La Nature
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- LA NATURE
- REVUE DES SCIENCES ET DE LEURS APPLICATIONS
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- LA NATURE
- REVUE DES SCIENCES ET DE LEURS APPLICATIONS
- SOIXANTE-DIX-NEUVIÈME ANNÉE
- 1951
- MASSON ET C‘ ÉDITEURS
- LIBRAIRES DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE
- 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS
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- SUPPLÉMENT AU No 3 200 (DÉCEMBRE 1951)
- Le gérant : G. MASSON.
- Laval. — Imprimerie Barnéoud.
- Published in France.
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- N° 3189
- Janvier 1951
- LA NATURE
- LE ROUGISSEMENT DES GALAXIES LOINTAINES
- L’expansion de l’Univers, attestée par le déplacement vers le rouge des raies spectrales des galaxies lointaines, a différentes conséquences photométriques relatives à la luminosité et à la couleur des galaxies dont l’observation, réalisée au cours de ces dernières années, a mis en évidence de nouveaux phénomènes d’un grand intérêt pour les théories de l’évolution cosmique.
- La relation distance-vitesse. — Pour la clarté de ce qui suit nous rappellerons brièvement les étapes essentielles de la découverte de l'Expansion de VUnivers (1).
- C’est en igia que l’astronome américain V. M. Slipher, de l’observatoire Lowell, réussit pour la première fois à mesurer la vitesse radiale d’une nébuleuse spirale par le déplacement de ses raies spectrales dû à l’effet Doppler-Fizeau. Dès 1914, il avait obtenu les vitesses de i3 nébuleuses et constatait une prédominance des vitesses d’éloignement. En 1925, sur une liste de 43 vitesses compilée par Strômberg, 38 étaient positives, correspondant à des vitesses d’éloignement.
- Mais la signification du phénomène resta obscure jusqu’à ce que E. Ilubble, à l’observatoire du Mont-Wilson, ayant reconnu la nature extra-galactique des nébuleuses spirales et elliptiques et mis au point des méthodes de détermination de leurs distances, eût montré, en 1929, que les vitesses d’éloignement des nébuleuses croissaient proportionnellement à leur distance, suivant la relation V = 170 D, Y étant la vitesse en kilomètres par seconde et D la distance en millions d’années-lumière. Cette découverte de la relation distance-vitesse donnait un support à la théorie de l’Univers en expansion formulée, dès 1927, par le chanoine belge G. Lemaître (x).
- Un programme de détermination des vitesses des nébuleuses situées dans des amas de plus en plus lointains, aussitôt entrepris par M. L. Humason, au Mont-Wilson, permit de vérifier la validité de la relation distance-vitesse jusqu’à la distance record de 240 millions d’années-lumière, atteinte dès 1936. A cette distance, la rûtesse observée d’une petite nébuleuse de l’amas n° 2 de la Grande Ourse est de 42 000 km/s, soit près d’un septième de celle de la lumière; dans le spectre de cette nébuleuse les raies H et K du calcium ionisé se trouvent transportées à la limite du bleu et du violet, vers la longueur d’onde 4 5oo Â, alors que leur position normale est au début de l’ultraviolet, vers 3 g5o À. Un déplacement presque aussi grand, correspondant à une vitesse de 09 000 km/s, fut trouvé pour une nébuleuse de l’amas du Bouvier, distant de 23o millions d’années-lumière.
- Ces nébuleuses, de x8° magnitude, sont à la limite de portée du télescope du Mont-Wilson, au point de vue spectrographique et les essais faits depuis 1986 pour atteindre des objets plus faibles et plus lointains ont échoué. Les progrès vont reprendre avec l’entrée en service du télescope du Mont-Palomar qui permettra sans doute d’obtenir les spectres de nébuleuses situées à
- 1. Pour plus de détails nous ne saurions trop recommander la lecture du remarquable ouvrage de M. P. Couderc, L’expansion de l’Univers (Presses Universitaires, Paris, 1950), qui est de beaucoup la meilleure mise au point publiée à ce jour sur ce passionnant sujet.
- plus de 5oo millions d’années-lumière et d’observer des déplacements spectraux correspondant à des vitesses atteignant près de ioo ooo km/s.
- Bien que le fait ait été assez longtemps discuté, en particulier par Ilubble lui-même, il semble bien maintenant qu’il faille interpréter les déplacements spectraux observés comme dus à des vitesses d’éloignement réelles, c’est-à-dire à l’effet Doppler-Fizeau classique et non à quelque phénomène inconnu. D’ailleurs la propriété caractéristique de l’effet Doppler-Fizeau, à savoir la proportionnalité entre le déplacement spectral AX, et la longueur d’onde X a été vérifié avec précision, en ig49, par O. C. Wilson, dans le spectre de la nébuleuse NGC 4i5r (V = 967 km/s, AL/?v = o,oo323) pour tout l’intervalle spectral de 3 4oo à 6 600 Â.
- Influence de Vefiet Doppler-Fizeau sur la couleur.
- — L’idée d’un changement de couleur lié au mouvement de
- UV spectre visible IR
- M 33
- Sc. A 7
- Sb,G3
- 0,5 0,6
- 0,8 1.0 X (y.)
- Fig. 1. — Couleur des galaxies proches, d’après Stebbins et Whitford. Distribution de l’énergie dans les spectres de 8 galaxies proches, de l’ultraviolet à l’infra-rouge, par rapport aux étoiles de type dG6. L’échelle des ordonnées est en magnitudes. Le numéro du catalogue de Messier est indiqué à gauche, le type nébulaire et le type spectral à droite. L’excès de lumière dans l’ultra-violet et dans l’infra-rouge est mis en évidence par rapport aux droites en tirets.
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- la source lumineuse suivant le rayon visuel n’est pas neuve, puisque Doppler lui-même l’avait émise dès 1842; mais les vitesses usuelles des étoiles sont beaucoup trop faibles par rapport à celle de la lumière pour que le changement de longueur d’onde correspondant, au plus égal à quelques angstroms, produise un changement de couleur appréciable. Il n’en est plus de même dans le cas des nébuleuses lointaines dont la vitesse n’est plus négligeable vis-à-vis de celle de la lumière et le changement de couleur devient alors notable.
- Plus précisément, l’effet Doppler-Fizeau a pour résultat de transformer la courbe d’énergie E(X) de la nébuleuse au repos en une courbe E(X;), déplacée vers les grandes longueurs d’onde, de telle sorte que }J = X (1 -F V/c), V étant la vitesse radiale et c la vitesse de la lumière. Par exemple, dans le spectre des nébuleuses les plus lointaines signalées plus haut, dont la vitesse atteint près de i5 pour roo de celle de la lumière, le déplacement Doppler dépasse 5oo A et transporte jusque dans le bleu la partie violette au repos du spectre nébulaire, de même le bleu au repos vient dans le vert-jaune, le jaune dans le rouge, etc. Il en résulte que la couleur, mesurée par le rapport des énergies transportées dans deux bandes clc longueurs d’onde données, se trouve modifiée. En gros on peut dire que la couleur de la nébuleuse, supposée blanche au repos, vire vers le rouge d’une façon d’autant plus accentuée que la vitesse est plus grande. Il y a donc un rougissement des galaxies lointaines.
- Il n’est naturellement pas question d’apprécier ce rougissement par simple observation visuelle; la lumière des galaxies lointaines est bien trop faible pour donner la moindre impression de couleur. Mais on peut mettre le changement en évidence par des mesures colorimétriqucs comparatives de nébuleuses proches et lointaines. De plus, pour pouvoir ensuite comparer le changement observé avec celui que permet de prévoir l’effet Doppler-Fizeau, il est nécessaire de déterminer assez exactement la courbe d’énergie des nébuleuses au repos, c’est-à-dire pratiquement des galaxies proches.
- La couleur des galaxies proches. — En astronomie, la couleur est habituellement mesurée par l'indice de couleur, défini comme la différence entre la magnitude photographique et la magnitude visuelle ou photovisuelle, c’est-à-dire par le rapport des éclats mesurés en lumière violette et en lumière jaune, le rapport correspondant relatif aux étoiles de type spectral A étant pris pour unité. Cet indice de couleur peut naturellement être aussi mesuré avec une cellule photoélectrique précédée de filtres colorés convenables. En utilisant des filtres à bandes passantes assez larges, il est possible d’atteindre des astres faibles.
- Quant à la courbe d’énergie, elle ne peut être déterminée, en principe, que par des mesures spectro-photométriques ; mais celles-ci ne sont pas possibles, faute de lumière, pour les nébuleuses extra-galactiques; il faut alors se contenter de comparer la lumièi'e des nébuleuses à celle d’étoiles de courbe d’énergie connue dans une série de domaines spectraux étroits isolés par des filtres.
- C’est ce procédé qui a été appliqué au cours de ces dernières années par les astronomes américains J. Stebbins et À. E. Whit-ford, à l’observatoire du Mont-Wilson. Leurs résultats relatifs à 8 nébuleuses brillantes sont résumés par la figure 1 ; les courbes montrent les écarts par excès ou par défaut entre les courbes d’énergie des nébuleuses et la courbe d’énergie moyenne de 10 étoiles naines de type spectral moyen dGQ. Il apparaît que, par rapport à des étoiles de même couleur dans le spectre visible, les nébuleuses présentent un excès de lumière dans l’ultra-violet et l’infrarouge, résultant du mélange d’étoiles de différents types spectraux dont elles sont composées. On voit aussi que les nébuleuses sont loin d’avoir toutes la même couleur; en moyenne les spirales sont moins rouges que les
- elliptiques représentées ici par Messier 32, satellite de la nébuleuse d’Andromède M 3i et aussi par le noyau de la spirale M 31, occupée par le même type de population stellaire. Celle-ci, correspondant au type II de Baade, est caractérisée par l’absence de supergéantes bleues et rouges, alors que dans les bras des spirales et dans notre voisinage galactique, la population stellaire, correspondant au type I, est riche en supergéantes. Cette absence de supergéantes dans les nébuleuses elliptiques proches est une particularité importante sur laquelle nous aurons à revenir.
