de la Savoie, du Piémont, de la Ligurie et de la Sardaigne, est aujourd’hui l’objet d’études et de recherchés importantes,, brille dans les collections de minerais de la chambre de commerce de Chambéry et de l’institut technique de Turin. On y remarquera aussi les échantillons envoyés par plusieurs sociétés, dont les capitaux importants ne tarderont pas sans doute à donner à la production des métaux un développement considérable, notamment du fer de la vallée d’Aoste, dont les bonnes qualités sont bien connues.
- Tout récemment on a su trouver l’emploi de bois très-précieux, qui précédemment restaient dédaignés.
- D’heureuses innovations dans les instruments d’agriculture témoignent du progrès général.
- Les produits naturels du sol sont représentés par des échantillons qui en constatent là fertilité, même dans les vallées froides, comme celle d’Aoste où l’on est parvenu à récolter du maïs bien mùr et d’excellente qualité.
- Les huiles exposées proclament la même vérité en même temps qu’elles dévoilent les conditions d’une bonne fabrication. .
- En mécanique, l’application de l’électricité à la Jacquart, par M. Bonelli, est un heureux point de départ pour les progrès futurs de cette contrée , que constatent déjà les beaux produits de l’école d’horlogerie de Cluse, fondée par le gouvernement, sous la direction deM. Benoît, ainsi que quelques échantillons exposés par d’autres fabricants.
- Les produits chimiques sont peu abondants; mais leur pet tit nombre prouve néanmoins que les États sardes ne sont pas en arrière dans ce genre de fabrication.
- Les cuirs, les peaux vernies et cirées ainsi que les fourrures témoignent également de la bonté des méthodes suivies dans leurs préparations.
- La production et la conservation des substances alimentaires sont représentées par des échantillons, qui prouvent des soins intelligents, surtout dans le nettoyage du riz et la préparation des pâtes.
- Les vins d’Asti et de Caluso, dont la réputation est bien
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- méritée, ceux non moins célèbres de Vernaccia (île de Sardaigne) sont dignement représentés ainsi que les vins d’O-ranges récoltées sur les bords de la Méditerranée depuis Gènes jusqu’à Nice.
- Les nombreuses sources d’eaux thermales qui surgissent dans les États sardes, ne sont représentées que par la collection des eaux de la Savoie, envoyées.par la société médicale de Chambéry, et par celle des eaux de diverses sources exploitées par la société des sources minérales de Valdieri.
- Les échantillons d’ergotine, extraite du seigle ergoté, de M. Bonjean, prouvent que l’art des préparations pharmaceutiques est loin d’être négligé en Piémont.
- L’adoption que paraît avoir faite le gouvernementpiémontais, pour son artillerie, d’une lumière de canon facilement rem-plaçable, connue sous le nom de grain Mathîs, trouvera, nous l’espérons, sa sanction complète sur les champs de bataille de la Crimée.
- Les échantillons de marbre, naturels ou artificiels, ainsi que les ardoises, sont très-remarquables.
- La serrurerie est représentée par'des produits que distinguent leur précision et leur prix peu élevé.
- Les arts d’ornement sont brillamment représentés par un lustre magnifique en cristal de roche, exécuté par MM. Pansa frères, de Turin.
- Les produits des arts céramiques sont peu abondants , mais nous appellerons l’attention sur des briques réfractaires d’une très-bonne qualité.
- L’industrie cotonnière, aujourd’hui convenablement outillée, nous offre des échantillons de tissus blancs et teints de bonne qualité.
- La draperie n’a qu’un seul représentant dont les beaux échantillons et le prix modéré font regretter l’absence d’autres concurrents.
- La soie est la branche principale de la production piémon-taise, qui occupe un espace considérable où figurent les produits de trente-quatre exposants, ainsi qu’une collection commune à tous, offrant aux regards, dans toute leur simplicité, les conditions successives et diverses de cette précieuse matière.
- Les velours, dans les qualités supérieures, sont toujours, à
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- tous les titres, dignes de l’ancienne réputation du velours de Gènes, berceau de cette belle industrie.
- Les progrès contemporains se font également remarquer dans les échantillons des autres espèces de soieries, qui prouvent à quel degré d’avancement sont parvenus les nombreux fabricants du Piémont.
- Nous signalerons encore quelques beaux ouvrages de sculpture en bois et de marqueterie, des imitations de fruits d’une rare perfection, et quelques produits très-remarquables dans l’art typographique, la lithographie et la phothographie.
- GRAND-DUCHÉ DE TOSCANE.
- Annexe, section des produits, travées{6 à 18, C et D; palais principal, galeries; travées 1 à 4 de D à E.
- La Toscane, par les produits naturels et industriels qu’elle a présentés au grand concours de toutes les nations, paraît bien digne de la réputation dont elle jouit. L’industriel et le savant sont également intéressés à étudier son exposition, qui nous fait voir d’une manière assez complète ses grandes ressources naturelles et les efforts que l’on a déjà déployés pour en tirer un parti avantageux.
- Elle nous offre 199 exposants, parmi lesquels se distingue l’Institut technique de Florence, qui réunit à ses admirables collections les appareils scientifiques construits dans ses ateliers. Sa collection des produits du règne inorganique soigneusement classés d’après leur ordre stratigraphique et d’après leur utilité industrielle est une des plus riches qui figurent à l’Exposition et, peut-être, la seule qui présente une aussi belle ordonnance et tant de variété. On n’y voit point d’or ni de pierres précieuses, mais l’argent, le mercure, le cuivre, le fer, l’antimoine, le plomb, le manganèse, le chrome compensent assez de l’absence d'autres richesses moins immédiatement applicables. L’art de bâtir s’y trouve représenlé par les ciments, les pierres réfractaires, les pierres meulières, les granits et lès marbres dont la beauté n’a presque pas de rivales. Tous les arts y reconnaissent les calcaires saccha-roïdes, les serpentines, les agates, les jaspes, les pierres li-206 j
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- thographiques, les dépôts calcaires que certaines* sources abandonnent spontanément à la surface des corps, et les alabastrites blanches comme de la neige, faciles à travailler, qui offrent l’aspect des plus beaux marbres. La chimie voit avec bonheur dans cette longue série de minéraux le soufre et l’acide borique, l’alun et le sel gemme, le graphite et les plus belles ocres du mondé. La présence de nombreux spécimens d’anthracites, de lignites et de tourbes montre que le sol de la Toscane renferme de quoi alimenter les industries dont la chaleur est le principe d’activité. Mais les collections de l’Institut technique n’embrassent pas seulement les matières minérales ; les bois de toute espèce révèlent au visiteur de l’Exposition toüt ce que l’industrie peut tirer d’un sol naturellement favorisé par la nature.
- Les exposants particuliers ont joint, à cette réunion de minerais, des mines qui se trouvent en complète exploitation en Toscane et surtout ceux du fer provenant de l’ÎIe d’Elbe, ceux de cuivre de la mine de Montentini, ceux de plomb et d’argent de la mine du Botum, ceux d’antimoine de la mine de Mon-tini, les serpentines provenant des nouvelles carrières de M. Carpi de Pradt, dont MM. Visconti et Ilerenci et M. Scheggi ont profité pour sculpter les candélabres, les vases, la grande coupe.qu’on voit à l’Exposition, les produits des laguni bora-cifères de M. le comte Larderel et d’autres encore qu’il serait superflu de nommer.
- Une mine qu’il ne faut point négliger , quoiqu’elle ne soit pas encore exploitée très en grand , c’est celle de houille de Monte-Bamboli, dont MM. Meilland, Cuillon et Formigli, de Livourne, ont déjà commencé à livrer les produits aux usines et aux manufactures de la Toscane.
- Relativement au règne organique il ne faut pas oublier la collection de produits agricoles présentés par l’académie des géorgophiles et celle de produits forestiers de M. Siemoni, qui a même envoyé à l’Exposition des échantillons très-remarquables des bois des forêts royales du Casentino.
- Si des produits bruts on passe aux produits travaillés, on aperçoit immédiatement le fer de l’île d’Elbe utilisé à l’état de fonte brute dans la fonderie de Follonica, à l’état de fonte de deuxième fusion par MM. Benini et Michelagnoli de Florence; à l’état de fer en.barre, par M. le sénateur Fenzi, et
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- par la maison des pauvres de Florence; et à l’état d’acier qui peut mordre, sans s’ébrécher, sur le porphyre, par M, Tonti.
- Les instruments de jardinage, d’une construction nouvelle, qui sont présentés par M. Terhlio, les ciseaux et les couteaux de MM. Buffi et Curtucci, sont construits avec les aciers toscans. Un objet assez remarquable de fer repoussé a été présenté par M. Ignesti ; c’est un casque, tout d’une pièce , tiré d’une planche de la grandeur d’un demi-mètre carré. Le cuivre travaillé en vase par M. Brucci ; les belles serrures, quoique assez compliquées de M. Ciani, les mors, gourmettes, mousquetons, grappins de M. Beru, méritent une mention spéciale. MM. Jeffrey et Parkin, et M. Barry ont rendu un très-grand service à la Toscane en y construisant, dans les ateliers des chemins de fer Léopold et Maria-Antonia, une grande partie du matériel nécessaire à l’exploitation et à l’entretien de ces chemins de fer, et des machines, instruments, outils que jadis on réclamait de l’étranger.
- L’exposition toscane nous montre aussi la tendance agricole du pays par ses vins, ses huiles d’olives, de lentisque et de pignons; ses alcools de vin, d’asphodèle et d’arbousier représentent une très-grande richesse du sol. Les produits du règne animal ne le cèdent guère en importance et en beauté ; les laines, la soie, la cire et les crins sont en Toscane au moins aussi beaux que partout ailleurs. Puisque notre intention est de parler ici des,choses plus remarquables de l’exposition toscane, il nous est impossible de ne pas rappeler MM. Coati, Vyde, Gonnin, Nannucci, Musini, c’est-à-dire les représentants, de l’industrie des chapeaux de paille, qui est toute spéciale à la Toscane, et place ce pays au premier rang parmi ceux qui fabriquent des objets de luxe d’une rare perfection. M- Pelucini prépare des tissus très-recherchés en paille et crin , imitant parfaitement les tissus suisses.
- Les tissus de soie, de laine, de lin et de chanvre, sans être aussi parfaits que possible, promettent beaucoup pour L’avenir industriel du pays. MM. Jossi et Bruscoli, M. Linsi,. M. Jurentino, MM. Borgagniet Borgognini pour 1rs tissus eu soie, M. Padriddii pour ceux de colon, M. Ric;ci pour les draps „ M. Manetti pour les tissus mixtes de laine et coton,, et de coton: et soie méritent bien d’être nommés. Les toiles à voile et les câbles de M. Ferrigni sont au-dessus de tout éloge.
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- L'art du tanneur et du corroyeur ne sont pas restés en arrière ; et la sellerie et la botterie qui ont atteint une perfection assez remarquable savent maintenant utiliser les cuirs et les peaux du pays.
- La céramique et l’art de la verrerie ont pris en Toscane un développement considérable depuis quelques années. Non-seulement on y a perfectionné la fabrication des différents objets en terre cuite ordinaire, mais on a pu fabriquer des pierres d’une très-grande dimension et améliorer la nature et la couleur des couvertes. M. le marquis Ginori et M. Villorini ont envoyé à l’Exposition des poêles en terre cuite d’une forme très-élégante. La porcelaine travaillée autour, la porcelaine coulée, les tableauxdegrandedimension etlesfaïences de la fabrique de M. Ginori ne laissent rien à désirer comparativement aux produits des fabriques de France et de Saxe.
- Les objets exposés dans le palais de l’Industrie montrent encore que la Toscane a la gloire de ne point avoir d’émule dans plusieurs industries d’un mérite incontestable. Les mosaïques en pierres dures, connues sous le nom de mosaïques de Florence, surtout celles de la manufacture royale, sont d’un si haut mérite et d’une si grande richesse que peu d’objets résultant du travail de l’homme pourraient réunir autant de valeur et de beauté. Les ouvrages en serpentine et les grandes pièces en albâtre qui constituent un des plus jolis ornements du compartiment toscan dans le palais de l’Industrie sont aussi les seuls produits de ce genre. Les ouvrages en scagliola, la spécialité des bronzes d’art exibés par M. Papide Florence, parmi lesquels on admire des objets d’un travail assez singulier, et entre autres une plante où la nature se trouve réellement saisie sur le fait, sont de même des choses qu’on chercherait en vain ailleurs.
- Rappelons enfin, pour compléter ce tableau, les admirables faïences historiques imitées des anciennes faïences italiennes, faites dans la manufacture du marquis Ginori et envoyées à l’Exposition par M. Frippa ; les marqueteries sj admirées de M. Nolli ; les parquets en marqueterie de MM. Chaion et Estienne ; les sculptures en bois de MM. Rossi, Marin-ghi, Leoncini et Lombardi ; les fleurs en cire de Mme Borbo-tini, malgré les avaries qu’elles ont éprouvées dans le trans-
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- port , et les violons de M. Giovannetti qui luttent, dit-on, de: sonorité et de douceur avec les meilleurs instruments anciens de ce genre.
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- Annexe, rez-de-chaussée, travées 18 à 19, C etD. — Palais principal, galerie, travées 3 à 7 de B à D.
- Les produits dés États pontificaux n’occupent, dans l’Annexe , qu’un emplacement fort limité , mais plusieurs d’entre eux présentent un intérêt réel ; le beau bloc d’alun de roche , qui est essentiellement une production du sol romain, n’a plus aujourd’hui l’importance qu’il aurait eue encore au commencement de ce siècle: l’alun, comme on le sait, peut se fabriquer partout avec les argiles.
- Parmi les substances agricoles nous avons surtout remarqué la collection des bois exploités dans la province de Bologne, les pommes de pin de Ravenne, fruit du pinus pinea, dont les belles amandes sont recherchées dans la confiserie les plus beaux chanvres du monde envoyés par l’institut agricole de Ferrare, des graines de chanvre qui font l’objet d’exportations de quelque importance, du ricin, du riz, etc., etc. Le citrate de chaux qui-accompagne ces produits est obtenu directëment avec les oranges inutiles à la consommation. Les-gélatines, qui sont encore dans le palais principal, sont d’unei bonne préparation.
- Deux industries principalement figurent dans l’exposition' pontificale, celles des soies grèges et des mosaïques. Les soies exposées par M. Saluri et par M. Féoli ne le cèdent en rien aux plus belles soies des autres provinces. Les mosaïques de Galland sont d’une rare exécution ; un tableau du Forum romain dont les dimensions atteignent im,50 sur75 centimètres, et ces tables et guéridons , ornés de guirlandes de fleurs sur fond noir, montrent bien ce que l’on peut faire en ce genre. Les fleurs surtout sont admirées. Quant au mode de fabrication de ce que l’on appelle mosaïque miniature, le mot n’est pas déplacé pour plusieurs des mosaïques de Galland : on sait que la matière première se compose de marbres ou plus générale-: ment d’émaux en baguettes de diverses formes, colorées en
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- toute nuance ; on extrait de ces baguettes de petits prismes qui sont assemblés sur du ciment romain ; lorsque ce travail d’assemblage est terminé , il suffit de polir la surface pour faire apparaître les tons dans toute leur vivacité. La mosaïque, ainsi faite, est une peinture inaltérable qui est nécessairement d’un grand prix; le tableau principal ne vaut pas moins de 25 000 francs.
- Quant aux mosaïques des bijoux communs qui sont plus grossièrement assemblées sans doute, elles peuvent être vendues depuis \ franc jusqu’à 30 ; elles sont aussi remarquables au point de vue du bon marché . que les œuvres de Galland le sont au point de viie dé l’art.
- Les camées en pierres fines, de M. Michelini, sont aussi d’une perfection admirable : la sardoine, la cornaline, entre autres pierres dures , sont principalement employées par cet artiste avec une finesse de goût et d’exécution qui ne se trouve que dans quelques camées antiques. La Vénus de Milo, son plus grand sujet en pierre occidentale, est du prix de 6000 fr.
- Les marbres sculptés de Jacometti et de Pauliaca sont d’un beau travail ; la grande coupe en jaune de Sienne de cet exposant ne pourrait trouver une place convenable que dans un musée.
- Rome est plus adonnée à l’industrie qu’aux beaux-arts, les autres parties de son exposition témoignent encore de ce caractère national : voyez plutôt ce meuble en marqueterie qui peut être cité comme un modèle de travail, par M. Gutti; parmi les coraux, ce collier dont les chaînons entrelacés, sur une longueur de 25 centimètres, ont été détachés d’une même pièce, ces fleurs en cire, de M. Dies et de son élève, cette reproduction en bronze doré de la colonne Trajane , chef-d’œuvre de patience et de ciselure de M. Stragna, les photographies enfih dont quelques-unes sont bien réussies.
- Les cordes de boyaux de Rome sont estimées, et cette industrie se rattache encore aux beaux-arts; la préparation des stucs, les carrelages en poterie sont dans le même cas. Nous n’avons ailleurs à citer que quelques tissus, quelques papiers, et un instrument spécial de chirurgie dont il sera parlé plus loin. Le nombre des exposants ne s’élève pas à plus de soixante.
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- ROYAUME D’ESPAGNE.
- Annexe, section des produits, travées 16 à 18 , A et B. — Palais principal, galerie, travées 26 à 29 , B et D.
- L’Espagne ne compte pas moins de 500 exposants, sans y comprendre ceux de ses possessions d’outre-mer à la Havane et à Puerto-Rico. Ce nombre aurait pu être beaucoup plus considérable si l’appel fait par le gouvernement avait été mieux entendu, particulièrement en ce qui concerne les soies et soieries, les tissus de coton et les draps. Valence, qui est le centre principal de l’industrie séricicole, s’est absolument abstenue.
- Les machines surtout font défaut à l’exposition espagnole , quoique les procédés de la métallurgie soient depuis longtemps en usage dans un pays aussi richement doté en minéraux utiles.
- Nous avons vu dans l’exposition française de M. Boignues et Cie, un tuyau de conduite d'eau pour la ville de Madrid qui n’a pas moins de 92 centimètres de diamètre, et une notable partie de la canalisation dans laquelle ce tuyau doit prendre place, s’exécute cependant dans les usines du pays : mais le défaut d’outillage et d’expérience dans ces sortes de travaux permet à l’Angleterre de les livrer à pied d’œuvre à meilleur marché qu’ils ne seraient obtenus sur place.
- L’Espagne possède tous les éléments d’une industrie perfectionnée, mais l’obligation de faire venir de France ou d’Angleterre jusqu’aux moindres machines est un des caractères les plus frappants de l'industrie espagnole.
- La métallurgie se trouve représentée plutôt par des matières brutes que par des spécimens de fabrication : les dimensions des échantillons de fer espagnol indiquent jusqu’à un certain point combien on pourrait utiliser mieux ces richesses minérales.
- L’établissement d’artillerie de Travia figure cependant au nombre des exposants pour un canon du calibre de 32 et pour une machine à fabriquer les balles de fusil.
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- 4 H échantillons de houille, provenant pour la plupart des Asturies, permettent de croire que le combustible minéral est abondant dans cette contrée : le charbon est maigre et d’une grande densité, mais quelques morceaux de coke, particulièrement ceux du district d'Ollomigo, ne paraissent pas impropres aux usages métallurgiques.
- Plusieurs établissements ont envoyé des minerais de plomb, de cuivre, de zinc, de manganèse et d’argent, parmi lesquels il convient de distinguer particulièrement les plombs d’Almeria, l’argent natif de la province de Guadalaxara; la mine d’étain de Zamora, et surtout le cinabre de la compagnie minière Asturienne, sont d’un grand intérêt.
- Les métaux, à l’exception du plomb et du mercure, sont encore peu exploités ; le fer s’obtient habituellement par conversion directe du minerai ; on sait d’ailleurs qu’il présente toute la ténacité et toute la ductilité désirables.
- Le soufre de Murcie, le sel gemme de Cardona, les marbres de Ségovie, complètent la série des substances minérales.
- L’agriculture et l’art forestier doivent surtout aux établissements royaux de figurer convenablement à l'Exposition : La collection de l’école forestière de Yillavieiosa est fort sérieuse ; elle se compose de nombreux échantillons de bois, de charbons et cendres de bois, résines, écorces, spartes, etc.; les instruments de l’art forestier y figurent à côté des produits.
- Les lièges bruts et ouvrés, les huiles et produits résineux envoyés par d’autres établissements complètent admirablement cet ensemble, auquel on ne pourrait faire d’autre reproche que celui d’être composé d’échantillons trop petits pour être expérimentés.
- Les céréales, les lupins, les fèves, la garance sont au nombre des produits agricoles avec les fruits du caroubier, et les figues du cactus, qui croît spontanément en Espagne comme en Algérie, des amandes et des noisettes des meilleures variétés. L’arachide et le ricin se trouvent aussi parmi les produits exposés dans la collection de l’Institut agricole de Barcelone ; les huiles et surtout les vins si renommés de l’Espagne ne sont pas d’une moindre importance que les produits de même nature dans aucune autre partie de l’Exposition.
- Producteur autrefois des laines les plus fines, le royaume d’Espagne cherche à reprendre son ancien rang, et les trou-
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- peaux de la reine ont fourni des toisons de race saxonne acclimatée qui ne le cèdent point aux produits de la Saxe elle-même.
- Nous ne voyons, parmi les produits chimiques à citer, que quelques bougies stéariques et des cuirs, en faisant toutefois mention toute spéciale des maroquins de Madrid. Les produits céramiques, à l’exception des carreaux de faïence de Valence et de quelques pièces de verrerie, ne présentent aucun intérêt particulier, non plus que les articles d’ornements religieux et d’orfèvrerie; mais nous ne saurions trouver trop d’éloges pour les armes et autres objets en métal de MM. Zuloaga père et fils; les produits de ces habiles artistes suffiraient pour indemniser l’exposition espagnole des. lacunes que certaines industries laissent paraître; la ciselure sur fer, la da-masquinure, la gravure à l’eau-forte, non plus que l’art du repoussé, n’ont jamais eu des interprètes d’un plus.remarquable et plus varié talent. Un groupe d’oiseaux morts, ciselé dans la masse et un bouclier en fer repoussé sont dus plus particulièrement à M. Zuloaga fils, qui a fait également les cires de la plupart des autres pièces, parmi lesquelles il faut citer une couverture d’album en fer, damasquinée à l’intérieur, gravée à l’pau forte au dedans ; la beauté du travail ne permet pas que l’on critique la singularité de l’objet : l’album est néanmoins un peu lourd. Une boîte à pistolets, dont toutes les pièces ont été ciselées et damasquinées dans le style mauresque, et qui est destinée au général Narvaez, ne le cède en rien aux deux pièces capitales de celte exposition , une dague et un sabre dont les poignées sont de la plus belle exécution. Les figures, ciselées en ronde bosse, se détachent merveilleusement sur l’ensemble du travail, dont la damasquinure est tout à fait irréprochable : la gravure des lames et desfourreaux complète dignement ce travail.
- Les armes à feu, dans différents styles, témoignent encore des mêmes qualités chez ces artistes; mais l’un des fusils, tout à fait semblable pour le goût et l’exécution aux armes de luxe de l’industrie parisienne, nous a permis d’apprendre que MM. Zuloaga ont travaillé pendant quelque temps à Paris; ü est éminemment intéressant de voir ce que peut produire un artiste formé à l’école française, lorsque son talent a pu s’inspirer des besoins et des habitudes d’un peuple qui a conservé, dans plus d’une direction, son originalité première.
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- La fabrication des tissus n’a pas fait, au Palais de l’Industrie, les envois qu’elle aurait pu faire; nous avons déjà parlé de l’abstention presque complète de Valence; la province de Barcelone, la plus manufacturière du royaume, ne s’est fait représenter que par un petit nombre d’exposants ; néanmoins les soieries, particulièrement celles de M. Escuder, de Barcelone, suffisent pour assigner un rang supérieur à ces produits ; les crêpes de Chine brodés , de José Reig, sont également d’une excellente fabrication, ainsi que les chenilles de couleurs étagées de M. Font. La fabrication des blondes et des dentelles forme un des traits caractéristiques de l’industrie espagnole. M. Fiter est considéré comme le premier fabricant de ces élégants tissus ; ceux qui proviennent de la fabrication mécanique de M. Roldos méritent également l’attention.
- Les draps particuliers du pays, dits satins, parmi lesquels ceux de M. Casonova, les draps fins de la province de Barcelone, particulièrement^ MM. Gaily et de M. Triés à Turrusa, remarquables par la modicité des prix, donnent une juste idée de la fabrication espagnole. Les couvertures communes de Palencia, en laine dite Chuzza, forment un produit important qu’il ne faut apprécier qu’au point de vue du bon marché . les couleurs et le dessin ne pouvant sans doute être jugés favorablement.
- C’est aussi dans la Catalogne que l’industrie du coton est principalement concentrée ; elle compte 25 exposants, mais elle pourrait en fournir en bien plus grand nombre : les produits ressemblent d’ailleurs à tous les cotons imprimés.
- En dehors de ces branches principales de la fabrication espagnole, nous citerons encore quelques pianos assez ordinaires, un secrétaire et une psyché appartenant à la reine ; d’un beau travail de marqueterie, ces meubles ne sont pas d’un aspect irréprochable. Les gants de Madrid sont de qualité supérieure et d’un prix relativement favorable ; enfin les lithographies des principaux chefs-d’œuvre du musée de Madrid , témoignent de l’état d’avancement des arts de reproduction en Espagne.
- Les produits les plus intéressants de l’île de Puerto-Rico consistent en bois indigènes et en fils de bananier, de mugney, d’ananas ; parmi ceux de la Havane, les cigares occupent né-
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- cessairement la première place; mais il faut citer à côté d’eux une casquette en crin blanc, d’un charmant travail, et surtout les esterillas ou paillassons, qui sont d’un usage général dans les pays chauds.
- ROYAUME DE PORTUGAL.
- Annexe, section des produits, travées 18 et 19, A et B. — Palais principal, galerie, travées 23 et 26, B à B.
- L’exposition portugaise compte 441 exposants, représentés pour la plupart par des spécimens peu nombreux, dont les dimensions, particulièrement pour les produits naturels, laissent souvent à désirer. L’ensemble de cette exposition ne manque cependant pas d’intérêt, surtout pour les produits des nombreuses colonies portugaises. Le conseil des colonies à Lisbonne a bien voulu porter des soins tout particuliers au choix des échantillons destinés au grand concours de 1855; c’est à lui que nous sommes redevables des produits de la province d’Angola et de Benguela, dans l'Afrique occidentale, de la province des îles du cap Yert, de Bissao, Cacheo, et dépendances dans la Guinée, de la province des îles de Saint-Thomé et Principe dans le golfe de Guinée, de la province de Mozambique, Sofala et Rios de Senna, à l’est de l’Afrique, de la province de Goa, Damao et Duc, dans l’Inde portugaise, et de la province de Macao, Solor et Timor, en Chine et dans l’Océanie.
- Quelques exposants sont venus aussi représenter l’archipel des Açores, et la province des îles de Madère et de Porto-Santo.
- L'industrie a encore peu de place dans l’exposition de la métropole, surtout dans celles des colonies. Les citations qui viennent d’être faites annoncent suffisamment une grande variété de produits agricoles, parmi lesquels les céréales,; les huiles d’olives et les vins, ont une importance prépondérante.
- Les blés tendres et les blés durs, les orges, le riz, le maïs, dénotent une production agricole des plus riches ; le Portugal,
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- en effet,, suffit à sa consommation sous ce rapport; soixante échantillons d’huiles d’olives, envoyés par vingt producteurs différents; soixante-cinq exposants de vins de diverses provenances, suffisent pour caractériser ces deux produits principaux; les seuls vins de Porto alimentent un grand commerce d’exportation, principalement avec l’Angleterre; ceux de l’Estrémadure, assez semblables à notre bordeaux, sont peu connus; les muscats mousseux, cependant, seraient surtout appréciés avec faveur; les liqueurs et les fruits confits sont aussi très-remarquables.
- Le miel et le carthame, les cuirs forts de Porto, les conserves de porc salé d’Evoror, les sucres raffinés de* Lisbonne, figurent encore parmi les produits importants de la péninsule portugaise. Les cigares fabriqués avec les tabacs du Brésil et les bois de l’île de Madère, fournissent à l’industrie manufacturière un contingent précieux.
- Un modèle de pressoir et quelques grands vases de poterie qui portent dans le pays le nom de Talha, témoignent heureusement des procédés qui se sont perpétués en Portugal, pour la préparation et la conservation de ses vins spiritueux. Les produits de l’agave sont intéressants, cette plante pouvant être utilisée pour ses fibres textiles, dont la finesse leur a fait donner le nom de soie végétale; elle sert aussi à la fabrication du papier et à la confection d’ouvrages en vannerie fort curieux. Le suif végétal de Mafarra est aussi une substance sur laquelle il est bon d’appeler l’attention publique. Une belle collection de bois et de lièges offre, dans l’exposition portugaise, d’autant plus d’intérêt que les bois de construction n’ont pas été oubliés à côté des bois d’ébénis-terie.
- Les marbres du Portugal, particulièrement le rose, les pou-dingues de même couleur, le jaune de Sienne qu’on ne trouve plus nulle part ailleurs, le jaune et le vert antiques, figurent avec distinction parmi les produits de la marbrerie. Un bel échantillon de malachite est placé parmi les produits minéraux de l’Annexe.
- Le combustible minéral, découvert en 1851, et qui es? exposé par deuxindustriels, M. Croft et M. Lacorda, pourra donner quelque essor aux exploitations métallurgiques. M.Braga, de Lisbonne, figure auprès de ces échantillons de houille et de
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- lignite, pour quelques spécimens de minerais d’étain, nouvellement reconnus.
- Les porcelaines de M. Pinto Basto, unies et décorées, sont d’un prix qui serait encore digne d’intérêt si l’exécution en était moins parfaite. Les essais de grandes pièces laissent encore beaucoup à désirer, mais les statuettes sont en général bien réussies. Les poteries noires de M. Damazio sont intéressantes par leur légèreté spécifique et leur bas prix. L’appareil de Woolf, qui accompagne dans le Palais quelques poteries, est assurément d’une très-bonne fabrication. La fabrique de plombs de chasse de M. Cardozo a quelque importance ; les fontes de fer, pour usages domestiques, de MM. Furia et Damazio, leurs sièges en métal, peuvent être considérés comme point de départ dans l’emploi industriel des métaux ordinaires. La sellerie, la construction des instruments chirurgicaux, sont plus avancés ; les statuettes en filigrane d’argent, de Ribeiro, sont moins intéressantes par le dessin que par le travail, mais les pierres montées de M. Pinto é Souza, sont de tous points irréprochables.
- Bien que les laines du Portugal ne figurent point en nature à l’Exposition, la fabrication des draps est considérable. Les draps fins de MM. Larcher et Neveux, qui fabriquent eux-mêmes leurs peignes et leurs cardes, sont en grande réputation ; les draps de troupe à 2 fr. 50 c. le mètre, sont confectionnés avec les laines du pays. La petite ville de Covilha se consacre spécialement à la draperie. La compagnie de Torres Novas s’occupe particulièrement des toiles à voile et des coutils; la compagnie lisbonnaise de filature et de lissage emploie mille ouvriers et quatre-vingts chevaux de force, à la fabrication des tissus de coton, qui sont, pour la plupart, introduits par contrebande en Espagne. Bragance est le principal centre de la production séricicole, qui est habilement mise en œuvre à Lisbonne et à Porto. Les dentelles communes font l’objet d’une grande consommation ; les cordages de tous genres, particulièrement ceux fabriqués avec les fibres du phormium tenax, occupent à l’Exposition une place intéressante.
- Les bouquets en moelle de figuier, imitant l’ivoire, sont les spécimens d’une industrie toute spéciale; il en est de même des boîtes à fil décorées, qui ont une certaine vogue. Les gants
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- en peau de chèvre, bien fabriqués, à bas prix, quelques meubles en marqueterie, d’un travail ordinaire, un très-beau guéridon de marbre; enfin, de beaux spécimens d’impression, obtenus sur composition en filets de zinc, complètent l’énumér ration des objets qu’il nous a été donné de remarquer plus attentivement dans l’exposition du Portugal.
- CONTRÉES ORIENTALES.
- De l’Italie jusqu’à la Chine, le monde a changé d’aspect. La civilisation européenne est remplacée par la poésie vague de ces pays tant vantés de l’Orient dont les misères, moins connues, ne sont pas moins réelles que les nôtres. Ce que nous nommons le progrès est inconnu chez ces peuples, primitifs encore , chez lesquels la masse travaille pour un seul, tandis que tous nos efforts, au contraire, tendent à diriger notre production toujours croissante vers les besoins de ces mêmes masses, qui ne consomment que pour produire davantage. La Grèce et la Turquie marquent la route de l’Inde.
- GRÈCE.
- Annexe, section des produits ; travées 20 à 21, A et B. — Palais principal, galerie, travées 2 à 5, de E à F.
- La Grèce moderne est une nation de fraîche date qui n’a pas encore créé d’industrie caractérisée : au point de vue industriel , la Grèce est ce quelle était autrefois, elle n’a aucune originalité qui la distingue des autres contrées' de l’Orient.
- Ses produits naturels, qu’il faut chercher en quatre points différents dans la galerie et au rez-de-chaussée, ont cependant une certaine importance : les marbres en forment, dans l’Annexe, la partie la plus considérable. Le marbre blanc de Paros, le marbre rouge de Mantinée, le pentélique, etc., se présentent avec cette transparence nacrée ou ces belles teintes brunes qui les ont fait rechercher de tout temps. Les ciments
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- volcaniques de Santorin , cette île sortie des ondes sous les yeux de l’homme, ont des propriétés remarquables ; le soufre de Naxos, plusieurs échantillons de pierres meulières et quelques pierres lithographiques représentent suffisamment les richesses minérales de la presqu’île grecque.
- Le miel du mont Hymettus, les raisins de Corinthe et d’Élide, deux espèces bien distinctes, les céréales, le colza nouvellement introduit en Grèce, le tabac et les cigarettes d’Athènes, constituent, avec les huiles d’olives et surtout les fameux vins de Malvoisie, un assez bel ensemble de productions végétales. Les peaux tannées viennent du Brésil et sont seulement préparées en Grèce ; mais les éponges et les soies sont bien des produits nationaux. Les éponges d’Argolide sont les plus grandes qu’on puisse voir ; les soies sont belles et la filature d’Athènes est une des plus importantes parmi celles des pays séricicoles.
- Les produits manufacturiers sont peu nombreux : quelques chaussures en maroquin , mais surtout une collection extrêmement complète de vêtements, sont là pour nous faire connaître comment s’habillent, au xixe siècle, les arrière-petits-neveux de Léonidas et de Périclès ; les gazes de soie, d’une incomparable légèreté, sont bien celles que portait la fiancée d’Abydos ; ces vestes brodées d’or, ces armes ciselées sont celles de Giaour. Byron a éclairé la Grèce du reflet de son génie; on ne la voit qu’à travers le prisme séduisant de ses brillantes descriptions.
- Les monuments se sont encore mieux conservés que le costume national, et les photographies que l’Exposition nous offre nous dédommagent amplement des lacunes nombreuses que nous pourrions signaler. Un manuscrit, le Bouquet classique d’Athènes, réunit, à des vues bien faites, des indications bibliographiques étendues et l’herbier moderne des végétaux qui s’élèvent sur les ruines de l’art antique. L’imprimerie et la gravure sur bois témoignent seules de la culture des arts à Athènes.
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- TURQUIE.
- Annexe, section des produits ; travées 19 à 20, de A à B. — Palais principal, galerie; travées 1 à 5, de G à H.
- L’empire ottoman , dont le sort préoccupe si vivement les États européens, a senti, malgré les soins de toutes sortes qui viennent l’assaillir, qu’il devait répondre à l’appel de la France, sa plus ancienne et plus constante alliée.
- Toutes les provinces de l’empire ottoman ont envoyé leurs produits qui sont disposés dans d’élégantes vitrines.
- Les produits naturels de l’Annexe présentent de l’intérêt; ceux de la Turquie d'Europe sont de beaucoup les plus abondants; l’Asie Mineure n’apparaît que de loin en loin, l’activité industrielle de ces grandes civilisations, dont l’histoire a conservé le souvenir, a complètement disparu ; quelques Bédouins pillards, chassant devant eux de maigres troupeaux, parcourent le sol classique où s’élevaient Ninive et Babylone. où ont vécu Sémiramis et Alexandre.
- Une belle collection d'huiles et quelques savons , des matières textiles, chanvre, lin et coton, du pavot, du sumac, du tabac, ce tabac jaune et parfumé si agréable dans les tchibouks et les narghilés; de belles laines de la Valachie, des fourrures, des plumes d’autruche, du maroquin que nous importions il y a soixante ans et que nous laissons loin derrière nous maintenant ; tels sont les produits les plus intéressants classés dans l’Annexe.
- Ajoutons-y cependant une collection complète de matières médicales offertes à l’École de pharmacie de Paris par M. Délia Sudda, pharmacien en chef de l’armée ottomane.
- Nous remarquons des cocons énormes de la race de vers à soie, créée par M. Dalgue Mourgue d’après son système dë croisement des races. Puis des étoffes imprimées sorties de la manufacture impériale ; des tapis d’un bleu foncé avec bordure d’ornements blancs ou rouges détachés par un filet blanc, en un mot, comme dans l’Inde, en Égypte et à Tunis, des couleurs franches, primitives, qui s’harmonisent parfai-
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- PALAIS DE L INDUSTRIE (ANNEXE).
- Rez-de-Chaussée (Du. milieu, de I allée d'Anlin à la place de la Concorde).
- Rez - de-CiiaiLs sée.( Dii pont de l'Alma, au milieu de l'allée dAnlin)
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- Chaudières à Vapeur etHeservcrirs d’eau.
- (Paieries .(Duimlieu de l'allée d.'Antm à la place delà Coucorde ).
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- tement avec la vigueur de ton de la nature de ces climats orientaux.
- Nous voyons aussi de belles étoffes de soie, rouges ou blanches, lamées d’or et d’argent, légères et transparentes, qui décèlent une fabrication assez avancée.
- Des instruments de musique de toutes sortes, des armes damasquinées et une profusion de tuyaux de pipes, décorés en or, en argent, en nacre et paille, des tasses à café dans des porte-tasses en filigranes d’argent, et de petites tables en ébène avec incrustations de nacre et d’argent, sur lesquelles les femmes turques, assises sur ces beaux tapis que nous avons vus, prennent leur café, sont les objets les plus originaux de ce peuple, conquérant si vite abâtardi, qui faisait trembler l’Europe il y a deux cents ans et qu’on est obligé de défendre maintenant.
- Feti Hannet a envoyé des produits très-remarquables, comme forme , de sa fabrique de porcelaines d’Indjer-Kene.
- Nous avons remarqué des portraits photographiés d’Omer-Pacha et de ses aides de camp , et la photographie d’un monument projeté par M. Bilezikdji, architecte, en mémoire de la promulgation du tanzimat et de l’alliance de la France, de l’Angleterre et de la Turquie.
- Nous ne devons pas sortir du quartier oriental du Palais de l’Industrie , sans féliciter l’architecte qui a su si bien harmo-nier la décoration des vitrines avec les pays dont elle devaient renfermer les produits.
- Toutes ces expositions orientales sont uniquement composées d’objets de luxe; ces nations se personnifient encore dans une classe riche et supérieure par la naissance; la masse du peuple disparaît; on ne travaille pas pour lui, ou ce qu’on fait ne vaut pas la peine d’être montré.
- ÉGYPTE.
- Palais principal, galerie; travées 1 à 4, de I à J.
- Depuis la conquête que nous en avons faite à la fin du siècle dernier, l’Égypte a déjà fait des pas sensibles dans la voie du progrès; l’élan que lui avait imprimé le contact de
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- notre civilisation active , continué par Méhemet-Ali, l’ont déjà placé bien en avant des autres États mahométans, et le percement de l’isthme de Suez que l’on va entreprendre pourra la. relever complètement et faire renaître une splendeur éclipsée depuis tant de siècles. Les écoles militaires, fondées à l’imitation de nos écoles françaises, semblent avoir apporté un certain mouvement scientifique, si nous en jugeons par une collection de livres assez complète sur la géométrie, l’art nautique, etc.
- La fécondité de l’Égypte est proverbiale, aussi son exposition de produits naturels est-elle très-remarquable : blé , maïs, riz, se reproduisant indéfiniment avec les inondations fécondantes du Nil ; de l’indigo, des gommes, des dattes, de la cochenille, du soufre, du marbre magnifique et ce granité dont sont sortis tant de monuments gigantesques, sont les-principaux produits végétaux et minéraux du sol égyptien.
- Les objets fabriqués ont le même caractère que ceux de’ Turquie, étoffes de soie et de laine rayées d’or, pipes, armes, selles de velours rehaussées de broderies, présentent toujours cette même richesse de la race conquérante, accompagnée de la misère la plus complète de la race vaincue, plus malheureuse ici que dans les autres États orientaux.
- Ce qui manque à cette exposition , c’est un caractère spécial ; on eût changé les écriteaux et mis Turquie à la place d’Égypte, que tout le monde s’y serait trompé.
- L’Egypte n’est-elle donc plus qu’une province turque, ne-reste-t-il plus rien de ces trésors de science d’Alexandrie ; depuis Sésostris, le grand conquérant des âges héroïques, jusqu’à Cléopâtre, ce type, toujours jeune de grâce et de volupté j tout a-t-il disparu? Il faut le croire, tant de peuples ont passé sur ce pays sans cesse dévasté ! Le sabre des Arabes a commencé la destruction, puis celui des Turcs est venu l’achever ; leur despotisme brutal- a tué toute résistance, et les malheureux fellahs ne savent plus rien de leurs splendeurs passées; plus misérables que leurs aïeux, ils n’élèvent même pas, au prix de leur sang, ces pyramides gigantesques pour dire aux âges futurs leur souffrance et leur martyre.
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- TUNIS.
- Palais principal, galerie; travées 1 à 4, de H à I.
- L’exposition de la régence de Tunis est riche en vêtements de toutes sortes ; burnous en laine blanche avec ornements d’or, tuniques, pantalons larges, manteaux, calottes du pays et babouches en velours; ces costumes des grands dignitaires sont tout couverts de broderies d’or et d’argent, afin de frapper l’imagination du peuple.
- Nous avons remarqué une selle en velours rouge couverte de broderies d’or et d’argent formant de jolis entrelacs arabes, avec des glands en or, qui donnent à cette selle un caractère bien oriental.
- Des brûle-parfums, des bracelets en or émaillé et ciselé sont d’un style bien original.
- En un mot l’exposition de Tunis est très-brillante, dans le petit nombre des produits envoyés.
- ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE.
- Annexe , section des produits; travées 13 à 14, de C à D.-^Indexe', section des machines; tracées 143 à 144, de A à D. — Palais principal, rez-de-chaussée; travées 15àl8,deHàL.
- On est cruellement désappointé quand, arrivé au pavillori qui indique les galeries de TUnion , on rencontre à peiné quelques échantillons de coton, quelques machines et divers objets de caoutchoué; qui n’aurait cru que ce peuple américain , qui semble dvoir atrophié toute la partie artistique de la nature humaine poilr se concentrer dans l’agriculture, l’industrie et le commerce, qui aurait cru que cette nation, qui doit tant à la France, qui l’a aidée de son épée et de son argent dans la guerre de l’indépendance, qui aurait cru qu’elle reculerait devant le grand concours de 4 865 !
- Le peu de sticcès de l’exposition de New-York, des malentendus entre le gouvernement central, ceux des différents
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- États qui constituent l'Union et les exposants eux-mèmes, ont contribué à faire manquer l’exposition des États-Unis; ce sont des excuses, en effet, mais qui ne détruisent pas le mauvais effet produit.
- Les États-Unis d’Amérique occupent un territoire énorme, presque aussi grand que l’Europe, et qui présente les climats les plus variés; la population va se doublant en vingt-cinq ans; les émigrations si fréquentes de l’Europe entrent pour une part considérable dans cet accroissement rapide, et les causes qui poussent à cette émigration existant toujours , il est probable qu’elle se continuera encore longtemps. Si la population continue la marche qu’elle suit eu ce moment, avant la fin du siècle les États-Unis auront une population de 100 millions d’habitants.
- Quelle puissance n’aura donc pas alors cette masse énorme douée de cette activité fébrile, de ce besoin de travail, de cet amour de création qui distingue les premiers pas d’une grande nation ; ce peuple né il y a cinquante ans , qui a plus de chemins de fer, plus de canaux que l’Angleterre, qui possède autant de vaisseaux qu’elle et qui, placé sur un sol fécond , inépuisable , peut en faire sortir toutes les richesses : du fer, de l’or, de la houille, dubois, du coton, du sucre ; un peuple sans armée et qui a su vaincre les troupes anglaises, qui avaient lutté contre Napoléon, qui a su se créer une marine militaire aussi rapidement qu’il fait toutes choses, et sur laquelle il peut entretenir 4 20 000 des meilleurs marins du monde.
- L’Espagne possédait la Californie depuis trois cents ans, le Mexique depuis quarante, ils n’y avaient rien fait ; ce territoire fut cédé aux États-Unis en 1848. Maintenant San-Fran-cisco fait un commerce plus grand que la Nouvelle-Orléans, et qui pourra prochainement atteindre celui de New-York.
- Orgueilleux, croyant le monde fait pour eux et capables de se donner raison d’une hardiesse qui va jusqu’à la témérité dans leurs luttes contre la nature ou contre les hommes, tenant haut et ferme leur drapeau libéral, froidement vertueux, étroitement dévots, les Américains, extrêmement habiles dans les affaires commerciales, y apportent la persévérance qui fait le succès.
- Pleins de respect pour les femmes ou plutôt ne s’occupant pas d’elles, ils vivent plus avec leur tête qu'avec le cœur ; les États
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- du Nord détruisent les Peaux rouges qui les gênent, tandis que les États du Midi conservent l’esclavage qui leur est utile.
- Deux mots peignent complètement l’amour effréné du travail et de la production qui distingue les Anglo-Américains. Forward, en avant, vaincre les obstacles, triompher de toute résistance, arriver vite, au risque rie sauter en route, peu importe, en avant! Make money, produire une richesse, créer une entreprise nouvelle, être riche pour être puissant ; de là ces faillites si fréquentes aux États-Unis et qui passent inaperçues ; ceux qui sont ruinés ne s’amusent pas à plaider, ils se mettent au travail et bientôt retrouvent une nouvelle fortune. Cet esprit de spéculation se traduit même dans le langage; au lieu de : Je pense, les Américains disent : Je calcule.
- Les Américains sont essentiellement commerçants et agriculteurs. Les importations s’élèvent de 180 à 200 millions de dollards par an (le dollard vaut à peu près 5 francs). Les exportations de produits nationaux ont été, en 1851, d’environ 180 millions, et celles des produits étrangers de 15 millions. Les principaux articles d’exportation sont les suivants :
- Cotons..........................
- Farine, blé, maïs...............
- Bœuf, porc, lard, produits animaux............................
- Tabac ..........................
- Bois de construction, produits
- des forêts. .................
- Produits de la mer, huile de baleine ........................
- 65 à 100 000 000 dollards. 30 000 000
- 13 000 000 8 000 000
- 7 000 000
- 2 500 00Q
- Le tonnage complet des États-Unis est de 3 535 454 tonneaux; c’est plus qu’en aucun autre pays, si l’on en excepte la Grande-Bretagne. On a construit, en 1850, aux États-Unis, 1360 navires; le nombre entier des navires parés dans les ports de TUriion était, en 1850, de 18195.
- Les États de la Nouvelle-Angleterre, dont le sol est moins fertile que dans les États du Sud, le climat moins favorable, sont plus essentiellement manufacturiers ; ce sont eux qui travaillent pour l’Union les étoffes de coton et de laine, les cuirs, les métaux, etc.
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- Au Sud, au contraire, s’étend la culture du coton, la grande richesse de l’Union, l’élément le plus énergique de sa puissance, avec lequel elle tient entre ses mains les États européens, l’Angleterre surtout.
- Au coton, au tabac, il faut joindre les céréales que les Américains produisent en quantités considérables; le maïs, entre autres, qu’importe maintenant l’Angleterre, soit pour le consommer en nature, soit pour le transformer en boissons fermentées (wisky); la Californie commence à planter des vignes , dont les produits pourront faire un jour une concurrence redoutable aux vins français, portugais et espagnols; enfin, les richesses minérales des États de l’ouest et du nord, l’or de la Californie, le cuivre et le fer du lac Supérieur, entrent encore pour une part notable dans les exportations des Anglo-Américains.
- Que pourra nous enseigner leur exposition? Nous trouvons quelques échantillons de coton et pas de tissus fabriqués; on croit généralement que les Américains ont eu raison de s’abstenir pour ce dernier produit; quelques objets de bos-sellerie, bien fabriqués et .assez élégants, en bois de cèdre blanc et rouge entremêlés ; quelques livres, quelques épreuves daguerriennes, enfin une immense quantité d’objets en caoutchouc durci exposés par M. Goodyear qui, au reste, possède également une vitrine dans nos produits français.- -
- L’exposition américaine ne peut rien nous apprendre; l’Union est habitée par un grand peuple, tout le monde le sait, mais il faut le savoir, car l’Exposition tendrait à prouver le contraire.
- Quelques objets cependant viennent témoigner de l’état d’avancement auquel sont parvenus les arts chez ce peuple.
- Les balances et les poids étalons , qui ont été donnés-par le congrès à notre Conservatoire des arts et métiers, et qui lui ont été remis parM. Vattemare, sont d’une exécution tout à fait remarquable. Une des balances, entre autres, ne saurait être mieux faite ni par Deleuil ni par Bianchi.
- Dans les machines, l’exposition américaine reprend toute son originalité : la machine à vapeur chronomètre ; à double cylindre oscillant, de MM. Tousley et Keed, fera époque dans l’art.des constructions mécaniques ; le découpoir circulaire, de M. Thompson, est un nouvel outil,.d’un très-bon usage,
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- malgré la négligence de l’exécution ; la machine à réduire la ronde bosse;, de M. Blanchard, exécute devant le public son travail d’une manière irréprochable.
- Une machine très-ingénieuse pour faire les sacs de papier, une autre pour travailler le bois, de M. Moore, dénotent la tendance générale en Amérique de tout faire aveclesmachines.
- Nous ne parlons ni des machines à coudre ni des fameux revolvers., ces armes qui peuvent tirer dix fois sans discontinuer. Les uns et les autres sont d’invention américaine ; ce peuple, en tout, veut économiser le temps.
- MEXIQUE.
- Palais principal, galerie; travées 16 à 17, de KàL.
- De tous les États américains peuplés par les Espagnols, le Mexique est le seul qui ait une exposition de quelque im-portance. Toute proportion gardée, elle est certainement plus complète que celle des États-Unis.
- Indépendant seulement depuis une cinquantaine d’années, sans cesse tourmenté par la guerre civile, mal dirigé, assez imprudent pour s’attaquer successivement à la France et aux États-Unis, le Mexique est loin d’avoir atteint le développement dont il est susceptible. La richesse de ses mines d’argent, la fertilité de son sol qui produit abondamment une foule de produits recherchés en Europe, pourraient cependant lui assigner une belle place parmi les États américains; malheureusement le Mexique a dans l’Union un voisin ambitieux, peu scrupuleux sur le choix des moyens, qui semble vouloir prendre partout ce qui lui convient, sans se soucier autrement du droit des gens ; voisin qui lui a déjà ravi le Texas et la Californie, et qui probablement ne s’arrêtera pas dans cette voie de conquête. Si les Mexicains tiennent à leur indépendance, qu’ils soient forts en devenant unis, qu’ils recherchent l’alliance des grands États européens qui, seuls, seraient capables de les défendre contre l’envahissement des Anglo-Américains.
- Tous les voyageurs qui ont parcouru lé Mexique s’accordent sur le manque de voies de communication ; leur absence est assez complète pour paralyser une partie des transactions
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- commerciales. Il y a certainement une fraction importante de la minime population mexicaine qui passe sa vie entière à conduire les mulets chargés des transports.
- t)e l’argent natif, de l’argent antimonio-sulfuré se trouvent en abondance dans les mines du Mexique, les plus riches du monde; elles fournissent annuellement environ 537 000 kilogrammes d’argent, 112 millions de francs; l’or y est moins abondant, les gisements ne produisent guère que k à 5 millions de francs; le mercure qu’on emploie pour l’amalgamation, existe également au Mexique; du fer, de la houille, du cuivre complètent les richesses minérales de cette contrée privilégiée.
- De la soie brute et travaillée, des matières textiles, du maïs et les autres céréales, des huiles de plusieurs espèces différentes, du cacao, du café, de la cannelle, du coton qui pourrait devenir pour le Mexique une source inépuisable de richesses, comme il l’est devenu pour la Louisiane, de l'indigo, des bois de teinture les plus variés, de la cochenille, du tabac, tels sont les échantillons les plus intéressants des produits végétaux du Mexique.
- Les produits fabriqués n’ont pas un caractère bien spécial. Ce sont des imitations plus ou moins parfaites de ce qu’on fait habituellement en Europe ; quelques vases cependant sur lesquels resplendissent des viva Francia ont un cachet assez national ; on reconnaît dans leur forme un peu bizarre, dans les dessins qui les reèouvrent, les traces de celte ancienne civilisation mexicaine si cruellement détruite par .les Espagnols ; des articles de harnachement ont aussi une grande originalité ; les larges étriers damasquinés d’argent, les éperons à mollettes énormes bien ciselés sont un des luxes du peuple mexicain, essentiellement cavalier.
- Ajoutons enfin plusieurs livres do l’imprimerie établie à Mexico par M. Decaen, et qui ressemblent plus aux livrés anglais qu’aux nôtres. , :
- Qu’adviendra-t-il du Mexique? On ne le sait. Cependant l’intérêt qu’il semble avoir apporté à l’exposition de 1855 prouve qu’il commence à comprendre qu’un pays, tout en conservant une sage liberté, doit se préoccuper avant tout de la production matérielle, que le temps des discussions et des agitations stériles est passé, que le travail est désormais la seule voie ouverte à l’humanité.
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- La république de Guatemala est placée à l’Exposition combVo en Amérique, à côté du Mexique; son exposition, un peu tardive, est intéressante cependant; elle nous offre une belle collection de sa faune ailée , de ces oiseaux aux couleurs éclatantes qui animent la belle végétation tropicale. Du maïs, du bois de teinture, du tabac, quelques étoffes, des hamacs, tels sont les principaux produits que nous envoie ce petit État.
- AMÉRIQUE DU SUD.
- Annexe, section des produits; travées 12 à 13, dè A à B. •
- A part la magnifique exposition do la Guyane anglaise, l’Amérique du Sud s’est peu préoccupée de l’appel de la France. Le Brésil n’a rien pour ainsi dire; celte immense contrée, magnifiquement douée de tous les avantages naturels, d’une végétation splendide, la plus riche du globe peut-être, de bestiaux innombrables, de mines qui fournissent de l’or, des diamants, de l’argent, du platine, du fer ; ce dernier, si abondant dans la province des mines, qu’il pourra un jour approvisionner pendant de longues années le monde entier ; de tout cela le Brésil ne tire encore qu’un bien médiocre parti. Serait-il donc vrai que l’homme n’arrive à produire que lorsqu’il y est forcé par son contact avec une nature avare, qui ne le nourrit,que lorsqu’elle est sans cesse sollicitée par le travail, et qu’au contraire, quand elle se pare de toute sa beauté, quand elle lui offre abondance et variété, il se repose sur elle du soin de son existence, et tombe dans l’inaction ? L’histoire du genre humain tend à le prouver : la France, l’Angleterre, la Russie sont autrement puissantes^ avancées, industrieuses, que la molle Espagne et tous les États qu’elle a peuplés dans les deux Amériques.
- Quoi qu’il en soit, le Brésil est bien jeune encore, et on peut espérer son réveil ; outre les produits de ses mines qui seraient une richesse de premier ordre, si l’exploitation était habilement conduite, s’il existait des voies de communication, ce grand empire aura encore deux sources inépuisables de prospérité : ses bestiaux qu'il serait bien facile d’améliorer, ou du moins de mettre en état, si on résout le grand problème
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- de la conservation des viandes dont tant d’esprits se préoccupent maintenant ; enfin ses bois, ses bois de teinture, qui ont été depuis la découverte, et qui sont encore maintenant, les produits de son sol les plus recherchés.
- Le sucre, le café, le cacao, le tabac, les quinquinas, tels sont les denrées que le Brésil exporte et qu’il pourrait exporter en quantités infiniment plus considérables. Notre commerce avec le Brésil est, au reste, assez important, bien qu’il soit inférieur à celui des Anglais; nous portons dans cette partie de l’Amérique du Sud des toiles fines, des étoffes de soie, de la bonneterie, de la parfumerie, des objets de mode et de fantaisie, des livres enfin dont nous avons le monopole exclusif. Cette absorption de toutes les littératures par la littérature française est un fait assez curieux ; en Espagne, en Amérique, en Angleterre même, les journaux publient des traductions de nos romans, et les théâtres des pièces imitées des nôtres ; Paris est bien décidément l’Athènes du monde moderne, le grand producteur littéraire et artistique qui travaille pour le monde entier.
- L’exposition de la Nouvelle-Grenade est un peu plus complète que celle du Brésil; comme matières premières, nous avons remarqué de la nacre, des écailles, différentes espèces de quinquina, de la vanille, du café ; quelques échantillons de galène et quelques minerais de cuivre sont les seuls produits minéraux que nous envoie cet État.
- Parmi les objets fabriqués se placent en première ligne ces fameux tissus de paille connus dans le monde entier; les chapeaux de Panama, les étuis à cigares sont tressés avec une finesse et une légèreté qui expliquent les prix élevés auxquels ils arrivent sur les marchés européens.
- Le Paraguay, si longtemps fermé aux étrangers, semble vouloir maintenant lier quelques relations avec les États européens. Au-dessous de son drapeau et de son écusson, sur lequel on voit un lion formidable, on rencontre des produits végétaux assez variés, plusieurs substances médicinales (salsepareille, séné, etc.), du tabac et du coton.
- La Bolivie, le Pérou, le Chili sont complètement absents; de Buenos-Aires, nous avons reçu une collection assez complète de minerais.
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- EXAMEN COMPARATIF
- DES PRODUITS
- DANS L’ORDRE DE LA CLASSIFICATION OFFICIELLE
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- SYSTÈME DE CLASSIFICATION.
- rr Groupe : Industries ayant pour objet principal l'extraction ou la production des matières brutes. — lr0 classe : Art des raines et métallurgie. — 2e classe : Art forestier, chasse, pêche et récoltes des produits obtenus sans culture. — 3e classe : Agriculture, y compris toutes les cultures de végétaux et d’animaux.
- 2e Groupe : Industries ayant spécialement pour objet l'emploi des forces mécaniques — 4" classe : Mécanique Générale appliquée à l’industrie. — 5e classe : Mécanique spéciale et matériel des chemins de fer et des autres modes de transport. — 6e classe : Mécanique spéciale et matériel des alehers industriels. — Ie classe. Mécanique spéciale et matériel des manufactures de tissus.
- S" Groupe : Industries spécialement fondées sur l’emploi des agents physiques et chimiques, ou se rattachant aux sciences et à l'enseignement. — 8e classe : Arts de précision, industries se rattachant aux sciences et à l’enseignement. — 9e classe : Industries concernant l’emploi économique de la chaleur, de la lumière et de l’électricité. — 10° classe : Arts chimiques, teintures et impressions, industries des papiers, des peaux, du caoutchouc, etc. — 11' classe : Préparation et conservation des substances alimentaires.
- 4* Groupe : Industries se rattachant spécialement aux professions savantes. — 12e classe : Hygiène, pharmacie, médecine et chirurgie.—13' classe : Marine et art militaire. — 14' classe : Constructions civiles.
- 5e Groupe : Manufactures- de produits minéraux. — 15e classe : Industrie des aciers bruts et ouvrés. — 16" classe : Fabrication des ouvrages en métaux, d’un travail ordinaire. — 17° classe : Orfèvrerie, bijouterie, industrie des bronzes d’art.—18® classe : Industrie de la verrerie et de la céramique.
- G® Groupe : Manufactures de tissus. — 19® classe : Industrie des cotons. — 20® classe : Industrie des laines. — 21“ classe : Industrie des soies. — 22® classe : Industrie des lins et des chanvres. — 23' classe : Industrie de la bonneterie, des tapis, de la passementerie, de la broderie et des dentelles.
- 7' Groupe : Ameublement et décoration, modes, dessin industriel, imprimerie, musique.— 24® classe : Industries concernant l’ameublement et la décoration. — 25® classe : Confection des articles de vêtement, fabrication des objets de mode et de fantaisie. — 26® classe : Dessin et plastique appliqués à l’industrie, imprimerie en caractères et en taille-douce, photographie, etc. 27® classe : Fabrication des instruments de musique.
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- EXAMEN COMPARATIF
- DES
- PREMIÈRE CLASSE.
- Art des mines et métallurgie.
- Le but que nous nous proposons dans cette noie n’est pas de donner une description détaillée des objets exposés, un catalogue complet de tous les produits relatifs, aux industries des mines et aux arts métallurgiques ; c’est un travail qu’on ne peut faire au début d’une vaste Exposition, et qui nous serait rendu impossible.aussi bien par les limites que nous devons nous iniposer, que par le temps qu’il nécessiterait ; c’est donc dans un autre esprit que nous offrons ce's lignés au public. Le développement remarquable de l’industrie à notre époque, répondant à des besoins toujours nouveaux, poussé toutes les branches des arts dans une voie de progrès-rapides. Tous ces besoins se traduisent clairement par la nature des perfectionnements accomplis, par la tendance générale de ceux qu’on recherche; aussi le caractère des expositions subit-il des transformations frappantes, et aucune industrie, peut-être, ne porte le cachet d’une aussi ardente activité que celle dont nous allons nous occuper. C’est donc le caractère de cette Exposition universelle que nous allons essayer d’esquissér,- en offrant à l’appui les exemples les plus remarquables qui nous ont paru le déterminer. Nous' croirons avoir rendu quelques services au visiteur, en lui mettant en main, pour ainsi dire, un fil conducteur qui l’aidera à former son jugement, et même à réparer les nombreux oublis que nous ferons certainement dans un examen si rapide.
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- Nous regrettons de ne pouvoir nous arrêter aux nombreuses collections minéralogiques qui figurent à l’Exposition ; les produits du sol de presque toutes les parties du monde s’y trouvent représentés, depuis les minerais de fer les plus communs jusqu’aux pépites d’or de l’Australie; mais une description de cette nature n’offre d’intérêt qu’autant qu’elle est fort détaillée ; nous abandonnerons donc ces collections à la curiosité du visiteur, pour arriver tout de suite à des questions plus générales. Nous nous occuperons d’abord des travaux relatifs à l’exploitation des mines.
- Exploitation des mines.
- Le premier objet qui frappe les yeux est un modèle curieux de l’exploitation d’une couche des mines d’Anzin. La couche exploitée est inclinée de 75 degrés à l’horizon ; le système d’exploitation s’appelle méthode des gradins .renversés. Voici en quoi il consiste :
- On. commence par foncer en dehors de la couche un puits qu’on prolonge jusqu’à une certaine profondeur; on perce alors une galerie dans la direction de la couche, bièn reconnue par les travaux de recherches préparatoires, et dn l’arrête à la couche elle-même. Au point d’intersection on ouvre dans la couche une galerie horizontale. On répète exactement le même travail, en poussant la profondeur du puits à 40 mètres plus bas ; en sorte qu’au moyen' d’une nouvelle galerie horizontale, on partage la couche en tranches isolées de 20 mètres de hauteur, soutenues par les boisages de la galerie inférieure; on réunit, ensuite les galeries horizontales par des puits perpendiculaires percés dans la couche elle-même, et on établit, dans un dé ces puits,un plan incliné qui doit servir l’exploitation de la portion de couche séparée. Ces plans inclinés se composent simplement d’un wagon attaché au moyen d’une corde passant sur une poulie, et dont l’autre extrémité est fixée à un contre-poids assez lourd pour faire remonter le wagon vide à la partie supérieure du puits, mais qui est.en-traîné lui-même, lorsque, le wagon est chargé de houille. Les buvriers s’échelonnent alors sur la face latérale de la couche;' le premier enlevant au moyen de pics le coin inférieur, jus-
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- qu’à une profondeur de 4 mètres environ et sur une hauteur de 2 mètres. La houille, ainsi abattue, est jetée dans la galerie inférieure et enlevée comme nous le dirons plus loin. L’ouvrier placé immédiatement au-dessus de lui attaque ensuite la surface qui lui est opposée et enlève une autre tranche de houille de
- 4 mètres de longueur, sur 2 mètres de hauteur, pendant que le premier ouvrier abat lui-même une autre tranche de mêmes dimensions. Le travail continue ainsi, les ouvriers s’échelonnant les uns au-dessus des autres, de manière que le front de la portion de couche enlevée, présente, à peu près, l'aspect de gradins renversés, d’où cette méthode d’exploitation tire son nom. À mesure que ces ouvriers avancent, ils placent derrière eux un boisage, composé de pièces de bois debout, serré fortement au moyen de cales contre les deux parois du terrain, et destinés à en prévenir Péboulement. Un plancher est placé sur ces bois et sert au roulage de la houille jusqu’au wagon du plan incliné qui la descend dans la galerie inférieure. On ne peut, en effet, l’y jeter directement sous peine de la réduire en morceaux trop menus, ce qui diminue considérablement sa valeur commerciale.
- C’est donc dans cette galerie inférieure que se rend en définitive la houille dont se compose la couche, sur une hauteur d’environ 20 mètres; il faut de là la transporter au puits d’extraction,, par lequel elle devra, être montée au jour. Le roulage, dans cette galerie, se fait au. moyen de chevaux; ils traînent des trains de petits wagons de la contenance de,
- 5 hectolitres chacun. . '
- Quelque extraordinaire que. puisse paraître aux personnes étrangères à cette industrie ce travail si dangereux et si inté-, ressant du mineur, il ne faut pas croire que toutes les couches des mines d’Anzin soient d’une exploitation aussi facile que» celle-ci. Les couches du bassin du nord sont beaucoup moins, épaisses que celles du bassin du centre de là France. Il.y,a: des couches exploitées dans le nord qui n’ont pas 0^,60 d’épaisseur; l’inclinaison de quelques-unes de ces couches est voisine de l’horizontale. Comme il importe de n’enlever que la plus, petite quantité possible de terrain sans valeur, elles; sont exploitées, sur une faible épaisseur ; ,1e mineur se glisse entre les deux parois du.terrain qui renfermait la houille, et l’abat en travaillant couché ; le nom de ce mode d’exploitation
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- en peint mieux la difficulté que nous ne pourrions le faire : il s’appelle abatage à col tordu.
- Lorsque le minerai est amené à la partie inférieure du puits, il faut l’enlever jusqu’au jour, et cette partie de l’exploitation est une des plus intéressantes et de celles qui, dans ces dernières années, a reçu les perfectionnements les plus ingénieux et les plus féconds; nous devons appeler l’attention sur ce point, car l’Exposition de 1855 est elle-même très-remarquable sous ce rapport.
- Extraction.
- Pendant longtemps le seul mode d’élévation du minerai consistait en une espèce de tonneaux appelés bennes ou cuffals, dont la forme et la capacité variaient suivant les usages, et dans lesquels on versait le contenu des wagons qui servaient au roulage dans la mine. Ces cuffats étaient ensuite enlevés au moyen d’espèces de treuils ou bobines, mues par une machine, jusqu’à l’orifice du puits où ils étaient vidés, la houille étant ensuite transportée au dépôt au moyen de wagons ordinaires. Ce procédé, encore usité dans un très-grand nombre de mines, présente beaucoup d’inconvénients. La manœuvre du chargement de ces cuffats est longue, et cause un certain déchet résultant du bris de la houille lors du transvasement. Ces cuffats ne peuvent être remontés qu’à une vitesse d'environ 1m,50 par seconde, ou 2 mètres au plus; au delà, on s’exposerait à les faire choquer violemment contre les parois du puits, à rompre le câble, et, par suite, aux plus graves accidents.
- D’un autre côté, le percement d’un puits est une opération souvent fort difficile et qui absorbe de,grands capitaux; on conçoit donc qu’il soit de la plus haute importance de perfectionner les moyens d’extraction, de manière à faire produire à un puits, dans un temps donné, la plus grande quantité de minerais possible.
- Dans les exploitations au moyen des cuffats les mieux installés, au grand Hornu (Belgique), par exemple, où l’on emploie des cuffats contenant 21 hectolitres, avec une vitesse ascensionnelle de 2 mètres par secpnde, on peut enlever au
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- maximum-300 à 350 cuffats, dans une journée de douze heures, ce qui porte la quantité maximum de houille extraite par. jour à 7000 hectolitres environ. En moyenne, il faut réduire, ce chiffre à 4 ou-6000 hectolitres. -
- - Un. progrès immense apporté à cet état de choses fut l’invention des cages s Cette méthode d’extraction, appliquée depuis longtemps en Angleterre aux mines, de Newcastle, importée depuis quatre ou cinq ans en Belgique, et plus récemment en France, est représentée dans le modèle exposé par la compagnie d’Anzin.,
- Ces cages consistent en un châssis en fer à deux étages, attaché au câble du treuil et guidé au moyen de glissières et de deux grands madriers placés dans toute la hauteur du puits, contre la paroi. Les wagons arrivant du chantier même où travaille le mineur, amenés au bord du puits par les che-r vaux, sont poussés dans la cage qui en contient .ainsi quatre. On supprime donc le transvasement dans la benne;,de plus, la vitesse de ces cages, ainsi guidées, peut être, avec toute sécurité, portée à 3 mètres par- seconde et même plus ; les wagons- arrivés au jour sont poussés à l’extrémité de la plateforme qui règne à l’orifice du puits, et de là, versés dans d’autres wagons qui emmènent la houille au dépôt;, celle-ci, depuis le chantier, d’abatage jusqu’au, dépôt, n’a donc subi qu’un seul transvasement. La durée d’uneascension est.ainsi réduite de plus d’un tiers, en sorte qu’un puits qui, exploité par la méthode des cuffats, ne pouvait fournir que 7000 hectolitres en une journée de douze heures; produira facilement 9 ou 10 000 -hectolitres par le fait de l’application des cages. Il y a en Angleterre des puits ainsi exploités, dont la production journalière est de.42 000 hectolitres.,On conçoit sans peine l’influence que doit avoir cet ingénieux perfectionnement sur le prix de la houille extraite. , ,
- La rupture du câble qui sert à enlever les cages ,est évidemment un accident qui peut avoir de-terribles conséquences;,les ouvriers sont descendus dans la mine et remontés après leur travail, soit dans la benne, soit dans les cages elles-miêmes. Tout le monde a présent à,la mémoiçé,1e souvenir de quelques-uns de ces, accidents funestes,‘qui ont . souvent coûté la vie à plusieurs hommes à la fois; c’est un danger,que. ’ toute la prévoyance possible ne saurait entièrement écarter, 206 l
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- La mine de Decize expose un appareil ingénieux dont le but est de prévenir les conséquences de la rupture d’un câble; cet appareil consiste en deux barres de fer croisées, dont l’extrémité inférieure est taillée en biseau, et dont la partie supérieure est armée d’un contre-poids, en sorte qu’il présente absolument l’apparence d’une paire de ciseaux entrouverte; cet appareil est interposé entre le câble et la cage, de manière qu’il conserve sa position tant que le câble est tendu; mais si ce dernier vient à casser, les deux contre-poids sont lâchés et les branches des ciseaux s’ouvrent et viennent pénétrer dans le bois des glissières qui servent à guider la cage, en l’arrêtant ainsi dans sa chute ; cet appareil est ingénieux, simple, et nous paraît devoir bien fonctionner.
- Les cages ne sont pas le dernier mot des progrès de l’exploitation des mines ; nous avons encore à parler d’un modèle exposé par M. Varoquié, de Mariemont, en Belgique, qui représente une méthode nouvelle, digne du plus haut intérêt, La première idée de ce système d’extraction est reproduite dans un modèle représentant la coupe d’un puits avec un appareil spécialement destiné à la descente et à la remonte des ouvriers.
- Nous avons dit que dans les mines exploitées au moyen de bennes, la descente et la remonte des mineurs se fait au moyen de ces bennes, et pour les mines contenant seulement une centaine d’ouvriers, la longueur de cette opération paralyse pour un temps considérable le travail d’extraction du puits. C’est pour obvier à cet inconvénient que M. Varoquié a imaginé la disposition dont nous parlons ; elle consiste en deux grandes tiges de bois, descendant jusqu’au fond même du puits et portant une série de plateaux tous séparés par la même distance de 6 mètres. Lorsque la machine est au repos, les plateaux se correspondent tous ; lorsqu’on la met en mouvement, une disposition particulière communique aux' deux tiges un mouvement alternatif régulier d’ascension et de descente dont l’amplitude est exactement égale à la distance de deux plateaux; si maintenant, un ouvrier veut descendre, il se place sur le plateau fixé à la tige qui va s’abaisser; il descend avec elle de la distance d’un plateau , et se trouve ainsi porté en face du second plateau de l’autre tige. Pendant un temps d’arrêt de trois secondes qui se produit .alors, il passe
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- sur ce plateau, fixé à lâ tige qui va descendre à son tour, tandis que l’autre remonte ; il se trouve alors arrivé en face du troisième plateau de la première tige, sur lequel il passe et ainsi de suite, en sorte qu’à chaque mouvement des tiges il descend de 6 mètres. On voit alors avec quelle rapidité se fait l’opération de la descente ou de la remonte des mineurs, puisque si on suppose un homme placé sur chaque plateau, la machine conduira au fond de la mine ou au jour un homme toutes les vingt-cinq secondes à peu près, et de plus, les plateaux peuvent facilement en contenir deux ou trois à la fois. La machine de M. Varoquié peut ainsi descendre ou remonter cent soixante mineurs dans l’espace d’une heure dans un puits de 200 mètres de profondeur.
- Le deuxième modèle qui est accolé à celui-ci représente une machine basée absolument sur le même principe, mais adaptée à la descente et à la remonte des, wagons. Il suffit pour opérer la transformation de remplacer les plateaux par un appareil de leviers à contre-poids qui, lorsque le wagon vient se présenter devant eux par suite du mouvement alternatif des tiges, s’empare de ce wagon et le transporte jusqu’au plateau suivant.
- On se figure aisément la puissance immense de production qu’offrirait un puits exploité par un sembable procédé, puis-qu’à la rigueur, cette machine, une fois mise en fonctipnne-ment régulier, pourrait amener au jour un wagon toutes les vingt ou vingt-cinq secondes. Malheureusement cet appareil n’est pas encore exécuté, et ce modèle n’est que la reproduction d’un projet.
- Deux exposants français, MM. Degousée et Mulot, représentent l’industrie des sondages, avec tous les instruments qui servent à ces travaux difficiles, tels que tarières, clefs pour enlever les sondes et outils cassés, etc. M. Degousée a exposé un modèle intéressant du montage complet d’une sonde, avec le treuil autour duquel s’enroule la chaîne qui sert à donner à la sonde un mouvement alternatif et la machine motrice ; quelques nouveaux perfectionnements ont. été encore apportés par MM. Degousée et Laurent aux méthodes et aux instruments de sondage qui leur sont déjà redevables de tant de progrès.
- Une des plus graves difficultés de ces opérations, lorsque le
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- sondage pénètre à une grande, profondeur, est le poids considérable des tiges, qui se brisent souvent en retombant au fond du trou de sonde lorsqu’on effectue le battage; on a obvié depuis longtemps à cet inconvénient en interposant entre les dernières tiges de sonde et les tiges supérieures une conlisse. qu’on appelle du nom de son inventeur, coulisse d’Æynhausen, disposée de telle sorte que le battage est effectué seulement par quelques tiges, les tiges supérieures se trouvant équilibrées au moyen d’un contre-poids. Dans la disposition présentée par M. Degouséë, l’outil retombe seul et la tige entière est équilibrée.
- Les Chinois ont, depuis longtemps, imaginé un mode de sondage fort élémentaire qui consiste à percer le trou au moyen d’un outil qu’on soulève et qu’on laisse retomber alternativement au moyen d’une corde. Ce procédé est peu employé en Europe pour plusieurs raisons ; d’abord il est difficile de maintenir la verticalité du trou de sonde, l’outil n’étant pas guidé d’une manière rigide, comme avec les tiges métalliques; de plus, on ne peut effectuer le rodage, opération qui consiste à arrondir le trou de,sonde en communiquant à l'outil un mouvement de rotation au moyen des tiges. M. Degouséea remédié au premier de ces inconvénients,' en employant simplement un outil plus long ; au second, en faisant passer la corde dans un tube qui ne sert à rien pour le battage, mais qui permet de roder. Il exécute en ce moment avec succès, d’après cette méthode, un sondage.déjà parvenu à 150 mètres.
- M. Mulot expose un appareil dont le. but est de forer, comme un trou de sonde, un puits de mine de 4 mètres de diamètre; mais ce procédé,, appliqué au foncement d’une avaleresse dans le Nord, paraît avoir échoué devant la grave difficulté des niveaux.
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- - Aérage etéclairage des mines.
- Lés vastes excavations, les nombreuses galeries souterraines qui composent une mine en exploitation ne tarderaient pas à contenir un air impropre à la respiration , si on ne prenait soin de le renouveler par ,des moyens artificiels. La profon-
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- deur à laquelle ces travaux parviennent et leur disposition générale ne permettent, en effet, l’établissement d'aucun courant d'air naturel, si ce n’est dans des cas tout à fait exceptionnels ; tandis que la respiration et surtout l’exhalaison des gaz mér phitiques et souvent même inflammables, provoquée par l’abatage des parois’ du minerai, tendent à vicier rapidement l’atmosphère de ces galeries.
- Il est donc nécessaire de pourvoir à l’aérage des galeries de mine par l’emploi de moyens mécaniques. On se sert, à cet effet de foyers d’aérage et de machines soufflantes ou aspirantes. Les foyers d’aérage se placent dans des puits qui agissent alors absolument comme des cheminées ordinaires. L’écoulement de l’air est déterminé par la diminution de densité de la colonne d’air du puits., résultant de l’élévation de la température.
- Quant aux machines soufflantes, il en existe une très-grande variété. Ces machines agissent généralement par aspiration. 11 existe à l’Exposition plusieurs ventilateurs : l’un viènt des mines de Blanzy et consiste en un ventilateur à ailes métalliques en hélice, mis en mouvement par une machine directe, dont la disposition est ingénieuse; l’autre est le ventilateur Fabri, appliqué déjà en Belgique, depuis environ, quatre ans, à la mine de Saint-Pierre..Ce ventilateur se compose de deux arbres munis d’espèces de grandes dents d'en -grenage; ces deux arbres sont animés de mouvement en sens contraires au moyen de deux manivelles et bielles attachées à la tige du piston d’une machine verticale, par le moyen d’une travèrse; la longueur des dents et leur forme sont combinât s de façon que dèux d’entre elles soient toujours en contact; il s’ensuit que les deux dents suivantes, avec le coursier ,daus lequel se meut le ventilateur, forment une espèce de caisse fermée, au fond de laquelle aboutit l’orifice du puits, et doiit là capacité s’agrandit à mesure que les dents s’éloignent. Il y a donc aspiration de l’air du puits qui estrprojeté au dehors sur tout le contour du coursier. C’est une machine excellente et dont l’effet utile est considérable. Le ventilateur, de M. Fabri et .celui de M. Lemielle, de Valenciennes, rivalisent en' Belgique par leurs bons effets." ! ' v - ' - -
- La présence de gaz inflammables dans les mines de houille est une des causes de danger les plus redoutables qu’on ren-
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- contre dans l’exploitation. Il n’est personne qui n’ait entendu parler d’un certain nombre d’accidents terribles causes par 1 eyrisou, et qui, surtout autrefois, prenaient souvent la proportion d’un véritable désastre.
- Le^mou, ou hydrogène protocarboné, est un gaz qui se produit par la décomposition,spontanée des matières végétales. Les cavités que renferment les couches de bouille en sont donc souvent remplies, et lorsque le pic du mineur vient les ouvrir, le gaz, s’échappant par l’issue qui lui est offerte, se répand dans les galeries, se mélange à l’air qu’elles renferment, et souvent dans des proportions telles, que le contact d’une lampe allumée détermine une explosion formidable.
- Avant l’admirable invention de Davy, aucun moyen efficace ,notait connu pour se préserver de.ce danger. Les seules précautions en usage consistaient en un aérage qui entraînait le gaz à mesure qu’il se. répandait dans les galeries et empêchait le mélange d’air d’atteindre la proportion à laquelle l’explosion devient à craindre. Quelquefois aussi on allumait le gaz partout où il sé produisait, et en le brûlant ainsi à mesure,,on en prévenait l’accumulation; mais il est inutile de dire que l’on ne devait pas avoir une confiance complète dans ces moyens insuffisants, et que de graves accidents continuèrent à le prouver de temps à autre.
- La lampe de Davy fut le premier préservateur imaginé contre ce fléau, et les services qu’elle rendit peuvent être mesurés à l’élan de reconnaissance qu’elle souleva chez les mineurs anglais et aux marques éclatantes qu’ils en donnèrent à son auteur, Le principe de cette lampe est très-simple; il est fondé sur la propriété que possèdent les toiles métalliques d’éteindre les gaz en combustion qui les traversent ; ainsi, si on pose une toile métallique au-dessus de la flamme d’une bougie, en la rapprochant de la mèche, le métal prenant aux gaz dégagés la chaleur nécessaire à leur combustion, à la faveur de sa grande conductibilité, on voit ces gaz s’éteindre, et il ne passe plus au-dessus de la toile que de la fumée. Davy eut l’idée de construire une lampe dont la flamme, ainsi q:ue toutes les issues par lesquelles l’air nécessaire à la combustion peut entrer ou les produits de la combustion sortir, soit complètement enveloppée de toiles métalliques, qui empêchent par conséquent la flamme de la lampe d’allumer
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- le mélange combustible dont peut alors, se composer impunément l’atmosphère ambiante. L’usage de ces lampes, immédiatement répandu dans toutes les mines ou le grisou existait , a considérablement réduit le nombre des accidents auxquels il donnait, lieu. Il n’est pourtant pas prudent de séjourner avec cette lampe dans des galeries dont l’air constitue un mélange explosif, ce qui arrive lorsque la proportion du gaz est à celle de l’air dans le rapport de un à douze environ; on voit alors la flamme de la lampe s’allonger, prendre une,teinte bleuâtre, et le mineur averti doit se retirer en tenant sa.lampe très-bas, car le grisou dont la pesanteur spécifique est à peu près la moitié de celle de l’air, tend toujours à. se concentrer dans la partie supérieure des galeries.
- La lampe de Davy fait partie de l’exposition des mines d’Anzin, à côté d’un certain nombre de lampes qui recherchent toutes le même perfectionnement. Le modèle primitif do la lampe de Davy a en effet un inconvénient grave pour les mineurs, dont le travail est généralement payé à la tâche, et qui par conséquent attachent une grande importance à être bien éclairés : c’est do ne donner que peu de lumière. Du-ménil, Mueseler et d’autres inventeurs ont cherché à la rendre plus éclairante; mais le prix et le poids en sont toujours augmentés en même temps. On vérra dans l’Exposition un assez grand nombre de ces modifications.
- Préparation mécanique des combustibles, —, Lavage. •
- La houille est généralement mélangée de schistes, de pyrites composés de sulfures et arséniures métalliques, et de quelques autres corps étrangers qui, suivant les applications auxquelles on la destine, peuvent être fort nuisibles; ainsi, dans les traitements métallurgiques, la • présence du soufre altère considérablement la qualité du fer obtenu ; si elle doit être convertie en coke pour l’usage des chemins de fer, comme il est de la plus grande importance de n’employer pour les machines locomotives que des combustibles possédant, sous un volume donné, la plus grande chaleur spécifique possible, il est fort intéressant de débarrasser la houille de tous ces
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- corps étrangers qui, d’ailleurs, dans ce dernier cas, produisent en se brûlant des gaz nuisibles à la conservation des foyers et des tubes des chaudières. On peut obtenir des houilles presque complètement pures, au moyen d’une opération qu’on appelle le lavage et qu’on fait actuellement subir à la presque totalité des houilles qui sont transformées en coke pour l’usage des chemins de fer.
- Le principe de cette opération est basé sur ce fait, bien simple à concevoir, que si on entraîne dans un courant d’eau deux corps de densités différentes, le plus lourd se déposera le premier et sera ainsi séparé de l’autrq. Or, les schistes argileux et les pyrites qui sont mêlés à la houille ont une densité notablement supérieure à la sienne ; il s’ensuit qu’en opérant sur de la houille réduite en morceaux de petite grosseur, et en la jetant dans un caniveau dans lequel on fait couler de l’eau, les schistes se déposeront à l’origine du conduit, et la houille pure pourra être recueillie à l’autre extrémité. C’est ce qu’on appelle le lavage au moyen des tables allemandes. En Belgique, on emploie aussi d’autres appareils; ce sont les caisses à piston ; ces caisses se composent d’une sorte d’auge en bois contenant de l’eau et communiquant à la partie inférieure avec un cylindre également en bois, dans lequel se trouve un piston auquel on donne un mouvement alternatif de bas en haut et de haut en bas, qui se communique naturellement à l’eau contenue dans l’auge. Dans cette auge, se trouve une grille inclinée sur laquelle on jette la houille en petits fragments; le mouvement de l’eau soulève toute la masse à chaque coup de piston, et les corps se placent alors par ordre de densité, les schistes sur la grille et la houille à la partie supérieure. M. Bérard expose un appareil fondé sur ce dernier principe; c’est une machine complète et ingénieuse, mais qui n’est peut-être pas assez simple pour le travail un peu grossier qu’elle doit effectuer, et nous ne sachons pas que les résultats industriels en soient encore bien établis.
- Ces méthodes de lavage sont applicables à toute espèce de minerais que l’on veut séparer de leur gangue, c’est-à-dire des corps étrangers qui contiennent le minerai et qu’on est contraint d’abattre en même temps dans la mine ; dans ce cas, il faut préalablement soumettre le minerai à l’action
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- mécanique de pilons qu’on nomme bocards, afin de les réduire en petits fragments.
- Nous devons aussi dire quelques mots d’une industrie qui n’est pas très-ancienne, c’est celle des houilles agglomérées.
- L’exploitation d’une mine produit toujours une quantité plus ou moins considérable de menu, c’est-à-dire de houille réduite en très-petits morceaux dont la valeur commerciale est très-faible. On a imaginé d’utiliser ces menus, en les purifiant d’abord au moyen d’un Javage et en fabriquant des espèces de briques à l’aide d’un corps agglutinant, tel que des résidus de goudrons ou de schistes très-bitumineux ; on est arrivé à produire ainsi un excellent combustible et à utiliser ces produits sans valeur dont les mines de houille se trouvaient encombrées et qu’on était pourtant forcé d’extraire, car les houilles menues sont sujettes, lorsqu’elles sont laissées en tas au contact de l’air, à entrer dans une sorte de fermentation à la suite de laquelle leur température s’élève assez pour qu’elles arrivent à s’enflammer spontanément. L’abandon de ces houilles menues dans une mine déterminerait donc des incendies souvent impossibles à éteindre. La mine de Blanzy, et quelques autres du département de la Loire, exposent des produits de ce genre fort intéressants.
- Métallurgie du fer. — Fonte.
- Le fer, ce métal dont les propriétés sont si précieuses, et les usages industriels si nombreux, se trouve très-répandu dans la natur». On sait que le fer à l’état natif n’est qu’une rare exception qui n’appartient même pas, pour ainsi dire, à la constitution minéralogique du globe. On peut donc dire que, sauf des cas tout à fait exceptionnels, nous ne trouvons le fer qu’à l’état de combinaison, principalement avec l’oxygène, le soufre, l’arsenic, le phosphore, etc., et souvent sous forme de sels, comme le fer carbonaté. Tous ces minerais ne sont pas également propres à la production du fer ; la présence du soufre, du phosphore, de l’arsenic, altère profondément les qualités du métal, et la difficulté qu’on trouve à séparer ces corps force à rejeter comme inutiles une immense quantité de ces minerais. On ne peut, en effet, considérer comme minerais de fer proprement dits que les oxydes, qui
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- comprennent, du reste, un assez grand nombre.de variétés, telles que l’oxydule de fer, le fer oligiste, les hématites rouges, jaunes et brunes, et les carbonates qu’on trouve cristallisés , c’est alors le fer carbonate spathique, ou à l’état amorphe, c’est le fer carbonaté des houillères ce dernier minerai se trouve, en effet, dans certaines mines, alternant avec des cauches de houille.
- Les préparations mécaniques qu’on fait subir aux minerais, pour les rendre propres au traitement métallurgique, dépendent beaucoup de leur nature ; mais elles se réduisent toujours à un bocardage, c’est-à-dire à une opération qui a pour but de concasser le minerai en morceaux de faibles dimensions, en un lavage pour séparer les schistes, enfin, en un grillage qui a souvent pour double but, de désagréger le minerai par l’action de la chaleur et de faire partir l’arsenic et le soufre qu’il peut contenir, en les transformant en, acides arsénieux et sulfureux, lesquels en vertu de leur état gazeux, se dégagent dans l’atmosphère.
- Il existe deux méthodes de préparation du fer :
- , L’une, la plus ancienne, est connue sous le nom de méthode catalane; elle n’est applicable, qu’aux minerais très-riches ; ce sont généralement des fers oligisles ; l’esprit de cette méthode est fort simple, il consiste à mélanger le minerai avec du charbon de bois dans un fourneau dont la forme est celle d’une espèce de'creuset rectangulaire et dans lequel le charbon est brûjé à l’aide d’un courant d’air forcé; il se produit alors de l’oxyde de carbone, qui s’empare de l’oxvgène allié au fer, la gangue forme avec une partie du fer dune combinaison' fusible à la température du foyer et se sépare à l’état liquide, en sorte qu’à la fin de l’opération on retire du creuset une masse spongieuse qui, soumise à l'action du marteau, donne un fer d’excellente qualité.
- L’autre mode de traitement des minerais consiste dans l’emploi du haut fourneau, c’est de beaucoup le plus répandu. Il s’applique aux minerais riches ou pauvres ; c’est le seul qui , soit employé en Angleterre, en Allemagne et en France, à, de très-faibles exceptions près. Les différences essentielles qui le distinguent de la méthode catalane sont l’élévation de la température, beaucoup, supérieure dans le haut fourneau à celle du foyer catalan, et l’emploi des fondants. Nous avons dit
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- que dans la méthode catalane la gangue se séparait du métal en formant avec le fer une combinaison fusible à la température du foyer. Mais lorsque le minerai est pauvre la production de semblables scories causerait un déchet trop considérable. On protège alors le fer, en ajoutant de la chaux ou de l’argile suivant la composition de la gangue ; cette gangue à la température élevée du haut fourneau forme avec ces fondants une scorie fusible, dans la composition de laquelle il n’entre qu’une quantité de fer insignifiante.
- Un haut fourneau est une tour conique de 15 à 20 mètres de haut environ, dont l’intérieur a à peu près la forme de deux cônes renversés. A la partie supérieure se trouve un large orifice qu’on appelle gueulard ; à la partie inférieure, une sorte de bassin qu’on nomme creuset. Le minerai et les fondants se chargent à la partie supérieure, et par couches alternatives, avec du charbon de bois ou du coke, quelquefois un mélange des deux, ou même de la houille. Une combustion active du charbon est entretenue au moyen d’un violent courant d’air lancé à la partie inférieure du fourneau par des machines soufflantes ; le minerai est alors réduit et on trouve dans le creuset un métal qui n’est pas du fer, comme dans la méthode catalane, mais une combinaison de fer et de charbon qu’on appelle fonte. C’est de ce métal qu’on tire ensuite le fer au moyen d’une série d’opérations que nous décrirons plus loin en peu de mots. Dans cette méthode, la production delà fonte est continue, c’est-à-dire qu’un haut fourneau, une fois allumé, marche souvent pendant plus d’un an sans interruption, en produisant chaque jour de 8 à 42 tonnes de fonte en général ; mais il y en a qui fournissent jusqu’à 48 tonnes.
- La fonte joue dans l’industrie un rôle considérable,' tout à fait différent de celui du fer, en rapport avec ses propriétés très-différentes elles-mêmes ; la fonte est, en effet, beaucoup plus fusible que le fer, moins résistante que lui, si on la soumet à uu effort de, traction, elle n’est pas malléable ; au: reste, toutes ces propriétés varient dans de grandes limites avec les différentes espèces de fonte.
- La fonte, par sa fusibilité, se prête donc au moulage, et c’est par là que ses applications se trouvent si multipliées.
- On emploie, dans le moulage, des fontes de première et
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- de deuxième fusion ; la première se coule au sortir même du haut fourneau; autrement on fait usage de fontes de diverses provenances qu’on fait refondre dans des fourneaux spéciaux ; le moulage en deuxième fusion a sur le premier l’avantage de permettre l’emploi de mélanges, qui conduisent à un métal d’une qualité déterminée, et par suite de n’ètre pas soumis aux variations qui se produisent toujours, plus ou moins, dans la marche d’un hautfourneau. Quant à la finesse des produits, on peut l’obtenir également dans le moulage en première fusion ; elle dépend, avec la qualité de la fonte, de celle du sable qui sert à confectionner les moules et du soin apporté dans le travail.
- Moulage.
- Voici en quelques mots les principales opérations du mou-lage.
- Les divers procédés employés varient avec la forme et les dimensions des pièces que l’on veut obtenir.
- La fonte a la propriété d’augmenter de volume en passant de l’état liquide à l’état solide; elle éprouve ensuite un retrait en se solidifiant. Ce retrait est d’autant plus grand, pour des fontes fabriquées de la même manière, qu’elles sont moins grises, c’est-à-dire qu’elles contiennent moins de charbon interposé à l’état de graphite.
- Le moule dans lequel on coule,la fonte, à raison delà haute température du métal, de sa dilatation et du retrait qu’elle prend, doit être réfractaire, peu conducteur, et pouvoir se déformer sans grande résistance; de plus,,la température de la fonte dilate l’air renfermé dans le moule, vaporise l’eau contenue dans la matière qui le constitue ; il doit donc permettre le libre dégagement de ces gaz, autrement on s’exposerait à le briser ou à ; ne le remplir qu’incomplé -tement.
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- La matière employée pour.les moules est toujours comr posée de sable légèrement argileux, mélangé d’un peu de charbon.
- On distingue deux espèces principales de moulage :
- 1° Le moulage en sable vert; . : , .
- 2° Le moulage en sable d’étuve.
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- Le moulage en sable vert est employé pour les pièces de faibles dimensions et surtout de faible épaisseur. La matière que l’on emploie pour le moule se compose de quatre cinquièmes de sable et d’un cinquième de houille que l’on broie ensemble. Ce sable est tamisé et ensuite humecté pour lui donner une certaine cohésion. Le mélange de la houille avec le sable a pour but de rendre le moule très-poreux et de permettre un dégagement facile aux gaz qui sont très-abondants , le moule n’étant pas desséché avant qu’on y introduise la fonte.
- Le moulage en sable d’étuve s’emploie pour les pièces de grandes dimensions et qui demandent des surfaces très-lisses, Les moules employés dans ce cas doivent être plus solides que dans le moulage en sable vert. Ils se composent de sable de carrière légèrement argileux, mélangé avec un vingtième de son volume de houille; le mélange est broyé très-fin, puis tamisé et humecté d’un peu d’eau au moment de l’emploi. Comme un pareil moule est peu poreux et qu’il ne permettrait pas un dégagement facile des gaz, on le sèche avant de couler la fonte. Cette dessiccation augmente beaucoup la résistance du moule, aussi les pièces moulées par ce procédé doivent avoir des formes telles qu’elles puissent prendre leur retrait sans que le moule doive se déformer, et, même dans ces circonstances, le retrait se produit incomplètement et la pièce perd de sa résistance. Tous les moules, en sable vert ou d’étuve, sont, avant qu’on, retire le,modèle,’ percés d’un grand nombre de petits trous pour le dégagement des gaz. ,
- Les moules sont desséchés dans des étuves spéciales ou sur place, quand ils sont de dimensions trop considérables.
- Pour faire le moule d’une pièce, on se sert généralement d’un modèle présentant les formes et les dimensions de là pièce, en ayant égard aux modifications que doit apporter le retrait. Ces modèles sont en métal quand on veut obtenir des surfaces très-lisses ou quand ils doivent servir à mouler un nombre de pièces très-considérable, telles que des coussinets dé'chemins de fer, des poteries, des ornements, etc.; dans presque tous les cas ils sont en bois.
- Quand la pièce est très-importante et qu’elle présente des surfaces de révolution, on se sert pour faire le nioule d’un
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- profil en bois , que l’on fait tourner autour d’un axe, et qui donne au sable la forme de la pièce.
- Pour retenir le sable, que le moulage soit en sable vert ou en sable d’étuve, on se sert de deux châssis de fonte pouvant se superposer; leur position relative est maintenue par trois ou quatre broches fixées sur l’un d’eux et qui entrent dans les oreilles de l’autre.
- Le moulage se fait de la manière suivante : on commence par placer le modèle dans le châssis inférieur; on tasse du sable autour, de façon à remplir le châssis, puis on met en place le châssis supérieur et, on lui fait subir la même opération; on enlève ensuite le châssis supérieur, puis le moule (ses formes doivent être telles que cette opération soit possible); on pratique plusieurs trous dans le sable du châssis supérieur, les uns pour introduire la fonte, et les autres pour servir de trop-plein et laisser dégager l’air contenu dans le moule. Les moules en sable vert sont saupoudrés avec du poussier de charbon de bois qu’on lisse sur le moule avec une spatule, puis les châssis sont replacés et on procède au coulage de la fonte. Les moules en sable d’étuve sont, couverts d’une couche de charbon de bois délayé dans l’eau, puis séchés comme nous l’avons dit plus haut.
- Les pièces creuses, telles que colonnes, tuyaux, etc., sont d’abord moulées pleines; puis on introduit dans l’intérieur du moule un tuyau de fonte percé de trous recouverts d’une terre très-poreuse qui permet aux gaz de se dégager dans l’intérieur du tuyau par les trous percés à sa surface. Ce tuyau ou noyau laisse entre sa paroi et celle du moule l’épaisseur exacte qu’on veut donner à la fonte.
- L’exposition française est riche en fontes moulées en première et deuxième fusion.
- Les fonderies de' MM. Pinart frères , à Marquise, exposent des modèles de poutres en fonte qui ont servi à la construction des caves de la gare du chemin de fer de l’Ouest, à Paris, et de plusieurs ponts du chemin de fer d’Auteuil. Ces poutres, remarquablement exécutées, ont présenté quelques difficultés.
- Les poutres qui soutiennent les trottoirs des ponts du chemin de fer d’Auteuil sont très-légères ; elles offraient' de grandes surfaces à remplir sur de faibles épaisseurs, ce qui
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- est une difficulté sérieuse d’exécution ; elles ont été fort bien réussies.
- La collection des modèles exécutés à cette usine est intéressante; elle donne une idée du rôle que joue actuellement le métal dans les constructions. Il faut ajouter pourtant que l’emploi de la fonte, comme poutres, tend de' plus en plus à se borner à des ouvrages de faibles dimensions; la pius grande sécurité offerte par le fer, la résistance supérieure de ce métal, le fait préférer pour des travaux d’une grande importance, surtout lorsqu’on arrive à des poutres assez longues pour ne pouvoir être moulées d’une seule pièce et qui exigeraient alors des assemblages.
- MM. Pinart exposent également des conduites d’eau, des roues de wagon de terrassement, qui, dans le moulage, ont reçu une trempe profonde, de O’”,007 environ; la dureté que la fonte obtient ainsi leur assure une longue durée. Cette trempe s’obtient par l’emploi d’un moule dont une partie est en métal. La fonte en fusion, au contact d’un corps très-conducteur, se refroidit brusquement et acquiert une très-grande dureté. Ce genre de moulage porte le nom de moulage en coquille.
- Nous trouvons à côté, dans l’Annexe, un affût de canon de Fourchambault, d’une belle exécution. Ces affûts en fonte sont destinés à des canons de rempart. ‘
- Ici, tout en avouant notre incompétence, nous devons exprimer un doute qui nous est venu depuis longtemps à l’esprit; la fonte est-elle bien le métal qui convenait à cet usage? Est-il logique d’exposer aux ravages d’un boulet un affût composé de pièces minces d’un métal très-cassant qu’un1 choc violent doit faire voler de toutes parts en éclats? Cette tentative est sans doute un progrès sur les affûts de bois sujets à la pourriture, aux attaques des insectes, et, par suite, à une destruction rapide; mais l’emploi du fer n’est-il pas clairement indiqué, dans cette circonstance, par toutes ses propriétés et surtout*par la facilité des réparations? Il nous semble que là question n’est guère douteuse, mais nous devons la léguer à de plus expérimentés sur cette matière spéciale. ! "
- 1 La même usine expose une fort belle conduite d’eau destinée à la ville de Madrid; elle a 3 mètres de longueur sur 0m,90 de diamètre et 0'",016 d’épaisseur. 1
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- La fonderie.de Gonches, dans l’Eure, est représentée.par une cloche de près de 4 mètres de diamètre ; sur la faible épaisseur de 0m,0l3. Dans ces conditions, c’est un travail d'une grande difficulté et d’une exécution remarquable.
- En entrant dans l’Annexe par la porte du milieu, on aperçoit un fort bel arceau sortant de ia fonderie de Mazières, c’est une pièce de fonte digne de la réputation de cette usine. Une grande partie des fontes qui entrent dans les constructions métalliques exécutées dans ces derniers temps sortent des ateliers de Mazières. Nous citerons, par exemple, les entablements de la gare du chemin de fer de l’Ouest, une partie du Palais de l’Industrie, des halles centrales, etc.
- Nous avons reporté à la classe 15 les indications que nous avions à donner sur les procédés du moulage. Depuis une vingtaine d’années, la fonte de fer a remplacé le bronze dans un grand nombre d’applications, et si la substitution n’est pas encore plus complète, il faut l’attribuer à ce que la fonte ne peut se prêter avec la même facilité que le cuivre aux réparations et aux retouches ultérieures ; aussi, doit-elle être réservée aux objets de construction, aux grandes pièces monumentales et à tous les usages dans lesquels la délicatesse de la forme n’est point de nécessité.
- L’Exposition ne renferme pas de pièce de fonte d’un poids exceptionnel, mais un assez grand nombre sont remarquables par Ieursdimensions, avec l’augmentation successive desquelles les difficultés du moulage deviennent presque insurmontables. La plupart des machines-outils anglaises sont très-intéressantes par leurs beaux bâtis en fontes sur lesquels nous aurons à revenir avec quelque attention ; la nécessité dans laquelle elles ont mis les constructeurs d'obtenir des pièces de formes variées a contribué puissamment à reculer, sous ce rapport, les limites du possible ; nous avons vu quelquefois des masses de fonte dont ie poids s’élevait jusqu’à 30 000 kilogrammes, et dont l’exécution ne laissait cependant rien à désirer ; nous pourrions citer sous ce rapport une grande arcade de balancier qui devait servir à la fabrication des couverts d’argent par estampage, et qui sortait des ateliers de M. Auguste Pehet, ainsi que des tables à couler les glaces de la fonderie de M. Gavé. ^ • . M • •
- D’autres usines ont également exposé des produits fort re-
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- marquables et que nous regrettons de ne pouvoir décrire faute d’espace.
- Métallurgie du fer.
- ' Les constructions métalliques se répandent de plus en plus dans l’industrie. Le développement excessif des chemins de fer, en forçant à construire des gares immenses, des ponts à grandes travées, entourés de difficultés que l’emploi des matériaux ordinaires ne pouvait.surmonter, a déterminé l’introduction définitive du fer dans les constructions, et les propriétés de résistance de ce métal, la facilité avec laquelle il se prête aux formes les plus utiles , aux combinaisons les plus économiques que la science enseigne à choisir, tendent à accroître tous les jours l’importance de son rôle. Cette conquête d’un élément de construction nouveau et puissant sera caractéristique pour l’art de notre époque. La métallurgie du fer a dû en ressentir une. puissante impulsion , tant sous le rapport du développement que sous celui du progrès et des perfectionnements de ses procédés ; c’est, en effet, ce que l’Exposition actuelle va nous permettre de constater.
- Afin de bien faire comprendre l’importance des difficultés déjà vaincues et la voie actuelle du progrès, nous allons essayer d’indiquer en peu de mots les principes fondamentaux de la métallurgie du fer.
- Nous avons dit plus haut que, pour retirer le fer de son minerai, à part la méthode catalane qui n’entre que pour une très-faible proportion dans la production européenne , il fallait commencer par fabriquer, au moyen d’un haut fourneau, de la fonte, c’est-à-dire une combinaison de fer et de charbon; pour convertir cette fonte en fer,’il, faudra donc simplement lui enlever ce charbon, et c’est à quoi on arrive au moyen de deux opérations, le pudcllage et le hallage.
- Pour puddler la fonte, on la place dans un four à réverbère, où elle se trouve portée à une haute température et soumise à l’action des gaz résultant de la combustion du charbon, sur une grille placée en tête du four. L’action combinée de la chaleur et de ces gaz brûle le charbon de la fonte , et il reste sur la sole du four une masse spongieuse composée d’éléments de fer et de divers , corps étrangers fusibles à la haute tem-200 m
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- pérature à laquelle elle se trouve portée et qu’on nomme-scories. On réunit alors la masse de fer en une boule, on la retire du four avec de fortes pinces et on la porte sous un-lourd marteau. Le martelage réunit les molécules entre elles, les soude et exprime les scories ; on amène ainsi la masse do fer à une forme rectangulaire et on la porte encore rouge au laminoir.
- Un laminoir consiste en deux cylindres superposés et parfaitement parallèles , sur lesquels sont creusées des cannelures qui peuvent être de formes très-différentes. Ces cylindres sont mis en mouvement au moyen d’une machine à vapeur et animés de vitesses égales, mais en sens contraires. A une extrémité du cylindre se trouvent des cannelures très-larges, déformé ogivale; elles vont en diminuant jusqu’au bout du cylindre. On conçoit alors que si on vient présenter la masse de fer devant la première cannelure, et qu’elle soit assez grande pour en permettre l’introduction , elle s’y trouvera entraînée tout entière à la faveur de la vitesse dont les cylindres sont animés et en sortira ayant subi un certain allongement et pris la forme de la cannelure, en vertu de la malléabilité que le fer possède à cette température élevée. Eu répétant la même opération dans un certain nombre de cannelures placées sur différents laminoirs, qui composent ce qu’oa appelle un train, on arrive donc à transformer.la masse de fer martelée en une barre de fer d’une certaine longueur et de section rectangulaire. On coupe alors ces barres de fer composées d’un fer qui s’appelle fer puddlé , qui n’est ni bien soudé, ni homogène, ni pur, et on forme avec les morceaux des paquets qu’on place dans un four analogue au four à puddler et qu’on appelle four à baller ou à réchauffer. Lorsque le paquet est arrivé au blanc soudant, on le retire et on le lamine dans des cylindres portant des cannelures qui amènent successivement le fer à la forme définitive qu’on veut lui laisser.
- C’est à peu près ainsi que sont fabriqués les rails, les fers, dont la section a la forme d’un T, les cornières ou fers d’angles, et généralement tous les fers de formes plus ou moins contournées, qu’on comprend sous le nom générique de fers spéciaux. La dernière cannelure du laminoir a alors exactement la forme de la barre de fer finie.
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- Pour la tôle, on procède à peu près de même ; seulement les laminoirs, au lieu de porter des cannelures, sont, au contraire, parfaitement polis. C’est en les rapprochant plus ou moins que l’on produit des tôles d’épaisseurs différentes. On trouvera , du reste , dans la partie de l’Annexe où sont placées les machines en mouvement, et du côté de l’eau, deux modèles représentant l’installation d’une forge anglaise complète, avec trains de laminoirs, marteaux, cisailles, etc., qui donneront une idée exacte de l’ensemble de ce travail.
- Telles sont, bien en abrégé, les principales opérations qui constituent la métallurgie du fer. Les difficultés qu’elle offre sont nombreuses ; à part celles qui sont relatives au puddlage et au réchauffage, sur lesquelles nous ne nous arrêterons pas , parce qu’elles sont communes à tous les fers, le laminage qui détermine la forme définitive de la barre en présente souvent de graves; les barres peuvent pécher, en effet, par défaut de soudage entre les éléments qui les composent ; elles peuvent présenter des vices de forme ; leur poids est limité par celui des paquets qu’on peut mettre dans les fours et manœuvrer facilement ; leur longueur l’est également par la difficulté des manœuvres, par le refroidissement; car si le laminage dure trop longtemps, la barre se refroidit et perd la malléabilité nécessaire pour se plier à la forme des cannelures; enfin par .suite de l’insuffisance des machines,
- Le passage d’une barre entre les laminoirs donne lieu à des pressions énormes sur les cylindres ; ces pressions correspondent à des résistances considérables qui tendent à arrêter la machine. Lorsqu’on lamine des barres de faible longueur, la machine se ralentit durant le passage de la barre, mais ne s’arrête pourtant pas à cause de la masse de tous ses organes, du volant qui, se trouvant en mouvement, peuvent l’entraîner pendant un certain temps; mais si la barre est trop longue, la machine s’arrête, à moins d’être elle-même d’une force considérable. Comme point de comparaison , il suffit de réfléchir que pour laminer un rail Barlow de 10 à \% mètres de longueur, il faut une machine d'environ 150 chevaux.
- La* forme des cannelures peut arriver à être aussi une difficulté très-considérable.
- Imaginons, par exemple, qu’on veuille laminer un. .fer
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- ayant la forme d’un T; la dernière cannelure du cylindre devra avoir exactement cette forme, la plus longue branche du T étant placée sur la ligne de contact des deux cylindres, l’autre dans le sens perpendiculaire et partagée par moitié entre les cylindres supérieur et inférieur. Si cette dernière branche est trop longue, l’extrémité du fer qui la remplit va se trouver entraînée par le frottement d’un point du cylindre animé d’une vitesse notablement inférieure à celle des points situés sur la ligne de contact; il s’ensuit que les différents points de la section du fer à T se trouvent sollicités par des vitesses très-différentes ; conséquemment la barre tendra à se déchirer longitudinalement et le laminage pourra devenir impossible.
- Pour les tôles, les difficultés sont de même nature; le poids des grandes tôles est, comme pour les fers laminés, limité par celui des paquets, leur longueur par les manœuvres; lorsqu’on veut arriver à des épaisseurs très-faibles, on rencontre un obstacle dans le refroidissement qui devient alors excessivement rapide.
- Les besoins de l’industrie ont fait depuis longtemps réaliser de grands progrès sous tous ces divers rapports. Il arrive, en effet, que toutes les fois qu’on surmonte une des difficultés que nous venons d’énumérer , c’est toujours-au profit d’une certaine branche de l’art.
- La construction des ponts en tôle a introduit d’une manière courante la fabrication de tôles de grandes dimensions comme longueurs et comme épaisseurs. H est clair, en effet, que l’emploi des grandes tôles est un moyen de diminuer le nombre des joints dans ces constructions et, par suite, le poids du métal et même le travail. On sait, en effet, que les joints se font au moyen de plates-bandes ou couore-joints, qui sont d’autres tôles qu’on place de chaque côté du joint des deux tôles à réunir, placées bout à bout et qui sont rivées avec chacune de ces deux tôles ; or, dans beaucoup de ponts actuellement construits, le poids total des couvre-joints s’élève à deux cinquièmes environ du poids total du métal employé; On conçoit donc toute l’importance qu’il y a à réduire le nombre de ces joints, fùt-ce d’un tiers ou d’un quart, au moyen de l’emploi de matériaux de grandes dimensions.
- Pour les fers spéciaux en forme de T, de double T, etc., il
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- y a le même avantage à obtenir des pièces longues et de sections un peu considérables : c’est un progrès de cette nature qui a fait employer le fer dans la construction des planchers des maisons particulières, usage maintenant très-généralement répandu. Bientôt le besoin se fit Sentir de barres de fer laminé plus longues'et de plus grandes sections, pouvant, en un mot, supporter des charges plus considérables et fournir des poutres toutes prêtes pour construire de petits ponts, des fermes de charpente de grandes portées, des plaques tournantes, etc. C’est alors que parurent les fers à T de l’usine de la Providence, qui ont jusqu’à 0m,30 de hauteur, et cet exemple, inspiré comme toujours par la nécessité, fut bientôt imité par un grand nombre d’usines.
- On peut dire, du reste, qu’il n’v a pas de limite dans cette voie et que bien des progrès, encore retardés par de vieilles installations, seront réalisés au bout d’un temps plus ou moins long; nous en trouverons un exemple dans la fabrication des rails. On sait que les voies de la plupart des chemins de fer français sont faites avec des rails à double champignon, placés bout à bout et reposant dans des coussinets en fonte portés eux-mêmes sur des traverses en bois. La partie la plus défectueuse de ces voies est toujours le joint des deux rails; depuis fort longtemps la longueur des rails les plus longs est de 6 mètres, il serait maintenant facile à un grand nombre d’usines de livrer à l'industrie, d’une manière courante, des rails d’une longueur double, ce qui réduirait ainsi de moitié l’inconvénient du joint.
- Quelques exemples, pris à l’Exposition, vont nous permettre de constater la valeur des progrès accomplis dans notre métallurgie, et si cette industrie n’a pas encore atteint la puissance de production, qui recommande la métallurgie anglaise à l’admiration des hommes spéciaux, il n’est pas moins vrai qu’elle a pris dans ces derniers temps un développement bien remarquable et qui donne pour un avenir prochain de plus grandes espérances encore.
- La fabrication des rails s’est enrichie de nouvelles branches; les rails Brunei, fabriqués pour la première fois chez M. Martial Leclerq, pour le chemin d’Auteuil, sont maintenant définitivement introduits dans l’industrie française. Le chemin de fer du Midi, dont la voie est en partie dans ce
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- système, en a fait laminer à Aubin et à Decazeville; c’est un rail assez difficile à fabriquer à cause du défaut de symétrie de sa section. Aubin expose un de ces rails dont la longueur est de 12m,50.
- Une importation bien plus remarquable encore est celle du rail Barlow. Cette voie est construite au moyen de rails de très-grandes dimensions, d’une forme qui leur permet dé s’appuyer directement sur le sable, ce qui supprime l’emploi du bois et des coussinets ; les rails sont rivés les uns aux autres, en sorte que tonte la voie est solidaire.
- Ces rails, d’une forme qui'présente les plus grandes difficultés à obtenir au laminoir, pèsent 45 kilogrammes par mètre courant. Decazeville et Commentry en exposent des spécimens; cette fabrication exige un montage spécial dans les usines et des machines d’une grande puissance.
- Les forges de Denain et d’Anzin exposent des rails du modèle du chemin de fer du Nord d’une longueur de 15 mètres.
- Le pays de Galles (usine de Tredegar et de Rhymney), expose des échantillons magnifiques de rails à double champignon de 26 mètres de longueur et de rails Barlow de 16 mètres. On peut juger par là de la différence qui existe encore entre le montage de ces usines et celui des nôtres. Les produits métallurgiques de la Prusse nous montrent également des rails d’une longueur remarquable parmi lesquels on en distingue de 23 mètres.
- La fabrication française des fers spéciaux est magnifique ; Commentry expose des cornières de 17m,60 de longueur, dont les branches ont 0m,170 de hauteur; il y a quelques années, en France, des cornières de 10 à 12 mètres de long, avec des branches de 0m,100 étaient regardées comme une grande difficulté.
- Nous recommandons à l’attention du visiteur les fers à T de Montataire, qui sont très-beaux; la collection des fers de la Providence, qui a produit les plus grands échantillons dans ce genre, ainsi que l’exposition anglaise à l’extrémité de l’Annexe.
- Les fers ronds laminés sont représentés par de fort beaux échantillons; mais le plus remarquable est celui qui est envoyé par la société allemande du Phœnix-Thenin ; il a 0m,267 de diamètre, 7m,015 de longueur, et pèse 3348 kilogrammes.
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- Montataire, Commentry, Anzin, le Creuzot, ont exposé des tôles qui rivalisent de beauté sous le rapport de la qualité et de la difficulté d’exécution :
- Une tôle de Commentry a 18 mètres de long et pèse 700 kilogrammes;
- Une tôle de Montataire pèse le poids énorme de 1550 kilogrammes ;
- Une autre de Denain et Anzin ,913 kilogrammes.
- Le Creuzot expose une belle tôle emboutie et un spécimen de bordage en fer forgé, destiné aux nouvelles canonnières que le gouvernement fait construire; ce sont des plaques de 0m,11 d’épaisseur, à l’épreuve du boulet.
- Nous devons signaler aussi des tôles d’Audincourt, très-minces, embouties sous forme de bouteilles ; on ne peut exécuter une pièce semblable sans des matériaux de qualité tout à fait supérieure. La Belgique a envoyé des tôles minces qui ne sont pas moins remarquables.
- Quoique la plupart de ces produits soient exceptionnellement fabriqués pour l’Exposition, il ne faut pas perdre de vue qu’en indiquant la limite de ce qui est possible comme art, ils ont une signification intéressante , en montrant de combien la limite de ce qui est praticable, au point de vue industriel, s’est trouvée reculée. Ainsi, il y a déjà plusieurs années, l’usine de Commentry fournissait pour la construction du pont •d’Asnières, et d’une manière courante, des tôles de 8m,16 de longueur sur 0m,70 de largeur, dont le poids moyen était de 600 kilogrammes.
- Nous n’abandonnerons pas la tôlerie sans signaler un produit également nouveau et qui a pris un vif intérêt par l’application qui en a été faite par M. Flachat, ingénieur en chef du chemin de fer de Saint-Germain, à la couverture de la gare des marchandises de la gare des Batignolles ; nous voulons parler de la tôle ondulée. Cette tôle est fabriquée d’une manière fort ingénieuse par l’usine de Montataire, en faisant passer des tôles réchauffées préalablement dans un laminoir d’une forme spéciale, d’où la tôle sort avec des cannelures profondes de 0m,080 sur Q™,160 de largeur; l’épaisseur de la tôle peut d’ailleurs varier, mais elle est généralement de 0m,002 à 0m,003. On conçoit que la forme de cette tôle cannelée lui donne une grande rigidité, en sorte qu’elle a été employée
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- comme couverture, sans le secours d’aucune pièce de char-ponte, à Batignolles et aux gares du chemin de fer d’Àu.teuil; il y a quelques-unes de ces dernières qui ont jusqu’à 18 mètres de largeur et dont la couverture se compose d’une simple feuille de tôle ondulée, repliée en arc de cercle. C’est un. mode de couverture simple, économique et élégant à la fois, qui est certainement destiné à une grande faveur. Nous devons ajouter que les tôles ondulées, fabriquées jusqu’alors en Angleterre, présentaient bien moins de difficultés ; c’étaient des feuilles cannelées dans une sorte d’étampe, dont les ondulations n’avaient pas plus de 0m,03.
- Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence les belles pièces de forge envoyées par l’Allemagne et quelques usi nés françaises1.
- Les ateliers de M. Cavé ont exposé quelques pièces remarquables, entre autres une boîte à graisse tout entière en fer forgé et amenée par l’emploi seul du marteau à des formes presque définitives, et une tige de piston, pour un pilon colossal du poids de 8000 kilogrammes . également en fer forgé et destiné à forger des arbres moteurs de grande dimension pour la marine impériale.
- MM. Russery-Lacombe de Rive-de-Giers, ont envoyé une belle bielle de bateau à vapeur , qui montre à quelle précision peut arriver un travail de forge, et un essieu coudé, dont la forme est préparée au marteau-pilon. C’est une innovation qui nous paraît heureuse. Les essieux coudés pèchent généralement par le coude, qui dans le mode de’ fabrication ordinaire est découpé dans une masse de métal qu'on réserve à cet effet à la forge, et qui par suite ne subit qu’un martelage incomplet. L’essieu de M. Russery-Lacombe et Cie ne présente pas cet inconvénient et doit être par conséquent plus résistant.
- Le cadre qui nous est imposé nous force à terminer ici cette
- i. L’exposition de MM. Petin et Gaudet, entre autres pièces de forge, se recommande par un mortier enfer martelé d’un beau travail. Comme, pièce importante par son poids, nous citerons le modèle d’un arbre à six coudes, construit pour la marine impériale. Celte pièce pèse 23 OOOk. C’est à notre connaissance la plus considérable qui ait été exécutée en. France.
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- esquisse, beaucoup trop rapide ; il nous faut donc négliger une foule de produits intéressants, dont un grand nombre méritent une attention toute spéciale ; nous espérons pourtant que les indications succinctes auxquelles nous avons dû nous borner pourront aider le visiteur à les découvrir et à les . apprécier par lui-même.
- Marbres et ardoises.
- Nous ajouterons seulement encore quelques mots sur les marbres et les ardoises.
- Parmi les produits français , la palme nous paraît revenir sans contestation possible à l’Algérie et à la Corse. L’exposition du ministère de la guerre présente des spécimens admirables de marbres et d’agate, et la Corse envoie des colonnes en marbres gris et verts qui, outre leur beauté, paraissent pouvoir être livrées au commerce à des prix qui permettent d’en tirer parti. Il nous semble que ces colonnes figureraient mieux sur le péristyle d’un hôtel moderne que les ornements surchargés au moyen desquels on cherche maintenant à attirer l’attention.
- Nous signalerons aussi de très-beaux échantillons de: marbres piémontais et espagnols.
- Les ardoisières d’Angers, de la Mayenne et de la Sarlhe, exposent de fort belles ardoises propres à des escaliers à vis et même à certains usages de luxe, tels que des tables de billards. — On peut voir, en effet, une ardoise destinée à ce dernier emploi, qui a 3m,30 de long sur une largeur de 4“,60 èt 0m,020 d’épaisseur. Un spécimen de ces dimensions qui ne présente pas de défauts est rare.
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- CLASSE II.
- Art forestier, chasse, pêche et récoltes de produits obtenus sans culture.
- Le domaine de cette classe et celui de la classe suivante se touchent souvent d’assez près pour risquer de se confondre ; il importe de définir clairement l’un et l’autre.
- La classe suivante comprend tous les produits obtenus par la culture périodique et régulière de la terre, aussi bien que par l’élevage des animaux domestiques, c’est-à-dire par l’a-^ griculture et la zootechnie.
- Dans la classe qui va nous occuper ici viennent se ranger les produits du sol forestier, et tous ceux quel’homme tire du règne végétal et du règne animal, en dehors des conditions communes de l’exploitation agricole et zootechnique.
- Dans ces limites, l’Exposition se fait remarquer surtout par deux ordres de produits, mieux représentés que les autres par le nombre et l’importance des objets : les bois, auxquels se lie l’industrie si intéressante et si utile de leur conservation ; et les matières textiles de toute nature, à l’exception des laines et des cotons qui rentrent dans la classe suivante.
- Quelques produits d’une consommation plus restreinte et plus spéciale, tels que les épices, les matières tinctoriales, les gommes, méritent aussi une mention , mais ne se présent tent pas avec autant de richesse dans les échantillons, autant de cachet dans l’ensemble. Ils forment, dans l’économie générale de l’exposition des produits de cette classe, l’accessoire et non le principal.
- Les arbres s’en vont de l’Europe ; l’Allemagne seule est encore forestière ; la France, ia Belgique, l’Angleterre ont déjà vu ou voient chaque jour leurs bois diminuer. En Belgique et en Angleterre , la culture des arbres isolés a pris beaucoup d’importance, et suppléera peut-être en partie à la disparition des forêts; la Grande-Bretagne fait d’ailleurs, en ce moment, d’immenses efforts pour peupler ses landes, ses collines im-
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- productives ,. une grande partie de l'Écosse d’arbres conifères et en particulier de cèdres de l’Himalaya.
- Aux yeux de beaucoup de personnes, cette disparition des arbres forestiers n’a rien d’anormal ni rien d’inquiétant; elles n’y voient quel’usageetnon l’abus du droit de propriété ; elles admettent qu’on ne défriche que pour mettre en culture, et que tout le monde gagne là où le propriétaire seul paraît faire un bénéfice ; elles nient que le déboisement ait une influence quelconque sur la salubrité du pays ; elles appellent le moment où la houille remplacera le bois pour le chauffage, où le fer se substituera au bois pour les constructions.
- Dans de certaines limites, et quand on ne les pousse pas jusqu’à leurs conséquences systématiques et extrêmes, ces idées ne manquent pas de justesse; on peut, en fait de construction , considérer le bois comme la matière première de l’enfance de l’industrie , et le fer comme la matière première d’une-période avancée de perfectionnement. Mais il ne faut pas trop généraliser, et il y a deux genres de travaux de premier ordre qui demandent encore une production considérable de bois l’ébënisterie et les constructions navales.
- C’est ainsi, au reste, que pensent les Anglais qu’on n’accusera pas de ménager l’emploi du fer, et de tenir aux vieux errements. Nous venons d’indiquer les tentatives qu’ils font sur le sol des Iles Britanniques ; leur préoccupation sur ce point se trahit mieux encore par les efforts étonnants de leurs colonies.
- La magnifique exposition des colonies anglaises se caractérise par deux sortes de matières, celles que nous avons indiquées comme étant les plus remarquables de la classe entière : les bois et les fibres textiles. Ces deux produits ne sont pas les seuls que présentent ces colonies, mais ils sont tellement prépondérants, qu’ils dominent et éclipsent tous les autres. L-a Guyane anglaise, l’Australie, le Canada, la Jamaïque se distinguent surtout par des échantillons bien choisis, nombreux, extrêmement variés.
- Un exemple fera comprendre l’importance qu’a pour l’Angleterre la production des bois de construction navale. Un petit retour sur nous-mêmes nous montrera que cette production n’a pas moins d’intérêt pour notre pays.
- On estime, en général, qu’il entre \ mètre cube 461 déci-
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- mètres cubes de bois par tonne anglaise dans la construction d’un navire. Donc un navire de mille tonneaux absorbera 4 4-61 mètres cubes de bois.
- Ces 4464 mètres cubes de bois se décomposent de la manière suivante : 4 469 mètres cubes de bois résistant pour la coque, et 292 mètres cubes de cèdre, pin, sapin et autres bois légers employés pour le pont, les cabines et ouvrages intérieurs divers.
- Comme le poids spécifique des bois varie avec l’espèce , il est clair que les 4 469 mètres cubes qui entrent dans la coque ne pèseront pas également s’ils sont de bois de chêne ou s’ils sont de bois d’acajou.
- Supposons donc qu’ils soient de chêne anglais. Ce bois pèse 853 kilogrammes 7 par mètre cube; les 4469 .mètres cubes de la coque donnent donc un poids de 997 975 kilogrammes.
- Quant aux bois légers , ils pèsent, en moyenne, 590 kilogrammes le mètre cube ; ils entreront donc pour 472 280 kilogrammes dans le poids du navire.
- Ajoutons à ces deux nombres 4 02 000 kilogrammes pour les mâts, cordages , voiles, chaloupes, agrès de toute sorte, nous trouverons pour le poids total de notre vaisseau de mille tonneaux anglais, le nombre rond de 4 272 000 kilogrammes.
- Si le navire était construit en acajou de Honduras, les chiffres seraient modifiés. Ce bois ne pèse que 683 kilogrammes le mètre cube. Les 4 469 mètres de la coque pèseraient donc 798 427 kilogrammes qui, ajoutés auxdeux poids que nous avons trouvés plus haut pour les bois légers et pour les agrès divers , donnent le chiffre rond de 4 073 000 kilogrammes pour le poids total du navire.
- Le vaisseau construit en acajou de Honduras pèse donc 200 000 kilogrammes de moins que le navire construit en bois de chêne anglais. Or, comme on calcule qu’un vaisseau vide déplace la moitié de son volume d’eau, il restera dans le vaisseau en acajou un espace disponible où pourront se loger 4 00 000 kilogrammes de chargement, en plus de ce que contient le vaisseau en chêne.
- C’est en acajou qu’étaient construits les vaisseaux Erebus et Terror qui ont fait le voyage au pôle antarctique sous le
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- commandement de sir James Ross. L’un de ces bâtiments, sous le commandement de Franklin, s’est perdu ensuite au pôle arctique.
- Remplacer le bois de chêne par des bois durs obtenus sur le sol colonial, c’est donc là une question fort importante pour l’Angleterre , d’autant qu’elle ne produit plus guère de chêne, et que le continent lui vend fort cher le peu qu’il exploite encore. Aussi l’importation de ces bois, et en particulier des bois d’acajou en Angleterre s’est-elle beaucoup accrue dans ces derniers temps. Jusqu’en 1843, les importa-, tions d'acajou de toutes variétés et de toutes provenances avaient été de 22 millions de kilogrammes par année moyenne; elles se sont élevées depuis à 34 millions de kilogrammes par an, et l’on remarque dans les chiffres des années dernières une tendance plus grande encore. .
- A côté de cette importation , la nôtre n’est rien. Les. An-, glais emploient l’acajou en planchers , en. poutres ; nous ne l’employons qu’en placage.
- Les forêts de la Guyane britannique, celles,de l’Australie, et des Antilles paraissent surtout destinées à répondre aux besoins du Royaume-Uni, sous ce rapport. Plusieurs bois de la Guyane anglaise rivalisent avec le fameux bois de Teck, de l’Inde et de Ceylan , reconnu pour être extrêmement dur. et l’emporter en durée sur.le meilleur chêne.
- On peut citer, entre autres, les variétés jaune et noire.du Greenheart [Nedandra Rodiæi) dont l’Exposition, présente de belles coupes transversales. La résistance de ce bois, surtout de la variété noire , aux forces de tension et de compression,: le rend extrêmement précieux pour les constructions navales. Le bois est fin , uni de grain , sans nodosités et très-dur.
- A côté du Greenheart, et peut-être avant lui, se place le Mora (Mora excelsa), l’arbre le plus magnifique des forêts de la Guyane, et dont la tête, souvent portée à 30 .et 45 mètres, domine toutes les autres essences. 11 n’est pas rare que le tronc mesure 18 mètres avant la naissance des branches, et prenne 45 et 50 centimètres d’équarrissage. Sa dureté, son grainserré et croisé qui le rend difficile à fendre, la tendance de, ses branches à se contourner, destinent cet arbre à jouer un rôle important dans les constructions navales, auxquelles il fournira particulièrement des quilles solides et des pièces courbes.
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- Aussi le Lloyd a-t-il classé le Mora, comme le Greenheart, parmi les huit premières essences navales. Des expériences, continuées pendant dix ans, ont prouvé que ces bois sont plus solides et plus durables que le chêne. Depuis dix à douze ans, des chargements considérables sont arrivés à Liverpool et à Green ock.
- Des bois analogues ou des espèces excellentes pour l’ébé-nisterie et la droguerie, figurent en grand nombre dans l’exposition des colonies anglaises, il est impossible de les énumérer ici. Mais il est évident que plusieurs des Eucalyptus de la Nouvelle- Hollande pourront remplacer les acajous. Le Dacry-diurn Franklinii, ou Pin Huon, ainsi appelé du nom d’un officier qui faisait partie de la célèbre expédition d’Entre-castaux, et qui l’a fait connaître le premier, donne un bois jaune d’or des plus brillants, qui, d’ici à peu, aura un rôle important dans l’ébénisterie. Nous ne serions pas étonnés non plus que la tabletterie de luxe fit bon accueil à un bois qui nous semble être un acacia, et dont l’Australie nous présente un échantillon, sculpté de manière à imiter un pied de violette. Ce bois répand, en effet, la plus douce odeur de violette, et en emplit la cloche sous laquelle on emprisonne son parfum. De petits coffrets de ce bois seraient bien préférables à ceux de bois de santal.
- Le Canada présente, dans ses produits forestiers, un caractère tout différent, mis en relief sous une forme très-pittoresque par le trophée qui le personnifie dans l’Annexe. Ce sont des pins, des sapins, des chênes blancs, des articles de boissellerie et de vannerie, des bois de fente diversement ouvrés, des bois légers et à teintes pâles, des essences résineuses qui prennent un grand développement en même temps qu’une grande homogénéité, et qui sont excellents pour mâture, pour voliges, pour toutes les industries qui se rattachent à la sylviculture. Les bois du Canada complètent ainsi les ressources forestières que les colonies anglaises offrent à la métropole. Le noyer noir seul rappelle les bois plus solides ; ses teintes brunes et chaudes tranchent vigoureusement sur le fond blanchâtre des essences auxquelles le charmant trophée canadien doit sa couleur un peu uniforme.
- Cette nature toute particulière des bois du Canada donne, au point de vue forestier, quelque chose d’allemand à cette
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- colonie anglaise. Tout y est enveloppé de bois blanc ; les grains qu’a envoyés le pays sont enfermés dans de charmants petits tonneaux, nets, légers, propres et coquets.
- Ce rapprochement nous conduit à signaler de très-beaux bois de mélèzes, exposés par l’Autriche, préparés et sciés pour les tables d’harmonie, pour les objets de lutherie en général. Ces sapins et des chênes envoyés par le même empire, sont d’une homogénéité et d’une régularité de couches admirables.
- Comme bois d’ébénisterie comparable à ce que les pays étrangers exposent de plus remarquable, il faut citer les énormes loupes de Callüris quadrivalvis ou Thuya articulata, dont un ébéniste d’Alger a envoyé de magnifiques échantillons. C’est avec ce bois que les anciens faisaient leurs tables si renommées sous le nom de ciiri. Dans le commerce de Paris, ces loupes si vives de ton, si ronceuses, si riches sous le vernis, se vendent 1 fr. 50 cent, le kilogramme.
- Il serait à désirer que l’administration forestière surveillât avec soin l’aménagement de ces bois ; sans cela, ils peuvent être vite épuisés par la spéculation, et les loupes qui en font toute la valeur ne se montrent que sur des arbres de cent à cent cinquante ans.
- Ces loupes ligneuses d’Algérie sont bien plus brillantes et plus chaudes de ton que les loupes exposées par la colonie-hollandaise d’Amboine et dont l’une est estimée 1200 francs.
- Nous ne parlerons des bois d’olivier que pour dissuader l’Algérie de leur attacher quelque importance. La culture de l’olivier est une de celles qui appartient le plus légitimement à l’Algérie, comme nous le dirons en passant en revue les produits de la classe suivante ; mais ce n’est pas comme bois de travail que cet arbre doit être exploité.
- Il en est tout autrement du chêne-liège, naturellement associé à l’olivier dans le climat méditerranéen, mais plus méridional que lui. L’Algérie peut en disputer l’exploitation à l’Espagne, à la Sardaigne, à Naples, à la Turquie. Les beaux échantillons qu’elle présente prouvent qu’elle est bien en position de soutenir cette eoncurrence.
- On sait que c’est à l’âge de 40 ans que le chêne-liége a acquis une valeur commerciale; à partir decetâgeon l’exploite de dix en dix ans, et chaque arbre donne, en moyenne, 50 kilogrammes de liège à 40 ans, 100 kilogrammes à 100 ans.
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- La Corse et notre département du Var, sur une étendue de deux à trois myriamètres, de laSeyneà l'embouchure du Var, possèdentdes chênes-lièges. L’Algérie, pour ce produitcomme pour tous les autre's, peut continuer et développer notre Provence au delà de la Méditerranée.
- La quantité de liège importée en France est considérable; elle s’élève à 365 000 kilogrammes en liège brut, et à I 472 000 kilogrammes en bouchons et liège ouvré. La presque totalité de cette dernière importation est faite par l’Espagne ; les Étals sardes, puis l’Espagne ont la plus grande part dans l’importation du liège brut. Les bouchons pour vins de Champagne se vendent à raison de 30 à 420 francs le mille ; les bouchons pour vins de Bordeaux, valent de 4 8 à 40 francs. Rien n’est petit en industrie', et l’Algérie peut se laisser tenter par les bénéfices que promettent ces chiffres d’importation et ces prix de vente.
- Après les bois et peut-être avant eux se placent les fibres textiles que nous trouvons si répandues à l’état d’exploitation ou d’essais dans les expositions des colonies anglaises. Deux idées préoccupent nos voisins ; satisfaire au besoin de leur marine, et renouveler les matières premières qui entrent dans la composition des papiers.
- ‘ Le chlore et l’eau de Javelle, si généralement employés dans le blanchissage du linge, ont altéré profondément ies chiffons qu’on emploie à la fabrication du papier. De nombreux efforts sont faits depuis longtemps en Angleterre, en Allemagne et chez nous pour substituer des matières premières vierges à ces chiffons que l’usage a réduits en filaments ténus, sans résistance, sans cohésion, en véritable poussière. M. Yelli,.notre compatriote, s’est occupé de cette question depuis 4836, et la nouvelle industrie lui doit de remarquables progrès.
- Toutes les colonies anglaises s’ingénient à trouver <ie nouvelles substances propres à renouveler les anciennes fibres. On peut remarquer les fibres de bananier, le chanvre de Manille et une matière dont on se préoccupe beaucoup depuis quelque temps, sous le nom de China grass.
- Le bananier est l’objet d’études fort sérieuses à la Jamaïque et surtout à la Guyane anglaise. D’après les calculs faits,, dans cette dernière colonie, par un proprietaire qui a l’expérience de dix ans de culture, sur une surface de 200 hectares,
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- ôri trouve qu’en exploitant le bananier exclusivement pour sa fibre textile et en négligeant son fruit, on peut obtenir, en deux ans, après trois coupes de huit en huit mois, 11 250 tiges environ par hectare. Chaque tronc pèse de 33 à 34 kilogrammes, et toute sa partie solide consiste en fibres reliées entre elles par du tissu cellulaire. Cette partie solide forme ledixième du poids du tronc ; J’eau y est contenue dans la proportion de 90 pour 100, et l’on retire 1 kilog. 134 de fibre textile propre, et 681 gr. de fibre décolorée. On récolterait donc tous les deux ans par hectare de 20 à 21 000 kilogrammes de matière textile, dans lesquels les fibres propres figureraient pour 12 ou 13 000 kilogrammes , et les fibres décolorées pour 7 ou 8000 kilogrammes.
- L’entretien d’une plantation de bananiers coûte 750 francs pour les deux ans ; l'enlèvement et le transport des tiges à l’exploitation s’effectuent à raison de 5 francs pour 100 tiges, soit 562 fr. 50'cent, pour ces opérations durant les deux ans. Le total des frais d’exploitation s’élèverait donc à 1312 fr. 50 cent, pour une récolte de 11 250 troncs fournissant de 20 à-,21 kilogrammes de fibres textiles. Cela porte à 11 centimes et demi le prix de revient du tronc, et à 6 cent. 4 celui du kilogramme de fibres.
- Pour l’extraction de la fibre du bananier on a imaginé diverses machines, et un large projet est maintenant présenté par M. Sharp, de Londres, qui propose de consacrer une somme importante à construire un système complet de machines, et à organiser une usine en grand pour exploiter la fibre du bananier à la Guyane anglaise. L’industrieuse Angleterre saura, sans doute, tirer du bananier, tout le parti possible, mais la nature de la fibre permet de douter qu’on puisse jamais l’utiliser pour des tissus d’une finesse même moyenne.
- Quant au China grass, il en est autrement ; c’est une matière première qui a certainement le plus bel avenir ; les fils en sont blancs, brillants, lustrés et solides ; ils peuvent atteindre une grande finesse, se laissent facilement teindre, et prennent les nuances les plus délicates.
- Mais qu’est-ce que ce China grass ? L’histoire en est curieuse et instructive. '
- Il y a dix ans, en avril 1845, le savant professeur de Cul-20G • n
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- ture du Jardin des Plantqg, M. Decaisne, publiait une note sur une plante économique, nouvelle pour l’Europe, exploitée depuis un temps immémorial en Chine et dans quelques parties de l’Inde, où sa fibre donne des étoffes d’une finesse, d’une blancheur, d’une solidité comparables à celles des plus beaux tissus de lin. Cette plante était le Ramie, VUrtica ou Bœhmeria ulilis des botanistes.
- Cinq ans plus tard, le même savant envoya des échantillons de filasse de Ramie au ministre du commerce, en le priant de charger une commission de filateurs de se prononcer sur la valeur industrielle de cette nouvelle matière. L’examen fut superficiel de la part de certains commissaires ; les autres reconnurent à la plante quelque mérite ; mais la chose en resta là.
- Cependant M. Decaisne obtint des graines de VUrtica utilis, apportées de Chine par M. le capitaine de vaisseau Freycinet. Semées au Muséum, sous un climat beaucoup plus froid que celui de leur pays d’origine, ces graines donnèrent, en pleine terre, des tiges de 1 mètre et demi de hauteur. Des plants en furent envoyés à la pépinière d’Alger, à celle de Biskra et au Gabon. Peut-être les beaux échantillons qui figurent au Palais de l’Industrie, dans l’exposition de l’Algérie, viennent-ils de là.
- En 1852, des instances auprès du ministre de la marine obtinrent qu’on tenterait la culture du Ramie dans nos colonies intertropicales et en particulier à la Guyane. L’expérience n’a pas encore été essayée.
- Consulté, en 1853, sur l’opportunité qu’il y aurait à1 introduire, dans le Midi et en Algérie, une certaine plante oléifère, l’Argan du Maroc, dont on faisait beaucoup de bruit, M. Decaisne répondit au ministre de la marine qu’il n’y avait rien à attendre de cet arbre, et profita de l’ouverture pour recommander encore la culture du Ramie. On distribua les graines de l’Argan aux pépinières de l’État ; on laissa le; Ramie en Chine et à Java, qui nous en montrent à l’Exposition de magnifiques spécimens.
- Importée depuis peu en Angleterre, une certaine filasse y. fait fureur ; l’exposition universelle de Londres a enthousiasmé en sa faveur les industriels et les jurys : on la désigne sous le nom de China grass.
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- Ce China grass est tout simplement le Ramie, cet Urtica uti-iis qui n’a pu être prophète chez foi et qui fera peut-être son •chemin, maintenant qu’il nous vient d’ailleurs.
- Il n’y a plus d’hésitation sur la valeur de cette précieuse ortie : la Chine l’emploie, depuis les époques les plus reculées de ses anciennes dynasties, à fabriquer des tissus renommés ; les Indes orientales l’exploitent dans le même but., et l’on, sait qu’au xvie siècle elles vendaient à l’Europe des étoffes faites avec cette plante, que les Hollandais préféraient aux. étoffes de lin ; la matière première fut elle-même reçue en nature dans les Pays-Bas, et servit à y fabriquer une sorte de batiste ou mousseline. Les indigènes des Moluques et des grandes îles de l’archipel indien emploient aussi le Ramie pour tissus, cordages et filets, et des expériences exécutées récemment avec le plus grand soin par ordre du gouvernement hollandais, ont montré que la quantité de fibres obtenues du Ramie dépasse le rendement du meilleur lin ; que la ténacité de ces fibres est plus grande que celle du lin et du chanvre ; que leur blancheur et leur beauté, éclipsent celles d‘u lin.
- Suivant la commission hollandaise, cette substance si remarquable pourrait être apportée' sur les marchés d’Europe en grande quantité, et vendue de 1 fr. 20 à i fr. 60 le kilogramme, prix du meilleur lin. Il y aurait là, pour les possessions hollandaises de l’Inde orientale, une place importante à prendre dans le commerce d’importation. Il n’est pas douteux que cette plante ne réussît à Pondichéry, à Cayenne, et même en Algérie, dans les marais de la Galle-,. par exemple, où vé-cales.
- gètent spontanément quelques plantes des régions [tropi-
- Dans leur impatience de régénérer leurs fibres textiles pour améliorer leurs papiers, les Anglais avaient cru trouver une nouvelle matière excellente et toute prête ; c’étaient les langes des momies que renferment tous les sarcophages d’Égypte. Un essai fait à Londres, en 1847, avec quelques-unes de ces bandelettes et toiles de lin, donna des papiers et des bristols admirables. On calcula que les tombeaux d’Égypte pourraient bien fournir 20 millions au moins de quintaux métriques de tissus de lin, et qu’il y aurait une belle matière à produire et de beaux bénéfices à faire si l’on mettait en pâté â papier les bandelettes et la cendredes morts. Des industriels
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- proposèrent au vice-roi de lui acheter ces dépouilles des tombeaux anciens ; il est probable qu’ils attendront longtemps une réponse favorable. ;
- Le caractère des colonies hollandaises est tout autre que celui des colonies anglaises. Les fibres textiles, et en particulier le Ramie, y figurent encore avec quelques bois, mais leurs produits, extrêmement variés, comprennent surtout des épices admirables, de belles matières tinctoriales, des cafés et des thés. Le caractère y est cosmopolite.
- Le trophée qui réunit, dans l’axe de l’Annexe, toutes ces récoltes des colonies néerlandaises , traduit bien le caractère du pays et du peuple. Ces caisses, ces tonnes, ces ballots , ces sacs, n’ont pas été préparés pour le jour de l’Exposition; ce sont les enveloppes habituelles dans lesquelles le com-merce hollandais livre au monde les produits de son sol colonial. On y sent la mer, le goudron , tous les parfums du bord. 11 semble que le navire vient d'entrer dans le port et qu’on vient de vider la cale sur le pont. De ce tonneau défoncé s’échappent par milliers les noix du muscadier ; celte caisse forcée montre les magnifiques cylindres de la cannelle; ce baril ouvert jette, comme une corne d’abondance, de superbes cubes d’indigo; cet autre verse les minces feuillets de la gomme-laque. Voici du poivre, du café, du thé, des clous de girofle dans cette coupe indienne. Cette balle éventréeest toute pleine des fibres du Ramie, dont un écheveau est suspendu à l’angle de cette caisse. De ce côté, s’ouvre une boîte de cigares; de cet autre, se montrent de belles feuilles de tombac de Hollande. Il y a dans ce fouillis de richesses , dans ce chaos de matières brutes qui donnent l’existence à mille industries, une sorte de sentiment de sa valeur; cela respire l’intelligence du producteur, l’art du commerçant, l'activité de ce grand peuple, autrefois le maîlre des mers, qui sut si bien tirer échange de tout, encaquer ses harengs, troquer ses tonnes infectes contre des tonnes d’or. Rien, dans le Palais de l’Industrie, n’a plus de dessin, de couleur et de vie, que ce trophée dans lequel s’engagent les plis du drapeau national , comme poussé par le vent de mer.
- Par ses productions, Ceylan se rattache au groupe hollandais des îles à épices, et c’est aussi ce caractère que présentent la plupart de nos colonies françaises. On remarque
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- entre autres produits, le rocou de notre Guyane , matière colorante, d’un jaune rougeâtre riche ; les gommes du Sénégal, l’huile de palme du Gabon, la vanille, le cacao, le café dé l'ile de la Réunion, le café de la Guadeloupe.
- Les épices ont eu, chez les peuples anciens, une très-grande importance comme condiments et agents digestifs; elles ont aussi été très-recherchées par les peupl s modernes, jusqu’à ce que le café et le thé aient pris une partie de leur rôle.
- La France importe environ 146 000 kilogrammes de cannelle, dont 4 34 000 désignés comme venant de Chine.
- La muscade a été introduite de Batavia à l’île de France en 4753, et plus tard à Cayenne. Nous en importons à peu près 5 ou 6000 kilogrammes sans coques, 2 ou 3000 kilogrammes avec coques, et 6 ou 700 kilogrammes de macis, sorte de réseau à larges mailles qui enveloppe la noix. L’Angleterre en a fait des plantations considérables à Sumatra et au Bengale; elle en consomme environ 4 0 000 kilogrammes par mois.
- La culture du giroflier, d’abord confinée dans les Molu-ques, fut importée, en 4770, à l’ile de France, par le célèbre Poivre;, puis se répandit à Bourbon, à la Martinique, à Saint-Domingue, à Cayenne. La France importe annuellement 233 000 kilogrammes de clous de girofles, qui ne sont autre chose que des fleurs et des ovaires non fécondés , et 4 33 000 kilogrammes de griffes ou grappes qui portent les fleurs.
- Le poivre noir est d’une consommation beaucoup plus étendue. Nous en recevons 2 millions et demi à 3 millions de kilogrammes, fournis, pour la presque totalité, par les Indes hollandaises et anglaises.
- Il ne faut pas croire que le commerce des épices soit une question de peu d’importance ; il a troublé la paix du monde, ensanglanté l’Océan, et c’est par lui qu’ont été ouvertes les mers des Indes. Aujourd’hui si vulgaires, les épices fines ont été d’abord réservées au luxe le plus délicat ; elles ont donné leur nom à certaines redevances judiciaires ; sous François Ie1 et Henri IV, la corporation des marchands d’épices avait le second rang, immédiatement après celle des drapiers. Son domaine était alors bien limité, et n’avait pas encore envahi,
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- comme aujourd’hui, à peu près tout ce qui peut se vendre en> petit détail.
- En dehors des produits que nous venons de passer en revue , comme étant les plus remarquables de cette classe et comme caractérisant l’état ou les tendances commerciales des peuples, nous ne voyons guère à citer, pour mémoire, que les fourrures de bêtes fauves exposées en si grand nombre par les Indes anglaises et l’empire ottoman.
- Nous terminerons par quelques observations sur une industrie qui s’annexe à la production des bois, et prend une importance de premier ordre dans l’état actuel de notre économie forestière; nous entendons parler des procédés de conservation des bois de M. le docteur Boucherie.
- L’exposition de M. Boucherie comprend deux parties : des modèles de chantiers sur lesquels il prépare les bois qu’il s’agit de conserver, et des pièces de bois qui démontrent l’efficacité de sa méthode de pénétration : le procédé et les résultats.
- Le procédé est simple, les frais de matériel sont presque nuis. Une corde serrée à l’extrémité des pièces de bois y forme un réservoir dans lequel est conduit, par un tube en caoutchouc , le liquide d’injection qui s’écoule d’une cuve soutenue à une certaine hauteur par un petit échafaudage. La pression suffit pour engager le liquide dans la pièce de bois et la pénétrer.
- Une bille de hêtre, de 70 centimètres de diamètre, fendue de manière à laisser voir le bois dans toute sa longueur et jusqu’au cœur suivant le rayon , montre que la pénétration est complète dans les deux sens.
- Quant à la sûreté du procédé et à sa valeur pratique, une démonstration nous en est donnée par deux ordres de faits qui ne laissent subsister aucune ombre de doute. Ces faits sont les traverses de chemin de fer, et les poteaux des lignes télégraphiques exposés par l’inventeur.
- Six traverses de chemin de fer avec leurs coussinets ont été retirées de la voie, après huit années d’un séjour consécutif dans la terre, et sont aujourd’hui au Palais de l’Industrie.
- Une de ces traverses était de bouleau non injecté; elle a ubi une altération profonde, elle se décompose et tombe en
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- pourriture. Ses voisines, qu’on avait laissées aussi à l’état naturel, comme terme de comparaison, n’ont pu être retrouvées, ou bien ont laissé à leur place une masse plus ou moins saisissable de terre et de matière organique, du terreau au lieu de bois.
- Les autres traverses de bouleau, de hêtre, d’aune, de charme et de pin, pénétrées par le liquide conservateur, sont, après un semblable service de huit années, parfaitement saines, même à leurs parties les plus superficielles, qui résistent absolument comme le bois frais, quand on cherche à les entamer avec le couteau.
- Or, après un séjour de huit ans dans la terre, les traverses du meilleur chêne sont déjà en voie de décomposition ; les coussinets n’y sont plus solidement fixés , parce que les che-villettes ne peuvent plus serrer dans un bois altéré et ramolli; il devient indispensable de les changer de place.
- Le même résultat n’est pas moins évident sur les poteaux des lignes télégraphiques. Ceux que M. le docteur Boucherie expose ont été retirés au mois de juin dernier, après un service de neuf années : ils sont aussi sains qu'au jour de leur mise en place. On ne peut apercevoir la moindre modification appréciable sur les lamelles des couches les plus extérieures ; il n’y pas la plus légère différence de texture ni de solidité au point où la partie aérienne du poteau s’unit à la partie souterraine.
- Nous.citons ces faits, parce qu’ils sont le résultat d’appréciations officielles qui mettent hors de toute contestation l’efficacité de la méthode du docteur Boucherie. D’importantes applications industrielles de ce procédé ont déjà été faites.
- Aujourd’hui, tous les poteaux des lignes télégraphiques, sans exception, ont été préparés ainsi ; ils sont au Dombre de deux cent cinquante mille , et n’ont coûté à l’État qu’en-viron 2 millions de francs, ce qui les met au prix moyen de 8 francs pièce. Un examen récent a prouvé qu’ils n’ont subi, après neuf années de service, aucune espèce d’altération.
- Si ces mêmes lignes eussent été construites en poteaux de chêne, comme l’avait été la ligne primitive de Rouen, les frais de premier établissement auraient été doublés, et la durée eût été réduite à cinq années.. L’adoption de ces bois a
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- donc déjà permis à l’État de bénéficier de 2 millions au moins sur les frais d’inslallation, et d’une somme presque égale sur les frais d’entretien.
- Les'administrations des chemins de fer ont été plus lentes à adopter pour traverses les bois préparés ; il leur fallait des garanties de durée que l’expérience et le temps pouvaient seuls leur donner. C’est à 1847 que remonte la première fourniture; elle était de vingt-cinq mille billes, que la compagnie du Nord fit placer sur la voie de Creil à Saint-Quentin. Depuis cette époque, et jusqu’à la fin de 1854, les commandes diverses n’ont pas dépassé cent mille traverses. Cette année, il en a été demandé deux cent mille qu’on prépare actuellement sur vingt chantiers établis dans les départements des Ardennes, de l’Oise, de l’Aisne, de la Marne, de la Seine-Inférieure , de la Loire-Inférieure , etc.
- La marine aussi a songé à utiliser la découverte ; sept cents stères sont à l'essai.
- Les faits sont décisifs, et nous n’hésitons pas à dire que jamais la science n’a donné à la pratique un procédé plus simple, moins coûteux êt plus certain.
- Tous ceux qui se préoccupent des questions d’intérêt public peuvent prévoir l’avenir et l’importance de celte nouvelle industrie; il suffit de mettre en parallèle l’état de notre production et celui de nos besoins.
- On sait, en effet, que les forêts ont été depuis quelque temps dépeuplées ou défrichées de manière à diminuer dans une proportion considérable les ressources de l’avenir. Le dépeuplement a surtout porté sur le chêne, auquel on a toujours donné la préférence, pour les travaux des villes, sur toutes les autres essences. La production de toutes les forêts est de onze cent mille stères au-dessous de la consommation. Nos états de douane de 4853 constatent l’entrée en France de bois de toute sorte, pour une valeur de vingt-huit millions de francs.
- D’un autre côté, en négligeant la consommation des bois pour tous les services, et en ne considérant que les besoins des chemins de fer pour la construction et l’entretien de leurs voies, on trouve que, très-prochainement, il aura été placé sur toutes les voies établies, vingt millions de traverses qui devront être renouvelées en totalité tous les dix ans; à 6 fr. 50 en moyenne par traverse, c’est une dépense décennale de
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- 130 millions de francs. Il ne sera plus possible de fournira cëtte immense consommation qu’au moyen des essences tendres ; et ces essences ne peuvent être employées qu’après avoir subi une préparation èîfiçace.
- La question que résout l’invention du docteur Boucherie est donc des plus importantes. Nous sommes certains que le jury usera de tous les moyens de contrôle et d’enquête qu’il a à sa disposition pour juger, en dernier ressort, du mérite réel du procédé, et éclairer enfin le public sur la valeur comparative des différentes méthodes proposées dans le même but.
- Les ingénieurs anglais suivent avec une grande anxiété l’invention de notre compatriote. Espérons que l’histoire de la conservation des bois ne fera pas pendant à l’histoiredu Ramie.
- Une analogie très-lointaine, une analogie de nom seulement, nous conduit à dire un mot d’un produit exposé par M. Meyer, de Hambourg, sous le nom de bois-marbre. Nous avions supposé d’abord qu’il s’agissait ici de procédés d’injection des bois; il n’en est rien. Ce bois-marbre paraîtètre simplement obtenu par l’agglutination de la sciure de bois, d’ivoire, d’os, etc., à l’aide d'une pâte, d’une sorte de mastic. On peut donner à la masse toutes sortes de nuances, de manière à imiter les marbres, les bronzes, les bois, et il est facile de comprendre que cette masse peut, avant sa solidification, recevoir ainsi toutes sortes de formes par le moulage, le coulage ou autres procédés. Elle reçoit d’ailleurs un beau poli et ne manque pas d’effet, comme le montrent les meubles fabriqués avec cette matière qui n’a rien de commun, on le voit, avec les procédés d’injection et de conservation.
- CLASSE III.
- Agriculture, y compris toutes les cultures de végétaux, et d’animaux.
- Dans aucune classe les produits ne sont plus variés que dans celle-ci ; dans aucune ils ne sont, non plus, aussi inté-
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- cessants. C’est là que se trouvent nos aliments et nos vêtements, la base la plus large de notre industrie et de notre commerce.
- Au milieu de cette innombrable diversité de produits, il en est quelques-uns qui se distinguent cependant et par leur importance même, et parla beauté exceptionnelle de leurs représentants à l’Exposition, et par l’étude qu’ils provoquent dans l’intérêt de notre pays.
- Les céréales, les laines et les cotons prennent le premier rang, à une grande distance des autres produits qui pourront mous occuper; nous leur conserverons dans notre examen la place et l’importance qu’ils prennent au Palais de l’Industrie. Nous parlerons ensuite de la production d’un engrais désigné sous le nom de guano de poisson, puis d’une collection d’échantillons des sols arables et des sous-sols de l’arrondissement de Valenciennes, dans lesquels se révèle l’existence d’un des plus précieux amendements que puisse réclamer l’agriculture. Nous aurons enfin quelques mots à dire sur un atlas agricole qui paraît des mieux entendus et doit être des plus utiles.
- Nous toucherons ainsi, par les points les plus saillants, à chacune des grandes catégories que comprend celte classe ; questions de constitution du sol, études statistiques, productions de la terre et des animaux domestiques ; nous aurons ainsi essayé d’embrasser, sinon d’épuiser le vaste ensemble qui se présente à nous si compliqué de détails.
- Une exposition particulière, celle de l’Algérie, fixera plus spécialement notre examen, comme elle attire les yeux des visiteurs par la place qu’elle occupe et qu’elle remplit si bien au centre de la galerie annexe. C’est une personnalité qui se révèle ayec éclat ; il importe d’apprécier ses tendances et de chercher comment s’établit, entre elle et la métropole, l’harmonie d’efforts qui doit tourner au profit de toutes deux.
- Sous le rapport des céréales, l’Algérie tient la tête à l’Exposition. Ses blés durs sont magnifiques, et ceux de la colonie agricole de Saint-Louis -sont remarquables entre tous par leur qualité générale et uniforme. Les richelles de Naples que nous montre l’Algérie sont bien supérieures aux plus belles que Naples nous ait jamais données. Grâce à la nature de son dimat, l’Algérie peut avoir achevé sa récolte en mai et juin, l’expé-
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- dier en Franee dès le mois de juillet. Nous pouvons donc juger sa récolte de 4 855 : blés et orges sont très-beaux.
- On peut surtout admirer des blés d’Abyssinie et une orge-de même provenance, plus hâtive que les nôtres id'un mois. Ces grains proviennent d’un envoi fait par Shimper au Muséum de Paris, qui les a ensuite distribués aux différentes pépinières d’Algérie. Celle de Biskra seule .a compris l’importance de ce don, et a cultivé les nouvelles plantes avec un soin que le succès couronne.
- L’intelligence et la persévérance peuvent tout attendre de la fécondité du sol algérien, signalée par des prodiges d’une végétation depuis longtemps proverbiale. Plineracontequ’Au-guste reçut, de cette partie de l’empire, une belle gerbe de blé formée par quatre cents tiges s’élevant d’un seul pied. Une autre, de trois cent soixante épis nés d’un seul grain, fut offerte à Néron. Shaw rapporte avoir vu un pied de froment garni de cinquante chaumes, et avoir appris qu’un gouverneur de province en avait reçu un qui en portait cent vingt. A l’exposition de 1849, nous avons vu deux pieds de blé portant, l’un cent vingt-deux, et l'autrecent cinquante-deux épis. Des grains d’orge ont rendu jusqu’à trois cent douze épis. Il y a, dans cette terre algérienne, une, fécondité latente accumulée par le repos, qui lui rend tous les avantages de la virginité.
- Ce n’est pas seulement par la qualité de ses oéréales que notre colonie se distingue, c’est aussi par le développement que celte culture prend, pour le plus grand bénéfice de la colonie elle-même et de la mère-patrie. Il y a quelques .années, l’Algerie tirait de l’étranger la majeure partie du blé et de la farine de sa consommation ; depuis que la loi dédouanés lui a ouvert nos ports, elle a fourni à la France un excédant de consommation important. En 4853, elle nous a vendu près d’un million d’hectolitres de céréales; en 4 854, elle a exporté, principalement pour l’armée d’Orient, près de 2 millions d’hectolitres de blé et d’orge, 2 300 000 kilogrammes de farine, et plus de 2 millions et demi de pain et biscuit de mer.
- On estime que les blés tendres y pèsent régulièrement de 80 à 85 kilogrammes l’hectolitre, au lieu de 75 à 76 kilogr. qu’ils donnent chez nous. Les prix auxquels se sont vendus les blés en Algérie, au mois de mai dernier, alors qu’ils atteignaient leur maximum de cherté en France, montrent
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- aussi quelles ressources promet à l’avenir l’extension de la culture des céréales dans notre colonie africaine ; l’hectolitre a valu 15 francs en moyenne ; les prix extrêmes ont été M fr. 50 et 20 francs.
- Si jamais culture a été indiquée par la nature à l’homme, c’est bien certainement celle des céréales en Algérie. Il est inutile d’insister pour montrer que c’est aussi dans cette culture que la France trouvera le secours le plus utile que puisse lui prêter sa colonie.
- Outre sa collection de céréales, et en particulier de froments, la p'us belle de l’Exposition, l’Algérie nous montre encore de jolis lins en graines, de magnifiques oranges et citrons, de belles plantes fourragères. Ses luzernes et la richesse de ses prairies nous font rêver, pour l’Algérie, une bien grande prospérité par l’élevage des animaux domestiques. Nous reviendrons tout à l’heure sur cette grave question.
- Auprès de l’Algérie, mais au-dessous d’elle, se place l’Australie pour la qualité de ses grains. Puis vient le Canada qui se distingue par un ensemble de produits de premier choix, les seuls qu’il ait exposés, et qu’il a merveilleusement exposés. Les blés sont extraordinairement remarquables ; les avoines sont très-belles; les pavots pour l’extraction de l’huile, les pois gris pour fourrages sont admirables. Voilà deux grandes colonies que le Royaume-Uni peut montrer avec orgueil au reste du monde. Si nous pouvons leur opposer l’Algérie sous le rapport de la qualité des céréales, elles reprennent le dessus, d’une pour ses bois, et l’Australie pour ses laines dont nous parlerons bientôt. Il est vrai que notre établissement africain est de date plus récente ; mais le temps n’est pas l’élément qui nous a manqué, ni celui qui a décidé du succès des colonies anglaises dont nous parlons : nous dirons plus loin comment s’explique la situation.
- Deux produits distinguent surtout l’exposition de l’empire autrichien : les céréales et les vins. Quelques récoltes d’une importance secondaire y figurent aussi avec honneur, et nous citerons les plus remarquables.
- Les blés et surtout les seigles de la Bohème, les houblons des mêmes provinces, les maïs de Hongrie et de Styrie, les orges de Hongrie, et, entre autres, celles de Deutsch-ICreutz et des Bénédictins de Saint-Martinsberg; tels sont les produits qui
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- se placent au premier rang dans l’immense variété de produits de cet immense empire.
- Les houblons de Bavière et surtout les très-beaux échantillons belges de Poperingue, le disputent aux' houblons de Bohême. Aux beaux maïs de Hongrie et de Slyrie, on peut opposer ceux d’Algérie et de Portugal. La Suède aussi nous montre quelques maïs hâtifs qu’on s’étonnerait de trouver dans un pays aussi septentrional, si l’on ne se rappelait qu’un été court, mais chaud, suffit à la maturation de ce grain. Les seigles, les avoines, mais particulièrement les blés de la Suède sont d’une qualité supérieure; la pesanteur annoncée des blés est bien extraordinaire ; on la porte à 84 kilogrammes l’hectolitre.
- Quelques blés tendres d’une belle qualité, de jolis seigles et des orges tout à fait hors ligne , caractérisent l’exposition agricole du Danemark.
- La Belgique tient une belle place par les produits de sa grande culture, et ceux de sa culture de plantes industrielles. Elle offre en très-beaux échantillons , des houblons, des blés admirables, des lins très-remarquables de Courlray et de Ter-muride, un sarrasin argenté de la Campine, le seigle de Rome, qui fait son chemin dans cette Sologne belge que les efforts persévérants du pays gagneront à la culture, pour le plus grand bien d’une population nombreuse.
- La Hollande présente peu de choses : une petite collection de haricots; une grande collection de blés étrangers insuffisamment instructive, faute d’étiquettes correctes. C’est dans son sol colonial que se trouve la richesse agricole de la Hollande; son territoire européen est surtout occupé par un magnifique bétail élevé spécialement en vue de la laiterie.
- Le Portugal a une belle série de blés, et surtout des blés rouges très-fins. Ses seigles sont de qualité moyenne; ses orges, médiocres, sont bien au-dessous des orges autrichiennes et danoises. Ses riz sont assez fins, et pourraient prendre un très-beau rang, si la chambre de commerce de Lugano n’avait présenté une magnifique, collection de riz de premier mérite.
- Des amandes, des figues sèches d’une qualité supérieure, des gesses, des lupins et surtout des pois chiches d’une étonnante beauté, complètent l’exposition du Portugal dans Q.e qu’elle offre de plus saillant.
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- La Grèce a d’assez belles vesces, une assez jolie collection de blés durs, et de beaux sésames. Le miel du mont Hymette qu’elle expose, est très-beau et excellent,,dit-on; l’agriculture reste ainsi fidèle aux traditions des poètes.
- Les blés de la Turquie sont très-beaux, mais sales ; il faut, toutefois, en excepter ceux de Candie, dont tous les produits sont supérieurs, et par la qualité et par la netteté des échantillons. En général, les orges et les riz ont été mauvais en Turquie; les avoines elles sorghos médiocres, les mais bons. Quelques-produits particuliers appellent aussi l’attention sur l’exposition turque : des anis, des pistaches et des châtaignes superbes, de beaux sésames d’Andrinople, des mûres blanches, séchées, d’un usage général parmi les femmes turques, et assez bonnes, à ce qu’il paraît. Le miel d’Angora est inférieur à celui du mont Hymette.
- Nous venons d’indiquer les produits qui nous paraissent dignes entre tous d’appeler l’examen des visiteurs pour lesquels l'Exposition est une occasion d’études; nous avons réservé, pour en parler en dernier lieu, les produits agricoles de la France et de l’Angleterre.
- L’analyse de spécimens aussi divers, aussi nombreux, et aussi importants que le sont ceux de ces deux grands pays, est impossible ici, et serait de nul intérêt pour le butque nous nous proposons. Une circonstance heureuse nous permettra, cependant, de continuer, pour la France et pour l’Angleterre, la tâche que nous avons entreprise, de comparer et de caractériser l’exposition de3 divers peuples, sans trop étendre, notre champ, ni éparpiller nos recherches.
- En effet, les produits agricoles du sol français et ceux du sol anglais se trouvent résumés, en quelque sorte, dans deux magnifiques collections exposées, l’une par la maison Vilmorin, de Paris, l’autre par le département des sciences et arts, de Londres. L’une et l’autre présentent une admirable réunion de céréales en paille et en épis, de grains et graines pour semence, de plantes fourragères, tinctoriales, économiques. Les variétés sont nombreuses; tous les sols; tous les> climats y peuvent trouver les plantes qui leur conviennent.
- La collection anglaise se développe sur un grand espace et.y étale des spécimens bien choisis, bien nets, d’un beau volume. La collection française compte des échantillons bien plus nom-
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- breux sur une surface moindre, et se distingue par sa richesse exceptionnelle, surtout par la connaissance profonde des variétés et leur détermination exacte. Nous ne ferons que répéter une vérité bien connue de ceux qui ont étudié ces questions délicates, et mise hors de doute à chaque exhibition nouvelle, en disant que ùotre compatriote est, en Europe, l’homme qui connaît le mieux les céréales au point de vue scientifique et pratique.
- On peut caractériser d’un mot ces deux admirables collections : celle de France est plus scientifique, celle d’Angleterre est plus statistique.
- Le département des sciences et arts de Londres a placé, devant les vitrines de son exposition, des tableaux destinés a faciliter l’enseignement botanique et l’étude si complexe des céréales. Ces tableaux, parfaitement réussis, montrent plusieurs espèces de divers genres décomposées en leurs parties constitutives, dé manière à faire voiries relations des organes entre eux, et à mettre en évidence les différences caractéristiques. C’est une dissection de la plante elle-même faite par la science au profit de la pratique, et fixée d’une manière permanente sur le papier : c’est un herbier analytique.
- M. Vilmorin expose aussi son bel atlas indiquant les variétés des plantes de culture, et présente les premières feuilles d’un ouvrage où seront représentées les graminées utiles. Le dessin et la couleur donnent une image fidèle de chaque plante; l’exactitude est parfaite. De telles planches à côté des tableaux-herbiers de l’Angleterre, simplifient l’étude des végétaux , sans lui rien Ôter de sa précision scientifique, et la rendent accessible à tous.
- Nous devons mentionner, dans le même ordre d’idées, une belle collection de graines agricoles de Carlsruhe, dont le grand mérite consiste à présenter les types mêmes de l’ouvrage de Metzger sur les céréales d’Europe.
- Après les plantes qui donnent à l’homme sa nourriture, une des plus précieuses et des plus importantes est le cotonnier ; c’est aussi une de celles'dont se préoccupent le plus aujourd’hui les pays producteurs et les pays manufacturiers.
- H y a longtemps que l’Amérique emploie le coton comme plante textile. Le manteau d’une momie du plateau de Tunja, examiné par le docteur Roulin, était de coton, et partout où
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- les conquérants pénétrèrent, ils trouvèrent le coton en pleine culture. Ainsi, Colomb vit le colon cultivé à Cuba, en 1492; Cortez, au Mexique, en 1519; Pizarre, au Pérou, en 1522; de Vaca, au Texas et à la Louisiane, en 1536. Sir Waller Ra-leigh, à la fin du xvr siècle, le trouva cultivé dans la Virginie et la Caroline du nord, et il était exploité dans la Caroline du sud et la Géorgie longtemps avant la révolution de 1776.
- Ce ne fut cependant que vers la fin du xvme siècle que le coton entra dans le commerce comme objet d’échange important. La variété sea island, nommééchez nous Géorgie longue soie, la plus belle de toutes les variétés connues, était cultivée dans la Caroline du sud, dès 1790. Le champ où fut tenté le premier essai de culture de cette variété, renfermait la place même où, en 1562, Jean Ribault, le pionnier des explorateurs français en Amérique, éleva une colonne de pierre pour prendre possession du territoire au nom de la France. C’est de ce. champ même que le gouvernement a tiré, pour l’Algérie, les graines qui ont permis à notre colonie de récolter les magnifiques échantillons de coton longue soie exposés au Palais de l’Industrie.
- Un autre rapprochement n’est p3s moins curieux. Les plus beaux échantillons de la Caroline du sud à l'Exposition sont certainement ceux de MM. Seabrook et Mekel ; les plus beaux cotons longue soie de l’Algérie, récoltés en 1854 et présentés par M. Goby, de Blidah, sont indiqués comme provenant des graines de M. Seabrook, de Charlestown, à qui le ministre de la guerre les avait achetées. Si les cotons des deux provenances ont entre eux tant de ressemblance, il ne faut pas s’en étonner ; la supériorité de l’un explique la supériorité de l’autre.
- Mais ce n’est pas par le résultat même obtenu dans la qualité du coton, que la question de l’opportunité de cette culture en Algérie peut être résolue; il faut, avant tout, se rendre compte de l’état actuel de la production, de celui de la consommation , et des besoins combinés de la France et de l’Algérie,
- Aujourd’hui, le premier pays producteur de colon est l’Union américaine; nous avons dit plus haut que la culture de celte plante n’y a commencé à être quelque peu importante que vers la fin du dernier siècle. En 1747, sept balles seulement
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- furent expédiées de Charlestown en Angleterre ; et lorsque, en 1784, le même port envoya en Angleterre 7-1 balles nouvelles, c’est-à-dire 8 à 9 mille kilogrammes, la cargaison fut saisie comme contrebande, sous prétexte qu’il était tout à fait impossible que l’Amérique eût produit une aussi grande masse de coton.
- En 4791, le total des exportations des États-Unis était d’environ 86000 kilogrammes de coton.
- En 1795, il s’éleva à 3 millions de kilogrammes.
- En 4 820, il atteignit le chiffre de 80 millions de kilogrammes.
- En 1840, celui de 358 millions dé kilogrammes.
- En 4850, celui de 448 millions de kilogrammes.
- En 4853, celui de 587 millions de kilogrammes, évalués 600 millions de francs.
- En soixante ans à peu près, la production, ou pour parler plus exactement l’exportation est donc devenue près de 7 mille fois plus forte, en suivant les lois d’une progression croissante qui ne semble pas devoir s’affaiblir.
- C’est un des plus magnifiques exemples du développement d’une industrie ; c’est une des valeurs les plus considérables que puisse jeter un seul produit du sol dans le pays producteur. Et si l’on considère que la valeur de la matière brute est au moins quadruplée par la fabrication, on arrive au total énorme de plus de 2 milliards de francs, comme exprimant la richesse annuelle due au coton seulement.
- Quant aux bénéfices de fabrication, on peut les estimer à 4500 millions de francs , dont un cinquième tout au plus s’applique aux États-Unis, le reste aux manufactures de l’Europe : à celles d’Angleterre en première ligne, à celles de France ensuite.
- Pour l'année qui se termine au 40rjuin 1854, l’Angleterre a reçu 286 millions de kilogrammes ; la France a reçu directement d’Amérique, sans compter ce qu’elle peut avoir tiré de la Grande-Bretagne, 64 millions de kilogrammes. L’importation en Espagne, par les ports de la Méditerranée, n’est qu’un cinquième de celle de la France, et surpasse, cependant, celles de toutes les autres puissances continentales.
- Mais les États-Unis ne sont pas les seuls producteurs de coton. Dans la campagne de 4 853, où nous venons de voiries 206 o
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- Étals-Unis figurer pour 587 millions de kilogrammes, l’Égypte a produit 31 millions; les Indes orientales, 30 millions; le Brésil, 25 millions; et quelques autres pays, 6 millions de kilogrammes.
- La production totale de coton pour l’année 1853 , s’élève donc à 679 millions de kilogrammes, quantité qui représente l’importance du marché qui s’ouvre devant la production, et qui est bien faite pour tenter les pays auxquels leurs conditions climatériques et agricoles laissent l’espoir de voir réussir la culture de cette plante. On comprend donc que l’Algérie ait été tentée.
- Cependant la place est déjà bien prise par les pays producteurs que nous venons de citer, et la marche incessamment croissante de leur production n’indique pas qu’ils soient disposés à renoncer à une culture aussi fructueuse. Il est vrai que les manufactures des États-Unis se développent et consomment une quantité de plus en plus considérable de coton, qui s’est élevée de 1 million 200 mille kilogrammes en 1825, à 121 millions de kilogrammes en 1853, c’est-à-dire qui a plus que centuplé dans l’espace de 28 ans. Il est vrai encore que ce développement des manufactures américaines est stimulé par le désir de s’emparer de l’importation de tissus grossiers et rustiques en Chine, et de s’assurer ainsi la consommation d’une population de 300 millions d’individus Mais il n’est pas moins vrai aussi que les conditions de culture sont exceptionnellement favorables au coton dans ce pays; que tous les efforts d’un grand nombre d’ÉLats se dirigent naturellement <et forcément vers l’agriculture ; que les terres n’y sont pas d’un prix élevé ; que la population n’est pas assez nombreuse pour commander la production des denrées alimentaires ; que la main-d’œuvre n’y est cependant pas chère ; que le développement des manufactures n’ira pas très-loin , gêné qu’il est, malgré la possession de la matière première et les avantages de la navigation la plus économique du monde, par la concurrence des marchandises étrangères sur les marchés intérieurs , et gêné au dehors par le bas prix des produits avec lesquels lutte et peut lutter l'Angleterre; déjà les fabricants en sont à réclamer des droits protecteurs élevés, qui leur garantissent au.moins leur marché, bien que le tarif actuel soit déjà de 25 pour 100 de la valeur. Il est donc certain qu’il
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- sera bien longtemps encore de l’intérêt de l’Amérique de produire une matière qu’il est de l’intérêt bien entendu des peuples du continent de manufacturer et de consommer.