- La courbe d’énergie de la nébuleuse elliptique M 32, considérée comme typique, a ensuite été établie par Stebbins et Wliitford en la rattachant de proche en proche à celle du Soleil; pour cela les étoiles de référence dG6 furent comparées à des étoiles de type dG-i qui est celui du Soleil, pour lequel la courbe d’énergie établie en ig4o par E. Pettit fut adoptée. Le résultat est représenté sur la figure 2 ; la courbe en trait plein est la courbe d’énergie observée (nébuleuse au repos, V = o) et la courbe en tirets représente la même courbe déformée par effet Doppler-Fizeau pour une vitesse de 39 000 km/s égale à celle de la nébuleuse de l’amas du Bouvier (X* 1 = x, 13 X).
- La couleur des galaxies elliptiques lointaines. —
- Stebbins et Whitford ont ensuite mesuré, en 1947, à l’aide d’un multiplicateur d’électrons 1P21, monté derrière des filtres jaune ou violet au foyer du télescope de 2,54 m du Mont-Wil-son, les couleurs de nébuleuses elliptiques appartenant à des amas de galaxies de plus en plus lointains. Le diaphragme utilisé pour isoler les nébuleuses dans le plan focal ne mesurait pas plus de nir de diamètre et pour la nébuleuse la plus faible observée, celle de l’amas du Bouvier, de magnitude 18,2, la lumière du ciel nocturne contribuait pour 70 à 80 pour 100 de la déviation totale.
- Néanmoins les mesures de contrôle effectuées ne laissent aucun doute sur l’exactitude des résultats obtenus.
- Ceux-ci sont réunis dans le tableau suivant :
- Couleurs des nébuleuses elliptiques lointaines
- Amas Dislance (millions d’A.-L.) Vitesse radiale (km/s) Nombre de nébuleuses Magnitudes apparentes Indices de couleur
- Virgo . . 7,5 1240 18 9,5 à 10,6 0,77 à 0,93
- Coma . . . 39 658o 3 i3.2 à 17,4 0,96 à i.o5
- Corona i3o S2 000 4 16,8 à 17,3 i,i3 à i,i5
- Bootes 230 39000 l 18,2 i,36
- La dispersion propre des couleurs, indiquée par les 18 objets mesurés dans l’amas de la Vierge, s’élève à +0,06 mag. (e. m.). Compte tenu de celte dispersion, la figure 3 sur laquelle ont été reportés les résultats individuels montre que, dans tout le domaine observé, l’indice de couleur croît régulièrement et linéairement avec la vitesse, suivant la relation :
- IC = o,84 + o,oi33-^-.
- 1 1 000
- Le terme constant o,84 est l’indice de couleur d’une nébuleuse proche, au repos (V = o), et le second terme représente l'excès de couleur des nébuleuses lointaines animées de la vitesse radiale V, c’est-à-dire affectées du déplacement Doppler-Fizeau AX/X = V/c. Pour la nébuleuse dn Bouvier l’excès de couleur est 1,36 — o,84 = o,52 mag. et la vitesse de 39 000 km/s correspond à AX/X = o,i3.
- La question qui se pose est de savoir si cet excès de couleur provient uniquement de l’effet du déplacement spectral. La connaissance de la courbe d’énergie de M 3a permet de répondre
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- à cette question : à partir des courbes de sensibilité spectrale de leur cellule et de transmission de leurs filtres, Stebbins et Whitford ont calculé les longueurs d’onde « effectives » correspondant à leurs mesures en violet et en jaune, soit respectivement 4 3ao et 5 290 Â. L’excès de couleur théorique s’o b t i e n t alors simplement en comparant le rapport des ordonnées pour ces ,d eux longueurs d’onde de la courbe déplacée et de la courbe non déplacée de la figure 2. Stebbins et Whitford ont ainsi trouvé que, pour la nébuleuse du Bouvier, l’excès de couleur dû à l’effet Doppler-Fizeau n’atteint que 0,22 mag., alors que l’excès observé s’élève à 0,62 mag.
- Il subsiste par suite un excès de couleur résiduel de o,3o mag. pour cette' nébuleuse située à 23o millions d’années-lumière. Il s’agit de trouver l’origine de ce résidu.
- Stebbins et Whitford ont fait remarquer que si ce résidu de l’excès de couleur croît proportionnellement à la distance, alors la partie Doppler de l’excès de couleur croît aussi proportionnellement à la distance, ce qui, par une voie indépendante, apporte une confirmation à la relation distance-vitesse de Hubble. 1
- Fig. 2. — Distribution de l’énergie dans le spectre de la nébuleuse elliptique proche Messier 32.
- En tirets, la même courbe déformée par un déplacement Doppler = 0,13. Les lon-
- gueurs d’onde effectives des mesures photoélectriques en violet et en jaune sont indiquées.
- Origine de Vexcès de couleur résiduel. — Dans la Galaxie on observe aussi un rougissement des astres lointains, dont l’origine est bien connue : c’est un effet de l’absorption interstellaire, plus marquée pour les radiations bleues que pour les rouges et les travaux antérieurs de Stebbins et Whitford avaient montré que, dans ce cas, le rapport de l’absorption photographique totale à l’excès de couleur est voisin de 4-
- Mais une telle explication peut certainement être rejetée dans le cas des galaxies lointaines, car l’excès de couleur de o,3o mag. correspondrait à une absorption de 1,2 mag., impliquant une correction de la distance de la nébuleuse du Bouvier par un facteur o,58, soit une réduction de 23o à i3o millions d’années-lumière. Or les dénombrements de nébuleuses effectués antérieurement par Ilubble indiquaient, avec l’échelle admise des distances nébulaires, une densité de matière statistiquement uniforme dans tout l’Univers; la correction précédente conduirait à une densité croissant rapidement avec la distance à l’observateur terrestre, une situation naturellement invraisemblable. Depuis Copernic, les astronomes ont appris à se méfier des illusions géoccntriques...
- Il faut donc chercher autre chose. Pour cela Stebbins et Whitford ont pris en considération, suivant une suggestion de l’astrophysicien théoricien M. Schwarzschild, de Princeton, les particularités de la population stellaire composant les nébuleuses elliptiques et plus précisément l’absence de supergéantes rouges constatée dans les nébuleuses proches de ce type. Ces étoiles, qui rayonnent leur énergie à un taux quelque 10 000 fois plus élevé que celui du Soleil; ont une vie brève à l’échelle astronomique, de l’ordre de xoo millions d’années par exemple. Dans les nébuleuses spirales où l’on observe la présence d’abondantes réserves de matériaux interstellaires obscurs, elles peuvent sans doute être renouvelées par condensation progressive de ceux-ci. Mais dans les nébuleuses elliptiques on n’observe aucune trace
- de matière interstellaire susceptible de se condenser en, étoiles; par suite les supergéantes rouges ne doivent pas pouvoir être renouvelées après épuisement.
- Or, ainsi que Schwarzschild l’a signalé, l’excès de couleur observé pourrait justement venir du fait que nous voyons actuellement les nébuleuses lointaines telles qu’elles étaient dans un lointain passé, à l’époque où la lumière que nous recevons d’elles les a quittées, c’est-à-dire il y a plus de 200 millions d’années pour celle du Bouvier; à cette époque les nébuleuses elliptiques pouvaient sans doute contenir encore des super-géantes rouges qui ont disparu dans les nébuleuses proches que nous observons avec un retard comparativement négligeable.
- Ainsi la couleur des nébuleuses elliptiques aurait changé appréciablement depuis 200 millions d’années. Stebbins et Whitford ont calculé que l’excès de couleur observé de la nébuleuse du Bouvier (o,3o mag.) pourrait être expliqué quantitativement en ajoutant à la population actuelle de M 32 des supergéantes de type M, d’indice de couleur + 1,7, en quantité suffisante pour donner une augmentation d’éclat de o,64 mag. dans le jaune et de o,34 mag. dans le violet; cela conduirait à accroître la distance attribuée jusqu’ici à la nébuleuse du Bouvier de 17 pour 100 environ. Une telle correction serait la bienvenue pour compenser un léger excès de la densité spatiale subsistant dans les dénombrements de Hubble , relatifs aux nébuleuses les plus lointaines ; mais comme diverses erreurs peuvent subsister dans les échelles de magnitudes pour les nébuleuses très faibles, il est encore trop tôt pour conclure définitivement à ce second point de vue. Néanmoins la découverte de l’excès de couleur des nébuleuses elliptiques montre qu’il y
- aura lieu de réviser soigneusement les anciennes déterminations de distances des nébuleuses lointaines et les conclusions tirées des dénombrements nébulaires.
- Fig. 3. — Indices de couleur des nébuleuses elliptiques lointaines.
- Les indices de couleur mesurés dans chaque amas sont portés en fonction de la vitesse radiale en millions de km/sec et de la distance en millions d’années-lumière. La ligne droite tracée montre la croissance de l’excès de couleur avec la vitesse et la distance ; la ligne en tirets montre la fraction due à l’effet Doppler.
- La couleur des spirales lointaines. — L’explication de l’excès de couleur des nébuleuses elliptiques lointaines par l’extinction progressive des supergéantes rouges a pu être soumise à un contrôle grâce à l’observation des nébuleuses spirales. En effet, nous savons que dans ces systèmes les supergéantes rouges sont continuellement renouvelées à partir de la matière interstellaire; par suite, on peut admettre que la couleur intrinsèque de ces systèmes n’a pas notablement changé depuis 200 millions d’années et que les galaxies proches et lointaines de ce type sont directement comparables. Dans ces conditions, on doit s’attendre à ce que l’excès de couleur des spirales lointaines soit entièrement explicable par l’influence de l’effet Doppler-Fizeau.
- Le contrôle a été effectué par Whitford en 1948. Il a mesuré les couleurs de 6 spirales dans l’amas de la Couronne (l’avant-dernier du tableau), distant de i3o millions d’années-lumière. Alors que les 4 elliptiques présentent un excès de couleur de 0,28 mag. dont o,i5 non expliqué par le déplacement du
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- spectre vers le rouge, les spirales de cet amas ne présentent, par rapport aux spirales proches, qu’un excès de couleur de 0,09 mag. seulement, qui est donc même légèrement inférieur au rougissement calculé (o,i3 mag.).
- 11 semble donc bien que l’hypothèse de Schwarzscliild relative à l’extinction des supergéantes rouges dans les elliptiques soit substantiellement correcte. Cette constatation est intéres-
- sante non seulement pour les études extra-galactiques, mais aussi pour la cosmogonie, car elle apporte une confirmation indirecte de la faible durée de vie des supergéantes déduite des théories récentes sur la formation et l’évolution des étoiles.
- G. de Vaucouleurs Institut d’Astrophysique.
- Les Antilles
- Les Pays-Bas possèdent dans la Mer des Antilles six îles formant deux groupes. Trois sont au nord de l’arc des Petites Antilles, au sud-est de Porto-Rico; ce sont Saint-Martin (en partie, l’autre étant à la France), Saba et Saint-Eustache. Trois autres sont au nord de la côte vénézuélienne, entre la lagune de Maracaïbo et Caracas, dans les Iles-sous-le-Vent; ce sont Aruba, Curaçao et Bonaire. Leur superficie totale est de 1 i3o km2. Toutes sont situées dans la zone équatoriale et formées de roches volcaniques bordées de récifs de coraux. Leur climat, l’un des plus chauds et les plus réguliers du monde, permet de nombreuses et riches cultures, notamment celle de la canne à sucre.
- Les îles du groupe des Antilles et Bonaire sont restées sans grands changements depuis leur conquête par les Hollandais et conservent beaucoup des traditions de la vie coloniale d’autrefois. Par contre, Aruba et Curaçao ont pris un développement considérable en ces dernières années. Les grands groupes pétroliers, Royal-Dutch-Shell et Standard-Oil Company y ont installé, à la sortie de la région pétrolifère de Maracaïbo quelques-unes des plus grandes raffineries du monde et la dernière guerre leur a donné un développement et une importance considérables. De ce fait, Willemstad, capitale et port de Curaçao est devenue une grande ville, toute bordée de réservoirs et d’usines.
- néerlandaises.
- La population, très mélangée : Hollandais, Anglais, Américains, Vénézuéliens, Indonésiens, Guyanais, etc., s’est considérablement accrue. En 1920, on comptait seulement 54 000 habitants. Un recensement effectué le 1e1' janvier 1950 a révélé 1C0 3a4 habitants, ainsi répartis :
- Curaçao ......................... 98 161
- Aruba ........................... 53 574
- Bonaire........................... 5 011
- Saint-Martin ..................... 1 513
- Saba ............................. 1 110
- Saint-Eustache ............. 955
- Les îles néerlandaises des Antilles ont donc maintenant 142 habitants au kilomètre carré.
- Curaçao est devenu un important nœud de communications entre l’Europe et les États-Unis d’une part, le Golfe du Mexique et le Venezuela d’autre part. De nombreux navires font escale à Willemstad; les lignes aériennes hollandaises assurent trois fois par semaine la liaison entre Curaçao et New-York et réunissent l’île à Caracas, Maracaïbo, Cuba, Miami et la Floride, Saint-Martin, formant un réseau dense de transports dans la mer caraïbe.
- Les prix Nobel pour 1950.
- Le prix Nobel de médecine récompense une série de recherches sur l’arthritisme, le rhumatisme et d’autres maladies du même genre, abordées par trois voies différentes. Aussi est-il attribué conjointement au Dr Philip Showalter Hench, de la clinique Mayo, à Rochester (Minnesota), au Pr Edward Calvin Kendall, de la, fondation Mayo, et au Pr Tadeus Reichstein, de l’Université de Bàle. Le Dr Hench est un médecin spécialiste du rhumatisme; il eut l’idée que l’arthritisme est sous l’influence d’une sécrétion interne des glandes surrénales. Le Pr Kendall, biochimiste, entreprit d’en analyser les composants et isola, entre autres, la,cortisone, alors dénommée composé E. Enfin, le Pr Reicïistein établit la composition de celle-ci et réalisa la synthèse partielle de ses constituants.
- Le prix Nobel de Chimie a été partagé par deux chimistes allemands, le Pr Otto Diels, ancien professeur de l’Université de Kiel, et le Pr Kurt Aider, de l’Université de Cologne. Les noms de ces deux savants sont intimement associés à la découverte d’une nouvelle réaction, la « synthèse diénique », permettant la formation de nombreux cycles à partir des corps à doubles
- liaisons éthyléniques conjuguées. Les réactions de ce type ont permis d’importants développements de la synthèse en chimie organique, notamment dans le domaine des réactions de polymérisation; le Pr Diels est également connu pour ses travaux sur le cholestérol et pour sa méthode de déshydrogénation à l’aide du sélénium.
- Le titulaire du prix Nobel de physique est le P1' C. F. Powell, de l’Université de Bristol. Les recherches les plus marquantes sont relatives à la physique nucléaire et aux rayons cosmiques. Dès avant la guerre, il étudia une méthode d’observation des particules nucléaires en les envoyant dans une émulsion photographique, ce qui le conduisit à mettre au point des émulsions spéciales dont l’emploi a permis d’importants progrès dans la connaissance des constituants des noyaux atomiques et des radiations cosmiques. C’est au Pr Ç. F. Powell qu’est due, en collaboration avec Occhialini et Lattes, la découverte du méson lourd, le ir-méson, dont les conséquences ont été considérables du point de vue théorique en physique et en chimie nucléaire.
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- L’EAU POTABLE
- Notre dessein, bien modeste, se borne à rappeler sommairement ce qu’est l’eau que nous buvons et les procédés mis par la science moderne à la disposition des techniciens pour rendre potable l’eau brute livrée avec une parcimonie plus ou moins grande par la nature..
- L’eau est indispensable à l’homme; son corps en renferme 63 pour ioo. Mais, de cette eau on peut dire ce qu’Ésope disait de la langue : c’est ce qu’il y a de meilleur et ce qu’il y a de pire car, parfois — et la science l’a démontré — elle est à l’ori-gine de nombreuses maladies, dites d’ailleurs « hydriques » telles que la typhoïde, les affections para typhiques, la dysenterie bacillaire, le choléra... et l’on frémit rétrospectivement en songeant que nos aïeux en étaient réduits souvent à consommer de l’eau puisée directement dans les rivières. 11 est vrai que pour des raisons faciles à concevoir, ces rivières étaient moins polluées qu’elles ne le sont actuellement.
- ORIGINE
- L’eau que nous huvons provient :
- i° de sources; or, certaines peuvent être « vauclusiennes » et présenter quelque danger; d’autres provenant de nappes couvertes de couches fissurées sont souillées par les eaux de ruissellement ou par l’infiltration d’eaux usées;
- 2° de puits; ceux-ci, à la campagne, sont parfois insuffîsam-
- Arrivèe, de Peau brute refoulée parles pompes nourricières
- Dégrossisseur 1__ Pré filtre
- Filtre
- Canal d’eau brute alimentant les de'grossisseurs
- Chambre de prise d'eau filtrée
- Boulotte d'eau préfiltrée
- Boulotte d'eau dégrossie
- Collecteur deau filtrée
- Fig-, 1. — Installation de filtration lente, de type français, à trois étages.
- ment protégés et trop proches de fumiers, de dépôts d’immondices;
- 3° de citernes, dans certaines régions; l’eau des toits recueillie, malgré l’adoption de dispositifs éloignant celle tombée en premier lieu, peut être souillée par des germes divers apportés par les oiseaux, les insectes, le vent;
- 4° de lacs dont le milieu est relativement pur (1). En tout cas, il ne peut s’agir de mares, d’étangs, trop riches en matières organiques dues à la désintégration de matières animales ou végétales ;
- 5° de rivières ou de bassins de retenue dont l’eau est plus ou moins impure (2) en raison surtout des déversements d’eaux résiduaires à l’amont.
- QUALITÉS ET EXAMENS
- L’eau potable doit être limpide, d’une couleur bleu-vert sous grande épaisseur, d’une température variant entre 8° et i8°,
- (1) 30 bactéries au cm3 au milieu du lac Léman, 150 000 sur ses rives.
- (2) La Seine à Ivry, en amont de Paris, renferme 56 000 bactéries au cm3,
- 249 000 au Pont de l’Alma et 500 000 à l’aval de la capitale. L’eau des sources de la Dhuis captées à 131 km de Paris et contribuant à l’alimenter, en contiennent 3 860.
- sans saveur, sans odeur. D’autre part, au point de vue chimique, si l’eau potable contient toujours quelques éléments dissous, la présence de certains sels, le chlorure de sodium et surtout les nitrates et nitrites sont des indices certains de pollution; les carbonates, les sulfates n’ont d’autres inconvénents que de rendre l’eau dure.
- Du point de vue bactériologique, une eau de boisson ne doit contenir aucun germe pathogène ou suspect.
- Un triple examen des eaux brutes est donc nécessaire : de ces résultats dépend le traitement à leur appliquer, pour répondre aux conditions définies par le Conseil supérieur d’ÏIygiène publique de France le 12 juillet ig44.
- i° Examen physique. — Il permet de juger de la limpidité de l’eau. La turbidité se mesure soit par comparaison avec le trouble d’une solution de mastic dans l’alcool, selon la technique de Dienert, soit plus simplement en notant la profondeur à laquelle disparaît un disque blanc (de Secchi) immergé.
- La coloration (1), bleue, verte, noirâtre, jaunâtre, rougeâtre (Fleuve Rouge) dépend du sol, des matières en suspension, de la flore et de la faune de l’eau.
- Les odeurs sont dues à des organismes vivants : algues (odeurs d’acide sulfhydrique, de moisi ou de concombre), protozoaires, ou à des résidus industriels.
- La saveur dépend de l’abondance de certains corps; elle est métallique avec le fer, terreuse avec l’argile.
- Turbidité, coloration, saveur, odeur doivent disparaître au cours de la filtration et de l’épuration.