- Ce n’est pas nous , d’ailleurs , qui sommes directement menacés par la concurrence industrielle des États-Unis, c’est l’Angleterre qui voudrait fabriquer assez pour s’opposer, sans trop de sacrifices, à l’envahissement de la consommation chinoise parles Américains. Aussi l’Australie essaye-t-elle d’ajouter à la production de l’Inde, et elle expose de beaux cotons obtenus sur son sol.
- Cependant une difficulté s’opposera, en Australie, à l’extension considérable de la culture du coton, c’est le manque de bras; et, bien que des travailleurs de divers pays, notamment des Chinois, y soient attirés, il pourrait bien arriver pour l’Australie ce qui est arrivé pour la Guyane anglaise.
- Jusqu’en 1820, le coton a été, pour cette Guyane, le principal article d’exportation; mais l’énorme accroissement delà production du coton dans l’Amérique du Nord, l’abaissement des droits sur les cotons étrangers, le prix delà main-d’œuvre, nécessairement plus élevé avec le travail libre qu’il ne l’était dans les États à esclaves de l’Union américaine, forcèrent la Guyane anglaise à abandonner le coton pour le sucre.
- Il y a, dans cette histoire, un enseignement pour l’Algérie. Elle se trouve en face d’un concurrent aguerri, possesseur d’une terre riche, au milieu de conditions extérieures très-favorables, chez lequel le crédit est admirablement organisé, qui a la main-d’œuvre à bas prix, des transports faciles; elle lui oppose une population de 3 millions d'indigènes et de 140 mille Européens , répandue sur une surface de 40 millions d’hectares, le manque de bras, le manque d’argent, le manque de routes.
- On espère cependant, parce que les variétés qui réussissent le mieux en Algérie sont précisément celles qui rapportent davantage, et en particulier la variété longue soie, qui obtient toujours les plus hauts prix sur le marché. Mais il faut observer que l’emploi de cette magnifique variété est d’autant plus restreint qu’elle est plus belle; qu’elle se paye aujourd’hui d’autant plus cher qu'elle est offerte en moindre quantité; qu’on en récolte annuellement, en Amérique, 40 000 balles, sur lesquelles 10000 balles au plus, c’est-à-dire 1 million et
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- demi de kilogrammes, entrent en France; que la métropole ne consommerait pas la quantité tout entière produite, si cette quantité devenait un peu considérable, et que l’Algérie produirait ainsi pour d’autres marchés, alors que nous manquerions peut-être de denrées beaucoup plus nécessaires. Il faut remarquer encore qu’il est bien plus important pour notre industrie cotonnière de fabriquer pour la grande consommation que pour la consommation restreinte.
- La Guyane anglaise aussi pourrait produire d’immenses quantités de coton, et des plus belles variétés, comme le montrent les échantillons qu’elle expose, et comme le prouve son passé; mais sa situation économique ne lui conseille pas de poursuivre ce but, et elle en prend un autre.
- La culture du coton, telle qu’elle se pratique dans les États de l’Union où se récoltent les plus belles variétés, exige, d’ailleurs , un travail considérable et une attention de tous les instants; chaque travailleur y surveille exclusivement une très-petite surface. Or, le chiffre de la population algérienne, comparé à l’étendue du pays, donne moins de 4 habitant pour 42 hectares. Quelque négligence dans la culture porte vite atteinte au développement et au rendement; le sol sec et siliceux est nécessaire, un sol argileux est nuisible; le drainage doit être parfait. Toutes ces conditions ne se trouvent pas toujours réunies en Algérie.
- On remarque entre les rendements attribués à l’Algérie et les rendements des États-Unis, des différences considérables. Ainsi, le coton Géorgie, longue soie, donnerait, en Algérie, 4460 kilogrammes de produit brut et 267 kilogrammes de produit net, tandis qu’on n’obtient aux États-Unis que 566 kilogrammes bruts et 4 39 kilogrammes nets. La variété Louisiane rendrait 2005 kilogrammes bruts et 504 kilogrammes nets en Algérie, alors qu’aux États-Unis elle ne donne que 4 005 kilogrammes bruts et 335 kilogrammes nets. Ces écarts extraordinaires, au bénéfice de l’Algérie, où les récoltes seraient ainsi deux fois plus fortes qu’aux États-Unis, ne sont malheureusement pas la conséquence de conditions exceptionnellement favorables à notre colonie. Ils s’expliquent quand on se rappelle que les rendements des cotons algériens ont été calculés d’après les résultats fournis pas des cultures conduites avec un soin tout spécial, sur de petites surfaces; on se tromperait
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- si l’on prenait ces calculs pour base d’une exploitation faite dans les conditions ordinaires de grande culture.
- Malgré toutes ces considérations, qui ne lui ont pas échappé certainement, le gouvernement français fait tous ses efforts pour animer et soutenir la production du coton en Algérie. Il fournit des graines aux colons ; il achète, et promet d’acheter jusqu’en 1857, les cotons récoltés par les planteurs; il accordera, jusqu’en 1859, des primes à l’exportation en France des cotons algériens; il allouera, jusqu’à la même époque, des primes à l’introduction en Algérie de machines à égrener ; il distribue des prix provinciaux importants; il délivrera, au nom de l’Empereur et sur sa liste civile, un prix annuel de 20000 fr. au planteur algérien qui aura récolté les meilleurs produits en coton sur la plus grande échelle.
- Ces encouragements produiront probablement le résultat qu’on veut obtenir ; ils sont nécessaires au début de l’entreprise, et, sans eux, la culture du coton tomberait ou serait déjà tombée; ils ont déterminé l’ensemencement de 7 à 800 hectares. On espère que les Arabes seront gagnés à la culture du coton. Mais, même avec la certitude du succès, on se demande si l’intérêt combiné de la métropole et de la colonie n’appelle pas d’autres tentatives, et s’il ne seraitpas plus important, aux premiers temps de l’établissement agricole, de donner d’autres cultures pour base au progrès futur. Ce que nous avons déjà dit sur les céréales et ce que nous allons dire sur les laines, nous permettra de répondre à cette question.
- Les laines exposées au Palais de l’Industrie forment trois groupes nettement caractérisés dans leur ensemble : les laines longues de l’Angleterre ; les laines courtes de l’Allemagne ; les laines intermédiaires de la France.
- Les laines anglaises, classées très-méthodiquement, comprennent une centaine d’échantillons qui donnent une idée très-exacte de la valeur des races ovines de l’Angleterre, au point de vue de la toison. Toutes ces laines ne sont pas des laines longues au même degré, mais celles dont la mèche reste plus courte ont cependant les qualités générales des laines longues du type anglais, et se rapprochent déplus en plus de ce type.
- En effet, la laine, pour l’éleveur anglais, est l’accessoire, la viande est le principal ; et l'on sait que toutes les conditions
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- qui favorisent la formation du mouton de boucherie, amènent l’élongation du brin, nuisent à la laine courte et fine. Les laines des races anglaises Southdown, Cheviot, Dorset, ne peuvent être considérées comme courtes que relativement aux très-longues mèches des races Lincoln, Dishley, Cotswold, et autres ; mais elles ne sont pas réellement des laines courtes comme l’entend la fabrication des étoffes drapées fines, comme le sont les admirables laines exposées par l’Allemagne.
- Au reste, les Anglais n’ont pas la moindre prétention à produire chez eux la laine fine; leurs conditions agricoles, leurs conditions sociales, l’intérêt national leur imposent l’obligation de produire de la viande, et ils ont accepté cette situation avec le parti pris industriel qui les distingue. De cette situation, ainsi comprise et acceptée, sont sortis d’admirables résultats. Ils ont doublé en un siècle leur population ovine, qui monte aujourd’hui à 40 millions de têtes, comme la nôtre. Ils entretiennent ces 40 millions de moutons sur 31 millions d’hectares, tandis qu’il nous faut 53 millions d’hectares pour le même nombre de moutons. Leurs races, exclusivement façonnées pour la boucherie, leur donnent deux fois plus de viande que les nôtres, et sont tuées à un âge deux fois moins avancé.
- Cela ne veut pas dire qu’en spécialisant ainsi leurs races ovines et en les ramenant toutes à un même type, celui des bêles à viande, les Anglais n’aient rien obtenu même pour la laine. La laine est devenue certainement plus commune; mais elle a gagné en longueur, en vigueur, en brillant, ce qu’elle a perdu en finesse, en douceur et en moelleux. Cette laine longue lisse est, comme laine à peigne, admirablement appropriée à la fabrication des étoffes rases dont la consommation s’étend chaque jour davantage.
- Il ne faut pas croire d’ailleurs que l’Angleterre ait renoncé pour cela à produire et à employer la laine courte. Ce qu’il n’était pas avantageux de faire chez elle, elle l’a fait dans ses colonies. L’Australie, Van Diémen et le Cap lui fournissent de belles laines mérines qui lui permettent d’élever sa fabrication d’étoffes drapées presque au niveau de sa fabrication d’étoffes rases, et d’exploiter la laine mérine peignée.
- Les toisons exposées par l’Australie sont admirables de finesse ; on peut leur reprocher seulement le défaut dont il est si difficile de garantir les toisons fines, le manque de tassé
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- On remarque avec plaisir les laines de M. Mac Arthur, le fils du capitaine Mac Arthur qui introduisit à Sydney le premier troupeau de mérinos, et donna ainsi une preuve de la netteté de vue avec laquelle il avait compris les intérêts de la colonie et de la métropole. Les laines exposées par M. Mac Arthur sont fournies par des moutons du troupeau même élevé par son pèçe, et conservé depuis dans le plus grand état de pureté.
- La quantité de laine fine que l’Angleterre reçoit maintenant de ses colonies de l’Océanie et du Cap s’élève à plus de 20 millions de kilogrammes qui s’ajoutent aux 94 millions de kilog. de laine que lui fournit son territoire européen.
- Ce magnifique résultat obtenu en une cinquantaine d’années, a permis aux fabricants anglais de s’exonérer en partie du tribut qu’ils étaient forcés de payer aux autres pays producteurs pour la laine fine dont ils avaient besoin. Ainsi la quantité de laine que l’Angleterre demande aujourd’hui à l’Espagne est trente fois plus faible qu’elle n’était au commencement de ce siècle. L’importation des laines allemandes est diminuée des deux tiers. L’importation russe est restée stationnaire depuis vingt ans.
- Voilà les conséquences d’une amélioration bien entendue des moyens de production ; voilà comment l’agriculture et l’industrie doivent se donner la main.
- En France, nos laines les plus parfaites sont en majeure partie intermédiaires, c’est-à-dire propres à peu près également au peigne et à la carde, aux étoffes rases et à la draperie. Cela résulte de plusieurs causes.
- Nous avons songé assez tard à l’amélioration de nos moutons, et nous avons porté d’abord tous nos soins sur la laine. Les mérinos d’Espagne ont été introduits ; ils ont été alliés à un grand nombre de nos races indigènes, et le résultat de ce croisement a été naturellement une laine de qualité moyenne. Déplus, on a employé très-communément comme reproducteurs des béliers métis qui ne pouvaient pousser à l’affinement de la toison. Dans la majorité des cas, la finesse n’était pas d’ailleurs possible à obtenir économiquement, de sorte qu’on a cherché à compenser la qualité par la quantité. Ceci s’est produit même pour les mérinos purs dont on a voulu corriger les défauts d’organisation, grandir la taille , augmenter le
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- poids de tonte. En un mot nous avons voulu associer la production de la viande à la production d’une laine de grande valeur, et nous avons réussi à rester, pour l’une et pour l’autre, dans un état moyen dont il nous faudra forcément sortir.
- En effet, à mesure que l’agriculture fera des progrès, elle supprimera ses jachères, augmentera ses ressources en fourrages, sentira la nécessité d’utiliser économiquement ces fourrages en les donnant à des animaux excellents consommateurs ; elle sera poussée à choisir les races de boucherie.
- A mesure aussi que la population grossira , que le prix du sol s’élèvera , les progrès de l’agriculture seront sollicités et commandés, et toutes les conséquences que nous venons d’indiquer s’imposeront.
- En définitive, les essais que nous faisons pour produire notre état intermédiaire, transformation de la race mérine, développement des métis, croisement avec les races anglaises, trahissent le sentiment de cette pression du milieu. Mais nous nous roidirons en vain : ou bien nous marcherons résolûment dans la voie des améliorations agricoles qui nous poussent à la production de la viande pour le plus grand profit de nos populations ; ou bien nous resterons en arrière, et perpétuerons la gêne des producteurs et des consommateurs. L’industrie comme l’agriculture est engagée dans cette question, et nous croyons que la logique l’emportera.
- Aujourd’hui, avec notre population de 40 millions de moutons , nombre égal à celui que possède l’Angleterre , nous ne produisons que 74 millions de kilogrammes de laine, dans lesquels les laines fines ou intermédiaires figurent pour 48 à 20 millions de kilogrammes. Il ne reste donc à notre industrie lainière que 55 millions de kilogrammes de laines communes, très-inférieures aux laines longues anglaises. Nos fabricants sont donc forcés d’acheter au dehors la presque totalité de leurs laines fines, et de demander à l’Angleterre, à Andrino-ple , à Salonique, à cent autres lieux une grande partie de leurs laines longues. Nous rappellerons que ce produit inférieur en laine, nous l’obtenons sur une surface presque double de la surface du sol anglais, avec des animaux qui donnent moitié moins de viande, et sont tués à un âge double.
- Qu’y a-t-il à faire pour modifier cet état de choses? Améliorer les moyens de production en prenant résolûment le
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- parti industriel qu’a pris l’Angleterre, en spécialisant les spéculations : à la métropole, la production des races de boucherie; à la colonie algérienne, celle des races à laine fine. Nous allons revenir sur ce point, après avoir achevé la revue des laines exposées au Palais de l’Industrie.
- Nous avons dit que les laines françaises étaient généralement intermédiaires. Les toisons de mérinos purs, celles de métis-mérinos, celles de dishley-mérinos, celles mêmes de Rambouillet prouvent assez la vérité de cette appréciation, qui devient bien plus exacte encore quand on étudie les troupeaux de la France. En effet, les éleveurs qui exposent des toisons montrent tout naturellement leurs laines les plus fines, celles qui s’éloignent le plus du type intermédiaire dont ils se contentent dans leur production courante, et qui est ainsi bien plus général dans les troupeaux français que dans les vitrines françaises de l’Exposition.
- Deux exposants français, habitués aux succès et connus chacun par une nature de laine particulière, sont restés fidèles à leur passé. M. Graux, de Mauchamp, montre ses belles laines longues, soyeuses, exceptionnelles; M. le général Girod , de l’Ain, ses laines de Naz, courtes, fines, qui rivalisent avec les laines électorales. Les unes et les autres sont fournies par des mérinos purs. Les laines de Mauchamp ont leur origine dans un accident dont l’éleveur a eu l’intelligence de comprendre la valeur et qu’il s’applique à perpétuer dans un troupeau de plus en plus nombreux, depuis 1828. Les laines de Naz sont dues aux soins persévérants du propriétaire, qui a commencé, en 1798, une sélection en vue de la finesse, dans un troupeau de mérinos qui s’est constamment reproduit en lui-même.
- Du troupeau de Naz aux laines de l’Allemagne, la transition est facile : ces laines sont toutes des laines fines et courtes du type électoral qui, de la Saxe s’est répandu en Prusse, dans les divers États de l’Autriche et même en Russie, en Australie, au Cap et ailleurs.
- L’Allemagne doit ses belles laines aux connaissances toutes spéciales de ses éleveurs, qui ont bien compris les conditions de la production dans un pays où la population est rare, où les grandes propriétés se prêtent mieux à l’agriculture pastorale, où la viande n’est pas aussi demandée, où l’on peut la
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- sacrifier à la laine. Tous les troupeaux d’où sont tirés les laines qui figurentà l’Exposition sont nombreux, renommés, et plusieurs appartiennent à la grande aristocratie. La Moravie , la Bohême, la Silésie, le grand-duché de Posen , la Saxe ont envoyé d’admirables laines, non-seulement par leur finesse, mais aussi pour le tassé et l’uniformité du brin. Nous ne pouvons résister au plaisir de citer, entre autres, les magnifiques toisons de Bohême , exposées par M. le baron de Mundy, et qui nous semblent les plus belles de toutes celles qui figurent au Palais de l’Industrie.
- En comparant les belles laines d’Espagne à ces belles laines allemandes dont l’origine est pourtant espagnole, on sent de combien l’agriculture est restée en arrière de l’autre côté des Pyrénées. Les laines de Ségovie, les léonnaises sont dégénérées et s’abâtardissent; les laines des troupeaux Churras sont tout au plus bonnes pour matelas et pour couvertures. La Couronne essaye de ressusciter les anciennes races du pays; elle emploie, dans ce but, le bélier saxon, et l’idée est bonne, si la production de la laine superfine est celle que doit entreprendre l’Espagne dans les conditions où elle se trouve. Mais le choix des béliers doit être mieux fait. 11 est évident qu’on a cherché surtout l’extrême finesse, sans se préoccuper des autres qualités de la toison, et spécialement de l’uniformité de qualité; il en est résulté des toisons légères , inégales et mécheuses.
- Nous avons différé jusqu’ici de parler des laines d’Afrique, pour terminer notre revue par elles. Ces laines sont généralement communes, mais elles ne manquent pas de nature dans beaucoup de tribus arabes. La province d’Oran est la moins bien partagée ; puis vient la province d’Alger ; la province de Constantine renferme les meilleures laines des divers types.
- Rien ne serait plus facile que d’améliorer nos laines d’Afrique; de simples modifications dans l’élevage aujourd’hui tout à fait barbare produiraient seules d’excellents effets; le croisement par les béliers des races fines, ceux de Naz, deSaxe ou de la plaine d’Arles , amèneraient rapidement la population ovine à l’état où la peuvent désirer notre industrie et nos consommateurs ; les résultats obtenus déjà à la ferme d’Arbal le prouvent de reste. De faibles dépenses suffiraient à ce but
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- qui ne demande, pour être atteint, qu'un peu de persévérance.
- L’Algérie possède 10 millions de moutons au moins qui produisent annuellement 16 millions de kilogrammes de laine, sur lesquels la consommation indigène prend 2 millions. Il reste donc 14 millions de kilogrammes de laine disponibles, mais d’une laine commune.
- Si ces 14 millions de kilogrammes étaient de laine comparable à la laine des colonies anglaises, et si nos 74 millions de kilogrammes de laine métropolitaine égalaient les laines des îles britanniques, outre les avantages que retireraient l’agriculture et les consommateurs, l’industrie trouverait à sa disposition des qualités qu’elle demande en vain aujourd’hui à nos producteurs. Et il est bien clair, en outre, que la population ovine augmenterait en France comme en Algérie. Nous aurions plus de laine, des laines de qualités mieux appropriées aux besoins de notre fabrication; nous aurions en même temps plus de viande.
- De cette façon , les progrès agricoles marcheraient de pair dans notre pays et dans notre établissement africain ; ils se soutiendraient et se compléteraient. Us aideraient au développement de notre industrie lainière , bien autrement importante actuellement que l’industrie cotonnière. Celle-ci produit aujourd’hui une valeur de 580 millions à la consommation et de 50 millions à l’exportation; l’industrie lainière produit 805 millions à la consommation et 116 millions à l’exportation. Mais, en outre, l’avenir s’ouvre bien plus vaste pour l’industrie de la laine que pour 1 industrie du coton.
- Les céréales et les laines, voilà les deux produits qui doivent servir de pivot à toute l’agriculture algérienne, dans l’intérêt de la France comme dans celui de l’Algérie, dans l’intérêt du colon et dans celui de l’indigène, qui ne peut plus être désormais laissé en dehors de notre mouvement.
- Puis l’Algérie doit concentrer entre ses mains et féconder pour la France toutes les richesses culturales des parages avoisinant, au nord et au sud, la grande ligne méditerranéenne qui s’étend de Gibraltar à la Syrie. Elle doit s’approprier la culture de nos oliviers qui nous quittent, celles des mûriers et des vignes qui s’y annexent, et les cultures complémentaires qui lui sont naturellement indiquées, les tabacs,
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- les soies, la cochenille, la garance, les oranges. Elle est appelée à remplacer pour nous l’Espagne que nous ne possédons pas, la Provence qui se transforme.
- Elle peut laisser dans le jardin d’Alger, comme curiosités pour le botaniste, les cannes à sucre, le café et autres végétaux des tropiques.
- On a répété bien souvent que le dernier mot de la chimie sur les engrais est phosphate et azote, et l’expérience a prouvé que la science est dans le vrai. Des engrais azotés très-précieux sont maintenant offerts au commerce, mais en quantité trop petite encore ; les phosphates sont beaucoup plus rares. Le nouvel engrais nommé guano de poisson promet une addition importante aux sources d’azote et môme de phosphate. Nous dirons quelques mots des richesses que nous apportent ce guano de poisson et le phosphate de chaux du Nord.
- Le nom de guano de poisson ou ichthyo-guano est assez mal choisi, en ce qu’il semble indiquer une communauté d’origine entre cet engrais et celui qui est connu dans le commerce sous le nom de guano du Pérou.
- Ce dernier guano est le résultat de l’accumulation, durant des siècles, des excréments d’oiseaux nombreux qui habitent les îlots et quelques points de la côte de la mer du Sud , spécialement sur le littoral du Pérou. L’engrais qu’on désigne sous le nom de guano de poisson est obtenu en traitant convenablement les débris de la grande pêche et les poissons si nombreux que dédaigne la consommation , et qui sont sans valeur commerciale.
- Cet engrais a cela de commun cependant avec le guano du Pérou, qu’il est pulvérulent, facilement transportable, qu’il peut être employé à l’époque où le cultivateur juge avantageux de le donner à la terre, qu’il est très-riche sous un petit volume, qu’il emprunte sa puissance fertilisante à une source étrangère , qu’il ne prend rien à notre sol et lui donne le bénéfice entier de ses éléments de fécondité.
- L’idée d’utiliser comme engrais les poissons et les débris de la grande pêche n’est pas précisément nouvelle, mais c’est récemment qu’on en a fait l’application pratique en grand. L’honneur de cette initiative revient à un agriculteur du Finistère, M. de Molon, qui eut plus tard pour collabo-
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- rateur M. Thurneyssen, avec lequel il établit une usine à Concarneau, entre Lorient et Brest, à un kilomètre environ de Quimper. Le soin de continuer l’œuvre si bien commencée appartient maintenant à la Société générale maritime, qui est devenue propriétaire des procédés de fabrication de l’engrais, et qui en expose des échantillons au Palais de l’Industrie.
- Les moyens mis en usage pour obtenir Vengrais-poisson consistent à opérer d’abord la cuisson des matières tcut humides, poissons entiers et débris, dans une chaudière à double enveloppe, dans laquelle on introduit la vapeur sous la pression de quatre à cinq atmosphères. Cette cuisson est achevée en une heure au plus, et la substance cuite est immédiatement soumise à une pression très-forte. On obtient ainsi des espèces de tourteaux qu’on divise à l’aide d’une râpe semblable à celle qu’on emploie pour les betteraves dans les fabriques de sucre ; puis, la pulpe qui résulte de ce travail est soumise à une dessiccation méthodique dans une étuve, où la reçoivent des châssis de toiles tendues, qui sont entraînés dans un sens contraire à celui que suit l’air chaud en mouvement. Enfin, la matière, ainsi desséchée, est jetée dans la trémie d’un moulin , qui la réduit en poudre fine et-parfaitement sèche. Il ne reste plus qu’à l’enfermer dans des sacs ou des barriques pour l’expédier à destination.
- L'engrais-poisson sec, à l’état pulvérulent, correspond à 22 pour 100 du poids des poissons ou des débris de poissons à l’état naturel.
- La fabrication de cet engrais peut être alimentée par des sources diverses. On y peut employer les débris provenant de la préparation des sardines ; on peut pêcher spécialement pour elle des poissons qu’on néglige aujourd’hui, et qui se montrent quelquefois par bancs immenses dans certains parages ; on peut exploiter, et l’on exploite déjà les débris de la préparation des morues. Une usine fonctionne à Terre-Neuve, depuis quatre ans, à cet effet.
- Si l’on considère que la pêche de la morue, à Terre-Neuve, donne annuellement 1 400 000 tonneaux de poissons frais,, dont 700000 tonneaux sont utilisés par les pêcheurs, et 700 000 tonneaux jetés à la mer ou sur le rivage en pure perte, on comprendra de quel intérêt il est, pour notre agriculture, de recueillir ces précieux débris.
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- Ces 700 000 tonneaux de matières restées inutiles peuvent fournir , après cuisson , compression , dessiccation et pulvérisation, 140 à 150 millions de kilogrammes de l’engrais riche qui nous occupe. C’est le chargement de 300 navires de 500 tonneanx chacun ; c’est la fumure de plus de 350 000 hectares, à 400 kilogrammes par hectare.
- Par sa composition, Yengrais-poisson correspond au meilleur guano du Pérou : il donne 10 à 12 pour 100 d’azote et 16 à 22 pour 100 de phosphate. Son efficacité n’est pas douteuse , elle est établie par de nombreuses expériences faites par des agriculteurs. Peut-être même son action, qui sera moins rapide que celle du guano péruvien, en raison de sa constitution même, sera-t-elle plus certaine et plus avantageuse, mieux appropriée aux développements des plantes.
- En admettant que le prix de Y engrais-poisson soit de 20 francs les 100 kilogrammes, pris dans un des ports d’embarquement, comme l’établissait M. de Molon, les matières fertilisantes ne dépasseraient pas le prix auquel l’agriculture peut raisonnablement payer l’azote et les phosphates pour faire une bonne opération. Dans ce cas même, l’agriculture payerait ces matières moins cher qu’en achetant l’engrais péruvien. Cela prouve de quelle importance est, pour notre agriculture, la fabrication du nouvel engrais , si supérieur à tous les autres engrais artificiels qu’on a jusqu’ici prônés, par sa richesse même, et par la nature des produits qu’il donne.
- Nous devons quelque reconnaissance à ceux qui ont su rendre utiles des débris négligés auparavant, et qui étaient trop volumineux et trop lourds pour être transportés économiquement à quelque distance des lieux où ils se trouvaient.
- L’engrais-poisson n’est pas un des produits les moins importants de l’Exposition, bien qu’il attire peu les regards et occupe peu de place. Nous en dirons autant du phosphate de chaux, dont les échantillons se perdent dans la collection des sols et sous-sols de l’arrondissement de Valenciennes, exposée, comme nous l’indiquons plus haut, par M. Delanoue.
- Le nouvel amendement découvert dans le Nord par M. Delanoue, puissant à la fois par sa chaux et par son acide phos-phorique, occupe un bassin fluvio-lacustre qui s’étend de Bre-
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- teuil à Aix-la-Chapelle, de Calais à Bavay. La carte géologique de France le désigne sous le nom de Lœss ; c’est ce que M. Dumont appelle limon hesbayen dans ses belles cartes de Belgique exposées au Palais de l’Industrie.
- C’est sans doute à la présence de cette substance que la Gaule belgique doit sa fertilité antique, car elle a formé le sol et constitue encore aujourd’hui le sous-sol de cette contrée.
- Un exemple fera comprendre l’importance de cette couche. On peut évaluer à 15 kilogrammes environ par hectare l’acide phosphorique qu’enlève au sol chaque récolte de froment. Le Lœss en contient 5/10 000. La couche arable, estimée à 20 centimètres d’épaisseur ou 2000 mètres cubes par hectare, pèsera 4 millions de kilogrammes qui représentent l’énorme quantité de 2000 kilogrammes d’acide phosphorique par hectare seulement, quantité bien supérieure à celle qu’enlève la récolte, et qu’entretiennent cependant les fumiers très-phosphatés employés dans le pays : les tourteaux, l’engrais flamand, etc. On peut donc emprunter au Nord un amendement extrêmement important, dont l’absence explique en partie la stérilité de la Campine, des Ardennes, de la Sologne.
- L’obstacle qui existait à l’emploi du phosphate de chaux, son haut prix, n’existe plus. L’administration des mines avait déjà signalé la présence de phosphate en rognons dans la craie du nord ; M. Delanoue vient de le découvrir en couche régulière, constituant le réservoir le plus abondant d’acide phosphorique qu’on ait peut-être encore reconnu, ayant plusieurs myriamètres d’étendue, 60 à 80 centimètres d’épaisseur, dans un pays où les voies de communication sont faciles, les moyens d’extraction et d’exportation commodes.
- Après la découverte du guano, aucune découverte ne pourrait être plus importante pour l’amendement du sol arable.
- Nous terminons en citant, dans l’ordre des travaux scientifiques et statistiques, un atlas destiné à résumer tous les documents généraux qui peuvent intéresser l’agronome. Cet atlas a été conçu et exécuté par M. Nicolet, avec une intelligence et un bonheur qui révèlent une instruction profonde et une grande habileté artistique. Il présente, en quatorze cartes
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- imprimées en couleur, accompagnées de douze tableaux complémentaires de texte, des renseignements qu’on ne recueillerait qu’avec, infiniment de peine dans mille publications éparses et coûteuses sur les climats, la distribution des pluies, la géologie agricole, la direction des vents, la répartition des plantes, des animaux , des cultures, sur toutes les questions de physique et de météorologie dans leurs rapports avec l’agriculture.
- Ces cartes se complètent l’une l’autre ; en les rapprochant on rapproche les faits de leurs causes, et l’on fait naître de leur comparaison des points de vue nouveaux, des explications soudaines, des aperçus inattendus. C’est la théorie de la pratique sous une forme simple, claire, rapidement saisis-sable, sur des problèmes cependant très-complexes.
- CLASSE IV.
- Mécanique générale appliquée à l’Industrie.
- La quatrième classe comprend toutes les machines motrices, et leurs applications aux opérations les plus générales, c’est-à-dire celles qui se rencontrent dans la plupart des opérations mécaniques, sans qu’elles appartiennent spécialement à telle ou telle fabrication. Le nom de machines motrices sous lequel on comprend les moteurs hydrauliques, les moulins à vent, les machines à vapeur, ne doit point faire supposer que ces machines créent de la force ; elles n’utilisent au contraire qu’une portion de la puissance mécanique qui est mise à leur disposition par la chute de l’eau, le mouvement de l’air ou la force expansive de la vapeur : une autre portion est perdue en frottements et autres résistances passives, et la perte résultant de ces causes s’élève souvent à plus de la moitié de ce que l’on appelle le travail moteur.
- Au point de vue dynamique, la meilleure machine est celle qui réduit cette perte au minimum : de là la nécessité d’avoir des appareils appelés dynamomètres, qui sont destinés à me-
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- surer le travail développé sur l’arbre moteur ou le travail consommé par telle ou telle machine de fabrication.
- Les dynamomètres sont dits de traction, lorsqu’ils sont destinés à mesurer le travail transmis en tirant, comme celui des chevaux attelés à une voiture; ils sont appelés dynamomètres de rotation, lorsqu’ils peuvent mesurer le travail transmis à tel ou tel arbre de transmission : lorsque la puissance motrice est empruntée à la force musculaire de l’homme travaillant à la manivelle, on se sert d’un appareil de même nature qui prend le nom de manivelle dynamométrique.
- Comme dynamomètres de traction , ceux de M. le général Morin paraissent avoir le monopole de la précision, en ce qu’ils enregistrent par un trait ineffaçable tous les efforts exercés par l’attelage, quelles que soient leurs variations. Le dynamomètre anglais de Bentaaln’a pas la même exactitude, mais son montage sur un avant-train bien disposé lui permet d’être très-commodément employé pour les expériences de traction sur les charrues. Le nouvel avant-train disposé sur l’appareil de M. Morin a été emprunté à l’excellente disposition de l’appareil anglais.
- Comme dynamomètres de rotation, ceux de M. Morin, plus ou moins modifiés par M. Clair, sont pour ainsi dire seuls en usage. Nous avons cependant remarqué dans l’exposition anglaise un instrument, bien établi dans le genre du dynamomètre de White, qui permet de remplacer dans les expériences de travail, le frein de Prony, par une disposition ayant l’avantage de tarer la machine pendant que l’opération industrielle s’effectue. Le Danemark a également envoyé deux instruments dignes d’intérêt.
- Il nous serait impossible dans cette note succincte de passer en revue tous ces petits appareils destinés à mesurer la pression dans les machines, à assurer le niveau dans les chaudières, etc. Nous nous bornerons à indiquer les manomètres métalliques qu’un habile constructeur, M. Bourdon, a substitués aux anciens manomètres à mercure : nous rencontrons dans la même voie M. Desbordes en France, et MM. Schaffer et Budenberg en Prusse.
- L’indicateur du niveau de M. Lethuillier Pinel, au moyen d’une aiguille aimantée, qui suit à travers l’épaisseur du verre tous les mouvements du flotteur, permet d’éviter les 206 P
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- stuffing-box , dont la garniture ne pouvait être parfaite, alors qu’il fallait laisser une liberté suffisante pour que la tige du flotteur pût fonctionner.
- Les compteurs à eau sont peu nombreux, mais la question qu’ils se proposent de résoudre ayant une grande importance, nous nous permettrons de citer la petite turbine de Sce-ment qui mesure le débit par le nombre de tours qu’elle fait sous l’action du liquide en mouvement, et le compteur de la société l’Atlas à Amsterdam, qui mesure d’une manière fort ingénieuse tout le liquide qui passe, au moyen d’augets disposés pour le recevoir. Cet appareil placé dans le palais principal, 15, À, nous a paru d’un grand intérêt.
- Les autres appareils du même ordre, tels que l’anémomètre de M. Morin, divers compteurs à gaz, etc., demanderaient une description trop minutieuse pour que nous puissions nous livrer à un examen approfondi. Les balances pour usages commerciaux, les bascules ordinaires de toutes dimensions, depuis les plus petites jusqu’à celles qui pèsent une locomotive, ne présentent, depuis l’Exposition de Londres, aucune amélioration qui mérite d’être signalée. M. Béranger à Lyon, et M. Schmidt à Vienne sont lesdeux industriels qui ont apporté sous ce rapport les collections les plus complètes. La bascule pour locomotives de M. Sagnier est d’une très-belle exécution.
- L’Exposition ne renferme aucun manège isolé ; nous en aurons plusieurs à citer en parlant des machines agricoles celui de M. Pinet, dans le jardin, présente une disposition très-remarquable.
- L’absence des moulins témoigne de l’éloignement toujours plus marqué dont ces moteurs trop incertains sont l’objet.
- Moteurs hydrauliques.
- Dans tout moteur hydraulique, l’on doit commencer par avoir égard au volume d’eau que l’on possède et à la hauteur de chute, c’est-à-dire à la différence des deux niveaux d’arrivée et de sortie d’eau.
- L’importance d’une chute s’évalue en prenant le produit du poids de l’eau dont on dispose dans un temps donné par la hauteur verticale dont elle descend.
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- Les appareils qui reçoivent l’eau portent le nom de récepteurs hydrauliques et ne peuvent jamais recueillir qu’une partie de ce produit. Le but que l’on se propose doit donc tendre à se rapprocher le plus possible de ce maximum théorique.
- Les systèmes de récepteurs hydrauliques dont on fait usage, son t :
- 1° Les roues à augets, qui reçoivent l’eau soit à leur sommet , soit entre le sommet et le centre ;
- 2° Les roues à palettes, emboîtées dans des coursiers circulaires qui reçoivent l’eau soit par des vannes en déversoir, soit par des orifices avec charge;
- 3° Les roues à palettes planes, qui reçoivent l’eau en dessous ;
- 4" Les roues à aubes courbes, qui reçoivent l’eau à la partie inférieure par des vannes, inclinées ;
- 5° Les roues à axe vertical, nommées turbines.
- C’est du choix de l’un ou de l’autre de ces systèmes que dépendent en grande partie les résultats que l’on retire d’une chute : aussi, avant de prendre une détermination,, doit-on se rendre un compte bien exact de la chute et du volume d’eau à dépenser aux différentes époques de l’année.
- Les quatre premières espèces de roues ne sont représentées à l’Exposition que par des modèles sans importance.
- Le modèle de M. Chaverondier, de Saint-Germain-Laval (Loire), représente une roue en dessous, à grande vitesse, qui a une largeur double de celle de la vanne.
- MM. Waddington frères, de Saint-Remi-sur-Àvre (Eure-et-Loir) , exposent un modèle de roue de côté, entièrement construit en tôle. Lafonçureest garnie d’armatures en fer qui dispensent d’arbre.
- La roue de M. Flageollet, de Vagney (Vosges), est en dessous, sans tête d’eau et à suspension. Le modèle que l’on rencontre à l’Exposition est exécuté avec soin et montre une disposition bien entendue.
- Les turbines peuvent dépenser des volumes d’eau très-variables, fonctionner hors de l’eau ou sous L’eau avec une grande vitesse, sans perte sensible dans le rendement; elles sont, depuis quelques années, recherchées par les propriétaires d’usines. Les nombreuses dispositions que l’on trouve dans l’Exposition indiquent la vogue dont elles jouissent.
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- L'on distingue deux espèces de turbines : 1° celles qui pren-nent l’eau et la rendent à la même distance de l’axe, et 2° celles qui prennent l’eau à une certaine distance de l’axe et la rendent à une distance plus grande. Les turbines de MM. Fontaine, Brou et Froment, Tenbrinck et'Dychkoff, Roy et Laurent, et Mesnier et Chenneval appartiennent à la première espèce; celles de MM. Cousin frères, Fourneyron, Canson, Duvoir et de l’administration des mines de Jenbach dépendent de la seconde. Nous allons les examiner successivement.
- MM. Fontaine, Braud et Froment, de Chartres (Eure-et-Loir), ont employé à plusieurs reprises, un vannage à papillon qui avait l’inconvénient très-grave d’exiger un effort très-considérable pour être mis en mouvement. Ces constructeurs ont corrigé l’inconvénient que nous venons de signaler, au moyen d’une bande annulaire en gutta-percha pouvant s’enrouler sur deux cônes en fonte dont les axes sont dirigés dans le môme plan. En faisant décrire au système de cônes une demi-conférence, l’on découvre ou l’on masque tous les orifices des directrices. Les applications qui ont eu lieu jusqu’à présent ont donné d’excellents résultats.
- MM. Tenbrinck et Dychkoff, de Bar-le-Duc (Meuse), exposent une turbine dans laquelle chaque directrice est garnie d’une vanne horizontale. L’on peut à volonté les manœuvrer deux à deux ou les ouvrir et les fermer toutes à la fois. Chacune d’elles est mise en mouvement au moyen d’un pignon et d’une crémaillère. L’arbre est à pivot inférieur et plonge dans un grand réservoir d’huile que l’on peut visiter au moyen d’une ouverture pratiquée dans un tube cylindrique en fonte qui entoure l’arbre de la turbine.
- La turbine de MM. Roy et Laurent, de Dijon (Côte-d’Or), est à bâche fermée. Le vannage s’effectue à l’aide de clapets que l’on soulève successivement à la main. Chacun d’eux recouvre l’intervalle compris entre deux directrices.
- MM. Mesnier et Chenneval, de Pontoise (Seine-et-Oise), ont aussi cherché, comme dans les dispositions précédentes, à dépenser des volumes d’eau variables. Chaque directrice renferme une vanne verticale. On les soulève successivement une à une, deux à deux, trois à trois, etc., de façon à avoir les orifices mobiles constamment pleins d’eau.
- Dans les turbines que nous venons d’examiner, l’eau se
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- dirige de haut en bas, tandis que, dans celles qu’il nous reste à voir, l’eau se dirige horizontalement.
- MM. Cousin frères, de Bordeaux (Gironde), exposent une turbine présentant comme .ensemble la disposition delà turbine Fourneyron. Le tracé des aubes n’est pas celui donné par cet ingénieur distingué ; l’on a suivi la méthode de M. Weis-bach , qui a l’avantage de faciliter la sortie de l’eau. Les aubes sont partagées sur leur hauteur par une cloison horizontale qui permet de dépenser plus avantageusement des volumes d’eau très-variables. L’arbre de la turbine est à pivot supérieur. Une partie des ateliers de la poudrerie de Saint-Médard, près Bordeaux, est mise en mouvement par une turbine construite sur ce modèle, et l’administration est très-satisfaite des résultats qu’elle donne. '
- M. Fourneyron, de Paris, dont nous venons de citer le nom en parlant de la turbine de MM. Cousin frères, par des circonstances indépendantes de sa volonté, n’a pas encore terminé son installation. La turbine que l’on peut voir maintenant, se compose d’un appareil double dans lequel l’eau arrive par la partie supérieure et par la partie inférieure. Dans chaque portion, l’eau se distribue dans deux compartiments d’où elle sort verticalement et horizontalement, de sorte que, par le fait, le récepteur de M. Fourneyron est formé de quatre turbines. Il est établi de façon à pouvoir dépenser le maximum du volume fourni par le cours d’eau, et à ne renfermer aucun moyen de régler la dépense. Le vannage doit se trouver dans la seconde turbine, qui n’est pas encore montée. En adoptant cette disposition, qui supprime complètement les directrices, M. Fourneyron se propose de réduire considérablement les dimensions des turbines destinées à dépenser de très-grands volumes d’eau.
- M. Canson, d’Annonay (Ardèche), a pour but, dans la construction de sa turbine, de" diminuer sensiblement le prix de revient. Pour y arriver, il supprime les directrices et il fait venir l’eau dans l’intérieur de la turbine par un tuyau en tôle. Comme dans les turbines Fourneyron ordinaires, l’eau sort à peu près tangentiellement à la roue. Le pivot de l’arbre est supprimé et remplacé par une embase reposant sur deux galets. M. Canson expose un second récepteur à axe horizontal, qui a beaucoup d’analogie avec celui que nous venons de décrire.
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- M. Duvoir, de Liancourt, a joint à son envoi de machine à vapeur, une turbine à réaction, composée d’un axe creux portant des bras courbes, également creux. En ouvrant le robinet d’arrivée d’eau, l’appareil tourne dans un sens opposé à celui de la sortie du liquide. Le frottement de l’eau contre les parois intérieures des tubes absorbe une partie considérable du travail moteur, de sorte que le rendement est moindre que dans tous les appareils que nous venons d’examiner.
- La partie étrangère de l’Exposition ne nous montre qu’une seule turbine, c’est celle envoyée par l’administration impériale des mines et forges de Jenbuch (Tyrol). Elle est formée d’aubes courbes maintenues entre deux anneaux horizontaux. L’eau arrive tangentiellement à la roue, au moyen d’un canal rectangulaire garni, près de la turbine, d’une vanne verticale. Ces roues, proposées depuis longtemps parle général Poncelet, sont très-répandues aux États-Unis d’Amérique et en Autriche , où elles donnent de très-bons résultats. Elles sont très-peu connues en France; c’est à peine si l’on en rencontre quelques exemples dans les environs de Toulouse. Il est essentiel d'ajouter que, pour obtenir un rendement considérable, elles ont besoin d’une grande chute.
- Chaudières à vapeur.
- Les chaudières à vapeur servent à produire de la vapeur d’eau à une pression plus ou moins élevée, que l’on emploie soit comme force motrice soit comme moyen de chauffage.
- Les vases dont on fait usage sont complètement fermés, et se construisent soit en cuivre, soit en tôle. C’est à ce dernier métal que l’on donne habituellement la préférence, à cause du bas prix auquel on peut se le procurer.
- Quand une chaudière à vapeur doit fournir de la vapeur sous une pression voisine de celle de l’atmosphère, ôn peut lui donner la forme que l’on veut, en se servant de tôles assez minces ; lorsqu’au contraire l’on a besoin de vapeur à haute pression, les formes sont très-limitées ; l’on emploie le plus ordinairement des chaudières cylindriques, en donnant aux feuilles métalliques qui les composent des épaisseurs convenablement calculées. Avec cette forme simple, les foyers sont
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- extérieurs, mais dans certains cas, comme dans les locomotives et dans les bateaux à vapeur, on est obligé d’employer des foyers intérieurs, ce qui complique énormément les dispositions. On ne peut se passer de surfaces planes qui exigent des armatures très-solides pour s’opposer à la déformation.
- Les chaudières envoyées à l’Exposition sont fort peu nombreuses et toutes françaises.
- Si nous nous transportons dans le bâtiment des chaudières destinées à fournir de la vapeur aux machines en mouvement, nous trouvons trois chaudières à bouilleurs superposés de M. Farcot. Dans les chaudières ordinaires à bouilleurs, ceux-ci sont placés sous le réservoir d’eau et de vapeur appelé vulgairement corps de chaudière. Au lieu de les disposer de cette manière, M. Farcot a eu l’idée de superposer les bouilleurs et de les ranger latéralement à la chaudière. Les produits de la combustion agissent directement sur le corps de chaudière et passent successivement autour de chacun des bouilleurs, en commençant par le bouilleur supérieur. L’eau, au contraire, entre dans le bouilleur inférieur, s’élève dans le suivant et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elle arrive dans le corps de chaudière où elle est sur le point d’être réduite en vapeur. Il en résulte que l’eau suit un chemin opposé à celui de la flamme et qu’elle s’échauffe graduellement, tandis que les gaz chauds se refroidissent de plus en plus, en se rapprochant de la sortie. C’est, en grande partie, cette heureuse innovation qui a valu à M. Farcot la moitié du prix de 10 000 francs proposé par la Société d’encouragement.
- A côté de l’une des chaudières de M. Farcot, nous voyons la ehaudière à foyer intérieur, que MM. Nepveu et Cie ont construite d’après les plans de M. Molinos. C’est une chaudière de locomotive dans laquelle se trouve, à l’extrémité de la grille, une cloison méplate remplie d’eau, servant d’autel, et forçant la flamme à se renverser avant d’entrer dans les tubes. Derrière la grille et sur les côtés, sont pratiquées des ouvertures circulaires communiquant avec un ventilateur, et que l'on règle au moyen de plaques ou registres. Le but de cette disposition est de brûler la fumée et de produire une plus grande quantité de vapeur avec un poids donné de combustible; mais dans les appareils de ce genre, il est excessivement difficile, pour ne pas dire impossible, de n’introduire que le volume d’air stricte-
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- ment nécessaire à la combustion des gaz. Les expériences que le jury se propose de faire apprendront si cette disposition répond aux vues de son auteur.
- Un peu plus loin, nous trouvons l’appareil de M. Beau-fumé, que MM. Pommereau et Cie ont fait établir. Il consiste en un foyer avec grille, entièrement fermé dans lequel l’air est lancé par un ventilateur, et en un fourneau renfermant une chaudière à vapeur ordinaire. Le combustible que l’on introduit dans le foyer par la partie supérieure, sans établir de communication avec l’air extérieur, se transforme en gaz combustible, que l’on brûle ensuite sous la chaudière à l’aide d’une partie de l’air du ventilateur. Les produits de la combustion s’échappent à une faible température, sans donner de fumée. Dans les expériences qui ont eu lieu dernièrement à la pompe à feu de Chaillot, M. Grouvelle a constaté une production de 10l,54 de vapeur par kilogramme de houille brûlée.
- Nous arrivons à la chaudière de M. Clavières, qui se compose d’un grand nombre de tubes verticaux aboutissant à des tubes horizontaux. Tout cet ensemble de tuyaux est placé au-dessus d’un foyer dans l’intérieur d'un fourneau en maçonnerie, de façon à profiter de la chaleur rayonnante du combustible. Le but de cette disposition est d’avoirdans la chaudière un volume d’eau très-faible, et d’obtenir promptement de la vapeur à haute pression. Ce système, dont on fait usage sur les bateaux de la compagnie des bateaux porteurs, nous semble très compliqué et d’un nettoyage difficile.
- Si nous rentrons dans l’Exposition , nous trouvons, vers le milieu de l’Annexe, dans le voisinage de la fontaine de MM. Béchu et Leclerc, les belles chaudières à vapeur de M. Durenne fils. Elles sont toutes deux à foyer intérieur. L’une d’elles est simplement exposée comme travail de chaudronnerie : c’est une chaudière de machine locomobile; Afin de pouvoir mieux en apprécier le mérite, M. Durenne a eu soin de ne pas la faire peindre. Il est difficile d’atteindre une pareille perfection , qui indique un atelier bien monté et bien dirigé. La seconde chaudière présente des dispositions nouvelles, qui, pour être bien comprises, ont besoin de quelques explications. Elle est formée de plusieurs tronçons réunis par des boulons. Le premier, de forme rectangulaire, renferme uniquement le foyer, et les suivants, de forme cylin-
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- drique, sont composés de cylindres traversés par des tubes en grand nombre. Chaque compartiment, monté sur quatre roues, forme pour ainsi dire une chaudière complète. Le dernier porte la cheminée. Ces divers tronçons sont mis en communication, par le haut et par le bas, au moyen de tubes en cuivre. Les produits de la combustion qui se dégagent du foyer traversent les tubes du premier compartiment, et trouvent à la suite une chambre où ils se dilatent; ils passent à travers le second faisceau de tubes , et ainsi de suite, jusqu’à leur entrée dans la cheminée. Pendant ce cheminement, l’eau qui vient dans le tronçon qui porte la cheminée, s’y échauffe; l’eau la plus chaude de ce compartiment arrive, au moyen d’un tube convenablement disposé, à la partie inférieure du suivant, et parvient de proche en proche dans la portion qui renferme le foyer où elle est sur le point d’être réduite en vapeur. Comme dans la chaudière de M. Farcot, les gaz chauds sont en contact avec l’eau la plus chaude, et ne sortent de la chaudière qu’avec la température convenable pour avoir un bon tirage. C’est une disposition qui n’est pas encore sanctionnée par une expérience prolongée, mais elle est remplie d’avenir. M. Durenne a obtenu, avec du charbon de qualité ordinaire, 9 kilogrammes de vapeur par kilogramme de houille brûlée.
- Près de la chaudière de M. Durenne, nous avons la chaudière tubulaire à foyer intérieur de MM. Duez frères, de Fives (Nord ). Elle présente un peu d'analogie avec celle que nous venons d’examiner. La partie de la chaudière qui renferme le foyer est complètement isolée de celle qui contient les tubes : l’eau arrive dans cette dernière portion avant de se rendre dans la première, ce qui s’obtient au moyen d’un tube de communication situé à la partie supérieure. MM. Duez ont appliqué ce système aux chaudières à bouilleurs. Cette disposition ne figure à l’Exposition, qu’en dessin.
- En parcourant le catalogue officiel, nous voyons figurer, parmi les exposants de générateurs à vapeur, les noms de MM. Belleville et Isoard. Jusqu’à présent, ces messieurs ont manqué à l’appel; il eût été pourtant intéressant d’examiner leurs produits, qui, à une certaine époque, ont excité vivement l’attention publique. Les avantages de ces deux systèmes sont les suivants : sécurité complète , diminution
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- considérable de poids et de volume, production rapide de vapeur à haute pression et emploi de la vapeur sèche. A côté de ces avantages précieux, il y a malheureusement un inconvénient considérable résultant de l’énorme difficulté du nettoyage.
- Les deux chaudières, dont nous venons de dire quelques mots, nous conduisent naturellement auprès du modèle de générateur deM. Boutigny. La chaudière de cet exposant se compose d’un cylindre terminé vers le bas par une demi-sphère et fermé dans le haut par un couvercle. L’intérieur de ce cylindre contient des diaphragmes percés de trous et superposés. Cet ensemble se place dans un fourneau en maçonnerie qui ne présente aucune particularité. La production de la vapeur étant instantanée, il arrive constamment, parla partie supérieure, la quantité d’eau nécessaire à la vaporisation. Avec ce système, construit sur une très-petite échelle, M. Boutigny a obtenu une quantité de vapeur assez considérable, puisqu’il a eu 7k,50 de vapeur par kilogramme de houille. M. Boutigny attribue ce résultat satisfaisant à ce fait, que la chaudière est toujours décapée et que les dépôts de sels calcaires se forment sur les diaphragmes.
- Avant de quitter les appareils de production de vapeur, il nous reste à appeler l’attention des visiteurs sur l’appareil de MM. Beaumont et Mayer, qui est destiné-à produire de la vapeur par le frottement. Us arrivent à ce résultat en faisant tourner, à la vitesse de 400 tours par minute, un cône en bois, revêtu d’une tresse en chanvre imprégnée d’huile dans l’intérieur d’un cône métallique faisant partie d’une chaudière à vapeur remplie d’eau. Le problème que ces messieurs ont en vue est de convertir les forces naturelles perdues en chaleur utile. Il nous est impossible d’exprimer la moindre confiance dans l’emploi de ce système, qui doit absorber un travail de frottement très-considérable.
- La chaudière en tôle d’acier, essayée à dix-huit atmosphères, de MM. Jackson frères, Peters, Gaudet et Cie, ouvre une voie nouvelle ; bien que l’acier soit encore plus cher que la tôle à poids égal, la résistance de plus grands efforts sur ce métal permet de réduire considérablement les épaisseurs, et de réaliser ainsi une réduction de poids considérable. Il
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- est impossible d’ailleurs de voir de la chaudronnerie d’un plus beau travail.
- Gomme il importe d’alimenter les chaudières avec de l’eau à une température élevée, il est intéressant de faire attention à l’appareil de MM. Legris, Choisy et Ligon, qui est monté sur l’une des machines à vapeur, servant à remplir d’eau les réservoirs nécessaires au fonctionnement des machines. Cét appareil utilise une partie de la vapeur d’échappement de la machine pour le chauffage de l’eau d’alimentation, qui acquiert ainsi une température de 400 degrés.
- Machines à vapeur.
- Dans les premières applications de la vapeur d’eau comme force motrice, l’on n’eut en vue que l’élévation des eaux qui gênaient l’exploitation des mines. Plus tard, l’on entrevit la possibilité d’appliquer la force élastique de la vapeur d’eau à d’autres travaux; c’est au célèbre Watt que revient l’honneur d’avoir réalisé cette idée. Quand il voulut la mettre à exécution, il fut arrêté dès le début par des difficultés de tous genres; ainsi, en dehors des moyens d’exécution qu’il dut créer, il eut à déterminer les pressions de la vapeur, correspondantes aux différentes températures, les volumes et les poids correspondants aux diverses pressions, les quantités d’eau nécessaires au refroidissement de la vapeur et les dimensions des chaudières pour obtenir un poids donné de vapeur d’eau. A la suite d’un travail inouï, il parvint à construire la machine à vapeur que nous voyons journellement, soit dans les établissements, soit sur les bateaux à vapeur.
- Elle a été perfectionnée, et surtout simplifiée par un grand nombre d'ingénieurs et de mécaniciens ; mais les dispositions principales n’ont pas été changées, les indications numériques qu’il a fournies sont restées les mêmes. Les moyens d’exécution ont été modifiés et améliorés, c’est ce qui a permis d’entreprendre des projets auxquels il eût été impossible de songer. L’on effectue maintenant au moyen de machines-outils ce que l’on était autrefois obligé d’exécuter à la main. L’on construit de la sorte beaucoup mieux et à plus bas prix. La diminution des prix résulte encore des modifications que
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- l’on a proposées et réalisées depuis quelques années. Autrefois l’on se croyait forcé de suivre les modèles de Watt qui comprenaient des balanciers, des bielles, des manivelles, des entablements en fonte d’un poids considérable et d’un travail excessif ; peu à peu on est parvenu à sortir de ces dispositions et à construire des machines à mouvements directs qui n’ont pas tardé à conduire aux machines horizontales. En même temps que l’on osait s’écarter si loin des vieilles habitudes, on essayait d’augmenter les vitesses des pistons à vapeur. Ces tentatives ayant été couronnées de succès, elles ont trouvé beaucoup d’imitateurs ; aussi existe-t-il peu de mécaniciens s’occupant exclusivement de la construction des machines à balanciers.
- Ce sont surtout les machines de bateaux à vapeur qui se sont ressenties des améliorations que nous venons de signaler ; nous pouvons à peu près affirmer que l’on ne construit plus de machines à balanciers pour la navigation. La substitution presque générale des hélices aux roues à palettes contribue encore à l’adoption des machines horizontales, aussi bien dans la marine militaire que dans la marine marchande.
- L’application immédiate des moteurs à vapeur aux opérateurs est un progrès au moins aussi important, que celui de l’augmentation de la vitesse, cela permet de supprimer un grand nombre de pièces intermédiaires qui absorbent, en frottement, un travail très-considérable. Nous aurions pu trouver, dans l’Exposition un plus grand nombre d’exemples de cette idée féconde, mais il y en a bien assez pour montrer le parti que l’on peut tirer de l’appropriation convenable de la machine à vapeur au travail que l’on a en vue d’exécuter.
- Si les Anglais sont restés longtemps nos maîtres en fait de constructions de machines à vapeur, nous n’avons plus rien à leur envier maintenant, nous pouvons marcher de pair avec eux, nous leur sommes même supérieurs sous le rapport du meilleur emploi de la vapeur comme force motrice. Cette supériorité tient au prix élevé des combustibles qui a obligé nos ingénieurs à trouver des dispositions économiques.
- • De tous les moteurs, ce sont les machines à vapeur qui rendent les plus grands services, parce qu’on peut les appliquer partout, dans toutes les industries, depuis la filature du fil le plus fin et le plus délicat jusqu’au travail des pièces for-
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- gées les plus lourdes. L’on ne doit pas pour cela négliger les moteurs hydrauliques, qui sont d’un emploi si économique chaque fois que l’on dispose d’une chute d’eau.
- Une machine à vapeur se compose essentiellement d’un cylindre fermé à chacune de ses extrémités, d’un piston et de conduits disposés d’une manière convenable pour l’entrée et la sortie de la vapeur. Quand la vapeur a terminé son action sous le piston, elle se rend dans l’air ou dans un appareil rempli d’eau froide appelé condenseur, destiné à l’anéantissement presque complet de la pression. Pendant que la vapeur s’en va de la partie inférieure, il en arrive par la partie supérieure qui sert à son tour à pousser le piston en sens contraire, et ainsi de suite. L’on obtient de la sorte un mouvement alternatif ou de va-et-vient.
- Si l’on intercepte l’entrée de la vapeur à partir d’un certain point de la course du piston , le reste de la course sera parcouru par l’effet de l’expansion ou de la dilatation de la vapeur. La machine est alors dite à détente. Suivant que la machine est avec ou sans détente, et avec ou sans condensation, l’on distingue quatre espèces de machines à vapeur, savoir :
- 4° Les machines à vapeur sans détente et sans condensation ;
- 2° Les machines à vapeur à détente et sans condensation ;
- 3° Les machines à vapeur sans détente et à condensation ;
- 4° Les machines à vapeur à détente et à condensation.
- Suivant les fonctions que remplissent les machines à vapeur, l’on peut avoir à.considérer les machines fixes, les machines locomotives, les machines locomobiles et les machines de bateaux; nous ne nous occuperons ici que des machines à vapeur fixes.
- Machines à cylindres verticaux.
- Les premières machines à vapeur que l’on aperçoit, lorsque l’on entre dans la galerie des machines, sont celles de MM. Powell, Scott et Lacroix père et fils, de Rouen, qui ont exposé trois machines de même puissance et à peu près de même forme. Chacune d’elles est de la force de quarante chevaux et du système de Wolf, ou à deux cylindres de diamètres différents. Dans ce système, la vapeur vient directement
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- dans le petit cylindre où elle agit à pleine pression, passe dans le grand cylindre où elle est forcée d’occuper un volume plus considérable, puis sort de ce cylindre pour aller au condenseur, où l’on obtient un vide d’autant plus parfait que la machine est mieux établie.
- Les deux cylindres dont il vient d’être question, sont le plus souvent entourés d’une enveloppe vulgairement appelée chemise; la vapeur circule entre cette enveloppe et les cylindres avant de commencer son action. MM. Powell et Lacroix père et fils ont établi une cloison dans la chemise, de façon à empêcher la circulation de la vapeur de la chaudière autour des cylindres. La vapeur passe d’abord autour du petit cylindre , entre dans ce cylindre, va dans le grand, et enfin , sort entre ce cylindre et l’enveloppe.
- Dans la machine de M. Scott, les choses ne se passent pas tout à fait ainsi : la vapeur de la chaudière arrive dans le petit cylindre, passe dans le grand, et se rend directement dans le condenseur. L’on empêche le refroidissement des deux cylindres à l’aide d’un courant de vapeur que l'on prend sur le tuyau d’arrivée de vapeur. Cette disposition nous semble préférable aux précédentes qui sont elles-mêmes supérieures à ce que l’on pratiquait auparavant.
- A côté de ces grandes machines à balanciers, avec entablements destinés à être encastrés dans des mure, se trouve la machine de, M. Lecouteux, de Paris, également du système de Wolf. Étant d’une force moins considérable, le balancier est porté sur deux bâtis triangulaires reliés au moyen d’entretoises. Comme dans le système de Wolf, les deux cylindres sont contenus dans une chemise, dans l’intérieur de laquelle arrive la vapeur de la chaudière; mais les entrées et les sorties de la vapeur sont tellement combinées que l’on peut marcher à volonté avec les deux cylindres ensemble ou séparément. Chacun d’eux porte un tiroir à détente variable au moyen de cames mises, en mouvement par le modérateur. Cette innovation fort heureuse fait honneur au successeur de M. Moulfa-rine, qui a construit les belles machines motrices de la Monnaie de Paris,
- M. Legavrian, de Lille, s’est proposé, dans la machine qu’il a envoyée à l’Exposition, d’obtenir une grande puissance avec un minimum de matière. La disposition qu’il a suivie ne
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- peut être mieux comparée qu’à deux machines de Wolf réunies, dans lesquelles on a supprimé l’un des petits cylindres. Pour que le petit cylindre puisse alimenter de vapeur chacun des grands, on donne à son piston une vitesse double de celle des grands pistons. C’est ce constructeur qui a partagé avec M. Farcot le prix de 10 000 fr. proposé par la Société d’encouragement. Nous croyons que la nouvelle disposition ne sera pas adoptée par les industriels, et que M. Le-gavrian reviendra à la machine qui lui a valu une aussi haute distinction.
- A peu de distance de la machine de M. Legavrian, nous voyons la machine à vapeur de M. Trésel, de Saint-Quentin, qui n’a eu d’autre but, en exposant, que d’indiquer son système de détente. Le mécanisme en question, qui a paru à l’Exposition de 484-9, présente les avantages suivants, savoir : de faire arriver la vapeur avec la tension qu’elle possède dans la chaudière, d’opérer la détente à tous les points, de la course, d’introduire la vapeur sur le piston par une ouverture complètement démasquée aux 7pl00 de la course, et d’admettre le même volume de vapeur au-dessus qu’au-dessous du piston.
- Ces avantages sont obtenus au moyen de deux tiroirs : l’un de distribution et l’autre d’arrêt pour intercepter les passages. Le premier se meut dans un cadre rectangulaire, et le second dans un cadre formé de quatre courbes. Il serait à désirer que cette disposition, donnant d’excellents résultats, se répandît; car c’est la seule détente rationnelle qui ait été faite jusqu’à présent.
- M. Hermann a joint à son exposition de machines à fabriquer le chocolat, une machine à vapeur à condensation et à détente variable par le modérateur, qui. fait fonctionner une faible partie de l’arbre de transmission de mouvement. Le cylindre vertical est monté sur un entablement supporté par quatre colonnes. L’arbre à manivqlle, placé près du sol, reçoit son mouvement de la part de la tige du piston, par l’intermédiaire d’une bielle ayant la forme d’un cadre, à l’un des angles duquel est articulée une tringle qui fait marcher le levier des pompes. L’avantage de cette disposition est d’avoir une bielle assez longue, sans trop élever le cylindre à vapeur au-dessus du sol. L’ensemble
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- est compliqué, lorsque l’on veut fonctionner à condensation.
- L’une des machines en mouvement, qui attire le plus l’attention des visiteurs , est celle de M. Flaud, de Paris. Elle se compose principalement de deux cylindres à vapeur avec pistons agissant, par l’intermédiaire de bielles, sur un arbre à manivelles coudées à angle droit. Les pièces qui la constituent se retrouvent dans toutes les machines à vapeur; ce qui la distingue des autres, c'est qu’elle donne un plus grand nombre de coups de pistons ; l’arbre à manivelles ne fait pas moins de 250 révolutions par minute. Le grand avantage de semblables machines est d’avoir des moteurs très-puissants sous un très-petit volume, et, par suite, à très-bas prix. Leur côté faible est de ne pas être d’un emploi économique, à cause du volume de vapeur compris entre le piston et le couvercle que l’on perd à chaque pulsation. M. Flaud a encore deux autres machines verticales, appliquées l'une à la carde de M. Clénet, l’autre aux pompes de M. Delpech. Elles sont d’une simplicité remarquable et fonctionnent également avec une vitesse considérable.
- Machines à cylindres horizontaux.
- Parmi les machines verticales, nous n’en avons trouvé qu’une seule faisant marcher une petite partie de l’arbre de transmission de mouvement. Le reste de l’arbre, en ce qui concerne les machines françaises, fonctionne à l’aide de machines horizontales que nous allons passer en revue. Quant à celles en repos, nous nous bornerons à examiner les principales.
- En venant du côté de la place de la Concorde, c’est-à-dire en nous dirigeant vers l’ouest, nous arrivons d’abord à la machine à vapeur de MM. Révollier et Cie, de Saint-Étienne, qui présente plusieurs perfectionnements intéressants à faire connaître. Le plus important se trouve dans le mode de distribution de la vapeur. Chaque extrémité du cylindre est munie d’une boîte à deux compartiments percés de deux ouvertures circulaires servant, l’une à l’introduction, l’autre à la sortie de la vapeur. Ces ouvertures sont garnies de soupapes, dites de Cornouailles, que l’on soulève à l’aide d’un
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- effort très-peu considérable. Elles portent des tiges aboutissant aux extrémités d’un T qui reçoit son mouvement par 1-’intermédiaire d’une excentrique et d’une bielle. L’oscillation de ce T est telle que, lorsqu’on baisse l’une des soupapes, l’on soulève l’autre. L’avantage de cette disposition est de diminuer la longueur des conduits d’arrivée de vapeur, de pouvoir soulever les soupapes sans faire éprouver de fatigue à la machine, et d’introduire presque instantanément le volume de vapeur nécessaire à chaque pulsation. Cette machine, construite pour le service d’extraction d’une mine, est à détente variable à la main, afin de pouvoir augmenter la puissance du moteur au fur et à mesure de l’approfondissement des travaux.
- Les coussinets des paliers qui portent l’arbre du volant sont en quatre parties, de façon à pouvoir les serrer horizontalement et verticalement. C’est une disposition que l’on devrait introduire dans la construction de toutes les machines horizontales.
- La machine à vapeur de M. Bourdon est également à détente et sans condensation. La détente de cette machine s’effectue d’une manière particulière; elle s’obtient au moyen d’une plaque appliquée contre le tiroir de distribution, que l’on règle à la main au moyen d’une came extérieure. Le cylindre à vapeur est entouré d’une chemise dans l’intérieur de laquelle on fait circuler un petit jet de vapeur que l’on prend sur le tuyau d’arrivée dans le voisinage delà boîte de distribution. Cette chemise est revêtue de bois afin d’empêcher autant que possible la déperdition de la chaleur.
- La machine de M. Farcot, qui vient ensuite, est une machine de cinquante chevaux, à détente variable et à condensation.
- Le cylindre à vapeur est entouré de toutes parts par une couche de vapeur contenue dans un second cylindre que l’on enveloppe lui-même d’une couche de bois.
- La détente a lieu par l’intermédiaire du modérateur qui fait tourner, dans l’intérieur de la boîte de distribution, une came contre laquelle vient heurter une plaque poussée par la vapeur contre le tiroir de distribution. Suivant la position que cette plaque occupe la vapeur entre plus ou moins longtemps dans l’intérieur du cylindre. Cette disposition, qui fonctionne très-206 q
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- bien quand elle est bien réglée, est malheureusement compliquée : il serait à désirer qu'on pût la simplifier.
- L’eau d’injection du condenseur ne se projette pas directement sur la vapeur comme cela se pratique habituellement, elle traverse des tôles percées de trous, qui sont placées pour retarder son arrivée et la transformer en pluie fine. Les pompes à air avec clapets en caoutchouc sont à double effet. Deux de ces clapets servent pour l’air et les deux autres pour l’eau.
- La dernière machine qui fait fonctionner la transmission est celle de l’école d’Angers qui a été construite pour une exploitation ardoisière des environs d’Angers. Cette machine exécutée avec assez de soin, à part l’arbre coudé qui laisse à désirer, fonctionne aussi convenablement qu’on peu t le désirer.
- En revenant sur nos pas , il nous reste à signaler un certain nombre de machines horizontales en mouvement. Parmi celles-ci, nous trouvons les petites machines de M. Flaud,. faisant marcher, l’une une pompe de M. Éloy, ét l’autre une nmchine à faire les parquets de M. Sautreuil, de Fécamp.
- Ces machines, sont excessivement simples et fonctionnent à grande vitesse comme les machines verticales dont nous, avons déjà parlé. Elles sont établies de façon à éviter les dérangements ; l’on peut les employer en toute confiance dans un grand nombre de circonstances.
- îijL Flaud a encore qne machine à vapeur horizontale , dite petit cheval d’a,limentation, elle est destinée à l’alimentation dns chaudières à vapeur. La bielle ayant été remplacée par une coulisse, le volume de la machine est aussi réduit que possible.
- L’amMiôration principale introduite par M. Flaud dans les machines depuis l’exposition, dernière consiste dans l’élargisr. sep?ent considérable qu’il a donné à toutes leurs parties frottant^. Sans, modifier le frottement, il arrive dé cette manière-à éviter, en grande partie, la destruction des principaux organes, p,ar Y usé,
- M. Duvoir.dq Lianconrt s’est proposé de construire des ma-cbjines.à vapeur en, supprimant les boîtes à étoupes des tiges de piston.
- £açr arriver à cq résultat, il s’est trouvé, forcé d’employer dans chaque appareil demi cylindres , deux, pistons et. deux
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- tiges. Dans cette machine , la vapeur n’agissant qu’à simple effet, l’on a presque doublé le volume nécessaire. L’on a en outre remplacé le frottement d’une tige de petit diamètre par celui d’un piston d’un diamètre beaucoup plus considérable. Quoique cette machine fonctionne facilement, nous ne voyons pas bien le progrès que l’auteur a voulu réaliser. Le seul avantage d’une semblable disposition , c’est que, les pistons étant visibles sur l’une des faces, il est facile d’apercevoir les fuites, quand elles se déclarent.
- En continuant l’examen des machines en mouvement, nous arrivons auprès des deux petites machines envoyées par l’École des arts et métiers deChâlonsdela force de trois à quatre chevaux chacune, L’une d’elles met en mouvement le ventilateur de M. Lemielle, de Valenciennes, tandis que l’autre est attelée à l’hydro-extracteur de M. Tulpin, de Rouen. Les dispositions de ces machines sont simples et bien choisies. L’exécution due à des élèves qui ont encore peu^ l’habitude du travail des pièces mécaniques est très-remarquable.
- Dans les machines à vapeur, surtout lorsqu’elles ont des dimensions très-considérables, la manœuvre du tiroir de distribution est très-difficile, à cause de l’énorme pression exercée par la vapeur. M. Maldent, de Bordeaux, a exécuté une disposition qui répond assez bien au but qu’il s’est proposé. Le tiroir percé de deux ouvertures glisse à frottement doux entre la table des lumières du cylindre et une pièce tenue à distance fixe, portant des ouvertures pour l’introduction et l’échappement de la vapeur. Les différentes surfaces rodées avec soin sont en contact tellement immédiat qu’il n’existe aucune fuite.
- L’encadrement de la botte de tiroir étant supprimé, l’on peut vérifier les fuites et les réparer quand il s’en déclare.
- A peu près en face de celte machine l’on aperçoit une machine à vapeur de trente chevaux exposée par l’école d’Aix. Cette machine doit servir de moteur dans une garan-cerie. Pour indiquer le mode de transmission de mouvement, l’on a monté deux des différentes paires de meules qu’elle doit faire tourner. Cette écoie, d’une fondation plus récente que celles d’Angers et de Châlons, a su former des élèves assez habiles pour exécuter la machine que l’on voit dans l’Exposition.
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- Les réservoirs d’eau servant à tout le service des machines et appareils en mouvement sont alimentés par des pompes que l'on fait marcher au moyen de deux machines à vapeur à détente variable et à condensation, construites par MM. Nep-veu et Cie. La variation de la détente s’obtient à l'aide de la coulisse Stephenson. Ces machines sont bien traitées et ne laissent rien à désirer.
- Une des heureuses applications de la vapeur comme force motrice consiste à employer le moteur destiné à un outil déterminé de manière à éviter autant que possible les transmissions lourdes ou compliquées. Nous en trouvons quelques exemples dans l’Exposition.
- MM. André Kœchlin, de Mulhouse, ont établi une machine à vapeur spéciale pour faire marcher leur belle machine à imprimer les étoffes.
- MM. Thomas et Laurens donnent directement le mouvement à un cylindre soufflant au moyen d’une machine à vapeur horizontale. Ils suppriment de la sorte les organes compliqués de transmission de mouvement dont on faisait autrefois usage.
- Les mines de Blanzy ont exposé un ventilateur à axe .vertical et à ailes courbes que l’on fait tourner directement à l’aide d’une petite machine à vapeur horizontale.
- M. Gratiot, d’Essonne, a envoyé une pile à papier qui reçoit son mouvement au moyen d’une machine à vapeur appliquée contre la cuve de la pile.
- M. Voruz s’est borné à l’envoi de la cuve d’une pile à papier qui est également conduite par un moteur spécial.
- Ces quelques applications suffisent pour faire comprendre le parti' que l’industrie peut tirer de l’emploi .des machines à vapeur agissant directement sur les machines et outils que l’on a besoin de mettre en mouvement.
- En outre de l’avantage qui résulte de la simplification des transmissions de mouvements, l’on est certain de ne jamais éprouver de chômages, parce que , tandis qu’un moteur est en réparation , les autres continuent à effectuer leur travail.
- Les machines horizontales en repos sont assez nombreuses. Parmi les plus remarquables à citer, nous ayons celles de MM. Cail et Cie., de Paris. L’une d’elles est à* détente sans condensation , et l’autre est à détente avec condensation. La pompe à air de cette dernière est également horizontale et
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- reçoit son mouvement par. l’intermédiaire d’un balancier. L’ensemble de ces machines est très-satisfaisant, tant sous le rapport des formes que sous celui de l’exécution. Elles ne renferment pas des dispositions nouvelles de nature à faire progresser l’industrie des moteurs à vapeur , mais les pièces dont elles sont composées sont si bien groupées, si bien agencées qu’elles échappent à toute critique.
- M. Farinaux, de Lille, expose une machine à vapeur horizontale du système de Wolf, à détente variable. Les deux cylindres sont fondus d’un même morceau, le petit cylindre seul .est entouré d’une chemise. Une détente mise en mouvement par le modérateur est appliquée sur le petit cylindre. Elle se compose de deux glissières situées l’une en avant et l’autre en arrière du tiroir de distribution et reliées au modérateur par l’intermédiaire de deux petites tiges. Quand le modérateur n’agit pas, la machine marche sans détente, mais,- lorsque les boules s’écartent, les deux glissières viennent masquer en partie les orifices de distribution du cylindre à vapeur, et il y a détente. La détente est d’autant plus grande que les boules du modérateur sont plus écartées.
- Le condenseur est en avant des deux cylindres, ce qui nécessite, pour transmettre le mouvement à la manivelle, l’emploi d’une énorme bielle à fourche qui n’est pas d’un bel effet.
- Dans cette machine, l’on a eu surtout en vue de mettre toutes les pièces aussi en évidence que possible ; c’est ce qui donne à l’appareil une complication plus apparente que réelle.
- MM. Tenbrinck et Dyckhoff, de Bar-le-Duc, ont envoyé à l’Exposition une machine à vapeur horizontale qui ne diffère des autres machines de même espèce que par le moyen qu’ils ont employé pour faire varier la détente. Elle a lieu à l’aide de roues dentées avec rochets, disposées de façon à tourner dans un sens ou dans l’autre, suivant que les boules du modérateur s’élèvent ou s’abaissent. Par l’intermédiaire d’arbres et de roues d’angles, l’on parvient à augmenter ou à rétrécir les orifices du tiroir de distribution, et, par suite , à obtenir une détente vaViable.
- M. Frey expose une machine de 40 chevaux à détente variable. Pour diminuer l’usure du cylindre , la tige du piston traverse les deux couvercles qui ferment les extrémités, mais
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- cette disposition n’est pas nouvelle. La détente est obtenue au moyen d’une came à courbes variables, montée sur l’arbre du modérateur. L’une des extrémités de la tige du tiroir porte un galet et l’autre est munie d’un petit piston qui force le galet à s’appuyer contre la came. L’on évite le choc qui a lieu lorsque le tiroir se ferme par un ressort.
- Pour terminer ce que nous avons à dire sur les machines à vapeur horizontales, nous citerons les noms de MM. Routfet et Martin, de Paris, et M. Mariolle-Pingnet, de Saint-Quentin , qui ont exposé, les premiers des machines à détente sans condensation, et le dernier une machine à détente avec condensation. Ces trois machines, qui ne présentent pas de dispositions particulières, sont très-bien exécutées.
- Machines à vapeur oscillantes.
- La plus importante des machines oscillantes envoyées à l’Exposition est celle deM. Boyer, de Lille. Elle est à deux cylindres et à condensation. L’on reconnaît en la voyant l’habile exécution de ce constructeur de premier ordre qui construit de si belles et si bonnes machines à balancier. Nous craignons cette fois que l’expérience ne réponde pas aux vues de l’auteur qui n’a eu d’autre but que de diminuer le prix de vente.
- M. Béchu a exposé une petite machine oscillante dans laquelle la distribution de la vapeur a lieu au moyen de deux tiroirs superposés. Le tiroir de distribution fixe est mû par un excentrique à cames qui démasque brusquement les orifices du cylindre. L’autre tiroir sert pour la détente que l’on rend variable à la main en diminuant sa course.
- La dernière machine oscillante que nous ayons à citer a été envoyée par l’association des tullistes de Saint-Pierre-lès-Calais. Cette petite machine sert à faire fonctionner le métier à tulles qu’ils ont exposé.
- Machines rotatives.
- L’Exposition française renferme très-peu de machines à vapeur rotatives. La seule qui mérite d’être mentionnée est celle de M. Moret, construite d’après les dispositions indiquées par
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- M. Pecqueur. Elle se compose d’un bras ou piston se iriôiù-vant circulairement dans l’intérieur d’une enveloppe annulaire. La distribution s’opère au moyen de deux plaqués hd-rizontales qui avancent et reculent dans un plan passant par l’àxe de l’arbre. M. Moret a rendu ce système plus parfait èn modifiant les presse-étoupes de l’arbre de transmission dè mouvement.
- Machines à air et à vapeurs combinées.
- Les machines à air sont très-rares à l’Exposition, on ne peut citer que celle de M. Franchot. Ce moteur accomplit son action au moyen de réchauffement et du refroidissement subits de quatre masses d’air passant successivement d’un'é chambre chaude dans une chambre froide. L’exposant annonce une dépense d’un kilogramme de charbon par force de cheval et par heure. 11 est douteux que l’on puisse obtenir uh résultat semblable.
- M. Pascal, de Lyon, a exposé, sous la dénomination de moteur générateur à combustion comprimée, Un appareil qui trouve parfaitement sa place à côté des machines à air. Il se compose de quatre parties bien distinctes : un foyer renfermé dans un récipient clos de toutes parts, une pompe à air, un cylindre à vapeur ordinaire avec sa boîte de distribution et une petite pompe alimentaire. On brûle le combustible dans le foyer avec le secours de la pompe à air, on produit au-dessus du foyer de la vapeur instantanée, on mélange lés produits de la combustion avec la vapeur àurèhâüffée ët l’on envoie le tout dans le cylindre moteur. Il paraît due l’on obtient des résultats excessivement économiques, avec des appareils de ce genre, mais jusqu’à présent l’inventeur s’est abstenu de les faire connaître. Il sera très-curieux de visiter le bateau portant un appareil moteur de ce système, qui doit venir se montrer sur la Seine, pendant la durée de l’Exposition.
- Lès machines à vapeurs combinées de M. DU Tremblay Ont abordé par une autre voie le problème de l'amélioration deâ machines à vapeur. Imaginez qu’on fasse rendre là vapetfr d’échappement dans un vase métalliqùe renfermant une très-grande quantité de tubes remplis d’éther ou dé Chloroforme ,
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- liquides qui se réduisent en vapeur à très-basse température ; l’eau, en se condensant dans ce vase, vaporisera unp certaine quantité de ce liquide, qui pourra agir par sa force expansive sur une nouvelle machine en tout semblable à la première; ce principe fécond permet d’utiliser une seconde fois la chaleur produite, mais il est nécessaire d’avoir dans ce second appareil des clôtures parfaites, si l’on ne veut avoir à craindre les fuites de ces vapeurs secondaires, très-facilement inflammables et d’ailleurs d’un prix élevé.
- Les applications déjà faites, par M. Du Tremblay, de son système ne laissent pas que d’avoir une assez grande importance ; on construit en ce moment de grandes machines de bateaux pour l’emploi des vapeurs combinées, expression qui est vicieuse, en ce sens que les deux vapeurs sont toujours parfaitement isolées l’une de l’autre.
- La revue des machines françaises étant terminée, le visiteur voudra bien nous permettre de le conduire dans les parties étrangères, où nous continuerons à observer le même ordre.
- Machines à cylindres verticaux.
- La première machine qui se présente lorsque l’on quitte les machines françaises, est celle de M. Schmid, de Vienne (Autriche). Elle est établie d’après le système de Wolf sans double enveloppe ; la vapeur agit à haute pression dans le petit cylindre et se détend dans le grand. L’appareil étant de puissance moyenne, le balancier est supporté par des bâtis triangulaires reliés à l’aide d’entretoises. On ne rencontre aucune disposition nouvelle dans cette machine, mais on peut affirmer que sa construction est très-soignée et ne laisse rien à désirer.
- En nous dirigeant du côté de Chaillot, nous arrivons^ auprès de la machine de MM. Van Vlissengen , Van Helle, Derosne, Cail et Cie, à Amsterdam (Hollande), qui fait partie d’un appareil à cuire le sucre dans le vide. Elle est à détente variable et à condensation. Dans les machines à balancier, on fait presque toujours usage du parallélogramme de Watt, pour que la tige du piston à vapeur se dirige verticalement ; dans celle-ci, pour simplifier la construction, on a remplacé le parallélogramme par deux guides en fonte, dans lesquels
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- glissent des coulisseaux. Des traverses relient les extrémités de ces guides aux sommets des supports du balancier. C’est la seule particularité saillante de cette machine qui est assez bien traitée.
- MM. Cail, Hallotet Cie, de Bruxelles (Belgique), nous présentent une machine motrice verticale, destinée à faire le vide dans un appareil à cuire le sucre. Ce système, plus ramassé que le précédent, est plus convenable pour le service auquel il est affecté.
- La plus belle machine à cylindre vertical que nous ayons à considérer à l’étranger est sans contredit celle de M. Fair-bairn, de Manchester (Angleterre).
- L’appareil qu’il a envoyé à l’Exposition, et qui fait marcher les machines de filature anglaises, se compose de deux machines à colonnes du système connu vulgairement sous le nom de machine Fairbairn. Ces machines sont à détente fixe par recouvrement du tiroir et sans condensation. L’arbre à manivelles situées à angle droit, porte une roue dentée servant à la fois de volant et de roue d’engrenage. Cette roue engrène avec un pignon monté sur l’arbre de transmission ; l’entente des dispositions et les soins apportés dans la construction font voir que l’on est en présence d’une maison de premier ordre.
- La machine à vapeur de MM. Neumann et Esser, d’Aix-la-Chapelle (Prusse), est à détente et sans condensation. Elle est formée d’un cylindre soutenu au-dessus du sol sur deux colonnes cannelées, d’une tige de piston agissant par l’intermédiaire d’une bielle, sur un arbre à manivelle situé près du sol, et de deux excentriques circulaires servant, l’un au tiroir de distribution et l’autre à celui de détente. L’exécution de cette machine est très-satisfaisante ; s’il y avait une critique à faire, elle porterait sur l'ensemble du système, qui ne nous paraît pas présenter une grande solidité.
- En nous transportant à l’extrémité de la galerie des machines, nous nous trouvons en présence de la machine à vapeur à détente variable et sans condensation, de M. Bolinder, de Stockholm (Suède). Son cylindre est attaché sur le sol, et l’arbre à manivelle est élevé à une certaine hauteur. La plaque de fondation du cylindre et le support de l’arbre sont reliés par un bâti en fonte fixé contre un mur. Les guides delà tige
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- de piston sont attachés sur ce bâti et sont disposés de manière à pouvoir être rapprochés au fur et à mesure de l’usure. Les deux tiroirs destinés, l’un à la distribution fixe ét l’autre à la détente, sont en avant du cylindre, et au lieu d’être mus par des excentriques sont mis en mouvement par une manivelle. La variation de la détente s’obtient au moyen d’une pièce à coulisse montée sur le bouton de manivelle. Dans les machines à détente, la mise en marche est quelquefois difficile ; pour obvier à cet inconvénient, on remarque un robinet qui met en communication les deux boîtes à tiroirs. La nfiachine est munie de deux pompes alimentaires que l’on fait fonctionner par l’intermédiaire d’une bielle et d’un excentrique. Cette disposition permet de pouvoir faire marcher les pompes à la main, ce qui est très-commode dans bien des circonstances. Cette machine, parfaitement entendue dans son ensemble et dans ses détails, est exécutée d’une manière très-remarquable.
- La machine sphérique de M. Gray, de Londres (Angleterre), trouve sa place à côté des machines qùe nous examinons maintenant. Le piston de cette machine est demi-circulaire et reçoit de la part de la vapeur un mouvement oscillatoire qui lui fait décrire un arc d’une certaine amplitude à chaque oscillation. Le piston est attaché sur un arbre horizontal qui traverse deux boîtes à étoupes. L’une des extrémités de cet arbre porte un levier ou demi-balancier, qui transforme son mouvement de va^-et-vient en un mouvement de rotation par l’intermédiaire d’une bielle et d’un arbre à manivelle. Cette machine, qui fonctionne régulièrement, . fait mouvoir une partie de la transmission.
- Avant de clore la liste des machines à vapeur verticales, nous avons à indiquer les petites machines d’alimentation de M. Luschka, de Laibach (Autriche), et de MM. Schaeffer et Budenberg, deMagdebourg (Saxe). Ces deux machines ont cela de remarquable, que la distribution a lieu directement sans l’emploi d’excentriques.
- Les tentatives que fait M. Siemens pour appliquer aux machines à vapeur le système de régénération de la chaleur, au moyen des toiles métalliques d’Éricson, sont assurément plus rationnelles que celles entreprises dans la même direction sur l’air seul. Les expériences qui pourront être faites, à l’Expo-
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- sition même, sur la machine à trois cylindres de M. Siemens ne peuvent manquer de jeter un grand jonr sur cette question importante.
- Machines horizontales.
- La plus importante des machines horizontales que l’on trouve dans l’exposition étrangère est celle de M. Schmid, de Vienne, exposant dont il a été déjà question en parlant des machines verticales. Elle est destinée à faire marcher une pompe horizontale à double effet. Les pistons à vapeur et à eau sont fixés sur la même tige, et, afin de donner moins de longueur possible à l’appareil, l’on a fait usage de deux bielles latérales.
- La forge impériale de Révitza expose une machine horizontale ayant à peu près les mêmes dimensions que celle de M. Schmid. Cette machine, beaucoup moins bien exécutée que la précédente, ne présente d’autre particularité que l’emploi de la coulisse de Stephenson, qui permet de varier la détente et de faire tourner l’arbre à manivelle dans les deux sens.
- MM. Cail, Hailot etCie, à Bruxelles, présentent une machine motrice horizontale mettant en mouvement une pompe à air et une pompe à eau pour le service d’un appareil à cuire le sucre. La disposition de cette machine présente beaucoup d’analogie avec les machines exposées par la maison Cail et Cie de Paris.
- La pompe d’Appold est mise en mouvement par la machine à vapeur de MM. Barrett, Exall et Andrewes , de Reading (Angleterre). Cette machine ne mériterait aucune mention spéciale si elle ne faisait pas marcher l’appareil qui fixe tant l’attention des visiteurs.
- M. Steenstrup, de Christiania (Norvège), a envoyé une petite machine à vapeur de trois chevaux, dans laquelle tou9 les mouvements sont directs; La tige du piston se trouve à la fois guidée par une douille et par un support placé sous le point d’articulation de la bielle. Cette dernière disposition nous paraît complètement inutile dans un appareil d’une aussi faible puissance. L’on ne se sert pas d’excentrique pour transmettre le mouvement au tiroir, on fait usage d’une
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- petite manivelle fixée sur le bouton de la grande manivelle. Cette petite machine est bien ent'endue et très-bien exécutée.
- Machines oscillantes.
- La machine de M. Lestor-Stordeur, d’Houdeng-Aimeries (Belgique), se compose de deux cylindres oscillants agissant, par l’intermédiaire des tiges de piston , sur deux manivelles situées à angle droit sur l’arbre de transmission de mouvement. La distribution de la vapeur s’effectue sans tiroir, au moyen d’ouvertures pratiquées dans les supports et les tourillons. C’est une disposition très-simple ; mais elle occasionne une grande dépense de vapeur, à cause des fuites qui se manifestent après fort peu de temps de service, et dont on ne peut se rendre maître.
- En se dirigeant du côté de Chaillot, l’on trouve la machine de M. Williams (Angleterre), qui fait marcher une partie de la transmission de mouvement. Elle oscille à la partie supérieure du cylindre sur un entablement supporté par quatre colonnes. Le tiroir de distribution , placé au-dessus du couvercle du cylindre, se meut à l’aide d’une coulisse, dont on varie l’inclinaison avec un levier mis à la disposition du conducteur de la machine.
- Dans le voisinage de la porte Chaillot, nous arrivons auprès de quatre machines envoyées par MM. Tousley et Reed, de New-York (États-Unis). L’une de ces machines est sans détente et sans condensation. Le principe de la disposition dont on a fait usage, est de pratiquer des ouvertures sur les conduits qui amènent la vapeur dans l’intérieur du cylindre et de la faire venir en même temps par des points diamétralement opposés, de manière à éviter les frottements produits par la pression de la vapeur.
- Les supports sur lesquels le cylindre oscille sont creux et partagés en deux parties égales par une cloison. La chambre supérieure sert à l’introduction de la vapeur, et celle inférieure à l’échappement. Ces chambres, percées d’ouvertures latérales, sont mises successivement en communication avec le dessus et le dessous du piston. Chaque support est percé au centre d’une ouverture conique dans laquelle pénètre l’un des tourillons servant à l’oscillation du cylindre. Ces sup-
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- ports sont appliqués contre les surfaces frottantes au moyen de vis que l’on serre au fur et à mesure de l’usure.
- Les inventeurs se sont surtout appliqués à simplifier les dispositions des machines oscillantes. Us y sont parvenus de la manière la plus heureuse, en supprimant les excentriques et les tiroirs, qui sont toujours gênants dans la construction des machines de cette espèce.
- La seconde machine, composée de deux cylindres accouplés, est à détente et sans condensation. Lorsqu’elle marche à pleine vapeur, la distribution est absolument la même que dans la machine que nous venons de décrire; il n’en est plus de même quand elle fonctionne à détente. La disposition dont on se sert pour cela, se compose de deux anneaux placés à chaque extrémité des cylindres, ayant extérieurement le diamètre, intérieur du cylindre. Ces anneaux portent deux tiges transversales traversant les couvercles. Quand on ne veut pas de détente, ils viennent se loger dans des cavités pratiquées dans les fonds, mais lorsqu’on désire de la détente, l’on s’arrange de façon à placer les anneaux devant les lumières du cylindre et à présenter un obstacle vis-à-vis les tiges qui glissent dans les couvercles. Plus cet arrêt se présente vite, plus la détente a de durée. L’obstacle dont on fait usage est formé de deux bras montés sur un arbre que l’on manœuvre à la main. Pendant l’oscillation du cylindre, les tiges qui passent à travers les fonds viennent heurter les bras tenus dans la position que l’on désire; par suite les anneaux masquent les orifices d’introduction de la vapeur, et il y a détente.
- Cette machine présente une autre particularité : elle contient une valve creuse au moyen de laquelle on peut marcher dans les deux sens, régler la vitesse et arrêter le mouvement.
- La troisième machine, à cylindre oscillant, ressemble beaucoup à la première ; elle est seulement disposée de manière à faire trois mille tours par minute.
- La dernière machine ne devrait pas figurer parmi les machines oscillantes; c’est un petit cheval d’alimentation à cylindre horizontal, dans lequel la pompe à eau est montée sur le prolongement de la tige du piston à vapeur. La distribution de vapeur a lieu directement, au moyen d’un bras monté sur la tige du piston, qui vient frapper deux arrêts fixés sur la
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- tige du tiroir de distribution. Cette disposition n’est pas nouvelle , elle se retrouve dans les appareils alimentaires de MM. Penn et fils, de Londres.
- Les trois premières machines de MM. Tousley et Reed sont excessivement remarquables par suite des innovations qu’elles présentent; mais elles pèchent un peu sous le rapport des formes, qui sont loin d’être gracieuses.
- Machines rotatives.
- M. Guibal, de Mons (Belgique), expose un appareil à détente et à condensation, formé de deux machines rotatives. La vapeur agit à haute pression dans la première machine, et se détend dans la seconde. Chacune d’elles est composée d’un tambour dans lequel se meut un piston plan, incliné sur l’axe de l’arbre de transmission de mouvement. Les pistons, ne portant pas de garniture, ne peuvent s’opposer aux fuites qui doivent se manifester peu de temps après la mise en marche. Ce système, quoique fort simple, a selon nous peu d’avenir.
- Les étrangers, ainsi que les Français, ont fort peu de machines rotatives; nous n’avons à citer que celles de MM. Wal-ker et Nicole, exposants anglais.
- Grues fixes.
- Parmi les divers engins servant à la manœuvre des fardeaux , l’Exposition ne nous présente guère que cinq ou six grues, lesquelles sont remarquables d’ailleurs par leur bonne exécution.
- La construction des grues a été, depuis dix ou douze années, tellement perfectionnée par la plupart des plus habiles constructeurs, tant en France qu’en Angleterre, que les machines de ce genre, si l’on en excepte la grue hydraulique à transmission, de M. Yorutz, ne comportent aucune nouvelle combinaison.
- Ce genre de machines se rencontre aujourd’hui dans toutes les industries, et chacun sait qu’elles servent à soulever et à manœuvrer de lourds fardeaux. C’est surtout depuis l’emploi des voitures locomotives que l’on s’est occupé de l’établisse-
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- ment de grues capables de soulever des poids de 30 000 et même de 40 000 kilogrammes.
- La grande grue exposée par les ateliers Cavé peut porter 35 000 kilogrammes. C’est une fort belle machine, montée avec tout le soin et la solidité qu’exigent ces sortes d’appareils. MM. Bourgougnon et Cie, successeurs de M. Cavé, ont continué avec succès les divers genres de construction qui constituaient la spécialité de cette importante usine.
- Outre les grandes machines à vapeur transatlantiques et ces lourdes pièces qui exigent un outillage de premier ordre, M- Cavé avait aussi toujours construit des grues d’une parfaite exécution. Ce qui distingue principalement celle exposée par M. Bourgougnon cette année, c’est la forme de l'arbre vertical dont la légèreté apparente n’exclut point la solidité, bien que l’appareil ne soit point double , ainsi qu’il arrive souvent dans les grues d’une grande puissance.
- La grue exposée au centre de l’Annexe par M. Vorutz aîné, constructeur à Nantes , présente une combinaison toute nouvelle et digne d’examen.
- Jusqu’à ce jour les grues étaient presque exclusivement manœuvrées par la force de l’homme appliquée à une manivelle simple ou double; mais lorsque l’appareil doit fonctionner d’une manière presque continue, cette mapoeuvre devient excessivement coûteuse.
- Le mouvement de rotation de l’arbre vertical qui porte le treuil de la machine devait nécessairement, sinon rendre difficile, au moins compliquer l'application d’une force mécanique. Aussi n’avait-on point encore eu recours à l’emploi régulier de la vapeur.
- M. Vorutz vient de combiner la force mécanique de la vapeur avec le principe de la presse hydraulique , et son appareil constitue une application remarquable de ce principe.
- L’arbre vertical renferme le corps d'une presse hydraulique dont te piston est surmonté d’une crémaillère verticale-qui met en jeu les engrenages du treuil, et la presse hydraulique fonctionne elle-même par l’adjonction d’une petite-machine à vapeur, placée à telle distance qu’on voudra. Elle porte sur son bâti la pompe foulante, qui est mise en communication avec le pied de la grue au moyen d’un petit tuyau d’un centimètre de diamètre et d’une longueur quelconque.
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- Le cadre trop restreint de notre compte rendu ne nous permet point d’entrer dans des détails de construction; nous nous bornerons à dire que cette ingénieuse combinaison est, sous tous les rapports, d’une fort belle exécution, et qu’elle témoigne de la sagacité de l’inventeur.
- Les grues de cette, espèce qui ont figuré à l’Exposition de Londres et qui spnt maintenant répandues dans plusieurs docks de l'Angleterre,, alimentent d’une autre manière leurs presses hydrauliques. Une machine à vapeur, ou même une simple conduite, est chargée d’une manière continue de remplir d’eau un réservoir supérieur dans lequel une pression suffisante est au besoin maintenue ; ce réservoir est mis en communication avec la presse par un simple robinet qu’il suffit d’ouvrir ou de fermer pour obtenir le mouvement ou le repos. Les divers mouvements, celui du câble et celui de rotation de tout l’appareil, s’obtiennent ainsi dans le sens que l’on désire toutes les fois qu’il en est besoin , sans aucun arrêt dans le moteur principal. L’appareil de M. Vorutz est moins important, mais plus applicable au travail moins régulier que la plupart de nos grues ont à faire.
- Pompes.
- Les pompes que nous offre l’Exposition, si l’on en excepte la pompe d’Appold, ne sont remarquables que par leur bonne exécution et par quelques perfectionnements de détail, dus à l’emploi nouveau du caoutchouc. C’est donc sur ce point que nous appellerons plus particulièrement l’attention.
- Citons cependant de suite, comme objet curieux, une pompe rotative de M. Franchot, qui paraît avoir eu le premier l’idée du principe de l’appareil plus connu sous le nom de pompe Jobard ; un galet décrivant une circonférence autour d’un arbre moteur comprime un tube en caoutchouc disposé circu-lairement ; par l’effet de cette compression qui suit la marche du galet, l’eau est aspirée et en même temps refoulée d’une manière continue. Cette disposition si simple fonctionne bien; si le caoutchouc s’use rapidement, il peut être facilement remplacé, et l’extrême simplicité de cet appareil permet de le recommander dans certains cas pour l’approvisionnement domestique.
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- Le même exposant exhibe une canne hydraulique pouvant élever l’eau à une grande hauteur, sans piston ni aucun mouvement de rotation. Un tuyau en cuivre, vertical, tenu en suspension par un ressort, plonge au fond d’un puits et s’élève par sa partie supérieure au-dessus du sol, à la hauteur de quelques mètres; il est muni inférieurement d’une bonne soupape. On peut, en appuyant avec la main sur le ressort, lui imprimer verticalement un petit mouvement rapide d’oscillation ; l’eau contenue dans le tube reste presque immobile par suite de son inertie, et permet dès lors à l’eau du puits de soulever la soupape d’une hauteur égale à l’oscillation; c’est ainsi que cette eau, passant dans le tube et retenue par la soupape, s’élève, par une suite continue de petites secousses, jusqu’au sommet du tube. La simplicité de cet appareil le rendra utile dans bien des cas, et son prix, sans doute peu élevé, permettra d’en répandre l’usage dans l’agriculture ou la culture des jardins. Il ne faudrait cependant pas espérer de son emploi un grand effet utile, le ressort n’ayant d’autre effet que de faciliter la manœuvre.
- M. Yarz, de Toulouse, expose une pompe qu’il appelle hydrodynamique, dont le principe est intéressant et dont une application en grand a été faite lors des fondations du pont de Londres ; cette machine n’est autre qu’une pompe de Vera modifiée. Imaginez une courroie sans fin en gutta-percha, découpée à jour par des trous en forme de trèfles, et passant sur un cylindre horizontal qu’on a placé directement au-dessus du puits, à un mètre du sol ou davantage , suivant la hauteur à laquelle on veut élever l’eau. La partie inférieure de la courroie plonge au fond du puits, et elle y est maintenue par nn rouleau de tension fixé à demeure. Dès qu’on tourne le cylindre supérieur au moyeu d’une manivelle, la courroie suit le mouvement, et chacune de ses découpures, en venant successivement plonger au fond du puits, entraîne un peu d’eau nouvelle. Par l’effet de la capillarité et de l’attraction moléculaire, qui la maintiennent attachée et suspendue à la courroie , une partie de cette eau parvient jusqu’au cylindre supérieur. A ce moment, soit par compression contre ,1a surface cylindrique, soit par suite du mouvement circulaire, elle abandonne la courroie et retombe dans une auge disposée con^ venablement pour la conduire dans le réservoir à alimenter.
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- La gutta -percha étant à peu près inaltérable dans l’eau, et ne subissant dans ce travail aucune usure sensible', 1-appareil paraît devoir fonctionner bien des années sans aucun entretien.
- Celui qui est exposé peut, avec cinq courroies, de cinq à six centimètres de largeur chacune, fournir 125 litres d’eau par minute. La seule nouveauté de cette machine consiste dans les découpures et le choix de la matière; en général, ces appareils ne donnent qu’un effet utile très-faible.
- Il en est presque toujours ainsi pour tous ces appareils simples, que chaque exposition fait surgir et qui tournent toujours dans le même cercle.
- Passons maintenant à l’examen des pompes proprement dites, c’est-à-dire des machines à pistons et à clapets ; nous remarquons d’abord une petite pompe de M. Stolz fils, à deux corps et à deux pistons. Elle diffère des pompes ordinaires à double effet en ce qu’elle n’a plus besoin de clapet d’aspiration, et que l’un des deux pistons refoule l’eau dans la colonne d’ascension, lorsque la tige monte ou descend.
- M. Letestu expose deux belles pompes à simple effet, qui élèvent ensemble, à 15 mètres de hauteur, 1250 litres d’eau par minute, qu’elles tirent de la Seine pour le service delà grande galerie des machines. Ses pompes à incendie, d’une exécution parfaite, sont remarquables par l’excellente disposition des clapets d’aspiration et d’ascension. Tous deux sont garnis en caoutchouc, ou plutôt d’un tissu de toile à plusieurs épaisseurs superposées, entre chacune desquelles alternent des rondelles de caoutchouc; le tout comprimé fortement, de manière à ne former qu’une substance solide, compacte et élastique.
- M. Letestu emploie aussi des soupapes ayant la forme d’une pomme d’arrosoir, parfaitement libres sur leur siège et sans aucun guide; de telle sorte qu’elles retombent exactement et rapidement à leur place, quoique s’étant soulevées assez haut pour laisser passer les corps solides que l’eau entraîne avec elle dans les tuyaux d’aspiration. Elles sont chaussées d’un caoutchouc vulcanisé, qui épouse leur forme comme un manchon , et les rend ainsi hermétiques, sans exposer le siège à aucune usure ou détérioration , comme avec les clapets, métalliques.
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- M. Letestü préfère ce dispositif aux clapets sphériques; ceux-ci, dont le noyau est en fonte ou en grenaille de plomb, sont recouverts également d’un caoutchouc vulcanisé, mais1 qu’il est impossible de couler sur le métal sans laisser extérieurement un léger bourrelet qui nuit à la fermeture du clapet.
- M. Nillus jeune, du Havre , expose une pompe du système dit des prêtres, qui n’est remarquable que par sa bonne exécution. On l'emploie avec avantage pour la marine et pour des épuisements à de petites profondeurs.
- Les pompes à incendie de MM. Flaud et Guérin, de Paris, sont excessivement commodes et parfaitement exécutées, mais elles né présentent aucune innovation sérieuse.
- Enfin la grande pompe anglaise d-’AppoId mérite une mention particulière.
- Gette puissante machine, excellente pour élever l’eau à dé petites hauteurs, convient surtout au dessèchement de's marais. Semblable, à peu près, au ventilateur tel que l'a proposé M. Combes, elle se compose d’un axe horizontal animé d’une très-grande vitesse de rotation , armé d’un certain nombrë d’ailes courbes qui tournent dans un cylindre fermé ou tambour. Ce cylindre communique avec le réservoir1 inférieur au moyen d’un double tuyau d’aspiration qui part, à droite et’à gauche, de son centre, et qui est surmonté d’un tuyau vertical; formant la colonne d’ascension pour la conduite de l’eau dans un réservoir supérieur. Par le mouvement rapide des’ ailés, l’eau est aspirée et Chassée avec énergie dans la colonne d’ascension qui lui offre un large débouché. Elle présente les” avantages d’être d’un prix peu élevé , relativement au volume d’eau qu elle débite ; son seul inconvénient est' d’exiger titt mouvement rapide de rotation , qu’il n’est possible d’obtenir que1 par des transmissions compliquées; cette rapidité devant augmenter en même temps; que la hauteur .a laquelle on doit élever l’eau, cet appareil né convient que pour'de faibles élévations; mais, comme il né contient aucun piston, aucune soupape, il n’est sujet à aucun dérangement1. Cette machine est, sans contredit , parmi les pompes hydrauliques, ce que l’Ex-position nous présente de: plus' intéressant.
- La pompe de M. LessèrtoiS est fondég'sùr’ le principe dé1 celle d’Appold ; mais elle est' moins parfaite que cette der-
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- nière, l’aspiration ne s’y opérant que d’un seul côté. La machine ne pourrait fournir, pour les mêmes dimensions, qu’une quantité d’eau beaucoup moindre.
- Ventilateurs et souffleries.
- Les machines les plus impdrtantes de la section qui nous occupe sont les machines à piston et les ventilateurs.
- Les machines à piston sont ordinairement composées d’un ou plusieurs cylindres en fonte dans lesquels se meuvent des pistons également en fonte, garnis de cuir. Les extrémités de chaque cylindre portent des clapets qui permettent l’entrée et la sortie de l’air. La tige de piston traverse le couvercle du cylindre et reçoit son mouvement soit directement, soit par l’intermédiaire d’un balancier.
- Les souffleries à piston que l’on rencontre à l’Exposition diffèrent beaucoup de la disposition généralement usitée, que nous venons de décrire sommairement.
- La machine soufflante la plus remarquable est sans contredit celle de MM. Thomas et Laurens, qui est mise en mouvement par une machine à vapeur horizontale, à détente et à condensation. Dans cet appareil, les clapets sont remplacés par un tiroir de distribution posé à découvert et pressé contre la table des lumières par des ressorts. L’air entre et sort absolument de la même façon que la vapeur dans une machine à vapeur. Les avantages de cet appareil sont assez nombreux ; il permet de marcher sans bruit avec une vitesse de 450 coups doubles de piston par minute, de voir ce qui se passe dans l’intérieur du cylindre et dans la distribution, et de diminuer les chances de grippement du tiroir, parce qu’il n’est appuyé contre le cylindre que par une pression assez faible.
- La machine à vapeur qui donne le mouvement à la machine soufflante est établie de manière à pouvoir fonctionner à grande vitesse. Pour améliorer le vide du condenseur, l’injection de l’eau froide a lieu aussi près que possible de l’échappement de la vapeur et l’eau arrive en pluie fine.
- Cet appareil, construit par M. Bourdon, avec beaucoup de soin, fonctionne à l’Exposition avec une grande régularité; lea machines de ce système sont appelées à se répandre dans tous les établissements où l’on a besoin d’air comprimé.
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- MM. Cail et Cie ont parmi les machines qui sortent de leurs ateliers une soufflerie établie d'après le système de MM. Thomas et Laurens. Elle est construite plus solidement et présente plus de sécurité que la première, qui laisse à désirer dans quelques-uns de ses détails.
- Antérieurement à la machine de MM. Thomas et Laurens, une disposition analogue avait été employée par MM. Schneider et Cie, du Creusot.
- La machine soufflante de MM. Vauthier et Gibour, de Dijon, est composée d’un cylindre horizontal en fonte, fermé par deux fonds percés d’un grand nombre d ouvertures, recouvertes intérieurement d’une matière flexible. Ces ouvertures servent à l’introduction de l’air, qui a lieu avec une contraction presque nulle. L’air sort du cylindre par l’intérieur de la tige du piston, qui est mise directement en mouvement au moyen d’une machine à vapeur horizontale.
- Les machines de ce système peuvent fonctionner avec une assez grande vitesse et fournissent une quantité d’air égale aux du volume engendré par le piston.
- Cette disposition, quoique assez simple, ne vaut pas à beau-, coup près les machines à tiroir. Elle n’est, selon nous, applicable qu’aux machines soufflantes d’une faible puissance.
- Un ventilateur se compose habituellement d’un tambour dans lequel se meuvent avec une grande vitesse plusieurs ailes -attachées solidement sur un axe. L’air entre au centre par deux ouvertures circulaires et sort, soit par la totalité de la circonférence, soit par un tuyau qui y prend naissance.
- Dans le premier cas, le ventilateur est aspirant, et dans le second, il est foulant.
- Lorsqu’on fait marcher les ailes, l’air qui les entoure tend , par l’effet de la force centrifuge, à s’éloigner du centre et à se diriger vers la circonférence. Il se produit ainsi un courant d’air, qui est d’autant plus actif que la vitesse de rotation est plus grande.
- Les machines à piston servent dans les hauts fourneaux et dans toutes les applications où l’on a besoin d’air à une pression élevée, tandis que les ventilateurs sont employés dans l’aérage des habitations, dans les forges et surtout dans les fonderies.
- M. le capitaine d’artillerie Ordinaire de La Colonge, atta-
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- çhé à la poudrerie de ;Saint-Médard,-près Bordeaux, a envoyé à l’Exposition universelle un ventilateur dans lequel il a suivi les proportions indiquées dans un mémoire qu’il a présenté , il y a,quelques années, à l’Académie des sciences.
- Il est établi de façon à donner, avec une vitesse de 1260 tours ppr minute, un volume de mille litres d’air par seconde sous une pression de 0m,135 d’pau ; en exigeant une force motrice de 3 chevaux 6 dixièmes.
- Les expériences qui ont eu lieu récemment ont constaté ,gue l’auteur ne s’était pas trompé dans ses prévisions, ce qui nous .donne lieu d’espérer que nous ne tarderons pas à posséder une théorie sur laquelle on puisse compter.
- M. de La Çolonge ne s’est pas appliqué .à faire disparaître le bruit désagréable que l'on entend dans tous les ventilateurs établis jusqu’à présent. D’autres constructeurs se sont occupés de cette question importante, entre .autres M. Llyod, d.e Londres, qui a résolu la question de la .manière la plus heureuse. Les palettes courbes de son ventilateur, qui a environ 1 mètre de diamètre, sont fixées solidement sur deux .troncs de cônes opposés par leur partie concave. Les petites .bases sont garnies de cercles en cuivre ayant intérieurement des diamètres égaux à,ceux des entrées d’air des enveloppes. .sÇomme dans les ventilateurs ordinaires, l’air entre par la .partiç.Æentrale et sort par la circonférence.
- MM. Dubied et Ducommun, de Mulhouse, et Moussard, de Paris, ont apporté aux ventilateurs des modifications analogues qui doivent également faire disparaître le bruit.
- jbp société des .mines de Blanzy expose un ventilateur destiné à renouveler l’air des galeries d’une houillère. Il est à axe vertical ipdrtant pour ailes des portions d’hélice. G,e ventilateur est ,1ms directement en mouvement par une petite machine à vapeur. La disposition est simple et doit donner de bons résultats.
- Les ventilateurs qu’il nous reste à examiner s’éloignent sensiblement, sous le rapport du principe, de ceux que nous vepons de passer en revue.
- Le ventilateur de M. Lemielle, de Valenciennes, se eora-,pos6,de deux cylindres excentrés, l’un , fixe, muni de deux ouvertures servant à l’entrée et à la sortie de l’air, et l’autre, mobile garni de deux panneaux disposés de manière à empêcher
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- la communication entre les deux ouvertures. Le cylindre fixe est extérieur et construit en maçonnerie ; celui mobile est intérieur et formé de cercles à croisillons recouverts de madriers. Ce dernier porte deux faces planes, parallèles entre elles, sur lesquelles sont articulés deux panneaux mus par des tiges qui appuient constamment leurs extrémités contre la surface intérieure du cylindre enveloppe.
- Les ventilateurs de ce système peuvent être à axë1 horizontal ou vertical. Dans le premier cas l’arbre est mis en mouvement par une poulie, tandis que dans le second il est mû directement par une machine à vapeur horizontale. Les deux dispositions se trouvent à l’Exposition ; il n’y a que la première qui fonctionne. Les expériences n’ayant pas encore eu lieu, l’on ne peut pas affirmer que l’effet, utile.soit considérable ; mais il y a lieu d’augurer favorablement. Dans ce système ,.la pression du vent est 5 ou 6 fois plus élevée que dans le ventilateur ordinaire ; c’est un avantage qu'on ne manquera pas d'utiliser dans bien des circonstances.
- Vient enfin le ventilateur pour l’aérage des mines, de M. Fa-hry, construit par M. Colson, à Haine-Saint-Pierre ( Belgique). Cet appareil se compose principalement de deux arbres horizontaux parallèles garnis de roues à trois palettes qui s’engrènent et se meuvent dans deux coursiers cylindriques en maçonnerie. Le ventilateur dont il s’agit se place sur l’orifice du puits et peut à volonté aspirer ou refouler l’air suivant le sens dans lequel on fait tourner les roues. C’est une propriété excessivement précieuse dans les appareils de ce genre, ce qui fait que ce système est appelé à rendre d’immenses services. Le mouvement des roues est obtenu de la manière la plus simple. Un cylindre à vapeur est disposé verticalement entre les arbres, à égale distance des centres ; l’extrémité supérieure de la tige du piston porte une traverse aux extrémités de laquelle sont articulées deux bielles commandant deux manivelles fixées sur les arbres. Ces manivelles doivent être inclinées de telle façon, qu’elles fassent constamment le même angle avec l’horizontale passant par le centre des arbres. Avec une pareille disposition, la tige du piston à vapeur tend à s’élever et à s’abaisser verticalement ; il n’y a par conséquent pas besoin de se servir de guide, ce qui simplifie sensiblement la construction.
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- Il est fâcheux que les limites étroites de notre compte rendu nous aient empêché d’entrer dans des développements plus étendus; nous espérons néanmoins que ces notions suffisent pour que le public puisse apprécier les améliorations sensibles que l’on a apportées dans la construction des machines soufflantes, depuis un petit nombre d’années.
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- Mécanique spéciale et matériel des chemins de fer et des autres modes de transport.
- L’importance toujours croissante, et dont on ne peut prévoir le terme, du trafic des chemins de fer, et son extension dans des proportions si considérables depuis une dizaine d’années, se trouvent dignement représentées à l’Exposition universelle de 1855, sous le rapport de l’engin principal de ce trafic, la locomotive.
- On ne compte pas moins de 22 locomotives dans la galerie des machines, et presque toutes sont remarquables par les tendances qu’elles dénotent dans l’esprit des ingénieurs.
- Mais avant d’examiner le point caractéristique de ces tendances dans chaque pays, il n’est pas inutile de donner une définition succincte et une description sommaire des principaux éléments qui composent la locomotive.
- Une machine locomotive qui n’est, à proprement parler, qu’une machine à vapeur attachée à sa chaudière, portée elle-même sur un train de roues, qui lui sert à la fois de support et de propulseur, est composée de trois appareils distincts : 1° le producteur de force ou chaudière, 2° le distributeur de force ou mécanisme, 3° l'utilisateur de la force ou le véhicule. La chaudière, destinée, comme tous les appareils de vaporisation , à produire la plus grande quantité de vapeur, dans le temps le plus court, et avec le moins de dépense possible, se compose, à son tour, essentiellement, d’un foyer intérieur, de tubes conducteurs de l’air chaud, d’une boîte à fumée, récepteur des gaz qui se dégagent de la combustion, d’une chemi-
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- née qui rejette ces gaz dans l’atsmosphère, de la chaudière proprement dite, vase métallique contenant l’eau et la vapeur. En outre des différentes pièces accessoires qui en font partie intégrante, telles que prise de vapeur, régulateur, soupape de sûreté, tube de niveau d’eau, robinet d’épreuve, sifflet d’alarme, manomètre, trou d’homme, robinets réchauf-; feurs, robinets de vidange, pompes alimentaires, cendrier.
- Le mécanisme, destiné à transmettre le mouvement au véhicule, doit consommer le moins de vapeur possible, en donnant le plus grand résultat utile. Il se compose des cylindres et de leur boîte de tiroir, dans lesquels se meuvent les pistons munis de leur tige qui traverse le fonds du cylindre, en passant à travers une presse étoupe (stuffing box), fermant toute issue à la vapeur. La tige se termine par une tête (crosse ou coquille) faite d’un bloc de métal carré, formant deux semelles qui glissent sur deux pièces en métal, fortement reliées au châssis, nommées glissières et qui servent à guider le mouvement alternatif de la tige du piston. Cette tête reçoit la petite tête de la bielle motrice, forte tige en fer forgé qui transmet le mouvement alternatif rectiligne du piston aux roues motrices, en le transformant en un mouvement circulaire continu. Cette transformation se fait au moyen d’une manivelle portant un bouton pour recevoir la tête de la bielle.
- Pour que la transformation du mouvement alternatif rectiligne en un mouvement circulaire ait lieu, il suffit que le rayon de la manivelle soit égal à la moitié de la course du piston. Dans la machine locomotive, la manivelle est remplacée soit par un coude sur l’essieu moteur, soit par un bouton de manivelle fixé surun renflement du moyeu des roues motrices. Dans le premier cas, la machine a généralement des cylindres à l’intérieur des roues ; dans le second, elle les a à l’extérieur.
- L’essieu moteur, ainsi mis en fonction par le mouvement du piston, commande à son tour le tiroir d’introduction de vapeur dans les cylindres, au moyen d’une manivelle d’un petit rayon qui imprime au tiroir, au moyen d’une bielle, un mouvement alternatif de va-et-vient.
- En pratique, la manivelle de distribution est remplacée par un excentrique, et la bielle prend alors le nom de barre d'excentrique.
- Deux excentriques pour chaque cylindre sont attachés à
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- l’essieu moteur. Dans les anciennes machines , chaque barre d’excentrique se terminait par un V ou pied de biche, embrassant , dans toutes les positions, le bouton placé à l’extrémité inférieure du levier de distribution ; les deux barres d’excentriques, étant liées entre elles par une entretoise articulée, pouvaient être abaissées ou relevées par l’appareil de distribution de marche, de telle sorte que le mécanicien pouvait, à volonté, régler l’introduction de vapeur, de manière à obtenir la marche en avant et la marche en arrière. M. Stephenson a remplacé cette disposition par une coulisse en arc de cercle, quiréu-nit les extrémités des deux barres d’excentriques, et dans laquelle se trouve engagée à frottement la tête de la tige du tiroir. Cette coulisse porte le nom de son inventeur. On obtient, par fe déplacement, en haut ou en bas, de cette coulisse, par rapport au bouton de latige du tiroir, le changement d’introduction de vapeur, et., par conséquent, le changementde marche. Elle est, en outre, appliquée à produire la détente variable. Cette dernière disposition est maintenant la plus généralement adoptée. Le déplacement de la coulisse s’obtient par un appareil dit de changement de marche, qu’ibest inutile de décrire ici, et dont un des bouts se trouve à la portée de la main du mécanicien.
- Un organe intermédiaire entre la chaudière et le mécanisme est le tuyau d’échappement de la vapeur, dont les dispositions varient suivant les constructeurs. Ce tuyau d’échappement est placé dans la boîte à fumée et aboutit à la base de la cheminée. On a profité de l’échappement de la vapeur pour activer le tirage de la cheminée, et maintenant on rend cet échappement variable en faisant varier la section de l'orifice qui livre passage à la vapeur.
- Le véhicule se compose du châssis, ou bâti, cadre rectangulaire dont les deux brancards ou longerons en fer plat, posés de champ, ou en bois armé de tôle, portent la chaudière, et dont les traverses d’avant et d’arrière, généralement en bois, servent d’attache au crochet de traction, à la barre d’attelage, aux chaînes de sûreté et de guide, aux tampons de choc et d’écartement. Le châssis est relié aux roues, dont le nombre varie de quatre à huit, en s’appuyant au moyen des plaques de garde des ressorts de suspension et de la boîte à graisse sur la fusée des essieux.
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- Telles sont les dispositions généralement adoptées dans la construction des machines locomotives, dispositions qui, jusqu’à ce jour, variant surtout dans leurs détails, .mais non dans leur ensemble.
- Les besoins du trafic des chemins de fer ont donné naissance à trois classes de machines locomotives :
- 4° Machines à voyageurs, à grande vitesse ;
- 2° ,Machines mixtes, à voyageurs ou à marchandises ;
- 3° Machines à marchandises, à petite vitesse, à très-grande fqrce.
- Les machines à voyageurs se distinguent par l’indépen-danc,e des roues motrices et leur grand diamètre.
- Les machines mixtes ont, en général, quatre roues couplées, et leur diamètre moyen est de 4ni,70.
- Les machines à marchandises ont, en général, six roues couplées, et leur diamètre ne dépasse guère !m,50.
- Deux graves questions partagent les ingénieurs, tant en France qu’en Angleterre : ce sont celles relatives à la place des cylindres, soit à l’intérieur, soit à l’extérieur du châssis, et au poids des machines, ainsi qu’à la répartition de ce poids. Depuis la facilité qu’on a obtenue de se procurer des essieux coudés de bonne qualité, on est généralement revenu aux cylindres intérieurs. Quant à la question du poids, quoique nous ayons, depuis dix ans déjà, des faits suffisants pour nous éclairer, la méthode de ces observations a été tellement différente pour chaque ingénieur, qu’il est difficile d’arriver à une opinion pratique basée sur l’expérience. On ne peut s’empêcher de regretter vivement ce manque d’ensemble dans la manière d’observer et de compter les dépenses du service de traction, en pensant aux immenses résultats pratiques qu’aurait pu donner un même mode d’observation.
- La tendance générale de l'Exposition française est de donner aux machines locomotives un poids considérable, réparti sur un grand nombre de paires de roues. Cette tendance, qui s’était déjà manifestée depuis plusieurs années, a donné lieu en Allemagne au système Engerth, dont le caractère principal est la liaison du tender à la machine par une articulation qui sert à répartir le poids total sur les roues de la machine et du tender. En Angleterre, au contraire, quoique ce pays soit représenté à l’Exposition par un nombre insuffir
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- sant de locomotives pour pouvoir juger ses tendances, nous croyons qu’on revient aux machines légères.
- Dans la visite que nous faisons ci-après des machines exposées, nous avons-considéré le tender comme partie indispensable de la machine et l’avons examiné en même temps qu’elle.
- Un fait bien remarquable à l’Exposition de 1855, c’est la tendance presque générale pour les machines à vapeur fixes à adopter les machines à grande vitesse, avec les dispositions analogues à celles employées pour le mécanisme des locomotives. Ce fait et celui de l’emploi de l’acier pour remplacer les pièces principales des machines sont sans contredit les plus saillants de l’Exposition et donneront d’ici â peu d’années des résultats inattendus.
- Machine à marchandises de M. Polonceau, construite dans les ateliers de la Compagnie d’Orléans, gare d’Ivry. B. 73.
- Cette machine, à six roues couplées, est à cylindres intérieurs inclinés vers l’essieu moteur ; les tiroirs sont verticaux et placés sur le côté extérieur du cylindre et en dehors des roues; ils marchent par une distribution extérieure. Cette disposition est extrêmement heureuse parce qu’elle rend la réparation et l’entretien faciles et peu dispendieux. Nous ne doutons pas que, par la suite, elle ne soit plus généralement adoptée.
- Châssis. — Le châssis est extérieur aux roues et composé de deux longerons en fer forgé avec les plaques de garde venues de forge.
- Essieux. — Les trois essieux sont intercalés entre la boîte à feu et la boîte à fumée; celui du milieu est coudé et porte au dehors les boîtes à graisse, les excentriques de distribution et la manivelle d’accouplement en fer forgé. Les manivelles du milieu sont d’une seule pièce avec les poulies d’excentrique; elles relient, par des bielles d'accouplement les manivelles, rapportées également aux extrémités des essieux d’avant et d’arrière pour l’accouplement des roues.
- La charge sur l’essieu moteur se trouve répartie en trois points de sa longueur par trois ressorts, dont deux supérieurs
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- attachés sur les longerons, et un inférieur au milieu attaché à un longeron central fixé au-dessous de la chaudière sur les supports.
- Bielles.—Les bielles motrices sont à fourche à deux branches parallèles, embrassant la coquille du piston et livrant passage au support des glissières. La grosse tête'de bielle est à chape mobile avec coin de serrage à vis au lieu de clavettes.
- Distribution. — La distribution est à coulisse renversée; le relevage s’effectue sur le coulisseau, il est bien étudié et parfaitement exécuté. La coulisse double , dont la convexité est tournée vers l’essieu moteur, est suspendue par son milieu et oscille autour d’un point fixe pris sur le longeron. Le coulisseau , attaché à une grande bielle de tiroir, est mobile verticalement dans la coulisse et manœuvré par l’arbre de relevage, quand on marche à petite introduction et qu’on change la marche.
- L’arbre de relevage est porté par trois supports ; les deux extrêmes sont fixés sur la barre d’écartement des plaques de garde, et celui du milieu au support des glissières, fixé lui-même au support d’avant, en tôle et cornière, de la partie cylindrique de la chaudière.
- Pompes. — Les pompes sont à petite course, fixées extérieurement sur les longerons; le plongeur est mû par une bielle fixée et articulée à l’arrière du collier d’excentrique de la marche en arrière.
- Prise de vapeur. — Le régulateur est placé dans une boîte à l’avant de la chaudière un peu en arrière de la cheminée.
- On a appliqué à cette machine la grille fumivore de M. Chobrzenski, qui a donné, dans des expériences faites au chemin d’Orléans, 4 1 \2 d’économie de houille rapportée à la dépense actuelle de coke.
- En résumé, cette machine est très-bien exécutée et établie avec soin ; elle peut traîner, nous assure-t-on, en service or-' dinaire, un train de 45 wagons chargés de 6000 kilogrammes.
- Voici les éléments que nous avons pu recueillir sur le but et sur la construction de cette machine.
- Elle a été exécutée en trois mois : commandée le 9 janvier 1855, elle a été terminée le 10 avril.
- Les avantages qu’on a recherchés sont les suivants :
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- 1° Abord facile1 dè toiltes les pièces du mécanisme pour la visite, le nettoyage et l’entretien ;
- 2° Augmentation des surfaces de frottement, obtenue par suite de l’espace réservé à chacune des pièces, et par conséquent diminution de l’usure ;
- 3e Abaissement du centre de gravité de lai chaudière et allongement de la cheminée.
- Les dimensions principales sont les suivantes :
- Surface de chauffe................ 1,34 mètres.
- Diamètre des cylindres............ 0,42
- Course des pistons................ 0,65
- Diamètre des roues................ 1,57
- La chaudière est timbrée à 8 atmosphères.
- Le poids de la machine est de 26 585 kilogrammes.
- Le poids de la machine chargée d’eau et de coke ,
- 30 950 kilogrammes.
- Les essieux d’avant portent.......... 10184 kilog.
- du milieu Id............ 10 562
- — d’arrière Id. ................. 10184
- Ville de Gehève : machine mixte construite dans les ateliers de M. André Kœchlin. A 73.
- Cette machine a ses quatre roues d’arrière couplées; la bielle motrice se trouve en arrière de celle d’accouplement ; elle a ses cylindres extérieurs et horizontaux avec tiroirs intérieurs et verticaux. Elle est à détente variable.
- Châssis. — Il est composé de deux longerons en fer avec plaques' dé garde rapportées.
- Essieux. — Les trois essieux sont entre les boîtes à feu ef à fumée; Celui du milieu est moteur; les roues du milieu et d’arrière, à moyeux en fonte portent les boutons moteurs et d’accouplement.
- Cylindres et mouvement. Les cylindres sont appliqués’ extérieurement aux longerons avec deux glissières à: chaque cylindre, soutenues d’un bout sur le couvercle et dé l’autre sur un support fixé au longeron.
- Distribution. — La distribution est faite par deüx tiroirs à chaque cylindre au moyen de deüx coulisses : l’u'né, ordinaire, double, suspendue par son milieu à l’arbre dé'relevage;
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- l’autre, donnant le mouvement au premier tiroir, est articulée, par son extrémité supérieure, à un support boulonné à la chaudière, l’autre extrémité est commandée par un bouton pris sur le collier d’excentrique de la marche; la détente s’effectue, dans cette dernière coulisse, par le coulisseau qu’on abaisse ou qu’on lève au moyen d’un levier spécial qui se trouve à la portée du mécanicien. Chaque tige de tiroir passe dans un guide rond appliqué sur le longeron , celle qui prend son mouvement sur la coulisse ordinaire est assemblée au prolongement du coulisseau par un serrage fixé à clavette.
- La première coulisse améliore d’une manière sensible la distribution produite par la coulisse ordinaire, en rectifiant en partie ses inconvénients ; la détente n’est cependant pas parfaite ; avec ce système, on n’obtient toujours qu’un rétrécissement d’ouverture. Les guides des .tiges de tiroir, étant ronds, sont moins coûteuses de contruction et d’un entretien plus facile. Quoique l’assemblage du prolongement du coulisseau avec la tige de tiroir soit fixe et rende ainsi le tiroir plus long à régler , cette construction a l’avantage de diminuer les chances de réparation.
- Foyer. — Le foyer est muni à la partie inférieure de bouchons de lavage, bien disposés pour empêcher qu’il reste du tartre sur le cadre ou dans les entretoises.
- Prise de vapeur. — Le dôme de prise de vapeur se trouve à l’arrière un peu en avant de la boîte à fumée.
- Le mouvement de cette machine est très-bien fait, les pièces sont dégagées et les formes convenables; les surfaces de frottement sont larges, bien proportionnées; l’entretien et le graissage des pièces sont faciles à faire. Cette machine, tout en présentant un aspect de légèreté dans son ensemble, peut soulever facilement des trains très-chargés, sur des chemins à' fortes rampes, à une vitesse convenable.
- Machine à marchandises avec tender articulé à l’arrière (système Engerth), construite au Creusot par MM-, Schneider et Gie. B T4.
- Le caractère distinctif du système Engerth est de reporter sur les roues du tender une partie du poids de la machine, afin d’obtenir une plus grande adhérence sans fatiguer la
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- voie par une surcharge sur un même point. Cette répartition du poids se fait au moyen d’une articulation entre le tender et la machine, articulation surtout remarquable dans la machine du Creusot. Nous y reviendrons dans sa description.
- La locomotive de MM. Schneider et Cie est à six paires de roues, dont les trois d’avant seulement sont couplées; les cylindres sont extérieurs, horizontaux avec tiroirs en dessus, inclinés vers l’essieu moteur.
- Distribution. — La distribution est extérieure avec coulisse, oscillant au moyen d’une bielle de suspension autour d’un point fixe, pris en dessous du tablier. Solidement maintenue en cet endroit, la coulisse porte au milieu, pour la suspension, des oreilles latérales qui permettent le passage à la fourchette de la bielle à tiroir qui embrasse le coulisseau. Celui-ci, fixé à l’extrémité d’une longue bielle de tiroir, est mauœuvrée par l’arbre de relevage ou de changement de marche.
- Châssis. — Il y a deux châssis, l’un, celui de la machine proprement dite, est extérieur et composé de deux longerons avec plaques de garde et barres d’écartement découpées d’un seul morceau ; l’autre, celui du tender, est extérieur et également composé de deux longerons évidés avec plaques de gardes et barres d’écartement.
- Essieux. — Les trois paires de roues couplées sont placées entre les boîtes à feu et à fumée; celle du milieu ne porté pas de boudin. L’essieu d’arrière est moteur; les roues sont à moyeu en fer forgé, qui pôrte les boutons moteurs et d’accouplement. Les bielles d’accouplement sont en dedans, contre les moyeux ; les bielles motrices au dehors, et semblables à celles des machines Crampton.
- Les boutons moteurs sont terminés par une manivelle portant les deux excentriques de la distribution qui se trouve à l’intérieur des glissières.
- Pompes. — Les pompes sont fixées de chaque côté contre le support des glissières ; le plongeur est mû par un bras-de levier venu de forge avec la tige du piston.
- Prise de vapeur.—Le régulateur est à l’avant de la machine, et un tuyau d’admission pénétrant dans la base de la cheminée et dans la boîte à fumée sert à distribuer la vapeur aux cylindres.
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- Grille. — La grille est mobile, e tse manœuvre du dessus du tablier.
- Tender articulé. — Le tender est supporté par six roues, une paire à l’avant de la boîte à feu et les deux autres à l’arrière.
- Le châssis du tender extérieur aux roues est articulé et attaché à l’avant du foyer qu’il entoure , au moyen d’une tra-verse horizontale solidement boulonnée aux extrémités avant des longerons. Un bouton d’articulation fixé dans cette traverse oscille et tourne dans le sens transversal de la voie, dans une armature en fer forgé solidement fixée contre les longerons intérieurs delà machine qu’elle entretoise; le jeu ménagé au-dessus et au-dessous de la traverse permet le déplacement vertical de l’avant du tender, pendant qu’il oscille et tourne autour du bouton comme centre.
- Ce boulon, sorte de cheville ouvrière, lie le tender à la machine d’une manière intime, en permettant le déplacement latéral dans les petites courbes, et le déplacement vertical dans les inégalités de la voie.
- Le châssis du tender porte une partie du poids de la machine qu’il distribue aux roues d’avant et du milieu de cet appareil.
- Celte répartition s’obtient au moyen d’un robuste support en fer forgé, rivé contre l’enveloppe de la boîte à feu, et portant une calotte hémisphérique emboîtée dans une glissière pouvant glisser en frottant par sa partie inférieure sur un patin horizontal en fer, fixé solidement sur le châssis du longeron du tender. Ce patin , entouré de rebords rapportés, forme réservoir d’huile de manière à baigner constamment le glissoir. Le mouvement du glissoir est celui que peut faire le tender en tournant latéralement autour de son centre d’articulation.
- Caisses. — La capacité destinée au coke se trouve au-dessus du tablier du tender, et la caisse réservée à l’eau est au-dessous du tablier, dessus et entre les longerons extérieurs.
- Frein. — Le frein n’agit que sur les quatre roues d’arrière. Les quatre sabots, deux de chaque côté, sont suspendus et articulés par le milieu de leurs ferrures, ce qui leur permet de saisir et de frotter concentriquement les bandages, quelle que soit la hauteur du châssis ou de la machine par rapport 206 s
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- au centre des roues. On sait que cette hauteur varie suivant l’approvisionnement d’eau et de coke plus ou moins grand dans le tender et la machine.
- Ressorts de suspension. — Cette machine tender, quoique ayant douze roues, n’est supportée que par huit points : la machine en quatre points, et le tender également en quatre points. L’essieu du milieu et celui d’arrière, ou moteur de la machine, ont deux grands ressorts longitudinaux en commun ; les extrémités de ces ressorts pressent et appuient sur les boîtes à graisse du milieu et d’arrière d’un même côté ; de cette façon le châssis de la machine ne porte que par deux points sur les quatre roues d’arrière et du milieu ; les quatre roues d’arrière du tender, qui supportent l’action du frein, sont chargées de même par deux grands ressorts longitudinaux; la seule différence est que, pour la machine, les ressorts sont intérieurs aux longerons, et pour le tender extérieurs aux longerons.
- Au résumé, cette machine est un magnifique échantillon de la science d’exécution et de l'habileté que les ingénieurs du Creusot ont mise à tirer parti du système Engerlh dans tous les détails de construction. Elle fait le plus grand honneur aux considérables établissements de MM. Schneider et Cie.
- Voici les principales dimensions de cette machine :
- Surface de chauffe................... 161n,,130
- Diamètre des cylindres.................. 0 ,48
- Course des pistons...................... 0 ,64
- Diamètre des roues...................... 1 ,30
- La chaudière est timbrée à huit atmosphères.
- Poids de la machine vide................. 38 500 kil.
- Poids du tender vide.......................... 13 000
- Poids total vide............. 48 500
- Poids de la machine pleine.............. 40 800 kil.
- Poids du tender plein...................21 300
- Poids total pleine........... 62100
- Répartition des poids sur les essieux.
- Essieu d’avant de la machine............. 12 000 kil.
- Essieu de milieu id.......................... 12 000
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- Essieu d’arrière de la machine.......... 12 000 kil.
- Point d’appui du foyer sur longerons de
- tender................................ 4 800
- Essieu d’avant-tender.................... 4 300
- Essieu de milieu d’avant-tender.......... 8 500
- Essieu d'arrière d’avant-tender.......... 8 500
- Le Duc de Brabant : Machine à marchandises (système Engerth) construite à Serang par MM. Cockerell. (P. 115).
- Celte machine a douze roues : huit sont couplées, les quatre autres soutiennent le tender proprement dit.
- Les cylindres sont horizontaux, placés extérieurement, ainsi que le mouvement et la distribution. La boîte à feu entre dans l’avant du tender et forme corps avec ce dernier par une articulation à trois pivots, dont l’un est placé au-dessous de la chaudière, et les deux autres entre les longerons. Cette division en deux parties distinctes de la machine permet, comme dans la machine du Creusot, de franchir sans inconvénient les courbes de petit rayon.
- Mouvement. — Les cylindres sont horizontaux, avec tiroir incliné placé en dessus. La crosse à chape du piston, dans laquelle s’introduit la bielle que commande l’essieu de la troisième paire de roues, est maintenue par deux glissoirs.
- Distribution. — Les deux poulies d’excenlriques sont en fonte, clavetées sur un tourillon cône, venu de forge avec la manivelle. La coulisse est simple, renversée et porte sur le côté deux oreilles dans lesquelles les tôtes de barres d’excentriques s’articulent. Elle pivote sur son milieu par un support à tourillon, rapporté au moyen de deux rivets fraisés. Le point de relevage de la barre du coulisseau est très-près de la coulisse, l’autre extrémité de cette barre commande le guide hexagonal par un bout de saillie, venu de forge sur ce dernier. La tige du tiroir passant dans le milieu de ce guide s’y trouve boulonnée de chaque côté, et le guide glisse lui-même dans un support appliqué sur la face du longeron.
- Pompe. — La pompe, fixée sur le bout du support soutenant les extrémités des glissières, est commandée par la crosse du piston portant une tète dans laquelle vient se fixer le bout du plongeur.
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- Couplement. — Les trois premières roues sont couplées par une môme bielle portant une articulation au milieu; la quatrième paire est couplée àtla troisième au moyen d’engrenages droits dont deux sont calés sur les essieux, et le troisième intermédiaire, fixé sur un arbre attaché à un châssis supportant le pivot, est boulonné aux longerons du tender dans lesquels se trouve maintenue la quatrième paire de roues. Ces trois engrenages sont en acier fondu et trempé. Les contre-poids des roues sont venus de forge avec les rayons.
- Suspension. — La charge supportée par les deuxième et troisième paires de roues se trouve transmise de chaque côté par un seul ressort dont chaque extrémité s’appuie sur les boîtes à graisse; le collier porte à sa partie inférieure une tige passant dans l’entretoise des plaques de garde, à sa partie supérieure un œil dans lequel vient s’adapter une patte à teton fixée à la face extérieure du longeron.
- Foyer. — Le foyer est muni d’une grille fumivore à étages, dont l’introduction dans les machines locomotives est due à M. Chobrzenski, et permet l’emploi de la houille comme combustible, avantage considérable avec la disette acîuelle du coke.
- Chaudière. — La chaudière produit une grande quantité de vapeur équivalente à la dépense des cylindres, elle a 2351 tubes de5ni de longueur, de 0,050 de diamètre intérieur.
- Tender. — Le tender peut recevoir une grande quantité de coke (au moins 3500 le.). La caisse à eau est en partie en dessous du parquet ; elle contient environ 10 mètres cubes d’eau.
- Frein. — Le frein agit dans l’intervalle des deux essieux d’arrière, et porte de chaque côté deux sabots mis en mouvement par des bielles, inclinées au moyen d’une vis verticale; une barre d’écartement empêche les essieux de s’éloigner. Le frein est très-puissant et enraye les sabots très-promptement.
- Cette machine a fait le service entre Lille et Amiens pendant deux mois.
- Dans un voyage d’essai fait avant de l’envoyer à l’Exposition , elle a donné les résultats suivants, en traînant 46 wagons chargés de houille et de coke, et pesant ensemble 669 040 kilog. : la distance de 28 kilomètres a été franchie en
- h. 5 m. à l’aller, et en 1 h. 2 m. au retour.
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- Le temps accordé aux machines à marchandises à 6 roues couplées est 4 h. 15s., et elles remorquent en train normal 30 wagons chargés de 10 tonnes, soit 420 tonnes : il y a donc, avec une vitesse plus grande, une différence de 249 tonnes en faveur de ces machines. C’est certainement, au point de vue de l’exploitation et du trafic, un avantage notable et une facilité de circulation considérable ; mais ce genre de machine demande un entretien considérable et très-dispendieux, et nécessite un matériel de plaques tournantes appropriées à leur poids, en même temps qu’elles fatiguent la voie dans une proportion notable; l’avenir seul pourra décider complètement la question.
- Nous croyons que cette tendance générale en France vers l’usage de machines d’un poids considérable provient plutôt de l’organisation des chemins de fer que de besoins réels, car elle ne répond pas du tout avec la voie, trop faible pour de semblables charges, que possèdent actuellement ces moyens de communication. Ne serait-ce pas à la division en deux services toujours distincts et souvent hostiles de la voie et de l’exploitation qu’elle est due ?
- La Gironde : Machine mixte construite par MM. E. Gouin et Cie.
- (A. 75).
- Cette machine porte son tender à l’arrière, ce qui permet do lui faire porter sa provision d’eau et de combustible, et supprime le poids mort en l’utilisant à augmenter la puissance ou force d’adhérence de la locomotive.
- Cette disposition peut être bonne pour des machines destinées à des services spéciaux, tels que ceux des terrassements, mines, etc. Elle ne nous paraît pas applicable sur une grande échelle sans de graves inconvénients, tels que de surcharger l’essieu de l’arrière, d’augmenter le nombre des roues, d’obliger à des arrêts fréquents pour renouveler l’eau et le coke.
- Elle est bien exécutée, mais sa forme n’est pas satisfaisante.
- Voici ses principales dimensions :
- Surface du foyer.............. 8m,86
- Surface des 180 tubes........ 97m,83
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- Diamètre des cylindres........ 0m,42
- Course des pistons................ 0m,56
- Diamètre des roues motrices.. 4m,74
- Son poids est de 27 tonnes.
- L’Aigle : Machine à grande vitesse, système Blavier et Larpent, construite dans les ateliers de MM. Gouin et Cie. (D. 75.)
- Cette locomotive présente, comme caractère distinctif, la séparation de la chaudière en deux parties : l’une, placée au-dessous des essieux des roues motrices , est l’appareil générateur de vapeur; l’autre est un réservoir de vapeur qui se trouve placé au-dessus des mêmes essieux et en communication avec la précédente par deux tubulures semblables à celles qui existent dans les chaudières à bouilleurs des machines fixes.
- Les résultats qu’on a cherchés par cette nouvelle combinaison nous paraissent les suivants :
- Avec deux roues d’un grand diamètre (2m,80), le centre de gravité de tout le système se trouve aussi bas que possible, puisqu’il est au-dessous des essieux des grandes roues; de là doit résulter une grande stabilité dans la marche de cette machine aux plus grandes vitesses; d’autre part. par le amplement des deux essieux , on obtient une adhérence suffisante pour remorquer, aux vitesses ordinaires, les trains les plus lourds sur des profils accidentés.
- La surface de chauffe est de 130 mètres carrés, les cylindres ont 0m,45 de diamètre et 0m,80 de course; la charge sur les essieux couplés est de 29 tonnes, en sorte qu’on a pu remorquer facilement, dit-on, sur la ligne de Paris à Chartres, qui a des rampes de 6 et 8 millim., des trains de marchandises de 275 tonnes.
- Ainsi, cette machine semblerait permettre non-seulement d’atteindre pour les trains express des vitesses effectives de 80 à 100 kilomètres, avec diminution de chances de déraillement par suite de l’abaissement de son centre de gravité, mais encore de suffire à assurer le service des trains de marchandises sur la plupart des lignes de chemins de fer, lorsque la composition normale des trains ne dépasse pas 250 tonnes (28 ou 30 wagons chargés de 6 tonnes).
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- Les expériences relatives à la consommation de cette machine ont été, dit-on, satisfaisantes; il est à regretter vivement que la nécessité de l’envoyer à l'Exposition n’ait pas permis de recueillir des résultats assez complets pour être entièrement fixé à cet égard.
- On a pu seulement constater, dans les voyages d’essai, que la vapeur passe dans les cylindres dans un état de sécheresse remarquable, et que le tirage présentait une grande régularité due à la hauteur de la cheminée (environ 3rn,50), et que le foyer, d’une disposition spéciale, favorisait la combustion complète de l’oxyde de carboné dans la chambre de combustion.
- Si l’expérience vient confirmer les résultats que se sont proposés les inventeurs, ce ne sera pas un des moindres avantages de pouvoir réduire à un seul type , d’un poids modéré de 28 tonnes, le matériel des locomotives des chemins de fer, dont le trafic n’est pas trop considérable.
- Le mécanisme de cette locomotive est bien traité, il est facile à entretenir et à visiter, et présente un aspect robuste que cette disposition a permis de lui donner.
- Nous ne témoignerons qu’un seul regret, qui peut-être ne se justifiera pas par l'expérience, c’est la faiblesse apparente des roues motrices, faisant craindre à première Vue un fléchissement qui pourrait donner lieu à de graves conséquences , s’il existait.
- En tout cas, on ne saurait trop féliciter les auteurs dé cet essai, qui peut conduire les locomotives dans une voie de progrès toute nouvelle.
- Perrache : Machine à voyageurs construite par MM. Cail et Cie.
- (P. 83.)
- Cette machine, remarquable échantillon de la fabrication de MM. Cail et Cie, a le singulier mérite de n’avoir pas été faite spécialement et soignée en vue de l’Exposition. C’est une machine fort bien faite, semblable en tout à celles qui sortent journellement des ateliers de ces constructeurs, dont l’habileté et la bonne et consciencieuse exécution sont généralement reconnues.
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- Machine de M. Zaman-Sabatier et Cie, de Bruxelles. (F. 115.)
- Les cylindres et les mouvements se trouvent placés extérieurement, le tiroir est horizontal et au -dessus des cylindres.
- Distribution. —Les barres d’excentriques sont fixées à un très-grand coulisseau suspendu en son milieu par deux jumelles reliées à l’arbre de relevage; il monte et descend dans une coulisse en deux morceaux, soudés chacun à un bout d’arbre horizontal et fermés à leurs extrémités par une entretoise ; le tout formant arbre horizontal de renvoi avec coulisse tournant sur son axe; en relevant progressivement le coulisseau dans la coulisse, la course du tiroir augmente dans le même rapport. Le coulisseau étant très-long et demandant très-peu de parcours pour donner au tiroir les courses maximum convenables pour la distribution, il tend moins à prendre du jeu que ceux des coulisses ordinaires. Le graissage se fait très-facilement par des évidements pratiqués dans son épaisseur; la coulisse est très-simple de construction et facile à entretenir.
- Longerons. — H v a un double longeron de chaque côté, garni de bois dans le milieu ; les plaques de garde sont soudées dessus : c’est l’ancienne disposition abandonnée aujourd’hui.
- Ressorts. — Chaque roue est munie d’un ressort de suspension , ce sont les formes des anciens ressorts mal calculées et disproportionnées par rapport à la charge qu’ils supportent.
- Sablière. — La sablière est placée sur le milieu du corps du cylindre de la chaudière, conduisant de chaque côté le sable sous les roues motrices par des tuyaux tournant graduellement à l’aide d’une tringle à poignée, placée à la portée du mécanicien, qui en accélère ou en ralentit le mouvement suivant la nécessité.
- Cette machine a 4 721 tubes de 45 m/m de diamètre intérieur et pèse 22 tonnes; elle peut remorquer des trains à voyageurs à raison de 50 à 60 kilomètres à l’heure, avec 15 wagons, sur des chemins qui ne présentent pas de fortes rampes.
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- Machine à grande vitesse, construite par M. Borsig, de Berlin.
- Cette machine est à cylindre extérieur, avec des roues motrices de 2 mètres de diamètre appliquées au milieu des deux autres paires de roues.
- Mouvement. — Les bielles sont en acier fondu trempé, la petite tête est fixée à la crosse du piston par une traverse portant deux coulisseaux en fonte , lesquels glissent dans quatre glissières avec mises en acier. Ces glissières sont d’un bout appuyées sur les couvercles du cylindre, de l’autre sur un support fixé au longeron. Ce support est relié avec celui du côté opposé par une entretoise, ce qui rend les glissières parfaitement rigides et solidaires l’une de l’autre.
- Distribution. — Les coulisses sont placées.intérieurement, elles sont simples, suspendues chacune par leur milieu, au moyen de deux jumelles prenant le levier de relevage; les barres d’excentriques sont d’une seule pièce avec le corps de l’excentrique, le prolongement du coulisseau est rond et passe dans un support appliqué intérieurement au longeron, la tige du tiroir est reliée à ce prolongement par un clavettage conique et un écrou ; par ce moyen on peut faire avancer ou reculer le tiroir; les clavettages habituels n’ont pas cet avantage.
- Pompes. — Elles sont fixées sur le fond du foyer et reliées par une entretoise qui maintient leur écartement; elles se trouvent commandées par l’excentrique.de la marche en arrière, par une bielle recourbée, passant en dessous de l’essieu moteur et boulonnée au collet du collier d’excentrique ; le peu de distance qu’il y a entre la pompe et l’essieu moteur ne permettrait pas de les commander comme on le fait habituellement; les tuyaux d’aspiration et de refoulement n’otfrent aucun coude, c’est une très-bonne disposition qui empêche les pompes de perdre.
- Suspension. — Chaque roue porte son ressort de suspension; ceux d’avant et du milieu sont reliés par un balancier articulant au longeron , ce qui fait que quel que soit le choc éprouvé par l’unè ou par l’autre paire de roues , il se trouve annulé en se portant sur l’autre ressort; c’est d’un grand avantage pour une machine à grande vitesse, parce que les
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- secousses multipliées ne se font pas sentir sur le tablier et ne tendent pas à ébranler le mouvement.
- Foyer.—Le foyer est bien proportionné à la surface de chauffe et aux cylindres, la chaudière contient 156 tubes de 45 mil-lim. de diamètre intérieur, et d’environ 4m,50 de longueur.
- Dans cette machine, les surfaces de frottement sont bien entendues; toutes les précautions sont prises pour un graissage facile, tout le travail est parfaitement fait, très-soigné, et les pièces sont bien étudiées; l’entretien doit être presque nul, et, en tout cas, il est facile à faire et peu dispendieux. Cette machine étant très-légère ne tend pas à détruire la voie, tout en pouvant remorquer des trains express assez forts à une très-grande vitesse sur des chemins à moyennes rampes.
- Tender. — Il est monté sur ses roues et peut contenir une grande quantité d’eau et de coke. Le frein enraye toutes les roues; chacune se trouve comprimée par deux sabots, ce qui ne tend pas à détruire le parallélisme des roues. Ce frein est très-puissant, mais il coûte fort cher d’établissement.
- Les ressorts de suspension sont encastrés dans les longerons, à l’endroit de la partie servant de plaque de garde. Ces vides ainsi faits augmentent la largeur des longerons et les rendent lourds d’aspect. L’emploi de six roues, dans ce cas, est un peu une exagération , car le tender ordinaire à quatre roues avec fusées convenables remplirait le même but et couplerait moins cher.
- Trifelds : Machine à grande vitesse, système Crampton, construite à Esslenger par M. Em. Kessler, (P. 12G.)
- Avant de décrire cette machine, quelques mots sont nécessaires pour dire à nos lecteurs ce qu’est le système Crampton.
- L’habitude des chemins de 1er et une sécurité assez complète, firent naître le besoin d’augmenter la vitesse. On ne pouvait arriver à ' cet accroissement de vitesse qu’en augmentant le diamètre des roues motrices, ce qui avait le grave inconvénient de trop élever le centre de gravité dans le système ordinaire. En 4849 ou 50, M. Crampton eut l’idée de placer les roues motrices tout à fait à l’arrière de la chaudière; il se donnait ainsi la possibilité d’augmenter leur dia-
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- mètre autant qu’il le jugeait convenable. Ce changement entraîna quelques dispositions nouvelles.
- Cette machine de M. Kessler a ses cylindres appliqués sur les longerons, entre les roues du milieu et celles d’avant; la bielle commande l’essieu d’arrière, la manivelle et les poulies d’excentrique sont d’un seul morceau calé en avant de la roue sur l’essieu, le tuyau d’échappement passe par-dessous la machine et traverse la boîte à fumée pour se rendre dans la cheminée.
- Distribution. —Le mouvement se trouve placé du côté du longeron, la coulisse est en deux morceaux, articulant par son milieu sur deux jumelles reliées à l’arbre de relevage. Le prolongement du coulisseau est carré, passant dans deux guides appliqués sur les longerons, la tige du tiroir prend son mouvement sur ce prolongement entre les deux guides. Les guides c,arrés sont généralement abandonnés maintenant et sont remplacés par des guides ronds moins coûteux.
- Régulateur.—Le régulateur est placé verticalement et glisse dans un secteur juxtaposé à celui du changement de marche.
- La sablière est placée sur le tablier longitudinal près du garde-corps à la portée du mécanicien et n’offrant aucun obstacle pour la circulation sur le tablier.
- Plater forme.— Les roues motrices passent à travers le tablier transversal; elles sont recouvertes, laissent entre elles un grand emplacement très-utile pour le service des mécaniciens.
- Les pièces du mouvement, la distribution et les pompes sont toutes très-faciles de démontage et d’entretien, elles sont dégagées et en harmonie l’une avec l’autre, le travail est très-soigné et la machine a un aspect fort satisfaisant.
- Tender.—Le tender a six roues, chacune porte un ressort de suspension encastré dans les longerons, ces derniers sont en deux pièces garnis de bois dans leur intervalle.
- Boites à graisse. —Les boîtes à graisse peuvent recevoir une grande quantité de graisse, la partie de devant s’ouvre à volonté et permet de visiter la fusée et de vider le dessous des boîtes.
- Caisse à eau.—La caisse à eau est en partie en dessous du parquet, elle peut contenir un grand volume d’eau, et l’emplacement du coke est aussi très7vaste.
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- Ce système a l’avantage d’abaisser le centre de gravité et de rendre ainsi la stabilité plus grande.
- Frein. —Le frein enraye les six roues à la fois, chacune par deux sabots qui les compriment, le parallélisme se trouve ainsi maintenu.
- Prise d’eau.—|La prise d’eau se fait par un robinet avec cadran choisi pour connaître le degré d’ouverture. L’emploi d’un robinet est plus simple que le clapet actuel, mais peut-être conserve-t-il moins bien l’eau. Ce tender est très-léger, d’une bonne forme, appropriée à celle de la machine.
- Emperor : machine à voyageurs construite par M. Stephenson.
- (D. 141.)
- CetLe machine est extrêmement intéressante, non pas sous le rapport de la nouveauté, mais parce qu’elle présente et résume, sans doute, les derniers perfectionnements et l’opinion de l’habile ingénieur qui l’a construite.
- Elle porte ses cylindres et son mouvement à l’intérieur, les roues motrices sont au milieu.
- Cylindres et mouvement. — Les cylindres sont réunis et fixés aux longerons; les tiroirs sont verticaux, et communiquent dans la même boîte à vapeur. La petite tèle de bielle porte une traverse qui passe à chaque bout dans un coulisseau glissant dans deux glissières soutenues d’un bout au couvercle du cylindre, de l’autre, à une entretoise qui relie les longerons ; cette entretoise servant de support au corps cylindrique.
- Distribution.—La coulisse est simple ; deux jumelles la relèvent par sa partie supérieure; le même boulon d'attache prend l’œil de la barre d’excentrique de la marche en avant; le coulisseau est fixé à deux autres jumelles dont l’une des extrémités donne le mouvement à la tige du tiroir, par l’intermédiaire d’une bielle clavelée dessous ; l’autre extrémité est suspendue à une petite bielle qui s’articule à un support boulonné à l’entretoisedes longerons.
- Cette disposition a l’avantage de soulager d’une manière très-notable la perturbation qui a lieu sur le coulisseau, et de lui faire prendre beaucoup moins de jeu.
- Pompes. — Elles sont appliquées surJa face do la boîte à feu ;
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- Commandées par deux tiges recourbées; elles embrassent l’essieu moteur, et prennent de l’autre bout le collier d’excentrique de la marche en arrière; cette disposition ne pourrait pas être évitée à cause du peu d’espace qui existe entre la boîte à feu et l’essieu moteur.
- Suspension.—Chaque roue a son ressort de suspension placé au-dessus des longerons.
- Longerons.—Ils sont doubles et garnis de bois à l’intérieur. La machine peut remorquer des trains, de 50 à 60 kilomètres à l'heure, avec une forte charge.
- Peut-être peut-on reprocher à ce système l’inconvénient de donner lieu à un grand entretien , de rendre la visite, le nettoyage et le graissage difficiles.
- L’exposition de M. Stephenson prouve qu’il n’a dévié en aucun poiut de son ancien système ; on y retrouve exactement les mêmes dispositions que celles existantes dans ses anciennes machines.
- Ce fait est très-remarquable et il se reproduit pour les chemins de fer français, sur le chemin de fer de Rouen qui depuis son origine a conservé les mêmes types de machines et a satisfait aux exigences d’un service important.
- L’Angleterre nous a envoyé, en outre, une machine de M. Firbairn, qui n’a d’autre intérêt que d’avoir été construite dans les ateliers de cet habile constructeur ; une seule particularité est à remarquer : sa suspension sur des ressorts en caoutchouc.
- Elle a aussi exposé, pour représenter le système Crampton, une machine construite en France dans les ateliers de MM. Cail et Cie. La compagnie du Nord , à qui elle appartient, a eu l’heureuse idée d’y afficher son parcours total, soit 269 045 kilomètres, depuis le mois de mai 4 8*9 au 4" juin 4855. C’est le plus bel éloge qu’on puisse faire de cet engin, et la compagnie du Nord aurait su joindre à ce renseignement la vitesse moyenne de ce parcours , le prix moyen de l’entretien et de la dépense de combustible, afin d’initier autant que possible le public aux dépenses que nécessitent ces puissants engins.
- On remarque encore, dans l’Annexe, d’autres machines que aous aurions désiré examiner, quoique, à vrai dire, elles n’offrent rien de saillant, que quelques particularités de détail
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- insignifiantes au point de vue général. Le reste du matériel roulant des chemins de fer, représenté par un petit nombre de véhicules, compte quelques voitures et quelques wagons.
- Nous dirons seulement quelques mots de ceux de la Belgique et de la Suisse, qui présentent quelques particularités intéressantes.
- Le wagon à voyageurs , qu’expose la première de ces contrées, est une élégante voiture de première classe qui appartient au chemin de fer de Luxembourg et qui est construite par M. Pauvvells de Bruxelles. La caisse est assez haute pour que les voyageurs puissent se tenir debout dans les trois compartimenls, parmi lesquels celui du milieu est plus vaste que les autres ; chaque compartiment contient quatre fauteuils qui peuvent être transformés en couchers et qui donnent à cette voiture un confortable tout spécial.
- Le wagon suisse, d’une longueur de quatorze mètres, est divisé en chambres qui communiquent entre elles par un couloir longitudinal. Cetle voiture , destinée aux chemins de fer de l’Amérique, est très-élégamment meublée ; une disposition particulière des trains rend possible cette longueur exceptionnelle, même dans les coudes.
- Le wagon à marchandises exposé par M. Colson présente une disposition toute nouvelle qui pourrait le faire désigner sous le nom de wagon roulant. Ce sont en effet deux cylindres garnisde bandages circulaires qui roulent à la manière ordinaire sur la voie ; les cylindres sont munis de trappes au moyen desquelles s’opèrent le chargement et le déchargement des matériaux en vrague que cet appareil doit transporter. On prétend que pour les longs parcours cette disposition, quiabaisseautant que possible le centre de gravité , et qui permet de diminuer le poids mort, demande même pour les houilles un chargement très-coûteux et très-soigné, pour peu que l’on veuille éviter la pulvérisation de la matière ; une cloison diamétrale, solidaire avec l’essieu fixe, tend au reste à diminuer cet inconvénient, en immobilisant la charge pendant que le cylindre seul tourne autour d’elle.
- Un wagon en fer, parM. Nepveu et Cie, présente un mode nouveau de construction. Le châssis, entièrement établi avec les fers du commerce, dénote la tendance actuelle de l’industrie, et réalise une diminution notable dans le poids de la voi-
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- ture, si on le compare à celui des constructions ordinaires en bois. Cette disposition ne peut manquer d’avoir de l’avenir.
- Carrosserie.
- La carrosserie compte, à l’Exposition , 76 exposants, dont 33 Français, 1 4 Anglais, 6 Belges, 5 Autrichiens, 3 des Pays-Bas, 4 des États sardes, 2 du Canada, 4 Suédois, 5 Norvégiens, 4 Mexicain et enfin 4 Hambourgeois. Leurs produits sont au nombre de 87, comportant : 5 voitures de gala, 4 berline, 2landeaux, 25 calèches, 4 0 coupés, 7 américaines, 6phaé-tons, 5 Victoria, 5 cabriolets à quatre roues, 2 tilburys,
- 2 voitures de chasse, 2 breeck, 4 dog-cart, 4 cab, 4 char à bancs, 4 omnibus, 3 voitures de fantaisie, 3 véhicules dont l’usage est spécial au pays de provenance, et enfin 3 traîneaux.
- Il est à remarquer que les spécimens envoyés par les quatre premières nations se rapprochent pour la plupart des formes adoptées en France, et que les différences que l’on remarquait autrefois à cet égard ont presque complètement disparu ; il est certain qu’en imitant les formes françaises les produits de nos voisins ont beaucoup gagné en légèreté et élégance. II. est juste cependant de dire que ce progrès paraît moins sensible chez l’Autriche, car si une ou deux de ses voitures sont construites avec légèreté, la plupart ont conservé la lourdeur et les formes disgracieuses de l’ancienne carrosserie. Ainsi, il existe certainement une différence très-marquée sous le rapport du goût entre la voiture d’apparat du maire de Vienne, de MM. Laurenzi etCie, et les voitures d’apparat exposées par MM. Clochez, Leclerc , de Paris, et Goner frères, de Bruxelles. Autant cette dernière est légère, gracieuse de forme et flatte l’œil par l’heureuse disposition de ses ornements, autant la première, qui lui est certes supérieure comme richesse de détail, choque le regard par le mauvais goût de ses décorations et la lourdeur de la galerie qui la surmonte: ce couronnement peut avoir son mérite, mais il serait mieux placé sur un autel que sur une voiture.
- Le royaume des Pays-Bas est plus exempt des reproches que nous faisons à l’Autriche, et nous devons reconnaître que la carrosserie de MM. Hermann et Cie est bien traitée.
- Il est pénible, à côté des efforts tentés par les autres con-
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- trées, d’avoir à constater l’absence complète de la Prusse. Nous savons cependant que les fabricants de cette nation ne peuvent pas être taxés d’impuissance et que les produits de Berlin et de Magdebourg peuvent facilement soutenir la comparaison avec ceux des autres puissances de l’Europe; nous ne savons donc quelle peut être la caüse de cette fâcheuse abstention de la Prusse, et nous devons d’autant plus la regretter que cette.nation n’a rien épargné pour être dignement représentée, danstoutes les autres branches, au concours universel de l’industrie.
- Le Canada, mieux inspiré, ne s’est pas effrayé des distances; cette colonie n’a pas craint d’affronter la lutte, et nous nous plaisons à reconnaître que, malgré ce que peuvent avoir d’étrange pour nous certains détails auxquels nous ne sommes pas habitués, les voitures exposées par MM. Clovis Leduc de Montréal et Édouard Gingras, de Québec, ne manquent ni de fini, ni dégoût, et réunissent ce que l’on recherche ordinaire ment, la solidité et la légèreté.
- En chargeant M. Wilson , de Mexico, de nous envoyer un spécimen de sa fabrication, la république mexicaine a voulu nous prouver les efforts faits par elle pour se mettre à la hauteur de l’industrie européenne ; quoique un peu lourde, la calèche exposée par ce fabricant est très-soignée dans tous ses détails, et peut être mise avec avantage en comparaison avec celles de ses confrères d’Europe.
- Ce coup d’œil jeté sur l’ensemble des produits de la carrosserie, il ne nous reste plus qu’à signaler ceux qui ont le plus particulièrement fixé notre attention.
- Rendons-nous d’abord dans la tente dont l’entrée fait face à l’avenue d’Àntin.
- La première voiture qui frappe nos regards est une voiture de chasse complètement construite en fer poli de M. Clovis Dumont, d’Abbeville; elle est d’une exécution remarquable, tous les détails en sont très-soignés, et, quoique le bois soitpartout remplacé par le fer, elle nous a paru très-légère, et cet essai de M. Clovis Dumont nous semble devoir être couronné de succès.,
- Trois autres breeck sont exposés par MM. Delongueil, Gravier, de Valenciennes, etMulhbacher frères. Ces voitures réunissent, aux commodités que l’on recherche généralement
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- dans ce genre de véhicules, l’élégance de formes et la solidité. Celle exposée par M. Delongueil nous a paru surtout parfaitement conçue dans tous ses détails.
- La carrosserie de luxe se trouve principalement représentée pour la France par MM.- Clochez et Leclerc, de Paris. Les deux voitures envoyées par M. Clochez pèchent, selon nous, par la profusion de sculpture et le bariolage d’ornementation qui produisent un effet de très-mauvais goût. Nous préférons la calèche .de M. Leclerc, qui, quoique encore un peu chargée d’ornements de bronze, nous a paru plus digne dé fixer l’attention. M. Leclerc présente, du reste, une idée neuve qui pourra peut-être produire de bons résultats dans l’avenir : son système consiste à recouvrir extérieurement chaque panneau d’une glace, de sorte que. la peinture ou la garniture externe, se trouvant complètement garantie, n’est plus exposée à être endommagée par la pluie ou la boue. Si, comme nous l’a affirmé M. Leclerc, il peut éviter que l’eau ne s’introduise entre la glace et le bois, il y aura un grand avantage à adopter son système pour toute espèce de voiture, car la peinture extérieure est ce qui souffre le plus et se détériore le plus vite.
- Les voitures de ville sont naturellement en plus grand nombre que les voitures de gala, et ce genre est, en général, bien traité ; elles présentent plus de goût et d’harmonie dans toutes les parties'; [et, pour notre compte, nous avouons que nous préférons la sévère simplicité des calèches exposées par MM. Lelorieux et Dunaime au luxe de celles de M'. Clochez. Nous croyons que tout le monde pensera avec nous qu’il est impossible de trouver une serrurerie mieux finie, une forme plus gracieuse , une garniture mieux soignée que celle de la voiture exposée, sous le n° 1064, par M. Lelorieux. MM. Dunaime, Dameron et Rothschild ont aussi, sous les nnS 1050, 1053 et 1072, trois calèches qui ont été traitées avec conscience, et dont le travail ne laisse rien à désirer. Du reste, la comparaison des produits groupés au Palais de l’Industrie confirme une fois de plus la supériorité incontestable'do la fabrique de Paris sur toutes les autres carrosseries du monde. Il est cependant juste de dire que MM. Bergeron, de Bordeaux, et Cliquenon frères, de Lille, ont exposé, le premipr, deux voitures, dont une calèche fort élégante, et le second, 20fi t
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- trois voitures, parmi lesquelles un coupé avec incrustation en bois des îles et en cuivre, produisant un très-bon effet et méritant, sous tous les rapports, d’être mis en parallèle avec la carrosserie de Paris.
- Nous croyons devoir citer encore à l’attention des visiteurs un phaéton à siège mobile de M. Hayot, de Caen. En le sépa-. rant en deux, on peut former à volonté une voiture à deux roues ou à quatre roues, et lui conserver, malgré ce changement, sa solidité et son élégance. Ce système, appliqué avec intelligence, peut rendre de grands services, surtout pour les campagnes.
- Un omnibus, sortant des ateliers de MM. Boutherie et Cie, nous a paru avoir subi dans ses dispositions intérieures des modifications utiles aux voyageurs, et être traité, pour ce qui est de la construction, avec tout le soin que ce carrossier apporte à tout ce qui sort de ses ateliers. Nous ne terminerons pas cet examen sans exprimer le regret de ne pas rencontrer dans l’Exposition plus de voitures de campagne. M. Veder-kelr, de Colmar, est le seul qui, sous le n° 1077, ait exposé un char à banc, et, bien que cette modeste voiture paraisse déplacée au milieu des riches équipages , il eût été à désirer que d’autres eussent suivi son exemple, car, s’il en eût été ainsi, bien des visiteurs auraient pu trouver un véhicule dont l’usage, importé dans leur pays, eût pu être plus approprié à ses besoins que ceux employés jusqu’à ce jour.1
- Les exposants belges sont peu nombreux et se réduisent à quatre ou cinq. Leurs produits méritent cependant une mention toute spéciale; ceux de MM. Goner frères, de Bruxelles, sont surtout remarquables par le soin apporté dans leur construction , par le fini de la ferrure et l’élégance des formes. La berline demi-gala, exposée par cette maison, est surtout digne d’attention. Les sculptures et les moulures sont d’une exécution très-soignée; la contraction de la caisse, bombée devant et derrière, a dû présenter des difficultés réelles, qui ont été résolues de la manière la plus heureuse. Les galons de l’intérieur sont armoiriés et ont dû être fabriqués sur trois métiers afin que les couronnes et les chiffres fussent placés en regard dans les différentes parties de l’intérieur. En un mot, chaque détail a été étudié avec tant de soin que nous n’hésitons pas à dire que cette voiture ne peut manquer d’attirer les
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- regards de tous les gens de goût, et méritera, nous n’e.n doutons pas, l’approbation des personnes compétentes. MM. Goner frères ont, en outre, exposé deux cabriolets forme Victoria, qui prouvent qu’ils sont aussi habiles dans la construction des voitures de ville que dans celle des voitures de luxe.
- Les produits présentés par les Pays-Bas paraissent traités avec conscience. Nous signalerons une calèche de ville construite par MM. Ilermans et Cie pour S. M. le roi des Pays-Bas, et qui, sous le rapport du confortable et de la bonne exécution, ne le cède en rien à celles dont nous avons déjà eu occasion de parler. Un charmant dog-cart construit tout en fer par le même fabricant a aussi attiré notre attention.
- Pour terminer l’examen des voitures exposées dans le local atfeclé plus particulièrement à la carrosserie nous n’avons plus qu’à signaler la calèche exposée par M. Wilson de Mexico; cette voiture qui lui a été commandée par la république mexicaine en vue de l’exposition, est d’une construction un peu lourde, la forme en est peu gracieuse et est depuis longtemps passée de mode chez nous; cependant nous devons reconnaître que la fabrication en est bonne, et que la ferrure et la garniture en sont très-soignées.
- Pour terminer l’examen de la carrosserie, il faut maintenant nous rendre aux annexes. Nous trouvons à la pile II7 I) les voitures exposées par l’Autriche. Elles sont peu nombreuses , et celles exposées par MM. Luurenzi et Cie sont les seules qui méritent de fixer l’attention ; ce sont la voiture d’apparat du maire de Vienne et un coupé de ville. Nous avons dit plus haut ce que nous pensions de la voiture d’apparat; sa richesse d’ornementation attire seule les regards. Quant au coupé, il nous donne meilleure idée du goût du constructeur, car cette voiture est d’une forme gracieuse; les détails en sont soignés, et ne laissent rien à désirer.
- Plus loin, à la pile 127 D nous trouvons l’Angleterre, et dans cette partie elle est encore la digne rivale de la France. Nousjdevons même reconnaître que nos voisins, en s’attachant surtout à nous envoyer des voitures d’un genre sévère et utile, se sont plus rapprochés du but de l'exposition.
- Nous rencontrons d’abord un phaéton de M. Vrupp, et plus loin des voitures du même genre, de MM. Thorn de Londres
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- et de M. Starey de Nottingham. Bien que les deux premiers soient construits avec tout le soin et la légèreté que demande ce genre de véhicule, celui de M. Starey appelé cottage-phaéton est digne, par son ingénieuse construction, d’une mention particulière.
- Cette voiture peut affecter trois formes : phaéton à deux places, phaéton à deux sièges et à quatre places, et la môme voiture avec siège couvert. Ce qui la distingue surtout, c’est sa simplicité, sa légèreté et, pour ainsi dire, l’instantanéité avec laquelle elle change de forme suivant le besoin ; à chaque instant vous pouvez l’approprier à la circonstance dans laquelle vous vous trouvez ; les changements de forme se font aussi bien en route que sous la remise, de sorte que vous n’êtes jamais exposé à vous trouver pris au dépourvu.
- Deux fabricants, MM. Kesterton de Londres et Roch et fils de Hastings, ont exposé sous le nom d’amempton et de dio-rophe, deux voitures de ville qui peuvent aussi se transformer de manière à former suivant les besoins une calèche entièrement fermée, une calèche découverte ou un char découvert.
- MM. Davies et fils, de Londres , présentent un coupé qui paraît traité consciencieusement et se recommande à l’attention par un marchepied qui tient si peu de place qu’il se confond avec le contour de la voiture.
- Nous avons encore remarqué, dans la partie anglaise, trois calèches fabriquées avec le plus grand soin, tant sous le rapport de la serrurerie et du charronnage que sous celui de la garniture inférieure; elles sont de MM. Bigby et Robinson, Peters et fils et Hopper et Cie, de Londres.
- Bien que les quelques voitures exposées dans l’annexe du côté de la place de la Concorde n’offrent pas un grand intérêt, nous engageons le visiteur qui veut compléter l’examen des voitures à se rendre à la pile Ll D; il y trouvera, parmi les produits du Canada, deux voitures : l’une de M. Clovis Leduc de Montréal, l’autre de M. Edouard Gringar de Québec. Ces voitures sont d’une forme élégante, et la ferrure a été surtout traitée avec beaucoup de soin; elles font honneur au goût des constructeurs; M. Clovis Leduc a cependant conservé à son américaine un genre décapoté qui n’est plus en usage depuis longtemps, et qui lui ôte beaucoup
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- de sa grâce, etM. Edouard Gringar a monté la sienne sur un train et des roues trop peu élevés; ce qui nuit à l’harmonie qui doit toujours régner dans toutes les parties d’une voiture.
- En passant à la pile 24 D, nous pourrons encore voir les trois voitures norvégiennes qui ne présentent cependant qu’un intérêt de curiosité , car nous douions que ce genre de véhicule, qui consiste en un siège très-étroit pour une seule personne et qui est monté sur un train fort large et des roues très-hautes, puisse jamais, dans nos contrées, trouver un emploi utile.
- Sellerie.
- Cette section compte 98 exposants, dont 29 à la France, 9 à l’Algérie, 31 à l’Angleterre, 6 à la Belgique, 10 à l’Autriche, 5 aux Pays-Bas, 3 à la Prusse, 2 au Canada, 1 à la Toscane et enfin 1 au duché de Brunswick.
- Nous allons d’abord examiner les produits exposés par la France. Us se trouvent pour la plupart groupés sous la tente, à droite de la porte sud du grand palais.
- La première vitrine qui frappe nos regards est celle de M. Bourse; ce fabricant s’est attaché à y réunir tout ce qui se rapporte à son industrie. Nous y avons remarqué un harnais d’une grande richesse, des selles, dites anglaises, travaillées avec soin , des brides d’une grâce et d’une légèreté extraordinaires, dont la finesse,'en raison de l’excellente qualité des matières employées, ne nuit en rien à la solidité. Enfin une selle avec harnachement de cheval de maréchal de France a aussi fixé notre attention, les détails sont bien traités; tout y est riche, mais simple, et de meilleur goût que les harnachements militaires de l’exposition anglaise.
- MM. Lambin et Prax ont fait des efforts sérieux pour représenter dignement leur industrie. La plupart des objets qui se trouvent dans leur montre nous’ont paru remarquables. Nous devons citer comme devant être mis complètement hors ligne un harnais commandé par S. A. I. le prince Murat; le soin apporté dans tous les détails de fabrication , le fini des armes et des chiffres en font plutôt un objet d’art qu’un article de sellerie, et malgré tous les ornements qui le
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- décorent, il est impossible de rien trouver de plus léger, de plus coquet et de meilleur goût.