- 20 Examen chimique. — L’eau de pluie, pure à l’origine, se charge au contact de l’air, surtout au-dessus des grosses agglomérations, de gaz dissous, parfois d’ammoniac, d’acides nitrique ou nitreux, et également de germes, de spores. On y trouve aussi des traces de chlorures de sodium et de magnésium apportés de la mer par le vent.
- Dans la profondeur, l’eau est au contact de sels minéraux divers qu’elle dissout et près de la surface du sol de matières organiques plus ou moins décomposées. Elle s’y charge aussi de
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- (1) La coloration n’a guère d’influence sur la pureté de l’eau.
- Fig. 2. — Bassins filtrants de Montargis.
- Installation simple pour 2 500 m3 par jour d’eau du Loing, peu souillée. Au fond, les préfiltres ; au premier plan, les filtres, dont celui du milieu est en nettoyage. L’air sous pression arrive par les tuyaux et crée un bouillonnement qui débarrasse les particules de sable des matières organiques ; elle forme une boue jaunâtre qui est évacuée par des rigoles. L’eau filtrée est ensuite stérilisée.
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- protozoaires, de bactéries, d’algues, de champignons qu’elle véhicule (x).
- 'Certains sels (chlorure de sodium, carbonate de chaux, silicates, sulfates et même fluor) sont utilisables par notre organisme; on emploie même les eaux minérales en thérapeutique; D’autres sont l’indice de dangereuses souillures (chlorures, ammoniac, phoèphates, acides nitrique et nitreux, urée, etc.).
- L’eau qui traverse des terrains schisteux ou granitiques ne dissout qu’une infime partie de ces roches dures; elle est donc très pure, mais privée de carbonates, elle est acide et attaque les canalisations de plomb ou de fer. On connaît des perforations de conduites et des intoxications saturnines dans les villes à sol sans calcaire. On y remédie en faisant passer cette eau sur du calcaire ou en y ajoutant de la chaux ou du carbonate de soude (sel Solvay), pour la neutraliser. A l’inverse, l’eau chargée d’acide carbonique provenant de sols riches en calcaire devient dure; elle mousse difficilement quand on l’agite avec du savon; elle se prête mal au lavage, à la cuisson des aliments et provoque des dépôts de sels incrustants, obturant les conduites. On réduit son degré hydrotimétrique (1 2), on l’adoucit par précipitation des sels solubles de calcium et de magnésium ou, plus généralement, par des échangeurs de base (zéolithes, Permutite)
- Fig. 3. — Installation filtrante de La Ciotat.
- Au premier plan, bassins de décantation par,coagulation. Au fond, les filtres.
- permutant la soude avec le calcium de l’eau; des appareils ménagers de ce genre sont aujourd’hui très répandus,
- Un procédé récent, la « carbonication » consiste à entretenir dans les eaux en distribution une teneur en C02 suffisante pour éviter l’incrustation, mais il ne supprime pas les incrustations ultérieures.
- L’excès de fer, fréquent dans certaines régions, a l’inconvénient de favoriser le développement d’algues et de bactéries qui peuvent, par leur pullulation, obstruer les conduites.
- Dans la plupart des cas, l’aération suffit pour précipiter le fer ferreux en l’oxydant à l’état ferrique.
- 3° Examen bactériologique. — 11 consiste à dénombrer le nombre total des bactéries présentes et à déceler la présence des bactéries fécales du groupe du colibacille selon des techni-
- (1) Dans 1 g de terre végétale on compte de 10 à.l 000 millions de bactéries et quelques milliers d’algues.
- (2) On mesure la richesse de l’eau en carbonate de chaux par son degré hydrotimétrique : 1° correspond à 0,01 g de CaC03. L’eau potable marque
- de 10° à 20°. Dans les sources du Morvan, dans celles du grès vosgien, ce degré varie de 2 à 7 et il est parfois dans le Keuper, en présence du gypse, de 60 ! Signalons qu’un mètre cube d’eau de Seine use sans effet 2 kg de savon et certains puits jusqu’à 15 kg avant de mousser !
- ques normalisées. Il est extrêmement important. La présence des colibacilles à raison de i à 5o par litre est considérée comme acceptable (Professeur Vincent).
- TRAITEMENTS DE L’EAU
- Remarquons que la question est dominée par le fait qu’il ne s’agit pas uniquement de rendre « potable » l’eau destinée à la boisson — ce qui correspondrait à quelques milliers de litres pour une ville moyenne — mais qu’il est nécessaire de traiter aussi l’eau réservée aux usages domestiques (cuisson des aliments, lavages, hygiène individuelle et familiale), voire même à des usages industriels (boulangeries, boissons) et publics (piscines, bains, etc.). La plupart des cités ne disposent que d’un unique réseau de distribution; il s’agit en conséquence de purifier des milliers de mètres cubes et le problème devient beaucoup plus difficile et coûteux.
- Il est rare qu’on trouve, même dans les sources, une eau naturellement pure en quantité suffisante pour alimenter une agglomération importante. Un traitement est alors nécessaire : il sera conditionné par le résultat des examens envisagés ci-dessus. A ce traitement pourront s’ajouter, dans des cas spéciaux, des corrections chimiques (adoucissement, reminéralisation, déferrisation, etc.), notamment pour les besoins industriels.
- La filtration imite en somme la nature dont les sols gréseux ou sablonneux assurent une purification plus ou moins complète par retenue des matières organiques et des germes, spores, etc...
- Les premiers filtres installés en Angleterre pour le traitement des eaux de la Tamise, particulièrement souillées, datent de 1829; ils comprenaient des couches superposées de gros graviers, de coquillages et de sable de plus en plus fin. Les résultats furent concluants. Ce procédé a été amélioré en France et en Allemagne, par des filtrations successives étagées, augmentant le débit des bassins (5 à 10 m3 par mètre carré de filtre en 24 h).
- Il est désirable pour la bonne marche de la filtration, que les caractéristiques des eaux amenées sur le filtre ne varient pas brusquement; la constitution des bassins doit être fonction de la nature des eaux brutes à traiter et une installation complète pour des eaux très troubles, cofhprend d’abord des décanteurs, puis des dégrossisseurs avec gravier de 5 à 20 mm, ensuite des préfiltres avec sable de 3 mm, et enfin des filtres à sable très fin, siliceux, bien calibré, de 1 à 2 mm; sur cette couche que submerge généralement l’eau sur une épaisseur de o,4 à 0,6 m, se
- Fig. 4. — Installation de filtration rapide à Montauban. .
- A droite, au fond, bassin circulaire de décantation accélérée avec coagulation ; en son centre, on voit le coffre couvrant le moteur d’une turbine qui brasse l’eau boueuse du Lot avec le coagulant. L’eau passe ensuite dans deux groupes de trois fdtres encadrant le bâtiment central qui abrite les pompes. Débit de é 000 m3 par jour.
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- forme une membrane (i), sorte de feutrage de particules inertes et d’êtres vivants qui arrêtent et détruisent les bactéries. Le dernier filtre le plus fin est donc non seulement physique, mais biologique, et il supporte mal les brusques troubles de régime.
- On nettoie périodiquement les filtres, quand leur perméabilité devient trop faible, par des procédés mécaniques (raclage) et en y insufflant de l’air, puis de l’eau sous pression. Ce moyen rapide et efficace s’impose particulièrement pour les dégrossis-seurs et les pré'filtres, plus vite colmatés que les filtres proprement dits; quand l’eau est bien préfiltrée, les nettoyages du sable lin ne sont nécessaires qu’à intervalles assez espacés, un mois par exemple (2).
- Cette méthode, des plus courantes en France, y est désignée sous le nom de filtration lente; elle est à la fois physique et biologique .
- Depuis i883, on emploie, notamment quand on dispose de peu d’espace et que les eaux sont particulièrement chargées en matières fines colloïdales, la filtration rapide : c’est un procédé presque exclusivement chimique né en Amérique et répandu en Europe depuis quelques années, Il agglomère les impuretés en les précipitant, agissant comme le blanc d’œuf dans le collage du vin. On utilise dans ce but, des coagulants tels que le sulfate
- Arrivée de l’eau
- lïllrée.
- d'air ozone
- Emu Iseut
- Désaturateur
- Ozoneur.
- Air ozone
- Colonne
- — Uepart
- -----de l'eau _
- _ _ stérilisée
- Air sec
- contact
- 77777yvyy>/V'/ÿy'/'XV'-/y''/'/^ '
- Fig. S. — Coupe schématique d’une installation de stérilisation par l’ozone.
- d’alumine (20 à i5o g par mètre cube) (3), le sulfate de fer ou de cuivre, le permanganate.
- L’appareillage comprend un système de distribution et de mélange intime de la solution coagulante et de l’eau brute, puis un appareil de floculation et enfin de grands bassins de décantation; l’eau subit une filtration très rapide, dont le débit atteint parfois 200 m3 par mètre carré et par 24 h.
- Depuis quelque temps on a mis en œuvre des appareils généralement appelés décanteurs accélérés, groupant sous un volume réduit le mélange, la coagulation et la décantation. Ce procédé exige un personnel très compétent et un contrôle vigilant.
- Un procédé de compromis est employé depuis quelques années; on l’appelle parfois filtration semi-rapide. Il semble réunir les avantages des deux méthodes.
- La filtration lente pouvant suffire en temps normal pour obtenir une eau limpide et pure, on la complète dans les périodes difficiles d’eaux troubles (crues) par un appareillage de floculation-décantation. On peut ainsi obtenir toute une gamme de vitesses de filtration.
- La filtration lente, si elle est bien conduite, peut purifier l’eau
- (1) Cette membrane est assez sensible au froid. En hiver, les diatomées y prédominent et au printemps les algues vertes.
- (2) Au début du xix“ siècle, dans les filtrées créés en Angleterre, l’eau arrivait sur la couche de sable fin, les couches inférieures de gravier ne jouant qu’un rôle insignifiant ; aussi le sable, vite colmaté, exigeait-il des nettoyages plus fréquents.
- (3) Chicago, traitant les eaux du lac Michigan, utilise chaque jour 17 t de sulfate d’alumine et 8 t de silicate de soude.
- Fig. 6. — Installation de filtration et de stérilisation par l’ozone au Pornic.
- L’eau du bassin versant est accumulée en saison pluvieuse dans le barrage-réservoir du Val Saint-Martin (12 500 m3), créé en 1934. Elle est ensuite filtrée et stérilisée dans l’usine, au deuxième plan.
- à 99 pour 100, mais il est prudent — surtout pour les cas de variation dans le débit — de chercher un supplément de sécurité quant à la destruction de tous les microbes, en envisageant à titre complémentaire la stérilisation.
- Ce dernier traitement pourra, par ailleurs s’appliquer seul, d’emblée, dans le cas par exemple où l’eau de source dont on dispose est en permanence limpide, ou bien lorsqu’il s’agit d’eau provenant de puits (ou de galeries) naturellement filtrants.
- Remarquons que l’eau issue d’une filtration rapide devra subir une stérilisation plus soignée que celle provenant d’une filtration lente.
- La stérilisation utilise presque exclusivement des procé dés chimiques : chlore ou ozone.
- Fig. 7. — Un désaturateur d’ozone.
- L’eau, à la sortie d’une colonne de contact, ruisselle en cascades pour éliminer l’excès d’ozone.
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- Le chlore se fixe dans l’eau aux matières organiques, il en faudra donc d’autant plus que l’eau sera plus souillée ! Cette « demande en chlore » varie de o, i mg par litre a x mg pour les eaux de crue.
- L’action stérilisante du chlore n’étant pas instantanée, il est necessaire d’assurer au mélange eau et chlore un contact de quelques heures (1).
- La javellisation emploie le chlore sous forme d’hypochlorite de soude ou « eau de Javel » (d’où son nom) à la dose habituelle de i à io dmg par litre.
- Bunau-Vai'illa, à la fin de la guerre 1914-1918, préconisant un brassage de l’eau et de la solution incorporée, estimait que la dose de 0,1 dmg suffisait : c’était la Verdunisation. A cette même
- Fig. 8. — Réservoir à Vierzon-village.
- L’eau provient de puits filtrants de la .vallée majeure du Cher. Après stérilisation, une partie est refoulée dans un réservoir aérien, à 20 m.
- époque nos alliés améi’icains réalisaient de nombreuses installations de chloration sur notre territoire.
- Le chlore gazeux a été employé aux États-Unis dès 1910 : on l’utiliçe actuellement en Europe. Il est transporté sous forme de chlore liquide, 1 kg de celui-ci représentant 3i4 1 de chlore gazeux. C’est un toxique et un corrosif violent en présence de la vapeur d’eau; il faut donc un appareillage spécial et une distribution dans la masse sous forme d’eau chlorée (2 g au litre). Les doseurs (chloromètres) sont à réglage manuel ou automatique).
- Dans le cas d’une eau trouble, nous l’avons vu, il faut oxyder davantage pour détruire les matières organiques : il en résulte un goût fâcheux. On y remédie pai’fois en introduisant dans l’eau de l’ammoniac avant le mélange du chlore, obtenant ainsi
- (1) Le-bacille d’Eberth (fièvre typhoïde) est détruit très rapidement ; le colibacille est plus résistant. Cette propriété est mise à profit lorsqu’il s’agit de contrôler la stérilisation. On recherche le colibacille qui a le même habitat, l’intestin, qui suit les mêmes voies de diffusion, et qui est bien plus abondant ; sa destruction témoigne de celle de toutes les bactéries fécales.
- la chloramine, bactéricide puissant et persistant. On peut aussi « déchlorer » par passage sur du charbon activé ou par emploi d’un procédé chimique (hyposulfite de soude).
- On a employé aussi d’autres oxydants : le brome, le permanganate de potasse -(5o mg/'l), l’iode (10 mg/1), aux colonies surtout. Ils teintent l’eau qu’on décolore ensuite par l’hyposulfite de soude.
- L'ozonisation,-, proposée en i885, concurrence la chloration. L’ozone est un polymère d’oxygène présent à l’état de traces dans l’atmosphère où il se forme probablement sous l’action des rayons solaires et à la suite de phénomènes électriques; il s’obtient au moyen d’appareils à effluves électriques, sortes de vases fermés munis de deux électi’odes séparées par un espace où passe le gaz à ozoniser (oxygène ou air). Ce gaz ozonisé est mélangé intimement à l'eau soit par un émulseur (principe de la trompe : 2 cônes bout à bout produisant un vide aspirant le gaz), soit par un compresseur assurant un barbotage.
- L’énergie absorbée varie de 20 à 53 W/h par m3. Le rendement de l’installaton est fonction de la tension, de l’intensité du courant, de sa fi'équence et aussi de la surface des électrodes. L’action microbicide de l’ozone est indéniable, l’eau ti'aitée a un goût agréable : l’appareillage toutefois serait assez coûteux d’achat et d’entretien.
- Notons sans nous y attarder les procédés physiques de stéi'ili-sation : l'ébullition et les rayons ultra-violets.
- Dans ce dernier procédé, l’eau filtrée préalablement est soumise à l’action de ces rayons provoqués par une lampe à vapeur de mercure dont l’efficacité augmente avec la tension. Ce procédé a vu son essor s’amortir du fait des difficultés de fabrication des lampes et de leur nettoyage.
- La cuisson de l’eau décantée, répétée 2 ou 3 fois ou sa stérilisation dans un autoclave à la température de 120°, détruit tous les microbes pathogènes (56° suffisent pour le bacille d’Eberth). L’eau ainsi bouillie est, on le sait, désagréable à boire, il faut ensuite l’aérer. Ce moyen peut rendre service à des familles ou de petites collectivités, momentanément privées d’eau potable (après une inondation, par exemple); il ne peut être généralisé en raison de son prix de revient.
- A la même échelle — pour des besoins familiaux — on peut recourir à des filtres domestiques obtenus par emploi de matiè-res poreuses : pierre ponce, terre d’infusoires, amiante, charbon, etc. Les « filtres à bougie » (Chamberland), dont le rendement est de 3o 1 par jour, sont encore appréciés ; ils sont formés de porcelaine dégourdie et s’adaptent sur les robinets de distribution d’eau; malheureusement ils se colmatent et doivent être fréquemment nettoyés.
- Signalons en terminant que, si avant tout traitement, des examens de l’eau brute sont indispensables, la nécessité d’un contrôle avant la fourniture au consommateur est évidente. Il n’échappera pas que la limpidité de l’eau filtrée étant le facteur essentiel de l’efficacité de la stérilisation, il est indiqué de la contrôler d’une façon permanente, continue, par un des procédés indiqués au début de cet article, les résultats de l’examen bactériologique ne pouvant être connus que 48 h après l’envoi des eaux dans la distribution,
- CONCLUSION
- Un des grands bienfaits de la science a été de nous pourvoir de moyens de lutte puissants contre des agents sournois infiniment petits mais très dangei’eux, véhiculés par l’eau que nous consommons ; on a supprimé les grandes épidémies qui ont fait trembler les générations précédentes et qui déciment parfois encore certaines populations du globe (choléra en Égypte en 1947)-
- Nous nous gardons, dans une étude aussi sommaire, de comparer des procédés ayant chacun des avantages et des imper-
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- fections; les uns et les autres sont à examiner dans le cadre général de la vie collective des cités dont les possibilités financières constituent inévitablement un élément très important de décision; d’ailleurs chaque cas pose un problème particulier : la primauté doit appartenir à la sécurité.
- Des raisons d’ordre psychologique conduisent à penser qu’un
- prix de revient élevé de l’eau en réduirait la consommation dans de nombreux milieux au détriment certain de l’hygiène. C’est aux techniciens à décider et à conseiller aux autorités de choisir pour chaque agglomération humaine.
- Paul-Edmond Henry.
- La prophylaxie et l’aviation
- Depuis que les moyens de transport se sont multipliés, au xixe siècle, il a fallu se préoccuper des risques de contagion qu’ils présentent, des épidémies qu’ils peuvent transmettre. Les dangers d’importation de maladies telles que la. peste, le choléra, la lièvre jaune, ont préoccupé tous les pays civilisés.
- En France, une première loi du 3 mars 1822, suivie de divers autres textes : lois, décrets, arrêtés, circulaires, a prescrit toute une série de mesures pour les transports internationaux par mer et par terre. Sur mer, tout navire doit posséder une patente de santé établie au départ déclarant l’état sanitaire au port d’embarquement; à bord, pendant le voyage, un médecin sanitaire maritime soigne les malades, constate les décès et déclare à l’arrivée les constatations qu’il a faites; avant le débarquement, passagers et équipage sont soumis à une visite médicale et au besoin mis en quarantaine. Aux frontières de terre, la surveillance n’est pas permanente, mais elle fonctionne dès. qu’une épidémie est connue dans les pays de provenance ou de transit.
- Une série de conférences internationales ont abouti à des conventions qui prévoient la déclaration par les gouvernements des cas de peste, choléra et fièvre jaune constatés sur leur territoire, et aussi des épidémies de typhus et de variole ; le contrôle sanitaire à l’arrivée des navires dans les ports, suivi de désinfection, de dératisation en cas de malades contagieux à bord, et au besoin de quarantaine ou d’interdiction de débarquer. À terre, les voyageurs suspects peuvent être isolés et même les frontières peuvent être fermées. Des règles très précises ont été édictées pour les navires passant le canal de Suez, assurant les pèlerinages à La Mecque, venant de pays où sévit la fièvre jaune.
- Ces réglementations ont fait leurs preuves ; les épidémies d’origine lointaine sont devenues rarissimes et sont immédiatement jugulées dès qu’on les a reconnues.