- Dans la sellerie de luxe nous avons encore remarqué un harnais d’une grande richesse et d’une exécution irréprochable de MM. Exmelin et Àrlot aîné.
- Sous le n° 990 , M. Garnier présente plusieurs colliers dont le principal mérite est un ressort qui permet d’élargir ou de rétrécir le collier à volonté. Tout en ne cherchant en aucune manière à déprécier la découverte de M. Garnier, nous devons dire que son système nous a paru n’ètre pas exempt du vice reproché à ses devanciers, et qui consiste en ce que le mécanisme se dérange souvent et ne résiste pas ordinairement au tirage du cheval.
- Plusieurs systèmes ont été exposés pour dételer les chevaux instantanément. Ceux de MM. Payr et Richard frères, d’Abbeville, sont les plus simples; mais les divers moyens employés dans ce but nous paraissent avoir l’inconvénient d’empêcher d’atteler le cheval avec autant de solidité qu’à l’ordinaire, et par conséquent de nuire toujours au tirage.
- L’anti-mors de M. Chambon peut aussi être cité comme un moyen nouveau de direction; mais il nous semble d’une application difficile : caries plaques qui se trouvent au-dessus des naseaux de l’animal et servent à opérer une pression, doivent nécessairement enlever le poil et en très-peu de temps défigurer le cheval.
- Quant à la sellerie étrangère, nous devons reconnaître que nos voisins, qui autrefois tenaient le premier rang dans ce genre de fabrication , n’ont rien négligé pour soutenir leur ancienne réputation. Tous les genres se trouvent représentés dans cette partie de leur exposition.
- Nous trouvons cependant que, malgré tous les efforts tentés par les fabricants anglais, les produits français et belges supportent la comparaison, et que nos selles ne le cèdent aujourd’hui en rien aux leurs sous le rapport du fini et de l'élégance.
- Nous remarquons d’abord MM. Garden et fils, Blackwell et R. Cuff, de Londres, dont les produits sont parfaitement traités; le choix des matières employées nous a paru excellent. La vitrine de M. R. Cuff se distingue de celles de ses confrères par quatre selles <de cavalerie, dont deux avec bar-
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- nachement de cheval pour officier de hussard et de dragon et deux autres d’officiers généraux. Nous devons savoir gré à M. Cuff d’avoir cherché à nous initier aux uniformes de son pays; ils ne manquent pas de richesse, mais soit défaut d’habitude ou esprit national, nous dirons franchement que nous n’aimons pas ces caparaçons surchargés d’ornements qui nous paraissent, surtout pour les officiers inférieurs, peu en rapport avec les grades. Les dessins sont d’assez mauvais goût, et nous préférons la sévère simplicité des harnachements de notre cavalerie ; là , la splendeur de la housse n’écrase jamais le cheval ni le cavaiier.
- Plusieurs harnais exposés par M. Shipley méritent aussi une mention spéciale; deux bridps aux armes d’Angleterre et de France sont-d’une légèreté et d’un bon goût remarquables; nous avons aperçu dansla même vitrine un harnais complet, dont les dessins sont exécutés avec des plumes découpées ; quelle que soit la difficulté que doit présenter un tel travail, i.l est d’un effet très-heureux, et si cet assemblage réunit la solidité à l’élégance, nous ne doutons pas qu’il ne soit employé par la suite avec succès.
- . Citons aussi les produits-de M. Dunlop, de Haddington. Ils ne se recommandent pas comme les précédents par la grâce et la légèreté, les formes adoptées par ce fabricant sont même assez disgracieuses ; comme travail de bourrelerie ces produits sont (lignes de fixer l’attention par le soin qu’il parait avoir apporté dans sa fabrication et dans le choix des matières employées.
- On trouve auprès de l’américaine de M. Clovis-Leduc, de Montréal, un harnais d’une grâce et d’une légèreté remarquables, et qui fait honneur au goût de M. Georges Barrington, de Montréal. Les piqûres de ce harnais, faites avec beaucoup de soin, sont surtout d’un effet charmant.
- La Prusse, dont nous avons eu à constater l’absence complète pour la carrosserie, n’a pas fait beaucoup de frais pour ta sellerie. Trois selles et quelques brides sont les seuls objets exposés par ses fabricants. Les selles n’ont rien d’extraordinaire. Elles sont faites avec le soin que l’on apporte généralement aux produits destinés à être exposés; mais il n’en est pas tout à fait de même des brides de M. Kornbach qui méritent certainement une mention spéciale, sous le
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- rapport de la légèreté et du fini du travail, et nous nous plaisons à reconnaître qu’aucun objet du même genre ne leur est supérieur.
- La sellerie exposée par l’Autriche est peu nombreuse; les harnais sont ordinaires, et si quelque objet -peut attirer l’attention, ce sont les selles exposées par M. Loefler, car elles réunissent toutes les qualités désirables : élégance, solidité et bon marché. Nous citerons encore la bride hongroise de M. Holmberg et le harnais vulaque de M. Sindel d’une légèreté vraiment remarquable.
- L’exposition des Pays-Bas est aussi assez restreinte; nous ne pouvons cependant passer sous silence la selle à l’usage des chirurgiens de l’armée, parfaitement établie et réunissant, dans son aménagement, toutes les commodités désirables.
- La Belgique, qui depuis quelques années a réalisé des progrès sérieux dans ce genre d’industrie, a voulu déployer a l’Exposition tous ses moyens; aussi voyons-nous la sellerie, bien que le nombre des exposants soit peu nombreux, y occuper une place importante.
- La vitrine de M. Ladoubée-Lejeune est très-complète et ce fabricant paraît s’ètre appliqué, par la multiplicité des objets qu’il a exposé, à prouver qu’aucune partie de son art ne lui est étrangère; aussi trouvons-nous dans cette montre depuis le harnais de luxe jusqu’au harnais de camion, depuis la selle anglaise jusqu’à la selle de cavalerie, et cette fabrication n’est inférieure à aucune autre. Les harnais et les selles sont bien soignés et réunissent l’élégance à la solidité. Nous avons surtout examiné avec intérêt deux harnais de traîneau d’une légèreté ravissante.
- Pous être juste nous devons dire cependant que nous préférons, pour le harnais de luxe, le genre de la maison Maréchal, de Bruxelles : ses produits sont moins lourds, et les détails sont traités avec plus de goût que ceux de M. Ladoubée-Lejeune.
- Nous devons encore signaler comme travaillés consciencieusement les harnais exposés par MM. Théry de Gand, et Bousseau de Liège.
- Avant de quitter la Belgique nous remarquons encore un genre de harnais qui lui est propre, exposé par M. Van Molle d’Arsche. Ce harnais, enrichi d’une multitude d’orne-
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- menfs de cuivre, est plus spécialement'en usage pour les brasseurs; il nous a paru réunir d’excellentes qualités sous le rapport du travail et des matières employées, mais nous ne nous rendons pas bien compte de la profusion avec laquelle les clous et les plaques de cuivre y sont jetés.
- CLASSE VI.
- Mécanique spéciale et matériel des ateliers industriels.
- Le titre de cette classe suffît pour indiquer toute l’étendue de son domaine ; il n’est plus une seule industrie qui n’appelle à son aide un grand nombre de ces habiles auxiliaires qui travaillent plus vite et mieux que ne pourrait faire la main de l’homme, et qui savent se prêter à toutes les exigences en distribuant, suivant les besoins, la puissance et l’agilité dans les conditions les plus favorables à la rapidité et à la bonne confection du travail. .
- Il nous serait impossible , on le conçoit, d’examiner un à un tous les appareils de cette sorte , disséminés dans tous les points de la galerie des machines françaises et étrangères. Obligés de nous restreindre , nous ferons choix des appareils qui nous paraissent présenter un plus grand intérêt d’actualité.
- Les machines à travailler les pierres, les métaux et les bois sont celles dont l’usage est le plus général.
- Un exposant autrichien , M. Vittorelli, entretient on travail une machine à débiter et raboter la pierre, dont le fonctionnement ne laisse rien à désirer. Une scie à plusieurs lames verticales débite le bloc en tranches, pendant que des burins écroùtent la surface horizontale qui leur fait obstacle dans un sens et qu’ils retournent inactifs dans l’autre, par suite de l’articulation ménagée dans l’assemblage de chacun d’eux sur leur support commun.
- Le travail mécanique des pierres et des marbres a pris, sur les lieux mêmes de l’extraction, un développement considérable, et nous regrettons de n’avoir pas un ensemble des dif-
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- férent03 machines employées dans ces indusfries, particulièrement des machines à moulures dont quelques-unes sont fort remarquables. Nous en sommes .réduit à citer un appareil d’un emploi moins général, mais d’une disposition ingénieuse, à l'aide duquel MM. Nabary et Deville frères taillent leurs ardoises suivant les formes diverses réclamées par le consommateur.
- Le visiteur verra travailler avec plaisir la machine à l’aide de laquelle M. Chevalier parvient à scier les pierres les plus dures, le verre, le quartz , le granit, et le moyen dont il se sert paraîtrait plutôt destiné à couper des matières très-tendres, puisqu’il est emprunté au mode assurément bien simple que l’on pratique sur nos marchés. Le fil de fer deM. Chevallier est monté comme une courroie sans fin sur deux poulies, qui lui permettent de se mouvoir dans le même sens d’une manière continue; on a soin d’approvisionner de sable mouillé les places par lesquelles le fil est en contact avec le bloc à scier, et ce sable, entraîné par le mouvement môme du fil, l’aide à faire son logement dans la masse jusqu’à la profondeur convenable. Les spécimens des pièces à moitié coupées, qui sont au nombre des produits de cet exposant, témoignent d’une manière avantageuse de l’efficacité de son procédé.
- La machine que M. Hermann emploie pour tourner ses vases et ses cylindres en granit, aurait dignement accompagné ce petit appareil qui, comme lui, s’attaque aux pierres dures.
- Les machines à fabriquer les briques et les tuyaux de drainage ont, depuis plusieurs années surtout, l’avantage d’une immense popularité;• chaque comice agricole a voulu posséder la sienne, dont la plupart du temps il ne fait rien. On sait qu’en général ces machines opèrent au moyen d’un piston qui refoule la terre, dans un espace qui en est préalablement rempli. La terre suffisamment malaxée, que l’on renouvelle après chaque opération, se trouve chassée par la pression au travers des ouvertures d’une filière, et vient se disposer en une masse continue ayant la forme même du profil qui varie d’une filière à l’autre. Cet organe principal a tantôt une forme circulaire ou elliptique, s’il s’agit de tuyaux de drains, tantôt une forme quadrangulaire.si l’on veut en obtenir des briques pleines ou creuses. Dans tous les cas, des fils de fer,
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- tendus sur châssis mobile, sont disposés pour couper le tuyau sans fin à la longueur convenable pour la nature du produit. Lesbriques creuses de M. Borie se prêtent admirablement à ce mode de travail. A l’exception delà machine de M. Touaillon, qui se sert d’une hélice pour diviser et malaxer la terre, et qui aurait besoin de la sanction d’une longue expérience, tous les autres appareils sont fondés sur le même principe. M. Borie et M. Calia, en France, M. Whitehead, en Angleterre , ont envoyé les plus imporlanls. La machine verticale de M. Clayton ne diffère des autres qu’en ce que la filière est placée horizontalement.
- Dans tous les cas, une sorte de fourchette en bois sert à enlever du tablier sur lequel ils avancent, au fur et à mesure de leur confection, les tuyaux coupés.
- Les machines destinées au travail des bois sont largement représentées, tant dans la partie française que dans la partie étrangère.
- Dans l’exposition française, nous rencontrons d’abord la machine à débiter les moulures et pièces contournées, de M.Périn. Elle se compose essentiellement d’un scie à lame sans fin, enroulée sur deux poulies garnies de cuir, afin d’éviter le glissement qui, jusqu’ici, s’était produit dans ces sortes de machines. La scie est, en outre, guidée par deux pièces de bois dans lesquelles elle entre un peu, pour empèr-cher la lame de se voiler. Au moyen de cet instrument, M. Périn débite les pièces de bois des formes les plus contournées et les plus bizarres. On peut voir, du reste, à peu de distance de sa machine, quelques échantillons débités successivement dans le même bloc, et qui s’emboîtent avec une merveilleuse exactitude les uns dans les autres, comme une lame dans son fourreau.
- MM. Delaporte fils et Frisch exposent une scie qui ne diffère pas sensiblement de la précédente. Les guides en bois sont remplacés par des galets, et il y a trois séries de poulies porte-lames, au lieu d’une seule, afin de pouvoir, quand on veut, diminuer les frottements en employant les plus petites poulies, si cela est possible.
- Dans la machine à mortaiser de M. Damon, la mortaise se fait au moyen d'une mèche tournante. On avance la pièce de bois pour faire la profondeur et la largeur voulues; la mor-
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- taise ayant des angles arrondis , on est obligé de la retoucher à la main. La machine de M. Dernier est fondée sur ce même principe. Elle est, en outre, munie d’un tambour à deux fers de rabots pour faire les tenons.
- A côté de ces deux machines, se trouve celle de M. Escafit, pour fabriquer les queues de billard. On place la pièce de bois sur deux pointes de tour à bois , et elle est travaillée par un rabot cheminant dans une coulisse en pente au moyen de deux vis sans fin. La pièce de bois tourne à grande vitesse. On obtient au moyen de la pente de la coulisse la conicité nécessaire. Une queue de billard se trouve parfaitement tournée en deux minutes et demie.
- M. Sautreuil, constructeur à Fécarnp, expose deux machines, l’une destinée au rabotage des pièces de charpente, et l’autre au travail du parquet. Dans la première, la pièce de bois est amenée sur des galets, et serrée contre eux par des cylindres en fonte cannelée, munis de contre-poids pouvant se régler à volonté, suivant les dimensions des pièces. Elle est travaillée par quatre tambours tournants, armés de fers de rabots. Deux sont horizontaux et deux verticaux, de manière à opérer le planage à la fois sur les quatre faces. Elle passe ensuite entre quatre galets, deux horizontaux et deux verticaux qui servent à la guider, et qui sont réglés au moyen de vis de pression. Cette machine sert à faire les bor-dages de navires.
- La machine à faire le parquet fait la planure sur la face antérieure, puis la rainure et la languette sur les deux faces latérales. La planure se fait, comme dans la machine précédente, par un rabot circulaire, la languette, au moyen d’un tambour à double fer, et la rainure, par un autre tambour dont le fer est placé au milieu. Ces deux tambours sont à axes verticaux. La pièce est guidée d’un côté par un buttoir fixe et de l’autre par un buttoir à ressort, afin quelle soit toujours suffisamment maintenue. Les deux machines sont bien exécutées, avec des bâtis solides, et dans les meilleures conditions de travail.
- M. Quétel-Trémois expose également une machine à parquets. Le tambour porte trois fers inclinés par rapport à l’axe, et disposés de manière que le tranchant soit parallèle à la surface à raboter. Une règle en bois, placée au-dessus de
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- l’axe du tambour porte-fers, sert à régler leur hauteur. La pièce est guidée en partie par des guides plans, et en partie par des galets à contre-poids. Le travail de la rainure et de la languette ne diffère pas sensiblement de celui de la machine de M. Sautreuil.
- Comme les précédentes, cette machine est exécutée avec soin et dans de bonnes conditions de solidité.
- M. Baudat expose une scie à lame droite alternative pour débiter les bois de placage.
- M. Normand , du Havre, a monté deux machines à scier. L’une d’elles est destinée au sciage des bois de membrures des navires avec leurs courbures, équerrages, torsions et changements progressifs d’épaisseurs. Ces différents résultats, si difficiles à obtenir, sont dus principalement à la suppression presque complète du lignage, qui se réduit au tracé d’une seule courbe suivant gabarrit. Les scies sont conduites et bandées avec précision, et les pièces de bois dirigées dans les conditions voulues, au moyen d’une espèce de gouvernail que manœuvre facilement l’ouvrier, de manière que chaque élément à scier vienne toujours se présenter dans le plan des lames, et sous l’angle voulu par l’équerrage.
- La seconde machine de M. Normand est une scierie droite, à plusieurs lames imitant, au moyen d’une bielle munie d’un parallélogramme, l’action des scies à bras, qui scient, comme on le sait, suivant une courbe. Les scies, après avoir travaillé de bas en haut, se relèvent sans toucher la pièce.
- Les machines de M. Normand sont deux des choses les plus intéressantes de notre exposition, et résolvent d’une manière nouvelle et presque complète le problème difficile du sciage mécanique.
- Un peu plus loin que les machines de M. Normand, se trouve l’exposition de l’usine de Graffenstaden , exclusivement composée de machines outils et de machines à bois. Occupons-nous de ces dernières, composant l’outillage complet pour le travail des wagons.
- Pour faire les mortaises, on se sert de deux machines, l’une pour percer, l’autre pourjmortaiser. La machine à percer est double. Elle se compose de deux porte-outils portant deux mèches anglaises verticales, et équilibrées au moyen'de contre-poids. Le mouvement de cette machine n’a rien de particulier. Elle
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- peut.faire des Irous de 0,12 à 0,15-de diamètre, suivant les mèches que l’on era- ploie, à une profondeur réglée selon les besoins, au moyen d’un arrêt mobile.
- Les trous une fois faits, on fait les mortaises au moyen de la machine à mortaiser ; on emploie', dans cette machine, des outils coupants sur trois faces, et pou-va'ntsèretourner, afin de faire les deux extrémités. On va de suite à la profondeur voulue et le bois avance au moyen d’un chariot. Les mâchoires sont constamment maintenues parallèles par une double manivelle articulée. On peut, en outre, faire varier la vitesse du chariot, en le faisant avancer, tantôt par un double engrenage, tantôt par une crémaillère. Le chariot est, dans les deux cas, mû à la main.
- Outre cette machine, on en trouve une autre, dans laquelle l’outil, placé horizontalement, et pouvant se retourner comme dans la. précédente, est mû par bielle et manivelle, qui lui donnent le mouvement alternatif. Cette machine est desservie par une petite machine à percer dans laquelle l’outil est horizontal.
- Dans la machine à tenons doubles, les tenons sont faits par des fers placés sur un manchon, et inclinés sur l’axe comme dans la machine de M. Quétel. Les fers sont mobiles, et peuvent être rapprochés ou éloignés l’un de l’autre suivant les besoins du travail. L’arbre, entièrement en acier fondu , est monté sur pointes, afin de pouvoir lui donner une très-grande vitesse.
- On peut faire, avec la machine à tenons simples , plusieurs pièces de suite ; la table étant assez grande pour en comporter un certain nombre, il suffit de remplacer à mesure les pièces terminées par des pièces nouvelles. Il y a deux porte-outils, qui permettent de travailler en même temps en dessus et en dessous. Le manchon porte, outre les fers de rabots, d’autres fers perpendiculaires à la pièce qui viennent commencer le travail en coupant le bois debout. De cette manière, les rabots n’ont, pour ainsi dire, qu’à enlever les copeaux, déjà à moitié séparés par les premiers fers. On peut régler les outils de façon a augmenter ou diminuer à volonté la profondeur de la partie enlevée et à faire un tenon égal ou inégal. Enfin une scie circulaire, placée latéralement, vient araser la pièce.
- Toutes ces machines sont d’une admirable exécution , mu-
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- nies de bâtis solides et transportables, et les quelques.mots que nous venons de dire, doivent suffire pour faire comprendre l’avantagé que.l’on peut retirer de pareils outils, qui sont, du reste, de fabriçation courante à l’usine de Graffenstaden. La scierie de M. Damey.est une scierieàvingt lames, bien exécutée, ruais né qîrésentant rien de particulier.
- Nous trouvons encore dans l’exposition française le dessin d’une machine à fabriquer les seaux, barils, brocs, de MM. Raiilard père et fils, au moyen de laquelle, en employant une lame courbe, on débite, dans un bloc de bois, plusieurs pièces de cefte nature, s’emboîtant les unes dans les autres, en ne perdant pour ainsi dire que la sciure.
- Nous rencontrons encore une petite vitrine de M. Picot, renfermant deux modèles au dixième de machines à débiter les bois de placage sans sciure. La première coupe les bois d’une épaisseur de un dixième de millimètre ; les feuilles ainsi obtenues sont propres à la lithographie, à faire des cartes de visites, etc. La seconde est destinée au travail des bois de placage en grande dimension pour l’ébénisterie. Ces petits modèles, construits avec soin par l'inventeur lui-même, sont accompagnés de produits fort intéressants.
- MM. Godraut frères exposent une machine à faire les parquets , assez semblable à celles dont nous avons déjà parlé, et munie, en outre, d’une scie circulaire pour ébarber les planches..M. Ch. Sester présente un modèle de machine à faire les coins de chemins de fer. C’est un plateau circulaire , tournant, sur lequel on peut faire six coins. Le travail s’exécute au moyen d’un rabot mû par une manivelle, qui lui donne un mouvement alternatif.
- Nous avons enfin les machines à faire les bouchons. Le principe est généralement celui-ci : le liège pris entre deux mâchoires, tourne à grande vitesse, tandis qu’un couteau dont le tranchant va légèrement en pente, débite le bouchon auquel il donne la forme un peu conique. Telle est la machine deM. Jacob. Celles de M. Duprat ont quelque chose de plus. Dans les machines précédentes, en effet, quels que soient les défauts du liège, le bouchon se trouve coupé de la même manière. Celles-ci, au contraire, le reprennent, et en font un autre bouchon plus petit que le premier. Cette opération peut se répéter jusqu’à ce que le défaut ait entièrement disparu.
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- On peut donc corriger la mauvaise qualité du liège et faire des bouchons de toutes dimensions, avantages que ne présentent pas les machines ordinaires.
- Dans l’exposition étrangère, nous trouvons en Prusse la machine de M. Schwartzkopff; c’est une scie à vingt-quatre James. La pièce de bois est maintenue par une tige verticale mobile portant un rouleau, et on empêche l’écartement indéfini des placages débités par un système de mâchoires mobiles. Ce que cette machine a surtout d’intéressant, c’est qu’elle est mue par une machine à vapeur placée sur le même bâtis. Cette machine est à détente fixe, et à deux tiges de piston au-dessus des porte-lames. Elle donne deux cents coups de piston par minute, et fait faire, par conséquent, deux cents mouvements alternatifs aux scies. Cet attelage direct peut avoir d’assez grands avantages, la scie étant facilement transportable et pouvant se monter et s’employer plus commodément à quelque endroit que ce soit.
- M. Nelson Barlow, de New-Yorck, expose une machine à raboter, qui n’a d’autre particularité que des fers très-longs pouvant, par conséquent, planer sur une grande largeur.
- La machine de M, Albin Warth est devinée à faire les pièces contournées comme manches de plumeaux, de balais, etc. L’outil est conduit par une tige articulée qui se meut sur une pièce ayant le profil que l’on veut obtenir, à peu près comme les tours à portraits de M. Collas.
- Nous arrivons à l'exposition du Canada, dans laquelle les machines à bois ont une large part.
- M. Mumo, de Montréal, expose une machine à parquets qui ne diffère pas sensiblement des précédentes, et MM. Lellan et Cie, une machine à mortaiser, travaillant intérieurement au moyen d’une fraise, et à l’extérieur au moyen d’un bédane. C’est une idée nouvelle véritablement ingénieuse, le travail du trou préliminaire et celui de la mortaise pouvant ainsi se faire simultanément.
- Nous trouvons enfin une machine à faire les gournables, une machine à planer, et un établi mécanique de menuisier, de M. William Rodden.
- Dans la machine à gournables la pièce est tirée pendant que l’outil tourne autour à très-grande vitesse, et lui donne la façon voulue.
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- Le planage se fait, dans la machine à planer, par deux gouges placées aux extrémités d’un bras horizontal tournant à très-grande vitesse.
- L’établi de menuisier est chose très-intéressante ; on fait, sur ce même bâti, le rabotage, la moulure, le perçage, les tenons, le chantournage, la rainure et le sciage.
- Le rabotage ét la moulure se font sur le même axe, au moyen de rabots, comme dans les machines ordinaires. Le chantournage’s’opère par une scie à chantourner, assez semblable à celle de M. Perrin, dont nous avons parlé. Cette ma-' chine, quoique n’ayant rien de particulier dans chacun de ses éléments, est cependant fort remarquable par- la simplicité extrême du montage et des transmissions , par son peu de volume, et enfin par son prix, qui n’est que de 2000 fr.
- Toutes les machines qui nous ont été envoyées par le Canada sont montées sur de solides bâtis en bois d’un aspect agréable, qui remplacent économiquement, dans ce pays, les bâtis en fonte de nos machines.
- Nous ne sommes entrés dans des détails aussi nombreux sur les moyens mécaniques de travailler le bois, que parce que la plupart de ces appareils sont encore nouveaux, à peine employés exceptionnellement dans quelques industries depuis cinq ou six ans. Ces machines promettent de fournir une carrière aussi importante que celle des machines-outils, que tous les ateliers de construction possèdent, quoique leur introduction en France date à peine de quarante ans.
- La généralité de l’emploi de ces dernières machines nous permettra de ne présenter à ce sujet que quelques considérations.
- Tandis qu’à la fin du dernier siècle les machines-outils, dans le sens propre que nous attachons à ce mot, n’existaient pour ainsi dire qu’en miniature dans l’outillage de l’horlogerie, nous avons Vu successivement l’Angleterre les approprier à des constructions de plus en plus importantes. Les dimensions de ces nouveaux exemplaires des tours, des machines à percer, des machines à raboter et à limer, en appelant sur elles l’attention des hommes les plus habiles dans les travaux d’atelier, prirent successivement des formes nouvelles, appropriées en quelque sorte au nouveau monde qu’elles devaient peupler. Les supports en fer, remplacés d’abord par des bâtis en bois, n’eurent plus bientôt la stabi-206 «
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- lité nécessaire; le fer employé sous toutes les formes, mais plus particulièrement assemblé comme on assemble les charpentes , fut bientôt appelé à consolider ces appareils, dont la principale condition est d’être parfaitement rigides.
- L’emploi plus général de la fonte vint ajouter à ces transformations, qui aboutissent aujourd’hui à établir ces bâtis en fonte d’une seule pièce, qui caractérisaient, il y a quelques années encore, les machines anglaises, mais qui maintenant sont également employés chez nous. Whitwo/th, dont l’exposition est encore cette année si remarquable, doit être considéré comme le principal promoteur de cette transformation, dont l’importance est tout à fait capitale.
- L’avantage qu’ont les constructeurs anglais de n’exécuter que leurs propres modèles, en petit nombre pour chaque nature de machines, assure à ces modèles mêmes tous les perfectionnements de l’expérience, en même temps qu’il évite le renouvellement continuel des travaux de modelage, dont nos constructeurs ne tiennent pas un compte suffisamment exact.
- Le caractère essentiel des machines de Whitworth se retrouve encore dans celles de MM. Spink Shepherd et Mill, ét dans celles de MM. Smith, Beacock et Tannett. Le mécanisme particulier à l’aide duquel on obtient le retour rapide de l’outil dans la plupart de ces machines, ne paraît pas avoir eu la sanction générale de l’expérience, et les quatre outils opposés dans les tours à chariot ne sont plus employés que pour des usages particuliers.
- MM. Decoster, Calla, Ducommun et Dubied, Cail etCie, Vurrull, Middleton etElwell, sont, avec l’usine de Graffens-taden,dans l’exposition française, les principaux représentants de la construction des machines-outils, très-bien composées, exécutées avec une rare perfection. Ces machines laissent quelquefois à désirer sous le rapport de la meilleure répartition du métal.
- Le tour à quatre outils de M. Polonceau, pour roues de wagons, n’a rien à redouter d’une comparaison avec celui de Whitworth : une moindre élévation de l’axe du tour au-dessus du sol lui a permis de diminuer d’une manière notable les dimensions et lé poids du bâti ; la machine anglaise cependant conserve encore l’avantage de pouvoir être compârée à ce chef-d’œuvre.
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- M. Hartmann, de Chemnitz, expose une petite machine à raboter, dans laquelle le retour rapide de l’outil est obtenu par deux roues dentées elliptiques, qui se commandent l’une l'autre, en tournant chacune autour de son foyer. L’application de ce système au métier Jacquart, envoyé par le même exposant, paraît produire de très-bons résultats, malgré la difficulté de donner aux dents les profils convenables.
- Le marteau avec tampon en caoutchouc de M. Schmerber, du Haut-Rhin, et la machine à forger de M. Whitworth, qui déjà avait fait sensation à Londres, doivent être particulièrement mentionnés.
- La cisaille américaine de M. Richmond do Boston, malgré la forme assez disgracieuse de son bâti, doit être considérée comme une nouvelle conquête ; elle coupe la tôle au moyen de deux cisailles circulaires laissant entre elles une certaine distance; coupée sur ses deux faces à la fois, la tôle se sépare uniquement par le prolongement, dans toute son épaisseur, de la fente commencée par cette double action.
- C’est "surtout dans l’industrie parisienne que l’on trouve une multitude de petites machines employées à découper et à façonner le métal, toutes les fois qu’il s’agit d’obtenir de nombreux exemplaires d’une même pièce. MM. Frey et Stoltz se distinguent par leurs machines à clous, qui transforment en pointes de Paris le fil de fer de toutes dimensions, la machine se chargeant elle-même de former la tète par un coup vigoureux , à la suite duquel la pointe est coupée par des mâchoires d’une forme spéciale; l’introduction du caoutchouc, comme ressort, dans les machines de M. Stoltz, n’est pas une modification sans importance.
- Les machines à faire les épingles, celles qui tournent, plient et aplatissent le’fil de cuivre eu forme d’agrafes; celles qui arrivent au même résultat au moyen du découpage de la tôle de laiton ; les découpoirs à faire les maillons pour le tissage, parmi lesquels nous pouvons citer ceux de M. Lefort, qui enlèvent à la fois et concentriquement plusieurs maillons de dimensions différentes dans la même pièce; la machine à faire les capsules en une seule passe, par M. le capitaine Humbert; les laminoirs cannelés de M. Clément (Aude) pour la préparation des petites pièces de mêlai pour filature, et particulièrement pour la fabrication des fers demi-
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- ronds pour goupilles; l’ingénieuse machine de M. Kurtz, pour forger par cintrage et pression les fers à cheval; les cisailles de M. Reymôndon , pour fabriquer les ressorts de parapluies; les cisailles droites et circulaires deM. Chaleyer ; enfin mille autres machines de ce genre indiquent tous les services que les conceptions mécaniques les plus diverses rendent journellement à un grand nombre de professions.
- Machines agricoles.
- Si nous n’avions dû considérer que la France, il eût été plus convenable sans doute d’apprécier, à côté des produits agricoles, les instruments de culture qui ne sont pas à proprement parler des machines ; mais si nous jetons un coup d’œil sur les appareils agricoles que l’Angleterre a réunis vers le commencement de l’Annexe, entre les piles 9 et 10, il devient difficile d’établir une démarcation bien tranchée entre les simples instruments de culture et les machines.
- Tandis que la construction de ces appareils est livrée chez nous trop souvent au charron du village, quelquefois au laboureur lui-même, de l’autre côté du détroit les machines agricoles alimentent des ateliers considérables, qui comptent leurs ouvriers par centaines et qui possèdent toutes les ressources de l’outillage mécanique.
- Cel te différence d’origine se traduit assurément par un caractère bien différent dans les instruments des deux pays.
- D’une solidité et d’une simplicité irréprochables, les instruments de labour, en Angleterre, sont confectionnés sur des types invariables dont l’expérience a proclamé les succès. Essayées sur notre terre de France , les charrues anglaises ont effectué leur travail avec une aisance et une netteté à laquelle nous ne sommes pas habitués.
- Ce serait cependant une erreur grave que de croire qu’il suffirait d’apporter en France les charrues renommées de Bail, deRansome, deHornsby, ces premiers constructeurs de l’Angleterre, pour en obtenir aussitôt des résultats satisfaisants. Les charrues anglaises, qui donnent lieu à un tirage moindre que les nôtres, ne satisfont pas à toutes les conditions auxquelles nous voulons que satisfassent nos charrues. Elles retournent sans doute le sol avec une régularité par-_
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- faite, mais pour peu qu’il soit argileux., cette première opération le laisse sans l’avoir aucunement divisé. Ce premier instrument se trouve donc lié aux façons ultérieures que nos voisins font subir au sol avec leurs rouleaux Croskill, formés de rondelles indépendantes qui émiettent le sol et qui forment un des caractères de leur culture perfectionnée.
- Tout se tient en agriculture, le drainage, la façon de la terre et les moyens d’en récolter les produits : avec le drainage il n’est plus nécessaire de cultiver en billons-élevés; la culture à plat rendra le travail du sol plus facile et conduira nécessairement à l’emploi de ces machines à moissonner qui ne peuvent encore qu’avec peine arracher à la terre ses richesses dans nos terrains accidentés.
- L’Amérique qui manque de bras , le Canada surtout, semble avoir devancé l’Angleterre dans la voie qui vient d’être indiquée : aussi les instruments des contrées américaines semblent-ils déjà faits pour des pays beaucoup plus avancés.
- Les semoirs à tubes articulés qui distribuent à la fois les semences et l’engrais, les faneuses, les machines à ramasser le foin, fonctionneront d’autant mieux que l’on s’approchera davantage des conditions qui viennent d’être indiquées.
- Tous ces engins sont, il faut le dire, d’un emploi difficile chez nous ; nos semoirs, nos herses et nos autres instruments n’ont point encore les dimensions usitées en Angleterre, parce que leur manœuvre serait plus difficile ; la division exagérée de la propriété foncière sera d’ailleurs un obstacle permanent à l’introduction des machines qui demandent toujours quelque entretien et qui sont d’un prix relativement élevé.
- Dans les essais dynamométriques, la charrue de Grignon, et même notre charrue ordinaire, dite charrue de Brie, occupent un rang honorable que les instruments belges peuvent également revendiquer.
- Les instruments des autres pays ressemblent plus ou moins à ces types principaux.
- Nous ne dirons rien des nombreux instruments accessoires tels que les cultivateurs, extirpateurs, houes à cheval, herses, rouleaux, qui affectent, suivant les différentes contrées, les formes les plus diverses : la herse de Norvège, cependant doit être citée pour son action tout à fait remarquable.
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- Les machines à moissonner présentent au plus haut degré un intérêt de nouveauté et d'actualité. Aussi ont-elles été dernièrement essayées dans une expérience solennelle, en présence de S. À. I. le prince Napoléon. Les moissonneuses de M. Mac Cormick, de M. Wright, de M. Mannv, qui toutes trois sont envoyées par les États-Unis, et celle de M. Cour-nier (France), ont rapidement et sans encombre achevé leur travail. Les autres ont dû renoncer par suite d’accidents survenus dans le cours de l’opération.
- Il est juste, cependant, de dire que celle de M. Moody (Canada), munie d’un mouvement automatique de râteau pour faire les javelles, avait précédemment bien opéré. Ces mouvements, imitant d’une manière remarquable le développement du bras de l’homme, ne nous paraissent pourtant pas d’une application facile dans les travaux champêtres.
- L’Exposition possède près de quarante machines à battre, dont le travail, comme on le sait, tend de plus en plus à remplacer celui des batteurs au fléau. Un certain nombre d’entre elles, choisies par le jury, ont été essayées en même temps que les moissonneuses,
- Nous serions fort embarrassé de dire lequel de ces appareils a donné les meilleurs résultats. Citons seulement pour la rapidité du travail celui de M. Pitts, de Buffalo (États-Unis), qui a dévoré en une demi-heure 190 gerbes de blé encore presque vert. Cette machine bat le blé en long, et brise par conséquent la paille. Celle de M. Duvoir, qui travaille en travers , les machines de M. Pinet et de M. Clayton , ont donné de bons résultats. Il est regrettable que les appareils de MM. Lotz aîné, Renaud et Lotz, Cumming, etc., n’aient pu être transportés ; ils doivent, du reste, être essayés sous peu de jours, avec toutes les autres machines à battre.
- Ce genre d’appareils fonctionne au moyen de manèges ou de machines à vapeur, la plupart montées sur roues et connues sous le nom de machines locomobiles. Très-nombreuses en Angleterre, ces machines commencent à être employées chez nous : nous pourrions citer tel département de la France dans lequel une industrie nouvelle s’exerce avec grand succès: un entrepreneur, avec sa locomobile et sa machine à battre, va d’exploitation en exploitation battre le grain à prix débattu.
- Les locomobiles de Calla, de Clayton, de Cumming,
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- de Lotz ne laissent aucune supériorité, ni à l’Angleterre ni à la France.
- Plusieurs machines à battre, mues par manivelles, sont exposées en Angleterre, en Autriche et en Allemagne.
- Machines des industries chimiques et alimentaires.
- Parmi les pièces les plus importantes de l’exposition française, le moulin à cinq paires de meules de MM. Fromont, Fontaine et Brault peut être cité à juste titre, tant pour le mouvement des meules, dit mouvement à friction, où chaque meule peut être, à un moment quelconque du travail, rendue indépendante des autres, que pour la nouveauté de sa vanne et sa manoeuvre facile. C’est une vanne en gutta percha, à. morceaux articulés, recouvrant entièrement les orifices de la turbine au moment de la fermeture, et pouvant les découvrir petit à petit en s’enroulant autour de deux cônes mus par une tige et un engrenage.
- D’autres moulins, à bras, à manèges et à vapeur, se trouvent dans la galerie des machines, ainsi qu’une intéressante exposition d’éléments de meunerie de MM. Grelletpère et fils, de Rouen.
- Mentionnons également ici le tamis à fécule de M. Huck, perfectionnement de ceux de MM. Dailly et Saint-Étienne, et les appareils à nettoyer les grains, trieurs et cribleurs, à la main et mécaniques, de M. Vachon, de Lyon. Quant aux nombreux pétrins mécaniques et à la grande quantité de machines à boucher les bouteilles, ils dénotent peut-être un esprit d’imitation que l’on pourrait justement critiquer.
- Parmi les appareils des industries chimiques, nous ne pourrons citer que quelques-uns de ceux qui sont employés dans les industries les plus importantes : nous commencerons par ceux de la fabrication et du raffinage du sucre.
- La fabrication du sucre de cannes remonte aux temps les plus reculés. Ce n’est, au contraire, que depuis quarante-cinq ans environ que l’on pratique l’extraction du sucre de betteraves. Cependant, cette industrie, exploitée dans tous les pays industriels de l’Europe, a acquis un développement énorme, et est aujourd’hui bien plus avancée que la sucrerie coloniale..
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- Rappelons d’abord en quelques mots la série d’opérations de la sucrerie indigène :
- La betterave, lavée le plus convenablement possible afin d’enlever les pierres et la terre qui pourraient altérer les râpes, est soumise ensuite au râpage, destiné à la réduire en pulpe propre à être pressée. La pulpe est ensuite livrée aux presses qui, par un certain nombre d’opérations successives, l’épuisent d’une manière à peu près complète en séparant de la partie solide le jus qui est recueilli dans un vase à ce destiné, et envoyé immédiatement à la chaudière à déféquer. La défécation a pour but de purger le jus des matières étrangères solubles qu’il contient, et se fait au moyen de la chaux, qui, agissant chimiquement sur ces matières, transforme les sels solubles en sels insolubles, facilement séparables du jus sucré. Celui-ci est aussitôt recueilli et filtré, puis évaporé dans une première chaudière qui le concentre de manière à lui faire marquer 10° à l’aréomètre Baumé, de 5° environ qu’il marquait à la sortie de la chaudière à déféquer. La filtration a lieu sur un filtre chargé de noir animal en grains, et le but de cette opération est d’enlever le plus possible l’excès de chaux qui se trouve presque nécessairement dans le jus déféqué, et de le décolorer un peu. Le liquide, à la sortie de la chaudière évaporatoire, est dirigé sur un deuxième filtre où il se clarifie de nouveau et perd de plus en plus sa couleur ; puis on lui fait subir une seconde évaporation destinée à l’amener à marquer 25° à l’aréomètre. Filtré de nouveau, le jus est concentré dans une troisième chaudière où il atteint la consistance sirupeuse caractérisant la fin de l’opération. Cette dernière concentration s’appelle la cuite. Le sirop, suivant qu’il a été cuit à l’air libre ou dans le vide, est alors conduit dans des rafraîchissoirs ou dans des réchauffoirs dans lesquels commence la cristallisation.
- Lorsque les cristaux sont suffisamment formés, on racle les bords du cristallisoir afin de les répartir dans la masse, puis on procède à l’égouttage et au clairçage des sucres, soit au moyen des formes, soit en employant les appareils à force centrifuge. Ces deux opérations ont pour but d’éliminer du sucre la mélasse ou sucre incristallisable qui s’y trouve mélangée, et de lui donner le grain et la couleur à peu près blanche qui constituent les sucres bruts de belle qualité. Les
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- résidus sont eux-mêmes recuits et soumis à la cristallisation, à l’égouttage et au clairçage, jusqu’à ce que l’on n’obtienne plus de cristaux ; c’est par ce procédé que l’on fabrique des sucres de deuxième, troisième et quatrième jet, d’une qualité généralement inférieure à ceux du premier jet.
- La canne à sucre, étant beaucoup plus riche que la betterave et contenant peu de matières étrangères, est loin de nécessiter un traitement aussi compliqué. Il suffit de presser les cannes en les écrasant, de déféquer le jus , de l’évaporer et de le cuire, puis de faire cristalliser les sirops , et enfin d’opérer le clairçage et l’égouttage, sans avoir besoin de nombreuses pressions et filtrations sur noir, comme dans le travail de la betterave.
- Le sucre brut colonial ou indigène est ensuite soumis au raffinage destiné à éliminer les matières étrangères et la mélasse qui se trouvent encore interposées dans les cristaux, et à lui donner un aspect et une forme plus agréables. 11 serait trop long d’énumérer ici les opérations successives de ce travail. Qu’il nous suffise de dire qu’elles consistent essentiellement en fonte du sucre brut, clarification par le sang ou les oeufs, filtrations diverses, cuite et cristallisation, puis enfin , égouttages, clairçages et étuvages.
- Examinons maintenant les différents appareils destinés à la sucrerie indigène et coloniale, et commençons par rendre compte de l’exposition de MM. Cail etCie, qui se sont depuis longtemps acquis dans la fabrication de ces appareils une réputation européenne.
- La râpe à betterave de M. Cail a sur les râpes ordinaires l’avantage de présenter des sabots couverts avec transmission en dessous, ce qui permet de faire arriver les betteraves entre les poussoirs et le cylindre râpeur au moyen d’un râteau, sans qu’il soit nécessaire de les pousser avec la main , comme cela arrive trop souvent avec les autres râpes, nécessité qui occasionne des accidents fréquents.
- La presse de première pression est destinée à remplacer les presses à vapeur qui agissent d’une manière trop brusque et déchirent souvent les sacs dans lesquels est renfermée la pulpe. Les engrenages sont calculés de façon à opérer une pression lente et continue , condition indispensable d’un bon travail.
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- Nous trouvons aussi dans l’exposition de M. Cail une chaudière à cuire dans le vide, un moulin à cannes , puis l’appareil à quintuple effet pour l’évaporation et la cuite , l’appareil Rousseau et l’appareil Shuzembach destiné à l’extraction du jus de betteraves par lévigation méthodique.
- La chaudière à cuire dans le vide et le moulin à cannes ne sont remarquables que par le soin qui a présidé à leur construction, et ne présentent aucune disposition nouvelle. 11 n’en est pas de même de l’appareil à quintuple effet, qui se compose d’un appareil dit à triple effet, auquel on a adjoint un système de serpentins condensateurs.
- L’appareil à triple effet a pour but d’économiser le combustible. Il se compose de trois grandes chaudières tubulaires; le liquide à concentrer se trouve autour et au-dessous des tubes , dans l’intérieur desquels circule la vapeur destinée au chauffage. Une pompe à air et un condenseur sont destinés à faire le vide dans les chaudières, qui communiquent ensemble au moyen d’un système de robinets.
- Pour produire l’économie de combustible, on se sert pour chauffer la première chaudière des vapeurs perdues de la fabrique; pour la seconde, on emploie les vapeurs provenant de la première, et l’on chauffe la troisième par la vapeur que produit l’ébullition du liquide dans la seconde. Le vide est toujours moindre dans la première chaudière que dans les deux autres.
- La concentration a lieu de 5 à 15° dans la première chaudière , de 15 à 25° dans la seconde, et de 25° au point de cuite dans la troisième, quand cet appareil est employé seul. Lorsque, au contraire, on se sert en outre des serpentins condensateurs, on commence par rapprocher le jus en le faisant couler sur ces serpentins qui sont chauffés intérieurement par la vapeur provenant de la troisième chaudière. L’action de l’air sur le jus et le grand nombre de surfaces de chauffe accélèrent l’opération.
- Tel est le principe de l’appareil à quintuple effet, ainsi appelé par suite des quatre effets successifs de la vapeur et de l’effet produit par l’air. Nous avons, quant à nous, grande confiance en l’appareil à triple effet, et nous sommes parfaitement convaincu de ses excellents résultats au point de vue économique; mais nous ne pensons pas que l’addition des,
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- serpentins soit heureuse. Ce système de serpentins est loin d’être nouveau, et a eu quelque succès aux colonies, où il économise la bagasse, seul combustible dont on puisse disposer; mais il a été bientôt abandonné, le cuivre se couvrant presque inévitablement, au contact de l’air et des sirops, d’une certaine quantité de vert-de-gris qui, passant dans le sucre, iui donnait une qualité vénéneuse des plus préjudiciables. En outre, nous avons peine à croire que, lorsque l’opération est bien conduite et l’appareil bien fait, la vapeur sortant de la troisième chaudière soit à une température assez élevée pour produire quelque effet, surtout dans les pays chauds.
- La défécation, pour être bien faite, exige presque toujours un excès de chaux qu'il est ensuite très-difficile d’éliminer. M. Rousseau a imaginé un procédé qui consiste à faire barboter, dans le jus déféqué et filtré, un courant d’acide carbonique qui transforme la chaux à l’état libre en carbonate de chaux insoluble parfaitement séparable. C’est l’appareil qui sert à mettre ce procédé en pratique qui se trouve exposé sous le nom d’appareil Rousseau. Quant à l’appareil de M. Shuzembach, il est destiné à opérer l’extraction du jus par la macération, c’est-à-dire au moyen d’un lavage méthodique. Il se compose d’une série de bâches étagées, en fonte, munies de robinets de vidange, agitateurs, tamis, etc., et communiquant ensemble. La pulpe ou les cossettes, placées dans ces vases, se trouvent épuisées par l’eau que l’on y fait couler, et qui se charge de plus en plus de matière saccharine, jusqu’à épuisement à peu près complet. On a depuis longtemps tenté ce mode d’opération, qui, jusqu’ici, n’avait pas parfaitement réussi, le liquide .fermentant très-souvent, par suite de son contact prolongé avec l’air. On dit cependant beaucoup de bien de l’appareil de M. Shuzembach , encore tout nouveau. Il ne peut d’ailleurs présenter le même inconvénient dans les distilleries, où la fermentation rapide du jus ne saurait être un obstacle.
- La maison Cail expose encore un appareil à force centrifuge, pour l’égouttage et le clairçage, construit d’après le système breveté de MM. Rolph, Seyrig et Cie. Nous ne saurions donner trop d’éloges à l’excellente construction de toutes ces machines.
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- En dehors de cette exposition, on trouve, dans la partie française : un appareil évaporatoire de M. Boutigny fils, construit d’après le même principe que le cône deLembeck; une énorme chaudière à cuire dans le vide, de M. Légal, d’un bon travail de chaudronnerie, mais à laquelle se trouve adaptée une série de regards dont le sens nous échappe. M. Numa Grar a envoyé deux appareils conjugués à force centrifuge ; ce sont les deux premiers appareils de cette nature construits en France. L’emplacement de M. Decosler renferme aussi un appareil à force centrifuge avec application de son système de paliers graisseurs. Enfin, M. Le Gavrian expose un appareil à force centrifuge, dit turbine à pains, destiné à accélérer le travail d’égouttage et de clairçage des pains au raffinage. Nous n’insisterons pas sur cette machine, qu’il suffit de regarder pour la comprendre.
- Dans la partie étrangère, on trouve : en Belgique, l’appareil à triple effet, l’appareil Rousseau et une chaudière à cuire dans le vide, exposés par MM. Cail, Halot et Cie. Ces machines sont bien construites. La chaudière à cuire est surtout remarquable comme travail de chaudronnerie.
- La maison Van Vlissingen et Dudok , Van Heel et Derosne et Cail, d’Amsterdam, expose également un appareil à triple effet, d’unebonne construction, qui ne diffère des précédents que par quelques modifications de détail assez insignifiantes.
- Enfin, nous trouvons, dans la section des produits delà galerie du quai de Billy, un appareil à triple effet de M. Heck-mann, de Berlin, composé de trois grandes chaudières en cuivre rouge. Cet appareil est bien travaillé, mais nous ne pouvons comprendre cette profusion de cuivre, métal beaucoup plus cher que la fonte, qui le remplace si avantageusement dans les appareils de M. Cail.
- La fabrication de l’alcool de betteraves, indiquée, comme chose possible, par M. Dubrunfaut, dès 1825, n’a été mise sérieusement en pratique qu’en 1852, époque à laquelle le prix élevé des alcools de vins permit aux fabricants d’obtenir avec certitude un résultat avantageux.
- Ce fut encore M. Dubrunfaut qui imagina les procédés de fabrication, et parvint à les faire adopter à un grand nombre d’industriels. Ce savant et ingénieux chimiste, qui a rendu à l’industrie sucrière de si grands services, particulièrement en
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- vulgarisant les procédés d’utilisation des mélasses, tant pour la fabrication de l’alcool que pour celle du sucre, indiqua l’emploi des acides pour opérer la fermentation directe du jus de betteraves sans se servir de levûre de bière, ou en n’employant qu’une dose minime de cette substance.
- Trois procédés principaux sont actuellement usités : celui de M. Dubrunfaut a pour but d’employer le matériel des sucreries, tantôt pour l’extraction du sucre, tantôt pour la fabrication de l’alcool, en traitant le jus de.betterave par une petite quantité d’acide sulfurique, de manière à utiliser le ferment contenu dans cette racine. C’est la transformation des sucreries en fabriques d’alcool.
- Le procédé de M. Champonnois est surtout applicable à l’exploitation rurale. Il se sert d’un système de macération particulier, qui consiste à épuiser la betterave, divisée par un coupe-racines, au moyen de la vinasse même de l’opération précédente. MM. Cail et Cie ont exposé un modèle d’ensemble de distillerie agricole suivant ce procédé, modèle qui en donne une idée parfaitement exacte, et qui permet de comprendre toute l’économie que les cultivateurs peuvent apporter dans la fabrication de l’alcool.
- M. Leplay a voulu, au contraire, constituer des établissements industriels spéciaux et exclusifs pour cette fabrication. Son système consiste dans la fermentation et la distillation des rubans de betteraves en nature, sans extraction préalable de jus ; la fermentation a lieu par un courant de vapeur d’eau au milieu des morceaux. Ce procédé repose donc sur la concentration de l’alcool dans la betterave même, d’où on l’extrait ensuite par la distillation. Le modèle de distillerie exposé par MM. Hurtrel et Cie montre très-bien la marche des opérations.
- Quoique plusieurs moyens aient été proposés pour opérer la distillation et la rectification proprement dites, la plupart des fabricants s’en tiennent aux colonnes dislillatoires et aux appareils rectificateurs de Derosne et de Laugier.
- MM. Cail et Cie présentent des cuves de macération en tôle, système Champonnois, pour opérer sur 12 000 kilog. de betteraves par jour, avec les tuyaux ,et robinets nécessaires; un petit appareil à distiller, système continu de Cellier Blumenthal, perfectionné par Derosne, pouvant tra-
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- vailler 12 000 litres de jus par vingt-quatre heures ; un autre appareil du même système, pour le travail de 80 000 litres de jus dans le même temps; enfin un appareil de rectification pouvant produire 12 000 litres d’alcool rectifié.
- Dans tous ces appareils, d’un travail de chaudronnerie très-soigné, les cylindres en cuivre sont assemblés par le système ordinaire de brides avec pinces en fer, usitées en pareil cas.
- L’appareil de M. Egrot fils, destiné aux exploitations agricoles, est disposé de manière à pouvoir opérer sur des matières liquides ou semi-fluides. Les joints sont faits au moyen de brides en laiton assemblées par des boulons de même métal. Les brides en fer nous eussent paru préférables, tant à cause de leur prix moins élevé que de la résistance plus grande du métal.
- Nous trouvons dans l’appareil de Mme veuve Ducoudun et Bardies aîné, quelques perfectionnements intéressants. D’abord le serpentin destiné à conduire les vapeurs alcooliques au réfrigérant est vertical, au lieu d’être horizontal, ce qui présente l’avantage de placer les tubes de retour à des hauteurs différentes , d’obtenir par conséquent les vapeurs à différentes températures, et de faciliter par là la marche de l’opération. Cet appareil comporte, en outre, un système particulier de joints, consistant en un collier brisé, en fer, en forme de pince, embrassant le cuivre, et le serrant au moyen de deux boulons. Entre le fer et les deux épaisseurs de cuivre, se trouve interposée une rondelle de caoutchouc, destinée à empêcher complètement le passage de l’air. En somme, c’est un appareil bien entendu et bien construit.
- M. H. Mouquet-Descamps expose un appareil de distillation et de rectification dans lequel on remarque le serpentin vertical comme dans l'appareil précédent; puis une modification assez notable dans la construction des plateaux de la colonne évaporatoire, modification destinée à augmenter les surfaces de contact; enfin la suppression de l’enveloppe du réfrigérant et quelques autres perfectionnements de détail. Le travail de chaudronnerie est bien entendu.
- La colonne distillatoire en fonte, de M.Traxler,est,du reste, en tout semblable aux colonnes ordinaires en cuivre. Cet appareil, fonctionnant convenablement, au dire de l’inventeur,
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- offre d’assez grands avantages économiques. Il a été fondu chez MM. Muel Wahl et Cie, avec tout le soin désirable.
- Seule des nations étrangères, la Belgique nous adresse quelques 'appareils de distillerie; ce sont le condensateur à colonne continue de M. de Mulder, de Nivelles, et l’appareil de M. Delattre, de Bruxelles, distillant 75 000 litres de jus par jour, et l’amenant de 4° à 28°. L’un et l’autre s’ont d’un travail ordinaire, et ils ne présentent aucune disposition nouvelle importante.
- Typographie et imprimerie.
- Presses typographiques.—Les presses typographiques et lithographiques abondent à l’Exposition. Le plus grand nombre des premières fonctionne, les unes sans rien produire, les autres fournissant des exemplaires plus ou moins nombreux d’ouvrages divers.
- Disons de suite qu’aucune ne présente un système réellement nouveau , mais que toutes se distinguent par d’importants perfectionnements de détails et une remarquable exécution. Si aucune n’atteint, dans les ateliers français, l’énorme tirage de quelques presses anglaises ou américaines, quelques-unes, notamment les presses dites universelles de M. Marinoni, donnent, assure-t-on, lé chiffre très-raisonnable de 6000 journaux à l’heure.
- On peut diviser en deux catégories les presses mécaniques qui fonctionnent dans l’exposition française. Les presses à cylindres, c’est-à-dire celles où la pression est exercée pat-un ou plusieurs cylindres dont la circonférence se développe sur la forme, et celles à platine, où la pression s’exerce dans lès conditions de l’ancienne presse à bras.
- M. Dutartre s’est acquis, depuis longtemps, une réputation bien méritée dans la construction des premières, qu’il destine plus spécialement aux ouvrages de luxe comportant des vignettes, qu’aux tirages rapides, à grand nombre.
- L’une de celles qu’il expose peut tirer deux couleurs à la fois sur une même feuille et permettre, par conséquent, un tirage plus rapide des aquarelles typographiques dont la maison P. Dupont exposait de magnifiques spécimens en 1849, et que M. Plon termine devant le public de l’Exposition avec une
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- presse Marinoni, en appliquant la dernière teinte sur deux vues du Palais de l’Industrie,
- Après ces noms, nous pouvons encore citer, comme ayant fait leurs preuves, pour l’exécution des presses à grand tirage, ceux de MM. Normand et Giraudot.
- La seconde catégorie , celle des presses mécaniques à platine, ne peut pas lutter avec toutes lés presses à cylindres quant à la rapidité du tirage; mais elle présente sur celles-ci l’avantage de ménager le caractère par la simultanéité de la pression sur la surface entière d’une forme dont toutes les lettres résistent à la fois; tandis que, dans les presses à cylindres, la pression ne s’exerce que par une arête de ceux-ci, et n’est supportée que par un nombre de caractères comparativement très-petit. Aussi, avant les presses à cylindres de M. Dutar-tre, considérait-on comme impossible le tirage soigné d’un ouvrage à vignettes, autrement qu’avec la presse à platine manœuvrée à la main.
- Feu Selligue est le premier qui, à notre connaissance , ait songé à faire marcher mécaniquement une presse à platine. Celle qu’il exposait en \ 834 avait pour principe le levier funiculaire et avait beaucoup d’analogie avec la presse monétaire qui, dans l’Annexe, frappe les médailles commémoratives de l’Exposition. Ce principe a été particulièrement appliqué à de nombreuses presses à bras.
- Dans la presse mécanique à platine qu’expose M. P. Dupont, et à l’invention de laquelle l’un de ses conducteurs de machines, M. Victor Derniame, a pris une grande part, le levier funiculaire de Selligue est réduit à une seule bielle qui donne la pression (réglée à volonté), lorsque sa direction coïncide avec celle de la manivelle motrice de la machine.
- M. Derniame a. fait une très-heureuse application de cette condition aussi simple qu’ingénieuse à une jolie petite presse à épreuves, qui épargne à la fois le caractère, le temps de l’ouvrier et qui surtout donne des épreuves d’une lisibilité parfaite.
- Nous louerons également une presse à bras avec toucheur mécanique des mêmes inventeurs.
- De nombreuses tentatives ont été faites pour obtenir mécaniquement le tirage des épreuves lithographiques.
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- La machine imaginée il y a quelques années parM. Perrot, l’ingénieux auteur de laperrotine, aurait très-probablement atteint le but s’il l’avait confiée à des mains plus soigneuses, si ceux qui l’exploitaient avaient envisagé les résultats qu’elle pouvait donner à un autre point de vue que celui du tirage le plus nombreux possible.
- Deux presses de ce genre figurent encore dans l’exposition' de M. P. Dupont. Dans l’une d’elles, due à la coopération de MM. Dupont, Daret et Carlier, l’encrage de la presse se fait à la main et permet les épreuves les plus soignées, la machine à vapeur ne déterminant que la pression.
- Dans l’autre, à l’invention de laquelle ont pris part MM. Vaté, Huguet et Carlier, l’encrage et le mouillage de la pierre se font mécaniquement.
- La première peut tirer 600 exemplaires par jour ; la seconde peut atteindre 4000 feuilles.
- On a fait de nombreuses tentatives pour tirer mécaniquement les épreuves de planches en taille-douce , et nous ne croyons pas qu’aucune ait franchement réalisé lés conditions de la pratique industrielle.
- L’essuyage de la planche paraît avoir été partout la pierre principale d’achoppement.
- M. Fontaine, de Marseille, expose une presse double qui -n’est pas complète à l’Exposition , mais dont nous avons pu examiner les autres conditions dans un atelier où on la termine, Le dispositif employé pour l’essuyage nous a paru aussi simple qu’intelligemment conçu, et nous a fait concevoir l’espoir que ce problème difficile est enfin résolu.
- Parmi les nombreuses presses en tout genre destinées à l’usage des particuliers, comme presses à copier, à timbrer, etc., qui figurent à l’Exposition, nous appellerons particulièrement l’attention des visiteurs sur les produits de la maison Lecoq, qui se distingue surtout par la spécialité des appareils qui permettent le contrôle efficace d’un très-grand nombre d’opérations commerciales ou industrielles.
- Nous citerons d’abord une machine destinée au numérotage mécanique, et par conséquent sans erreur possible, des obligations émises par les compagnies industrielles ou financières, tant sur la souche que sur les coupons qu’on en doit détacher, en même temps qu’elle y appose un timbre à la fois 206 v
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- sec et humide, c’est-à-dire réunissant les deux conditions du relief en blanc et de la couleur.
- Mais ce qui nous a le plus intéressé, au double point de vue des résultats obtenus et du mérite remarquable des moyens employés, ce sont les appareils destinés à l’impression et au contrôle des billets de voyageurs sur les chemins de fer.
- Beaucoup de ces billets représentent une valeur assez élevée, et on conçoit la sollicitude des administrations pour un service aussi important, les mesures prises pour assurer une prompte et régulière distribution , et les précautions contre le détournement, la contrefaçon ou la falsification de ces billets.
- Dans le principe, on s’est servi et on se sert encore, dans quelques gares, d’une bande de papier détachée d’une souche, portant un numéro d’ordre, la désignation de la classe et les noms des stations de départ et d’arrivée.
- A ces bandes de papier on a substitué des billets ou petits carrés de carton imprimés et numérotés en feuilles par les procédés typographiques, puis découpés ensuite. Alors, comme avec le système précédent, les erreurs de composition étaient fréquentes etle-contrôle fort laborieux sinon impossible. Mais c’était déjà un progrès. Le prix de revient de ces cartons était de 5 fr. 50 c. le mille.
- Un mécanicien anglais, M. Edmondson , eut le premier l’idée d’une machine destinée à l’impression et au numérotage successif des billets découpés à l’avance. Cette machine fut immédiatement adoptée même sur le continent, parce qu’elle permettait, dans les bureaux mêmes de la gare , l’impression de 8 à 10 000 billets par jour.
- La France ne devait pas longtemps rester, sur ce point, tributaire de l’Angleterre. M. Lecoq , remplaçant ces procédés insuffisants par une intelligente et fort jolie machine qui figure à l’Exposition, a donné à chaque compagnie les moyens d’imprimer elle-même dans ses'bureaux les billets nécessaires à sa circulation.
- A l’aide de cet ingénieux appareil, les cartons de billets, découpés à l’avance par une machine spéciale, sont imprimés et numérotés simultanément, à la vitesse de 10 000 par heure, soit en moyenne 70 000 par jour, par une seule personne et sans fatigue. Le prix de l’impression et du numérotage s’est
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- par là abaissé à 2 fr. 35 c. le mille ; économie dont on comprendra l’importance, si l’on considère que beaucoup de compagnies consomment annuellement de 5 à 6 millions de billets. Ajoutons que leur impression comme délicatesse et netteté ne laisse absolument rien à désirer.
- Les billets une fois imprimés, il fallait les compter et vérifier l’exactitude du numérotage. L’ingénieur anglais pourvut à ce besoin par un petit appareil qui fut d’abord jugé suffisant, mais qui aujourd’hui ne peut soutenir la comparaison avec celui auquel M. Lecoq a confié les mêmes fonctions. Celui-ci non-seulement compte et vérifie les billets , mais encore applique, sur la tranche de chacun, une portion de lettre ou d’un dessin dont l’ensemble résulte de la superposition régulière des billets comptés et contrôlés, et qui, tout en rendant un compte rigoureux de la place qu’occupait chaque billet dans le travail du numérotage, permet de reconnaître immédiatement toute soustraction ou substitution de billets. Le produit de cet appareil est double de celui de la machine à imprimer, soit 4 30 à 140 000 billets par jour.
- Après l’impression , le numérotage et le contrôle rigoureux des billets vient l’opération la plus délicate du service; nous voulons parler de la distribution des billets aux voyageurs, distribution qui doit être instantanément précédée de l’application, sur chaque billet, de la date du jour et du numéro du train en partance. Il ne s’agit rien moins que de dater et distribuer, en quelques minutes, plusieurs centaines et quelquefois un millier de billets. M. Lecoq y a pourvu au moyen d’appareils qui peuvent dater jusqu’à 1800 billets en 40 minutes, avec la même délicatesse de lignes que le fait sa machine à imprimer.
- Comme tous les appareils typographiques, celui-ci exige des soins particuliers de nettoyage, faute desquels tout leur mérite disparaît. Il laissait donc à désirer sous ce rapport, puisqu’on ne pouvait pas le confier aux mains du premier venu.
- Tout récemment, M. Lecoq y a pourvu au moyen d’un autre appareil qui, avec une rapidité au moins égale, applique en creux, dans le corps même du billet, à l’aide de caractères tranchants, une impression aussi distincte que cette de ses premières machines. L’administration y trouve encore une
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- nouvelle et plus sérieuse garantie contre la falsification ou la contrefaçon des billets.
- Enfin nous terminerons cette revue rapide de l’exposition de M. Lecoq par l’indication d’une autre machine non moins ingénieuse, au moyen de laquelle il frappe en creux , sur de petits blocs de métal, les caractères qui, dans l’impression des billets, apparaissent en blanc sur fond coloré.
- Les machines de la Prusse et de l’Angleterre n’atteignent pas le même degré de perfection.
- Fonderie de caractères. — La fonte des caractères typographiques paraît tendre à sortir enfin des habitudes de la routine, où elle semblait retombée après le gigantesque, mais presque stérile effort de là fonderie polvamatype.
- L’Exposition nous offre plusieurs appareils destinés à fondre mécaniquement les caractères. Celui qui, en France, paraît l’emporter quant à présent, est celui de M. Derriey, qui conserve le moule traditionnel, dans lequel un piston injecte la matière en fusion. On paraît reprocher à l’emploi de ce moule l’inconvénient de ne pas se débarrasser de lui-même des portions de métal qui, sous la pression du jet, se logent dans les joints ; ce qui diminuerait la rapidité de la fonte en obligeant l’ouvrier à un nettoyage fréquent.
- Ce reproche ne peut pas s’adresser à l’appareil de M. Johnson, de Londres, qui fonctionne dans l’Annexe, parce que toutes les pièces qui forment le moule, se séparent complètement quand la lettre est fondue, et se nettoient d’elles-mêmes dans leur mouvement de séparation.
- M. Derriey est également l’inventeur d’appareils pour couper les filets d’après des angles variés, pour former des figures diverses, notamment dans les encadrements ornés. On lui doit également l’invention de cadrats cambrés permettant l'exécution de figures rondes , ovales et serpentées, de toutes grandeurs, qui offrent d’utiles ressources à la typographie.
- Nous signalerons également, comme très-ingénieuses, les mqchines de MM. Melin et Doré, au moyen desquelles les vieilles interlignes sont converties très-rapidement en espaces de tous les corps. Leur appareil permet aussi l’exécution rapide des onglets de tous les angles et des filets dits systématiques.
- Enfin , M. Cardon, deTroyes, expose une machine qui a
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- pour but la fabrication de caractères dont la tige est en métal typographique, mais dont l’œil est en laiton. La machine ne fonctionne pas, et c’est la vue seule des caractères exposés qui nous a renseigné sur son but, le Catalogue désignant l’exposition de M. Cardon sous le nom de presse d’imprimerie.
- Composition mécanique des caractères typographiques. — Les premières tentatives pour produire mécaniquement la composition des caractères typographiques paraissent remonter, du moins pour la France, à une quinzaine d’années.
- On sait que, dans les conditions ordinaires, cette opération consiste à prendre un à un, avec la main, ces mêmes caractères placés dans des boîtes appelées cassetins, à les ranger côte à côte dans une espèce d’équerre en fer nommée composteur ; puis, lorsque cette équerre est remplie entre les deux talons qui limitentla ligne, à la justifier, c’est-à-dire à lui donner sa longueur précise en augmentant ou diminuant régulièrement l’écartement des mots , au moyen de petits paralléli— pipèdes moins hauts que les caractères et qu’on appelle des espaces. Les lignes sont successivement placées les unes à côté des autres sur une galèe, espèce de cadre à rebords où elles: finissent par former des pages qu’on dispose ensuite dans un châssis de fer, où elles sont fortement serrées, de manière à ne former qu’un bloc de toutes les nombreuses pièces qui composent cet ensemble qui prend alors le nom de forme.
- En 1842, M. le baron Séguier rendait compte, à l’Académie des sciences, de l’invention de M. Gaubert, qui faisait alors grand bruit et dont on ne parle plus aujourd’hui.
- D’après le rapport, l’opération s’exécutait au moyen de deux machines, la première appelée distributeuse, la seconde composeuse.
- Les fonctions de la distributeuse consistaient à séparer tous les caractères d’une forme, et à classer tous ceux de même espèce dans les conditions qui permettaient à la composeuse d’en faire une nouvelle forme. Jetés pêle-mêle sur un plan incliné garni de canaux, ces caractères arrivaient à un organe formé de plusieurs aiguilles qui, s’appuyant sur chacun d’eux, exploraient toute la surface qui leur était présentée , en s’enfonçant dans des crans qui servaient à distinguer
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- chaque caractère. Si celui-ci se présentait convenablement, c’est-à-dire sur le côté où les crans désignaient son espèce , il était immédiatement conduit à son récipient spécial et placé dans la position exigée par la composeuse. Si, au contraire, il se présentait dans une position anormale, les aiguilles, qui ne rencontraient qu’un cran dit de retournement, l’envoyaient sous d’autres, organes qui le retournaient et le conduisaient à sa destination.
- Les caractères, convenablement disposés par la distribu-teuse, étaient placés sur la composeuse. Un clavier , dont les touches correspondaient à un récipient spécial, en faisait sortir les caractères un à un lorsque cette touche était attaquée par le doigt, et chacun allait prendre le rang qui lui était assigné par l’ordre môme dans lequel les touches étaient attaquées.
- La composeuse de M. Delcambre, qui figure dans la nef, réalise les diverses conditions que nous venons d’énumérer. Elle avait déjà paru aux expositions de 4 844 et de 4849.
- La distributeuse exige la lecture des paquets à distribuer, qu’une pédale promène au-dessus d’une rangée de rainures dans chacune desquelles l’ouvrier fait tomber le caractère qui lui est attribué.
- Si nous sommes bien renseigné, ces deux appareils ne fonctionnent encore que dans l’imprimerie de M. Delcambre.
- Ses machines rencontrent une sérieuse concurrence dans l’appareil simultanément compositeur et distributeur exposé par M. Sore.nsen, de Copenhague. A la vérité, il exige, comme l’appareil Gaubert, des caractères de formes spéciales, c’est-à-dire comportant des crans dont le nombre et la position différencient chacun d’eux. Tous ont cependant en commun un cran en queue d’aronde placé à la même hauteur.
- L’ensemble extérieur de l’appareil est un cylindre vertical formé de l’assemblage de tiges de cuivre, correspondant, en nombre, à celui des caractères et laissant entre elles un certain espace.
- Le cylindre se compose de deux parties dont la supérieure est mobile et tourne sur la partie inférieure, au moyen d’une pédale dont les conditions sont telles que, dans le mouvement de rotation, le cylindre supérieur s’arrête un instant, à chaque coïncidence de ses rainures verticales avec celles du cylindre inférieur.
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- La composition à distribuer est placée dans les rainures du cylindre vertical, dont une des faces porte une languette à queue d’aronde qui se loge dans le cran de même forme pra -tiquée sur le corps du caractère. Cette même languette règne sur toute la longueur de chaque rainure du cylindre inférieur. Mais l’entrée de ces rainures porte une garde analogue à celle des serrures, c’est-à-dire qu’elle est découpée de manière que ses saillies correspondent exactement aux crans de l’un des caractères employés, de sorte que ce caractère seul peut s’y introduire lorsqu’il passe sur cette garde, dan.-, le mouvement périodique du cylindre supérieur, et que chaque caractère trouve dans ce même mouvement la rainure qui lui est propre.
- Supposons maintenant le cylindre inférieur convenablement garni de caractères occupant leur rainure spéciale, et le cylindre supérieur chargé de caractères à distribuer. Le compositeur se place devant un clavier disposé au bas de l’appareil , et ses doigts appuyant successivement sur les touches correspondant chacune à un caractère spécial, font sortir celui-ci de sa rainure d’où il s’engage dans un canal qui le mène à un grand composteur, où , comme dans les appareils précédemment décrits, il occupe le rang que lui ont assigné les doigts du compositeur qui, manoeuvrant en même temps sa pédale, opère la distribution des caractères placés au haut du cylindre.
- Les caractères qui servent à l’Exposition, au fonctionnement de cet appareil sont loin d’ètre neufs, et nous avons pu lire, sur une ligne qu’ils formaient, qu’ils proviennent de l’imprimerie du Journal de Copenhague, le Fœdrelander, où fonctionne la machine de M. Sorensen.
- De même que les deux autres machines que nous avons décrites, celle-ci présente l’inconvénient sérieux d’une justification manuelle , ce qui atténue notablement les avantages qu’elles présentent au point de vue de la rapidité de la composition.
- Machine à imprimer les tissus. — Parmi les machines à imprimer les tissus, nous appellerons particulièrement l’atten -tion des visiteurs de l’Exposition sur celle de MM. André Kœchlin et Cie, de Mulhouse, parce qu’elle est le type de celles qu*on emploie généralement dans les fabriques d’Alsace. Elle peut imprimer simultanément quatre couleurs.
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- La netteté de l’impression dépend en grande partie de la perfection avec laquelle on construit cette espèce de machine, dont la solidité est une condition essentielle, surtout en ce qui concerne les points d’appui des cylindres gravés qui exercent chacun une pression indépendante de celle des trois autres. Cette disposition a été pour beaucoup dans le succès de la machine, qui diffère encore des divers systèmes employés en France et en Angleterre par les conditions au moyen desquelles sont commandés les cylindres.
- Au lieu de placer les roues dentées sur les axes mêmes des cylindres, MM. A. Kœchlin et Cie ont préféré placer celles-ci sur des arbres de rallonge qui portent chacun une boîte d’emmanchement. Ce dispositif permet de donner aux roues un grand diamètre, et par conséquent de trouver plus facilement le rapport exact à établir entre les différents dessins gravés sur les quatre cylindres. Ces arbres de rallonge sont placés dans un bâti spécial où sont disposées deux poulies motrices fixe et folle qui, au moyen de deux courroies, peuvent transformer la rotation uniforme de 150 tours par minute, qu’elles reçoivent du moteur, en deux vitesses différentes. Deux manchons de débrayage permettent en outre deux autres vitesses. Il résulte de cette disposition que l’on peut, pendant la marche même de la machine, lui donner l’une ou l’autre des quatre vitesses dont ce mécanisme permet de disposer.
- Ce n’est que comme spécimen d’application directe du moteur à la machine que MM. Kœchlin y ont joint une petite machine à vapeur d’une simplicité remarquable et dont ils se seraient probablement passé si, au moment du .montage, ils avaient été bien certains de pouvoir disposer à leur gré de la force et de la vitesse qui leur étaient nécessaires.
- La machine exposée a fonctionné à l’Exposition en imprimant. deux couleurs seulement, parce que l’emplacement qu’elle occupe eût rendu difficile l’impression à quatre couleurs. Mais pendant le peu de temps qu’elle a travaillé presque incognito, attendu le peu de bruit qu’elle fait, elle a imprimé 30 000 mètres de calicot et de jaconas appartenant à MM. Dolfus-Mieg , qui ont également fourni les imprimeurs, les couleurs et les cylindres gravés-.
- On concevra sans peine qu’une machine qui imprime
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- 5000 mètres en douze heures ne fonctionne pas tous les jours, ni du matin au soir, à l’Exposition, d’autant plus que les produits qu’elle y donne ne pouvant, faute d’étuves, y être séchés à mesure de leur confection, sont fabriqués en pure perte.
- MM. Dolfus-Mieg possèdent, à Dornacb, près de Mulhouse, douze machines du même système que celle dont nous nous occupons. Lorsque ces douze machines fonctionnent, elles peuvent imprimer par jour 60 kilomètres de tissus.
- Machines à sculpter.
- A l’extrémité ouest de l’Annexe fonctionnent deux machines autour desquelles s’empressent les visiteurs que n’a pas rebutés une promenade de 4200 mètres. Ce sont les machines à sculpter de M. Blanchard, de Boston.
- L’une d’elles produit, sur marbre, des bustes; l’autre, des médaillons de même matière. Dans toutes deux, le modèle en bronze reçoit un mouvement de rotation que la machine imprime également au morceau de marbre à travailler, de manière que tous deux font leur révolution éxactement dans le même temps. Un système de leviers équilibrés porte sur un point une touche ou pointe mousse qui repose sur le modèle, et, sur un autre point, une espèce de foret tournant avec une grande rapidité. Les leviers sont tellement combinés que chaque mouvement de la touche est reproduit par le foret , mais diminué de grandeur. Supposons-les réduits au quart. Si l’on fait tourner le modèle et le morceau de marbre, toutes les saillies que la touche rencontrera la soulèveront; elle s’abaissera quand elle se trouvera sur une dépression. Or, comme tous les mouvements de la touche sont répétés, mais réduits au quart, par le foret, celui-ci pénétrera tantôt plus, tantôt moins dans le marbre, et laissera, sous -sa trace, les mêmes saillies et les mêmes dépressions que la touche aura rencontrées sur le modèle ; et, comme à chaque tour de celui-ci, tout le système de leviers s’est déplacé d’une petite quantité, de manière que la touche et le foret décrivent une spirale autour du modèle et du marbre, le résultat final est la reproduction , au quart, sur le marbre, du modèle en bronze.
- Nous ne pouvons partager l’admiration que cause cette ma-
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- chine aux visiteurs de l’Exposition, parce que nous savons de visu que nous avons beaucoup mieux en France.
- Les machines de M. Collas, dont l’exposition de M. Bar-bedienne montre les magnifiques produits, sont assurément plus exactes dans leurs résultats parce qu’elles sont beaucoup moins compliquées, et ne comportent qu’un très-petit nombre d’articulations d’une précision et d’une délicatesse infinies. Ajoutons que pour travailler le marbre et même l’acier (car il reproduit jusqu’aux coins des médailles), le modèle peut n’ètre qu’un plâtre à peine effleuré par la touche. L’exposition de M. Sauvage prouve également que les machines à sculpter françaises n’ont rien à redouter de la concurrence américaine.
- A cette occasion, nous croyons devoir rectifier une erreur qui s’est beaucoup propagée depuis l’ouverture de l’Exposition. On attribue aux seules machines de M. Sauvage la propriété d’exécuter directement les rondes bosses, et l’on prétend que M. Collas est obligé de découper son modèle en fragments assez petits pour être disposés sur ses machines à l’état de bas-relief. Ces conditions étaient effectivement celles qu’appliquait M. Collas il y a une vingtaine d’années; mais nous pouvons affirmer que, depuis plus de quinze ans, il obtient directement les rondes bosses qu’il exécute entièrement d’une seule pièce, lorsque les formes s’y' prêtent, les bustes, par exemple, ou par tronçons, lorsqu’un membre de la statue ou une draperie s’interpose entre la touche et une autre portion de la pièce à rèproduire.
- Il n’est pas plus vrai, comme on le prétend encore, que les machines de M. Sauvage n’exigent aucune section du modèle ou de la copie ; les nombreux joints qu’on peut constater dans les pièces de son exposition y donnent le démenti le plus formel.
- Enfin, et comme dernière rectification d’assertions sans fondement, nous dirons que, comme celles de M. Sauvage, les machines deM. Collas peuvent donner des copies plus grandes que le modèle, parce que, comme lui, il n’a qu’à mettre l’un à la place de l’autre , et qu’en outre, ce que ne ferait peut-être pas M. Sauvage, il peut donner à ses produits les dimensions exactes de l’original.
- Nous n’avons pas vu les machines de M. Sauvage, mais
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- nous avons trop bien étudié celles de M. Collas pour croire qu’elles puissent être surpassées en précision.
- Machines diverses.
- Le travail du cuir se trouve représenté par les machines à refendre de M. Salomé et de M. Schuloff, destinées à faire, par une espèce de dédoublage, avec des peaux de vaches, des cuirs fins à l’usage de la carrosserie et d’autres industries analogues; par les machines à rebrousser de MM. Rabatti et Ret-liget de M. Chaumont , qui opèrent mécaniquement le travail jusqu’ici si pénible du rebroussage, enfin par la machine à rebattre de M. Bérendorf, travail destiné à augmenter la souplesse du cuir.
- L’éjarreuse de M. Chaumont a pour but de préparer le poil de lapin propre au feutrage.
- La peau est, en effet, couverte de deux espèces de poils, l’un très-fin et ayant au plus haut degré la qualité feutrante, l’autre gros et se refusant complètement à ce travail. C’est ce dernier qu’il s’agit d’éliminer; M. Chaumont y arrive en soumettant le poil à deux lames marchant en sens contraire et se rapprochant assez pour enlever les gros poils, tandis que les plus fins passent dans l’intervalle.
- Pour les préparations du papier, nous avons deux piles à triturer les chiffons, l’une à M. Gratiot, l’autre à M. Vormz. Toutes deux sont fondues d’une seule pièce, et sont exposées uniquement comme travail de fonderie.
- La machine à papier de M. Lhuillier est extrêmement intéressante comme spécimen remarquablement exécuté d’une de nos industries nationales. Elle ne présente pas, du reste, dans sa construction, de caractère spécial. On sait que cette machine, à laquelle est livrée la pâte, fournit à l’autre extrémité des rouleaux de papier entièrement .terminé.
- Nous terminerons cette revue par l’indication des machines employées dans la fabrication du chocolat.
- M. Hermann en expose une série complète qu’accompagnent des machines à broyer pour les substances pharmaceutiques et pour les produits vénéneux.
- Mais c’estsurtout dans l’exposition deM. Devinck que nous trouverons des machines ingénieuses qui pèsent, moulent et
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- transportent les tablettes de chocolat à un autre appareil qui les enveloppe absolument comme le ferait l’ouvrière la plus habile.
- M. Devinck se plaît à reconnaître qu’une grande partie de ces inventions est due à son contre-maître, M. A.Daupley.
- CLASSE VII.
- Mécanique spéciale et matériel des manufactures de tissus.
- La septième classe comprend toutes les machines spécialement destinées à la filature et au tissage, c’est-à-dire à la transformation en fils des matières premières, connues sous la dénomination générique de matières filamenteuses, et à la transformation de ces fils en tissus de toute espèce, unis ou façonnés.
- Avant de nous occuper de ces machines, qu’il nous soit permis de rappeler en quelques mots l’origine de ces deux industries au point de vue mécanique. La filature automatique , dont les procédés ont acquis aujourd’hui un si haut degré de perfection, est cependant une industrie assez récente. Ainsi que le dit M. Alcan dans son ouvrage intitulé : Essai sur les matières textiles, ce ne fut qu’en 4760 que les Anglais, voyant l’accroissement que prenait leur commerce d’étoffes, tant avec les pays voisins qu’avec les colonies américaines, sentirent le besoin de produire un plus grand nombre de fils et cherchèrent à construire une machine qui, mue par un seul ouvrier, en produisît plusieurs à la fois, résultat que le rouet, jusque-là seul en usage, ne permettait pas d’obtenir. C’est alors que fut inoaginé le célèbre métier appelé Jenny ou Jeannette, qui, perfectionné peu à peu, nous donne aujourd’hui le métier Mull-Jenny self acling opérant d’une manière entièrement automatique l’étirage, la torsion et le renvidage du fil. Le grand nombre de produits que l’on put obtenir nécessita bientôt des perfectionnements analogues dans les machines à préparer. On remplaça donc, pour le cardage et les
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- autres opérations préliminaires, le travail à la main par le travail mécanique et la filature automatique fut inventée.
- Le manque de fils avait, comme nous l’avons dit, nécessité ces différents perfectionnements. La grande quantité de fils qu’ils permirent de produire fit chercher les moyens de les employer, et l’on substitua, pour les étoffes unies, les métiers à tisser mécaniques aux métiers ordinaires. Ce fut encore en Angleterre que cette industrie prit naissance.-
- Le tissage façonné, au contraire, tel qu’il se pratique aujourd’hui, est d’origine toute française, et les travaux de Vaucanson et de Jacquard sont assez récents pour qu’il soit inutile de les rappeler.
- Ces préliminaires une fois posés, commençons la revue des machines de la filature et du tissage exposées par les différents pays, en suivant l’ordre de la classification générale.
- Les peignes, les cardes, les rots, les semples, les canettes, bobines, broches, etc., sont disséminés dans tous les points du Palais.
- Ainsi, tandis que pour la France, une partie de ces produits est au palais principal, et l’autre à l’Annexe, dans la galerie des machines, l’Angleterre, la Belgique, les ont placés tous avec leurs machines, et la Prusse dans la section des produits de la galerie du quai. Du reste ces éléments, qu’il est impossible de faire fonctionner, sont difficiles à juger et nous nous bornerons ici à citer quelques noms, qui ont acquis à bon droit une grande célébrité industrielle et commerciale. Tels sont pour la France MM. Scrive frères et Miroude, dont les importantes fabriques de rubans de cardes fournissent la plus grande partie de nos établissements de filature; MM. C. Peugeot et Cie, fabricants de cylindres cannelés et de pression, broches, plates-bandes pour métiers, bouchons, crapaudines et appareils de transmission par engrenages pour donner le mouvement aux broches ; et M. Fleury, fabricant de cylindres de pression.
- Il y a en outre un grand nombre de peignes à lin, peignes à tisser, rots, broches, etc.
- Dans l’exposition étrangère, nous avons remarqué en Prusse des rubans de cardes bien travaillés, et nous citerons comme fabrication nouvelle ceux de M. Risler, d’Aix-la-Chapelle, dans lesquels le cuir est remplacé par une bande de
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- caoutchouc vulcanisé; l’Angleterre a envoyé aussi un grand nombre d’éléments de filature, parmi lesquels des rubans de cardes de M. W. Horsfall, de Manchester, dont les pointes sont montées sur un fort tissu de lin ; l’un de ces rubans a travaillé pendant treize ans dans la filature de M. Feray à Es-sonnes, sans altération sensible.
- Ainsi que nous l’avons dit, la filature automatique du coton est d’invention anglaise, et, depuis le moment où elle a été imaginée, l’Angleterre n’a cessé de rester à la tête de cette industrie; à tel point que nos filateurs acceptent difficilement, aujourd’hui encore, des machines fabriquées dans d’autres pays. Aussi les Anglais ont-ils, comme nous le verrons, une exposition de machines de filature presque exclusivement composée de machines à coton.
- Occupons-nous d’abord de la partie française. L’Alsace nous offre un grand nombre de machines pour les préparations et la filature du coton, machines sur lesquelles nous reviendrons bientôt.
- En dehors de cette exposition, nous rencontrons peu de machines de celte catégorie.
- M. Lecœur expose, collectivement avec M. Dannery, une grande carde débourreuse. L’invention de M. Lecœur a pour but d’augmenter la production de la carde, et d’après lui, de la doubler. Sous les cylindres cannelés se trouve une traverse à couteau, qui facilite le nettoyage du coton, et la surface de cardage est considérablement augmentée. Le but de M. Dannery est de remplacer le débourrage à la main des chapeaux, qui offre de graves inconvénients, par le débourrage mécanique ; il parvient à faire cette; opératicfn d’une manière satisfaisante en débourrant plus souvent les chapeaux les plus rapprochés de l’alimentation, qui sont naturellement ceux dans lesquels se logent le plus les impuretés. En somme, la machine de M. Lecœur, avec le perfectionnement de M. Dannery, est une chose intéressante, dont l’industrie du coton peut tirer un parti sérieux.
- M. Clenet présente une carde à coton, dont le mécanisme est le même que celui de toutes les cardes, et qui n’a d’autre particularité que d’être conduite directement par une petite machine à grande vitesse de M. Flaud.
- M. Dubrute fils expose aussi une carde à coton dont les
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- cylindres et le grand tambour sont en fonte et qui est bien exécutée.
- M. Danguy jeune nous montre un rota-frotteur et un banc d’étirage. Le rota-frotteur est muni d’entonnoirs de sortie et conduits d’arrivée mobiles et faciles à changer, pour permettre le frottage en gros, en moyen et en fin. Il est en outre perfectionné dans sa construction par la disposition des brosses qui font pression sur les rouleaux d’étirage.
- Le banc d’étirage est à huit rubans, et fait un étirage de 4 à 42. Les rubans viennent se réunir sur une table inclinée, d’où ils tombent dans une boîte de laquelle on les dirige au troisième et dernier passage. Ces deux machines sont bien exécutées.
- MM. Gallet et Dubus exposent un métier Mull-Jenny, de 432 broches pour le coton, dont le système de commande depuis la poulie motrice jusqu’aux tambours commandant les broches, est entièrement par engrenages, ce qui régularise la tension des broches en annihilant les effets de contraction et d’extension, produites par les variations hygrométriques de l’air. Le mouvement de renvidage est obtenu à l’aide de deux roues hélicoïdales, afin de rendre cette opération moins fatigante. Enfin les chaînes à la Vaucanson qui conduisent le chariot sont mises en mouvement exclusivement par des roues dentées; de cette manière il n’y a pas de glissement, la vitesse du chariot est toujours régulière, et l’on peut facilement la varier au moyen de.changements d’engrenages.
- Le métier de MM. Gallet et Dubus est bien exécuté, et présente, comme on le voit, un grand intérêt. Il est regrettable qu’il ait dû être placé en dehors des machines en mouvement, et que l’on ne puisse, par conséquent , juger de son travail.
- Dans la partie étrangère, nous ne trouvons de machines à coton que dans l’exposition anglaise. Là, par exemple, cette industrie est largement représentée, et offre tout l’intérêt d’un ensemble complet de fabrication.
- MM. Dobson etBarlow, deBolton, exposent deux machines brevetées de M. Evan Leigh; l’une est une carde dont les chapeaux se nettoient seuls, et l’autre une machine à réunir, au moyen de laquelle on obtient une nappe pour le second passage, nappe composée de cinquante à soixante rubans.
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- M. J. Mason, de Rochdau, présente un banc à broches en gros avec rebords brevetés, des plateaux diviseurs, un frein et un mouvement à dégager ; les broches font 800 tours à la minute ; un banc à broches en fin avec ces mêmes éléments, les broches faisant 1200 tours à la minute; un métier continu, une carde à coton et un étirage; il expose en outre un métier à. tisser mécaniquement des étoffes de grande largeur.
- MM. J. Elce et Cie exposent un batteur à un seul volant, une carde, un laminoir à quatre tètes, six rubans; un banc à broches en gros de 48 broches; un banc à broches en fin de 80 broches; deux métiers Mull-Jenny self acting de 340 broches chacun entièrement pareils ; enfin un métier continu de 160 broches et deux dévidoirs à compteurs.
- L’exhibition de MM. Platt frères, d’Oldham, se compose d’un assortiment complet de filature de coton. Nous allons donner l’énumération et l’explication de ces machines, d’après l’exposant lui-même, afin de faire comprendre le travail du coton :
- 1re et 2e Opération. Batteur-étaleur : l’ouvreur divise et nettoie le coton après le passage par des cylindres alimentaires, en le soumettant à l’action des volants; les boutons sont rejetés en dessous, et la poussière enlevée par un ventilateur; par l’action du batteur-étaleur, le coton se trouve battu et nettoyé à un degré supérieur et réuni en masse.
- 3e Opération. Carde en gros : purifie le coton et en aligne les fibres, qui sont disposées en rubans.
- 4e Opération. Machine à doubler : réunit plusieurs rubans en une seule nappe large et unie qui s’enroule sur une en-souple.
- 5- Opération. Carde en fin : achève le travail de la carde en gros, et forme un ruban plus fin.
- 6e Opération. Banc d’étirage : étire les rubans accouplés de la carde en fin et les dispose en rubans encore plus fins; six têtes, huit rubans.
- 7e Opération. Banc à broches en gros de 28 broches : continue l’opération de l’étirage, et donne à la mèche une légère torsion, en l’enroulant sur des bobines.
- 8e Opération. Banc àbroches, intermédiaires de 68 broches: double la mèche en gros, l’étire et lui donne la torsion en l’enroulant sur des bobines de plus petite dimension.
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- 9e Opération. Banc à broches en fin de 88 broches : double la mèche en moyen,' l’étire et lui donne plus de torsion en l’enroulant sur des bobines plus petites.
- 4 0' Opération. Métier à filer self-acting de 200 broches : étire la mèche en fin, la transforme en fil, et la dispose sur des bobines en forme de canettes.
- 44' Opération. Métier continu de 4 42 broches: employé quelquefois en place du métier Mull-Jenny pour filer les numéros forts. Enroule les fils sur des bobines à disques.
- 42e Opération. Métier continu doubleur de 92 broches : réunit et tord ensemble deux ou plusieurs fils pour faire des .fils, plus forts.
- 4 3e Opération. Métier à retordre self-acting de 200 broches : double et tord ensemble deux ou plusieurs fils, en les disposant sur des canettes propres à être employées au tissage.
- MM. Platl frères exposent aussi une machine à émeri pour aiguiser les tambours et chapeaux de cardes, et deux métiers mécaniques à tisser, l’un pour le calicot, l’autre pour la fu-taine.
- _ Terminons ici la revue des machines de la troisième section, et disons que cette industrie, qui n’est représentée que par la France et l’Angleterre, a, sauf.les machines de MM. Schlum-berger, peu de progrès à enregistrer. Les machines anglaises, qui toutes sont d’une très-bonne exécution, n’offrent, comme perfectionnement, qu’un intérêt médiocre, et l’on peut exprimer le regret que ces machines ne se distinguent que par leur construction, du reste vraiment remarquable; leur ensemble et leur heureuse disposition, qui fait bien voir les opérations successives de la matière. • < ,
- Nous crovons devoir étudier dans leur ensemble lés. ma-chines de l’exposition collective du Haut-Rhin, sans faire rentrer chacune d’elles dans la spécialité à laquelle èlle appartient. Cette exposition, quoique composée de -miachines à destinations diverses, présente en effet un intérêt d’ensemble que n’offrirait plus, à beaucoup près, chacune d’elles détachée du groupe que les constructeurs .ont désiré former. -
- Le département ,du Haut-Rhin est sans contredit, l’un des plus industriels de France, et la construction des machines de filature y a acquis un degré-de perfection qui nous permet
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- enfin de lutter avec l’Angleterre, dont nous avons été si long' temps tributaires.
- M. André Iiœchlin expose, en outre de sa locomotive, un batteur étaleur à deux volants, muni, à la sortie du coton , d’une double paire de cylindres cannelés, à vitesses différentes, destinés à produire un commencement d’étirage. Cette machine, qui n’a du reste rien de particulier, est remarquable par sa grande solidité et le soin avec lequel elle est construite. Le même constructeur présente aussi une machine à imprimer à quatre couleurs, mue par une machine à vapeur horizontale, qui travaille avec une grande précision.
- Nous rencontrons ensuite l’épurateur à coton de M. G. A. Risler. Cette machine, destinée à remplacer la carde, est munie de quatre cylindres alimentaires, et forme trois rubans qui viennent se réunir en un seul. Elle a subi, depuis l’Exposition de Londres où elle a obtenu la grande médaille, un perfectionnement qui consiste en ce que le coton qui n’a pas été pris par les deux premiers peignes, et qui est resté sur le grand tambour, est repris par un troisième placé en dessous, et travaillé de nouveau. Le ruban formé par le troisième peigne est généralement d’une qualité inférieure aux deux autres, et peut être dirigé sur une autre bobine, afin de le séparer de ceux-ci. L’épurateur fait en douze heures 90 à 100 kilogrammes de coton bien ouvert et mieux nettoyé qu’à la carde ordinaire, avec économie de déchet et de main-d’œuvre. Elle est construite par M. A. Kœchlin avec tout le soin possible.
- M. Léopold Muller fils expose un banc à broches à compression de 120 broches, système ordinaire; un Mull-Jenny et un métier continu de 220 broches pour la filature de la laine peignée, où la commande ordinaire de broches est remplacée par son système d’engrenages coniques, dont chaque broche est rendue indépendante et peut être arrêtée instantanément par la simple pression. Ce système, qui exige moins de force que les commandes par cordes à boyaux, a l’inconvénient de produire un bruit insupportable. Aussi MM. C. Peugeot et Cie ont-ils eu l’idée de le modifier en remplaçant les deux engrenages coniques par une série de quatre engrenages, deux coniques et deux droits; de cette manière on peut faire en bois la roue droite qui commande le pignon * et
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- les deux roues eoniquos engrenant avec une vitesse beaucoup moindre, le bruit est considérablement diminué.
- M. Stamm présente un banc d’étirage finisseur à pots tournants pour le coton ; un métier continu à filer d’un côté et à retordre de l’autre, de 224 broches, et un banc à broches à compression, de 120 broches. Ce banc à broches n’est pas muni de la cuirasse ordinaire, qui empêche le coton de tomber dans les engrenages. Toutes ces machines sont, du reste, bien construites.
- L’exposition de M. F. J. Grün se compose d’un batteur étaleur, une carde à coton, une carde à laine peignée, un bobinoir réunisseur pour la laine et un dévidoir.
- Le batteur est à un seutvolant, avec commencement d’é-tirage, comme celui deM. A. Kœchlin. Le tambour de la carde à coton est un tambour en fonte, fondu d’une seule pièce avec les deux croisillons, ce qui constitue une assez grande difficulté vaincue. La eardeà laine est construite avec des cylindres en stuc et n’a rien de particulier. Le dévidoir est muni d’un système de va-et-vient destiné à distribuer également le fil. Toutes ces machines sont construites avec un grand soin.
- M. Stehëlin expose un métier Mull-Jenny selfcacting de 504 broches, système ordinaire.
- M. Th. Loos présente une carde à coton dont l'alimentation se fait au moyen d’un cylindre cannelé tournant sous une auge en fonte; le coton est pris entre le cylindre et l’auge, qui sert en outre à recevoir les matières étrangères rejetées par la carde. Le grand tambour est en stuc comme dans toutes les cardes exposées par les constructeurs de l’Alsace.
- M. G. Bornèque expose deux métiers à tisser, l’un à deux, l’autre à quatre couleurs. Ces métiers sont munis de cartons de Jacquard en bois, dont les trous portent des chevilles. Ces chevilles, de différentes longueurs, soulèvent alternativement des leviers qui font mouvoir la boîte coiiteiidnt les bobines, de manière à lancer la bobine qui doit faire le travail. On peut donc, par ce moyen, tisser Une étoffe à plusieurs couleurs, sans se préoccuper du dessin. Ce système n’est, du reste, applicable qu’aux étoffes à carredui oü à bandes dans le sens de la trame*
- MM. Nicolas Scîllumberger et Cie exposent trois assorti-ttients complets de préparations dé filature. Le premier ëst
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- destiné au travail des matières courtes soies, le second à celui des matières à soies moyennes, et le troisième aux préparations des matières longues soies.
- L’assortiment destiné aux matières courtes soies, c’est-à-dire au coton et à la laine peignée à filaments courts, se compose de cinq machines, une carde, une peigneuse, un banc d’étirage, un banc à broches et un métier à filer self-acting.
- La carde est une carde à hérissons, c’est-à-dire le système ordinaire des cardes à laine peignée, dont tous les cylindres sont en stuc.
- La peigneuse est construite dans le système ordinaire des peigneuses Heilmann, système qui consiste à travailler la matière par mèches, et dont la substitution à la peigneuse Collier, substitution due en très-grande partie à M. N. Schlum-berger, a modifié d’une manière radicale le peignage et la •filature. Celle-ci est à six têtes et à mouvement continu.
- Le banc d’étirage comprend trois passages. Le premier avec coupe-nappes mécanique et basculeur, et dégrenage automatique. Le deuxième est à couloirs et à pots oscillants. Ces pots oscillants remplacent les pots tournants pour opérer la distribution régulière de la matière. C’est une boîte rectangulaire portée sur des roues qui reposent sur un chemin de fer; cette boîte reçoit un mouvement alternatif d’un pignon engrenant tantôt au-dessus, tantôt au-dessous d’une crémaillère. Cet appareil, généralement substitué par M. Schlumberger aux pots tournants, donne d’excellents résultats.
- Le troisième passage est un étirage dans lequel la matière vient s’enrouler sur des rouleaux presseurs, et où la compression a toujours lieu au même point par le moyen d’un ressort qui appuie constamment la matière sur le rouleau.
- Dans le banc à broches mi-fin de soixante-quatre broches, le mouvement progressif du chariot est donné par un double disque sur lequel vient frotter une poulie à bande de cuir qui monte à mesure que la bobine s’emplit, et diminue par conséquent la vitesse. L’ailette de la broche, au lieu d’être creuse comme le'sont ordinairement les ailettes de ces machines pour le coton, est pleine et parfaitement lisse. Le fil passe par deux œils, l’un en haut, l’autre à l’extrémité de j’une des branches, et est constamment pressé contre la bobine au moyen d’un ressort intérieur.
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- . Le métier à filer automate compte cinq cent quatre broches, dont les .mouvements sont singulièrement doux,t comparés à ceux des métiers ordinaires. Cela tient à un système nouveau à friction plate qui permet d’éviter les secousses et les mouvements brusques que produisent les métiers.munis d’arbres à excentriques.
- L’assortiment destiné à la filature des filaments, moyens sert spécialement au travail des laines moyennes, telles que les laines mérinos. Il se compose de sept machines qui sont :
- Une nappeuse, qui n’est autre chose que la .peigneuse Pou-pillier perfectionnée.
- . Un démêloir, d’invention nouvelle,, qui dresse et parallélise parfaitement les brins de la laine, de manière à préparer au travail de la peigneuse, et cela au moyen d’un cylindre garni de dents en hélice, à barrettes sortant et rentrant alternativement pour faciliter le délivrage de la matière. Une peigneuse, du système Heilmann, munie d’une pince à double centre qui permet, de rapprocher plus ou moins le peigne fixe de la pince, et par conséquent de peigner des laines plus courtes,’ce qui augmente la production.
- Trois bancs d’étirage, dans lesquels se .trouve l’application d’une idée dominante que M. Schlumberger .applique d’une manière complète et exclusive à.la filature de la laine .peignée, et qui est, afin d’obtenir un étirage plus complet, de remplacer le premier cylindre supérieur par un cylindre à cannelures profondes, et le cylindre.inférieur par un hérisson dont les dents sont disposées de. telle sorte, que les cannelures du cylindre supérieur engrènent entre les dents du hérisson, de façon à y faire entrer la laine aussi profondément que possible. Ce système se trouve reproduit dans les trois bancs d’étirages dont nous.nous occupons. Le premier, est un étirage à quatre têtes, avec couloirs et pot oscillant; le second un étiragesà bobines et à compression ; et le troisième un étirage avec frottage en gros et.bobines comprimées. C'est une espèce.de banc à broches en gros à bobines horizontales.. . ’ , .
- La septième machine de cet assortiment estjUn .banc à broches»frotteur, de trente-six broches. Ce banc à broches présente une particularité remarquable. Gomme il est destiné au travail de la bourre,de.soie de deuxième largeur, c’est-à-
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- dire des déchets de bourre de soie donnés par la peigneuse, aussi bien qu’à celui de la laine, et que la bourre de soie n’a pas besoin de torsion à ce moment du travail, les ailettes peuvent à volonté, et par un simple mouvement de débrayage, tourner ou ne pas tourner de manière à opérer, suivant la matière, avec ou sans torsion.
- L’assortiment destiné au travail des matières longues soies doit préparer spécialement les laines longues, les étoupes, la bourre de soie longue, et enfin le lin et le chanvre coupés en deux ou trois, et ramenés à la longueur de l’étoupe. Il se com-pose.de cinq machines : un démêloir, une peigneuse, un éta-leur, un banc d’étirage et un banc à broches.
- Le démêloir est construit suivant le même principe que celui dont nous avons parlé ; il alimente la peigneuse qui est toujours une peigneuse Heilmann, et qui est munie d’un tambour nappeur à palettes dentelées dans lesquelles les étoupes sont poussées et entrées à fond par un cylindre cannelé afin de faciliter la sortie régulière de la matière.
- L’étaleur est un étaleur à gills, à deux rubans, avec application de doubles rouleaux d’appel.
- L’étirage est un étirage à deux têtes, à six rubans, avec application de doubles rouleaux d’appel.
- Le banc à broches est un banc de quarante bobines, à gills, avec le système d’ailettes et de mouvement du chariot ordinaire.
- L’exposition de MM. Nicolas Schlumberger et Cie est, en somme, la plus complète de toutes celles des constructeurs de machines de filature. Il est presque superflu d’ajouter que ces machines, parfaitement entendues, sont, en outre, admirablement exécutées. M. Schlumberger a, comme M. Mercier, l’avantage d’être en même temps constructeur et filateur, et ces deux conditions sont, évidemment, aussi favorables que possible.
- Ajoutons que M. Schlumberger est l’un des principaux promoteurs de l’industrie de la filature dans le Haut-Rhin, dont nous venons d’examiner les produits ; que cette industrie, qui a pris un si grand essor, lui doit un'nombre considérable de perfectionnements importants, et nous aurons rendu justice à un de nos industriels les plus éminents et les plus honorables. Disons enfin que l’exposition de MM. Schlumberger brille
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- au milieu de celle de l’Alsace, et vient rehausser encore l’éclat de cette partie, déjà si remarquable, de l’exposition française.
- La filature mécanique du lin et du chanvre n’existe véritablement que depuis 1810, c’est-à-dire depuis l’invention de la peigneuse imaginée par Philippe de Girard.
- La première opération que subit le lin est le rouissage; puis viennent le battage et le teillage. Nous avons à l’Exposition plusieurs machines à teiller, et entre autres celle de M. Ch. Mertens, de Gheel (Belgique), et celle de M. Farinaux jeune, de Lille.
- La machine de M. Ch. Mertens est entièrement nouvelle. Le lin est conduit par une pince faisant chaîne sans fin, entre deux cuirs sans fin, munis de baguettes en bois qui le battent et enlèvent la partie corticale; puis il est repris par une deuxième pince, au moyen d’une seconde machine semblable, tournée en sens contraire, qui teille la partie qui était tenue par la première pince. Le lin, en sortant de cette machine, est parfaitement teillé.
- Dans la teilleuse de M. Farinaux jeune, le lin est pris entre deux cylindres en fonte , cannelés et tournants , dont le plus petit placé à la partie supérieure, a en outre un mouvement de va-et-vient destiné à enlever la paille. Puis il est conduit entre deux autres cylindres cannelés en bois, avec mouvement circulaire, qui achèvent le travail.
- Nous n’avons pas vu le travail de cette machine, mais nous doutons, à sa simple inspection, qu’elle opère le nettoyage aussi bien que celle de M. Mertens, dont les produits sont vraiment remarquables.
- Après le teillage, le lin subit l’opération du peignage. Nous rencontrons dans l’exposition française les peigneuses de M. Ward et de M. Lacroix, et dans l’exposition anglaise, celles de MM. Combe et Cie, de Belfort.
- La machine de M. Lacroix est destinée au peignage des lins coupés en deux ou trois, où les pinces, au lieu d’être poussées les unes par les autres, sont conduites par un mécanisme spécial, et tournent en avançant, au lieu d’avancer d’abord et tourner ensuite. De plus, les porte-pinces sont doubles, ce qui permet de peigner en même temps deux poignées de lin.
- M. Ward expose trois machines à peigner le lin. L’une de
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- ces machines est destinée au travail du lin long, l’autre à celui du lin coupé moyen, et la troisième à celui du lin coupé en plusieurs morceaux.
- Ces trois machines sont construites dans le même esprit, c’est-à-dire que toutes trois sont à peignes tournant dans un seul sens, et à mouvement de rotation des pinces, destiné à permettre le travail de la matière des deux côtés. La construction en est soignée.
- MM. Combe et Cie exposent deux machines à peigner, l’une les lins longs, et l’autre les lins coupés; le système de ces deux peigneuses est le contraire du précédent, c’est-à-dire que ce sont les peignes qui ont un mouvement circulaire alternatif, afin de pouvoir travailler le lin dans ces deux sens, tandis que les pinces ont simplement un mouvement rectiligne. Ces deux machines sont bien construites, et nous préférons ce mode d’opérer au précédent, qui a l’inconvénient d’enmêler un peu le lin au moment où la pince se retourne.
- MM. Windsor frères, de Lille, exposent une grande étaleuse pour lin long ou chanvre, offrant quelques perfectionnements de détails, puis un assortiment de préparations pour le lin coupé en trois et quatre, et devant être filé des nos 80 à 150. Cet assortiment se compose de :
- . 1° Une étaleuse à quatre rubans;
- 2° Un premier étirage à deux têtes, huit rubans chacune ;
- 3° Un second étirage, deux têtes, dix rubans chacune;
- 4° Un troisième étirage, deux têtes, douze rubans chacune ;
- 5° Un banc à broches de soixante broches.
- Toutes ces machines comportent des frotteurs en bois mobiles sous les rouleaux. Le banc à broches est muni d’un cône de friction, marchant sans courroie. Ces machines sont établies dans de bonnes conditions de construction et de vente courante.
- Le métier à filer le lin, de M. Vennin Dérégniaux, n’offre rien de particulier.
- Enfin, la marine impériale nous a envoyé deux machines, l’une à filer le lin, qui opère à la fois l’étirage et la torsion, et l’autre à tresser les cordages. Ces deux machines sont, sans doute, très-intéressantes, mais elles ont l’inconvénient d’être construites d’une manière fort lourde, et d’avoir déjà plus de vingt années de date.
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- Outre ces machines . nous rencontrons l’assortiment pour la filature des matières longues.soies de MM. N. Schlumber^er et Cie, dont nous avons déjà parlé.
- Les machines destinées au travail de la laine se divisent en deux catégories bien distinctes : la filature de la laine peignée et celle de la laine cardée. La laine peignée, destinée au tissage des mérinos, des cachemires d’Ècosse, et en général des étoffes rases, exige des fils d’une régularité parfaite, et dont les éléments soient aussi parallèles que possible. ,C’est, comme nous le verrons, la grande différence qui existe entre le peigné et le cardé.
- La France est presque seule représentée pour cette industrie, dont on a tant cherché, depuis quelques années, à modifier les éléments. La tendance aujourd’hui la plus générale est le peignage par mèches, inauguré par Josué Heilmann. Nous rencontrons, dans cette voie, la peigneuse de M. Hector Collette, qu’un déplorable accident a enlevé.à l’industrie, au moment où il venait de mettre la dernière main à son œuvre. Cette peigneuse est formée d’un grand plateau circulaire tournant , muni à sa circonférence de trois rangs de peignes; sur trois points de la circonférence sont placés d’autres peignes animés d’un mouvement circulaire, perpendiculaire à celui du plateau. La laine, livrée par mèches aux peignes du plateau circulaire, au moyen d’une alimentation à mouvement alternatif, est reprise par l’un des peignes de côté, passe successivement entre les dents des trois peignes, et est rendue aux peignes circulaires qui la livrent entre des rouleaux délivreurs, d’où elle s’enroule sur une bobine, tandis que la blouse est enlevée des dents du peigne par une brosse, qui la fait tomber dans une boîte destinée à la recevoir. Une conduite de vapeur permet de chauffer les peignes, condition essentiellement avantageuse, et la division du cercle peigneur en trois zones munies d’éléments identiques, fait que l’on peut travailler à la fois trois couleurs différentes. La machine de M. Collette mérite donc, à tous égards, les éloges les plus sincères; son mécanisme est ingénieux et simple, et rend le travail facile à comprendre.
- La peigneuse de M. Collet fils n’est autre chose que le système déjà connu de M. Poupillier, qui n’a jamais donné un peignage complet. Elle travaille sans faire de blouse.
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- M. Vigoureux expose un bobinoir. Le perfectionnement consiste essentiellement dans une disposition spéciale, par suite de laquelle plusieurs mèches passent en même temps, sans se réunir ou se mêler pendant le travail, dans le même peigne et sur le même buffle frottoir, et enfin s’enroulent toujours distinctes et sans mélange sur la même bobine. Les avantages de cette machine sont de faire autant et mieux avec un matériel beaucoup moins considérable, et par suite, coûtant infiniment moins cher, et exigeant moins d’espace, de force motrice et do surveillance. Cette machine, d’un véritable intérêt, a été exécutée dans les ateliers de M. Pierrard Par-paite, avec tout le soin que ce constructeur apporte à ses travaux.
- MM. Bruneaux, père et fils, de Rethel, exposent un bobinoir finisseur. Cette machine, d’une longueur totale de 42m,80, est bien construite, et offre dans le travail des perfectionnements sensibles. •
- M. Pierrard Parpaite présente un assortiment d’appareils destinés au peignage mécanique de la laine, des étoupes, de la bourre de soie, etc., avec l’application d’un système nouveau dénommé étireur à mouvement progressif.
- L’invention du système consiste dans la combinaison d’un mouvement progressif, communiqué à des barrettes ou porte-aiguilles indépendantes, au moyen de deux plateaux mobiles à rainures curvilignes, et de deux courbes excentriques fixes. Les peignes barrettes garnis d’aiguilles sont commandés de manière à s’écarter de plus en plus les uns des autres depuis l’entrée jusqu’à la sortie de la matière qui vient sortir d’une manière continue hors des rangées d’aiguilles, au point où celles-ci ont acquis leur maximum de vitesse. Cette opération s’effectue par un étirage qui achève de dresser les filaments, déjà préparés par le démêloir.
- M. Pierrard dispose le même appareil en tête de chaque passage d’étirage de filature, en remplacement des peignes circulaires et des gills généralement en usage. D’après l’inventeur, cette application permet de travailler la matière filamenteuse avant et après le peignage, et de diminuer le nombre des passages avant la filature. Les produits des machines deM. Pierrard ne nous ont pas paru répondre complètement au programme. La laine estbouchonneuse, et jusqu’ici ces ma-
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- chines ne semblent pas faire un travail supérieur à celui des anciens systèmes. Nous devons cependant savoir gré à M. Pierrard de ses efforts persévérants, et des progrès qu’il a fait faire au travail de la laine peignée.
- Dans l’exposition étrangère, nous ne trouvons qu’un banc à broches en fin pour la laine peignée de M. Hartmann. de Chemnitz (Saxe-Royale). C’est un banc à broches ordinaire, d’une bonne construction.
- La laine cardée doit servir au travail des étoffes feutrées et foulées. Aussi les conditions de bonnes qualités du fil sont-elles toutes différentes de celles qu’exige le fil de laine peignée.
- Pour celui-ci, en effet, il est, avant tout, nécessaire de pa-ralléliser les filaments et de ménager leur longueur, afin d’obtenir un fil droit et aussi uni que possible, tandis que l’usage de la laine cardée exige, avec toutes les conditions ordinaires de régularité , que les filaments soient enchevêtrés les uns .dans les autres, pour conserver le plus possible à la matière sa propriété feutrante. L’étoffe devant, en outre, être tirée à poils, il est nécessaire que les fils présentent autant de pointes que possible, afin que le tissu soit plus garni de poils à sa surface.
- Après le désuintage et le lavage qui se font de la même manière pour les peignés et les cardés, la laine est séchée, soit par les moyens ordinaires, soit au moyen d’un hvdro-exlrac-teur ou appareil à force centrifuge ; l’appareil exposé par M. Tulpin, de Rouen, dont il a déjà été parlé, remplit toutes les conditions désirables, tant au point de vue de la transmission du mouvement que par la supériorité de sa construction.
- La laine en sortant de la machine contient encore 10 à 45 pour 100 d’eau; elle est séchée, soit dans un séchoir à air chaud, soit à l’air libre, soit enfin dans une machine où l’on fait agir simultanément le chauffage et la ventilation.
- La matière subit alors l’opération du battage, puis celle de l’échardonnage. La première machine échardonneuse introduite en France en 1846 est due à MM. Sykes et Ogden, d’Huddersfield, qui exposent, dans la partie anglaise, un spécimen de leur système, perfectionné par l’augmentation du nombre de lames de peignes sur le cylindre principal. Le but
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- de cette addition est d’augmenter le travail de la machine, tout en diminuant son volume.
- M. Laoureux, de Verviers, cessionnaire du brevet de MSI. Sykes et Ogden pour la Belgique, exposent deux machines de ce genre, dont l’une est la reproduction à peu près exacte de l’ancien système des inventeurs, et dont l’autre a subi une modification qui consiste à. remettre en travail les chardons qui contiennent encore de la laine. Ces deux machines sont d’une construction médiocre.
- L’échardonneuse dont nous venons de parler a le grave inconvénient de briser les filaments de la laine. MM. Houget et Teston, autres constructeurs de Verviers, ont cherché à atténuer ce résultat fâcheux en ajoutant deux cylindres échardonneurs à lames dentelées en hélice. Cette machine remet également en travail les chardons qui entraînent de la laine, et le tambour principal est armé alternativement de lames et de dents, afin de commencer l’opération du louvetage. La construction en est soignée comme cellede toutes les^ machines de MM. Houget et Teston.
- Après le battage et l’échardonnage, la laine subit l’opération du louvetage. Suivant la qualité de la laine, le louvetage a lieu une ou deux fois. Les laines courtes et douces ne sont passées qu’une seule fois au loup, après avoir été graissées d’environ 20 pour 100 d’huile d’olive ou de colza, ou , mieux encore, d’oléine. Le loup de M. A. Mercier, de Louviers, comporte toutes les conditions voulues de solidité et de bonne construction; la disposition des dents en spirale sur le grand tambour, et l’alimentation au moyen de deux paires de rouleaux cannelés avec vitesses différentes permettent d’ouvrir la laine d’une manière uniforme et satisfaisante, qui facilite le cardage et ménage les garnitures de cardes.
- L’opération qui suit le louvetage est le cardage. Nous trouvons dans la galerie des machines un assez grand nombre de cardes : MM. Verken, d’Aix-la-Chapelle, exposent un assortiment complet composé d’une carde briseuse avec cylindre et tambour en bois, d’une carde repasseuse avec cylindre et tambour en fonte, et d’une carde boudineuse, à un seul pei-gneur, avec cylindre et tambour en tôle. Cette carde produit des boudins sur deux points différents, au moyen d’un peigne à intervalles réguliers qui en opère la division, système
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- qui ne réussit généralement qu’avec des laines fines ayant des filaments réguliers et d’une longueur moyenne* La construction de ces machines n’offre, du reste, rien de particulier. L’exécution en est convenable.
- MM. Houget et Teston présentent aussi un assortiment complet de cardes à laine, dont tous les cylindres sont en fonte. Ce système a l’inconvénient d’augmenter inutilement le poids de la machine , les petits cylindres en bois pouvant parfaitement être établis dans de bonnes conditions. La carde boudineuse de MM. Houget et Teston est une carde à deux peigneurs. Elle est munie d’un système d’étirage dont la pratique n’a pas, jusqu’ici, démontré l’utilité.
- M. Griinn expose une carde pour le travail du cardé peigné, dont nous avons déjà fait mention.
- M. Vimont, de Vire, expose un métier continu destiné au filage de la laine cardée. Jusqu’à ce jour, les métiers Mull-Jennv à étirage ont seuls été employés dans cette industrie; le métier de M. Vimont est donc une chose toute nouvelle, et il nous'est impossible de juger de son importance avant que ses résultats soient connus.
- Nous avons déjà parlé du loup de M. A. Mercier; examinons à présent les autres machines qu’il expose, composant un assortiment complet de filature de laine cardée.
- La laine, à sa sortie du loup, est portée sur la toile sans fin, partagée en deux parties égales, et placée derrière le grand tambour de la carde briseuse, et vient former à la sortie deux rubans qui s’enroulent sur une bobine. Soixante de ces bobines sont placées derrière la carde repasseuse, et produisent à leur tour deux rubans qui s’enroulent sur deux bobines. Ces bobines sont elles-mêmes placées, au nombre de soixante, derrière la carde boudineuse et fournissent chacune un ruban à la sortie de celle-ci, après avoir passé sous les rouleaux à mouvement de va-et-vient qui opèrent le frottage. La carde boudineuse est une carde à deux peigneurs.
- Le fil, à sa sortie du cardage, est travaillé par un métier Mull-Jenny, à simplè vitesse, de deux cent dix broches. Ce métier, d’une construction spéciale pour ce genre de filature, est d’une grande simplicité, et permet d’obtenir, sans tâtonnement et avec une grandej’égularité, la finesse de fil et la torsion demandées. • .....
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- Les bobines, produites par le métier en gros, sont réunies au nombre de vingt-cinq sur de longues bobines qui sont placées sur le métier en fin, et qui peuvent lui fournir une quantité de laine suffisante pour un travail de deux jours.
- M. Mercier expose deux métiers en fin de trois cents broches chacun. Ces métiers sont à double Vitesse et à mouvement d’étirage mécanique, se modifiant au moyen de pignons de rechange, suivant les divers genres de laines et les différentes finesses de fils, et peuvent être conduits deux à deux par un seul ouvrier, avec l’aide de deux rattacheurs. De même que le métier en gros, iis sont infinis de compteurs de livraison et de torsion , numérotés de manière à calculer, avec assurance et sans tâtonnement, la finesse et le nombre de tours de torsion à donner aux fils.
- Comme complément de son assortiment de filature, M. Mercier présente deux dévidoirs à échantillonner, qui donnent exactement le numéro du fil après le passage à la carde bou-dineuse et les passages aux métiers à filer en gros et en fin.
- Il présente enfin une carde avec avant-train pour la préparation de la laine peignée, dont le principal mérite est de ménager les filaments de la laine, mais que nous ne pouvons juger, au point de vue du travail, cette machine n'étant pas encore en fonction.
- L’exposition de M. Mercier doit enfin comprendre un métier mécanique à tisser les draps et nouveautés, qui, s’il réussit, comme permet de l’espérer la réputation justement acquise du constructeur, résoudra un des graves problèmes économiques de ce genre de tissage.
- Pour résumer en quelques mots l’impression que nous a produite l’exposition de M. Mercier, nous dirons que l’on reconnaît facilement que ces machines sont établies par un homme qui comprend à la fois la construction et la filature. Elles sont disposées de manière à faciliter le travail, et comme elles doivent l’être dans une filature bien entendue. La double profession de cet industriel lui a permis de construire des machines qui répondent parfaitement aux besoins de l’industrie à laquelle elles sont destinées, en même temps qu’elles offrent toutes les garanties désirables de solidité et de bonne construction. Enfin, M. Mercier a su conserver, comme nous devions nous y attendre, le rang qu’il a conquis
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- à l’Exposition de 4849 et à celle de Londres, où il a obtenu la grande médaille.
- M. Th. Chenevière expose, dans le même emplacement que M. Mercier, une carde boudineuse et un métier à filer en gros.
- La carde de M. Chenevière est construite en vue d’une idée assez originale pour laquelle ont été pris déjà plusieurs brevets et un entre autres par M. Bournot, de Rouen. C’est une carde boudineuse , à un seul peigneur, à loquettes continues produites par la réunion de huit à dix rubans et destinée à faire des fils jaspés suivant une loi déterminée. Si l’on veut, par exemple, obtenir un fil contenant un dixième de laine noire et neuf dixièmes de laine blanche , on alimente la carde avec un ruban de laine noire pour neuf rubans de laine blanche, produits dans les mêmes conditions, et la loquette que l’on obtient est formée dans les proportions voulues, avec une régularité, pour ainsi dire, mathématique.
- Le métier à filer en gros est un bély.de quatre-vingts broches, filant à grand écartement, et muni, à cause de cela , de cylindres et rouleaux de pression cannelés, afin d’éviter le glissement des fils pendant l’étirage, glissement que produirait la grosseur du fil.
- Ces deux machines, qui sortent l’une et l’autre des ateliers de M. Mercier, sont exécutées avec le même soin et la même entente que celles qu’il a exposées lui-même.
- L’industrie de la soie, abandonnée, dans les contrées sérici-coles, aux ouvriers des campagnes, est restée longtemps en souffrance. Ce n’est que depuis ces dernières années que quelques personnes, industriels, savants et ingénieurs comprirent combien cette industrie était arriérée, et songèrent à la relever, les uns en perfectionnant, comme d’Arcet et Camille Beauvais, le mode d’éducation du ver à soie ; d’autres, comme MM. Robinet, Guérin-Menneville, E. Péligot, en étudiant sa structure et les phases diverses de son existence ; d’autres enfin, en cherchant des moyens plus rationnels de travailler la soie. De ce nombre, est M. Alcan, l’habile pro*-fesseur du Conservatoire, qui, de concert avec M. Limet, imagina un procédé de filage par lequel, s’aidant du vide pour imbiber le cocon , et perfectionnant les moyens mécaniques, il arriva à tirer de ce cocon une quantité de soie de 4 0 pour 4 00
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- supérieure à celle.que l’on obtenait ordinairement, en diminuant d’autant la quantité de frison, qu’il obtient d’ailleurs d’une qualité supérieure.
- Aujourd’hui, le but que doivent se proposer surtout les fila-teurs, c’est de dévider la soie directement sur les bobines propres au tissage, sans la faire passer par.les diverses opérations qu’elle subit dans les procédés en usage.
- Bien des essais ont été tentés pour atteindre ce résultat. De ce nombre nous devons citer l’appareil de M. Meynard, de Valréas, qui fait circuler la soie, avant de l’amener à la tavelle , dans une étuve chauffée à la vapeur, destinée à la sécher parfaitement. Nous craignons que M. Meynard n’ait pas complètement rempli le but qu’il se proposait, la soie devant parcourir dans cette étuve un grand nombre de circuits, et ne pouvant, par conséquent, être menée assez vite pour, produire un travail suffisant sans se casser ni se nouer, et l’étuve fermée ne permettant pas de rattacher facilement les bouts et de voir le travail. La difficulté paraît cependant avoir été complètement levée, et c’est encore à M. Alcan qu’est dû ce progrès. On peut voir dans la vitrine de MM. Maillard et Cie, à la galerie supérieure du Palais de l’Industrie, des soies d’une très-belle qualité, dévidées directement sur bobines. Malheureusement ce procédé, qui n’est pas encore connu, ne peut être donné ici. Mais nous espérons que bientôt le public sera appelé à l’apprécier, et nous ne doutons pas qu’il ne soit accueilli par les industriels comme il mérite de l’être.
- L’Exposition nous offre aussi quelques appareils destinés à la filature de la soie, tels que ceux de M. Michel, dans la partie française, et dans la partie étrangère des machines venant de la Lombardie. Ces machines ont sur les appareils ordinaires l’avantage d’une bonne exécution et de quelques perfectionnements mécaniques, mais ce sont toujours les anciens systèmes de filage, qui ne présentent aujourd’hui qu’un intérêt assez médiocre.
- La corderie n’est représentée que par le métier de la marine impériale, dont nous avons déjà parlé. Quant aux machines de MM. Moiselet, Gautron, etc., c’est toujours le système connu de bobines à axes tournants, où les fils se réunissent sur un axe commun, dont la rotation leur donne la torsion nécessaire, système que l’on peut voir travailler dans la plupart
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- des fabriques de passementerie. Pour l’ourdissage, nous ne rencontrons que quelques machines assez insignifiantes.
- Les machines de M. Deshayes, pour fabriquer, les cordons de montre, les’bourses, les filets, offrent au contraire un intérêt tout spécial. La première, destinée à faire les cordons de montre, exécute le travail mécanique que font les enfants avec un moule; l’autre est une amplification'de celle-ci, qui permet de faire en quelques minutes une bourse parfaitement terminée, avec la fente, la forme et les dimensions ordinaires. Ces deux machines, très-bien construites, fonctionnent avec une régularité et une précision parfaites.
- Depuis quelques années on a cherché à régénérer, les fils provenant des tissus usés. C!est le but du défilochage, industrie qui s’opère chimiquement ou mécaniquement. Le travail chimique est destiné aux étoffes mélangées dans lesquelles entrent une matière animale et une matière végétale, telles que laine et coton, ou, soie et coton, etc., et dont on veut conserver la matière animale, c’est-à-dire la soie ou la laine, qui a toujours une valeur plus grande que le coton ou le lin. Plusieurs moyens ont été proposés pour parvenir à ce résultat; presque tous reviennent-à détruire la matière végétale au moyen de l’acide chlorhydrique , qui n’attaque, pas la matière animale. Ce procédé, dû à M. Leloup, donne, des produits remarquables, que l’on peut voir au Palais de l’Industrie dans la vitrine de MM. Leloup et Izart Cousins. . .
- L’opération mécanique consiste presque toujours en une espèce de louvetage, qui déchire le tissu et le désagrégé. Il y a dans l’exposition française deux ou trois machines de ce genre, qui n’ont rien de particulier. Quel que, soit, du reste, lemodé de fabrication, l’opération une fois terminée, la matière doit être remise en œuvre pour être de- nouveau transformée en fils. ' ’
- On sait à combien d’emplois variés se prête aujourd’hui lé caoutchouc. Il n’y a cependant dans l’Exposition aucune machine destinée à sa mise en œuvre, à l’exception des modèles de M. Couturier, qui représentent huit-machines destinées à l’épurer, à lè triturer, à le diviser en fils, à régénérer les déchets; Ces modèles sont bien exécutés ét'fonctionnent convenablement, malgré .leurs petites dimensions.
- Nous arrivons aux métiers pour le tissage uni et le tissage 206 v
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- façonné. Les métiers à hautes lisses étant complètement absents de l’Exposition, nous n’aurons à nous occuper que des métiers à basses lisses.
- Le tissage mécanique des étoffes unies est, comme nous l’avons dit, d’origine anglaise, et les métiers établis en Angleterre sont généralement meilleurs et plus estimés que les métiers français. Cela tient essentiellement, d’après nous, à leur construction plus solide ; les Anglais ayant à meilleur marché les métaux, et principalement la fonte, qui est l’élément essentiel du bâti d’un métier mécanique, lui donnent plus de poids que nous ne faisons. Aussi l’Angleterre a-t-elle envoyé un grand nombre de ces machines, tandis que, à part ceux de M. Bornèque, dont nous avons parlé, nous n’en rencontrons aucun dans l’exposition française.
- Ceux qui sont exposés par les Anglais'sont extrêmement remarquables, tant par leur stabilité que par l’entente de toutes les pièces. Il y a, entre autres, un métier à tisser la toile à voiles de MM. Ch. Parker et fils, de Dundee, dont tous les éléments sont calculés et exécutés avec une parfaite intelligence et une extrême précision.
- Au contraire du tissage mécanique pour les étoffes unies, le tissage façonné est d’invention toute française. M. Marin nous montre, à l’appui de cette assertion, une série de modèles représentant l’histoire de cette industrie. Lo travail de M. Marin se compose de neuf machines qui font connaître les phases qu’a traversées la partie mécanique du tissage façonné depuis 1606 jusqu’à nos jours. Énonçons en quelques mots cet abrégé historique.
- 1606. Premier métier à la grande tire, monté à Lyon par Claude Dagon.
- 1711. Machine inventée par J. B. Garon , supprimant un tireur de lacs.
- 1725. Invention de Basile Bouchon qui imagine le papier percé, et met ses aiguillettes en communication avec ies cordes du sémple.
- 1728. Falcon coordonne le papier percé, l’aiguillette et le crochet; fixe ce crochet par son extrémité supérieure à la corde du semple, en lui faisant faire fonction de continuité.
- 1746. Vaucanson supprime le semple, la. rame et le cassin qui entraînaient une masse de cordeâ, et un tireur de lacs
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- pour les faire mouvoir, au moyen d’une mécanique placée sur le métier; fait marcher le métier par une pédale au moyen de l’aiguillette, du crochet, de la griffe, d’un cylindre et d’un carton, percés de trous ; fait fonctionner seuls la navette, le battant, les lisses, en employant des cames mues par une manivelle; enroule l’étoffe par un régulateur à vis sans fin.
- 4775. Ponçon invente une petite mécanique armée de ca-vacine et de lamettes qui s’abaissent en enlevant les ligatures, par le mouvement de bascule de J’alléson fixé au plancher.
- 4798. Versier étend la puissance de la mécanique Ponçon , en.employant d’autres moyens plus compliqués.
- 4804. Jacquard, après plusieurs essais infructueux, remplace, dans le métier Yaucanson, le cylindre par un prisme percé de trous, le carton cylindrique par un carton sans fin ; modifie les éléments principaux du métier, et imagine la célèbre machine à laquelle il a donné son nom.
- 4854. M. Michel améliore le métier Jacquard en l’armant d’un crochet à double tranche, qui,, par son élasticité,.favorise le dégriffement des crochets de leurs lamettes, sans produire ni bruit ni frottement.
- 4854. M. Bonelli invente le métier électrique. Le modèle exposé est du système de M. Pascal.
- Nous avons laissé parler l’exposant, nous n’entreprendrons pas de le réfuter ; nous dirons seulement qu’il est fâcheux que le travail si intéressant de M. Marin n’ait pas été exécuté, au point de vue matériel, avec tout le soin désirable.
- La tendance la plus générale en ce moment est de remplacer, dans le tissage façonné, les cartons du métier Jacquard par du papier continu, ce qui produit une économie notable. Une des grandes difficultés à vaincre pour mettre ce système en pratique, réside dans l’extensibilité du papier en-contact avec l’air humide, cause incessante d’erreurs, les trous du papier pouvant ne plus se trouver en correspondance avec ceux de l’étui à crochets. Cette difficulté paraît avoir à .peu.près disparu, et l’usage des métiers de cette nature chez- quelques-uns de nos principaux .fabricants de, châles, nous fait espérer que ce perfectionnement est aujourd’hui un fait acquis.
- U y a dansTExpositio.n plusieurs machines qui, résolvent
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- ce problème. Ce sont principalement les machines de MM. Acklin, Bertrand Espouy, et Junot et Blanchet.
- Le système de M. Acklin est depuis assez longtemps déjà appliqué chez M. Deneyrousse, et c’est en l’employant qu’il fait ces beaux châles spoulinés que l’on peut admirer au Palais de l’Industrie. Dans ce métier, les crochets sont manœu-vrés au moyen d’aiguilles placées au-dessus d’un cylindre percé de petits trous sur lequel roule le papier continu percé de trous correspondants. La réduction des trous est telle que le carton ordinaire du métier Jacquard est remplacé par une bande de papier dix à quinze fois plus petite, ce qui augmente encore l’économie que procure la substitution du papier.
- La machine deM. Blanchet opère à peu près de la même manière, seulement le cviindre remplaçant le prisme du méfier ordinaire est en cuivre et percé de trous beaucoup plus grands que ceux de M. Acklin, ce qui nécessite l’emploi d’aiguilles plus fortes. Le papier employé par M. Blanchet est ce papier d’emballage connu sous le nom de papier goudron. La machine possède en outre un système de rouleaux sur lesquels vient circuler le papier de manière à lui donner à tout instant une tension égale. Ce métier fonctionne dans de bonnes conditions.
- Le système employé par M. Bertrand est très-différent des deux précédents. Le prisme percé de trous de Jacquard est aussi remplacé par un cylindre en bois dont les trous convergent vers le centre ; mais là des aiguilles viennent, comme dans les métiers ordinaires, butter latéralement contre ce cylindre recouvert de papier percé. La boîte élastique est en outre remplacée par une simple planchette qui, à chaque coup de trame, vient frapper contre les extrémités des crochets et détermine leur entrée ou leur non-entrée contre le cylindre. Cette machine a donc l’avantage sur les deux autres de ne rien changer au montage ordinaire que le prisme percé, et, à ce titre, nous pensons que si, comme l’affirme M. Frédéric Hébert fils, chez lequel elle fonctionne, elle donne d’aussi bons résultats, nous devons la considérer comme la plus avantageuse.
- Ces différents systèmes reviennent à peu près, comme il est facile de. s’en convaincre, à la machine de Vaucanson ,
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- dans laquelle le carton entourant le cylindre, et qu’il fallait enlever et renouveler à chaque instant, est remplacé par un papier continu qu’il n’est pas nécessaire de renouveler. Ainsi l’invention de Jacquard fut un perfectionnement de celle de Vaucanson, perfectionnement qui consiste à rendre le travail plus continu, et les inventeurs actuels ont cherché à réunir et à confondre les deux systèmes, afin de faire jaillir du contact de ces deux grands génies une étincelle plus brillante.
- D’autres constructeurs, comme M. Nicolle et M. Lacroix, ont cherché un autre perfectionnement qui consiste à équilibrer les plombs que l’on est obligé de lever pour faire l’ouverture de la chaîne à chaque coup de navette.
- Dans la machine de M. Nicolle, il y a une double griffe et doubles crochets. L’agencement est tel qùe, lorsque d’un côté on lève un certain nombre de crochets, le même mouvement fait baisser de l’autre un nombre de crochets égal au premier. De cette manière le travail de l’ouvrier est considérablement allégé, surtout pour un tissu à deux ou trois couleurs seulement , où le nombre de fils à lever par duite est très-considérable.
- M. Lacroix place la machine Jacquard sur un levier mobile qui lui permet de faire l’ouverture des fils en dessus et en dessous, moitié par moitié. La partie des fils qui descend fait équilibre à la partie qui monte , de manière que l’ouverture s’opère pour ainsi dire d’elle-même. Cette machine qui fonctionne mécaniquement présente encore un autre caractère nouveau et important. Les plombs sont remplacés par dos fils de caoutchouc. On obtient par là une économie notable, une plus grande facilité de montage et la tension se règle plus aisément. En outre on supprime le plomb dont les émanations, dues au frottement, sont éminemment nuisibles à la santé des ouvriers.
- La plupart des constructeurs de métiers à mailles ont envoyé.leurs produits à l’Exposition. MM. Motte et Berthelot en présentent l’un et l’autre une série assez nombreuse destinée au travail des bas, des chaussettes, jupons, etc. Ces métiers ont reçu quelques perfectionnements de détail dont il est difficile de nous occuper ici.
- M. Rousselot expose aussi un métier circulaire établi d’après son systèfne qui diffère des autres par la construction de
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- ses roues de cueillement et la manière de les placer sur le métier. Son petit modèle commandé par le Conservatoire des arts et métiers est construit à grosse jauge et d’tm diamètre convenable pour fabriquer les chaussettes en laine drapée, dites sans coutures.
- M. Poivret présente un métier circulaire à faire les cache-nez, où se trouve l’application d’une idée toute nouvelle. C’est un métier circulaire, dit métier à broches , dans lequel deux fils sont enroulés sur des aiguilles à crochet, et où tin autre crochet vient à chaque tour du plateau enlever l’un des fils et le placer au-dessus de l’autre. Ce métier produit par jour dix à quinze douzaines de cache-nez ; il est établi avec goût et précision.
- Le travail du tulle est représenté par le métier exposé par la société des tullistes de Saint-Pierre-lès-Calais, métier qui est certainement une des pièces les plus remarquables de l’Exposition, tant par l’heureuse combinaison des éléments que par l’exécution parfaite de la machine. C’est un métier à tulle bobin perfectionné, avec application du système Jacquard. Cette machine mise en mouvement par un petit moteur à vapeur ad hoc, fait mécaniquement les tulles façonnés sur une largeur de 5m,50.
- Nous trouvons également dans l’exposition française trois métiers à filets dont deux, celui de M. Zambeauxpour la fabrication des filets de luxe et celui de MM. Réponty et Ciepour les filets de pêche, sont construits d’après le système Pec-queur, tandis que celui de M. Ratte en diffère en ce que le métier Pecqueur fait le filet en long, tandis que celui de M. Ratte le fait en travers. Ce métier est, comme celui de M. Zambeaux, parfaitement exécuté.
- Quant aux métiers à broder, nous en rencontrons un dans la galerie anglaise qui n’est autre que celui deHeilmann légèrement perfectionné. Cette machine a l’inconvénient d’exiger une certaine somme de travail à la main ; celle de M. Barbe Schmitz, au contraire, placée à l’entrée de la partie française, travaille d’une manière tout automatique. Il est fâcheux que le cadre de cet ouvrage ne nous permette pas d’en indiquer les détails qui en font, malgré la barbarie de l’exécution, une de nos machines les plus intéressantes.
- ’ Il est presque superflu de dire que les machines à coudre
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- sont en très-grand nombre dans les galeries française, anglaise et américaine. L’invention de toutes ces machines est originaire d’Amérique. Trois systèmes sont en présence : le point de chaînette, le point indécousable et le troisième formant une espèce de tissu. Nous remarquons principalement dans l’exposition française la machine de MM. Journeaux et Leblond, dite translucide, et dans la partie américaine tontes .les machines placées à l’extrémité de la galerie du quai, devant lesquelles le public est constamment attiré, et qui mon-trentréunies les différentes méthodes employées. Le perfectionnement et l’application usuelle de ces machines touchent, du reste, à une question du plus haut intérêt, car elles sont des-'tinées à améliorer la position véritablement pénible des ouvriers employés aux travaux de couture , travaux extrêmement fatigants, tout en diminuant sensiblement les prix de main-d’œuvre et en faisant des coutures pour ainsi dire, indestructibles.
- Parmi les machines à apprêter, la partie qui se trouve Je plus largement représentée est celle qui concerne les apprêts du drap. Le drap subit en effet, après le tissage, des apprêts nombreux et indispensables à sa qualité ; ce sont principalement le foulage, le lainage et le tondage.
- Le foulage a pour but de développer la propriété feutrante des laines cardées, exclusivement employées dans le tissage du drap, et.le résultat d’un bon travail est une retraite régulière •et déterminée de l’étoffe dans tous les sens de sa surface et une augmentation d’épaisseur proportionnelle, sans diminution de l’élasticité naturelle. On ne peut obtenir ces. condi-.tions que par le rapprochement des fils, qui doivent être resserrés de telle façon'que les espaces laissés par les dents du peigne, lors du tissage, disparaissent complètement.,Pendant longtemps le foulage s’est fait par des machines composées essentiellement d’auges dans lesquelles était .placé le drap qui était foulé par des pilons mus au moyen de cames. Ce système, vicieux à plusieurs points de vue, a été. remplacé par celui des machines opérant, le foulage par la pression de cylindres rotatifs dont nous avons plusieurs spécimens. Les fouleusesdeM. Malteau et celle de M. Legros sont des fouleuses ordinaires, de cette nature, avec pression sur les cylindres par des poids et des leviers. Ce système de pressions l’in-
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- convénient d’être difficile à régler. Le foulage , trop précipité au commencement de l’opération, devient trop lent à la fin.
- M. Desplas a remplacé les poids et leviers par des ressorts métalliques dont l’élasticité règle la pression qui augmente d’intensité à mesure que le tissu augmente d’épaisseur, et rend la régularité du travail indépendante du plus ou moins d’intelligence de l’ouvrier. Cette machine permet d’opérer sur les draps les plus légers et les plus forts.
- MM. Houget et Teston, de Verviers, cessionnaires du brevet de M. Desplas, pour la Belgique, ont exposé une fouleuse du même système, à laquelle ils ont ajouté quelques perfectionnements. Le cylindre supérieur, en cuivre, au lieu d’être eil bois, est cannelé, ce qui remplace en partie le battage des anciens foulons. Il y a de plus, en avant, deux cylindres cannelés verticaux, destinés à opérer le déplissage. Le drap, placé dans un double fond, n’est amené qu’au fur et à mesure de l’avancement de l’opération. Cette machine est bien construite et dans de bonnes conditions de travail.
- En parlant des fouleuses, nous ne pouvons résister au désir de dire quelques mots des ingénieuses machines de M. Laville, pour la fabrication des chapeaux de feutre. La première est destinée à' condenser le poil et à donner à la matière une forme conique. Le poil est amené par une toile sans fin à une brosse tournant à très-grande vitesse, qui se projette par l’orifice d’une trémie sur un cône percé de trous, tournant très-doucement, dans l’intérieur duquel un aspirateur produit un vide imparfait. Le poil s’attache aux parois du cône et forme une espèce de tissu que l’on plonge dans l’eau bouillante, pour lui donner de l’adhérence, puis le feutre est porté à la machine à fouler; on s’arrange de manière à placer entre les rouleaux des épaisseurs à peu près égales, ce que l’on fait en mettant les formes l’une sur l’autre en sens contraire, la partie supérieure étant toujours beaucoup plus mince que la partie inférieure. La machine à feutrer se compose de deux rangées de cylindres en feutre serré, disposés en quinconce l’une sur l’autre, et entre lesquels s’engage l’étoffe. Ces cylindres sont animés d’un mouvement très-lent de rotation et d’un mouvement de translation, qui opèrent ce feutrage. Les cylindres inférieurs trempent dans un bassin plein d’eau
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- chaude, et une boîte supérieure, munie de plusieurs robinets, permet aussi de verser de l’eau chaude sur le tissu, condition indispensable au feutrage. Le tissu se rétrécit de plus en plus, en passant plusieurs fois dans cette machine, et arrive à l’état convenable pour être mis sur forme; opération qui se fait à la main: M. Laville a fait en outre quelques améliorations à cette machine, et s’occupe encore de la perfectionner, de manière à en faire un appareil pouvant répondre aux besoins de l’industrie drapière.
- Le lainage a pour but de démêler les poils que développe le foulage à la surface du tissu, et que l’action persistante et prolongée des foulons froisse et mêle dans tous les sens. Lorsque l’étoffe est lainée, c’est-à-dire lorsque les filaments sont rangés, et pour ainsi dire peignés, aussi parallèlement que possible, à la surface du tissu, l’étoffe est dite tirée à poils.
- Nous trouvons dans l’exposition française quelques machines à lainer, et entre autres, celle deM. Beck-Deparrois, dont la construction est véritablement remarquable.
- La partie travaillante des. machines -à lainer est un cylindre garni de chardons. Bien des tentavives ont été faites pour remplacer les chardons naturels par des éléments mécaniques. Ces tentatives étaient restées jusqu’à présent sans résultat. M. Nos-d’Argence paraît avoir résolu le problème. Ses brosses , exposées à côté 'de la machine de M. Béck-Deparrois,
- • sont composées d’un tissu de caoütchouc vulcanisé, garni de pointes en laiton, par conséquent moins oxydables, dont l’extrémité offre la parfaite imitation du crochet du chardon naturel.
- Des attestations d’industriels, et plusieurs récompenses décernées à M. Nos-d’Argence, nous permettent de penser •que ces chardons'métalliques, donnent un bon résultat, et dans ce cas j son invention a une.véritable portée.
- Dans la partie étrangère, nous remarquons une laineuse de M. Gessner, d’Aue (Saxe), dans laquelle le système de tension de l’étoffe est obtenu à l’aide de deux séries de petits cylindres à axes’inclinés, et tournés en sens contraire. La tension est parfaitement régulière, et peut être variée suivant les besoins. La machine laine en six endroits ‘ différents, et peut ainsi faire beaucoup plus d’ouvrage que les machines ordinaires'. L’exécution est remarquable. ' "> :
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- Les étoffes communes seules, telles que les couvertures , les castorines, restent tirées à poils. Les tissus fins, comme les draps, subissent au contraire, après le lainage, l’opération du tondage, dont le but est de couper et égaliser les fibres qui ont été amenées à la surface par le précédent apprêt, afin de faire présenter au tissu un duvet égal et d’une longueur à peine sensible.
- Ce travail se faisait autrefois à la main, au moyen de longs ciseaux, appelés forces, dont la manoeuvre, extrêmement difficile et pénible, exigeait des ouvriers très-robustes et habiles. La mécanique est venue remédier à cet état de choses , et les anciennes forces sont universellement remplacées par des tondeuses mécaniques , dont l’élément principal est un cylindre garni de lames hélicoïdales, tournant à grande vitesse sur le tissu, dont on peut le rapprocher plus ou moins, suivant le genre de drap à tondre et la période du travail. L’étoffe doit être, en outre, parfaitement tendue, pour éviter les accidents que pourraient causer un pli ou l’interposition d’un objet étranger. •
- La première tondeuse mécanique fut la tondeuse transversale, inventée par Collier, dans laquelle le cylindre porte-lames chemine sur le drap. MM. Houget et Teston ont exposé une machine de cette nature, qui vient compléter leur exposition , déjà si remarquable.
- M. Thomas, de Berlin, présente également une tondeuse transversale, bien exécutée, dans laquelle on trouve quelques perfectionnements de détail, pour régler la tension du tissu et la distance entre la table et le couteau.
- Ce système a un grand inconvénient ; le travail est intermittent, et il y a une perte da temps notable. Aussi, Collier lui-même chercha à l’améliorer et parvint à rendre l’opération continue, en rendant fixe tout l’appareil tondeur, et faisant passer le drap sur la table, entre les lames tranchantes.
- La tondeuse, ainsi construite, est la tondeuse longitudinale, qui, perfectionnée depuis, a presque totalement remplacé la précédente.
- Plusieurs de ces machines sont exposées. Nous citerons dans la partie française celle de MM. Schneider et Legrand, et dans la partie étrangère, celle de M. Troupin de Yerviers,
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- et de M. Verken, d’Aix-la-Chapelle, dont nous avons déjà mentionné l’assortiment de cardes à laine.
- Nous terminerons ici la revue des machines de filature et de tissage, regrettant que le cadre de cet ouvrage ne nous ait pas permis de nous étendre sur cette partie dont l’intérêt est incontestable, et nous ait forcé d’abréger considérablement bien des détails qu’il eût été désirable de donner.
- CLASSE VIII.
- Arts de précision. — Industries se rattachant aux sciences et à l’enseignement. — Poids et mesures. — Appareils divers de mesurage et de calcul.
- Bien que les poids et mesures soient peu nombreux, ils offrent cependant un intérêt particulier dans la collection appartenant au Conservatoire impérial des arts et métiers. On y trouve des mètres et des kilogrammes rigoureusement conformes aux prototypes déposés aux archives de l’État. Cette conformité a été obtenue au moyen de méthodes et d’appareils dus à M. Silbermann, et qui permettent d’apprécier directement, dans le vide, des fractions de deux à trois centièmes de milligrammes. Les kilogrammes ont une densité uniforme de 8 , ce qui donne 125 centimètres cubes pour le volume du kilogramme. Nous signalerons un comparateur-balance de-M. Silbermann, exécuté par M. Bianchi, pour obtenir le rapport exact entre deux mesures , soit par exemple entre le mètre et un pied étranger. Nous allons essayer d’en donner une idée. Les deux mesures sont placées sur le fléau d’une balance spéciale très-délicate, de manière à se toucher sur l'arête du couteau central; puis les couteaux des deux plateaux sont amenés à coïncider exactement avec l’autre extrémité de chaque mesure. On établit d’abord l’équilibre au moyen de poids quelconques ; puis on place un kilogramme dans le plateau qui appartientà la mesure étrangère, et on rétablit l’équilibre par le poids nécessaire dans l’autre plateau. Ce dernier poids, exprimé en fractions de. kilo-
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- gramme, donne la longueur exacte de la mesure comparée au mètre, puisque, dans ce cas, les poids sont en raison inverse de la longueur des bras de levier, et que ceux-ci ont exactement la longueur des mesures à comparer.
- Une partie des pièces qui composent la collection du Conservatoire figurent également dans les expositions de M. Bian-chi et de MM. Fabre et Kunemann.
- M. Richer expose un mètre divisé, sur lequel trois verniers s’accordent à un deux-centième avec la division.
- On trouve chez M. Deleuil des balances et des poids et mesures très-bien exécutés.
- Un vif intérêt s’attache à la grande machine arithmétique de M. Thomas, qui donne des produits de trente chiffres. C’est du luxe, même pour les calculs astronomiques les plus élevés , qui n’auront probablement jamais besoin d’une aussi minutieuse approximation. Ajoutons que des appareils beaucoup plus modestes dans leurs prétentions permettent de satisfaire aux exigences ordinaires.
- N’oublions pas de signaler à l’attention des visiteurs les machines à calculer de MM. Maurel et Jayet, qui sont placées dans l’Annexe.
- Nous signalerons les règles logarithmiques de M. Gravet qui, pouvant se replier sur elles-mêmes, donnent des nombres beaucoup plus élevés que les règles ordinaires. Nous félicitons M. Gravet de son heureuse idée. Les sept chiffres qu’on peut lire sur sa règle dispenseront de recourir aux grandes tables logarithmiques.
- M. Ribou, du Conservatoire, expose une machine très-ingénieuse pour diviser les mesures courantes sur des plans divers.
- La balance monétaire si ingénieuse de M. le baron Séguier figure parmi les produits de M. Deleuil. Les pièces jetées dans une trémie sont pesées et divisées par l’appareil même en trois lots distincts. Cinq balances y reçoivent cinq pièces à la fois. Le soulèvement de chacune d’elles laisse l’aiguille verticale si la pièce est droite de poids, ou la fait pencher d’un côté ou de l’autre si cette pièce est supérieure ou inférieur à la tolérance légale. Dans chacune de ces trois positions, l’aiguille rencontre un obstacle distinct qu’elle met en mouvement, et qui découvre une ouverture spéciale dans laquelle
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- la' pièce tombe, d’où résulte la répartition indiquée plus haut.
- Nous n’avons que des éloges à donner aux balances en tout genre qu’exposent la maison Schwilgué et la maison Béranger. *
- Nous signalerons , dans la partie anglaise , le yard-étalon du Rev. Sheepshanks, dont la suspension sur huit- rouleaux s’équilibrant deux à deux est remarquable par la liberté qu’elle laisse à la dilatation de la mesure.
- Nous ; indiquerons, à côté, les balancés de M. Oertling, donnant les quinzièmes de milligrammes au moyen d’un poids curseur sur le fléau. ' *
- M. Steinheil de Munich a exposé un mètre, un kilogramme et un autre kilogramme subdivisé en treize parties. Le mètre est en glace, et les deux kilogrammes, sont en quartz, moins altérable que les métaux. Ils ont été étalonés, il y a quinze ans, sur les prototypes français. M. Arago a constaté leur exactitude à trois centièmes de millimètres près pour le mètre, et à trois centièmes de milligrammes pour les poids.
- - M. Litmana, de Stockolm, a exposé une très-bonne balance de précision, à poids curseur pour les plus petites divisions.
- - Les États-Unis sont représentés dans cette section parles
- poids et mesuresque, par l’entremise de M. Yattemare, ils ont donnés au gouvernement français. Ces pièces ne sont pas le moindre ornement des collections du Conservatoire. Elles consistent en étalons du.yard, de la livre, avoir du poids, de ses multiples et de ses diviseurs, de la livre troy, du gallon, dubuschel et de leurs subdiviseurs; enfin, en deux balances de précision accusant le demi-milligramme, l'une pour un kilogramme , l’autre pour dix kilogrammes dans chaque plateau. " : < : >
- Ces magnifiques pièces ont été exécutées par M. Saxton,’ chef des ateliers du bureau des poids et mesures de l’Union, et vérifiées par le docteur Bâche, intendant général des poids et mesures.j ' >> . ‘ •• • > •
- En échange de ce cadeau, la France, a envoyé aux.États-Unis une.collection , complète de son système métrique, qui paraît devoir prochainement être adopté par CUnion américaine...- :> : * - . m-T . > ..
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- Non loin de là se trouvent des mesures de longueur métriques et autres en caoutchouc seulement, exécutées à Saint' Denis par M. Mallet.
- Horlogerie.
- Jusqu’au x® siècle, la mesure du temps n’eut pour organe que les gnomons ou cadrans solaires, les clepsydres à eau et les sabliers.
- Gerbert, né en Auvergne, et qui fut pape sous le nom de Sylvestre II, serait, si l’on en croit la tradition, l’inventeur des horloges à poids, comportant l’échappement encore appliqué dans les montres communes, sous le nom d’échappement à palettes ou à roue de rencontre. Ce qui est plus certain, c’est que les premières horloges connues ont paru en Europe quelque temps après sa mort, arrivée l’an 1003.
- La première mention d’une horloge à sonnerie a été faite par dom Calmet vers 4120, mais il n’en cite pas l’auteur.
- Vers 4 370, Charles Y, dit le Sage, fit venir, d’Allemagne à Paris, Henri de Vie, pour y construire la première horloge publique qui fut placée dans la tour du palais, encore connue sous le nom de Tour de l’Horloge.
- Mais, avant de pousser plus loin cette courte revue chronologique, définissons en quelques mots les conditions générales au moyen desquelles on arrive à la mesure du temps.
- Une horloge, une pendule, une montre se composent, en principe, d’une force motrice, poids ou ressort, agissant sur une série de mobiles, roues et pignons, dont le dernier, si aucun obstacle ne s’y opposait, prendrait un mouvement de rotation d’autant plus rapide que le nombre de ces mobiles serait plus grand.
- C’est en mettant un obstacle périodique au mouvement du dernier mobile qu’on parvient à atteindre le but final qu’on se propose, la mesure du temps.
- Qu’on suppose, en effet, une aiguille fixée sur l’extrémité d’un certain nombre des axes qui portent les roues et les pignons ; elles pourront indiquer, sur un cadran divisé, la vitesse relative de chacun d’eux, de manière à marquer, par exem-pie, les secondes pour l’axe qui ferait un tour en une minute, les minutes pour celui dont la révolution se fait en une heure,
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- et enfin les heures pour l’axe dont la période est de douze heures.
- Jusqu’au milieu du xvir siècle, l’obstacle au mouvement continu du rouage, et auquel on a donné le nom d’échappe~ ment, a eu pour régulateur, très-peu exact, de la périodicité, le balancier circulaire qui est resté, grâce aux perfectionnements postérieurs, celui»des pièces portatives.
- En 1583, Galilée, se trouvant dans la cathédrale de Pise, fut frappé de la régularité des oscillations d’un lustre suspendu à la voûte. Il en conclut la possibilité d’obtenir, d’un poids suspendu à un fil, des conditions de précision jusqu’alors inconnues dans la mesure du temps.
- L’expérience lui apprit que plus la longueur du fil était grande, plus les oscillations du pendule étaient lentes, et réciproquement.
- Il ne tarda pas à constater que la durée des oscillations d'un pendule est comme la racine carrée.de sa longueur, ou en d’autres termes que les longueurs des pendules sont comme les carrés du temps de leurs oscillations. Plus tard il constata que, pour un même pendule, les grandes oscillations ont plus de durée que. les petites.
- Sous cette forme si simple, le pendule devint, entre les mains de Galilée, un instrument précieux pour les observations astronomiques..
- En .1641, devenu aveugle et confiné, par suite de sa condamnation, dans la villa d’Arcetri, près de Florence, il expliqua à son fils Vincenzio, et à Viviani, l'un de ses disciples» les conditions au moyen desquelles il avait imaginé d’appliquer le pendule aux horloges, et mourut quelques mois après, c’est-à-dire le 8 janvier.1642.
- Ce ne fut toutefois que dans le mois d’avril 1649 que Vincenzio Galilée entreprit l’exécution matérielle de l’invention de son père. Sa mort, arrivée le 16 mai suivant, empêcha l’achèvement complet de l’horloge, à laquelle il ne manqua toutefois que les dispositions .particulières au mouvement et à l’ajustement des aiguilles.
- Ces détails se trouvent, consignés dans une lettre de Viviani au cardinal Léopold de Médicis, sous la date du 20 août 1659. On y trouve la description des conditions réalisées;,mais cette description était alors accompagnée de dessins qui en faeili-
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- taient l’intelligence, et qui n’ont pas été retrouvés avec lo texte de la lettre, publié en 4821.
- En étudiant ce texte, en en discutant les expressions, M. Bo-quillon est parvenu à rétablir l’œuvre de Y. Galilée, qui figure aujourd’hui à l’Exposition parmi les beaux produits de M. J. Wagner neveu, auquel l'exécution en a été confiée. Cette pièce est destinée au Conservatoire impérial des arts et métiers.
- En 4658, Huyghens publia à la Haye un opuscule dans lequel il décrit les conditions imaginées par lui de cette même application.
- En 4666, l’Académie del Cimento publia ses Saggi. Elle y annonce qu’elle s’est servie, dans ses expériences, d’une horloge à pendule dont Galilée avait eu.la première idée, réalisée plus tard par. son fils.
- Huyghens réclama contre cette assertion, et c’est à l’occasion de sa réclamation que paraît avoir été écrite la lettre de Yiviani. •
- - Nous avons dit que le balancier circulaire était resté le régulateur des pièces, portatives. Jusqu’à l’époque où nous sommes arrivés, ce régulateur méritait à peine ce nom qu’il justifia beaucoup mieux lorsqu’on lui eut appliqué la-résistance d’un petit ressort spiral qui, bandé par le 'mouvement du balancier dans une direction, réagit pour le ramener dans la direction contraire. C’est vers 4674 qu’on fit cette application, également réclamée par Huyghens, mais que lui contestèrent Hooke en Angleterre; et en France l’abbé Haute-feuille. ' . . :
- Mais un pendule, un balancier circulaire se dilatent par' la chaleur, se contractent par le.froid, et la persistance indéfinie de leurs dimensions est d’une nécessité absolue si Ton veut obtenir, dans la marche de la pièce, toute la précision désirable.
- Vers 4726, Graham est parvenu le premier à obtenir cètte compensation pour le pendule en le terminant inférieurement par un tubede verre contenant dumercure qui, s’élevant dans le tube, lorsque le pendule s’allonge, et réciproquement, maintient, à la même distance du point de suspension, le centre de gravité du pendule, ou plutôt ce qu’on est convenu d’appeler le centre d’oscillation placé un peu plus haut. Peu
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- après Harrison obtint le même résultat par la combinaison de tiges de métaux dont la dilatation est différente. Cette heureuse application a eu lieu vers le milieu'.du siècle dernier. Mais c’est à Pierre Leroi, horloger français de la même époque, qu’on doit la première compensation du balancier circulaire.
- Galilée avait reconnu que, dans un même pendule, les oscillations n’avaient pas la même durée dans les grands et petits arcs, ces derniers étant parcourus plus rapidement.. Huyghens y remédia en obligeant le centre de gravité du pendule à parcourir un arc de cvcloïde.
- Mais, vers la fin du xvne siècle, l’invention de l’échappement dit à ancre, par Hooke, permettant de ne faire parcourir au pendule que de très-petits arcs circulaires, on put en obtenir un isochronisme beaucoup plus exact. C’està, Ferdinand Berthoud (1768) qu’on doit la découverte de If^'è’&hronisme du balancier circulaire pour les grandes et petites oscillations.
- Un pendule ou un balancier circulaire ne peut conserver indéfiniment, de lui-même, le mouvement qu’on lui a une fois imprimé. Le frottement de ses points de suspension, la résistance de l’air sont des causes qui diminuent, à chaque oscillation, la quantité de son mouvement , et qui finiraient par l’arrêter, si chaque perte n’était pas réparée par une restitution équivalente de mouvement.
- Cette restitution s’opère par l’échappement, mécanisme intermédiaire entre le dernier mobile et le pendule ou le balancier. De sorte que si, d’un côté, ce dernier règle, par ses oscillations isochrones, la périodicité du mouvement du rouage, celui-ci lui restitue, à son tour, sous l’action de la force motrice, le mouvement qu’il perd à chaque oscillation.
- Mais cette restitution, pour une pièce bien réglée, doit être rigoureusement la même à chaque instant, sous peine de faire varier l’horloge.
- Les inégalités de la force motrice , lorsqu’elle arrive au dernier mobile, et qui sont produites par des causes aussi nombreuses que variées , sont l’obstacle principal et presque unique qui s’oppose à l’isochronisme des oscillations, puisque la grandeur de l’arc parcouru est nécessairement en raison de l’impulsion que cette force donne au pendule ou au balàn-
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- Dans toutes‘ les pièces d’horlogerie, la cause la plus’ ordinaire'de’ces variations réside dans celles de la fluidité dès huiles, qui se modifie avec la température et diminue avec le1 temps:
- Dans-les pendules ou horloges à poids, la rigidité des cordes,:’ variable'avec l’état hygrométrique de l’air, produit encore des variations correspondantes ’ dans l’action de la force motrice.
- Mais c’est surtout dans les pièces à ressort que ces' variations sont plus grandes par suite des inégalités souvent consi- ‘ dérables que présente ce genre de'moteur.
- Le remontoir d’égalitédont les premiers essais remontent1' au commencement dii’xvïie siècle, a pour but d’y remédier.' Il consiste ; en principe, dans un organe remonté périodicpie-mentparlaforce motrice, et qui agit seul sur les derniers mobiles dé l’horloge:
- Telles sont les conditions générales que comportent le plus ordinairement les pièces d’horlogerie dites de précision. Toutes sont1 susceptibles de réalisations très-diverses, et: leur énonciation préalable nous a paru nécessaire pour donnerplus’de" clarté aux indications'trop concises auxquellesnous-restreint”’ forcément l’espace accordé, dans notre revue," à’cette portion"" iniportante de l’Exposition universelle.
- C’est dans le même but que" nous plàcerons'”d’abordynos" leeteurs"devant ‘les- produits de l’horlogerie monumentale , parce que'les'dimensions des organes permettent d’en saisir" etâ'dlen'apprécier ’lé fonctionnement" sans le ' secours'dé^ia ' loüpe,* et’que cettë étude préliminairé'leur facilitera beaucoup l’intelligence des‘pièces'dont la petitesse; et" presque" toujours" l’enveloppe ne leur •permettra’pas "de voirie1 mé-' ' canismêv intérieur.
- Lé plus-4éminent"’ des représentants dé cettéJ catégorie'à 1 l’Exposition est sans contredit M. J. Wagner nevetq’qüi, apres ’ avoir longtemps dirigé les ateliers de son oncle, a fondé sa maison en 1836, et n’a pas laissé passer une seule exposition’ sans y apporter 'de' nouvelles conditions aussi'remarquables ’ par leur'utilité pratique qu’ingénieuses dans'leurs dispositions:" ' ' ,
- IL nous* servira donc-souvent de point de départ dans'notre11' appréciation trop rapide des progrès contemporains.
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- Compensations.
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- La compensation de M. J. Wagner est d’une simplicité remarquable. Une barre; de, zinc, ou mieux, de c.uivre rouge, plus homogène que le zinc du commerce, est placée horizontalement au haut de la cage de l’horloge, et vient buter contre le talon d’un petit levier coudé en équerre, dont le bras horizontal porte la, tige du pendule. Ce talon est mobile au moyen d’une vis de rappel pour régler sa position relativement à la longueur du pendule et à celle de la barre de cuivre, ainsi qu’à la dilatabilité de la tige du pend.ule. Lorsque1 la barre de cuivre s’allonge par la chaleur, elle pousse le talon du levier dont le bras horizontal se relève, et avec lui le pendule dont les ressorts de suspension glissent dans la fente du pince-lame, à partir de laquelle se mesure la longueur réelle du pendule. , ,
- Une disposition analogue a été postérieurement imaginée par M. Brocot père pour 'les pièces de cheminées. D’autres artistes français, notamment M. Paul Garnier, ont-modifié d’anciennes dispositions de la compensation,dite à- gril, en faisant agir les tiges les plus dilatables sur deux leviers, .dont l’extrémité porte une boule métallique relevée quand la tige s’allonge, abaissée quand elle se raccourcit, ce qui maintient, à la même distance du point de suspension, le centre d’oscillation de tout le système. ,, . .. ; , . . . , , ... . ;
- Les horlogers anglais ont .généralement conservé,, pour le pendule, la, compensation à mercure de .Graham. • Nous ayons, toutefois, rencontré une exception chez M. Th* Çole, de. Londres.’ Sa compensation consiste en deux plaques superposées, formées chacune de deux métaux, différemment dilatables. Les moins dilatables sont en. regard, et le tout est placé'entre un écrou et la .sphère métallique qui sert de lentille. Une élévation, de température produit la convexité des deux plaques, et par'conséquent le soulèvement de la sphère. Nous savons qu’une disposition du même genre;-a, été très-antérieurement' 'appliquée' par M.'Duché min,, dont le successeur, M. Redier, expose deux beaux régulateurs à gril dont-deux tiges sont en; aluminium. La très-grande légèreté de ;ce' nouveau métal présente cet avantage de donner à un pendule *
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- compensé des conditions plus voisines de celles du pendule théorique, en rapprochant le centre de gravité du système de ce qu’on nomme en horlogerie le centre d’oscillation.
- Nous regrettons que, dans l’exécution de l’horloge du Palais de l’Industrie, M. Collin ait fait précisément le contraire, en surchargeant le haut de son pendule de masses métalliques qui éloignent notablement ces deux points l’un de l’autre.
- Nous signalerons surtout, en regrettant de ne pouvoir les décrire , les dispositions imaginées par MM. Ch. Frodsham, de Londres, et qui permettent de diminuer ou d’augmenter les effets de la compensation pour accommoder ses chronomètres nautiques aux variations extrêmes de température qu’ils peuvent avoir à supporter.
- Échappements.
- Plusieurs volumes seraient nécessaires pour décrire, même succinctement, les nombreuses variétés d’échappements qui figurent à l’Exposition, Nous nous bornerons à signaler les plus remarquables.
- Disons d’abord qu’on peut les grouper en quatre classes très-distinctes : Les échappements dits à repos, parce que, pendant une certaine portion de l’oscillation, le rouage est complètement arrêté; l’échappement dit à recul,.parce que le rouage marche dans une direction, au moment où il donne l’impulsion au pendule, et dans la direction contraire pendant le reste de l’oscillation ; l’échappement dit libre, parce que, l’impulsion donnée, le pendule ou le balancier est tout à fait indépendant du rouage. Enfin ce dernier échappement est dit à force constante lorsque le pendule ou le balancier reçoit effectivement toujours la même impulsion , et que, comme, dans les autres échappements, il n’est pas obligé de dégager le rouage, de le mettre en liberté, fonction qu’exerce alors un organe particulier. Chacune de ces classes peut encore se subdiviser en. échappements à chevilles, à ancres, à cylindres, à palettes, etc., etc. \ •
- Des indications qui précèdent, il résulte évidemment que le meilleur échappement est l’échappement à force constante. Mais l’extrême délicatesse dés organes qui le composent en élève considérablement le prix.
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- Le premier échappement de ce genre qui mérite véritablement le nom que son auteur lui a donné, est d’Abraham Bréguet, dont le petit-fils soutient dignement la haute réputation, non-seulement pour l’exécution irréprochable des pièces qui sortent de ses ateliers, et d’heureuses innovations dans l’horlogerie de précision, mais encore par les progrès sérieux que la télégraphie électrique doit à son intelligente initiative.
- Plus tard M. Paul Garnier atteignit le même résultat en appliquant des conditions de principe à peu près identiques, dans une belle pièce qui figure parmi celles qui composent le trophée de l’horlogerie. Le même trophée contient une magnifique horloge de M. Wagner neveu, comportant également un échappement à force constante que nous recommandons à l’attention des connaisseurs.
- M. Vérité, de Beauvais, dont nous aurons occasion de parler plus loin est également l’auteur d’un échappement à force constante, qui figura très-honorablement à l’exposition de 1844-, et qui, depuis cette époque, nous en avons la preuve, donne l’heure avec la plus rigoureuse exactitude dans un nombre considérable de pièces du palais de justice de Beauvais.
- Si nous signalons un autre échappement de la même classe qu’exposait M. Brosse, de Bordeaux, à la même époque, nous aurons très-probablement épuisé complètement le sujet qui nous occupe : car tous les autres échappements qu’il nous a été donné d’étudier depuis l’exposition de 1834, mettant à la charge du pendule le dégagement du rouage, arrêté par une force nécessairement variable, lui faisaient dépenser , dans ce dégagement, une force également variable que ne pouvait exactement compenser l’impulsion constante qu’il recevait. On a pu amoindrir, par des dispositions souvent très-ingénieuses, les variations de la perte de force due à ce dégagement, sans pourtant parvenir à les faire disparaître.
- Nous placerons, dans cette dernière catégorie, un échappement à ressorts très-ingénieux de M. Th. Cole, de Londres, où ce dégagement est restreint à un degré remarquable.
- Grâce à l’emploi des remontoirs qu’il a variés sous les formes les plus ingénieuses, et à leur parfaite exécution, les autres échappements de M. Wagner neveu approchent éga-
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- lement très >près, de la limite . théorique..Plusieurs présentent des.conditions aussi remarquables que nouvelles.
- La roue d’échappement, dans la presque totalité des appareils chronométriques, est l’avant-dernier .-des mobiles.sur lesquels .s’.exerçe la force motrice qui y arrive successivement amoindrie, et seulement capable de réparer les pertes de.vitesse du pendule. Aussi donne-t-on à cette roue la .plus grande légèreté possible. M. Redier a eu l’heureuse idée d’exécuter, en aluminium,.le métal le plus léger connu, des roues..d’échappement .de deux des, régulateurs ..qu’il, expose. .Espérons que, parmi les qualités encore ,si peu étudiées de ce nouveau métal,,.ou de ses alliages, se trouvera celle de résister.aussi bien que le cuivre au frottement des becs de l’ancre.
- . Nous signalerons également parmi les artistes auxquels cette importante partie de L’horlogerie doit des progrès réels, M. AchillejBrocoL.de la maison A. firocot et peleltrez.
- Isochronisme.
- .Mille, tentatives ont été faites pour obtenir,une même durée dans les oscillations, quelles que soient les variations ,dé jà force motrice sur le dernier mobile. Dans le plus grand nombre, quant au pendule, ,1e problème a consisté à maintenir une même amplitude à ses oscillations. Nous signalerons comme ayant obtenu un résultat,très-satisfaisant dans cette direction, M. Loseby, de Londres, qui y est parvenu au moyen d’un ressort très-flexible que rencontre le pendule lorsqu’il atteint une certaine, limite, et qui,.réagissant sur lui, réduit d’abord la longueur de la course dans une direction et accélère son retour dans l’autre.
- Mais cette disposition, d’ailleurs trèsrlogique, exige une très-grande délicatesse d’exécution et un assez long tâtonnement dans le choix .des ressorts et de la position qu’on doit lui donner.
- Nous croyons le problème résolu avec plus de certitude et de précision au moyen des conditions exposées par M. J. Wagner neveu.
- il,donne au pendule, par une augmentation convenable de sa longueur, une tendance au retard,.constamment combattue par un organe additionnel,dont la résistance progressive, dans
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- des conditions qu’on peut faire varier à volonté, réduit d’abord la grandeur,ou la durée de l’arc d’oscillation,- et s’accroît ou s’amoindrit en raison même de la tendance à l’accroissement, ou à la; diminution de cette,même .amplitude, puis accélère Je retour du pendule dans les-, mêmes rapports.
- Dans les spécimens exposés, l’organe additionnel est un pendule jqu’il .appelle.soieiZiie, beaucoup plus petit que le pendule principal qui reçoit l’impulsion et auquel il est articulé-.
- Or, .un. petit, pendule, - livré,, à lui-même, fait-ses oscillations dans ..un.temps,plus court qu’un grand ; sa solidarité avec ce dernier„doit,par .conséquent,accélérer l’oscillation commune.
- Si l’o,n considère, d’un, autre côté, que les points d’articulation..peuvent s’établir,sur toute la, longueur, de chacun ;des deux pendules ; que,;.par conséquent, on .peut . déterminer, à volonté, l’amplitude .des oscillations de l’un par rapport à une amplitude .donnée de l’autre;-,et que, dans Tous les ..cas, le nombre de degrés, parcourus par le pendule satellite est toujours plus grand.que pour le pendule,.principal ; qu’enfin, pour.un poids donné de celui-ci, on peut faire varier, à .volonté,le poids du,pendule satellite, on comprendra .que, sur trois conditions : longueur, poids et points .d’articulation.des deux pendules,-deux étant données, on-peut Trouver, la troisième satisfaisant aux conditions > d’isochronisme ..pour les grands comme pour,les petits arcs. Car, dans certains cas, on peut dépasser de .beaucoup la limite, c’est-à-dire, obtenir de grands, arcs plus rapidement parcourus ,que les petits.
- L’isochronisme des oscillations d’un balancier-circulaire réi suite le plus souvent du choix du ressort .spiral]employé,,.et surtout de celui des points d’attache des extrémités, de ces ressorts, dont l’élasticité, vu leur extrême, finesse, est quelquefois sensiblement modifiée par les variations.de la température. La maison Lutz, de Genève, fabrique des spiraux, pour montres et chronomètres, qui sont,l’incroyable propriété.d.e rester identiques à eux-mêmes après avoir été chauffés sur uné plaque.d’acier préalablement blanchie-et à laquelle on donne un recuit qui dépasse le bleu foncé. L’expérience, répétée, un grand nombre de fois par le jury de Xondres, .et récemment par le jury.parisien, a constamment donné le même résultat. Ajoutons que le ressort trempé de nouveau,ne présente aucune variation sensible dans son élasticité.
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- Isochronisme d’un pendule et d’un mouvement continu.
- Nous avons dit que la condition fondamentale de tous les appareils chronométriques résidait dans l'arrêt régulièrement périodique du rouage, et par conséquent dans le mouvement-intermittent des aiguilles indicatrices de la durée des périodes.
- Il était réservé à M. J. Wagner neveu de réaliser un mouvement continu rigoureusement isochrone, et qui plus est, de régler cet isochronisme au moyen des oscillations alternatives d’un pendule; en d’autres termes, de combiner une série de rouages dans des conditions telles, qu’un certain nombre des mobiles sont soumis à la condition d’un arrêt périodique, tandis que les autres, marchant d’une manière continue, sans aucune intermittence, règlent nécessairement leur vitesse sur celle des mobiles qui subissent l’arrêt périodique.
- La simultanéité du mouvement périodique et du mouvement continu pour certains mobiles d’un même rouage résulte d’abord de l’application ingénieuse d’un remontoir inventé précédemment par l’auteur, et qui, au lieu d’être remonté à de grands intervalles, l’està chacune des oscillations du pendule dont il détermine le mouvement par sa descente. Le poids de l’ancien remontoir est remplacé par une cloche suspendue à l’extrémité d’un levier; d’où il résulte que la cloche s’élève et s’abaisse d’une certaine quantité à chaque oscillation du pendule. Un volant à ailettes tourne dans l’intérieur de cette cloche, sous l’action directe des mobiles dont le mouvement est continu ; l’air renfermé dans la cloche se meut donc avec les ailettes du volant qui léchassent par l’ouverture annulaire que forme l’intervalle qui sépare le bord inférieur de la cloche d’un plateau horizontal placé au-dessous. Cet air est remplacé, d’une manière continue, par une même quantité, à laquelle une ouverture supérieure de la cloche livre passage, mais qui, n’étant animée d’aucune vitesse, modère celle du volant qui lui communique graduellement une partie de la sienne. Supposant établi l'isochronismedes deux mouvements, admettons une augmentation de la force motrice ; cette augmentation .ne produira aucun résultat sur le pendule qui ne reçoit son impulsion que du remontoir; irais elle forcera
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- celui-ci à s’élever plus haut que dans l’état normal, et cette plus grande hauteur sera proportionnelle à l’augmentation de force motrice. Or, une plus grande hauteur du remontoir produit le même résultat pour la cloche, et grandit proportionnellement l’ouverture annulaire servant à l’écoulement de l’air, qui s’échappe plus abondamment, mais est remplacé par une quantité proportionnelle d’air nouveau dont l’inertie s’oppose à l’augmentation de vitesse du volant, et, si tout est convenablement réglé, maintient l’isochronisme de son mouvement et de celui des autres mobiles avec celui du pendule.
- On voit que ces ingénieuses dispositions sont susceptibles d’utiles et nombreuses applications. Au moyen d’un mouvement continu et rigoureusement réglé, on peut pointer sur un cadran ou sur un cylindre les plus minimes fractions du temps avec l’exactitude la plus rigoureuse, et constater ainsi la véritable durée de nombreux phénomènes dont l’étude avait besoin de ces conditions. Déjà, sous l’inspiration de M. le général Morin, un appareil a été construit pour démontrer directement les lois de la chute des corps au moyen d’un long cylindre vertical, tournant avec une vitesse uniforme, et sur la circonférence duquel un poids tombant verticalement laisse une trace permanente de son passage dans les instants successifs de sa chute.
- Ajoutons que, de tous les appareils chronométriques, celui-ci estencore le mieux disposé pour transmettreélectriquement, à toute distance, l’heure et ses plus petites subdivisions. Mais avant de passer à la catégorie des horloges électriques, en assez grand nombre à l’Exposition , ne quittons pas M. J. Wagner sans signaler l’application qu’il a faite , à un rouage de sonnerie, d’une denturehélicoïde qui, dans ses conditions particulières, peut s’appliquer aux engrenages de force, et que nous espérons bien voir employer prochainement à la propulsion des navires par l’hélice, car cet engrenage comportant des pignons même d’une seule dent, permet là plus grande vitesse possible du propulseur avec un très-petit nombre de mobiles.
- Les difficultés que présente l’exécution de ce genre d’engrenages én ont jusqu’à présent restreint l’application pra-lique. Nous avons vu, avec un vif intérêt, une machine très-
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- ingénieuse de M. Deshays, au moyen de laquelle on obtient des engrenages hélicoïdes avec la même, facilité que les dentures ordinaires.
- Au haut de l’un des escaliers du pont de communication se trouve une pièce d’horlogerie qui présente les formes générales d’un fléau de balance. Sur la vitrine on lit ces mots : Cette horloge marche. Cette indication qui fait sourire les passants, est loin d’être superflue : car, malgré l’avertissement, il faut une attention soutenue pour se convaincre que , le mouvement annoncé est réel. Le même écriteau ajoute que cette horloge peut marcher pendant trente-trois ans sans être remontée. Sans nous prononcer sur le mérite d’une pièce que nous n’avons pu suffisamment étudier, nous dirons à M. Thomas que, pendant les trente-trois ans, la pièce aura plus d'une fois besoin d’être démontée pour changer les huiles dont l’épaississement sera d’autant plus rapid e, que le mouvement de ses mobiles est plus lent.
- Horloges électriques.
- Les premières conditions sérieuses de l’application de l’électricité de la chronométrie remonteraient à 4 838 , si l’on ad'opte les assertions de M. Bain, qui toutefois, n’a pris sa patente en Angleterre qu’en 4841, oum 4839 si, n’admettant que des documents authentiques, on prend pour point de départ le brevet bavarois de M. Steinhel.
- En France, et presque simultanément, nous pouvons citer MM. Froment (4 846), Bréguet et P. Garnier. Disons cependant que celui-ci nous paraît être le premier qui en ait fait une application publique dans une gare de chemin de fer où une seule pièce d’horlogerie envoie électriquement l’heure à un certain nombre de cadrans.
- Parmi les pièces de ce genre qui figurent à l’Exposition, nous signalerons d’abord celle de M. Froment, dont nous allons essayer de donner une idée.
- Au haut du pendule est fixé un petit bras horizontal armé d’une pointe verticale au-dessus de laquelle se trouve une petite masse suspendue à l’extrémité d’un ressort horizontal, qui repose sur un levier portant un contre-poids en fer doux. Lorsqu’à l’extrémité de la course, la pointe verticale du pen-
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- dule touche la petite masse, le courant s’établit ,1e contrepoids du levier est attiré par un électro-aimant, et le ressort, livré à lui-même, laisse à la petite masse qui le termine toute son action sur le pendule dont elle accompagne le retour pendant un certain temps. Le contact cesse alors, ,1e courant ne passe plus, le contre-poids du levier retombe .et l’autre bras relève le-ressort à sa hauteur première. Cette très-petite pièce, indépendamment de ses propres aiguilles, fait marcher à distance les trois aiguilles d’un grand cadran de clocher.
- Examinons maintenant l’horloge électrique de M. Vérité, de Beauvais.
- Comme dans son horloge de 1844, les pertes de vitesse de son pendule sont périodiquement réparées, à chaque oscillation, par l’action d’un même poids, qui prend ici la forme d’une petite cloche métallique et qui se pose sur une pointe placée à l’une des extrémités d’une barrette horizontale fixée au pendule, sans que celui-ci ait aucun dégagement à produire, aucune résistance variable à vaincre. La pointe arrivée au contact intérieur de cette cloche suspendue à un fil métallique très-fin, un courant électrique s’établit, et un électro-aimant abaisse une pièce mobile à laquelle la cloche est suspendue, ce qui laisse à cette cloche toute son action sur le pendule. Lorsque, au retour de celui-ci, le contact cesse entre la pointe et la cloche, le courant ne passe plus; mais il est rétabli bientôt dans un nouvel électro-aimant, lorsqu’une seconde pointe, fixée sur l’autre bras de la barrette, vient toucher une autrè cloche placée dans les mêmes conditions que la première, et dont les fonctions sont par conséquent les mêmes.
- C’est, comme on le voit, le poids seul des deux cloches qui donne l’impulsion au pendule; et, comme ce poids reste constant, comme la hauteur de leur descente est toujours la même, l’impulsion que reçoit le pendule est constante dans toute la rigueur du mot chronométrique, puisque le simple contact du pendule avec la cloche détermine instantanément les fonctions de celle-ci.
- Si nous ajoutons que la source électrique à laquelle M. Vérité emprunte la force motrice qui détermine l’abaissement des cloches est très-faible, qu’elle se compose d’un seul couple d’une extrême simplicité, dont l’action utile peut
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- se prolonger plus de six mois sans qu’on ait besoin de s’en occuper, nos lecteurs seront sans doute d’accord avec nous sur le mérite exceptionnel de la pièce que nous venons de décrire.
- L’horloge électrique, qui figure parmi les magnifiques pièces d’horlogerie de MM. Detoucbes et Houdin, est due à la fertile imagination du gendre de ce dernier, M. Robert-Houdin, l’habile et ingénieux sorcier, dont la réputation bien méritée est aussi universelle que l’exposition qui nous occupe. Si cette pièce n’a pas le caractère saisissant de simplicité qu’offre l’horloge de M. Vérité, et que nous aurions probablement trouvé très-remarquable dans celle de M. Ro-bert-Houdin sans la présence de sa sœur aînée, nous louerons, sans restriction, les dispositions vraiment ingénieuses qui la distinguent et en font une pièce d’un mérite peu commun, comportant au surplus tous les résultats qu9 nous avons signalés dans l’œuvre de son concurrent.
- L’action des cloches de M. Vérité est ici remplacée par celle de deux petits ressorts périodiquement bandés d’une même quantité par deux électro-aimants, et dont la réaction donne l’impulsion au pendule.
- M. P. Garnier, par une heureuse application de l’échappement à force constante dont nous avons parlé plus haut, a également réalisé les conditions d’une horloge purement électrique, en donnant à un électro-aimant la mission de relever périodiquement le poids qui donne l’impulsion au pendule.
- Enfin nous indiquerons, comme envoyant électriquement l’heure à deux cadrans, l’horloge même du Palais de l’Industrie, exécutée par M. Collin. ,
- Après avoir signalé les points saillants et pour ainsi dire exceptionnels de l’exposition chronométrique, il nous reste à parler des fabricants qui se sont bornés à se distinguer par l’excellente exécution de leurs produits ou par quelques conditions de détail d’une moins grande importance.
- Disons d’abord que parmi les exposants déjà nommés, aucun ne doit être exclu de la catégorie que nous abordons, et que les. pièces exécutées par eux ne le cèdent à aucune autre en qualité ou en élégance.
- En grosse horlogerie, nous signalerons d’abord M. Gourdin de Mayet (Sarthe), dont les pièces intelligemment composées
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- sont d’une exécution assez remarquable pour se passer de cette coquetterie de frisé, tout au plus tolérable dans les pièces de petites dimensions, et qui a le grave inconvénient, en offrant à la vue un papillotage qui l’éblouit, de déguiser la pureté des formes et le mérite des ajustements.
- Nous dirons de M. Collin que son horloge du Palais de l’Industrie offre un ensemble des plus élégants, d’une symétrie irréprochable, digne en un mot du monument qu’elle décore ; mais qu’il est à regretter que le court espace de temps qu’il annonce avoir été employé à sa composition et à son exécution , lui ait fait fendre des dents de roues dont les faces ne sont pas parallèles à l’axe, et qui ne touchent les ailes des pignons ou les fuseaux des lanternes que par une arête qui y laisse une trace bien marquée; qu’enfin le défaut de concentricilé entre la grande roue qui commande les cadrans destinés à indiquer l’heure relative de différents pays, rend l’engrenage de cette roue trop fort sur certains points, trop faible sur d’autres. Nous l’engagerons, lorsque le temps le lui permettra, à faire disparaître aussi le tré-mulement fâcheux de son remontoir au moment où il arrive soit au bas soit au haut de sa course, et qui se communique jusqu’à la roue d’échappement.
- En copiant les dispositions si intelligentes et si économiques employées par M. J. Wagner neveu pour appliquer la fonte aux sonneries des horloges publiques, M. Blin aurait dû pousser l’imitation jusqu’au bout, en laissant sur la face libre des pignons le collet qui, chez le premier, donne à la denture une solidité plus grande. Les horloges de fonte de M. Hudde ont le même point de départ. Nous ne sommes cependant pas absolument convaincus que ses axes en fonte présentent toute la solidité désirable.
- L’horloge de M. Petry présente cette singul arité d’un balancier circulaire appliqué à une pièce fixe. Les conditions de son échappement nous ont paru remarquablement ingénieuses, mais nous avons quelque peine à croire que ces conditions réalisent l’économie annoncée sur l’emploi du pendule ordinaire.
- Dans l’horloge deM. Hirt, la sonnerie des quarts remonte le mouvement proprement dit. Cette disposition ne nous paraît pas nouvelle en tant que but. Nous remarquons aussi un peu de complication dans son échappement.
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- Nous n’émettrons pas d’opinion sur le mérite des échappements en corne de M. Galle. C’est au temps seul à prononcer. Nous dirons seulement qu’il a été précédé dans cette application par M. Duclos, auteur de ces pendules en carton qui ont si longtemps figuré dans le passage Vivienne.
- Enfin les pièces de M. Dorléans nous ont paru d’une exécution très-convenable.
- Après un commencement d’établissement dans l’Annexe, AI. Bernardin, au moment où nous écrivons, remonte sur le palier du grand escalier sud du Palais une immense pièce qu’il désigne sous le nom d’horloge astronomique, et qui est recouverte d’un nombre considérable de cadrans donnant chacun une indication distincte.
- Lès horloges monumentales venant de l’étranger sont peu nombreuses à l’Exposition ; la plupart n’y marchent pas ou sont placées de manière à ne pouvoir être convenablement examinées.
- Nous pouvons indiquer toutefois comme présentant des conditions d’une exécution convenable l’horloge de M. Alann-kardt, à Alunich, placée dans l’axe de l’Annexe, celle de M. Bennet, à Londres, occupant la même position dans la partie anglaise; et celle de AI. Weiss, de Gross-Glogau (Silésie) , placée dans la galerie nord de l’Annexe. Cette dernière présente une disposition de remontoir à barillet caché dans un pignon, qui n’est pas nouvelle en principe, mais qui offre un caractère original.
- Petite horlogerie.
- L’espace et surtout le temps nous manquent pour établir les distinctions plus ou moins exactes, mais consacrées entre l’horlogerie dite de précision et celle du commerce ; et, comme les noms que nous allons citer ont tous acquis une honorable réputation par la qualité de leurs produits, nous croyons ne pouvoir mieux faire que de suivre à leür égard l’ordre alphabétique du catalogue.
- Nommer MM. Berthoud , c’est rappeler Uîi nom justement célèbre et toujours dignement porté. Nous avons déjà fait la même remarque à l’occasion de M. Brégüet.
- Nous reproduisons ici le nom de AI. Ach; Brocot; Comme au-
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- teur de quantièmes non moins variés qu’ingénieux dans leurs combinaisons et qui donnentles lunaisons à moins d’une tierce près par mois. Nous ajouterons que la maison Brocot et De-lettrez se distingue aussi par la beauté et l’élégance de ses bronzes d’art.
- M. Brocot aîné, frère du précédent, se recommande également par l’excellente qualité de ses produits.
- Dire que M. Dumas, de Saint-Nicolas, est le digne successeur deM. Motel, son beau-père, pour la fabrication des chronomètres et des pièces de précision, c’est nous dispenser de toute autre formule d’éloge.
- La réputation de M. Jacob, également de Saint-Nicolas, est trop bien établie depuis longtemps dans la même carrière pour que nous ayons besoin de le signaler autrement que par son nom.
- Les pièces de précision, exécutées par M. Raby, acquéreur de la fabrique d’horlogerie de Versailles, jouissent d’une réputation méritée.
- M. Redier, dont nous avons déjà fait connaître les heureuses applications de l’aluminium, se distingue non-seulement par la parfaite exécution et l’élégance de ses pièces de précision, mais encore par-l’immense fabrication de petits réveille-matin à bas prix qui, en y comprenant des pendules portatives, presque toutes destinées au marché anglais , s’élève annuellement au chiffre énorme de 35 à 40 000 pièces.
- Les compteurs à pointage de M. Rieussec se recommandent toujours parleurs prix modérés et leur bonne exécution.
- Enfin nous terminerons cette nomenclature des exposants français par M. Henri Robert qui s’est fait depuis longtemps une réputation méritée dans la construction de ses pièces tant de précision qu’à l’usage civil.
- Nous sommes bien moins renseignés sur les produits chronométriques des nations étrangères. Toutefois, nous avons pu en étudier suffisamment quelques-uns pour en donner à nos lectçurs une appréciation motivée.
- Dans la partie anglaise nous pouvons, sans craindre d’erreur possible, signaler M. Ch. Frodsham comme le représentant le plus éminent de la chronométrie britannique. Sa maison fondée par le célèbre Arnold, a conservé, sous la direction de son père et la sienne, les bonnes traditions du maître, qui, dans
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- les mains du possesseur actuel, se sont, en même temps que ses propres découvertes, formulées en règles pratiques que M. Ch. Frodsham a généreusement livrées à la concurrence du monde entier, au moyen de tables dont la publication est assurément un bienfait pour l’horlogerie de précision. Nous engageons ses confrères à examiner, avec le soin qu’elles méritent, les ébauches de ses balanciers compensateurs où se retrouvent toutes les phases successives de leur exécution.
- Indépendamment de la bonne exécution de ses pièces, M. Gole , déjà nommé, se distingue surtout par l’originalité, l’élégance et le bon goût des accessoires qui les décorent.. .
- Nous n’avons également que des éloges à donner à MM. Aubert et Klaftenb.erger, Davis, Frodsham et Baker, Nicole et Capt, Poole, et enfin Webster dont les produits soutiennent dignement la réputation de l’horlogerie anglaise.
- L’horlogerie suisse est représentée par 76 exposants qui pour la plupart ont une réputation bien méritée. Dans l’impossibilité, d’assigner un. rang à chacun d’eux, pressé que nous sommespar le temps et l’espace, nous signalerons comme les plus remarquables, par l’importance de leur fabrication et l’excellence de leurs produits, MM. Pateclc, Philippe et Cie, à Genève, et E. Audemars, au Brassus, canton de Vaud.
- Dans les États sardes, nous appellerons l’attention des connaisseurs sur les magnifiques produits de l’École royale d’horlogerie, dirigée par M. Benoit, ancien fondateur de la fabrique de Versailles.
- En Bavière, nous indiquerons à la curiosité de nos lecteurs, moins l’horloge dite polytopique de M. Henle, de Munich, qui au moyen de dispositions longtemps employées avant lui, donne l’heure actuelle pour un grand nombre de lieux divers, que la notice fort originale qu'on trouve souvent au bas de cette pièce, et qui a pour but de prouver l’existence simultanée de trois jours consécutifs de la semaine pour certains liéux découverts par des navigateurs, les uns venant de l’Orient, les autres de l’Occident.
- Dans l’exposition autrichienne, nou3 signalerons l’importante fabrication de la maison Suchv et fils, à Prague, qui alimente de pendules la presque totalité de l’Allemagne.
- Enfin, nous retrouvons en Danemark le nom célèbre de
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- Jurgensen, dont le fils nous paraît soutenir dignement la réputation.
- La plupart des produits dont nous venons d’entretenir nos lecteurs ne constituent pas, dans les mains des exposants, une véritable fabrication dans le sens ordinaire du mot. Un très-petit nombre exécutent la totalité des pièces qui entrent dans une pendule ou dans une montre. Le blanc, c’est-à-dire le mouvement entier, moins l’échappement, leur est fourni par des fabricants dont les produits vont maintenant nous occuper.
- La maison Japy, de Beaucourt (Haut-Rhin), occupe évidemment le premier rang dans cette fabrication par l’abondance incroyable de sa production, par le bas prix et la bonne qualité de ses produits, qui trouvent de nombreux débouchés dans le monde entier.
- Saint-Nicolas d’Alliermont, village des environs de Dieppe, est le rival de Beaucourt. Mais la fabrication y est divisée en un certain nombre de maisons, parmi lesquelles la plus con-, sidérable, en même temps que l’une des plus en réputation, est celle de MM. Borromée Délépine et Candey, qui ont acquis l’établissement justement célèbre de Pons, fondateur de cette fabrication à Saint-Nicolas.
- Parmi les autres maisons de cette localité dont il nous a été donné d’apprécier les produits , nous citerons MM. Dumas et Jacob déjà nommés, et Cailly aîné.
- A Besançon , nous citerons MM.Ferrier et Bataille aîné; à Montbéliard, MM. Marti et Yincenti; et à Berne (Doubs), M. Japy fils.
- Nous allons dire quelques mots d’une espèce d’horloges qui, par leurs dimensions, tiennent le milieu entre l’horlogerie monumentale et celle dont nous venons de nous occuper. Elles portent le nom de comtoises, parce qu’elles se fabriquent en Franche-Comté. Leur marche est généralement très-bonne; et, placées au haut d’une gaîne, elles figurent fréquemment, dans beaucoup d’appartements en guise de régulateurs. Le catalogue ne nous a révélé que deux exposants de cette catégorie , ce sont MM. Bailly-Comte, père et fils, à Morez (Jura), qui jouissent d’une réputation méritée, et Mme veuve Reydor et fils, de la même ville.
- Il nous reste à parler d’une dernière espèce d’horlogerie 206 aa
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- dont l’énorme fabrication fait vivre un nombre considérable d’habitanls du grand-duché de Bade et du royaume de Wurtemberg; il s’agit des coucous de la forêt Noire, qui malgré les droits d’entrée et la distance, se vendent à un bas prix incroyable dans les villages du monde entier. Le plus grand nombre s’exécute en bois : axes, roues et pignons, pivots en fil de fer, échappement en tôle pliée à la pince, et cependant elles donnent l’heure avec assez de précision pour régler convenablement les travaux du cultivateur.
- Parmi les dix-huit exposants de ces deux nations qui figurent au catalogue, un seul accepte franchement le mot coucou, et cinq désignent leurs produits sous le nom d’horloges de la forêt Noire. Le mot horloge caractérise presque tous les autres. Nous ferons cependant une exception pour M. Kalten-bach, à Furtwangen (Tryberg), dans le grand-duché de Bade, qui expose des pièces de marine.
- Instruments de précision.
- Les différentes industries qui concourent à la confection des objectifs achromatiques sont en général représentées chez tous les opticiens. Nous citerons d’abord, comme pièce marquante, l’objectif achromatique de M. Lerebours, appartenant à l’Ob- • servatoire impérial de Paris. Cet objectif de 37 centimètres de diamètre et de 8m,80 de foyer est destiné au bel instrument parallactique que M. Brunner finit en ce moment, et qu’il est bien à regretter de ne pas voir figurer à l’Exposition.
- Après cet objectif, nous citerons ceux de moindre dimension qui sont destinés aux lunettes. M. Bardou a exposé des objectifs montés , c’est-à-dire des télescopes réfracteurs dont la bonne qualité est généralement appréciée : il y a des lunettes de ce genre depuis 2 mètres et plus de foyer jusqu’aux plus petites dimensions; des quantités considérables en ont été fournies par lui aux corps d’officiers des diverses armées en Orient.
- Pour les lunettes de petites dimensions, un artiste très-habile , 1VI. Bertaud, a exposé des produits bien appréciés par les hommes compétents. Ces produits ne sont pas seulement des verres objectifs , mais toutes autres espèces de verres et de cristaux employés en optique. Cette même spécialité de
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- la taille des cristaux, pour la polarisation, a fondé ^supériorité de la maison Soleil, qui s’est en quelque sorte emparée du monopole de ces produits.
- M. Duboscq, aussi successeur de M. Soleil, mais pour la partie instrumentale, a exposé tout ce que l’optique possède de plus nouveau : son saccharimètre pour mesurer la richesse saccharine des sirops, au moyen de la lumière polarisée , son colorigrade par extinction, ses polarimètres, le photomètre polarisant de M. Babinet, l’héliostat de M. Silbermann, modifié à nouveau par l’auteur, les stéréoscopes par réflexion et par réfraction, enfin tous les appareils et instruments d’optique scientifique et industrielle sont fabriqués par cet habile constructeur.
- M. Radiguet, si renommé pour ses verres plans parallèles, en a exposé quelques spécimens.
- Il faut encore citer M. Jamin comme constructeur d’objectifs pour appareils photographiques. Il est parvenu, parle choix de la matière employée et celui des courbures, à mettre l’opérateur à l’abri du défaut de coïncidence entre le foyer optique ou de l’image nette, et le foyer chimique qui convient à la netteté de l’action sur les substances impressionnables; ces foyers sont en général très-distincts.
- Nous avons remarqué d’excellentes lunettes parmi les objets exposés par M. Steinbeil, de Munich. Leur essai nous a, pne fois de plus, certifié le talent de cet habile artiste.
- Dans l'exposition anglaise, pette spécialité n’est pas séparée des instruments dans lesquels Jps verres sont employés.
- On sait que, parmi les sciences d’observation, l’astronomie est peut-être celle qui pousse la précision le plus loin ; aussi, les instruments qu’elle emploie demandent l’étude la plus élevée de la part du sayant et l’habileté la plus complète de la part du constructeur. Plusieurs instruments figurent à l’Exposition , soit à l’état de modèles, soit à l’état de machines sérieusement exécutées et prêtes à fonctionner.
- Ces instruments sont des télescopes réfracteurs de diverses dimensions; ces lunettes, quand il s’agit de préciser la direction de leur axe par rapport aux lignes et aux plans auxquels l’astronome rapporte ses observations, ont besoin d’être montées de manière à pouvoir déterminer sur des cadrans djvisés chacune des positions qu’ils occupent. L’instrument
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- est un cercle mural, ou cercle méridien, ou lunette méridienne, quand la lunette ne peut se mouvoir que dans le plan méridien , par suite de la fixité des deux supports de son axé horizontal. L’instrument est appelé théodolite ou cercle astronomique, lorsque les deux supports sont montés sur un plateau horizontal, mobile autour d’un axe vertical ; dans ce cas le plateau lui-même est divisé et se nomme cercle azi-muthal.
- Enfin si l’appareil était incliné sur l’horizon de manière à rester constamment parallèle à l’axe terrestre, il s’ensuivrait que le cercle, divisé perpendiculairement à cet axe, serait parallèle au plan de l’équateur ; ce cercle divisé se nomme alors cercle équatorial, et l’instrument, dans son ensemble, se homme équatorial ou parallactique.
- L’exposition française n’offre aucun instrument de la première espèce.
- Quant à la deuxième, M. Brunner a exposé un grand cercle astronomique dont les cercles sont fixes, dont les vis d’arrêt portent, sur un autre cercle concentrique, un cercle droit, de manière à n’exercer sur celui-ci aucune pression; les cercles sont divisés de cinq en cinq minutes, les micromètres mesurent la seconde et laissent estimer le dixième de seconde.
- Le même artiste a encore exposé un autre modèle de ce genre, mais plus petit; ce dernier permet le retournement de l’axe horizontal avec son cercle et sa lunette; la précision qu’apporte ce retournement dans ces observations est presque incroyable; en effet, une seule petite série d’observations ainsi faites a donné, à très-peu près, le même chiffre que la moyenne de dix mille observations faites avec de grands instruments qui n’ont pas la faculté de pouvoir être retournés. Cet instrument, fixé dans le plan du méridien, remplace le cercle mural.
- Il est regrettable que M. Brunner n’ait pas été autorisé à exposer le grand instrument parallactique qu’il achève pour l’Observatoire de Paris : il eût bien figuré à l’Exposition par sa bonne confection et ses dimensions colossales; sa lunette, qui doit recevoir l’objectif de M. Lerebours, aura 8,n,90 de longueur. Le pied, en fonte, a 6 mètres de hauteur et près de 4 mètres de largeur dans le sens du méridien. Les cer-
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- clés divisés, , ont 4m,80 de diamètre, et sont entièrement coulés d’une seule pièce : limbe,rayons et moyeu en bronze , ont partout une même épaisseur ; afin de prévenir les inégalités dans la dilatation, un soin particulier a présidé au moulage.
- L’exposition de M. Brunner est encore remarquable par la méthode qu’il emploie dans le mesurage des bases ; sa disposition des deux règles de Borda, son aboutissage et son alignement méritent d’être étudiés.
- Nous avons encore à citer en France , et dans la nef, une lunette parallactique de M. Sécrétan, de 24 centimètres de diamètre et de 4 mètres de foyer, placée au milieu de six tiges parallèles, reliées entre elles par des tirants ; les extrémités de ces six tiges sont à chaque bout prises dans une pièce métallique qui se termine par un tourillon ; l’axe de rotation est situé parallèlement à Taxe de la terre, ses extrémités sont appuyées sur deux collets, fixés chacun sur son massif spécial en granit; un mouvement d’horlogerie fait mouvoir l’axe.
- M. Froment n’a jusqu’à présent exposé qu’un petit théodolite, mais sa division, comme on sait, est parfaite. Le miroir qu’il a exécuté pour M. Foucault, pour la détermination de la vitesse de la lumière, tourne au moyen d’une turbine à vapeur, sous haute pression, avec une vitesse de douze mille tours à la seconde.
- D’autres instruments, queM. Froment a construits, servant à la démonstration de la persistance du mouvement de rotation d’un mobile homogène autour de.son axe, sont pareillement exposés. M. Foucault démontre directement, par cet appareil, que le mouvement continue dans le plan même de la première oscillation.
- Nous citerons encore ici, en fait d’instruments de ce genre, les cercles sextants et octants de M. Yédy et de M. de Gravet, qui gardent le degré de supériorité que les maisons dont ils sont les successeurs avaient acquis. .
- M. Porro, dont les produits sont placés dans le jardin, achève d’y installer un instrument équatorial, une lunette zénithale cathvalitique d’un décimètre d’ouverture, un instrument méridien, des lunettes, et divers autres appareils de son invention, que nous regrettons de n’avoir pu examiner encore. , . ,
- Signalons cependant une ingénieuse combinaison de pris-
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- mes, au moyen de laquelle un très-petit appareil devient immédiatement, entre les mains d’un naturaliste, un excellent microscope ou une très-bonne longue-vue. Appelons également l’attention sur le mécanisme non moins ingénieux qui détermine le mouvement de la grande lunette, et qui nous paraît appelé à recevoir de nombreuses applications industrielles. Il se compose de deux axes qui peuvent se commander sous tous les angles, depuis 0 jusqu’à 90°, et dont les rapports de vitesse peuvent être quelconques, depuis 0 jusqu’à l’unité.
- Passons maintenante un autre groupe d’instruments d’optique.
- M. Nachét expose des microscopes de première puissance et de diverses dispositions, permettant à plusieurs personnes à la fois devoir un même objet : il en a ainsi à deux, trois et quatre corps, se réunissant par là réflexion sur des prismes placés sur l’objectif combiné unique.
- Il a poussé la confection des objectifs de microscopes jusqu’aux moindres dimensions ; ainsi, un dé ses objectifs composés a été combiné avec des lentilles de deux tiers de millimètre de diamètre et un quart de millimètre de distance locale : ce jeu Unique est donné aux collections du Conserva--toire des arts et métiers.
- M. Oberhàuser présente aussi des microscopes de très-bonne * qualité; il a apporté des dispositions propres à pouvoir examiner les objets dans le vide : cette disposition offre de grands avantages dans certaines circonstances.
- Dans l’exposition deM. Chevalier figurent des microscopes, un théodolite, des appareils d’optique pour la démonstration, et des instruments de météorologie parmi lesquels un baromètre étalon bien construit.
- Les successeurs de Gambey tiennent à honneur de conserver, dans leurs instruments divisés, théodolites, cerclés répétiteurs, boussoles de variation, la supériorité qu’avait acquise l’illustre chef de cette maison.
- M. Dumoulin a réalisé un instrument applicable aux grands nivellements ; cette machine, destinée à relever le profil d’un terrain, se charge elle-même d’en tracer une exacte représentation , sur laquelle on peut inscrire toutes les observations de distance et de hauteur.
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- Nous ne pouvons décrire cet instrument enregistreur, mais on comprend qu’à l’aide d’un pendule qui conserve une position verticale, et d’un mouvement de papier, commandé par une roue, il soit facile de réaliser, sous diverses formes, les conditions qui viennent d’être indiquées.
- Dans la division anglaise, le modèleén vraie grandeur du cercle méridien de l’observatoire de Greenwich, mérite urié attention toute particulière. Ce premier observatoire de l’Angleterre n’est pas au milieu de la capitale, comme celui de Paris, mais à quelques lieues de Londres, à une distance jugée suffisante pour que toutes les influences d’un grand centre de mouvement soient à peu près éteintes ; de plus, un sol solide et un horizon bien découvert font de Greenwich un lieu parfait pour toutes les observations stationnaires d’astronomie et de météorologie. Dans cet observatoire, les instruments sont isolés les uns des autres; chacun est logé dans un pavillon spécial.
- Le cercle de Greenwich présente des dispositions particulières dont on peut saisir l’ensemble sur le grand modelé eii bois, mais dont les détails sont plus apparents sur les divers modèles à demi-grandeur qui raccompagnent^
- Cet instrument, dont nous avons indiqué l’usage, est composé comme il suit : sa lunette traverse le milieu de l’axe de: suspension horizontal, les deux bouts de la lunett^^éqüili-brent l’un l’autre. Le cercle divisé est monté sur ^Éî^la droite de la lunette ; un cercle pareil, mais non divis^^st à la gauche; il sert de contre-poids et porte lés vis d’arrêt. L’axe porte, vers les deux tourillons, sur deux anneaux, suspendus chacun à un bras de levier dont l’autre extrémité porte un contre-poids qui contre-balance le poids de l’instrument qui arrive seulement à toucher ses collets sans les charger.
- L’axe roulant est creux, il porte un objectif et des repères dont une lunette fixe, à distance, peut certifier l'invariabilité.
- Pour certifier d’autre part l’horizontalité de la lunette, et, par suite, le zéro effectif de la division du cercle, deux lunettes horizontales, pareilles à la précédente, sont en avant et en arrière de l’instrument, à lahauteuf exacte du plan horizontal, passant par l’axe des lunettes collimatrices qui, ainsi que les supports de la lunette, sont établis sur des massifs de pierre de taille bien fondés sur le sol. Cet instrument a une lunette
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- d’environ 3 mètres, son cercle a 1m,60 de diamètre. Une disposition spéciale est apportée à cet appareil pour permettre la visée par réflexion sur bain de mercure ; ce bain est porté sur le côté d’un parallélogramme que l’observateur peut faire mouvoir facilement et amener au point voulu; dans ce cas, après avoir fait l’observation par réflexion, on fait l’observation directe et l’on obtient un angle double et une correction d’horizon.
- L’éclairage des divisions du cercle est bien disposé; six microscopes à vis micrométriques sont destinés à la lecture , et cet appareil mérite, par son importance , une étude spéciale.
- La lunette parallactique de M. Cooke, ainsi que celle de l’observatoire de M. Hartwel, sont représentées par des modèles réduits à une petite proportion ; l’instrument de M. Hartwel est figuré avec tout le relief de son observatoire.
- Les ingénieurs hydrographes ou de la surveillance des côtes (coast surwey) d’Angleterre ont exposé deux de leurs règles, pour mesurer les bases des triangulations, chacune de 4 yards ; des thermomètres indiquent la température des règles, et des microscopes accouplés pointent sur les talons saillants horizontaux des bouts en présence. Ces microscopes sont à mouvement micrométrique. Les niveaux de pente de la. forme de ceux d’Egault, de petits et des grands théodolites de Nairne, une lunette méridienne et son. cercle à système pour retournement, sont le bagage des instruments pratiques de ce corps, nous disons pratiques, car ils portent tous la trace d’un long service, preuve de leur bon emploi. Ils sont accompagnés des travaux graphiques, gravés sur cuivre, des matrices, planches et feuilles imprimées des cartes et plans qu’ils ont servi à relever.
- L’institut polytechnique de Vienne a placé dans la nef une lunette méridienne de tm,80 de longueur, munie de deux cercles divisés, chacun de 50 centimètres de diamètre; l'instrument est établi sur deux massifs de pierre; il nous paraît bien conditionné pour un observatoire particulier. Cet instrument est fait par M. Starke qui expose encore d’autres instruments de géodésie bien exécutés.
- Parmi les instruments pour les sciences se trouve l’appareil de M. Bianchi, adopté pour mesurer la densité de la poudre de guerre; c’est par le poids du mercure, dont on jauge le vo-
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- lume par différence dans le réservoir qui contient ce liquide, qu’on arrive à trouver la densité d’un poids déterminé de poudre.
- Le nouvel appareil de la condition des soies et autres matières filamenteuses de M. Persoz trouve nécessairement sa place ici. La soie étant une matière très-hygrométrique, il est devenu nécessaire, vu son prix élevé, delà vendre, en tenant compte de son état de sécheresse ; à cet effet des échantillons sont pris dans la masse, pesés d’abord , puis mis dans une étuve chauffée à 105 degrés et pesés dans ces conditions, après un séjour suffisamment prolongé ; la différence entre les pesées indique le poids d’eau que la soie contenait primitivement; il est facile alors, par une règle proportionnelle, de déduire, du poids du ballot, le poids d’eau qu’il renferme.
- Un grand nombre de machines et d’appareils de physique figurent à l’Exposition. MM. Fabre et Kunemann, successeurs de M. Pixii, présentent une machine pneumatique, composée par M. Silbermann jeune, et qui offre de grands avantages dans des expériences complexes, vu qu’elle est disposée de manière à correspondre à deux récipients à la fois, et qu’elle permet l’introduction et la sortie simultanée de divers gaz. Une collection de tuyaux et d’instruments d’acoustique dont quelques-uns sont nouveaux, tels que le polycorde sur lequel toutes les expériences acoustiques des cordes peuvent se réaliser; une machine électrique dont le plateau est en caoutchouc vulcanisé, etc. ; enfin une pile hydro-électrique à un seul liquide dont la construction est bien entendue.
- MM. Breton frères exposent une quantité d’appareils électro-dynamiques appliqués soit à l’enseignement, soit à la médecine.
- M. Collardeau soutient la réputation de ses aréomètres, thermomètres et autres instruments en verre.
- M. Fastré, qui s’occupe spécialement des baromètres et des thermomètres, en a exposé plusieurs d’une construction excellente. La graduation des tubes est parfaite.
- M. Golaz a spécialisé son industrie en exposant les divers appareils pneumatiques employés par M. Régnault dans ses recherches sur la dilatation de l’air et des autres gaz, sur celle du mercure, etc.
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- M. Ruhmkorff expose des appareils d’un genre nouveau qui ont pour but l’application de l’électro-magnétisme à l’étude de son action sur les autres corps de la nature. Cet habile constructeur a imaginé un appareil d’induction qui produit des courants d’étincelles d’électricité Statique, provoquées par l’électricité de la pile.
- M. Walferdin expose le résultat de ses longues recherches sur la thermométrie, au point de vue de la météorologie et des expériences délicates. Citons son thermomètre à maxima à déversoir, qui permet de faire servir la même échelle à toutes les distances de l’échelle thermométrique quoiqu’il ne porte qu’un petit nombre de degrés, divisés en centièmes. Son thermomètre à minima offre les mêmes avantages que le précédent. Ces deux instruments ont par lui été réunis en un seul.
- Citons encore ses thermomètres, métastatique à mercure, différentiel à alcool, hypsométrique remplaçant le baromètre pour les mesures de hauteur, etc.
- M. Walferdin remarquant que le thermomètre à mercure peut indiquer depuis — 40, température de congélation de ce liquide jusqu'à -j-360 de son échelle, terme de son ébullition, à ainsi une course de 400 degrés centésimaux, et comme la température de—40 existe à peine dans les régions les plus froides de la terre, c’est-à-dire jamais dans les régions habitées , il trouve que les observateurs, pour éviter les signes-jet — de notre échelle centésimale feraient mieux d’écrire 0 au droit de — 40 mercure fondant, 40 au point de la glace fondante, 140 à l’eau bouillante et 400 au point du mercure bouillant. En avançant ainsi l’échelle dé 40 degrés toutes les observations deviendraient positives, ce qui éviterait aux observateurs une foule d’erreurs provenant de l’interprétation seule des signes. Cette considération ne nous paraît pas suffisante pour changer les points fixes consacrés par l’usage ; mais l’instrument a l’avantage d’être d’accord avec le thermomètre à air depuis le commencement de son échelle jusqu’à près de 100 degrés au-dessus de l’eau bouillante; l’avance qu’il prend jusqu’à l’ébullition du mercure est seulement de 10 degrés. Or pour cette dernière portion , peu employée du reste, on est toujours tenu d’avoir une table de réduction. Nous conseillons aux hommes de science de visiter cette exposition , car elle est curieuse à d’autres titres encore.
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- On trouve en Angleterre les maisons suivantes :
- M. Th. King expose des microscopes de grand prix. M. Pil-lischer et MM. Smith et Beck n’exposent non plus que ce qu’ils ont de mieux en microscopes. Mais nous n’avons pu essayer ces instruments.
- Les appareils météorologiques français sont'peu nombreux.
- M. Du Moncel expose une série d’appareils enregistreurs électro-dynamiques ; ces appareils s’adressent déjà à plusieurs genres d’observations, tels que les phénomènes thermométriques et anémométriques. A l’exception des précédents instruments , l’Exposition est relativement pauvre en France en instruments de météorologie. C’est en Angleterre encore qu’il nous faut voir les appareils les plus intéressants.
- La Société britannique pour l’avancement des sciences a institue un observatoire météorologique à Kew, près de Londres, pour la vérification des instruments de précision, magnétiques et météorologiques; elle a exposé ces divers appareils, fort remarquables tant dans leurs détails que dans leur ensemble. Il est très-utile pour le météorologiste surtout de visiter Ce bel ensemble d’appareils tantôt automoteur^ou enregistreurs, tantôt ordinaires, c’est-à-dire pour observation directe, tantôt enfin pouvant fonctionner des deux façons, et dont l’invention appartient à grand nombre d’autëurs.
- Les instruments enregistreurs sont ou photographiques oü à style. L’une des séries comprend les appareils de M. Brooke, qui appartiennent au Conservatoire des arts et métiers de Paris ; pour les thermomètres, la lumière fixe d’un bec à gaz frappe la tige du thermomètre-qu’elle traverse pour aller ensuite frapper la feuille de papier photogénique qui doit recevoir l’impression. Mais comme chaque division du thermomètre forme un obstacle au passage de la lumière, cette division se trouve marquée sur le papier ; et comme lé mercure de la tige empêche aussi la lumière de traverser, le sommet de sa colonne sera marqué sur lè papier par la limite de l’action éclairante ; quant à la succession de l’observation, elle est obtenue parce que la feuille de papier sensible se trouve entraînée sur un cylindre qui fait un tour en 24 heures et reçoit ainsi l’observation non interrompue pendant tout ce temps. Le baromètre a une disposition analogue. Les boussoles de variation diurne, de variation de
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- force horizontale et de force verticale, nécessaires pour le-tude des forces magnétiques terrestres, portent chacune un miroir sphérique sur lequel tombe la lumière d’un bec fixe ; cette lumière, après sa réflexion sur le miroir, tombe sur un système de lentilles cylindriques qui la concentre derrière eux sur le papier sensible disposé comme pour le thermomètre, Pour 6 appareils différents, il y a 3 cylindres tournants qui portent le papier photogénique, qui après les 24 heures d’observation est traité comme à l’ordinaire, pour faire venir et fixer l’impression qu’il a reçue.
- Une disposition remarquable, parmi les instruments patronés par l’observatoire de Kew, distingue un anémomètre nouveau de M. Robinson, qui donne la vitesse du vent. U consiste en. un axe vertical dans lequel sont fixés 4 rayons égaux, à l’extrémité de chacun desquels se trouve une calotte hémisphérique : ces 4 calottes sont comme 4 cuillers dont les manches seraient fixés à l'axe. Ce système à tout vent a une action rotatoire toujours proportionnelle à l’intensité du courant. Divers appareils de ce genre enregistrent de différentes manières.
- Dans la montre de M. Eliot, on trouve quelques instruments d’observation, parfaitement exécutés, particulièrement pour la pratique des ingénieurs.
- M. Adie expose un grand nombre d’instruments météorologiques, baromètres, thermomètres, etc.
- Ainsi que nous l’avons dit, ces instruments sont réunis sous le patronage de l’observatoire de Kew, qui a représenté d’une façon complète la disposition en plein air, mais dans leur cabine à jalousies, de tous les appareils thermométri-ques, hygrométriques, psychrométriques, etc.
- On voit parmi eux de curieuses solutions trouvées par M. Ronald pour l’enregistrement automatique des hauteurs barométriques au moyen de la photographie.
- La majeure partie des appareils enregistreurs sont à mouvement continu; fort peu ont un mouvement périodique; sans aucun doute, les premiers sont de beaucoup préférables aux derniers, quoique ces derniers l’emportent de beaucoup encore sur les-observations isolées, faites par les observateurs eux-mêmes. ,
- On voit encore dans cette collection l’anémomètre de Robinson, les baromètres étalons d’Adie, de Newcomen, et une
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- très-belle collection de boussoles d’observateur, faites par Jones, par Baron et par d’autres constructeurs.
- Cette réunion de plus de deux cents appareils forme le plus bel ensemble d’instruments météorologiques, et sera pour les hommes de science un des faits les plus considérables de l’Exposition.
- Dans l’exposition prussienne, nous avons remarqué un baromètre enregistreur périodique de M. Hempel ; et parmi les instruments de Geissler. à Bonne, des hygromètres, des vapo-romètres et des thermomètres hypsométriques ou pour mesurer les hauteurs, dont les degrés sont divisés en mille parties.
- Les cartes, modèles et documents d’astronomie, de géographie , de topographie et de statistique, sous le point de vue de l’enseignement, sont assez largement représentés à. l’Exposition, particulièrement les cartes. L’imprimerie impériale a son pourtour extérieur tapissé de cartes géologiques, de cartes générales et particulières, e(c., dont les modèles lui sont fournis par l’école des Mines et le dépôt de la guerre. On y remarque surtoul. une carte de France au quatre-vingt millième, qui est l’ensemble des cartes partielles exposées à côté. Le ministère de l’agriculture, du commerce et des travaux publics a pareillement exposé des atlas de nivellement et autres extraits des documents des ingénieurs des ponts et chaussées.
- M. Bauerkeller a produit de très-belles cartes en relief ou gaufrées, en couleur, très-propres à l’enseignement de visu.
- En Angleterre, nous trouvons plusieurs reproductions gal-vanoplastiques de cartes gravées, ce qui permet d’extraire dé l’original telle ou telle carte spéciale. L’Autriche, l’Institut impérial militaire de géographie à Vienne , présentent aussi de belles cartes d’ensemble; nous dirigerons spécialement l’attention sur celles de la direction de statistique administrative , faites d’après le système de SI. Streffleur. Ces cartes forment des reliefs , mais avec des couches de niveau à échelon ; ces diverses couches ont des teintes diverses, afin de mieux faire apercevoir, dans les nivellements généraux, les points de niveau. On comprendra de quelle utilité dépareilles caries doivent être pour le tracé des grandes voies de communication. D’autres ont été faites par diverses administrations dans des vues spéciales, en représentant par des courbes
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- plus ou moins accidentées, des données statistiques de toute nature.
- M. Bardin, chef des travaux graphiques à l’École polytechnique, a exposé un très-grand nombre de reliefs en plâtre servant à l’enseignement du dessin en général ; parmi ces plans en relief, à diverses échelles, pour l’étudo de la topographie, quelques modèles sont mis à l’effet par des teintes et des couleurs qui font illusion, tant ils sont parfaits.
- Un grand nombre d’études de stéréotomie représentent avec une netteté parfaite les diverses surfaces des corps réguliers ainsi que les pénétrations des uns parles autres; enfin des études des quatre grandes espèces de roches, sont des miniatures de pans de montagnes soigneusement relevés et réduits à une échelle, qui permet de saisir d’un seul coup d’œil tout le caractère des diverses roches.
- M. Silbermann jeune a exposé une très-grande suite de tableaux représentant des appareils nouveaux en expérience et un grand nombre de tableaux de chiffres qui en résument les résultats; ses tableaux peints à l’hgile représentent, soit les phénomènes optiques de diffraction ou depolarisation, soit ceux tout aussi curieux et aussi instructifs de la météorologie ; composés pour le cours de M. Régnault, professeur de physique au Collège de France, ces modèles constituent le plus bel ensemble que possède l’enseignement des sciences physiques.
- Un autre exposant, M. Mabrun, a fait des tableaux analogues pour l’enseignement de la mécanique.
- Enfin, MM. Armengaud, Fouché, A. Leblanc et Robert ont exposé à divers endroits des tableaux représentant les plans d’un grand nombre de machines industrielles. La plupart de ces dessins sont d’une rare perfection.
- Si dans la majeure partie des États étrangers, le matériel de l’enseignement élémentaire fait défaut à l’exposition, l’Angleterre a cependant compris sa tâche et elle a exposé un très-grand nombre de modèles pour l’art du dessin, à tous les degrés et pour tous les genres; ces modèles sont pris dans ses écoles de \ 851. Quelques modèles gradués de sculpture accompagnent pareillement cette collection, â laquelle sont jointes des photographies, sur animaux vivants de toute espèce, et un très-grand nombre d’autres pour servir à l’étude de l’histoire naturelle, ainsi que des modèles parfaits d’anp.
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- maux pour le dessin ; la réussite de ces épreuves ne laisse rien à désirer.
- On voit aussi, tout auprès, diverses collections de figures géométriques en fil de métal et nombre d’autres en relief, servant pareillement à former le coup d’œil de l’èleve dessinateur; ces figures rappellent entièrement la méthode de Ferdinand Dupuis, si bonne dans les résultats rapides, obtenus à Paris et partout où on lui en demandait l’application.
- CLASSE IX.
- Industries concernant l’emploi économique de la chaleur, de la lumière et de l’électrité.
- Fabrication des allumettes chimiques. La fabrication des allumettes chimiques , qui est aujourd’hui très-étendue , tire son origine de l’emploi du phosphore découvert en Allemagne, yers 1680. Après avoir pas^.é par un grand nombre d’améliorations, elle paraît enfin être arrivée à un haut degré de perfectionnement. Ainsi les allumettes bien fabriquées ne produisent plus d’explosion en s’enflammant et ne projettent plus au loin des parcelles de phosphore dont les brûlures sont si cuisantes; les causes d’incendie sont ainsi considérablement réduites. Ces précieux progrès résultent de la suppression du chlorate de potasse; le soufre lui-même, qui paraissait être indispensable à l’ignition du bois et dont Codeur est si insupportable , a été remplacé par l’acide stéarique fondu. Le fait le plus important qui soit, à cet égard, révélé par l’Exposition, consiste dans cette nouvelle préparation qui ne s’enflamme que quand elle est frottée sur une surface spéciale-lement imprégnée de phosphore rougq.
- Il n’est pas sans intérêt de suivre le mode de fabrication de ce modeste produit, l’un des plus énergiques principes de mouvement et de vie des innombrables créations de l’esprit humain, amoncelées dans l’Exposition. On place les allumettes dans des cadres où elles sont fixées pour être transportées en plus grand nombre à la fois, et on les dépose ainsi sur des
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- plaques en fonte, assez chaudes pour faire légèrement roussir le bois; ce résultat obtenu, on les transporte immédiatement sur d’autres plaques ou bassins plats pour les plonger de 3 ou 4 millimètres dans l’acide stéarique fondu au bain-marie, dont une certaine quantité s’élève, par l’effet de la capillarité, dans le tissu ligneux. Après refroidissement, on plonge les allumettes, dans une composition, étendue à froid sur une table de marbre et obtenue par le mélange, au bain-marie, de phospore , de colle forte ou de gomme , d’eau, de sable fin et de diverses matières colorantes, telles que celles qui ont servi à produire les dessins exposés par divers fabricants.
- Les allumettes sont ordinairement livrées au commerce après la dessiccation ; mais, dans cet état, elles doivent être conservées dans des endroits secs. Pour les mettre plus complètement à l’abri de l’humidité, on a recours à une dernière opération, qui consiste à recouvrir la pâte phosphorée qui garnit leurs extrémités d’une couche d’acide stéarique, formant un léger vernis.
- L’exposition de l’Autriche, où l’industrie des allumettes est exploitée sur une échelle si vaste, qu’on estime à vingt mille le nombre des ouvriers qui y travaillent, présentedes échantillons très-remarquables en ce sens qu’ils sont le résultat de la fabrication journalière; le bois de l’allumette est travaillé avec soin et la cause première tient au bas prix de la main-d’œuvre. Ce travail, qui exige un peu d’habileté, se fait manuellement, car les machines à tailler les bois ronds sont encore peu répandues. C’est dans cette pa'rtie de la fabrication des allumettes seulement, que le consommateur peut prétendre, surtout en France, à une plus grande amélioration dans les produits.
- Cette industrie est représentée en Autriche par les fabriques de MM. Samuel de Majo, A. M. Pollak, J. Preshel et N. Rœmer, à Vienne; MM. W. Suda et Cie, à Briinn, Cl. de Bretton, à Zlin, et B. Fürth, à Schüttenhofen ; en Suède, par celle de Jonkoping, et, en France, par celles de MM. Ziegler et Cie, à Remelfing ; Couturier et Cie, à Sarreguemines (allumettes rondes à 12 cent, le mille jusqu’à 65 cent.), et pour les allumettes de fantaisie; MM. Merkel, Éliot et Sigle, à Paris.
- Combustibles destinés au chauffage économique. — Fabrication des houilles agglomérées. L’extraction du charbon produit
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- une grande quantité de menus fragments, dont, il y a quinze ans, les exploitations de mines trouvaient difficilement le débouché, en raison de l’impossibilité de les brûler sur les grilles des fourneaux en usage.
- Ces établissements ont dirigé leurs recherches sur les moyens d’utiliser avantageusement les menus charbons, et divers procédés ont donné naissance à l’exploitation des péras artificiels ou houilles agglomérées.
- Les procédés consistent tous à laver et cribler mécaniquement les houilles menues pour en extraire les parties schisteuses et terreuses, à les concasser uniformément après quelles ont été lavées et égouttées, et enfin , après avoir été séchées à l’air, à les mélanger à chaud, à 200° environ, avec 8 parties de brai ou goudron de houille, à l’aide d’un four circulaire dont l’intérieur est constamment en mouvement. Ce mélange est transporté à bras ou mécaniquement dans des moules de diverses formes, puis soumis à l’action de presses hydrauliques puissantes. Ce moulage produit un contact intime entre la houille et le goudron, et l’adhérence augmente encore par le refroidissement.
- Les houilles agglomérées ont ordinairement plus de consistance que la houille naturelle, et, à cause de leurs formes régulières, elles tiennent à peu près deux dixièmes moins de place; leur prix est peu élevé, elles se brûlent très-régulièrement en produisant moins d’escarbilles et leur combustion plus complète doit donner plus de chaleur que la houille seule qu’elles contiennent. La conservation ne demande aucun soin; les déchets qui consistent dans les résidus provenant de la casse des fragments au moment où on lés brûle, sont très-faibles et ces différents avantages les font rechercher pour le service de la marine.
- La France présente à l’Exposition les plus beaux échantillons deces produits. On remarque, en effet, un bloc de près d’un mètre cube et les fragments d’un autre, exposés par la Société des houilles de Saint-Etienne, dont l’usine spéciale d’agglomérées est située à Givors.
- Les mines de la Chazotte, à Saint-Etienne, présentent aussi des échantillons très-remarquables par leur compacité et leur brillant. Ce sont des cylindres de 8 centimètres produits à raison de 5000 kilogrammes à l’heure, par une opération conti-206 t>&
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- nue sous une pression de 150 atmosphères et avec une force motrice de 35 chevaux.
- Le prix de 30 francs la tonne est marqué sur les produits de ces deux usines.
- Vient ensuite la Belgique représentée par MM. Dehaynin père et fils, à Montigny-sur-Sambre, et par M. Van Cutsen van Neerdingen, à Molenbeek-Saint-Jean-lès-Bruxelles, dont les charbons sont solidifiés sans l’emploi du goudron et méritent à ce titre un examen particulier.
- Fabrication du charbon végétal moulé. Cette industrie, qui date de quelques années seulement , est due à M. Popelin-Ducarre; elle consiste à utiliser les débris de différentes matières carbonisées et agglomérées sous forme de petits cylindres de dimensions semblables au charbon de bois, en employant le goudron provenant des usines à gaz pour relier les débris entre eux. Cette fabrication , qui possède des analogies avec celle des houilles agglomérées, est particulièrement remarquable par les procédés de moulage et de carbonisation auxquels elle a recours. Le rôle du goudron y est différent : non-seulement il participe à l’adhérence des particules, mais encore et surtout il suffit en partie, par la combustion des vapeurs de ses carbures d’hydrogène les plus volatils, à la carbonisation elle-même, en laissant jusqu’à 25 parties de son poids de charbon.
- Les operations comprennent le broyage, le mélange, le moulage, le séchage, la carbonisation et l’étouffage qui s’exécutent toutes par des moyens mécaniques. Les débris de matières combustibles employés sont ordinairement la poussière de bois, le poussier de charbon de tourbe provenant des fonds de bateaux et magasins, les résidus des usines à gaz et des magasins de coke, et le charbon des brindilles des forêts, des bruyères, etc., qui demande, pour être utilisé, une carbonisation spéciale, mais largement compensée par une densité d’environ 33 pour 100, et qui est toujours plus régulière que celle du charbon de bois ordinaire.
- Les matières premières de la fabrication des charbons agglomérés par moulage et par carbonisation, qui se composent uniquement de goudron et de charbon pulvérulent, donnent lieu , suivant la proportion du goudron et la nature des résidus des charbons employés, à des produits de qualités diffé-
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- rentes ; ainsi, la première qualité de ces charbons est produite par le mélange des poussiers de charbons de bois durs contenant le moins de cendres et de 50 à 60 pour 100 de goudron, qui laisse encore, après la carbonisation, près du quart de son poids de carbone pur dans le charbon moulé ; la seconde qualité se compose de résidus de poussiers de différentes origines et de 40 pour 100 de goudron de houille ; viennent ensuite les résidus de tourbe, de coke, qui produisent plus de cendres, mais donnent une combustion encore très-régulière.
- Aux cendres laissées par les charbons végétaux moulés, on reconnaît qu’il entre dans leur composition une certaine quantité d’argile qui atteint parfois jusqu’à 25 pour 100, et c’est sans doute à cet agent, qui subsiste dans un grand état de division , qu’est due la propriété conservatrice du feu que possèdent ces charbons.
- L’économie présentée par leur emploi en a répandu rapidement l’usage, et l’Exposition nous montre que cette industrie a déjà acquis une grande extension par le nombre des usines qui fabriquent actuellement ce genre de combustible,
- MM. PopelincDucarre et Cie exposent des charbons moulés de leur fabrication courante, des charbons purs pour les piles électriques et des modèles de machines et de fours à carboniser .
- MM. Testelin et Cie, Magniadas et Cie, Ad. Caron et J. Mil-lochan présentent aussi à l’Exposition des échantillons de ces produits.
- Fabrication de la tourbe condensée et séchée, et de la tourbe carbonisée.La tourbe est une substance très-combustible, brune, spongieuse et tendre, qu’on trouve en amas considérable dans les terrains marécageux. Elle est presque toujours recouverte d’une couche de terre végétale ou de sable, et s’étend ordinairement sur de grands espaces de terrain. Les tourbières sont formées par l’accumulation de débris de végétaux disposés en couches horizontales séparées quelquefois par des nappes de limon ; elles forment assez souvent des terrains sur lesquels on ne peut marcher sans enfoncer, et présentent parfois l’aspect d’îles flottantes à la surface des eaux. La couche extérieure est d’une consistance spongieuse et lâche ; plus bas, la tourbe est noire et compacte, et, vers le fond, les végétaux sont entièrement décomposés et forment une espèce
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- de pâte assez liquide. La tourbe paraît se reproduire incessamment, mais on ne connaît pas encore le mode de sa formation/
- L’exploitation ordinaire consiste à débiter cette matière avec la bêche, en briques qu’on fait sécher à l’air en les dressant et appuyant l’une contre l’autre pour qu’elles égouttent ; on les range ensuite par tas et on les retourne de temps en temps, puis on les dispose en meules au fur et à mesure qu’elles sont sèches. Quand la tourbe est en bouillie, on la met dans des moules où on la bat et la pétrit le plus souvent avec les pieds.
- Le chauffage de la tourbe est peu coûteux ; on n’en connaît pas d’autre dans certaines parties de la France, de la Hollande, du Hanovre, de la Westphalie, de l’Écosse et aussi du nord de l’Amérique; mais la tourbe a l’inconvénient de dégager beaucoup de fumée, de donner une odeur très-fétide et d’occuper trop de place, à cause de sa faible densité, pour être transportée sur d’autres lieux de consommation que Ceux avoisinant les points de son extraction.
- Les améliorations ont consisté dans l’application de moyens propres à comprimer ou condenser la tourbe naturelle et dans ceux de sa carbonisation en vases clos. On est ainsi parvenu à des résultats manufacturiers très-importants et l’on obtient maintenant du charbon de tourbe excellent et à bas prix qui s’emploie en grande quantité, même pour les besoins domestiques.
- Parmi les échantillons de ce produit, déposés à l’Exposition, on doit surtout remarquer les tourbes condensées et séchées, les échantillons de tourbe travaillée et polie, de tourbe carbonisée et d’agglomérés d’anthracite- et de tourbe de M. Challeton, à Clermond-Ferrand ; les tourbes carbonisées de MM. Chabert et Cie, à Saint-Just-des-Marais , en France; les briques de tourbe comprimée, de M. Kingsford, en Angleterre, et les tourbes naturelles de M. Scobell, à Montréal, au Canada.
- Fabrication des bougies. L’industrie de l’éclairage au moyen de l’acide stéarique appartient entièrement à la France, c’est aux travaux de nos chimistes et de nos manufacturiers que chacun doit de ne plus se servir de ces sales chandelles de suif qui éclairaient nos pères; grâce à la chimie, la plus
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- pauvre famille est mieux éclairée maintenant dans son taudis, que Louis XIV dans Versailles.
- Les acides gras dont on fait les bougies s’obtiennent par deux procédés différents, par saponification et par distillation ; parlons du premier procédé qui est le plus anciennement connu.
- . C’est aux beaux travaux de M. Chevreul qu’on doit les premières idées nettes sur la constitution des corps gras. C’est lui qui le premier-a pensé à isoler les acides pour en faire des "bougies; mais à côté du nom de M. Chevreul il faut placer celui de M. de Milly qui, le premier,, a rendu les procédés industriels et qui a tant contribué, en France comme à l’Étranger, à la création de l’industrie stéarique.
- Pour obtenir les acides gras, on saponifie le suif par la chaux, on décompose ainsi cette matière grasse en acides gras combinés à la chaux et en une matière soluble dans l’eau, la glycérine, qui n’a pas encore reçu grande application. Cette combinaison des acides gras avec la chaux est décomposée par l’acide sulfurique, on obtient ainsi du sulfate de chaux et les acides gras du suif qui sont au nombre de trois ; l’un est tout à fait liquide, l’acide oléique ; les deux autres sont solides, l’acide margarique et l’acide stéarique. Le mélange des trois acides est soumis à la presse, l’acide oléique s’écoule, les acides solides restent donc seuls, il n’y a plus qu’à les fondre, à les laver et à les couler dans des moules dont l’axe est occupé par des mèches tressées, préalablement plongées dans une dissolution faible d’acide borique.
- - Ce procédé donne des produits très-beaux, mais il ne peut
- s’appliquer aux matières grasses de toutes sortes , non plus qu’à certaines huiles, comme l’huile de palme que l’Afrique fournit cependant en grande quantité et à bon compte. Pour obtenir l’acide stéarique ou l’acide palmitique au moyen de ces différentes matières, il faut employer un autre procédé dû en grande partie aux .beaux travaux de M. Frémy, sur la saponification sulfurique. -
- - En traitant les suifs ou l’huilè de palme par l’acide sulfurique, on décompose ces matières grasses de la même façon qu’en les traitant par la chaux. Les acides gras isolés sont distillés au milieu d’un courant de vapeur d’eau surchauffée; les produits débarrassés de l’acide oléique à l’aide de la presse sont lavés et peuvent être livrés à la fabrication.
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- L’acide oléique que nous avons vu éliminé par l’action de la presse est employé depuis quelque temps à la fabrication des savons.
- Maintenant que nous sommes au courant des procédés, passons rapidement en revue les produits exposés dans l’Annexe, qui renferme toutes les' matières grasses propres'à l’éclairage.
- L’Angleterre a exposé à l’entrée de l’Annexe, à gauche, une vitrine plus riche qu’élégante, dans laquelle on remarque, outre de fort belles bougies et de gros pains de savon, des échantillons d’huile de palme successivement modifiée sous l’influence des acides, jusqu’à la séparation complète de l’acide palmitique, qui joue dans cette huile le même rôle que l’acide stéarique dans les suifs. Au reste, presque toutes les fabriques qui distillent, emploientl’huile de palme ; les vitrines des fabricants français (MM. de Milly, Poisat, Moinier et Jail-lon) renferment également de beaux produits obtenus avec cette huile de palme. Une des fabriques les plus importantes dans laquelle on distille cette huile est celle de M. Motard, à Berlin. Cet habile industriel ne se sert que de ce procédé, et son exposition est remarquable sous ce rapport, car il est parvenu, malgré les difficultés, à de très-beaux résultats. M. le docteur Motard est Français, ancien associé de M. de; Milly, et c’est un des hommes qui ont le plus contribué à la création de cette belle industrie stéarique.
- L’Autriche est représentée par trois ou quatre grandes maisons, celle de Milly Kerzen, qui porte encore le nom de fabrique de l’Étoile, celle d’Apollo Kherzen, dont la grande pyramide s’élève au milieu de l’Annexe; celle d’Himmelbauer fournit aussi de beaux produits, parmi lesquels on peut remarquer un buste de l’Empereur en acide stéarique, qui n’est, pas remarquable seulement par la difficulté vaincue.
- La Belgique et.la France ont exposé de fort beaux échantillons d’acide stéarique, entourés défaveurs blanches, roses, tricolores, etc., qui sont.placés dans la galerie sud de l’Annexe. Leur examen ne pouvant rien nous apprendre de nouveau, nous ne devons pas nous y arrêter.
- En dehors des acides gras obtenus par la saponification et. la distillation, M. de Milly expose des acides bruts, saponifiés avec une quantité de chaux extrêmement faible, 4 pour lOO
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- du poids des graisses au lieu de 14 à 15 pour 100 ; de là, on le voit, une grande économie, non pas tant de chaux, ce qui serait peu important, que d'acide sulfurique, ce qui l’est beaucoup plus.
- On comprend, en effet, que le savon calcaire produit renfermant une quantité de chaux moindre, il faudra une quantité d’acide sulfurique moindre aussi pour le décomposer.
- A côté de ces produits obtenus plus économiquement, nous en trouvons d’autres qui sont dus à. un perfectionnement apporté récemment à la production des acides gras par distillation. Lorsqu’on traite les graisses, par l’acide salfurique, il arrive ordinairement que cet acide agit trop énergiquement sur une partie de la matière, il se forme des composés noirs, dus à la désorganisation des suifs, et c’est autant de perdu.; M. Fremy est arrivé récemment à empêcher cette action trop énergique, à mieux régler l’opération, de façon à diminuer considérablement ou môme à supprimer entièrement les pertes dues à cette action trop vive de l’acide sulfurique.
- . Dans le coin à gauche de la vitrine de M. de Milly se trouve un grand flacon d’acide sébacique, acide gras solide obtenu en grande quantité par M. Bouis. Cet acide peut déjà servir utilement dans la fabrication des bougies et leur donne une dureté et un brillant plus grands; il empêche la cristallisation trop rapide, et, à ce titre, il, est avantageusement mélangé aux acides mous et trop cristallisés provenant de la distillation; il remplace la cire que les fabricants étaient obligés d’employer pour arriver aux mêmes résultats.
- Enfin, à côté de cet acide sébacique se trouve un flacon d’alcool caprylique, un corps complètement nouveau celui-là, et qu’on doit encore à M. Bouis Cet alcool s’obtient en distillant de l’huile de ricin au contact d’une dissolution de soude très-concentré ; l’alcool caprylique distille et l’acide sébaci-qüe se trouve dans les produits fixes. Quand les droits qui pèsent encore sur l’entrée de l’huile de ricin en France seront levés, la fabrication de cet alcool propre à Féclairage, propre à. dissoudre les résines qui entrent dans la confection des vernis, cette fabrication, disons-nous, aura réellement une grande importance, et c’est une nouvelle conquête indus-^ trielle qui vient s’ajouter au mérite scientifique du travail de M. Bouis* . >
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- Les savons sont tellement liés à la fabrication des acides gras qu’on nous excusera d’en dire ici quelques mots :
- MM. Demarson, M. Piquier, M. Pivert, les parfumeurs élégants, se placent à côté de M. Bully et de son vinaigre ; enfin, nous n’avons, par exemple, qu’un seul Farina au lieu de onze qui se tiennent par la main dans l’Exposition prussienne. Au reste, comme ils sont tous le seul, le vrai, le véritable, il n’y a pas de choix à faire.
- An reste, la parfumerie française jouit d’une grande réputation qu’elle mérite par la finesse de ses produits; on peut admirer.le talent d’étalage qu’elle a développé dans son exposition à gauche de l’Annexe.
- On sait que l’huile de coco, mélangée aux matières propres à fournir des savons, jouit de la propriété de faire retenir à ces savons une très-grande quantité d’eau ; il en résulte que tous les savons préparés avec cette huile, ou dans lesquels elle entre, renferment à égalité de poids une quantité de matière utile moindre que les savons dont cette matière est exclue. — Tous les savons allemands et belges renferment de l’huile de coco, ils sont de plus faits par empâtage. Aussi leur qualité est-elle inférieure à celle de nos savons français. Les savons de Marseille exposés sont très-bien faits, mais ils commencent à perdre de leur ancienne réputation; la concurrence et la soif du gain ont porté la plupart des fabricants à falsifier leurs produits courants ; aussi les savons d’acide oléique préparés avec plus de soin et de bonne foi, et qui contiennent 25 pour \ 00 d’eau seulement; sont-ils maintenant cotés à des prix supérieurs aux savons de Marseille.
- Chauffage et ventilation des habitations.
- On distingue quatre principaûx procédés parmi ceux employés pour utiliser au chauffage la chaleur obtenue par la combustion du bois, du charbon , de la houille, du coke, de la tourbe ou de l’anthracite. Ces procédés sont le chauffage direct par rayonnement du calorique à feu nu ou couvert, comme dans les cheminées et les poêles, le chauffage par l’air chaud comme dans les calorifères des appartements, le chauffage par circulation d’eau et celui par la vapeur, employés dans les serres, les grands établissements, hôpitaux, etc.,
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- où il est nécessaire d’échauffer et de ventiler des masses d’air considérables.
- Quoique les cheminées aient reçu de nombreux perfectionnements dans les temps modernes et qu’elles doivent demeurer, longtemps encore, le mode de chauffage le plus agréable par la présence du feu, et le plus sain par le renouvellement continuel et abondant de l'air des appartements, elles ne présentent pas moins le chauffage le plus imparfait et le plus dispendieux, car c’est à peine si elles permettent d’utiliser les quinze ou vingt centièmes de la chaleur totale, développée par la combustion du bois, du coke et dè la houille qu’on emploie généralement dans ces appareils. Cette énorme perte de calorique provient de la position même du foyer et du passage du courant d’air indispensable à la combustion qui entraîne dans l’atmosphère une portion de la chaleur produite.
- Le tirage des cheminées est dû à un courant ascendant qui s’établit dans le tuyau par suite de la différence de la température ou de la densité de l’air, à l’intérieur et à l’extérieur de ce tuyau ; une section de tuyau exactement suffisante pour le passage de la fumée et une hauteur convenable, sont les conditions principales d’un bon tirage , en y joignant toutefois celle-ci, que les ouvertures de l’appartement laissent entrer assez d’air pour alimenter le courant.
- Par l’effet du rayonnement du calorique qui émane de leurs foyers isolés, les poêles ont un grand pouvoir émissifet échauffent rapidement, surtout s’ils sont en fonte, la masse d’air au milieu de laquelle ils sont placés. L’air qui alimente la combustion est pris dans la pièce et entre sous la grille, la fumée se dégage à la partie supérieure et gagne, en se refroidissant dans un tuyau plus ou moins long, celui de la cheminée.
- C’est un des modes de chauffage les plus économiques et les plus répandus, mais il est loin d’être salubre ; le renouvellement de l’air dans l’appartement est presque nul et beaucoup de personnes ne peuvent supporter l’odeur désagréable , nuisible et quelquefois assez intense dans les poêles en fonte, qu’on attribue à la décomposition des matières organiques en suspension dans l’air, par suite de leur contact avec les parois chaudes du foyer et des tuyaux.
- Le chauffage par l’air chaud comprend les calorifères d’appartement et ceux destinés à distribuer la chaleur dans des
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- corps de bâtiments entiers,. Les premiers se composent d’un foyer, comme dans les poêles , et de plusieurs espèces d’enveloppes dans.lesquelles l'air., ordinairement pris à l’extérieur de.-la pièce, est échauffé avant de se répandre dans celle-ci. Les grands calorifères se placent le plus souvent dans les caves; l’air s’échauffe sur les parois extérieures du foyer et des tuyaux qui emportent les produits de la combustion,dans,une cheminée, puis s’élève aux différents étages en vertu de sa moindre'densité résultant de l’élévation de, sa. température, et se distribue dans,les,appartements,par des bouches de chaleur placées près des planchers afin qu’il se répartisse uniformément dans, toute la hauteur de ses appartements.
- L’usage aujourd.’hui très-répandu de la houille, pour chauffer nos, habitations, a donné un grand, développement à la. fabrication des cheminées et des calorifères.,, et l’exposition offre une variété presque infinie de ces sortes d’appareils, parmi lesquels se distinguent par leurs formes élégantes,,le goût de la composition et la perfection du travail., les produits de MM,. Laury, Lecocq, Chevalier, Pauchet et Aubert en France, Bailey, Edwards et Hoole en Angleterre, Delarpche frères et; Ganton en Belgique e.t Staib en Suisse.
- - La plupart de ces exposants présentent,en outre une série complète d’appareils de chauffage en,fonte, appliqués aux besoins domestiques , tels que fourneaux économiques, fourneaux de cuisine,, etc.; mais la.fabrication* spéciale de.ces derniers appareils est surtout représentée par les fonderies d!Hayange et de Cousances, les manufactures de-MM. Godin. Lemaire, Vinet-Odlin et Cie e,t André père et fils en France,, et les fonderies de Tangenhtitte en Prusse.. ,
- , Les. perfectionnements! qui paraissent les plus caractérisés dans le chauffage, par les cheminées et par, les calorifères à air chaud sont dus,AM,, le docteur Arnott de Londres.el.àî M. Chaussenot de Paris.
- . M. Arnott a imaginé, il y a plus:eurs; années, un, procédé très-ingénieux pour opérer la combustion de la houille, et qui a,, depuis ...donné* naissance, ài divers .systèmes, destinés ài faire, disparaître la fumée des* machines à vapeur et des usines établies dans les villes. L’idée est des plus simples : on place le; combustible dans une-sorte de boîte dont le- fond est.mobile et qui reçoit àivolonté.unimo.uvement d’élévatiomau moyen d’un,
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- levier qu’on ihanœuvre de temps à autre à la main, on allume le feu comme à l’ordinaire, et dès que la couche supérieure est incandescente, ce qui a lieu très-rapidement, commence la distillation de la couche de charbon située au-dessous et à la hauteur des orifices qui fournissent l’air indispensable à la combustion, en sorte que les gaz qui se dégagent de cette couche inférieure sont obligés de traverser le charbon incandescent, qui les brûlé à, peu près complètement sans laisser trace de fumée. La boîte ou foyer contient le charbon destiné au chauffage de toute la journée; il suffit par instants d’en relever le fond pour amener au niveau des orififces et par suite au contact de l’air, une nouvelle couche de charbon,
- La ventilation de l’appartement est assurée à l’aide d’une ventouse ou soupape, en équilibre parfait sur ses axes, établie vers le plafond et mise en communication avec le tuyau de cheminée; le renouvellement de l’air ayant lieu à la fois par le foyer et par cette ventouse, se fait sous une pression constante et d’une manière uniforme dans le sens de la hauteur de la pièce.
- Dans les calorifères du système de M. Arnott, la combustion s’opère par le même principe, mais d’une manière plus simple ; une fois, rempli de charbon l’appareil fonctionne tout le jour sans aucun soin et avec une grande régularité. Il se compose d’un cylindre vertical intérieur dans lequel on place le charbon, la partie inférieure est terminée par une grille ordinairement hémisphérique et la partie supérieure est fermée par un couvercle reposant sur du sable. Ce cylindre est entouré d’une double enveloppe, celle extérieure contient l’air chaud en circulation et l’autre communique à la cheminée; l’air destiné à la combustion est dirigé vers la grille hémisphérique , arrive sur le combustible qui ne brûle qu’à cet endroit, traverse cette grille, pénètre dans l’enveloppe extérieure et s’échappe dans la cheminée ; la fumée de la houille située aurdessus de celle qui brûle ne pouvant trouver issue par le haut du cylindre de charge est obligée de redescendre et vient se brûler sur le charbon de la couche incandescente qui est constamment alimentée par la houille supérieure transformée en coke, descendant par son propre poids. L’admission de l’air sur la grille s’obtient par une soupape1 dont on peut régler l’équilibre assez exactement pour que les
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- moindres variations de pression et de vitesse de l’air à l’intérieur de l’appareil en modifient convenablement le passage; la proportion d’air introduit est ainsi tellement exacte qu’il est possible de brûler la quantité de charbon que contient le calorifère en un temps déterminé, et d’obtenir ainsi une température constante.
- M. Chaussenot a modifié aussi le système de chauffage à air chaud, d’une manière qui semble présenter quelques avantages; au lieu d’un calorifère échauffant l’air environnant par le contact de ses parois, immédiatement soumises à l’action du foyer; c’est une chaudière hermétiquement fermée, contenant un nombre convenable de tubes en forme de siphons, disposés pour le passage de l’air; l’eau de la chaudière est chauffée et l’air circulant dans les tubes entourés d’eau de tous côtés, vient s’emparer du calorique qu’il porte ensuite dans les endroits où il est nécessaire, suivant le système ordinaire.
- Le chauffage par circulation d’eau chaude est établi sur le principe du déplacement successif des couches horizontales de l’eau, en vertu de leur changement de densité par l’action de la chaleur. Il consiste à déterminer un mouvement circulatoire et continu d’eau, qui, après s’être échauffée dans une chaudière, monte directement par un tuyau dans un ou plusieurs réservoirs hermétiques, placés dans les combles de l’édifice que l’on veut chauffer, puis redescend dans une série de tuyaux, en passant par toutes les parties de cet édifice pour y laisser sa chaleur et revenir enfin à la chaudière d’où elle était partie ; des récipients ou poêles à eau chaude sont disposés sur le passage des tuyaux de retour; dans l’iutérieur de ces poêles sont des tubes en fonte, mis en communication avec l’air extérieur par des conduits pratiqués au-dessous du plancher ; cet air s’échauffe dans les tubes et se dégage ensuite au-dessus des poêles.
- On a appliqué le chauffage à l’eau chaude dans un grand nombre d’établissements et dans divers hôpitaux, et la chaleur que peuvent fournir les réservoirs des combles y a aussi été utilisée pour obtenir une ventilation par appel de l’air. A cet effet, des conduites, disposées dans l’épaisseur des murs et prenant leur origine dans les pièces où l’air doit être renouvelé , vont aboutir dans une cheminée d’appel qui débouché
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- dans l’atmosphère et au centre de laquelle sont situés les réservoirs faisant partie du système de circulation de l’eau chaude. Par une cause analogue à celle qui produit le tirage des cheminées, l’air est aspiré dans ces, conduites, avec une vitesse qui tient au degré de température auquel il peut être porté par le calorique que l’eau cède aux parois des réservoirs, et que celles-ci lui transmettent. Ce mode de ventilation présente plusieurs inconvénients : d’abord la vitesse de l’air est nécessairement différente pour chaque étage, à cause de la hauteur différente des conduits, ensuite la suspension du chauffage, en été, amène naturellement la suspension de la ventilation, enfin différentes causes, telles que l’ouverture des portes, des fenêtres, les changements dans l’état de l’atmosphère, peuvent chacune déterminer l’interruption du renouvellement de l’air dans une ou plusieurs parties de l’édifice.
- Le chauffage par la vapeur est fondé sur la propriété qu’ont les vapeurs de restituer leur calorique de vaporisation lorsqu’elles se condensent. Les moyens d'application consistent à produire la vapeur dans une chaudière semblable à celles des machines à vapeur, puis à la faire circuler à l’aide de tuyaux dans des caniveaux construits sous les planchers des pièces qu’on se propose de chauffer , et, en dernier lieu , à diriger l’eau de condensation vers les chaudières au moyen-de tuyaux particuliers. La vapeur se condense dans ces conduites et cède à l’air circulant dans les caniveaux tout son calorique latent au fur et à mesure que s’effectue la condensation ; cet air échauffé sort par des bouches de chaleur et s’élève dans l’appartement. On dispose souvent dans les chambres des récipients ou poêles à eau chaude, dans lesquels serpentent les' tuyaux de vapeur et qui contiennent des tubes laissant passer l’air des caniveaux dans ces chambres, en contribuant encore à son échauffement.
- L’un des avantages de ce système est de pouvoir porter la chaleur à de grandes distances et d’échauffer en même temps très-rapidement.
- La ventilation peut s’obtenir, mais avec les mêmes inconvénients, comme dans le chauffage par circulation d’eau chaude, en établissant dans les combles un réservoir de vapeur d’une surface de chauffe convenable.
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- Jusqu’à présent on n’a guère employé que le chauffage à i’eau et les ressources de ventilation qu’il présente, pour le service des‘hôpitaux et des grands établissements, dans lesquels le renouvellement de l’air est une nécessité de premier ordre. Mais l’administration des hôpitaux vient de mettre en présence dans celui de Lariboisière, les deux derniers procédés mentionnés ci-dessus. Les dix-huit salles comprises dans les six pavillons de cet hôpital sont chauffées et ventilées, celles des pavillons formant l’aile gauche, par lesap-pareils de MM. Léon Duvoir Leblanc, établis selon le système du chauffage à l’eau et de la ventilation par appel, et celles des pavillons de l’aile’droite par les appareils construits par M. Farcot, d’après les projets de MM. Laurens et Thomas , et destinés à chauffer par la vapeur et à ventiler mécaniquement.
- On connaît déjà les principes du chauffage dans l’un et l’autre cas et celui de la ventilation par appel ; il reste donc à donner une idée de la manière avec laquelle s’opère la ventilation mécanique.
- La vapeur des chaudières, avant de se distribuer dans les conduits qui portent la chaleur dans les salles, met en mouvement une machine dont le travail est appliqué à faire agir des ventilateurs à force centrifuge; ces ventilateurs aspirent l’air recueilli aune grande hauteur dans l’atmosphère, et au-dessus des bâtiments, et le refoulent dans un large tuyau qui le porte, par ses embranchements, dans les caniveaux de toutes les salles à ventiler ; l’air pénètre ensuite dans ces salles après s’être échauffé au contact des conduites de vapeur et des poêles à eau. L’air vicié des salles est ainsi constamment refoulé par de l’air neuf, dans des passages ménagés dans l’épaisseur des murs, et qui aboutissent aux combles des pavillons, dans des cheminées en communication avec l’atmosphère. En été, la ventilation s’opère seule et la vapeur, à la sortie de la machine , peut être utilisée complètement pour l’usage des bains et de la buanderie.
- Les effets de cette ventilation , dont on dispose à volonté, présentent des avantages qui leur sont propres; l’expérience faite sur une grande échelle, à l’hôpital de Lariboisière, démontre, par exemple, qu’en été, la ventilation peut atteindre jusqu’à 130 mètres cubes d’air renouvelé par heure et par
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- lit, dans le système mécanique de MM. Laurens et Thomas. Les médecins ont observé l’influence heureuse de cet abondant aérage sur la santé des malades et sur les suites des opérations chirurgicales. L’examen comparatif auquel on se livre en ce moment ne peut manquer de fixer l’opinion sur les valeurs respectives des deux systèmes.
- L’abaissement du prix du gaz a fait penser dans ces derniers temps à construire des appareils spéciaux pour son utilisation, comme combustible, au chauffage des habitations. On rencontre à l’Exposition quelques-uns de ces appareils; ceux de M. R. W. Elsner, de Berlin, présentent une grande variété d’applications ; ceux exposés par M- Bailey, le calorifère à gaz de M. Lauryetla cheminée de M. Marini offrent aussi des dispositions assez ingénieuses, mais il ne paraît pas encore que l’usage de ces appareils soit assez économique pour pouvoir rivaliser avec les moyens ordinaires de chauffage.
- Une nouvelle source de chaleur vient d’être récemment proposée à l’industrie, mais jusqu’à cet instant elle est encore restée sans applications, il s’agit d'utiliser une force naturelle quelconque et sans usage, comme pourrait en offrir un cours d’eau, à faire mouvoir rapidement une machine produisant un grand frottement et développant par ce fait une chaleur intense. Cette idée de MM. A. Beaumont et A. Mayer a été matérialisée par eux , par la construction d’une machine qu’ils ont exposée; c’est une chaudière de quatre hectolitres environ contenant dans sa longueur Un tube conique enveloppé par l’eau, et dans lequel le frottement s’effectue par la rotation rapide d’un cône en bois; le frottement produit la chaleur, se communique immédiatement à l’eau et l’échauffe jusqu’à en élever la température au point de déterminer, en trois ou quatre heures de marche, une pression de trois atmosphères dans la chaudière. Si cette machine n’est pas appelée à rendre des services, elle est au moins intéressante par son mode de production de vapeur.
- Chauffage de l’air pour le service des foyers métallurgiques.
- La fonte des minerais qui fournissent à l’industrie les divers métaux qu’elle consomme, exige différentes espèces de fourneaux. Ceux appelés hauts fourneaux, à cause de leur éléva-
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- tion, qui atteint parfois seize à dix-huit mètres, servent généralement à la conversion du minerai de fer en fonte de fer; ces immenses fourneaux, dans lesquels le bois, le coke ou la houille sont mélangés avec le minerai, nécessitent pour l’alimentation du combustible et la fusion du métal, la projection au moyen de machines soufflantes, d’un volume d’air considérable. Jusqu’à ces derniers temps ils étaient alimentés par de l’air, pris à la température de l’atmosphère et dont l’introduction était une cause de refroidissement; on a essayé depuis de projeter dans l’intérieur de ces foyers l’air échauffé par avance à une haute température, et ces essais ayant produit .une amélioration importante dans la qualité de la fonte et dans l’économie du combustible, l’usage de cette méthode s’est répandu rapidement dans la plupart des usines.
- • L’Exposition n’offre cependant aux regards des métallurgistes qu’un seul appareil destiné à cette opération, c’est celui de MM. Laurens et Thomas.
- Leur appareil se compose d’un ou de plusieurs tubes chauffeurs, placés horizontalement ou verticalement, suivant les localités, mais dans la plupart des cas dans cette dernière position ; chacun de ces tubes consiste en un cylindre de fonte d’un assez gros diamètre, dont la surface intérieure est garnie d’une série de lames venues de fonte et rangées symétriquement; la saillie de ces lames'n’est guère que le huitième du diamètre du tube; il reste dans l’intérieur de celui-ci un vide cylindrique que l’on remplit par un noyau, consistant en un tuyau de fonte, fermé par les' deux bouts; on constitue ainsi un espaceannulaire pénétré de toutes parts par des lames saillantes et compris entre la surface intérieure du tube chauffeur et la surface extérieure du noyau, C’est dans cet espace annulaire ainsi composé que passe l’air à chauffer. L’appareil, composé d’un nombre de tubes, déterminé par l’importance du fourneau, est ordinairement placé le plus près possible de chaque tuyau, pour éviter un trop long parcours de l’air chaud , et on le chauffe par les gaz provenant du gueulard. Les tubes d’un même appareil sont réunis et communiquent l’un à l’autre, de manière que l’air entrant dans le premier, passe ensuite par tous les autres, à travers les lames de fonte qui soutirent la chaleur à leurs parois, pour arriver au dernier et pénétrer dans le fourneau par la tuyère. La flamme du gaz
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- en combustion se trouve en contact avec la surface extérieure des tubes chauffeurs, sans pouvoir pénétrer dans leur intérieur; elle circule d’abord autour du dernier tube, celui qui communique à la tuyère, puis passe au précédent et arrive en dernier lieu sur le premier, qui reçoit directement l’air de le machine soufflante, pour s’en aller enfin dans la cheminée , ou dans un autre four, s’il lui reste encore de la chaleur utilisable; de telle sorte que, la marche de l’air étant inverse de celle de la flamme, cet air est chauffé graduellement dans chaque tube, et qu’en sortant du dernier, pour entrer dans la tuyère, il est à son maximum de température ou à 300° environ.
- Ce système est d’une grande simplicité et peut s’appliquer également à tous les fourneaux métallurgiques, en augmentant ou en diminuant le nombre des tubes chauffeurs, qui sont au nombre de deux pour les fourneaux à charbon de bois et à une tuyère, de deux à chaque tuyère de fourneau à coke, et pour les grands hauts fourneaux soufflés des deux côtés, de deux appareils de trois tubes chacun. La Surface de chauffe est considérable, car elle comprend non-seulement la surface extérieure des tubes en contact avec la flamme, mais encore la surface des lames saillantes, chauffées par l’effet de la conductibilité du métal, et la surface du noyau intérieur qui est elle-même suffisamment chauffée par le rayonnement du calorique. Cette dernière circonstance, en évitant de faire passer la flamme dans le noyau pour le chauffer, supprime l’emploi, au lieu de tubes chauffeurs, des tubes annulaires, dans l’intérieur desquels passerait la flamme; ils ne pourraient être formés que par deux cylindres concentriques réunis par des joints, tandis que le mode actuel permet d’en diminuer le nombre.
- Cette surface de chauffe considérable, à l’établissement de laquelle concourt la majeure partie de la fonte qui entre dans la constructioh, donne la faculté de diminuer le volume de l’appareil, et par suite le poids de cette fonte. La disposition des tubes permet enfin de placer les quelques joints qui existent seulement, à l’abri du contact du feu et de diminuer ainsi les chances d’accidents et les réparations.
- L’exposition de MM. Laurens et Thomas se recommande encore à d’autres titres à l’attention des maîtres de forge, 206 cc
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- ainsi leur machine soufflante à tiroirvmue par la vapeur, et que l’on peut aussi faire mouvoir par l’eau donne dans un espace très-réduit un soufflage aussi puissant en volume que les grandes souffleries, d’où il résulte économie sur le prix de la machine, économie sur les fondations et économie sur lq régulateur ou réservoir d’air, que la vélocité de ce genre dq machine permet d’amoindrir considérablement. Leur laminoir 'présente une grande ténacité et une grande résistance, résultant de leur mode particulier de coulage et de la nature de la fonte employée. On remarque enfin le modèle d’un haut fourneau à sept tuyères, muni des appareils propres à l’utilisation de ses gaz, et qui se distingue particulièrement par lesystème de fermeture hydraulique de son gueulard, dont les applications sont déjà nombreuses.
- Dessiccateurs et torréfacteurs de matières diverses, appareils . à distiller, condensateurs, etc.
- Parmi les appareils imaginés pour sécher et torréfier les matières de toutes sortes dont l’emploi réclame ce genre d’opérations, le torréfacteur mécanique de M. E. Rolland est celui dans lequel la perfection semble avoir atteint le plus haut degré.
- Les appareils employés ordinairement pour la torréfaction du café ou du cacao, les séchoirs de toutes sortes, les fours à torréfier le tabac et les autres appareils analogues sont à chargement intermittent; ils donnent généralement des produits très-irréguliers, exposent les ouvriers aux émanations souvent peu salubres qui se dégagent des matières soumises à l’action d’une température élevée et sont enfin très-peu économiques sous tous les rapports. Le torréfacteur mécanique paraît remédier à tous ces inconvénients et donner à la torréfaction et à la dessiccation des matières diverses tous lesavan-tages des opérations industrielles qui se font avec une continuité et une régularité parfaites.
- 11 se compose d’un long cylindre en tôle, armé à l’intérieur d’un certain nombre de saillies en forme d’hélices allongées, garnies elles-mêmes de fourches convenablement recourbées. Ce cylindre est placé horizontalement et tourne sur lui-même; la matière à torréfier est introduite par l’une des extrémités et
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- se trouve aussitôt entraînée par la paroi en mouvement; comme elle est retenue sur cette paroi par les saillies ou hélices, elle, peut atteindre le haut de TappareiL; mais arrivée là, elle retombe par son propre poids et se retourne en même temps, de telle sorte que les parties qui, au commencement de la révolution, étaient en contact avec la tôle inférieure du cylindre, forment après un demi-tour la couche supérieure de la masse, et ceci se répétant successivement, la matière est retournée en tous sens; mais au moment où elle glisse des hélices élevées pour retomber, elle tend, dans ce mouvement, ài suivre la pente de ces saillies et elle avance effectivement, dans le sens de la longueur du cylindre, d’une quantité plus ou moins grande suivant l’inclinaison des hélices ; la matière passe ainsi graduellement et tout en se retournant, d’une extrémité à l’autre de l’appareil. Dans le cas où la matière à torréfier est filamenteuse, les fourches fixées sur les hélices se chargent d’étirer les pelotons que le roulement continu; peut former.
- Le cylindre, enveloppé sur la moitié supérieure de son contour par un demi-cylindre également en tôle, est disposé dans un fourneau, de manière à être convenablement entouré par les gaz de la combustion, tout en ayant la facilité d’exécuter librement le mouvement de rotation que lui communique un mécanisme extérieur; il accomplit ce mouvement sur quatre galets qui le supportent en même temps à ses deux bouts , et se trouve par ce fait complètement dégagé dans son intérieur. La plus grande partie de la chaleur que le fourneau émet par rayonnement sert à chauffer l’air, qui entre dans le cylindre par le même côté que la matière à torréfier, et vient aider à la dessiccation.
- La matière est amenée continuellement à l’une des extrémités par des soupapes qui s’ouvrent à l’instant où les hélices laissent l’entrée libre. Ces soupapes sont elles-mêmes alimentées par une roue à palettes ou distributeur, tournant assez rapidement et divisant d’une manière uniforme la masse de matière qui lui est superposée; un peigne métallique étire constamment les brins pour faciliter cette division. Après son passage dans toute la longueur du cylindre, la matière enfin torréfiée vient sortir par l'autre extrémité; elle tombe alors dans une caisse, communiquant par sa partie supérieure avec
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- une grande cheminée d’appel où se rendent toutes les vapeurs produites, et garnie à sa partie inférieure d’une soupape double ; cette soupape, équilibrée par un contre-poids convenable, s’ouvre d’elle-même quand elle a reçu une certaine quantité de matière, et se referme aussitôt après la sortie de celle-ci. De cette manière, toute entrée inutile de l’air froid est évitée.
- Le degré de torréfaction se règle à volonté, d’abord en augmentant ou diminuant la vitesse du mouvement, pour laisser moins longtemps ou plus longtemps chaque partie dp la substance à torréfier en contact avec la paroi chaude du cylindre, et ensuite en augmentant ou diminuant l’introduction de l’air dans le foyer, pour élever ou abaisser la température. Le premier résultat s’obtient suivant la manière ordinaire, en montant sur des tambours coniques la courroie qui transmet le mouvement; le second est obtenu par le moyen d’un thermo-régulateur. Ce dernier appareil, de l’invention de M. Rolland, est fondé sur le principe de la dilatation des gaz fixes; il s’adapte au foyer et, au moyen d’organes assez simples, fait mouvoir, avec une grande sensibilité, deux soupapes qui règlent l’introduction de l’air et maintiennent ainsi la température au degré favorable à l’opération.
- L’appareil qui figure à l’e-xposilion a été disposé spécialement pour le traitement des matières filamenteuses, et paraît en effet satisfaire aux exigences du travail compliqué que leur manipulation comporte; on n’aurait qu’à le simplifier pour le rendre convenable au traitement du café, du cacao, de la chicorée, du malt, des graines, des légumes et d’une infinité d’autres matières. Des appareils établis d’après ce système fonctionnent depuis plusieurs années pour la torréfaction des tabacs.
- La dessiccation est aussi employée comme moyen de déterminer d’une manière absolue la quantité d’humidité contenue dans la soie. Cette opération, appelée conditionnement, exige des appareils particuliers, dont l’exposition deM.Rogeat, de Lyon, nous offre plusieurs types.
- Le prix élevé de cette matière et sa propriété naturelle d’absorber et de retenir facilement une assez grande quantité d’eau, propriété mise à profit par la fraude, firent sentir, dès longtemps, le besoin de pouvoir constater exactement l’humidité dont elle peut se charger, au delà de celle qu’elle pos-
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- sède dans son état normal. A cet effet, la ville de Lyon et celles où le commerce des soies donnait lieu à d’importantes transactions créèrent d’abord, il y a une cinquantaine d’années, un établissement public ayant pour but de contrôler le poids de cette matière précieuse; on y pesait la balle de soie à son entrée, puis on en exposait le contenu pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures dans des armoires grillées, disposées sur les côtés de longues salles dans lesquelles la température était constamment maintenue, à l’aide de poêles, entre 18 et 20 degrés réaumur; la soie était ensuite pesée de nouveau etrendue avec la marque indiquant le poids de vente. A peine ce procédé de conditionnement fut-il mis à exécution qu’on en reconnut les vices, il présentait effectivement plusieurs causes d’erreurs : ainsi les soies placées près des poêles séchaient davantage que celles qui en étaient éloignées, ou . bien, d’autres très-sèches et prêtes à être retirées absorbaient l’humidité de celles placées nouvellement dans leur voisinage. La chambre de commerce de Lyon chercha à remédier à ces inconvénients, et grâce à sa persévérance et au concours de M. Gamot, directeur de la condition de cette ville, un nouveau procédé conçu parM. L. Talabot, et apportant une solution complète à ce problème'difficile, fût enfin appliqué en l’année 1843 ; depuis lors toutes les villes industrielles ont emprunté à Lyon cette nouvelle méthode de conditionnement.
- Le procédé ingénieux de M. Talabot consiste à prendre le poids net de la balle de soie, à en extraire dans les différentes parties quelquès écheveaux qui représentent alors l’humidité de toute la masse, à peser immédiatement ces mêmes écheveaux et à les exposer ensuite, suspendus au fléau d’une balance, dans un appareil maintenu constamment à la température de 110 degrés centigrades, jusqu'à" e que cette balance reste en équilibre; le poids qu’elle accuse à cet instant est le poids absolu de la soie dépourvue de toute humidité. On possède ainsi les éléments nécessaires pour déterminer la perte d’humidité de toute la balle, le poids primitif de cette dernière, le poids des échantillons qui la représentent et le poids absolu de ceux-ci; il ne reste plus qu’à établir une proportion : si, par exemple, les échantillons ont perdu 15 pour cent de lçur poids dans l’appareil, la balle pesant primitivement 100 kilogr. doit être réduite au poids de 85
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- kilogr.; mais on a reconnu que l’état ordinaire delà soie était de contenir 1 1 pour 100 d’humidité , alors on est convenu dé restituer au poids absolu cette proportion fixe pour établir le poids marchand, lequel serait alors pour la balle de l’exemple ci-dessus : 91 kilogr. 33; cette convention n’a d’ailleurs aucun inconvénient, puisque les termes de l’opération sont connus, et cet usage tient plus aux habitudes du commerce qu’à la nécessité d’y avoir recours.
- L’appareil dans lequel s’opère la dessiccation des échantillons de soie se compose de deux cylindres concentriques verticaux en métal ; la partie supérieure est fermée par un couvercle percé ‘ d’une fente pour laisser passer une tige suspendue à l’un des bras d’un fléau de balance ; la partie inférieure de cette tige est disposée en un cercle armé de crochets, ces crochets supportent les écheveaux à sécher dans le cylindre intérieur chauffé au moyen de la vapeur; la balance établie au-dessus de l’appareil est renfermée en partie dans une cage vitrée et mise ainsi à l’abri de l’air; enfin, du côté opposé aux cylindres, existe un casier en métal contenant les tiroirs dans lesquels on place les échantillons qui doivent être successivement éprouvés. Pour opérer la dessiccation, on enlève le couvercle du cylindre extérieur, on suspend les écheveaux pesés d’avance, on referme l’appareil et on laisse la soie ainsi exposée à la chaleur de 110 degrés, jusqu’à ce que la balance n’accuse plus aucune variation ; ce poids des écheveaux étant constaté et contrôlé par une double épreuve, on retire la soie et on procède à une autre opération.
- Le système de M. Talabot présentait un seul inconvénient : , celui d’exiger pendant trois heures le séjour de la soie dans l’appareil, et par conséquent une perte de temps et de combustible; M. Persoz, directeur de la condition des soies de Paris , et M. Rogeat, de Lyon , y ont obvié en remplaçant lé mode de chauffage à la vapeur par un séchage à l’aide d’un courant d’air chaud obtenu très-rapidement parades becs de gaz ou par l’emploi du charbon ; de cette manière la dessiccation ne dure plus qu’une demi-heure.
- Plusieurs millions de kildgfammes passent annuellement dans les établissements de condition, et depuis quelques années l’industrie de la laine elle-même a recours à ce moyen exact de garantie et de contrôle.
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- Les appareils de M. Rolland, pour la panification mécanique , apportent enfin les perfectionnements que l’on était en droit d’exiger dans une opération aussi importante que celle de.la fabrication du pain; le pétrin mécanique est très-simple, il se compose d’une auge demi-cylindrique dans laquelle se meut, à l’aide d’une manivelle, un axe garni de lames courbes ; le four est circulaire et chauffé par un foyer indépendant, il contient unp sole mobile ou plate-forme, mue à la main et de l’extérieur par une manivelle et quelques engrenages. L’emploi de ces deux appareils se multiplie chaque jour et fait espérer que les opérations, naguère si primitives, de la panification se feront bientôt avec toute la propreté et la perfection désirables.
- .Outre les appareils précédents, l’Exposition présente encore de toutes parts de nombreuses applications de la chaleur, remarquables à différents titres. Parmi celles qui se recommandent le plus par l’utilité des résultats qu’elles procurent, la distillation de l’eau de mer est sans contredit l’une des plus intéressantes, et sous ce rapport il faut distinguer les appareils de MM. Rocher, de Nantes, et E. Sasse, en Suède, qui peuvent transformer l’eau saumâtre de la mer en eau potable, pour tout un équipage, et cela sans grande dépense et par le fait seul de la préparation des aliments.
- Les appareils distillatoires ou de concentration des liquides de toutes sortes, de MM. Boutigny, Traxler, Tribouillet et Duyck, offrent aussi un grand intérêt.
- Enfin les appareils de MM. Wolf, en Wurtemberg, et Couty, en France, pour souder le plomb, le cuivre, le platine même, en profitant de la chaleur développée par la combustion du gaz hydrogène; les petites forges de M. Enfer, pour fondre et couler le platine; celles de M. Delaforge; les systèmes à blanchir le linge, de MM. Ducommun et Badies, Bouillon etGervais; la buanderie américaine, de M. King; les fourneaux à préparer les produits pharmaceutiques, de MM. Wolfmüller, en Bavière, et Mûrie, dans le duché de Bade, et l’appareil de M. Choisy-Lignon, pour utiliser l'eau de condensation des machines, méritent chacun une attention particulière.
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- Éclairage.
- L’éclairage s’obtient généralement par la simple combustion de corps capables de produire une flamme éclairante. La flamme n’étant elle-même que l’effet de la combustion d’un gaz , il suit que les matières solides et les matières liquides doivent d’abord donner naissance à un produit gazeux pour pouvoir fournir une flamme. C’est en effet ce qui arrive: si on chauffe un corps suffisamment, pour le voiatiliser ou le décomposer en gaz et enflammer ce gaz, c’est-à-dire si on allume ce corps, le produit gazeux obtenu brûle et donne assez de chaleur pour en volatiliser ou décomposer une nouvelle partie, et fournir une nouvelle quantité de gaz qui , s’enflammant à à son tour, produit le même effet, et prolonge ainsi l’existence de la flamme. Mais un gaz en brûlant n’est pas toujours capable de produire une flamme éclairante; il faut, pour qu’une flamme présente ces conditions, qu’elle contienne dans son intérieur des matières solides résistant à l’action de sa température; ce sont effectivement ces parties solides qui, portées à l’incandescence, la rendent visible et lui prêtent tout son éclat. La plupart du temps, le gaz se charge lui-même d’introduire ces molécules solides dans la flamme qu’il donne, soit parle produit solide résultant de sa combustion, soit à cause des dépôts que sa combustion laisse.
- . Les substances qui remplissent le mieux les conditions exigées par leur emploi pour l’éclairage, et qui, par ce fait et aussi par leur bon marché, servent le plus ordinairement, sont : le suif, les graisses, la cire, le blanc de baleine, les acides stéariques et margariques, et différents mélanges de ces corps, l’huile de colza, l’huile minérale de schiste et le gaz liquide, ou mélange d’alcool et d’esprit de bois, dont l’usage est assez restreint; enfin le gaz hydrogène carboné, dans lequel d’ailleurs les substances précédentes se résolvent en dernier lieu au moment de leur combustion.
- L’empioi des matièrés solides ne nécessite aucun appareil spécial, on se borne à donner à ces matières des formes convenables que leur consistance leur permette de conserver; ainsi on les moule et on en fait des cylindres de diverses dimensions, appelés chandelles, bougies, cierges, etc.; et dont
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- l’axe est une mèche de coton. C’est dans cette mèche que s’opère la combustion : aussitôt quelle est enflammée, le corps gras au-dessous d’elle entre en fusion, s’élève dans cette mèche par l’effet de la capillarité, y éprouve une décomposition par suite de la température élevée, et donne naissance au gaz hydrogène carboné qui s’allume et produit la flamme.
- Les perfectionnements apportés dans ces produits consistent principalement dans la fabrication des corps gras, fabrication qui est du domaine de la chimie: mais comme progrès'd’appareil , il faut remarquer néanmoins les moules mécaniques à chandelles de M. Cahouet, qui permettent de donner une grande rapidité au moulage, en même temps qu’une grande régularité.
- La fabrication des liquides destinés à l’éclairage est aussi une opération chimique, et par conséquent également étrangère à la 9e classe ; cependant celle de l’huile de schiste semble s’y rattacher , en ce sens que cette huile est uniquement utilisée à l’éclairage ; on l’obtient- du schiste bitumineux par une distillation ordinaire et après plusieurs purifications. Des échantillons assez remarquables en ont été envoyés à l’Exposition par MM. Wiesmann et Gie, à Bonn ; Legros et Cie, par la-Compagnie bourbonnaise etl’usine de Sainte-Maine, en France.
- L’usage de l’huile végétale ou minérale pour l’éclairage exige nécessairement des appareils appelés lampes pour contenir et présenter peu à peu ces liquides à la combustion. Le nombre des appareils différents imaginés pour arriver à ce résultat est considérable, et leurs dispositions ont toutes pour but dé faire que l’huile arrive constamment et régulièrement à la mèche, ni en trop petite quantité , ni en trop grande, et qu’il passe un courant d’air suffisant pour accomplir la combustion.
- D’abord les lampes furent composées d’un réservoir assez large pour conserver longtemps et sensiblement le même niveau au liquide qui y était contenu, et qui communiquait avec .la mèche par un tube; puis ce réservoir fut disposé pour établir un niveau constant dans le conduit placé au-dessous et correspondant avec la mèche : lorsque le niveau baissait dans ce conduit, il laissait libre l’ouverture du réservoir, l’air pénétrait, et l’huile s’écoulait jusqu’à ce que le niveau remonté fermât cette ouverture. Dans l’un et l’autre cas, le réservoir
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- situé au-dessus de la mèche, outre le peu de stabilité et de gracieuseté qu’il donnait à l’appareil, interceptait encore une certaine partie de la lumière. Les lampes Carcel ont obvié â ces inconvénients : l’huile arrive à la mèche par 1 effet de petites pompes formées d’une simple baudruche faisant office de piston et mues par un mécanisme d’horlogerie; le tout étant placé dans l’intérieur d’un cylindre et au-dessous de la mèche donne à l’ensemble une forme stable et susceptible de1 recevoir autant d’ornementations qu’on le veut.
- Mais de toutes les lampes, celle à modérateur, tout en étant très-régulière dans son fonctionnement, est en même temps la plus simple, la plus économique et, par suite, la plus généralement employée. Cette lampe, de l’invention de M. Fran-cho’t, se compose d’un ressort en spirale tendu par une crémaillère qu’on relève au moyen d’un pignon ; ce ressort agit constamment en appuyant sur un cuir embouti ou piston, pour comprimer l’huile 'placée dans la partie inférieure du cylindre qui contient le système, et la faire monter jusqu’à la mèche par un tube particulier. Ce tube d’ascension de l’huile est composé de deux parties : l’une, fixée au piston, est mobile avec lui et s’engage dans l’autre, faisant partie du bec, d’une plus ou moins grande quantité, suivant que le piston est plus haut ou plus bas. C’est dans ce tube qu’est placé le modérateur, simple tige métallique tenue d’un bout à la partie fixe, et pénétrant par l’autre dans la partie mobile , de manière à gêner, surtout dans cette dernière, qui est la plus étroite, la marche de l’huile qui passe entre cette tige et le tube ; le mouvement est d’autant plus ralenti que le modérateur est plus engagé dans la partie mobile, c’est-à-dire que le piston est plus haut, le ressort plus tendu et l’huile plus sollicitée à s’élever ; au contraire, lorsque le piston arrive vers le bas de sa course, et que le ressort, possédant moins de force , n’élève plus autant d’huile, le tube mobile est descendu, la tige est dégagée de ce tube, et le passage autour d’elle est plus facile. On comprend d’après cela que la force du ressort et les dimensions de la tige modératrice étant convenablement déterminées, la compensation des effets de ces deux pièces puisse donner à l’huile un mouvement régulier. L’excès d’huile à la mèche retombe dans le cylindre et repasse sous le piston lorsqu’on le relève.
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- Quant à la manière d’amener assez d’air sur la mèche, elle consiste à faire de cette mèche un manchon autour et dans l’intérieur duquel on établit un courant, à l’aide d’une cheminée de verre placée sur le bec.
- Outre ces différentes dispositions, les lampes prennent encore de nombreuses formes, suivant qu’on veut les affecter à certains besoins; telles sont, par exemple, celles des mineurs, qui sont des lampes portatives dont la flamme est entourée d’une toile métallique.
- ' Les lampes à l’huile minérale de schiste présentent une position différente; le liquide étant beaucoup plus fluide que l’huile de colza, le simple effet de la capillarité en fait monter dans la mèche une quantité suffisante pour entretenir la combustion, circonstance qui permet de faire de l’appareil un simple vase dans lequel plonge une mèche; seulement, comme l’huile minérale donne dans sa combustion beaucoup de charbon ou de fumée , il faut faire arriver sur la mèche un fort courant d’air pour exciter cette combustion, ce que l’on obtient en plaçant dans l’intérieur de la mèche un disque hori-zbntal forçant l’air à s’en rapprocher et à sortir plus rapidement. Ces lampes donnent une belle lumière, mais fument facilement, et répandent une odeur peu agréable qui gênera longtemps le développement de leur usage.
- Il y a encore les lampes à gaz liquide ou alcool dénaturé (mélange d’esprit de bois et d’alcool) différant des précédentes seulement par la mèche qui est enfermée dans un petit tube percé de trous ; c’est par ces trous que le gaz de la décomposition du liquide de la mèche sort et s’allume ; la flamme d’une forme assez gracieuse présente autant de petits jets qu’il y a de trous. Cette espèce de lampe est moins économique que celle du schiste, mais elle donne beaucoup moins d’odeur.
- Les bâtiments de l’Exposition renferment un grand nombre de lampes, très-variées de dispositions, mais fondées presque uniquement sur le principe du modérateur; la plupart ne sont que des occasions d’ornemeniations ou de ciselures et ne peuvent être examinées qu’à ce point de vue. Cependant les lampes à modérateur de M. Iladrot jeune et Cie dont on voit des exemples dans le Diorama jouissent d’une réputation méritée pour la lumière vive, constante et prolongée qu’elles fournissent; celles de M. Neuburger offrent en outre l’avant
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- tage de l'économie et delà longue durée, par suite du grand réservoir qu’elles possèdent et de la disposition qui ne laisse arriver à la mèche que la quantité d’huile exactement dépensée par la flamme. Les lampes phares de M. Aubineau et celles de M. Noël Bosselut sont remarquables par leurs grandes dimensions, tandis qu’au contraire les lampes lilliputiennes deM. Guillaume attirent l’attention par leurs proportions exiguës et mignonnes. La petite lampe de ménage de M. Dessales se recommande à la classe ouvrière par la modicité de son paix et la faible dépense que son usage occasionne. Les loupes-lampes pour les graveurs, de M. Perreux, sont une heureuse application des lampes aux arts. Enfin les lampes suspendues de M. Dardonville , qui sont facilement transportables et applicables par ce fait aux navires , celles de M. Bourgogne qui annoncent elles-mêmes, par une sonnerie, l’instant où elles manquent d’huile, et qui servent aussi de timbres de table; la magnifique exposition de M. Schlossma-cher et Cie et les lampes de M. A. Ribot qui sont destinées à l’emploi du gaz liquide, méritent aussi une mention particulière.
- L’étranger nous offre aussi plusieurs types de lampes qui n’ont rien de particulier dans leur construction et qui ne peuvent se comparer à la variété infinie de ceux des fabriques françaises ; cependant on doit signaler la fabrication de MM. Mariann , Allen et Moore en Angleterre.
- La disposition des mèches est une considération assez importante dans l’éclairage par les corps liquides ou solides, et sous ce rapport il faut citer M. Brochot, de Paris, et M. Senne, d’Erfurth (Saxe).
- Eclairage au gaz.
- L’éclairage par le gaz est une industrie récente qui a pris dans ces derniers temps une extension considérable.
- Il consiste à produire du gaz et à l’envoyer dans tous les endroits où il doit être consommé, c’est-à-dire à produire d’avance la décomposition qui s’effectue dans la mèche des chandelles, des bougies, des lampes, etc. Toutes les matières organiques, soumises à la distillation en vase clos sont capables de |produire du gaz hydrogène carboné, mais le gaz est
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- plus ou moins éclairant suivant la nature de ces matières; les substances solides ou liquides qui servent à l’éclairage ordinaire pourraient être ainsi employées avec succès à la fabrication du gaz, mais on leur préfère la houille à cause de son prix peu élevé, du résidu ou coke que sa distillation laisse et qui possède encore une certaine valeur, et enfin des produits ammoniacaux qui suffisent à eux seuls pour payer les frais d’épuration du gaz.
- La houille est soumise à la distillation dans des cornues de terre réfractaire ou de fonte, chauffées au rouge; la décomposition s'effectue, le gaz s’échappe et il reste du coke que l’on remplace par d’autre houille. Le gaz dégagé contient toujours des substances étrangères, nuisibles à son emploi et dont il faut absolument le débarrasser; c’est pourquoi, au sortir des cornues, il passe dans divers appareils appelés barillets, réfrigérants, épurateurs, destinés à retenir la plus grande partie des matières solides, liquides et gazeuses qui l’accompagnent. .
- Le gaz purifié arrive-dans le gazomètre, réservoir en tôle où il s’accumule et d’où il part pour se distribuer à tous les points de sa consommation, quand l’heure de sa distribution est venue.
- Au lieu de houille, on distille aussi quelquefois certaines huiles, que l’on fait tomber goutte à goutte, à cet effet, sur du coke chauffé au rouge dans des cornues; la chaleur décompose l’huile et il se forme du gaz dont le pouvoir éclairant est trois ou quatre fois plus grand que celui du gaz ordinaire.
- Le gaz, livré aux consommateurs à raison d’un prix déterminé par mètre cube, passe dans un compteur avant d’arriver au bec. Ce compteur est un axe horizontal garni d’au-gets et tournant dans une enveloppe cylindrique contenant de l’eau jusque passé cet axe; le gaz vient par un tuyau, remplit les augets un à un et les oblige à tourner ; chacun à mesure qu’il est plein, amène son gaz dans la partie supérieure du cylindre où se trouve le tuyau qui le conduit au bec. Le nombre de tours est indiqué par des aiguilles, mues par l’axe à augetsj sur le devant du compteur, et on en déduit facilement la quantité de gaz consommée d’après la capacité connue des augets.
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- Les becs à gaz sont de plusieurs espèces dans les uns le gaz sort par une petite couronne métallique, percée de trous, l’air passe en dedans et en dehors de cette couronne et active puissamment la combustion ; le bec porte une galerie pour soutenir une cheminée de verrez dans les autres, le gaz sort en lame mince, par une fente étroite, et produit une flamme de forme analogüe à celle d’un éventail; dans certains, enfin, dits becs Manchester, le gaz sort par deux trous obliques et les jets de flamme qui résultent de cette disposition viennent se rencontrer mutuellement et produire en sens inverse une espèce d’écusson ; ces derniers présentent plus d’économie dans la combustion du gaz, que les becs à éventail.
- L’Exposition ne montre pas que l’industrie du gaz ait fait de notables progrès, et l’on doit regretter de ne pas y voir les dernières modifications, récemment proposées dans le but d’obtenir une plus grande économie; à l’exception du,système pour l’extraction du gaz de MM. Boysen etCie, de Hambourg, et de quelques plans d’usines, on ne retrouve guère que des. appareils particuliers, relatifs à la conduite et à la consommation du gaz, tels que tuyaux, robinets, compteurs, lanternes, becs et cheminées, pour la fabrication desquels il faut distinguer MM. Siry Lizard et Cie, Dumont, Maccaud, Mareni, Laurot et Bengel, et Voruz et Fessard, en France, et MM. Fell et Bâte, Bailly, Paddon et Ford et T. Glover, en Angleterre.
- La.lumière une fois produite, on peut parvenir à lui donner une intensité assez considérable à l’aide d’abat-jour ou réflecteurs, dont l’effet est de renvoyer dans un sens les rayons lumineux qui divergeaient dans l’autre et d’accumuler ainsi la lumière sur un point plus restreint. Les réflecteurs sont des surfaces concaves, métalliques et polies, présentant une courbe parabolique ou sphérique, dont la lumière occupe le foyer ; c’est de la construction de cette courbe que dépend la qualité du réflecteur, mais c’est une condition dont, on se préoccupe peu quand il s’agit de réflecteurs communs. Ils sont généralement utilisés pour les signaux, par les chemins de fer et la marine. M. Camus mérite d’être mentionné comme l’un des fabricants qui ont apporté le plus d’améliorations dans la construction de ces appareils; M. Chasel et M. Blazy-Jailifier, à Paris, et MM. Thorton et fils, de Birmingham, présentent aussi des signaux à réflecteurs, d’une bonne con-
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- struction ; le falot de locomotive de MM. IL Piper et Bro, dit Canada, se distingue surtout par ses grandes dimensions ; on> doit enfin citer les appareils nouveaux de MM. Fortin Hermann : ce sont des falots de locomotive et des signaux pour arrière de train qui éclairent, au moyen du gaz, pendant dix et vingt heures, avec beaucoup de fixité et sans extinction possible, et qui s’aperçoivent à de grandes distances.
- Les abat-jour sont de simples cônes ou pyramides tronqués, de papier ou de métal, blancs à leur surface intérieure et diversement ornementés à leur surface extérieure ; ils s’emploient seulement sur les chandelles, les bougies ou les lampes, pour ramener la lumière de haut en bas ; divers moyensplus ou moins ingénieux les tiennent fixés sur la bougie, ou sur le verre de la lampe. La fabrication des abat-jour occupe un grand nombre d’ouvriers et forme à elle seule presque une industrie ; on remarque à l’Exposition les jolis abat-jour de M. Auguste, et ceux en acier fabriqués d’un seul morceau, en y comprenant même le support.
- Phares.
- , Les phares sont des feux qu’on allume sur les côtes et à l’entrée des ports pendant la nuit, pour servir de guides aux navigateurs.
- La lumière est d’abord produite par une lampe puissante à trois ou quatre mèches concentriques, puis projetée au loin par divers moyens capables de la rendre visible à de grandes distances. On employait autrefois ponr obtenir ce-dernier résultat, de simples réflecteurs paraboliques, aujourd’hui on fait usage uniquement de lentilles à échelons de Fresnel. Ces lentilles, qui remplacent également les grandes lentilles d’une seule pièce dont la construction était difficile et les effets très-incomplets, sont formées d’un segment de sphère, entouré d’une suite d’anneaux concentriques ayant une courbure calculée pour que chacun ait le même foyer que le segment central. Tous les rayons lumineux d’une lumière placée au foyer d’une de ces lentilles complexes, arrivent sur sa surface, et se réunissent, après l’avoir traversée, en un large faisceau parallèle. Comme l’affaiblissement de la lumière a lieu principalement en raison de la divergence des
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- rayons qu’elle émet, la lumière traversant une lentille à échelons doit rester intense et avoir une portée considérable.
- Les phares sont composés d’une ou deux lentilles de cette espèce , quand ils sont-de simples feux de ports, et de plusieurs disposées en polygone pour les feux de premier ordre. Dans les deux cas, les lentilles sont mises en mouvement autour delà lampe par un mécanisme d’horlogerie, de manière que les faisceaux de lumière qu’elles produisent sont successivement amenés sur chaque point de l’horizon ; en laissant d’ailleurs entre eux des intervalles moins lumineux ils forment ainsi des éclats et des éclipses de lumière dont la durée régulière et déterminée sert à distinguer uu phare d’un feu accidentel ou d’un autre phare voisin.
- Ordinairement pour les feux déports, les lentilles mobiles se meuvent autour d’un cylindre composé d’échelons semblables à ceux de ces lentilles, mais disposés circulairement autour de la lampe et superposés les uns aux autres. Le système des verres de ce cylindre ramène et projette la lumière du foyer en couches horizontales, de manière à former autour du phare un anneau lumineux constant, dans lequel se meuvent des segments de lumière plus éclatante, résultant de la concentration des rayons de cet anneau par les lentilles mobiles qui les rencontrent et produisent les éclats périodiques. •
- Le dôme et la partie inférieure des phares sont formés d’anneaux prismatiques de verre, tellement inclinés, qu’ils réfléchissent horizontalement toute la lumière qu’ils reçoivent de la lampe et forment aussi des nappes lumineuses fixes. On fait maintenant les lentilles à échelons de la hauteur des phares et se réunissant à la partie supérieure pour former le dôme ; les éclats et les éclipses ont lieu alors dans toute cette hauteur.
- Le palais de l’Exposition renferme plusieurs phares remarquables , celui du ministère de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, construit par M. H. Lepaute , sous la direction de MM. Reynaud et Degrand, et que l’on voit fonctionner au sommet de la tour qui s’élève dans le transept, semble atteindre la limite des perfectionnements que l'on puisse faire subir à ces précieux appareils; viennent ensuite ceux de M. H. Lepaute dont l’exposition renferme, en outre, diverses dispositions de lentilles, ceux de M. Sautter
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- et Cie de Paris, et enfin, le phare à feu fixe de MM. Chance frères, de Birmingham.
- Production et emploi de l’électricité. — Piles électriques.
- Les piles électriques sont des appareils destinés à former une source constante d’électricité. Ces appareils sont basés sur la propriété que possède toute réaction chimique de dégager une certaine quantité de ce fluide, et ils doivent satisfaire à la condition de produire la réaction capable d’en donner la plus grande quantité possible d’une manière continue.
- Une infinité de corps peuvent donner lieu à cette réaction et servir ainsi à la construction d’un nombre considérable de piles différentes.
- Parmi celles que l’on emploie généralement, la plus énergique et la plus simple'est celle de Bunsen. Elle se compose d’un pot de faïence, ou de verre, rempli d’acide sulfurique étendu d’eau, et contenant un manchon de zinc qui est plongé aussi dans le liquide; dans l’intérieur du manchon de zinc, on place un vase poreux en terre cuite qui laisse communiquer lentement le premier liquide avec l’acide azotique concentré qu’il contient lui-même, et dans lequel plonge un cylindre de charbon préparé.
- L’existence du zinc, de l’acide sulfurique et de l’acide nitrique dans le même vase, détermine une réaction chimique particulière, dont le résultat physique principal est la formation de deux électricités différentes; celle qu'on appelle positive se rend au charbon qui prend alors le nom de pôle positif, et l’électricité négative vient sur le zinc ou pôle négatif. Si on adapte à chacun de ces pôles un fil conducteur, soit par exemple un .fil de cuivre , et qu'on réunisse l’extrémité libre de ces deux fils, il s’établira immédiatement un courant électrique.
- On remplace quelquefois le charbon par une lame de platine , et les acides par d’autres liquides, mais c’est toujours le même résultat, et en définitive la pile précédente est celle qui, jusqu’à présent, mérite la préférence, lorsqu’on veut obtenir des effets énergiques et constants, tels qu’on a besoin pour l’éclairage électrique ou pour les moteurs.
- La pile de Daniell est aussi d’un usage tiès-fréquent, mais 206 dd
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- alors seulement qu’on désire un courant faible, très-régulier et prolongé, ainsi qu’il est utile pour la télégraphie électrique et la galvanoplastie. Cette pile est composée également d’un pot. principal contenant le manchon de zinc et l’acide sulfurique étendu ou une dissolution de sel marin, mais le vase poreux contient, au lieu d’un charbon, un cylindre creux de cuivre rouge baignant dans une dissolution saturée de sulfate de cuivre et portant des fragments de ce sel destinés à remplacer constamment celui qui se dissout. 11 se produit une réaction un peu différente de la précédente, mais donnant lieu au même résultat, c’est-à-dire production des deux électricités; le zinc est toujours le pôle négatif, et le cuivre, qui remplace le charbon, est le pôle positif.
- On réunit ordinairement une quantité plusou moins grande de l’ün ou l’autre de ces appareils pour constituer une pile plus puissante dans laquelle alors chaque pot n’est plus qu’un élément.
- Outre les piles de diverses espèces et peu différentes de celles connues jusqu’à ce jour, l’Exposition en présente quelques-unes qui paraissent assez nouvelles. Ainsi, la pile électro-hydro-dynamique de M. Chenot fonctionne sous l’influence des liquides à haute température', la batterie galvanique, de grande dimension de MM. Jedlik, Esapo et Hamard, dans laquelle les vases sont formés de pâte de coton à poudre, semble annoncer des résultats particuliers; enfin M. Grove fait voir un exemple de sa pile dont les données sont si singulières et les effets si surprenants.
- Éclairage électrique.
- La pile électrique est la source de lumière la plus intense que nous possédions. Si on approche , en effet', les extrémités libres des deux fils d une pile assez puissante, mais en laissant eutre eux un petit intervalle, le courant, quoique le circuit ne soit pas ainsi complètement fermé, franchira cet intervalle et se montrera sous l’apparence d’étincelles excessivement brillantes, se succédant rapidement et produisant une lumière vive et continue. Mais c’est surtout à l’incandescence des extrémités des fils rapprochés que l’on doit cette lumière, Pour utiliser ce phénomène à l’éclairage on a ajouté, aux
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- extrémités des fils conducteurs, deux baguettes de charbon dur et compacte. Ce sont ces charbons assez rapprochés l’un de l’autre pour livrer passage au courant, qui deviennent inr candescents et donnent naissance à une lumière éblouissante.
- Une autre difficulté s’est présentée dans l’emploi de l’éclairage électrique : celle de régulariser l’écartement des charbons. Il faut, en effet, que cette distance soit toujours la même, et il n’en peut être ainsi ordinairement, car, outre ln légère combustion que les charbons éprouvent, et que l’on éviterait d’ailleurs en les plaçant dans un vase où le vide serait fait, il y a volatilisation et transport du charbon d’un pôle sur l’autre.
- Plusieurs appareils ont été proposés pour obtenir entre les charbons une distance toujours égale. Us sont composés en principe d’un électro-aimant intercalé dans le circuit et agissant sur un mécanisme qui a pour mission de relever continuellement les charbons l’un contre l’autre, à mesure qu’ils se volatilisent. Cet électro-aimant est un morceau de fer doux que le fil métallique entoure plusieurs fois en passant, et qui est seulement aimanté, lorsque le circuit est établi. Il est fortement aimanté quand les charbons se touchent parce que le courant passe facilement, ou plus faiblement quand les charbons s’éloignent, et par suite, susceptible de deux actions différentes qu’on utilise pour obtenir la régularité de la lumière.
- Les expositions de MM. Dubosq, Deleuil], Breton et Loiseau en France, offrent divers systèmes de ces appareils qui sont particulièrement remarquables.
- Galvanoplastie, dorure et argenture galvaniques.
- La galvanoplastie est une heureuse application de la propriété qu’ont les courants électriques de décomposer les sels métalliques. Elle consiste simplement à déposer une couche de métal sur toute substance conductrice de l’électricité, ou rendue conductrice au moyen d’un enduit, tel, par exemple, que la plombagine. Cela se fait en fixant au fil venant du pôle négatif d’une pile ,1a pièce à recouvrir de métal ou à galvaniser, et au fil du pôle positif une plaque du métal à appliquer; puis, en plongeant ces deux fils avec les objets.qu’ils
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- portent pendant un certain temps, dans une dissolution saturée d’un sel contenant ce métal en combinaison. Le courant se trouvant ainsi fermé, car la dissolution doit être conductrice de l’électricité, il y a décomposition du sel; le métal de ce sel va se déposer lentement sur le pôle négatif, c’est-à-dire sur la pièce à recouvrir; l’acide et l’oxygène se portent sur le pôle positif où est la plaque , attaquent et dissolvent les surfaces de cette plaque pour remplacer en partie, dans la dissolution, le métal déposé. Après cette opération, la pièce à galvaniser se trouve recouverte d'une couche métallique d’autant plus solide et résistante, que le dépôt se sera formé avec plus de lenteur et plus de régularité dans le courant électrique.
- On agit pareillement avec les mélaux qui peuvent entrer dans une combinabon soluble et dont la dissolution est conductrice de l’électricité.
- C’est par ce procédé, en effet, qu’on dore et argente tous les métaux, qu’on recouvre d’une couche de cuivre plus ou moins épaisse, les empreintes en creux, prises sur les médailles, bas-reliefs, etc., qu’on peut aussi reproduire avec une fidélité par faite le travail de ciselure le plus délicat, les ornements les plus compliqués et multiplier à l’infini les œuvres des grands artistes.
- Les galeries de l’Exposition nous présentent dans tout leur parcours despreuvesinconiestablesde cette merveilleuse faculté. De nombreux bas-reliefs, des trophées d’armes, des bustes, des statues même sont à chaque pas autant de sujets d’admiration. On distingue surtout les statues de MM. Elkington Mason et Cie de Londres, le bas-relief les Wülis, de M. Kress , à Offcnback, les compositions de fleurs et les insectes de M. Piedallu, de Rennes; une poignée d’épée de M. Delacourt, un grand bas-relief d’argent de M. Wollgolds, à Berlin, et divers échantillons remarquables de broderies, dentelles et passementeries métalliques de M. Marion, de Paris.
- Moteurs électriques.
- Lorsqu’un courant électrique rencontre dans le circuit qu’il parcourt un morceau de fer doux et s’y enroule un grand nombre de fois, ce morceau de fer, comme on l’a vu précé-
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- demment, est instantanément aimanté, quelquefois même avec force, et cela tout le temps que le courant est établi, puis retombe avec la même instantanéité dans son premier état d’indifférence aussitôt que le circuit est rompu. Ce morceau de fer doux est recourbé en fer à cheval, et autour de ses extrémités s’enroule plusieurs fois le fil conducteur recouvert de soie pour éviter toute déperdition d’électricité. Il présente ainsi l’aspect de deux bobines réunies auxquelles on donne le nom d’électro-aimant.
- C’est cet électro-aimant qui est le principe sur lequel repose l’établissement des moteurs électriques. Sa fonction, dans ces appareils, copiste uniquement à attirer par instants une pièce de fer doux appelée armature, qui ne peut s’en approcher complètement. A chaque attraction ce fer s’avance vers l’électro-aimant, lequel, perdant aussitôt sa puissance, lui laisse continuer en sens inverse le mouvement qu’il a reçu , mais qui, reprenant ensuite son action attractive, le ramène du premier côté pour lui faire produire ainsi un mouvement continu de va-et-vient.
- Tantôt, au lieu d’être ramené à sa première position par le même électro-aimant, l’armature se trouve, après son passage, sous l’influence d’un second qui la fait arriver de la même manière sur un troisième, et, en continuant ainsi, elle exécute un mouvement de rotation.
- D’autres fois encore , le fer doux, attiré par intermittence , communique un mouvement de va-et-vient à un balancier qui, lui-même, fait tourner un volant ; c’est l’impulsion que ce volant possède qui relève le fer après chaque attraction pour le rendre propre à subir l'influence d’une attraction nouvelle, ou bien c’est un second électro-aimant qui, lorsque le premier a fini son action , attire un second fer doux placé à l’autre extrémité du balancier et relève le premier fer.
- Dans ces divers systèmes, le mouvement produit se charge lui-même de réunir ou de séparer les deux fils conducteurs pour établir ou rompre le passage du courant et donner ou' retirer à l’électro-aimant son pouvoir attractif.
- Peut-être est-il réservé à ces sortes d’appareils un avenir plus brillant, mais jusqu’à ce jour les résultats obtenus ne laissent pas entrevoir la possibilité de leur faire acquérir une importance assez grande pour offrir une nouvelle ressource à
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- l’industrie; tous les moteurs électriques actuels ne servent guère, en effet, qu’aux besoins de la science, pour l’exécu-tion de certaines expériences demandant beaucoup de précision. La dépense occasionnée par les acides et les métaux de la pile, qui surpasse de beauo&up, pour la même force, celle du combustible des plus faibles machines à vapeur, est une des causes principales qui retarde leur développement, et si de grands perfectionnements doivent survenir, on peut supposer qu’ils seront presque uniquement apportés à la production de l'électricité;
- Tous les moteurs exposés se rapprochent dn même principe et montrent combien de dispositions différentes on peut adopter pour arriver au même résultat; toutes les combinaisons mécaniques semblent avoir été mises en œuvre pour produire le mouvement rotatif.
- Parmi les moteurs que présente l’Exposition, on distingue ceux de M. Froment, remarquables autant par la perfection de l’exécution que pour leur fonctionnement régulier, depuis longtemps connu , et les nombreuses variétés de moteurs de l’invention de M. Dézélu. Deux surtout sont remarquables : dans l’un l’électricité est distribuée par une détente fort ingénieuse ; l’autre fonctionne indifféremment sous pression ou dans le vide.
- Télégraphes électriqües.
- La vitesse avec laquelle l’électricité parcourt les fils métalliques, et qu’on suppose de plus de 4 00 000 kilomètres par seconde, est la cause première qui a fait penser à l’établissement des télégraphes électriques; mais ce n’est que récemment qu’une nouvelle propriété des courants ayant été découverte, l’on a pu réaliser avec succès cette pensée et obtenir des résultats surprenants, dépassant tout ce que les premiers essais pouvaient faire espérer.
- Cette propriété, sur laquelle reposent les télégraphes actuels, est celle qu’ont les courants électriques de donner l’ai-niantation à un morceau de fer doux tout le temps seulement qu’ils l’entourent. Ce fer doux est replié ordinàiremeht, de pnaniêre à présenter la forme d’un fer à cheval, et pn enroule un grand nombre de fois, sur ses extrémités, le fil conduc-
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- leur dans lequel passe le courant, et que l’on récouvre de soie pour éviter la déperdition de l’électricité. On obtient ainsi une sorte de donble bobine que l’on appelle électro-aimant.
- Les télégraphes électriques se composent donc en principe : d’une pile placée à une station, d’un électro-aimant, placé à une autre et d’un fil conducteur venant d’un des pôles de la pile jusqu’à l’électro aimant, puis, revenant ensuite à l’autre pôle en formant ainsi un circuit pour le passage du courant. A la première station de départ, on ferme ou on ouvre le circuit et on établit ou on détruit à volonté le courant; en même temps et par ce fait, à la station d’arrivée, l’électroaimant prend ou perd l’aimantation et devient capable de produire un effet mécanique que l’on peut appliquer à faire mouvoir un pelit système quelconque. Le fil conducteur, au sortir des bobines, n’a pas besoin de revenir au second pôle de la pile t il suffit de le mettre, ainsi que le pôle qui lui correspond , en communication intime avec le soi qui, étant conducteur de l’clectricité, se charge de fermer le circuit.
- Ces éléments des télégraphes sont invariables et les appareils diffèrent seulement entre eux par le système de fermeture ou d’ouverture du circuit, c’est-à-dire par le manipulateur.et par le système de signal que l’on fait produire à l’électro-ai-mant à l’aide du récepteur.
- On peut rapporter les télégraphes électriques à trois types principaux : le télégraphe à cadran, le télégraphe à signaux et le télégraphe écrivant.
- Dans le télégraphe à cadran , le premier imaginé par M. Wheasfone, le courant quittant le pôle positif de la pile se rend dans le manipulateur, à une lame de cuivre, formant ressort et s’appuyant continuellement sur l’une des treizedents d’une roue métallique; il passe ensuite dans une seconde lame faisant.également ressort, mais dont l’extrémité est une lame tellement taillée, qu’il n’y a contact avec les dents de la roue qu’à un certain moment de leur passage et séparation tout le reste du temps, de là, circulation et interruption du courant. De cette seconde lame, le courant passe dans le fil qui le mène à l’autre station dans le récepteur : là, il entre dans les bobines d’un électro-aimant qui attire alors un petit levier, ou armature en fer doux, mobile autour d’une de ses extrémités et portant une fourchette à son autre bout. Ce
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- levier ainsi attiré par l’électro-aimant, lorsque le courant passe, reprend, aussitôt que ce dernier est rompu, sa position, primitive que tend à lui faire conserver l’action d’un petit ressort; il résulte ainsi un mouvement de va-et-vient du levier et de sa fourchette, lequel mouvement transmis, par cette fourchette, sur une roue à rochet de treize dents, détermine enfin la rotation d’un aiguille placée sur l’axe de la roue et qui se meut sur un cadran divisé portant les vingt-cinq lettres de l’alphabet et un espace vide pour les repos.
- On comprend qu’autant de fois le courant est établi, ou rompu, autant de mouvements, soit d’aller, soit de retour, exécutent le levier et sa fourchette, autant de demi-dents, si l’échappement est convenablement disposé, passe la roue à rochet, et autant de lettres indique l’aiguille.
- Pour établir ou interrompre le courant, il suffît simplement de faire marcher la roue métallique du manipulateur qui se charge, par le contact et la séparation alternative de ses dents et du ressort à came, de fermer ou d’ouvrir le circuit; on fait passer ainsi autant de demi-dents qu’on veut montrer de lettres. On ajoute, à cet effet, sur l’axe de cette roue du manipulateur, une aiguille qu’on manœuvre à la main sur un cadran semblable au précédent, de manière que les aiguilles des deux stations étant au même point, si l’on fait passer un certain nombre de lettres à l’aiguille du manipulateur, celle du récepteur de la station en franchira le même nombre ; en sorte que les aiguilles des deux stations indiqueront toujours, au même instant, la même lettre.
- Pour avertir l’employé d’une station qu’une dépêche va lui être transmise, on adapte à cette station une sonnerie, que cet employé doit introduire dans le circuit aussitôt qu’une correspondance est suspendue. Cette sonnerie porte une détente, mue par un électro-aimant à la manière des télégraphes.
- La forme et les dispositions du télégraphe de M. Wheastone ont été'modifiées avec quelques avantages; M. Bréguet a changé, par exemple, la fonction de l’électro-aimant dans le récepteur, en employant son effet à retenir ou à laisser tourner la roué à rochet, sollicitée à ce mouvement par un mécanisme d’horlogerie spécial. La,roue dentée du manipulateur a également été remplacée par un disque mobile sur l’axe, de
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- l'aiguille et portant une rainure circulaire régulièrement sinueuse, dont les sinuosités s’avancent vers le centre à chaque deux lettres et dans laquelle s’engage l’extrémité d’un levier; cette extrémité suit les sinuosités lorsque le disque est en mouvement, et s’avance ou se recule à chaque lettre, en transmettant ainsi le même mouvement à l’autre extrémité du levier, celle-ci vient alors presser l’un ou l’autre de deux ressorts placés de chaque côté, et ferme ou ouvre le circuit, ce qui produit encore une action différente de l’électro-aimant pour chaque lettre.
- Dans un autre télégraphe dû à M. Froment, le manipulateur a été transformé en une caisse à clavier portant autant de touches que de lettres. Un arbre placé dans cette caisse tend continuellement à tourner par l’effet d’un mouvement d’horlogerie, et à entraîner dans sa marche la roue qui ouvre ou ferme le circuit; mais il est retenu par un cliquet, que la simple pression, sur une touche quelconque, relève d’ailleurs. Sur le contour et dans la longueur de cet arbre, sont, disposés en hélice, autant de petites cames que de touches, et chacune de ces cames buttant sur la touche correspondante que l’on abaisse pour laisser l’arbre libre d’exécuter son mouvement, arrête, après une fraction de tour, ce même mouvement et celui de la roue, à un point particulier.de leur circonférence et détermine ainsi un certain nombre d’intermittences du courant.. Quant au récepteur, il est resté ce. qu’il était dans le télégraphe primitif.
- Le télégraphe à cadran a été profondément modifié dans ces derniers temps par M. Siemens. Son télégraphe est disposé pour envoyer aussi bien que pour recevoir une dépêche, et l’on peut avec un seul appareil répondre à chaque instant à celui qui parle, ou lui demander la rectification d’une erreur. La disposition consiste donc, en deux cadrans exactement semblables, analogues au récepteur du télégraphe ordinaire et placés chacun à l’une des stations; l’armature, pareillement attirée par l’électro-aimant, fait, à chaque var envient, passer une demi-dent de la roue à rochet, et par suite une lettre à l’aiguille. Mais l’arrivée de l’armature sur l’électro-aimant détermine, par une pièce spéciale, la rupture: du circuit et aussitôt cette armature qui est tirée constamment par un ressort, revient à sa première position. Ce
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- second mouvement rétablit le courant, l’attraction se fait de nouveau sentir, et ainsi de suite, de manière qu’il y a une alternative continuelle d’aller et retour, qui se traduit en une rotation très-rapide de l’aiguille sur le cadran. Les appareils des deux stations, communiquant par le fil conducteur, concourent simultanément à la fermeture et à l’ouverture du même circuit et leurs aiguilles marchent rigoureusement ensemble ; si on vient alors suspendre la marche de l’une d’elles, en restant sur une lettre, il en résultera le prolongement d’un passage ou d’une interruption du courant, qui arrêtera nécessairement la marche de l’autre sur la même lettre; de là, la possibilité de correspondre. M. Siemens a aussi disposé cet appareil pour être accompagné d’un mécanisme lui permettant de donner la dépêche imprimée.
- Le télégraphe à signaux de M. Bréguet, adopté par l’administration des lignes télégraphiques de France, fait paraître au lieu de lettres les mêmes signes que ceux aulrefois en usage dans la télégraphie aérienne. Il n’est pour ainsi dire que la réunion de deux télégraphes à cadran ordinaires, car, si l’on suppose deux de ces télégraphes manœuvres en même temps, et disposés pour faire produire à leurs aiguilles indicatrices, mobiles aux extrémités d’une ligne noire peinte sur le cadran du récepteur, huit positions dans un tour au lieu de vingt-six qu’exige l’alphabet, on aura l'idée principale du télégraphe à signaux.
- On emploie généralement en Angleterre un télégraphe à signaux , fondé sur l’action des courants électriques sur les aimants naturels. Il consiste en une aiguille d’acier verticale, aimantée, s'inclinant à droite ou à gauche par l’effet de l’attraction d’un courant électrique qui l’environne et dont on change alternativement la direction, en amenant, par un mécanisme très-simple, chacune des extrémités du fil établissant le circuit, tantôt sur un pôle, tantôt sur l’autre de la pile. L’aiguille aimantée transmet tous ses mouvements à une aiguille indicatrice placée sur le même axe à l’extérieur de la boîte renfermant le système, et dont les nombres d’oscillations à droite, à gauche ou combinés, forment autant désignés conventionnels. Quelquefois on profite des oscillations de Laiguille extérieure pour la faire frapper sur deux timbres
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- de sons différents et placés de chaque côté. L’audition peut alors suppléer à la vue pour la réception de la dépêche.
- Les télégraphes écrivant présentent une supériorité incontestable sur ceux à cadran et à signaux par l'avantage qu'ils possèdent de laisser des traces ou des empreintes de la dépêche transmise. Divers appareils ont été construits pour atteindre ce résultat et parmi eux, celui de M. Froment se distingue spécialement par l’exactitude de son fonclionne-menl, la netteté et la forme des signes tracés. Le récepteur se compose des bobines électro-magnétiques ordinaires, d'une armature portant un crayon et d’un mouvement d’horlogerie amenant lentement, par l’intermédiaire de petits tambours, une bande étroite de papier sous le crayon ; le mouvement de va-et-vient, résultant de l’action de l’électro-aimant et donné à l’armature et à son crayon, fait tailler et avancer en meme temps à mesure qu’il s’use, ce crayon sur le papier, pour qu’il y appuie constamment. Ce mouvement combiné avec la marche du ruban de papier, donne lieu à une série de petites lignes tranversales, très-distinctes, liées une à une par leurs extrémités et formant des dentelures. Lors d’un arrêt, l’armature et son crayon restant stationnaires, il se produit sur la bande une simple ligne longitudinale, partant du groupe obtenu, et se brisant, pour former une nouvelle série de dentelures, aussitôt qu’on donne un nouveau signal. En convenant d’avance, que la quantité des lignes transversales, renfermées dans chaque groupe, servira à déterminer la lettre ou l’idée qu’il faudra attribuer à ce groupe, on comprend qu’il ne s’agisse plus, pour transmettre une idée, que d’ouvrir ou de Jenner successivement le circuit, autant de fois qu’il est besoin de lignes transversales pour l’exprimer.
- Le manipulateur se compose d’un disque mobile sur son centre et portant un certain nombre de boutons manœuvrables à la main ; à quelque position que soient ces boutons, ils sont toujours chacun en face d’un des numéros 6xes, marqués autour de leur disque à partir de 0, et en continuant la suite des nombres 1, 2, 3, 4, etc., de manière qu’un bouton étant amené au 0, en tournant en sens inverse de la graduation , on aura fait passer devant ce point autant de boutons que le chiffre fixe, placé en face du premier, indiquait d’u-
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- nités. Sous ce premier disque il y en a un second qui tourne avec lui et joue le même rôle que la roue dentée des télégraphes ordinaires; c’est-à-dire, qui laisse passer ou interrompt le courant, et comme chacune de ces actions a lieu au passage de chaque bouton devant le 0, il suit qu’autant de boutons l’on fera passer devant ce point fixe, autant de fois le circuit sera fermé ou ouvert. Il suffit donc de tourner le premier disque d’un nombre de boutons égal à celui des lignes que l’on veut faire entrer dans un groupe, ou, en d’autres termes, amener, au point fixe 0, le bouton placé en face le numéro représentant le nombre de lignes à tracer, pour faire paraître sur le ruban de papier la représentation de la lettre ou de l’idée qu’on veut exprimer. Les arrêts indispensables pour reprendre un autre bouton donnent lieu à la petite ligne longitudinale utile pour séparer les groupes; de plus grands arrêts, pour séparer les phrases, donnent une ligne plus longue.
- Le télégraphe écrivant de M. Morse est d’une disposition assez simple. Les signes sont des traits plus ou moins longs accompagnés d’un ou plusieurs points, et formant, par les diverses combinaisons dont ils sont susceptibles avec ces points, des groupes séparés auxquels on attache une signification quelconque. Ces traits et points sont obtenus par l’enfoncement plus ou moins prolongé d’un poinçon métallique, faisant office de crayon, sur une bande de papier, comme dans le système de M. Froment; seulement l’un des tambours sur lequel passe cette bande est élastique; ou mieux, porte une rainure circulaire dans laquelle le poinçon s’engage et oblige le papier à se gaufrer. Ce poinçon est fixé au bout du levier dont l’armature subit l’action de l’électro-aimant, et il agit seulement sur le papier, lorsque cette armature est attirée. En fermant le circuit plus ou moins longtemps, on peut, d’après cela, faire marquer, par le poinçon, des lignes plus ou moins longues et des points. Ce télégraphe a subi de nombreuses modifications et transformations, généralement assez peu importantes et sans avantages marqués.
- Les services que rendent chaque jour les télégraphes électriques ont porté la plupart des savants et des constructeurs à rechercher des moyens nouveaux pour simplifier et étendre les ressources des appareils destinés à la transmission des
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- signaux. L’Exposition universelle montre que tous les pays sont préoccupés au plus haut degré de rendre général l’emploi de cette belle découverte, l’une des plus grandes du siècle.
- Par l’examen rapide des nombreux appareils exposés, on reconnaît que les télégraphes à cadrans ne sont plus guère employés , et que partout la tendance est portée presque exclusivement vers l’usage des télégraphes écrivants. L’Angleterre seule reste s’ationnaire à cet égard ; elle semble ne pas tenir à modifier son mode de correspondance qui, d’ailleurs, est très-simple et consiste, comme on le sait, à se servir des télégraphes magnétiques. Les lignes télégraphiques françaises emploient encore les signaux; cependant elles commencent aujourd’hui à se servir des télégraphes à dépêches écrites ; la plus grande partie de l’Allemagne et des États-Unis se servent depuis longtemps de ce dernier moyen de transmission de dépêches.
- La France, l’Allemagne et la Suisse offrent les appareils dopt la construction est la plus parfaite;-on trouve, en effet, les divers types de télégraphes établis sur les principes déjà connus, mais avec des modifications de tous genres, dans les expositions de MM. Froment, Bréguet, P. Garr.ier, en France; GurltetCie, en Prusse; Brüggmann, à Brême; J. Berg, et Soerrenden, en Suède ; dans celles de la compagnie Eastern-Railway; de MM. Dering, Ilenley, en Angleterre, etllipp, en Suisse.
- Mais les plus grands perfectionnements apportés à la télégraphie électrique, et qui ont des caractères tout à fait nouveaux, sontdusà l’invention de M. ledocteur Gintl, de Vienne, qui, le premier, a eu la pensée, par des combinaisons toutes spéciales, déduites des résistances diverses qu’on peut faire éprouver à l'électricité dans son passage par les électro-aimants, et de l’introduction de piles locales dans un même courant, de transmettre , dans les deux sens d’un même fil, deux dépêches à la fois. Les appareils de M. Gintl sont exposés par les ateliers impériaux du télégraphe de Vienne.
- M. Wartmann, de Genève, a construit aussi des appareils destinés à produire les mêmes effets ; mais, de tous, ceux de M. Siemens, de Berlin, se distinguent par des modifications importantes, apporlées à l’idée de M. Gintl, qui ont fait acquérir a leur fonctionnement une exactitude rigoureuse.
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- L’imagination reste confondue quand on voit ces télégraT phes transmettre dans le même instant deux dépêches dirigées en sens inverse, et qu’on suppose, au premier abord, devoir se croiser dans le même fil. On donne de ces nouveaux appareils diverses explications qui ne permettent pas encore d’être fixé sur la nature des phénomènes qui s’accomplissent.
- Sonnerie électro-télégraphique, applications diverses de l’électricité, fils électriques.
- Tous les télégraphes précédents applicables aux grands services publics n’offrent plus les mêmes avantages lorsqu’il s’agit de les faire servir à l’industrie et aux besoins domestiques; il faut dans cette dernière circonstance des appareils d’une pratique facile et d’une disposition peu coûteuse.
- M. Mirand, de Paris, est arrivé à ce résultat depuis longtemps cherché : il présente à l’Exposition une sonnerie électro-télégraphique d’une grande simplicité, qui a déjà de nombreuses applications et qui est destinée à en recevoir un nombre bien plus considérable. Son appareil peut servir dans tous les grands établissements : usines, hôpitaux, hôtels,etc.; dans les maisons particulières pour correspondre à tous les étages; il peut aussi être appliqué dans les chemins de fer, pour faire correspondre sur un convoi le mécanicien avec le garde-frein du dernier wagon, et dans la marine pour la transmission des ordres d’une extrémité à l’autre des navires ; il comble enfin une lacune laissée par la télégraphie électrique et d’une importance assez grande, en ce sens qu’elle consiste à mettre l’emploi de l'électricité à la portée des besoins de tous les jours.
- Le principe de cette sonnerie est l’action directe de l’élec— tro-aimant sur la tige portant le marteau, de manière à faire frapper à celui-ci un coup pour chaque attraction. A l’aide de moyens de communication et de transmis-ion ingénieux, on peut établir une correspondance en attribuant d’avance une signification particulière aux combinaisons que l’on peut produire, de coups de marteau simples et de roulement. Les appareils de M. Mirand sont incontestablement remar-
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- quables, autant par leur extrême simplicité que par leur exactitude et le peu d’entretien qu’ils réclament.
- On distingue encore dans les différentes applications de l’électricité aux sciences et à l’industrie, l’anémographe pour mesurer la direction, la durée et la force des vents; un régulateur de la température et un système de communication entre les trains des chemins de fer, de M. du Moncel; l’élec-tro-trieuse de M. Chenot, construite par M. Froment pour la séparation du fer dans les minerais; l’appareil électro-dynamique et celui électro-médical de M. Breton; ceux de M. Deleuil et de M. Beckking, en Hollande ; et enfin l’appareil électro-magnétique de M. llenley, en Angleterre, pour faire sauter les mines.
- Les fils employés pour établir les circuits électriques sont de plusieurs espèces, ils sont généralement de fer galvanisé pour les circuits aériens, de fer ou de cuivre et recouverts d’une couche assez épaisse de gutta-percha pour les circuits souterrains, et présentent une construction un peu plus compliquée quand ils sont destinés à traverser les mers. Dans ce dernier cas, tous les fils d’une même direction sont recouverts chacun de gutta-percha, puis réunis dans une enveloppe générale de la même substance et constituent ainsi un cylindre unique; enfin, un certain nombre de fils de fer assez gros entourent ce cylindre en formant une hélice très-allongée, et de manière à faire présenter à l’ensemble l’aspect d’un câble métallique.
- Les fils destinés à former les électro-aimants sont de différents métaux, mais le plus ordinairement de cuivre rouge, recouvert de soie pour les très-petits diamètres, et de coton pour les plus gros, afin de les isoler complètement et de transmettre, sans déperdition , l’électricité qu’ils sont destinés à propager.
- La fabrication de ce3 derniers fils est représentée particulièrement par M. Prud’homme, de Paris, qui expose une série d’échantillons comprenant tous les diamètres usités.
- Les expositions de MM. Newal et Cie, Kupper et Cie, en Angleterre, et Felten et Guilleaume, en Prusse, nous montrent la collection complète des modèles de câbles déjà posés et de ceux qui doivent bientôt franchir la Méditerranée, de l’Italie en Afrique.
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- Arts chimiques, teintures et impressions, industries des papiers, des peaux, du caoutchouc , etc.
- Il y a soixante, ans à peine que les nombreuses recettes disséminées dans les usines métallurgiques, dans les teintureries, dans les officines des pharmaciens, se sont réunies en un faisceau qui a constitué la chimie; si, jetant un coup d’œil en arrière, on examine le chemin parcouru dans ce court espace de temps par cette science si jeune encore, on sera émerveillé des découvertes industrielles auxquelles elle a donné naissance; on comprendra tout ce qu’elle pourra faire sortir du champ si vaste qui s’ouvre devant elle.
- Quelques années après que la grande école de la fin du xviii' siècle, que Scheele, en Allemagne, Priestley et Caven-dish, en Angleterre, Lavoisier, Guyton de Morveau, Ber-thollet, en France, avaient fondé la chimie scientifique,1 plusieurs grandes découvertes industrielles vinrent montrer la fécondité des nouvelles doctrines.
- Au commencement du siècle, Rerthollet découvrait le blanchiment du chlore pour les tissus et le papier ; Leblanc fabriquait la soude artificielle, la soude, cette matière, de première utilité, employée en si grande quantité par les verreries, les savonneries, etc.
- . Plus tard. M. Chevreul, dans ses magnifiques travaux sur les corps gras, donnait le premier l’idée de remplacer les chandelles de suif par ces belles bougies stéariques, que M. de Milly arrivait bientôt après à fabriquer économiquement. L’éclairage au gaz, l’épurage des huiles venaient s’ajouter à cette nouvelle industrie et métamorphosaient complètement l’aspect de nos cités.
- L’art de la teinture faisait de nombreux progrès ; une nouvelle matière, le caoutchouc, d’abord employée timidement, affecte bientôt les formes les plus diverses, se prête aux usages
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- les plus variés sous l’influence des modifications que la chimie lui fait subir.
- La pharmacie, armée de nouveaux médicaments énergiques, arrive à supprimer complètement la douleur dans les opérations chirurgicales à l’aide de l’éther et du chloroforme, ces agents aussi merveilleux que redoutables.'
- Enfin, en même temps que la science agronomique se constitue avec les nombreux travaux de M. Boussingault, le grand problème de la conservation desviandes, c’est-à-dire l’alimentation à bon marché , fait chaque jour de nouveaux progrès et arrivera bientôt, sans doute, à une solution complète.
- L’importance et l’éclat de ces découvertes, qui se sont succédé si rapidement, le nombre d’hommes éminents qui poursuivent ces recherches, l’intérêt toujours croissant qui s’attache à ces travaux, font croire que la chimie, qui en est encore à son début, nous reserve de nouvelles créations aussi fécondes qu’inattendues. • ,
- Les produits chimiques et pharmaceutiques, sont presque entièrement placés dans la galerie sud de l’annexe, à l’exception des flacons peu nombreux des Anglais qui sont déposés au rez-de-chaussée.
- L’exposition des produits chimiques est tout à fait remarquable par le nombre et la beauté des objets qui la compoT sent ; quelques-uns d’entre eux étaient tout à fait inconnus, et beaucoup d’autres n’avaient jamais paru en masses considérables.
- L’Angleterre nous a semblé .un peu au-dessous de sa réputation et de ce qu’elle aurait pu nous montrer; il est possible, ; au reste, que cette partie de son exposition soit encore incomplète , au moment ou nous écrivons.
- A part quelque sels de lithine peu connus en France, et qui sont en quantités relativement considérables , nous n’avons rien trouvé de bien remarquable.
- Son prussiate jaune n’est pas plus beau que celui que tout le monde a exposé (tous les fabricants de produits chimiques en ont mis un ou plusieurs échantillons) ; mais il présente cependant un intérêt particulier parce qu’il est fabriqué par une méthode parfaitement en harmonie avec la richesse de l’Angleterre en combustible, et avec son respect pour toutes lés matières propres à donner des engrais. En France, on obtiéijt 206 ee
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- le prussiate en calcinant, dans des appareils de fer, avec du carbonate de potasse, du charbon animal très-riche en matières azotées, et provenant de cornes, de vieux cuirs, etc. Les Anglais procèdent différemment, ils ont monté, à Newcastle, 'une fabrique où le produit s’obtient par l’action directe de l’azote de l’air sur du charbon imprégné de carbonate de potasse; on combine ensuite le cyanure de potassium formé avec du carbonate de fer, pour faire le prussiate jaune. C’est ainsi qu’on obtient le beau sel cristallisé qui sert surtout à la fabrication du bleu de Prusse; le haut prix du combustible empêcherait probablement le procédé anglais d’être économique chez nous; il est fâcheux qu’il en soit ainsi, car la fabrication du prussiate jaune consomme annuellement plus de trois millions de kilogrammes de matières animales qui pourraient être utilement employés par l’agriculture.
- En parcourant la galerie sud de l’annexe, nous rencontrons d’abord les produits allemands, Autriche et Prusse, devant lesquels nous devons nous arrêter longtemps; au point de vue scientifique, cette exposition est peut-être plus riche que la nôtre.
- La manufacture royale de produits chimiques de Schone-beck, près de Magdebourg (Saxe , royaume de Prusse), nous montre, entre autres produits curieux, des métaux alcalins en masses considérables.
- Il n’y a pas cinquante ans, pendant que la France soutenait la grande guerre contre les Anglais, l’Académie des sciences décerna, malgré la rivalité des deux nations, le grand prix des sciences physiques à sir Humphry Davy, pour avoir le premier décomposé les alcalis caustiques, la potasse et la soude, et en avoir extrait deux métaux, le potassium et le sodium. Le chimiste anglais préparait à peine quelques déci-grammes des nouveaux corps. Gay^Lussac et M. Thénard en fabriquèrent bientôt de plus grandes quantités, et chaque collection put alors avoir une petite parcelle des nouveaux métaux, dont les prix étaient encore extrêmement élevés. M. Brunner, puis enfin M. Deville sont arrivés à nous donner ces métaux en telles masses et avec tant de facilité, que le 'sodium pourra servir de base à une industrie, au lieu d’être, 'comme il était encore il y a six mois, un produit de labora-sïOîré et de collection.
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- Il est fâcheux que ces métaux soient conservés dans l’huile de naphte, qui ne les préserve qu’imparfaitement de l’oxydation; aussi présentent-ils une couleur terne et grisâtre; tandis que s’ils étaient placés dans le caprylène, nouvel hydrogène carboné découvert récemment par M. Bouis, ces métaux conserveraient la belle couleur argentée qui les caractérise.
- On peut voir encore dans l’exposition que M. Macquart, de Bonn (Prusse Rhénane), a réuni aux produits photographiques et daguerriens, acide actique , acide pyrogallique, col-lodion , brome, une série d’acides très-intéressante : acide butyrique, acide lactique , acide valérianique et de plus quelques produits rares, tels que l’huile des hollandais, le chloroforme de M. Shonebeck, un échantillon d’acide phos-phorique vitreux de la plus belle apparence.
- Nous trouvons dans l’exposition du docteur Lamatsch , de Vienne , une remarquable collection d’éthers composés obtenus en masses considérables. C’est là ce qu’aucun fabricant français n’a montré. Il appartenait en effet à l’Allemagne, qui a tant contribué à faire progresser la chimie organique, de montrer qu’elle fabrique avec facilité tous les produits qu’elle emploie journellement dans ses recherches.
- Les autres produits chimiques du docteur Lamatsch sont encore préparés avec beaucoup de soin et même arrangés avec un certain goût, ce qui est assez rare chez nos voisins du Rhin.
- L’exposition de M. Seybel, à Liebing, près Vienne, nous a semblé aussi digne de remarque.
- La Belgique nous apparaît avec les nombreux produits du zinc, que son sol lui fournit en si grande abondance, et qu’elle a su si habilement exploiter. Parmi tous les objets fabriqués avec ce métal, l’oxyde connu sous le nom de blanc de zinc est le seul qui nous regarde. Ce composé est maintenant employé comme couleur. Il ne présente pas les graves inconvénients de la céruse, il ne noircit pas aux émanations sulfurées, il se travaille sans risques pour la santé des ouvriers , tandis que la céruse occasionne ces terribles maladies connues sous le nom de coliques de plomb, et qu’on est bien souvent impuissant à guérir. Ce blanc de zinc se fabrique maintenant en France en grande quantité ; tout le monde
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- a pu voir aux environs d’Asnières la belle usine que la société des mines de zinc de la Vieille-Montagne y a établie.
- Cette société a encore exposé quelques échantillons de verre à base de zinc qui paraissent aussi beaux que le cristal, mais qui ne pourront de longtemps entrer dans les usages domestiques ; l’oxyde de zinc ne se vitrifie pas par le sable comme l'oxyde de plomb, mais par l’acide borique, dont le prix est encore considérable.
- A côté du zinc, nous trouvons dans l’exposition belge le cadmium, qui est beaucoup plus rare, et qui fournit une belle couleur jaune quand il est combiné avec le soufre.
- M. Bassé, de Cureghem-lez-Bruxelles, a une belle série d’huiles préparées pour l’horlogerie, la conservation des métaux , pour les machines et les filatures.
- Arrivons en France, où se remarquent plusieurs produits d’une haute importance, en première ligne l’aluminium, ce nouveau métal si récent et si vite populaire. M. Rousseau en a exposé une petite quantité, mais on a réservé pour le Panorama la plus grande partie de ce qui est déjà fabriqué; des lingots se trouvent sur un meuble de velours adossé au mur circulaire , et quelques objets fabriqués sont placés dans l’exposition de M. Christofle. M. Sainte-Claire Deville a publié , il y a six mois à peine, les procédés qu’il a employés pour obtenir des quantités notables d’aluminium, qui avait été, au restedéjà isolé depuis longtemps par le chimiste allemand Wœhler.
- L’aluminium peut se tirer des aluns, qu’on fabrique, comme l’oin sait, avec des schistes, qui sont très-abondants à lasur-face du globe. Ainsi les minerais sont très-communs; malheureusement l’extraction est difficile et assez compliquée. L’alumine une fois extraite des aluns, il faut la transformer en chlorure : cette opération peut encore réussir en grand, bien qu’elle présente des difficultés ; enfin ce chlorure d’aluminium , qu’au reste M. Deville a exposé à côté de ses lingots, est décomposé par du sodium, un de ces métaux alcalins dont nous avons parlé déjà, et dont M. Deville a perfectionné l’extraction en vue d’obtenir l’aluminium. Cette décomposition du chlorure d’aluminium par le sodium ne marche .pas encore avec toute la régularité désirable.. Quoi qu’il en soit, nous avons bon espoir; l’argent ne fait pas dé-
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- faut à M. Deville , un auguste personnage y a pourvu. Nous espérons donc qu’on arrivera à transformer en opération industrielle l’opération de laboratoire qui a donné l’aluminium existant déjà. , ,
- Supposons donc le métal obtenu en grande quantité et à bas prix (maintenant il est aussi cher que l’or), examinons ses propriétés. 11 est d’une légèreté extrême, c’est là sa principale qualité; il ne fond qu’à une température élevée (son point de fusion est voisin de celui de l’argent,) ; il est encore doué d’une sonorité spéciale qui permettra de l’employer utilement dans la fabrication des instruments de musique. Voilà bien des avantages : mais, il faut le dire, lorsqu’il est travaillé , il perd beaucoup de son brillant, si nous en jugeons du moins par les trois petits objets fabriqués qui se trouvent dans l’exposition de M. Christofle : sa couleur gris foncé rappelle plutôt celle du zinc et celle de l’étain que celle de l’argent ou du platine; enfin a-t-il une ténacité, une dureté suffisantes pour être employé aux usages habituels des métaux , c’est ce dont il est permis de douter. Quoi qu’il en soit, il serait imprudent de rien préjuger; ce travail est entre des mains habiles, entreprenantes, qui ne laisseront pas péricliter l’œuvre qu’elles ont déjà si bien commencée.
- Pour en revenir à M. Rousseau, nous trouvons encore dans son exposition un bel échantillon de sesquichlorure de chrome, un beau corps violet qui jouit de la singulière propriété d’être insoluble dans l’eau pure et de se dissoudre en quantités indéfinies, quand cette eau est additionnée d’une quantité extrêmement petite d’un composé, très-voisin, de protochlorure de chrome.
- L’ensemble de cette vitrine est très-satisfaisant, les choses y sont bien classées, sans embarras, sans clinquant: on y remarque encore de beaux échantillons d’acide galüque et d’acide pyrogallique, dont la photographie consomme maintenant de si grandes quantités.
- M. Rousseau prépare maintenant en grand l’acide hydro-fluosilicique qui était assez rare il y a encore quelques années, et qu’il peut donner à 40 fr. les 100 kilos. Un nous assure même que les prix baisseront encore.
- MM. Véron et Fontaine ont exposé les beaux sels de cobalt de M. Fremy, du valérate de potasse en quantité consi-
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- dérable, de l’urée parfaitement blanche et cristallisée. Près d’un pain de sel ammoniac gigantesque, nous trouvons dans l’exposition de Cournerie de Cherbourg un grand (lacon de brome, de l’iode jen lames larges comme deux doigts, des iodures de potassium parfaitement cristallisés; tous ces produits ont pris depuis peu une grande importance dans la pharmacie et dans les arts photographiques.
- MM. Agard , Prat et Cie ont exposé les produits que M. Balard a su tirer des eaux mères des salines de la Méditerranée, par une méthode aussi simple qu'élégante.
- M. Plisson a exposé une série de produits intéressants fabriqués sous la direction de M. Henri Buffet; ce ne sont pas des produits de choix et cela n’en vaut que mieux; il est plus intéressant, en effet, de savoir ce qu’on peut acheter que de voir des produits rares fabriqués spécialement en vue de l’Exposition. Nous avons remarqué dans cette même case un siphon pour les acides, très-commode et qui évitera bien des touries cassées et bien des jambes brûlées ; le petit modèle d’appareil pour la distillation de l’acide azotique est bien conçu, et il présente une stabilité qui doit aussi prévenir les accidents.
- M. Wittmann expose de l’acide phosphorique vitreux très-pur , de l’acide benzoïque très-cristallisé et de beaux échantillons d’iodure, de mercure et de plomb.
- - Nous trouvons à côté du prussiate jaune qui se rencontre à chaque pas, du cyanure de potassium dont la fabrication présente de l’intérêt, maintenant que ce sel est employé en grande quantité dans les fabriques de dorure et d’argenture ou de cuivrage par voie électrfque. Quelques-unes de ces nouvelles industries donnent de remarquables produits, témoin l’exposition de M. Christofle; quelques-unes aussi donnent des produits d’une grossièreté un peu trop primitive, témoin les deux soldats de zinc recouverts de cuivre de M. Eug. Paillard.
- Bien que nous soyons moins riche que les Allemands en produits organiques rares, nous pouvons citer la remarquable collection de la série acétique de MM. Bobée et Lemire. Les acétates, l’acide acétique cristallisable, l’acétone, l’esprit de bois s’y trouvent en quantités considérables.
- M. Leroy de Vitry-le-François expose aussi un beau flacon
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- de salicine qu’on n’est pas habitué à voir en masses aussi considérables. . ' ;
- La fabrique Coignet, de Lyon, a exposé une quantité relativement considérable de phosphore noir ; dans cet état, ce corps; simple est moins inflammable et on peut le manier à l’air sans prendre toutes les précautions qu’exige le phosphore blanc qui occasionne parfois de si terribles accidents.
- L’Autriche a mis aussi "dans son exposition un échantillon de ce même phosphore noir, qui est préparé peut-être depuis, longtemps ou qui a été mal lavé, car il est extrêmement acide.
- Au bas de l’escalier qui conduit à la section des produits chimiques, il faut remarquer les beaux échantillons de prus-siate jaune et rouge de l’usine de Bouxviller, dont cet article est une des spécialités.
- Près de là se trouve le platine travaillé de MM. Desmoutis, Chapuis et Cie , qui, au reste, ne rentre pas directement dans le sujet que nous traitons maintenant.
- La gélatine est abondante à l’Exposition, en feuilles minces et déliées, colorées des couleurs les pius vives, portant des épreuves photographiques, servant d’enveloppes aux médicaments à saveur désagréable ; elle se présente sous des formes bien différentes. MM. d’Enfer frères nous montrent les différentes phases de la fabrication de la gélatine ; cette matière se prépare en faisant macérer dans des vases clos des os avec de l’eau portée à une température de 106° environ. C’est à Darcet qu’on doit la construction d’un appareil économique propre à Cette fabrication, qui pourra prendre un développement énorme si les viandes conservées au moyen d’une couche de gélatine sont susceptibles de supporter de longues traversées sans s’altérer.
- M. Pitont a d’énormes cylindres de gélatine coloriée, parfaitement transparents; il prépare le papier gélatine spécialement pour les graveurs et les metteurs sur bois , cette gélatine fine et transparente pourra aussi utilement servir aux recherches microscopiques.
- Un grand nombre d’industriels joignent à la fabrication de la gélatine celle des colles-fortes, qui se produisent surtout maintenant avec des cuirs avariés, avec des débris et des rognures qui ne peuvent être d’aucun autre usage.
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- • Les produits pharmaceutiques présentent aussi un grand intérêt. M. Alfred Labarraque a exposé un énorme flacon de sulfate de quinine ; cette fabrication est devenue d’une grande importance pour la France. M. Aubergier a su tirer de notre pavot indigène une grande quantité de morphine qu’on peut voir à côté du sulfate de quinine de M. Labarraque.
- En même temps que des produits chimiques interressants, M. Meunier a exposé une série d’extraits de plantes médicinales bien préparés.
- Nous devrions, avant d’abandonner cette belle exposition des produits chimiques, passer en revue encore bien des vitrines intéressantes; mais nous devons nous occuper maintenant de là parfumerie dont les spécimens sont nombreux, habilement classés chez nous, comme chez les Anglais et les Allemands.
- Les savons s’obtiennent la plupart du temps par la saponification des huiles. Cette opération peut se faire avec de la soude ou de la potasse. Dans le premier cas, on obtient des savons durs ; dans le second, des savons mous; ces deux produits sont les seuls qui soient solubles dans l’eau; la chaux donne un savon insoluble, elle précipite même les savons solubles; aussi dit-on d’une eau calcaire qu’elle ne prend pas le savon.
- On voit à l’Exposition des savons de toutes couleurs, de tout prix, de toute odeur, des savons à I fr. 50 le pain etdes savons à 1 fr. le -kilogramme. Une chose nous étonne toujours, c’est que les produits de la parfumerie coûtent encore des prix aussi exorbitants. Quand on vend 1 fr. un savon.au benjoin d’une odeur ravissante, on doit se dire qu’il entre dans ce produit des matières fort chères et fort rares. En effet, il est formé de corps gras, de soude et d’urine de cheval putréfiée, et de plus, de 40 pour 100 d’eau; mais les parfumeurs sont d’habiles gens qui ont le talent de vous entortiller les choses dans de nombreux papiers dorés, argentés, avec des adresses et des images, toutes choses qui diminuent la marchandise mais qui augmentent le prix.
- En France, les couleurs fines de M. Lefranc sont tout à fait dignes d’attention, ainsi qu’en Angleterre celles de M. Naumann de Londres, qui nous envoie entre autres choses des couleurs pour l’aquarelle, que nos voisins doivent prépa-
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- rer mieux que nous, à voir la préférence qu’ont tous les artistes pour leurs produits.
- Parmi les métaux dont les composés sont employés comme matières colorantes, le plomb avec son carbonate, la .céruse avec ses oxydes, la litharge, le massicot et le minium, son phosphate, son iodure; le plomb, disons-nous, se présente en première ligne. La fabrication de la céruse est surtout une industrie importante, que l’introduction récente du blanc de zinc n’a pas fait abandonner.
- MM. Delaunay et Cie, de Tours, ont de beaux échantillons de ces différentes matières colorantes à base de plomb.
- M. Orsat, de Clichy, expose aussi une belle série de céruses obtenues par le procédé dit de Clichy, et par le procédé hollandais.
- Le mercure, qui fournit le vermillon, le cuivre, qui donne des couleurs bleues et vertes, le fer, enfin, dont les rouges et jaunes sont si bon marché, et qui, combiné au prussiate jaune, donne le bleu de Prusse, sont des métaux intéressants au point de vue de la fabrication des couleurs ; mais nous n’avons remarqué aucun produit bien nouveau dans ces industries, et nous ne pouvons nous y arrêter davantage.
- Parmi les matières colorantes végétales, l'indigo que nous fournissent l’Inde anglaise et les colonies hollandaises se présente au premier rang avec les bois de teinture de l’Amérique. La garance, qui est si répandue maintenant dans le sud de la France, doit nous occuper spécialement pendant quelques instants.
- La Hollande nous envoyait naguère une grande quantité de garance, mais des impôts établis sur cette importation ont largement développé la culture en France, qui en fabrique maintenant pour elle et pour l’exportation. En 1840, cette exporta tion a atteint le chiffre de treize millions dé francs , qui doit être bien dépassé, maintenant que l’Algérie apporte un contingent considérable de cette matière colorante.
- MM. Thomas frères, à Angres(Vaucluse), MM. Faure et Escoffier, M. Boudin, M. Castellan, également de Vaucluse, envoient de beaux échantillons des principes colorants de la garance, dont la culture est des plus importantes pour ce département.
- Les racines de la garance ne contiennent, comme l’a mon-
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- tré M. Decaisne, qu’une matière colorante jaune : elle ne prend une teinte rouge qu’au contact de l’air. Les racines pulvérisées sont mises en contact avec de l’eau, frottées et lessivées à plusieurs reprises afin d’enlever toute la partie solide à froid ; la matière colorante, ainsi préparée, porte spécialement le nom de garance. Le résidu, traité par l’acide sulfurique, puis filtré et lavé, porte le nom de garancine : cette nouvelle matière colorante est maintenant d’un grand usage.
- Le rouge d’Andrinople, dont nous voyons plusieurs échantillons dans l’exposition autrichienne et dans l’exposition anglaise, a encore pour base la garance.
- Une couleur de fabrication, mais qu’on imite bien partout, est l’outremer articiel. La belle couleur bleue, connue sous le nom d’outremer naturel, se tire du lapis-lazuli, minéral assez rare composé d’alumine, de silice et d’un peu de chaux; pour préparer l’outremer, on porte le lapis-lazuli, débarrassé de sa gangue par un triage à la main , à une haute température, puis on l'étonne en le jetant dans du vinaigre froid ; la chaux se dissout, on reprend la matière qu’on pulvérise avec soin. L’outremer naturel est d’un prix extrêmement élevé : il a été jusqu’à trois mille francs le kilogramme, aussi son emploi était-il très-limité.