- Mais toute la défense organisée du temps des voyages par bateaux alors qu’une maladie en incubation au départ se manifestait avant l’arrivée, est maintenant inefficace du fait de la vitesse des transports par avion. En trois jours on vient de Saigon à Paris, en deux de l’Inde, en un d’Alexandrie. L’avion ne laisse pas aux maladies le temps de se déclarer; bien plus,
- il peut transporter des puces, des moustiques, des bactéries vivants et virulents. Il se pose en plein cœur du pays, sur les aérodromes de toutes les grandes villes. Force sera donc d’étendre et d’adapter les mesures de prophylaxie et de défense nationales et internationales à ce nouveau moyen de transport.
- Devant l’Académie de Médecine (16 mai iqbo), MM. Tanon, Boyer et Tourret viennent justement de signaler ces nouveaux dangers et les précautions techniques déjà prises.
- Ils citent les cas observés de tuberculeux expectorant leurs bacilles dans la cabine, de dysentériques, de typhiques polluant leurs linges et les water-closets, de diphtériques, de varioleux, de scarlatineux, voire même exceptionnellement de malades atteints de poliomyélite où de méningite cérébro-spinale.
- Dès maintenant, deux mesures sont prises : dans la plupart des pays, on exige la vaccination contre les maladies contagieuses les plus à craindre et un contrôle sanitaire sur les aérodromes avant l’embarquement.
- En cours de route, on ne peut isoler les malades qui se révèlent. Peut-être verra-t-on, sur les grands avions de transport, un ou deux sièges isolés pour les incidents qui se produisent à bord : accouchements, crises de toux, troubles cardiaques, etc. Quand un cas suspect se produit à bord, les water-closets doivent être fréquemment désinfectés, ainsi que les lavabos, leurs robinets et la tinette recueillant les excréments (qu’on ne saurait vider dans l’atmosphère) ; à l’arrivée, les couvertures sont passées à l’étuve, les têtières lavées, les cabines traitées au formol pulvérisé pendant deux heures (un gros quadrimoteur ne peut être immobilisé longtemps; il perd un demi-million par jour de manque à gagner).
- Périodiquement, à terre, les avions sont désinsectisés par du D.D.T. en solution dans du pétrole; les réservoirs d’eau de toilette sont vidés et nettoyés, les ordures ménagères enlevées, les tinettes changées ou vidées après addition d’un .antiseptique; la dératisation est également nécessaire.
- Il reste à parfaire ces précautions, à les rendre toutes obligatoires, à les fixer dans des conventions internationales qui les unifieront pour tous les pays. Après quoi les défenses sanitaires auront les mêmes résultats dans l’air que sur mer et sur terre; la dernière route possible des épidémies sera barrée.
- R. M.
- A propos des phoques tropicaux
- (n° 3187, novembre 1950, p. 341).
- M. Théodore Monod, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle et directeur de l’Institut français d’Afrique noire, a longuement étudié le phoque moine d’Afrique, notamment dans les publications suivantes :
- Note sur la présence de Monachus albiventer (Bodd.) sur la côte saharienne. Bull. Mus. nat. d'Ilist.natur., 1923, pp. 555-557.
- Phoques sahariens. La Terre et la Vie, II, n° 3, mai 1932, pp. 257-261, 4 fig.
- Un ordre nouveau de mammifères pour la faune d’A. 0. F. Notes africaines, n° 25, janvier 1945, pp. 14-15, 2 fig.
- Le phoque moine dans l’Atlantique. Publ. Inst: zool. de Porto, XXXIV, 1948, 19 p., 4 fig., 1 pl.
- Il ajouté que le genre Monachus comprend trois espèces tropicales : le Moine mexicain on Uarribean Monk Seal, Monachus tro-picalis Gray, et le Moine hawaïen, Monachus .schauinslandi Mat-schic.
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- QU'EST-CE QUE LA LAINE?
- La fibre de laine est constituée par une substance, la kératine, qui est une protéine.
- Il y a soixante ans, il était seulement connu qu’en brûlant, elle dégage des gaz tels que le gaz carboniqüe. l’anhydride sulfureux, etc..., indiquant qu’elle contient du carbone, de l’hydrogène, de l’oxygène, de l’azote et dü soufre. L’analyse élémentaire lui donnait une formule telle que C72H112N18022S, qui ne signifie pas grand'chose et pourrait s’appliquer à de très nombreux corps.
- Quand fut entreprise l’étude des protéines par leur décomposition ménagée, notamment en les faisant bouillir en milieu acide, on les scinda en corps plus simples, les amino-acides dont on reconnut une trentaine d’espèces. Tous ont en commun la formule suivante :
- II
- R — C — COOH
- nh2
- avec les deux groupements carboxyle GOOII et amino NII2. Seul le radical R varie de l’un à l’autre.
- Puis Fischer montra que les amino-acides peuvent être sou-
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- NH MH,
- Fig. 1. — Les amino-acides de la laine.
- En haut, pourcentages de 17 amino-acides. — En bas, nature du radical R de chacun d’eux. — La proline n’est pas exactement un amino-acide, mais
- un imino-acide.
- dés pour former ce qu’on appelle un peptide. La liaison s’éta-' blit entre le groupe carboxyle de l’un et le groupe aminé de l’autre, avec élimination d’eau. Cette opération peut être théoriquement répétée un nombre indéfini de fois et donner une chaîne polypeptidique.
- ... NII — CH — CO — NII — CH — CO — NH — CH — CO ...
- I I I
- R R' R"
- Les fibres textiles d’origine animale sont formées de très longues chaînes à peu près parallèles à l’axe de la fibre, soit rectilignes comme dans la soie, soit ondulées comme dans la laine.
- Les amino=acides de la laine. — Sur environ trente amino-acides existant dans la nature, on en a trouvé environ dix-sept dans la laine (fig. i). Il est intéressant de noter que quelques-unes des méthodes les plus efficaces pour analyser les protéines ont été mises au point par des chercheurs de la laine, si bien que la fibre de laine est l’une des protéines les mieux connues, bien que la substance qui la forme, appelée kératine, ne soit pas une substance chimique simple et de composition uniforme. Il y a des différences entre les divers éléments structuraux de la fibre (écailles, cortex, moelle), entre les diverses
- laines et des variations le long d’une même fibre dues aux changements de nourriture et d’habitat du bétail aux diverses saisons. Enfin, les données disponibles proviennent de pays très divers, concernent des laines differentes et ont été obtenues par des chercheurs employant des méthodes variées.
- Les liaisons transversales. — La fibroïne de la soie a la structure la plus simple des fibres construites à partir de chaînes peptidiques. Elle est formée de glycine et d’alanine, avec de petites quantités de sérine et de tyrosine. Ainsi, un petit nombre seulement des groupes latéraux R sont notablement en saillie sur les longues chaînes polypeptidiques et celles-ci peuvent se disposer côte à côte, de façon très rapprochée et adhérer les unes aux autres sans que des liaisons transversales effectives soient nécessaires pour conférer la résistance bien connue de la fibroïne à l’eau, aux acides et aux alcalis.
- Dans la laine, au contraire, de nombreux groupes latéraux R sont volumineux, en sorte que les chaînes sont maintenues trop écartées les unes des autres pour développer entre elles de fortes interactions et réaliser l’insolubilité et la résistance de la soie. La fibre de laine tire sa résistance de véritables liaisons transversales établies entre les chaînes latérales branchées en vis-à-vis sur deux chaînes polypeptidiques voisines.
- La plus grande partie des groupes COOH se trouvant initialement dans les amino-acides constitutifs est utilisée pour former les chaînes peptidiques ; mais une autre partie provient des amino-diacides tels que l’acide aspartique : ces groupes COOH restants demeurent libres et sont logés dans les chaînes latérales.
- Des groupes basiques latéraux libres NII2 sont aussi présents, en nombre approximativement égal à celui des groupes COOH et proviennent des acides diaminés tels que la lysine. Bien des propriétés de la fibre peuvent s’expliquer par l’hypothèse, avancée d’abord par Speakman, que ces groupes acides ou amines en saillie sur des chaînes voisines se combinent par paires pour former des liaisons salines (fig. 2). De telles liaisons, chargées électriquement, sont intéressantes car elles peuvent s’affaiblir dans l’eau et même être rompues par les acides ou les alcalis.
- La cysline, contenant du soufre et deux fois amino-acide, peut participer à la construction de deux chaînes polypeptidiques voisines qui se trouveront alors réunies par un pont désulfuré stable (connu sous le nom de liaison cystinique, liaison soufre ou liaison disulfure) (fig. 3).
- Outre les liaisons cystiniques et salines, il existe probablement des attractions plus faibles (ponts hydrogène et forces de valences secondaires) entre d’autres types de chaînes latérales (par exemple : hydroxyle-hydroxyle, groupes CO et NH).
- En résumé, on peut se représenter la laine comme une série de feuilles constituées par de longues chaînes peptidiques reliées par divers types de liaisons transversales. Ces feuilles sont repliées, superposées et maintenues accolées, principalement par des liaisons hydrogène )>CO...NH <( s’établissant entre les liaisons peptidiques des chaînes adjacentes (fig. 4).
- Il est possible qu’une disposition aussi parfaite soit irréelle, surtout en raison des différences de volumes des diverses chaînes latérales qui déterminent une. distorsion de la structure. Les
- '\ >-------""tv -------------------------/NH
- CH- CHg- COQ ) (HJf-(NH)C-NH-CHrCH,- CH,- CH <
- Les liaisons salines entre chaînes de la laine.
- Fig. 2.
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- parties mieux ordonnées (domaines cristallins) diffèrent sans doute des autres moins ordonnées (domaines amorphes) par leur plus grande résistance aux réactifs.
- La longueur des chaînes polypeptidiques dans la laine. — Une seule chaîne polypeptidique ne va pas d’une extrémité à l’autre d’une fibre et même ne persiste pas, sur toute la longueur d’une cellule corticale. On pense que chaque chaîne se développe seulement sur une distance limitée variable, avant de se terminer en un groupe libre, soit COOII, soit NH2. Un certain nombre de tentatives ont été faites pour estimer cette longueur de chaîne, mais des résultats certains sont très difficiles à obtenir.
- Les données dont on dispose indiquent que.la chaîne de kératine est composée d’au moins Go résidus amino-acides et peut en contenir jusqu’à ooo ou 4oo. Il n’est pas certain que toutes les chaînes soient de la même longueur.