- La société d’encouragement avait établi un prix pour l’invention d’un procédé capable de fournir le bleu d’outremer à moins de deux cents francs le kilogramme. C’est M. Gimet qui obtint ce prix : les procédés qu’il emploie sont tenus secrets, cependant on obtient de bons produits de la façon suivante :
- On lessive avec soin de l’argile ordinaire pour enlever tous les grains de sable qu’elle peut contenir, et on la mélange avec du sulfure de sodium obtenu par la réduction du sulfate de soude, au contact du charbon à une haute température : le mélange précédent est additionné d’une dissolution de sulfate de fer pur. Les matières sont desséchées, puis chauffées au rouge dans une moufle au milieu d’un courant d’air : c’est là la partie délicate de l’opération ; quand on chauffe trop peu, on n’obtient pas d’outremer ; quand on chauffe trop, on altère les nuances. La matière pulvérisée, lessivée est encore remise au feu, et un dernier lavage sépare l’outremer en différents produits.
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- Les échantillons d’outremer sont nombreux à l’Exposition. M. Guimet, l’inventeur du procédé, se place naturellement en première ligne; l’outremer ne se vend plus maintenant que deux francs le kilogramme, et on emploie annuellement pour deux millions de cette matière colorante, spécialement dans l’industrie des papiers peints.
- M. Guillon, de Lyon, M. Draenkel (Seine-Inférieure), M. Courtial, à Grenelle, exposent de beaux échantillons, ainsi queM. Branu, de Gand; M. Setzer, à Weitenegg, sur le Danube (Basse-Autriche), etM. Kutzer, de Prague, réussissent l’un aussi bien que l’autre ce beau produit.
- Nous devons encore parler du carmin que fournit la cochenille; cette matière première présente pour nous un grand intérêt, maintenant que notre Algérie peut fournir une quantité considérable de cette matière première, dont elle a exposé de nombreux échantillons.
- Le carmin est composé delà matière colorante de la cochenille, d’une matière animale qui y est également renfermée, des éléments du sel qu’on emploie pour déterminer la précipitation.
- La préparation du carmin est encore une opération délicate ; pour réussir, il faut une longue habitude auxquelles les recettes ne peuvent suppléer.
- On fait ordinairement bouillir la cochenille avec du carbonate de potasse, on y ajoute ensuite de l’alun pulvérisé, qui transforme la liqueur cerise foncé obtenue d’abord en un rouge vif de carmin, on ajoute enfin de la colle de poisson, qui détermine la précipitation du carmin ; la liqueur, encore fortement colorée, sert à la préparation des laques.
- Le carmin peut être employé en le mélangeant simplement avec les substances à colorer; quand il doit servir à la teinture il faut le dissoudre dans l’ammoniaque caustique, puis laisser la liqueur à l’air; quand elle n’a plus d’odeur, elle est bonne à employer.
- Les laques se préparenten précipitant les matières colorantes au moyen de l’alumine; on plade dans le bain dont on veut obtenir la couleur, une dissolution d’alun et une autre de carbonate de soude, on ajoute parfois une petite quantité de sel d’étain qui modifie les nuances ; c’est ainsi que, dans le bain de cochenille, l’oxyde d’étain ajouté donne une belle laque cramoisie;
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- Nous rencontrons, dans la galerie sud de l’annexe, un grand nombre d’échantillons de carmin, de laques et de matières textiles desséchées et lessivées , et des teintes obtenues au moyen de ce carmin. M. Champenois, de Paris, expose d’autres teintes au carmin des tons les plus vifs et les plus brillants; en Prusse, M. Jager, à Barsnen (Prusse Rhénane), offre aussi de beaux échantillons.
- Avant de quitter ce trop rapide examen des matières colorantes , nous devons dire quelques mots d’un système d’impression qui pourra sans doute conduire à de bons résultats; M. Grüne, de Berlin, a exposé des lainages dont les couleurs sont obtenues au moyen d’une simple réaction chimique entre deux sels , qui peuvent, par leur combinaison , donner naissance à des couleurs variables; les dessins obtenus ainsi ont une bizarrerie, un inattendu qui ne sont pas sans un certain charme.
- Cuirs et Peaux.
- Les peuples, dans un état de civilisation peu avancée, ignorant encore l’art de tisser les vêtements, ont naturellement employé les dépouilles des animaux pour se garantir 'des intempéries des saisons. L’histoire nous montre ainsi tous les peuples anciens couverts de peaux de bêtes, tuées à la chasse ou déjà domestiquées, et les voyageurs observent les mêmes faits chez les peuplades encore sauvages des diverses parties du globe.
- Les peaux, se corrompant rapidement quand elles ne sont pas soumises à un traitement spécial, ont dû de tout temps recevoir des préparations plus ou moins complètes avant d’être employées. Le^ procédés sont très-variables, car en Amérique les peuples, ignorant l’usage du tanin, se contentaient de faire subir aux peaux une préparation pratiquée avec les débris mêmes des animaux dont elies provenaient.
- En Europe, l’emploi de l’écorce de chêne à la conservation des peaux, se perd dans la nuit des temps. En France, nous trouvons des ordonnances datant du xic siècle, qui règlent la fabrication et le commerce des cuirs, l’une et l’autre en pleine activité déjà.
- L’intervention de l’État dans cette industrie, les impôts et les mesures vexatoires dont elle était accompagnée mirent
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- souvent cette industrie à deux doigts de sa perte. L’emploi de procédés trop rapides vint aussi plus récemment dénigrer la valeur de nos cuirs sur les marchés étrangers. Mais l’habileté de nos fabricants et leur persévérance devaient finir par triompher successivement de. ces obstacles, qui étaient venus retarder leurs progrès, et l’industrie des cuirs est maintenant une des sources les plus importantes de la richesse nationale.
- Ii est difficile d’établir d’une façon certaine la production annuelle de notre pays. Quelques villes, il est vrai, possèdent des documents officiels; mais le grand nombre d’abatages qui s’exécutent à la campagne, sans aucun moyen de contrôle, passent inaperçus dans la production générale.
- D’après M. Fauler1, l’ensemble des industries qui s’occupent de travailler les peaux et de les rendre propres aux différents usages auxquels elles sont employées, représenterait un chiffre de 300 millions réparti de la façon suivante :
- Bœufs, vaches, veaux préparés (3 700 000 têtes abat-
- tues)........................................ 68 200 000 fr.
- 28 millions'de produits bruts importés, qui
- travaillés valent............................ 56 000 000
- 400 000 cuirs de chevaux valant corroyés 46 à 47 fr. la pièce...................... 6 800 000
- Total........ 434 000 000 fr.
- 6 à 7 millions de moutons abattus valant
- 4 fr. 50 la pièce............................ 4 0 000 000 fr.
- Chèvres, chevreaux, agneaux, porcs.... 7 000 000
- Débris, poils, cornes, colle, crins....... 4 000 000
- Total........ 4 52 000 000 fr
- qui, avec les pelleteries, donnent 460 000 000 de francs, somme qu’il faut à peu près doubler, si l’on considère le prix de la main-d’œuvre nécessaire pour transformer ces produits bruts en objets manufacturés, gants, fourrures, chaussures, etc.
- Les procédés de préparation des peaux varient suivant les
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- usages auxquels celles-ci sont destinées. Occupons-nous d’abord du procédé employé pour les cuirs mous, nous n’aurons que peu de chose à changer pour les cuirs forts. Quant aux cuirs vernis, aux maroquins et aux peaux destinées aux mé-gissiers et aux chamoiseurs, ils subissent des traitements spéciaux dont nous aurons à nous occuper plus tard.
- Le procédé généralement suivi en Europe, pour tanner les cuirs mous, consiste en quatre opérations successives :
- 4° Le péianage;
- 2° L’épilage;
- 3° Le gonflement ;
- 4° Le tannage.
- La première opération a pour but de disposer les poils et, les chairs, encore adhérentes aux peaux, à les abandonner; elle s’exécute en faisant passer celles-ci dans des laits de chaux de plus en plus actifs. Après ce traitement, on procède à l’é-pilage, c’est-à-dire qu’on enlève mécaniquement, à l’aide d’un instrument tranchant, les poils et la chair dont l’adhérence à la peau est sensiblement diminuée par l’action de la chaux. On polit ensuite la peau, on lui donne une surface lisse et égale au moyen du frottement avec une pierre de grès.
- Le péianage ne s’effectue à l’aide de la chaux ou mieux à l’aide de la soude caustique, ainsi qu’on la proposé récemment, que pour les peaux destinées à la molleterie. Pour les cuirs forts on se contente de faire subir aux peaux entassées dans une chambre portée à une température de 20 à 25 degrés, une légère fermentation putride. Cette échauffe, assez rapide, est suivie de l’épilage qui se fait de la même façon que celui des peaux de molleterie.
- La troisième phase de l’opération, le gonflement, a spécialement pour but de rendre les peaux propres à absorber le tanin. A cet effet, on plonge les peaux dans du jus de tan aigri, préparé avec de la tannée (tan déjà épuisé et ne contenant plus que quelques faibles portions de tanin), les peaux séjournent successivëment dans des jusées de plus en plus concentrées, après quoi on les abandonne à elles-mêmès pendant quinze jours.
- Le gonflement des peaux destinées à la confection des cuirs forts ne diffère pas sensiblement de l’opération précé-
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- dente, spécialement destinée aux cuirs mous; la liqueur est seulement rendue plus acide au moyen d’un peu d’acide sulfurique ; cette addition doit être faite avec précaution, car un excès d’acide rend les cuirs cassants et nuit singulièrement à leur durée.
- Après ces trois opérations préparatoires, les peaux sont propres au tannage proprement dit.
- Les peaux molles gonflées sont portées dans des cuves de maçonnerie enfoncées en terre; on les stratifie avec du tan réduit çn poudre ; lorsque la cuve est remplie, on place sur la dernière peau une couche de tannée, et on la charge de planches. On fait alors arriver dans la cuve de l’eau chargée de tan en quantité suffisante pour humecter toute la masse. Ce contact dure quatre, six ou huit mois, suivant l’épaisseur des cuirs. On ouvre une fois la fosse pendant celte période, on retire les peaux et le tan épuisé, et on replace les peaux avec de nouveau tan, de manière que les cuirs qui étaient au fond de la cuve reviennent à la partie supérieure. Les peaux sont alors complètement converties en cuirs qu’on nettoie et qu’on livre à la corroierie.
- Les cuirs forts sont traités comme les cuirs mous, seulement l’épaisseur de la peau étant plus considérable , il leur faut un plus long séjour dans les fosses pour que le tanin pénètre jusqu’au milieu de la masse. Après cette opération , les cuirs forts présentent une consistance spongieuse qu’il faut faire disparaître ; on y arrive par le martelage, qui consiste à soumettre les cuirs, lorsqu’ils sont secs, à une forte pression, soit en les frappant au moyen d’un marteau, soit en les faisant passer entre des cylindres qui les pressent sans chocs.
- Le temps extrêmement long, pendant lequel les peaux doi1 vent rester en fosse, occasionne une stagnation de capitaux qu’il est toujours désirable de voir cesser; aussi a-t-on fait de nombreux essais pour arriver à un tannage plus rapide.
- Plusieurs de ces procédés consistent à confectionner avec les peaux des sacs dans lesquels on introduit du tan, puis de l’eau sous une certaine pression. On comprend que cette pression même tend à faire sortir le liquide chargé de tannin à travers les pores de la peau , et, par conséquent peut déterminer une combinaison plus rapide. Mais il est tou-
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- jours à craindre que cette opération ne nuise à la solidité du cuir.
- M. W. Drake remplit les sacs avec une solution froide de tan, et le liquide qui exsude est remplacé dans le sac jusqu’à ce que le durcissement des peaux soit opéré. A la fin on active l’opération en élevant à 60 degrés la température de l’atelier.
- M. Turnbull produirait, dit-il, en quatorze jours l’opération qui demande div—huit mois, et économiserait les deux tiers de l’écorce de chêne en faisant passer par endosmose le liquide tannant à travers la peau?
- En tannant à la flotte, on pourrait en trois semaines faire passer à l’état de cuir les peaux déjà gonflées : on n’aurait qu’à garder pendant tout ce temps les peaux dans des infusions tannantes qu’on remplacerait fréquemment par des infusions de plus en plus fortes.
- Nous ne parlons que pour mémoire du procédé de Séguin, qui, par l’emploi des acides, arrivait aussi plus promptement, mais qui ne donnait que des produits inférieurs. Le discrédit dans lequel sont tombés nos cuirs par l’emploi de ce procédé, doit rendre nos fabricants très-réservés dans l’adoption de ces nouvelles méthodes non encore contrôlées par une longue expérience.
- Les cuirs mous qui arrivent du tannage sont livrés au cor-royeur, dont l’art a pour but de leur donner du brillant, de la souplesse par l’introduction de corps gras et souvent aussi d’une matière colorante entre leurs pores.
- Les cuirs sont dits en suif ou en huile, suivant qu’on emploie l’un ou l’autre de ces corps gras dans leur préparation. On fait au^si usage maintenant du dégras, qui provient de la saponification des huiles en excès employées dans la chamoi-serie. Les cuirs en suif sont surtout employés par les selliers-bourreliers : on les prépare en les flambant légèrement à un feu clair, et en appliquant sur leurs deux faces du suif fondu ; on laisse le cuir s’imbiber pendant huit à dix heures, puis on donne une coloration noire avec de l’acétate de fer.
- L’industrie des cuirs vernis, à peu près inconnue il y a vingt ans, a fait de rapides progrès sous l'influence des nombreuses demandes dont ils sont l’objet.
- Les procédés sont, en général, tenus secrets; cependant
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- nous .pouvons indiquer, sommairement comment On arrive à donner aux cuirs cet éclat et ce brillant qui les font rechercher. .
- Pour vernir les cuirs, on leur fait subir deux opérations successives :
- \0 Apprêtage de la peau ;
- 2° Vernissage proprement dit.
- -La.peau, tannée avec un soin particulier, est soumise à des ponçages, successifs qui ont pour but de faire un fonds sur lequel on dépose l’apprêt. Celui-ci consiste d’abord en un mélange de minium ou de litharge et d’huile de lin, auquel on ajoute des ocres ou de la craie, suivant la finesse de la peau à,garnir. On donne, à des intervalles de quelques jours, plusieurs couches que l’on polit avec beaucoup de soin. L’opération a lieu sur la fleur ou sur la chair, suivant les usages auxquels on destine les produits fabriqués.
- Sur.le premier apprêt, on en dépose un second dans lequel entrent encore l’huile de lin et la litharge, mais les matières terreuses y sont remplacées par du noir d’ivoire ou du bleu de Prusse; on y ajoute, de plus, une certaine quantité d’essence de. térébenthine. On obtient ainsi un fonds bien noir et bien glacé, propre à recevoir le vernis.
- Ce vernis est composé d’huile d’apprêt, de bitume de Judée, de bleu de Prusse et de vernis gras au copal; lorsqu’il est appliqué, on dessèche les peaux pendant plusieurs jours dans une étuve chauffée à 60° environ.
- Les cuirs de Russie sont tannés, non plus avec l’écorce du chêne, mais avec une décoction d’écorce de saule, sur laquelle on les travaille pendant quinze jours environ. On les imprègne enfin du côté de la chair avec l'huile empyreumatique provenant de la distillation de l’écorce de bouleau ; ils présentent une odeur particulière qui éloigne les insectes, de sorte que les cuirs ne sont jamais attaqués.
- Toutes les peaux dont nous avons parlé jusqu’à présent sont soumises au tannage avant d’être livrées à la fabrication, mais les industries de la mégisserie, de la chamoiserie ne font pas usage de ces peaux tannées ; les cuirs hongroyés el les maroquins sont aussi rendus imputrescibles par d’autres moyens.
- Les peaux destinées à former des cuirs hongroyés, employés surtout par les bourreliers et carrossiers, ne sont pas 206 ff
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- épilées; on les tond avec soin, et, après les avoir imbibées de-chlorure d’aluminium, on les place dans une dissolution d’alun, et on les expose ensuite à l’air et au soleil pour les laisser sécher.
- Les cuirs sont ensuite passés au suif comme nous l’avons déjà vu.
- La mégisserie emploie des peaux d’agneau et de chevreau. Pour ébourrer ces peaux, on les enduit soit de chaux et d’orpiment (sulfure d’arsenic), soit de sulfure de calcium, le poil tombe au bout de vingt-quatre heures.'On les plonge ensuite dans un bain de son aigri, dans lequel l’acide lactique développé opère le gonflement; les peaux gonflées sont rendues imputrescibles en les plongeant dans du chlorure d’aluminium, obtenu par la double décomposition de l’alun et du sel marin.
- Ces peaux sont ensuite blanchies en les laissant tremper dans un bain composé de farine, de jaune d’œuf et de la liqueur saline tiède qui a servi à l’opération précédente. On comprend qu’il y a là un perfectionnement énorme à apporter; la dépense occasionnée par l’emploi des jaunes d’œuf est en effet très-considérable; au reste, la question est maintenant à l’étude, et nous ne doutons pas que l’habile expérimentateur qui s’en occupe n’arrive bientôt à une solution favorable.
- Le chamoiseur emploie les mêmes peaux que le mégissier et leur fait subir les mêmes préparations préliminaires, mais lorsqu’elles sortent du bain de son, il les imprègne d’huile de poisson , en les foulant sous le choc d’un pilon, puis, les laissant sécher et recommençant encore cette préparation à plusieurs reprises; l’excès d’huile est enlevé au moyen d’une lessive légère de potasse; le savon qui en résulte constitue le dégras.
- Pour terminer ces longs détails techniques, il nous reste à dire quelques mots des maroquins. Ce n’est que vers le milieu du dernier siècle que l’on commença en France à teindre quelques peaux. Il n’y a pas encore soixante ans que nous étions réduits à tirer nos beaux maroquins du Levant et d’Angleterre; enfin MM. Paule et Kemph fondèrent, au commencement de ce siècle, l’usine de Choisy, où ils obtinrent les beaux rouges connus encore dans le commerce sous le nom de rou-
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- ges de Choisy ; vers 1815 ou 1820, on sut faire les bleus; à la même époque, en imitant les procédés allemands, on obtint, à Strasbourg, les belles teintes mordorées qui furent bientôt si recherchées pour la chaussure.
- L’introduction du vernis aurait pu faire grand tort à la fabrication des maroquins, si on ne fut arrivé en même temps à produire de beaux chagrins dont la reliure fit dès lors grand usage.
- On confectionne le maroquin avec des peaux de chèvre et souvent de mouton. On fait revenir les peaux sèches en les tenant plongées pendant deux à quatre jours dans de l’eau provenant d’une opération précédente; on les écharne, on les épile à la chaux, et on les dégorge en les faisant digérer pendant vingt-quatre heures dans un bain de son aigri.
- Les peaux destinées à être teintes en rouge sont choisies avec beaucoup de soin, sans aucune espèce de taches et parfaitement dépouillées de l’excès de chaux. On les soumet à la teinture avant de les tanner : pour cela elles sont cousues deux à deux, la chair en dedans, de manière à former un sac; puis elles sont passées successivement dans un bain de chlorure d’étain et dans un bain de cochenille. Après les avoir rincées, on découd une partie du sac et on y introduit du sumac en poudre, on y insuffle de l’air, et, après avoir ficelé de nouveau l’ouverture du sac, on les plonge dans un bain léger de sumac, où des ouvriers l’agitent pendant quatre heures. Après le passage dans un second bain plus chargé de sumac, les peaux sont tannées.
- Les maroquins d’autres couleurs sont tannés au sumac avant de passer à la teinture; la couleur noire est donnée par de l’acétate de fer, le bleu par une dissolution froide d’indigo blanc, le jaune par une dissolution froide d’épine-vinette; les violets et les lilas par delà cochenille appliquée sur des peaux bleues.
- L’Exposition de l’industrie est extrêmement riche en peaux sous différents états. L’Angleterre, dont nous rencontrons les produits à l’entrée de l’Annexe, compte une trentaine d’exposants; les cuirs forts sont de belle qualité et d’un poids très-élevé qui sont d’un bon usage, surtout pour la semelle des chaussures fortes. L’écharnage n’est peut-être pas toujoursaussi complet qu’il devrait être.
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- MM. Peto etBryan, de Westminsler, présentent des cuirs forts et des maroquins obtenus avec la même peau , en détachant, avant le tannage, la fleur de la chair; le cuir fort, quand l’opération est bien faite, conserve toute sa valeur, et on a, comme produit supplémentaire, la fleur qu’on peut maroquiner.
- MM. Wilson , Walker et Cie, à Leeds (York), ont une belle collection de maroquins, des couleurs les plus variées, préparés pour la reliure.
- M. Clark, à Street, M. Deed, à Londres, exposent plusieurs peaux de mouton préparées avec leur laine, qui ne laissent rien à désirer.
- La Belgique a' envoyé de bons produits bien tannés, soit avec des peaux vertes, soit avec les produits importés de Buenos-Ayres et du Brésil. M. Massange Nivolay, à Stavenot (Liège), M. Piret Pauchet, à Namur, conservent la réputation dont ils jouissent à si juste titre en Allemagne, où leurs produits sont recherchés.
- M. Taillet, Boom et Cie, à Eureghem, envoient des cuirs vernis. Cette industrie, nouvellement introduite en Belgique, y réussit bien et exporte ses produits en Angleterre et en Allemagne.
- Nous retrouvons, dans l’exposition suisse, lés produits remarquables de M. Mercier qui lui ont déjà valu une médaille de prix à l’Exposition de Londres, comme corroyeur. MM. Hauser nous présentent, l'un des cuirs vernis, l’autre des cuirs tannés auxquels on ne peut rien reprocher.
- Bien que quelques-uns des cuirs forts de l’Allemagne ne soient pas épilés avec tout le soin désirable, cette contrée réussit dans plusieurs articles ; les vernis sont fabriqués en grande quantité surtout dans le Zollwerein, et bien qu’ils soient peut-être inférieurs aux nôtres comme qualité, leur bon marché peut nous faire une concurrence sérieuse. L’Allemagne est, au reste, le seul pays qui puisse nous disputer le premier rang pour cette industrie des cuirs vernis pour chaussures, dans laquelle l’Angleterre s’est peu ou point engagée. Nous avons remarqué dans l’exposition d’Autriche, outre un grand nombre de bons produits appartenant aux États allemands, des cuirs bien préparés envoyés par le royaume lom-bardo-vénitien.
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- Nous avons en France une exposition des plus complètes, représentée par deux cent quarante exposants. Nous avons, en effet, outre nos cuirs forts que nous faisons aussi bien que l’Angleterre, et peut-être mieux que l’Allemagne, bien qu’aux mêmes prix, plusieurs spécialités dans lesquelles nous n’avons pas de rivaux.
- Nos cuirs de veau tannés pour fabriquer les tiges de bottes, sont d’une supériorité universellement reconnue, et nous les exportons même en Angleterre. Cette fabrication est favorisée par la bonne qualité de nos produits indigènes, et par celle de nos écorces qui donnent un tannage blanc et doux, surtout celle du chêne vert du Midi, qui communique au veau et à la chèvre une souplesse toute particulière.
- Nos vernis pour sellerie seraient aussi jugés supérieurs à ceux des Anglais , s’ils étaient tous semblables à ceux de M. Gauthier, de Paris.
- Citons dans cette industrie MM. Dubois, Ducruy, Guillet, Hardy, Giraud, etc.
- M. Dehaux-Lacour , à Guise (Aisne), expose des produits obtenus par les nouvelles méthodes de tannage par filtration, qui, à première vue, semblent posséder toutes les qualités des cuirs préparés par les anciens procédés.
- M. Knoderer, de Strasbourg , nous montre aussi des produits fabriqués en trois mois, qui semblent de bonne qualité.
- M. Pleunp, de Pont-Audemer (Eure), dédouble les peaux de boeufs et de vaches, et produit ainsi des cuirs d’épaisseurs différentes, qu’il fait employer à divers usages.
- Les parchemins sont aussi représentés à l’Exposition : M. Berthault-Alademise en possède une belle collection.
- Enfin, Annonay a aujourd’hui le privilège à peu près exclusif de la préparation des chevreaux pour gants.
- Cette industrie, limitée longtemps à l’emploi des peaux indigènes, devint, à partir de 1827, sous l’intelligente impulsion de M. Boudard père, l’entrepôt où plusieurs nations étrangères envoyaient des peaux pour y venir ensuite chercher des gants.
- D’après les statistiques les plus récentes, les fabriques d’Annonay, si bien représentées aux Champs-Élysées par MM. Tracol, Rouveure, etc., fabriquent annuellement pour 33 à 35 millions de gants, dont les s’exportent en Angle-
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- terre et en Amérique; la France ne consommait que J- de cette énorme production.
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- On peut juger approximativement l’état de prospérité d’un pays par la consommation plus ou moins grande qu’il fait de certains produits. Parmi ceux-ci, le papier peut être considéré comme donnant des indications fort exactes. Ce n’est, en effet, que lorsque les premiers besoins matériels sont satisfaits qu’on songe à s’instruire des choses passées et actuelles, qu’on achète des livres et des journaux ; il y a donc un intérêt réel à étudier 1a. marche qu’a suivi le développement de cette industrie qui est maintenant arrivée à une production énorme qu’elle dépassera encore bientôt.
- Les Chinois se servent, de toute antiquité, d’un papier dit papier de riz, qui est formé par des bandes delà moelle d’un arbre particulier découpées en lames héliçoidales parallèlement à l’axe de la plante.
- Le papyrus d’Égypte fut employé pendant toute l’antiquité à la fabrication du papier ; l’emploi de ce produit se constate même encore en Europe au xe siècle; des bandes de fibres de papyrus étaient entre-croisées, puis battues, pressées et séchées, suivant la finesse des fibres employées et la perfection du travail ; le papyrus était employé à différents usages, le hiératique était notre papier superfin ; lesaitique, la qualité moyenne; enfin le tenaïtique était surtout propre aux emballages.
- En Europe, avant l’introduction du papier de coton, de lin et de chanvre qui nous arriva d’Orient, comme presque tous les germes de nos industries actuelles, on se servait du parchemin (peau de mouton), ou du vélin (peau de veau) dont la solidité et la durée sont si remarquables.
- L’Italie et l’Espagne, qui avaient au moyen âge plus de relations que le nord de l’Europe avec les Arabes, commencèrent à fabriquer le papier vers le xn° siècle.
- Ce ne fut qu’au xivc siècle que cette industrie prit naissance en France. Comme il fallait faire concurrence aux peaux si bien préparées dont l’usage était général, on fut obligé de se servir de chiffons blanchis par des procédés plus lents que
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- ceux que nous employons aujourd’hui, mais en même temps moins dangereux pour la solidité des fibres végétales ; on collait le papier à la gélatine, et on obtenait ainsi des produits d’une solidité remarquable, comme on peut le voir dans les anciennes éditions, qui ont conservé jusqu’à nous leurs qualités primitives.
- Actuellement, tous les papiers sont' fabriqués avec de vieux chiffons de chanvre, de lin et aussi de coton ; on emploie encore en Angleterre et en France, mais surtout dans celte première contrée, une grande quantité de résidus des fabriques de cordes.
- En Angleterre, la quantité de chiffons produite annuellement, qui s’élève cependant à 82 millions 500 000 kilogrammes, est loin de suffire à la fabrication, aussi l’importation est-elle de 8 millions 124 000 kilogrammes , dont la moitié provient des villes Anséatiques.
- Les papiers anglais seraient d’une mauvaise consistance si 'la grande quantité de vieux cordages et de toiles d’emballage qui entrent dans la fabrication , ne venaient compenser la masse énorme de coton consommé dans la Grande-Bretagne, masse qui se transforme entièrement en papiers.
- En France, en 1849, d’après M. Antoine Firmin Didot, auquel nous empruntons tous ces chiffres intéressants*, on n’em -ploie que 63 millions de kilogrammes de chiffons, nous avons moins de toiles d’emballage et de cordages, mais comme le linge de chanvre et de lin est plus abondant, nos matières premières sont supérieures à celles des Anglais. Nous trouvons dans la quantité de chiffons produite en France et en Angleterre la preuve que nos populations sont décidément moins aisées. L’Angleterre consomme annuellement par tête :3 kilogrammes de linge ; en France, 2 kilogrammes seulement.
- L’exportation des chiffons est prohibée en France; l’importation ne s’élève qu’à 1 million 605 093 kilogrammes. Par rapport à l’Angleterre, l’importation est dans la proportion 4e 1 à 5.
- On emploie deux méthodes bien différentes pour transformer les chiffons en papier, l’une connue sous le nom de
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- fabrication continue, c’est la plus récente et celle qui donne maintenant les produits les plus nombreux ; l’autre, déjà ancienne, mais encore employée dans certains pays et qu’on nomme fabrication à la cuve ou à la main.
- Occupons-nous d’abord de la fabrication continue.
- Les chiffons sont d’abord triés en diverses catégories, suivait leur propreté et leur provenance ; ils serviront à faire des produits de valeurs différentes.
- Les premières opérations, qui portent le nom de lessivage et de rinçage, ont pour but de débarrasser les chiffons des matières étrangères qui les salissent; le lessivage se fait ordinairement au moyen de cristaux de soude qu’on rend caustiques au moyen de la chaux.
- Les chiffons déjà lessivés sont soumis à l’action de cylindres armés de dents qui déchirent et séparent les fibres , et qui commencent la confection de la pâte, cette opération porte le nom de déftlage. Pendant le défilage, les chiffons sont complètement lavés, et on peut procéder à leur blanchiment, qui se fait au moyen du chlore; on emploie cet agent énergique presque toujours liquide à l’état de chlorure de chaux, l’usage du chlore gazeux est réservé à certaines pâtes spéciales. C’est au chimiste français Berthollet qu’on doit l’application des propriétés décolorantes du chlore au blanchiment du papier. La pâte blanchie est soumise au broyage, pendant laquelle elle se lave complètement et prend de l’homogénéité; les dernières traces de chlore étant enlevées par les sulfites alcalins, la pâte est colorée ou soumise immédiatement au collage, quand on veut l’employer blanche. En Angleterre, ce collage se fait à la gélatine ; en France, on emploie de préférence une colle dite végétale, formée de colophane dissoute dans de la soude caustique à laquelle on ajoute de la fécule et de l'alun; il se forme une combinaison insoluble qui est la base de ce procédé de collage.
- La pâte liquide et décolorée que nous avons obtenue doit être enfin transformée en papier; elle va d’abord passer au travers de grilles métalliques où elle se tamise en se débarrassant des parties parfaitement broyées qui formeraient des inégalités qu’il faut éviter. La pâte tamisée est placée sur des toiles métalliques, où elle s’égoutte, se feutre et prend de l’adhérence. C’est à ce moment que se font les filigranes par
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- des dessins que portent les toiles métalliques, ou au moyen d’un cylindre sur lequel les dessins sont tracés en relief. La pâte refoulée aux endroits où elle a été en contact avec ces -dessins prend dans ces points une épaisseur moindre ; en opposant le papier à la lumière il sera facile de voir les caractères lumineux se détachant sur un fond plus opaque. Elle passe ensuite entre des rouleaux recouverts de drap qui expriment l’eau dont la pâte se débarrasse complètement entre les cylindres sécheurs : ceux-ci sont en fonte et chauffés au moyen de la vapeur qui circule dans leur intérieur.
- Le papier terminé est confectionné, mais il doit être encore soumis à différentes opérations avant d’être livré à la consommation : il doit être lissé,, satiné ou glacé. On obtient ces deux premières qualités en faisant passer entre deux cylindres plus ou moins rapprochés les feuilles de papier placées elles-mêmes entre des feuilles de carton : toutes les aspérités du papier disparaissent dans ce nouveau frottement, et on obtient le poli que demande la consommation; le poli extra, le glacé, ne peut s’obtenir qu’en faisant passer le papier entre des feuilles de cuivre ou de zinc.
- L’invention de la machine à papier ne date que de la fin du xvni' siècle ; ce fut à Essonne, dans la papeterie de François Didot, que furent faits les premiers essais de la machine à papier continu.
- Les circonstances politiques forcèrent Didot à aller en Angleterre chercher des moyens de construire son appareil. Ce fut seulement en 1809 que la machine fonctionna régulièrement. En France, la première fut établie à la papeterio de Sorel, près Anet, en 1810.
- La fabrication du papier à la main est encore en usage dans les pays peu avancés, et même chez nous pour fabriquer certains articles spéciaux. Ainsi jusqu’à présent on ne peut fabriquer autrement les papiers buvards, les papiers à filtrer non plus que les papiers à lavis, qui exigent le collage à la gélatine par l’ancien procédé, collage qui ne s’exécute que lorsque la feuille est fabriquée.
- Il est rare maintenant, même dans le procédé de fabrication à la main, qu’on soumette les chiffons à la fermentation putride connue sous le nom de pourrissage, ou à la pile, comme dans le nouveau procédé, on blanchit au chlore, et on '
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- termine la pâte aux bocards, système de maillets qui, soulevés par des coins, retombent à intervalles égaux sur la pâte et la triturent complètement.
- La trituration terminée, un ouvrier en place les produits sur une forme composée d’un cadre rectangulaire de bois, muni dans toute sa longueur de fils de laiton assez rapprochés; au moyen d’un mouvement de va-et-vient, il étale sa pâte sur sa forme et la distribue à peu près également; la feuille, d’abord égouttée légèrement, est retournée sur une feuille de feutre, un second feutre est placé au-dessus de la feuille de papier, puis encore du papier et encore du feutre, jusqu’à ce qu’on obtienne une pose, qui est alors soumise à l’action de la presse. Le papier séché à l’air libre est collé, puis apprêté et livré à la consommation.
- Nous venons de voir que la fabrication du papier reposait exclusivement sur les chiffons. La masse énorme de ces matières importées déjà en Angleterre, prouve qu’il y a en ce pays une inégalité manifeste entre la production des chiffons et la demande pour la fabrication du papier. Cet état de choses ne fera qu’augmenter encore; les populations s’éclairent de plus en plus, il leur faudra des journaux et des livres plus nombreux. Il serait donc de toute importance de trouver un procédé économique pour transformer en pâte à papier certains végétaux abondants soit en France, soit même à l’étranger. Jusqu’à présent on n’avait pas pu y réussir, les frais de défilage et de blanchiment surtout étaient trop considérables. On nous assure cependant que MM. Yelli et Louvié viennent de résoudre le problème, et qu’ils vont exposer des papiers obtenus avec des plantes communes et non encore employées, telles que les joncs des marais, le jonc à paillassons ou scirpus, le typha ou roseau, le sparganicum pu ruban d’eau. Il n’est pas besoin d’appuyer sur les avantages énormes que procurerait cette nouvelle industrie qui permettrait à la papeterie de prendre tout son essor et de n’être plus arrêtée par la production des chiffons nécessairement limitée. La fabrication du papier à bon marché est certainement un des problèmes dont la solution serait des plus avantageuses pour l’instruction et la moralisation des classes pauvres.
- Les papiers sont exposés presque tous dans la galerie nord de l’Annexe.
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- Les produits exposés devaient être et sont en effet remarquables, mais rien de bien nouveau n’a frappé nos regards.
- MM. Firmin Didot exposent des échantillons obtenus à l’aide d’un blanchiment plus rapide : le nouveau procédé consiste à faire arriver dans la pile à blanchir un courant d’acide carbonique qui décompose le chlorure de chaux et met le chlore en liberté; l’action est ainsi plus rapide.
- La papeterie du Marais etde Sainte-Marie montre un grand nombre d’échantillons de papiers fdigranés pour valeurs; cette spécialité prend maintenant une grande importance, puisque c’est la seule chose que la photographie ait de la peine à reproduire exactement, et que c’est seulement à l’aide des filigranes qu’il est possible de distinguer un billet de banque réel d’un billet imité par la photographie.
- MM. Blanchet frères et Kléber, à Rives (Isère), exposent une belle collection de papiers à la cuve et à la mécanique; celte maison a la spécialité de cartons préparés avec des matières animales pour les gargousses d’artillerie.
- Angoulême conserve sa vieille réputation. M. Chetenet s’est attaché aux papiers de filigrane.
- MM. Lacroix, les lauréats de la Charente, exposent encore des produits remarquables.
- Le Puy-de-Dôme reste fidèle au papier à la cuve avec M. Gombeyre Thouvuilhas. Les Vosges réunissent les deux fabrications.
- M. Glenisson et Van Genechtew, d’Anvers , envoient des papiers de toutes sortes. M. Godin de Huy, sur la Meuse, expose des rouleaux formidables de plus d’une lieue de longueur. La machine à fabrication continue explique .au reste la fabrication de cette feuille de papier gigantesque.
- La Bavière, la Prusse , l’Autriche envoient de bons produits auxquels il serait trop long de nous arrêter. En Angleterre, la fabrique de M. Hoollingworth, à Maidstorne (Kent), envoie une collection complète de tous les genres de papier.
- Le ministre du commerce anglais a exposé aussi une série de produits, dans lesquels passent les cordages de rebut pour être transformés en papier d’emballage.
- M. Louis Pielte, au Pont-d’Oie, près Arlon (Belgique), ex-gose une belle collection de papiers de paille. Le Journal des fabricants de papier, imprimé sur papier de paille pur, pré-
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- sente un grand progrès sur les papiers fabriqués sans chiffons.
- Nous empruntons encore à l’excellent rapport de M. Firmin Didot quelques chiffres sur l’état de la fabrication du papier chez les-différentes nations qui ont envoyé des produits à l’Exposition.
- L’Afrique et l’Asie ne possédaient, en 1 851, qu’une papeterie chacune, l’une près du Caire, l’autre près de Smyrne. L'Amérique du Sud n’en a pas.
- La production annuelle del’Àngleterre a été de 62 960 000 kilogrammes en 1850, représentant une valeur de 70 millions de francs. L’Écosse produit 14 300 009 kilogrammes, et l’Irlande un peu plus de 3 millions de kilogrammes.
- Les Royaumes Unis possèdent 403 machines sans fin et 400 cuves.
- En France, nous avons 210 machines et 250 cuves, et nous ne produisons annuellement que 41 680 000 kilogrammes ; c’est donc 30 millions que la Grande-Bretagne produit de plus que nous.
- LeZollwerein possède 800 papeteries ayant 440 machines à papier fabriquant environ 25 200 000 kilogrammes.
- L’Autriche fabrique 13 millions de kilogrammes et la Suisse en fabrique autant, qu’elle consomme entièrement chez elle.
- Si on admet comme réel ce que nous avons dit au commencement de cet article, en réduisant la comparaison à la France et à l’Angleterre, nous trouvons que chaque habitant du Royaume-Uni, l’exportation étant déduite des deux parts, consomme 2 kilogrammes 5 de papier, tandis qu’en France chaque habitant n’en consomme que 1 kilogramme.
- Ainsi la nation anglaise serait dans une position matérielle deux fois meilleure que la nôtre ; ces chiffres n’ont pas une valeur absolue, mais en rapprochant ce qu’ils indiquent de ce qui ressort de tous les autres objets de consommation, on voit de la façon la plus nette que l’Angleterre est dans un état de richesse et de prospérité bien supérieur à celui delà France.,
- Tabacs.
- On attribue généralement à Jean Nicot l’introduction du tabac en France; cependant Thivet, qui visita l’Amérique
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- bien avant Nicot, réclame la priorité dans un gros in-folio publié en 1517 :
- « Je me puis vanter avoir esté le premier en France qui a apporté la graine de cette plante, et pareillement semée, et nommée ladite plante l’herbe angoumoise. Depuis, un quidam qui ne fit jamais le voyage, quelques dix ans après que je fus de retour, lui donna son nom. »
- Quoi qu’il en soit, jamais une plante n’a eu une destinée aussi accidentée que le tabac. Au xvir siècle, Urbain VIII excommunie lespriseurs; les empereurs de Russie leur coupent le nez, le sultan.Amuralh IV condamne les fumeurs à mort, et malgré ces persécutions ou peut-être à cause d’elles, la consommation du tabac va toujours en croissant avec une rapidité extraordinaire. Depuis, les gouvernements, au lieu de proscrire l’usage du tabac, s’en sont faits marchands, et la France à elle seule a gagné aux impôts établis sur cette matière, en cinquante-neuf ans, de 1811 à 1850, plus de deux milliards!
- Le tabac estune plante annuelle qui se reproduit par semailles; celles-ci se font ordinairement àla finde mars; au bout de deux mois les plantes sont assez fortes pour être transplantées; lorsque les feuilles commencent à se couvrir de taches jaunes, le moment de la récolte est venu, on coupe les feuilles ou les tiges, on les fane et on les sèche pendant plusieurs mois, on réunit alors les feuilles en manoques de dix à douze, et on en forme des masses, recouvertes de planches légèrement pressées. Nous avons à l’Exposition de nombreux échantillons de ces manoques; la manufacture impériale des tabacs de Vienne en montre une belle collection, remarquable surtout par la longueur des feuilles.
- Quand le tabac estarrivé à cetétat, il est trié en diverses catégories, suivant la fabrication spéciale à laquelle il est destiné.
- Les tabacs présentent des propriétés très-diverses, suivant les espèces; le principe actif qu’ils renferment, la nicotine, se trouve en quantités très-variables aussi : nos tabacs français en contiennent de 6 à 7 polir 100, tandis que le Maryland n’en renferme que 2 pour 100.
- Nos tabacs à priser et à fumer sont toujours des mélanges de différentes espèces; les cigares sont au contraire souvent fabriqués avec des espèces uniques.
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- Nos manufactures françaises font un tabac à priser qui jouit d’une grande réputation. Il se fabrique en grandes masses de plusieurs milliers de kilogrammes à la fois; on choisit pour cette fabrication des tabacs corsés comme le Virginie, et des tabacs forts comme nos tabacs français. Le premier donne l’arome, les derniers produisent le montant.
- Les feuilles de tabac, après avoir été mouillées avec de l’eau légèrement salée, sont hachées , puis réunies en masse de quatre mètres de haut sur quatre à cinq mètres de large; ces masses fermentent lentement, une partie de la nicotine se détruit en dégageant des sels ammoniacaux; on active ou on ralentit cette fermentation en permettant ou empêchant le contact de l’air. Au bout de cinq ou six mois on démolit les masses; et on procède au râpage au moyen de grands moulins analogues à des moulins à café.
- Le mélange des diverses espèces de tabac , l’habileté avec laquelle on a fait marcher la fermentation conduisent à une réussite plus ou moins parfaite ; un bon tabac à priser doit présenter de la force qui est produite par les sels ammoniacaux, et en même temps du montant qui est dû à la nicotine.
- Pour fabriquer le tabac à fumer on hache les feuilles après les avoir écotées, puis on les sèche d’abord sur des tables de tôle, dans lesquelles circule de la vapeur à 120 degrés; cette opération produit le frisé que ne donnerait pas une dessication à l’air libre; le tabac est ensuite séché dans des chambres où règne une température de 20 degrés.
- Notre tabac ordinaire à fumer, notre caporal jouit à l’étranger d’unê grande réputation ainsi que notre tabac à priser.
- On ne fabrique en France que les cigares inférieurs du prix de 5 et de 10 centimes ; tous les cigares plus chers sont achetés tout fabriqués à l’étranger.
- Les feuilles employées à la fabrication des cigares sont de deux espèces : les feuilles d’intérieur et les feuilles pour robes; celles-ci doivent être aussi grandes que possible et avoir belle apparence.
- Les feuilles d’intérieur, légèrement humides afin d’être souples, sont réunies par la cigarière de façon à leur donner à peu près la forme d?un cigare ; elle les entoure d’abord d’un ' morceau pius grand qu’on appelle cape, puis de la robe qui
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- recouvre le tout, et dont elle contourne l’extrémité qu’elle fixe au moyen d’une goutte dégommé.
- Les cigares doivent être fumés aussi secs que possible ; aussi le gouvernement les laisse-t-il assez longtemps dans des boîtes avant de les livrer au commerce; les débitants les conservent eux-mêmes pendant plusieurs mois, et enfin les amateurs achètent leurs cigares parfois plusieurs années d’avance; dans les pays du Nord, surtout en Belgique où les
- tabacs ne sont pas soumis à une régie comme en France, il n’est pas rare de rencontrer des collections de plusieurs mil-
- liers de cigares.
- Nous trouvons dans un article intéressant de M. Frémy,
- longtemps professeur à la manufacture des tabacs de Paris, les chiffres suivants, pour la vente en 4 847 :
- 6774 000 kil. de poudres;
- 4 0 349 000 de tabacs à fumer;
- 44 000 rôles minces filés;
- 281 000 gros rôles ;
- 7685 carottes à râper ;
- 435 339 carottes à fumer ;
- 175 000 cigares havanes ;
- 54 5 408 cigares français.
- Le produit brut de la vente a été de 115 779 000 fr. Le bénéfice net, de 85 900 000 francs.
- Il résulte de la comparaison de ces chiffres à ceux de plusieurs années précédentes, que la fabrication de la poudre est à peu près stationnaire, que celle des tabacs à mâcher et à râper tend à décroître, que" celle dü tabac à fumer et des cigares augmente considérablement.
- En Algérie, la culture du tabac commence à faire de rapides progrès et pourra devenir une grande source de richesses pour cette colonie, les achats qu’y fait le gouvernement, s’accroissant d’une façon remarquable chaque année ; ainsi, en 4845, les achats avaient été seulement de 85490 kil., tandis qu’ils s’élevaient à plus de 400 000 kil. deux ans après, en 1847.
- Au Palais de l’Industrie, l’Algérie a envoyé quelques échantillons de cigares et de tabac exposés à l'extrémité de la galerie sud de l’Annexe. On comprend qu’il est difficile d’apprécier la valeur de ces produits à travers les caisses qui les
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- renferment, mais nous avons admiré la prodigieuse variété d’espèces de cigares exposés; ce serait peut-être un exemple à suivre pour nos manufactures impériales dont le catalogue n’est pas varié.
- L’Allemagne a de belles expositions de tabac, et il devait en être ainsi; la douce ivresse du tabac convient spécialement à la rêverie de nos voisins du Rhin ; la manufacture impériale de Vienne a, dans le bas côté nord de l’Annexe, une fort belle et fort grande vitrine.
- Les tabacs prussiens sont représentés par sept exposants qui ont de petits cigares jaunes et clairs pour dames, et de formidables et noirs régalias pour les hommes sérieux.
- Les États-Unis d’Amérique ne nous envoient aucun échantillon de tabacs, cependant nous importons de ce pays des quantités considérables de produits de choix; en 27 ans, de 1821 à 1847, les États-Unis ont vendu à l’Europe pour 470 millions de tabac.
- Caoutchouc.
- On désigne, sous le nom de caoutchouc, un principe immédiat contenu en dissolution dans le suc laiteux de plusieurs plantes de l’Amérique du Sud et des Indes Orientales. Ce sont surtout les grands arbres de la famille des orties et des euphorbes qui le fournissent en plus grande abondance. A Java, à Assam, à Sincapore, le caoutchouc se retire de différents figuiers et particulièrement du ficus elastica. Au Brésil et à la Guyane, on l’extrait du siphonia cahucha. C’est même de cette dernière variété qu’il tire son nom.
- Pour se procurer le caoutchouc, les Indiens pratiquent sur l’écorce de ces arbres de profondes incisions, tout autour du tronc, depuis la base jusqu’aux branches les plus élevées, et ils reçoivent dans des callebasses ou dans de grandes feuilles ployées en bonnet le suc laiteux qui s’en écoule. Abandonnée à elle-même, cette sève s’épaissit peu à peu par suite de la lente évaporation de l’eau qu’elle renferme, devient visqueuse et collante, et finit par se figer en une matière solide éminemment élastique.
- Comme une pareille, évaporation exige beaucoup de temps, surtout quand il s’agit do solidifier une grande masse de
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- liquide, il arrive souvent que pour la rendre plus rapide, les naturels du pays confectionnent des moules en terre qu’ils immergent successivement, et un grand nombre de fois, dans le suc convenablement épaissi. Lorsqu’ils jugent le dépôt de caoutchouc assez abondant, ils brisent le moule et en font sortir les fragments par une ouverture ménagée. C’est du moins ainsi qu’est préparé le caoutchouc en poires, qu’on trouve dans le commerce.
- Malgré les incertitudes qui régnent encore sur la date réelle à laquelle le caoutchouc fut connu en Europe, il paraît que ce fut un certain Fresneau qui en fit la découverte à Cayenne ; cependant, c’est véritablement du célèbre Lacondamine qu’on reçut, en 1751, la première description scientifique de cette substance.
- Tel qu’il nous est expédié de l’Amérique et de l’Asie, le caoutchouc contient beaucoup d’impuretés. L’espèce noire surtout, qui nous arrive de Java, est souillée de pierres et de débris de bois qui la rendent tout à fait impropre à la fabrication. On épure maintenant le caoutchouc en le faisant passer dans les broyeurs mécaniques, dont M. Couturier, mécanicien, expose un petit modèle dans la galerie des machines du Palais de l’Industrie.
- Le broyeur se compose de deux cylindres cannelés disposés horizontalement et animés d’un mouvement circulaire, de sorte que le caoutchouc brut qui a subi l’étreinte de ces puissantes machines se trouve débarrassé des pierres, et converti en une feuille rugueuse qu’une courte ébullition dans un bain alcalin suffit pour épurer entièrement. En comprimant fortement, dans un cylindre de fonte, un grand nombre de ces feuilles, on les soude ensemble de maniéré à en faire des blocs cylindriques d’une grande homogénéité qui servent ensuite de matière première aux objets de fabrication.
- La matière transportée sur la machine à couteau horizontal dont M. Guibalest l’inventeur, ou sous le tranchant du couteau circulaire exposé par M. Couturier, on en fabrique à volonté les feuilles qui sont employées dans la confection des étoffes, ou les rubans qui sont plus tard convertis en fils.
- C’est aussi avec succès qu’on fait u^ge de caoutchouc dissous dans certaines huiles essentielles, pour enduire les surfaces des tissus légers, et les rendre imperméables à l’eau 206 gg
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- sans en augmenter sensiblement le poids, ni en altérer la souplesse.
- Malgré les résultats déjà acquis, l’industrie du caoutchouc était néanmoins condamnée à périr à cause de l’état instable des objets qui sont confectionnés avec cette substance. Le caoutchouc, en effet, se durcit par le repos et le froid, et se ramollit par le maniement et la chaleur. Tel produit qui trouvait son emploi en été devenait donc inutile dans une saison moins Chaude. Cette restriction était un inconvénient qu’il fallait conjurer, puisqu’il paralysait la nouvelle industrie dans son essor même. On y parvint fort heureusement à l’aide de la vulcanisation. On appelle ainsi une opération qui consiste à immerger les feuilles de caoutchouc dans un bain de soufre fondu. L’agent chimique se combine en petites proportions au caoutchouc, et en mitige les propriétés de manière à le rendre aussi insensible aux chaleurs tropicales qu’aux hivers les plus rigoureux.
- Les usages du caoutchouc vulcanisé sont immenses. On en fait destampons de machines, des rondelles pour cylindres, des courroies , des tuyaux de toute dimension, des appareils chirurgicaux, des coussins électriques, des robinets, des fils, des rouleaux, des ressorts, des vêtements de toute espèce, etc., etc.
- En forçant la vulcanisation, c’est-à-dire en ajoutant à une pâte de caoutchouc le cinquième environ de son poids de fleurs de soufre, et chauffant le mélange à 150 degrés,, M. Goodyear vient de nous doter d’un nouveau produit dur et rigide comme le marbre, et susceptible aussi d’un beau poli. Les applications variées auxquelles il a su faire concourir sa précieuse découverte nous font pressentir un bel avenir pour cette industrie naissante.
- On peut en juger déjà par la brillante exposition que possède au palais des Champs-Élysées la Compagnie qui exploite ses procédés. C’est avec étonnement qu’on admire ces manches de couteau sculptés, ees crosses de fusil ornées de sujets moulés avec art, ces jumelles de théâtre et mille autres articles d’optique et de tabletterie, autrefois l’apanage de l'ébène et du buffle, aujourd’hui entièrement confectionnés avec le caoutchouc durci de M. Goodyear. On y remarque aussi, faits avec la même substance, des meubles richement dorés,
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- •des bijoux montés de perles fines, des plats à dessins chinois, •des instruments de musique, tels que violons et clarinettes, des candélabres, une machine électrique très-remarquable, et dans un ordre de produits plus usuels, des cravaches et des cannes très-flexibles, plusieurs .instruments de chirurgie, des poudrières et autres objets de chasse ; diverses mesures métriques, des mollettes à imprimer, des bobiues et des navettes, des peignes ordinaires et des peignes à tisser, remplaçant avec avantage les mêmes instruments en fer, si oxydables par l’air humide.
- M. Goodyear expose aussi des planches de caoutchouc durci destinées au doublage des navires et qui, par leur bas prix et leur légèreté pourront, dit-on, être substituées aux feuilles de cuivre actuellement en usage.
- La librairie n’a point été oubliée dans cette riche collection, et l’on peut apprendre l’histoire de la fabrication merveilleuse qui nous occupe dans un livre imperméable, dont les feuillets en caoutchouc vulcanisé sont revêtus d’une élégante reliure en même matière durcie. Quoiqu’il soit à regretter qu’une pareille innovation arrive quatre mille ans après le déluge, nous n’appelons pas moins sur elle l’attention des baigneurs qui aiment à goûter dans l’onde les plaisirs de la lecture.
- La Compagnie américaine présente également une intéressante exposition de caoutchouc simplement vulcanisé. Il s’y trouve des cartes géographiques imprimées, des étoffes et des vêtements divers, et parmi les jouets d’enfant, des chiens et des oiseaux donnant de la voix par la simple pression des doigts sur le corps. Il y a également de somptueux matelas à eau chaude.
- Enfin , le service militaire y possède des tentes imperméables et des pontons d’une confection très-soignée.
- Cette Compagnie, dans sa féconde initiative, ne s’est pas contentée de trouver les moyens de soulager le souffrant, d’égayer l’enfance, de mettre à l’abri des dangers de l’inondation le manuscrit du poêle ou les archives des peuples, elle a aussi pensé à venir en aide à certaines infirmités. Le nouveau système de chaussure qu’elle a créé en est la preuve irrécusable, et, hâtons-nous de le dire, l’énigme la plus subtile pour tous les curieux qui l’admirent. Les rondelles en
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- caoutchouc gris qui sont disséminées dans la semelle des bottines font naître véritablement les conjectures les plus bizarres, à tel point que beaucoup de personnes se figurent être en présence de porte-monnaie suspendus avec artifice à la partie de l'habillement la moins susceptible d’être oubliée et celle aussi qui dans la foule ne redoute point l’invasion d’une main étrangère. Pour d’autres esprits ce système est une véritable mystification. C’est même notre opinion aujourd’hui que nous avons appris que ces rondelles ne sont que des soupapes qui ventilent l’intérieur delà chaussure, par la pression que le pied, en mouvement, exerce sur elles.
- Quant aux bateaux dits de sauvetage ou insubmersibles, s’ils n’ont point à redouter'l’impétuosité des vagues, au monts nous paraissënt-ils craindre l’angle du récif ou la dent de quelque hôte marin. Si curieux qu’ils soient, ils ne peuvent cependant rivaliser avec celui que M. Edmiston , de Londres, a fabriqué et que tout le monde voudra voir. Il faut d’ailleurs reconnaître que notre alliée d’outre-mer a montré celte fois, dans son exposition de caoutchouc, une réserve à laquelle elle ne nous avait pas toujours accoutumés, et que s’il n’y a que deux ou trois exposants anglais qui soient entrés dans la lice, au moins ce sont autant de champions qui peuvent rompre une lance. Le Palais de l’Industrie n’a, en effet, rien à opposer, pour le bon marché uni au confortable, aux paletots imperméables de M. Wansbrough : vêtements de bon goût que nos lions des boulevards s’honoreront de porter cet hiver. Confectionnés avec une étoffe Orléans de couleur très-variée et une doublure d’une imitation de drap gris ou marron fort heureuse, ces par-dessus contrastent très-agréablement avec l’aspect monotone des caoutchoucs français.
- En Belgique, au moins, les manteaux imperméables que nous payons à Paris 45 à 20 fr. ne valent que 8 fr., et c’est là, pour la fabrication belge, un véritable progrès qu’il est juste de signaler.
- Le Prussien, au contraire, paraît tenir à ses vieilles habitudes; il aime son roi et même son parapluie à en juger par l’exposition de Berlin qui ne possède a peine, parmi ses nombreux articles en caoutchouc, qu’un vêtement pendu dans l’angle obscur d’une vitrine. L’application de la gomme élas-
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- tique est cependant très-bien comprise dans ce pays. Les feuilles, les tubes et la plupart des cylindres en caoulchouc vulcanisé de MM. Woigt et Winde, de Berlin, sont d’uu beau travail, et le portrait de l’auguste martyr de Sainte-Hélène est d’un heureux effet comme moulage. Les dimensions des pièces exposées montrent en outre que cette industrie a déjà pris un grand accroissement, et qu’elle pourra un jour se montrer la rivale de l’industrie française, à la condition, toutefois, de réformer ses procédés de vulcanisation , car si son travail est intelligent pour la confection des articles qu’elle livre au commerce, il laisse beaucoup à désirer dans la préparation delà matière première. Le caoutchouc vulcanisé de MM. Woigt et Winde, et Fonrobert, renferme un excès de soufre qui le rend cassant , et c’est pour cette, raison que les feuilles et les tubes de leur exposition se déchirent sous l’influence d’une faible traction. Les grosses pièces elles-mêmes, quoique d’un beau grain , se laissent entamer par l’ongle, épreuves que ne redoutent point, par exemple , les pièces semblables de M. Guibal, dont la matière vulcanisée est d’une souplesse incomparable.
- Les sinuosités que présentent les parois des tuyaux de gros diamètre, accusent également dans celte importante branche de l’industrie l'emploi de moyens de fabrication encore bien primitifs, et confirment l’opinion qu’on se fait de l’ensemble de l’exposition prussienne: qu’elle se trouve aujourd’hui dans la grande voie du progrès, à l’étape même où les produits français s’étaient arrêtés il y a six ans.
- Ces assertions paraîtront incontestables à tous ceux qui visiteront la riche exposition de la France. (Galerie du quai, côté de la Seine, premier étage, colonnes 58-63.)
- .11 n’y a personne qui n’admirera ces articles parisiens qui ont valu à leurs auteurs, MM. Guibal et Rattier, une réputation européenne si justement méritée. Nulle part on ne trouve plus de coquetterie ravissante, dans les jarretières de femmes coloriées comme les fleurs.
- Et cette richesse d’effet obtenue avec si peu de chose est tellement inhérente à la production française, qu’on la rencontre même dans les objets d’un usage vulgaire. Les chaussures, les casquettes, les coussins de M. Guibal, sont infiniment supérieurs aux mêmes articles prussiens, et cependant,
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- chez l’un comme chez l’autre, c’est toujours du caoutchouc,, du fil et de la toile réunis ensemble.
- Toutefois, la partie sérieuse et nouvelle de l’exposition-française ne consiste pas tant dans les formes et l’aspect brillant des objets, que dans l’amélioration de la matière première elle-même, et l’étendue de ses applications. Le caoutchouc vulcanisé des producteurs français est vraiment un produit remarquable qui diffère essentiellement du caoutchouc dur et sec fabriqué, il y a quelques années, par les-mêmes fabricants. M. Rousseau-Lafarge en expose sous forme de tampons et ressorts de wagons, de clapets de macliines à< vapeur, etc., des échantillons hors ligne, et MM. Aubert et Gérard en ont envoyé de grandes masses également bien dignes d’attention. Les caprices de la fantaisie ont, à leur tour, trouvé en MM. Barbier et Deaubrée, de Clermont-Ferrand, des interprètes intelligents, car à côté d’une exposition sérieuse de caoutchouc filé, il y a une multitude de gourdes et de blagues à tabac ornées de chinoiseries coloriées, toutes-filles, de la potichomanie. Symbole de la gaieté, elles invitent naturellement à la danse et personne n’exposait plus à propos des chaussures que MM. Hutchinson etllenderson; leurs-produits sont d’ailleurs d’une confection délicate et très-soignée; notre seule crainte, c’est qu’ils ne rencontrent que peu de pieds assez mignons pour les chausser, excepté cependant pour la colossale botte d’honneur qu’ils exposent dans le Palais et dont Perrault, dans ses Contes des fées, a depuis longtemps indiqué l’emploi.
- Les tissus imperméables ne sauraient être omis dans cette longue nomenclature, puisqu’ils constituent la branche la plus imposante du caoutchouc manufacturé. Nous signalerons donc avec plaisir les riches étoffes de tenture de MM. Hutchinson et Henderson, et, parmi elles, la grande toile peinte que le public admirerait beaucoup moins si elle ne représentait pas l’un des brillants faits d’armes de notre brave armée d’Orient.
- Quant aux vêtements en caoutchouc, ce sont toujours ceux, de MM. Rattier et Gaibal qui ont conservé le monopole de la> distinction.
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- CLASSE XI.
- Préparation et conservation des substances alimentaires.
- Le règne végétal et le règne animal fournissent un très-grand nombre de matières alimentaires que l’industrie transforme de mille manières, pour le plus grand profit des consommateurs et du commerce. De ces matières, les unes peuvent être consommées dès qu’elles sortent des mains de l’industrie, ou sont dans un état qui leur permet d’attendre plus ou moins longtemps la convenance de l’acheteur; les autres, au contraire, ne conservent les qualités qui les distinguent que durant un temps quelquefois fort court, et il faut les préserver de toute altération jusqu’au jour où on les utilise.
- De là deux opérations industrielles distinctes : la préparation et la conservation des substances alimentaires. De là aussi deux divisions, deux titres sous chacun desquels il convient de classer les produits que renferme cette classe..
- Les substances alimentaires qui n’exigent qu’une simple préparation, cell.es qu’on n’est pas obligé de soumettre à des procédés spéciaux de conservation , peuvent se rapporter à quatre groupes principaux : les produits tirés des céréales et des plantes féculentes; les sucres; les vins, alcools et liqueurs ; les chocolats, cafés et thés.
- Les substances alimentaires qui constituent des conserves se peuvent, distinguer aussi en quatre catégories : conserves de fruits, de légumes, de ragoûts, de viandes.
- Malgré le nombre considérable et l’importance commerciale de ces substances diverses, nous ne pourrons en parler que d’une manière générale et par aperçu sommaire : cela,, pour deux raisons.
- Tous ces produits ne se cachent pas seulement derrière les vitrines, ils s’enferment dans mille enveloppes différentes, boites, bouteilles, flacons, tonneaux, que le visiteur ne peut
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- ouvrir. Or, pour juger du mérite de ces matières destinées à l’alimentation, il faut connaître le procédé à l’aide duquel elles sont obtenues, il faut aussi apprécier e gustu la valeur propre de chacun d’eux. La dégustation même ne suffit pas toujours ; l’analyse chimique est souvent nécessaire pour déterminer la richesse des produits, celle des farines, par exemple; l’expérience, et une expérience prolongée, est quelquefois indispensable, notamment pour les conserves.
- D’un autre côté, la description des procédés de préparation ou de conservation des substances alimentaires font l’objet tout particulier d’un volume de la Bibliothèque des chemins de fer, auquel nous devons naturellement renvoyer les lecteurs.
- Notre tâche se borne donc nécessairement à caractériser chacun des grands pays qui figurent à l’Exposition, parla nature de produits spéciaux qui le distinguent; à fournir quelques renseignements sur l’importance industrielle de quelques substances; à compléter le volume que nous venons de citer , par l’indication des procédés nouveaux qui offrent quelque intérêt.
- En raison de l’importance tout actuelle de la question, la conservation des viandes appellera principalement notre attention.
- Aucune série n’est plus nombreuse que celle où viennent se ranger les produits multipliés tirés des céréales et des plantes féculentes : farines de toute espèce, gruaux et grésillons , grains décortiqués et pilés, gluten granulé et en feuilles; pâtes alimentaires indéfiniment diversihées pour potages, purées, crèmes; pâtes d Italie, macaronis, nouilles, vermicelles, Semoules; fécules, amidons, dextrine, glucose; sagou, tapioca, pains de toutes natures, biscuits de toutes sortes et de toutes formes ; biscuits de mer, de Reims, biscuits glacés; petits-fours, pâtisseries sèches...; l’énumération est impossible.
- Il est également difficile de nommer toutes les sortes de vins, tous les mets en conserves qui ont été envoyés à l’Exposition ; les noms sans la dégustation ne diraient, d’ailleurs, pas grand’chose.
- Ce qu’il est facile de remarquer c’est que, pour la beauté des farines, et pour la variété des transformations auxquelles l’emploi des céréales peut donner naissance, la France avec
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- l’Algérie se place au premier rang. Le Canada et la Guyane anglaise font honneur aux îles Britanniques pour leurs farines et leurs fécules. La Prusse et l’Autriche, l’Espagne et les villes Anséatiques ont aussi de beaux échantillons.
- Les pâtes alimentaires des États-Sardes, celles de la Toscane surtout sont d’une finesse étonnante, et qui justifie bien la réputation proverbiale de l’Italie en ce genre. La France seule peut lutter avec ces produits dont les autres pays ne sont pas riches.
- Les États Américains, nos colonies et les colonies de nos voisins ont des produits féculents particuliers, empruntés àdes plantes de leurs zones. Ainsi la république Mexicaine présente des fécules de Janipha Manihoc, ou cassave ; à’Arrow-root, fournie par les racines, ou plus exactement par les tiges souterraines du Maranta arundinacea et autres plantes , même par le Janipha Manihoc que nous venons de nommer ; des sagous, que peuvent fournir beaucoup de végétaux , tels que .le Cycas circinalis, YAreca oleracea, nommé chou palmiste aux Antilles, le Phœnix farinifera, YArenga saccharifera, les Sagusfariniferaet Rumphii, c’est-à-dire des plantes de la grande et belle famille des Palmiers ou de celle des Cycadées, qui lui est voisine.
- Outre ses cassaves douces et amères qu’elle nous offre en tranches sèches, en farine, en fécule, en pains , la Guyane anglaise présente encore des matières féculentes nombreuses tirées de diverses espèces d’ignames , de la patate douce, de la banane, de la mangue, et d’autres plantes encore. Tous ces produits sont étudiés avec soin au point de vue hygiénique, économique et commercial; on sent que les colons anglais se préoccupent beaucoup des moyens d’utiliser les produits naturels et facilement obtenus dans leurs colonies.
- Quelques mots suffiront pour faire comprendre l’importance de ces végétaux sous le climat tropical, et même comme objet d’importation:
- On peut récolter à l’hectare vingt-quatre mille kilogr. environ de racines fraîches qui donnent la cassave; cette récolte produit huit à neuf mille kilogr. de farine, six à sept cents kilogr. de cassareep, sucre épaissi de la plante, très-usité comme condiment, surtout pour préparer le pepper^pot des Indes-Occidentales, et enfin plus de deux cents kilogr.
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- de fécule. Le produit en argent serait de cinq mille francs environ par hectare, et les colons anglais pensent que la farine de cassave serait bien accueillie sur les marchés d’Écosse et d’Irlande, si l’exportation en devenait quelque peu importante. Séchées dans la saison favorable et transportées en tranches sur ces mêmes marchés, les racines dont il s’agit seraient peut-être mieux reçues encore, car, en les faisant tremper un peu avant de les faire cuire, elles reprenneut à peu près leur état primitif, et deviennent un succédané important de la pomme de terre,
- Si l’on pouvait trouver une méthode facilement praticable et suffisamment économique de conserver les bananes , ce fruit est tellement abondant aux colonies et à si bas prix, que l’exportation en deviendrait avantageuse. Un régime ou grappe, mûri sur un seul pied, se compose souvent de 160 à 180 fruits, et pèse plus de 30 kilogr. En admettant le poids moyen de 17 kilogr. par régime, on trouve qu’une plantation de bananiers, sur une surface de 100 mètres carrés environ, donnerait 16 à 17 cents kilogrammes de matière alimentaire. M. de Humboldt a calculé qu’on récolte sur le même espace 15 kilogr. de froment ou 45 kilogr. de pommes de terre; le produit des bananes serait donc à peu près 120 fois celui du froment et 40 fois celui de la pomme de terre,, en poids. U est vrai que la matière alimentaire fournie par les bananes ne peut être comparée, à poids égal, à celle qui vient du froment ou même des pommes de terre ; mais M. de Humboldt estime qu’à surface égale et proportionnellement à la valeur nutritive réelle des deux plantes, la banane peut nourrir 25 fois plus d’individus que le froment. On comprend donc que l’attention des colons se porte sur cette plante, qui peut, comme nous l’avons vu déjà, fournir encore une matière textile de quelque valeur.
- Nos colonies et les colonies étrangères ont envoyé de beaux échantillons de sucre; la France, et en particulier le département du Nord, expose des sucres de betteraves bruts et claircés, blancs et candis, et à toutes les périodes de la fabrication. La Belgique et la Prusse, puis , à une certaine distance, l’Autriche , montrent aussi, par leurs produits , que la fabrication du sucre de betteraves a pris chez elles une importance de premier ordre.
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- On sait que la maladie qui sévit depuis quelques années sur la vigne a inspiré l’idée d’extraire l’alcool des betteraves, et qu’un grand nombre d’usines se sont montées à cet effet. Les pays que nous venons de signaler comme exploitant la fabrication du sucre de betterave sont aussi ceux qui ont envoyé à l'Exposition des alcools nouveaux.
- Cette industrie récente survivra certainement à la cause qui l’a produite accidentellement, et il est probable qu’elle ne nuira pas à la fabrication du sucre, comme elle l’a fait dans la campagne dernière. En effet, les betteraves à sucre demandent des terrains particuliers qui ne fournissent pas aux plantes certains sels qui s’opposeraient à la cristallisation. Pour Falcool, ces sels ne sont pas le moins du monde un obstacle , de sorte qu’on'pourra cultiver sur des sols particuliers et distincts les betteraves à sucre et les betteraves à alcool. L’agriculture y gagnera en amélioration de ses méthodes, en augmentation d’engrais et de bétail. Le consommateur y gagnera aussi, spécialement en production de viande, car les résidus de la distillation sont utilement employés dans l’alimentation des animaux.
- Les grains, les fruits et certains tubercules ont aussi été exploités pour la fabrication de l’alcool. La Belgique nous montre ses genièvres; la Prusse et l'Allemagne , des eaux-de-vie de grain; l’Autriche, des alcools de pruues; la Corse et la Toscane, des alcools d’asphodèles; plusieurs de nos départements , des alcools de sorgho , de safran, de topinambour. L’avenir seul peut dire la valeur industrielle de ces alcools divers, qui ne paraissent pas, cependant, devoir le disputer avec quelque succès aux alcools de vin, de betterave et de grain.
- Tout fait espérer, d’ailleurs, que la vigne n’est pas condamnée à disparaître, ni même à nous priver longtemps encore de ses produits.
- La France a une belle place dans l’industrie vinicole, et elle présente au Palais de l’Industrie de nombreux échantillons bien capables de sauvegarder sa vieille réputation.
- L'Autriche expose aussi un grand nombre de vins fameux tirés de tous les points de son empire : Moravie, Bohème, Hongrie , basse et haute Autriche, Transylvanie, Esclavonie, Styrie, Venise. Un magnifique et immense cône, tout entier
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- formé de bouteilles, figure de la manière la plus heureux l’importance de la production des vins pour ce grand État.
- Le duché de Bade, le grand-duché de Hesse, la Prusse, viennent se grouper auprès de l’Autriche pour des vins analogues. ^ 1
- Les États-Sardes, la Suisse, la Toscane, présentent aussi des vins empruntés aux meilleurs crus.
- L’Espagne et la Grèce montrent leurs vins particuliers. C’est à côté des vins d’Espagne que se placent lés vins de l’Algérie. Nous avons déjà dit que notre colonie africaine peut s’approprier toutes les productions hispaniques, et particulièrement les vins.
- Il y a longtemps que l’usage du vin s’est étendu à toute l'Europe méridionale, grâce au moyen de conservation et de transport qu’offrait une invention toute gauloise, celle des tonneaux. De l’Europe, quelques plants ont passé au nouveau continent, qui possède plusieurs espèces de vignes sauvages; l’Afrique a obtenu le vin de Constance, en plantant au Cap un cep c|e Bourgogne; l’Australie récolte des vins dont elle présente des échantillons au Palais de l’Industrie.
- Pour la France, la production des vins est une des plus importantes et des plus caractéristiques de son sol ; elle fournit au commerce les variétés en quelque sorte infinies de ses Bourgogne, Beaujolais, Champagne, Bordeaux, Côte-Rotie , vins du Midi et autres.
- On estime que l’étendue cultivée en vignobles est de près de 2 millions d’hectares, produisant environ 44 millions d’hectolitres de vin. En 1853, il est sorti des entrepôts de Bercy et de Paris , 936 849 hectolitres ; en supposant, ce qui est très-probable, que cette quantité ait été consommée à Paris même, elle porte à un peu plus de 93 litres la consommation individuelle, pour une population d’un million de têtes, c’est-à-dire à 4 litre par tête tous les quatre jours. C’est là une consommation relativement élevée, surtout pour les villes de la moitié septentrionale de la France, où l’on consomme de la bière ou du cidre et peu de vin ; mais on voit qu’elle n’a cependant rien de bien extraordinaire. Il est même certain que cette moyenne cache des termes extrêmes dont les maxima ne s’appliquent pas à la consommation de la partie de la population livrée à des travaux pénibles.
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- L’Allemagne et la Prusse onl envoyé des échantillons de mère; l’Espagne, des échantillons d’un certain vin, qualifié de vin d’orange, dont nous ne connaissons que le nom, et que nous retrouvons à l’exposition des États-Sardes et à celle Ce notre colonie de la Martinique.
- A côté des liqueurs faites en France, viennent se placer celles de ses colonies de la Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique, qui ont un cachet local, comme le bay-rhum de la Guadeloupe, obtenu de la distillation du myrtus pimenta.
- Le grand-duché de Bade expose son kirschwaser de la forêt Noire, pour lequel nos départements vosgiens entrent en concurrence avec lui ; il présente aussi ses eaux de myr-tylles et des liqueurs. La Prusse paraît s’attacher à tout ce qui peut vulgariser l’arome du punch : liqueurs, essence de punch au rhum , sirops de punch , etc.
- Les Pays-Bas soutiennent leur antique réputation, et présentent leurs liqueurs fines à côté de leur sucre raffiné et de leur pain d’épice.
- Us présentent aussi, dans leur exposition coloniale, de belles collections de cafés et de thés, auxquels nous opposons les cafés de nos colonies, auxquels l’Angleterre oppose ses thés de l’Inde. Ces collections sont nombreuses, très-variées, et peuvent donner lieu à une étude technique extrêmement intéressante.
- On sait que la culture du café est ancienne , et qu’elle existait en Éthiopie de temps immémorial, quand les Arabes de l’Yemen reçurent cet arbre précieux de leurs voisins d’Éthiopie. Il est probable que Mahomet, en déconseillant l’usage du vin, contribua à répandre l’usage du café, qui ne pénétra cependant que tard en Europe. Les premiers cafés publics s’établirent en 1554 à Constantinople, en 1615 à Venise, en 1644 à Marseille, en 1652 à Londres, en 1653 à Paris.
- Quand Louis XIV reçut l’ambassade, de Mohamed IV, l’envoyé Solimàn-Aga offrit au grand roi une boîte de café , comme un présent des plus rares. L’usage de la nouvelle liqueur resta confiné dans quelques maisons de grands seigneurs , attaqué par les uns, défendu par les autres,. mais s’étendant peu. Heureusement les médecins prohibèrent le café comme dangereux pour la santé et comme un poison des
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- plus sûrs, quoique des plus lents. Chacun voulut dès lors s’empoisonner, et l’usage du café se généralisa bientôt.
- Le premier café public de Paris, fondé par l’Arménien Paskal, qui accompagnait l’ambassadeur turc auprès de Louis XIV, ne réussit pas. Aujourd’hui, le prix des établissements de cette nature atteint un chiffre qu’on serait tenté de •considérer comme faux, s’il n’était consciencieusement contrôlé. Ainsi, le fonds du café Villette s’est vendu 250 000 fr. ; celui du café de la Rotonde, 312 000 fr. ; celui du café de Foix, 524 000 fr. Il est vrai que ces maisons ne débitent pas seulement du café ; mais le café a été l’occasion de leur développement, et reste encore la base principale et la plus lucrative de leur exploitation.
- Ce sont les Hollandais qui ont commencé les premiers à cultiver le café dans leurs colonies : Van Horn le porta, en 1690, de Moka à Batavia. Plus tard, en 1706, Henri Zwaar-dekroon l’introduisit en Hollande, et un pied du précieux arbuste fut apporté de Hollande au Jardin des Plantes de Paris, en 1714.
- Tenu en serre chaude comme objet de curiosité, le caféier se multiplia cependant assez à Paris sous les yeux d'Antoine de Jussieu, pour qu’on songeât à en doter nos colonies. Déjà, en 1717, la Compagnie des Indes de Paris avait fait transporter quelques plants de Moka à Bourbon ; en 1720, le capitaine De Clieux reçut, du Jardin des Plantes de Paris, trois pieds de caféier pour les transporter à la Martinique. Dans la traversée, qui fut longue et pénible, au point que les officiers , comme l’équipage, durent être mis à la demi-ration d’eau, deux pieds périrent malgré le dévouement de De Clieux qui partageait sa ration avec ses plantes. Un seul caféier parvint en assez bon état à la Martinique , et c’est lui qui est la souche de ces vastes plantations qui couvrent aujourd’hui les Antilles, toutes les contrées chaudes du continent américain. Leur point de départ est dans les serres du Muséum d’histoire naturelle de Paris.
- Gn peut cultiver 2500 arbres par hectare ; les caféiers rapportent à leur troisième année, et durent de quarante à quarante-cinq ans. Le terroir et sans doute les conditions extérieures ont modifié cette plante en variétés très-différentes d’arome,.el fort distinctes dans le commerce.
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- Durant la dernière période décennale, la consommation moyenne a été, par an, de 1 5 millions de kilogrammes de café en Angleterre ; elle a été de 16 millions de kilogrammes en France. Eu égard à la population respective des deux pays, cela donne un demi-kilogramme ou 500 grammes par tête, pour l’Angleterre , et deux cinquièmes de kilogrammes ou 400 grammes par tête, pour la France.
- Il est à désirer que la consommation du café s’élève en France , dans l’intérêt de nos colonies, dans celui de nos sucreries indigènes, et aussi dans l’intérêt de la santé de^nos populations. On a remarqué, en effet, que la consommation du café remplace celle des alcools quand ceux-ci deviennent très-chers ; c’est ce qui s’est produit notamment en Belgique, c’est ce qui se produira peut-être aussi chez nous , sous l’influence des circonstances atmosphériques qui diminuent notre production alcoolique, et sous l’influence des mesures législatives qui frappent les alcools d’un droit plus élevé.
- Dans cette prévision , nos colonies doivent faire de grands efforts pour entrer plus largement dans la consommation de la métropole. Aujourd’hui, les cafés de l’Inde figurent pour un quart dans notre consommation ; nos cafés coloniaux , pour 7 à 8 pour 100 seulement- Il ne faudrait pas que notre marché fût envahi par les cafés de l’Inde, du Brésil, de Java.
- Comme le café, le thé est devenu d’un usage presque général en Europe , où son introduction ne remonte pas au delà du xvne siècle. Il nous vient de la Chine , où il constitue la principale richesse du pays et où il est répandu presque partout, contrairement â ce qu’on a cru pendant longtemps. Les procédés de culture et surtout de préparation, usités dans l’empire chinois, sont restés inconnus jusqu’en ces derniers temps; mais les recherches des voyageurs, et en particulier celles de M. Fortune, ont jeté de grandes lumières sur ces questions.
- De la Chine , la culture du thé a été importée par les Anglais dans leurs possessions de l’Inde , et elle y réussit très-bien, surtout dans l?Assam, où elle a lieu sur une très-grande échelle; les thés d’Assam arrivent aujourd'hui à Londres.
- Au Brésil, le thé a réussi au point de vue cultural, mais non au point de vue commercial ; c’est-à-dire que la plante bien soignée y a prospéré, mais que le produit revenait excès-
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- sivement cher, et restait bien'loiti des thés chinois par l’a-rome.
- Essayée à l’Ile-de-France, la culture du thé a donné des produits jugés très-médiocres. Tentée en France même, cette culture n’a fourni que des produits insignifiants comme qualité et comme quantité. On voudrait l’introduire aussi, avec tant d’autres cultures, dans notre colonie algérienne, qu’on semble vouloir charger de produire tout ce qui est exceptionnel. Tout en applaudissant aux efforts consciencieux de ceux qui se proposent un tel but, nous ne pouvons approuver leur enthousiasme un peu irréfléchi, ni partager leurs illusions que nous considérons comme dangereuses.
- On peut estimer que la production annuelle du thé s’élève en Chine à 1 milliard et demi de kilogrammes; la consommation seule de ce pays en exige 900 millions de kilogrammes.
- L’Angleterre, où furent importés 56 kilogrammes de thé en 4669, en consomme aujourd’hui 17 à 18 millions de kilogrammes par an, c’est-à-dire 750 grammes environ par tête. En France, l’usage du thé se répand peu ; longtemps, et surtout dans les départements méridionaux , on n’y a accepté le thé que comme médicament, comme digestif et tonique. Nous n’en consommons que 150 000 kilogrammes, moins de 5 grammes par tête et par an. L’Angleterre consomme donc plus de café et plus de thé que la France.
- Les Hollandais, qui avaient abandonné la culture du thé , y reviennent maintenant avec énergie , et l’on peut dire avec succès, si l’on en juge par les échantillons remarquables que nous montrent leurs colonies des Indes-Orientales.
- Nous ne pouvons mentionner que pour mémoire, et sans rien préjuger sur leur valeur absolue, les succédanés du café présentés par des exposants de France, d’Autriche et d’autres pays ; aussi bien que les cacaos et chocolats exposés sous mille formes appétissantes à côté de bonbons, de gelées, de produits divers de l’art si inventif de la confiserie.
- Nous arrivons aux conserves.
- Par la nature des substances qu’ils exposent dans cette catégorie, les divers pays se caractérisent nettement.
- La France a, dans ce genre, l’exposition la plus variée, grâce à la variété même de son climat et à sa double situation de puissance maritime et continentale. Ainsi, elle présente
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- d'admirables fruits bien conservés, qui sont, pour Bordeaux, par exemple, l’objet d’un grand commerce; des ragoûts de toutes sortes, préparés parles mains habiles des Chevet et enr fermés dans des boites qui font le tour du monde ; des légumes de toute nature, qu’elle a l’honneur d’avoir, préparés la première par l’emploi de procédés dont nous dirons tout à l’heure quelques mots. Elle commence même à se préoccuper de la préparation et de la conservation des viandes : nous allons aussi parler de ces essais.
- L’Espagne, la Grèce, les pays méditerranéens envoient des conserves de fruits magnifiques, des figues , des olives, des câpres, des raisins de Corinthe. Il y a, dans cette Catégorie de produits, une belle place à prendre pour notre Algérie, qui est appelée, non-seulement à nous vendre des primeurs, mais aussi à exploiter très-avantageusement l’industrie des fruits conservés et confits.
- Nos colonies présentent les fruits très-variés de leurs climats.
- L’Autriche, la Prusse, la Belgique exposent très-peu de conserves.
- Les Iles Britanniques et leurs colonies se distinguent, par de splendides jambons, des fromages énormes, des viandes salées, des conserves destinées à l’approvisionnement de la marine. On sent la préoccupation d’un peuple, grand consommateur, ayant à pourvoir aux besoins d’une flotte immense, de nombreux bâtiments de commerce. Les jambons d’York sont admirables; ceux du Canada ont une magnifique apparence, même les jambons d’ours, qui tentent l’appétit curieux de plus d’un visiteur à l’Exposition. Les tonnes de viandes salées, envoyées par l’Australie, paraissent fort bien conservées. On admire dans l’exposition des Iles Britanniques un porc tout entier à l’état de conserve, transformé en une véritable galantine.
- Dans le même ordre de produits, les Villes.Anséatiques offrent aussi de belles provisions aux navires du commerce ; l’armée anglaise a beaucoup tiré de Lubeck pour la guerre d’Orient.
- Les procédés de conservation , usités dans tous les pays, sont, en général, ceux d’Appert, perfectionnés par Fasticr, et, pour le lait, ceux de M. de Lignac. Nous revoyons, à cette 206 hh
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- exposition, les produits de la maison Chollet et Cie, et ceux de la maison Morel-Fatio et Cie, qui exploitent des procédés différents de conservation des légumes et sont aujourd’hui fusionnés. Ils ont de nombreux imitateurs.
- II est inutile de faire comprendre l’importance des procédés de conservation des légumes pour la culture potagère , pour les consommateurs , pour le commerce. Tout le monde sait Textension croissante que prend, depuis une vingtaine d’années surtout, la production des légumes et des fruits , non-seulement autour des grands centres de population comme Paris, mais sur presque tous les points du territoire. L’établissement de voies de communication plus nombieu’ses et plus rapides permet aussi l’envoi de ces produits, d’un point du pays à l’autre, de la Provence, du Languedoc, de l’Algérie sur Paris. Il est probable , il est certain que la culture en grand des légumes et des fruits se généralisant, et le réseau des chemins de fer s’étendant, la circulation de ces denrées sera plus importante et plus complète, qu’elle aura même les contrées du Nord pour tributaires , et que nos départements méridionaux, avec notre Algérie, trouveront là des relations commerciales fort fructueuses, une source inespérée de prospérité.
- Les procédés nouveaux de conservation permettent à l’horticulture française de prendre un développement plus large encore, de garder pour ainsi dire indéfiniment des produits souvent éphémères, de les réduire sous un volume tel, qu’on les puisse exporter au loin avec profit. C’est là le grand service que peuvent rendre les procédés de M. Masson exploités d’abord par la maison Chollet et Cie , et qui ont déjà fourni à nos armées de terre et de mer des cargaisons entières de légumes : le régime alimentaire de nos marins et de nos soldats s’est ainsi sensiblement amélioré.
- Ces procédés consistent dans une prompte dessiccation par des courants d’air chaud , après épluchage , puis dans une compression sous la presse hydraulique. Les légumes sont de la sorte ré luits en plaques qui s’emballent facilement. Une caisse de fer-blanc, de la capacité d’un mètre cube, peut renfermer 25000 rations de 25 grammes chacune, représentant 200 grammes environ de légumes frais. II suffit d’immerger dans l’eau froide ou tiède la ration sèche, durant cinq
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- où six heures, pour que les légumes reprennent leur volume, leur aspect, leur couleur. On les soumet alors à la cuisson selon les habitudes ordinaires.
- Les administrateurs de la marine des pays étrangers ont adopté ces légumes ainsi préparés ; l’administration de la marine des États-Unis s’est livrée, à ce sujet, à des expériences dont nous parlerons plus loin.
- Sur les traces de M. Masson, qui a eu l’honneur d’ouvrir à l’industrie cette voie nouvelle, où elle réalisera certainement encore bien d’autres progrès , d’autres expérimentateurs se sont occupés du même problème. Un des plus zélés est M. Gannal, plus connu pour ses procédés d’embaumement que par ses méthodes de conservation des matières alimentaires. Préoccupé d’abord des moyens de conserver les viandes de-boucherie, M. Gannal parvint bientôt à conserver parfaite-. ment les végétaux les - plus difficiles à dessécher, des plantes grasses qui ont toujours fait le désespoir des expérimentateurs. Il arriva enfin à trouver le moyen de conserver les légumes d’une manière si parfaite, que l’Académie , à laquelle il soumettait ses résultats, jugea convenable de recommander la méthode au ministre de la marine, comme pouvant rendre de grands services dans l’approvisionnement de la flotte.
- Pour ne pas nuire à sa découverte par les idées lugubres et les préjugés que pouvait éveiller son nom, M. Gannal fit exploiter son procédé sous un autre nom que le sien, sous celui de la maison Morel-Fatio et Cie, qui est restée, après la mort de l’inventeur, seule propriétaire delà méthode, et qui expose au Palais de l’Industrie comme associé de la maison Chollet et Cie.
- Cette méthode n’a rien de commun avec les procédés d’embaumement auxquels l’auteur doit sa réputation européenne; elle diffère complètement de la méthode de M. Masson. Celle-ci défigure toujours plus ou moins les plan tes en les réduisant en plaques, et les rend tout à fait méconnaissables jusqu’à ce qu’elles aient été soumises à l’action de l’eau ; l’autre, au cpn-traire, les garde avec tous leurs caractères, forme et couleur. ,
- En 1853, la maison Morel-Fatio et Cie a soumis à la préparation, au moyen de huit appareils cubant chacun deux mètres, plus de 525 miLle kilogrammes de légumes ; elle a livré
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- une plus grande quantité de produits au commerce en 1854; elle vient de porter ses appareils au nombre de 20, à Paris, et de fonde'r au Mans une succursale qni utilisera 14 de ces appareils un peu plus grands encore que ceux de Paris.
- Si nous ne donnons pas de renseignements de même nature sur la maison Chollet et Cie, c’est que le lecteur trouvera, dans le volume de la Bibliothèque des chemins de fer, qui traite des Substances alimentaires , des détails sur les procédés Masson et sur le travail de la fabrique de MM. Chollet et Cie, tandis qu’il n’est pas question dans ce livre des procédés exploités par MM. Morel-Fatio et Cie. Nous essayons de compléter ici ce chapitre.
- D’après des expériences faites à Brest, sur les ordres du préfet maritime , et aux États-Unis, par l’administration de la marine , il semblerait que les deux procédés ne réussissent pas également bien pour certaines plantes, qu’ils ont en quelque sorte une spécialité en raison de la nature des légumes sur lesquels ils s’exercent.
- La commission de Brest a reconnu que les légumes préparés par MM. Morel-Fatio et Cie ont gardé toutes leurs qualités, leur odeur, leur saveur, leur couleur; que les juliennes échaudées des mêmes industriels paraissent supérieures aux choux desséchés par le procédé Masson ; que la variété et la saveur de leurs légumes les feraient préférer indubitablement par les marins, qu’elles cuisent en moins de temps, avec moins d’eau, et, par conséquent, avec une moindre dépense de combustible.
- D’autre part, la commission américaine, en comparant les choux préparés d’après le procédé Gannal aux choux préparés d’après le procédé Masson, a trouvé les premiers mauvais pour les approvisionnements de la marine, et les seconds très-bons. Elle a confirmé le jugement de la commission française sur les juliennes, tout à fait supérieures d’après le procédé Gannal, médiocres d’après le procédé Masson. Les carottes ont été trouvées excellentes de part et d’autre. Les pommes de terre, excellentes d’après le procédé Gannal, se sont montrées d’un goût désagréable d’après le procédé Masson.
- Nous ne pousserons pas plus loin cette analyse des rapports des deux commissions. Ce que nous en avons dit suffit
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- pour prouver que les deux méthodes, comme toutes les méthodes du monde, ont leurs avantages et leurs inconvénients, les défauts de leurs qualités. Nous ne comparons pas les prix de revient sur lesquels nous n’avons pas de données.
- Ce qui paraît préférable dans le procédé Gannal, c’est la belle apparence des légumes et la perte moindre de leur arôme; ce qui semble plus avantageux dans le procédé Masson , c’est la condensation des produits sous un volume moindre, qui les rend plus commodes pour les transports.
- Nous l’avons dit, il y a encore des progrès à réaliser dans cette industrie dont la France doit surtout recueillir de grands avantages, et pour ses départements moins septentrionaux, et pour ses provinces algériennes. D’autres compléteront l’œuvre commencée avec tant de succès déjà par les hommes qui ont si bien mérité de leur pays.
- La conservation des viandes, plus difficile encore que celle des légumes et plus importante, préoccupe en ce moment beaucoup d’expérimentateurs ; nos compatriotes se distinguent à l’Exposition par leurs tentatives, et nous dirons même par leurs succès.
- C’était déjà un point important que d’avoir pu conserver dans des boîtes , d’après }es procédés perfectionnés d’Appert, des viandes qu’on pouvait transporter au loin sans qu’elles s’altérassent. Les essais nouveaux promettent davantage.
- C’est dans la période des vingt-cinq années dernières qu’on a commencé à s’occuper sérieusement et avec suite du problème ; les voyages aux terres arctiques, la recherche d’un passage au nord-ouest, les excursions dans des régions inaccessibles ont fait sentir l’avantage qu’il y aurait à pouvoir s’approvisionner de viande. La marine militaire et marchande a compris aussi de quelle utilité serait une pareille ressource.
- Outre leurs avantages hygiéniques, les conserves de viandes en boîtes de petites dimensions offrent de grands avantages économiques sur les viandes salées de bœuf ou de porc. Le procédé est simple, l’appareil peu coûteux ; on évite la dépense des barriques, les frais d’arrimage, les pertes résuN tant du coulage, de la réduction et de la présence des os. De plus, si un accident arrive à un baril de viande salée, la fuite de la saumure peut compromettre tout le contenu, tandis que les viandes gardées dans des boîtes de fer-blanc ne cou-
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- rent pas de risque ; une boîte endommagée n’occasionne d’ailleurs que la perte d’un à deux kilogrammes de viande.
- Sous la forme que les nouveaux-procédés donnent aux viandes, les avantages semblent devoir être plus considérables encore. Voici sur ce point les renseignements que nous pouvons présenter.
- Une société s’est constituée sous le nom de Compagnie alimentaire de Buénos-Aijres, pour exploiter des procédés particuliers de conservation des viandes dans l’Amérique méridionale, et partout où existent de grands troupeaux d’animaux qu’on tue seulement pour en obtenir le suif et le cuir. Cette société expose des viandes, des tablettes, des biscuits de viande obtenus par ses méthodes qui restent son secret.
- D’après les exposants, les viandes seraient conservées fraîches durant un temps illimité, et ils en montrent des échantillons préparés depuis quinze mois qui seraient, d’a-piès eux. exactement aujourd’hui ce qu’ils étaient au premier jour. La viande conserverait sa transparence, sa couleur rouge; elle laisserait, après quinze mois de conservation, suinter le sang sous le couteau, et ne donnerait d’autre saveur que celle de la viande fraîche.
- Pour la préparer en bouilli, il suffirait de la placer dans l’eau et de la soumettre à l’action du feu, absolument comme on le fait de la viande qu’on vient d’acheter chez le boucher; pour la rôtir, on la ferait préalablement tremper quelques instants dans l’eau tiède.
- La viande préservée par les procédés propres aux exposants, peut être transportée sans être enfermée dans des vases privés d’air, sans plus de précautions qu’on n’en prend pour les biscuits de mer.
- Les tablettes présentées par la même société n’auraient aucune analogie avec les tablettes de bouillon dont il a déjà été question dans le commerce. La viande à l’état frais, n’ayant subi ni l’action de l’eau ni celle du feu, y serait associée à des légumes secs, de manière à donner des tablettes qui contiendraient, sous un poids très-faible, tous les éléments du pot-au-feu. Une ébullition de vingt minutes, une demi-heure toüt au plus, suffirait pour donner un excellent bouillon.
- Ces tablettes pourraient ne contenir que de la viande de bæuf, et permettre ainsi de faire à volonté une soupe au pain,
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- un vermicelle, une semoule ou tout autre potage; elles pourraient aussi fournir les éléments du bouillon , unis à ceux d’une julienne, aux choux ou à l’oseille. Il existerait aussi des tablettes donnant du bouillon de poulet ou du bouillon de veau avec de l’oseille. Pour ces préparations , tous les déchets de l’étal pourraient être utilisés, et les inventeurs pensent que leurs procédés fourniraient à bon marché des bouillons aux armées de mer et de terre, aux voyageurs, aux habitants des campagnes, aux bureaux de charité.
- Enfin la même société prépare encore un biscuit de viande qu’elle présente comme supérieur aux produits de ce nom qui ont été imaginés jusqu’ici.
- Depuis quelque temps déjà, la marine américaine et les voyageurs du nouveau continent font usage d’un biscuit de viande qui porte le nom de son inventeur, Gail Borden, et qui a attiré vivement l’attention à l’Exposition universelle de Londres. Ce biscuit présente, sous la forme la plus simple et la plus économique qu’on eût encore trouvée, une combinaison de farine de froment et de viande de bœuf; c’est une sorte de gâteau plat, sec , inodore, cassant, qui se peut garder un très-longtemps sans s'altérer. Avec de l’eau chaude et un assaisonnement approprié au goût du consommateur, on obtient rapidement ainsi une soupe savoureuse, agréable, très-nutritive, ayant quelque chose de la consistance du sagou.'
- D’après le jury de Londres, une livre de ce biscuit contient la matière nutritive de cinq livres de boeuf de première qualité , moins la graisse, mélangée avec une demi-livre de la meilleure farine. Il suffit d’une once de ce biscuit râpé et bouilli dans une pinte d’eau, pour avoir un excellent potage d’une haute valeur nutritive. L’inventeur affirme, et le jury appuie cette affirmation, que dix livres de ce biscuit, ajoutées à une convenable quantité d’eau, fournissent un aliment suffisant, par son volume comme par sa faculté nutritive, non-seulement pour maintenir un homme en bonne santé , mais pour entretenir les forces d’un travailleur durant un mois.
- L’analyse chimique a montré que la viande, aussi bien que la matière amylacée, existent dans ce biscuit sans altération aucune. Il contient en moyenne près de 32 pour j 00 des principes azotés qui constituent la chair musculaire.
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- Dernièrement, l’Académie des sciences a été appelée à examiner un biscuit-viande préparé par M. Callamand, avec de la farine de pur froment, de la viande cuite et des légumes. D’après l’auteur, 250 grammes de ce biscuit donneraient, avec 2 litres d’eau et un assaisonnement convenable , 6 rations de soupe grasse. Des expériences faites par la commission, au Conservatoire des arts et métiers, sur les indications de l’inventeur, ont donné pour la composition de ce biscuit un peu plus de 83 pour 100 des matières qui entrent dans la confection du biscuit ordinaire, et un peu moins de 17 pour 100 do viande sèche et assaisonnement sec.
- La commission a préparé, avec 250 grammes de ce biscuit, une soupe analogue à celle qu’on obtiendrait avec du biscuit ordinaire trempé dans un bouillon gras, mais contenant de plus toute la chair cuite à laquelle le bouillon doit ses qualités. Notre compatriote aurait donc obtenu un résultat au moins égal à celui qui recommande le biscuit-viande de Gail Borden , et fournirait ainsi le moyen de se procurer, en peu de temps, une nourriture agréable, substantielle, avantageuse dans tous les cas de guerre, d’expéditions maritimes ou de voyages lointains.
- Le biscuit-viande qu’expose la Compagnie alimentaire de Buénos&Ayres n’aurait rien de commun avec les produits de même nom dont nous venons de parler. Outre les éléments des autres biscuits homonymes, il contiendrait la viande fraîche, ni cuite, ni salée, en proportion plus ou moins considérable et variable à volonté. Des expériences viendront sans doute confirmer toutes les promesses de cette exposition.
- Une autre société, la Société générale de conservation des viandes, dont les essais ont préoccupé dernièrement l’opinion publique , nous montre des viandes et des subtances de toute sorte conservées à l’aide d’une matière tirée de la viande même, et désignée sous le nom de conservatine. Pour expliquer en quoi consiste cette conservatine et comment on l’obtient, nous résumerons les opérations exécutées, au mois de juillet dernier, devant la commission supérieure des subsistances militaires de la guerre, chargée de se rendre compte de la valeur du procédé.
- Un bœuf, du poids de 384 kilogrammes sur pied, abattu et divisé en quatre quartiers, selon la pratique de la boucherie
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- parisienne , a été découpé en morceaux de 2 kilogrammes au minimum et de 5 kilogrammes au maximum.
- Le boucher désosse à mesure qu’il découpe, et il s’applique, en formant ses morceaux, à suivre les aponévroses, de manière à laisser intactes et à isoler les masses musculaires des membres. Il est important de ne pas attaquer sans nécessité le corps du muscte, de ne pas l’inciser inutilement, de conserver, en un mot, la surface des morceaux aussi lisse et unie que possible. Dans ce but, on enlève tout ce qui fait saillie, les graisses, les vaisseaux sanguins qui ne pénètrent pas dans l’épaisseur des muscles, aussi bien que les ecchymoses, s’il y en a, et l’on ouvre toutes les cavités qu’on rencontre. Il est facile de comprendre qu’on évite ainsi le séjour de l’air dans la masse, et que la surface bien unie ne laissera a'ucune brindille saillante où l’altération trouverait prise.
- En même temps que se préparent les morceaux destinés soit à être bouillis , soit à être rôtis, soit à rester crus, on met de côté tout ce qui doit servir à la préparation de la conservatine, c’est-à-dire les os dégarnis de leur moelle et cassés au couperet en petits fragments, la queue et tous les menus débris qui résultent du découpage, toutes les chaires tendineuses et de basse boucherie, telles que les gîtes, le collier, les joues, etc.
- Pour le bœuf dont il s’agit, on a obtenu 230\600 en morceaux destinés à être conservés, 46k,650 en morceaux divers devant entrer dans la préparation de la conservatine, et I04\560 en os, graisse, moelle et queue de l’animal. Toutes ces parties donnent un poids total de 381\810 qui, comparé au poids brut du bœuf, laisse 2k,190 représentant la perte par l’évaporation et le découpage.
- _ Pendant que sont bouillis et rôtis les morceaux qu’on a destinés à ces préparations , on fabrique la conservatine. Toutes les parties que nous venons d’indiquer comme employées à cette fabrication sont placées dans des chaudières avec deux litres d’eau par kilogramme de viande, et soumises à l’action d’un feu violent jusqu’à l’ébullition complète de l’eau. Le feu est ensuite modéré, le liquide écumé et dégraissé, et, après douze heures, passé au tamis. Les viandes restées sur le tamis et dans la chaudière sont mises sous presse, et l’on en exprime les sucs autant que possible.
- Ges sucs, ajoutés au liquide tamisé, sont versés dans des
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- chausses à filtrer, et le liquide ainsi épuré est soumis de nouveau à l’ébulliiion, durant laquelle on agite à la spatule. Quand le tout est réduit à consistance sirupeu-e, c’est-à-dire après six ou sept heures de feu modéré, on ajoute de la gomme et du sucre en quantité proportionnée à la masse du liquide ; on remue à la spatule durant dix minutes , et l’on transvase le liquide pour le laisser refroidir jusqu’à 35 degrés centigrades. A ce moment, on verse 4 centilitres d’alcool à 85 degrés par kilogramme de liquide, et la conservatine est préparée.
- Cette conservatine, ou sorte de gelée , est placée dans de grandes terrines , à la température de 35 degrés centigrades ; les terrines sont portées au séchoir où sont suspendues les viandes ; puis chaque morceau est plongé dans la conservatine durant quelques secondes. On suspend de nouveau les viandes jusqu’au lendemain, pour attendre une seconde immersion.
- Ainsi enveloppées de toutes parts de la gelée préservatrice, les viandes de toute nature seraient mises à l’abri de toute altération, pendant un temps que les exposants garantissent être d’un an au moins. Pour utiliser les- viandes ainsi préparées, il suffit de les plonger quelques instants dans l’eau pure assez échauffée pour faire fondre l’enveloppe gélatineuse. On les traite alors comme à l’ordinaire, si elles sont crues; on les consomme, si elles sont bouillies ou rôties.
- L’expérience du temps est nécessaire pour juger la valeur de cette méthode, et les essais que tente l’administration de la guerre sont extrêmement intéressants et importants ; ils nous diront ce que nous devons attendre du procédé.
- Déjà l’on a rendu publics les résultats d’une expérience faite au mois d’avril dernier. Une cuisse de bœuf cru, du poids de 45 kilogrammes environ, et enveloppée depuis six mois de conservatine, a été découpée comme on le fait à l’étal. La viande, au rapport des témoins , avait conservé sa couleur vive, les chaires étaient fraîches et élastiques ; la graisse , les os, la moelle se présentaient dans l'état où se trouvent ces parties sur l’animal récemment abattu. Un morceau du tendre de gîte, cuit sur le gril comme beefsteak ordinaire, a été trouvé excellent, et un juge compétent, M. Chevet, en a loué la saveur, comme il avait loué le fumet de la viande crue.
- Si ce succès se confirme , les inventeurs de ce procédé auront certainement réalisé un grand progrès dans l’art de la
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- conservation des matières animales. Il paraîtrait que leur découverte s’applique également à la conservation du poisson , du gibier, de la volaille, des légumes frais, des fruits, des graisses, du beurre, etc.
- Pour transporter les aliments ainsi préparés, il serait inutile de les enfermer dans des vases particuliers; on pourrait les expédier en caisses ou même à l’air libre, comme toute autre denrée qui n’a rien à redouter des agents extérieurs.
- Le prix de revient de ces préparations ne doit pas être élevé, car on utilise toutes les parties de l’animal, et même les viandes comprimées qui ont servi à préparer la oonserva-tine. Assaisonnées cenvenablement, ces viandes sont employées à la fabrication de saucissons ou comestibles d’autre nature.
- Voici enfin une découverte plus merveilleuse encore, la plus merveilleuse de l’Exposition universelle de 1855, si elle tient tout ce qu’elle promet, comme nous pouvons l’espérer. M. Lamy conserve dans leur état naturel toutes les substances les plus al térables, les plus impression nables, san s les soumettre préalablement à aucune dessiccation, cuisson ou compression, sans les enfermer hermétiquement dans le vide, sans les entourer d’une enveloppe protectrice.
- C’est par l’application de la science, et non par hasard, que M. Lamy a trouvé sa méthode. Aujourd’hui industriel à Clermont-Ferrand, M. Lamy est licencié ès sciences physiques et mathématiques, et professur de l’Université. Il n'a pas révélé son secret, maison sait quelles sont les deux opérations fondamentales qu’il fait subir aux substances qu’il veut conserver.
- La première consiste à précipiter ou à coaguler le principe albuminoïde dont la fermentation est la cause primitive de la décomposition et de la putréfaction des matières organiques , animales ou végétales. La précipitation ou la coagulation de ce principe a lieu en vase clos, par l’action d’un corps gazeux choisi par l’inventeur. Dans beaucoup de cas , et, par exemple, pour la viande de boucherie , celte opération, prolongée durant quelques jours, suffit pour que la substance sort indéfiniment inaltérable.
- Mais, pour d’autres substances, comme le gibier, les fruits les légumes, il faut compléter cette première opération par
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- une seconde qui a pour but d’enlever à l’atmosphère qui entoure la substance, l’oxygène sans lequel la fermentation et la putréfaction ne peuvent aVoir lieu. L’inventeur emploie , à cet effet, certains sels qui ne sont d’ailleurs aucunement en contact avec l’aliment.
- Annihiler le ferment, éloigner l’oxygène, tels sont les deux résultats que paraît obtenir M. Lamy pour conserver les substances alimentaires.
- II expose, dans sa vitrine , des gigots de mouton conservés, l’un depuis cinq ans, l’autre depuis dix ans, libres au milieu de l’atmosphère et sans aucune protection contre l’actioH des chaleurs de l’été ou contre les émanations dangereuses.
- Des perdrix sont conservées avec leurs entrailles et leurs plumes. Des raisins, des abricots, des pêches, des reine-Claude, des poires de beurré, des oranges, des nèfles, des truffes ont gardé leur aspect frais et vivant. Des choux-fleurs ont gardé leur couleur et leur rigidité naturelles. Il paraît qu’un gigot et des choux-fleurs, semblables à ceux qui sont exposés, ont figuré avec honneur sur la table du chef de l’État. Une maison de Paris fournie par l’inventeur a vendu, durant l’hiver dernier, des abricots et des pêches qui se payaient 1 fr. et I fr. 25 c. la pièce.
- Le lait peut aussi être conservé par les mêmes moyens, et M. Lamy montre deux flacons bouchés à l’émeri, ouverts et fermés incessamment, dans lesquels est enfermé du lait trait il y a six mois, sans qu’il ait subi d’altération.
- Des betteraves, entières et coupées, du jus de betteraves, même de la levure de bière, ferment si instable, peuvent êtro conservés avec le même succès.
- M. Lamy peut montrer un magnifique chevreuil conservé depuis plus de deux ans, un saumon, un brochet, un turbot, destinés à figurer à un banquet dans quelque circonstance solennelle.
- U paraît que ces procédés de conservation n’ajoutent qu’une dépense insignifiante au prix de la substance : 10 centimes par kilogramme de viande ou par litre de lait; 1 franc par 1000 kilogrammes de betteraves ou par hectolitre de jus.
- Les avantages d’une telle découverte, comme de toutes celles dont nous venons de donner une idée, ne consistent pas
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- tant dans la possibilité de pouvoir conserver les substances alimentaires d’une année à l’autre, que dans la facilité qu’elles fournissent de prendre de la viande là où elle est abondante et à bon marché, pour la porter sans perte là où elle est rare et chère.
- Or, il est des pays, comme l’Amérique méridionale, comme le Canada, comme l’Australie, où les boeufs et les moutons se trouvent quelquefois en nombre considérable, et où l’on est réduit aies tuer pour prendre leur cuir ou leur suif. Si leur chair pouvait être conservée, il n’est pas douteux qu’elle trouverait à se placer sur les marchés européens, pour le plus grand profit des classes pauvres.
- Souvent, il est vrai, les animaux qu’on immole ainsi sont âgés et dans un état de maigreur qui n’est pas favorable à la qualité de leur viande. Mais si l’industrie s’emparait de la question, elle trouverait facilement le moyen de soumettre les animaux à une sorte de petit engraissement préalable qui donnerait plus de valeur à leur chair. *
- Un des traits caractéristiques de l’Exposition universelle de 1855 sera incontestablement cette préoccupation], qui se trahit sous tant de formes, du problème de la conservation des matières alimentaires, et tout particulièrement des viandes. La France paraît destinée à garder la plus belle part d’initiative et de succès dans cette belle et utile industrie.
- CLASSE XII.
- Hygiène, pharmacie, médecine et chirurgie.
- Cette classe de produits comprend tout ce qui se rattache plus ou moins directement, à la conservation de la santé des hommes et des animaux : hygiène publique et privée, substances pharmaceutiques naturelles ou fabriquées, instruments et appareils de chirurgie, préparations anatomiques; tels sont les titres généraux sous lesquels se rangent tous les objets que qous avons à étudier ici. Ce cadre est large, comme
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- on le voit; c’est l’arsenal tout entier de la médecine appliquée à l’homme sain ou malade. Par malheur, l’Exposition est pauvre sur certains points, tandis que nos richesses abondent sur d’autres. Aussi serons-nous obligés d’exprimer plus souvent des désirs que des jugements. Cela est vrai, surtout pour l’hygiène, etjnous n’en sommes nullement surpris; il était difficile de mettre sous les yeux du visiteur ces vastes systèmes de salubrité qui sont liés d’une manière si intime à l’économie des grandes villes. Et d’ailleurs un grand nombre d’industries concourent à leur édification ; que d’essais infructueux, que de tentatives et de réformes avant d’arriver à une solution convenable! Nous aurons donc à faire de nombreuses incursions dans diverses branches de science et d’art qui semblent au premier abord complètement distinctes de notre sujet, mais qui s’y rattachent cependant comme éléments fondamentaux.
- Un des premiers et des plus importants besoins de toutes les grandes villes, c’est, sans aucun doute, l’approvisionnement des eaux en quantité et en qualité suffisantes. Nous ne voulons pas étudier ici les grands travaux d'art que nécessitent presque toujours des détournements ou des prises d’eau de sources ou de rivières faites souvent à des distances considérables du lieu de la consommation. Il est cependant quelques résultats généraux qu’il importe do faire connaître ici. On s’accorde généralement à reconnaître qu’une quantité d’eau de 100 litres par jour et par individu répond d’une manière suffisante aux besoins journaliers. Quelques villes doivent à de grands travaux d’aménagement de pouvoir fournir leurs habitants d’une manière beaucoup plus large. Aujourd’hui Rome, quoique privée de la cinquième partie de ses eaux, donne encore à chaque habitant près de \ 000 litres ; chaque maison de Londres peut avoir 900 litres d’eau pour <10 centimes, tandis qu’il eût fallu, pour obtenir une pareille quantité par les transports à bras, employer 240 000 individus, presque toute la population valide, et dépenser 227 millions de francs. La ville de Paris est beaucoup moins bien dotée : elle ne donne guère que 3 à 4 litres d’eau par jour et par individu pour les bains et lavoirs ; nous ne connaissons pas le chiffre relatif des consommations ménagères. Cette pénurie préoccupe depuis longtemps l'administration et les ingénieurs, et leur a fourni un sujet d’études rempli d’intérêt et de difficultés.
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- La clarification des eaux est faite en grand dans quelques localités. L’Exposition ne nous a montré aucun modèle de ce genre. Nous n’avons pu examiner que des fontaines filtrantes employées dans la vie domestique, ou des filtres portatifs d’un volume très-peu considérable. Ces filtres sont tous constitués par des lames ou des vases de pierre, poreuse qui arrêtent à leur surface les immondices, mais qui offrent l’inconvénient grave de s’encrasser et de ne pouvoir se nettoyer eux-mêmes. Nous aurions aimé à voir des fontaines filtrantes de ce genre fonctionnant de bas en haut et de haut en bas, et pouvant ainsi se nettoyer elles-mêmes.
- Un des problèmes de l’hygiène publique les plus larges et les mieux étudiés de nos jours est relatif à l’enlèvement des immondices de la voie publique et des habitations, à l’établissement des voiries de toute nature et aux cimetières; de grands progrès ont été faits depuis vingt ans. Il existe sous ce rapport un contraste frappant entre le midi et le nord de la France. A Paris, surtout, la législation des voiries et des fosses d’aisances a été complètement modifiée depuis quelques années : les voiries de Bondy et d’Aubervilliers sont de véritables usines où les détritus animaux de toute espèce sont préparés et traités en grand de manière à en extraire tous les produits utiles qu’ils contiennent. Les peaux des animaux sont enlevées et envoyées immédiatement aux ateliers de tannerie; l’ébullition à la vapeur dans de grands vases clos établit la séparation des huiles et graisses, des os destinés à la fabrication du noir animal et des chairs dont on retire diverses substances ammoniacales.
- Les fosses d’aisances, il y a quelques années encore, étaient de vastes réservoirs, trop souvent perméables, et contenant un mélange de matières solides et liquides qui, filtrant à travers les parois, donnaient lieu à des émanations dangereuses. Aujourd’hui les fosses, quelles qu’elles soient, doivent être parfaitement étanches et doivent permettre la séparation des liquides et des solides : les premiers devant être rejetés après désinfection sur la voie publiquo, les seconds devant être transportés au dépotoir de la Villette.
- Il existe plusieurs systèmes de séparation et d’extraction des matières; M. Richer a exposé une coupe réduite d’une fosse à séparation constante, très-usitée à Paris ; il a donné
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- des échantillons assez beaux de divers produits chimiques extraits des eaux de voirie à l’usine de Bondy : ce sont des sels ammoniacaux et de l’ammoniaque liquide. Un autre exposant a, dit-on, un système de vidange atmosphérique que nous n’avons pu voir : nous ne connaissons donc pas les particularités de ce nouvel^appareil. Mais nous savons que la vidange par aspiration, à l’aide de pompes, s’opère sur une grande échelle dans notre ville.
- MM. Rozier et Mothes ont exposé un système de cuvette inodore qui nous paraît présenter de grands avantages pour les lieux publics, les bouches d’égouts, etc. La soupape des cuvettes s’ouvre d’elle-môme lorsqu’elle supporte un certain poids proportionnel à l’importance de la bouche et fait arriver un courant d’eau considérable : la soupape se ferme dès qu’elle est débarrassée des matières qu’elle contenait ; ces appareils sont d’une extrême simplicité, ils sont construits solidement, en fonte et sans aucun mécanisme, c’est un contre-poids adapté à la soupape, qui la maintient fermée et qui la ramène à cette position quand elle a été ouverte. Nous avons encore vu d’autres appareils inodores présentant diverses modifications qui nous ont semblé moins importantes : ce sont des appareils à courant d’air, sans eau ; des appareils dont l’extrême simplicité permet de les adapter à tous les cabinets d’aisances. Nous n’y insisterons pas davantage.
- L’art des embaumements et de la conservation des corps n’est pour ainsi dire pas représenté à l’Exposition universelle, et on en prendrait une mauvaise idée par les faibles échantillons qui y sont déposés. Cet art a été, depuis plus de vingt ans, l’objet d’études sérieuses et suivies. Nos procédés actuels diffèrent totalement de ceux qu’employaient les .anciens : ils agissaient à l’extérieur des corps, soit en les soustrayant autant que possible au contact de l’air, soit en les entourant de substances aromatiques liquides et pulvérulentes. La chimie a mis entre nos mains des substances dont l’action est beaucoup plus puissante et plus durable, et nous ne nous contentons plus de les appliquer superficiellement ou de les faire pénétrer par imbibition, mais des injections poussées dans l’arbre circulatoire les mettent en rapport intime avec les éléments les plus délicats des tissus organiques. Ces procédés de conservation sont de nature à rendre les plus
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- grands services dans les cas judiciaires, dans les cas de transports lointains et pour les études anatomiques. On emploie aujourd’hui, dans tous les amphithéâtres de dissection, les méthodes et les liquides de M. Sucquet. Cinq ou six litres d’hyposulfite de soude (qui coûtent environ \ fr. 50), injectés dans les artères d’un cadavre, peuvent le conserver à l’abri de la putréfaction pendant trois semaines ou un mois. Si on veut garder pendant un temps plus long des pièces préparées, il faut employer le chlorure de zinc en lotions. Les tissus se décolorent légèrement, durcissent et peuvent rester en cet état pendant plusieurs armées.
- L’Exposition ne renferme pas de préparations conservées par ce procédé, mais on peut en voir dans nos musées anatomiques et surtout dans celui de la faculté de médecine. *
- Nous avons examiné avec attention les produits exposés par M. Lamy dans les conserves alimentaires, au point de vue de l’application de ses procédés aux travaux anatomiques. Le grand mouvement des méthodes connues et employées jusqu’ici est de durcir les parties molies; il en résulte qu’un moulage peint en plâtre ou en cire est à peu près aussi utile. Au contraire, M. Lamy a un gigot, des perdrix, préparés depuis plusieurs années, et qui sont aussi flexibles que le premier jour; les graisses, la fibre musculaire ont une couleur normale. Il y aurait donc grand intérêt à connaître et à essayer cette méthode au point de vue scientifique; elle est jusqu’ici tenue secrète par son inventeur.
- Les incessantes recherches des conseils d’hygiène et de salubrité, la sollicitude d’une administration de plus en plus éclairée ont provoqué et déterminé, dans la salubrité des constructions et des villes, des modifications de la plus haute importance.
- Jusqu'à ces dernières années, tous les efforts s’étaient bornés à de tristes enquêtes qui venaient révéler l’état désolant des habitations dans plusieurs de nos grandes villes. C’était dans les grands centres manufacturiers surtout qu’existaient ces désolants réduits, asiles de misère et de maladies. Nous n’avons pas à entrer ici dans de plus amples détails sur ce sujet de douloureuses méditations.
- Grâce à Dieu, depuis 1849 s’est opéré un des plus sérieux changements dans la police hygiénique des habitations. On 206 «
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- a imposé aux propriétaires et aux constructeurs l’obligation d’éclairer et d’aérer les escaliers, les corridors, les chambres où s’entassent souvent pendant la nuit dix et douze individus. Nous verrons bientôt disparaître, nous l’espérons du moins, ces ruelles d’escalier obscures et fangeuses qui servent de lit aux eaux croupissantes de toute une maison. La ville de Paris applique aujourd’hui un remède héroïque à cette plaie. Le percement de larges rues, la destruction des quartiers sombres et étroits, l’établissement de squares, de promenades plantées d’arbres , un système convenable de départ des eaux ménagères et industrielles, voilà qui dénote un état de civilisation véritablement avancé, demandant au médecin et à l’économiste de poser les données du problème, endaissant à l’architecte et à i’ingénieur le soin de les résoudre.
- Nous n’avons pas à signaler ici quels changements se sont effectués pendant ces dernières années dans l’art des constructions considéré en lui-même; quelques-uns d’entre eux nous semblent cependant avoir une certaine influence sur la salubrité des édifices. On fabrique aujourd’hui en quantité considérable des pierres artificielles, des briques creuses et dont les cavités communiquant les unes avec les autres, établissent dans l’épaisseur des murailles des courants de ventilation qui doivent avoir pour effet de s’opposer à l’humidité.
- Signalons encore ici l’heureux emploi du stuc pour les parois de certains locaux destinés à des usages spéciaux. On ne saurait trop louer l’administration des hôpitaux de Paris d’avoir fait revêtir de stuc les murs et les plafonds de toutes les salles de malades à. l’hôpital La Riboisière et des salles de dissection à l’amphithéâtre des hôpitaux.
- La production de la chaleur artificielle pour nos besoins domestiques ou pour ceux rie l’industrie a été depuis longtemps l’-objet d études particulières et pour les savants et pour leé constructeurs d’appareils. Disons quelques mots des différents procédés de chauffage considérés au point de vue de l’hygiène. Dans l’immense majorité des habitations on n’emploie que les poêles et les cheminées; les calorifères sont réservés aux grands établissements ou aux édifices publics. Chacun de ces systèmes présente des inconvénients et des avantages; c’est donc par un emploi bien approprié qu’on pourra en tirer le
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- meilleur parti. On pourrait définir d’une manière très-générale le poêle et la cheminée en disant que l’un chauffe beaucoup , mais établit un courant d’air insuffisant, tandis que l’autre n’utilise qu’une faible portion de la chaleur produite, le dixième au plus, mais en revanche renouvelle très-bien l’air des appartements. On vient souvent en aide à cette circulation en pratiquant des ventouses à proximité du foyer ; mais ces ventouses introduisent de l’air froid qui ne laisse pas que de nuire au chauffage.
- On a cherché à remédier à ces inconvénients, soit avec des cheminées-poêles, à foyer plus ou moins couvert et qui tirent bien dans des appartements clos et sans ventouses; soit à l’aide de systèmes ayant pour résultat de chauffer l’air pris au dehors avant de l’introduire à l’intérieur.
- M. Fondet a exposé plusieurs modèles construits sur ce principe : le fond et la partie supérieure du foyer sont constitués par une double rangée de tubes de fonte très-serrés et à travers lesquels passe la fumée. Ces tubes.sont en communication avec l’air extérieur qui s’échauffe en les traversant et qui est appelé à l’intérieur par le tirage du foyer.
- Ce système réalise donc deux perfectionnements, 10 -'l’wtiïî-sation d’une plus grande quantité de chaleur produite. 2° une ventilation très-suffisante de l’appartement.
- M. Boquillon, de son côté, expose des grilles d’appartement qui ont la propriété de brûler la fumée de la houille. Elles sont mobiles sur un axe horizontal ; ce qui permet de placer, sous le combustible déjà passé à l’état de coke, la houille neuve dont la fumée s’enflamme en traversant une portion de la masse incandescente.
- Les appareils de chauffage en grand ont été surtout étudiés en France par MM. Grouvelle et Léon Duvoir. Ils ont, dans plusieurs grands établissements, réalisé un progrès considérable. Le système de M. Grouvelle, mis en pratique à la prison Mazas, offre le double avantage de maintenir dans toutes les parties chauffées de ce vaste établissement une température égale, et d’aspirer dans les cellules et les corridors l’air qui doit servir à la combustion du foyer central; cette aspiration se fait par les tuyaux de descente des plombs et des fosses d’aisances. Toutes les émanations méphitiques sont donc attirées et détruites par le foyer de combustion.
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- M. Duvoir a employé à l’église de la Madeleine des dispositions non moins ingénieuses. Pour empêcher le refroidissement causé par l’ouverture continuelle des portes, il a fait des appels d’air au niveau de chacune d’elles, de telle sorte que l’air froid du dehors est pour ainsi dire arrêté au passage et ne peut refroidir celui de l’intérieur chauffé par son appareil à circulation d’eau.
- S'il est une chose qui nous étonne, c’est de ne pas voir ce procédé de chauffage en grand, qui concilie à la fois l’économie et la salubrité, se répandre davantage pour les édifices particuliers. Nous avons peine à comprendre qu’on ne fasse pas de tentatives de ce genre dans ces belles et luxueuses constructions qui s’élèvent de tous côtés dans Paris. Il y aurait économie considérable et pour les locataires et pour les propriétaires, et en même temps les appartements, les corridors, les escaliers, seraient entretenus à toute heure du jour à une égale température. Au lieu de cela et grâce à la routine, nous nous chauffons très-mal et à grands frais ; il faut attendre une ou deux heures avant que la température intérieure ait acquis un degré convenable; une porte s’ouvre, et nous sommes assaillis d’un courant d’air froid ; nous passons dans une pièce voisine et non chauffée, nous éprouvons une différence de cinq et dix degrés. Certes, ce n’est pas là toute la perfection désirable. Cette perfection, sinon complète, tout au moins plus grande, elle existe, nous n’avons qu’à vouloir l’employer ; mais il faut le vouloir.
- Notons, avant de terminer ce qui a rapport au chauffage, une série de petits appareils exposés en Prusse par M. Elsner. •Un tuyau de caoutchouc, appliqué sur un bec de gaz, est muni lui-même d’un autre bec à son extrémité libre ; le gaz vient brûler sous une toile métallique d’une forme qui peut varier suivant le besoin, etqui tantôtsupporte une bouilloire, un vase de cuisine, un fer à repasser, etc. Cette idée nous a semblé à la fois ingénieuse et utile; économie de temps, économie de combustible, elle présente ces deux avantages.
- L’éclairage au gaz est aujourd'hui universellement adopté sur la voie publique et dans une foule d’établissements particuliers. Nous n’avons pas à dire ses avantages, nous signalerons quelques inconvénients qu’il présente : des fuites à travers les tuyaux peuvent occasionner ou de terribles ex-
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- plosions, ou l’asphyxie des personnes qui pénètrent dans les appariements dont l’atmosphère est ainsi viciée. Les procédés de purification qui tendent à se perfectionner chaque jour, les systèmes de becs qui permettent une combustion plus complète, doivent atténuer autant qu’il est possible les effets délétères des fuites. D’autre part, la meilleure construction des gazomètres et des tuyaux de conduite, leur position superficielle dans tous les bâtiments, rendent les explosions plus rares d’année en année.
- Nous n’avons rien vu à l’Exposition qui nous offrît un objet d’étude intéressant. Les appareils à gaz, à huile, à liquide schisteux ou autres, ne présentent rien de spécial au point de vue hygiénique.
- Un grand nombre d’industries , l’Exploitation des mines, celle des carrières, certaines exploitations métallurgiques, la fabrication des glaces et d’autres encore exposent les ouvriers qui se livrent à ces travaux à des dangers de toute nature. Pour les mines et les carrières, les explosions, les asphyxies, les chutes et les blessures; pour les ateliers où se travaillent l’acier, le cuivre, le plomb , le mercure, pour ceux où se produisent des vapeurs et des poussières délétères, la menace continuelle de maladies graves bien connues des ouvriers et des médecins. On conçoit quel intérêt puissant pousse les industriels et les savants à chercher par tous les moyens possibles à prévenir ou à annuler ces causes incessantes de danger.
- La galerie des machines de l’Exposition contient, en France, en Belgique et en Angleterre, un certain nombre de ventilateurs fondés sur différents principes et destinés à l’exploitation des mines ou à l’usage des grands ateliers. Nous n’avons pas à juger ici la valeur intrinsèque de ces appareils ; il nous suffira de dire que leur emploi se généralise de plus en plus à mesure que l’hygiène des centres d’exploitation s’améliore et se perfectionne. Nous ferons les mêmes remarques sur les appareils destinés à empêcher les chutes dans les puits des mines; des divers systèmes de lampes de mineurs, qui ont pour but de prévenir les explosions. Ces produits appartiennent naturellement à l’industrie des mines et leur appréciation trouve mieux sa place dans la partie de ce livre qui la concerne.
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- Un certain nombre de réformes et d’améliorations ont été faites depuis quelques années dans divers ateliers. C’est ainsi que la fabrication des blancs de zinc tend à se substituer à celle des blancs de plomb qui exposait les travailleurs à des empoisonnements d’une nature grave. Les ouvriers tourneurs et ciseleurs en cuivre présentent parfois des symptômes de colique cuprique offrant un caractère analogue. Enfin on a signalé dans ces derniers temps une maladie spéciale aux aiguiseurs d’armes blanches et de grosse coutellerie; cette maladie, observée surtout à la manufacture d’armes de Châtellerault, et provoquée par l’aspiration continuelle de poussières métalliques et siliceuses, consiste en une toux quinteuse et fatigante , souvent accompagnée ou suivie d’hémoptysies graves, et d’altérations profondes du côté des poumons.
- Nous n’avons rien vu à l’Exposition qui se rapportât à l’hygiène de ces professions diverses ; nous savons cependant que des efforts ont été tentés dans ce but, et surtout à la manufacture de Châtellerault; c’est par une ventilation très-énergique à la surface des meules qu’on enlève continuellement les poussières nuisibles qui s’y forment.
- Nous avons vu à l’Exposition quelques systèmes de sauvetage applicables dans les cas d’incendie et d’inondation. Il existe dans la partie française quelques machines éléva-toires d’un volume en général peu considérable, montées sur un chariot qui en permet un facile transport et qui peuvent, lorsqu’elles sont dépliées, atteindre à des hauteurs variables, Ces machines ne sont pas employées dans le service des pompiers de Paris ; nous ne pouvons donc rien dire sur leur valeur et leur utilité; elles nous semblent cependant de nature à rendre de grands services dans certains cas. A leur aide on pourrait atteindre et sauver des personnes enveloppées de tous côtés par les flammes dans des points cernés par l’incendie.
- Un exposant portugais a présenté un sac de sauvetage qui nous semble inférieur dans son emploi à celui dont se servent les pompiers de notre ville; c’est une sorte de panier de forte toile que l’on accroche par ses quatre angles à une corde, et qu’on laisse glisser le long de l’édifice incendié. Celui que nous employons consiste en un tube de toile carré qui se fixe
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- à l’aide de deux bâtons par son extrémité supérieure à une fenêtre quelconque du bâtiment envahi parles flammes; on y précipite indifféremment les hommes et les choses dont on veut opérer le sauvetage. Cette espèce de sac est solidement maintenu à sa partie inférieure par deux hommes qui reçoivent tout ce qui tombe. Nous avons vu répéter par des pompiers la manœuvre de ce sac : plusieurs hommes se précipitaient successivement la tête la première dans son ouverture; la chute est très-rapide, mais elle s’amortit vers le bas, et n’offre conséquemment aucun danger.
- Un costume de pompier est placé dans l’exposition prussienne : nous n’y avons rien remarqué de particulier qu’un casque dont les garnitures de cuir et la visière fenètrée protège mieux la tête que celui qu’on emploie généralement em France.
- Au sujet des pompes à incendie, nous nous bornerons à cette remarque que la France est peut-être le seul pays où l’on emploie des pompes traînées à bras : dans toutes les expositions étrangères, ces appareils sont disposés de manière à être attelés. Ces deux systèmes ont évidemment leurs avantages : dans les villes comme Paris, où les postes de secours sont régulièrement disséminés et en général peu distants du foyer d’incendie, le service par les hommes est évidemment beaucoup plus rapide; mais dans les petites villes et les campagnes, où la pompe peut être appelée dans des lieux fort éloignés, le cheval nous paraît supérieur en permettant une plus grande célérité et en évitant aux hommes une fatigue inutile.
- Il existe en Angleterre une institution royale et nationale des canots de sauvetage qui a organisé sur toutes les côtes du royaume-uni un service complet de canots, de pilotes, de bouées, etc. Cette société, qui existe depuis trente ans, a déjà soustrait 9200 personnes à une mort imminente. Elle a exposé plusieurs modèles réduits des bateaux qu’elle emploie; ceux-ci sont construits en général de manière à présenter une très-grande surface avec le plus petit poids possible; ils portent sur les côtés des espaces creux et parfaitement clos, qui les rendent insubmersibles; ils sont montés sur des trucs spéciaux munis de treuils et qui permettent de les transporter rapidement sur tel point de la côte jqui réclame leur emploi.
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- Nous avons vu aussi un bateau insubmersible construit en caoutchouc : c’est une sorte de couronne allongée, gonflée d’air, et dont on rend les côtés rigides au moyen de deux planchettes de bois qui s’appliquent à leur surface et qui portent les systèmes des avirons. Tout cet appareil, privé d’air, peut être plié et renfermé dans un sac qu’un seul homme transporte facilement. Ce n’est pas la première tentative de ce genre qui ait été faite; mais jusqu’ici ces sortes de bateaux sont restés à l’état d’essai; nous ne croyons pas qu’ils aient jamais été employés.
- Les sociétés de sauvetage de France qui existent dans la plupart de nos ports n’ont exposé aucune pièce de leur matériel. Nous n’avons donc pu établir aucune comparaison entre les procédés des deux pays.
- L’administration de la guerre a fait placer dans la galerie de la grosse carrosserie une voiture pour les blessés, un fourgon d’ambulance et une cantine d’ambulance volante; la bonne construction de la voiture destinée aux blessés a excité notre attention ; elle est destinée à deux hommes, qui reposent sur deux lits-brancards roulants sur des galets ; la surface des lits et les côtés de la voiture sont rembourrés de crin et recouverts de grosse toile vernie rouge ; l’aération se fait par quatre fenêtres à jalousies placées sur les côtés; le siège de la voiture peut recevoir deux autres blessés moins grièvement atteints ; une caisse oblongue placée au-dessous est destinée aux armes et buffleteries. Tout cela est léger et bien suspendu sur quatre ressorts. Celte voiture est évidemment supérieure aux modèles précédemment adoptés.
- Les cantines d’ambulance volante, qui appartiennent aux anciens modèles de '1841, ont été faites surtout pour l’armée d’Afrique. Elles étaient transportées à dos de mulet partout où les voitures ne pouvaient pas pénétrer. Ce sont quatre caisses, représentant la charge de deux animaux et renfermant sous ce volume peu considérable, en linge, instruments, appareils à fracture et médicaments, tout ce qui peut être nécessaire à un petit corps d’armée.
- Nous aurions aimé à voir exposés les brancards portatifs et démontants qui sont ou qui étaient en usage dans nos services d’ambulance.
- Un grand nombre d’objets, épars sur tous les points de
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- l’Exposition, ont des rapports plus ou moins directs avec l’hygiène privée. Mais ce serait complètement sortir des limites de cet article, que de se livrer à un pareil examen. Nous nous bornerons à signaler ici quelques tendances générales qui s’expriment aujourd’hui par leurs moyens matériels d’exécution.
- 'Si nous voulions entrer dans les détails intimes de la toilette, nous trouverions à coup sûr autant de variétés que d’individus. Deux points nous semblent plus spécialement dignes d’attention : l’usage des différents cosmétiques et l’emploi de l’eau. Certes, à en croire nos parfumeurs, dont l’exposition est du reste pleine d’élégance et de séduction, nous serions en possession de moyens aussi efficaces qu’agréables pour prévenir ou guérir ces mille et une infirmités qui sont le fait même de l’âge et de la vie : l’eau de Jouvence est pour eux la pierre philosophale. En dehors de ces prétentions peu sérieuses , nous devons reconnaître que l’emploi de certaines liqueurs aromatiques et balsamiques ne peut qu’être utile. Nous citerons parmi elles les eaux de Cologne de toutes espèces, les eaux dentifrices, enfin quelques vinaigres. Par malheur ces denrées sont en général d’un prix élevé, et sont conséquemment l’apanage du bien-être déjà luxueux; l’eau simple, comme élément indispensable de notre toilette quotidienne, est une question d’un intérêt beaucoup plus réel. Nous n’hésitons pas à le déclarer : c’est avec un profond sentiment de convoitise que nous nous sommes arrêtés devant les nombreux appareils de porcelaine et de faïence qui existent dans l’exposition anglaise.
- C’est une chose usuelle à Londres et en Angleterre, que ces larges cuvettes, libres ou fixées à la muraille, et pouvant contenir cinq ou six litres d’eau; c’est à peine si les nôtres ont la capacité d’un ou de deux. Espérons que l’exemple des fabricants anglais ne sera pas perdu, et que les nôtres marcheront dans cette voie.
- Les bains, envisagés au point de vue hygiénique et médical, pourraient prêter à de longues considérations; mais nous devons nous borner ici à l’examen des appareils qui ont été exposés. Ce sont surtout des baignoires, plus intéressantes à cause de la matière et du procédé de fabrication , qu’en raison de leur but. Celles de ce genre qui nous ont le
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- plus frappés sont construites en fonte de fer émaillée à l’intérieur. Du reste, rien qui se rapporte au matériel des grands établissements : c’est là une lacune bien regrettable, car nous avons beaucoup à faire dans cette direction. Un exposant de Hambourg, M. Krahnstover, et un autre des Pays-Bas, ont exposé des appareils hydrothérapiques pour douches, bains de pluie, aspersions de toute espèce : ces appareils ne nous ont offert rien de particulier.
- Nous avons examiné avec plus de détail et plus de soin deux appareils destinés aux bains d’air comprimé ou raréfié. Le premier de ces appareils ne portait aucune indication de nom ni de numéro d’ordre; nous ne savons à qui il appartient. C’est un cylindre de cuivre de deux mètres de hauteur, fermé par en haut, et portant à la partie inférieure un large pas de vis qui permet de mettre l’appareil en communication avec une pompe aspirante et foulante. C’est donc une vaste cloche dans laquelle on enferme le patient. M. Émile Tabarie a exposé un appareil beaucoup plus complet et beaucoup mieux disposé que le précédent. C’est une chambre cylindrique aussi, d’environ 1m,50 de diamètre, s’ouvrant à l’extérieur par une porte hermétiquement close au moment de l’action , et éclairée par quatre petites fenêtres de glace serties et soigneusement rivées dans la paroi. Un tube de cuivre très-fort met cette chambre en communication avec un réservoir rempli d’air comprimé que lui envoie une pompe voisine. M. Tabarie possède d’autres appareils qu’il n’a pas exposés, destinés à agir localement sur telle ou telle portion de l’individu. Ce système de bain ou de grande ventouse ne constitue pas une idée absolument neuve; déjà M. Pravaz avait insisté sur la valeur thérapeutique des bains généraux d’air comprimé qu’il employait beaucoup; d’autre part, la botte de M. Junod est l’idée-mère des bains locaux de cette nature. Nous devons cependant reconnaître que M. Tabarie a le mérite d’avoir régularisé l’application de ces procédés, d’avoir construit des appareils qui répondent mieux aux exigences variées de la thérapeutique. Il a fondé à Montpellier un établissement qui fonctionne aujourd’hui sous la direction de M. Bertin, professeur agrégé de cette faculté. U s’en faut de beaucoup que l’expérience définitive ait assis les bases de ce mode de traitement, peu employé jusqu’ici; nous n’avons
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- donc à formuler aucun jugement, mais il était de notre devoir d’accorder quelques lignes à ces appareils.
- Un assez grand nombre d’échantillons d’eaux minérales ont été exposés; les unes naturelles, les autres fabriquées. L’établissement de Vichy a montré en même temps les sels alcalins extraits de ses eaux. Nous avons vu aussi deux ou trois machines destinées à la fabrication en grand des eaux minérales et gazeuses; en tant que machines, nous n’avons pas à les examiner ici. Nous remarquerons seulement que la consommation des boissons gazeuses et surtout des eaux de seltz est.aujourd’hui l’objet d’un commerce très-étendu. Les fabricants les livrent presque constamment dans de petits appareils connus sous le nom de siphons, très-avantageux pour l’usage de nos tables, en ce qu’ils évitent les éruptions violentes du liquide.
- Un grand nombre d’inventeurs ont fabriqué depuis quelques années des appareils portatifs pour la production économique et immédiate de l’eau de seltz. Le plus employé de tous est l’appareil Briet, qui consiste en deux globes de cristal superposés et vissés l’un à l’autre; il évite le mélange des produits de réaction des sels avec l’eau qui est placée dans le globe supérieur. Cet appareil est mis en usage dans tous les hôpitaux de Paris pour la fabrication des eaux de seltz, de sedlitz, de Spa, etc.
- Les boissons en général ont été examinées dans un précédent article. Bornons-nous à remarquer la mauvaise tendance de l’industrie au sujet des boissons destinées à remplacer le vin qui nous manque depuis quelques années. N’élait-il pas possible en effet de chercher et, de trouver mieux que le Sombrico mousseux, le Swar du Rhin, l’Oued-Allah, ou ruisseau de Dieu, et d’autres que nous oublions volontairement? Ces noms pompeux et mousseux justifient notre critique.
- De beaux produits pharmaceutiques ont été exposés en Angleterre, en Allemagne et en France. C’est particulièrement la préparation des alcaloïdes, la purification de certaines résines et des huiles de foie de morue et de ricin, qui ont préoccupé les chimistes de ces différents pays.
- M. Benckiser, du grand-duché de Bade, a de magnifiques cristaux de nitrate de plomb, de tartrate de potasse et de
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- soude (sel deSeignelte) et surtout d’acide tartrique. M. Ca-matsch, de Vienne, fait des résines décolorées de jalap et de scammonée qui sont d’une bonne fabrication, mais cependant inférieures à ce que nous trouverons chez M. Dorvault, en France. On peut dire en somme que les produits chimiques allemands témoignent d’une très-belle et très-savante fabrication. On sait, du reste, que ce pays fournissait et fournit encore la majeure partie des alcaloïdes qui proviennent de l’opium et de la belladone.
- Nous avons examiné avec un grand intérêt certains produits de l’exposition française. Ce sont, entre autres, des échantillons d’opium indigène, de lactucarium, de quinquina, de MM. Labaraque, du Havre, et Aubergier, de Clermont. On sait combien M. Aubergier a travaillé cette question de la culture de l’opium dans nos contrées : les résultats auxquels on est parvenu nous donnent lieu de croire à une solution complète et définitive du problème. M. Tissier, au Conquet (Finistère), a de très-beaux produits iodiques et bromiques extraits en grand des algues et des fucus. Tous les pharmaciens connaissent aujourd’hui les extraits secs préparés dans le vide par M. Berjot, de Caen : il en a une collection complète. Notons encore la belle exposition de poudres végétales et d’extraits de MM. Ménier et Cie ; les préparations d’aconit et de ciguë de M. Guillermont, de Lyon; les huiles de foie de morue et de ricin de MM. Royer et Berlhé, qui emploient des procédés spéciaux de fabrication et de clarification. Nous avons réservé, pour les mentionner d’une manière toute particulière, l’exposition de M. Dorvaux et celle de MM. Bobiquet père et fils, Boyveau et Pelletier. Nous avons vu chez le premier des cristaux très-beaux de citrate de magnésie et d’urée, des résines de jalap et de scammonée parfaitement cristallisées; chez les autres une magnifique collection d’alcaloïdes et surtout de l’asparagine, de l’alizarine (alcaloïde de la garance) d’une très-belle couleur, du fer réduit, de l’huile de ricin presque incolore.
- Nous nous bornerons à ces citations, bien assurés que tous ces produits seront visités avec intérêt par les pharmaciens et les chimistes.
- Quoique les instruments et appareils de chirurgie ne s’adressent qu’à un public très-restreint, leur fabrication est,
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- on doit,le concevoir, une des plus vieilles industries. Il suffit de jeter les yeux sur ces vieux livres, qui sont comme les archives de l’art, pour se convaincre que dès les temps les plus reculés , les chirurgiens avaient réclamé les secours des couteliers et des mécaniciens. JSlais cet examen rétrospectif montre en même temps le nouvel essor qu’a pris, depuis le commencement de ce siècle , cette belle et secourable industrie. Des découvertes importantes en chirurgie, l’emploi de matières nouvelles, les procédés de fabrication plus réguliers et plus savants , caractérisent l’état actuel de nos progrès.
- Avant d’entrer dans un examen plus approfondi du sujet, il est nécessaire de jeter un coup d’œil général sur la situation relative des différents pays, envisagés à notre point de vue. Des fabricants d’instruments de chirurgie existent aujourd’hui dans la plupart des capitales de l’Europe, mais nous montrerons plus loin l’influence directe qu’exerce sur eux la fabrication française. Les couteliers anglais, qui ont sous la main leur excellent acier, dont la réputation est bien connue, marchaient pour ainsi dire seuls en dehors de nous. Ils avaient leurs modèles à part, leurs instruments distincts, à tel point qu’il était toujours facile de reconnaître ce qui venait des ateliers de Londres ou de ceux de Paris. C'est dans cet état de choses qu’arriva l'Exposition de 1851, et quoique le jury international n’ait décerné aucune médaille de premier ordre, notre supériorité fut hautement reconnue et proclamée par tous. Depuis cette époqne, les expositions de Dublin, de Munich et de New-York ont valu aux exposants français des distinctions toutes spéciales dues à l’intelligente fabrication et à la beauté de leurs instruments.
- A l’Exposition actuelle , presque tous les pays ont envoyé au moins quelques produits; l’Angleterre seule manque pour ainsi dire à l'appel. Ça été un profond sujet d’étonnement pour nous, que de voir la pauvreté des objets qu’elle envoie au concours. Pourquoi les Weïs, les Savigny et d’autres encore font-ils défaut à cette grande lutte? Ont-ils craint de ne pas trouver de rivaux dignes d’eux, ou bien croient-ils leur supériorité assez bien assise pour qu’il soit inutile d’en donner des preuves nouvelles? Nous n’avons pas à répondre à ces questions, mais nous avons cru devoir les placer ici.
- Nous avons cependant vu dans l’exposition anglaise quel-
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- ques instruments dont nous ne connaissons pas les auteurs ; ce sont pour la plupart des aiguilles, des crochets , des porte-fils destinés aux sutures et aux ligatures profondes; une aiguille pour la staphylaraphie. Ces instruments sont l’enfance de l'art; nous ne connaissons pas un chirurgien de Paris qui voudrait employer cette aiguille à staphylaraphie. M. Your.g, de Glascow , a des modèles de davier pour les dentistes, dont les mors , tranchants par leur pointe et moulés sur la forme de la dent, agissent à la fois en serrant la dent et en la chassant comme un coin de son alvéole. Il existe encore une autre boîte d'instruments, mais elle reste obstinément voilée aux yeux du public : nous n’avons pu en prendre connaissance. On aperçoit sous un globe de verre un appareil roulé et plié sur lui-même, que nous avons reconnu être celui de Carte, de Dublin, destiné à opérer la cure radicale des anévrismes par la compression continue, mais s’exerçant sur des points différents. C’est là le premier appareil de ce genre qui ait été construit. Heureuse innovation chirurgicale que M. Charrière, en s’éclairant des conseils des chirurgiens, a rendue plus parfaite et plus généralement applicable. M. Walde, de Londres, expose des sondes en tissu élastique, bien régulières et bien calibrées; M. Litle, de Charlton, un bras artificiel excessivement inférieur à ceux qui sortent des ateliers de Paris; M. Charles Reine, de Londres, a un luxe de cornets acoustiques qui fait prendre sa vitrine pour un étalage de ferblantier. Le lit à caisse d’eau du docteur Arnott, exposé par MM. Smith père et fils, de Londres, peut rendre de grands services dans certains cas de maladies longues où on ne peut lever les malades. Ce lit a été expérimenté avec succès à l’Hôtel-Dieu de Paris. Il consiste en une caisse de 2 mètres de long sur 1 mètre 30 centimètres de large, dont la paroi supérieure est formée d’un tissu imperméable, mais souple et flexible ; cette caisse est remplie d’eau, de telle sorte que la paroi supérieure flotte sans être tendue à la surface du liquide : un sommier de crin est placé par-dessus et constitue l’unique matelas de cet appareil. On comprend facilement que ce lit conserve une élasticité et une souplesse constantes. Nous avons vu encore des bandages herniaires du docteur Arnott, pouvant s’allonger ou se raccourcir selon le besoin, disposition dénuée d’intérêt, car un bandage ne sert
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- en général qu’à un seul individu ; des dents minérales à tiges métalliques creuses, de MM. Ash et fils, dont la couleur imite bien celle des dents naturelles. Les appareils électrogénérateurs, de M. Mening, peuvent faire le pendant de ceux de M. Pulvermacher, de Paris; nous n’avons pas à nous y arrêter.
- Deux exposants belges, MM. Biondetti et Bonnels, nous montrent, le premier, des appareils prothétiques et des bandages en acier, le second, divers instruments de chirurgie. Nous ne voyons pas quel grand avantage il y a d’employer uniquement le fer et l’acier dans la fabrication des membres artificiels; d’autres substances, le bois, le cuir, offrent des ressources qu’on a tort de négliger, et nous croyons qu’en les utilisant on arrive à imiter les formes d’une manière plus exacte, avec un poids moins considérable. M. Bonnels est un ancien ouvrier de M. Charrière : tous ses instruments se ressentent de son éducation professionnelle. Nous avons remarqué parmi eux une belle boîte à amputation; du reste, rien de nouveau.
- M. Luppold, de Stettin (Prusse), présente un céphalotribe et quelques bandages herniaires à pelote d’ivoire; son céphalotribe manque de force dans les manches , il a de plus l’inconvénient de se serrer avec une longue vis transversale qui en rend l’action lente et qui augmente beaucoup son volume.
- Nous n’avons trouvé aux États-Unis qu’un appareil destiné à la guérison du bégayement, appareil dont il nous a été impossible de deviner le mode d’action ; mais nous avons vu quelques très-jolis instruments en caoutchouc durci : ce sont des canules, des ambouts, des seringues à injection. Cette nouvelle matière, à la fois élastique et résistante, et pouvant acquérir un très-beau poli, nous paraît réservée à un bel avenir dans une foule d'industries.
- Le Portugal, représenté par M. Antoine Polycar, a fait aussi ses envois : c’est une boîte à amputation, une série d’instruments pour les yeux, une trousse très-complète de dentiste, le tout copié sur nos modèles d’il y a dix ans.
- Les expositions les plus complètes sont celles de Copenhague et de Christiania, et nous avons été agréablement surpris en èn faisant la découverte. La capitale de la Norvège est représentée par deux exposants, MM. Gallus et Mette. Le
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- premier présente, entre autres, des instruments de M. Sé-tlillot pour la staphylaraphie , ceux de M. Leroy d’Ëtiolles, de Lüer, etc.; une scie de Heine, d’une bonne tournure, des lithoclastes et des litholabes. Du reste, le tout est soigneusement étiqueté avec le nom de son auteur, c’est une probité de fabricant dont il faut savoir gré à M. Gallus. M. Mette a une boîte pour l’opération de la fistule vésico vaginale et les céphalotribes du professeur Herberg, de Christiania ; les premiers instruments nous ont paru présenter quelques dispositions intéressantes.
- M. Camillus. Nyrop, de Copenhague, paraît, à en'juger par son exposition, être un fabricant fort occupé et versé dans son art ; sa vitrine est bien remplie , elle contient des bandages, des appareils prothétiques et orthopédiques, et un grand nombre des instruments qu’emploie la chirurgie humaine et même vétérinaire. Il n’y a dans tout cela rien de bien nouveau, mais c’est bien fait, bien exécuté , le but de l’instrument est bien compris et presque toujours bien rempli.
- Quelques pas plus loin, le docteur Lauggard, de Hambourg, qui dirige dans ce pays un établissement orthopédique, montre différents bandages et les appareils qu’il emploie dans sa maison. Cette exposition est très soignée, et tout ce quelle renferme nous a par.u d’une irréprochable fabrication.
- Enfin M. Giovani, de Bologne, a un modèle de trépan-scie que nous avons examiné avec attention à cause de son caractère d’originalité. C’est un instrument qui peut recevoir à son extrémité tantôt un perforatif avec sa couronne, tantôt une scie qui offre les plus grandes analogies avec celle de Heine; le tout est mis en mouvement par une roue dentée de six à sept centimètres de diamètre, et qui porte une manivelle à son côté extérieur. Nous ne trouvons qu’une objection sérieuse à faire, mais elle a sa valeur : la difficulté du démontage empêche de nettoyer et d’entretenir convenablement l’appareil.
- L’exposition française pour les instruments proprement dits de chirurgie est surtout représentée par trois fabricants, MM. Charrière, Lüer et Mathieu. MM. Charrière père et fils sont à la tête de la plus importante maison de Paris. Tous les instruments se fabriquent dans leurs ateliers; ils occupent un personnel considérable, qui peut répondre à toutes les exi-
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- gences les plus variées de la médecine, de la chirurgie, de l’orthopédie. Les maisons de MM. Lüer et Mathieu, quoique moins importantes au point de vue commercial, ont des ateliers qui ne le cèdent en rien à la première. Une rivalité constante entre ces trois fabricants les tient toujours en haleine, et les fait marcher ensemble vers de continuels progrès.
- , Nous ne pouvons entrer ici dans des détails circonstanciés de description, il faudrait un volume entier pour remplir cette tâche ; nous nous bornerons à quelques indications sur les instruments les plus remarquables.
- A commencer par la simple trousse du praticien, que de petites modifications heureuses elle a subies depuis quelques années ! Quoi de plus joli et de plus coquet? Ces instruments de douleur et de torture se présentent sous l’aspect le plus charmant et le plus gracieux.
- Le trépan, dont l’emploi remonte à Hippocrate, est aujourd’hui , grâce à une foule de petits changements que nous ne pouvons dire ici, un instrument simple, se démontant et se remontant avec aisance, et d’une application aussi facile que certaine. La nombreuse série d’instruments destinés à la pratique des opérations sur l’œil, nous présente une foule de petits points curieux et intéressants : quelques-uns sont des chefs-d’œuvre de mécanique. Nous avons vu des aiguilles à cataracte conserver la finesse de leur tranchant et de leur pointe après avoir coupé ou gratté des substances dures comme la corne et l’ivoire. Nous signalerons à l’attention publique les aiguilles creuses pour l’opération de la cataracte molle, aiguilles creuses qui communiquent avec un petit appareil aspirateur constitué par une sphère de caoutchouc. Nous avons des aiguilles à cataracte à lame mobile sur le manche, des aiguilles-pinces : une petite touche placée sous le doigt de l’opérateur permet de produire les différents mouvements. Les délicates et minutieuses opérations de la pupille artificielle ont suggéré aux fabricants l'idée d’instruments pour la plupart très-ingénieux, mais dont l’usage n’est pas général, soit à cause de leur prix très-élevé, soit en raison de certaines difficultés de manœuvre.
- Il existe un très-grand nombre d’ophthalmostats ou fixateurs de l’œil. Nous signalerons entre autres une petite érigne de M. Lüer, formée par deux branches aiguës dont la courbure.
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- regarde en sens inverse. Un léger mouvement de rotation suffit pour accrocher la conjonctive ; on peut alors exercer des tractions dans tous les sens , sans craindre de voir l’instrument lâcher prise.
- Les opérations qui s’exécutent dans la cavité buccale réclament l’emploi d’un assez grand nombre d'instruments curieux. Une des plus délicates d’entre elles, la staphyloraphie, a donné lieu à des inventions multipliées. Le problème à résoudre était de pouvoir passer commodément d’arrière en avant un fil de ligature à travers le voile du palais. L’illustre auteur de cette belle conquête chirurgicale, M. Roux, n’employait que des aiguilles à petite courbure, solidement maintenues dans un porte-aiguille. Nous avons depuis l’instrument de M. Dupierris; c’est une petite aiguille très-courte, portée sur une tige courbe : une autre aiguille, en forme de crochet, passe d’avant en arrière et la ramène enfin en avant; l’instrument de M. Leroy d’Étiolles, dont l’action analogue est encore plus simple et plus facile ; l’aiguille de M. Rouyer, qui après avoir percé d’avant en arrière, s’ouvre en manière de pince, et saisit le fil qu’elle ramène en avant. Citons encore l’appareil de M. Sédillot, qui est caractérisé par l’emploi de plaques de caoutchouc montées sur une tige, et que l’on porte derrière le voile du palais pour servir de point d’appui aux aiguilles.
- On pratiquait autrefois l’ablation des amygdales avec le bistouri et la pince de Museux, ou pince-Airigue ; Fahnestock, chirurgien américain, a construit dans ce but un instrument qui porte son nom et qui est aujourd’hui d’un usage général. Cet instrument a été beaucoup amélioré depuis deux ans. Chacun de nos fabricants a donné des modèles nouveaux, destinés pour la plupart à agir d’une seule main; ils sont tous extrêmement ingénieux, mais s’il nous fallait établir un choix, nous donnerions la préférence à celui de M. Mathieu, à raison de l’excessive facilité de son emploi et de son nettoyage. Enfin, nous avons vu chez M. Lüer un modèle tout à fait original, agissant à l’aide de deux manches qu’il suffit de rapprocher comme ceux d’un davier. Il y a encore un tonsillitome très-curieux, maislrès-peu employé : il s'arme comme un fusil à rouet ; le doigt qui presse sur une gâchette fait partir le ressort, et l’opération est faite; ce résultat peut paraître séduisant
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- pour les gens du monde, mais la saine chirurgie doit proscrire ces moyens par trop brillants.
- L’extraction des dents e.st une opération trop commune et trop douloureuse pour qu’on n’ait pas travaillé beaucoup la fabrication des instruments qu’elle nécessite. Nous avons remarqué les daviers-clefs que M. Charrière fabrique pour M. Paul Simon ; des fraises, pouvant agir dans tous les sens, qui viennent des ateliers de M. Lüer. '
- Les opérations, en général, et celles qui se pratiquent sur les membres, réclament l’emploi d’un grand nombre d’instruments dont nous ne citerons que les principaux : des bistouris fixes et mobiles, avec des systèmes de fermeture très-variés ; des cisailles, parmi lesquelles nous devons mentionner la pince ostéotome de M. Lüer ; des scies qui nous donnent un des plus beaux exemples dés résultats où peuvent arriver les efforts incessants des fabricants. Nous avons, outre les scies à lames simple et droite, variées d’épaisseur, de force et de disposition, des rachitornes ou scies à deux lames parallèles, la scie à chaîne, la scie de Heine dont nous avons déjà parlé, celle de Martin qui peut agir dans tous les sens et toutes les directions, la scie de Stromeyer pour les résections. Ces derniers instruments sont rarement employés, mais, ils rendent de grands services dans certains cas, et rien ne pourrait alors les remplacer. N’oublions pas la pince pour la réduction des luxations du pouce et des doigts, fabriquée il y a quelques années par M. Lüer,
- La lithotritie et les rétrécissements de l’urètre ont donné lieu depuis vingt ans à la création d’un arsenal complet. On a perfectionné de toutes les manières et de toutes les façons les litholabes, les lithoclastes. On a successivement appliqué, comme moyens de pression ou d’écrasement, le marteau, la vis et le pignon. Nous signalons toute cette série à l’attention de nos visiteurs, comme cligne d’exciter leur curiosité.
- M. Mathieu a fabriqué, sur les indications de M. Chassaignac, un instrument connu sous le nom d’écraseur linéaire, et qui semble avoir donné déjà quelques résultats intéressants : c’est une scie à chaîne, sans dents, dont les deux extrémi tés passent dans un tube ; un mécanisme très-simple permet de resserrer graduellement, et avec une grande force, l’anse flexible qui forme la chaîne; on arrive à couper ainsi, par écrasement,
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- des parties molles, sans aucune trace d’hémorrhagies; oil conçoit l’utilité de cet instrument pour certaines tumeurs très-vasculaires.
- ; Des essais d’anesthésie locale, à l’aide du chloroforme et de l’éther, ont été tentés il y a un an d’après les indications de M. Hardy, de Dublin. MM. Charrière et Mathieu ont fait des appareils destinés, à favoriser l’évaporation rapide du liquide ; cette méthode n’a pas eu tout le succès qu'on pouvait en espérer.
- L’électricité tend à devenir chaque jour un agent thérapeutique plus important. Nous avons remarqué un appareil de M. Breton, et celui de M. Duchenne, de Boulogne, avec lequel il a fait de si curieuses études sur la physiologie musculaire. D’autre part, M. Mathieu a construit quelques appareils fort ingénieux pour porter le cautère électrique dans les cavités profondes, et le faire agir au moyen d’une interruption du courant, à l’instant précis où on atteint la partie malade; nous në doutons pas qu’il y ait beaucoup à espérer de cette nouvelle méthode de cautérisation.
- Le fait le plus saillant dans l’art du bandagiste est certainement l’emploi du caoutchouc vulcanisé. M. Gariel a fait de ce sujet une étude complète, et, sur ses indications, MM. Galante et Cie fabriquent aujourd’hui toute une série d’appareils très-employés en chirurgie.
- L’exposition des appareils de prothèse est très-riche en France. Nous y avons remarqué d’une manière particulière les yeux artificiels de M. Boissonneau, accompagnés d’une série d’imitations des types les plus saillants des maladies de ces organes ; des dents et dentiers artificiels, avec des procédés orthopédiques pour la bouche, dus à MM. de Villemure et Paul Simon, de Paris, Souplet, de Troyes, Weill, de Rouen.
- Les membres artificiels, qui sortent surtout.des ateliers d’instruments de chirurgie, sont arrivés aujourd’hui à un haut degré de perfection. L’amputation sus-malléolaire de la jambe peut être complètement dissimulée ; celle de la cuisse, quoique nécessitant un système plus complexe, peut encore permettre la marche d’une manière régulière, en évitant à peu près complètement le fauchage des jambes de bois. Rien au monde n,e saurait remplacer la main, le plus merveilleux de tous les instruments; et cependant, nous connaissons des mains de
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- bois gantées, copiées sur les meilleurs modèles, et qui peuvent, avec leurs ressorts, suffire à l’accomplissement d’une foule de petits actes de la vie ; elles peuvent tenir une plume, des cartes à jouer, une cuiller, etc. C’est véritablement là un beau côté de l’industrie qui nous occupe, et nous savons des malades qui s’estiment trop heureux d’avoir un membre de bois et de fer, après avoir perdu celui que la nature leur avait donné.
- Les études anatomiques comportent un matériel assez étendu d’installation et d’instruments; il eût été désirable que quelques exposants se préoccupassent des amphithéâtres de dissection au point de vue de leur aménagement intérieur. Il y a tout à faire dans ce sens. Quoi de plus triste, de moins hygiénique, de plus mal installé sous tous les rapports, que l’École pratique de la Faculté de Paris 1 On dirait, en pénétrant dans cet établissement, que le chauffage, la ventilation, la fourniture des eaux, manquent de procédés et de ressources, et qu’on ne connaît rien de mieux que de mauvais poêles en fonte, des tables de la même matière, retenant à leur surface un épais enduit de malpropretés, des fenêtres insuffisantes et sans cesse ternies par une buée humide et malsaine.
- Parmi les instruments qu’on y emploie, nous noterons seulement les appareils de M. Charrière pour injections au mercure, et une nouvelle seringue de M. Mathieu, permettant, à l’aide d’un mouvement de va-et-vient du piston dans les deux sens, de faire des injections continues.
- La plastique anatomique et anatomo-pathologique nous offre quelques expositions intéressantes dans différents pays, mais surtout en France. M. J. Tovvn, de Londres, a exposé des pièces de cire peintes, imitant parfaitement certaines maladies éruptives de la peau : ses pièces d’anatomie normale sont beaucoup moins bonnes. M. Zeiler, de Munich, a préparé en bois et papier mâché diverses pièces représentant des types de races humaines, le cerveau, la structure de l’oreille, celle de l’œil ; sous le rapport de la finesse des détails et de la fidélité d’exécution, M. Zeiler reste de beaucoup au-dessous de M. Auzoux. Nous noterons encore des moulages en cire et plâtre, représentant des poulpes, calmars, seiches, des têtes de nègres et d’indiens, exécutées par M. Stahl, mouleur du Muséum de Paris; ils sont, en général, d’une très-bonne exé-
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- cution. Les pièces de M. Thibert, en cuir repoussé et peint, imitent souvent la nature avec beaucoup de vérité; nous avons vu des maladies des os, une coupe de tumeur blanche du genou, les altérations pathologiques de la morve, de la fièvre typhoïde et de l’éléphantiasis des Arabes. De toutes ces expositions, la plus importante, sans aucun doute, est celle de M. le docteur Auzoux. Après trente années d’un travail constant. M. Auzoux est arrivé à la fabrication de mannequins et de pièces d’une remarquable solidité, d’une très-grande fidélité d’exécution, soit dans la forme, soit dans la couleur ; loin de nous la pensée de dire que ces préparations doivent suppléer aux dissections pénibles et laborieuses, et aux patientes recherches qui doivent être faites sur le corps de l’homme et sur celui des animaux ; mais en dehors de cela, pour les collèges et tous les établissements d’instruction générale, les pièces d’anatomie plastique sont d’une précieuse ressource, et permettent d’enseigner aux élèves, d’une manière assez exacte, les premiers éléments de l’anatomie et de la physiologie humaine et comparée. Ces modèles de tares et de mâchoires du cheval, destinés aux régiments de cavalerie, mettent à chaque instant sous les yeux des officiers de remonte, des aspects et des formes qui leur sont d’une constante utilité. Nous mentionnerons en terminant les pièces d’ostéologie très-bien préparées par MM. Guérin et Vasseur : ce sont des sculptures de l’organe de l'ouïe, de la mâchoire inférieure et supérieure, des têtes désarticulées, tous les os étant maintenus à distance dans leurs rapports normaux ; ces pièces sont fort utiles pour l’enseignement.
- Enfin, dans différents pays, en Prusse, dans le Wurtemberg, dans la Savoie et en France, existent des animaux empaillés qui se recommandent par la bonne conservation des formes et par l’imitation des attitudes.
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- CLASSE XIII.
- Marine et art militaire.
- L’Angleterre et la France possèdent à elles seules les trois quarts des usines consacrées à la construction des machines de navigation en Europe. L’Autriche, la Prusse, la Suède, la Russie, la Suisse, la Belgique et les autres États de notre continent, n’ont guère chacun plus de un ou deux [ateliers. La France seule en compte quinze, non compris les chantiers de construction de navires, et sur ce nombre nous en pourrions nommer six de premier ordre où l’on construit une machine de 500 à 4 000 chevaux en moins de temps qu’il n’en fallait il y a vingt années pour donner à une usine une machine de 30 chevaux.
- L’Angleterre a environ le double de notre nombre d'ateliers français.
- Néanmoins, l’Exposition compte, relativement, peu de machines de navigation. C’était une des branches d’industrie les mieux représentées à Londres en -1851. Mais l’Exposition de Londres s’est ouverte et close en pleine paix. Les constructeurs anglais travaillaient alors, non-seulement pour leur nation, mais èncore et surtout pour la Russie, armant sans le savoir de trop prochains adversaires. En France, l’Exposition s’ouvre dans des. circonstances bien différentes . Déjà celle de 4849, entreprise au lendemain d’une révolution qui semblait avoir tout frappé , avait offert à l’Europe stupé* faite les merveilles d’une industrie où le génie le disputait au nombre et à l’importance des produits ; mais il était donné à notre époque de surpasser l’exhibition de Londres par une Exposition qui fera la gloire de la France.
- Se rappelle-t-on qu’il n’y a pas un an on se demandait en* core si les préoccupations d’une guerre, devant coûter tant de millions, ne rendraient pas impossible ce concours de tous les peuples dans l’enceinte pacifique du Palais de l’Industrie? Et
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- cependant quelles merveilles ne réunit-il pas en mécanique comme dans les arts?
- On y compterait pour la marine une machine à vapeur de 1000 chevaux et plusieurs de 200 à 600 chevaux, si on n’avait pas été forcé de les reprendre à l’Exposition de Paris pour les exposer le plus tôt possible devant l’ennemi dans la Baltique ou dans la mer Noire.
- L’énumération de celles qui ont pu rester au Palais de l’Industrie sera donc bientôt faite.
- Les constructeurs français en exhibent trois, plus diverses séries de modèles; l’Angleterre n’offre cette fois que des modèles, nombreux il est vrai, et parmi lesquels deux fonctionnent à la vapeur dans la galerie du bord de l’eau et peuvent mériter le nom de machines proprement dites. L’Autriche offre un modèle de bateau de rivière ; la Suède et la Hollande ont chacune une machine de bateau; la Belgique présente une magnifique pièce de forge proposant une nouvelle forme de gouvernail, et voilà toute l'exposition.
- Le eadre qui nous est ici réservé ne nous permet pas de décrire chaque appareil en particulier, d’autres publications l’ont fait. Ce sont des observations d’ensemble que nous allons présenter.
- Le premier point capital à signaler aujourd’hui dans la navigation à vapeur est la grande puissance donnée aux appareils moteurs. Non-seulement il faut transporter en un seul chargement ce qui faisait autrefois le frêt de deux ou trois navires, mais on veut aller vite. Le commerce fait des bâtiments aussi grands que les vaisseaux de ligne, la marine de guerre à son tour demande à la vapeur une puissance motrice prodigieuse. Les bateaux de rivière, plus audacieux encore, veulent égaler la vitesse des chemins de fer. Or, on a posé en principe que la force motrice des machines croissait à peu près en raison de la racine carrée de la vitesse voulue.
- Ce n’est pas tout à fait exact, mais c’est assez voisin de la vérité pour expliquer à quel point les bâtiments actuels doivent l’emporter en puissance motrice sur ceux que la navigation employait il y a quelques années. Un bateau de rivière de 100 chevaux était une merveille il y a dix ans. Le modèle que l’Autriche nous offre à l’Exposition est la réduction d’un pyroscaphe du Danube muni d’une machine anglaise et oscil-
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- lante de la force de 240 chevaux; sa vitesse atteint, dit-on, vingt kilomètres à l’heure. Sur le Rhône il existe deux bateaux d’une vitesse extraordinaire, de la force de 500 chevaux chacun. Enfin nous trouvons à l’Exposition .le modèle de VAméri-can, steamer de 1000 chevaux qui atteint, ainsi que plusieurs autres, trente kilomètres de vitesse à l’heure.
- Parmi nos vaisseaux de guerre, nous sommes sur le point d’en posséder quatre de près de 1000 chevaux et deux de 4 200 ; Ceux de force inférieure se nomment à peine maintenant; et voilà que laissant loin derrière lui ce que les constructeurs de navires avaient entrepris jusqu’ici de plus hardi, un ingénieur anglais, mais d’origine française, M. Brunei, fait construire un steamer géant qui aura 225 mètres de long, 25 mètres de large, 23 000 tonneaux de jaugeage et 2600 chevaux de force. Ce n’est pas un projet conçu seulement par un génie audacieux, c’est une réalité. Ce monstrueux bâtiment est en chantier sur les bords de la Tamise, à Londres même, dans les usines de M. Scott-Russel ; la maison Watt fabrique avec lui les machines, et l’Exposition de Paris nous offre, à l’entrée de l’Annexe du bord de l’eau, une manivelle de l’un des appareils moteurs, un morceau du bordage en tôle du bâtiment, et trois vues prises au daguerréotype de la coque au milieu de ses échafaudages sur le chantier. Peu de maisons de Paris ou de Lyon, avec leurs sept ou huit étages, l’emporteraient en hauteur à côté de lui. Le point capital était de donner aux parois de cette immense coque une solidité et une rigidité suffisantes. Dans ce but, la pièce de l’Exposition nous montre que le bâtiment est en quelque sorte double; qu’on se représente une coque plus petite logée dans uue coque plus grande, en tous sens, de 1 mètre, et de forme analogue à la première avec une infinité de cloisons transversales installées entre deux. En un mot les parois de la coque sont formées d’un ensemble de cellules à peu près dans le genre du fameux pont tube de Conway.
- Ces simples fragments du steamer géan't de M. Brunei, devant lequel le visiteur de l’Exposition, a peut-être souvent passé sans les honorer d’un regard, sont pourtant, on le voit, bien dignes de son intérêt.
- , Plus loin, dans l’Annexe, voici l’exposition de la marine impériale, consistant surtout en des modèles, à la description
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- desquels un volume entier pourrait être consacré : c’est d’abord la réduction au dixième de la machine du vaisseau le Napoléon, l’honneur de notre escadre du Levant, et de la machine d'un autre vaisseau semblable à YAlgésiras, qui sera bientôt mis à l’eau.
- La mise à l’eau d’un vaisseau, cette opération si palpitante d’intérêt, nous est représentée dans un autre modèle exposé par l’administration du port de Rochefort. Deux phases de l’opération sont sous nos yeux. Dans la première, le vaisseau l’Ulm, récemment lancé, commence à prendre sa course dans les coulisses savonnées qui lui tracent sa route hors du chantier où on l’a construit ; des deux côtés sont les câbles de retenue, grosses chaînes repliées sur elles-mêmes et nouées, de mètre en mètre, par des cordes de chanvrevcalculées de manière à rompre sous la charge du navire à mesure qu’il descend vers la mer, en modérant sa course. Dans l’autre phase de l’opération, nous voyons le navire à l’eau, les chaînes continuant à l’amarrer après avoir rompu tous leurs nœuds dont les débris jonchent le sol.
- La même travée nous offre encore divers modèles de bâtiments dont la construction a été confiée à l’industrie privée : l'un nous expose l’arrimage de la cale d’un vaisseau ; dans un autre, nous pouvons étudier les charpentes en fer que M. Armand, de Bordeaux, a substituées à celles en bois dans les navires, à l’imitation de ce qui se pratique aujourd’hui si généralement pour la construction des maisons et monuments publics de Paris et de Londres.
- De là, nous conduirons le visiteur de l’Exposition à la galerie spécialement consacrée aux machines. L’établissement du Greusot y a mis une machine horizontale pour bateau à roues, et M. Seaward, de Londres, un modèle de sa machine atmosphérique à 3 cylindres verticaux et à simple effet, également pour bâteau à roues. M. Gâche, de Nantes, etl’usine suédoise de Motala ont exposé : le premier, deux machines et la seconde une machine à mouvement direct et renversé, pour navire à hélice. Todd-Mac-Grégbr et Rennie ont envoyé, l’un un beau modèle au quart de l’exécution, l’autre un dessin, de machine verticale pour frégate à hélice.
- Le reste de l’exposition des machines de bateau se compose de nombreux modèles ou dessins de coques de navire, d’hé-
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- lices et de propulseurs de diverses formes, plus le modèle, donné au Conservatoire des arts et métiers, parfaitement complet et fidèle du steamer le Danube , l’un des bâtiments de la Compagnie française des messageries impériales et l’une des plus belles pièces de l’Exposition.
- Les tendances générales, révélées par l’étude des machines et modèles que nous venons d’énoncer, se réduisent à deux points principaux : En premier lieu, la substitution des hélices aux roues continue à se manifester partout. Mais on semble, surtout à l’étranger, revenir au système de la transmission du mouvement par engrenage auxh élices, au lieu de mouvoir directement l’arbre porte-hélice comme on meut directement, par exemple, l’essieu des roues motrices dans les locomotives.
- Les deux systèmes sont de nouveau en présence avec leurs défauts et leurs avantages. La transmission directe prévaut aujourd’hui en France. Dans la machine hollandaise, dans celle de Rennie et de Todd-Mac-Grégor que nous offre l’Exposition, la rotation de l’hélice est accélérée par de monstrueux engrenages : ils servent de volants ; ils permettent- de ralentir la course du piston, de rendre plus doux certains frottements; mais ils conduisent à des machines d'une complication, d’un poids et d’un volume évidemment antirationnels, dans un navire où tout doit au contraire être simple, allégé et réduit de voli me. La discussion des deux systèmes nous entraînerait à de très-longs développements ; mais, nous l’avoubrons, le retour aux engrenages de la part de constructeurs aussi expérimentés que MM. Todd et Rennie, auxquels se joignent d’autres ingénieurs justement célèbres, est un fait grave qui rétablit le doute; heureux si la manie d’imiter, si la mode qui ne respecte pas plus les machines qu’autre chose, n’amène pas légèrement une réaction contre les machines à mouvement direct dans la navigation.
- Une seconde question bien grave et plus incertaine encore est soulevée par la comparaison de la machine du Greusot avec les autres systèmes exposés. Todd, Rennie, Penn dans sa machine oscillante, Seaward dans son système atmo--sphérique à trois cylindres, se sont proposé d’occuper le moindre espace dans la coque ; l’usine de Motaia et M. Gâche ont été plus loin : on sait que dans tout navire la partie inférieure de la carène est rétrécie vers la quille, et que l’extré*-
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- mité postérieure de la coque est amincie pour former l’évidement arrière, en sorte que le bâtiment ne contient en ces parties qu’un espace étroit difficile à employer dans l’emménagement et dont la section présente un triangle renversé. Eh bien ! c’est cette partie du navire que l’ingénieur de Mo-tala et M. Gâche ont su utiliser pour l’installation de la machine. Ce dernier constructeur, obligé de placer l’appareil moteur au milieu de la coque dans les bateaux à voyageurs qui vont faire le trajet rapide de Paris à Rouen, a, pour ménager l’espace, mis les machines au-dessus des chaudières.
- Quant au Creusot, son système est l’opposé du précédent. Jugeant qu’il ne peut être employé aucun moyen pratique pour empêcher la coque de se déformer sous le poids de la machine, qui la charge sur un seul point, l’ingénieur donne à l’appareil moteur la plus grande longueur possible pour répartir la charge sur une grande étendue. Le premier système satisfait évidemment plus la raison ; mais le second a aussi pour lui la consécration d’une longue expérience; les motifs de préférence ne pourraient être développés que par de très-longùes discussions; nous n’avons pu poser ici que le problème.
- Nous ne dirons rien de l’exécution des machines exposées. Avec des soins, de l’intelligence dans la conduite des ateliers, la distribution et la surveillance du travail, il n’y a plus de constructeurs qui ne puissent bien faire, surtout quand il s’agit d’offrir ses produits aux regards des visiteurs du monde entier.
- Le Creusot a depuis longtemps fait ses preuves ; Todd , Seaward , le constructeur hollandais Wlissingen ont comme les premiers apporté tous les soins voulus à leur exécution. Quant à l’usine suédoise de Motala , que peu de personnes connaissaient sans doute, elle a révélé son existence par une machine où le génie des détails et le fini du travail sont également remarquables.
- Nous demandera-t-on maintenant nos critiques sur les machines des bateaux? Des critiques générales, nous n’en avons pas à faire; nous avons mis en présence diverses opinions, divers systèmes qui ont leur raison d’être et entre lesquels le choix est bien difficile ; le lecteur jugera s’il le peut. Quant aux critiques de détails, il eût fallu étudier chaque
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- machine séparément dans cette note. Encore ces critiques se fussent-elles bornées à quelques parties trop compliquées ou d’un abord difficile.
- Pour ce qui regarde ces divers projets d’appareils nouveaux , dont l’expérience n’est pas même annoncée et dont beaucoup n’ont pas encore reçu une forme discutable et sont à l’état d’étude ébauchée, nous n’avons pas cru que l’étendue limitée de cet article nous permît d’en entretenir le lecteur.
- A part ces ébauches et pour nous résumer, nous dirons que l’exposition des machines de navigation contient peu de choses, mais toutes dignes du plus haut intérêt.
- Un dernier mot pour signaler un produit d’un intérêt tout actuel, admis à l’Exposition.
- Vers le milieu de l’Annexe, deux maîtres de forge, M. Schneider, du Creusot, et l’association Pétin, Gaudet et Jackson, de Rive-de-Gier, ont exhibé d’énormes planches de fer laminé, larges de 80 centimètres, sur \ 0 centimètres d’épaisseur et 4 à 3 mètres de long. Comme ouvrage de forge et qualité de fer, ces deux pièces sont déjà d’un grand intérêt ; mais elles captiveront bien mieux encore l’attention quand on saura que ce sont des fragments du bordage de batteries flottantes, citadelles bardées de fer, destinées à battre les forteresses russes et à recevoir impunément leurs boulets.
- Ce sont de très-puissants navires à vapeur d’une extrême stabilité et d’un tirant d’eau assez faible pour approcher de très-près ces murailles ennemies, que des écueils naturels ou artificiels ont protégées jusqu’ici contre nos flottes. Ces batteries flottantes, suffisamment définies parleur nom, constituent, avec les chaloupes canonnières qui ont déjà rendu de si grands services, deux armes de guerre nouvelles, dont on attend de grands effets, et que la présence des bordages de fer à l’Exposition nous conduisait naturellement à signaler dans ce compte rendu des appareils de navigation.
- Armes et projectiles.
- L’Exposition présente un très-bel assortiment d’armes de guerre et d’armes de chasse. Parmi ces dernières, il en est plusieurs qui sont de véritables œuvres d’art, et dont, à ce
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- titre, le prix s’élève à de fortes sommes. On peut donc voir, côte à côte, un fusil de 10 fr. et un fusil de 10 000 fr. Entre ces deux extrêmes de nombreux intermédiaires sont dignes aussi de fixer l’attention.
- Dans la partie française, il faut citer en première ligne l’exposition du ministre de la guerre et celle du ministre de la marine, qui comprennent tous les modèles d’armes de guerre, à feu ou blanches.
- Nous signalerons surtout dans la première, le mousqueton du commandant Treuille de Beaulieu , exécuté d’après le programme exprès de l'Empereur, et dont sont armés les cent-gardes. Une coupe réelle, faite dans l’une de ces armes, permet d’en embrasser d’un coup d’œil tout le mécanisme, dont la simplicité est extrême.
- Dans l’une des moitiés, la balle est au repos; dans l’autre, l’arme a déjà fait feu et le projectile est eu mouvement. Le mousqueton peut être terminé par un sabre-latte qui le transforme en une lance redoutable, qui n’a pas moins de 2m,18 de longueur.
- Depuis la guerre d’Orient, les journaux parlent fréquemment d’une arme qui, dans les mains de nos chasseurs d’Afrique et dans celles des tirailleurs anglais, est devenue la terreur des Russes, par la justesse et la portée de son tir. Ils désignent généralement cette arme sous le nom de carabine Miniè.
- Faisons en quelques mots l’historique de ce redoutable instrument de destruction.
- Dans l’ancienne carabine, le projectile sphérique était un peu plus gros que l’âme du canon rayé en hélice, dans laquelle on l’enfonçait à coups de maillet, ce qui exigeait, pour la charge, un temps tellement considérable, que la carabine était à peu près abandonnée dans les armées , lorsque M. Delvigne entreprit, en 1826, delà réhabiliter.
- Son point de départ fut l’emploi d’une balle sphérique descendant librement dans le canon, au fond duquel elle s’arrêtait sur les bords d’une chambre plus étroite contenant la poudre. Quelques coups d’üne baguette suffisamment lourde y aplatissaient la balle, qui se moulait ainsi dans les rayures, condition qui l’assimilait à la balle forcée de l’ancienne carabine.
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- Plus tard il substitua à la balle sphérique une balle cylin-dro-conique , creuse dans la partie cylindrique, et qui était refoulée au moyen d’une baguette dont la tète portait une creusure conique dans laquelle se logeait la pointe de la balle, maintenue ainsi dans l’axe du canon. Le tir devint alors d’une justesse prodigieuse.
- En 1842, M. Thouvenin , de concert avec M. Minié, créa la carabine à tige, comportant une balle cylindro-conique, mais pleine, que la baguette comprime sur une tige d’acier fixée au centre du bouton de culasse. Ces conditions sont aujourd’hui celles de la carabine de nos chasseurs d’Afrique.
- En 1849, M. Minié reprit la balle creuse de M. Delvigne dans la cavité de laquelle il logea un culot tronc conique de fer qui, chassé par les gaz de la poudre, s’enfonce dans cette cavité, dilate les parois de la balle et les force à se mouler dans les rayures avec plus d’énergie que ne le fait le refoule-. ment par la baguette.
- Il est juste de dire que, très-antérieurement, M. Delvigne avait constaté que ces mômes gaz, en pénétrant dans la cavité de la balle, en déterminaient l’enfoncement plus complet dans les rayures.
- Il paraît que les Anglais, qui d’abord avaient adopté le culot de M. Minié, jugent aujourd’hui suffisante la dilatation de la balle par les gaz de la poudre.
- Nous croyons que, en présence de ces faits, il faut reconnaître que l’initiative, ainsi que la base de cette importante modification appartiennent à M. Delvigne, et qu’il serait de toute justice d'accoler son nom à celui de M. Minié dans la désignation delà nouvelle arme.
- M. Pidault, des forges d’Audincourt, expose des fusils achetés par l’Empereur, et dont les canons sont emboutis par les procédés ingénieux de M. Palmer. Ils se chargent par la culasse, d’après un système qui permet d’employer la car-: touche actuelle d’infanterie, ce qui n’avait jamais eu lieu jusqu’ici.
- Les manufactures de Saint-Etienne, de Mutzig et de Châ-tellerault figurent honorablement par leurs produits.
- MM. Coulaux, de Klingenthal, exposent des cuirasses de la garde, exécutées en acier fondu, de MM. Jakson. Elles sont impénétrables à la balle dans la condition des épreuves, et
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- pèsent environ 3 kilogrammes de moins que les cuirasses en usage jusqu’ici.
- Si nous abordons les armes de chasse, nous remarquerons que le système prédominant est celui de Lefauclieux, plus ou moins heureusement modifié. Nous trouvons une exception remarquable dans celui de M. Gastinne-Renette, qui, bien que se chargeant par la culasse, n’exige pas le mouvement de bascule du canon , ce qui donne à l’arme une solidité beaucoup plus grande et .permet en même temps un tir très-rapide.
- Nous recommanderons l’emploi d’un petit mécanisme de M. Guérin , pouvant s’adapter à la plupart des armes à feu, et qui a pour but d’arrêter le jeu des gâchettes lorsque l’arme n’est pas entre les mains du chasseur. Par la pression que la main exerce sur la poignée du fusil, lorsqu’on met celui-ci en joue, les gâchettes se trouvent libres; et, en pressant la détente, le coup part. Enfin, la portion extérieure du mécanisme peut s’enlever facilement à volonté, lorsqu’on n’est pas en chasse, et rendre presque impossibles les accidents déplorables qui ont lieu si fréquemment par suite de l’oubli ou de 1;abandon momentané de fusils chargés.
- Les amateurs d’armes de luxe trouveront, dans les vitrines de l’arquebuserie parisienne, de nombreux sujets d’admiration. Partout l’art le dispute à la richesse de la matière, et l’emporte souvent.
- A vrai dire, nous ne sommes pas bien certain que ces admirables ciselures aient, pour la plupart, d’autre destination que celle de figurer dans leur boîte ou dans un trophée; nous né voudrions pas répondre que leur usage ne fût pas accompagné de quelques inconvénients, tel, par exemple, que celui de s’écorcher la joue en l’appuyant, pour le. tir, contre les mille et une saillies que le ciseleur a fait surgir sur la crosse d’un fusil, ni que les mains en puissent impunément serrer la poignée ou la sous-garde.
- Ces remarques ne s’adressent pas toutefois aux belles armes commandées par l’Empereur à M. Gastinne-Renette, sur' des dessins approuvés par S. M. Ces armes se composent d’un fusil à deux coups, d’une paire de pistolets, et d’un fusil à un coup, système des cent-gardes; enfin d’un couteau.de chasse et d’une épée.
- L’or, l’argent qui y sont prodigués y brillent moins par leur
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- éclat que par l’art infini avec lequel une main habile les a travaillés.
- En les voyant, on croit impossible de faire rien de plus beau, ni surtout de plus riche; et cependant, tout à côté, dans la même vitrine, apparaissent une carabine et une paire de pistolets (système Gastinne), commandés par le vice-roi d’Êgvpte, où l’art, s’aidant du goût oriental, a su faire quelque chose de plus brillant encore , grâce aux diamants, aux rubis, aux émeraudes qui y sont prodigués. On se fera peut-être une idée de cette magnificence, digne des Mille et une Nuits, lorsque nous aurons dit que trois petites cartouchières valent à elles seules près de 100 000 francs.
- Pressé par le temps et l’espace nous passons sous silence d’autres pièces riches de M. Gastinne-Renette, pour signaler l’excellente fabrication de ses armes ordinaires et surtout de ses canons de fusil dont la solidité est telle (nous parlons de visu) qu’ils ne crèvent qu’à la dix-huitième épreuve, comportant successivement chacune une charge en plus, de poudre et de plomb de chasse; cette énorme résistance est due à un mode particulier de fabrication qui consiste, en principe, à substituer, au ruban plat ordinaire, enroulé sur une chemise de tôle, deux rubans triangulaires formant, l’un, une vis, l’autre, son écrou que le marteau réunit l’un à l’autre en formant des soudures croisées sur des plans obliques dans lesquels les travers sont absolument impossibles.
- Ne quittons pas ce sujet sans dire que les canons fabriqués par M. Léopold Bernard, pour les arquebusiers de Paris, sont toujours dignes de son ancienne réputation. N’oublions pas non plus ceux de son frère Albert.
- Dans le plus grand nombre des vitrines de l’arquebuserie française, à côté des armes de luxe, produits souvent exceptionnels, exécutés en vue de l’Exposition, on trouvera de belles et bonnes armes d’un prix abordable pour tout le monde.
- Citer sur ce point MM. Blanchard, Beringer, Caron, Clau-din, Devisme, Gauvain , Lefaucheux, Lefaure, Lepage-Mou-tier, Thomas, etc., c’est rappeler à nos lecteurs des noms bien connus, jouissant d’une réputation justement méritée. .
- Qui ne connaît maintenant les revolvers , ces armes qui permettent le tir rapide de six coups consécutifs. Ils abondent a l’Exposition. Trois paraissent se disputer la prééminence. $06 kk
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- Le plus ancien en date est celui de MM. Coite, puis vient celui de M. Lefaucheux, et enfin celui de M. Gastinne-Re-nette; ce dernier, que nous avons pu èxaminer à loisir, nous a paru remarquable par sa simplicité et la sûreté de ses effets.
- Nous n’apprendrons probablement rien de nouveau aux chasseurs en leur signalant l’excellente qualité des cartouches de chasse que fabrique M. Chaudun pour tous les systèmes connus d'armes à feu, ainsi que celle des capsules de la maison Gevelot et de sa rivale, plus connue à l’étranger, la maison Gaupillat.
- Si nous passons dans les expositions étrangères, nous constaterons que la Belgique a voulu conserver son rang dans l’industrie armurière, et queses principales maisons ont envoyé de nombreux échantillons de leurs produits.
- Dans la vitrine de M. Mangeot, on remarque de beaux fusils dont la monture en bois d’ébène est très-richement sculptée. Le revolver Comblain-Mangeot offre l’avantage de fournir un feu continu et de permettre d’ajuster à loisir, le chien restant immobile.
- MM. Lepage , qui ont une maison à Paris, ont une excellente collection d’armes de toutes les fabriques belges, et de tous les prix, depuis les fusils Cadet, à 5 fr. 50 c., jusqu’aux fusils de chasse de 500 francs et plus. .
- La maison Falisse et Trapmann, de Liège, présente une remarquable collection d’armes de guerre de toutes les nations, et un très-bel assortiment de capsules de guerre et de chasse, et de cheminées.
- M. Lepage, de Liège, expose un fusil à quatre coups d’un système nouveau. Les quatre canons sont superposés deux à deux ; mais il n’y a que deux platines. La tête des chiens est articulée de manière à s’allonger ou à se raccourcir pour percuter successivement sur les deux cheminées de droite ou de gaucne.
- M. Lemhle, au milieu d’un nombreux assortiment d,’armes de guerre et de chasse, expose un fusil double dont la crosse est très-richement sculptée.
- Les armes à glissière de M. Colette méritent de fixer l’attention.
- , Dans les vitrines de MM. Jansen et Colard, on remarque de
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- très-belles boîtes de pistolets. Les pistolets de M. Colard sont montés en ivoire travaillé avec beaucoup de goût.
- M. Malherbe a un très-beau fusil et une paire de pistolets riches qui se recommandent à l'attention des amateurs.
- MM. Raick et fils ont exposé de belles et bonnes armes de chasse, parmi lesquelles il faut remarquer un fusil et une paire de pistolets dont les ciselures sont très-finement exécutées.
- Nous signalerons, dans les États sardes, la lumière mobile pour les pièces d’artillerie désignée par son auteur sous le nom de grain Mathis.
- Elle est formée d’une espèce de boulon en cuivre rouge traversé par un trou longitudinal, et dont la tête se loge dans une creusure de même forme, pratiquée, dans la paroi intérieure du canon, autour du trou cylindrique occupé par le corps du boulon, dont on rive l’autre extrémité à l’extérieur de la pièce, pendant qu’on soutient la tête à l’intérieur au moyen de deux mâchoires en fer tenues écartées par un coin de même métal. Si l’on a besoin de remplacer la lumière, il suffit d'enlever la rivure du boulon et de l’enfoncer à l’intérieur pour faire place à un autre, sans qu’il soit nécessaire-de renvoyer la pièce dans un arsenal; l’outillage pour cette opération se bornant à un poinçon, à un marteau, et aux mâchoires décrites plus haut.
- En Prusse , l’objet le plus intéressant est le canon d’acier fondu de M. Krupp, dont la durée doit être indéfinie. Les cuirasses, également en acier fondu, du même fabricant, sont très-notablement allégées sans cesser d’être à l’épreuve de la balle.
- La fabrique de Solingen est dignement représentée par MM. Lüneschloss et Holler. Les vitrines de ces deux exposants renferment chacune une très-riche collection de lames de toutes formes et de tous modèles, dont les prix sont très-modérés. Ce qui distingue la fabrique de Solingen, c’est d’abord la beauté du poli et l’ornementation en or des lames. Elle se distingue aussi par les gardes de sabre, en fer du en acier. Nous ferons particulièrement remarquer deux gardes d’épée, une paire de ciseaux de bureau richement ciselée, un sabre acheté par l’Empereur, et une lame portant en relief le portrait de S. M.
- Bien que les principaux arquebusiers de la Grande-Bre-
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- tagne aient fait défaut, l'exposition anglaise se distingue par de beaux fusils de chasse, parmi lesquels nous remarquons deux fusils vendus au prince Albert par M. Rigby, de Dublin.
- M. Piedham expose un système de chargement par la cüf lasse, dans lequel le fulminate est enflammé par une aiguille, comme dans le fusil prussien.
- M. Schlesinger expose aussi un système de chargement par la culasse dans lequel le chien ordinaire est remplacé par une aiguille.
- Dans la quincaillerie anglaise s’est fourvoyé un fusil à harpon destiné à la pèche de la baleine.
- En Bavière, l’ancienne et célèbre maison Kutchenreuter a exposé, entre autres objets d’arquebuserie, un beau fusil de chasse et une paire de pistolets dont les ciselures et les sculptures sont très-remarquables.
- Nous signalerons, dans l’exposition autrichienne, une carabine ciselée par Rinzi, de Milan, qui mérite l’admiration de tous les amateurs.
- M. Bellot, l’un des premiers qui aient introduit en France la fabrication des capsules, et qui a transporté sa maison à Prague, a exposé une très-belle collection de capsules.
- Les amateurs de tir pourront voir avec intérêt, dans l’exposition suisse, plusieurs arquebuses en usage dans les tirs fédéraux.
- L’exposition espagnole se distingue par de magnifiques armes exposées par MM. Zuloaga. Les unes appartiennent au roi d’Espagne, les autres au maréchal Narvaez ; toutes offrent des ciselures du plus grand mérite. Les auteurs de ces belles pièces ont également exposé un bouclier, et en dehors de l’arquebu-serie, un tableau d’animaux en fer ciselé qui les classent parmi les grands artistes.
- Les curieux doivent aller visiter, dans le quartier hollandais, descangiars et des crics malais dons les lames sont empoisonnées. Les fourreaux sont en bois rare et les manches ornés de pierreries.
- Les Indes anglaises ont aussi envoyé de nombreux spécimens de l’armement des indigènes.
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- CLASSE XIV.
- Constructions civiles.
- L’art des constructions fait appel aux produits des industries les plus diverses ; il fait emploi des matériaux nombreux que lui offre la nature. Ces ressources sont aussi dispersées dans les différentes parties du Palais de l’Industrie , qu’elles sont variées dans la nature; aussi le visiteur, désireux de les apprécier, devra-t-il se préparer à parcourir l’étendue presque totale de ces nombreuses galeries qui constituent aujourd’hui l’Exposition universelle. Nous essayerons de le guider pour abréger cotte course, sans toutefois sortir du cadre tracé par la classification , qui a servi de base à l’arrangement des produits.
- Les éléments qui prennent la première place parmi les moyens que l’architecte ou l’ingénieur mettent en jeu sont assurément les matériaux. Us prennent dans les édifices un rôle déplus en plus important, à mesure que leurs qualités,* leurs dimensions, leurs propriétés, en un mot, sont plus développées et plus définies, et les ouvrages qu’ils composent sont surtout caractérisés par l’emploi de ces propriétés. L’art inscrit dans ses compositions le but qu’il veut atteindre. Les formes qu’il crée servent et définissent ce but ; mais uniquement, selon que le permet la matière disponible. Aussi la nature des matériaux influe-t-elle sur le caractère monumental de chaque pays, de chaque peuple. Chaque monument d’une contrée doit avoir son originalité déduite de la destination pour laquelle on l’a fait; tous les monuments d’une même contrée ont une tournure de famille qu’ils prennent dans la communauté des matériaux qui les composent. Les arts do tous les temps nous parlent ainsi : l’antiquité, le moyen âge et notre âge aussi. Quand un pays est largement pourvu de pierres de grande résistance, les édifices facilement exécutés affectent des formes simples, grandes et imposantes. Quand les petits matériaux seuls se présentent, la nécessité de dis-
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- positions plus cherchées et plus difficiles amène à des formes ingénieuses, mais compliquées, accidentées, quelquefois pittoresques. Là où les bois abondent, un autre genre de simplicité se produit à côté d’une apparence de légèreté inséparable de cet élément végétal. Quand le fer arrive avec ses dimensions si commodes dans l’emploi que l’industrie perfectionnée de ces derniers temps a permis d’atteindre, on voit entreprendre des ouvrages audacieux relativement à ceux du passé : les portées et les vides s’accroissent ; on franchit sans soutiens intermédiaires des espaces considérables ; le pont de Britannia est jeté sur un bras de mer avec des travées de 130 mètres. Mais les œuvres prennent une figure grêle, inusitée jusqu’alors, tout y montre une propriété de résistance qui frappe l’œil, et souvent l’inquiète péniblement. A l’examen des nombreux efforts de production minéralogique ou industrielle dont on rencontre le témoignage à chaque pas dans les galeries, l’esprit tend, malgré soi, à s’appesantir sur ces distinctions qui portent l’art moderne sur un terrain si nouveau. C’est vers le caractère qui doit appartenir à nos grandes constructions industrielles, c’est vers la juste appréciation de ce caractère que se tournent, dans la pratique, tous les efforts tentés aujourd’hui par les constructeurs. Les matériaux et la concurrence qu’ils se font prennent donc une part considérable dans cette question.
- Métaux.
- Depuis quelques années, les métaux se sont introduits dans la construction en augmentant chaque jour et de plus en plus le domaine de leurs applications. Ils se sont approprié des emplois dont ils ne paraissaient d’abord nullement susceptibles. Ce ne sont plus simplement des combles d’édifices, que l’exception, d'ailleurs, voyait seule s’exécuter en cette matière, ce ne sont plus des applications restreintes et secondaires, telles que la consolidation des parties principales d’une construction ; ce sont, au contraire, les ouvrages entiers et les plus importants comme les plus courants qui se font maintenant tout entiers en fer : les tabliers de nos ponts, les fondations des grands ouvrages, les planchers, les combles et les couvertures mêmes de nos habitations. Les pilotis en fer
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- avis si généralement employés en Angleterre, en concurrence avec les caisses en fonte, le mode de constructiqn de toutes les maisons et édifices publics récemment érigés à Paris, tous ces travaux nous montrent chaque jour l’importance croissante que prend le métal dans les constructions.
- Pour répondre à ce besoin, on comprend ce qu’ont fait les forges en parcourant les expositions de nos principales usines et celles des étrangers. Les premières surtout, parce qu’elles sont les seules qui fabriquent le fer à T, cet élément précieux et nouveau si généralement employé chez nous dans la construction de planchers. La Providence (Annexe, pile 63 D), Mau-beuge (Annexe, pile 62 A), et Montataire (Annexe, pile 59 D) en France, nous montrent des fers à T de tous échantillons, propres à la confection de toutes espèces de planchers, des cornières, aussi très-variées dans leurs dimensions, et adoptées à l’agencement, de pièces composées pour les résistances les plus diverses. Les fers de la Providence atteignent à 6m,96 de longueur et 0"',30 de hauteur. Ceux de Maubeuge ont aussi la même hauteur. A Montataire, la hauteur n’excède pas 0,u,26, mais la longueur s’accroît jusqu’à 44”,45. Ces dernières dimensions paraissent plus appropriées aux besoins industriels qu’aux exigences du bâtiment. Montataire d’ailleurs possède des tôles ondulées à petites ondulations qui s’appliquent comme couverture sur les pannes, en supprimant les chevrons et le lattis. Cette usine fabrique aussi des tôles ondulées courbes, à fortes ondulations (0,n,16 sur 0m08) pour l’établissement de couvertures sans fermes, ni pannes, ni chevrons. Ces tôles ont été employées avec succès il y a deux ans par M. Eugène Flâchât à la couverture de la gare de marchandises du chemin de fer de l’Ouest (rive droite). Elles se recommandent comme solution aussi économique que simple dans les cas analogues à l'Application que nous venons de signaler. Les avantages de cetle disposition s’expliquent par l’absence de pièces secondaires, par ce fait que la lame de métal est, en réalité, elle-même un ensemble de fermes constituées par les parties verticales des ondulations, et qu’elle forme un contreventement général par toute sa surface horizontale.
- D’aütres usines, le Creusot, Commentry, etc., offrent aussi en France les éléments de construction que nous venons de
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- rencontrer. Mais ces établissements réservent principalement leur production pour les fers propres aux grands travaux publics ou aux constructions mécaniques. L’article métallurgie, qui comprend l’examen des forges et de leurs produits, nous dispense de parler ici des rails et de citer les prodigieux résultats auxquels on est parvenu tant chez nous que chez nos voisins. A ces résultats, il faut joindre les belles pièces de fonderie obtenues par presque toutes les usines, et,comme témoignage des ressources que donne à la conslruction cette industrie, nous citerons Tare de l’étage souterrain des halles centrales de Paris, fondu par l’usine de Mazières et exposé au vestibule central de l’Annexe en face l’entrée; la conduite d’eau de Madrid, fondue par l’usine de Fourchambault et composée de tuyaux de 3 mètres de long, qui atteignent jusqu’à 0m,92 de diamètre; la collection des modèles de poutres exécutées par l’usine de Marquise.
- Ce bilan, à peine indiqué, nous montre assurément de grandes richesses et qui paraissent suffisantes. Cependant l’industrie n’échappe pas à la loi générale du progrès. Dès qu’une tentative a fait faire un grand pas dans un sens, une tentative voisine se produit pour marcher à côté, progressive aussi. Rien n’est plus clairement écrit que cette vérité à l’Exposition, dans les différents matériaux de construction qui y ont été rassemblés. On a vu les forges de tous les pays produisant des fers de construction, préparés avec un soin et une prévoyance remarquables pour presque tous les besoins qui peuvent se présenter dans l’établissement des grandes poutres de ponts, des planchers, des combles, etc. C’est un état industriel très-avancé qui se manifeste surtout par la suffisance permanente des moyens de l’usinier aux demandes qui lui sont faites. Cependant observez. Voici que ces ressources, créées surtout en vue des lacunes que nous présentaient les forêts sur le continent, vont trouver devant elles toutes les promesses que nous font les innombrables échantillons de bois de toute espèce, venus en profusion de toutes les colonies.
- Bois.
- Parcourez l’exposition du Canada dans l’Annexe (entre les colonnes H et Lé), montez aux galeries latérales supérieures,
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- longez les travées où sont développées les collections de bois, de la. Jamaïque, de la Guyane anglaise (pile 1 à 15, côté A),> delà Nouvelle-Galles du Sud, où MM. Moore et Mac Arthur ont réuni et étiqueté, avec tant de soin, plusieurs centainesdebilles de bois; examinez les échantillons de la terre de Van-Diemen, ceux de nos colonies même où l’om a malheureusement été bien avare sous le rapport des dimensions ; réunissez et comparez les propriétés si nouvelles et si diverses que vous.présentent ces végétaux pour la plupart inconnus jusqu’à présent, et voyez s’il n’y a pas là des éléments de construction dont on.doive tirer un parti très-important dans le cas où ils pourraient nous parvenir économiquement et régulièrement. Ce dernier point s’élucidera assurément avant la fin de l’Exposition. Les travaux des jurys nous permettent de l’espérer, l’intérêt des exposants nous le promet, et déjà, si nous avons bien pu nous renseigner, nous devons penser que l’avenir ne refusera pas au continent l’emploi permanent de ces magnifiques matériaux.
- Les immenses forêts de la Guyane britannique qui n’exporte guère, il faut le dire, jusqu’à présent plus de 6 à 8000 mètres cubes de bois de construction ou d’ébénisterie, sont à peine assez explorées jusqu’à présent pour qu’on en connaisse lés principales essences. Il en est de même des autres colonies. Mais que le besoin de consommation se fasse sentir, que la hache du bûcheron pénètre plus hardie et plus intéressée au milieu de cette riche végétation, et nous verrons bientôt apparaître sur nos chantiers, d’abord des variétés nombreuses de bois d’ébénisterie dont nous sommes si pauvres, telles que le crab-wood, le caslana ou cèdre rouge, le mariwayana ou cœur pourpre, le wadaduri ou pot de singe, le palmier tooroo, le bucaballi, le sibadani, le wamara ou ébène brun, Vacuyuri, le hyaioa bally, le ducaliballi, le cartan, etc.; des, bois de menuiserie, tels que le wallaba, le kakarelli, le icar-. racoori ou cèdre blanc, le simarouba, le bully, le ourichè, etc. ; des bois de charpente même, tels que le simeri, déjà employé en Angleterre, Yadabadani, le kitchia, le turanira, le aru- -mata, le moraballi, le manibelli ou bois chandelle, le sipiri, le tonka, bois présenté comme éminemment durable.
- Voilà les collections que le constructeur ne doit pas néglb ger de visiter. Elles sont pleines d’intérêt, surtout quant aux.
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- bois de menuiserie. L’emploi de ces bois dans nos habitations, en nous offrant des surfaces naturelles agréables à l’œil, permettrait la suppression de beaucoup de peintures coûteuses salissantes, que nous n’employons la plupart du temps que parce que nos bois sont pauvres d’aspect et remplis de défauts.
- Nous devons signaler le succès complet qu’obtient à l’Exposition le trophée du Canada, élevé au milieu de la travée 41-12. Ce sont des bois d’espèces variées, mais surtout des portes, des croisées et des persiennes fabriquées au Canada même, et qui, si nous sommes bien renseigné , ne reviendraient en France qu’à un prix inférieur de 15 pour 100 à celui que nous payons ici pour les objets de facture analogue, sinon identique. Les Canadiens n’en sont pas seulement arrivés à tirer de leurs grandes forêts les beaux types qu’elles renferment. Ils ne se contentent pas d’exporter pour 40 millions de bois chaque année. Leur habileté industrielle s’est employée à tirer déjà le parti le plus économique de ces matières premières, en les débitant et les façonnant avec des machines qui leur permettent d’établir sur une grande échelle et d’offrir commercialement les objets de menuiseriecourante. Ce fait, que nos voisins d’Angleterre ont déjà consacré, devrait fixer quelque peu l’attention chez nous. De gré ou de force, il faudra bien que nous l'acceptions» et malgré notre juste répugnance à voir s’introduire l’élément de fabrication dans l’établissement de nos demeures, malgré la résistance que fait et doit faire l’artiste à cette tendance qui lui énlève, au bénéfice de l’industriel, une part d’acr tion jusqu’ici respectée, la loi économique fait son chemin. Elle dit à l’industriel de supplanter l’artiste partout où le consommateur peut trouver augmentation de bien-être à cette substitution ; elle soutient et relève le courage de l'artiste en changeant le milieu de ses créations, en rehaussant le champ de ses études, en l’appelant à traiter des applications plus grandes et plus générales, à mesure que les besoins moraux des sociétés s’élargissent et s’augmentent. Mais tout cela c’est le progrès , et le progrès fatal. Inscrivons donc un fait dans nos observations, fait heureux. Le Canada nous enverra de bonnes menuiseries toutes faites en bons bois. Il nous enverra aussi des bois débités sur lesquels nous suivrons son exemple en fabriquant à la mécanique des portes, des croisées, des
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- persiennes, des lambris que le commercé dispensera aux architectes, lesquels s’arrangeront pour le mieux, en guidant de leur sage influence cette fabrication industrielle, et en imprimant le cachet de l’art, c’est-à-dire de la pensée originale, à tant de choses qui en manquent.
- Mais le Canada, qui nous entraîne dans des prévisions que nous ne pouvons croire hasardées, n’est pas la seule contrée qui présente cette espèce d’intérêt dépendant de tout ce qui est nouveau dans le champ de l’utile. Plus active, plus intelligente, plus audacieuse que d’autres peuples lointains aussi bien pourvus d’éléments de production, cette nation attire particulièrement sur elle l’attention. Ce que nous venons de dire concerne en même temps la plupart des colonies. Il en est une toutefois dont nous devons spécialement nous occuper.
- L’Algérie , qui ne paraît présenter que des échantillons de bois propres à l’ébénisterie, ne doit pas être oubliée par le constructeur. La plupart de ces bois peuvent ou doivent avoir une application prochaine dans les boiseries de celles de nos habitations privées où le luxe et le confortable se disputent la'satisfaction de nos goûts ou de nos besoins. Quel architecte un peu avide de fantaisie ou de variété ne prévoit avec envie le moment où il pourra ajuster dans les panneaux de ses portes ou de ses lambris, ces belles teintes de chêne à glands doux, dont la maille rosée est d’un aspect si coquet et si nouveau ? Quelles ressources ne trouverait-il pas dans ces belles faces d’olivier et de thuyd si pittoresquement accidentées,, où la variété et l’harmonie des tons se marient à la finesse de la contexture ? Ces deux essences, très-répandues sur notre sol africain, fournissent des aspects différents suivant qu’on en débite la racine, la loupe ou la tige. Il faut voir les bois très-bien travaillés et très-brillants qui figurent sur les deux galeries supérieures de l’exposition algérienne, pour apprécier l’importance que peut prendre cette production végétale. Évitons toutefois de juger sur les meubles que quelques ébénistes d’Alger ont envoyés. Nous sommes trop habitués au goût qui préside à la confection de nos meubles parisiens, pour ne pas regretter les contrastes de tons heurtés, la lourdeur des moulures, la banalité et lo manque de rapports dans la valeur des ornements sculptés qui se rencontrent sur
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- ces objets, et notre œil fatigué estimerait mal la matière qu’il faut voir sous cette robe d’emprunt inopportune. Une table a jeu très-bien galbée , de jolis pianos, parmi lesquels nous signalerons celui de l'extrémité de la galerie, côté de la Seine, font au contraire valoir tout le parti qu’on peut tirer des racines et des loupes ô’olivier, du bois de thuya. L’exposition du ministère de la guerre possède encore un spécimen curieux qui mérite de fixer l’attention. C’est une table formée d’une seule tranche de cèdre, débarrassée de son aubier. Cette tranche a \ mètre 60 de diamètre, et montre la grosseur que cet arbre atteint quelquefois. Sans voir dans ces dimensions un élément normal sur lequel puisse compter l’industrie, il faut constater que la province d’Alger est la source de cette production, et que les forêts qu’elle contient sont riches en cèdres de cette nature. D'ailleurs nous avons pu voir sur les tables de l’exposition algérienne, des essences qui tiennent de plus près aux applications utiles du constructeur, le chêne zeem, que ses grandes dimensions rendent propre aux constructions navales, les chênes-liège, très-abondants.
- Il paraît que plusieurs centaines de mètres cubes de ces différents bois sont depuis quelques mois parvenus à Paris, et vont alimenter nos ateliers d ebénisterie. Attendons avec confiance des applications plus générales pour juger de leur emploi possible dans nos habitations. Après les longs efforts de la conquête, voici venir peut-être le temps ou il faut prévoir la récolte, et se préparer à savoir en user. L’agriculteur va retourner la terre féconde qui jadis alimentait les villes romaines, il y implante la culture moderne du coton que nos habitudes et nos besoins réclament de développer sur un sol national ; de son côté, le constructeur doit paiticiper à cet élan, en lournant les yeux vers les produits qu’une industrie naissante paraît lui promettre pour un prochain avenir. A ces bois que nous venons d’examiner se joignent, parmi les produits algériens, des matériaux minéraux devant lesquels nous n’oublierons pas de nous arrêter, quand nous étudierons les pierres et les marbres.
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- Pierres.
- Les pierres de construction se présentent en échantillons assez remarquables en deux points de l’Annexe. Vers la colonne 55, côté D , se trouve une collection de pierres des environs de Caen, présentées sous les noms de pierres à’Allemagne, à’Aubigny, de Banville et de Fontenay. Ces matériaux, qui proviennent des affleurements jurassiques de la côte de Bretagne, sont d’un grain fin, très-homogènes, susceptibles d’être taillés à arêtes vives, et très-propres à la sculpture. Les premières surtout conservent ce caractère ; les deuxièmes, à aspect plus cristallin, sont plus dures et moins faciles à travailler r on les dit quelquefois gélives. Les autres, qui paraissent être des calcaires à polypiers, ont été jusqu’ici plus spécialement employées dans les constructions hydrauliques. Cette exposition nous paraît digne d’un véritable intéiét. Nous avons vu , avec quelque espoir de les retrouver bientôt, sur nos chantiers de construction parisiens, ces spécimens de matériaux qui constituent la plus grande partie des belles églises normandes de Caen, de Bayeux et de Falaise. Les prix auxquels ces pierres sont extraites dans la localité, de 15 à 35 francs, suivant le degré de dureté, ne laissent aucun doute sur la possibilité de les amener à Paris, où les qualités, dépendant de leur formation géologique, ne laisseraient pas que de leur donner des avantages marqués sur les calcaires tertiaires. Il faut regretter de ne pas voir les carrières de la Bourgogne, et particulièrement celles de la Côte-d’Or, représentées à l’Exposition. Elles avaient à fixer l’attention des constructeurs sur les ressources très-étendues que présentent en calcaires de construction leurs riches couches jurassiques. Paris et ses environs sont particulièrement intéressés à puiser dans ces carrières un peu éloignées, il est vrai, mais accessibles cependant, depuis que nos voies de communication se sont développées, et que les pierres dures, les bancs francs et les bancs royals s’épuisent, comme ils le font tous les jours dans la banlieue. On voit dans le jardin du grand Palais, à côté du hangar d’agriculture, une grande meule de grès des Vosges. Cette nature de pierre est amenée depuis quelques mois sur les chantiers de Paris; elle a servi au soubassement
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- du Palais de l’Industrie. Sa résistance est analogue à celle de la roche de Paris; elle se coupe assez bien à l’eau, et offre un ton rosé ou vert assez agréable ; mais elle présente souvent des veines qui se délitent.
- Parmi les produits étrangers, nous avons remarqué une pyramide étagée dans l’ordre géologique, et composée des pierres de construction du Wurtemberg. Cette petite construction donne une idée de la richesse de la contrée, et laisse préjuger le caractère général des édifices qui y sont élevés. C’est au centre de la galerie, en face de la colonne 28 , qu’il faut aller observer cette réunion méthodique de matériaux qui présente sur quatre faces les coïncidences de gisements minéralogiques de mêmes étages, mais différents par leurs propriétés, quant à l’emploi dans les constructions. Sur l’une de ces faces on lit et on reconnaît, à partir de la base, le granit, le grès bigarré, cette pierre de construction que nous fournissent les Vosges; le Muschelkalk', dont on fait des chaux , des pavages et de maçonneries; le grès du Keuper supérieur, dont est construit le dôme de Cologne ; le grès de l'oolilhe, qu’on dit résister au feu ; le calcaire jurassique supérieur, dont nous avons de si beaux échantillons en Bourgogne; le calcaire jurassique à crustacés, et le grès de la Molasse, pierre de construction de qualité inférieure.
- On aurait peu de chose à dire des granits que Vire a fait figurer dans la galerie. Les environs de Bristol, dont les matériaux de construction sont représentés par divers échantillons de calcaires carbonifères et colorés, nous montrent combien sont restreintes les ressources de ces contrées, où les couches inférieures de notre croûte terrestre font affleurer les charbons et d’autres richesses minéralogiques. Cette petite collection instructive est due aux soins de MM. les commissaires royaux à l’Exposition universelle de Londres (1851). Nous devons nous contenter de constater en passant les granits et calcaires carbonifères quf sont rangés dans le Canada le long de la paroi D et les porphyres pour pavés et macadams que la Belgique expose à la pile 44, côté A. Les pavages très-solides faits avec ces matériaux sont très-glissants sous les pieds des chevaux, et l’expérience ne paraît pas avoir prouvé l’avantage de leur utilisation à ce second emploi.
- A côté de ces matériaux dont nous omettons, certainement
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- une bonne part, il convient d’examiner quelques essais de pierres artificielles. Pour certaines contrées dépourvues de pierres naturelles, la question mérite intérêt. Elle en présente même, au dire de M. Coignet, sous le rapport de l’économie, dans les lieux où les pierres abondent ; à Paris, par exemple. M. Coignet expose à la travée 59, A, galerie supérieure de l’Annexe, un bloc de béton analogue à celui qui a servi à la construction d’une maison édifiée à Saint-Denis, et dans les murs de laquelle il n'entre ni pierres , ni briques, ni 1er. Cette construction dont les fondations, les murs, les caves, les voûtes, les arcs, les tableaux des baies et les carrelages sont en béton, a été moulée du bas en haut comme on fait du pisé. Des murs isolés de 18 à 20 mètres de hauteur ont été exécutés. Tout cela est fait avec un béton composé de cendres et scories de houille, et de chaux grasse. Quand la cendre et les scories manquent dans la localité , on fait le béton avec du sable, du cailloutis et de la chaux. C’est une composition qui produit une maçonnerie annoncée comme plus durable que le moellon ordinaire de Paris, et offrant sur ce dernier une économie de 50 pour 100. Le mètre cube reviendrait à 6 francs à peine. Le sable, la terre cuite pilée, les cendres de houille et la chaux mélangés donnentune matière capable de remplacer la meulière et la brique, et son prix n’atteint pas 10 francs le mètre.
- Il n’est possible de porter aucun jugement sur cette nature de produits que des expériences seules pourraient permettre d’apprécier. Il faut cependant reconnaître que , d’avance, la question est posée par cette tentative d’une manière très-intéressante. 5a solution complète ne tend en effet à rien moins qu’à supprimer les mortiers, éléments jusqu’ici indispensables dans les constructions, mais apportant avec eux une complication très-grande de travail et mille incertitudes de résultat.
- M. Dumenil, de Mareuil-lès-Meaux, nous montre une autre pierre artificielle , mais dont l’élément principal est le plâtre, et qui §e fabrique en morceaux isolés. A part l’économie, et la légèreté qu’on peut ainsi obtenir, ce qui paraît, probable, puisque cet exposant fabrique et construit depuis plusieurs années avec quelque succès, dit-on, il nous paraît qu’il faut voir là un progrès industriel beaucoup plus restreint que celui
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- qui serait atteint par des bétons solides, économiques et moulables sur le tas.
- La galerie des machines contient, à l’entrée de l’avenue D, à gauche, dans l’exposition de M. Bèrard, un magmat de laitier que cet exposant présente comme bloc de fondation maritime. Cette masse, qui a plus de 1 mètre de hauteur, sur 80 centimètres de base en carré, olFre un aspect de compacité et de résistance qui sont appropriées à la destination annoncée. Elle n’est qu’un échantillon de blocs beaucoup plus considérables atteignant jusqu’à 15 mètres, que l’usine de M. Bérard, sise à Vaugirard, fabrique en ce moment pour le port de Cherbourg. 11 est intéressant de suivre une expérience en grand sur ces matériaux, dont l’emploi dans les travaux à la mer substituerait un corps vitrifié, c’est-à-dire résistant à un corps sensiblement décomposable, comme il a été constaté que le sont les blocs faits avec des chaux ou des ciments hydrauliques. D’un autre côté, le mode de fabrication proposé semble économique et n’exclut pas la préparation sur place, puisque c’est une simple coagulation de briques qu’il s’agit de faire par un excès de cuisson. Les travaux maritimes sont tous plus ou moins liés à la solution de ce problème, qui mérite l’attention des constructeurs.
- Ciments ; mortiers.
- Les ciments et les mortiers sont représentés à l’Exposition par des calcaires propres à leur fabrication , par des poudres de chaux vives, par des chaux prises ou des mortiers employés , par des objets moulés. Les noms de MM. Vicat et de Villeneuve, en France, témoignent de la persévérance que ces ingénieurs apportent dans la question délicate des chaux magnésiennes, qui promettent de si précieux résultats pour les travaux à la mer, et dans l’utilisation des sous-carbonates calcaires, d’cù dépend la prompte solidification des mortiers, et la réduction de leur prix de revient. Trois noms anglais disent que les tentatives de perfectionnement dans cette application délicate des constructions n’ont pas été négligés dans le Royaume-Uni. Ce sont MM. Cottrill, capitaine Scott, Work-man. En Wurtemberg, MM. Leube frères, d’Ulm, ont réuni des échantillons de toutes espèces et fourni des témoignages
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- d’expériences assez longues déjà, pour attester la valeur des produits de leurs grands établissements. Mais nous le dirons encore ici, c’est l’apparence seule des choses que l’on peut juger pour ces espèces de'produits où rien n’est important ' presque, que le fond. Dans cette course rapide que nous faisons , ce n’est point pour nous un espoir que de dire le dernier mot sur des objets à peine découverts, et nous saurons attendre, pour conclure, les résultats d’études profondes et mûries qui ne manqueront pas de se faire.
- Marbres et pierres dures.
- Les départements de la Sartbe, de l’Ailier, de la Corso, de la Mayenne; de l’Isère, de l’Aude, le Boulonnais et les Pyrénées ont envoyé des marbres qui, s’ils ne présentent pas toutes les qualités d’apparence que l’on cherche dans cette matière de luxe, dénotent au moins les recherches actives qui ont été faites depuis quelques années pour découvrir de nouvelles carrièrés, et en rendre l’exploitation possible à notre industrie.
- Les marbres de Corse étaient connus déjà depuis longtemps par leur richesse de tons et la beauté de leur poli. Parmi les contrées nombreuses et lointaines qui furent explorées pour découvrir les matières qui conviendraient le mieux aux différentes parties du tombeau de l’Empereur, la Corse ne fut pas oubliée, et, tandis qu’on parcourait la Bretagne et les Pyrénées, tandis que la Finlande était visitée, des recherches se faisaient dans notre île, et des échantillons remarquables étaient réunis à Paris. Quelques-uns d’entre eux satisfaisaient a juste titre l’artiste chargé d’élever ce monument. Malheureusement les moyens de transport manquaient, les routes n’étaient pas percées, et il eût été impossible d’amener à la mer les blocs considérables que l’œuvre des Invalides réclamait. Il fallut renoncer. Le beau grès rouge de Finlande l’emporta sur les beaux marbres verts de Corse. Il paraît pourtant que cette circonstance ne resta pas inutile, puisque nous voyons arriver aujourd’hui, en masses très-importantes, ces mômes matières si modestes, dans leur volume, il y a dix ans. Les routes se sont ouvertes et le vert antique, le vert de mer, là brèche blanche} le portor, un marbre assez curieux dit à tort 20G II
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- cipolin, et le bleu turquin sont là pour attester la variété et le nombre des carrières. Les colonnes de vert et de bleu, lur-quin sont des échantillons très-remarquables, et je ne sais vraiment qui n’aimerait à encadrer son foyer avec l’un des autres spécimens voisins.
- Quatre échantillons de l’Aude se font remarquer, parmi lesquels il faut, signaler un beau campan rouge. Si ces carrières sont abondantes, on peut leur prédire un bel avenir et leur assurer une concurrence fructueuse avec les carrières des Pyrénées.
- Le département des Vosges a envoyé quelques échantillons de pierres dures taillées et polies. Une syénite en tablette, travaillée avec soin, est surtout intéressantè et doit fixer l’attention sur un produit trop rarement offert au constructeur.
- Il n’est pas possible de passer devant la première table de l’Algérie, en sortant du vestibule, sans admirer les magnifiques arragonites qui y sont exposées sous le nom d’agates. Cette belle matière blanche, translucide et richement veinée, se ferait désirer dans le plus coquet boudoir, où l’on aimerait à la voir contourner des galbes gracieux et projeter de fines moulures derrière la gaze ou la soie féminine d’une toilette de printemps. Deux grandes plaques, dont l’une a plus de 2 mètres sur 80 centimètres, nous montrent que la commune d' Ain-Teikalek, de la province d’Oran, prèsTlemcen, peut donner cette matière sous dés dimensions telles qu’on la - puisse utiliser dans tous les arts. L’exploitation est à 3 kilom. de la mer, et le prix du mètre cube est coté par le ministère de la guerre à 800 francs ou à 1000 francs. C’est le prix de nos marbres des Pyrénées. La même province produit aussi un vert foncé un peu mat et triste, et un rouge fauve veiné, quelquefois assez harmonieux de ton, toujours d’un beau poli. Les échantillons sont présentés sous des dimensions trop faibles pour être jugés au point de vue de l’application. La même observation peut s’appliquer à un beau jaune de Numidie, marbre dont l’antiquité fit quelquefois un usage si pompeux, et à différents blancs et blancs fleuris qui gisent dans la province de Constantine, près Philippeville, avec d’excellentes conditions d’exploitation, à 400 mètres de la mer. Quelques morceaux d’albâtre, de porphyre et de granit complètent la Sistejdes matériaux que l’Algérie offre au constructeur. Quelle
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- est leur importance et quelle facilité de débouchés présentent les gîtes d’où ils proviennent? C’est ce que nous n’avons pu savoir. Nous n’avons pas parlé avec intention de deux morceaux assez volumineux d’un marbre gris rayé plutôt que veiné, et assez désagréable d’aspect; quoique ce calcaire soit susceptible de poli et s’extraye à fleur du sol, il ne mérite vraiment pas qu’on l’exporte.
- La Belgique a exposé comme échantillon de marbre une grande table de 4 mètres de longueur, en faux style Louis XIV. Cet objet volumineux n’a d’autre intérêt que ses dimensions. Les formes lourdes et puissantes en même temps de l’époque choisie, conviennent toutefois à cette espèce de marbre qui a été si employé dans nos palais et nos châteaux sous le nom de rouge royal.
- Mais voici la magnifique collection que l’Institut royal polytechnique de Florence a réunie à la colonne 18, et où se rencontrent les spécimens des beaux matériaux dont est dotée la ville mère de toutes les grandes œuvres architecturales de la Renaissance. Ce n’est pas sans envie que l’on peut jeter les yeux sur le macigno, le travertin, les albâtres, les serpentines, les jaunes de Sienne et les rouges variés de cette contrée, qui met à la portée de ses architectes tant d’éléments, si faciles à manier. Que d’explications se trouvent dans ces tons superbes , dans ces surfaces limpides, dans ces finesses de contextures pour faire comprendre le charme et la grande tournure monumentale des édifices que les maîtres de la Renaissance ont laissés au pays toscan.
- La Grèce aussi a voulu rattacher la pensée de ce temps à l’art antique qui fut sa gloire, et montrer les efforts qu’elle fait aujourd’hui pour réparer cette longue défaite des siècles * qui lui fit oublier et perdre ses monuments, après lui avoir enlevé ses institutions. La Grèce ouvre à nouveau le sol d’où sortirent jadis les marbres de- ses temples. Un gros échantillon de rouge antique, deux monuments de pentêlique, un porphyre vert de Mantinéo, quelques brèches dé Sparte attestent des recherches dont on voudrait voir le succès certifié par l’exploitation régulière des carrières qui ont fourni ces matériaux. (Ann., pii. 20 et 21.)
- L’Angleterre possède dans le vestibule • central de l’est (grand palais) de magnifiques pièces de serpentine de Cor-
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- nouailles, des granits polis d’Aberdeen et des marbres ser-penlineux d’Irlande. Quelques échantillons de dimensions réduites et manquant de franchise dans les tons constituent la collection que l’Autriche expose dans l’Annexe, où l’Espagne a réuni les types des marbres de ses provinces non loin des marbres serpentineux envoyés par le Canada. On rencontre encore, disséminés dans le grand palais, les beaux albâtres orientaux de l’Egypte (premier étage, est), les marbres d’OIp, en Westphalie, employés au palais du roi de Prusse, à Berlin (nef, extrémité ouest), et les porphyres que la Suède extrait d’Elfdalen. Enfin, pour compléter la série des produits exposés sous le nom de marbres ou de pierres dures qui ont frappé notre attention, signalons un granit de Norvège gris, susceptible d’un beau poli et déposé à côté d’un bloc de Saint-Béat, dans le jardin, à l’angle de l’avenue d’Antin.
- Parmi les matériaux de construction, l’ardoise, par ses applications spéciales, conserve une place encore importante, malgré la concurrence qui lui a été faite par les métaux. Jadis employée presque exclusivement à l’établissement des couvertures des édifices, dans toutes les localités où elle était exploitée, elle était transportée à de longues distances pour la même application, et supportait ainsi des frais secondaires dont sa légèreté permettait de charger le coût d’extraction. En France, par exemple, Angers et Fumay, en vertu de cette facilité de transports, alimentaient presque toute la surface du pays, et il n’était pas de contrée, il y a vingt ans encore, où il ne fût possible découvrir son habitation en ardoises de l’une de ces localités, pour peu qu’on tînt à mettre quelque luxe où quelque soin dans l’édifice à construire. D’ailleurs, cette matière était recherchée pour le peu de charge qu’elle apportait sur les combles', relativement aux poids des terres cuites, qui seules pouvaient entrer en concurrence avec elle. Mais, d’une part, les progrès de fabrication des tuiles, devenues moins lourdes dans l’application par des procédés plus ingénieux d’assemblage; d’un autre côté, l’emploi du métal aux couvertures tendirent à restreindre l’usage de l’ardoise. C’est dans ces conditions désavantageuses que se trouvait, depuis quelques années, l’ardoise en France; c’est comme réaction à cet état de choses qu’elle se présente aujourd’hui à l’Exposition. Partout, on peut le dire, l’exploitation dos ar-
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- doisières s’est perfectionnée. Angers, nous le croyons, adonné le premier exemple en entrant dans une voie nouvelle, et en préparant des éléments de couverture qui ne présentassent pas le seul inconvénient réel qu’on pût reprocher aux toitures schisteuses : leur peu de résistance à l’action mécanique des vents et des ouvriers appelés à marcher sur les toits pour les entretenir. Les grandeé et fortes ardoises de 0“,60 de longueur et de 5 millimètres d’épaisseur, substituées aux cartelettes et aux grandes carrées, constituent ce progrès. Sous ces dimensions et avec des soins de pose faciles à prendre, en employant des voliges saines, des clous solides, l’action des vents est impuissante à enlever l’ardoise, aussi bien que le pied de l’homme à la casser. Ce sont de véritables dalles, très-résistantes et très-bien assises. Tel est le progrès tenté et réussi, on doit le dire, par plusieurs de nos ardoisières, par Angers surtout, dont les prix sont restés très-avantageux relative' ment aux autres matières concurrentes. Fumay (Ann., 54-55, D) est entré aussi dans la même voie; et, avec des éléments moins favorables, un schiste moins fin, d’une couleur peu agréable, cette exploitation présente des produits aussi intéressants que ceux qui viennent d’être signalés. Les ardoises compactes et épaisses propres à la construction des cloisons, aux dallages, aux marches d’escalier, etc., dont les Anglais font un usage si général, se montrent aussi dans les expositions de nos ardoisières. Une table de billard très-belle, des caisses à arbustes, un banc de cour ou de jardin, des gargouilles, etc., sont présentés par Angers, tandis que MM. Va-liguié et Cie nous montrent une révolution d’escalier à noyau plein, dont chaque marche est un échantillon remarquable d’ardoise. Le Finisterre, la Sarthe, les Ardennes et la Mayenne sont représentés par les carrières de MM. Planes frères, de MM. Valiquié et Cie, et par celles de Rimognes et de Renaze. Les ardoisières d’Olmütz, qui produisent des tablettes à incrustations, et cinq exposants dans le Canada, nous indiquent les ressources en cette matière.que les pays étrangers nous ont apportées. Nous regrettons de n’avoir rencontré nulle part les ardoises du pays de Galles ni celles de West-moreland, qui sont d’un emploi général en Angleterre.
- En résumé, et pour ce qui concerne la France, l’exploitation des ardoisières se développe, etlesproduits qu’elle livre
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- au commerce sont susceptibles d’emplois plus étendus qui en maintiendront l’usage, malgré la concurrence que lui font d’autres matières. Il importe pourtant de voir bannir de nos magasins de construction et de nos chantiers'certains schistes de mauvaise qualité qui se reconnaissent à leur aspect stèa-titeux et qui tombent en poussière légère ou s’exfolient après quelque temps d’emploi. Nous avons remarqué plusieurs de ces produits auxquels il faut de beaucoup préférer les ardoises d’un grain moins fin, rugueuses même, et qu’on craint à tort de mettre en évidence dans une exposition. Il y a longtemps qu’en Angleterre on a constaté, pour les couvertures, la supériorité des ardoises rugueuses sur les ardoises lisses, et qu’on a expliqué ce phénomène par le jeu laissé entre les premières lorsqu’on les superpose, et la libre circulation d’air qui s’y fait.
- Puisque nous venons de visiter les ardoises, dont les couvreurs font un si grand usage dans tant de pays, transportons-nous au Palais, à droite de l’entrée nord, pour y étudier un produit non moins utile à la couverture des édifices. Les tuiles se présentent là sous les formes les plus diverses, et dénotent chez les fabricants un grand esprit de recherche pour maintenir, de leur côté, leurs produits au niveau des nouvelles exigences du constructeur. Deux types principaux peuvent servir à grouper et à apprécier les formes adoptées pour les terres cuites. La disposition à joints diagonaux, qui s’obtient par l’agencement de tuiles losangiques, et la disposition à joints verticaux et horizontaux, que produisent les tuiles carrées ou plus particulièrement rectangulaires. Pour comprendre la valeur de ces deux dispositions, il faut se reporter au type primitif, à la tuile plate ordinaire. Lorsqu’on cherche à se rendre compte de l’agencement susceptible de produire une couverture étanche avec cette forme élémentaire, on reconnaît qu’il faut absolument qu’une toiture ait en chacun de ses points l’épaisseur de trois tuiles, si l’on veut être assuré que les joints verticaux et horizontaux se recouvrent parfaitement ; et il en résulte que chaque élément de terre cuite ne présente à la vue qu’une partie visible ou pureau, égale au tiers de sa surface totale. Cette condition, que l’expérience impose, montre immédiatement le point faible des tuiles plates, qui sont toujours très-lourdes, et qui, par
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- conséquent, entraînent à des surcroîts inutiles de dépenses dans la construction des charpentes des combles. Remédier à ce véritable vice dans la construction, sans bannir cependant une matière très-résistante, très-durable, très-isolante, et la plupart du temps peu coûteuse, tel est le but des améliorations judicieusement tentées dans l’industrie du tuilier depuis un certain nombre d’années. Nous voyons aujourd’hui les résultats de ces tentatives réunis ; et, disons-le, ils constituent de nouvelles ressources dont il n’est pas permis de négliger l’importance. A côté de la tuile plate de Bourgogne, se présentent: la tuile Courtois, de Paris; la tuile de Lorraine, fabriquée par M. Amnller et M. Demimuid, de Commercy, disposée en diagonale; la tuile rectangulaire d’Altkirch, fabriquée aussi à Lyon, à Marseille, à Paris, et due d’abord à M. Gilardoni, puis perfectionnée par MM. E. Muller et Cie; la tuile plate à simples rebords longitudinaux, comme celle de Londres; la tuile de poroelaine. Le point de comparaison auquel nous rattachons l’appréciation de ces produits étant la tuile plate, et particulièrement celle de Bourgogne, nous devons constater par chiffres les inconvénients que nous n’avons fait que signaler. Cette tuile charge chaque mètre carré de couverture de 88 à 90 kilogr. ; de plus, comme la pente des toits se détermine par la ligne qui joint tous les points extrêmes supérieurs de l’épaisseur des tuiles, cette pente est d’autant plus roide que la partie découverte de chaque élément, le pureau, est plus court par rapport à l’épaisseur même de cet élément. lien résulte que, dans un système de couverture.en tuiles, plus le pureau est court’, ou plus il y a d’épaisseur de tuiles en chaque point du comble, plus ce comble doit rapprocher son inclinaison de la verticale, désavantage qui se traduit, dans une certaine mesure, par un accroissement de matériaux de charpentes et d’espace couvert difficile à utiliser. La tuile de Bourgogne, la tuile plate, devons-nous dire, pour parler d'une manière plus absolue, comporte au maximum ces deux inconvénients : lourdeur extrême , inclinaison , très-grande des toitures. Les tuiles en losange, à formes plus ou moins compliquées, sont déjà plus avantageuses; mais, pour peu qu’on les examine, on remarquera qu’elles ne peuvent donner une toiture étanche qu’à la condition de présenter partout, à l’exception d’un sixième de la surface environ , une double
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- épaisseur de briques; de sorte que c’est entre 40 et 45 kilogrammes qu’il faudra charger le comble, et que la pente sera encore très-forte relativement aux couvertures en tuiles rec-tangulairement disposées. En effet, dans ces dernières, les joints horizontaux et longitudinaux se font par simples recouvrements en feuillures, ce qui réduit au minimum les doubles épaisseurs. Observez les tuiles Gilardoni et F. Muller, et vous verrez que presque toute la surface ne reçoit qu’une épaisseur de terre cuite; c’est ainsi qu’on réduit la charge par mètre à 38 ou'40 kilogr., et que la pente s’abaisse à un minimum si restreint, que toute économie est satisfaite en môme temps que l’artiste conquiert toute liberté d’action dans sa composition.
- Entre les tuiles rectangulaires, il faut faire encore la distinction de celles dont les joints longitudinaux sont continus, et de,celles dont ces joints s’alternent à chaque rang. Les premières se raccordent facilement sur les rilées, tandis qu’il faut des coupures pour raccorder les autres, coupures moins stables , moins régulières, plus ouvrageuses à établir que le reste de la couverture.
- Les tuiles en porcelaine ou en verre n’ont pas subi la sanction de l’emploi; la terre vernissée n’est encore que d’un usage spécial; mais, si la tuile rectangulaire à joints en feuilluressè peut fabriquer à des prix rapprochés de ceux de la tuile ordinaire, ce qu’on assure, nous ne doutons pas que les avantages développés plus haut et les dispositions qu’on a préparées pour assurer l’attache sur le lattis, et pour les renforcer au centre contre la destruction du pied du couvreur, ne fassent de ce produit un élément de couverture courante. Ce fait serait la constatation d’un deuxième progrès dans l’art qui nous occupe. On verra dans d’autres industries que tout ce qui touche aux couvertures d’édifices a notablement progressé depuis quelque temps.
- A côté de ces nouvelles ressources de construction, exclusivement dues à la France, viennent se placer les briques creuses, qu’on fabrique également dans notre pays et en Angleterre. La brique creuse n’a pas, ainsi qu’on le pense trop généralement, le seul avantage d’être plus légère que la brique pleine. Elle est aussi plus économique, en principe au moins, sinon en fait jusqu’à présent. Au point où en est, la
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- fabrication de la brique aujourd’hui, les plus grosses charges qui pèsent sur les briquetiers sont l’acquisition, le mélange, la façon, le séchage et la cuisson de la terre. Toutes ces dépenses sont réduites par la fabrication do la brique creuse, qui, si elle supprime le tiers de la terre nécessaire à la brique pleine, économise sur toutes les mains-d’œuvre qu’on vient de citer et sur le combustible, et surtout diminue la casse au séchoir. Ce bénéfice n’a pas encore été compris,.parce qu’il n’a pas été recueilli par le consommateur, que le fabricant, jusqu’ici couvert par le monopole d’un brevet, n’a.intérêt à servir qu’en maintenant ses prix au niveau de ceux des briques, ordinaires. Mais c’est là la garantie la plus certaine que cette fabrication se généralisera a l’avantage de l’art du constructeur, qui doit l’encourager; car elle lui assure une condition à laquelle il faut qu’il attache la plus grande importance. Nous voulons parler de la régularité du produit qu’il met en œuvre. La difficulté.qu’on éprouve à sécher des masses épaisses d’argile, et l’aptitude au reirait excessif de cette matière, produisent, pendant le séchage et la cuisson, des désordres qui sont généraux, et qui rendent.imparfails les produits même qu’on ne rebute pas. La plupart des briques pleines qu’on emploie sont fendillées dans la masse et ainsi affamées dans leur résistance. Quand on réduit la terre, à de faibles épaisseurs, comme cela se fait dans les briques creuses, ces désordres s’amoindrissent, et, quoiqu’on ait dans l’application moins de matière à utiliser sur chaque unité de surface pour soutenir les pressions des ouvrages, la résistance relative est notablement accrue, en même temps qu’elle est régulièrement obtenue dans chaque brique. On a parfaitement compris ces avantages en Angleterre et en France, où l'on tend à développer la fabrication de la brique creuse. Chez nos voisins, les évidements sont, en général, circulaires; chez nous on a adopté plus particulièrement des vides carrés. Nous croyons que cette dernière forme est préférable, parce qu’elle favorise la régularité du retrait en ménageant des épaisseurs de terre égales, dans toute la masse. Du reste, il ne faut attacher qu’une importance secondaire à ce fait, et reconnaître que de part et d’autre les efforts ont été tentés avec autant d’ardeur qu’ils ont produit de bons résultats. Les briques creuses s’appliquent aujourd'hui partout, pour établissements
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- des voûtes et pour cloisons en porte à faux. L’exposition de la maison Borie nous montre des échantillons variés du parti qu’on peut tirer de ce produit en France.
- La terre cuite nous offre, dans les bardeaux, un emploi, sinon nouveau, au moins utile, à l’exposition de M. le comte de Pourtalis, n° 5419 (Palais). Le bardeau de terre cuite trouve application sur les planchers où le plafonnage inférieur est inutile, et où les entrevoux, soit en plâtre, soit en chaux, ne résistent pas. C’est ce qui a lieu, par exemple, sous l’action de l’humidité chaude des étables ou des écuries de campagne. Cette fabrication mérite d’être développée.
- Deux industries françaises, qui se présentent avec la consécration de faits d’expérience déjà anciens et nombreux, deux industries dont les procédés ont, depuis plusieurs années, préoccupé lés corps savants et les praticiens, nous montrent des produits d’un intérêt immense pour le constructeur. Nommer les hommes qui ont créé ces industries, MM. Boucherie et Kuhlmann, c’est faire comprendre qu’il s’agit de la conservation des bois et des pierres. En infiltrant la matière ligneuse d’un liquide conservateur, sulfate de cuivre, en pénétrant les pierres, les calcaires surtout, avec un silicate alcalin qui bouche les pores de la matière, trop accessible aux causes de dégradation de l’atmosphère, MM. Boucherie et Kuhlmann ont trouvé le moyen pratique d’éviter la pourriture et le salpêtrage, deux implacables'ennemis que le constructeur rencontre à chaque pas sur sa route. L’appréciation des moyens employés par ces industriels a été faite dans d’autres chapitres de ce livre ; nous devons nous borner à certifier ici les résultats obtenus et leur portée. A côté du hangar des instruments agricoles , sur le revers modeste de la paroi de ce couvert sont rangées de vénérables et robustes traverses de chemin de fer, qu’on distingue à leur apparence saine, à leur couleur verdasse. Elles sortent de terre après neuf années d’usage, portent en front le certificat et l’état de leurs services, et conservent près d’elles les restes informes et presque poussiéreux de leurs jumelles, que la préparation protectrice n’a pu défendre de la destruction. Voilà des bois de bouleau conservés intacts pendant neuf années par la simple infiltration du sulfate de cuivre, que tant d’ingénieurs jugent insuffisant, parce qu’ils n’en connaissent que l’emploi par immersion,
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- l’emploi imparfait. L’efficacité de la pénétration par le procédé Boucherie, à l’aide d’une pression conduisant le liquide entre les fibres encore séveuses du végétal, est actuellement démontrée; elle est complète; elle est persistante et protectrice. Est-elle suffisamment économique? Quinze francs le mètre cube, pour les bois tendres qui acquièrent par la pénétration, non-seulement les aptitudes d’emploi des bois durs, mais des conditions de durée bien plus complètes; la question n’est pas douteuse. Dans certaines contrées, l’intérêt économique de la pénétration est frappant. Les sapins des Landes, par exemple, valent 20 francs le mètre cube. Ces bois employés en traverses de chemin de fer ne peuvent pas durer plus de quelques années, six ou huit ans. En les préparant, on porte leur prix à 3b francs; mais ils dureront plus que des bois durs qu’on n’obtiendrait là qu’à des prix deux fois plus élevés. U y a maintenant en France quatre ou cinq cent mille traverses, préparées par le procédé Boucherie, un très-grand nombre de poteaux télégraphiques; l’expérience est concluante. Que les praticiens le sachent et que'nos grands ouvrages, où le bois joue en grande masse un rôle permanent, en profitent. Il est temps ;, voilà 18 .ans que les essais de M. Boucherie se font sans interruption et les lourdes dépenses qu’exige l’entretien de nos voies de fer ne sauraient être trop tôt réduites.
- En silicatisant la pierre, M. Kuhlmann a rendu à. l’art des constructions un service qui, s'il ne comporte pas une économie aussi considérable que celle résultant de la pénétration des bois, s’adresse à un besoin très-général. Ce qu’occasionnent de réparations incessantes les dégradations que subissent les pierres soumises à l’humidité ou au salpêtrage dans nos édifices, est incalculable. Le but que la silicatisation atteint est non-seulement de préserver les pierres, journellement acceptées dansnos constructions; mais encorede rendre applicable une quantité notable de ces matériaux laissés-dans les carrières comme défectueux à cause de leur trop grande porosité. L’arrosage et' la pénétration sur le tas par lé silicate de potasse adonné, avec des pierres très-tendres et très-poreuses, les résultats les plus satisfaisants. Cette pénétration, qui est plus ou moins profonde suivant la nature de la pierre, est une modification de l’état physique de la matière
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- qui agit toujours au delà de la surface et qui, par conséquent, comporte une solidité qu’on n’obtient jamais avec les simples enduits protecteurs employés jusqu’à ce jour. On a déjà des expériences certaines et comparatives faites par MM. Violet-le-Duc et Lassus aux contre-forts de Notre-Dame, par M. Duban à l’hôtel La Trémouille, et au Louvre, etc. Cette application, d’abord inabordable comme prix, est devenue très-accessible par des perfectionnements récents de fabrication, et l’on peut maintenant silicatiser les ravalements des façades à 1 fr. 50 c. le mètre, voire à \ fr. pour les grands travaux. Cela n’élève pas le ravalement de la pierre tendre au prix du même travail en pierre dure. L’opération de la silicatisation est d’ailleurs très-simple : elle consiste en arrosages continués jusqu’à ce que la pierre refuse de se laisser pénétrer, et quoiqu’elle change notablement la couleur de la matière après l’emploi, le ton définitif s’atténue ensuite sensiblement et conserve une apparence très-agréable. Le salpêtrage ne se produit plus, les mousses cessent de croître sur ces surfaces devenues lisses, un peu brillantes et siliceuses. 11 faut regretter que ce résultat obtenu sur les calcaires ne bénéficie pas encore à nos enduits en plâtre, dont l’emploi est si général, si commode, si économique, mais qui durent si peu quand ils sont soumis à l’humidité et aux pluies, à l’exposition du Sud.
- Arts divers se rattachant à la construction.
- La galerie des machines' a conservé le tréteau roulant dont on s’est servi pour le levage de différentes parties de l’édifice intérieur qui constitue la transmission de mouvement à laquelle sont attelées les machines exposées. Cet échafaudage mobile, très-simplement et très-économiquement établi, a très-bien fonctionné sous des charges qui ont atteint jusqu’à 5000 kil. La charge est facile à manœuvrer et accessible au travail des manœuvres avant, pendant et après le levage. Les bois légers et de faible équarrissage, qui composent l’appareil, sont judicieusement disposés pour travailler utilement dans toutes les positions de la charge. L’écartement variable des jambes permet d’aller chercher des points d’appui sur le sol, là où ils sont disponibles ; cette condition était donnée par la nécessité de faire le levage au milieu de l’embarras des colis.
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- Quatre hommes transportent le tréteau en dirigeant les quatre roues à galets, qui servent d’appui à l’ensemble sur le sol. Pendant le travail, si la charge est lourde, on rabat sous les jambes les étais à charnières, qui y sont disposés pour soulager les roues et l’on attache les chaînes qui forment entrails entre les quatre pieds. Cet appareil est dû à M. Nepveu père. Il n’est qu’une solution particulière dans une circonstance spéciale; mais il est bien entendu et comporte un nouveau mode d’emploi des bois de petites dimensions roidis et calés judicieusement au milieu de leur portée.
- "Nous retrouvons encore le même exposant dans la galerie haute, de l’Annexe, côté du Cours-la-Reine, pile 47. Ici c’est un comble qui s’offre à notre vue : le comble des ateliers de construction de wagons de MM. Nepveu et Cie, à Clichy. M. Nepveu a disposé très-ingénieusement sur des points d’appui espacés en tous sens de 4 6 mètres, des fermes diagonales formant les soutènements principaux de la toiture, de manière a réserver dans chaque carré vide du plan, de vastes jours centraux pris dans le toit. Les arbalétriers des fermes diagonales, qui n’ont pas d’entraits, sont assemblés à blo-chets sur les piliers et composés de pièces nombreuses de faibles équarrissages, comme d’ailleurs les pannes et toutes les parties du comble. M. Nepveu, défenseur persévérant et intelligent du bois dont les applications sont aujourd’hui si énergiquement disputées par le fer, semble avoir cherché à résoudre d’une autre manière le problème qui préoccupait vivement Philibert Delorme, quand il trouva la combinaison de ses combles cintrés, destinés à utiliser les bois de faibles dimensions.
- Sur la galerie opposée presque en face, M. Polonceau expose à nouveau le système de ferme que nous avons vu appliquer pour la première fois au chemin de fer de la rive gauche, il y a 18 ans. La combinaison ingénieuse des contre-fiches, bandées par des cordes en fer qui s’attachent sur la pièce même qu’elles soulagent, a rendu d’éminents services, en permettant d’accroître les portées des fermes, et nous revoyons avec satisfaction ce système si vulgarisé maintenant et si économique pour les applications du fer ou du bois dans les combles.
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- L’objet le plus saillant à l’Exposition, relativement à l’établissement des fondations, a été apporté par l’Angleterre. MM. Sunders et Mitchell font des pieux à vis avec tige pleine ou tige creuse. Cette espèce de pilotis a déjà exercé et exercera une influence très-grande sur nos travaux hydrauliques, en facilitant considérablement leur exécution. Au lieu de battre des pieux qui entrent difficilement dans le sol ébranlé souvent à de grandes distances par l’opération même du battage, on fait pénétrer progressivement et sans choc ces engins qui, non-seulement se fichent ainsi plus exactement à la place qu’on leur assigne, mais qui prennent une assiette beaucoup plus complète sur l’aile supérieure de l’hélice métallique qu’ils comportent. Le pieu à vis peut se voir à l’extrémité de la galerie des machines, où il est exposé sous différentes dimensions. On fonde avec cette ressource très-vite et facilement sur des points difficilement accessibles. Les premiers pieux à vis ont été employés en 1841 à l’établissement du phare de A/ap-lin à l'entrée de la Tamise.
- On voit le modèle de cette construction au centre de la nef du grand palais. Les pieux avaient 6m,70 de hauteur et l’aile de la vis 1 ”*,20 de diamètre. Le banc sableux sur lequel est appuyée la construction s’en va du côté de la mer et l’on s’occupe de reprendre la fondation sans détruire l’édifice. De nouveaux pieux seront fichés dans le sol à 12 mètres de profondeur de manière à atteindre le terrain dur. Chacun d’eux aura 0m,40 de diamètre. Il sera formé de ttois tôles enroulées formant une épaisseur d’envirou 0m,08 et portera 7000 kilogrammes. La seconde application des pieux avis s’est faite au phare de Gunfleet. Depuis lors, l’Angleterre a fait un large emploi de ce moyen de fondation ; la France et les deux Amériques ont suivi cet exemple; l’art, en un mot, •s’est emparé de ce progrès.
- Les nombreux travaux entrepris en rivières ou sur les côtes par les Anglais, dans ces dernières années, ont fait naître et multiplier des difficultés des fondations hydrauliques qu’on ne connaissait pas suffisamment autrefois. La nécessité d’exécuter promptement et d’achever des ouvrages dont l’im-
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- portance permettait des sacrifices économiques considérables, a forcé l’art à trouver des solutions en rapport avec les difficultés qu’on rencontrait. Les vieilles méthodes devenues insuffisantes ont été complétées par des moyens nouveaux. Nous venons de signaler les pieux à vis. Mais à côté de cela on a tenté et appliqué avec plus ou moins de succès les caissons métalliques, qu’on enfonçait, soit en faisant le vide à l’intérieur, soit en y comprimant l’air de manière à pouvoir draguer le sol pour les faire descendre. Cette dernière méthode, qui paraît avoir donné les résultats les plus satisfaisants, nécessite des appareils de compression assez difficiles à établir pour charger et faire descendre les tubes. Jusqu’à présent ces appareils étaient établis sur points fixes et solides. MM. C. Nepveu fils et Hermann ont imaginé de substituer au point d’appui de ces attaches fixes le poids d’une certaine quantité d’eau, qu’ils puisent au lieu même des travaux et dont ils chargent la partie de l’appareil à laquelle tiennent les cloches de compression. Quatre bateaux liés à angles droits encadrent l’espace sur lequel doit se faire la fondation. L’un de ces bateaux porte les pompes qui doivent élever l’eau dans les capacités ménagées pour la recevoir, et d’où elle peut s’échapper à volonté. Les dispositions sont prises pour enfoncer trois caissons en même temps, et pour reporter plus ou moins de charge sur chacun de ces caissons, suivant que la résistance du sol s’y trouve plus ou moins grande. Cet appareil paraît réunir toutes les ressources que les recherches de l’art ont récemment produites, Nous ne croyons pas qu’il ait encore été appliqué. Mais il aurait dans l’application l’avantage que présentent les caissons et celui d’éviter les gênes qui se rencontrent dans les maçonneries faites sous l’eau; car à mesure que le cylindre de fonte descend et que la compression de l’air fait refluer l’eau, on travaille à sec au fond, pour draguer d’abord j pour maçonner ensuite, aussitôt qu’on est parvenu à fond. Nous avons saisi l’occasion de cette étude dont on trouvera les beaux dessins réunis au vestibule central de l’Annexe, pour palier de cette famille de grands moyens très-généralisés en Angleterre et dont l’introduction se fait actuellement en France. MM. Fox et Henderson exécutent en ce moment, d’après un système analogue, les fondations du pont de Saône qu’on reconstruit à Lyon pour la traversée du chemin
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- de fer en remplacement de celui qui a été emporté l’année dernière.
- L’art difficile des fondations et des travaux hydrauliques auquel les cloches à plongeurs ont jadis rendu de grands services, utilise encore ces appareils qu’on nomme scaphandres, et qui ont été perfectionnés notablement depuis quelques années. C’est encore aux Anglais que nous devons les plus grandes améliorations apportées à ces habillements'imperméables , qui permettent à l’homme de descendre au fond des eaux dans un milieu d’air incessamment renouvelé par des pompes fonctionnant à la surface. Recouvert et abrité par ce vêtement, l’ouvrier respire, vit et travaille dans des conditions analogues à celles qu’il rencontre sur le sol; il manœuvre à peu près comme il lui convient les outils et les matériaux dont il doit disposer. Les scaphandres anglais de MM. Siebe, Heinke et Tylor sont réunis dans la nef du Palais vers l’extrémité sud-est. Ces appareils sont très-bien disposés et exécutés avec grand soin. La solidité du tube d’arrivée d’air, le bon agencement des poids, l’exactitude des assemblages du casque, la facilité qu’ils présentent pour leur prompt dégagement en cas d’accidents qui exigeraient le rapide retour, à la surface, de l’homme malade ou blessé, tout cela constitue la perfection et l’efficacité de ces appareils pleins d’intérêt.
- Distributions d’eau et de gaz.
- Les distributions d’eau et de gaz sont devenues dans nos villes des travaux de première nécessité qui ont pris une extension extrême et qui s’exécutent sur une échelle tellement considérable qu’on ne saurait trop en simplifier les éléments et la main-d’œuvre. Les besoins d’alimentation croissent tous les jours, les conduites se multiplient sous les chaussées, à la surface desquelles cependant la circulation augmente. Les possibilités de pose ou d’entretien diminuent donc tous les jours. Dans ces conditions, les perfectionnements doivent tendre non-seulement à l’économie, mais aussi à la facilité et à la promptitude d’installation. Celui qui parcourt les galeries de l’Annexe sous cette préoccupation rencontrera trois espèces de produits, qui. attireront son aften-
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- tion : les tuyaux Petit, les tuyaux Chameroy et les appareils Fortin Hermann.
- Quand on place une conduite sous terre, à part le déblai et le remblai, qu’on ne peut supprimer, le travaille plus long est.la façon des joints; c’est celui qu’il est important de simplifier. M. Petit a imaginé un joint, qui a déjà été expérimenté dans plusieurs circonstances et qui permet une grande promptitude d’exécution. Ce joint est formé par un anneau de caoutchouc, compris entre les extrémités emboîtées des deux tuyaux voisins. Il existe dans l’emboîtement d’un côté un repos femelle, de l’autre, une surface de serrage mâle. Chacune des extrémités porte deux oreilles qui se brident et se clavettent deux à deux avec les oreilles du bout de tuyau voisin. Le serrage. s’opère très-facilement en profitant du poids du tuyau. On clavette les brides du haut, le caoutchouc étant en place. Le joint bâille en bas. On presse sur l’extrémité opposée du bout en pose, on serre et l’on clavette les brides inférieures. Deux ou trois minutes permettent de faire un joint pareil. Ce joint a de l’avenir. Nous croyons, toutefois, qu’il importe d’employer du caoutchouc coulé en masse et non composé de lames enroulées, qui se détacheraient dans le serrage. Vétanchéité du joint exige aussi que les surfaces sur lesquelles repose la rondelle soient bien coulées, peut-être même dressées. Enfin, on pourrait trouver que les serrages énergiques seraient plus sûrs si les oreilles avaient plus de force que celles qu’on trouve dans les modèles de M. Petit.
- Les conduits de M. Chameroy sont connus et appréciés dans la pratique depuis plusieurs années déjà. Leur fabrication très-économique les rend applicables dans beaucoup de circonstances où l’on ne pourrait songer à l’emploi d’autres produits. Une tôle plombée et enroulée, enduite à l’intérieur de bitume, et à l’extérieur de bitume sablé, deux extrémités mâle et femelle emboîtées, constituent l’élément unique de ces conduits. La pose et le transport sont faciles à cause de la légèreté de chaque bout de tuyau; le joint est étanche, il exige peu de temps, quoiqu’il soit moins expéditif que celui de M. Petit. Ces'sortes de conduites conviennent à tous les cas, excepté aux fortes pressions. L’exposition de M. Chameroy contient des tuyaux de diamètres considérables (I mètre). Ce constructeur a modifié depuis quelque temps le mode de jonc-20G
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- tion de ses tuyaux. Les extrémités ne s’assemblent plus à vis, comme cela se faisait d’abord. Un cône tronqué creux en alliage fondu vient se placer sur l’un des bouts extrêmes, et reçoit par emboîtement le tuyau voisin. Cet assemblage est certainement plus expéditif que le premier ; nous doutons qu’il soit aussi étanche.
- Nous avons remarqué le joint de M. Trottier, d’Angers, joint composé d’un tuyau en caoutchouc sur lequel un galet interrompt la communication par roulement et aplatissement de la matière élastique. Il faut attendre ce que l’expérience dira de cet emploi particulier d’un produit encore nouveau dans ces applications.
- M. Fortin Hermann expose une série d’appareils composant un système nouveau d’écoulement pour les distributions d’eau dans les villes. Cet ensemble mérite d’être étudié. La disposition en est bien représentée à la pile \ l\, A, galerie des machines. En ce qui concerne les conduites, le joint de M. Hermann paraît résoudre la question. Les deux extrémités de la conduite à réunir sont épanouies, et reçoivent entre elles une bague creuse dont la [section est un triangle curviligne sur deux de ses côtés. Trois boulons réunissent les épanouissements des tuyaux en pressant la bague (de plomb et étain) et forment ainsi un joint de même espèce que celui du joint matté, mais dont les surfaces de contact sont beaucoup plus étendues et plus régulières. — Une borne-fontaine intermittente, une borne de puisage continu pour les habitations et une bouche sous trottoirs sont disposées de façon à permettre l’écoulement continu à gueule-bée, quelle que soit la charge de la conduite. Une cuvette de repos d’eau, placée immédiatement avant l’orifice de sortie, permet d’atteindre ce résultat, que la sécurité des passants rend très-intéressant dans les rues des villes. Ces questions de détails, trop négligées jusqu’à présent, semblent avoir puissamment préoccupé M. Hermann, qui nous montre encore une vanne très-étanche et facile à manœuvrer. Cette vanne, qui fonctionne déjà aux réservoirs de la galerie des machines, se compose d’un coin transversal qui ferme ou ouvre la conduite en recevant en tête l’action directe d’une vis. üétanchéité s’obtient, parce que, arrivée au milieu de sa course, la vanne passe sous un galet, qui, en vertu de l’inclinaison des faces de la pièce de ferme-
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- tur,e, la presse de plus en plus contre les plans de jonction placés du côté de l’eau retenue. La vanne de M. Hermann est un bon appareil à la mise en mouvement duquel il faudrait peut-être apporter quelques modifications pour lui faire occuper moins de place au-dessus des tuyaux si on voulait en rendre l’emploi possible dans toutes les conduites de ville.
- Travaux publics.
- Nous laisserons de côté, dans cette première course rapide, beaucoup de moyens et de procédés qui s’appliquent aux détails des constructions, et qui, s’ils présentent chacun un intérêt spécial, manqueraient de lien et jetteraient le trouble dans le coup d’œil d’appréciation générale que nous entendons faire ici. Les croisées, les parisiennes et les jalousies, les charnières, les fiches et les verrous, les fermetures de boutiques, les rampes d’escaliers, les mains courantes attireront notre examen très-sérieux à une seconde visite plus minutieuse. Nous voulons entrer ici dans l’étude des travaux publics, dont différentes nations nous donnent des spécimens très-curieux.
- En France, il faut concentrer sur une seule exposition, celle du ministère des travaux publics, toute l’attention qui s’attache à cette grande question. Le ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics a fait faire, par l’école des ponts et chaussées, une collection extrêmement remarquable, qui présente, dans une suite de modèles aussi bien exécutés que philosophiquement conçus, les éléments les plus complets qu’on puisse rencontrer aujourd’hui pour apprécier la nature, l’importance et le caractère distinctif des principaux travaux exécutés chez nous depuis vingt-cinq ans, surtout depuis l’établissement des chemins de fer. Barrages en rivière, écluses, aqueducs, ponts, viaducs, phares, etc., sont représentés là, soit comme types des meilleures solutions trouvées par les ingénieurs les plus distingués, soit comme modèles des travaux exécutés. M. Poirée père, inspecteur général des ponts et chaussées, auquel on doit les barrages à aiguilles dont l’emploi est si utile dans les limites des hauteurs d’eau qu’on rencontre généralement sur nos rivières pour rendre navigables les hauts fonds à l’aide de retenues ; M. Thénard,
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- dont le système à contre-hausses rend si facile le maniement de la retenue pour les faibles chutes ; M. Chanoine, qui profite du courant même et des crues pour manœuvrer ses panneaux, en constituant ainsi des barrages automoteurs, viennent dignement témoigner des progrès que l’art de l’ingénieur a faits par leur intermédiaire pour l’amélioration de nos rivières. C’est à eux et à leurs efforts que sont dus certainement les résultats si heureux obtenus, et M. Poirée, qui a tenté le premier cette solution neuve des barrages mobiles, pratiquée avec tant de persévérance, a mené l’ingénieur français sur un terrain où nous n’avons rien eu à emprunter à nos voisins et rivaux, qui ont peu fait jusqu’à présent dans cette voie.
- L’écluse de la Monnaie, à Paris, où M. Ch. Poirée a fait plusieurs tentatives d’utilisation de la tôle et de nouvelles dispositions pour simplifier et régulariser la manœuvre des portes; est une tendance qui, si elle n’atteint pas complètement le but cherché, en raison des difficultés du travail, et peut-être aussi de la faiblesse des assemblages, dénote, de la part des ingénieurs des ponts et chaussées, un besoin marqué de mettre au service de leurs travaux la ressource féconde des métaux, peut-être trop exclusivement repoussée chez eux.
- Le grand travail de M. Montricher, qui fait franchir à la Durance une profonde vallée dans un pays où l’on compte une magnifique production de l’art ancien, est le témoignage d’une aptitude nouvelle qui semblait n’avoir jamais pénétré l’esprit des ponts et chaussées, et auquel il faut faire autant d’honneur en cette circonstance qu’à l’ingénieuse disposition de cette œuvre, dont l’exécution a été aussi bien conduite que, le but bien atteint. L’aspect monumental et bien caractérisé de l’édifice ne le cède en rien à l’entente des chantiers, dont l’organisation est si bien indiquée dans le modèle à un dixième. Il y a de l’art dans cette œuvre, que l’œil peut explorer à la satisfaction complexe de l’esprit et du cœur. On n'y découvre pas seulement le bon appareil de l’assise, l’économie de la mise en place, la rectitude de la ligne, la ponctualité de la pose, la stabilité de l’ensemble ; on comprend et l’on sent que ce vaste échafaudage de pierre porte une utile cuvette où l’eau coule fraîche , et féconde, et l’on se rappelle qu’une grande cité va recevoir le liquide bienfaisant qui court
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- sur le couronnement important de l’édifice. Singulier caractère de ce monument ; l’architecte se marierait-il donc enfin quelque peu à l’ingénieur ?
- De jolis modèles de ponts en pierre : le pont de Bercy, solution toute particulière, bonne construction, bon exemple; des viaducs dont nous oublions les noms ; des ponts en métal qui sont par trois fois l’expression d’efforts individuels indépendants du corps des ponts et chaussées, et dont l’école, a libéralement expose les spécimens, sont remplis d’intérêt et soulèvent, en construction, l’examen des questions le plus à l’ordre du jour. M. E. Flachat, qui tient depuis tant d’années la tête des chercheurs infatigables auxquels on doit les premières solutions des problèmes nouveaux que chaque jour fait surgir, a été appelé à montrer, dans la collection dos ponts et chaussées, son,pont d’Asnières, cette œuvre où il lui a été donné de faire une chose que les poutres de métal permettaient seules d’aborder. Le pont d’Asnières est une reconstruction qui a été faite sur le lieu même d’un pont provisoire, où une circulation de plus de cent trains par jour s’est constamment continuée pendant les travaux. Pas une minute d’interruption dans ce mouvement, pas un accident ne peuvent être signalés pendant l’exécution de cet ouvrage, qui a duré plus d’une année.
- M. E. Martin nous' montre dans son pont de Tarascon une direction d’esprit toute spéciale qui ne manque pas d’intérêt: employer le métal dans les constructions en le mettant dans des conditions de stabilité qui le rendent aussi durable, aussi monumental que la pierre. Peut-être n’est-ce pas encore le moment de rechercher ce but, que le prix élevé de la matière rend difficile, sinon impossible à atteindre. Peut-être faut-il laisser aujourd’hui un autre rôle au fer et à la fonte en les employant à résoudre des problèmes que la pierre ne permet pas d’aborder, avec son poids considérable et sa résistance relativement minime. Néanmoins, tout ce qui tend à développer les applications et à consacrer les propriétés des matériaux est typique d’un service rendu aux progrès de l’art, et c’est à ce titre qu’il faut étudier les moyens présentés par M.E. Martin dans l’assemblage de ses formes et la tournure de son œuvre, qui ne manque pas d’un certain aspect de crânerie complètement omis dans d’autres constructions métalliques.
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- Le pont d’Arcole, que M. Oudry construit en ce moment à Paris, est le type de l’audace la plus grande parmi nos dernières tentatives industrielles. Le ministère ne l’a pas oublié. Il y a dans cette œuvre, non exécutée complètement, de quoi faire désirer des essais qui seront prochains. En vertu de certaines considérations théoriques qui appartiennent à l’auteur, l’arc est réduit à la clef à des dimensions extraordinairement faibles, ce qui a permis de respecter un passage suffisant en hauteur sur le fleuve, en n’élevant pas outre mesure les abords des quais. Si les résultats définitifs sont satisfaisants, il y aura là une solution dont l’intérêt n’a pas échappé à l’école des ponts et chaussées, puisqu’elle a bien voulu en faire figurer d’avance les éléments dans sa collection.
- Il ne faut pas quitter l’Annexe, où les modèles de tous ces travaux sont représentés à la pile 17, sans voir le joli modèle d’une curieuse réunion d’ouvrages d’art, que le canal de la Marne au Rhin et le chemin de fer de Strasbourg ont accumulés sur un pli delà Meuse, près de Liverdun : tunnel, pont-canal, trois ponts en dessus du chemin de fer, deux sur rivière, un sur le canal, tout cela se trouve savamment et pittoresquement réuni sur une surface de vingt hectares. C’est le seul spécimen de grand ensemble d’ouvrage que nous ayons en France. De même nous n’avons qu’un ouvrage maritime : le phare de Bréat, édifié dans des conditions très-difficiles. Cette œuvre est un monument d’art et un modèle de bonne construction. L’entente de la disposition judicieuse, le besoin de caractériser par des formes expressives une destination donnée, sont les tendances auxquelles M. l’ingénieur L. Raynaud n’a pas hésité à se laisser aller,, faisant la part de ce qui est noble et grand à côté de ce qui est nécessaire dans l’art. C’eSt un fait grave que nous révèle l’Exposition à l’occasion de ce monument si lointain et si peu abordable à l’observateur.
- Il existe dans le grand palais, à l’extrémité sud-est delà nef, un ensemble de modèles de travaux d’art anglais qui, quoique exposés isolément, offrent un intérêt de comparaison très-grand , quand on en fait l’examen après la collection française des ponts et chaussées. Ici ce ne sont plus exclusivement, comme tout à l’heure, des ouvrages de détails, remarquables par leur étude approfondie et le judicieux agence-
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- ment des éléments mis en jeu, mais de grandes conceptions brillantes par l’ensemble et la portée des idées d’où elles pro-cèdent. Au milieu d’une douzaine de spécimens, il faut distinguer dans cette catégorie le grand pont tube le Britannia, dont l’historique est aujourd’hui connu de tout le monde, mais qui restera comme le monument le plus audacieux que cette époque ait produit au bénéfice du progrès de l’art du constructeur. Doubler d’un seul coup l’espace limité par le possible dans ce que peut tenter l’ingénieur, créer un modèle* un précédent à la portée de tous pour répondre aux besoins croissants de notre industrie des transports, tel est le but atteint à la gloire de M. Stepbenson, qui sut concevoir, en appelant à son aide le contrôle de la science. Aujourd’hui, grâce à cette construction sur laquelle des convois de chemin de fer franchissent des vides de '140 mètres et aux nombreuses expériences auxquelles elle a donné lieu, nous voyons partout se faire avec sécurité des travaux qui simplifient nos tracés de chemin de fer, ou qui les rendent accessibles quand autrement ils ne l’eussent pas été. C’est ce précédent qui permet, par exemple, de faire au Canada, sur le Saint-Laurent, un pont de 2744 mètres de long, sur lequel le chemin de fer de Québec atteint jusqu’à Montréal (voir ce modèle, Annexe, exposition du Canada, pile 12),L’influence du pont de M. Stephen-son est et sera immense sur nos constructions, et quelque intérêt qu’il présente, c’est bien moins par l’intelligence et le mérite extrême qui ont présidé aux moyens adoptés que par le but atteint qu’il faut juger de l’importance de cet ouvrage.
- Voilà un premier point caractéristique des travaux publics en Angleterre. Prenons deux autres exemples, entre tous, pour compléter notre jugement et rendre à nos voisins la justice qu’ils méritent par leur grande initiative. Le port de Grimsby, exécuté, en quelques années, à l’embouchure de l’Humber pour éviter aux navires l’entrée de la rivière jusqu’à Hull, est un ensemble de travaux des plus remarquables. Cette installation presque instantanée d’un port à côté d’un autre, que l’habitude du commerce n’a pas encore abandonné, mais qui le sera assurément sous peu, cette substitution opérée uniquement par l’art pour amoindrir les difficultés des transports dans une contrée où les besoins d’exportation
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- et d’importation sont excessifs, est un témoignage de puissance de conception et d’exécution sur laquelle il n’est pas permis de ne. pas porter l’attention. M. Rendel, à qui l’on doit ce travail, s’est fait, en cette circonstance, autant d’honneur par un succès atteint dans une entreprise audacieuse, que par les résultats économiques que son œuvre ménage à tout son pays. D’ailleurs, vue de moins haut, cétte question de l’établissement du port de Çrrimsby comporte une suite de travaux difficiles, intéressants et tous exécutés sans nuire à l’ensemble d’un plan très-bien conçu. Aujourd’hui les chemins de fer de Manchester , Sheffield et Lincolnshire prennent ou apportent la marchandise dans de vastes et magnifiques magasins qu’ils entourent de leurs voies nombreuses et que de larges bassins desservent. L’entrée du port est bien ménagée dans la grande jetée qui a été construite pour limiter le bassin. Une tour de 90 mètres de hauteur distribue partout l’eau et la charge nécessaire pour suffire à la manutention des marchandises sur tous les points de l’établissement.
- A quelque distance, en remontant aussi sur la même rive droite de l’Humber, la même compagnie des chemins de fer cités plus haut a confié à M. l’ingénieur John Fowler l’exécution d’un port moins important, mais plus spécial, et qui complète . l’ensemble des facilités offertes maintenant sax transports dans ce coin de l’Angleterre. Ici il ne s'agissait plus du service des grands arrivages, mais du mouvement des voyageurs et des marchandises circulant dans l’intérieur et passant de New-Holland, où les amène un embranchement de la compagnie, de l’autre côté de la rivière pour joindre Beverlay, York, etc. A cet effet, tout un établissement de magasins et une gare de voyageurs se groupent à la tète d’une jetée qui communique avec un long ponton de chargement et de déchargement par un plan incliné mobile suivant les nécessités des marées. Wagons de voyageurs et marchandises descendent de la jetée sur le ponton, d’où les bateaux de transports les prennent pour les engager sur les voies de fer de l’autre rive. Ce travail est en quelque sorte la dépendance de celui de Grimsbv, quoiqu’il émane d’un autre ingénieur.
- M. John Murray a créé et presque achevé aujourd’hui à l’embouchure de la Wear.un port nouveau, en acquérant sur
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- la mer un espace de plus de 500 000 m. q. Des digues d’enceinte ont été faites très-économiquement en utilisant lés déblais du port lui-même et à l’aide d’éperons en maçonnerie, élevés d’abord du côté de la mer. Une entrée nouvelle est aujourd’hui presque terminée. Des écluses nombreuses qui maintiennent le niveau du canal; des élévateurs de chargement et de déchargement qui communiquent avec les voies de fer aboutissent autour du bassin ; le transport d’un ancien phare de 20 mètres de hauteur qu’on a dû amener de toute pièce d’une distance de plus de 100 mètres pour le placer au point extrême de la nouvelle conquête faite sur les eaux, sont-autant de difficultés surmontées avec habileté dans ce grand travail.
- Ces trois ouvrages maritimes, dont les modèles sont exposés à côté de bien d’autres, nous ont paru caractériser l’état des travaux d’intérêt public en Angleterre, l’importance qu’ils ont prise, la large place qu’ils tiennent dans la traduction immédiate que le pays sait faire des besoins de tous en y répondant par de larges conceptions, toujours éditées à temps et dans la mesure qui convient à la durée des services qu’on attend d’eux. Nous y découvrons le caractère d’actualité que l’économiste doit rechercher avant tout. C’est le point saillant qui distingue l’œuvre confiée aux ingénieurs anglais, l’initiative qui leur est laissée, le stimulant qui les fait marcher de l’avant. C’est peut-être aussi ce qui donne souvent à leurs ouvrages l’aspect de désordre contre lequel nous réagissons en France, nous qui, moins engagés dans les questions neuves, restons attelés à la recherche des solutions parfaites dans les anciens problèmes. Il y a assurément beaucoup de philosophie à faire sur l’art de l’ingénieur devant les groupes de travaux exposés en France et en Angleterre; mais il faut en revenir toujours à cette appréciation que nos voisins nous préparent les questions, et que nous les approfondissons après qu’ils nous ont apporté les résultats de leurs expériences. Nos efforts se traduisent, il est vrai, en œuvres plus monumentales, plus durables, mais plus attardées. Aussi sommes-nous moins pourvus d’édifices utiles, quoique plus riches en monuments.
- Pour apprécier d’une manière générale, les progrès qui se sont faits partout dans l’art des constructions, nous aurions
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- besoin de parler des autres nations. L’Allemagne ne devrait pas être oubliée; l’Allemagne silencieuse, qui a tant produit depuis dix ans en grands travaux publics, en chemins de fer : surtout. Malheureusement les nations du centre de l’Europe ne nous ont rien envoyé comme spécimens de leurs grands ouvrages et nous devons encore nous reporter au nord de l’Amérique, à cette ancienne contrée française qui n’est plus à nous depuis la fin du dernier siècle, pour constater les résultats heureux des efforts étrangers. Le Canada travaille partout et en tout. Il ne se contente pas d’exploiter des forêts; il se couvre de voies de communication , voies d’eau et voies de terre. Il a rendu navigable sur toute sa longueur de six cents lieues, le fleuve qui arrose tout son territoire. De Québec au lac Supérieur, des travaux considérables ont été faits pour franchir le saut de Saint-Louis, les rapides de Montréal, le lac Ontario, le lac Erié, la chute d u Niagara et le saut Sainte-Marie. Des portions de canaux latéraux ont été exécutées, avec des écluses importantes où l’on a ménagé des vannages spéciaux composés de ventelles très-étendues pour desservir une navigation très-active en débitant promptement le contenu des sas et évitant ainsi le long séjour des bateaux dans chacune de ces nombreuses écluses. On voit à l’Annexe des modèles variés des portes d’écluses employées au Canada. Les chemins de fer s’établissent rapidement dans cette contrée restée toute française de cœur, et le pont de Saint-Laurent, dont nous avons parlé déjà, donne par son importance l’idée de ce que va devenir cette industrie dans ce pays travailleur.
- La pensée concluante qui doit assaillir l’esprit après l’exploration que nous venons de faire dans les différentes parties de l’Exposition auxquelles notre art s’intéresse est une certitude de progrès très-marquée partout et pour tout. Lés matériaux premiers de la construction sont recherchés et exploités dans les contrées’les plus lointaines, ils viennent se montrer et s’offrir à nos besoins; la pierre, le bois, les métaux se disputent l’emploi qu’on peut en faire dans chaque application. Il n’est permis d’être nulle part le défenseur absolu de telle ou telle matière à l’exclusion des autres. Toutes se présentent également à nos besoins : le constructeur doit savoir choisir désormais, uniquement au point do vue du
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- but qu’il veut atteindre. C'est la meilleure condition de l’art ; c’est celle qui ouvre la porte aux conceptions vraiment grandes et élevées ; c’est celle que nous conquerrons de plus en plus chaque jour. Tout nous le dit au Palais de l’Industrie, où la France s’est particulièrement inscrite par quelques résultats qui lui appartiennent à elle seule. Chez nous seulement le fer à T est devenu élément de construction courante. Chez nous seulement des procédés industriels certains permettent de conserver les bois et de garantir la pierre. Les Anglais nous ont apporté des moyens de fondation nouveaux, qui ont la plus grande influence sur leurs travaux, qui en auront une très-notable sur les nôtres. Ils ont entrepris, sur l’échelle la plus large, des conquêtes immenses qu’ils exécutent avec une rapidité sans pareille. Sans abandonner cette voie où nous sommes précédés, nous inscrivons, sur tous nos édifices, le cachet du monument, restant ainsi fidèles à l’art qui naquit chez nous au milieu des conquêtes morales des cinq, derniers siècles. Enfin pour clore ce résumé, pensons en sortantàtout ce que tentent ces jeunes et lointaines nations à la tête desquelles nous avons dû plusieurs fois placer, à plus d’un titre, le Canada.
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- Industrie des aciers bruts et ouvrés.
- L’acier est une combinaison du fer avec 4 à 3 pour 4 00 de charbon; il contient, en outre, quelques traces d’autres métaux, tels que le manganèse, l’aluminium, etc. Il est impossible d’assigner une époque à sa découverte, mais on sait que son usage remonte, aux temps les plus reculés.
- La propriété caractéristique de l’acier est de pouvoir être trempé, c’est-à-dire d’acquérir une grande dureté si, après l’avoir chauffé au rouge, on le refroidit brusquement.
- Cette dureté, produite par la trempe, est d’autant plus
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- grande que l’acier contient plus de charbon, qu’il est plus homogène et qu’il est refroidi plus rapidement.
- Si on porte au rouge l’acier trempé et qu’on le laisse refroidir lentement, il perd sa dureté et revient à son premier état.
- La dureté n’est pas le seul résultat que l’on obtienne par la trempe; lorsqu’elle n’est pas trop forte, elle augmente aussi considérablement l’élasticité de l’acier : on tire un grand parti de cette propriété dans la fabrication des ressorts, qui doivent être éminemment élastiques.
- L’acier a une densité un peu supérieure à celle du fer; il est plus dur que lui; sa ténacité est supérieure d’un tiers environ.
- On comprend aisément qu’un métal qui a ces avantages sur le fer, dont l’emploi est si répandu, doit avoir lui-même des applications nombreuses.
- On classe, dans l’industrie, l’acier en trois groupes distincts :
- Les aciers naturels , les aciers de cémentation, les aciers fondus.
- Nous allons passer rapidement en revue les procédés de fabrication employés pour chacune de ces espèces d’acier.
- Les aciers naturels s’obtiennent soit directement au moyen de certains minerais, soit en faisant subir à la fonte une décarburation partielle.
- On l’obtient directement dans les foyers catalans en laissant en contact le minerai réduit avec le charbon incandescent; il se fait alors une combinaison du charbon avec le fer. L’acier que l’on produit ainsi manque d’homogénéité; on ne le produit qu’en très-petite quantité à la fois et presque accidentellement; il jouit de la propriété de se souder facilement au fer sans perdre de ses qualités, aussi est-il généralement employé de cette manière. On le soude au fer pour fabriquer des instruments d’agriculture très-grossiers, pour faire des tranchants, des pointes, etc. Du reste, on produit fort peu de cette-espèce d’acier.
- On emploie plusieurs procédés pour décarburer la fonte et l’amener à l’état d’acier; mais le principe consiste toujours à la mettre en fusion et à la laisser en contact avec des scories qui-fnt une action oxydante et lui enlèvent une partie de son
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- charbon. Quand la fonte est passée à l’état d’acier, de liquide qu’elle était elle se transforme en une masse spongieuse assez consistante pour être martelée ét amenée à une forme de prisme; ce prisme est divisé ensuite et les morceaux sont étirés en barres par l’action du marteau.
- La fabrication de l’acier par la décarburation de la fonte est très-répandue en France, dans les Vosges et le Dauphiné. En Allemagne, en Styrie, en Carinthie et à Sigen, la déear-buration se fait dans de petits foyers à parois en fonte; on emploie des fontes blanches très-pures, provenant de minerais spathiques, traités au charbon de bois ; on opère sur 120 à 130 kilogrammes à la fois.
- Dans le Tyrol et dans les Vosges on fait subir à la fonte , avant de la décarburer, une fusion appelée mazéage ; elle est ensuite soumise au traitement que nous venons d’indiquer ; on opère encore sur 120 à 130 kilogrammes de fonte à la fois.
- La méthode suivie dans le Dauphiné diffère de celles que nous venons de citer, en ce que l’on traite une plus grande quantité de fonte à la fois (1200 kilogrammes), et que la décarburation s’opère dans un foyer brasqué, c’est-à-dire que les parois sont recouvertes de poussier de charbon de bois fortement tassé. Cette méthode porte le nom de méthode de Rive; à l’usine d’Allevard, qui produit beaucoup d’acier naturel par ce procédé, on emploie des fontes grises ou truitées, fabriquées à l’air froid avec des minerais spathiques et du charbon de bois.
- Le caractère de cet acier est encore de manquer d’homogénéité et de se souder sans trop se décarburer, aussi est-il soumis à un raffinage qui consiste à casser les barres après qu’on les a préalablement trempées, à en faire des paquets que l’on chauffe au blanc soudant, et qu’on étire ensuite au marteau pour les amener à l’état de barres ; cette opération est répétée deux ou trois fois, selon le degré de carburation de l’acier et l’homogénéité que l’on veut obtenir. Le combustible employé pour la décarburation de la fonte est toujours du charbon de bois; pour le raffinage, on emploie ordinairement la houille.
- La fabrication de l’acier puddlé est le fait capital de l’exposition métallurgique : elle est assez peu connue encore pour.
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- qu’on nous sache gré d’entrer dans quelques détails historiques.
- Les premières tentatives pour le puddlage de l’acier ont été faites en Prusse, par M. Stengel, directeur des forges royales de Lohe, près Siegen, en 4 838. Ces premiers essais, continués par M. Stengel jusqu’à sa mort, n’ont pas eu de succès immédiat, mais ils ont ouvert la voie à ceux qui sont venus après lui.
- Les grandes difficultés éprouvées par M. Stengel avaient différentes causes : la forme du four à puddler, l’emploi du ventilateur, et la nature même des fontes aciéreuses ou lamel-leuses qu’il employait. La qualité des produits manquait tout à fait de régularité. Quelques charges donnaient de l’acier de très-bonne qualité; dans d’autres on n’obtenait que du fer de qualité supérieure.
- MM. Boing, Rohr et Cie, à Limbourg-sur-Lenne, réussirent dès 4 847 à puddler de l’acier en grand, et de qualité assez bonne pour être employée par les fabricants d’outils de Rem-scheid et de Solingen, et à un prix tellement bas que les aciers bruts fabriqués au charbon de bois ne pouvaient plus soutenir la concurrence, et se voyaient dans la nécessité d’abandonner leur procédé pour suivre l’exemple de cette maison.
- C’est de cette époque que date le puddlage de l’acier qui est répandu dans un certain nombre d’établissements du pays de Siegen et des contrées environnantes.
- Pour parvenir à ce puddlage, quelques établissements emploient les fontes aciéreuses proprement dites, auxquelles on mélange des fontes truffées provenant des mêmes minérais. On obtient alors des aciers de qualité supérieure, qui, étant corroyés, se vendent aux fabriques de Remscheid ou bien aux fabricants d'acier fondu, tels que M. Krupp, dont l’exposition est si remarquable, M. Lohmann et autres.
- Dans d’autres établissements on emploie, en majeure partie, des fontes à meilleur marché, mais toujours mélangées aux fontes aciéreuses. On obtient, suivant les proportions de ces mélanges, des aciers appropriés aux usages auxquels on les destine, tels que bandages de roues pour les locomotives et les wagons. Ces aciers, il faut bien en convenir, sont de qualité inférieure, mais leurs prix dépassent peu ou pas celui du fer.
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- La principale différence entre les fours à puddler l’acier et ceux à puddler le fer consiste dans un abaissement de la voûte qui produit une chaleur plus forte et plus régulière. Le travail de ce puddlage est pénible. 11 faut remuer sans cesse, surtout quand il y a un commencement de bouillonnement qui indique que le carbone commence à s’oxyder, car la grande difficulté de l’opération est de ne pas enlever à la matière tout le carbone qui lui est combiné. On tient le métal soigneusement recouvert de scories des anciennes forges d’acier; on y ajoute, vers la fin, des scories très-fusibles, mélange d’argile, de manganèse et de sel. On obtient ainsi avec des fontes de qualités régulières, des qualités d’acier bien égales. Lors de l’allumage du feu et tant que la température n’en a pas atteint le degré convenable, on fait quelques charges en fer.
- Vers 1841, on commença à Seraing (Belgique), dans l’établissement John Cockerill et Cie, des essais dans le même but. Mais là se trouvait une difficulté réputée insurmontable. Outre qu’il fallait, comme en Prusse, arriver aux procédés, au tour demain du puddlage, on n’avait pas à sa disposition les minerais aciéreux pour les employer, sinon en totalité, du moins en mélange. Il fallait y parvenir avecdes minerais quelconques, et c’est ce grand problème qui paraît résolu dans rétablissement de Seraing, par MM. Pastor et Coste, depuis quatre à cinq ans.
- Les minerais argileux exposés comme types sont ceux que l’on emploie. L’exposition de Seraing n’a point de luxe; elle offre simplement les matières premières employées dans la fabrication, et la série des divers états par lesquels a passé la matière jusqu’à sa transformation en acier fondu. Quelques limes, placées là simplement comme types de qualité, complètent cet envoi.
- Seraing vient de doubler ses moyens de fabrication afin de pouvoir vendre ses produits à l’état d’acier. Jusqu’alors tout était employé dans l’usine, même pour les innombrables outils et pour les machines qu’elle produit journellement. L’acier puddlé y vaut 35 centimes le kilogramme et l’acier fondu de 60 à 70 centimes.
- Une locomotive construite pour le chemin de fer du Nord et qui figure à l’Exposition, construite à Seraing, esten grande partie en acier de Seraing seulement.
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- L’établissement de MM. Schneider et Cie, au Creuzot, paraît entrer, dans ,la: même voie que Seraing. Mais nous manquons de renseignements et sur l’importance de leur fabrication actuelle et sur la nature des minerais qui y [sont employés.
- Que l’invention parte de Prusse, de Belgique et de France, et l’on peut très-bien admettre qu’elle appartienne à chacun en particulier, vu le mystère dont on avait enveloppé les moyens de fabrication jusqu’à ce jour, il n’en est pas moins positif que l’acier produit avec un minerai quelconque semble devoir annoncer une révolution complète dans cette industrie, et faire substituer l’acier aux fers dans un grand nombre d’applications.
- Les. aciers de cémentation s’obtiennent en carburant le fer ; l'opération se fait de la manière suivante : on place des barres de fer plat dans des caisses en briques réfractaires avec un dixième en volume de poussier de charbon de bois ; on ferme cette caisse hermétiquement ; on la chauffe ensuite au rouge, et l’on maintient cette température pendant huit jours. Le fer, au bout de ce temps, s’est combiné avec le charbon, dans toute son épaisseur.
- L’acier ainsi obtenu ne peut être employé au sortir de cette caisse ; il n’est pas homogène ; il présente une surface couverte d’ampoules qui lui ont fait donner le nom d’acier poule; il doit être soumis au moins à un martelage. Ordinairement, on lui fait subir un ou deux raffinages ; il porte alors le. nom d’a-cier à un ou deux éperons.
- Le fer employé en Angleterre pour la cémentation est presque exclusivement du fer de Suède. En Allemagne, on cémente les fers de Styrie, de Carinthie et des bords du Rhin. En France, on emploie des fers de Suède, et, le plus souvent, des fers de l’Ariége. .; - , ..
- L’acier fondu s’obtient en fondant les aciers naturels ou de cémentation, ou un mélange des deux. Cette opération, en rendant l’acier plus homogène, . lui donne des qualités de beaucoup supérieures. ,
- Pour fondre l’acier, on casse, en morceaux, les[barres d’acier cémenté ; on les met ensuite dans un creuset en terre réfractaire qui peut en contenir de 15 à 20 kilogrammes. On place ensuite ce, creuset' dans un four que.l’on remplit de, coke ; le tirage se fait au moyen d’une cheminée; au bout de trois à quaire heures l’acier est.en fusion. On enlève alors le creuset
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- du four, ët on coule l’acier dans un moule en fonte appelé lin-gotine, dont la section tranversale est octogonale.
- Dans ces derniers temps, on a substitué, à Saint-Étienne, l’emploi de la houille à celui du coke pour fondre l’acier ; on est parvenu à réduire ainsi le temps de la fusion de près de moitié, en réalisant une grande économie sur le combustible.
- L’acier fondu n’acquiert ses qualités qu’après avoir été soumis à un martelage très-énergique ; pour cela, les lingots sont portés à la température rouge et soumis à l’action du, marteau, puis réchauffés et étirés en barres. Cette dernière opération se fait aussi au laminoir.
- Nous allons maintenant passer en revue les applications principales de l’acier ; l’Exposition nous en présente de très-intéressantes et que l’industrie réclame impérieusement depuis quelques temps.
- Nous parlerons d’abord des bandages pour machines, locomotives et wagons. Plusieurs spécimens sont exposés par MM. Frédéric'Krupp, Jackson et l’usine d’Allevard ; ceux de MM. Krupp et Jackson sont en acier fondu, ceux de l’usine d’Allevard en acier naturel.
- Le procédé de fabrication de M. Krupp nous paraît extrêmement rationnel et du plus haut intérêt, car il donne de magnifiques produits; nous en dirons quelques mots :
- On commence par fondre un lingot d’un poids suffisant pour en tirer le bandage ; pour cela on verse dans un moule, sans interruption, le contenu d’un certain nombre de creusets (et la fabrication de M. Krupp est assez considérable pour produire ainsi, lorsqu’il est nécessaire, un lingot du poids de 42000 kilogrammes). Le lingot a environ un tiers de la longueur du bandage ; on perce près des extrémités du lingot deux trous à froid que l’on réunit par une fente dans toute la longueur du lingot; on le porte ensuite au rouge; on ouvre la fente, et quand la pièce aune forme à peu près circulaire, on la réchauffe et on la soumet à l’action du laminoir, qui lui' donne le profil et qui l’amène exactement au diamètre que le bandage doit avoir définitivement, de telle sorte qu’il pourrait être immédiatement placé sur la roue.
- Ces bandages subissent donc, dans leur fabrication, un étirage très-énergique qui leur donne une grande ténacité.
- Les arbres, les essieux, les laminoirs s’obtiennent en fon-200 , 11)1
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- dant d'abord un lingot d’un poids supérieur à celui de la pièce que l’on veut fabriquer,en le martelant énergiquement, carré d’abord, puis rond, de manière à le rendre très-homogène. Des spécimens exposés par M. Krupp prouvent que l’acier qu’il emploie pour celte dernière application est très-doux et prend àla trempe une très-grande dureté. Les tables de ses cylindres qui sont trempées ne peuvent être entamées par la lime, tandis que les tourillons qui ne le sont pas se liment très-facilement.
- Une application des plus remarquables de l’acier fondu est celle qui a été faite aux canons et aux mortiers ; on comprend, en effet, ce qu’il y aurait d’intéressant à substituer aux canons actuels des canons plus résistants, moins lourds de moitié et d’un prix moins élevé. MM. Krupp, ont exposé un spécimen de ces canons.
- Le procédé de fabrication employé par M. Krupp consiste toujours à couler un lingot que l’on martèle pour donner de l’homogénéité et de la ténacité à la matière ; puis, quand il a à peu près la forme extérieure du canon, on le fore à froid et on le tourne comme on le fait ordinairement pour les canons en bronze. Pour que l’acier soit suffisamment martelé, il faut dans cette fabrication se servir de marteaux extrêmement lourds.
- Les aciers de M. Krupp présentent un grain très-fin et très-blanc ; ils sont d’une grande malléabilité et très-tenaces; nous citerons comme exemple un copeau de 60 mètres de longueur enlevé au tour sur un cylindre ; une cuirasse complètement aplatie sans qu’une gerce se soit produite, et qui a résisté, malgré sa légèreté, à trois balles qui l’ont frappée au même endroit.
- M. Jacob Holtzer, de Firmini. ( Loire ), a aussi exposé des aciers très-malléables et se travaillant facilement à la lime ; il les obtient en fondant ensemble de l’acier de cémentation, fabriqué avec des fers de Suède et de l’Ariége par la méthode ordinaire, et des aciers naturels; la proportion des doux espèces d’acier donne un acier fondu plus ou moins doux, et qui jouit de la propriété de se souder facilement.
- L’une des industries qui emploie le plus d’acier fondu, depuis le développement considérable qu’ont pris les chemins de fer, est celle des ressorts. Nous en dirons quelques mots.
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- Le but d’an ressort est d’empêcher, par son élasticité, qu’un choc produit sur une partie d’un véhicule ou d’un appareil quelconque, soit transmis brusquement à l’ensemble. L’élasticité des ressorts s’obtient par des formes spéciales et surtout par la trempe des lames dont ils se composent; leur fabrication comporte toujours à peu près la série d’opérations suivante :
- Les feuilles d’acier que l’on emploie sont d’ordinaire en acier laminé; on commence par les débiter à la longueur des lames composant le ressort, puis on perce un trou au milieu de la barre, dans lequel doit passer un boulon qui relie toutes les feuilles. Pour amincir l’extrémité des feuilles, on les chauffe dans un four spécial, et quand elles sont portées au rouge, on les engage dans deux cylindres de laminoirdontl’un est excentré, de manière que la distance entre les deux cylindres varie dans une révolution, de sorte que les feuilles introduites avec facilité d’abord se trouvent comprimées; une fraction de tour suffit à terminer cette opération. Les feuilles amincies sont ensuite coupées rigoureusement à la longueur qu’elles doivent conserver.
- Quelquefois l’amincissement des feuilles se fait en usant la lame sur une meule, mais .alors on reporte cette opération plus tard quand les feuilles sont cintrées et trempées.
- On fait ensuite, avec une machine spéciale, une saillie et une fente à l’extrémité de chaque feuille ; elles sont disposées de telle sorte que les saillies d’une feuille entrent dans les fentes pratiquées aux extrémités dé la feuille inférieure.
- Les feuilles sont ensuite chauffées dans un four à réverbère; quand elles sont rouges, on les passe dans un appareil qui leur donne la courbure qu’elles doivent avoir, puis on les plonge, encore rouges, dans l’eau. Elles sont alors trempées; leur surface présente un aspect gris. Dans cet état la trempe est trop forte, l’acier est cassant. Pour lui rendre sa malléabilité, on lui fait subir une opération appelée recuit; elle consiste à exposer chaque lame dans un four particulier, jusqu’à ce que la température s’élève, au point de changer sa couleur, qui d’abord était blanchâtre, en une couleur comprise entre le blanc et le violet. Lorsque l’on a atteint cette couleur, on plonge la lame, dans l’eau froide, et elle se trouve convenablement trempée. Les couleurs que l’on obtient par le
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- recuit se succèdent dans l’ordre suivant : le fauve, le pourpre, le violet et le bleu ; chaque couleur pour une même qualité d’acier correspond à un degré de dureté déterminée.
- Les lames ainsi trempées sont blanchies sur de grandes meules à aiguiser, marchant à une très-grande vitesse ; toutes celles entrant dans la composition du ressort sont réunies, et le ressort est essayé ; quand sa flexibilité est reconnue satisfaisante, il est livré au commerce.
- ’ L’industrie des ressorts est représentée à l’Exposition par les produits de M. Jackson, Krupp, l’usine d’AUevard et quelques usines d’Allemagne. Les aciers employés pour les ressorts de carosserie sont des aciers naturels ou de cémentation ; l’acier fondu n’est employé que pour les ressorts des véhicules de chemins de fer.
- Tôles en acier fondu.
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- Les principales applications de ces tôles que nous voyons à l’Exposition, consistent en une chaudière à vapeur ordinaire exposée par MM. Petin et Gaudet, et diverses pièces de chaudronnerie d’un travail remarquable.
- La fabrication des tôles d’acier fondu est très-simple ; on commence par couler dans une lingotière une plaque de 4 à 5 centimètres d’épaisseur. Elle est ensuite laminée à l’épaisseur voulue, en la réchauffant quand elle présente une trop grand,e résistance au laminage. Le laminage se fait du reste très-facilement, l’acier fondu étant très-malléable.
- Les avantages que présente l’emploi de la tôle en acier fondu sur la tôle ordinaire ne sont pas encore établis par l’expérience ; mais on ne peut douter que la réduction de poids considérable qu’elle permet'à sécurité égale, ne tende à généraliser son usage, pour les chaudières de bateaux, locomotives, etc. En la soumettant à des recuits assez fréquents, elle peut d’ailleurs être emboutie avec la plus grande facilité. '
- La fabrication des faux est extrêmement répandue en Europe ; elle comprend un très-grand' nombre d’opérations de forge qui se font presque toutes avec de petits martinets battant un très-grand nombre de coups, saufle dressage pour lequel on fait usage de marteaux à main.
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- Pour tremper les faux, on les plonge dans un bain de corps gras, composé d’huile, de suif, etc. Cette trempe, quoique douce, est cependant trop forte ; pour l’amener à un état convenable, on soumet la faux à un recuit dans un bain de sable chauffé. On juge à la couleur que prend la faux quand il est suffisant. Elle est alors dressée définitivement et recouverte quelquefois d’un enduit composé de caoutchouc dissous dans l’alcool, qui la préserve de l’oxydation.
- On distingue les faux en deux groupes principaux : celles qui sont entièrement en acier d’une seule pièce, et qui comprennent les faux allemandes et françaises, et les faux composées d’une lame d’acier attachée sur une monture en fer.
- Les faux allemandes sont généralement en acier naturel ; elles sont malléables, et les agriculteurs se servent de celte propriété pour en refaire le taillant à froid par un martelage, quand il est trop émoussé pour que l’action d’une pierre à aiguiser soit suffisante. Elles sont fabriquées en Styrie, Carin-thie, dans le duché de Berg, etc.
- Les faux françaises représentées à l’Exposition par celles de MM. Jackson et Talabot, Abatte, Dorian Holtzer sont en acier fondu très-doux; le tranchant peut se faire par un martelage.
- Les faux composées d’une lame d’acier avec monture en fer sont de provenance anglaise; l’acier des lames est peu malléable ; le tranchant se fait exclusivement par l’aiguisage. Nous signalons celles de MM. Sorby, Butterly, Hobson et Cie comme les plus remarquables en ce genre.
- L’application la plus ancienne de l’acier est certainement celle qui a été faite aux objets tranchants pour l’usage domestique et pour les outils destinés à l’agriculture, au travail du bois, des métaux, etc., etc.
- Ces objets comprennent la coutellerie et la taillanderie; parmi les outils propres au travail des métaux , nous distinguons plus particulièrement les limes.
- La coutellerie, les scies, les faux, etc., etc., dans lesquelles la légèreté est une qualité essentielle, sont entièrement en acier; l’augmentation de main-d’œuvre, qui résulterait de l’emploi combiné du fer et de l’acier , serait, dans presque tous les cas, supérieure à l’économie que l’on pourrait réaliser sur le prix du métal. Ce système donnerait, d’ailleurs ,
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- pour la coutellerie fine de moins beaux polis, l’acier poli ayant beaucoup plus d’éclat que le fer.
- Pour les objets de, taillanderie, au contraire , qui doivent avoir un certain poids nécessaire pour utiliser leur qualité tranchante , et qui doivent pouvoir être fabriqués à bas prix, on emploie l’acier exclusivement pour les tranchants, etc. ; le reste de l’outil est en fer.
- Les limes sont toujours entièrement en acier, qu’on utilisé comme acier brut quand les limes sont hors de service.
- La coutellerie et les objets d’acier en général présentent dans leur fabrication la même série d’opérations qui sont toujours :
- Un forgeage suivi d’un travail à la lime ; la trempe presque toujours suivie d’un recuit et d’un redressage ; puis, pour les objets tranchants, l’émoulage et l'aiguisage , et enfin le polissage quand les pièces doivent avoir de l’éclat.
- Nous dirons quelques mots de ces diverses industries, et nous signalerons en passant les produits exposés qui ont le plus frappé notre attention.
- Les scies se fabriquent généralement avec de l’acier fondu, laminé d’abord à chaud, puis à froid quand la bande d’acier est arrivée à la largeur voulue.
- Elles sont trempées de la même manière que les faux ; on leur fait ensuite éprouver un recuit et un dressage entre deux plaques de fonte ou de fer chauffées jusqu’à ce que leur couleur arrive au jaune ou au bleu, suivant la qualité de l’acier.
- Les lames passent alors au polissage, puis on enlève les dents à l’emporte-pièce. Pour le polissage on emploie un lapidaire à l’émeri. Les scies les plus remarquables sont celles exposées par MM. Spear Jackson, Goldenberg, Couleaux, etc.
- La fabrication des outils pour le travail du bois, l’agriculture, etc., etc., désignée sous le nom de taillanderie, consomme aussi une grande quantité d’acier. L’acier, dans ces outils, est presque toujours allié au fer; il forme exclusivement les tranchants, pointes, etc.; le reste de l’outil est en fer. Nous donnerons une idée générale de cette fabrication.
- On commence par ébaucher la pièce, et on donne la forme définitive aux parties qui ne doivent pas être aciérées. Ce forgeage terminé, on procède au soudage de l’acier ; pour cela on applique une plaque d’acier sur la pièce de fer ou dans
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- l’intérieur, après l’avoir ouverte, selon que le tranchant doit être sur le bord ou au milieu de l’épaisseur de l’outil. On chauffe le tout au blanc soudant, on forge et on étire à la forme définitive. Quand on emploie l’acier fondu, on chauffe la pièce de fer avant que d’appliquer la mise d’acier, et on interpose du borax entre les deux pour faciliter la soudure. .
- La pièce étant finie de forge est trempée et recuite.
- Le recuit s’opère en chauffant la pièce, quand elle n’a pas de grandes dimensions, sur un morceau de fer rouge , et les pièces de grandes dimensions, dans un feu spécial.
- Quelques outils, tels que les mèches, vrilles, etc., sont composés d’étoffes, c’est-à-dire de plusieurs lames de fer et d’acier soudées et corroyées avant le forgeage de l’outil.
- Après la trempe, les pièces sont émoulues, aiguisées et polies.
- Quelques outils sont exécutés aujourd’hui en acier fondu ; ils sont principalement employés pour la sculpture, l’ébénis-terie, etc.
- Les aciers employés pour la taillanderie sont, en Angleterre, presque exclusivement des aciers de cémentation dits aciers poules; en France, des aciers naturels del’Ariége, obtenus par la méthode de Rive ; en Allemagne on emploie, en grande partie, les aciers naturels de la Styrie, de la Carinthie et du Tyrol
- Nous citerons comme les plus remarquables les produits de MM. Sorby, W. Jackson, Taylor frères, Hotson, pour l’Angleterre ; pour la France, MM. Goldenberg, Couleaux et Cie, Peugeot, et pour l’Allemagne MM. Wertheim, J. D. Post Lindruberg, etc., etc.
- L’industrie des limes est représentée par les productions les plus célèbres. Nous voyons, en effet, dans l’exposition anglaise, les noms de MM. Spencer, Turton, Spear and Jackson, Sorby; dans l’exposition allemande, Mannesman, Honsberg, Hansenclever. En France, Goldenberg, Goulot, Bouvier fils aîné, Dumas, Saint-Bris, Monmouceau, Béranger, Raoul, etc.
- On emploie , en Angleterre , pour la fabrication des limes , l’acier cémenté, et plus généralement l’acier fondu.
- Les fameuses limes à grosse taille de N. Spencer sont fabriquées avec de l’acier cémenté provenant du fer de Suède. Cet acier est soumis à un simple étirage.
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- En Allemagne, on se sert d’acier naturel pour les limes à grosse taille, et d’acier fondu pour les tailles fines.
- En France, on emploie, en général, pour les grosses limes, les aciers naturels et de cémentation, et pour les limes à tailles fines, l’acier fondu.
- La fabrication des limes comprend le forgeage ; il se fait à la main. Cependant, quand les limes sont grosses, elles peuvent être ébauchées au martinet. Après le forgeage, les limes communes sont aiguisées sur la meule; les limes fines sont blanchies à la lime; elles sont ensuite soumises à un recuit; pour cela, on les place dans une caisse en tôle fermée hermétiquement dont on élève la température au rouge blanc ; on laisse ensuite refroidir lentement. Au sortir de la caisse, elles sont limées légèrement, et on procède à la taille : cette opération se fait toujours à la main. Quand la lime est taillée, elle est portée au rouge, puis trempée ; pour empêcher la décarburation de la lime en la chauffant quand elle est taillée, on la recouvre d’un mastic contenant des matières carburées e4 qui la préserve du contact de l’air. La trempe s’opère en les plongeant dans un baquet d’eau légèrement acidulée, et contenant du sel ammoniac et du sel marin.
- Les limes se voilent ordinairement à la trempe; on les redresse en les plaçant sur deux points d’appui et en les soumettant à l’effet d’une vis de pression. On les chauffe légèrement pour faciliter le redressage.
- Coutellerie.
- La fabrication des lames de couteaux, rasoirs, canifs, ciseaux, etc., comprend: le forgeage, le limage, la trempe, l’aiguisage et le polissage.
- Le forgeage se fait presque toujours à la main, en étirant les barres d’acier sur des enclumes spéciales. Cependant, aujourd’hui , MM. Sommerlet, Dantan et Cie, de Nogent, enlèvent les lames de couteaux, ciseaux, etc., à l’emporte-pièce dans des tôles d’acier fondu, et achèvent de leur donner la forme par un estampage. Ces deux opérations remplacent très-avantageusement le forgeage à la main et le limage.
- Quand les pièces sont forgées, elles sont soumises à un recuit qui doit être fait en vase clos pour être régulier, quand
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- on opère sur un grand nombre de pièces à la fois. Ce recuit a pour objet d’adoucir l’acier et de rendre ainsi le travail de la lime facile. Quand on a dégrossi les pièces à la lime, on les trempe, après avoir élevé leur température au rouge, soit en les plongeant dans l’eau pure ou dans un bain composé d’huile et de suif; la pièce subit ensuite un recuit qui l’amène au degré de dureté que l’on veut obtenir. Pour les rasoirs, on s’arrête généralement à la couleur jaune ; pour les couteaux et les ciseaux, à la couleur violette, etc.
- Après la trempe, les lames sont amenées à leur forme définitive par l’émoulage ; elles sont ensuite aiguisées et polies.
- On se sert, pour l’émoulage et l’aiguisage, de meules en grès quartzeux, tournant avec une grande vitesse ;»pour le polissage on emploie des lapidaires de bois ou couverts d’une peau, sur lesquels on applique des poudres dures, au moyen de corps gras qui les rendent adhérentes. Les plus beaux polis s’obtiennent avec les poudres les plus fines et des lapidaires recouverts de peau ; quand il doit être éclatant on le finit à sec, c’est-à-dire sans l’intervention d’un corps gras.
- La coutellerie anglaise est représentée à l’exposition par les fameux produits de Scheffield. La coutellerie allemande, par ceux de MM. Schmattz, Woesté et J. L. Blecff, Holler. La coutellerie française, par les produits de MM. Sommerlet-Dantan et Cie, Molaingy, Stauvenghre, de Nogent, pour la coutellerie fine; par ceux de MM. Sabatier, Dumon et Gérard, de Thiers, pour la grosse coutellerie; et enfin par ceux de M. Charrière fils, de Paris, pour les instruments de chirurgie.
- Les aciers employés sont l’acier fondu pour la coutellerie fine, et les aciers naturels et de cémentation corroyés ou bruts pour la coutellerie ordinaire.
- Nous devons encore dire quelques mots d’une nouvelle application de l’acier fondu que M. Verdié expose sous le nom de produits mixtes de fer et acier.
- Voici le procédé de fabrication suivi jusqu’à présent. Quand on veut recouvrir d’acier une barre de fer, on commence par porter la barre de fer au rouge blanc, puis on la place dans une lingotière ou moule qui a la forme générale de la pièce que l’on veut obtenir ; quand la' pièce en fer est placée, on coule de l’acier en fusion dans la lingotière. On obtient une
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- pièce à laquelle on donne ensuite la forme définitive, par un martelage ou même par un laminage quand la pièce doit avoir une forme prismatique. Les principaux avantages de ce produit sont d’être meilleur marché que l’acier fondu tout en remplissant le même but. Dans un grand nombre des applications de l’acier, il arrive en effet qu’on n’utilise pas toutes ses propriétés, qu’on ne le choisit qu'en vertu de quelqu’une d’entre elles, tandis que les autres sont souvent même gênantes. Tels sont les laminoirs pour petits fers, aciers, monnaies, etc., bandages de locomotives et wagons, dans lesquels le rôle de l’acier est de donner des surfaces dures pouvant être trempés, mais où l’on n’utilise pas toute sa ténacité. Les produits mixtes de fer et d’acier sont très-propres à ces usages. Ces produits peuvent avoir même l’avantage sur l’acier foudu pour des pièces telles que des bandages de roues de locomotives, qui doivent être tournées intérieurement, le travail du fer étant beaucoup plus facile.
- Quelquefois même, pour de grosses pièces, ils.peuvent présenter plus de sécurité que l’acier fondu; nous avons vu, en effet, que ce dernier métal ne possède toutes les qualités qu’après avoir été soumis à un martelage énergique qui le rend homogène. Ce martelage devient difficile quand la pièce a des dimensions considérables, et l’intérieur d’une pièce, dans ces conditions, peut avoir une résistance inférieure à celle du fer.
- Les produits exposés par M. Verdié sont des spécimens de bandages, rails, tiges de piston et des barres carrées. Si la fabrication de ces fers chargés d’acier à l’état liquide ne présente pas de trop grandes difficultés, ils sont sans doute réservés à de nombreuses applications.
- En résumé, la fabrication de l’acier a réalisé, dans ces dernières années, d’immenses progrès. L’emploi de ce métal encore neuf, pour ainsi dire, se répandra certainement dans les arts avec une grande rapidité ; on peut même affirmer que, grâce à ses propriétés précieuses, l’acier sera substitué au fer dans un grand nombre d’applications, qui jusqu’à présentent exclusivement appartenu à ce dernier métal. La grande question du poids des machines qu’on retrouve toujours dans les locomotives et dans les bateaux, se trouve en partie résolue par l’emploi de l’acier, qui permettra d’en réduire les or-
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- ganes, tout en leur donnant une résistance supérieure; ce progrès, qui sera immense quand l’abaissement du prix de l’acier l’aura rendu général, a été déjà réalisé sur quelques machines; on peut voir en effet à l’Exposition une locomotive dont les essieux, bielles et tous les organes accessoires sont exécutés en acier. '
- Les aciers prussiens, surtout ceux de M. Krupp, ont excité une admiration générale et méritée ; l’Angleterre conservé encore à cette Exposition son antique supériorité pour les outils, tels que les scies, les grosses limes, etc.; quant aux produits français, ils sont tous dans une voie de progrès et de développement rapides; Saint-Etienne expose des aciers fondus et de cémentation d’excellente qualité ; Allevard et un grand nombre d’usines produisent de très-beaux aciers naturels.- M. Holtzer, à Firmini, et le Creuzot abordent la fabrication de l’acier puddlé, industrie destinée à rendre son emploi presque général dans la construction. Enfin, des produits manufacturés remarquables sortent des usines de MM. Petin et G-audet, Jakson et Cie. Nous citerons, par exemple, les tôles d’acier, les essieux, les bandages, les ressorts, les faux, etc. L’ardeur avec laquelle les progrès de cette industrie sont poursuivis, permet d’espérer que, dans peu de temps, celte fabrication ne le cédera en rien à celle de nos voisins.
- CLASSE XVI.
- Fabrication des ouvrages en métaux d’un travail ordinaire.
- Les détails dans lesquels nous sommes entré dans plusieurs occasions, soit sur les procédés métallurgiques, soit sur les machines employées dans la fabrication des objets en métal, nous permettront de ne consacrer aux produits de cette classe qu’un espace assez restreint. Nous avons déjà vu par quels moyens le minerai de fer est amené, dans les hauts fourneaux, à l’état de fonte en gueuse, tantôt réservée pour
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- être convertie en fer, tantôt employée pour les fontes de deuxième fusion : nous nous arrêterons un instant sur les procédés que comporte cette dernière opération.
- Les ornements en fonte de fer sont représentés par les produits des usines de Val-d’Osne, de M. Du.cel, de la Company de Coalbrookdale, de MM. Requilé-Pequeur et Bukens de Liège, qui nous offrent toutes les variétés, depuis les plus simples ornements employés dans les constructions jusqu’à des statues qui sont de véritables objets d’art. On distingue, au point de vue du moulage, deux espèces d’ornements : les ornements plats et les ornements en relief.
- Le moulage des ornements plats se fait généralement en sable vert, il ne présente aucune difficulté; on se sert de modèles en métal de formes telles qu’ils puissent se dégager du sable sans altérer le moule. Pour obtenir des surfaces très-lisses, on emploie des modèles bien polis, du sable fin et on repose le modèle. Cette opération consiste à remettre le modèle dans le moule après en avoir saupoudré l’extérieur avec du poussier de charbon de bois ; on obtient ainsi une empreinte définitive bien nette.
- Les ornements en relief, parmi lesquels se trouvent comprises les statues, présentent souvent de grandes difficultés de moulage provenant de l’impossibilité de retirer le modèle du moule sans le briser.
- Pour quelques pièces on surmonte celte difficulté en employant des châssis composés de plusieurs pièces contenant chacune une portion du moule et qui peuvent, grâce à cette disposition, se dégager séparément du modèle.
- Dans beaucoup de cas, pour de grands ornements ou des statues, par exemple, on a recours au moulage à pièces de rapport. Ce moulage se fait généralement aujourd’hui en couvrant le modèle de pièces de sable fortement tassé, assez nombreuses et appareillées de telle façon qu’elles puissent toutes être retirées facilement sans se briser.
- Quand le modèle est ainsi recouvert, on l’entoure des deux châssis que l’on assemble et on tasse du sable entre le modèle recouvert de ses pièces de sable et les parois du châssis. On sépare ensuite les deux parties du châssis qui portent les empreintes extérieures des pièces rapportées ; chacune de ces pièces est ensuite enlevée et fixée à sa place par des épingles
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- en fil de fer. Quand le moule est ainsi reconstitué, on le porte à une dessiccation aussi complète que possible.
- Les hoyaux qui doivent former les ornements à l’intérieur des pièces, se font en tassant'du sable dans un moule en deux parties au moins et dans l’intérieur duquel on place des armatures disposées de manière à consolider le noyau et à former le vide nécessaire au dégagement des gaz.
- Quand le moule et le noyau sont suffisamment secs, on procède au remoulage. Cette opération consiste à placer le noyau entre les deux parties du moule que l’on assemble ensuite solidement; les positions respectives du moule et du noyau sont conservées au moyen de petites entretoises placées dans le vide que doit remplir la fonte.
- Quand le moule est ainsi préparé on coule la fonte.
- Les statues ne sont pas toujours exécutées d’une seule pièce, elle sont souvent composées de plusieurs morceaux que l’on assemble ensuite. On conçoit que dans ce cas les difficultés du moulage sont considérablement réduites.
- La fonte de fer a remplacé la fonte de cuivre pour beaucoup d’ornements en relief ; les procédés de moulage sont les mêmes, seulement on emploie un sable un peu plus gros et plus réfractaire pour la fonte dont le point de fusion est plus élevé et qui est plus fluide que le cuivre.
- Le prix de la fonte étant beaucoup moins élevé que celui du cuivre, on a simplifié la forme des noyaux des ornements ; on évite ainsi des difficultés de moulage quelquefois très-grandes, en augmentant le poids de la pièce, sacrifice très-laible quand le métal est la fonte.
- L’usine de Niederbronn nous présente une grande variété de fonte de moulage en pièces de mécanique, ornements, poteries, etc.
- Comme [pièces de mécanique, nous citerons deux arbres creux du poids de «3000 kil. d’une exécution remarquable.
- Les poteries exposées par cette usine sont d’une grande légèreté. Ces pièces ainsi que les appareils de chauffage, se moulent toujours en sable vert.
- Les poteries en fonte telles que marmites, casseroles, etc., ont l’inconvénient de s’oxyder ; on a d’abord cherché à les préserver de cette oxydation par un étamage. Aujourd’hui on
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- emploie généralement l’émail, il est beaucoup plus solide. On le fixe de la manière suivante :
- On commence par enduire l’intérieur du vase d’une pâte liquide composée de quartz et de borax fondus ensemble, pulvérisés et mélangés avec de l’argile. On saupoudre cet enduit avec une poussière composée de feldspath, de borax et d’oxyde de zinc; on porte ensuite le vase dans un four dont la température est assez élevée pour fondre l’émail et le rendre adhérent.
- Plusieurs usines en France, en Angleterre et en Allemagne nous présentent des produits de cette nature parmi lesquels il convient de distinguer ceux de M. Paris, de Bercy, et surtout les poteries émaillées pour usages domestiques, pour conduits et pour baignoires de M. Henrick et fils, de Stafford. Ces industriels ont épuisé pour leur exposition toutes les ressources de cette industrie encore récente.
- Les usages des métaux sont si nombreux, leur ténacité et leur malléabilité se prêtent si bien à tous les besoins de l’industrie, que leur emploi tend toujours à se généraliser. Combien de menus objets qui se faisaient la plupart du temps en bois, se font maintenant plus économiquement en métal. Les procédés de la tréfilerie et de l’estampage font tous les jours des progrès, parmi lesquels il convient de citer en première' ligne ceux qu’a réalisés M. Palmer. En donnant à la matière et à propos des recuits convenables, cet habile mécanicien est parvenu' à faire des tuyaux emboutis sans soudure, dont tes applications deviennent chaque jour plus variées. Ses baguettes en tôle pour moulures présentent cette année plusieurs applications fort originales et absolument nouvelles. Ses modèles de persiennes et de croisées, construites entièrement en fer étiré, sont d’une légèreté dont il serait impossible d’approcher en employant le bois. Ces premiers essais nous paraissent être un gage assuré d’applications nombreuses et prochaines dans la même direction.
- Les tuyaux de fer creux sans soudure, fabriqués d’abord en Angleterre, n’ont point encore trouvé dans la pratique un coulement facile, par suite de leurs prix élevés. L’assortiment exposé par M. Russell, de Londres, qui comprend toutes les pièces accessoires pour les tubulures et pour les joints, montre bien toutes les ressources dont ces tuyaux
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- sont susceptibles ; ils sont confectionnés en France dans une seule usine, celle de M. Gandillot.
- Avant d’énumérer quelques produits spécimens, nous jetterons un coup d’œil sur les divers emplois du zinc et du cuivre dans les arts.
- Zinc. Ce métal, tant comme échantillons, que comme applications, est presque exclusivement représenté à l’Exposition par les produits de la société de la Vieille-Montagne, qui du reste par une ingénieuse activité en augmente tous les jours le nombre et la variété.
- Avant d’énumérer les applications du zinc qui nous paraissent le plus dignes de remarque, nous dirons quelques mots sur ses principales propriétés et sa métallurgie.
- Le zinc a une densité un peu inférieure à celle du fer; il est très-malléable à la température de 100°; il se dilate considérablement et distille au rouge blanc. C’est sur cette dernière propriété qu’est baséè sa métallurgie.
- On trouve le zinc dans la nature à l’état de zinc carbonaté ou calamine, de sulfure ou blende et de silicate, accompagnés d’une gangue argileuse ou calcaire. Les deux premiers minerais sont seuls exploités. Le premier est le plus commun.
- La société de la Vieille-Montagne a exposé dans l’annexe de très-beaux échantillons de minerais; ils proviennent de Belgique, de la Prusse Rhénane, du duché de Bade, etc. Les plus remarquables sont deux blocs de calamine de 3000 kilos chacun, extraits des mines de Moresnet et de Welkenraedt, en Belgique.
- La première opération de la métallurgie du zinc est toujours un grillage qui a pour résultat de transformer le minerai en oxyde de zinc. Ce grillage se fait dans des foursanalugues aux fours à chaux. Le minerai grillé est ensuite pulvérisé et mélangé avec la moitié de son poids de houille, puis ce mélange est introduit dans des cornues en terre que l’on soumet à une température très-élevée dans des fours spéciaux.
- Dans ces circonstances l’oxyde se réduit et le zinc distille; il se rend dans une allonge ou récipient adapté à l’extrémité de la cornue. Le contenu de plusieurs récipients est versé dans une lingotière qui en contient environ 13 kilos.
- Les lingots sont ensuite refondus et mis sous une forme appropriée au travail qu’il doit subir; on le coule en plaques
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- quand il doit être laminé en feuilles, en baguettes rondes quand il doit être tréfilé, etc., etc.
- Le zinc est employé à l’état de fonte, de feuilles laminées, de fils, clous, couleurs, etc., etc.
- ! Le produit le plus important de l’Exposition, comme fonte de zinc, est une statue équestre de l’Empereur à l’entrée du pavillon de l’Est; c’est un ouvrage remarquablement exécuté, et d’une valeur artistique tout à fait digne de son auteur, M. Paillard.
- •Le moulage en fonte de zinc ne présente rien de particulier pour les pièces de l’importance de celle-ci. Il comporte les mêmes opérations que le moulage en fonte ou en cuivre; mais quand les pièces doivent être reproduites à un grand nombre d’exemplaires, tels que les sujets de pendules , candélabres, etc., etc., on peut employer pour couler le zinc des moules en métal qui servent à peu près indéfiniment. Le prix du moulage très-élevé pour les ornements en fonte de 1er ou en bronze est presque nul avec un moule qui ne se renouvelle pas. Ces objets peuvent ainsi se vendre à très-bas prix.
- Le zinc à l’état de feuilles laminées a des applications extrêmement nombreuses : son usage est très-répandu pour les couvertures, doublage de navires, vases, etc., etc.
- • Les sociétés de la Nouvelle et de la Vieille - Montagne, l’usine de Risle montrent de très-beaux spécimens de feuilles laminées.
- Le laminage du zinc se fait avec des laminoirs semblables à ceux qu’on emploie dans la fabrication de la tôle, seulement on élève la température du zinc à 100° pour qu’il acquière toute sa malléabilité.
- . Une application déjà très-répandue du zinc en feuilles, quoiqu’elle ne date que de 4 849, est celle des zincs emboutis pour l'ornementation; les ornements en zinc repoussé s’obtiennent par un simple estampage et un ou deux recuits.
- L’estampe se compose dîun moule en fonte présentant en creux la forme que doit avoir la pièce finie et d’un mouton portant à sa partie inférieure la forme de la pièce, en relief (cette partie est en plomb).
- . Pour estamper une feuille de zinc il suffit,de la placer sur le moule en fonte et de la soumettre aux chocs répétés du
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- mouton; pour rendre la feuille malléable on lui fait subir un recuit après qu’elle a supporté un certain nombre de chocs; ces recuits consistent à élever sa température jusqu’à 80°.
- Ces ornements remplacent avec une grande économie les ornements en fonte. L’exposition de la Vieille-Montagne dans le Palais et celle de l’usine de Risle dans l’Annexe montrent tout le parti que l’on peut tirer du zinc estampé pour l’ornementation.
- Nous trouvons encore dans le zinc laminé des feuilles ondulées pour couvertures ; l’idée de cette application a été suggérée pour l’emploi de la tôle ondulée dans les couvertures; nous ne croyons pas cependant qu’on puisse construire avec le zinc ondulé des couvertures sans charpente comme on l’a fait avec des tôles. Le zinc est trop peu résistant et son prix est trop élevé pour que cette application soit économique.
- L’emploi du zinc est substitué à celui du cuivre et du fer pour les clous, les fils; etc., réservés à certains usages, tels que les chevilles de navires, les tapisseries, les toitures en "ardoises, etc. Il présente sur le cuivre l’avantage du bon marché, et sur le fer celui d’une plus grande résistance à l’oxydation. La Vieille-Montagne, dans le Palais, expose des spécimens de tous ses produits sur la fabrication desquels nous ajouterons quelques mots, pour terminer ce que nous pouvons dire ici sur le zinc.
- Les clous et les fils se fabriquent à froid. Les clous pour navires de grosses dimensions se forgent à la main, ceux de petites dimensions se font avec des machines spéciales ; les clous à section carrée sont découpés dans une feuille de zinc; les têtes sont faites en refoulant une certaine longueur du clou. La fabrication des fils de zinc ne diffère de celle des fils de fer qu’en ce que le fil de zinc n'est soumis à aucun recuit. On commence par couler une baguette de lm,50, elle est ensuite laminée, jusqu’à ce que. son diamètre soit réduit à 8 millimètres, puis enroulée sur une bobine. On procède alors au tréfilage. Cette opération consiste à faire passer le fil dans des trous de diamètre décroissant; ces trous sont percés dans une plaque d’acier trempée, appelée filière. Elle se fait de la manière suivante : on amincit l’extrémité du fil, on l’engage dans le trou de la filière et on la fixe sur une bobine à laquelle 206
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- on donne ensuite un mouvement de rotation. Le fil étant forcé de s’enrouler sur cette bobine, passe au travers du trou de la filière qui est fixe et prend exactement son diamètre. On répète cette opération jusqu'à ce qu’on soit arrivé au diamètre voulu. La décroissance des diamètres est déterminée de manière que le fil puisse être étiré sans se rompre.
- Cuivre. Le cuivre a été connu de toute l’antiquité. On le trouve dans la nature à l’état natif, d’oxvde, de cuivre carbo-naté et le plus souvent à l’état de sulfure allié à des sulfures de fer, d’antimoine, de plomb, etc. Certains minerais de cuivre contiennent de l’argent en quantité notable, et quelquefois même du mercure.
- Les minerais de cuivre sont accompagnés d’une gangue quartzeuse ou argileuse.
- Les minerais de cuivre exposés sont tous dans l’Annexe. Nous avons remarqué parmi ces nombreux spécimens le minerai argentifère du Canada, les cuivres pyriteux du duché de Nassau, de la haute Hongrie, qui contiennent de l’argent et du mercure, de la Toscane et enfin des mines de Ténès qui présentent de plus une quinzaine d’échantillons de minerais de différentes grosseurs préparés pour la fonderie par un bo-cardage et un lavage. Le cuivre natif du lac Supérieur promet à l’industrie de nouvelles richesses.
- Le traitement des minerais de cuivre, quand ils se composent d’oxyde de cuivre ou de cuivre carbonaté consiste à les fondre au contact du charbon dans un fourneau à cuve; la combustion dans ces fourneaux est activée par'un courant d’air forcé. Le minerai et le combustible sont disposés par lits alternatifs; le minerai est en outre mélangé avec une certaine quantité de fondants composés ordinairement de scories qui font avec la gangue du minerai un corps fusible en même temps que le cuivre et qui se sépare de ce dernier par la différence de densité. Le cuivre que l’on obtient ainsi doit subir un raffinage avant d’être livré au commerce; il est appelé cuivre noir.
- Quand le minerai de cuivre est composé de sulfure de cuivre, de fer, etc., la séparation du Cuivre est beaucoup plus difficile et nécessite un grand nombre d’opérations qui consistent toutes en un grillage du minerai suivi d’une fusion.
- Le grillage a pour objet de chasser une partie du soufre en
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- ie transformant en acide sulfureux et d’oxyder le fer et le cuivre.
- Dans la fusion le cuivre s'allie au soufre retenu par le fer et une partie de ce dernier, en se combinant avec les fondants que l’on ajoute à chaque fusion, fait une scorie fusible.
- En répétant ces deux opérations on‘arrive à obtenir du Cuivre qui ne contient plus que très-peu de soufre et de fer qu’on peut enlever facilement par un raffinage.
- Le grillage se fait en tas à l’air libre, ou dans des fours à réverbère.
- La fusion s’opère dans des fourneaux à cuve ou dans des fours à réverbère.
- Le combustible employé dans les fours à réverbère est toujours de la houille; dans les fourneaux à cuve, on brûle du coke ou du charbon de bois.
- Le raffinage du cuivre consiste en une fusion du cuivre noir dans un four à réverbère ou dans un petit foyer brasqué; le cuivre en fusion est soumis à l’action d’une flamme oxydante, il se fait encore une scorie qui entraîne le reste du fer et du soufre que contenait le cuivre; on donne au cuivre raffiné le nom de cuivre rosette; il contient un peu d’oxyde de cuivre qui lui ôte sa malléabilité; pour lui donner cette qualité, il faut le soumettre à une nouvelle fusion et réduire l’oxyde par le contact du charbon.
- La société de la Haute-Hongrie, outre sa collection de minerais, a exposé un spécimen des produits correspondants à chaque phase de la méthode qu’elle emploie pour le traitement de ses minerais. Parmi ces spécimens on distingue une fort belle matte d’argent. Nous dirons à ce sujet quelques mots sur les moyens d’extraire l’argent des minerais de cub-Vre. On emploie deux méthodes : l’une consiste à fondre le cuivre noir avec trois ou quatre fois son poids de plomb et de refroidir brusquement l’alliage; on fait ainsi des blocs que l’on soumet ensuite à un grillage; dans ce grillage le plomb seul fond, en entraînant la presque totalité de l’argent.
- La séparation du plomb de l’argent se fait ensuite très-facilement : on met l’alliage en fusion et on le soumet à un courant d’air qui oxyde le plomb et le transforme en litarge qui est liquide et qu’on fait écouler au fur et à mesure de sa formation. L’argent ne s’oxyde pas, il se concentre dans le plomb
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- métallique et reste seul quand le plomb est passé tout entier à l'état de litarge.
- Dans la deuxième méthode, qui est celle employée par la société de la Haute-Hongrie, on sépare l’argent du cuivre au moyen du mercure par amalgamation. Cette méthode comprend plusieurs opérations » la première est d’abord la pulvérisation du cuivre noir suivi d’un grillage de la poudre, mélangée de 1 0 pour 100 de sel marin, puis de l’amalgamation proprement dite qui se fait en agitant dans des tonneaux un mélange composé de 1000 kilos de la matière obtenue après le grillage, de 400 kilos de mercure de fer ou de cuivre et de 15 à 18 0/o d’eau. Après un certain temps, le mercure s’empare de tout l’argent. Ces deux métaux sont ensuite séparés par une distillation.
- Le cuivre résidu de l’opération est soumis à une nouvelle fusion qui donne du cuivre noir.
- Le cuivre se lamine, s’emboutit et se forge très-facilement. Le laminage se fait de la même manière que celui delà tôle; comme exemple d’un laminage très-délicat, nous citerons une feuille de 60 mètres de longueur sur 0m,34 de largeur, exposée par MM. Osval et Warnod de Neiderbruck. M. Heckman de Berlin, l’usine de Romilly et de Saint-Denis, l’usine de Givet, exposent des cuivres laminés qui indiquent des moyens de laminage très-puissants.
- Comme cuivres emboutis, les plus remarquables sont des chaudières provenant des usines de Neiderbruck et de Romilly : un de ces produits se recommande par sa légèreté, et l’autre par ses dimensions considérables et son poids.
- Nous signalerons encore des plaques de foyers de locomotives étirées au marteau, exposées par les usines de Romilly et de Saint-Denis.
- Le cuivre et ses divers alliages, l’étain, le plomb et quelques autres métaux, sont employés pour la fabrication d’un assez grand nombre d’objets ; l’étain remplace avec avantage le zinc pour le moulage en coquille d’un grand nombre de statuettes : aussitôt que le métal fondu a été versé dans le moule, on le vide de toute la portion non solidifiée encore et l’on obtient ainsi dans la diminution d’épaisseur de la pièce une ample compensation au prix plus élevé du métal. La certitude que le fabricant possède souvent d’écouler un grand
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- nombre d’exemplaires lui permet de ne rien épargner pour faire ciseler avec soin la coquille et obtenir ainsi de véritables œuvres d’art à bas prix.
- Les mille articles de la quincaillerie sont représentés par des spécimens si nombreux, qu’il nous serait impossible de nous y arrêter avec assez de détails pour que notre examen pût être de quelque utilité pour le lecteur : disons toutefois que la maison Japy frères, de Beaucourt, ne le cède en rien pour la perfection et pour la bonne entente des modèles aux produits si remarquables et si variés de l’Allemagne et de l’Angleterre : à égale perfection, ils ont su, par une fabrica-tion mécanique bien dirigée, faire descendre leurs prix au-dessous de leurs concurrents étrangers.
- La fabrication des serrures attirera un instant notre attention.
- On sait que les serrures à gorges mobiles et les serrures à pompe, que certains fabricants français font avec beaucoup de précision, sont toutes deux d’invention anglaise. Chubb’s, de Londres, a inventé la serrure à gorges mobiles et délateur; Bramah a inventé la serrure à pompe.
- L’exposition anglaise, sauf la serrure de M. Parwell, de Londres, ne présente rien de nouveau, mais des produits bien faits, mieux faits , il faut le dire, que ne le sont ceux que la plupart des maisons anglaises livrent habituellement au commerce.
- La serrure de M. Parwell repose sur une idée neuve qui manque un peu de simplicité et qui n’a pas encore été assez mise en usage, pour que l’on puisse se prononcer sur elle. On peut dire, cependant, sans plus attendre, que l’idée est ingénieuse.
- Les autres pays n’exposent, en serrurerie, rien qui présente des conditions exceptionnelles.
- Parmi les exposants français, nous trouvons l’habile Gran-goir, avec ses combinaisons ingénieuses luttant contre la serrurerie américaine, à laquelle il faut rendre cette justice, qu’elle n’est que la copie de l’idée de Robin de Rochefort, l’inventeur des clefs à pannetons changeants sur des gorges mobiles.
- On remarque de M. Ocigné un demi-tour monté sur un axe, comme cela se fait depuis longtemps pour les portières
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- de voitures ; mais, comme ce système est abandonné dans la carrosserie, nous doutons que cet objet puisse être d’un bon usage dans le bâtiment.
- MM. Maquemnehen, Boutté et Teissier présentent, d’après le système Pihet ou Ringé, des serrures dont le chanfrein se retourne en poussant ou en tirant. Cette disposition n’est pas profitable au consommateur, puisque le produit est altéré par les échancrures nécessaires au retournement du demi-tour ; le marchand seul y trouve l’avantage d’un assortiment moins grand pour sa vente.
- MM. Bricard et Gauthier, dont la maison est plus connue encore sous le nom de leur prédécesseur M. Sterlin, ne pouvaient manquer de figurer avec honneur au grand concours.
- Sans énumérer ici toutes les améliorations faites à leurs produits, antérieurement à la dernière Exposition, nous signalerons cependant une partie des perfectionnements qui ont été faits depuis cette époque. La plus importante est celle des serrures avec ajustement tubulaire. Il résulte des dispositions adoptées dans ce genre de serrures une marche incomparablement plus douce et plus facile que tout ce qui avait été fait précédemment. Puis un autre avantage, non moins grand, c'est qu’au moyen de cet ajustement tubulaire, les imperfections de la pose sont complètement évitées ; le malrond que l’on trouve ordinairement dans l’ajustement des boutons doubles sur les serrures ne peut plus avoir lieu, quelle que soit la négligence de l’ouvrier poseur. Les parties où les frottements ont lieu sont disposées de manière à les rendre presque nuis. Les foliots ont des galets au bout de leurs branches. Les têtes des pennes à demi-tour font leur glissement sur une pente de 32 degrés. Les clefs offrent dans certains cas des proportions très-petites et très-commodes pour l’usage.
- Les boutons des serrures ont un ajustement qui varie, sans aucun travail, suivant les différentes épaisseurs des portes, en s’écartant et se rapprochant à volonté. Cet avantage est très-grand pour les pays où l’on ne trouve pas d’ouvriers ha-r bitués au ferrage.
- La ferrure des croisées, les paumelles et les fiches ont reçu des améliorations utiles, qui rendent leurs frottements plus doux et leur durée plus grande.
- Nous né sommes entré à cet égard dans quelques détails
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- que parce que ces améliorations principales sont adoptées par les architectes qui dirigent les plus grands travaux qui s’exécutent en ce moment dans Paris.
- La belle porte de bronze qui est à l’entrée de la crypte, sous le dôme des Invalides , est fermée par une serrure dans la clef de laquelle MM. Bricard et Gauthier ont foré, à une grande profondeur, une croix de la Légion d’Honneur; le panneton découpé représente le chiffre impérial.
- En parlant des chaudières à Vapeur et des appareils employés dans la fabrication du sucre, nous avons indiqué les principales pièces de chaudronnerie, nous retrouverons encore, en parlant des meubles, de nombreux spécimens de ce que l’on peut faire en métal ; la fabrication des meubles en fer a donné lieu à une industrie considérable qui prend chaque jour de nouveaux développements.
- Nous n’aurons donc à citer encore que l’emploi des métaux précieux, particulièrement celui du platine, si bien représenté en France par M. Desmontes-Chapuis et Cie et par M, Quenessen, en Angleterre par MM. Benhams et Froud ; les grandes pièces de ces trois fabricants sont d’une exécution irréprochable.
- CLASSE XVII.
- Orfèvrerie, — Bijouterie. — Industrie des bronzes d’art.
- La dix-septième classe, que nous allons examiner, est l’une des plus riches de l’Exposition, soit par le prix des matières mises en œuvre, soit par leur valeur artistique.
- Il y a quelques années, les bronzes d’art, encore d’un grand prix ne pouvaient appartenir qu’aux plus riches; aujourd’hui, grâce à la science qui a trouvé les moyens de réduire mathématiquement les chefs-d’œuvre de la sculpture, dans telle proportion que l’on désire, plus exactement et à moins de frais qu’on ne peut le faire en copiant ; grâce à l’emploi du zinc, qui remplace le bronze et coûte moins cher que lui,
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- comme matière et comme ciselure; grâce surtout à la galvanoplastie , les œuvres d’art pourront bientôt embellir la chambre de l’ouvrier intelligent et remplacer ces plâtres informes, ces gravures barbares qui satisfont mal ses instincts artistiques.
- La vue, la possession de ces œuvres d’art, qui bientôt ne coûteront pas beaucoup plus que les bonshommes de plâtre et les gravures coloriées d’Épinal, épureront le goût et contribueront à moraliser ceux qui, jusque-là, n’avaient pu jouir que par la pensée des œuvres des grands maîtres.
- Les inventions merveilleuses de la galvanoplastie, de la photographie, qui sont considérées par beaucoup d’artistes comme devant nuire aux arts, seront au contraire les instruments de leur affranchissement.
- Nous commençons notre revue par la joaillerie et la bijouterie.
- Dans la grande nef du palais, une foule de visiteurs entoure une vaste vitrine, les dames surtout se pressent devant ce brillant assemblage de bronzes d’art, de colliers, de bracelets, de broches, de rivières de diamants décorés d’émaux, enchâssés avec art dans l’or et l’argent.
- Cette vitrine renferme les bijoux, les pièces d’orfèvrerie et les bronzes de choix, envoyés par plusieurs exposants ; c’est pour ainsi dire le trophée de l’industrie parisienne, des bronzes d’art, dé l’orfèvrerie et des bijoux.
- On remarque entre autres des parures de M. Lemonnier, un diadème de MM. Bapst, des bracelets de M. Duron, un élégant vide-poche de Mme veuve Béchet, des coupes et coffrets en cristal, montés en or et en argent, par M. Audot, et un surtout de M. Maurice-Mayer.
- Toutes ces richesses sont dominées par la belle pendule en bronze doré, style Louis XV, exposée par M. Paillard qui, à la fois artiste et fabricant a épuisé toute la série des récompenses industrielles.
- Presque en face est une espèce de châsse en verre entourée d’une balustrade. Sous cette châsse sont des diamants bruts et travaillés, exposés par M. Halphen, et au milieu de ces diamants, une pierre qui domine majestueusement les autres, c’est Y Étoile du Sud, pierre du Brésil, du poids de 125 carats.
- Un peu plus loin est une vitrine devant laquelle une foule
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- curieuse se presse aussi; cette vitrine contient les objets d'orfèvrerie et de bijouterie exposés au nom de M. Froment-Meurice , mort il y a quelques mois à peine , et dont le fils s’efforce de suivre les beaux exemples.
- Des fleurs de pierreries reposent sur des feuillages émaillés qui copient la nature. Des broches, des bagues en or, avec médaillons en argent, entourés d’émaux , sont les plus jolis bijoux que l’on puisse voir. Des coupes , des vases d’or avec nielles en argent encadrant des figurines en ronde-bosse sont autant d’objets d’art. En voyant ces chefs-d’œuvre et ces bijoux on comprend que cette vitrine doit exercer une attraction invincible sur la plupart des visiteurs de l’Exposition.
- . Au premier étage, les vitrines de MM. Auguste - Paul, Guérin, Bapst et Neveu, Lefèvre, Magniadas, Heimann, Janvier, Rouvenat, ont un moins grand nombre de bijoux que celle de M. Froment-Meurice, mais ils ne sont ni moins artis-tement montés ni moins beaux. Il nous faudrait un volume pour décrire toutes ces féeries, mais nous ne pouvons faire moins que de citer les châtelaines et broches de corsage de M. Guérin de Laval, de M. Lecointe, de M. Bapst, et de M. Magniadas, qui donne à ses produits une gracieuse originalité, de M. Heimann, de MM. Caussin et Lauranson, de M. Mana-nian ; avec leurs feuillages émaillés et les feux de leurs diamants , ils ressemblent à des feuilles couvertes de rosée. La nature est si belle que l’ambition des artistes est de l’imiter et de la fixer, pour ainsi dire, en reproduisant ses effets d’une manière durable. Les joailliers français atteignent ce but, et les hommes sérieux, qui dédaignent ces brillantes parures, sont encore forcés de les admirer sous le rapport de l’art et de l’habileté d’exécution.
- M. Rouvenat a exposé une garniture de robe en diamants; cette garniture ayant la forme de Berthe peut-être démontée très-facilement et former un bandeau, un bouquet, un collier, une broche, en un mot, une parure complète.
- Le diadème d’étoiles en brillants de M. Jacta ferait ressembler à une reine la femme qui saurait le porter, et je suis bien sûr qu’elle emploierait tout son pouvoir pour posséder ensuite le bel éventail de MM. Marret et Beaugrand, le bouquet de pierreries et émaux de M. Mellerio et les bijoux de M. Rudol-
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- phi. d’an style si original, qui ressemblent à des bijoux historiques.
- Les parures de pierreries montées sur argent repoussé et émaillé de M. Petiteau sont vraiment remarquables.
- MM. Halley, Chobillon et Lemoine ont des vitrines garnies d’une profusion de croix d’ordres et de décorations à donner le vertige aux ambitieux.
- Les décorations d’ordres maçonniques exposées par M. Mi-gnet fils ne sont pas moins désirées que les autres; que voulez-vous, c’est la faute de M. Mignet, ses décorations sont si jolies!
- Mais nous ne pouvons quitter les joailliers des pierres fines sans mener les visiteurs sous la rotonde du Panorama, au centre de laquelle M. Lemonnier expose les diamants de la couronne. Tout lemonde connaît, ou du moins, adûentendre parler du gros diamant acheté, sous Louis XV, par le régent, qui lui a donné son nom ; ce diamant, qui pèse 136 carats (27 grammes 320), est estimé près de cinq millions.
- La plus riche des quatre parures de cette collection vaut plus d’un million, un simple collier vaut 130 000 fr.
- Le plus riche objet est une couronne composée de 5200 brillants, 146 roses et 59 saphirs. La valeur réunie de toutes ces pierres atteint 14 millions 700 000 francs.
- Enfin, toutes les pierres précieuses appartenant à l’État sont au nombre de 64 800 et valent près de 21 millions.
- Revenons au premier éLage du Palais et continuons notre revue par les vitrines de MM. Savary et Mosbach, Masson, de Mme veuve Béchet et Delecourt', de MM. Braut, Bouil-letle et Hyvelin, Olivier Fournier, Regad, et Benoît-Gonin du Jura; elles ne sont pas à première vue moins brillantes que celles visitées d’abord, et cependant les pierreries contenues dans ces dernières vitrines sont fausses, mais si bien imitées que beaucoup de visiteuses y sont trompées; comment croire, en effet, queces bijoux si bien montés, aux feuillages si naturels, aux émaux, aux couleurs si vives, servent de monture à des pierreries qui n’en sont pas, en un mot à du strass.
- Le corail est représenté par MM. Barbaroux et Garaudy de Marseille qui ont envoyé de beaux spécimens en colliers, bracelets, broches, etc. M. Arsène Gourdin expose aussi de beaux bijoux de corail, entre autres un bouquet de roses ; on
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- trouve au-dessous de sa vitrine un intéressant fragment de rocher de corail.
- M. Truchy et M. Constant Valés ont exposé des perles vraies et fausses de toutes dimensions.
- Les dames en deuil, ne doivent pas porter de bijoux, et une femme sans bijoux, disent-elles, est un rosier dépouillé de ses fleurs. Heureusement, la nature est inépuisable de bonté pour elles, comme l’homme est inépuisable d’intelligence; voici MM. Bergé de Labastide (Ariége), Dufour et Jahan-Manchon de Paris qui font colliers, bracelets, broches, chaînes, bagues, etc., du plus beau noir ; 'M. Jahan a employé le jais pour en faire un cadre, composé de feuilles de vignes et de grappes de raisin, M. Dufour, toute une garniture de cheminée : cadre de glace, pendule, candélabres, garde-feu, le tout en jais très-finement travaillé.
- En demi-deuil, on ne doit porter ni le jais qui est trop triste, ni bijoux d’or et de pierreries qui sont trop gais; MM. Daniel et Lesourt, Bourgain fils, Frichot et Buisson répondent à ce besoin intermédiaire; voyez scintiller leurs vitrines comme si elles étaient remplies de diamants, et cependant tous ces bracelets, ces croix, ces bijoux de toutes sortes ne sont qu’un brillant composé de perles et de plaques d’acier au nombre inouï de facettes; et comme M. Dufour voici M. Frichot qui vous offre aussi une garniture de cheminée tout en acier : pendule, flambeaux, garde-feu, chambranle, tout brille, car chaque rayon lumineux se réflète dans les milles facettes de l’acier.
- L’orfèvrerie proprement dite, c’est-à-dire, l’art de travailler, fondre, ciseler l’or et l’argent, donne un résultat moins brillant que l’art de la joaillerie; car les pierreries si naturellement brillantes embellissent les bijoux et contribuent beaucoup à l’effet que l’artiste en peut obtenir. Il n’en est pas de même pour les bijoux d’or et d’argent seulement, qui n’ont de valeur artistique que celle que l’orfévre leur a donnée comme modelage et ciselure. Les orfèvres exposants l’ont bien compris, car tous les bijoux sont très-beaux; quelques-uns sont admirables et peuvent passer, pour des œuvres d'art que Benvenuto Cellini contemplerait avec plaisir.
- Un ostensoir et plusieurs ornements d’église, envoyés de Lyon par M.Favier et neveux, commencent la série de l’orfé-^ vrerie religieuse; l’ostensoir, du style du xii°siècle est dessiné
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- par M. Desjardins, architecte. Pourquoi donc toujours reproduire le style des époques éloignées? pourquoi ne rien faire qui, comme œuvre d’art originale, soit digne du xixe siècle. M. Desjardins est cependant bien capable d’innover.
- Avec sa belle agrafe de chape Mlle Fauveau prend une place importante dans la vitrine de M. Favier.
- Un autel en orfèvrerie repoussée, sortant des ateliers de M. Poussielgue-Rusand, a été fait, d’après les dessins de M. Questel, architecte. Cet autel, destiné à l’égliseSaint-Martin d’Àinay à Lyon, est du style du xir siècle.
- Lorsqu’il s’agit d’une restauration ou d’un objet mobilier destiné à un monument existant, on ne saurait blâmer l’artiste de faire son œuvre du même style.
- M. Viollet-Leduc, l’habile architecte, a fourni pour la cathédrale de Clermont les dessins d’un autre autel dont l’exécution, en vermeil et cuivre doré, n’est pas le moindre titre de M. Ba-chelet.
- Comme travail d’émaux et d’orfèvrerie, ces autels sont remarquables,' quoique les candélabres soient un peu lourds dans leurs détails. Le tabernacle de l’autel de M. Questel est très-joli.
- Ne quittons pas l’orfèvrerie religieuse sans parler de la reliure or et argent d’un livre d’heures, envoyé par M. Thouret. Deux bas-reliefs de l’Ancien Testament, deux autres dont les sujets sont puisés dans les nouvelles Écritures, sont encadrés, dans des rinceaux délicieux : ces quatre bas-reliefs sont du sculpteur Justin.
- Un ostensoir en or et argent avec ornement de pierreries et d’émaux est exposé par M. Thiéry.
- Dans les bijoux proprement dits, l’or et l’argent se marient harmonieusement, et les émaux viennent souvent ajouter à l’effet d’ensemble. Ceux exposés par M. Rudolphi ont un caractère original; on remarque un beau vase à plateau d’argent avec bas-reliefs représentant des scènes de la mythologie Scandinave.
- Dans la vitrine trophée,'M. Lesueur expose une coupe indienne sur laquelle est une figure bien campée, au pied, un Indien renversé combat contre un tigre. L’énergie, la beauté de ces sculptures que M. Lesueur a exécutées lui-même dénotent un talent remarquable.
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- La vitrine de M. Wiese est des mieux composées, et il faudrait admirer longuement tous les objets, coffrets en or et argent ciselés et émaillés, bijoux, entre autres un bracelet composé de médaillons d’or enchaînés les uns aux autres ; ces médaillons, du milieu desquels surgissent de petites têtes renaissance en argent, entourées d’ornements émaillés, sont d’une grande valeur artistique.
- Tout près de cette collection sont un vase et des armes appartenant au baron Bro; les armes, ornées d’incrustation en or ont été faites sous la direction de M. Le Page.
- Le vase en argent repoussé est de M. Wechte, artiste français qui modèle des vases dont les figures rappellent les grands maîtres florentins, même Michel-Ange, s’il est permis de lui comparer quelqu’un. Nous trouverons dans l’Exposition anglaise des œuvres de M. Wechte encore plus importantes que celle-ci, M. Wechte étant en Angleterre depuis plusieurs années.
- Un surtout de table argent et or, dont l’ensemble est majestueux, avec détails et figures bien agencées, forme la pièce principale de l’exposition de M. Durand; nous regrettons de ne pas connaître le nom de l’artiste qui a modelé ce surtout.