- La disposition des amino-acides au long de la chaîne. — De nombreuses recherches se sont proposé de déterminer l’ordre suivant lequel les divers amino-acides sont unis pour former les chaînes polypeptidiques.
- Le problème ne peut être actuellement abordé qu’en effectuant une dégradation ménagée des chaînes polypeptiques pour obtenir non pas les amino-acides individuels mai,s des di- et des tripeptides, dont la constitution serait ensuite déterminée.
- Les résultats que l’on a pu acquérir jusqu’ici indiquent que s’il existe un ordre dans la disposition des résidus au long de la chaîne, il doit être très complexe. Ainsi, l’examen des dipep-
- Fig. 3. — Liaison disulfurée assurée par la cystine.
- tides des acides dicarboxyliques a révélé la présence d’au moins six dipeptides dans lesquels l’acide aspartique est impliqué et quatorze auxquels participe l’acide glutamique.
- Renforcement des liaisons transversales. — Le pont disulfure qui maintient la structure de la kératine est assez instable. Tout dommage qu’il subit a pour conséquence une moindre résistance au gonflement, une perte de résistance à l’usure, une diminution de la résistance aux agents chimiques et aux intempéries, une altération de la couleur et du toucher de la laine.
- Des tentatives en vue d’éliminer cette faiblesse ont été orientées dans deux directions : des liaisons transversales additionnelles peuvent être incorporées dans la molécule; les liaisons disulfure existantes peuvent être modifiées de façon à les rendre moins sensibles aux attaques chimiques.
- Le réactif le plus simple pour produire des liaisons transversales nouvelles est le formaldéhyde qui réagit avec les groupes amino. Ce traitement augmente la résistance aux dommages causés par les alcalis et il donne aussi un effet antirétrécis-s a n t temporaire ;
- cependant, la nouvelle liaison est instable à l’acide et à l’eau bouillante.
- Fig. 4.
- Une fibre de laine vue au microscope.
- Réactivité de la laine. — La kératine de la laine est sensible à un certain nombre de composés chimiques et l’on n’a pas manqué d’essayer de lui donner de nouvelles qualités par divers traitements.
- Les acides tendent à se combiner aux groupes amino. A faible concentration et à basse température, leur action est faible et réversible. Dans des conditions plus sévères, ils détruisent le groupe amino et attaquent aussi certains amino-acides tels que la tyrosine. La teinture par colorants acides s’en trouve gênée.
- Les alcalis rompent surtout les liaisons salines et disulfurées et aussi la cystine. Un traitement excessif affaiblit les fibres et diminue leur élasticité après étirement.
- Le blanchiment par des oxydants (l’eau oxygénée par exemple) ou des réducteurs (anhydride sulfureux ou sulfites) agit surtout sur les liaisons disulfurées.
- On a cherché à diminuer le retrait des tissus, de laine, ou plus exactement leur feutrage par des traitements au chlore ou aux composés chlorés, mais ils rompent aussi les liaisons disulfurées qu’ils oxydent et probablement un certain nombre de chaînes peptidiques.
- La vapeur, l’eau chaude et même la lumière solaire ne sont pas non plus sans action.
- Axe de fibre
- t
- Fig. 5. — Comment on peut imaginer une fibre de laine. Les chaînes peptidiques repliées sont maintenues assemblées par des interactions hydrogène entre groupes CO et NH (à gauche) et par des liaisons latérales (à droite).
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- La seconde méthode consiste à consolider la liaison disulfure. Ainsi la liaison cystinique peut être rompue par un agent réducteur convenable de façon à donner deux résidus de cystéine, puis reconstituée avec un métal polyvalent ou bien un dihalo-génure tel que le dibromure d’éthylène.
- Le pont thioéther qui est formé lorsqu’on utilise des dihalo-génures est extrêmement stable et ce type de traitement ouvre
- la voie à des applications industrielles jusqu’ici à peine abordées.
- La consolidation de la liaison disulfure est importante non seulement comme moyen de renforcer la fibre, mais aussi pour conférer la stabilité aux fibres et aux tissus. Toutefois les connaissances acquises dans cette voie n’ont jusqu’à présent été appliquées que dans un domaine non-textile : l’ondulation des cheveux. i I. W. S.
- Cinquante ans de cinéma.
- A Technique cinématographique publie son 200e numéro, le 100e d’après-guerre. Elle en profite pour faire le point de tous les progrès accomplis depuis les premiers films des frères Lumière, il y a un peu plus de 5o ans, dans une série d’études écrites par les professionnels des différentes spécialités qui collaborent aujourd’hui aux réalisations des projections animées et sonores.
- On y retrouve toutes les nouveautés décrites en leur temps dans La Nature, mais de leur groupement se dégage une vue d’ensemble qui fait sentir toute la complexité et l’intrication de chaque détail et l’effort continu poursuivi pour aboutir à l’état actuel du nouvel « art ».
- Notre collaborateur, M. Lobel, en les agrémentant de quelques anecdotes personnelles, rappelle les difficultés du développement en cuves et du tirage au châssis qui nécessitaient une habileté peu commune et n’évitaient pas toujours les foiles, les taches et les virages imprévus. Ce n’est que peu à peu qu’on réalisa des machines à développer qui aboutirent peu de temps avant la dernière guerre au tirage et au développement continus en cuves étanches dans des machines fonctionnant en plein jour et assurant un grand débit. Les premiers films vierges n’étaient pas perforés et il fallait les poinçonner avec précision pour obtenir la fixité des images sur l’écran; Debrie, puis Bell et Howell s’y appliquèrent. Les temps de pose étaient laissés à l’appréciation de l’opérateur qui corrigeait ensuite ses erreurs en modifiant ses bains de développement; la sensitométrie photométrique y a plus correctement remédié.
- M. Mareschal évoque les premiers studios inspirés des scènes de théâtre et des ateliers de photographe. On opérait à la lumière du jour, à grands renforts de rideaux blancs masquant les verrières ou servant de réflecteurs. Puis on employa les lampes à arc, groupées en batteries sur des châssis roulants ou des herses, dont l’éclairage ne se maintenait pas très constant. Lorsqu’on atteignit une intensité de 60 A par lampe, le secteur de distribution électrique n’y suffit plus et il fallut monter près de chaque studio une machine à vapeur actionnant une génératrice. Ce n’est qu’àprès la guerre de igi4 que les établissements Gaumont disposèrent d’une sous-station de la C.P.D.E. permettant un démarrage rapide et des à-coups de lumière. Vers 1920, on renonça aux studios vitrés, difficiles à chauffer en hiver et on ne construisit plus que des studios obscurs où les arcs dégageaient une chaleur excessive et provoquaient des coups de soleil par leur richesse en ultra-violet. Après y avoir remédié un temps par des glaces fortement chargées de sels de plomb, on disposa de lampes à vapeur de mercure, tout au moins pour l’éclairage d’ambiance, des projecteurs à ârc renforçant l’éclairage et donnant les contrastes. Lorsque le cinéma devint parlant par enregistrement simultané de l’image et du son, le bruit des lampes à arc devint intolérable; et aussi l’apparition du film panchro-
- matique vers 1925, puis du film en couleurs exigeait une lumière plus rouge que celle des lampes à vapeur de mercure; on en vint aux lampes à incandescence, puis aux tubes à vapeur de cadmium corrigeant la lumière verte des tubes à vapeur de mercure.
- Notre collaborateur, M. Piraux, signale ce que le cinéma obtient déjà et espère encore de l’électronique, non seulement pour la télévision, mais pour la commande et le contrôle de l’éclairage, des images et du son dans le studio.
- M. Lechesne passe en revue les appareils de projection, depuis la caméra-projecteur de Lumière, en i8g5, en passant par le phono-cinématographe, avec ou sans tourne-disques, jusqu’aux blocs actuels à lecteur de son.
- L’architecture des salles n’a pas moins varié, selon M. Bruy-neel, depuis le sous-sol du café de la Paix, en passant par l’Omnia-Pathé des boulevards de 1906 et le Gaumont-Palace de 19x0 jusqu’aux salles modernes. De la copie d’une salle de théâtre, en forme de fer à cheval, surchargée de moulures, de colonnes, d’ornements, on en est arrivé à une salle bien plus architecturale, en forme de trapèze, sans poteaux ni colonnes gênant la vue, où l’écran est entièrement visible de toutes les places; à la projection derrière l’écran transparent s’est partout substituée la projection par devant, du fond de la salle, sur l’écran blanc ou métallisé, à partir d’un poste étanche, incombustible situé en dehors et ne communiquant avec la salle que par les trous de passage du faisceau lumineux. Les sièges sont devenus confortables et l’atmosphère est souvent climatisée.
- L’apparition du cinéma parlant a donné à l’architecte de nouveaux soucis que M. Guibert esquisse. On cite souvent comme pire exemple d’une salle de spectacle à acoustique déplorable, l’ancien théâtre du Trocadéro, construit en 1878. Depuis, les recherches de Sabine ont précisé les données du problème et à Paris même, la grande salle Pleyel, construite par Gustave Lyon, est une preuve que le calcul permet de concevoir et de réaliser une acoustique sans résonances et sans échos. Ces données sont de plus en plus, appliquées dans la construction des salles de cinéma et l’on y a ajouté quelques autres notions sur l’emplacement des haut-parleurs. .
- Enfin, M. Borkan termine cette revue par quelques considérations sur les multiples moyens du cinéma, du documentaire qui conserve l’histoire au dessin animé qui cherche la poésie, du cinéma scientifique qui montre l’infiniment petit et l’infiniment grand et vulgarise toutes les connaissances précises jusqu’au cinéma romancé : film policier, « western », burlesque, truquage, et jusqu’aux thèmes philosophiques passagers ou éternels. Par là, il a unq action sociale croissante; il est un prodigieux moyen de culture et de propagande; il peut changer une civilisation.
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- ANOMALIES DANS LA CULTURE DES ARBRES FRUITIERS
- Dans la pratique de l’arboriculture fruitière, on a pu constater la nécessité d’une plus large diffusion des principes sur lesquels repose la technique de la taille rationnelle.