- Un bel huilier en argent ciselé, dans lequel des bouteilles en cristal bleu font un très-bon effet, est exposé par M. Cos-son-Corby; un service à thé en argent émaillé, de style arabe, par M. Marrel aîné.
- Nous remarquons encore un magnifique bouclier de chasse avec figures d’hommes et d’animaux en ronde-bosse dans des médaillons entourés de branches de feuillage; le bouclier est en tôle, les figures et ornements en bronze argenté par l’électricité. Gette pièce, exposée par M. Casses, a été composée et modelée par M. Fournier, sculpteur.
- M. Rossigneux expose une jolie coupe d’argent.
- Un joli coffret à bijoux en argent se remarque au milieu des objets exposés par M. Veyrat.
- Les vitrines d’orfèvrerie placées dans la galerie supérieure ne sont pas moins richement garnies, et nous regrettons de ne pouvoir y jeter qu’un coup d’œil rapide. N’oublionspas cependant les richesses exposées par MM. Auguste-Paul, au milieu desquelles domine un couteau de chasse, style Louis XIV,
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- avec poignard de défense; la gaine et la poignée de ce couteau, fondu et ciselé en argent, ont été dessinées par M. Dié-terle. Voici les vitrines de M. Thénard et de M. Roucou qui toutes deux sont pleines de pommes de cannes et de cachets d'or, d’argent et de bronze, dont quelques-uns sont des objets d’art. La place voisine est remplie avec les dés de M. Lorillon, dés en or, en argent, avec des émaux, dés enfin, qui sont capables de donner envie de coudre aux plus paresseuses.
- L’exposition de M. Lecointe, déjà garnie d’un beau ciboire et de parures, s’enrichira encore dans quelques jours d’un magnifique service à thé or et argent, auquel cet artiste travaille avec ardeur, et qui sera décoré de gravures à l’eau-forte par l’habile graveur, M. Salmon.
- Voici des verres montés en or et en argent, un narghilez et un magnifique poignard dont la poignée est un squelette; sur la gaine, aussi en argent, Satan précipite un 'damné. Ce sujet dramatique est bien rendu, Satan a l’air très-féroce et le damné très-désespéré.
- N’oublions pas les jolies tabatières en or et en argent de M, Chancefoin et de M. Picard , et les bijoux de M. Andral d’Âurillac, de M. Lateltin.
- Voici des bracelets de M. Ray et des chaînes en or sans incrustation d’émaux de M, Prudhomme, et cependant ces bracelets et ces chaînes sont superbes par le fini du travail; tous ces anneaux , toutes ces plaques s’emboîtent et se recouvrent comme les écailles d’un poisson.
- Ces coffrets, ces flacons de cristal, renfermés dans des branchages d’or et d’argent enrichis d’émaux, sortent des ateliers de MM. Tournay et Mumerelle.
- Cette magnifique collerette, composée de petites étoiles d’argent reliées entre elles par des fils si légers que le tout ressemble à de la dentelle, fait honneur à M. Dafrique.
- Ces résilles, ces bracelets et bijoux en filigrane d’or et d’argent sont de M. Payen.
- Ce beau collier en or, pierfes et éiïiaux, est exposé par M. Janvier.
- Ce bouquet de lis et de roses en argent, de grandeur flatu-relle j de M; Plique, prouve que l’hommè peut tout imiter, tout faire, même ce qui paraît impossible : voyez plutôt
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- M. Grichois, qui a inventé l’orfèvrerie inter-cristal, et qui, à l’intérieur du cristal d’une coupe, d’une "assiette, d’un verre, suspend des guirlandes d’argent ou d’or.
- Voici M. Toussaint qui a fait le contraire de ce que font les autres orfèvres; si MM. Greliche, Morel, Drault, Darlay et Latreille, de Bordeaux, Berdoulat, de Toulouse, et tant d’autres, imitent les plantes et les fleurs avec l’or et l’argent, M. Toussaint fait de l’orfèvrerie avec les plantes. Au moyen de l’électricité, il recouvre les feuilles, les fleurs, d’une couche d’argent ou d’or, ou bien il trouve les éléments de ses compositions dans la partie ligneuse des feuilles desséchées du cactus, en forçant la nature à lui faire ses modèles. Pouvait-il choisir un meilleur artiste? M. Clément, de Lou-dun (.Vienne), a fait comme lui, et il a exposé un magnifique arbuste avec des oiseaux, obtenus d’après nature par la galvanoplastie.
- Nous arrivons en courant devant les vitrines des objets d’orfèvrerie argentée, dorée ou plaquée, qui peuvent à certains égards rivaliser avec l’orfèvrerie d’or et d’argent.
- Les pièces de celte orfèvrerie sont dorées ou argentées au feu par quelques-uns, par d’autres au moyen de l’électricité; ce dernier moyen est employé par MM. Casses et'par M. Christofle, qui expose sous la rotonde du Panorama un service de table pour cent couverts, dont plusieurs parties sont en argent; les autres sont argentées par l’électricité. M. Flosange, M. Boëx, M. Gueyton, dont nous aurons à parler à propos des bronzes, M. Halphen, qui peut vendre des couverts argentés à 6 francs, MM. Lionnet frères, etc., sont tous dans le même cas.
- Ces dépôts de métaux précieux s’obtiennent par une voie électrique de la façon suivante. Dans un bain de cyanure de potassium, o.n fait dissoudre un sel d’or ou un sel d’argent; on place ensuite au pôle négatif d’une pile assez énergique de Bunsen les pièces de cuivre à recouvrir; au pôle positif se trouve une lame d’or ou d’argent. Aussitôt que le courant passe, le métal précieux se dépose sur le cuivre * et comme celui de la plaque se dissout à mesure * la liqueur conserve toujours la même saturation et peut donner un dépôt homogène. On fait une opération tout à fait analogue pour recouvrir de cuivre les objets de zinc et obtenir les produits nom-
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- més bronze-corn position : on remplace les sels d’or et d’argent par du sulfate de cuivre qu’on ajoute au cyanure de potassium comme précédemment, et les plaques des métaux précieux sont remplacées par une anode de cuivre.
- MM. Savard, Plichon , n’emploient pas ces nouveaux procédés, ils font des bijoux plaqués, c’est-à-dire en cuivre ou en alliage, recouverts d’une feuille d’or à 0,750, le même titre que celui de la bijouterie d’or.
- MM. Balaine, Hallot, Mme veuve Naudin, M. Sanders, M. Marguerie, M. Bender, M. Dobbé, M. Foasse, M. Dura-four, M. Lelong, M. Callot, ont exposé de très-jolis bijoux, dorés par l’un ou par l’autre des procédés dont nous venons de parler.
- MM. de Ruolz et de Fontenay et M. Fougères exposent des objets d’orfèvrerie et des couverts faits avec un alliage massif, sans placage, remplaçant l’argenterie et coûtant beaucoup moins.
- M. Moussier a exposé des couverts, des plateaux, etc., en un métal imitant l’argent, sans alliage de cuivre, sain, solide et n’ayant pas besoin d’argenture ; ce métal, que l’on ne pourrait ciseler aussi finement que l’argent, est d’un bon marché inouï, comparativement aux prix ordinaires; ainsi un couvert coûte % fr. 50 c., la douzaine de cuillers à café, 6 francs.
- Cette partie de l’Exposition est sans nul doute une des plus intéressantes; faire à bon marché est une condition absolue maintenant; mais on est heureux de voir qu’on soit arrivé à donner à ces produits une valeur artistique réelle. S’il n’y a plus guère en France de grandes fortunes capables de payer à leur valeur de beaux vases d’or et d’argent, il y a beaucoup de gens de goût qui sont bien aises de pouvoir acheter des œuvres d’art. M. Christofle, M. Halphen, en France; M. El-kington, en Angleterre, nous semblent avoir bien compris l’esprit du siècle, et sans doute le succès leur prouvera qu’ils marchent dans la bonne voie.
- Il nousfaut quitter les questions d’économie usuelle pour remonter dans le domaine des arts.
- Nous avons à examiner les jolis produits exposés par les êmailleurs; mais admirons auparavant ces délicates incrustations d’or et d’argent sur acier qui sont dues au talent de
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- M. Pérot. Ces coffrets d’acier damasquinés sont exposés par M. Henry.
- Nous regrettons de ne pas voir ici les gravures à l’eau-forte et les incrustations d’or et d’argent que M. Salmon fait avec tant de goût et de soin.
- N'oublions pas les jolis animaux presse-papiers or, argent •et bronze de M. Bouchet.
- L’art de l’émailleur a été peu cultivé pendant quelque temps : les procédés étaient perdus ; lorsque , il y a quelques années, des artistes cherchèrent, et, aidés par d’habiles chimistes, retrouvèrent les procédés employés par les émailleurs du moyen âge. M. Lego^t est un de ces savants artistes à qui l’on doit une partie de ces découvertes; il a restauré les •émaux de plusieurs des tombeaux de la' crypte de Saint-Denis, et exposé des bronzes avec dessins champlevés remplis d’émaux fondus, rappelant les formes et le caractère des •émaux des xie et xir siècles.
- On doit à M. Chariot de nouvelles formes de vases, de coupes qu’il sait décorer d’émaux recouverts, par parties, de feuilles d’or découpées en ornements capricieux. Ces , étoiles et ces ornements d’or, semés sur le bleu ou sur le rouge de l'émail de ces jolies coupes, leur donnent un cachet tout particulier; ces œuvres ne sont pas seulement une imitation du passé, elles présentent un caractère de nouveauté remarquable.
- M. Gossart a produit et exposé de belles tasses, des Bacons, des coupes émaillées et montées en bronze, qui ressemblent à la belle porcelaine de Sèvres.
- M. Deverdun est parvenu à imiter, au moyen de l’émail, le jaspe et le lapis; ces imitations intéressantes lui ont valu pour elles l’entrée du musée de Sèvres.
- Voici un autre émailleur de talent, M. Dolin, qui a produit des plats et des assiettes qui, comme dessin et couleurs, rappellent les faïences de Bernard de Palissy.
- Les émailleurs français sont peu nombreux, mais leurs produits sont remarquables; nous verrons tout à l’heure que «les émailleurs des autres nations n’ont produit que des émaux sur bijoux, et qu’ils sont surpassés par les nôtres.
- La sculpture sur camées, sur5- onyx et sur cornaline est représentée par M. Titus Albités , quelques-uns des por-
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- traits faits par cet artiste rappellent les beaux camées antiques.
- La mosaïque, qui est d!origïne italienne, a aussi ses représentants français à l'Exposition, MM. Robert et- Barri. Tout le monde sait que l’art du mosaïste en bijoux consiste à poser et sceller les uns près des autres d’imperceptiblés morceaux de marbres de couleurs différentes, et de représenter ainsi des monuments, des animaux ou des paysages. Ce travail est long et ne se prête pas à la fougue artistique; de plus ses résultats sont peu satisfaisants lorsqu’on examine les mosaïques de près; c’est un travail de patience et de détail, qui ne produit un très-bon effet que de loin.
- ' M. Jarry a exposé une table dont le dessus est en mosaïques de lapis luzzuli; elle est aussi remarquable à cause du pied en argent qui la supporte et du cadre qui l’entoure. Dès enfants se poussent pour atteindre en grimpant une corbeille de fruits qui supporte cette table. La mosaïque du dessus est d’un fini satisfaisant; l’orfèvrerie du pied et de la bordure est une œuvre d’art. Cette partie de l’œuvre a toutes nos préférences.
- L'industrie des bronzes d’art comprend la sculpture, le moulage, la ciselure et la dorure.
- Le sculpteur apporte son œuvre, le fondeur la prépare pour la fonte, le monteur en bronzes en rassemble les tronçons épars et la livre au ciseleur; la dorure et la mise en couleur complètent cette série d’opérations dont le prix ne laisse pàé que d-être considéràblè.
- Plusieurs fabricants ont cherché à réduire ce prix en remplaçant le cuivre par le zinc, dont la valeur intrinsèque est beaucoup moindre , qui se cisèle beaucoup plus facilement, et qui, lorsqu’on fond- en coquille , c7est-à-dire dans des, moules de métal, peut quelquefois n’être pas retouché. La plupart du temps on recouvre le zinc d’une couche de cuivre par voie galvanique, le cuivre est ensuite bronzé par différents procédés.
- Les fabricants de bronze prétendent que l’on ne peut obtenir une reproduction en zinc aussi belle et aussi nette comme ciselure qu’avec le bronze ; MM. Miroy, Boy, Laureau, Lefèvre, Duchâteau, Dubois et Soûlas ont exposé des- Statuettes, des candélabres et des presse-papiers m zinc fondu,
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- dont, l’aspect est; aussi beau , dont les ciselures sont aussi fines qpe si ces produits étaient en bronze. Il est cependant, difficile dlobtenir une couleur en tous points satisfaisante et durable.
- Dans la grande nef sont de grandes figures , des chevaux et des candélabres en bronze sortis des ateliers de M. Calla, deM. Thiébault, de M. Morin, de M. Vittoz, de M. de La-brou e et de M. Eloy Dupont. Au fond delà nef, et sur un piédestal très-élevé, est une statue de reine toute dorée des pieds à la tête et exposée par MM. Eck et Durand. La lumière joue et glisse sur cette masse de dorure et produit de singuliers chatoiements sur le visage de cette pauvre reine. Des figures dorées font très-bon. effet, mais lorsqu’elles sont petites; M. Graux-Marly l’a bien compris à propos de ses torchères , dont les draperies seules sont dorées.
- Nous voici devant l’exposition de M. Barbedienne : au fond, la réduction d'une porte du baptistère de Florence, chef-dlœuvre de Lorenzo Ghiberti, le grand artiste florentin,. à gauche , le Laocoon en bronze ; à droite, le Motse de Michel- , Ange; en avant le Penseroso , le Jour et la Nuit de Michel-Ange; la Vénus de Milo, et, comme chefs-d’œuvre modernes, la Pénélope de Cavelier, la statue équestre de François Ier par Clésingpr; le tout entremêlé de vases, de coupes, de brûle-parfums byzantins, de statuettes, de cachets d’un goût et d’une exécution irréprochables ; parmi tous ces trésots nous distinguons les amphores de Henri Cahieux , jeune sculpteur moissonné ces mois derniers ; ces trépieds qui ressemblent à l’antique sont aussi de lui.
- Et tous ces bronzes de l’antiquité et du moyen âge ne sont pas des copies plus >ou moins exactes des chefs-d'œuvre originaux , mais des réductions mathématiques obtenues par les procédés de M. Gollas, procédés à l’aide desquels la réduction s’opère mécaniquement à une échelle déterminée.
- Si nous n’avions encore tant à voir, nous dirions quelques mots du bénitier byzantin en or et émaux par M. Legost, qui,, dans quelques jours, viendra augmenter la splendeur de l’exposition de M. Barbedienne.
- La montre de M. Denière est aussi très-bien et trèsi-riche-ment composée. Au premier plan, voici tout un service de table en .bronze doré exécuté dans les ateliers de M. Denière
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- pour M. Kisseleff, ex-ambassadeur de Russie. Nous regrettons de ne pas savoir le nom du sculpteur qui a produit ces beaux feuillages et ces jolis enfants si mutins. M. Denière a aussi exposé une profusion de pendules, de candélabres en bronze doré et non doré; des copies d’après des sculpteurs de l’antiquité , du moyen âge et de nos jours.
- Entre autres bronzés remarquables, MM. Raingo ont exposé une belle pendule représentant l’Alliance de l’Art et de la Science; c’est une bonne idée bien exprimée.
- MM. Susse ont exposé de belles réductions en bronze, obtenues par le procédé de M. Sauvage , parmi lesquelles nous remarquons la Vénus'de Milo, !’Atalante et la Sapho de Pradier.
- Voici beaucoup de groupes de Cumberworlh.reproduits en bronze et exposés par M. Daubrée.
- Un sculpteur de Caen, M. A. Lechesne, a exposé lui-même plusieurs de ses œuvres en bronze ; nous remarquons un joli coffret, des vases et des groupes d’animaux.
- Tout auprès , un autre sculpteur, fatigué de subir les exigences des fabricants, s’est fait fabricant lui-même; regardez ses œuvres : ces animaux si naturels, si forts [si intelligents, jusque dans leur férocité, ne peuvent être que les œuvres de Barye.
- Personne, en effet, ne sait, comme cet artiste éminent, animer le bronze, lui souffler la vie et le mouvement. M. Barye est professeur au Muséum d’Histoire naturelle, et c’est là un excellent choix qu’ont fait les administrateurs de ce grand établissement; il est en effet essentiellement naturaliste, chaque animal a.son caractère spécial bien saisi, son mouvement parfaitement étudié; d’autres font peut-être aussi bien que M. Barye, personne ne fait aussi vrai !
- Là, c’est un fabricant de bronze qui est sculpteur, aussi M. Noël fils sait-il donner aux bronzes qui passent par ses mains un cachet tout particulier.
- M. Delafontaine est un artiste de mérite ; voyez ce petit lustre byzantin, si joli de forme et de détails, ces vases et ces candélabres antiques. M. Delafontaine a aussi reproduit le danseur et le musicien napolitain, de M. Duret.
- Quelle jolie et sainte figure que celle exposée par M. Dépensier! Elle tient une croix de bois et porte l’Évangile; elle est humble et son doux sourire réconforte ceux qui la regar-
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- dent; c’est bien ainsi que nous comprenons la Religion chrétienne.
- Pourquoi donc les fabricants de bronze ne mettent-ils pas sur les produits le nom de l’artiste qui a créé ces chefs-d’œuvre? nous n’aurions pas à regretter sans cesse, en voyant dès œuvres si remarquables, de n’en pouvoir nommer les aute,urs.
- M. de Labroue ne craint pas de désigner les sculpteurs à qui il doit ses beaux modèles; aussi lisons-nous sur plusieurs groupes très-remarquables, entre autres celui d'Héloïse et d’Abailard, le nom de E.Chatrouse; no'us reconnaissons aussi le groupe d’esclaves de M. Lévêque.
- Nous voyons chez M. Faye, l’ecce Homo et la Vierge de Cal-mels, plusieurs figures par M. Dubois et par M. Blavier ; chez M. Graux-Marly, les belles figures porte-lampes, grandeur nature, de M. Ch. Buhot.
- Chez M. Boyer, un beau groupe formant pendule : l’Industrie écrasant l’Ignorance, par M. Piat.
- Chez M. Gautier nous reconnaissons le Faune de M. Le-quesne, un joli groupe de M. Adrien Fourdrin ; chez MM. Du-plan et Salles, des groupes d’animaux de Comoleyra.
- Mais arrrêtons-nous un moment devant la belle pendule exposée par MM. Vauvray. Cette pendule est destinée à perpétuer le souvenir de l’Exposition universelle de 1855.
- Au centre le génie des arts et de l’industrie appelle tous les peuples à l’Exposition. L’Europe arrive portant la presse qui un jour doit émanciper tous les peuples ; l’Afrique la suit ; l’Asie et l’Amérique viennent déposer leurs produits aux pieds du génie, l’Océanie étonnée regarde.
- Cette pendule est accompagnée de deux candélabres sous la forme de palmiers au pied desquels reposent l’Art et la Science. Ces figures allégoriques sont bien comprises et expri- -ment bien ce qu’elles représentent ; elles sont dues à M. Sal-mon. sculpteur; le dessin d’ensemble est de MM. Vauvray, M. E. Gallien, architecte, a dirigé l’arrangement et la décoration de ce petit monument, et M. Deurbergue a ciselé les figures. A la bonne heure MM. Vauvray font la part de tous ceux qui les ont aidés l c’est justice.
- MM. Delesalle ont exposé un piédestal en marbre noir formant pendule, sur lequel est la statue équestre du général Bonaparte; aux angles du piédestal sont deux tambours et
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- deux trompettes de l’armée républicaine ; ces figures sont de M. Leveel.
- M. Bonnotte a exposé plusieurs pendules avec figures en bronza d’un très bon style, des coupes et des candélabres, des pendues d'un effet original tout en bronze et composées de-feuilla^es sur lesquels sont posés des oiseaux; les feuillages sont d'un vert plus vif que le bronze de la pendule et paraissent naturels.
- M. Bonnoiie a, dans son compartiment, un joli cadre de glace composé de feuillages et d’oiseaux en bronze doré qui sort des ateliers de M. Matifàt père.
- Mais le temps nous presse : voyons en courant la pendule et les vases byzantins de M. Boulonnois; la jolie cheminée en marbre blanc avec bronze doré de MM. Lerolle frère , et leur beau lustre avec branches et feuilles de vigne en bronze doré, et grappes de raisin en cristal ; ce groupe de sept figures fondu d’un seul jet par M. Grignon-Meusnier, et ces pendules en • marbre, décorées de peintures sur porcelaines et ornées en bronze; les pendules de M. lioudebine avec ses gravures au burin dont les traits sont dorés ensuite ( procédé Verdin). :Les bronzes H art et de fantaisie de MM. Dardouvilïe, Détourbet et Broquin, Sorel-Douce, Fétu , Bigot, Bernard , Carrier, de Lyon , etc.. etc. Nous en passons et des meilleurs. Mais avant d’arriver aux imitations de bronze, levez les yeux et voyez ce joli lustre en bronze doré avec fleurs de porcelaine péinie et cristaux, qui sort des ateliers de M. Marquis.
- Dans la galerie sont suspendus de beaux lustres, les uns tout en bronze doré, les autres en bronze doré et cristaux, sortant des ateliers de MM. Charpentier, Boyer, Weygaud, Gallois et Lacan ière : le lustre du Cirque, dessiné par M. Hittorf, a été fait dans les ateliers de M. Lacarrière qui a fait aussi, je crois, le lustre si original et si beau que M. Barthélemy avait imaginé pour la salle qui porte son nom.
- Si nous nous arrêtons devant les étalages de MM. Boy, Bourdon, Miroy, Laureau , Dubois et Soûlas, mous pourrons nous croire encore chez des fabricants de bronze, tant ces figures, ces coupes, ces candélabres sont fins et purs; cependant ces objets sont en imitation.
- Voyez les imitations de petits bronzes d’art de M. Laureau, et les grandes statues de M. Boy et de M. Miroy ; voyez les
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- beaux lustres et les beaux candélabres faits en zinc par M. Hubert fils et recouverts de cuivre au moyen de l'électricité ; comparez-les à des bronzes véritables, voyez où pourront nous conduire encore quelques années d’efforts. Déjà les prix sont réduits dans une incroyable proportion.
- MM. Gueyton, Feuquières et Marguerite, Pouey, Lefèvre, Zier et Lionnet n'ont exposé que des produits galvanoplasti-ques.
- C’est, on peut le dire, de l’époque où la gutta-percha a été introduite dans les ateliers de la galvanoplastie, que date le succès véritablement sérieux de cette industrie nouvelle. On sait que la gutta-percha se ramollit par la chaleur : ainsi ramollie, on l’applique sur l’objet à reproduire, et la pression fait pénétrer cette matière éminemment plastique dans tous les creux du modèle; après le refroidissement, son élasticité permet de l’arracher du moule en conservant toute la fidélité et la délicatesse de l'empreinte formée. Ainsi préparé, ie moule de gutta-percha est rendu conducteur de l’électricité en le recouvrant, à l’aide d’un pinceau, de plombagine en poudre ; il ne reste plus, pour obtenir sa reproduction, qu’à le plonger dans le bain électro-chimique.
- Quant à la pile qui sert à provoquer la précipitation du cuivre par l’action décomposante de l’électricité, elle n’offre rien de particulier. C’est l’appareil ordinaire que l’on trouve aujourd’hui à bas prix dans le commerce. On place cette pile en dehors du bain , ses deux fils conducteurs plongeant seuls dans le liquide. On attache le moule au pôle négatif, et a. l’autre pôle une plaque de cuivre dont la proximité influe souvent beaucoup sur le résultat obtenu ; à mesure qu’il se dépose du métal sur le moule, le cuivre de la plaque positive se dissout ; la liqueur reste ainsi toujours au même degré de saturation; le cuivre est, pour ainsi dire, transporté delà plaque au moule. Au bout de quelques jours, ce dernier se trouve recouvert en entier et l’opération est terminée.
- On peut souvent ne pas employer une pile extérieure ; on se contente, par exemple, de placer dans le bain un vase poreux dans lequel de l’acide sulfurique et du zinc développent «un courant qui arrive jusqu’au moule par un fil métallique qui relie le moule à la plaque de zinc. Mais, dans ce cas, comme la dissolution finirait par s’épuiser, on a la préoaution de
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- placer au sein de la liqueur un sac contenant des cristaux de sulfate de cuivre, qui se dissolvent dans l’eau pour remplacer au fur et à mesure celui qui disparaît par suite du dépôt métallique.
- Nous avons dit plus haut comment on faisait les dépôts de métaux précieux par l'électricité.
- Toutes ces statuettes, ces beaux bas-reliefs, ces bustes, ce calvaire de Justin , ces vases , ces coupes , ces plateaux de M. Gueyton sont ainsi obtenus. Plusieurs d’entre eux sont de véritables pièces d’orfèvrerie artistique.
- M. Lefèvre est l’inventeur breveté d’un moulage élastique, au moyen duquel il obtient des pièces d’un relief considérable. Un petit bas-relief contenant une foule de figures bien détachées est un petit chef-d’œuvre de reproduction.
- M. Lionnet, lui aussi, est un galvanoplaste distingué. Voyez ces reproductions de clichés pour l’imprimerie et de planches gravées sur acier et sur cuivre, et ces.pendules, ces coffrets', vrais bijoux argentés et dorés par l’électricité.
- Les étalages de MM. Poney, Feuquières et Zier, sont des musées d’objets de bronze et d’orfèvrerie obtenus à peu de frais par la galvanoplastie. M. Ouriry nous présente des applications de réleciro-métallurgie au doublage des navires, et de la chaudronnerie en fer et en fonte, applications qui ne seront pas moins utiles à l’industrie que celles que nous avons vues ne seront utiles aux arts. Nous verrons, parmiles produits de l’exposition anglaise et allemande, des spécimens d’œuvres plus remarquables de cette nouvelle industrie.
- Enfin, nous sommes parvenu à nous soustraire au charme de l’exposition française, et il ne fallait rien moins pour nous en donner le courage, que les merveilles des expositions étrangères.
- Commençons notre revue par l’exposition de Yorfévrerie et bijouterie anglaises, qui est la plus remarquable.
- Quelle profusion de surtouts, de coupes, de candélabres émargent massif, des vases, des boucliers, des groupes de combattants, des monuments, enfin tout un musée de sculpture en argent massif. Quelques-uns de ces spécimens de l’orfèvrerie anglaise sont encore plus riches au point vue de l’art.
- Voici d’abord des candélabres et un groupe de figures
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- allégoriques, tout en argent massif, exposé par la Compagnie des orfèvres de la cité de Londres. Le groupe représente Richard II donnant le privilège à la Compagnie des orfèvres. Ces figures, ces ornements gracieûx prouvent que la Compagnie a fait faire le modèle par un des meilleurs sculpteurs de l’Angleterre.
- Plusieurs des vitrines des orfèvres anglais présentent un nombre incroyable de richesses; on comprend en les voyant que l’aristocratie anglaise est seule assez riche pour acha-lander de telles fabriques d’orfèvrerie. Nous n’avons ni le temps ni l’espace pour détailler toutes ces merveilles. Faisons remarquer cependant dans la vitrine de M. Garrard cette belle fontaine arabe en argent et en or. décorée d’ornements émaillés du plus beau style arabe que l’on puisse voir; trois chevaux viennent se désaltérer à cette fontaine. Ce magnifique surtout appartient à la reine d’Angleterre. Voyons encore ce beau candélabre, ces bracelets et ces bijoux de toutes, sortes. Puis passons à la vitrine de M. Hancock où brille un magnifique surtout, représentant un combat.entre deux chevaliers. C’est une singulière idée de poser sur une table , autour de laquelle sont de joyeux convives , un surtout représentant ce qu’a de plus atroce la barbarie : des hommes qui s’égorgent. Nous préférons de beaucoup sous ce rapport le surtout de MM. Doune, Prime, Lister, et, à l’exposition française, ceux de MM. Denière et Christofle, qui ne présentent que des sujets agréables. Mais M. Hancock sait être aussi gracieux et élégant; ses riches parures doivent être comptées parmi les plus belles de l’Exposition.
- Nous sommes devant la vitrine de MM. Hunt et B.oskel, les successeurs de Stor et Mortimer; admirons ces bijoux si riches , ce bouquet de fleurs faites avec des diamants. Ce surtout, ces candélabres en argent sont bien beaux, et cependant voici des vases et un bouclier en argent repoussé qui les font oublier.
- L’un de ces vases représente Jupiter foudroyant les Titans. Cette figure de Jupiter, placée au sommet du’vase, les Titans qui tombent foudroyés sont dignes de Michel-Ange; comme celui-ci, deux autres vases et un bouclier sont aussi de M. Wechte, artiste français qui, depuis quelques années, habite Londres et contribue aux succès de cette maison. Nous
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- -avons Vu, dans l’exposition française, une des oeuvres de ü. Weehte : le vase appartenant au baron Bro.
- Les œuvres rie M. Weehte ne doivent pas nous empêcher -^admirer les bijoux en pierreries montées en or et en argent dams les ateliers de M. Phillips, et qui sont dignes des joailliers français. Mais en voici que nous préférons à cause de leur Caractère d’Originalilé, ce sont des bracelets et des bijoux irlandais exposés par MM. Bettie, d’Aberdeen. Ces bijoux ne-sont pas des reproductions plus Ou moins belles des produits de la joaillerie française, comme nous en voyons en Angleterre et dans les autres pays, qui tous ont le tort de vouloir imiter la France au lieu de créer des produits ayant Un cachet , un style particulier..
- Aussi voyez les beaux bijoux de MM. Bettie; les broches et les bracelets de MM. Waterhouse, de Dublin , de MM. Stür-ger, de Birmingham; les bracelets, les colliers de MM. Pbe-lân , Goggin, de Dublin, faits de chêne fossile noir ou noirci, ornés de perles, d’émeraudes et de pierres précieuses et montés en or et en argent. Certes ces bijoux sonjt moins brillants que des bijoux de pierreries montés par les Lemon-nier et les Bapst, mais ils ont un caractère d’originalité qui fait plaisir.
- Qui refuserait de s’arrêter devant la vitrine de M. Bisson; ces chaînes d’or si souples, formant des bracelets dont le travail d’ajustement est un chef-d'œuvre de goût et de soin. Ce petit éléphant d’argent avec incrustations dbr est un bijou remarquable comme sculpture et comme ciselure.
- M. Bisson est un habile bijoutier français , réfugié politique à Jersey, depuis 1851 ; il a exposé ses œuvres sous le nom de l’Angleterre qui lui a donné un asile et qui peut être fière de l’artiste qirelle compte aujourd’hui comme un des siens.
- La galvanoplastie en Angleterre a d’habiles interprètes; MM. Elkington et Mason, Parkins et Marshall, Cartwrigth et Prime, de Birmingham, ont exposé des surtouts, des candélabres, etc., argentés par les procédés galvaniques.
- L’une dés parties les plus éurieuses de l’Exposition est celle occupée par les produits de l’Inde, exposés sous le patronage de l’Angleterre.
- Les deux vitrines dans lesquelles sont groupés les bijoux et les objets d’orfèvrerie sont des plus admirables. Nous paf-
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- lions naguère de formes originales, de créations féeriques qui étonnent; certes, nous pouvons être satisfaits. Voicides colliers, des bracelets, des boucles d’oreilles, des bijoux de toutes sortes, tous différents les uns des autres et de plus en plus jolis. Il paraît que de tout temps et dans tous les pays, les femmes ont aimé se mettre des bagues, des colliers aux doigts , aux bras, aux oreilles , voire même au nez.
- Quelle admiration n’a-t-on pas pour l’ancienne civilisation de l’Inde en voyant ce monceau d’objets d’art qui datent, les uns de plusieurs siècles, les autres de quelques années seulement ; ces bijoux si bien montés, si artistement conçus, ces {braceletset ces colliers de filigranes d’or et d’argent, qui sont aussi fins que les fines dentelles; ces coupes émaillées, ces coffrets d’ivoire et d’ébène, ces aiguières sveltes, ëlau-eëes, 'tout cet art rempli de charmes dans sa bizarrerie et qui nous plaît d’autant plus qu’il nous est plus étranger.
- DeTïnde passons en Égypte, qui nous envoie des narghilez d’or et. des armes damasquinées enrichies de'pierreries.
- Traversons la Grèce et la Turquie qui n’ont ni bronze ni orfèvrerie et arrivons en Toscane.
- M. Papi de 'Florence a envoyé une'copie réduite en bronze du Pensée de Benvenuto Cellini, ainsi que du beau piédestal sur lequel il est posé ; une copie en bronze, grandeur du modèle de la tête de David par Michel-Ange; mais ce qui étonne le plus les fondeurs, c’est une plante d’aloès aux mille feuilles coulée en bronze d’une seule pièce.
- La bijouterie des États pontificaux n’est pas représentée à l’Exposition; nous le regrettons, en nous rappelant ces beaux colliers et ces boucles d’oreilles si bien portés par les femmes romaines; mais en revanche, les-mosaïstes ont envoyé des broches, des épingles, des tables, des tableaux d’un travail de patience inouïe.
- Voyez ces broches de M. Michelini; en songeant que oès petites têtes de femmes ou d’hommes, que ces petits chiens formant broches, sont composés de milliers de morcpaux de marbre de toutes couleurs, gros comme des têtes d’épingles; on est étonné de la patience de l’ouvrier qui les coupe, les assemble et les réunit de manière que toutes les nuances du modèle soient reproduites ; mais que dire en présence de ces tables de marbre, de M. Bampieri et de M. Gorradini de
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- }jome, sur lesquelles paraissent jetées des guirlandes de joses et de clochettes bleues. Chacune de ces branches, de ces feuilles, de ces fleurs est. un composé d’une infinité de morceaux de marbre. Admirez surtout un tableau de près de 2 mètres de longueur sur 0m,80# de hauteur. C’est une vue du Campo Vaccino à Home ; de loin ce tableau paraît être à l’huile; et il n’a pas coûté moins de dix ans de travail à M. Galland.
- M. Poggi a fait un tableau composé de cailloux de la Seine, représentant un chien grand comme nature.
- Ces travaux de patience nous effrayent et nous nous hâterions de fuir en Sardaigne si nous n’étions retenus encore dans lés États pontificaux par MM. Spagna et Borgognoni; M. Spagna nous montre une belle reproduction en bronze doré de la colonne Trajane, autre travail de patience; M. Borgognoni, un écritoire en bronze doré et argent, très-riche, mais dont les figures auraient dû être modelées par un des nombreux artistes qui habitent Rome.
- En Sardaigne, la dix-septième classe ne possède qu’un beau lustre en cristal de roche de M. Pansa.
- L’exposition d’orfévîerie belge est beaucoup plus riche; MM. Watte, d’Anvers et Dufour, de Bruxelles, ont exposé des bijoux de toutes sortes, en or, en argent, enrichis d’émaux et de pierres précieuses. et dont la perfection rivalise avec celle des œuvres des joailliers français.
- L’orfèvrerie religieuse est dignement représentée par MM. Roger, d’Anvers et Philip , de Liège. La reliure du Missel, de M. Roger, en argent découpé, gravé et ciselé, est très-remarquable.
- MM. Colin, Backes et Krug, de Hanau (électorat de Hesse) ont exposé des bijoux un peu moins légers que ceux de France, mais presque aussi bien montés. Le lustre en bronze doré de M. Pracht est très-beau.
- M. Probst de Hambourg a exposé un échiquier en nacre, dont les échecs sont en argent et en vermeil.
- Les orfèvres wurtembergeois ont une assez belle exposition ; les vases et les coupes en argent repoussé de M. Grober et les belles pièces d’orfèvrerie plaquée de MM. Bau méritent d’être mentionnés.
- M. Bruckmann expose une belle lampe d’église dans le style
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- gothique, dont tous les ornements sont estampés sans aucune retouche ni ciselure.
- Le Danemark compte au nombre de ses exposants, MM. Moller et Drewsen de Copenhague; M. Moiler a exposé des bustes grandeur naturelle, obtenus par la galvanoplastie. M. Herazcek a envoyé des sabres et des épées dont les poignées et les fourreaux sont en or et argent richement ciselés.
- La Suède a des orfèvres habiles; MM. Mollenborg, Vogt, Soner et Folker de Stockholm ont envoyé des plateaux, des candélabres et autres objets d’orfèvrerie de second ordre.
- Nous poumons en dire autant de l’orfèvrerie hollandaise, qui est plus lourde comme matière , mais moins finement travaillée que l’orfèvrerie française et anglaise. .
- MM. Romain , Lucardit de Rotterdam ont des vitrines bien garnies ; nous avons remarqué chezM. Romain de beaux vases en argent, et un magnifique surtout chezM, Lucardit.
- M. Salm d’Amsterdam a exposé entre autres belles pièces d’orfèvrerie, un petit groupe de deux figures en argent ciselé d’une seule plaque sans soudure. 1
- Nous engageons les dames à voir les petits paniers emorfé-vrerie d’argent à jour, d'un travail aussi fin que celui de la dentelle deM. de Meyer de la Haye; et la belle vitrine de M. Gril-lis Grevink d’Amsterdam, dans laquelle elles remarqueront comme nous une brosse de nappe et un porte-miettes en argent.
- Quant à la Suisse, nous devons avouer que ses bijoux sont aussi beaux que ceux de la France; voyez ceux exposés par MM. Dutertre, Bautte, Berthold, Rischgitzde Genève, Mayer de Neufchâtel; ces jolis bracelets, ces broches, ces boucles d’oreilles, ces tabatières en or et argent ciselés avec pierreries enchâssées, sont remarquables; mais ce qu’il y a de remarquable encore, c’est que tous ces bijoux sont garnis de montres microscopiques; ainsi bracelet à montre, broche à montre, tabatière à montre, et de plus à musique, lorgnon à montre, et pourquoi pas, bagues et épingles à montres; décidément la Suisse est bien le pays de l’horlogerie; que cette profusion de montres ne nous empêche pas de signaler cependant la belle broche et le beau livre d’heures de M. Dutertre, avec montre bien entendu.
- M. Lejeune a envoyé les plus jolies chaînes que l’on puisse
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- imaginer ,en or, en argent et même en bois-..Mais M. Lejeune ne doit pas trouver à vendre ses chaînes en* Suisse v; car à quoi bon une chaîne si ce n’est, pour porter une montre? Et lorsqu’une dame a des montres sur tous ses bijoux, elle n’a’ qjie faire d’une montre à la. ceinture';
- Toutes ces montres sont enrichies de perles, de pierreries;,, d.’émaux à faire tourner toutes les têtes-; mais, dira^Lon, vous, ne deviez nous parler que dês-.bijoux.et vous nous parlez horlogerie. —Que voulez-vous,, en Suisse, tous les:bijoux sont des montres , toutes les,montres sont des-bijoux.
- En Espagne, nous trouvons beaucoup d’orfèvrerie religieuse et d’armes enrichies de pierreries.
- M. Isaura de Barcelone a exposé un joli lustre tout,en,ai>-gent-, et.destiné probablement à une chapelle de la Vierge.
- Nous, remarquons une écritoire.en argent et en or de M-; Rar mirez de.Madrid; cette écritoire produit de loin beaucoup d’effet; mais les figures sont vulgaires,, mal dessinées; M. Ranimez aurait, dû confier le modelage de ses statuettes à; un sculpteur habile, il n’en manque, pas à Madrid.
- L’exposition: de MM. Zuloaga de Madrid,est,plus brillante; nous y remarquons des bas-reliefs: en fer ciselé, très-beaux-, comme; sculpture etcomme exécution, ainsi,que deux oiseaux ronde bosse en fer ciselé, qui sont d’un fini admirable ; un beau; bouclier en. fer: repoussé, une reliure d’album en fer damasquiné en or et un spécimen des boucles d’oreilles, ca-r talanes en or avec, pierreries : ces boucles d’oreilles sont, d’un style très-original.
- MM? Pierre Soler. et Perie de Barcelone: ont exposé, parmi; de belles pièces d’orfévrerie et de bijouterie, la couronne.de feuilles de laurier émaillées,sur or, qui a été donnée à Espar-tero par la ville de Barcelone'.
- La. joaillerie, de, Portugal, est bien représentée par M. José Pera, Moitas de Porto, quiaaxposé de jolis, bijoux, entre, autres: uni bracelet, avec,pierreries.et émaux, aussi parfaits.-que ceux de; nos bijoutiers; français;
- Descendons aureZide-cbaussée: afin d’y admirer la bijour terie prussienne, où nous, attendent-les beaux bijoux: do M. Friedeberg, de;Berlini, de M. Kochler de. Liegnitz,. dei M. Wilm de Berlin. Les vasesi formés, de branches et feuillages- d’aFgent de M. Friedeberg sont d’un très-bel effet. Cet
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- orfèvre a également ex-posé un plateau en argent sur lequel est- gravé le Palais de l'industrie; cette gravure fine produit l’effet d’un dessin d’arohitecturetrès-légèrement lavé; l.ep&-lais d’une teinte grise très-délicate est bien repoussé, par les\ arbres du premier-plan qui sont légèrement dorés. Ge; mode de gravure est très-joli.
- MM-, Sy et Wagner de Berlin ont exposé un livre; dont la reliure or, argent à jour avec incrustations d’émaux, attire tous les regards ; M. Haussmann un beau bouclier en argent repoussé, d’après M. Médem, sculpteur. Comme en France, l’argenture et la dorure, par l’électricité, ont produit de beaux; résultats, exposée par M;. Winkelmann de Zinna, MM. Lœ,-venthalde Cologne, M. Mœhring de Berlin, etc.
- Hans une enceinte voisine- dp la Prusse est exposée la: bijouterie autrichienne* qui est remarquable par l’emploi des grenats de Bohème , dont la couleur s’harmonise bien; avec l’or et-l’argent qui les entourent.
- M. Rosenberg de Vienne-, MM. Grohmann, Forst, PicMeri et Podiebrad de Prague, ont exposé une brillante collection.1 de bracelets, colliers, boucles d’oreilles, en grenats, très-bien, montés en or et en argent.
- Gomme orfèvrerie, M'. Grohmann nous montre: une; très--belle crosse en or avec petites figurines en argent trèsrbien; modelées; et-MM. Bolzani de Vienne>, des chaînes d’or d’un travail remarquable.
- Un vase et une soucoupe-en or-,; de- forme gracieuse, avec de beaux ornements en- argent en relief, sontjlîœuvre de M. Colombo de Milan.
- M. Ratzersdocferparmi; d© belles- pièces- d’orfèvrerie, a. exposé une coupe-en or et en argent qui doit être: donnée-pour prix de courses,
- MM. Rocco de Milan ont envoyé de beaux spécimens- de la bijouterie milanaise, des bracelets, des*colliers et ces grandes épingles en argent à deux têtes, que lesfemmes-du-royaume lombard-vénitien mettent dans leurs-cheveuxe
- Nous passerons également en-revue les-bronzes, les zincs;, et lés objets de galvanoplastie distribués par les différentes) nations dans le Palais de l’industrie.
- En entrant dans la grande nef-, on remarque de^-suite) une-statue de fônte, le Tueur d'aigles, cheUd’ceuvre-de M. John
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- Bell, sculpteur anglais. Cette statue est exposée par la Coal-brookdale-Company ; MM. Elkington et Mason ont aussi exposé dans la nef plusieurs statues remarquables en cuivre galvanique; et si nous entrons dans le compartiment réservé à leur exposition aussi dans la grande nef, nous serons frappés du grand nombre et de la beauté des produits argentés par l’électricité; surtouts, vases , coupes, aiguières, groupes qui, certes, ne cèdent rien sous le rapport artistique aux produits remarquables de l’orfèvrerie française et anglaise.
- En Autriche, des reproductions de grandes gravures en taille-douce, épreuves obtenues dans les ateliers de galvanoplastie de l’imprimerie impériale autrichienne, attestent dans une autre direction les progrès accomplis. Le même établissement a produit des bas-reliefs galvanoplastiques dont les figures sont presque ronde bosse et des clichés qui ne laissent rien à désirer.
- L’institut de galvanoplastique de M. de Kreiss à Offembach-sur-le-Mein a envoyé des bas-reliefs et statuettes très-remarquables; entre autres une reproduction du bas-relief, fait d’après le tableau de Gendron , la ronde des Willis. Quelques-unes de ces figures sont presque détachées du tableau et ont dû présenter de grandes difficultés. Cette reproduction est une des plus remarquables de l’Exposition.
- M. de Kreiss a envoyé aussi des bas-reliefs représentant des points de vue pris aux bords du Rhin : un homard, une écrevisse et une chauve-souris pris sur nature.
- La Hollande n’envoie rien en galvanoplastie, mais elle a de beaux bronzes exposés par M, Lurasco d’Amsterdam. Une belle statuette en bronze de l'amiral Ruyter, une de Rembrandt, une de Laurent Coster et une de Guillaume Ier, ont été fondues d’après les statues faites par M. Royer, sculpteur de talent.
- A l’extrémité de la grande nef se trouve une sorte de tour byzantine décorée de peintures et entourée de grands candélabres de même style et portant des vases de fleurs. Cette tour qui n’est autre qu’une immense jardinière est en zinc fondu peint et doré, ainsi que les candélabres qui l’entourent. Ces objets qui produisent un si bel effet sont exposés par M. de Diebitscli de Berlin.
- MM. Schewedt et Markstein, M. Fischer et M. Knoll, de
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- Berlin, ont exposé de belles statuettes de bronze; de beaux groupes d’animaux en fonte, une cheminée avec cadre de glace et pendules en fonte sortent de la fonderie de M. le comte d'Einsiedel, en Saxe.
- MM. Devaranne, Geiss et Meves ont envoyé,des groupes, des bustes et des ornements fondus en zinc ejprecouverts de cuivre par l’électricité. M. Geiss a en outre exposé des figures obtenues par la galvanoplastie.
- Nous ne pouvons mieux clore ce compte rendu de la dix-septième classe de l’Exposition qu’en examinant le bas-relief en argent galvanique, c’est-à-dire obtenu par une précipitation d’argent, exposé par MM. Vollgold de Berlin. Ce bas-relief en argent de 2 mètres de longueur sur plus de i mètre de hauteur, représente la ville de Berlin venant complimenter la princesse et le prince de Prusse à l’occasion du quinzième anniversaire de leur mariage. Quelques-Unes des figures qui composent ce bas-relief saillissent presque complètement du tableau, aussi les difficultés à vaincre étaient considérables; néanmoins, sous le rapport artistique, comme effet et comme beauté des figures, nous préférons l’œuvre de M. Kreiss.
- CLASSE XYIII.
- Industries de la céramique et de la verrerie,
- Les arts en général prennent leur source dans les besoins de l’homme vivant en société, ils progressent et se développent en raison parallèle du progrès et du développement des populations; mais ils restent longtemps à l’état rudinaentaire et sont dans la série des siècles l’expression fidèle du concept et de l’idéal des contemporains.
- Dans les sociétés à peine ébauchées. l’art n’a donc qu’un caractère purement domestique. Quand les rapports d’homme à homme, de peuple à peuple, sont plus fréquents, il devient industriel et sa sphère s’agrandit ; il suffirait pour s’en convaincre de suivre pas à pas la filiation, la marche sëriaire
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- d’une branche quelconque de l’art à travers les siècles. Dans ce chapitre, nous bornerons le cadre de nos observations à un aperçu rapide sur deux branches : la Céramique et la Verrerie.
- Nous commencerons d’abord par celle qui dans l'ordre des temps a rang de primogéniture, la Céramique.
- Dès la plus haute antiquité, la céramique franchit les bornes étroites des besoins usuels de la famille pour s’idéaliser et revêtir des formes gracieuses. En Orient, chez les Cbaldéens, chez les Égyptiens, en Palestine, elle correspond non-seulement à l’essor du luxe intérieur pour la vascuiation dans les maisons particulières, dans les palais, dans les temples; mais encore par la reproduction des mythes et des emblèmes allégoriques pris dans l’échelle des êtres vivants ou des produits variés de la nature, elle contribue à l’ornementation extérieure des monuments et des édifices publics.
- La Grèce, heureuse héritière des civilisations orientales qui lui apportèrent leur tribut multiple et dont elle opéra la fusion avec une si admirable sagacité, un goût si exquis, cultiva l’art céramique avec un grand succès. Athènes, centre des beaux-arts, dut, en s’agrandissant, envahir deux quartiers qui, par leur nom de Céramique, indiquent assez clairement leur destination primitive. C’étaient là les premières ébauches de son art sculptural qui ne put rester en arrière chez les artistes façonnant l’argile., alors que les. Myron, les Polyclète, les Praxitèle sculptaient les urnes de marbre et ciselaient les coupes d’airain, d’argent et d’or avec une si rare perfection.
- Rome , avant qu’elle conquît la Grèce dont elle fut la conquête à son tour au point de vue de l’art, possédait déjà des types de céramique étrusque, chez lesquels la sévérité des formes n’excluait pas l’élégance , et qui, par une alliance heureuse avec l’art grec, revêtirent un caractère de grandeur monumentale.
- Depuis l’invasion des barbares jusque vers l’époque des croisades, l’art céramique est à l’état de sommeil et de torpeur en Occident. Les procédés des grands maîtres tombent enfouis dans le cataclysme général où le plongèrent, pour de longs jours, les rudes enfants du Nord. L’art était à refaire; le contact des croisés avec une civilisation supérieure y contribua puissamment : l’activité commerciale et les goûts artisti-
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- ques des villes maritimes de l'Italie, qui tirèrent un si grand parti de ce grand mouvement des peuples occidentaux, firent lé reste. La; céramique eut une place bien marquée dans cette renaissance de l’art. Les hommes de talent qui puilulèréht dans les villes de l’Italie, non contents de tirer parti des divers modèles de l’aniiquité respectés par le temps, et de courir avec une fiévreuse ardeur à la recherche des procédés que leurs devanciers avaient suivis pour la formation déâ émaux et pour l’application des couleurs , imprimèrent à là poterie un caractère original par l’exquise perfection dés figurines, des fruits, des plantes, des animaux jetés par fouillis ou en reliefs.
- Les majoliques ou faïences de Pise, de Faenza, les figurines ét les émaux de Palissy et de ses imitateurs eurent le privilège de satisfaire aux exigences du luxe en Europe, jusqu’au moment où les nombreux rapports de notre commercé maritime avec la Chine et le Japon donna à l’art céramique uhë impulsion nouvelle par l’introduction de la porcelaine.
- La porcelaine, bien supérieure à la faïence par là matière qui la constitue, devint bientôt l'objet d’une grande vogué; Elle détrôna la faïence et fit oublier, pendant un assez Iotig espace de temps, les merveilles dont tant de vasiers bien phis artistes que fabricants avaient doté deux ou trois siècles1.
- Si cette vogue, cet engouement avaient l’apparence' d’uéé injustice poür le présent, ils avaient au moins leur raison d’être pour l’avenir. Les vases de Chiné et du Japon joignaient à l’attrait de la nouveauté le mérite de provoquer des études pour arriver à en reproduire d’à peu près semblables.-1
- Grâce à la science , l’entreprise a été couronnée de succès.
- La France et la Saxe firent les premières tentatives etrob-tinrent rapidement des résultats qui firent pâlir les deù#industries chinoise et japonaise. La série nOn interrompue d’eS^' sais que la- science a faits1 à Sèvres sous les auspices des gouvernements qui ont doté cet établissement depuis son ofî-' gtner* a été le principe des progrès successifs que l’art cërât inique; appliqué à la porcelaine, a-faits sur divers points de là-France: Sèvres, la manufacturé type où la science et-Fait nlont'cessé de faire une heurease alliance, aété décentré éü’ nbsindhstriels ont puisé tout à la fois les procédés qui aélsfit rent une manipulation supérieure etr les inspirations du gôùt
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- qui lui assignent depuis longtemps un rang à part dans le commerce international, soit au point de vue de l’utilité, soit à celui des satisfactions si variées que réclame le luxe des diverses parties du globe.
- L’examen d’ensemble aussi bien que celui des détails que nos lecteurs peuvent faire de cette partie si importante de l’industrie française à l’Exposition universelle, leur laissera la conviction pleine et entière qu’elle se maintient à la hauteur des conquêtes antérieures, et qu’elle sait constamment marier l’agréable à l’utile. L’agréable par la recherche de nuances perfectionnées et le goût exquis de l’ornementation; l’utile par l’appropriation de ses produits aux divers usages domestiques.
- Dans l’ordre supérieur de l’art uni à la perfection de la main-d’œuvre. Sèvres étale dans le pourtour de la rotonde du Palais de l’Industrie des merveilles dont la description réclamerait des détails outrepassant les bornes de ce rapide exposé.
- Mais autour de cette industrie mère dont le plus bel éloge est l’admiration du public et des nombreux visiteurs étrangers, se groupent des produits de l’industrie française attestant les efforts couronnés de succès tentés par bon nombre de nos fabricants qui puisent dans cet arsenal du bon goût tous les germes de progrès qui promettent un développement continu et assurent, par la supériorité des produits, la prospérité de notre commerce extérieur.
- Qu’on nous permette deux mots sur la fabrication de la porcelaine. * ,
- Ôn distingue deux genres de porcelaine, la porcelaine dure et la porcelaine tendre.
- La porcelaine dure, celle qui nous occupe en ce moment, a pour base le kaolin et le feldspath qu’on remplace quelquefois par un mélange de craie, de sable et de feldspath. On réduit ces matières en une pâte bien homogène qu’on bat et qu’on laisse macérer longtemps. Cette pâte est ensuite façonnée soit au moyen du tour, soit avec des moules ou le scalpel de l’artiste. Les pièces finies et séchées subissent une première, cuisson; elles forment alors ce qu’on appelle biscuit. Ordinairement on les recouvre d’un vernis, /dont le feldspath forme la basé; après quoi elles subissent une seconde et
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- dernière cuisson de trente à trente-six heures. La moindre négligence dans ces manipulations peut déterminer des accidents ou des défectuosités : c’est ce qui explique le prix élevé des belles porcelaines.
- Ces porcelaines sont souvent revêtues de divers ornements, couleurs unies , peintures, dorures, etc. Les couleurs s’appliquent soit sur la pâte, soit sur la couverte, en les fondant avec celle-ci à la même température qu’elle, lorsqu’elles peuvent la supporter (fonds au grand feu), ou bien en les faisant adhérer à 1 email à une température plus faible au moyen d’oxydes ou fondants métalliques.
- La porcelaine tendre diffère de la précédente par sa pâte plus abondante en feldspath , par conséquent plus fusible, et par son émail dans lequel il entre de l’oxyde de plomb. La porcelaine anglaise renferme du phosphate de chaux et de la baryte.
- Au double point de vue de l’art et de l’utilité, MM. Pouyat, de Limoges, présentent une série de produits qui se distinguent-par une minutieuse recherche dans les. matières premières, la grâce de la forme, la régularité du dessin et lés reliefs qui ornent leurs pièces avec un grandiose remarquable. Leurs articles courants , notamment leurs séries de plats ovales , soupières, assiettes, se distinguent par l'harmonie de leurs proportions, la blancheur de l’émail et par le fini d’une fabrication qui, à force d’étude et d’expérience, marche à coup sur dans les procédés qui réalisent la pièce irréprochable, même dans l’ordre le plus modeste de la production céramique. Mais il est un de leurs services émail et biscuit qui mérite surtout de fixer l’attention par son élégante richesse et ce confort de bon goût qui satisfait aux conditions de l’art. Un artiste habile, M. Comolera , y a distribué avec beaucoup d’entente des reliefs et des détails qui, jusqu’à présent, avaient été employés par l’orfèvrerie seule. La soupière est de forme ovale avec gerbe de blé, maïs et légumes sur le couvercle. Les autres pièces du service sont composées d’après le même motif, et les assiettes de dessert, en harmonie avec leur spécialité, sont à fond émaillé avec fruits en relief.
- Ce service est complété par un surtout du biscuit le plus pur, portant sur pied à tiges de palmier dout les feuilles récourbées abritent trois cigognes et font garniture à la coupe
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- qui couronne un groupe de mésanges. Tous les détails de cette pièce sont exécutés avec un,e finesse remarquable dans le modelé, une souplesse et une ténuité de grain qui lui donnent toutes les apparences d'un fin marbre de Carrare.
- Dans un même groupe, citons avec éloge les porcelaines de MM. Hache et Pépin-Ie-Halleur, dont les beaux services de table sont appréciés depuis bien des années en Amérique. Gette importante maison nous offre des échantillons réellement beaux de sa production habituelle.
- M. Honoré, dont nous regrettons la mort, expose des services de table où l’art de la fabrication est égal à celui du décor.
- M. Pillivuyt ne le cède en rien aux deux maisons que nous yenons de citer; il ajoute seulement à ses services-de table (jes vases de toute grandeur, dont nous pouvons apprécier la beauté de la porcelaine, la franchise des nuances et la forme vraiment artistique.
- Un vase Céladon, avec canards en relief, est du plus gracieux effet. Deux autres vases Céladons, de un mètre de hauteur environ, représentent, l’un un tigre, et l’autre un crocodile. Ces vases sont remarquables par l’harmonie de leur forme pure et svelte. Nous citerons, en outre, des vases de formes étrusques du plus pur sentiment, et des vases style japonais dont on ne pput qu’admirer le fini du travail et le bon goût qui a présidé à leur fabrication.
- M. Jullien , dont la maison est connue depuis longues années pour ses services décorés, s’est encore surpassé, sj cela est possible. Les modèles qu’il offre à notre critique sont tellement beaux, d’un goût si pur, que, fussions-nous pessimistes au plus haut degré, nous ne trouverions qu’à applaudir.
- Nous mentionnerons aussi avec éloge MM Jouhanneau et Dubois, qui, se font remarquer par des vases en biscuit et nous montrent tout ce que peuvent l’art et le talent unis à la persévérance. Ces vases représentent, l’un une bacchanale avec personnages en relief, et l’autre une fête de Céi ès. Ce travail, dont le fini ne laisse rien à désirer, nous paraissait tout d’abord taillé dans du marbre; le mouvement, la finesse des feraits, l’expression des visages, tout nous paraît vraiment merveilleux. Deux grands vases Céladons attirent également CS yeux et l’attention des connaisseurs. Dans cette exposition,
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- la richesse d’une sculpture correcte s’allie toujours heureusement à une idée riche et exubérante.
- Nous signalerons aussi à l’attention du public les efforts intelligents qui ont été faits avec succès par M. Gille, pour appliquer la porcelaine à l’architecture, à la statuaire, à l’ornementation, tant intérieure qu’extérieure, des lieux de plai-sance. Il est parvenu à exécuter des pièces de grandeur naturelle en biscuit, qui offrent à l’action de l’air plus de résistance que le marbre. Nous citerons dans diverses œuvres qui peuvent recevoir des applications avantageuses, tant sous le rapport de la forme que du bon marché, sur les matières qui servent de ba.-e à la statuaire, son cerf de grandeur naturelle. Sa cheminée en porcelaine preuve tout le parti qu’on peut en tirer au point de vue de l’exécution ornementale et du bon marché.
- M. Gille fait aussi avec succès des bustes et des groupes bien rendus, témoin ce faisan qui est peut-être un peu plus grand que nature, mais bien pris de forme et de pose.
- Les porcelaines exposées par M. Boyer sont, comme tout ce qui sort de ses magasins, décorées et peintes avec le plus grand luxe. Cette année, on pourrait presque dire qu’il s’est surpassé, si cela était possible. Entre autres magnifiques pièces, citons celles achetées par Sa Majesté l’Empereur, qui nous paraissent suivre de près la porcelaine de Sèvres, par le fini de la peinture et l’heureuse composition du sujet, ainsi que pour les formes sévères et gracieuses tout à la fois. Les deux vases et la grande aiguière représentant une chasse au sanglier et une chasse au cerf, avec des personnages, sont des tableaux d’un mérite très-apprécié par les connaisseurs. Citons,; comme originalité de bon goût, deux petits vases égyptiens, fond noir, ou plutôt terre d’ombre, avec personnages en couleur terre d’Italie brûlée; la forme et le dessin sont du plus heureux effet, et ou dirait qu’ils sortent d’à côté d’une de ces momies après un séjour de trois mille ans et plus.
- Parmi les porcelaines de luxe, nous citerons quelques-unes des pièces exposées par MM. Lahoche et Panier, qui se recommandent par l’élégance de la forme, la richesse de la couleur, la pensée du dessin et le luxe harmonieux, bien que Bévère et sobre, des ornements.
- On remarque surtout deux vases ayant un mètre dehautèur,
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- fond gros bleu, pâte tendre. Ils sont montés en bronze doré, avec anses formées de deux cariatides dans le goût de l'antique. La garniture de cheminée, une pendule et deux vases en cristal, que tout le monde regarde avec tant d’attention, sont vraiment d’un dessin et d’une exécution irréprochables-D’autres pièces, du même exposant, ne. peuvent manquer d’attirer l’attention des visiteurs.
- Avec la lithochromie, M. Macé a trouvé le moyen de reproduire les peintures et dorures sur porcelaine, sans avoir besoin du pinceau de l’artiste, même en retouche. D’où il suit qu’une assiette dont la peinture coûterait 50 fr., est vendue au prix de 4 fr. Bien que ce procédé n’ait pas encore atteint le point de perfection qu’il peut obtenir avec quelques recherches, nous sommes certains qu’il est appelé à être le point de départ d’une amélioration très-grande, par la facilité qu’il donne aux petites fortunes de pouvoir se servir de porcelaine peinte et dorée.
- Par ce procédé, on peut reproduire tous les sujets, tels que Watteaux, paysages, bouquets de fleurs, de couleurs variées. La solidité de la couleur est égale, supérieure même à celle obtenue avec l’aide du pinceau.
- M. Dutertre est l’inventeur d’une dorure dont la préparation et le brunissage se font d’un seul jet et avec économie, touten ayant l’éclat du bruni le plus brillant. Nous nepouvons savoir encore si cette dorure résistera à l’action du temps et de l’usage : l’avenir le dira ; et dans le cas où la détérioration viendrait, l’heureux inventeur saurait bien trouver le moyen de conjurer cet inconvénient. En attendant, son procédé se prête admirablement à l’ornementation de ces gracieuses miniatures qui défrayent le luxe des salons et des boudoirs.
- M. de Bétignies, qui depuis quelques années fabrique la porcelaine tendre (imitation du vieux Sèvres), a fait faire à son usine tous les progrès qu’on était en droit d’attendre d’un fabricant qui aime son art et s’y dévoue complètement. Parmi les objets qu’il expose, nous voyons avec plaisir quatre vases dont les originaux avaient été admirés à Londres en 1851, et que les amateurs prenaient pour du vieux Sèvres. Rien ne manque aux porcelaines de M. de Bétignies, coloris brillant, glaçure parfaite et peinture par les premiers artistes. Parmi tous ces vases si remarquables, il en est un tout à fait hors
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- ligne et qui aura bientôt son pendant : c’est un vase d’une énorme proportion pour la pâte tendre. A un vase si hardi de forme, une peinture hors ligne était nécessaire. Ce soin a été confié à M. Abel Schill qui a créé le médaillon principal, qui est une reproduction libre du tableau de Lesueur, les trois muses, Melpomène, Polymnie et Érato, auquel il a ajouté un amour du Guide.
- L’on voit au pied de son étalage les spécimens de ses autres genres de fabrication; ce sont des faïences communes, delà terre de pipe, de la terre à feu et des briques réfractaires.
- Les manufactures de Creil et Montereau, dont les produits céramiques sont si variés et jouissent depuis longtemps d’une réputation méritée, ont exposé cette année des demi-porcelaines, qui, tout en remplissant les conditions d’une fabrication élégante et riche dans la forme, se prêtent à la’facilité des transactions commerciales par le bon marché, et rendent l’usage de la porcelaine accessible aux positions sociales les plus modestes. C’est là une heureuse innovation à laquelle nous ne pouvons qu’applaudir.
- Tous les services à thé sont légers et diaphanes ; plusieurs sont imprimés, et la nuance est tellement fine, qu’elle se fond de la manière la plus agréable à l’œil avec la fritte qui recouvre la pâte.
- Parmi les choses charmantes et remarquables sortant des ateliers de Creil, mentionnons un tête-à-tête en demi-porcelaine, avec un semis de fleurs en relief, sans coloration aucune ; les tasses, au lieu d’avoir des anses, ainsi que cela a toujours lieu, ressemblent à de petites coupes un peu creuses et du plus gracieux effet. C’est original dans la forme et du meilleur goût comme exécution.
- La fabrique de Creil et Montereau est aujourd’hui tellement appréciée, qu’en entretenir plus longtemps nos lecteurs serait oiseux; chacun d’eux ayant vu et s’étant servi de ses produits, lès a appréciés comme nous.
- La fabrique de Bordeaux marche sur les mêmes traces, et son genre est celui de la faïence anglaise presque exclusivement. Ses services de table, bleus, imprimés, sont très-connus dans le commerce par la qualité de la fritte ou émail qui recouvre la pâte, dans laquelle il entre une certaine quantité de kaolin.
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- Une autre fabrique s’est montée dernièrement, et a à sa tête l’ancien directeur de la manufacture de Creil, M. Vernon. C’est dire en un seul mot que la forme de ses produits ne laisse rien à désirer, et que sa fabrication est des plus savantes» Ses demi-porcelaines sont presque des porcelaines tendres, beaucoup pourraient s’y tromper.
- La fabrique de Sarreguemines est toujours aussi sûre de ses œuvres que possible. Elle domine notre marché pour tout le genre allemand, et fait une concurrence redoutable à Creil et Montereau.
- A Rubelles, près Melun, une fabrique existe, qui fait un genre tout à fait spécial et qui lui appartient en propre. Vous avez vu souvent et chaque fois admiré, dans les desserts servis dans nos villas les plus coquettes, ces assiettes vertes avec feuillages ombrés : c’qst à Rubelles que toutes, ont vu le jour. La lithophanie, émail ombrant, est aujourd’hui tellement répandue, que nous nous abstiendrons d’en décrire la forme. Quant au procédé de fabrication, l'habile directeur de cette usine a pris un brevet pour l’exploiter seul.
- Nous ne pouvons passer dfevant la place occupée par les faïences fines de M. Ristori, de Nevers, sans applaudir à leur fabrication. M. Tite Ristori vint se fixer à Nevers, il y a quatre ans environ, avec la pensée bien arrêtée de relever l’ancien éclat que la ville de Nevers avait conquis il y a deux ou trois cents ans dans la fabrication de la faïence de luxe.
- M. Ristori apporta d’Italie des recettes qu’un de ses oncles lui avait léguées, et qui étaient le fruit de quarante ans de travaux et de nombreux voyages dans toute l’Europe. Il commença sur ces données et bientôt il vit ses efforts couronnés d’un plein succès; aujourd’hui, il recueille les fruits de ses travaux opiniâtres et persévérants.
- Dans le trophée de la porcelaine, mentionnons une œuvre des plus originales sortant des ateliers de M. Avisseau.
- Une grenoudle, debout sur ses pattes de derrière, tient dans ses bras un parchemin sur lequel on lit : Avisseau père et fils, à Tours (Indre-et-Loire). L’exécution de ce petit sujet est charmante, et c’est bien là l’enseigne qui convient à l’artiste aux travaux et à la persévérance duquel sont dus les premiers essais de .reproduction de ces œuvres remarquables par lesquelles s’est illustré en son temps Bernard Palissy.'
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- M. Avisseau ne se contente pas d’imiter le grand maître dans cet art longtemps voué à l’indifférence, mais qui, depuis quelques années, a repris une certaine vogue; il invente et orée à son tour. Ses animaux d'argile sont bien vivants ; ses fruits, ses plantes pris sur le fait, et ses oiseaux sont bien riches de couleur.
- Des environs de Tours, Bourgueil nous envoie aussi les charmantes poteries en terre destinées à la décoration de nos appartements, principalement des boudoirs. M. de Boissimon, dont la fabrique ne date pas de bien loin, a tout le luxe et le bon goût que l’on aime à rencontrer dans les œuvres tenant à l’art.
- Qui ne connaît pas les poteries de Follet, dont les usages sont si variés, et dont toutes les formes sont si gracieuses? Depuis la petite serre portative jusqu’à l’alambic destiné à la chimie, tout sent l’artiste créateur et inventeur. Nous ne citerons particulièrement aucun objet, nous serions forcés de les décrire tous, si nous voulions noter ce qui est beau et bien conçu.
- Les grès sont représentés dignement à l’exposition. Ce genre de poterie nous est propre et l’étranger nous l’envie. Mme veuve Signez nous offre un vase dont la dimension surpasse tout ce qu’on a fait jusqu’à ce jour.
- L’art du potier aujourd’hui, par les soins et les procédés de M. Vitebent, de Toulouse, peut s’élever jusqu’à la eon-structiçn des édifices. Son portique d’église, en terre cuite, mérite de figurer au nombre des belles pièces que nous offre en si grand nombre l’Exposition universelle.
- Le sanglier de M. Garnaud veut aussi une mention toute spéciale. L’art du simple mouleur en terre prend les proportions du statuaire. Le sanglier dont nous parlons a le mérite de la plus grande vérité, on croirait qu’il a été moulé sur nature.
- Les produits de M. Borie, l’inventeur des briques creuses, sont tellement connus dans Paris , que nous ne les mentiom-nons que pour les étrangers. Ici pas une maison ne s’élève sans avoir recours à ses heureuses briques; notons en passant qu’elles sont plus solides que les briques pleines, moins conductrices du son et du calorique, et qu’elles coûtent meilleur marché. Tous les avantages se trouvent donc réunis.
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- Maintenant que nous avons passé en revue la fabrication française, qu’on veuille bien nous suivre quelques instants à l’Étranger.
- Comme art, le premier rang appartient à la Prusse dans l’Exposition universelle. La manufacture royale de Berlin nous a envoyé des vases en porcelaine tendre, qui seraient dignes de figurer dans l’exposition de Sèvres. La 'peinture en est aussi remarquable, le doré aussi pur, la porcelaine aussi belle que ce que fait de mieux notre manufacture impériale. Comme fabrication les autres pièces ne sont pas moins belles. Le bon marché de ces produits est surprenant à cet égard : jamais en France nous ne pourrons lutter avec l’Allemagne. Les prix n’atteignent pas la moitié des nôtres. Deux services à thé se font remarquer par la pureté, la conception savante du desr sin, le fini de la peinture et l’harmonie générale de l’œuvre. Ces thés, genre camaïeu , sont des plus remarquables : aussi plusieurs ont-ils été retenus par les premiers fabricants d’Angleterre, et un par le musée céramique de Sèvres. Ce fait atteste assez la valeur de la manufacture royale de Berlin.
- La Belgique nous envoie aussi quelques échantillons de céramiques qui sont très-recommandables sous tous les rapports.
- Les premiers fabricants et manufacturiers de l’Angleterre ont envoyé à l’Exposition universelle un grand nombre de pièces. Nos fabriques sont loin d’avoir autant de modèles exposés ; la place sans doute leur a été mesurée avec plus de parcimonie. MM. Minlon, Copeland et Rose ont de véritables magasins qui méritent de fixer notre attention, tant pour la variété dè la forme, que pour la beauté d’un dessin correct et toujours sagement approprié aux besoins usuels de la vie.
- L’exposition deM. Copeland est remarquable par la variété deses vases; toulesles formes, depuis celles d’Égypte, si pures, jusqu’au genre Pompadour rococo , figurent avec éclat sur les gradins consacrés aux produits céramiques anglais. Un vase de deux mètres environ de hauteur, fond rose, avec ornements blancs en relief, cerclés de deux filets d'or, nous paraît un tour de force d’exécution qui a parfaitement réussi. Des bustes de grandeur naturelle, Junon et Ariane, sont admirés dans l’exposition deM. Copeland. L’Angleterre, dans la fabrication de la porcelaine, se rapproche un peu du genre de l’ancien
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- Sèvres. Si ce genre de porcelaine est inférieur comme usage journalier, il se prête beaucoup mieux au moulage. Les bustes qui sont exposés prouvent tout ce que l'art peut tirer de ce genre de manipulation. Une Sapho, au tiers de grandeur, est d’une finesse de détails que l’on a peine à concevoir, même après l’avoir admirée. MM. Rose exposent des services de table de la plus grande richesse. Les peintures de ces pièces sont de véritables chefs-d’œuvre, et s’il y en avait un moins grand nombre, ils nous paraîtraient encore bien plus beaux. Les amateurs et les visiteurs admirent surtout un vase bleu'clair dont le médaillon représente Amphitrite et sa cour. Cette peinture est irréprochable sous tous les rapports'.
- M. Minton, avec toutes ses porcelaines peintes ou blanches, de toutes qualités, depuis le service genre demi-porcelaine jusqu’au service de porcelaine tendre, peint avec luxe et doré, expose aussi des vases dont les formes variées et gracieuses attirent l’attention des visiteurs et surtout des connaisseurs. Nous avons remarqué des vases camaïeux du goût le plus pur, des vases gros bleu, avec médaillons du plus bel effet. Parmi tant de belles choses offertes à notre appréciation par cette importante maison, nous devons mentionner les bas prix des porcelaines ordinaires et communes. Sous ce rapport, l’Angleterre mous devance et va presque de pair avec l’Allemagne.
- Quoi qu’il en soit de tous les établissements d’industrie privée, celui de M. Minton est de beaucoup le plus considérable et le plus avancé dans tous les genres de fabrication. Ses carreaux incrustés en diverses couleurs dans la pâte avànt sa cuisson constituent une spécialité qui suffirait à elle seule pour mériter tous nos éloges. >
- Verrerie et cristallerie. — La découverte du verre est très-ancienne, puisque la Bible en plusieurs endroits en fait mention, et que Pline nous raconte que des,voyageurs Phéniciens, s’étant servis de natron, pour construire un foyer sur du sable, produisirent par hasard du verre par la fusion dé ces deux substances. Cependant cèt;ârt est resté stationnaire et presque nul chez les Grecs ainsi que chez les Romains.
- On nous permettra de considérer la version de Pline comme
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- une fable, et de penser que la découverte du verre est due aux premières recherches faites sur les traitements des minerais. par la fusion : en effet, ne voyons-nous pas souvent que les gangues, en se liquéfiant dans les foyers, donnent des laitiers transparents qui sont chimiquement de véritables verres? Ce qui est positif, c’est que les Égyptiens et les Phéniciens pratiquaient l’art de la verrerie avant tous les autres peuples ; les verreries de Sidon et d’Alexandrie furent célèbres, entre toutes, dans l’antiquité.
- Du temps de Pline, on commença à établir des verreries dans les Gaules et en Espagne; cependant, à Rome, on n’employa le verre à vitre que vers le milieu du uie siècle. Plusieurs siècles devaient encore s’écouler, avant que cette nouvelle industrie se répandît dans le Nord qui éprouvait cependant un besoin bien plus vif de ces produits. De la Gaule, l’art de la verrerie ne s’introduisit en Angleterre que vers le vne siècle, d’où il se répandit en Germanie. Les premiers édifices fermés de vitres enchâssées furent les églises de Brioude et de Tours vers la fin du vie siècle.
- Au.moyen-âge, Venise se distingua par ses verreries qui furent réleguées en 1291 à 8 kilomètres environ de la ville, dans la presqu’île de Murano, et c’est là, dit-on, qu’on fabri-q.ua> la;première glace soufflée. Vers cette même époque, la fabrication du vèrre s'introduisit en Bohême, et y acquit, bientôt, grâce à l’excessive pureté des matières premières, eu ahonctamce dans ce pays , une supériorité et une réputation qui se sont maintenues jusqu’à nos jours.
- Sous;Louis XIV, de grandes verreries s’établirent enFrance pan les soins de Colbert, qui déroba ainsi aux Vénitiens le monopole de la fabrication des glaces souffléeSi En 1665-, à Tourlaville, près Cherbourg , s’établit la première manufacture de glaces en France; elle subsista jusqu’en 1808; et ceint en 1688, qu’Abraham Thévart imagina de couler les glaees; son établissement, construit d’abord à Paris, dans* la rue de Reuilly, fut, transféré peu de temps après à; Saint-Gobain, prèsLafère. Cette, manufacture, d’où sont sortis les ouvrages; em verre les plus considérables^ à'toujours passé et passe encore pour être la plus importante de l’Europe : les trois magnifiques glaces qu’elle offre à l’admiration du public prouvent plus éloquemment- que nous ne> saurions le faire
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- dans ce rapide aperçu, que cette grande industrie, presque nationale d’origine, n’a fait que progresser dans l’art de couler et de polir les glaces.
- Aucune industrien’a été plus lente à se développer, croyons-nous, que la verrerie; et cependant peu de substances présentent une application plus variée, plus utile que le verre sous ses différentes espèces.
- La matière première composant, le verre, de quelque nature qu’il soit, est à peu de chose près la même. C’est un composé de silice, de potasse ou de soude et de chaux ou d’oxyde de plomb, donnant par la fusion une masse amorphe et transparente qui ne se dissout ni dans l’eau ni dans les acides. Le verre est donc un sil icate, c’est-à-dire un sel composé d’acide silicique ayant pour base un oxyde quelconque. Chaque verrerie, chaque cristallerie, suivant ce qu’elle doit produire, suivant la qualité des matières premières qu’elle emploie, varie les. doses soit de l’oxyde de sodium, de potassium, de plomb, de manganèse. Ces oxydes se combinent entre eux en proportions diverses, et il arrbe quelquefois que certains disparaissent dans une fabrication spéciale.
- Nous remarquons trois espèces distinctes de verres : le verre commun, ou verre à bouteilles ; le verrè blanc ou verre à vitres, et à glaces et le cristal.
- Le verre varie d'après ses parties constituantes; ainsi, le verre commun se fait avec du sable ferrugineux, des cendres ou des soudes brutes, de l’argile jaune, et des tessons de bouteilles.
- Le verre à vitres et à glaces ou verre blanc, se fait avec du sable blanc, du sel de soude, ou du sulfate de soude, des rognures de verre blanc, un peu de craie ou de chaux et d’oxyde de manganèse.
- Le cristal est composé de sable, potasse et plomb.
- Le verre de Bohême, au contraire, ne contient que peu ou point de plomb, qui est remplacé par la chaux et un surcroît de potasse.
- Une innovation a eu lieu ces dernières années dans la constitution chimique du cristal de la fabrique de Clichy, près Paris. Cëtte usine a substitué, au plomb, le zinc, à une partie de la silice, l’acide borique, spécialement pour les verres d’optique. Les coupes exposées par cette importante
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- fabrique sont d’une grande pureté; mais, pour le commerce de luxe, le cristal obtenu avec le zinc présente des difficultés bien plus grandes pour la taille et le moulage, car il est plus dur et moins fusible. Il offre donc une plus grande résistance à la gravure et à la dorure par le feu. Cette dureté et cette infusibilité sont précieuses pour la fabrication des verres d’optique et surtout des objectifs. L’amélioration résultant de l’introduction de nouveaux oxydes dans les verres d’optique permet d’en modifier les conditions de réfringence, dé dispersion et de transparence. Les premiers constructeurs opticiens en apprécient les avantages sérieux et positifs.
- Une très-belle série de disques de grande dimension et de prismes faits avec le zinc et le borax sont exposés. Us nous paraissent d’une limpidité et d’une blancheur qui ne laissent rien à désirer.
- Nous citerons avec plaisir, parmi les objets exposés par cette cristallerie, deux vases gros bleu ; leur forme et la qualité de leur couleur donnent une imitation parfaite de la porcelaine tendre de Sèvres. On remarqué également une série de vases, de coupes, de verres d’eau et autres pièces variées en rouge rubis transparent, qui brillent par l’éclat de la coloration et la limpidité de la matière. Joignez à cela une collection variée de services de table, au nombre desquels figure celui de l’Empereur, en verre mousseline, ainsi que celui du vice-roi d’Égypte, à écusson rubis.
- La France et l’Angleterre ont seules le monopole de la lus-trerie en cristal, et ces deux pays sont représentés spécialement par Baccarat et Birmingham. Il n’y a pas encore bien longtemps que Birmingham fabriquait seul la lustrerie. Depuis une quinzaine d’années environ, Baccarat s’est mis à faire le même genre, et a ravi, nous l’espérons, une quantité notable de débouchés à l’Angleterre. Baccarat et M. Osler, de Birmingham, ont seuls exposé des pièces capitales; la comparaison n’est donc possible qu’entre ces deux fabricants.
- Baccarat présente deux candélabres en cristal qui sont les deux pendants; M. Osler n’en présente qu’un. Les dimensions de ces trois pièces sont à peu près les mêmes, environ six mètres de hauteur depuis la base qui pose sur le sol jusqu’au sommet. Elles se composent d’un grand nombre de pièces de cristal, ajustées avec l’art nécessaire pour cacher les points de
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- jonction et soutenues intérieurement par une armature de fer poli, que l’épaisseur du cristal et les jeux de lumière produits par l’habile disposition des arêtes vives, dissimulent absolument à l’œil de l’observateur.
- Les candélabres de Baccarat reposent sur une base assez haute et'très-ornée, imitant une colonne d’où sè détacheraient des volutes à jour très-légères et capricieusement contournées. Le fût du candélabre représente une tige de bambou, des nœuds de laquelle sortent des feuilles étroites et lancéolées. Dans ce motif, l'épanouissement des branches devant supporter les lumière a sa raison d’être, et les quatre-vingt-dix corolles en forme de tulipes forment les bobèches pour les quatre-vingt-dix bougies qui doivent étinceler parmi toutes les facettes de ce cristal. Ces candélabres sont surmontés d’un panache de feuillage qui termine cette ornementation gracieuse, légère et charmante.
- Le candélabre de M. Osler s’élève sur une base hexagone, ornée de moulures; le fût, composé de plusieurs prismes juxtaposés, doit à cette combinaison de réfléchir très-vivement la* lumière. Dans ce candélabre, M. Osler paraît s’être attaché surtout au but final du candélabre, la projection de la lumière; l’utile domine donc dans cette pièce remarquable : pas un morceau de cristal, pas une facette dont l’utilité n’exisle pour la réflexion de la lumière. Ce candélabre réunit, à la sévérité du style, les beautés de la fabrication, pureté de matière, limpidité parfaite et taille irréprochable. Les arêtes sont d’une vivacité, d’une netteté qui constitue le cristal sans défauts.
- Baccarat offre les mêmes qualités solides, et c’est un grand honneur pour notre fabrication, si l’on réfléchit qu’il y a dix ans, cette branche de la cristallerie était, pour ainsi dire, étrangère à notre pays, qui la doit à l’intelligence et à l’esprit de suite des directeurs de cet établissement.
- Baccarat a exposé en outre un lustre qui est sa pièce capitale; malheureusement il n’est pas placé dans le transept; c’est un véritable chef-d’œuvre d’élégance, de grâce et de bon goût.
- La cristallerie de Saint-Louis, dans son exposition de cristaux destinés aux usages domestiques , cristaux remarquables par la pureté et la limpidité de la matière, ainsi 206 rr
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- que par le bon goût et l’art qui ont présidé à leur fabrication r nous montre également des vases imitant le cristal de Bohème, avec le même genre de taille et une coloration tout à fait identique. Ces vases fond jaune, sur lesquels est gravée une.chasse au sanglier qui se détache en blanc par le fait de la taille, sont tout à fait remarquables.
- Beaucoup d'autres pièces méritent d'être citées : nommons entre autres deux candélabres d’un grand modèle; deux grandes urnes, dont' la forme élégante et gracieuse est en harmonie parfaite avec un fond blanc sur lequel se détachent plusieurs cercles verts dentelés, dont l’effet est des plus agréables; enfin deux autres vases en cristal rose, gravés d’un genre tout à fait nouveau.
- Après les grandes cristalleries de Baccarat, Saint-Louis et Clichy, nous devons citer celle de Lyon, de MM. Billaz et Maumené. Celte cristallerie s’est proposé pour but la fabrication des cristaux demandés par le commerce, et son exposition nous prouve qu’elle l’a atteint; en effet son cristal est d’une limpidité parfaite, bien fondu, franc de ton et d’une teinte constante. Il possède donc les qualités qui font le cristal vraiment beau.
- Parmi les pièces qu’expose la cristallerie de la Villette, nous remarquons particulièrement une coupe en cristal d’un rouge magnifique, dont la sévérité du dessin n’est égalée que par la beauté de la couleur, la vivacité et la rectitude de la taille.
- Au nombre des maisons dont le bon goût doit être mentionné , nous trouvons toujours, avec plaisir celle que db-rige M. Launay-Hautin depuis nombre d’années. Ses vases gros bleu, ainsi que la coupe montée en bronze doré, d’un style correct, gracieux et léger tout à la fois, brillent par l’éclat du cristal et par une coloration des plus intenses. Il, expose en outre une collection de vases et une cave d'un modèle tout à fait nouveau, remarquable par un luxe inouï de dorure et de ciselure.
- La verrerie de Vallerystal, dont les. produits, sont appréciés depuis longues années dans le commerce, nous donne'des échantillons tout à fait distingués de ce qu’elle peut faire, tant comme imitation parfaite du genre Bohème,, avec les qualités qui le distinguent, la coloration et la grande trans^
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- parence, que comme pureté dans la forme et dans l’exécution.
- La foule s’arrête étonnée vis-à-vis d’un lion en verre filé de-grandeur naturelle dont les formes heureusement saisies font comprendre la puissance et la force de ce roi de la nature, M. Lambourg, l’auteur de ce travail extraordinaire, se livre plus habituellement à des travaux plus riants : ses colombes se becquetant, ses fruits si parfaits de forme et de couleur sont là pour attester notre dire.
- Les vèrres de couleur sont représentés avec éclat au palais dé l’Industrie par les maisons Utter et Wallisf. Les grands vitraux qui décorent les deux extrémités de la nef prouvent que l’art de la peinture sur verre est loin d’être perdu, ou du moins que, s’il l’a été, nous avons été assez heureux pour le retrouver.
- M. Utter et Cie ont en outre un choix de gobeleterie des plus remarquables; les bouteilles qu’ils exposent, indépendamment d’une forme svelte, ont. la grande qualité, si recherchée du commerce, d’être à fort bas prix.
- M. Mongin ainsi que MM. Beaux et Duhoux ont des modèles de verrerie bien choisis et d’une coloration uniforme qui atteste une fabrication soignée dans tous les détails.
- Les cylindres remarquables par leur régularité qui sortent de la manufacture de Bagneux, appartenant à Mme veuve Bernard, méritent à tous égards d’attirer l’attention du public.
- La verrerie de Sèvres se distingue par des cylindres tout à fait colossaux. En les examinant, on se demande où M. de Sussex a pu trouver le géant dont la poitrine pouvait renfermer la quantité d’air qui a séparé le verre liquide. Il est, vrai que cette poitrine appelle à son aide de l’eau, qu’elle réduit en vapeur. La limpidité, la transparence et la couleur ne sont pas moins étonnantes que l’ampleur des cylindres.
- Parmi les verres à vitres français qui font honneur à nos exposants, citons ceux de la maison Patoux et Drion , si connue dans le commerce pour ses verres au largue, et les maisons Renard et Duthy qui ont fourni les verres demir-opaques qui couvrent le palais de l’Industrie.
- MM. Duthy, Yan-Cauwelaert. Wagret ont des échantillons, de bouteilles également beaux et de formes variées pour les vins des différents crus.
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- L’Angleterre n’a presque rien fait venir à l’Exposition. A-t-elle craint la concurrence? Nous le croyons, et elle a eu raison. Cependant les quelques pièces qu’elle soumet à nos regards sont, comme cristal et même comme taille, très-remarquables; seulement la taille en est creuse et se compose de deux surfaces triangulaires qui se rericontrent par leur grand côté.
- Cette taille, dite en diamant de flot, a été fort usitée en France; mais on l’abandonna, il y a environ vingt ans, à raison de la perfection avec laquelle elle se laisse imiter au moulage. Les quelques pièces exposées par M. Daniells, de Londres, venant de la cristallerie deStourbridge, ne méritent donc de fixer notre attention que par la pureté et la limpidité du cristal.
- Parmi les pièces qui méritent une mention toute particulière , citons les lentilles en crown-glass, que la manufacture de MM. Chance frères sait toujours maintenir au rang qu’elles occupent dans le monde savant. Ces lentilles, dont la pureté et la limpidité parfaite et presque sans coloration aucune, assurent aux disques lenticulaires anglais pour objectifs une valeur difficile à surpasser. L’exposition de M. Chance est sous tous les rapports la plus importante. Nous en avons déjà dit quelques mots dans notre description générale de l’exposition anglaise.
- La Belgique, pour nous prouver ce qu’elle peut faire, nous a envoyé, d’une manufacture anglaise, qui s’est établie depuis peu de temps à Floreffe, une glace en blanc, dont les dimensions et la limpidité sont dignes d’un établissement que de longues années d’étude auraient préparé à un triomphe.
- Dans l’exposition de MM. Jonet et Dorlodot, nous remarquons des verres de couleur, de nuances franches et supérieures. Notons entre autres son rouge, dont l’éclat n’est égalé par aucune fabrique ; un bleu, dont la coloration intense est aussi remarquable que celle des verres violets qu’elle nous offre comme échantillon des produits de son usine.
- La Société anonyme d’Herbatte expose des services de table en mi-cristal, qui sont surtout remarquables par le bon marché joint à une qualité, une pureté de matière que nous ne saurions trop louer. Unir la beauté de l’qsuvre à la modicité des prix est et sera toujours le rêve du manufacturier
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- intelligent, et sous ce rapport nous devons rendre justice à la fabrication belge.
- La Bohème, dont nous eussions certainement dû parler depuis longtemps, à cause du rang élevé qu’elle occupe, et surtout de ses traditions qui se sont conservées avec intégrité, est dignement représenté dans la nef par trois fabriques principales : celle du comte de Harrach, à Neuwelt, celle de Meyrs, à Adolphshütte, et celle d’Hegenbarth, à Meis-terodorf.
- Le cristal, ou verre de Bohème, a des qualités particulières. 11 n’est peut-être pas plus limpide que le cristal de nos premières fabriques, mais il est. plus blanc, plus léger et plus résistant; cela tient à sa composition chimique. Les cristaux de Bohème sont, en général, assez mal dorés. Cela provient de la qualité du verre qui ne peut que très-difficilement supporter le degré de chaleur nécessaire pour avoir une bonne dorure; aussi la plus grande partie des cristaux de Bohème sont-ils gravés sans dorure.
- Dans l’exposition du comte de Harrach, nous admirons les deux magnifiques vases rouges. Ces vases, d’une forme sévère, dans le goût de l’antique, sont d’un teinte tellement' riche qu’on se demande avec étonnement comment on peut obtenir cette vivacité et cette limpidité. Des coupes en craquelé blanc sont ravissantes de forme et d’exécution.
- Le craquelé est un genre que la Bohème a inventé depuis peu de temps, et qui paraît devoir lui appartenir en propre. Cette espèce particulière représente au naturel les fines arabesques de la légère couche de glace qui se dépose dans les nuits d’hiver sur les vitres d’une chambre doucement chauffée, et, dans lesquelles la lumière se joue avec des reflets irisés. Chose remarquable, les craquelés roses, bleus ou jaunes, n’ont ni la coquetterie, ni le charme des craquelés blancs. La simplicité est toujours la parure la plus seyante de tout ce qui est jeune, riche et vraiment beau.
- Dans l’exposition de M. Meyrs et Cie des coupes de craquelés se partagent les regards du public, avec deux urnes à fleurs roses transparentes sur fond blanc opaque. Le dessin, large, souple, distingué, est merveilleusement secondé par une exécution tout à fait supérieure.
- La Bavière est dignement représentée à l’Exposition de
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- 1855 par les œuvres de la fabrique de M. Steigerwald, la plus ancienne manufacture de l’Allemagne occidentale. Il nous offre des services à dorure vermiculée vraiment bien exécutés, et qui peuvent rivaliser avec ce que Clichy nous montre de plus parfait; deux pièces, d’une dimension colossale, de 1 mètre et demi de hauteur, couvertes entièrement par une abaresque en dorure, et admirées du public.
- Deux nouvelles espèces de fabrication nous apparaissent pour la première fois : l’une est un cristal épais, d’apparence mate et grenue, qui simule admirablement l’albâtre; un vase de ce nouveau cristal ne mesure pas moins de 2 mètres de haut. Des urnes blanches, autour desquelles s’enroule un serpent bleu, se font remarquer par leur dessin souple et correct. Nous sommes fâchés d’y voir figurer ce serpent bleu indigo, animal tout fantastique, qui choque un peu la vue et bien plus Fintelligence. 3e sais que ce bleu est fort difficile à obtenir, mais pour prouver que l’on peut vaincre une difficulté, il ne faudrait pas diminuer le mérite d’une 'œuvre d’art vraiment remarquable.
- L’autre nouveauté, qui a aLtiré notre attention, est une colonne de 4 mètres environ de hauteur, qui se termine par un vase à fleurs, et qui est destinée à l'ornementation des jardins ou des vestibules. Le fût est formé de gros tubes de verre opaque diversement coloré ; cela vaut beaucoup mieux, comme élégance et légèreté que les colonnes de zinc assez souvent employées dans les mêmes conditions^ Le prix pour cet objet est la chose importante et d’où dépend son succès.
- La Bohème, comptant sans doute un peu trop sur sa supériorité, n’a que peu ou point fabriqué pour l’Exposition ; elle s’est contentée de prendre quelques-unes de ces pièces courantes qui étaient en magasin. Souvent elle fabrique mieux ét plus beau que ce que nous avons vu; mais, ce qui chez elle est un fait remarquable, c’est le bon marché de ses produits ; cela tient non-seulementau prix peu élevé des matières premières, mais encore aux conditions économiques dans lesquelles ils se produisent. L’ouvrier cristal lier des fabriques allemandes est presque toujours un artisan mixte, qui cultive la terre pendant la belle saison * ne fréquente l’usine que pendant l’hiver, et souvent même travaille chez lui en famille. €’est l’hiver, alors que le paysan bohémien ne
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- peut cultiver la terre, qu’il taille le cristal, aidé de sa femme et de sa fille, qu’il polit spécialement ces brillantes pendeloques qui firent pendant longtemps la décoration des lustres de Bohème et le désespoir de la fabrication étrangère.
- C’est ce même mode de travailler qui nous fait faire concurrence par la Suisse pour notre fabrique de Lyon. Aussi les fabricants de soie ont-ils bien compris ce fait économique, et ils favorisent la dispersion des métiers dans les villages et les campagnes. Les directeurs de notre belle fabrique de Baccarat l’avaient également compris, et pendant longtemps ils cherchèrent à propager l’industrie de la taille du cristal dans les montagnes des Vosges; mais ici ils échouèrent complètement. L’habitude et la routine remportèrent chez le paysan sur l’appât du gain.
- L’Allemagne et ses ouvriers se trouvent sans doute bien de ce régime , puisque depuis des siècles il ne s’est pas modifié. Cependant les salaires sont tombés si bas que les graveurs habiles, dont l’industrie demande un travail suivi, gagnent à peine de quoi vivre.
- Nos industries ne peuvent rien ou peu de chose contre un tel bon marché. C’est sans doute ce qui a déterminé tous les gouvernements à prohiber l’entrée en France de la cristallerie étrangère. Cette prohibition, croyons-nous, doit cesser en vue des progrès obtenus par nos fabriques, et un tarif, suffisamment protecteur, viendra bientôt les appuyer plus énergiquement que cette prohibition, qui entraîne toujours la fraude dans les relations commerciales et la contrebande vis-à-vis de l’État.
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- CLASSES XIX, XX, XXI, XXII et XXIII.
- Classe 19, industrie des cotons. — Classe 20, industrie des laines. — Classe 21, industrie des soies. — Classe 22, industrie des lins et des chanvres. — Classe 23, industrie de la bonneterie, des tapis, de la passementerie, de la broderie et des dentelles.
- L’opinion est à peu près unanime sur l’intérêt qu’offre l’Exposition de 1855, dans laquelle les industries textiles occupent une place si importante. Toutes ou presque toutes les variétés y sont représentées. L’industrie du coton expose depuis le calicot le plus commun jusqu’aux mousselines imprimées et brodées les plus élégantes, et aux tulles façonnés et brochés les plus remarquables. On y voit de belles flanelles, des cotons unis, ou imitant les peaux de tigre. Les toiles à bâches, les plus belles batistes et le linge damassé le plus magnifique forment les produits extrêmes de l’exposition des étoffes de chanvre et de lin. Des draps ordinaires depuis 5 fr. jusqu’à 35 fr. le mètre; des couvertures, des tapis, non moins variés. Des draps élastiques, des draps de velours, des feutres pour rouleaux, pour couvertures de toits, de parquets et ponts de navires, etc., donnent une idée de l’ensemble des lainages foulés et drapés. Les mérinos, les baréges, les tissus écossais, les damas de laine et les moreen imitant les belles étoffes de crin témoignent des progrès toujours croissants de la belle industrie des tissus ras en laine. Des châles français tout laine, depuis 1 fr. 28 cent, jusqu’à 1000 fr. et plus, attestent que l’hygiène a su faire son profit d’un tissu qui n’avait à son origine qu’une destinée de luxe. Les tapis moquettes , les tapis imprimés et façonnés en même temps, ceux d’Aubusson, de Nîmes et de Beauvais; nos belles tentures produites d’apfès les systèmes divers propres à chacune des localités que nous venons d’indiquer, et les résultats sans rivaux des Gobelins établissent par la plus heureuse transition l’alliance de l’art et de l’industrie.
- Les soies et les soieries y brillent sous toutes les apparen-
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- ces ; les tissus inusables en soies exotiques écrus, trop peu en usage encore dans nos contrées, ne sont pas moins intéressants que les merveilleuses étoffes de Lyon, d’une supériorité incontestable et tellement incontestée qu’on cherche à les imiter partout, sans avoir nulle part la prétention de rivaliser avec elles. A. côté de ces produits obtenus par les. substances filamenteuses fondamentales, viennent se placer des tissus obtenus par des matières premières d’un usage encore secondaire. Les toiles et les tapis en jute; les coutils et étoffes blanches et teintes en china grass ; les nattes d’abacca, du palmier; les articles en chanvre de manille, d’aloès; les produits si variés du cachemire, du poil de chèvre, de l’alpaga, du crin, du caoutchouc même, dont l’emploi pour divers usages, et surtout pour des sous-jupes, est devenu si général; les essais en étoffe d’herbe, d’écorce de mûrier, d’ormeau, de poils de lapin, etc. ; les tissus mixtes, en matières premières mélangées, tels que lin et coton, coton et laine, laine et soie, et chacune d’elle unie à l’alpaga, au poil de chèvre, etc., viennent compléter cette vaste carte d’échantillons.
- C’est surtout aux étoffes de cette dernière catégorie, obtenues par des mélanges de matières premières, qu’on donne les noms les plus arbitraires; c’est ainsi que les tissus électriques, qui figurent dans une vitrine anglaise, ne sont que le résultat de l’entrelacement des fils de lin à des fils en laine peignée; celle-ci forme la trame, et la première la chaîne. Les Allemands ont exposé, sous le nom d'étoffes en laine artificielle, des produits obtenus par de la laine provenant du défilochage de chiffons que l’on nomme chez nous renaissance. En industrie, comme on le voit, le nom qui sert à désigner une chose ne garde pas toujours la signification réelle, souvent même il déguise, au contraire, le caractère propre du produit auquel il s’applique.
- Les nombreuses variétés d’étoffes qui figurent à l’Exposition appartiennent à plus de quatre mille maisons, non comprises celles qui exposent les matières premières, et les machines qui les transforment, c’est-à-dire abstraction faite de la troisième et de la septième classe du catalogue. On peut donc estimer que les industries textiles comptent pour un quart environ dans la vaste exhibition des Champs-Élysées, si on envisage l’ensemble des établissements qui y sont représentés.
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- On se ferait une idée inexacte de l’importance industrielle ' de chaque nation, si on ne l’évaluait que d’après le nombre respectif de ses exposants. La 'France, qui ne transforme qu’un cinquième environ dé la quantité de coton mis en œuvre par l’Angleterre, est représentée par 410 établissements, et cette dernière ne l’est que par une centaine à peine.
- L’Amérique, dont l'industrie cotonnière est aujourd’hui, sous le rapport des quantités transformées, la plus importante du monde, après celle de l’Angleterre, n’est pour ainsi dire pas représentée.
- Le petit espace, trop vaste cependant, réservé à cet effet aux États-Unis, fait un contraste pénible avec son entou-' rage. C’est à peine si les quelques balles qui doivent y figurer sont ouvertes; on dirait que les expéditeurs éprouvent une certaine hésitation à étaler leurs produits en présence de leur splendide voisinage. L’Autriche a presque autant d’exposants dans l’industrie cotonnière que l’Angleterre. La Prusse, les Étals sardes, la Saxe, les divers petits duchés sont mieux représentés sous ce rapport, et d’autres encore, que l’Amérique. L’éloignement et la dépense ne sont pas les seuls motifs de l’abstention américaine. Des pays plus éloignés et d’une importance moindre témoignent plus d’empressement. Mais l’industriel américain surtout est essentiellement positif : son intérêt direct nétait pas en jeu. Chaque jour il fait des efforts nouveaux pour se passer de l’industrie européenne; et, si pour plusieurs spécialités il n’est pas éloigné du but auquel il tend, il ne peut cependant encore avoir la prétention ni de faire de nous un client, ni de nous montrer une supériorité de travail ; c’est pourquoi il s’abstient. Peut-être aussi a-t-il pris trop à la lettre les bruits que l’on faisait circuler à l’avance de l’avortement de ce grand tournois industriel de 1855. On ne saurait donc se fier aux apparences , même à l’Exposition , et il faut se garder de juger le progrès d’après les indications encore incomplètes de ces joutes naissantes, qui doivent avoir le sort des foires et des marchés, où le pourvoyeur vise peut-être autant au débouché avantageux qu’aux distinctions honorifiques; céla paraît surtout vrai au point de vue américain. Si certaines contrées industrielles, telles que les États-Unis, se sont abstenues à cause de leur jeunesse, quoique déjà leur essor soit assez
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- grand pour faire réfléchir l’Angleterre, d’autres nations, qui jouissaient autrefois d’une réputation comparable à celte de la Grande-Bretagne de notre époque , ne sont plus que l’ombre d’èlles-mêmes.
- Qu’est devenue la célèbre industrie des soieries de la Grèce et de Tltalie , berceau de la nôtre. La Grèce surtout a dégénéré d’une manière pénible. Cette contrée, autrefois initiatrice, est obligée aujourd’hui, pour recommander ses produits , d’inscrire sur les vitrines : Soies filées à la française, soies filées à V italienne. Quelques écharpes, mouchoirs, chemises et moustiquaires, forment rassortiment de ses tissus, qui ne paraissent figurer là que pour mémoire. L’Italie, en général, a moins dégénéré, il est vrai, mais que cette maigre exposition de quelques tissus de soie de Gènes et de Florence est loin de l’ancienne réputation des riches et brillantes étoffes que ces opulentes cités fournissaient jadis à presque toutes les cours du monde! L’industrie italienne paraît avoir concentré ses efforts de production sur la soie grége, dont elle était d’ailleurs en possession avant nous, et que son climat favorise tout particulièrement.
- Mais de toutes les anciennes réputations industrielles, la plus effacée est peut-être celle des Pays-Bas. Qui eût pu prédire à Colbert que l’industrie des draps qu’il enviait tant à la Hollande. ne serait représentée que par un seul exposant, caries deux autres, compris dans la même catégorie, exposent l’un de la bonneterie en laine de pin filée, et l’antre du tissu de crin.
- On pourrait faire plus d’un rapprochement historique analogue pour plusieurs autres contrées florissantes autrefois et aujourd’hui sans éclat ; mais ces considérations nous écarteraient trop du but tout spécial que nous nous proposons et auquel nous avons hâte de revenir.
- Déclarons d’abord humblement qu’aq point où en est actuellement l’industrie des tissus, celle, par exemple, de cotonnades et des lainages en général, il est bien difficile aux plus compétents de formuler un jugement comparatif sur des étoffes produites dans la même localité par des moyens identiques, mis en usage par des fabricants auxquels le temps a fourni une somme à peu près égale d’expériénce et d’habileté. Aussi peut-on trouver en moyenne dans des industries
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- 70 p. 100 d’excellents fabricants. Cela ne veut pas dire qu’ils soient dans les mêmes conditions de réussite et de prospérité.
- C’est surtout dans l’industrie que les capitaux ont une immense importance. Sans eux l’intelligence, le savoir et l’expérience sont souvent frappés de stérilité. Si donc il est difficile, après l’examen le plus attentif, de porter un jugement sur la valeur relative des produits, combien n’est-il pas plus difficile encore de les apprécier équitablement, lorsqu’on les voit à distance , exposés sous des jours et avec des effets de lumière différents dans des espaces disproportionnés, pimpants et attifés sous le prisme des vitrines, et surtout lorsqu’on a eu soin , quoi qu’en disent les exposants, de présenter aux yeux la fleur de ces produits? Nous ne pouvons, au reste, les blâmer du soin qu’ils prennent de faire un choix honnête et de l’offrir sous l’aspect le plus favorable. Le public sait cela, et fait ses réserves.
- Nous sommes aussi partisans que qui que ce soit des expositions. Leurs avantages sont manifestes; vouloir les faire ressortir serait une banalité, et cependant, malgré nous, l’aspect de ces splendides galeries, avec leurs attraits et leurs charmes séduisants, nous produit l’effet de cette amabilité universelle, de cette urbanité générale, que l’on rencontre dans un bal au milieu d’une société choisie. Que de visages charmants le soir sont maussades le lendemain; que d’étoffes apprêtées!... Ne médisons pas des apprêts, source d’une foule d’effets industriels nouveaux, nous allons le voir.
- L’industrie lilloise expose des collections de fils de coton remarquables, non seulement par la perfection de la filature, mais par un brillant que la soie seule offrait jusqu’ici. Ce résultat obtenu par des apprêts particuliers rendent ces fils propres à des emplois variés. C’est ainsi qu’on est parvenu à faire des tissus en coton, imitant les moires antiques jusqu’ici exclusivement du domaine de la soie. Les fils retors pour tulle, les fils de lin à coudre, sont également soignés au point de pouvoir rivaliser, sous le rapport de la qualité, avec ce que l’Angleterre fait de mieux. Les fils de laine gazés lisses pour la passementerie, la popeline et les tissus mélangés ne sont pas moins remarquables; les fils jaspés et chinés par dés mélanges aux métiers à filer, grâce aux moyens nouveaux par
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- lesquels ils sont obtenus et à la perfection qui permet de les employer à des produits de toute nature, ont pris une grande extension. Le colon, le lin et la laine y sont employés avec le même succès pour la bonneterie et les étoffes de nouveautés quelles que soient leur destination. Les fils unis écrus ou blancs destinés au tissage ne sont pas moins en progrès. Les produits de l’Inde et de la Turquie obtenus à la main sont peut-être plus fins, comme le prouvent les fils et les mousselines exposés par ces contrées; mais il n’y a vraiment rien de plus digne d’attention que la régularité avec laquelle on arrive à filer le coton, au n° 600, et à obtenir, par conséquent, un cylindre flexible parfait d’une longueur de 150 lieues avec 500 grammes de fibres, sans que l'on puisse constater une irrégularité sur cette longueur. On est arrivé automatiquement à des fils d’une plus grande finesse, mais leur usage est problématique, tandis que ceux dont nous parlons ont des emplois usuels pour la mousseline, le tulle, les dentelles. Le coton à longue soie, que la Géorgie fournissait seule d’une assez belle qualité, était spécialement réservé à ces emplois; aussi son prix augmentait-il chaque année. Sa production ne répondait pas aux demandes : certains cours ont dépassé fr. le kilogramme.
- L’exposition des produits de notre colonie d'Afrique démontre , entre autres faits, que désormais une partie de ces précieux filaments pourra nous être fournie par elle, et si les efforts continuent comme par le passé dans celte direction , nous pouvons espérer nous affranchir entièrement du tribut payé à la Géorgie. Notre colonie ne s’est pas bornée à la culture du cotonnier à longues soies ; les expositions en fils et tissus du Nord , de l’Alsace et de la Normandie, dans les articles les plus variés, prouvent que les cotons de toutes espèces y réussissent également, les plus ordinaires comme les plus belles qualités. Que les machines à égréner, qu’on a tant perfectionnées dans ces derniers temps aux États-Unis, s’y introduisent, que la main d’œuvre y arrive à des conditions normales quant aux prix, et les espérances que nous avons conçues, il y a long-temps déjà, sur les solides destinées de notre conquête africaine, ne tarderont plus à se réaliser. Nous écrivions, en effet, en 1845, dans un travail sur les matières textiles.... « A tant de titres généraux, dignes d’attirer l’in-
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- térêt de toutes les nations qui s’occupent des industries en’ question , viendra sans doute s’en ajouter un nouveau pour la France, si notre précieuse terre d’Afrique réalise les espérances qu’elle fait concevoir. »
- Si on ne jugeait que sur les échantillons exposés, on pourrait hardiment avancer que les espérances sont réalisées. On trouve, en effet, dans les vitrines exposées sous le patronage de M. le ministre de la guerre, les fils et les calicots ordinaires de Rouen et de ses vallées, et des fils des numéros 2 à 300, valant de 30 à 36 francs le kilogramme , et. des organdis mousselines de cinq mille fils , sur une largeur de 0m,85. L’éducation des vers à soie ei la production des cocons se sont développées parallèlement; les échantillons exposés prouvent que ces produits peuvent rivaliser avec les similaires de nos départements méridionaux, et s’il est vrai, comme quelques-uns le prétendent, que les soies grèges n’ont pas toute la régularité et la netteté des soies d’ordre de nos centres sé-ricicoles, cela tient uniquement à ce que les ouvrières n’ont pu encore acquérir l’habileté de celles du midi de la France, auxquelles les bonnes habitudes sont transmises de génération en génération. Il y a cependant déjà sous ce rapport une grande différence entre les grèges d’Afrique, du Levant, de l’Inde et de la Chine, à l’avantage de notre colonie. Nous ne saurions quitter cette intéressante partie de l’Exposition universelle sans mentionner une collection complète de tiges, de feuilles et de fibres textiles exotiques, qui n’a d’équivalent que dans les vitrines de la Compagnie des Indes de la Grande-Bretagne. On distingue entre autres, dans les vigoureux spécimens du.Jardin des Plantes d’Alger, des tigesd'urtica nivea, que les Anglais seuls emploient jusqu’ici sous le nom de china-grass, pour faire ces beaux tissus, qui tiennent de la batiste pour la blancheur et la finesse, et de la soie par leur brillant, et des feuilles de gigantesques yucca filamentosa dont les Américains commencent à tirer un grand parti. Des filaments d'agaves, de coréte textilis, corchorus textilis (jute) de la filasse de mauve, de larrubis simensis, de chanvre de Manille, de palmier, de dattier et de plusieurs autres plantes moins connues, dont notre industrie saura bientôt tirer un parti non moins avantageux que des cotons de la même provenance. Ce n’est pas sans une vive satisfaction que L’on pense que la
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- longue et terrible lutte, soutenue par nos armes, commence enfin à produire ces résultats pacifiques, juste compensation de tant de glorieux sacrifices.
- Si nous nous sommes arrêtés quelque peu à ces détails, c’est qu’à notre avis c’est là un des points les plus intéressants de nos industries textiles et végétales. Que dire des autres résultats si ce n’est que l’Alsace reste digne de son estimable réputation, sans rivale pour son élégance et son goût; que la Normandie,' pourvoyeuse des produits intermédiaires, n’a que l’Angleterre comme concurrente; que le Nord est en lutte honorable avec Manchester et Nottingham ; que Tarare et la Suisse se disputent l’article brodé et broché; que nos ouvrières lorraines ne le cèdent pas en habileté aux plus habiles brodeuses du monde? Il faudrait surtout pouvoir entrer dans les détails des moyens mis en œuvre, des efforts faits incessamment pour perfectionner les procédés et les machines qui concourent à l’exécution de ce kaléidoscope gigantesque qu’offre la galerie des tissus pour démontrer la source véritable du progrès.
- Quelques faits et quelques chiffres feront mieux sentir la marche ascendante de l’induatrie cotonnière. En 1736, le cotonnier n’existait que comme une plante d’agrément dans l’Amérique du nord ; le peu qui s’en consommait alors en Europe était fourni par l’Amérique du sud, et surtout par l’Inde. Aujourd’hui l’Amérique du nord produit annuellement environ 500 000 000 de kilogrammes, ou à peu près les 4/5 de la production totale ; l’Angleterre, à elle seule, est arrivée à mettre en œuvre 300 000 000 de kilogrammes, qui sont filés par 18 000 000 de broches. Quoique la population de la France soit plus nombreuse que celle de l’Angleterre, le maximum de la consommation est de 72 000 000 de kilogrammes de coton , fil pur, 4 500 000 broches.
- Nous disions que les États Unis avaient fait de grands progrès,, nous en avons la preuve dans une consommation de 110 000 000 de kilogrammes, et 5 500 000 broches.- Viennent ensuite,, dans l’ordre de leur importance, l’Autriche,, la Russie ,,1eZollverein, l’Espagne, la Belgique, etc. Ce travail du coton.' est entièrement automatique dans toutes ses parties;, les progrès ont été tels qu'un kilogramme de ,fil coton filé d« n° 30 „ par exemple, qui coûtait 12 fanes en 1816, 6 en 1834r
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- peut être livré aujourd’hui à 4 fr. 50 cent., quoique le prix de là main d’œuvre soit, en général, plutôt élevé qu’abaissé, et que les qualités se soient sensiblement améliorés. C’est à son caractère économique, à ses propriétés hygiéniques, qui permettent de faire des étoffes de coton à la portée de toutes les positions de fortunes et propres à toutes les saisons et aux divers climats, à sa propriété de prendre admirablement les couleurs et les apprêts et surtout aux efforts incessants qui ont eu lieu pour réaliser les moyens mécaniques de transformations que l’industrie cotonnière doit sa fortune sans égale, eu égard surtout à la date récente de son origine. Nous dirions que cette industrie est entrée dans sa phase de virilité, si nous pouvions parler de la sorte ; elle est en possession d’elle-même, son époque d’élans énergiques et irréguliers de là création et des perfectionnements profonds, saillants, qui, d’un jour à l’autre, apportent des modifications inattendues dans les moyens et la manière de faire, semble avoir fait place à l’ère calme des études approfondies de tous les détails et de l’ensemble de leur agencement. C’est par un travail gradué et laborieux, en quelque sorte latent, qu’on arrive aux résultats fructueux de la perfection. S’il est moins brillant, il est aussi sans secousses ni bouleversement, et tellement naturel que c’est à peine si nous en avons le sentiment. Cela explique comment l’industrie cotonnière, tout en grandissant aux yeux des hommes compétents, ne frappe plus tout d’abord par ses résultats, comme cela est arrivé si souvent dans les précédentes expositions.
- Industrie des lins et du chanvre.
- Les produits du chanvre et du lin sont moins variés que ceux du coton ; leur nature est loin de se prêter aussi bien à la teinture et à l’impression , et leurs fils, quelque bien préparés qu’ils soient, ne sauraient donner des tissus moelleux et drapants comme ceux du coton. Quoique le travail de ces matières soit bien plus ancien que celui du coton en Europe, il s’en faut qu’il soit aussi avancé au point de vue mécanique et automatique. Les machines suffisent à toute espèce de fils et de tissus depuis les plus grossiers jusqu’aux plus fins. Il serait impossible de trouver dans nos contrées un seul fu-
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- seau, rouet ou filoir à la main pour le coton. Pour le chanvre et le lin, les machines n’ont pu encore fabriquer certains gros fils ordinaires, et surtout les fils extra-fins pour la dentelle et la mulquinerie en général. C’est que la nature fournit les fibres du cotonnier, avec des caractères qui permettent de les confier au machines sans opérations préparatoires. La partie textile du chanvre et du lin a besoin, au contraire, d’être débarrassée d’une matière gommo-résineuse qui lui donne de la roideur, et dont elle n’est jamais assez purgée avant d’être livrée aux machines. C’est là, en partie, ce qui donne le caractère spécial aux produits qui en dérivent, et explique la nécessité de machines fortes et de moyens très-énergiques pour exécuter les transformations. Quoique la France soit la terre classique de l’industrie linière, et que l’inventeur des machines à filer le lin soit un Français, cette industrie mécanique s’est développée tout d’abord en Angleterre, d’où elle a passé en France et en Belgique. Aujourd’hui, son importance est plus grande dans le Royaume-Uni que chez nous, et surtout en Belgique; et cependant cette industrie est représentée pour la Frartce par 226 exposants, tandis que l’on en compte 77 seulement dans les trois royaumes de l’An-terre, et presque autant (66) en Belgique. La plus grande partie des maisons d’outre Manche appartiennent à l'Irlande et à l’Écosse.
- L’Angleterre proprement dite en^a très-peu : nous avons remarqué avec étonnement l’absence d’une des plus puissantes maisons du monde , dont les établissements de Leeds sont aussi vastes que l’Annexe. En 1851, lors de l’Exposition de Londres, nous avons blâmé certains de nos grands manufacturiers qui s’étaient abstenus , et cependant on avait alors l’excuse de ne pas être fixé sur la portée des expositions universelles. Nous ne nous permettrons pas, milord, de vous adresser des reproches, nous ferons seulement remarquer que, convié par une maîtres-e de maison d’aussi bonne extraction, il eût été d’un gentilhomme de lui déposer au moins sa carte.... d’échantillons; ne l’ayant pas fait, vous méritez que nous parlions de vous avec la discrétion du curé de village qui, pour ne pas nommer sa paroissienne en chaire , ne la désigna que par une vache noire qu’elle seule possédait dans le hameau.
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- Malgré certaines abstentions regrettables , les produits en chanvre et en lin sont assez variés et assez nombreux pour montrer les progrès sérieux et sensibles de cette industrie.
- Les fils unis et retors sorti en général remarquables, comme nous l’avons dit, par une régularité qui est le caractère distinctif du travail mécanique; ce qui constate encore mieux oe progrès, ce 9ont des fils detoupes presque aussi fins et d’une régularité aussi grande que ceux des longs brins; ce sont là des résultats qui ouvrent une ère toute nouvelle à cette industrie, qu'elle doit aux améliorations des machines et surtout à l’intervention de lapeigneuse Heillmàn, et aux opérations préparatoires en général. La même régularité et une apparence de force particulière se manifestent dans toutes les espèces de tissus de toile, de chanvre et de lin , grâce aux bonnes préparations des fils avant le tissage, et à l’exécution de mieux en mieux raisonnée et de plus en plus parfaite du métier à tisser les toiles unies et à petites armures. Les linges damassés qui, par le fini de l’exécution, peuvent rivaliser avec la belle soierie façonnée, se font remarquer par leur élégance et leur beauté; comme -à toutes nos Expositions précédentes, les maisons considérées en première ligne ont conservé leur rang, d’autres les suivent, et cette fois nous pouvons nous assurer que nous n’avons rien à envier à la Saxe pour cet article, et que l’Angleterre n’est plus la seule qui applique le travail automatique. Plusieurs de nos grands établissements rivalisent avec elles, sous ce rapport.
- Tous les pays manufacturiers filent et tissent aujourd’hui plusrm moins mécaniquement le chanvre et le lin. Considérées an point de vue de la valeur des produits, la Grande-Bretagne et la France sont à peu près sur lamême.ligne, avec cette différence que le travail est presque entièrement automatique chez la première, qui (fait fonctionner 1 .268 693 broches, et que nous en possédons 350 000 environ, ce qui indique la proportion qui se file encore à la main; mais si on comparait la production à la population du pays, la Belgique qui, non compris la grande quantité de bras employés au filage de ses produits fins, possède cependant 150 000 broches, viendrait en première ligne. L’importance du Zolleverein se compte par 80 000, celle de l’Autriche est représentée par .3.0;O®.O; on
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- en suppose 50 000 à la Russie, 15 000 aux États-Unis, à l'Espagne 6000 seulement. Si, des considérations de quantités, nous passons à l’appréciation industrielle des qualités, nous remarquerons que les toiles fines anglaises, quoique tissées mécaniquement et malgré la difficulté de ce travail, à cause de la raideur et du peu d’élasticité des fils, sont vraiment admirables. Tous les caractères désirables y sont réunis, finesse, netteté, régularité, dans toute l’acception du mot, -c’est-à-dire uniformité de lisière et des réductions , dont la précision est presque mathématique. Leurs toiles à voile en chanvre et en lin, et leurs toiles ordinaires nous ont paru non moins estimables. Ce n’est qu’en employant leurs métiers, il faut bien le dire, que nous avons pu les suivre sur ce terrain.
- Mais si des articles unis nous passons aux façonnés, nous prenons notre revanche. Avant de chercher à faire mouvoir le métier Jacquard à la mécanique , comme on l’a fait chez nos voisins, nous avons cherché à en tirer toutes les conséquences techniques pour ainsi dire ; aussi avons-nous., dans cette direction, une place qui ne peut nous être disputée que par la vieille industrie des tissus damassés de la Saxe ; et encore en analysant consciencieusement les sujets et l'exécution, et les apprêts de nos grands services de table, on y trouverait des quali.és qui sont spécialement propres au génie industriel français, dont les vitrines lyonnaises offrent de si belles preuves. Mais nos industriels ont .bien compris que ces beaux tissus ne sont à la portée que du petit nombre des grandes bourses ; aussi s’efforcent-ils de progresser dans les qualités ordinaires; leurs efforts se traduisent-par une baisse sensible dans les prix et par des produits qui ne pouvaient s’exécuter naguère. Nous citerons, par exemple, de belles toiles du nord d’une largeur de 2m.,T0 qui permet de faire des draps de lit sans couture, et à des prix plus bas que ceux en toile de cretonne. Le même progrès dans les prix se présente pour lës toiles à sarraux, les tissus de coutils du nord , les articles de la Mayenne, du Calvados, etc. L’industrie du chanvre et du lin est si complète en Belgique, qu’on peut la citer comme ayant présenté des échantillons estimables clans toutes les variétés.
- Les moyens, les machines et lesprocédés ircdustmelsise propagent avec une telle rapidité dans l’Europe manufacturière,
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- que si, dans les autres pays dont nous n’avonspas fait une mention spéciale, il y a quelques faits à signaler, ils nepeuvent être que la conséquence des conditions économiques de chaque contrée. Telle nation ou telle localité ayant la vie à bon marché, des chutes d’eau en abondance, du charbon à bas prix, ou les matières premières sous la main, pourra, sans un mérite particulier, livrer ses produits, toutes choses égales d’ailleurs, à de meilleures conditions. La Confédération suisse nous offre à chaque pas une preuve de ce fait. Elle a abordé presque toutes les industries textiles avec bonheur ; celle du lin même, une des dernière venues et des moins importantes chez elle, s’y développe d’une manière solide, au moins dans le tissage des articles façonnés. Les industriels suisses, outre leurs capacités, ont des conditions économiques que tout le monde connaît; mais ce que l’on ne sait pas autant, c’est que la Suisse combat parfois ses adversaires avec des armes qu’ils lui livrent gratuitement; ces armes sont les inventions étrangères. Grâce aux législations de la plupart des pays industriels, elles ne peuvent être appliquées que-moyennant redevance à leurs auteurs, pendant un certain temps, de la part de ceux qui s’en servent. Cette législation n’existe pas en Suisse; il en résulte que non-seulement tout inventeur suisse peut tirer partie de son invention dans presque tous les pays du monde industriel, mais il peut s’approprier gratuitement les inventions des autres, que ses concurrents, sur les marchés étrangers, sont souvent obligés d’acquérir par de grands sacrifices. Il s’ensuit aussi que l’industriel suisse en général ne rend pas à ses confrères ce qu’il reçoit d’eux , et notamment de ses concurrents français. Le véritable industriel français est libéral dans toute l’acception du mot. Nousen pourrions signalerplusieurs qui ouvrent leurs portes à tout homme sérieux qui désire visiter leur établissement, où il y a souvent à puiser comme à une source féconde; et, plus chez nous l’homme est élevé, plus il se sent de ressources dans son propre fonds, moins il met de réserve dans son hospitalité.
- Ces manières n’appartiennent, en Suisse, qu’à d’honorables exceptions. L’absence d’une loi qui garantit le fruit des découvertes inspire sans doute de la méfiance. Quoique la Prusse ait une loi sur les brevets d’invention, je préfère
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- cependant le système suisse; il a au moins de la netteté; on sait à quoi s’en tenir. La Prusse applique le principe de l’examen préalable. Cet examen a lieu par une commission d’hommes des plus recommandables, et tellement érudits et versés dans les annales de l’industrie qu’ils remonteraient au déluge pour démontrer qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Ce système a pour conséquence l’absence des inventeurs étrangers brévetés en Prusse, ils y sont aussi rares que le dalhia bleu.
- Lainages.
- , Le travail de la laine a donné naissance à trois grandes spécialités de tissus : celle des tissus foulés et drapés, les plus anciens de tous; celle des tissus légers et ras, non foulés, et celle des tissus mixtes, la moins importante, et qui, étant la plus récente, est plus loin du développement vers lequel elles tendent toutes trois. On sait que, pour la première spécialité, on emploie surtout des laines à fibres courtes et vrillées, travaillées à la carde; pour la seconde, on choisit en général les fibres longues préparées au peigne,' des fibres courtes, et même d’une longueur intermédiaire, servent à la troisième. Les préparations qu’on leur fait subir avant le filage, participant de celles de la laine à cardes pour leurs passages sur ces machines, et de celles des laines à peignes par les étirages; leur résultat a reçu le nom de travail mixte, quelquefois aussi on le nomme cardé peigné. Chacune de ces trois grandes branches de l’industrie des tissus de laines pourrait elle-même se subdiviser en une foule de variétés importantes. Dans la draperie proprement dite, on distingue les draps unis des articles façonnés ou nouveautés, les draps lisses des draps croisés, les zéphirs des cuirs-laines, les étoffes tondues et couvertes, comme les satins Bonjean, de celles foulées et tirées à poils couchés, dont les molletons en général constituent la principale variété, et des tissus encore nouveaux, dits velours, ou le poil est au contraire redressé ; viennent ensuite les tissus satinés, ondulés, mélangés, etc., etc. Nous ne faisons que mentionner les principaux échantillons exposés pour démontrer que même celte partie de l’industrie, dont les expositions ne se faisaient remarquer
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- que par des nuances variées, s’efforcent de créer des genres nouveaux et à nous faire sortir de la monotonie du noir.
- Les variétés de la riche industrie de la laine longue et des laines de mérinos lisses sont plus nombreuses encore, et sont comprises elles-mêmes dans deux spécialités : celle des laines longues qui a donné naissance à ces beaux articles dits tartans écossais et de Reims, si admirés et si confortables, et celle de nos beaux mérinos chalys, stoffes, baréges, châles croisés, etc., de création française, et dans laquelle nous n’avons pas de‘rivaux. L’Angleterre est admirablement pourvue en matière première pour les tartans et articles à long poil en général, auxquels concourent leurs magnifiques laines de Southdown, de Dishley , de Lincoln, de Cheviot, etc. , dont l’Exposition nous montre de remarquables spécimens. Si nous sommes moins heureux, sous ce rapport, notre agriculture fait chaque jour des progrès dans les laines propres au peigne, pour nos tissus, mérinos et leurs dérivés. L’Autriche, la Prusse et la Saxe sont les contrées les mieux partagées en laines fines à fibres courtes et vrillées, si particulièrement recherchées pour la draperie fine ; malgré cette différence dans les ressources de chaque pays, ils n’en ont pas moins lutté énergiquement pour s’approprier toutes les variétés de lainages, qu’fis aient ou non la matière première à leur portée. C’est ainsi que l’Angleterre et la France demandent à l’Allemagne une partie de leurs plus belles laines à cardes, et à la Russie et à l’Australie des quantités considé*-rables de laines pour leurs produits intermédiaires et leurs tissus de fantaisie. La Belgique est loin également de produire assez de laine pour l’alimentation de ses fabriques ; la plupart des manufactures allemandes elles-mêmes sont obligées de demander certaines qualités au dehors. Les progrès faits par l’industrie en général, et surtout par l'industrie française, n’en> sont pas moins remarquables. On fait aujourd’hui incomparablement mieux qu’il y a vingt ans. Les salaires ont augmenté, et le mètre de mérinos, qui valait alors 42 fr., se vend aujourd’hui 3 fr.; les mousselines-laine et le barége que l’on peut livrer aujourd’hui de 75 c. à 4 fr., valaient à; cette époque 2 fr. 75 c. L’industrie des lainages offre donc ded’in-têrêt, aussi bien par ses progrès économiques que par ses* variétés, capables de subvenir aux nécessités et à toutes les
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- saisons, de tous les climats, de toutes les fortunes. La santé publique n’a qu’à s’en louer, la laine avec les soins convenables étant le vêtement hygiénique par excellence.
- Nous' pouvons, au sujet des exposants de l’industrie de laines,, faire la même remarque que nous avons faite à l'occasion du colon. Quoique ces industries soient au moins aussi importantes en Angleterre qu’en France, celle-ci a 500 exposants, et on n’en compte qu’une centaine environ pour la première , dont l’ensemble des produits fen lainage s’élève cependant à plus de 900 000 000 de francs. La Prusse et le Zolleverein en ont presque le double ; leur production ne s’élève cependant qu’à la moitié de la nôtre et de celle de la Grande-Bretagne. L’Autriche en a 147; la Belgique 29 ; la Saxe23 ; l’Espagne23; la Suisse 4 ; le Wurtemberg 10. Il nous paraît vraiment bien difficile, au point où en est l'industrie des draps, de comparer la draperie unie de divers pays autrement que par les prix, car, en examinant des draps à peu près de même valeur exposés par des fabricants également estimés de la France, de l’Angleterre, de la Prusse, de la Belgique, de la Saxe etde l’Autriche, on trouvera toujours les draps en laine de bonne qualité bien dégraissés, bien foulés, bien lainés, bien tondus et bien apprêtés, toutes ces opérations se faisant également bien partout. Nous disons aujourd’hui, car des progrès notables, ont eu lieu depuis l’Exposition de Londres'; l'industrie- drapière de certaines contrées de L’Autriche, par exemple, sensiblement moins avancée que celle de plusieurs nations voisines, marche à grands pas depuis lors. Le point important consiste dans le choix de la matière première, et l’agencement convenablement entendu des apprêts, connaissances à la portée de tout véritable fabricant, le temps des. secrets de métiers est passé. On s’est beaucoup récrié, avec plus ou moins de raison, sur la différence des prix des draps des diverses contrées : il nous semble qu’elle n’a réellement qu’une importance secondaire, si l’on considère que, dans nos vêtements, le prix de l’étoffe n.’entre so.uvent que pour un tiers ou un, quart de celui du vêtement lui-même. En supposant un tissu à 16 fr. lie mètre, le tailleur n’en fera pas moins payer un habit de 80 à 100 fr. Nous nous hâtons de dire que ce raisonnement n’est applicable dans son entier qu’à la classe aisée, et pour un petit nombre d’étoffes spéciales, dont le
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- prix relativement élevé ne forme qu’une fraction assez petite de celui du vêtement auquel elle est destinée. Nous croyons donc devoir laisser de côté cette partie des appréciations sur l’Exposition ; elles seraient trop problématiques s’il fallait les établir sur les annonces, qu’on a trop d’intérêt à rendre séduisantes. En supposant un instant que les conditions de production fussent les mêmes à Leeds, à Elbeuf, à Sédan, à Verviers, à Aix-la-Chapelle, en Saxe, en Autriche, à Barce-lonne, etc., et.que nous n’eussions plus qu’à étudier les produits d’une grande confédération, n’est-il pas démontré pour tous que l’on trouverait dans chacun de ces pays des manufactures qui, pour leurs progrès, peuvent être placées sur la même ligne, et qui, à peu de chose près, emploient de la même manière les mêmes machines, les mêmes moyens, les mêmes procédés pour arriver à un résultat identique. Les rapports entre les travailleurs du monde sont tels aujourd’hui, que non-seulement une découverte est appliquée aussi vite à l’étranger que chez son auteur; mais il y a plusieurs exemples à l’Exposition même qui démontrent que celte application est souvent plus rapidement faite au dehors que sur le sol natal. Quelques faits appartenant à l’industrie qui nous occupe suffiront à démontrer cette vérité. Les machines à fouler cylindriques, inventées en Angleterre il y a une quinzaine d’années, ont été rapidement adoptées et perfectionnées en France. C’est à tel point que bientôt les célèbres moulins à maillets ou pilons de Don Quichotte n’exisleront bientôtplus, et c’est à peine si l’industrie anglaise les connaît. Il y a quelques années du moins on ne voulait pas en entendre parler. Dans ces derniers temps, deux ingénieurs contre-maîtres de l’une des principales fabriques de drap du Midi ont inventé une machine qui fait simultanément le lainage et le tondage en supprimant les séchages réitérés qui ont lieu entre les deux opérations, et que l’on croyait indispensables pour pouvoir tondre les filaments. Les inventeurs paraissent s’être souvenus que , pour se faire la barbe, on préfère agir par la voie humide que par la voie sèche; leur machine est bien conçue et pratiquement avantageuse ; or c’est à peine si la nouvelle machine est en usage en France, tandis qu’un seul fabricant belge en possède quinze au moins. Nous pourrions multiplier ces exemples s’ils ne suffisaient à démontrer que les résultats des
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- inventions sont cosmopolites. Si la faculté créatrice n’était pas répartie à peu près également dans le monde industriel proprement dit, et si elle appartenait exclusivement à une nation ou à une contrée, il ne faudrait pas moins l’éliminer dos éléments destinés à expliquer le progrès. Il faut, au contraire , tenir un compte exact de la facilité plus ou moins grande avec laquelle les différents centres manufacturiers s’approvisionnent de telle ou telle matière première. Si l’Angleterre a été longtemps presque seule en possession des beaux articles tartans écossais à longs poils, c’est qu’elle est la patrie des plus belles laines longues. La création de son curieux article en étoffes de laine commune lisse, apprêtées et imprimées, imitant le crin et jouissant d’une solidité presque égale qu’elle a fait connaître sous le nom de moreen, et qu’on n’a encore imité nulle part, que nous sachions, est une conséquence de son expérience des transformations de tout ce qui est laine longue. Si l’industrie drapière de la Saxe, de la Moravie, de la Bohême, de la Silésie et de la Hongrie, est à la hauteur de celle des pays les plus renommés en ce genre, n’est-ce pas aussi à la production de leurs magnifiques laines qu’il faut l’attribuer ? La supériorité française dans certains articles de fond ne peut cependant être motivée tout à fait de la même manière; elle n’était pas plus favorisée que certains autres pays pour la création de sa belle industrie des tissus ras, dans laquelle Reims, le Nord, la Picardie stimulés et dirigés par l’industrie parisienne ont acquis une si juste réputation. Nous n’en voulons pour preuve que cette belle collection des étoffes unies exposées sous le nom de cachemire indigène, faites avec de la laine de Maiîchamp; la mousseline de Chine, ou espèce de chalys, si digne de son nom par le moelleux de son touché, et le mignon de ses effets; les ba-réges de toutes réductions, et les gazés si heureusement baptisées. L'élégant article des lainages drapés, connu sous le nom de satin Bonjean, trouvait partout des éléments aussi favorables à la création qu’à Sédan. Les velours de laine auxquels la même localité vient de donner naissance et qui diffèrent complètement par le travail de l’étoffe du même nom, en ce qu’on les obtient simplement par une modification des a{£ prêts, n’avaient pas non plus de raisons particulières pour nous venir plutôt de ce point que d’un autre. Ces exemples,
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- les efforts que font les autres centres manufacturiers, comme Elbeuf, le Midi, le Nord, le Calvados même pour varier leurs produits en pure laine et pour multiplier les tissus mélangés, nous paraissent déceler une aptitude spéciale de création, stimulée constamment par le bon accueil que notre consommation fait à ce qui est nouveauté de goût. Les consommateurs de la plupart des autres nations no paraissent pas avoir un besoin égal de changement. Est-ce un bien, est-ce un mal? C’est ce que nous n’avons pas à décider ; nous croyons ne pas nous tromper en constatant le fait. II suffit souvent chez nous d’un produit original pour faire la réputation et la fortune d’un fabricant. Nous avons connu un grand manufacturier, il y a une vingtaine d’années, qui doit l’origine de sa fortune à une couleur vert-pomme. Un autre la doit à une heureuse manière d’appliquer la vapeur dans les apprêts, ce qui donne à ses draps une apparence plus agréable à l’œil, sans que pour cela la solidité en ait été augmentée. La préférence dans ce cas est accordée au produit nouveau, non-seulement à prix égal, mais avec une augmentation souvent très-prononcée. Cette recherche des apparences plus flatteuses, des dispositions nouvelles est bien plus grande encore pour les articles de fantaisie, désignés sous le titre générique de nouveautés. Nous dirons, pour nous résumer sur les étoffes de laines, que les variétés sont innombrables; que l’industrie française, dans les spécialités qu’elle produit, est au moins égale à ses concurrentes, lorsqu’elle ne leur est pas supérieure. Il lui manquecependant, pour être complète, la production de certains articles qu’elle n’a que timidement abordés, ou qu’elle ne fait pas du tout. Les mélanges d’Àlpaga de toutes espèces d’autres substances textiles dans lesquelles l’Angleterre excelle sont dans le premier cas, les moreen sont dans le dernier. Ces moyens et les procédés spéciaux des transformations de ces mélanges sont cependant connus; il serait temps aussi que notre industrie ressaisît la transformation du poil de chèvre dentelle avait pris l’initiative comme filage et que nous avons abandonnée, au point d’être obligés d’acheter à nos voisins d’outre Manche les fils de cette nature pour la fabrication des velours d’Utrecht et pour quelques autres produits spéciaux.
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- Cachemirs français..
- C’est à juste titre que ce produit a été dénommé, ainsi, car c’est encore là une industrie toute française et presque parisienne , quoi qu’en disent nos voisins , qui pourraient tout au plus penser qu’on a tenté cette industrie chez eux: avant nous, ' mais sans, pouvoir l’amener à bien. Malgré son éclat et son importance, elle est d’origine si récente que plusieurs des hommes de. la spécialité ont assisté aux nombreuses et principales phases de transformations qu’elle a parcourues pour arriver à l’état remarquable où les galeries des Champs-Elysées nous la montrent.
- On ne peut se faire une juste idée des progrès de l’industrie châlière qu’en comparant les premiers essais de ce genre, qui n’ont pas un demi-siècle, aux produits que nous avons sous les yeux. On dirait deux tissus de types différents, et cependant un châle de celte époque coûtait au moins autant, sinon davantage , que ceux de même espèce fabriqués aujourd’hui. Il a fallu une cause plus énergique encore que les efforts de nos manufacturiers pour arriver à d’aussi rapides progrès. Il a fallu au châle des avantages bien grands pour qu’il devînt comme un fonds de toilette chez les dames de toutes les positions ; ses vertus hygiéniques seules n’eussent peut-être pas suffi, si en même temps le châle n’était le vêtement par excellence de toutes celles qui le comprennent bien. H possède les avantages du corset sans en avoir les inconvénients. Il cache les difformités ou fait ressortir les grâ-. ces. Delà, sa fortune. C’est en vain qu’on aurait perfectionné son travail, varié ses nuances; s’il n’avait des vertus, latentes, ce produit n’aurait eu qu’un temps, tandis que, sans être prophète , on peut hardiment lui prédire encore une longue carrière, surtout si chaque Exposition nouvelle nous fait assister,. comme celle-ci,, à de nouvelles merveilles. Sans entrer dans des. détails techniques, qui ne peuvent trouver leur place ici, indi-quonsles points saiilantspar lesquels Iesproduitslesplusrecher-chésde cette grande industrie se font remarquer. 11 faut citer em première ligne les réductions fabuleuses auxquelles on est arrivé. Certaines de ces étoffes contiennent jusqu’àdeux: cents fils sur un centimètre de largeur, et environ autant sur un cen-
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- timèlre de longueur; c’est-à-dire que la réduction est égale en chaîne et en trame. Qu’on juge de la finesse du fil de cachemire ! Elle est telle que les fils de la chaîne ne pourraient résister au travail s’ils n’avaient une âme ou axe en soie autour duquel le cachemire est enveloppé par la torsion.
- C’est cette grande finesse, jointe à la régularité des fils et au mélange habile des couleurs, qui donne aux dessins obtenus par l’entrelacement des fils, l’aspect d’une peinture si on les examine aune certaine distance. Les points des entrecroisements sont si ténus et si déliés qu’ils sont imperceptibles.
- La variété des couleurs et la douceur des tons qu’on remarque dans ces tissus n’auraient pu être atteintes sans des complications et des dépenses capables de faire reculer les plus hardis, si la science n’était venue au secours de l’art, et ne lui avait indiqué les moyens d’obtenir au besoin, avec un nombre restreint de couleurs, trois fois autant de nuances. Un exemple de cette application nous rendra plus clairs. Supposons que l’on veuille obtenir un ton vert clair et que l’on n’ait que des fils vert foncé et des blanes. Au lieu de se servir d’une navette, on en emploiera deux qu’on chassera successivement, de façon à ce que les deux trames, la verte et la blanche, n’en forment qu’unejuxta-posée, qui ne sera ni blanche ni d’un vert foncé, mais d’un vert clair. On peut faire ces applications pour toutes les nuances par des trames doubles ou triples agissant comme une seule ; il faut seulement que la finesse de chacune d’elles augmente dans la même proportion. Ce stratagème, résultant de la combinaison de la science et de l’art, donne la clé de la richesse extraordinaire et du fondu parfait qu’offrent la plupart des châles sortis des mains des grands maîtres de la spécialité. Si nous citions également les tours de force qui pour le moment n’offrent d’autre intérêt que d’indiquer des difficultés vaincues, mais dont les conséquences immédiates ne sont pas plus profitables que celles obtenues par la réalisation d’un exercice gymnastique, nous mentionnerions certains châles brèches en gaze qui ont exigé au moins 5000 carions pour arriver à une imitation d’impression.
- Une autre nouveauté de l’Exposition consiste dans un travail mixte du spouliné et du lancé. On sait que le spouliné, en usage particulièrement dans le travail des châles indiens, est
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- une espèce de broderie au fuseau , qui a pour but de n’employer la matière qu’aux points où elle doit apparaître. Au contraire, dans le procédé du lancé,employé pour nos châles, on fait toujours passer la trame par entrecroisement d'une lisière à l’autre, ne dût-elle être vue que sur l’épaisseur d’un fil. La partie non apparente passe à l’envers, et, si on a huit couleurs , par exemple, on a huit fils ou duites superposées de la même manière, avec une quantité de matière considérable que l’on est ensuite obligé d’enlever par un découpage. Il en résulte un défaut de solidité et une perte de matière : deux inconvénients qui n’existent pas dans les châles de l’Inde.
- On ne cesse de faire des recherches pour arriver au spouli-nage mécanique et même automatique. Déjà l’Exposition de Londres a valu à l’un de nos industriels une grande médaille pour ses progrès dans cette voie. Depuis lors les moyens ont été perfectionnés encore, au point qu’à prix égal nous pouvons faire aussi bien que les Indiens. 11 est vrai que le châle de l’Inde a souvent des défauts, des irrégularités qui lui donnent de la couleur locale aux yeux de nos élégantes. Il faudra bien que nos manufacturiers, pour pouvoir rivaliser avec les Indiens , s’attachent à imiter ces défectuosités et surtout la marque orientale. Que l’on ne se récrie pas contre nos avis immoraux de contrefaçon. La chose existe et nous n’y sommes pour rien. Heureusement que, tout bien examiné, la cliente y gagne au lieu d’y perdre. Son amour propre, plus que ses intérêts, aurait à souffrir si elle pouvait se douter que le châle dont elle est si fière sort parfois en partie, si non tout entier, de tel atelier des environs de Paris, au lieu d’arriver en droite ligne des manufactures de l’Indoustan. Mais notre induslrieelle-même ne manque pas non plus d’amour propre, Dieu merci! Elle est presque honteuse d’avoir parfois à cacher son pavillon. Aussi s’efforce-t-elle de créer en ce moment le genre mixte que nous avons annoncé plus haut, et qui serait à l’abri de toute méprise, en ce qu’une partie des trames ou couleurs les plus répéléessont travaillées au lancé et le reste au spouliné. Il en résulte une liaison ou liage entre les deux sortes d’entrelacements qui donne une solidité d’autant plus grande à l’étoffe qu’elle n’a plus besoin d’être découpée, sans que pour cela ces châles soient sensiblement plus lourds que les châles ordinaires, Nous croyons de l'avenir à ce produit, tout nouveau quant
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- au mode d’exécution. Après avoir parlé des châles français en cachemire pur , en laine et cachemire, en laine pure et mélangés, des châles imprimés de Paris et de Nîmes, il nous reste à constater que l’Angleterre , l’Autriche et la Saxe ont fait des progrès remarquables et rapides. Cette industrie, qui était seulement tâtonnée avec un succès problématique, y est arrivée à un état trop sérieux peut-être pour nous ; car leur rivalité n’est,pas à dédaigner, dans tous les articles intermédiai-reset communs. Il ne nous reste réellement, sans comparaison possible, que la belle fabrication de luxe poussée dans certains détails à un point dont nos rivaux n’avaient pas d’idée , même abstraction faite de la partie artistique qui vaut une si belle place à nos compatriotes dans le monde entier.
- Bonneterie.
- Nous mentionnons la bonneterie après les châles afin de ne pas nous laisser séduire par le démon de l’orgueil.'Si nous n’avons pas de maîtres dans la fabrication des châles, il ne mous est pas difficile d’en trouver dans le -travail du tricot. Les produits anglais , dans toutes les spécialités, ont le pas sur les nôtres, tant pour la solidité, l’élasticité, la finesse et la douceur que pour le prix de leurs bonneteries de fil, et surtout de coton et de laine. L’industrie saxonne n’est pas moins remarquable dans ce dernier article. Si nous citions certains prix, ils paraîtraient fabuleux de bon marché, même en tenant compte de ce qu’il peut y avoir eu de forcé pour le besoin de la cause dans leur énonciation. Notre infériorité, disons le mot au risque de choquer certaines susceptibilités, ne peut être attribuée à la matière première que nous pouvons nous procurer aussi bien que nos concurrents, si nous faisons abstraction du prix. Or, abstration faite de cet élément . certains de nos articles des bas français par exemple sont loin d’avoir les qualités de ceux des pays que nous venons de citer; cela paraît tenir à des préparations spéciales des fils et à des apprêts particuliers de l’étoffe. Si notre industrie apportait à l’étude de cette importante question une partie seulement de la persévérance qu’elle a consacrée à perfectionner l’industrie des châles , il est probable que nous n’aurions bientôt pllus rien à envier sous ce rapport à nos voi-
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- sins. Cela est d’autant plus exact que si nous n’examinions que les articles de fantaisie et les moyens qui concourent au travail de la bonneterie en général, la supériorité serait en notre faveur. C’est au point que nous fournissons nos machines à tricot à la plupart des contrées qui font mieux que nous, même à l’Angleterre. Elles ont été tellement modifiées, surtout par nos mécaniciens de Troyes, qu’elles servent à une foule de spécialités nouvelles, et entre autres à une certaine draperie légère et_élastique. éminemment propre à faire des articles pour ganterie. Ces métiers produisent actuellement, comme le tissage ordinaire, des étoffes unies, croisées , façonnées et brochées , et même une espèce de filet noué dont on fait des cache-nez de toute espèce, aussi originaux et chauds que peu coûteux.
- En parlant des lainages, on ne saurait passer sous silence la grande spécialité des tapis en général. -Ici, il y a lutte sérieuse entre les nationalités , les contrées et les divers procédés dont les produits attirent et captivent l’attention. Ces procédés sont nombreux. Le plus ancien comprend le travail façon de Turquie pour faire les tapis ras, la tapisserie ou les tapis veloutés , dont le principe est encore appliqué dans les établissements du gouvernement. C’est une espèce de spouli-nage ou tapisserie au fuseau ; une chaîne verticale tient lieu de canevas, et le fuseau remplace l’aiguille dont se servent les brodeuses. Ce procédé, perfectionné aux Gobelins et employé avec toutes les ressources qu’offrent les connaissances des savants et des artistes attachés à ce célèbre établissement, est le plus parfait, mais- aussi le plus long et le plus dispendieux de tous lorsqu’on veut aborder des sujets compliqués. Il n’en est pas moins employé à son élat rudimentaire pour produire des descentes de lit, des foyers à bas prix dans les localités où la main d’œuvre des femmes est à bas prix. Le materiel nécessaire se bornant à un cadre en bois servant de métier et à quelques ustensiles fort simples, ce travail peut, sous ce rapport, avoir lieu partout et devenir, dans certains cas , la ressource du foyer modeste et de la chaumière. C’est à ces considérations qu’il faut attribuer son existence comme industrie, car les moyens de production sont lents, la matière absorbée est relativement considérable et, quels que soient les soins que Ton prenne, il y a toujours un déchet de
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- laine très-sensible. Aussi ce genre de travail, appliqué également aux tapis turcs, de l’Inde, de la Perse, que l’on voit dans les vitrines des expositions de l’Orient en général, est-il loin de se propager. Pour produire plus rapidement, on imagina de tisser les tapis comme on tisse les velours façonnés, bouclés ou coupés , avec cette seule différence que les fils de laine de couleurs diverses sont substitués à la soie sur la cantre. L’ancien métier à la tire a été longtemps seul en usage, et est encore exclusivement employé dans la manufacture royale de Tournai. En Angleterre et chez nous, le métier à la Jacquard a depuis longtemps remplacé le précédent dans le tissage de la moquette anglaise, dont on voit de nombreux et beaux échantillons dans les étalages d’Aubusson, de Felletin, de Turcoing, de Tours, de Tournai, de Halifax, etc.
- Malgré les progrès signalés des métiers à la Jacquard , ils présentent néanmoins une complication de montage proportionnel au nombre de couleurs du tissu. Les Anglais ont imaginé, depuis une dizaine d’années , un moyen nouveau , qui consiste à imprimer les fils de la chaîne par un procédé spécial, qui applique à chaque fil la couleur au point où elle doit apparaître. Une fois la chaîne imprimée et montée de cette façon , le tissage est exécuté sur un métier ordinaire à faire les étoffes unies. On peut voir fonctionner l’un de ces métiers entièrement automatique, dans l’annexe des machines. La coupe même des boucles, pour produire le duvet, a lieu par le moteur. Ce système a fourni une foule de résultats remarquables dans l’exhibition anglaise; il simplifie, il est; vrai, le montage du métier proprement dit. Il permet de se passer du secours de la mécanique Jacquard, et évite, ce qui est important, la perte de la laine. Mais il présente néanmoins une complication assez grande dans l’impression de la chaîne et la disposition préparatoire de ses fils. II n’offre d’avantages sérieux que par un grand débit du même dessin. Cela explique comment il a pris un grand développement chez nos voisins, lorsque nous en sommes encore à tâtonner son application. ;
- Par contre, Beauvais et Nîmes surtout, représentées, la première, par l’industrie parisienne, et la seconde, sous son propre nom, dans le pavillon du Panorama, ont f.-.it des progrès notables dans un procédé de fabrication tout à fait fran-
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- çais. Nous voulons parler des tapis en chenilles, bien supérieurs, à notre avis, aux précédents, sous le rapport de la solidité et d’une plus grande variété de couleurs, tout en présentant des moyens d’exécution d’une simplicité digne d’être mentionnée. Au lieu d’imprimerie fil de la chaîne, on prend une bande de chenille analogue à celle employée pour les ouvrages de dames. Cette bande est composée de fils de laine de diverses teintes ; on la met à cheval sur les fils d'une chaîne unie, puis on la relève en brosse et on la serre par le battant comme si on frappait une trame ordinaire. On croise les fils de la chaîne, on insère un fil ordinaire pour maintenir la partie duveteuse que l’on vient de former, puis on insère une seconde trame de chenille, et ainsi de suite. Si chacune d’elles a • ses couleurs convenablement disposées , on exécutera le dessin qu’on voudra.
- Pour rendre ce fait plus intelligible, supposons qu’on ait un damier noir et blanc à produire : en prenant une chenille, formée en fils de laine alternativement blanche et noire , de façon à distribuer les teintes absolument comme sur le damier, c’est-à-dire que si on examine deux suites successives, la première commence par le fil blanc et la seconde par le noir, on réalisera l’effet demandé. Au lieu d’une chenille à deux couleurs, on peut en composer une d’un, nombre quelconque de nuances. Le travail essentiel de cette fabrication consiste dans la production de la chenille conformément au dessin de la mise en carte, c’est-à-dire au dessin peint sur un papier quadrillé, disposé d’unefaçon spéciale, pour guider l’ouvrier dans son travail, comme cela se pratique aux Gobelins.
- La chenille en pièce, qui comprend un certain nombre d’exemplaires, est découpée ensuite par bândes au moyen d’une espèce de scie circulaire; ce sont ces bandes qui sont employées, dans l’ordre où on les leur dispose, par des femmes sur des métiers à faire de la toile. Far ce procédé, comme on le voit, la matière est économisée, le travail est divisé et simplifié, et l’on peut, sans augmenter sensiblement la.main-d’œuvre, faire usage d’un nombre quelconque de couleurs.
- Il suffit de jeter un coup d’œil sur les grands tapis, les tentures, les foyers, etc., exposés par Nîmes et Paris, pour se faire une idée de la richesse des produits obtenus par cet ingénieux système.. L’Allemagne paraît avoir repris une ma-206 «
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- nière de faire non moins originale, si nous en jugeons par quelques spécimens assez séduisants et qui se distinguent par une apparence toute particulière. On dirait, en voyant ces genres de tapis veloutés, qu’on les a enluminés et coloriés au pinceau ; il n’en est rien cependant : la personne la plus étrangère à l’art du dessin et de la peinture peut exécuter les sujets les plus irréprochables. Pour l'aire saisir le système allemand, prenons encore l’exécution d’un damier pour exemple. Supposons deux plaques égales, percées également de trous carrés, maintenues parallèlement entre elles aune certaine distance, de façon que les trous carrés de l’une correspondent à ceux de l’auire. Passons dans la première rangée d’ouvertures des mèches de laines alternativement blanches et noires, de façon à être saisies par les deux plaques ; passons une seconde rangée de mèches alternativement noires et blanches dans la seconde rangée de trous, et ainsi de suite sur toute la surface des plaques. Serrons les mèches convenablement et supposons une distance d’un mètre, par exemple, entre les deux, plaques, et que l’on veuille un tissu d’un centimètre d’épaisseur. On fera 100 sections parallèles aux surfaces des plaques et on aura 100 tranches ou 100 tapis, .si toutefois on a eu soin, après chaque.section, d’enduire la tranche d’une couche de caoutchouc pour établir la solidarité entre toutes les mèches d’une tranche et pouvoir les faire adhérer sur un tissu quelconque par un collage. Si, à la place de l’insertion de mèches de deux couleurs et dans un ordre régulier, on les dispose suivant un dessin déterminé, on conçoit qu’on reproduira toute espèce de dessin à volonté. Il y a néanmoins des précautions à prendre, des coups de main à bien exécuter, qui sont du domaine du métier et’le résultat de l’expérience. On peut s’assurer, par les différents tapis des diverses expositions allemandes, que l’industrie de ce pays a acquis une véritable habileté dans ce travail, qui est peut-être plus du ressort du brossier que du tisserand. La collection des tapis de feutre et des lapis tissés-et imprimés montre que cette partie des impressions est à la hauteur du progrès de cet art en général; pénétration intime et vivacité des couleurs, goût remarquable pour la plupart des dessins, telles sont les principales qualités que l’on remarque à chaque pas dans cette spécialité.
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- Dentelles, tulles et blondes.
- Rien de plus difficile et de plus délicat à apprécier que ces innombrables tissus de fantaisie et de luxe , fabriqués avec des fils dont la valeur peut varier de 2S à 10 000 francs le kilogramme, suivant qu’on travaille à la main ces admirables fils de mulquineries , qui rivalisent de finesse avec les fils de la vierge, ou ces magnifiques produits en coton , moins fins , mais non moins remarquables par leur ténuité, et dont l’intéressante industrie automatique du tulle uni et façonné fait aujourd’hui une si large consommation.
- Si ce n’est qu’à grand’peine que l’on peut établir un jugement entre le mérite relatif des nombreux exposants qui figurent au Palais de l’Industrie, on peut du moins signaler les progrès les plus saillants et les tendances industrielles les plus caractéristiques.
- La production du tulle uni, façonné, broché et brodé, a été en se développant ; le travail s’est perfectionné au point qu’il peut rivaliser en apparence avec les plus belles dentelles. Il mérite d’être encouragé eu égard aux ressources croissantes qu’il offre à une classe intéressante de travailleurs et de c6n-sommateurs, puisque toutes peuvent satisfaire leur fantaisie, grâce à l’intervention des machines qui permettent de fournir de ces gracieux tissus à trois centimes le mètre. Malgré cette invasion de la dentelle du coton, celle en fils de lin n’en a pas souffert, non plus que la fabrication des bijoux de strass n’a diminué la valeur du diamant. L’Exposition témoigne, en effet, des nombreux efforts faits pour augmenter encore sous le rapport artistique, et la perfection de la main-d’œuvre, la magnifique fabrication des dentelles à la main, précieuses ressources du foyer domestique dans plusieurs de nos départements. Les pays si justement célèbres pour les belles dentelles classiques, tels que la Belgique et la France, ont conservé leur rang; l’on ne peut rien voir de plus séduisant comme goût, comme élégance et comme exécution, que l’étalage des riches vitrines de Bruxelles et des divers points de la France. Paris, ce centre de la composition artistique, s’est surpassé; la rapidité des communications qui l’ont rolié plus intimement aux doigts qui exécutent a contribué à l’éton-
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- nante variété qui se remarque dans ses nombreux produits. La grande cité des arts ne s’est pas contentée d’établir les beaux articles connus : comme toujours, elle a voulu aller au delà. C’est ainsi que l’un des premiers industriels s’est ingénié à reproduire des types presque perdus : nous voulons parler du point d’Angleterre que l’on ne retrouve plus que comme application. On sait, en effet, que les belles dentelles d’Angleterre, si recherchées et si enviées, étaient, dans l’origine, des tissus de toute pièce , c’est-à-dire que le fond et les ornements étaient exécutés simultanément dans le même réseau par l’habile dentellière. Plus tard, on se contenta de faire la partie façonnée à part et de l’appliquer à l’aiguille , sur un fond à mailles unies; de là le nom d’application que l’on continue à lui donner.
- Or, l’industrie de la France expose non-seulement des applications non moins belles que celles de la Belgique, mais l’industrie parisienne nous offre de la dentelle d’Angleterre avec toutes les qualités, anciennes rehaussées par le goût moderne. Les fils traînants ou brides de l’envers, laissés à dessein, témoignent de la restauration de l’ancien procédé, et démontrent que l’étoffe tout entière, fond et sujets, forme un seul et même réseau sans rentrants. Il y a là des difficultés vaincues, au point de vue technique, que les personnes compétentes comprendront et que toutes les dames apprécieront. Ce n’est pas tout : pour développer la production et la mettre, sans délai, en rapport avec les exigences de la mode, on a songé depuis un certain temps déjà au moyen de ne pas laisser éterniser l’ouvrage sur le métier. Or, en confiant à une seule ouvrière l’exécution d’une pièce entière, elle exigerait souvent des années, et ne serait terminée que lorsque le dessin imaginé ne serait plus de mode ; il a fallu.diviser le travail et mettre un seul objet, une robe, un mantelet, des volants, etc., simultanément en plusieurs mains. On s’est déterminé à faire le tissu par bandes, à les distribuer aux ouvrières, puis à les rassembler par une couture assez délicate pour être imperceptible à l’œil nu. C’est là, comme on le voit, la méthode des Indiens pour leurs châles si renommés.
- Mais ce procédé a des imperfections. Lorsqu’on réunit les bandes, il faut souvent déchiqueter une partie du fond
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- pour raccorder les dessins. Le fabricant auquel nous faisons allusion a imaginé une méthode de mise en barre, c’est-à-dire de transport du dessin par le piquage sur le papier, qui permet l’assemblage des bandes sans perte de temps ni de matière ; il y a là un progrès réel, au point de vue économique. S’il revient une large part des améliorations au fabricant qui sait choisir ses dessins, coordonner et diriger le travail avec l’ensemble voulu , il n’est pas moins juste de mentionner celle de l’artiste créateur de tant de magnifiques dessins , et celle des modestes ouvrières aux doigts de fée, aux yeux de lynx, dont la patience et la persévérance ne peuvent se comparer qu’à la goutte d’eau qui creuse des rochers. Il est regrettable, disons-le en passant, que la plupart de ces habitantes des campagnes ne puissent venir avec leur famille apprécier le casque l’on fait de leur travail. Sous ce rapport, l’Angleterre est plus heureuse que nous; il paraît y avoir plus d’harmonie de goût entre ses citadins et ses campagnards que chez nous. Qui n’a pas remarqué les processions des paysans anglais à l’Exposition de Londres, et l’absence des nôtres à celle des Champs-Élysées?
- Les dentelles à la mécanique ou tulles façonnés et brochés gagnent chaque jour du terrain. Des effets qu’on supposait ne jamais pouvoir être abordés par les machines commencent à être exécutés automatiquement. Certains contours en relief, festonnés à la main j usqu’à présen t, sont brochés par ce merveilleux métier à tulle Bobin que l’on peut voir fonctionner dans l’Annexe. L’industrie calaisienne, siège principal et presque unique de cette industrie en France, a tenu à honneur de la mettre en évidence par un modèle parfaitement exécuté, qui permet de suivre tous les détails du travail et de juger la beauté du produit sur le métier même. On peut également examiner des broderies dans les mêmes conditions. Les créations de Heillmann portent leurs fruits'; on voit des broderies sur drap s’exécuter sur un métier anglais dont le principe et une partie des mouvements sont empruntés au fameux métier que l’inventeur a fait figurer à l’Exposition >de 1839. La broderie à pois est exécutée par un autre métier imaginé et construit à Nancy. Mais ces machines sont loin de pouvoir faire tous les chefs-d’œuvre de'l’habileté féminine , que produisent les ouvrières lorraines, dirigées par le goût et l’art.
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- parisien. Gette belle broderie classique de là Meurthe, des Vosges et de la Moselle ne redoute aucune comparaison. Mais il n’en est plus ainsi des articles qui paraissent tout nouveaux et de création suisse; nous voulons parler de ces grands sujets au crochet à jours et en nouveaux points, de ces broderies au point de remplissage sur fond filoché, des rideaux de tulle brodés au crochet avec application , de ces broderies sur mousseline. bâtis!e, tulle , aux points dé relief satinés. Ces produits de Sainl-Gall, du canton d’Appenzell et de Berne attirent tous les regards et sont justement admirés.
- Soies et soieries.—La France est dans l'industrie de la soie et des soieries ce que l’Angleterre est dans celle du coton. Considérée dans son ensemble, elle excelle dans les' nombreuses spécialités qui y concourent, à partir de l’élève des vers jusqu’après la confection des plus beaux tissus. Elle a des concurrentes, mais pas de rivales pour la perfection de ses produits. Comme importance, elle transforme environ pour 250 millions de francs de matières premières , dont -MO millions de francs lui sont livrés par l’agriculture nationale ; le complément lui vient du Levant, de l’Espagne et de diverses contrées italiennes. On évalue en moyenne la valeur des produits obtenus annuellement par cette spécialité à 375 millions, dont elle exporte de 190 à 220 millions environ aux différentes nations de l'Europe et des États-Unis. L’Angleterre a une production à peu près aussi élevée en tissus, mais elle est obligée de faire venir sa matière première de l’étranger. Les divers États de l’Italie et les possessions autrichiennes produisent au contraire la matière première, les cocons, la soie grège et ouvrée sur une échelle plus importante que la nôtre, mais leur fabrication des tissus ne peut, sous aucun rapport, se comparer à la nôtre. Les diverses contrées de l’Asie ont une faculté productive plus grande encore : on l’évalue au double au moins de ce que l’Europe entière peut fournir, mais leurs moyens d’exécution, malgré certains progrès dans la main d’œuvre , sont loin encore des ressources puissantes de l’industrie européenne.
- A l’heure qu’il est, le premier rang dans l’industrie sérici-colé estdû, à tous égards, à notre pays. On pouvait craindre un instant qu’elle ne fût menacée dans sa source, dans la production des cocons , par suite des maladies qui déciment les vers
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- et font dégénérer les races. Ces plaies ont exercé la sagacité de la science des naturalistes et des praticiens en même temps. Les remèdes prescrits ou recommandés sont aussi nombreux et presque aussi contradictoires que ceux recommandés contre le choléra, et la race de ce précieux insecte n’en va pus moins en dégénérant, et finirait peut-être par disparaître dans ce vieux monde si la Providence ne veillait. Or la Providence se révèle cette fois sous la forme d’une femme simple et modeste , douée au plus haut degfé de L’esprit d’observation. Cette femme a pénétré la cause du mal, et trouvé les remèdes à y apporter ; les moyens sont simples et à la portée de toutes les in tel Agences. Son procédé a le caractère et les conséquences de toutes les découvertes mémorables. Il a dix-huit années d’application, et les cocons provenant d’une graine dont l’origine remonte à cette date sont, sans contestation , les pins beaux de l’Exposition : les soies qui les' accompagnent et qui en proviennent sont sans pareilles pour la beauté et la qualité. Nous ne faisons qu’annoncer ce que nous avons pu constater, et qu’il ne nous est pas permis de divulguer encore. Mais dans quelque temps, la société d’encouragement pour l’Industrie nationale, qui a fait expérimenter par des commissaires spéciaux la découverte à laquelle nous faisons allusion, saura la faire connaître par des témoignages plus considérables que le nôtre.
- Le procédé nouveau propagé dans tous les centres de l’industrie sêrkicole, et les magnaneries continuant à se développer sur notre terre d’Afrique, notre intéressante spécialité des soies prendra sans doute un nouvel essor ; nos: soies grèges, si estimées déjà, le seront bientôt davantage encore. Ne soyons cependant pas injustes envers le passé : rappelons que sous Colbert, et plus tard encore, notre soie grége était si mauvaise qu’il était interdit aux fabricants de l’employer pour certains tissus auxquels les soies' d’Italie seulement étaient propres. 11 y a vingt-cinq ans , la production des grèges, disséminée dans une foule de petits ateliers -des campagnes,, était entre autant de mains que l’élève des vers aujourd’hui ; il en! résultait une imperfection ettmeirrégularité'qui meitait nos soies au-dessous des soies de la Chine -et du Levant. Aujourd'hui' l’industrie du filage et du moult-mage a lieu dans de grands établissements comparables pour
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- la direction, le matériel et les soins, aux grandes filatures des autres matières textiles. Que l’on prenne au hasard dans l’une quelconque des vitrines des exposants de la France et de l’Italie un écheveau de soie ; qu’on le déplie, qu’on examine la rondeur du brin , la netteté, le brillant et la régularité du fil, et l’on s’assurera de la merveilleuse précision avec laquelle les baves ou fils élémentaires du cocon ont été-accolés et soudés , l’habileté avec laquelle les imperfections du brin fourni par l’insecte ont été corrigées. Sans vouloir amoindrir les services rendus par l’industrieuse chenille, nous ferons remarquer que son produit n’est pas préparé de la manière la plus convenable pour son emploi industriel. Le fil tel que le ver le pelotonne est trop fin et a une grosseur trop variable dans toute sa longueur pour être mis en usage sous sa forme naturelle qui doit être corrigée par les soins de la fileuse et la perfection des préparations et des machines.
- L’art du dévidage des cocons, en se proposant ce but, doit en même tenps développer les brins élémentaires et faire disparaître le vrillement ou les ondulations pour leur donner tout le brillant dont ils sont susceptibles, et éviter dans le/ rattachage, ou plutôt le collage, les boucles et les bouchons qui diminueraient leur netteté. Cette définition succincte des conditions à remplir peut faire connaître la délicatesse de l’opération et montrer que ce n’est pas sans difficulté que l’industrie est arrivée à nous offrir ce magnifique produit dont l’Exposition nous présente tant de brillants échantillons. 11 serait difficile par l’inspection des produits seulement, tant en fils grèges qu’en fils ouvrés ou tordus, de signaler un progrès depuis le grand concours de Londres et même depuis 1849. Il y a cependant une tendance au progrès assez notable depuis lors, mais elle consiste surtout dans les moyens. On a fait des efforts pour arriver à préparer les cocons plug' rationnellement, c’est-à-dire pour mettre leur fil en liberté.
- La cuisson dans l’eau bouillante et la recherche du bout par les balais, qui a des inconvénients nombreux, commence à être remplacée par une préparation plus régulière, par la vapeur agissant sur les cocons placés dans le vide, et }e balai brutal par un simple sac en filet, contenant les cocons à préparer. S’ils sont convenablement traités, les bouts s’y attachent spontanément de manière à ce que l’ouvrière n’ait plus
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- qu’à les réunir et à les éclaircir. On continue également la recherche d’un moyen pour remplacer la disposition du fil en écheveau sur l’asple, par le filage direct sur bobines, afin d’épargner une main-d’œuvre et un déchet inutiles, qu’occasionne la transformation indispensable de l’écheveau en bobines.: Cette modification dans le travail n’est pas sans difficulté, attendu l’humidité du fil qui se collerait et serait indévidable de la bobine, si l’on n’avait un moyen de le sécher au préalable ou du moins d’empêcher le gommage. De très-belles soies sur bobines, produites par des essais faits dans ces deux directions, prouvent que le problème est résolu, et que bientôt sans doute, en passant dans la pratique industrielle, il fera faire un pas de plus à cette intéressante industrie. Les fils de soie tordus pour trames et organsins sont également remarquables par leur régularité, qui est la conséquence d’une longue expérience et d’améliorations notables apportées aux machines, naguère encore construites avec un laisser-aller fieu digne de la matière précieuse à laquelle elles étaient destinées. C’est peut-être ici le lieu de dire un mot de la honteuse falsification à laquelle ces produits donnent souvent lieu. En raison même de l’élévation de leur prix, on y introduit quelquefois au travail du retordage ou à la teinture des corps étrangers assez denses, peu coûteux, et n’ayant pas d’action fâcheuse sur la substance soyeuse. Pendant longtemps on s’est contenté de se servir comme mélange du sucre, de la mélasse, de la gomme, etc., et de bénéficier, pour parler poliment, de la différence entre des matières valant au maximum 1 franc et un produit de 60 francs le kilogramme en moyenne ; mais tout progresse, tout se perfectionne : un inventeur a eu l’idée de substituer les sels de plomb aux corps que nous venons de citer, et de faire breveter cette substitution. Le procédé fut bientôt contrefait à tel point que des négociants en fils à coudre, que nous pourrions citer, ont intro-duitjusqu’à25 pour 100 dece sel dans leurs produits. Lafraude a été découverte par suite de coliques de plomb éprouvées par les couturières qui ont employé ce fil. L’administration supérieure s’est heureusement émue de cette manœuvre coupable dont elle empêchera certainement le retour.
- Les déchets produits dans le travail de la soie grége, connus sous les noms de frisons et de bassinais, les cocons percés
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- résultant du passage des papillons destinés à la reproduction par la fécondation de la graine, sont réservés à faire les fils et les tissus de bourre et de fantaisie. Les progrès de cette spécialité, qui forme une grande industrie à part, sont plus sensibles encore que ceux apportés au travail des produits précédents. Les moyens en usage pour transformer les déchets de soie ont une grande analogie avec ceux de la laine longue, et ont participé aux améliorations apportées aux procédés de cette dernière industrie. Aussi est-on arrivé à employer la bourre de soie dans une infinité de tissus nouveaux, non-seulement en soie pure, mais en la mélangeant avec toutes les autres matières filamenteuses, tantôt à l’état de chaîne, tantôt à l’état de trame, quelquefois môme intimement incorporée au fil de nature différente. L’industrie suisse surtout est arrivée à un degré de perfection incontestable. Les fils dont nous parlons n’ont cependant pu jusqu’ici remplacer la soie grége la plus commune, dans les articles tout soie. Les tissus écrus pour foulards, par exemple ceux tramés avec les fils de fantaisie des plus parfaits, ne peuvent soutenir la concurrence des foulards de l'Inde moins bien faits comme tissu, ni môme des foulards d’Europe tramés en soie grége de 'Chine ou du Levant, quelles que soient d'ailleurs la beauté et la valeur de l’impression qui vient cependant dissimuler le corps de l’étoffe. La soie grége est également restée seule en partage des tissus mélangés laine et soie, tels que les baréges, les tarlatanes, et ces nombreux articles pour robes et châles, que la fabrique parisienne fait tisser, et dans lesquels ses merveilleuses impressions font disparaître jusqu’à la trace de l’entrelacement des fils au tissage. Nous éprouvons un vif regret de ne pouvoir parler qu’en passant de ces chefs-d’œuvre de Fart, où la beauté du dessin est égale à la perfection du coloris. On ne peut passer devant ces magnifiques vitrines, bien dignes de figurer en face des plus beaux étalages de Lyon, sans s’y arrêter et admirer. Et en pareille matière, un examen même rapide en dit d’ailleurs plus que les descriptions les mieux faites. Signalons cependant certains résultats tout nouveaux, tels que ces articles à franges rebouclées obtenues au tissage; ces tissus et rubans à double chaîne pour produire des façonnés à fond plus net et plus pur; les étoffes avec impression en or; les foulards avec effets de tis-
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- sage et d’impression combinés, les bourres de soie tirées à poils, etc.
- Les étoffes unies en soie pure de l’Exposition sont également nombreuses et bien établies; l’Angleterre, la Prusse, l’Autriche, la France et surtout la Suisse, rivalisent entre elles pour cet article sur les marchés étrangers. L’industrie delà Grande-Bretagne cherche à lutter avec la nôtre par l’emploi du tissage mécanique heaucoup plus avancé chez elle que chez nous, et ses grands établissements où les frais généraux sont réduits autant qu’il est possible. Les autres contrées que nous venons de citer ont en général la vie et par conséquent la main-d’œuvre à des conditions plus avantageuses que nous. La lutte leur est donc possible sur ce terrain. Il y a cependant des articles unis spéciaux où notre industrie s’est rendue maîtresse de la plupart des marchés extérieurs d’une manière digne d’être signalée. Nous voulons parler des velours et surtout des peluches pour chapeaux, qui ont pris un si grand développement. Au commencement du siècle, la Prusse rhénane savait seule fabriquer ce produit d’une manière convenable; elle fournissait tous les pays qui remployaient, sans en excepter la France. Depuis lors, les progrès de nos fabricants ont été tels, que non-seulement on recherche nos peluches sur tes marchés de l’Europe et des États-Unis, mais la Prusse elle-même est obligée d’employer les peluches françaises lorsqu’elle a besoin de qualités supérieures. Cet avantage est dû à quelques fabricants hors ligne, dont les produits attirent peu l’œil au milieu de la brillante exposition du département du Rhône, à cause de l’uniformité de leur apparence ; ils n’en sont pas moins dignes d’une mention toute spéciale.
- Nous répéterons, pour les soieries façonnées en général et pour celles de Lyon, de Saint-Étienne et de Nîmes en particulier, ce que nous avons dit pour les impressions parisiennes. Il suffit de tes voir pour se convaincre que cette industrie française, si célèbre dans l'e monde, s’est surpassée, et si l’on veut s’assurer de notre supériorité, on n’a qu’à comparer nos sujets imitant la gravure en taille-douce aux produits de même nature des autres pays : il y a sans exagération la différence que l’on trouve entre le dessin original du maître et la copie d’un élève. La manière française est telle, qu’il faut être prévenu pour ne pas confondre le tissu avec une gravure
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- estimée. Dans tous les articles étrangers, il y a quelques mauvais coups de navette, j’allais dire quelques fausses notes qui sautent à l’œil, qu’on me permette l’expression. Cette différence entre les façonnés tailles-douces se maintient en notre faveur, pour tous les articles de haute nouveauté de Lyon ; nous pourrions en fournir mille exemples. Peut-être cela n’est-il pas aussi exactement, vrai pour la rubannerie de Saint-Étienne qui trouve une sérieuse concurrence dans les articles similaires de Coventry et surtout de la Suisse. La communication rapide de nos dessins à l’étranger, peut avoir plus d’influence dans cette spécialité que dans les grands articles de haute nouveauté, les moyens mécaniques de la rubannerie étant assez limités et généralement les mêmes. Mais il n’en est plus ainsi dans l’industrie lyonnaise ; ce n’est pas seulement le dessin qui fait son succès, mais aussi les connaissances variées et profondes que possède le personnel de cette place dans l’art du montage, lui permettent-elles souvent d’atteindre les effets les plus inattendus et les plus admirables de la manière la plus économique : le dessin, c’est la composition ; le montage, c’est l’exécution. On joue la musique de Eethoven partout : certains orchestres privilégiés peuvent seuls en rendre toute la beauté; nos dessins sont copiés au dehors, mais avec l’accent étranger du pays qui les reproduit. Et cette reproduction est peut-être un mal moindre qu’on ne le suppose. Nos concurrentes s’habitueront à nous suivre, et la France deviendra pour les industries de luxe le laboratoire et l’atelier d’échantillons du monde entier.
- Nous n’avons qu’effleuré rapidement notre sujet, et déjà nous avons dépassé le cadre qui nous est tracé. Nous ne saurions nous arrêter cependant sans payer notre humble tribut aux hommes auxquels revient la plus large part du merveilleux spectacle que nous avons sous les yeux. A vous, pauvre Koy, malheureux Highs; à vous, Samuel Crompton et fortuné Arkriwgt, glorieux inventeurs des métiers à filer le coton ! A vous, notre illustre Vaucanson, qui, l’un des premiers, avez compris que mettre la science au service de la pratique, c’était lui faire remplir le rôle que la Providence lui a assigné, vous , que vos jouets d’enfants ont rendu plus célèbre que les véritables et solides bienfaits dont vous avez doté l’industrie! A Diderot et à d’Alembert, qui commencèrent à donner à la
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- technologie une large place dans leur encyclopédie gigantesque ! A vous, savant Duhamel du Monceau, qui n’avez reculé devant aucune recherche pratique, pour faire comprendre les secrets des arts et métiers et l’étroite union de la théorie et de la pratique ! À Paulet, l’obscur et consciencieux artiste, qui sut manier avec la même supériorité la plume et la navette ! Nous n’oublierons pas Roland de la Platière, à qui de laborieuses recherches auraient dû valoir la popularité qu’il n’acquit que par un peu de bruit politique et par sa fin funeste; ni Levis, qui délivra l’industrie des lainages de l’atrophiant travail du tondage à la main; ni Gensoul, qui tira un parti tout nouveau de la vapeur, dans la production de la soie grège ; ni de Girard, inventeur de la filature mécanique du lin, qui revint mourir pauvre dans son pays, et dont le cercueil n’a pu être décoré que d’insignes étrangers.
- Honneur aussi à vous, Jacquard, dont le nom seul rappelle assez les services, etqui fûtes aussi calme devant l’ingratitude, que modeste dans la gloire! A vous, persévérant et ingénieux Oberkampff, véritable père de notre belle industrie des toiles peintes ! A vous, infatigable Ternaux, et vous, modestes pionniers de l’industrie, Declanlieux et Laurent, a qui le travail des laines peignées doit des améliorations qui sont de véritables découvertes ! A vous, Josué Ileilmann et Peckeur, qui avez rendu le monde industriel tributaire de vos inventions, que l’Exposition du jour peut citer au nombre de ses œuvres les plus remarquables ! A vous, Bonjean, qui par vos créations avez fait entrer l’industrie des draps dans une phase nouvelle! A vous, Eck, dont la vie s’est éteinte dans la gêne, et à qui l’industrie des châles doit ses premiers progrès importants ! A vous surtout, grand inventeur de la machine à vapeur, qui animez toutes ces créations! A vous tous, hommes de génie, appréciés ou méconnus pendant votre vie, à vous une large part de gloire dans l’Exposition de 1855.
- En nous interdisant de citer les savants, les industriels et les inventeurs qui continuent si glorieusement les travaux de leurs devanciers , et dont les œuvres brillent de tant d'éclat dans les galeries des Champs-Élysées, nous avons obéi à un devoir. L’un des juges des grandes assises industrielles qui sont ouvertes, nous ne pouvions faire connaître à l’avance une opinion, qui rie pourra acquérir un peu de valeur que
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- lorsqu’elle sera partagée par nos honorables collègues de toutes les nations. Nous aurions eu tant à louer, que notre silence nous a été pénible ; il ne nous a fallu rien moins pour nous dédommager de cette réserve nécessaire , que l’idée de l’accomplissement d’ùn devoir, et la pensée que bientôt le jugement officiel viendra confirmer celui de l’opinion publique, dont la voix moins discrète a déjà signalé un grand nombre des plus méritants.
- CLASSE XXIV.
- Industries concernant l’ameublement et la décoration.
- C’est un fait incontestable que l’ébénisterie est en progrès depuis quinze ans. On recherche soigneusement les styles, on étudie les formes, on raffine sur les ornements, un peu trop peut-être; les intérieurs sont finis à l’égal du dehors et chaque chose arrive à sa place avec une précision merveilleuse.
- Cette justice rendue aux habiles ouvriers de notre époque , entrons en matière par quelques considérations générales sur l’art dont nous allons nous occuper. L’ébénisterie n’a guère commencé à fleurir que dans la période gothique; jusque-là et même alors, la corporation des menuisiers connaissait peu la science des assemblages, qui ne s’opéraient qu’au moyen de goujons en fer; c’est au xve siècle seulement qu’-on commença à faire les joints à la colle et à découper le bois pour les bancs, les huches, les armoires et les esca-belles qui composaient tout le mobilier des maisons de nos pères. Pendant la Renaissance, l’ébénisterie prit un grand essor, la sculpture sur bois sortit de ses langes et produisit les inimitables chefs-d’œuvre de Jean Goujon et de Germain Pilon , dont nous admirons encore les précieux échantillons au Louvre et au musée de l’hôtel de Cluny.
- Sous Louis XIII, le meuble devint lourd et triste; mais sous Louis XIV, il regagna en richesse ce qu’il avait perdu
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- en légèreté; c’est alors qu’on employa sérieusement l’alliance du bronze avec le bois, et que Boule produisit ses belles incrustations de cuivre et d’écaille, auxquelles il a laissé son nom.
- Sous Louis XV on abandonna le style sérieux pour ce qu’on appela depuis le Rococo. Aux jambes droites succédèrent les pieds contournés, et l’on commença à employer le bois de rose, dont l’aspect galant était plus en rapport avec la coquetterie et le maniéré de celte époque. Enfin, sous Louis XVI vint Riesner avec ses bonheurs du jour en marqueterie, garnis des cuivres merveilleux ciselés par Grou-tière. On sculpta, on dora des fauteuils avec une patience qu’on y a mise rarement depuis : orfèvrerie délicieuse qui atteste l’habileté des coupeurs de bois d’alors; sièges charmants , dont les médaillons délicats étaient montés avec les bergeries de Beauvais, avec les damas et les brocatelles de Lyon ; ameublements de grands seigneurs pour lesquels le prix n’était point considéré, à la condition que rien n’y serait épargné.
- Après avoir brillé de tout cet éclat pendant plus de quatre siècles, l’ébénisterie était tombée sous la République, sous l’Empire et sous la Restauration, dans une voie de décadence et de roideur déplorable. Le goût de cette époque, si l’on peut donner le nom de goût à une chose qui en était la négation, n’offrait partout que lignes plates et heurtées ; le style des ornements avait la prétention de rappeler l’art grec et romain, il n’en était que la caricature. Cette erreur, il faut l'avouer, était celle d’un grand artiste, David, qui entraînait après lui, et par le prestige de son talent, l’opinion générale qui, sous le nom de mode, a tant de pouvoir sur l’esprit français. Tout en y sacrifiant beaucoup trop encore, Jacob fut le premier qui ramena l’art de l’ébénisterie à des règles plus sages, et, sous ce point de vue seul, il a déjà rendu grand service aux ouvriers de notre temps. Que de délicieuses fantaisies ont péri alors, perdues dans nos greniers jusqu’au jour où quelques amateurs éclairés sont venus en sauver les restes en donnant naissance à la passion du bric-à-brac, passion aveugle comme toutes les passions , et dont plus tard on a beaucoup trop abusé. Quoi qu’il en soit , elle a provoqué des études sérieuses et formé quelques artistes habiles.
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- Dans les ameublements, ce qu’on doit rechercher surtout, c’est une sage combinaison de la forme et des ornements avec le fini du travail. Mieux vaut un meuble simple, aux lignes correctes, d’un usage facile, et répondant bien à nos besoins, que ces tours de force obtenus à grands frais, presque toujours aux dépens de la commodité et du bon goût.
- Pourquoi ces lits anguleux, qui font craindre de se blesser en s’y heurtant; ces sièges surchargés de cuivres, qui accrochent toujours après eux quelques dentelles de nos vêtements? L’extravagance des formes, la confusion des ornements, voilà deux fautes dans lesquelles tombent trop souvent nos fabricants dans les expositions, pour produire des meubles que je pourrais appeler de circonstance et qui trouvent difficilement une application dans nos maisons à six étages.
- Les ressources de l’ébéniste sont très-variées, il les tire de l’emploi du bois massif, du placage, de l’incrustation, de la marqueterie, de la dorure sur apprêts, de la sculpture du bois et de l’application des bronzes.
- Ëbénisterie française.
- La France marche pour ainsi dire sans rivale dans cette induslrie, comme dans toutes celles où le goût est souverain. Nos ouvriers sont des artistes , et les étrangers leur rendent hommage en nous les enlevant, comme le fait l’Angleterre, ou en se disputant leurs produits. Les meubles exposés cette année dans le Panorama, dans la galerie qui y conduit et dans une petite salle attenant à l’exposition des États-Unis, nous donneraient suffisamment raison, si cette assertion avait besoin d’une preuve nouvelle.
- Tous les fabricants ont fait effort pour répondre dignement à l’appel de ce grand concours, et cet effort a été suivi d’un brillant succès. Pour être arrivé tard, il n’a rien perdu de son éclat, malgré tout ce qu’en ont pu dire les impatients.
- En tête de la partie réservée aux meubles dans le Panorama , se trouvent les frères Grohé, ces vétérans de nos expositions nationales; ils n’avaient pas figuré à Londres en 1851, mais ils ont compris que les récompenses tant de fois obtenues, médailles et croix, leur imposaient un devoir à
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- remplir. Leurs travaux se font remarquer, comme toujours, par la simplicité et le bon goût, la netteté et la précision ; chacun des meubles qu’ils ont exposés peut trouver place dans nos salons , leurs dimensions répondent à nos usages , la commodité n’y est pas sacrifiée à l’exagération du luxe.
- Tels sont un bureau de dame en ébène, à deux corps, sans cuivres, avec quelques incrustations de pierres dures et de lapis d’un style pur et sévère. Un meuble d’appui pour salon en bois de rose et d’amaranthe, sans incrustations ni marqueterie, mais avec des bronzes ciselés, comme on n’en ciselle plus guère aujourd’hui ; les deux portes sont garnies de médaillons d’attributs.
- Deux trépieds où l’ébénisterie, à vrai dire, n’est qu’un prétexte pour mettre en œuvre des bronzes d’une disposition heureuse. Ces trépieds peuvent à volonté servir de jardinières et de piédestaux, également convenables pour recevoir des vases ou des statues. A l’un des angles de leur exposition, ils ont suspendu un lustre dont les ornements sculptés sont d’un fini charmant et d’une touche délicieuse, puis uneglace en ébène avec des incrustations de marbre. Us ont d’autres meubles encore, je ne puis les signaler tous, mais je ne terminerai pas sans parler d’un bijou, une jardinière en bois d’amourette, avec encadrement en ébène et incrustation de lapis, vraiment digne de figurer chez l’amateur le plus difficile; ce charmant petit meuble est garni de bronzes d’une délicatesse et d’un goût délicieux.
- Puisque nous parlons de bronzes et de goût, c’est l’occasion de citer Barbedienne; nous nous sommes occupés ailleurs de ses réductions de l’antique et de la manière remarquable qu’il apporte à les mettre en œuvre; nous n’appellerons l’attention ici que sur les deux meubles qu’il a exposés à la porte du panorama : l’un est une bibliothèque en poirier noirci et à deux corps , qu’on a déjà admirée à Londres où elle a valu à son auteur une des deux grandes médailles qu’il a obtenues.
- L’autre est un meuble en noyer, parfaitement sculpté, dans le style de la Renaissance ; il ne le cède en rien à son aîné pour la pureté du dessin et la netteté du travail ; on y remarque le même goût dans le choix et l’agencement des bronzes; ce meuble est destiné à renfermer des objets de curiosité, et il est parfaitement disposé pour cet usage; le 206 um
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- corps du bas est plein1, et l'es portes sont ornées avec Tes réductions des célèbres bas-reliefs des chanteurs de Lucca délia Robbia, de Florence. Le corps du haut est composé d’une partie vitrée au milieu, de chaque côté de laquelle sont les deux esclaves de Michel-Ange1 avec'deux étagères; au centre de la tablette- et en avant, une pendule en bois, qui supporte deux des figures à demi couchées du tombeau des Médicis, vient relier1 ensemble les deux corps, d’une façon très-heureuse.
- L’exécution dé ces1 deux meubles est parfaite, et l’on ne saurait trop encourager l’alliance des bronzes d’art ainsi disposés avec les pièces d’ébénisterie.
- Fonrdinois se trouve adossé à Grohé'; il nous promet pour le commencement d’août une cheminée en bois sculpté, monumentale1; en attendant la grande pièce, il nous a donné, pour amuser notre curiosité, une table de trictrac en marqueterie, une encoignure et une bibliothèque en poirier noirci, d’un beau profil grec; elle est ornée d’émaux en grisaille et garnie de filets en acier ; ce meuble est remarquable par la sobriété de sa décoration, qui consiste en quelques ornements gravés avec soin.
- En face, sur le côté, Fossey, qui fait’ par lui-même ses dessins , son ébénisterie et sa sculpture, a exposé une armoire dé chasse, à trois parties saillantes sur les côtés pour y serrer les armes, et une rentrante dans lé milieu, avec une panoplie formant médaillon, que soutiennent deux figures sculptées, d’une bonne exécution comme tout l’ensemble; quelques incrustations de marbre vert viennent réveiller le ton uniforme du bois. A port un peu de lourdeur dans le chapiteau, c’est un travail remarquable et qui fait honneur à l'artiste.
- 11 a encore exposé dans le panorama une toilette en bois sculpté et doré, avec trois plaques en porcelaine de Sèvres et un petit médaillon portant le chiffre de l’Impératrice.
- Cette toilette, de style-Louis XIV, est d’une exécution et d’un goût exquis. Le mouvement des deux cariatides qui soutiennent la tablette est des plus gracieux.
- A la suite du grand meuble de Fossey vient celui de Mey-' nard ; quoique moins orné que le premier, sa composition ne lui cède en rien : c’est un bureau-bibliothèque en noyer avec filets d’ébène; le corps du bas renferme une caisse, des tiroirs
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- et deux médailliers; le corps du haut, une bibliothèque séparée de deux élagères par des colonnes sur lesquelles s’enroulent des lierres.
- Meynard est un de nos bons fabricants, et, comme4l’on dit en langage du métier, tout ce qui sort de ses ateliers' est parfaitement établi.
- Avec Fossey et Meynard est disposée une série de meubles monumentaux ayant tous de quatre mètres et demi à cinq mètres de hauteur, tous habilement sculptés, bien compris et bien dessinés, donnant la mesure de ce que peuvent produire nos ateliers et des ressources de nos ouvriers ; il serait bien long de les. décrire tous; nous nous contenterons de les indiquer.
- Cliaix, qui, à côté de son grand meuble, a une bibliothèque-étagère d’une assez jolie forme, en ébène et en bois noir garni de cuivre; Weiber-Pitetti, Klein , Beaufils de Bordeaux et aussi Ribaillier (Pierre), qui a le buffet le pluscolossal de l’Exposition, avec quatre figures étourdissantes de sculpture, symbolisant les quatre parties du mond'e. Je dis Pierre, car cette famille des Ribaillier est féconde en bons ouvriers ébénistes, comme nous pourrons le faire observer plus loin.
- Sicard, de Lyon, a exposé un petit meuble en ébène avec quelques sculptures c’est un mélange assez adroit de sacré et de profane ; la religion et la coquetterie y trouvent chacune leur compte. Si vous êtes d’humeur dévote, vous développez le panneau du haut qui présente' dans son encadrement un Christ, puis vous tirez un prie-Dieu dé la partie basse avec un coussin et tous ses accessoires. Si, au contraire, Votre esprit est dans des dispositions mondaines, vous faites1 rentrer, par le moyen d’un mécanisme, le Christ à l'intérieur et le revers vous présente un miroir; Ce qu’il y a de plus jo'lî dans ce petit meuble, c’est un bureau en écaille garni d’argent, que vous trouverez, mesdames, tout à fait galant.
- La province compte donc aussi quelques bons ouvriers parmi lesquels nous citerons Bbaufils, de Bordeaux, et Dau-bet et Dumarest, de Lyon.
- Le premier fait un commerce considérable d’exportation avec l’Amérique; ses produits sont en général simples et d’une bonne confection ; il les livre â des prix assez modérés. Les lits à baldaquins me paraissent tout à fait à la mode cetle
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- année ; sur sept ou huit, à peinç compte-t-on à l’Exposition un lit ordinaire ; les mieux traités sont ceux de Maire, de Sut-ter, de Semey et de Gélot ; ils sont en bois de rose et palissandre, en bois noir sculpté et en palissandre orné de médaillons en cuivre.
- Parmi les meubles simples, il faut remarquer ceux d’Albert Roussel; un petit buffet-dressoir de salle à manger, en noyer, dont quelques panneaux sonttrès-finementgravés; l’ensemble est sobre de sculpture, mais le peu qu’il y en a est bien exécuté ; une armoire à glace, en palissandre, avec bois de citron à l’intérieur.
- Salomon a un bureau à quatre faces, en noyer, avec filets en poirier noirci qui eût été charmant si l’on eût oublié d’y mettre des sculptures.
- Diehl est un ouvrier très-ingénieux ; sa psyché mécanique mérite l’attention des dames, qui peuvent avec son secours embrasser d’un coup d’œil tout l’ensemble de leur toilette. II expose encore une table en marqueterie, qui se développe et peut former étagère à trois planches.
- Roudillon est tout nouveau dans la fabrication ; il succède à une maison (Ringuet-Leprince) qui l’oblige à de grands efforts s’il veut maintenir sa réputation; il semble du reste entrer complètement dans cette voie , et il débute par une cheminée très-remarquable en chêne, dans le style Louis XIV, et qui doit faire partie d’une décoration complète de salon, comme l’indiquent deux panneaux qui l’accompagnent et qui sont destinés à recevoir des tapisseries ; la sculpture de cette cheminée est une des plus soignées de l’Exposition , et, dans le cartouche de la pendule qui forme le centre de l’ornementation, on a mis un magnifique cadran en émail, de Sèvres. On n’a que des éloges à donner pour le dessin et l’exécution de ce travail dans son ensemble et dans ses détails.
- A côté se trouvent d’autres meubles de sa fabrication ordinaire, qui contribuent à lui donner une place distinguée parmi ses confrères; je citerai particulièrement une commode en bois de rose et palissandre avec moulures dorées unies, style Louis XVI, qui est d’un goût exquis.
- Sauvrezv est un de ces habiles découpeurs de bois dont nous parlions^ en commençant : il expose une console assez
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- fine et d’un bon style Louis XYI, en poirier, sans dorure et sans apprêt, afin qu’on en puisse mieux juger le travail; un charmant écran taillé dans le palissandre massif et un grand bureau plat en chêne blanc, avec des moulures en poirier noirci, auquel il manque foft peu de chose pour être un meuble remarquable. Les traverses et les pieds en sont lourds; puis, je ne sais par quelle idée de mauvais goût il y a ajouté des pierres fausses qui lui donnent un air de clinquant déplorable. Est-il donc si difficile d’être simple?
- Le meilleur fauteuil de l’Exposition est. sans contredit, dû au ciseau léger des ouvriers de Jeanselme jeune; il n’v a rien à y reprendre : le style Louis XVI en est pur et le travail excellent.
- Une innovation très-ingénieuse a été apportée par Rivart dans l’incrustation des meubles : elle consiste dans l’application de porcelaines peintes et découpées qui forment ainsi des tableaux de fleurs et qui remplacent avec avantage, dans certains cas, la mosaïque ordinaire de bois, en permettant de confier à des artistes distingués la décoration des meubles.
- L’association des ébénistes a survécu à tous les essais qui ont été faits en ce genre : son succès offre un exemple qui donne la mesure de ce que peut produire ce principe bien dirigé, dans les mains d’ouvriers honnêtes et laborieux. Elle se divise en deux associations distinctes : celle des ouvriers ébénistes en sièges et celle des ouvriers ébénistes en meubles. Ces derniers ont exposé cette année une bibliothèque-étagère, à deux corps, en palissandre. C’est un meuble dans de bonnes et sages proportions, d’une sculpture soignée et d’un travail d’assemblage sans défaut, comme ils ont l’habitude d’en composer; il faut leur savoir gré d’avoir su résister à l'entraînement qui a poussé un grand nombre de leurs confrères vers l’exagération dans la sculpture.
- Lemoine a succédé à la maison Marchand , excellent fabricant, dont il a conservé les traditions. Son meuble d’appui pour salon, en bois de rose avec incrustation d’étain gravé , est une charmante chose qui mérite qu’on s’y arrête et qu’on en examine les détails. Est-ce bien le même fabricant qui a composé et dessiné cette armoire à glace, prétendue gothique, en bois noir? Oui; mais conseillons-lui de s’abstenir de pareilles erreurs à l’avenir. Parmi toutes ces sculptures qui
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- foisonnent il faut certainement distinguer celles du meuble de Ribaillier et Mazaroz, à cause du fini de l’exécution ; c’est un des meilleurs ouvrages produits par rébénistèrie française : il a mêlé dans la frise et dans les panneaux des peintures sur or d’un effet discutable, mais que, pour notre compte, nous ne saurions blâmer.
- Dagrin et Philippe ont exposé, au milieu de fauteuils au moins bizarres, un beau meuble de chambre à coucher en incrustation de Boule; le lit est, avec celui de Roll, le plus soigné comme travail et comme goût.
- Citons encore deux meubles qui se trouvent dans la salle des nécessaires : celui de Viardot, en noyer, dont les sculptures délicates s’appliquent si bien aux petits objets de fantaisie qui l’accompagnent, et celui de Dupont, un des plus remarquables que nous ayons vus dans notre longue et intéressante promenade. C’est un bureau à cylindre , dans le style Louis XVI, couvert de cuivres ciselés avec une finesse tout exceptionnelle et avec une profusion étourdissante; il y en a devant, derrière et sur les côtés : l’intérieur est aussi d’un goût très-pur. Toutefois, disons-le, nous mentionnons ici l’objet et non le fabricant, car Dupont n’est pas ébéniste, c’est un monteur en bronzes qui, par conséquent, n’appartient pas à la classe que nous traitons en ce moment.
- Krieger ,est depuis longtemps célèbre pour ses meubles à surprises : tantôt c’est un fauteuil qui a de quoi satisfaire tous les besoins de la vie; une autre fois c’est une toilette qui verse l’eau d’elle-même, un tableau qui contient un portemanteau, que sais-je encore? Cette année il a exposé une armoire à glace renfermant un lit tout monté, avec son baldaquin et ses rideaux. Le mécanisme en est ingénieux et facile à manœuvrer. Il n’y a plus de petits appartements.
- Bouquet a triomphé, je.crois, des difficultés que présentaient jusqu’à présent les tables-guéridons comme tables à manger; lorsqu’on voulait mettre les rallonges, il fallait toujours se donner beaucoup de peine et les pieds supplémentaires étaient incommodes et impossibles à cacher. Au moyen d'une manivelle tournante, il déploie aisément sa table, et les pieds, qui sont cachés à l’intérieur, viennent d’eux-mêmes s’abattre à la place qu’ils doivent occuper.
- Voici encore un bureau sortant, rentrant, s’allongeant,
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- contenant caisse, casier à cartons, casier à registres, bibliothèque,, tiroirs, encriers, tables pour quatre personnes; César, aidé de ses trois secrétaires, y aurait facilement pu faire son courrier. Aujourd’hui ,M. Camus ,(.n° 7&97), son inventeur, le destine aux administrations, aux maisons de commerce, à toute personne enfin voulant renfermer, dans un petit espace, un grand matériel d’employés. Point de luxe, point d’ornements, c’est un meuble utile.
- Rossi a quelques jolis sièges ; ils sont rares dans l’Exposition.
- Kneib a apporté une bibliothèque-étagère en noyer, bien et simplement traitée.
- Jl y a dans le passage de jonction , entre le bâtiment principal et le Panorama, une charmante table-guéridon appartenant à Gros.
- La marqueterie se fabrique avec les bois naturels de diverses natures, et avec les bois teints én grume par le procédé Boucherie.
- Cremer ,a fait faire de grands progrès à la marqueterie; c’est un découpeur des plus habiles, à la scie délicate duquel sont dus la plupart des meubles de ce genre qui ont été exposés par les différents fabricants. Il ne fait pas du tout l’ébénisterie, il découpe seulement les bois de diverses couleurs, les assemble, les colle et en compose des panneaux que les ébénistes mettent ensuite en œuvre. 11 a inventé aussi un nouveau genre de plaques imitant le travail de Boule, et qui peuvent être appliquées à toutes sortes de meubles, en permettant de les donner à des prix beaucoup moindres que le Boule véritable. Le principe de cette invention est du à la galvanoplastie, qui reproduit exactement une plaque modèle, en cuivre , dans laquelle on a pratiqué des creux que l’on remplit ensuite avec une pâlB destinée à remplacer l’écaille, qu’elle imite assez exactement.
- Wasmus, marqueteur habile au-si ,.ne travaille que‘d’après les procédés anciens, qui consistaient à brûler les bois pour leur donner différentes teintes. Il a exposé dans ce genre une commode dans le passage de jonction ; cette commode est bien faite.
- Les laques, que les Chinois travaillent avec .une incontestable supériorité, occupent aussi une place distinguée dans
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- l’industrie française, qui en trouve le principal débouché dans son commerce d’exportation ; l’Amérique consomme à elle seule plus des trois quarts de la fabrication.
- Cette fabrication consiste dans l’application d’un vernis copal sur du bois qu’on a soin de choisir très-poreux pour qu’il s’imprègne mieux du vernis, et alors elle prend le nom de laque proprement dit, ou sur une pâte pétrie dans des moules, c’est ce qu’on appelle le papier mâché ; ce dernier sert particulièrement à la composition de petits meubles, de boîtes, de coffrets et de plateaux. Le beau brillant qui les distingue est dû au nombre des couches de vernis qu’oh y applique (les plus beaux laques n’ont pas moins de seize à dix-huit couches); on a soin de les faire sécher au feu après chaque opération de vernissage, on les décore ensuite avec de la peinture, de la nacre, et surtout de la dorure, et enfin on leur donne le poli en les frottant avec la maip, jusqu’à ce que le brillant soit parfait.
- L’Angleterre a joui longtemps d’une réputation, suivant nous peu méritée, pour son papier mâché, dont la décoration est toujours lourde et d’un goût discutable.
- Osmont a exposé des pièces très-remarquables en ce genre, et qu’on ne retrouve nulle part dans la fabrication européenne. Son paravent est comparable aux produits chinois, dont il approche et qu’il égale presque; son meuble de chambre à coucher présentait de grandes difficultés à cause des nacres qu’il a appliquées sur des parties courbes, il en .a très-heureusement triomphé ;enfin, sa peinture est. bien traitée.
- Parmi ses concurrents, Ducoroy, Drugeon et Mainfroy ont aussi des pièces intéressantes, et le dernier mérite une mention pour les bas prix auxquels il peut livrer ses produits.
- Cosson a 'envoyé Un très-beau billard en marqueterie. Cette marqueterie, sortie des ateliers de Cremer, est tout à fait digne de la réputation de son auteur.
- Bouhardet expose aussi deux beaux billards, et de plus il présente un nouveau système de bandes formées de lames de bois reliées ensemble par une baleine, de manière à les rendre solidaires, l’une et l’autre, dans l’effet qu’elles impriment à la bille. C’est aux professeurs à juger de la justesse de cette invention que nous nous contenterons de signaler sans l’apprécier. t-
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- Après les billards de luxe, citons aussi.celui de Godin, en chêne très-simple, et qui pour cela mérite d’être distingué.
- Les bois de nos possessions d’Afrique sont venus apporter à i’industrie un nouvel élément que nos ébénistes ne manqueront pas de mettre à profit dans l’avenir. Les essais tentés cette année sont très-heureux, et l’intéressante collection exposée dans la galerie du quai par les soins du ministère de la guerre donne une idée du parti qu’on peut tirer du thuya, de l’olivier et du houx d’Afrique.
- Jusqu’ici, excepté pour le noyer et le chêne, nous étions tributaires de l’Amérique pour toutes les matières premières destinées au placage, dont l’usage remonte à la fin du xvne siècle. Espérons que les trois bois que je viens de citer pourront remplacer, dans beaucoup de cas, l’acajou, le palissandre, le bois de rose et l’ébène, dont on s’est presque exclusivement servi jusqu’à ce jour.
- Hoeffer a su très-habilement marier ces bois dans les meubles, par lui envoyés au Fanorama, et dans l’exposition de l’Algérie.
- Le domaine du tapissier s’étend jusque dans les coins les plus obscurs de nos appartements; la garniture des sièges, des rideaux et des jmrtières, avec ses galons d’or et de soie, tout cela est de son ressort.
- Le goût est le principe sur lequel "repose tout entier l’art du tapissier; c’est assez vous dire que cette industrie est essentiellement française. Où trouver ailleurs la charmante décoration composée par Deville : draperie et choix des étoffes, arrangement des passementeries? Où jettera-t-on avec autant de grâce les charmants riens avec lesquels Descartes a orné son lit et le plafond de son exposition?
- Terminons cette longue nomenclature des meubles français en appelant l’attention des promeneurs sur les meubles en fer de Dupont, de Brag , de Huret et de Tronchon.
- Mettre de l’élégance dans la fabrication des lits en fer, c’était difficile; ils y ont réussi : Dupont, avec son grand lit à baldaquin, et tous trois avec leurs barcelonnettes garnies qui feront envie à toutes les mères.
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- Ébénisterie étrangère.
- L’ébénisterie anglaise a généralement un aspect qui diffère entièrement des nôtres, et qui, si nous en jugeons par les produits exposés, comporterait difficilement l’élégance. Graham, de Londres, a pourtant exposé dans la nef un magnifique meuble en ébénisterie de bois de rose, avec quelques parties de marqueterie, surmonté d’une glace richement entourée d’un cadi’e sculpté et doré. Le dessin de ce meuble est dù .à Eugène Brigneaux, il y a quelque temps dessinateur de la maison Fourdinois, et maintenant attaché à celle de Graham : il est du plus beau style Louis XVI, délicat et ferme, comme on savait les composer à cette époque.
- L’ébénisterie, qui est bien traitée, est tout entière l’ouvrage des ouvriers anglais, ainsi que la dorure du cadre, -qui est extrêmement bien faite et dont le ton s’harmonise admirablement avec la dorure des 'bronzes; quant à la ciselure, elle sort en grande partie des ateliers français. Quoi qu’il en soit, ce meuble fait le plus grand honneur à l'intelligent fabricant qui l’a fait exécuter. Nous nous permettrons de lui adresser un reproche sur le choix des médaillons de porcelaine , dont les tons sont crus et dont le dessin est médiocre.
- Dans cette partie de l’exposition anglaise , qui est très-pauvre, il faut l’avouer, on trouve encore un cabinet en bois noir, bien exécuté par Holland. Il a eu le tort, suivant nous, de faire entrer dans son ornementation des grisailles qui s’accordent mal avec le genre du meuble.
- Hansen, de Copenhague, a envoyé une bibliothèque en chêne très-bien travaillée, dans le style gothique.
- Les chaires hollandaises dans le même style, qui sont exposées dans la nef, sont très-éludiées, et l'exécution des figures et des rinceaux est parfaite; les sculpteurs qui ont apporté leur talent à ces deux pièces remarquables , même au point de vue de l'architecture et de l’archéologie, sont d’habiles artistes.; elles figurent au catalogue sous les noms de MM. Cuy-pers et Stolzemberg, de Ruremond, et de Nenemao, de Bois-le-Duc.
- Les autres- pays n’ont rien dans cette section qui mérite d’être signalé. L’Inde qui, si souvent, l’emporte sur des pays
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- d’une civilisation plus avancée, est restée pour la sculpture à l’état sauvage ; mais elle rachète ce défaut par le travail délicat de ses mosaïques d’ivoire et de bois que personne n’a encore pu égaler, pas même Marcelin, qui a exposé quelques jolis échantillons d’imitation en ce genre dans l'exposition française, qui conduit au Panorama. Plusieurs de ses parquets sont des chefs-d’œuvre de dessin, et personne, mieux que lui, ne sait combiner les lignes et marier les bois. Ses boiseries pour l’intérieur des navires et des bateaux à vapeur, forment une décoration très-agréable, et tout à fait applicable à l’usage auquel elles sont destinées.
- Coffrets et nécessaires.
- L’industrie des coffrets, où la fantaisie règne en souveraine, est essentiellement une industrie parisienne; le goût dirige leur forme et préside au choix des bois et des bronzes qui les composent.
- L’industrie des nécessaires est plus particulièrement d’origine anglaise ; longtemps Londres n’eut pas de rivaux dans cette fabrication. Aujourd’hui, Paris lutte avec elle et lutte avec avantage, même pour tous les articles de maroquinerie. Aucoc est, sans contredit, le premier fabricant d’orlevrerie de nécessaires ; le fini de ses pièces comme ciselure et comme guilloché est très-remarquable. Est-il rien de plus riche, de plus délicat, de plus gracieux tout à la fois, que son nécessaire de vermeil avec cette charmante guirlande d'ors de différentes couleurs.
- Il expose encore un nécessaire en argent guilloché, dont les flambeaux sont délicieux ; ils représentent un pied de roseaux surmonté d’un nid destiné à recevoir la bougie.
- Tahan est le metteur en œuvre de tous les fabricants réunis dans cette salle; il va les chercher ailleurs encore , partout où il y a un ouvrier de talent, il frappe à la porte et sait se faire ouvrir. Son talent, à lui, est de savoir choisir, de s’approprier le talent des autres, de le diriger et de le faire servir à ses affaires sans nuire à leur intérêt, soit qu’il fasse des commandes d’après ses dessins, soit qu’il leur achète leurs œuvres déjà faites.
- Aussi, voyez ; son exposition embrasse toutes les branches :
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- nécessaires garnis, tables à ouvrage, coffrets de toutes sortes, jardinières, caves à liqueurs, cages, prie-dieu, buvards , enfin , les mille petits riens qui ne sont quelque chose que par le goût avec lequel ils sont traités, il butine de tous côtés. D’ailleurs, fabricant lui-même, il a des ouvriers qu’il dirige et qu’il emploie, des ouvriers habiles qui produisent cette belle bibliothèque en acajou, avec cuivres dorés si riches et si bien ciselés : c’est du Louis XVI d’une exubérance peut-être regrettable ; tant de bronzes donnent de la lourdeur à ce meuble, dont toutes les parties sont soignées jusque dans l’intérieur, qui est couvert de marqueterie.
- Giroux est le seul concurrent sérieux de Tahan, c’est le même principe étendu aux jouets , aux bronzes et aux tableaux. Sa spécialité, c’est de vendre de tout. La jardinière-cage qu’il expose est d’un style ravissant, et ses proportions bien combinées, ses bronzes bien disposés, nous la font préférer à celle de Tahan qui, du reste , est plutôt une volière. La sculpture de son écran doré manque de légèreté, la peinture en est fine et bien choisie; une belle pièce encore, c’est son jeu d’échecs en argent.
- Puisque nous voici dans son voisinage, un mot sur Jean-selme aîné, l’un des premiers ébénistes de Paris. Disons que, quoique belle, son exposition n’est pas à la hauteur de sa réputation; très-certainement il fait mieux que ne promet cet échantillon^ si vous voulez vous en convaincre, visitez ses ateliers, et vous trouverez dans sa fabrication ordinaire des pièces moins riches, mais meilleures que celles qu’il a dans la nef.
- Cette digression achevée, retournons aux nécessaires.
- Audot, avec des nécessaires dont l’un est garni en vermeil émaillé d’un très-bon goût, expose encore des petits meubles de dames ; l’un d’eux a été fait avec du bois de thuya : c’est un bureau surmonté d’un cartel, il a été disposé sur tout dans le but de prouver qu’avec ce bois on peut vaincre les difficultés du placage : il a des enroulements bien compris et bien exécutés.
- Pour qu’un nécessaire soit commode, il faut qu’il présente à l’œil et d’un seul coup tout ce qu’il contient, qu’on puisse prendre les pièces et les remettre aisément : ceux de Sormani remplissent parfaitement ces conditions, et méritent pour cette
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- raison qu’on les recommande ; il en est de même de ses sacs de voyage qui renferment sous un petit volume tout ce dont on peut avoir besoin; l’industrie anglaise elle-même n'en offre pas de mieux disposés.
- Laurent et Leruth sont, de tous les fabricants de coffrets, ceux dont l’ébénisterie est la plus soignée ; on peut donc citer toutes les pièces de leur exposition si variée dans ses. formes, commq de véritables modèles en ce genre.
- La maison de Midoc et Gaillard est remarquable pour le Soin qu’elle apporte à la maroquinerie ; les peaux sont bien choisies et bien travaillées, et les consommateurs qui ne peuvent atteindre aux nécessaires en ébénisterie, dont les prix sont toujours assez élevés, trouveront dans leurs magasins de quoi satisfaire tout à la fois leur goût et leur économie. Us ont dans leur vitrine un nécessaire-pupitre en maroquin qui répond à tous les besoins du voyage , pour la toilette et la correspondance. Jusqu’ici l’Écosse seule produisait cette multitude de petits objets quadrillés à la couleur des différents clans : Genez a très-heureusement imité cette fabrication ; il l’a aussi reproduite sur cuir verni, ce qui permet de l’appliquer à des objets nouveaux, tels que sacs à ouvrages, pantoufles, etc. Les étuis à cigares, les porte-monnaie, les portefeuilles, nous venaient, il n’y a pas bien longtemps encore, de l’Allemagne; maintenant nous les fournissons à l’Allemagne et nous les répandons dans tout le monde, grâce aux améliorations intelligentes, nous dirons presque aux inventions que Schlosse y a introduites; son système de fermeture, pour lequel cette maison a un brevet, les rend commodes et solides à la fois. Chacun trouve chez ce fabricant quelque petit objet élégant à son usage : dames, voyageurs et fumeurs pourront y satisfaire leurs goûts, leurs fantaisies et leurs besoins. Comme nouveauté, il a exposé un sac de nuit renfermant une table, dont l’usage est applicable aux chemins de fer.
- Coffrets et nécessaires étrangers.
- L’Allemagne, qui avait autrefois une grapde réputation pour sa maroquinerie, est aujourd’hui tout à fait dépassée par la France et par l’Angleterre, non pas qu’elle ait cessé de bien fabriquer ; elle travaille toujours très-bien le cuir, et ses
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- portefeuilles unis sont encore parfaits, comme nous le voyons chez Klein, de Vienne, et chez Couda Scheidet et Cie, de Francfort; mais ses deux rivales ont apporté dans la confection de ces objets, comme nous le disions en commençant ce paragraphe ,. des perfectionnements qui les rendent plus appropriés à: nos usages. Les fabricants anglais de-cette section ont tous exposé des sacs , des trousses et des nécessaires portant le même cachet ; il ne nous a pas semblé qu'il y ait chez eux rien de nouveau ni rien de bien différent dans les formes. Leuchars nous paraît être celui qui a le mieux réussi dans l’exécution , et celui dont les produits sont le plus soignés*.
- La maison Delarue est la maison la plus importante, comme affaires , de tout le commerce de la papeterie de luxe. Nous avons parlé ailleurs de sa machine à enveloppes, dé ses papiers irisés et de mille détails dans lesquels elle excelle : nous y ajouterons ici un mot relatif à sa maroquinerie de bureau ; elle est fort soignée comme travail dn cuir,, et en outre comme formes et comme application de chacun de ces objets à l’usage, il n’y a que des éloges à donner à ces industriels. Le travail de leurs cartes à jouer, dans la partie qui remplace nos tarots, est fort bien traitée, et le lissage est si parfait quelles se salissent très-difficilement et qu’elles supportent même un lavage.
- L'Amérique a appliqué l’usage de la gutta-percha et du caoutchouc durci à la fabrication des meubles. Jusqu’à présent rien ne semble promettre que ce soit là une innovation heureuse; cependant il ne faut pas trop se hâter de la condamner, peut-être que des ouvriers habiles pourront en tirer parti. Ringuet-Leprince, un de nos bons ébénistes , a vendu sa maison à Paris et en a monté une à New-Yorck; il a apporté-, comme échantillon de ses produits américains, un buffet d une belle exécution, q.ui prouve qu’une bonne direction dans l'industrie peut produire d’heureux résultats.
- Papiers peints.—C’est une erreur de demander à une industrie plus ou autre chose que ce qu’elle peut donner; faire des tableaux en^ papier peint,, c’est un tour de force peut-être, mais le résultat est un produit qui est tout à la fois une mauvaise décoration et un mauvais tableau. Jusqu’à présent, on a’était borné à faire des* panneaux de fleurs ; cela était, à un
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- certain point tolérable. Cette année, les principales maisons ont exposé des scènes à personnages, et ont, suivant nous, avec les moyens encore1 incomplets de la fabrication des papiers peints, eu tort, non pas de l’essayer, mais de nous montrer ces essais qui sont très-chers et n’ont qu’un effet médiocre. Chercher par des teintes plates à rendre1 les tons elles reliefs de la peinture, c’est manquer le but de l’art,dont les trois conditions principales sont, avec la composition'heureuse, la correction du dessin, la justesse de la perspective et l’harmonie des tons.
- Il n’y a, à-vrai dire, de papiers peints que ceux sortis dtes fabriques françaises. Nos industriels de cette section ont des dépôts dans tous les pays étrangers, et leurs produits sont recherchés pour le goût qui les distingue ; on a fait des essais infructueux pour les imiter, même avec le'secours de nos meilleurs dessinateurs. Nous n’avons donc pas à craindre de concurrence.
- Il y a d'ans cette section un produit complètement nouveau, dû à la maison Genoux, et nous nous plaisons d’autant plus à le signaler, que son application rentre tout à fait’ dàns les conditions que nous demandions en commençant aux papiers peints.
- Avec le papier de tenture, on n’était parvenu jusqu’à ce jour qu’à imiter imparfaitement les effets' donnés par les étoffes; des efforts tentés dans ce sens par M. Genoux ont été couronnés d'un plein succès. Il a su donner à cette fabrication nouvelle l'aspect des brochés de toute nature, soie, or ou argent; le broché de soie, couleur sur couleur, nous a surtout frappés par sa finesse, la perfection du travail et' le goût qui règne dans l’ensemble. Il y a un parti merveilleux à tirer de ces sortes de tentures pour la décoration des appartements, et nous félicitons l’ingénieux inventeur de ce procédé, qui'est très-simple,, et qui, par conséquent, n’est pas très-coûteux dans ses résultats,
- M. Genoux a eu à décorer, avec ses produits, la salle où Fourdinois expose sa cheminée renaissance, merveille de sculpture et de goût qui confirme à cet habile ébéniste la réputation qu’il avait acquise à Londres. Il a parfaitement tenu la promesse que nous faisions pour lui dans la première partie de ce travail ; ce qu’il a envoyé depuis le commence-
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- ment de l'impression de ce livre surpasse tout ce que l’on pouvait espérer, et ce mélange de marbre, de bois et d’or mérite que nous revenions sur ce que nous avions dit déjà pour le signaler d’une manière toute spéciale à l’attention des visiteurs du Palais de l’Industrie.
- Nous ne terminerons pas cet article sans dire un mot des maisons Zuber et Délicourt, ces maisons considérables, et depuis si longtemps connues dans l’industrie des papiers peints.
- Quoique nous ayons commencé par donner notre opinion très-franchement sur l’inutilité des tableaux en papier peint, nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître tout le talent qu’il y a dans ce panneau, reproduction d’un tableau de Muller, qui représente la jeunesse, et qui, dans ce genre, va plus loin qu’aucun autre produit analogue des concurrents de M. Délicourt.
- Stores.— L’industrie.des stores a pris depuis quelques années un développement considérable, et ses progrès ont été en raison directe de ce développement. On est arrivé à composer dans ce genre de véritables tableaux pleins de grâce et de finesse, dont le commerce d’exportation s’est emparé; nos produits se sont répandus promptement dans les pays chauds qui décorent avec eux l’intérieur de leurs maisons.
- Bach-Perès et Hattat sont les deux fabricants les plus considérables dans cette partie. Le premier surtout, mérite une distinction particulière pour le goût et l’appropriation qu’il apporte dans le choix de ses sujets et pour la façon dont il les traite.
- Vitraux. — Ce n’est qu’au xir et au xiii* siècles qu’on peut faire remonter la science des peintres verriers. On se servait alors pour leur composition de petits morceaux de verres de diverses couleurs, mais chaçjm d’un seul ton dont on faisait un travail de mosaïque en les réunissant ensemble par des bandes de plomb. C’est ce qu’on pourrait appeler peinture dans la masse; la richesse des tons en était éblouissante lorsque le soleil venait jouer au travers. Pour donner les ombres, on rehaussait les couleurs par des noirs. Toutes les fenêtres de nos églises gothiques étaient ornées de cette manière, et assez de modèles ont survécu aux mille chances de destruction pour que nous en puissions admirer la beauté.
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- Plus tard, du xvi' au xvn° siècle, on a peint sur le verre blanc, avec des couleurs vitrifiables appliquées au pinceau et cuites à la moufle. C’est dans cette manière qu’ont été composés les beaux vitraux de la renaissance, comme le jugement dernier, qui avait été fait par Jean Cousin pour la chapelle de Vincennes.
- Aujourd’hui on les compose dans un genre mixte.
- A en juger par les échantillons que nous avons sous les yeux, les peintres français sont très-supérieurs à ceux des autres pays. L’escalier nord-est renferme les plus belles parties de cette section.
- Gerente est celui qui a le mieux étudié le style du xme siècle ; son dessin est, je ne dirai pas le plus correct, car ce n’est pas la correction qu’il faut chercher dans les travaux de cette époque, mais.le mieux imité ; sa couleur est belle et ses cartons bien composés. Il a concouru à la restauration de plusieurs de nos vieilles églises, et a parfaitement réussi.
- L’échantillon duxin' siècle de Veissière est d’un très-grand mérite. Le meilleur éloge qu’on puisse en faire , c’est que plusieurs de ses collègues ont pris son travail pour de vieux vitraux. Il en a un aussi du xve siècle qui est fort beau.
- Vincent Larcher est encore un très-bon verrier ; il a exposé une fenêtre destinée à la cathédrale de Troyes, d’une disposition très-heureuse et d’une bonne qualité de vitraux, style du xme siècle.
- Lobin de Tours, Dideron, Oudinot ont tous des morceaux distingués dans leur exposition, mais ne sont pourtant pas sans encourir quelques reproches. Dideron surtout, qui, à côté de très-grandes qualités et d’une étude savante des styles, a le défaut de faire laid.
- Marchai, à chaque extrémité de la nef, a placé deux vitraux qui font partie de la décoration -du palais; ce travail a subi des,critiques très-sévères et qui ne sont pas toutes méritées. On n’a pas assez tenu compte à l’artiste des difficultés qu’il avait à vaincre, et dont la plus considérable était d’avoir des vitraux éclairés des deux côtés; ordinairement les fenêtres ne sont éclairées qu’à l’extérieur; ici, les peintures, pour ainsi dire baignées dans la lumière, manquent d’effet et de transparence.
- Dans la partie anglaise, il y a quelques vitraux héraldiques 206 vv
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- assez bien traités, mais trop pâles ; ils font partie de la décoration du palais de Westminster.
- CLASSE XXY.
- Confection des articles de vêtement. — Fabrication.des articles de mode et de fantaisie.
- Les produits que nous allons passer en revue dans ce chapitre peuvent être répartis en deux groupes distincts. Le premier constitue l’industrie du vêtement ; dans le second, nous trouvons une série d’objets moins importants en eux-mêmes* mais qui contribuent cependant au bien-être de1 la vie usuelle'.
- Tandis que dans les grandes nations civilisées le costume est ou tend à être partout le même , qu’il emprunte ses éléments aux mêmes matières, qu’il affecte des formes extrêmement analogues, chez les peuples qui ont conservé leur individualité primitive, on constate des variétés infinies de substances, de couleurs et de formes. Voyons à jeter un coup d’œil sur ces produits qui échappent, comme on le conçoit, à tout examen comparatif, mais.dont l’étude est pleine d’intérêt au point de vue ethnologique et artistique.
- Les possessions maritimes de l’Angleterre nous offrent un riche contingent. Ici l’Inde, cette pa trier du luxe, nous montre ces longues tuniques toutes ruisselantes de broderies d’or et d’argent, de paillettes qui miroitent en traçant ces grandes palmes aux gracieux contours, ces brillantes coiffures émaillées de pierreries et ornées de blanches et soyeuses aigrettes; des écharpes, des ceintures dont l’Europe paye à grands frais le tissu souple et moêlleux.
- Plus loin, c’est l’Australie, la terre de Van-Diémen. Ici, plus de luxe, quelquesmoiffures de paille, d’autres ornées de longues plumes sans apprêt; pour vêtement, des peaux préparées avec ou sans le poil et parées^ de coquillages, de dents, des plumages de diverses couleurs.
- Le Canada nous présente d’épais vêtements de pelleteries,
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- des mocassins, des; ceintures de guerre qui font songer aux Mohicans de Cooper. Puis viennent l’Algérie, avec ses longs burnous,, ses jolies broderies d’or sur velours; Tunis avec ses pelisses et ses vestes brodées, ses fines écharpes pour turbans. La majeure partie de ces vêtements est fabriquée par des Juifs et des Maures, et portée par eux.
- L’Égypte et la Turquie ont envoyé aussi des vêtements brodés et quelques jolies coiffures de femmes-. Un costume complet d’Albanais frappe les yeux du visiteur par la régularité de travail de ses broderies soutachées..
- Les produits^ vestiaires envoyés par les grandes nations de l’Europe et de l’Amérique: demandent un examen plus détaillé,, pour lequel il convient d’adopter les divisions du Catalogue.
- Vêtements confectionnés pour hommes et pour femmes. Cette industrie représente en France et en Angleterre, tant pour la consommation intérieure que pour i’exportation, une somme de capitaux considérable. Le chiffre d’exportation de l’Angleterre s’élevait, en 1850, à plus de vingt-deux millions de francs; celui de la France n’atteignait pas tout à fait vingt millions. Cette différence s’explique par l’infériorité de-prix des produits anglais.
- Malgré cette:énorme production, les exposants de cette section. sont’ peu nombreux. Les tailleurs qui fabriquent sur mesure n’ont rien envoyé, exception faite de la Prusse et de l’Autriche. L’exposition française n’est représentée que par quelques maisons de confection de Paris* qui ne nous ont offert rien, de particulier à mentionner. Nous devons cependant noter quelques faits remarquables dans les produits de cette section.
- La couture: à la mécanique, faite par les machines à coudre, que l’on peut voir fonctionner tous les jours danslePalais'de l’Annexe, est l'innovation la plus frappante de cette exposition. La maison Callebaut, qui emploie les machines Singer de New- York, a envoyé des spécimens de pantalons et de paletots , cousus d’une manière très-solide, dans l’espace d’une demi heure, une heure, une heure et demie; ces machines faisant en moyenne deux cent cinquante points à la minute. Il y a là toute une révolution pour les industries de couture.
- Les vêtements imperméables, dont la consommation tend
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- chaque jour à s’accroître, nous ont donné la preuve des efforts constants que font les fabricants pour les approprier à nos besoins et à nos usages. Les vêtements de ce genre, envoyés par la maison Lucas , de Londres, sont fabriqués d’étoffe de drap, revêtue à l’intérieur d'une couche de caoutchouc cachée par la doublure; ils ont donc l’avantage d’offrir le même aspect et la même souplesse que nos pardessus habituels.
- On a fait quelques tentatives pour fabriquer des vêtements de feutre sans coutures : nous en avons vu dans l’exposition des différents pays. Mais ceux qui offrent le plus de souplesse et le plus de légèreté appartiennent à M. Salvan de Chatou (France). Ces produits ont, en général, l’inconvénient de conserver l’empreinte des plis d’une manière trop durable.
- M. Cavy, fourreur à Nevers, a exposé des paletots en fourrures indigènes, de soixante et de quatre-vingts francs, qui nous ont paru offrir toutes les garanties désirables de solidité et d’imperméabilité.
- Un exposant autrichien, M. Frank, de Vienne, montre des costumes nationaux de Hongrie et de Valachie, des gubas, des sziers, curieux parleurs couleurs variées .et leur incroyable résistance.
- La confection des vêtements de femme consiste, surtout à l’Exposition universelle, en manteaux, mantelets, écharpes, robes de cour et de bal, qui luttent de richesse et d’élégance. Plusieurs maisons de Paris occupent le premier rang : la maison Gagelin , déjà récompensée à Londres d’une manière exceptionnelle ; la maison Delisle, la maison Bouillet, et la maison Cremière-Large ont envoyé de magnifiques produits. Les plus belles étoffes de soie, de velours, de magnifiques dentelles, des broderies d’une merveilleuse exécution, tels sont les éléments de ces produits luxueux de l’industrie de Paris. Le chiffre des affaires en ce genre était, en 1847, de 8 000 000 de francs, et tout porte à croire que ce commerce doit avoir pris dans ces dernières années des proportions considérables.
- Nous avons remarqué en Autriche de jolies sorties de bal, faites de cet admirable drap blanc que les Autrichiens fabriquent si bien , et ornées de broderies de soie de couleurs variées. Ces produits qui sont envoyés par MM. Laporta et Dimi-
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- triewitz présentent un certain caractère de terroir qui ne manque pas d’élégance.
- En somme, la France soutient la lutte d’une manière avantageuse pour les vêtements d’hommes, et occupe incontestablement le premier rang pour la confection des vêtements de femmes.
- Lingerie.—Nous aurons à répéter pour la lingerie ce que nous disions des vêtements confectionnés ; malgré l’excessive importance de ce commerce à Paris et à Londres, nous n’avons remarqué rien de nouveau. Que dire, en effet, des chemises-gilets, des chemises-cravates, des devants de chemise à double face, et d’autres systèmes de cette nature complètement en désaccord avec la simplicité indispensable de ce vêtement. Quelques tentatives heureuses ont cependant été faites par divers chemisiers pour améliorer la coupe , soit en la rendant plus facile, soit en disposant les coutures de manière à résister davantage dans les points de fatigue. Nous avons été frappés du bon marché de certains produits; plusieurs exposants ont envoyé des chemises en forte étoffe de couleur, à 18 et 24 fr. la douzaine.
- Ce qu’il y a de plus remarquable dans cette section, c’est évidemment la lingerie fine, admirablement représentée en France par plusieurs chemisiers en renom. Il nous suffira d’indiquer les noms de Longueville, Durousseau , Darnet, Charvet et Moreau frères. Les produits de cette dernière maison sont surtout d’une admirable finesse d’exécution; le goût de ses broderies n’est peut-être pas à l’abri de tout reproche, mais la délicatesse du travail reste au-dessus de nos éloges.
- Chapellerie. —La chapellerie est une industrie largement représentée à l’Exposition : presque tous les pays ont envoyé des produits de cette section. L’Angleterre, les États-Unis, la France, occupent le premier rang dans la lutte, à ne parler que des chapeaux de feutre, de castor et de soie. La fabri- . que des chapeaux de feutre remonte, en France et en Angleterre, au xve et au xvr siècle; cette production, dans les deux pays, a subi d’assez nombreuses vicissitudes liées directement aux changements politiques. La révocation de l’édit de Nantes envoya en Angleterre un grand nombre de nos ouvriers en feutre, et la perte du Canada, dans la seconde moitié du dernier siècle, nous priva de nos importations directes de poil de
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- castor. Les chapeaux de poil furent pendant longtemps seuls employés; c’est vers '1760 que Florence fabriqua les premiers chapeaux de soie. Depuis trente ans surtout, .cette industrie a pris un grand essor. La finesse et la légèreté des peluches de Prusse et de France, leur excellente teinture, leur brillant et enfin la modicité du prix , permettent au chapeau de soie de faire une continuelle et redoutable concurrence au chapeau de poil, dont la durée et la résistance sont cependant beaucoup plus grandes. C’est donc une affaire d’élégance et de mode qui donne la prééminence au premier de ces articles. Les sources principales de production sont, en France, Lyon , dont la chapellerie est la plus vieille industrie , Paris, Bordeaux et la Provence.
- A l’Exposition universelle de 1 851, nous n’étions distancés dans cette industrie que par les fabricants anglais, qui faisaient mieux que nous les feutres fins; nous l’emportions pour les feutres ras et les feutres de fantaisie: nous ne pensons pas que cette infériorité subsiste à cette exposition. MM. Laville et Poumaroux, qui fabriquent des feutres avec les machines exposées au palais de l’Annexe , ont des coiffures sans égales pour la souplesse, la finesse et la légèreté. Les chapeaux-foulards peuvent se rouler et se plier de manière à entrer sans difficulté dans la poche. MM. Cohen et Prud’-. homme ont un chapeau qui ne pèse que 38 grammes ; enfin MM. Chenard frères soutiennent bien, par leur exposition variée, le rang et la distinction qu’ils ont obtenus à Londres en 4851. Nous avons encore remarqué, dans l’exposition française, les chapeaux-mécaniques de M. Dida , en soie , laine et feutre ; il est impossible, quand ils sont ouverts,>de voir sur l’étoffe aucune trace des plis. Le jayotype de M. Jay est connu depuis longtemps; des dispositions plus parfaites lui permettent de dessiner plus rigoureusement la circonférence de la tête.
- Quelques fabricants ont tenté de substituer (et c’est peut-être là une bonne innovation) aux carcasses de chapeaux de soie en toile et en carton , des carcasses végétales largement tressées et qui permettent une libre circulation de l’air. Il est à craindre que ces carcasses résistent moins bien aux chocs set aux pressions. Nous avons remarqué des chapeaux en caoutchouc vulcanisé, recouvert de peluche, qui peuvent être
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- froissés de toute manière sans perdre leur forme primitive. Le reproche qu’on a fait aux vêtements imperméables s’applique surtout à la coiffure , et nous craindrions que les principes d’une bonne hygiène ne permissent pas l’emploi de ce chapeau.
- Remarquons en passant les chapeaux de M. Bonard pour hommes et pour dames , construits à la manière d’ombrelles, et pouvant, suivant le besoin, se plier et se réduire à un très-petit volume, ou s’ouvrir largement de manière à former sur la tête un large parasol.
- Presque toutes les nations ont envoyé des chapeaux de paille à l’Exposition ; la Lombardie., la Suisse, l’Autriche ont en ce genre un certain nombre de produits intéressants. La Suisse fournit, comme on le sait, la majeure partie des tresses employées en Angleterre où toute la population , riche ou pauvre, porte des chapeaux de paille. C’est surtout en Italie et en France qu’il faut visiter «cette exposition. On .ne sait qu’admirer davantage des pailles merveilleuses de la Toscane, ou des efforts inouis que font nos fabricants pour atténuer, par tous les moyens, les défauts de la matière première qu’ils emploient.
- C’est la campagne de Florence qui produit les blés et les seigles exploités par les fabricants italiens. Flexibilité , blancheur, élasticité et résistance, telles sont les qualités que les essais de culture les mieux suivis n’ont jamais pu donner aux blés du Dauphiné ou des environs de Venise» Ce qu’il y a de remarquable dans ces tresses, c’est leur parfaite régularité, la finesse des brins , :1a blancheur de tout le tissu. Du reste, les chapeaux sont fabriqués en manière de cornets sans forme qui doivent, pour être mis en valeur, passer par les mains de nos modistes. Ces produits ont en général un prix assez élevé: les chapeaux d’enfants valent de 15 à 25 francs; les chapeaux de dames, bruts, peuvent coûter jusqu’à 400 et 600 francs. Il en est de Ges chapeaux comme des châles de l’Inde, ils échappent aux caprices de la mode.
- Les maisons Vyse fils et Nannucci, déjà couronnées à Londres; MM. Masini et Casar-Conti ont envoyé de très-beaux échantillons de tous ces produits. La tresse de paille d’Italie est employée à faire quelques jolis objets de luxe ou de fantaisie qui figurent dans l’exposition de M. Conti : ce «sont des
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- portc-cigares, des étuis à ouvrage, des petits paniers très-fins et très-légers, des pantoufles de dames. Les tresses de Manille et de Java peuvent seules lutter avec avantage contre la Toscane pour tous ces articles de fantaisie.
- Les chapeaux et tresses de paille offrent, chez les exposants français, un aspect tout différent. Ici, c’est à la main d’oeuvre , à la variété des formes, aux dispositions capricieuses qu’on demande le succès. Plus d’uniformité monotone : chaque fabricant nous présente vingt, trente modèles de tresses variées. M. Erhard , successeur de M. Abt, déjà récompensé plusieurs fois , nous montre des fleurs de paille pleines de grâce et de finesse. M. Julien associe le verre filé, le crin , la dentelle , les plumes, avec ses tresses de paille ; quelques-uns de ces produits étonnent par leur légèreté, la richesse de leurs dessins et de leurs formes.
- Remarquons les coiffures plus modestes, mais non moins utiles,-envoyées par MM. Ducruy et Leborgne, de Grenoble, et par MM. Langenhagen, de l'Alsace. Les premiers ont présenté des spécimens de chapeaux ordinaires tressés avec des pailles de France, et qui doivent attirer l’attention ; les seconds exposent des chapeaux en tresse de palmier, destinés surtout à la coiffure des hommes, et qui rivalisent de souplesse et de solidité avec ces chapeaux qui nous viennent du Mexique sous le nom de Panamas; ils ont de plus un avantage très-évident de bon marché.
- Chaussures. — Cette branche de l’industrie vestiaire est peut-être celle qui est le plus complètement réprésentée à l’Exposition. Tous les pays ont envoyé des chaussures. Nous n’indiquerons ici que pour mémoire les mocassins de l’Amérique, les babouches de la Turquie et de l’Égypte, les pantoufles mauresques, les chaussures des Serbes et des Valaques. A ne considérer que les chaussures usitées parmi nous, il faut établir des divisions fondamentales. Nous laisserons de côté , dans cette revue, les chaussures communes faites de bois ou de tresses végétales; c’est là une branche de commerce considérable , mais qui n’offre guère d’intérêt que pour les visiteurs spéciaux. Nous n’aurons donc à étudier que les chaussures fortes ou imperméables pour hommes et pour femmes,’ et les chaussures de luxe.
- 11 faut, pour prendre une bonne idée de ces produits et
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- pour établir entre eux une utile comparaison, visiter les expositions étrangères avant de passer à celle de France. Il sera facile de constater alors l’évidence de notre supériorité, surtout pour les chaussures élégantes.
- L’Angleterre produit une énorme quantité de chaussures qu’elle exporte sur tous les marchés étrangers; mais c’est à l’extrême infériorité de ses prix qu’elle doit l’extension de ce commerce. Une des grandes maisons de Londres peut fournir des souliers de femme à 62 centimes 1/2 la paire, des souliers d’homme à 3 fr. 15 cent., et'des bottes à 10 fr. Ce ne sont pas des chaussures de ce genre que nous ont envoyé cette année les exposants anglais; ce sont, ou bien des chaussures très-solides, à semelles épaisses, ou bien des chaussures fines et légères, dont la forme est empruntée à nos modes. Ce qui frappe dans ces expositions, c’est cette tendance continuelle au comfortable aux dépens de l’élégance. Les seules innovations que nous avons pu remarquer sont les bottines militaires de M. Atloff, déjà exposées en 1851, mais perfectionnées depuis, par la simplicité de leur coupe ; des semelles portant un ressort d’acier et de caoutchouc dans leur partie moyenne ; enfin des chaussures de tricot de soie parfaitement élastique, et pouvant se mouler sans peine sur le pied le plus difforme.
- Depuis une quinzaine d’années, la cordonnerie allemande a fait des progrès considérables, et son commerce s’eu est accru considérablement. L’Autriche et le Zollewerein ont envoyé de:nombreux spécimens de leur industrie. La chaussure solide se fabrique bien en Autriche, mais elle pêche par la tournure et son prix de revient est, dans certaines provinces de l’empire, plus élevé qu’en France. Les États de l’Allemagne qui touchent nos frontières et qui nous fournissent bon nombre d’ouvriers, façonneurs et carreleurs, fabriquent des chaussures si complètement semblables aux nôtres, qu’on les croirait sorties de nos ateliers. Brême, Hambourg, la Prusse rhénane et le grand-duché de Bade, qui fabriquent des cuirs magnifiques, se livrent surtout à ce genre d’industrie.
- L’expositiorf française , représentée par plus de soixante exposants, occupe au rez-de-chaussée du palais la moitié de sa longueur. A côté de quelques innovations sans importance, nous avons constaté des perfectionnements réels dûs à des
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- coupes particulières ou à l’emploi du caoutchouc ou de la gutta-percha. M. Gaillard, de Paris, fabrique des semelles de gutta-percha rivées à vis sur une semelle intérieure de liège. Une idée analogue est mise en pratique par M. Poirier, de Châteaubriant : une lame de caoutchouc revêt la face supérieure de la semelle, et l’intérieur de la chaussure est doublé d’une feuille de cuir qui est cousue à l’empeigne ,'à la partie moyenne de;sa hauteur. Les chaussures de chasse de M. De-lail, passage Jeoffroy, nous ont semblé offrir toutes les conditions de résistance et d’imperméabilité. Plusieurs exposants ont envoyé de très-jolies chaussures à semelles de bois; cette chaussure doit rendre de grands services aux habitants de la campagne.
- Signalons, plus particulièrement -.celles de M. Manteguès et’Cie qui se distinguent par une solidité que ne comporte pas ordinairement ce genre de chaussure. Au lieu d’étre cloués à l’extérieur , les bords de l’empeigne, pincés entre deux épaisseurs du bois, sont clouées intérieurement, ce qui rend parfaitement étanche le joint entre le cuir et la semelle. Ges chaussures mixtes présentées au ministre de la guerre , ont paru offrir un degré d’utilité assez important, pour les mettre à l’essai. Dans ce but, une centaine de paires a =été envoyée en Crimée.
- M. Cholet, de Versailles, présente un système de souliers-guêtres d’une coupe très-simple et très-analogue à celle que nous avons vue chez M. Atloff, de Londres. M. Suser dirige à Nantes un établissement de la plushaute importance : l’animal estéquarri, lecuir tanné et verni, et la chaussureachevéedans l’enceinte de ses ateliers. Il fabrique toute espèce de chaussures, depuis les gros souliers destinés à la consommation locale et à l’exportation, jusqu’aux bottes et bottines les plus délicates.
- La fabrication des chaussures à vis prend une extension de plus en plus considérable ; ce système d’attache de la semelle offre une solidité deux fois plus grande que tous ceux qu’on avait employés jusqudci. Ces résultats ont été constatés par des épreuves dynamométriques. Aussi M. Lefébure a-t-il déjà Teçu, aux expositions de Paris en 1849 et de Londres en 1851, des récompenses qui le placent au premier rang des fabricants de chaussures.
- C’est ici le lieu de noter l’emploi, chaque jour plus grand
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- et plus parfait, du caoutchouc dans la chaussure, soit comme matière essentielle, soit comme matière accessoire. Au point de vue hygiénique, cette substance nous rend les plus grands services pour les saisons humides et froides.
- 'Au milieu de oë nombreux étalage, le visiteur s'arrêtera avec le plus grand intérêt devant les admirables produits de MM. Meier , Thonerieux, veuve Barré et Petit, Viault-Esté. Toutes ces maisons sont depuis longtemps connues; elles ont en France et à l’étranger une réputation d’exquise élégance, dont elles donnent une nouvelle preuve aujourd’hui. Les chaussures de femme surtout sont des chefs-d’œuvre de fantaisie et de bon goût. Les étoffes les plus chatoyantes, les broderies, les dentelles, le velours , les perles et même les fleurs artificielles marient leurs reflets et leurs couleurs de manière à former le plus charmant effet.
- Ganterie. — La Fabrication des gants est pour laFrance une des branches les plus considérables de l’industrie ; le chiffre de l’exportation atteignait, en 1851,37 à .39 millions de francs. L’importance de ce chiffre s’explique par l’excellente préparation de nos peaux de chevreaux. Depuis une trentaine d’années, cependant, les pays étrangers, l’Angleterre, la Russie, Vienne, Prague et Berlin ont fait de très-grands progrès. En Angleterre, Londres fabrique la majeure partie des gants de chevreau; les gants d’agneau viennent du comté de Worm-cester ; le comté d’Oxford fournit les gros gants de castor et de daim. La majeure partie des produits anglais est destinée à l’exportation. On est frappé, au premier abord, de l’excessive variété des gants exposés par MM. Fowns frères, et MM. Dent, Àllcroft et Gie de Londres ; ce sont des gants de cuir, des gants de fourrures à Grispin, des gants de drap dont la paume est garnie de peau de daim, des gants de peau de veau, de daim, de castor, de chien; des gants épais, dont l’entre-deux des doigts est garni de peau de couleur et de solidité différentes ; enfin , des gants peluchés ;à l’intérieur, des gants de satin-peau, qui choquent peut-être un peu par la bizarrerie de la nuance. En somme, pour les gants comme pour les chaussures, ce qu’il y a de plus remarquable dans l’expo-•sition anglaise ce sont les articles commodes, solides et destinés à un usage journalier.
- La ganterie française se compose de ghnts de chevreau et
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- d’agneau fabriqués à Paris ou à Grenoble, de gants de daim etde castor qui viennent de Niort, et enfin de gants tressés et tricolés que fournissent les fabriques de la Champagne et du nord de la France. La vente de ces gants de tricot de laine atteignait en 1847 la somme de 262 000 fr. Elle doit avoir considérablement augmenté depuis cette époque : on coupe et l’on coud ces gants à Paris avec une précision presque égale à celle des gants de peau. Les gants tissés de soie, de fil et .de fil d'Écosse ne peuvent soutenir la concurrence avec les .gants de peau.
- La ganterie de Niort, en daim et en castor, a une réputation méritée depuis longues années. C’est de là que nous viennent les gants d’uniforme en daim blanc, les gants en daim de couleur pour l’équitation. MM. Noirot et Laidet, de Niort, ont envoyé à l’Exposition de nombreux échantillons de leur industrie.
- La ganterie de Paris est surtout représentée par les maisons Jouvin et Préville ; la première de ces maisons surtout fait un chiffre d’affaires qui atteint presque 2 000 000 de francs et occupe 1200 ouvriers. L’ancienne renommée de ces maisons nous dispense d’insister davantage sur la valeur de leurs produits.
- M. Francoz, de Grenoble, a envoyé des peaux préparées, divers systèmes de fermetures, et des gants confectionnés qui se soutiennent sans désavantage devant la ganterie de Paris.
- Dans toutes ces expositions c’est la netteté de la nuance, la régularité de la coupe, la souplesse de la peau et le fini de la couture qui établissent la supériorité de nos fabricants.
- Corsets. Accessoires de vêtement. — Ces objets de confection, et surtout le corset, jouent un rôle de première importance dans la toilette des femmes. Aussi n’avons-nous pas été surpris des nombreuses variétés de corsets de toute espèce exposés parles maisons de Paris. Cette branche de l’industrie des modes est extrêmement soignée dans notre ville, et l’on peut dire, qu’à part quelques-uns de ces objets tissés à la mécanique, il n’existe rien dans les expositions étrangères. Mais avant d’examiner ces produits, il importe d’établir bien clairement que l’élégance et l’hygiène doivent souvent se trouver en désaccord dans nos jugements. Il est rare, disons-le, de voir les fabricants se préoccuper à un plus haut point de la
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- santé de leurs clientes que de l’excessive finesse et des contours corrects de leur taille. Nous avons cependant des corsets plastiques, des corsets hygiéniques ; ce sont là des mots trompeurs, et ce n’est qu’avec défiance que nous avons abordé ces sortes d’expositions. On a fait cependant depuis quelques années des perfectionnements réels qui portent particulièrement sur deux points : les systèmes de fermeture tendent à être placés à la partie antérieure et à agir d’une manière beaucoup plus rapide que le lacet, courant sur deux séries d’œillets ; d’autre part, la multiplication de baleines plus petites et agissant d’une manière moins violente, l’emploi très-abondant des tissus élastiques permettent au corset de se mouler parfaitement sur les formes et d’acquérir une souplesse beaucoup plus grande. C’est dans cette voie qu’il faut marcher, et nous croyons fermement qu’on aura atteint une amélioration réellement hygiénique quand on aura supprimé le buse qui presse sur la poitrine, ou qu’on l’aura fabriqué d’une matière à la fois élastique et très-flexible.
- Un exposant belge a employé dans ce but la gutta-percha. Cet essai ne peut donner que des résultats incomplets ; la gutta-percha se déforme sous l’influence de la chaleur, elle plie et n’a pas d’élasticité.
- Nous avons remarqué dans l’exposition française quelques corsets destinés à l’usage des femmes enceintes ; la plupart d’entre eux permettent, à l’aide de boucles ou de lacets placés sur les côtés, d’élargir la partie inférieure ;• mais la poitrine n’en reste pas moins serrée, et la gêne de la respiration n’est nullement diminuée. Les ceintures abdominales de M. V. Pil-lautnous ont semblé préférables, car elles agissent de bas en haut et soutiennent sans comprimer.
- Les produits fabriqués à la mécanique de MM. Robert, Verly et Cie, de Bar-le-Duc, ont attiré notre attention à raison de leur simplicité, de leur facile adaptation à toutes les tailles et de leur bon marché. Cette maison, quia reçu une récompense à l’exposition de Londres, fait des affaires considérables, et livre environ 30 000 corsets à la consommation de chaque année.
- M. Josselin, Mmes Hippolvte, Clémençon, Sophie Dumoulin et Joly sœurs, fabriquent des corsets qui ont une réputation bien connue d’élégance, et qui nous ont semblé, dans l’état
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- actuel de nos mode3, aussi simples et aussi hygiéniques qu’il est possible.
- Nous ne noterons que pour mémoire ces appareils de crinoline dont nos dames font un si grand usage, on devrait- dire un si grand abus. Nous en avons vu de toutes les sortes et de toutes les façons ; des jupons gaufrés, bouillonnés, tuyautés, des garnitures pour les hanches. Nous ne saurions porter de meilleur jugement sur cette partie de l’Exposition, que de renvoyer le visiteur à un très-spirituel- feuilleton que M. Alphonse Karr a publié, il y a deux ou trois mois, dans le Siède.
- Bbutons. — A juger par le nombre considérable^de ces petits objets qui ont été exposés, nous devons croire que la consommation en est immense. Et de fait1, ils sont à peu de-chose près le seul ornement du vêtement des hommes et sont employés sous les-' formes les plus diverses et les plus élégantes dans la toilette des femmes. Nous ne connaissons^ guère de matière avec laquelle on ne fabrique des boutons. Les pierres et les métaux précieux, les métaux plus communs, le fer, le cuivre, le plomb, l’étain, le zinc, l’écaille, l’ivoire, la nacre, la corne, les bois de toute espèce, le marbre, la porcelaine, la faïence, le verre et les émaux, la soie, le fil, le coton, la laine, les tresses de paille, de jonc et de cheveux. Telle est à peu près la liste générale des matières auxquelles cette fabrication emprunte ses éléments. Le commerce emploie principalement des boutons de métal frappés au coin, des boutons de passementerie et des boutons de verre, de corne ou d’os. L’exposition anglaise contient de ces boutons frappés d’une exécution très-parfaite. Une de leurs maisons1, déjà honorée d'une médaille de prix à l’exposition de Londres-, MM. Weldon et Weil, exposent du1 reste ces produits en France et en Angleterre. MM.. Courdin et Cie ne le cèdent en rien à leurs émules pour le bon goût et la netteté de leurs empreintes ; ils; ont des boutons émaillés qui sont d’um très-bon effet.
- Ici s’arrête tout ce que nous avions à dire des arts vestiaires considérés dans leur ensemble et dans leurs différents accessoires. Il nous reste à examiner une série d’objets qui, par leur nature variée, empreinte des caprices de la mode et des fantaisies du jour, échappent à toute espèce de classement régulier. Ce sont ces mille articles de genre que Paris fabrique
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- en si grande abondance et auxquels il a donné son; nom. Ouvrages de broderie, de filet, de cartonnage, de maroquinerie légère que chacun de1 nous connaît et apprécie suivant ses goûts et ses besoins- Nous trouvons cependant quelques productions d’une plus haute1 importance : les écrans>et les éventails sont depuis longues années des objets de grand luxe, dont la fabrication appelle à son secours le talent.du peintre, celui du ciseleur sur bois ou sur ivoire et l’habileté de l’orfé-vre et du joaillier. Nous avons remarqué à l’Exposition des montures d’éventail délicatement découpées de la fabrique de Saint-Germain (Oise). MM. Duvelleroy, Ardiet, Meyer et Voisin Venier, fixent par la beauté de leurs produits l’attention ef les désirs des promeneuses élégantes.
- L’ivoire, par sa blancheur, sa résistance et sa très-grande durée, sé prête merveilleusement au travail de1 l’ornementation. Quelques exposants se sont montrés véritablement artistes et nous ont fait songer à ces habiles sculpteurs delà renaissance qui ont incrusté leur talent sur tous les meubles délicats et sur toutes les œuvres de fantaisie de cette époque. MM. Vangorp, Moreau etBleuton ont fait de louables efforts pour rivaliser avec leurs devanciers, et nous avons vraiment eu plaisir à examiner en détail les résultats de leur industrie.
- Les-jouets d’enfants, dont la nature: et la valeur offrent les plus grandes variétés, se fabriquent sur une grande échelle en France et en Allemagne. Ce commerce offre cette particularité remarquable, que sa vente pour toute une année dure quelques jours dans les mois de décembre et de janvier. Certaines maisons font à cette époque des recettes immenses qui constituent les deux tiers ou les trois quarts du chiffre total de leurs affaires. Le Wurtemberg, la Bavière et la Saxe-Royale; ont fait’des envois très-complets de leur industrie dans ce genre. Us consistent surtout en deux sortes de jouets-,: les uns de ferblanterie et de quincaillerie;, sont des diminutifs des objets de la vie usuelle ménagère; les autres de bois ou de pâte représentent presque tous des bataillons de soldats ou des ménageries d’animaux. M. et MmeMontanari, de Londres, qui ont eu une médaille à la dernière Exposition, fabriquent de jolies figures de cire, servant à monter de très-coquettes poupées, ou nous offrent de curieux modèles des types indiens du Mexique.
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- L’exposition française en ce genre consiste surtout en jouets mécaniques et en poupées. M. Théroude a exposé des moutons qui bêlent, des singes qui jouent du violon avec force contorsions des joues et des lèvres, un lapin qui se frotte la moustache avec le plus grand sang-froid ; on conçoit combien les mères ont de peine à détourner leurs enfants de cet attrayant spectacle.
- - Nous n’en sommes plus depuis longtemps à la poupée de •bois aux articulations criardes et mal jointes : la poupée d’aujourd’hui est faite de peau, elle a une tête de porcelaine et des articulations de caoutchouc. Elle se soumet à tous les caprices de sa jeune maîtresse et reprend avec facilité son attitude première. M. Greffier fabrique des poupées très-solides, qui remuent les bras et les jambes et qui poussent un vagissement plaintif quand on leur presse le ventre. Mlle Huret et M. Jumeau ont de charmantes poupées habillées dans le dernier goût et qui sont des modèles d’élégance et de bonne tenue.
- Les fleurs artificielles ne sont plus aujourd’hui des objets de décoration quelconque et ne rappelant point ou peu la nature. Ce sont de vraies fleurs, semblables à s’y méprendre à celles que le printemps fait éclore dans nos jardins. On se rappelle la remarquable exposition que nous avions à Londres ; celle d’aujourd’hui ne le cède en rien à son aînée. Les concurrents sont nombreux et leurs produits scmt tous empreints de ce cachet d’élégance et d’habileté qui appartient à tous les articles de. mode de Paris. Regardez dans la vitrine de Constantin ces fleurs demi-passées qui s’inclinent avec nonchalance, ce fin duvet des feuillages, ce gros chardon réjoui qui épanouit sa fleur violette, cette rose, ce soleil dont le vent et la pluie ont enlevé la moitié des pétales ; vous jureriez à un pas de distance que ces fleurs viennent d’être arrachées à la terre. Chez M. Duteis, cet héliotrope et cette collection de petites orchidées sont d'une vérité de couleur, de port et de forme qui ne laissent rien à désirer. Il nous faudrait, pour être juste, les citer tous à des titres divers et indiquer au visiteur chez M. Charpentier, cet éclair dont un souffle de vent vient d’emporter les plus légères étamines; chez M. Gaudet-Dufresne de charmants feuillages artificiels; chez Mme Cmvillier de belles fleurs pour coiffures et parures ;
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- chez MM. Nautré et Cabanis des plumes d’autruche, des marabouts, des aigrettes du plus beau choix. Nous ne pouvons mieux faire que de prier nos lecteurs de visiter eux-mêmes cette exposition de fleurs et de plumes et de lui accorder toute l’attention qu’elle mérite.
- S’il nous était permis, après cette course rapide à travers les produits de la vingt-cinquième classe, de formuler une conclusion générale, nous dirions : A la France, et à Paris surtout, la suprématie sans conteste pour tout ce qui est goût, élégance et fantaisie; à l’Allemagne, à l’Angleterre, à l’Italie, payons un juste tribut d’éloges pour la beauté de quelques matières premières et pour l’excellence de certaines méthodes industrielles.
- Que l’Exposition soit un enseignement lumineux et fécond. Nos fabricants sont parfois surpassés, souvent suivis de près; qu’ils redoublent d’efforts pour maintenir le haut rang que la France occupe dans l’industrie du monde.
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- Dessin et plastique appliqués à l’Industrie. — Imprimerie en caractères et taille douce, photographie.
- L’industrie proprement dite ne règne pas seule dans le Palais des Champs-Élvsées, et l’art, dans ses formes les plus diverses, est, est venu lui apporter le concours de son génie spécial. Jamais cette heureuse union ne s’est aussi pleinement manifesteé que cette année; car, au lieu de rester stationnaire dans la voie tracée par la routine et servilement suivie depuis longues années, l’industrie s’est habilement servie des ressources de la plastique, de la photographie, de la gravure et de la lithographie.
- Jetons donc un coup d’œil sur ce que le Palais renferme de remarquable en ce genre. Au milieu de l’espace réservé à la plastique, après la salle de l’Imprimerie impériale, se dresse, sur un piédestal isolé, la statue de la Vénus de Milo, augmen-206 xx
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- tée par le procédé de MM. Sauvage et Oaffort. Le type éternellement beau de l’art grec domine toute la salle, comme un symbole sérieux de la beauté des formes, et cette statue est si puissamment belle qu’on n’y sent pas du tout l’emploi de l’outil mécanique qui l’a grandie à nos yeux. Qu’on nous permette quelques mots sur ce procédé et son origine.
- La Vénus de Milo exposée, et la statue équestre de l’Empereur, devant la porte Est du Palais de l’Industrie, sont des résultats de cette application. La Vénus de Milo est augmentée .de moitié, d’après le modèle du musée. La statue de l’Empereur est augmentée de plus du double , puisque le modèle de J. Debay n’a que 4m,45, et la statue reproduite 3m,4 5.
- Les antiques de la maison Susse, et la majeure partie des sujets de MM. Denière, Paillard, Vittoz, de Labroue, Charpentier, Marchand, Raingo, Vauvray, Miroy, sont des réductions ou des augmentations exécutées par le procédé Sauvage.
- Jusqu’en 4 836, le tour à portrait de Hulot était le seul appareil connu qui permît la reproduction mécanique de la sculpture, bornée aux bas-reliefs de petite dimension et de faible saillie ; aussi ne l’appliquait-on guère qu’à l’exécution des médailles et des coins de monnaie. Une condition essentielle de cet appareil est la réduction ou l’augmentation forcée de la copie par rapport au modèle.
- Ajoutons que cette réduction ou cette augmentation forme encore le caractère spécial, mais moins absolu, des appareils modernes, où, comme dans le tour de Hulot, elles résultent uniquement de la place respective affectée sur la machine au modèle ou à la copie.
- Presque simultanément, n’est-à-fdire M. Sauvage, le 3 février 4836,-et M. Collas, le 3 mars, prirent chacun un brevet pour l’exécution mécanique de la sculpture.
- C’est à l’aide de ces inventions que la fabrication artistique a conquis tant d’inimitables modèles. Le service rendu à l’art par ces procédés est immense, et la fabrication du bronze ne s’est véritablement élevée que depuis cette époque.
- Aux pieds de la Vénus de Milo sont des réductions de l’an-tique et de quelques statues du siècle dernier, réductions que MM. Sauvage et Caffort ont obtenues ;avec le même bonheur.
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- Us ont aussi exposé des bustes et des médaillons d’une ressemblance exacte, au moyen d’une empreinte prise instantanément par procédé mécanique. Cet appareil, tout ingénieux qu’il est, n’a pas la prétention de remplacer l’artiste, mais il assure la ressemblance, et permet de faire en deux ou trois séances un buste auquel l’artiste le plus habile emploierait au moins quinze jours.
- A côté, un coffret en ivoire sculpté, genre renaissance, de M. Moreau fils, élève de Toussaint le statuaire, est une preuve nouvelle de cette alliance des arts et de l’industrie : ce ne sont plus là ces sculptures de Dieppe , toujours taillées sur le même ,patron , mais une création nouvelle, bien entendue et bien réussie: les ornements qui sont sur les panneaux sont très-élégants de forme, et les petits enfants qui forment le soubassement d’un très-joli galbe. Vis-à-vis, dans une vitrine collective, sont les moulages de M. Du-failly, Marchi et Vincent. Là aussi le goût se fait, sentir dans le choix des modèles, reproduits d’après Mène, Pollet, Pra-dier, Cumberworth, etc. En jetant un coup d’œil à droite, la science se trouve satisfaite du travail consciencieux et patient de M. Sthal, mouleur du Jardin des Plantes, qui est parvenu à reproduire ces mollusques et ces bivalves, que la mollesse de leur nature semblait mettre à l’abri de cette reproduction : cette vitrine renferme également des feuilles de plantes moulées des deux côtés à la fois, du linge, du papier, reproduits avec toute la ténuité de leurs fibres et de leurs linéaments. Au-dessus sont trois têtesmoulées sur nature avec un rare bonheur, et bien précieuses pour l’étude anthropologique. M. Mercier, son voisin, nous offre des glaces richement et finement gravées comme les glaces de Venise, et M. Wirth. toute une vitrine remplie de sculptures de l’école de Berne et des pâtres de la Suisse. Ceci est de l’art moins sérieux, mais on y S6nt aussi, dans quelques sujets, une tendance à sortir de la routine de ces jouets que l’on offre aux touristes qui visitent la Suisse. M. Planson , habile sculpteur *sur bois, a renfermé dans sa petite vitrine de bien jolis spécimens de l’art et du goût français qu’en gens habiles ont su utiliser les Tahan et les Maquet, pour leur coffrets et leurs couvertures d’albums. Au-dessus se trouve un cadre de feuillage en bois très-bien fouillé, renfermant un beau Christ d’ivoire. Ce cadre
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- appartient à l’Impératrice. A côté, M. Crière a placélun bouquet de fleurs en cire, bien largement modelé.
- Un peu plus loin, M. Opigez offre à nos yeux toute une série de bustes réduits, où nous retrouvons toute la finesse des originaux : parmi les plus remarquables nous citerons le buste de Botrou , de la grandeur de celui du foyer des Français, et qui offrait de grandes difficultés ; la réduction de la statue de Mlle de Montpensier; un bas-relief de Luca délia Robia ; celui de l’hôtel Bourgthéroulde à Rouen ; une série de petits bustes, et un faune dansant, recouvert d’une couche de cuivre au moyen de la galvanoplastie. M. Opigez obtient dans ce genre des produits très-remarquables. M. Lagnier, de Bordeaux, qui est vis-à-vis, a sculpté sur bois un bouquet où l’on trouvera peut-être un peu de maigreur dans le travail, mais qui a néanmoins de fort jolis détails.
- En nous retournant dans la salle, nous retrouvons une belle cheminée en glace de M. Cuce, de Versailles, et vis-à-vis, sur une table de bon goût, nos yeux s’arrêtent avec plaisir sur une charmante sculpture sur bois de Knecht : c’est un petit bénitier : la Vierge, entourée de feuillages sculptés avec un art infini, tient l’enfant Jésus dans ses bras; c’est d’une hardiesse et d’une réussite qui nous font vite oublier les sculptures anciennes de l’école allemande si renommée. Le même artiste a exposé aux Beaux-Arts un groupe de gibier qui est également plein de mérite. Pour terminer notre revue de la sculpture artistique qui se trouve dans cette salle, n’oublions pas un joli petit coffret de Riester, dans le genre allemand, en ébène avec incrustations d’argent et d’acier, ciselé et doré : nous y retrouvons le goût de cet habile dessinateur ornemaniste.
- MM. Blard , de Dieppe, sculpteurs en ivoire, ont renfermé ! dans leur vitrine un très-beau Christ, et plusieurs objets, où se manifeste cette tendance à sortir de la voie commune dont nous parlions plus haut, et que nous retrouvons également dans les ouvrages de Mme la comtesse de Dampierre; dans tous les objets exposés par cette dame, un écran, des fleurs, des cadres, des vases en cuir repoussé, on ne sait ce qu’on doit le plus admirer de la réussite ou de la patience de l’artiste, qui se manifeste surtout avec un rare bonheur dans les cadres de fleurs-imitation qu’elle a suspendus près de la salle
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- de la lithographie : dans ces derniers c’est la nature prise sur le fait avec toute sa finesse et la variété de ses teintes.
- Nous avons dit que cette salle était la salle de la plastique ; le trophée d’honneur dans la nef a été confié à M. Hubert, qui y a placé, outre sa cheminée monumentale, une fort jolie garniture de glace en carton pâte, genre Louis XV, et plusieurs spécimens de très-bon goût. C’est à lui qu’est due également l’exécution du cadre de la magnifique glace de Saint-Gobain,, placée dans la nef. MM. Bénier frères ont également exposé une cheminée en carton pierre bien composée et qui a de jolis détails, et M. Hardouin, deux panneaux d’appartement, style Louis XIV et Louis XV, bien réussis. M. Souty a soutenu sa réputation pour la richesse de ses cadres , et M. Dumont Pétrelle, par la finesse de ses dorures à l’eau, sur bois, et le fini de ses sculptures sur pâte, mérite l’attention marquée qu’il avait déjà obtenue à Londres en I8o1. N’oublions, pas, parmi nos ornemanistes, MM. Crozet et Boucarut. M. Laurent ( François), que le défaut d’espace a fait placer dans l’escalier N.-O., a exposé un bel encadrement de glace, style Louis XV, auquel nous reprocherons peut-être d’être un peu lourd pour sa hauteur. En pendant, la maison Bourdon a mis un riche cadre doré autour d'une belle glace de Saint-Quirin , et, dans le grand escalier du pavillon central, M. Plesson, un cadre dont les riches ornements dorés sont dûs à la composition de M. Riester.
- Dans notre salle de la plastique , M. Dulud , dans son exposition, nous offre une heureuse application du relief aux cuirs de tenture. Cet habile artiste, car on peut lui donner ce nom, a introduit par sa persévérance, et fait adopter dans le commerce, une série de modèles, dont les applications sont journalières, des plus variées et des plus heureuses : tentures d’appartement, meubles, moulures, figurines, ornements, il a essayé de tout, et avec le même bonheur ; c’est encore là une des plus heureuses introductions de l’art dans l’industrie. Citons également, dans le même genre , MM. Martella et Hal-bedel, mais qui n’ont pas, comme M. Dulud, ces applications variées à l’infini ; le premier cependant donne une imitation de cuirs de tenture très-remarquable comme dessin et comme modicité de prix.
- Je ne puis pas terminer cette revue de la plastique fran-
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- çaise, sans parler de M. Cruchet, qui marche en tête de tous, et qui a fait son exposition dans le péristyle et le salon de l’Impératrice, au premier étage. Il n’y a qu’à jeter un coup d’oeil sur les riches détails et1 le bon goût des ornements, pour voir combien il est en avant de tous ses rivaux dans cette partie de l’industrie.
- Maintenant, si nous jetons un coup d’œil sur la plastique étrangère, nous pouvons louer sans restriction, en Angleterre , les beaux cartons-pâte de M. Jackson ; surtout trois médaillons d’animaux groupés très-bien composés, un petit encadrement de miroir très-joli et très-délicat, et un morceau d’une grande frise composée pour le salon du club de la marine et de l’armée.
- Eh Belgique, MM. Boëx et Bonnefoi ne nous ont envoyé que des encadrements de formes tourmentées, et M, Cramer, de Cologne, quelques petits modèles qui ne nous permettent pas de nous prononcer, vu leur peu d’importance.
- L’alliance de l’industrie et des arts se fait peut-être plus vivement sentir dans la lithographie. Il s’est rencontré, comme aux temps des Elzévir et des Étienne, des imprimeurs intelligents, qui se sont servis de toutes les découvertes modernes de la science pour venir en aide aux artistes, et bien traduire leurs œuvres aux yeux du public.
- Lemercier marche en tête de cette cohorte de chercheurs, et, si nous jetons un coup d’œil sur sa riche exposition , les preuves de ce que nous avançons ne nous manqueront pas. Cet habile éditeur n’a laissé passer aucune branche de* son industrie sans y imprimer son goût et son savoir-faire : impressions en noir remarquables, reproduction de dessins faits par les artistes sur papier préparé, ce qui donne toute la soudaineté de la pensée et du coup de crayon , photographie reportée sur pierre avec bonheur et sans aucune espèce de retouches , chromolithographies , gravure sur pierre, lavis, rien n’a été laissé de côté. Expliquons d’abord à nos lecteurs ce qu’on entend par chromolithographie , pour' faire voir quelles ont été les difficultés vaincues. Comme l’indique la composition dû mot, tiré du grec ( Urornos couleur), il s’agit de faire une lithographie coloriée , en remplaçant le pinceau par des teintes appliquées par le tirage, chaque pierre portant' la couleur qu’elle doit déposer- sur l’épreuve première ;
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- on conçoit avec quelle fidélité et quelle1 justesse de contours les repères doivent être faits , car il est des dessins qui exigent jusqu’à dix-huit ou vingt pierres différentes ; on conçoit également quelle variété de tons peuvent donner ces superpositions successives en se modifiant les unes par les autres à l’infini. Cette nouvelle application de; la lithographie a rendu des services immenses aux sciences et aux arts, et se plie avec uff bonheur infini à toutes les exigences. Ainsi, pour citer un exemple, il est telle carte géographique éditée par l’Imprimerie impériale qui, coloriée à la main, coûtait une dizaine de francs, et qui maintenant, coloriée par le nouveau procédé, avec une plus grande égalité de teintes, ne coûte que 3 fr. 25 cent. Les manuscrits eux-mêmes, ces chefs-d’œuvre de patience et d’art des moines des vie et vu® siècles, sont reproduits par ce procédé de la manière la plus satisfaisante.
- Après Lemercier, marchent Jacôrne et Dufat : ceux-là’ aussi, n’ont rien négligé et, venus les derniers, n’ont laissé passer aucune des découvertes nouvelles sans y appliquer leur intelligence. Il y a dans leur exposition une épreuve qui représente, à s’y méprendre, une ébauche à l’huile, au moyen d’un procédé nouveau qui leur appartient. Bertauts, lui, est un véritable artiste : il ne s’est adonné qu’à l’impression en noir; mais comme il l’a poussée loin et quelles belles épreuves il nous offre ! C’est un véritable bonheur pour un coloriste que d’être imprimé chez Bertauts, qui s’occupe lui-même dë la mise en train des pierres , et ne la livre à ses ouvriers qu'avec les recommandations les plus sévères et la surveillance la plus minutieuse. Bry est encore, après Bertauts.. ruade-nos. imprimeurs le plus intelligent : c’est un homme également pratique et consciencieux , un chercheur, et ce qui sort de ses presses est très-remarquable : c’est l’imprimeur privilégié de Raffet, qui nous a donné de si belles lithographies devenues populaires , et dont l’exposition de Bry noua offre de très-beaux échantillons.
- Maintenant, pour en venir à la chromolithographie proprement dite, .j’ai gardé Engelmann et Hangard-Maugé qui, tous deux, méritent un. article spécial : le premier nous offre une série d’imitation de manuscrits fort remarquable, un, entre autres, tiré sur vélin, ce qui présentait de très-grandes diffi—
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- cultés, puisqu'on ne peut pas humidifier le vélin et qu’il fallait que chaque feuille pour le tirage fût tendue sur un châssis. Il a également une imitation très-heureuse des vieux vitraux, qu’il nous rend avec toute leur transparence et toute la vigueur de leurs tons. La seule chose que je retrouve à reprendre dans toute son exposition , c’est un portrait grandeur nature de Napoléon Ier. C’est dur, d’un ton peu agréable, et c’est vouloir trop demander tout d’un coup à un art qui n’a pas dit son dernier mot.
- Hangard-Mauge nous offre l’application la plus variée de la chromo,lithographie, et cela d’une manière fort remarquable. Deux planches surtout ont fixé notre attention : un dessin frontispice de l’Alhambra et une vue intérieure de mosquée; puis une série de lithographies artistiques et industrielles très-variées. Paulon , son voisin, a aussi de belles épreuves, une couronne de fleurs, entre autres , sur fond brun et d’autres fleurs. Barbat, de Châlons-sur-Marne, qui vient ensuite, expose un très-beau livre de messe, genre manuscrit, et les Évangiles avec encadrements variés : ce sont deux belles choses, surtout quand on pense qu’elles ont été exécutées en province. Un autre éditeur de province, M. Charpentier , de Nantes, mérite nos éloges, ainsi que M. Simon , de Strasbourg, qui nous a donné des fac-similé d’aquarelles et de dessins très-remarquables. M. Kœppe-lin, qui s’est adonné à la reproduction par la gravure sur pierre des cartes géographiques nous en offre une très-belle série.
- Deux pays étrangers , où l’art du dessin est en grand honneur, l’Angleterre et l’Allemagne, nous offrent aussi de beaux spécimens de chromolithographie. Dans le premier, nous avons remarqué l’exposition de sir Hanchart et celle de M. Vincent Brooks : ce dernier a lithographié une Fuite en Egypte, qui rappelle par sa vigueur de tons les P. Véronèse, et M. Hanchart, des paysages et des vues du Palais de Cristal en 1851 d’un fini précieux. Si notre observation ne nous a pas trompé, il nous semble que ce sont, pour la plupart, des gravures à l’aqua-tinte coloriées ensuite au moyen de la lithographie. En Allemagne , l’Autriche nous offre aussi une série de chromolithographies, mais elles sont un peu dures dans la dégradation des tons, excepté la reproduction d’un tableau
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- de fleurs et de fruits. L’original, peint à l’huile, qui est en opposition avec la copie , nous permet d’apprécier le talent avec lequel il a été reproduit : il y a réellement bien peu de différence comme vigueur. M. Digby Wyatt, savant professeur anglais, s’est aussi servi de cette nouvelle application de la lithographie pour nous donner une série de modèles de mosaïques. En visitant la galerie supérieure, nous avons remarqué dans l’Espagne une histoire de Don Quichotte, mise sur pierre par C. Nanteuil, notre compatriote, avec cette vigueur de coloris qui lui est particulière : c’est franchement imprimé par M. Martinez, En résumant nos appréciations sur cette partie de l’Exposition, je crois que nous pouvons, sans partialité, revendiquer la supériorité comme exécution et comme variété d’application.
- La salle destinée à la gravure au rez-de-chaussée, et qui suit immédiatement celle de la lithographie , renferme de beaux spécimens du talent de nos imprimeurs en taille-douce, en tête desquels nous placerons MM. Goupil, Chardon aîné et Chardon jeune. Citer M. Goupil, c’est parler de l’éditeur intelligent de toutes les œuvres de Delaroche, dont il nous offre l’hémicycle du Palais des Beaux-Arts, la Sainte Amélie, par Mercury, le Consolateur des Affligés, de A. Scheffer, ga-vure pleine de poésie et de mélancolie, une gravure encore inédite d’après Léonard de Vinci et tant d’autres chefs-d’œuvre trop longs à énumérer ici, et imprimés avec un soin et un goût parfaits. Ce que nous venons de dire de M. Goupil peut s’appliquer avec justice aux deux Chardon, dont les impressions sont fort remarquables. Dans la même salle, M. Rémond nous offre une série d’impressions en couleur, appliquées au pinceau sur planches de cuivre : ce sont des gravures d’anatomie et de botanique , parfaitement réussies et d’une grande finesse de ton. Le cadre de M. Furne renferme la belle collection de ses Vierges de Raphaël, que cet éditeur a mises à la portée de toutes les fortunes par le prix modique auquel il les livre, des gravures du Paradis perdu, celles de la Bible et des œuvres de M. Thiers, toutes gravures remarquables. La persévérance et le soin avec lesquels M. Furne a poursuivi son œuvre d’éditeur consciencieux mérite tous nos éloges. Après eux viennent, comme importance de commerce, M. Basset et Mme Bouasse-Lebel, deux édi-
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- teurs qui se sont adonnés aux dessins de sainteté et de sciences mises à la portée de toutes les intelligences.
- Passons maintenant à un autre ordre de gravures, celui où l’on s’est servi de l’application récente de la galvanoplastie. En tête nommons M. Hulot, graveur à la monnaie : c’est le plus habile de tous; son cadre renferme des timbres-postes et des cartes à jouer, deux gravures d’après Raphaël avec les épreuves; ces planches sont gravées avec une perfection remarquable. Après lui, M. Gillot, qui a donné à son travail le nom de paniconographie, car il reproduit en clichés de cuivre ou de métal d’imprimerie toute espèce de gravure,, qu’elle soit sur pierre ou sur bois , et permet ainsi de l’imprimer dans le texte. M. Dumont est son émule : ce sont deux chercheurs qui ont obtenu déjà de bonnes réussites. M. Salie, M. Coblence, dont les épreuves sont placées avec les cartes de géographie, sont également deux galvanoplastes qu’il ne faut pas passer sous silence. lien est un qui occupe une place' à part, c’est M. A. Collas , qui grave mécaniquement et avec, un grand art sur acier, sur bois, sur ivoire. La finesse dm travail étonne quand on pense qu’il n’y a là; aucune trace de burin.
- Venons maintenant aux graveurs sur bois. Cette branche de la gravure, la première de toutes comme découverte et qui fit la gloire des Albert Durer , des Lucas de Leyde, des Hans Burgmer, a fait des pas de géant depuis quelques années, et nous avons égalé sinon dépassé les Anglais et les Américains, nos maîtres autrefois dans cet art. Quelques-uns de nos graveurs sur bois ont exposé aux Beaux-Arts avec succès : parmi ceux qui sont restés avec nous, les premiers de tous sont MM. Best, Hotelin et Regnier,. trinité qui a formé toute une pépinière de graveurs de talent : il suffit de la nommer, car ses œuvres sont connues et appréciées de tous, et ornent presque toutes nos publications. Citons, en première; ligne, après eux, Gusmand d’abord, puis Pontenier et Guigert, qui s’est adonné avec succès aux dessins de machines et de fabrique, ainsi que son voisin M. Dulos. La finessë du travail de tous ces artistes égale- celle de la gravure au burin : le Magasin pittoresque, la Touraine de M. Marne, la Vie de tous les peintres sont là pour prouver notre assertion.
- Il en est trois que nous avons réservés pour terminer la.
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- série des graveurs, parce qu’ils se sont adonnés à un genre de gravure pratiquée chez les étrangers , je veux parier de l’imitation des aquarelles ou des dessins au crayon par la gravure à l’aqua-tinte. Le premier, selon nous, dans l’exposition française, est Desjardins, qui nous a donné des fac simile très-remarquables des aquarelles de A. Delacroix, Bellangé, Lepoitevin, et des bouquets de fleurs; ce sont de véritables, trompe-l’œil. Himely peut se ranger sur la même ligne, et Dupuy, qui n’a reproduit que des dessins de fleurs, l’a fait avec un rare bonheur et une douceur de teintes remarquable. M. Digeon nous offre, outre des gravures analogues à celles de ces messieurs, une gamme chromatique de tons superposés, très-remarquable et très-utile, comme renseignement, à ceux qui voudraient s’exercer dans ce genre de gravure.
- Nous ne trouvons guère que chez les Anglais un point de comparaison à cet égard, encore chez eux, c’est notre idée du moins, est-ce un mélange d’aqua-tinte et de lithographie, comme nous l’avons dit plus haut en citant M. Hanhart. N’oublions pas la gravure dite commerciale , c’est-à-dire appliquée aux lettres de change, actions industrielles, etc., et plaçons en première ligne, M. Viesener, puis MM. Villerey, Saunier et liérard.
- Nous voici arrivés maintenant à une partie de l’Exposition, dont on s’est fort occupé depuis quelques années, et qui,est en grande voie de progrès, je veux parler de la photographie sur papier; je ne ferai pas ici l’historique de la belle découverte de M. Daguerre et de M. Nièpce de Saint-Victor, qui y a apporté tant de précieux perfectionnements : il est peu de personnes qui l’ignorent ; je ne m’occuperai que des épreuves obtenues par la substitution de la glace collodionnée ou albuminée, ou papier préparé, à la plaque de métal. L’absence du miroitement si désagréable dans ces dernières, et la facilité de conserver et d’emporter en portefeuille un grand nombre d’épreuves, ont fait dès les premiers pas donner la préférence à ce système, et voici en quelques mots en quoi consiste l’opération. Une glace bien nette remplace la plaque;: pour la rendre sensible à l’action de la lumière on la recouvre d’une couche d’albumine ou de collodion, opération qui exige pour avoir des. glaces bien nettes, et exemptes de stries, une assez grande habileté de main, que l’exercice du reste
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- fait bientôt acquérir ; puis, quand le collodion est étendu bien également sur le verre et encore humide, on plonge la glace pendant quelques secondes dans un bain de sel d’argent, qui lui donne la sensibilité : on expose à la lumière dans la chambré noire : on retire la glace au bout du nombre de secondes voulues, en la préservant de toute impression de lumière extérieure, puis dans un endroit noir, éclairé seulement par une bougie, on fixe l’image obtenue par des lavages, dont on trouvera l’indication dans tous les ouvrages sur lit photographie. L’image , une fois fixée, sert de matrice à un nombre indéfini d’épreuves, que l’on obtient en la posant sur une feuille de papier préparé, et en l’exposant dans un cadre à l’action du soleil ou-même de la lumière diffuse. On opère également avec des papiers préparés qui remplacent la glace albuminée ou collodionée et donnent aussi de très-belles épreuves, comme on peut s’en convaincre, dans celles de M. Bougemier (nü 9137). Il est encore une opération dans la photographie, dont il faut dire un mot avant d’aller plus loin, c’est ce qu’on a appelé l'héliographie, c’est-à-dire gravure obtenue par l’action de la lumière sur plaque de métal, avec assez de profondeur pour pouvoir tirer des épreuves. C’est à Nièpce de Saint-Victor que l’on doit ce procédé, qui donne déjà de beaux et curieux résultats, mais auxquels le graveur retouche trop, pour qù’on puisse dire que c’est la lumière elle-même qui grave directement et donne ces belles épreuves.
- Malgré tout ce que nous venons de dire de la photographie sur papier, nous ne voulons pas passer sous silence ceux de nos photographes qui sont restés fidèles aux épreuves sur plaque, et nous commencerons notre revue par eux.
- M. Millet est incontestablement celui qui marche en tête : ses épreuves, soit portraits, soit monuments, soit groupes, sont magnifiques de netteté, et obtenues presque instantanément. Parmi les épreuves exposées par cet artiste il y en a qui, plus tard, acquerreront beaucoup de prix : ce sont celles qui ont rapport aux travaux successifs du Louvre. Après lui, M. Plumier, puis M- Vaillat, M. Thierry, et M. Sabathier, qui exposent de très-beaux portraits, qui luttent avec avantage avec les beaux portraits américains.
- Mais la partie la plus remarquable de l’exposition photo-
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- graphique est dans ia reproduction des paysages et des monuments : excepté M. Fenton et M. Maxvell Lyte en Angleterre, nos artistes n’ont aucune concurrence à redouter. M. Giroux, qui se présente le premier, a des paysages bien remarquables, où l’on reconnaît de suite dans le choix des sites le goût d’un artiste et d’un paysagiste : MM. Bisson frères, qu’il suffit de nommer; rien n’égale leur vue panoramique de Paris, prise des toits du Louvre : il y a là des lointains très-bien réussis, chose rare en photographie, et comme monuments, leur grande épreuve de la cour du Louvre, et la porte de la Bibliothèque impériale, sur le quai des Tuileries : ce sont trois chefs-d’oeuvres ; puis une reproduction de Rembrandt, d’Albert Durer, et divers objets de l’Exposition, rendus avec leur habileté ordinaire. M. Baldus rivalise avec Bisson pour la grandeur et la beauté des épreuves : nous avons remarqué surtout sa vue du Mont-Dore et du lac Cham-bon , et celle des arènes de Nîmes : il y a aussi une petite vue de vallée avec un moulin, parfaite en tous points. Puisque nous en sommes aux paysagistes, admirons les épreuves de M. Martens, qui nous donne une vue générale du Mont-Blanc, d’après ses études séparées, qui sont d’une finesse extraordinaire. M. le comte de Béranger a également une série de paysages très-intéressante, une étude d’arbre entre autres prise en hiver, puis une reproduction de Rembrandt. M. Aguado termine cette série de paysagistes habiles par de très-belles épreuves, d’une rare finesse de modelé.
- En Angleterre, comme nous l’avons dit plus haut, M. Fen-ton, est le plus remarquable, et, nous pouvons l’avouer sans blesser l’amour-propre de nos artistes, le plus fort : il y a surtout une photographie intitulée Hack fait, qui est d’une finesse de modelé et d’une étendue de lointains que nous ne trouvons chez aucun des nôtres; puis ensuite Walley ofthe Wharf, et Boston Ahbey. Il est moins heureux dans ses groupes animés, que je trouve secs et noirs. M. Maxwell Lyte marche sur ses traces, et nous offre une série de vues des Pyrénées, très-remarquable par la profondeur et la transparence des lointains. M. Newton a des études au microscope très-bien réussies; M. Sherloch, des études de nuages, saisies avec une instantanéité très-heureuse, et qui peuvent servir de précieux renseignements pour les peintres.
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- Dans la Grèce, M. Philippe Margaritis nous a donné de belles épreuves des beaux monuments d’Athènes et de leurs bas-reliefs; à Florence , MM. Alinari frères, des vues du Campo-Santo, rendues avec toute la richesse de leurs détails ; à Rome., M. Dovizielli, sa vue très-remarquable d’une cascade dans l’intérieur d’un palais, et d’une chute d’eau près de Rome.
- En nous occupant maintenant de la reproduction des monuments, statues et bas-reliefs , nous placerons M. Bayard en première ligne : la beauté des épreuves de cet artiste est tout à fait hors ligne, et quand on aura vu ses belles photographies de la Vénus de Milo et de ses bas-reliefs d’après Clodion, on rendra justice à la vérité de notre assertion. Rien n’égale la pureté et la douceur de ses blancs dans la reproduction des statues. M.Lesecq vient après lui, ainsi que M. Legray, pour nos monuments gothiques; tous leurs négatifs sont obtenus sur papier.
- Nous terminerons cette revue de la photographie par la série des portraits ; il y a ici deux manières de les envisager, soit au point de vue de l’art lui-même, soit au point de vue du commerce : nous comprenons dans cette dernière série tous les portraits retouchés, car ce n’est plus le photographe qu’il faut juger, mais le peintre aquarelliste. M. Belloc, selon.nous, est le seul qui offre une très-belle série de portraits sans retouche et parfaitement réussis : après lui et avec des degrés différents de pureté de teinte ou de bonheur de pose, MM. Mayer, d’Olivier, qui a reproduit avec bonheur la galerie de nos célébrités industrielles ; Reutlinger, d’Anguy, Wulf, dont les épreuves sur toile cirée sont très-fines de détails; Laverdet et M. Fournier et Gardel, de Limoges.
- Il est quelques photographes dont je ne me suis pas occupé plus haut, parce qufils ont essayé et réussi dans tous les genres : M. Disdéry est le plus habile de tous, et.s’il parvenait à éclairer un peu plus ses beaux portraits sur toile cirée, ce seraient de vrais chefs-d’œuvre ; dans l’état où il nous les offre, l’aspect en est triste. M. Disdéry s’occupe en outre dans ce moment-ci d’un ouvrage qu’il intitulera, je crois, le Portefeuille de l'Exposition : nous en avons vu quelques planches; c’nst excessivement remarquable et d’un prix accessible; car c’est là un des défauts de la photographie, que
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- d’être hors de la portée des bourses communes. MM. Thompson et Biugham, méritent aussi une place à part pour leurs portraits grands comme nature et obtenus directement. N’oublions pas le cadre si remarquable de M. Tournachon, où 'nous trouvons reproduites avec un rare bonheur toutes les poses et toutes les grimaces si fines de notre pierrot français, Debureau : plus un beau portrait de Dantan jeune et d’autres belles études.
- Pour ne rien passer sous silence de ce qui regarde la photographie, disons quelques mots de ce qu’on a appelé l’hélio-graphie, et dont nous avons parlé plus haut. M. B. Delessert occupe le premier rang avec son cadre qui renferme la reproduction de ces belles gravures de M. Antoine, devenues si rares et si chères, etque ce nouveau procédé met à la portée de tous; puis MM. Nègre et Riffault.
- On nous a cité parmi les étrangers à Munich, les beaux portraits de M. Hanfstangl, en disant même que nous n’avions rien de comparable ; je crois qu’il y a là exagération : les poses sont heureuses, mais pour la pureté, Belloc, dont il est l’élève, l’égale s’il ne le surpasse.
- Pour résumer cette revue photographique, félicitons-nous de la voie de progrès dans laquelle elle est entrée et des services qu’elle peut rendre à l’art et à la science, comme les belles épreuves de M. Bertsch et Arnaud, et Rousseau nous le prouvent. Ses ennemis disent qu’elle n’est pas durable, c’est une question .que le temps peut seul résoudre ; cependant nous avons vu des épreuves sur papier deM. Legray, qui sont faites depuis plusieurs années et qui n’ont pas changé.
- Gravure photographique. — Dans l’un des coins les plus obscurs de l’Annexe, dans la galerie nord et en face du clocher qui domine les horloges de M. J. Wagner neveu, se trouve relégué un modeste atelier dont les productions marquent le point de départ d’une ère nouvelle dans l’art typographique. Il s’agit de La reproduction facile, et surtout fidèle, de toute espèce de dessins.au crayon, d’épreuves typographiques, lithographiques, ou en taille-douce, etc., etc., au moyen de l’ingénieux procédé imaginé par MM. Salmon et Garnier, de Chartres.
- Ce procédé repose sur un principe découvert en 1846 par M. Niepce de Saint-Victor , qui a constaté le premier que si
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- on soumet à la vapeur d’iode un dessin ou une épreuve imprimée , les traits du dessin se chargeaient plus vite d’iode que le blanc du papier, et qu’on peut ainsi en obtenir, par la pression, un décalque soit sur papier encollé à l’amidon, soit sur une plaque de métal.
- Procédant comme l’avait indiqué M. Niepce, MM. Salmon et Garnier prient les visiteurs d’exécuter,ÿur une feuille de papier, un dessin au crayon ; ils exposent ce dessin à la vapeur de l’iode, puis l’appliquent sur une plaque de cuivre jaune poli, et soumettent le tout à l’action d’une petite presse à copier. L’iode, qui s’était fixé sur les traits du dessin , se décalque sur la plaque de cuivre. Prenant alors un peu de mercure sur un tampon de ouate, on en frotte la plaque et le dessin y apparaît, le mercure se portant sur tous les endroits touchés par l’iode, et respectant au contraire ceux que cette substance a laissés intacts. Pour isoler ce dessin du reste de la plaque, il suffit de passer par-dessus un rouleau de lithographe chargé d’encre grasse qui, ne se déposant que sur les endroits exempts de mercure, rend le dessin beaucoup plus visible, et se détachant en blanc sur un fond noir. On se débarrasse alors du mercure au moyen d’une dissolution de nitrate d’argent avec excès d’acide, et le métal de la planche se trouve à nu et même légèrement creusé.
- Si l’on veut obtenir une planche en taille-douce, on continue à la faire mordre à la manière et avec les acides ordinaires. Si on veut tirer la planche dans les conditions de l’impression lithographique, on détermine sur le dessin, par les procédés connus de l’électrotypie, un léger dépôt de fer réduit de son chlorhydrate, puis on enlève, au moyen de l’essence de térébenthine, l’encre grasse qui recouvre le fond de la planche.
- On passe de nouveau la planche tout entière à la vapeur d’iode, et on la frotte de mercure qui s’étale alors sur toute la surface, moins les traits du dessin, ce qui constitue la planche dans une condition exactement inverse de son état précédent.
- Dans le premier cas , les traits du dessin, chargés de mercure , ne prenaient pas l’encre du rouleau typographique qui la déposait exclusivement sur le reste de la planche. Dans son nouvel état l’encre va se déposer exclusivement sur les traits
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- dù dessin et permettre le tirage d’un nombre indéfini d’épreuves.
- Telle est la série des opérations qui s’exécutent, avec un succès très-remarquable, devant les visiteurs émerveillés.
- Il nous reste à indiquer un résultat non moins important, dont les conditions exigent trop de temps pour en rendre les., public témoin, mais que nous avons vu réalisé avec beaucoup d’intérêt. Nous voulons parler de la gravure en relief de ces mêmes planches, destinées alors à l’impression typographique.
- Au lieu d’un dépôt de fer électrique, on produit sur les traits du dessin un léger dépôt d’or qui, préservant ces mêmes traits de l’action des acides, permet la morsure du reste de la planche à la profondeur qu’exige le tirage typographique.
- Les divers résultats dont nous venons d'entretenir nos lecteurs ont déjà atteint un assez haut degré de perfection pour que nous croyions pouvoir considérer l’invention de MM. Sal-mon et Garnier comme un des progrès les plus importants que l’art typographique ait faits dans les temps modernes.
- Les chefs-d’œuvre de la typographie moderne ne sauraient être examinés sans tenir compte des améliorations successives qui ont été signalées ailleurs dans la construction des appareils mécaniques et dans la fonderie en caractères. Nous dirons seulement que la plupart des améliorations importantes se retrouvent dans les deux expositions des imprimeries impériales devienne et de Paris. Dans nos considérations générales sur l’exposition autrichienne , nous avons pris soin d’indiquer la louable activité avec laquelle le premier de ces établissements se tient à la tête de tous les progrès; celui de ia France, pour n’être pas aussi avide de nouveautés, n’offre pas un caractère moins imposant : l'Imitation de Jésus-Christ, traduite par notre immortel Corneille, est assurément la plus belle œuvre qui se soit jamais faite en typographie.
- Quant à l’industrie privée, ses tendances sont surtout dirigées vers la production rapide et à grand tirage. Toutes les fois que cette rapidité d’exécution ne nuit pas aux qualités essentielles du livre, elle mérite à tous égards les éloges et les plus chauds encouragements.
- On ne pourrait citer une réalisation plus remarquable de ces tendances que le Journal pour tous, que publie depuis quel-?06 yy
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- ques mois M. Lahure, et dont chacun des numéros, qui. ne saurait être mieux comparé qu’à ceux de Y Illustration, s’écoule déjà à plus de cent mille exemplaires, au prix incroyable de dix centimes.
- Dessins industriels.
- Il nous faut quitter le bâtiment principal, nous diriger vers le Panorama, et prendre à droite, du côté des meubles : une inscription au-dessus de deux beaux pastels nous frappera les yeux , c’est l’entrée de la galerie des dessins industriels.
- Cette année, contrairement aux autres expositions de l'Industrie, on a réuni les dessins de fabrique, qui étaient disséminés autrefois à droite et à gauche ; de cette façon, on peut mieux les comparer entre eux et juger de leur mérite; mais, disons-le de suite, avec le goût des arts qui règne dans toutes les branches de l’industrie depuis quelques années, on était en droit .d’attendre une exposition plus complète et plus remarquable, Il y a lieu de croire que beaucoup de nos dessinateurs., ; rebutés par l’espèce de défaveur que cet éparpille-menjt^le leurs produits semblait indiquer, se sont découragés et n’ont pas voulu entrer en lice, ou que la plupart se sont contentés de voir leurs dessins reproduits par d’habiles fabricants, C’est, cependant à l’utile concours de nos artistes que nous devons le bon goût remarqué dans la plupart de nos étoffes et de nos meublés, et qui donne cette année une suprématie remarquable à la France. Parmi nos dessinateurs je nommerai M. Braun le premier, parce que son exposition se rattache plutôt à la photographie dont nous avons parlé qu’aux dessins de fabrique proprement dits. Rien n’est plus beau et mieux réussi que son album photographique exécuté d’après des bouquets de fleurs naturelles, destiné comme renseignement à nos dessinateurs : seulement son prix élevé l’empêchera peut-être de remplir le but que son auteur se propose. Une récompense éclatante doit le payer de ses efforts. Son frère expose aussi de beaux dessins de fabrique.
- M. Couder est un vétéran de nos Expositions, qui a reçu déjà toutes les récompenses ; la place qu’il occupe est grande et ne renferme, en dessins nouveaux, que deux manteaux de cour exécutés par la Compagnie lyonnaise, un châle à per-
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- sonnages exécuté par M. Deneyrousse et Cie et une nappe damassée pour le service de l’Empereur, exécutée par M. Casse. Les autres sont fort anciens, et, somme toute, nous trouvons son exposition cette année au-dessous de sa réputation. Ace propos, qu’on nous permette une petite digression : parmi nos dessinateurs, il est une circonstance que le public ignore, c’est qu’il y a l’artiste véritablement créateur et exécutant lui-même ses idées , et l’exploitant, si je puis me servir de cette expression, qui a un atelier à lui où se trouvent des jeunes gens de talent, et dont tout le mérite , s’il y en a, est accaparé par le maître. Je vais donc m’occuper de suite de ceux que j’appelle créateurs. M. Lemaire d’abord , qui a exécuté quatre pastels charmants pour papier peint, et qui se trouve dans la galerie des meubles à l’entrée de la galerie des dessins; M. Henry, qui a exposé également un grand pastel pour portière, d’une exécution tout à fait remarquable et qui aurait figuré avec grand honneur aux Beaux-Arts; M. Grandbarbe, qui n’a mis que deux esquisses pour portières, mais qui sont traitées avec une rare facilité; M. Dussauce, qui a des panneaux peints à l’huile, qu’il a dessinés ensuite pour nos fabricants de papiers peints ; M. Riester, l’un des plus habiles dessinateurs ornemanistes, et dont les dessins se trouvent reproduits en nature dans plusieurs parties de l’Exposition; MM.Berrus frères, qui ont fourni le dessin d’un châle destiné à Sa Majesté l’Impératrice, ainsi que plusieurs autres, qui, tout en étant des réductions, sont autant de petits chefs-d’œuvre d’exécution; M. Vichy, qui a de très-beaux dessins de châles exécutés par MM. Gaussen, Gosselin, Gérard et Cantigny. Ollion a de beaux châles aussi; M. Mathieu a de curieux dessins de châles applicables à la fabrication par un procédé qui lui appartient M. Mey nier a un très-grand dessin de châle, mais qui a un défaut,celui d’êtrecouvert de personnages, genre d’ornementation qui me semble déplacé dans un châle; M. Hartweck, qui a un châle imprimé, se trouve dans le même cas pour le modèle carré qu’il expose; son dessin de châle long est plus heureux. M. Délayé et M. Longepied exposent deux systèmes à peu près identiques, consistant en planches composées de caractères typographiques pour imprimer les dessins sur toutes les espèces de tisssus. M. Guichard, dont je parle le dernier, non pas
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- par ordre de mérite, mais parce que je désire fixer l’attention du lecteur sur une invention qui lui est due, et appelée à une grande application, la substitution de la laine de bois à la laine animale dans les papiers peints, avec une économie de 25 pour 400, a une exposition fort remarquable; nous y trouvons entre autres choses, le dessin d’un rideau placé dans le boudoir de l’Impératrice, au palais , ainsi qu’un projet de plafond pour le même endroit, mais que le peu de temps laissé à l’artiste a empêché d’exécuter. M. Guichard est également l’auteur des peintures remarquables du beau piano d’Érard, qui se trouve dans la grande nef à côté de la glace de Saint-Gobain. Parmi nos dessinateurs de dentelles, ceux dont les dessins sont les plus remarquables sont MM. Tamelier et Jehan : leur robe en point d’Alençon fait illusion : elle a été choisie au concours par Sa Majesté l'Impératrice; après eux, M. Lourdereau, Scherrer de Nancy, et Madeleine.
- Parmi nos ornemanistes, M. Walcher tient une très-belle place ; M. Brandely, pour ses dessins de placage, et surtout ses dessins de meubles ; puis M. Cavelier père ; M. Chatagnon-Gin-guand,d’Aubusson, a deux jolies esquisses de tapis. Parmi les artistes qui exécutent eux-mêmes leurs pensées, nous avons omis MM. Adam etGourdet : le premier expose de charmantes esquisses à l’huile de tapis et de portière; l’une d’elles, exécutée par Aubusson, se trouve dans la rotonde du Panorama ; le second nous offre une grande peinture àl’huile pour panneaux d’appartement, qui se trouve placée dans l’escalier qui relie le Panorama à l’Annexe. Somme toute, si cette année la réunion des dessinateurs industriels est peu nombreuse, on peut néanmoins louer sans restriction cinq ou six artistes hors ligne, et l’exposition entière pourrait répondre pour les autres, si les exposants avaient la conscience de mettre sur leurs produits le nom de l’artiste qui en a fourni le dessin : ce ne serait que justice. Il nous s.emble qu’il y a là une lacune dans le règlement de l’Exposition.
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- CLASSE XXYII.
- Instruments de Musique.
- Si nous ne tenons compte que des indications du Catalogue, très-peu complet d’ailleurs, sur la vingt-septième' classe, nous trouvons que la fabrication des instruments de musique en tous genres est représentée, à l’Exposition uni- . verselle, par 472 exposants, dont 325 Français, ou habitant la France, et 147 étrangers; 52 seulement nous viennent des départements, ce qui donne, pour Paris et la petite banlieue, le chiffre de 273. Les pianos seuls comptent 261 exposants, dont 52 étrangers. Dans les 209 exposants français, Paris en compte 184 et les départements 25; ce qui, en n’évaluant la moyenne de ces instruments qu’à un piano et demi par exposant, forme, pour la France seulement, un total de plus de 300 pianos qui, dans leur lutte incessante, ont pour champ de bataille plus d’un quart de la galerie circulaire contournant le Panorama.
- Dans la classification adoptée par le Catalogue, la première section comprend les instruments à vent non métalliques, Ceux-ci sont muets dans leurs vitrines, et ne prennent aucune part au bruyant charivari du rez-de-chaussée; et la hauteur à laquelle ils sont placés, jointe à l’exiguïté de leur dimension, ne permet guère de porter un jugement sur leur mérite respectif. Mais les noms bien connus de Tulou, de Trie-bert, de Godefroy aîné, de Martin, etc., etc., sont là pour témoigner de la bonne qualité des instruments exposés par eux.
- Nous rencontrons, en Bavière, le nom devenu fameux de M. Bohm, qui expose, entre autres, une flûte d’argent du système qui porte son nom.
- Indépendamment des prétentions du malheureux Gordon, mort du chagrin de se voir enlever la gloire d’un perfectionnement qui donne à la flûte des sons plus justes, plus purs et plus intenses, nous dirons, avec le jury de 1849, qu’a-
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- vantM. Boh.m, M. Cœur, amateur distingué de Paris , avait, dans ce même but, agrandi les trous de cet instrument.
- L’épaisseur des parois, dans les instruments en bois, donne aux trous qui les traversent une capacité notable, qui modifie la qualité des sons produits. M. Sax, persuadé avec raison qu’une parfaite continuité de la paroi intérieure ajouterait aux bonnes qualités de ces instruments, amincit, sur chaque trou, l’extérieur de la paroi jusqu’à ce que les bords du trou présentent un angle très-aigu ; puis, sur ce trou, il place une plaque de métal, articulée comme une clef et maintenue soulevée par un ressort. Lorsque le doigt appuie sur cette plaque, elle bouche le trou de manière à continuer exactement la paroi intérieure.
- La deuxième section comprend les instruments à vent métalliques.
- Bien que muets comme ceux de la première section et placés aussi haut, leurs dimensions permettent cependant un certain genre d’appréciation, celle des formes extérieures, dont les luttes judiciaires que soutient M. Sax, depuis 1846, ont- démontré l’importance unanimement admise aujourd’hui par ceux-là même qui la niaient avec le plus d’opiniâtreté; car, français comme étrangers, tous les instruments de celte catégorie qui figurent à l’Exposition révèlent plus ou moins, mais toujours à un degré remarquable, la pensée,fondamentale qui a présidé à la révolution opérée par M. Sax dans les orchestres militaires.
- Avant lui, le caprice seul du facteur déterfninait la forme et la direction des nombreux replis que présentent les instruments de cuivre. Les courbes les plus heurtées, les plis les plus aigus, les directions les plus brusquement contraires opposaient, à la marche de la colonne d’air, une multitude d’angles contre lesquels elle venait se heurter, et qui, par leur rigidité, opposaient les plus grands obstacles à la mise en vibration du métal de l’instrument.
- C’est tout le contraire dans les, instruments de M. Sax et dans l’immense majorité de ceux qui figurent à l’Exposition. Partout les courbes sont arrondies et ont le plus grand rayon compatible avec la place qu’elles occupent, de manière à donner à l’écoulement de l’air, ainsi qu’aux vibrations du métal, la plus grande liberté possible.
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- Il y a plus, tous ces instruments semblent sortis d’un même atelier, tant ils ont de ressemblance entre eux. On croirait en vérité qu’un même patron leur a servi de modèle, du moins quant aux conditions extérieures; car il faudrait les voir de plus près, afin de comparer leurs dimensions transversales, et surtout les entendre pour s’assurer que l’imitation a été poussée jusqu’au bout, et qu’ils possèdent toutes les qualités qu’on rencontre, à un degré si éminent, dans les instruments de M. Sax.
- Dans les 37 exposants de cette catégorie, 47 appartiennent à la France et 4 6 nous viennent de l’Autriche- Ôn nous a signalé comme particulièrement remarquables les instruments de M. Czerveny de Koeniggraetz (Bohême), puis ceux de MM. Bauer, Rott, Schamal et Stohr, tous quatre de Prague; on .nous a également désigné comme excellents ceux de M- Stovasser, de Vienne.
- La troisième section comprend les instruments à vent à clavier, à la tête desquels se place tout naturellement l’orgue, qui, à l’Exposition, abuse de son titre de roi des instruments pour y faire trop fréquemment un vacarme épouvantable; la plupart des exécutants paraissent plus désireux de déployer toute la puissance de l’instrument, que d’en faire apprécier les qualités mélodiques.
- Nous sommes loin d’être complètement renseignés sur les conditions nouvelles que peuvent comporter les divers instruments de ce |enre qui figurent à l’Exposition , l’exposant faisant presque toujours défaut au visiteur curieux de nouveautés. Signalons toutefois ce que nous avons pu apprendre.
- Bien que M. Cavaillé-Coll ne soit représenté à l’Exposition que par un très-petit orgue placé dans la nef, nous n’hésitons pas à le mettre en première ligne, parce que depuis longtemps il a fait ses preuves , et que les visiteurs de l’Exposition peuvent, sans trop de dérangement, aller entendre les magnifiques orgues de la Madeleine et de Saint-Denis.
- Obligés de nous restreindre dans nos appréciations, nous choisirons, parmi les nombreux perfectionnements que l’orgue doit à M. Cavaillé-Coll, l’emploi judicieux qu’il a fait des tuyaux harmoniques, pour suppléer ce que les autres orgues ont de maigre et de criard dans les sons élevés.
- On sait qu’ordinairement les dimensions des tuyaux d’un
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- même jeu décroissent rapidement de volume; que si, par exemple, on prend, comme unité de volume, le tuyau qui donne le son le plus grave du jeu, le tuyau, à l’octave immédiatement supérieure, n’aura que le 8' du volume du premier; celui de la troisième octave, seulement le 64e; celui delà quatrième octave, seulement le 515e; et qu’enfin celui de la cinquième octave sera 4096 fois plus petit. Or, l’intensité du son d’un tuyau étant proportionnelle au volume de l’air qui le produit, l’on ne s’étonnera pas, en voyant les nombres ci-dessus, de la faiblesse et de la ma:greur des sons élevés de l’orgue, comparativement aux basses.
- En employant les sons harmoniques de gros tuyaux pour les notes aiguës du clavier, c’est-à-dire en obligeant la colonne d’air qu’ils contiennent à se partager en un nombre de. parties vibrantes en rapport avec le son à produire, M. Cavaillé-Coll donne a celui-ci d’autant plus de rondeur, d’autant plus de puissance, que le volume total de la colonne d’air est plus considérable.
- A l’occasion de l’orgue de M. Ducroquet, nous indiquerons, comme un perfectionnement important, le levier pneumatique de M. Barker, qui a pour but et pour résultat de laisser au clavier toute la mobilité désirable, quel que soit le nombre de jeux mis en action et celui des claviers accouplés. Ce mécanisme se compose d’autant de petits soufflets qu’il y a de touches au clavier. Chaque touche n’a d’autre fonction que celle d’ouvrir une petite soupape communiquant à un soufflet qui se remplit immédiatement d’air suffisamment comprimé pour que le mouvement de la paroi mobile détermine l’ouverture de toutes les soupapes mises en rapport avec lui par les divers mécanismes d’accouplement, en surmontant toutes les résistances, si nombreuses qu’elles soient, des tirages et des leviers de renvoi.
- L’orgue dit à piston, de MM. Claude frères, de Mirecourt, présente un dispositif qui a le même but, en y joignant la suppression des soupapes, des registres, des pilotis tournants, des tirasses, des conduits ou gravures, etc., etc. Nous nous sommes assuré que le clavier est effectivement très-léger au toucher, et que chaque tuyau reçoit directement le vent au moyen d’un piston qui s’adapte à sa base.
- M. de Lorenzi, de Vicence, a donné à son orgue le nom de
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- fonocromique (sons coloriés), pour ne pas le confondre,- dit le prospectus, avec les orgues dites expressives, à anches libres; chez ces dernières, en effet, l’expression est produite par la pression plus ou moins grande qu’on peut à volonté donner au vent, mais qui s’étend simultanément à toutes les touches du clavier.
- Dans l’orgue fonocromique on colorie les sons par l’abaissement plus ou moins grand de chaque touche isolément pu du clavier tout entier, ce qui permet d’obtenir en même temps des sons de nuances diverses.
- Nous nous rappelons avoir vu, à l’Exposition de 1844, un petit orgue dans lequel un mécanisme, de l’invention de Sébastien Érard, produisait l’expression par le même moyen.
- Nos renseignements sur les orgues d’église s’arrêtent ici.
- Passons aux orgues d’appartement, qui se pressent en foule à l’Exposition.
- Dans le plus grand nombre, l’ancke libre est l’organe unique du son. L’anche libre diffère des autres anches en ce que celles-ci, formées d’une languette métallique ou en roseau, battent contre les bords du bec en métal ou en bois sur lequel on les applique, d’où leur vient le nom d'anches battantes, tandis que l’anche libre oscille librement dans une ouverture de même dimension, qu’elle ouvre et qu’elle ferme périodiquement sous l’action du vent. Le son qu’elle produit est beaucoup plus doux que celui des premières, appliquées aux clarinettes, aux jeux de trompettes dans les orgues, etc.
- On la dit d’invention chinoise. Nous avons vu effectivement des espèces de flûtes venant de cette contrée^ et qui comportent un certain nombre de ces organes.
- Sa première application sérieuse, en Europe, remonte à '1810, époque à laquelle Grenié en fît l’organe sonore d’un instrument qu’il désigna sous le nom d’orgue expressif, parce qu’en effet on peut faire varier l’intensité des sons, donner de l’expression à son jeu en comprimant plus ou moins l’air qui agit sur les anches, au moyen d’une pression plus ou moins forte exercée par les pieds sur les pédales motricesdes soufflets.
- Cet instrument eut toutefois peu de succès à cause de la monotonie de son timbre , et surtout de la lenteur avec laquelle le son s’y produit.
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- Un homme se trouva qui reprit l’oeuvre délaissée de Grenié pour en faire, sous un volume réduit au quart, un instrument d’une grande puissance de son, et surtout d’une très-grande variété de timbres imitant, souvent à s’y méprendre, les divers instruments d’un orchestre complet. Cet homme est M. Debain.
- Au lieu d’un seul jeu d’anches libres, l’harmonium de M. Debain en a quatre. Dans chacun d’eux les anches recouvrent l’ouverture d’une cavité de forme et de grandeur différentes de celles des autres jeux, d’où résultent quatre espèces de timbres très-distincts ; ce qui donne une très-grande variété aux effets de l’instrument. En plaçant les anches dans le vent, c’est-à-dire dans le sommier même où elles sont toujours sous l’action directe de l’air comprimé par les soufflets, il a rendu leur mise en vibration instantanée, et permis l’exécution de morceaux aussi rapides que pour le piano.
- Le succès ne se fit pas attendre, mais avec son cortège obligé, la contrefaçon, et les procès qu’elle entraîne à sa suite.
- Les procès gagnés, M. Debain transigea avec quelques facteurs , en se réservant expressément le nom d’harmonium pour ses propres instruments, dont l’excellente exécution lui a conservé, jusqu’à présent, une supériorité marquée sur tous ses concurrents.
- Le mélodium de M. Alexandre n’est pas autre chose que l'harmonium de M. Debain , dont il diffère, dans certains cas, par l’application d’un mécanisme qu’il a acquis de M. Martin, de Provins, et qui détermine les vibrations de l’anche par un coup de-marteau qui détache mieux la note dont le son est continué par l’air de la soufflerie. Ajoutons que, bien antérieurement à M. Martin , celte condition avait été appliquée par M. Pape.
- Tout récemment, M. Debain a complété son instrument primitif par l’addition, pour chaque touche, d’une corde de piano à l’unisson des anches, ce qui donne à Yharmonicorde, indépendamment des propriétés résultant du système Martin, qui, isolé, n’est pas jouable, les qualités de deux instruments qu’on peut faire entendre simultanément ou isolément.
- M. Alexandre expose également un instrument d’un genre mixte , mais qui restera probablement exceptionnel, attendu
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- son prix élevé, et peut-être les études qu’il exigerait de la part des artistes, qui ne paraissent pas très-empressés d’en jouer à l’Exposition, où jusqu’à présent, pour nous du moins, il est resté complément muet.
- Nous sommes toutefois en mesure d’indiquer de quoi il Se compose, d’après une note que nous tenons de M. Alexandre.
- L'instrument Liszt {c’est le nom qu’on lui a donné) a trois claviers.
- Le premier est celui d’un piano d’Érard auquel on a ajouté un système de prolongation (système que nous expliquerons plus loin en parlant des pianos) ; plus, un jeu de voix humaine. ,
- Le second clavier comporte les sons de la flûte, de la clarinette, du hautbois et de la musette; et le troisième, ceux de deuxième flûte, du baryton, du violoncelle et du hautbois.
- Deux pédales fournissent le vent dans ces instruments, et la division des soufflets permet d’avoir des crescendo sur un clavier pendant qu’on obtient des diminuendo sur un autre.
- Au moyen des pédales, on peut faire tenir l’harmonie sur un clavier pendant qu’on exécute des dessins mélodiques sur le piano, ou des variations sur la flûte, etc., etc.
- Dans ces sortes d’instruments, la position des anches est horizontale; M. Boudsocq préfère leur donner une position verticale. En entendant un de ses instruments, nous avons reconnu que cette dernière position donnait effectivement aux sons une qualité particulière qui les différencie des sons produits par les anches horizontales. Nous croyons qu’on peut tirer un très-heureux parti de la combinaison aux organes sonores.
- Nous ne quitterons pas cette section sans dire un mot de l’orgue mécanique à cylindres de M. Kelsen, qui se recommande à la fois par sa belle exécution, la qualité des sons qu’il fait entendre, et surtout par l’habileté quia présidé à la notation des six cylindres qu’il comporte.
- Nos lecteurs comprendront notre éloge lorsque nous aurons dit que M. Kelsen est élève de M. Davrainville, dont la réputation, pour ce genre d’instruments, est plus qu’européenne. Ajoutons que l’orgue de M. Kelsen comporte un clavier pour l’usage des artistes.
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- Dans la quatrième section, se trouvent compris les instruments à cordes sans clavier, notamment ceux dits à archet, c’est-à-dire les violons, les basses, etc. Cette dernière espèce d’instruments présente, au point de vue du progrès, une singularité remarquable : tandis que les autres facteurs s’efforcent à l’envi de produire du nouveau , et croient avoir fait faire un grand pas à l’art par la création d’un timbre inconnu avant eux, les bons luthiers n’ont qu’un but : approcher, autant que possible, des qualités et surtout de l’apparence extérieure de certains instruments tous sortis, ou à peu près , d’une même ville, Crémone, et des mains de quelques hommes restés célèbres entre tous, sous les uomsd’^waî*', de Stradivarius, de Guarnerius, de Steiner, etc.
- La plupart des instruments que nous ont laissés ces grands maîtres sont, il faut le reconnaître, doués d’admirables qualités qui expliquent jusqu’à un certain point le culte que leur rendent les artistes. Cette expression n’est point exagérée ; car, pour eux, le son n’est qu’une condition bien secondaire, et tel amateur n’hésitera pas à donner 4 0 000 francs, et souvent beaucoup plus, d’un violon ou d’une basse entièrement décollée, mais dont les morceaux seront irrécusablement de l’un des auteurs cités, ce qu’on reconnaît d’abord aux formes générales de l’instrument, puis à certaines coupes du bois, mais surtout au vernis qui les recouvre. L’authenticité du vernis double ou triple la valeur d’un instrument quelquefois très-médiocre; et nous avons vu vingt amateurs en extase devant une tache plus ou moins rouge, prouvant que la main de Stradivarius ou d’Amati avait passé par là.
- Cette monomanie inspira à M. Vuillaume la pensée de satisfaire à la fois aux conditions réclamées par l’art proprement dit, et à celles que le caprice des artistes a érigées en lois.
- A force de travail il est parvenu à résoudre le problème difficile d’exécuter des instruments qui ont les qualités de son qu’on recherche dans les instruments de Crémone, mais qui, encore, soit pour la forme générale, soit pour les détails d’exécution , soit pour les traces de vétusté, soit surtout pour le vernis, sont des imitations tellement fidèles, que l’œil et l’oreille des plus habiles y sont toujours trompés.
- En donnant pour 300 fr. l’imitation d’un violon de 8 à 4 0 000 fr., et pour 600 fr. celle d’une basse qui, comme celle
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- de Duport, a été payée 22 000 fr., M. Vuillaume a rendu un véritable service aux jeunes artistes qui, outre l’avantage de posséder un excellent instrument, trouvent, dans cette inoffensive supercherie, l’innocente satisfaction de leur vanité.
- Ajoutons toutefois que la fabrication de M. Vuillaume comporte, à des prix beaucoup plus abordables encore, des instruments qui, comme qualités de son *, ne le cèdent en rien à ceux dont nous venons de parler, mais auxquels il laisse toutes les apparences d’instruments neufs. Une estampille, représentant la sainte Cécile du Dominicain, distingue ces instruments de ceux de ses concurrents.
- Dans le trophée musical de la nef figure, sous le nom d’octo-basse, un énorme instrument qui est aussi de M. Vuillaume. Le succès des deux frères aînés de ce géant musical prouverait seul que M. Vuillaume sait aussi créer pour son compte, si nous n’avions à indiquer aux artistes des chevalets qui, œuvre commune du colonel Savart et de M. Vuillaume, ont très-réellement le mérite remarquable d’améliorer les qualités d’un instrument.
- C’est de visu et surtout de auditu que nous avons parlé de M. Vuillaume; c’est par la vue seule que nous avons pu apprécier les produits de ses concurrents.
- Disons d’abord que la lutherie française est en général en voie de progrès sérieux ; que , dans toutes les vitrines , apparaissent des instruments évidemments supérieurs à ceux qu’offraient les expositions précédentes.
- Parmi les luthiers parisiens dont la réputation justement acquise depuis longues années nous est un sûr garant que la bonté de leurs produits égale leurs belles apparences , nous désignerons M. Bernardel, puis MM. Gand frères qui, bien qu’exposants pour la première fois, ont depuis longtemps fait leurs preuves; M. Jacquot, dont les instruments sont d’une belle facturé et d’un bois magnifique ; M. Chanot, et M. Mau-cotel.
- M. Rambeaux présentait, aux deux dernières Expositions, des instruments dont la table était exécutée d’une manière particulière , c’est-à-dire façonnée d’abord en portions decy-lindre, puis amenée à la forme voulue au moyen de la chaleur et de la pression, d’où il résultait que le fil du bois n’était pas tranché comme dans les instruments ordinaires. Au rapport
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- du jury, ses instruments n’étaient pas sans mérite. Nous ignorons si ceux qu’expose aujourd’hui M. Rambeaux sont exécutés dans les mêmes conditions.
- L’épaisseur qu’on donne ordinairement aux altos produit une gêne pour l’artiste qui veut exécuter certaines difficultés. M. Henry y a remédié en abaissant la table d’un alto sur un des côtés seulement du 'manche, pour donner à l’artiste les mêmes avantages que sur le violon. Espérons que ce résultat est obtenu sans nuire aux qualités de son qu’on recherche dans l’alto.
- La fabrication si abondante de Mirecourt est très-bien représentée par MM. Derazey, Gaillard-Lajoue et Grandjon ; mais nous signalerons particulièrement les violons pour orchestre de M. N. Vuillaume, dont le timbre vigoureux justifie complètement le nom de stentor qu’il leur a donné.
- Sous le titre d’essai d'améliorations, M. Nicolas, également de Mirecourt, expose un instrument formé d’un violon et d’un alto adossés. Cet essai avait déjà été tenté, sans résultat, par Chanot, fondateur de la maison actuelle.
- L’exposition de M. Sylvestre, de Lyon, est remarquable et justifie en tout point l’excellente réputation dont il jouit.
- Les imitations de M. Jeandel, de Rouen , n’offrent rien de saillant; mais celles deM. Olry, d’Amiens, sont d’une invraisemblance absolue.
- M, Lapaix, à Lille, est un chercheur infatigable qui, depuis longtemps, fait subir au violon toutes les transformations imaginables. Celles que nous avons pu constater dans son exposition consistent aujourd’hui dans la suppression des angles à l’intérieur de l’instrument dont il arrondit les contours ; dans l’emploi d’éclisses en bois de sapin dont le fil est perpendiculaire à la table ; dans des f dont le coin n’est pas détaché de la table, et enfin dans une seconde âme placée entre la queue et la table de l’instrument.
- A l’étranger, cette catégorie d’instruments ne se révèle guère que par des produits d’un travail très-ordinaire ; nous ferons cependant une exception en faveur deM. N. F. Vuillaume, de Bruxelles, dont les instruments sont d’un beau et bon travail. Nous indiquerons encore ceux de M. Rocca, de Gênes.
- En Toscane, on trouvera quelques instruments sur lesquels
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- nous ne pouvons donner d’autres renseignements que les suivants, copiés s.ur l'étiquette .qui les accompagne : Épreuves de Giovannetti Léonard, de Lacques, pour obtenir de suite, et toujours avec succès, de bons violons invariables, sans perte, à cause de Vinaction.
- L’archet est l’accèssoire obligé des instruments dont nous nous occupons, et un bon archet est d’une grande valeur pour l’artiste. Nous n’apprendrons rien à nos lecteurs en disant que ceux de M. Vuillaume sont dignes de ses instruments. U en a modifié la construction d’une manière très-heureuse en rendant la hausse fixe , tout en permettant de tendre les crins à volonté. Cette condition a pour but et pour résultat de maintenir le.centre de gravité de l’archet au même point de sa longueur, et de lui laisser des conditions constantes pour la main de l’artiste.
- Les archets de MM. Henry et Simon jouissent d’une réputation méritée.
- Les cordes destinées aux mêmes instruments ont également une très-grande importance pour les artistes. Grâce aux travaux de feu Savaresse, à l’exception des chanterelles, la France, depuis longtemps, n’a plus rien à envier à Naples sous ce rapport ; et il a, dans ses neveux, MM. Henri et Jules Savaresse, à Grenelle, et Gauvain , à Caen, des successeurs qui soutiennent très- honorablement sa réputation. Ajoutons que l’infériorité de la France pour les chanterelles tient uniquement à un fait d’octroi. Les bonnes chanterelles sont fabriquées avec des intestins d’agneau d’un certain âge. A partir de la Saint-Jean (24 juin), tout agneau français devient légalement mouton et paye des droits en conséquence, De sorte que les bouchers n’achètent alors que des moutons réellement adultes, dont les intestins ne sont plus propres à cette fabrication qui ne manque à la France que parce qu’il a plu au fisc de fixer la majorité des moutons quelques mois trop tôt.
- Terminons ce sujet en signalant encore les cordes filées de M. Vuillaume, qui est parvenu à leur donner un poids égal dans toute leur longueur, une cylindricité parfaite, ainsi qu’une flexibilité inconnue-avant lui.
- Le Catalogue range encore dans la quatrième section les instruments à cordes pinGées, c’est-à-dire la harpe, la gui-
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- tare, etc. La première ne compte ; croyons-nous, que deux représentanls à l’Exposition : M. Érard et M. Domény, qui maintiennent toujours leur ancienne réputation. M. Domény ajoute à la harpe un dispositif aussi utile qu’ingénieux , qui permet de diminuer la tension de toutes les cordes lorsqu’on ne joue pas de l’instrument. Cette condition les rend beaucoup moins sujettes à casser.
- La guitare est peut-être encore plus délaissée que la harpe. Nous signalerons aux rares amateurs de cet instrument la bonne fabrication de M. Théresse, à Mirecourt.
- Nous remarquons, dans l’exposition allemande, d’assez nombreux spécimens d’un instrument à peu près inconnu en France, mais qui est très-cultivé en Bavière et dans les montagnes du Tyrol et de la Styrie. On le désigne sous le nom de zithern que le Catalogue traduit par luth. Il est aujourd’hui surtout en faveur dans la haute société de ces deux nations, parce que le duc Max, de Bavière, père de l’impératrice d’Autriche, est un véritable virtuose sur cet instrument. Un cer-ta:n nombre de cordes peuvent être divisées par des sillets, comme dans la guitare. Les autres, en plus grand nombre, se jouent à vide.
- La cinquième section , qui comprend les instruments à cordes et à clamer , ou plutôt exclusivement les pianos, rendrait notre tâche bien ardue et presque impossible si nous avions l’intention d’examiner ces instruments et les prétentions des facteurs au point de vue de la qualité des sons qu’on en obtient, parce que c’est ici une question de goût, et qu’en ce genre les goûts sont aussi divers que sur la question des couleurs. Si nous disons que rien n’est plus facile que de modifier, à la volonté de l’acquéreur, la qualité des sons d’un instrument auquel, comme meuble, il donnera la préférence , on nous accordera qu’il est tout à fait inutile d’aborder ce sujet, autrement que pour rendre justice au facteur distingué entre tous, M. Pape , qui, en substituant le feutre aux peaux dont les marteaux étaient garnis autrefois, a permis, avec la plus rigoureuse égalité du clavier, de satisfaire à toutes les nuances de goût. Il suffit pour cela de faire varier plus ou moins la densité du feutre employé, ou plutôt de le serrer plus ou moins en le collant sur les marteaux. Ajoutons qu’à cet égard notre examen serait encore sans but, les artistes actuels, donnant
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- invariablement la préférence au piano qui fait le plus de bruit.
- Nous croyons plus utile, si nous considérons la valeur commerciale d’un piano, le prix souvent très-élevé qu’il atteint comme meuble de luxe, de faire porter notre examen sur les conditions de solidité, de durée que peuvent produire les divers systèmes qui figurent à l’Exposition , sans négliger toutefois les questions qui offriraient un caractère d’utilité relative pour le possesseur de l’instrument.
- De nombreuses prétentions se manifestent sur la question du contre-tirage dont plusieurs systèmes figurent à l’Exposition. Tous ont pour but, ainsi que leur nom l’indique, d’équilibrer le tirage des cordes qui tend à faire gauchir l’instrument, et à refouler sur elle-même la table d’harmonie.
- Les premières tentatives faites pour s’opposer à ce refoulement ont d’abord consisté dans l’emploi de barres de fer placées au-dessus du plan des cordes , au tirage desquelles elles opposaient leur propre rigidité. La maison Érard réclame la priorité de cette application et en fixe la date à l’année 1822. Mais, dès 1820, ces barrages avaient été appliqués en Angleterre par James Tom et W. Allen, dans des conditions plus favorables, les cordes ne tirant plus sur les parois de la caisse, mais sur des lames métalliques arc-boutées par les premiers.
- M. Pape, après diverses tentatives dont le principe avait la plus grande analogie avec les conditions actuelles , retourna complètement la question en rendant la table elle-même l’organe du contre-tirage ; c’est-à-dire en produisant sa tension au lieu de son refoulement, sous l’action énergique des cordes. Il obtient ce résultat en plaçant, entre le plan des cordes et la table un châssis en fer s’arc-boutant en tous sens contre les parois de la caisse, de manière que celles-ci, tirées en dedans par les cordes, tendent à s’écarter derrière le châssis; mais, comme la table est collée, de ce côté, sur les bords de ces mêmes parois, leur écartement détermine une tension du la table, proportionnelle au tirage des cordes.
- C'est par le refoulement de la table d’harmonie que se produisent les détériorations si rapides d’un piano. Dans les pianos de M. Pape, non-seulement ce refoulement n’existe pas, mais la tension constante de la table lui fait acquérir 206 jw
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- à la longue une plus grande sonorité, en même temps qu’elle permet de lui donner une plus grande épaisseur, d’où résulte pour les sons plus de plénitude, de rondeur et de moelleux.
- Avec les contre-tirages , la table conserve son ancienne position. Le châssis qui l’entoure est plus résistant et la table en est plus indépendante. Les cordes tirant plus spécialement sur les sommiers formant deux côtés de ce châssis, tendent à les faire basculer, et on équilibre cette action au moyen d’un tirage contraire qu’on opère sur eux de l’autre côté de la table.
- Nous avons déjà dit que des dispositions analogues avaient été très-antérieurement employées par M. Pape, avant qu’il songeât à produire la tension de la table.
- Quoi qu’il en soit, dans le concours actuel, nous croyons voir donner une préférence sérieuse au système de contre-tirage de M. Doménv, qui consiste à loger profondément, dans les deux sommiers, les deux extrémités de larges bandes de fer, dont le milieu s’appuie sur une forte traverse en bois placée à mi-hauteur du piano. Des boulons à écrou , fixés dans la charpente, permettent d’infléchir (ces lames entre la traverse et les sommiers, de manière à équilibrer complètement le tirage des cordes.
- Nous signalerons comme très-simple, en môme temps que très-efficace, le dispositif imaginé par M. Barrache, et appliqué par la Société des facteurs de pianos sous le nom d’or-chet4irant, la résistance au tirage des cordes s’opérant dans le sens du fil d’un certain nombre de pièces de bois d’épaisseur suffisante, solidement fixées à l’arrière des sommiers.
- M. Pol-Louis, de Nîmes, n’a pas de système de contre-tirage, parce qu’il a voulu rendre sa table d’harmonie complètement indépendante du tirage des cordes, en l’écartant des deux sommiers, et qu’il la fait supporter, à la manière des tables de violon, par des éclisses collées sur les deux autres parois de l’instrument. M. Pol-Louis n’a peut-être pas assez, tenu compte du coudage des cordes sur le chevalet, et de sa tendance au déplacement de la table, dans le sens du décollement des éclisses. '
- La question de l’accordage n’est pas moins vivement discutée par de nombreux compétiteurs.
- Le système q.ui, au point de vue théorique, semblerait de-
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- voir primér tous les autres, est celui de M. Del Sarte, parce que son emploi n’exige, de la part de l’accordeur, que l’appréciation des sons à l’unisson ou à l’octave.
- Il se compose, en principe, d’une traverse fixée à demeure sur l’instrument, et occupant, en face du plan des cordes, l’étendue d’une octave ou de douze notes. Les douze notes étant bien accordées, on règle la position de douze sillets placés sous la traverse, de sorte que chacun d’eux, si on l’appuie sur la corde à laquelle il correspond, la divise de manière à lui faire donner l’unisson de la corde la plus aiguë'. Supposons maintenant le piano désaccordé, même dans l’octave occupée par l’appareil, il suffira , pour mettre celle-ci d’accord, d’abaisser la traverse, de mettre à l’unisson toutes les cordes placées sous elle; et, la traverse relevée, d’accorder toutes les cordes de même nom à l’octave ou à la double octave de celles qui ont été accordées au moyen de l’appareil.
- Le principal inconvénient de ce système ingénieux est la place qu’il occupe dans l’instrument, et qui se concilie difficilement avec les dimensions de plus en plus restreintes qu’on lui donne.
- D’autres compétiteurs veulent que le piano une fois acr cordé, on n’ait pas besoin de recourir à l’accordeur pour remettre au ton les cordes qui auront varié; et pour cela il n’est nullement nécessaire qu’on ait l’oreille juste ni même qu’on entende. Le sourd le plus sourd, pourvu qu'il voie clair, accordera un piano muni du système spécial et qui aura , été une fois accordé. Ces prétentions sont réalisées par MM. Laborde et Thomas, ce dernier appliquant seulement à chaque corde les dispositions que M. Laborde applique simultanément aux trois cordes d’une même touche.
- Disons cependant qu’antérieurement le même but avait été atteint au moyen de dispositions analogues, matérialisées différemment d’abord par M. Pape en 1837, puis par M. Le-père, en. 1839, aux pianos de la maison Roller et Blanchet.
- Précédemment M. Pape avait employé, pour terminer l’accord approché par la cheville, une vis s’enfonçant dans le sommier entre deux sillets, et dont la tête, appuyant sur la corde, la faisait fléchir de la quantité nécessaire pour la mettre au ton, en employant une force beaucoup moindre
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- et surtout beaucoup plus gouvernable que celle qu’on appliqué sur la cheville.
- Dans son accordage à vue il remplaçait la vis par un pilote dont la tête reposait aussi sur la corde, mais qui, traversant le sommier, s’adaptait à un ressort dont l’extrémité coïnci-cidait avec un repère quand la corde était au ton, et qu’elle dépassait en avant ou en arrière quand elle n’y était pas'.
- Les dispositions de M. Lepère étaient beaucoup moins simples et occupaient beaucoup de place.
- Dans le système de M. Laborde, l’addition d’un levier tendant la corde permet l’emploi de ressorts bien moins énergiques que celui des appareils de M. Pape et deM. Lepère.
- Si ces dispositions ont incontestablement l’utilité de permettre de se passer d’accordeur dans les localités éloignées des grands centres de population, elles ont, en compensation, l’inconvénient de ne pas donner à la corde la fixité nécessaire à sa complète sonorité. Les ressorts qui la tendent cèdent nécessairement sous l’action des vibrations énergiques que le marteau lui imprime , et altèrent ainsi la pureté du son qu’on obtiendrait d’une corde absolument fixée.
- Disons cependant, qu’à tout prendre, il vaut mieux avoir un instrument moins sonore qu’un instrument désaccordé, et que jpartout où l’artiste capable de remettre l’instrument Su ton’ pourra faire souvent défaut, l’amateur fera bien d’y süppléer par un piano s’accordant à vue.
- D’autres modes d’accordage, dans lesquels l’oreille reprend sa prépondérance légitime, ont pour but de donner à la main plus de sûreté dans son action, en diminuant l’effort considérable qu’elle exerce sur les chevilles dans les conditions ordinaires.
- Aucune de ces dispositions n’est nouvelle en principe ; mais plusieurs se distinguent par une heureuse modification des conditions antérieurement employées. C’est ainsi, par exemple , que M. Bachman a très-utilement appliqué aux chevilles de ses pianos la vis tangente employée à la tension des cordes de contrebasse, et quelquefois de la guitare.
- D’autres continuent à se servir des chevilles pour approcher l’accord,'et le complètent, en déterminant, comme l’a fait autrefois M. Pape, la flexion de la corde entre deux sillets.
- M. Bord se sert pour cela d’une vis conique, placée contre
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- la corde qu’elle infléchit latéralement en proportion de son enfoncement dans le sommier.
- En \ 839, M. Pfeiffer, de Versailles, en 1844, MM.Kriegelstein et Plantade disposaient, sur le sommier, au-dessus du plan des cordes, un série de petites potences traversées chacune par une vis, dont l'extrémité s’appuyant sur la corde la faisait fléchir dans les conditions plusieurs fois indiquées.
- Plus récemment M. Pol-Louis, deNjmes, a reproduit les mêmes conditions, avec cette seule différence qu’aux potences multiples il a substitué une barre unique, occupant toute la longueur du piano, et traversée en face de. chaque corde par les vis deM. Pfeiffer.
- Par un de ces hasards fréquents en industrie, M. Debain appliquait presque simultanément, à la corde unique de son harmonicorde , un système d’accordage composé également d’une barre métallique également traversée par des vis.
- Mais remarquant, avec raison, entre autres inconvénients, que le mouvement circulaire de la vis exerçait sur la corde un frottement très-énergique qui pouvait en altérer la solidité , il coiffa l’extrémité de cette vis d’une espèce de dé à coudre, dans lequel elle peut tourner, et qui porte, à son sommet extérieur, une fente où se loge la corde.
- Il paraît que M. Pol-Louis constata aussi, mais plus lard, les inconvénients de la vis simple. Aujourd’hui, comme M. Debain, il la fait de deux parties, avec cette différence seulement, qu’au dé à coudre de M. Debain, il a substitué une pièce pleine fendue à l’une de ses extrémités pour recevoir la corde, et prolongée par une queue cylindrique qu’il loge dans un trou de même forme pratiqué dans l’axe de la vis.
- M. Pol-Louis fit grand bruit à cette occasion, et ne parut pas comprendre que si sa barre était antérieure de quelques jours à celle de M. Debain, il lui était de beaucoup postérieur quant au principe au moyen duquel la corde est soustraite au frottement de la vis de pression.
- M. Debain, reconnaissant la priorité de la barre de M. Pol-Louis sur la sienne, se hâta de la supprimer dans ses instru-, ments, et y substitua un dispositif très-ingénieux, que nous allons décrire. Quant à M. Pol-Louis, nous n’avons pas encore remarqué qu’il ait fait disparaître, de ses instruments,
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- l’organe dont le principe appartient incontestablement à M. Debain.
- Le nouveau dispositif de M. Debain consiste, pour chaque corde, en un arc de cercle métallique, dont les deux extré^-mités portent une vainure et reposent sur une portion de la corde prise entre deux sillets. La corde est infléchie dans la cavité de l’arc de cercle, au moyen d’un crochet dont la tige filetée traverse le sommet de celui-ci, et reçoit extérieurement un écrou au moyen duquel on tend plus ou moins la corde pour la mettre au ton.
- Les dispositions appliquées par M. Sax père, dans l’exécution de ses pianos, ont pour but de laisser à la table d’harmonie une plus grande liberté dans ses vibrations, et par conséquent d’augmenter sa sonorité.
- Sous le nom de prolongement quelques pianos ont un dispositif qui, un accord étant frappé, continue à vibrer, sans que la main soit obligée de main tenir abaissées les touches de l’accord; ce qui laisse la liberté d’exécuter d’autres notes, .pendant la durée de l’accord. Cette idée appartient à M. Bois-éelot, de Marseille. D’un autre côté, on doit àM. Pape des conditions mécaniques qui, rapprochant plus ou moins, à volonté, tout le système des marteaux du plan des cordes, permet d’affaiblir les sons autant qu’on le veut, quelle que soit la vigueur avec laquelle les touches sont attaquées. Mais cette Condition s’applique forcément à la totalité du clavier ; enfin, dans le système Boisselot, on ne peut produire un second accord prolongé qu’à la condition de détruire le prolongement du premier.
- Combiner les deux conditions, c’est-à-dire permettre à,l’artiste de prolonger tel nombre d’accords successifs qu’il voudra , et d’obtenir, sur telle portion du clavier qu’il désirera, tous les degrés de forté, en même temps que sur d’autres il pourra exécuter toutes les nuances du piano au pianissimo , sans qu’une longue étude sur d’ennuyeux exercices soit la condition indispensable du résultat à obtenir : tel est le problème difficile qu’ont abordé et très-heureusement résolu MM. Lentz et Houdard dans un instrument auquel ils donnent le nom de piano scandé.
- Dans ce double but, ils disposen t, au bas de l'instrument, deux séries de pédales dont l’une, s’abaissant sous le pied ,
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- agit à la manière ordinaire sur les étouffoirs qu’elle soulève ; la pointe du pied repousse l’autre qui rapproche les marteaux du plan des cordes. On donne le nom de contre-pédales à celles-ci. Chaque pédale et la contre-pédale correspondante exercent leur action sur un certain nombre de cordes, une octave par exemple; et, comme le même pied peut facilement attaquer à la fois deux pédales ou contre-pédales, l’exécutant peut produire instantanément le même effet sur quatre octaves et même près de cinq , au moyen d’un organe spécial qu’il pousse du doigt, ou bien diviser ses effets à volonté, de manière à produire en même temps le forté sur une ou plu-sieurs octaves, et le piano sur une on plusieurs autres.
- Ces nuances si délicates, qui font la'réputation d’un artiste, sont souvent dans la tête d’un élève avant que de fastidieux exercices les aient mises dans ses mains ; et c’est, à notre avis, un véritable service rendu à l’étude du piano, que d’en avoir rendu plus abordables les difficultés dont une très-longue pratique pouvait seule rendre maître.
- M. Debain, dont nous avons plusieurs fois signalé les ingénieuses inventions, est aussi l’auteur d’un piano dont on peut jouer 8ans être musicien, c’est-à-dire au moyen d’une manivelle, comme les orgues de Barbarie. Mais là, hâtons-nous de le dire, s’arrête la ressemblance.
- Outre le clavier ordinaire d’un très-bon piano, l’instrument comporte un mécanisme qui, entraînant une série de planchettes recouvertes de pointes convenablement disposées, permet d’exécuter, avec toute la précision possible, avec les nuances les plus variées et les plus délicates, la musique la plus difficile, la plus chargée de notes.
- Avec le piano mécanique, l’amateur le plus éloigné des contrées fréquentées par les artistes peut se donner le plaisir d’entendre, très-bien exécutés, les morceaux exclusivement réservés aux grands centres de population. Mais ce qui le rend surtout précieux, c’est qu’avec lui un bal peut s’improviser dans une réunion de famille ou d’intimes, sans mettre à contribution la complaisance de la maîtresse ou de la fille de la maison, qui peuvent ainsi prendre leur.part de la fête et s’amuser avec leurs invités.
- L’exécution de ces instruments est aujourd’hui une branche importante de fabrication dans la maison Debain, qui en. ex-
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- pédie annuellement un nombre considérable; et c’est par centaines de kilomètres qu’elle compte annuellement ses livraisons de musique piquées sur les planchettes décrites plus haut.
- Le magnifique piano mécanique, commandé pour S. M. l’Impératrice, qui figure à l’exposition de M. Debain, prouve que cet instrument a su lui conquérir les plus augustes suffrages.
- Nous avons plusieurs fois signaté les inventions de M. Pape à l’occasion de celles de ses confrères. L’espace nous manque pour faire ici la nomenclature de celles qui ont marqué la carrière si féconde de cet habile fabricant, et dont la plupart ont été un progrès sérieux dans la facture des pianos. Nous nous bornerons à dire que son exposition actuelle se compose en partie d’anciens instruments dont l’état de conservation prouve la bonté des méthodes appliquées à leur construction, et d’un certain nombre d’instruments mixtes, participant du piano et de l’orgue, où se retrouvent comme toujours les dispositions les plus simples et les plus ingénieuses.
- Si nous citons, dans un piano deM. Mercier, une disposition qui a pour but de nuanéer l’intensité des sons produits au moyen d’un mécanisme analogue aux volets d’orgues, dont on voit un spécimen dans l’orgue mécanique de M. Kelsen, nous aurons indiqué tout ce qu’il nous a été donné de découvrir ou d’apprécier, en fait de nouveautés, dans la facture des pianos français à l’Exposition.
- En nous bornant à indiquer les nouveautés que nous avons pu découvrir dans l’Exposition française des pianos, nous n’avons pas voulu signaler exclusivement aux visiteurs les seuls facteurs dont nous avons mentionné les efforts. Parmi les noms omis par nous, un grand nombre jouissent d’une réputation justement méritée; et nous n’apprendrons probablement rien à nos lecteurs en leur disant qu’ils peuvent toujours s’adresser avec confiance aux maisons qui portent les noms si connus d’Érard, de Gaidon jeune, de Kriegels-fein, de Monial, de Pape fils, de Pape neveu, de Pleyel, de Souffletto, etc.
- Si, de la France, nous passons à l’étranger, nous trouvons cette branche importante de l’industrie très-peu représentée. En Autriche, un seul piano, bien que le Catalogue indique
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- sept exposants. En Angleterre, les maisons les plus importantes, les Broadwood, les Collarl, font défaut; mais on nous a signalé, comme très-remarquable, un piano d'Hopkinson.
- Comme prétention à la nouveauté, nous n’avons pu en découvrir qu’aux États-Unis, dans deux pianos carrés dits diaphonies. Nous y remarquons des cordes croisées, antérieurement appliquées par M. Pape, auquel on a encore emprunté deux tables d’harmonie, dont la seconde porte des cordes à l’unison des cordes directement frappées, ce qui augmente considérablement le volume du son. Mais, ce que M. Pape ne revendiquera certainement pas, c’est la substitution de la peau au feutre pour garnir les marteaux.
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- TABLE DES MATIERES.
- Instruction historique............................Pages. 1
- Description générale de l’Exposition...................... 60
- France.................................................... 66
- Algérie................................................... 68
- Colonies françaises .............................. • • ^
- Royaume-uni de la Grande-Bretagne......................... 74
- Possessions des Indes..................................... 93
- Australie................................................ 96
- Canada................................................... 98
- Colonies anglaises . ..................................... 101
- Suède, Norvège et Danemark ............................. 103
- Pays-Bas ...............;............................... 107
- Colonies néerlandaises................................... 109
- Royaume de Belgique...................................... lit
- Villes hanséatiques...................................... 113
- Royaume de Prusse....................................... 115
- Grand-duché de Bade..................................... 123
- Royaume de Wurtemberg................................... 125
- Royaume de Saxe ......................... . . .......... 127
- Royaume de Bavière. .................................... 129
- Confédération suisse................................. . . . 130
- Empire d’Autriche........................................ 133
- États sardes............................................ 142
- Grand-duché de Toscane................................... 147
- États pontificaux. ...................................... 149
- Royaume d’Espagne ....................................... . 151
- Royaume de Portugal. . ............................... 155
- Royaume de Grèce...................................... 158
- Empire ottoman ......................................... 160
- Égypte . , .............................................. 161
- Tunig 163
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- 796 TABLE DES MATIÈRES,
- États-Unis d’Amérique.....................................: 163
- Mexique.............................................. . . . . 167
- États de l’Amérique du Sud................................ 169
- Examen comparatif des produits, .......................... 171
- Système de classification................................. 172
- lre classe. Art des mines et métallurgie.................. 173
- — Exploitation des mines.......................... 174
- — Extraction....................... . .'.............. 176
- — Aérage et éclairage des mines................... 180
- — Préparation mécanique des combustibles.......... 183
- — Métallurgie du fer.............................. 185
- — Moulage........................................ 188
- — Fabrication du fer.............................. 193
- — Marbres et ardoises.......................... 201
- 2« clasçe. Art forestier, chasse, pêche, et récolte des produits obtenus sans culture.................................. 202
- — Conservation des bois........................... 214
- 3e classe.'Agriculture, y compris toutes les cultures de végétaux et d’animaux........................................ 217
- — Cotons . . .’................................... 223
- — Laines.......................................... 229
- — Engrais......................................... 236
- 4* classe. Mécanique générale appliquée à l’industrie. . . 240
- — Moteurs hydrauliques................................ . 242
- — Chaudières à vapeur............................. 246
- — Machines à vapeur............................... 251
- — Grues........................................... 270
- — Pompes.......................................... 272
- — Ventilateurs et souffleries......................276
- 5" cIlasse. Mécanique spéciale et matériel des chemins de
- fer et des autres'modes de transport......... 280
- — Locomotives...............................*.......284
- — Wagons......................................... 302
- — Carrosserie. . ............................... 303
- — Sellerie........................................ 309
- 6e classe. Mécanique spéciale et matériel des ateliers industriels............................... .... .... 313
- — Machines-outils................................. 314
- — Machines agricoles............................. 314
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- TABLE DES MATIÈRES.
- 797
- — Machines des industries chimiques et alimentaires 327
- — Typographie et impressions........................ 335
- — Machines à sculpter............................... 345
- — Machines diverses................................. 347
- 7e classe. Mécanique spéciale et matériel des manufactures
- de tissus. .................................... 348
- 8® classe. Arts de précision; industrie se rattachant aux
- sciences et à l'enseignement................... 379
- — Horlogerie. . .................................... 382
- — Instruments de précision...........................402
- 9® classe. Industrie concernant l’emploi économique de la
- chaleur, de la lumière et de l'électricité. . . . 415
- — Combustibles.......................................416
- — Fabrication des bougies............................420
- — Chauffage et ventilation.......................... 424
- — Emploi de la chaleur dans les arts..............431
- — Éclairage par les liquides.........................440
- — Éclairage au gaz. 444
- — Phares.......................................... 447
- — Production et emploi de l’électricité..............449
- — Galvanoplastie.................................... 451
- — Moteurs électriques................................452
- — Télégraphie électrique........................... 454
- 10® classe. Arts chimiques, teintures , et impressions, industries des papiers, des peaux, du caoutchouc, etc.
- — Produits chimiques............................. 465
- — Cuirs et peaux . . ................................476
- — Papiers........................................... 486
- — Tabacs............................................ 492
- — Caoutchouc.........................................496
- :ll® classe. Préparation et conservation des substances alimentaires.....................................................503
- •12® classe. Hygiène, pharmacie, médecine et chirurgie. .. 525
- — Hygiène........................................... 525
- — Instruments de chirurgie......................... 540
- 13* classe. Marine et art militaire. . .......................551
- — Navigation. ...................................... 552
- — Armes et projectiles. .............................557
- 14® classe. Constructions civiles............................ 565
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- TABLE DES MATIÈRES;
- — Matériaux.............•............................. 565
- — Arts divers se rattachant à la construction .... 580
- — Distribution d’eau et de gaz................ 592
- — Travaux publics............................. 595
- 15° classe. Industrie des aciers bruts et ouvrés.......603
- — Aciers.......................................... 603
- — Coutellerie..................................... 616
- 16' classe. Fabrication de métaux d’un travail ordinaire. . 619
- — Fontes moulées ................................ 620
- — Métaux divers..................................62’2
- — Serrurerie..................................... 629
- 17e classe. Orfèvrerie, bijouterie, bronzes d’art.......... 631
- — Orfèvrerie et bijouterie....................... 632
- — Bronzes d’art.............................'.........642
- — Galvanoplastie................................. 647
- 18e classe. Industrie de la verrerie et de la céramique ... 657
- — Céramique...................................... 658
- — Verrerie et cristallerie....................... 669
- Classes 19 a 23. Manufactures de tissus.................... 680
- — Tissus de coton...................................682
- — Tissus de lin et de chanvre...................... 688
- — Tissus de laine. . .............................. 693
- — Châles........................................... 699
- — Bonneterie....................................... 702
- — Dentelles, tulles et blondes..................... 707
- — Soies et soieries................................ 710
- 24e classe. Ameublement et décoration........................ 718
- — Ebénisterie. .......................... -........... 720
- — Coffrets et nécessaires............................... 731
- — Papiers peints....................................734
- — Vitraux. ........................................ 736
- 25* classe. Articles de vêtements, de modes et de fantaisie. . 738
- —• Vêtements confectionnés. ...'. . .................739
- — Chapellerie. . . ..................._..............741
- . — Chaussures. .................................... 744
- — Ganterie. ....................................... 747
- — Corsets, boutons.............................. 748
- — Fleurs artificielles............................ 752
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- TABLE DES MATIÈRES.
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- 26e classe. Dessin et plastique appliqués à l'industrie. . . . 753
- — Plastique.............................................. 753
- — Gravures, lithographie, impressions.................... 758
- — Photographie. . . ..................................... 763
- — Dessins industriels.................................... 770
- 27e classe. Fabrique des instruments de musique.................773
- FIN DE LA TABLE.
- Ch. Lahure, imprimeur du Sénat et de la Cour de Cassation (ancienne maison Crapelet), rue de Vaugirard, 9.
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