- Plus particulièrement, en ce qui concerne la culture du Poirier, bien connue des professionnels, mais imparfaitement connue des néophytes, apparaissent, parfois, des anomalies dont on recherche les causes; deux cas se présentent.
- Dans le premier cas, ce sont de jeunes poiriers qui ne produisent que des boutons floraux et non des branches constitutives de la charpente de l’arbre. Les flèches sont couvertes de lambourdes et les rameaux de prolongement des branches charpen-tières n’ont formé que des yeux mixtes ou même des boutons à fleurs.
- Dans le second cas, c’est l’inverse : les arbres, soumis à une taille régulière et raisonnée, ne forment pas un seul bouton floral; chaque année, ils produisent une exubérante végétation de rameaux à bois, plus ou moins gros et longs, de rameaux « gourmands », érigés verticalement.
- A la taille, on enlève une grande quantité de bois, opération à recommencer l’année suivante.
- Ces poiriers sont des arbres forestiers, producteurs de bois et non de fruits.
- Ces deux cas opposés relèvent du même facteur : Veau, qui, dans le premier cas, circule en quantité suffisante dans l’arbre, tandis que, dans l’autre elle est lancée dans les rameaux sous une pression beaucou trop forte.
- Le premier cas s’observe toutes les fois que les plantations sont faites en terrains secs et chauds, avec le Cognassier comme porte-greffe, alors qu’à ces situations c’est le franc qui convient, ce sujet ayant la, faculté d’aller puiser., dans les couches profondes, l’eau dont il a besoin pour alimenter l’arbre.
- Le faible espacement des arbres et la maigreur du sol. peuvent également produire cet effet. Enfin, cet état peut relever de l’organisation même de l’arbre, car, dans une plantation, il est des sujets robustes, d’autres débiles qui se comportent différemment; leur fructification précoce est comme le chant du cygne précédant la mort, comme a pu le dire, si justement, un arboriculteur émérite, M. E. Durand, directeur de l’École d’Agri-culture d’Écully, qui considère que l’on ne peut espérer pour l’avenir d’une plantation, d’heureux résultats, lorsqu’il s’agit d’arbres jeunes montrant une trop rapide fructification. Il faut, au plus vite, placer leur système radiculaire dans une situation meilleure; s’is sont en terrain incliné, il faut ménager à leur pied une plate-forme creusée en cuvette pour retenir les eaux de pluie; ameublir le sol, le débarrasser des mauvaises herbes qui le parasitent et rejettent son eau en dehors.
- • En- outre, enfouir sur tout le terrain occupé par les racines de l’arbre, une copieuse fumure faite de fumier de ferme bien décomposé; opérer cet enfouissement à l’aide d’un outil à dents très courtes, n’atteignant pas au delà de 8 à io cm de profondeur. Cette fumure représentera io kg de fumier par mètre carré..
- Au départ de la végétation, on peut semer sur le sol, io g de nitrate de soude par mètre carré, enfouir par un coup de râteau. Dans le courant de l’année, en cas de sécheresse prolongée, on peut, avec avantage, arroser la terre autour des arbres avec de l’eau préalablement dégourdie au soleil et tenant en dissolution i g par litre, d’un mélange dont voici la formule :
- Phosphate d’ammoniaque ......... 30 p. 100
- Nitrate de potasse................... 40 »
- Nitrate de soude..................... 10 »
- Sulfate d’ammoniaque ................ 15 »
- Les arbres qui restent rebelles à ce régime de nutrition intem sive doivent être considérés comme étant de mauvaise constitution. et on doit les remplacer par d’autres arbres.
- Lorsque les poiriers se montrent de végétation exubérante, le cas est tout l’opposé du précédent ; ils ont été greffés sur franc, alors que c’est le cognassier qui leur convient; les sujets ont été plantés à trop grand espacement, au lieu d’être resserrés; enfin, on les a conduits en petites formes, alors que leur capacité de développement est suffisante pour qu’on puisse les traiter comme arbres de plein vent.
- L’excès de végétation est causé par l’excès d’eau dans le sol. Il faut considérer, en effet, que chez le poirier, le même œil peut donner par son développement et suivant la quantité de sève qu’il reçoit, un rameau « gourmand » énorme, large et érigé, ou un « rameau à bois » normal, léger et de longueur moyenne, ou des rameaux fruitiers de plus en plus petits et grêles; « brindilles » portant des boutons, « dards » quelquefois terminés par un bouton l’année même de leur formation, ou fructifiant au bout d’un, deux, trois ans au plus; « yeux mixtes }i devenant des lambourdes parfois l’année de leur naissance, dans tous les cas au bout d’un, deux ou trois ans. '
- Expérimentalement, on peut produire ces divers types de rameaux, faire donner à l’arbre ou du bois ou du fruit, suivant la quantité d’eau qu’on lui fournit.
- Dans ces conditions, il est permis de conclure que les arbres qui poussent trop ont trop d’eau à leur disposition, et il est facile de remédier à cette situation anormale.
- Par un assèchement du sol dans lequel les arbres ont leurs racines, on peut modifier leur état de pression intérieure; on peut de même obtenir ce résultat par une diminution du nombre des canaux qui amènent la sève. Dès lors, les remèdes les plus énergiques en pareil cas consistent à assécher les carrés du verger par des drainages pratiqués dans les allées, en les creusant profondément, pour les remplir de cailloux et évacuer les eaux qui s’y accumuleront.
- Autre mesure indiquée : cerner l’arbre par un fossé creusé assez profondément, en prenant la précaution de couper nettement quelques racines.
- Ces opérations, effectuées au printemps, avant le départ de la' végétation, auront pour effet de diminuer l’état de pression du liquide dans l’arbre et la quantité d’eau qui arrive journellement à ses rameaux, dont la vie, dès lors, diminuera; de sorte que, au lieu de rameaux à bois et de rameaux gourmands, les poiriers ainsi traités produiront seulement des rameaux à fruit..
- Une telle opération, bien conduite et poussée assez loin, doit suffire pour mettre les arbres à fruit en une année.
- La transplantation des arbres permet d’obtenir ce même résultat; mais c’est une opération encore plus radicale que la précédente, elle est beaucoup plus délicate, et elle n’est à préconiser, dans tous les cas, que pour des arbres encore jeunes.
- Un autre moyen auquel on pourra recourir lorsqu’on aura diminué, par les procédés précédents, la vigueur de l’arbre et ses fortes poussées de rameaux, consiste en le greffage des rameaux fruitiers. En août, écussonner par la greffe à incision en croix, des lambourdes, des boutons à fruit tout le long des branches charpentières ; greffer des branches fruitières chargées de boutons, par la greffe coulée sous écorce, et l’année suivante, l’arbre sera orienté vers la fructification.
- , Parfois, certains poiriers ne fructifient pas, parce qu’on leur applique les règles de la taille commune ; or, il en est qui demandent un traitement particulier : les variétés Beurré Diel, Berga-motte Esperen, Passe-Crassanne, Joséphine de Matines, Nouvelle Faloie, commencent toujours à fructifier à l’extrémité des brindilles. '
- A tous ces arbres, il faut conserver, à la taille, un certain nombre de ces rameaux grêles, ce sont d’excellents organes de fructification.
- Un arbre ne fructifiant que lorsqu’il est à un état de pression
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- moyenne ou même faible, si, par son porte-greffe ou par le milieu dans lequel il vit, il se trouve placé dans la situation de fonctionner à. haute pression, toutes les opérations de taille qui réduiront son développement, auront pour conséquence la poussée de rameaux toujours de plus en plus forts sans qu’aucun organe à fruit jamais apparaisse.
- Ainsi organisé, l’arbre doit pi’endre tout le développement qu’exige sa capacité fonctionnelle, après quoi seulement il fructifiera; il doit pousser assez de rameaux pour que le quotient
- pression totale , . , . .
- -—;-----rr---- soit assez faible pour que chacun de ces derniers
- nombre cl yeux r ^
- soit à l’état de pression qui convient pour la formation d’un rameau fruitier. Vouloir réduire la forme d’uni arbre semblable serait une erreur, un non-sens; si on ne veut ou ne peut le laisser pousser librement et devenir un arbre de plein vent,
- au moins faut-il modifier son état de pression par les procédés indiqués ci-dessus, pour qu’il puisse fructifier.
- Indépendamment des pratiques précédentes, qui mutilent l’arbre, on peut aussi agir sur le sol en lui fournissant les éléments nutritifs dont il a le plus grand besoin : les engrais phosphatés agissent d’une façon marquée sur la floraison, ils excitent et favorisent la fécondation, d’où nécessité de compléter la fumure organique par une fumure minérale représentée par des engrais azotés, phosphatés et potassiques.
- Ces règles étant bien connues, qui constituent en quelque sorte un code pour la taille des arbres fruitiers, tel que l’a établi le Pr E. Durand, — dont nous avons reproduit, ci-dessus, les judicieux conseils — on peut avoir la certitude de récolter des fruits et non du bois.
- Henri Blin.
- LE TEMPS LEGAL DANS L'UNION FRANÇAISE
- Sous ce titre, La Revue maritime vient de faire connaître une série de. décrets et d’arrêtés récents qui ont fixé définitivement le temps légal dans les divers pays de l’Union française.
- On sait que l’heure locale dépend de la longitude et qu’elle diffère d’un point à un autre selon leurs méridiens. Il est commode que les horloges d’un pays marquent la même heure, si bien qu’on a convenu de fixer pour chaque territoire une heure légale unique. Puis une convention internationale a étendu cette règle à toute la terre et a proposé un méridien international d’origine, celui de l’observatoire de Greenwich, en Angleterre; l’heure, temps moyen, sur ce méridien est ainsi devenue l’heure universelle. Le méridien de Greenwich étant à 202o' ouest du méridien de l’observatoire de Paris, l’heure légale française est devenue l’heure en temps moyen de Paris retardée de 9 m 21 s. Le globe terrestre a été divisé en 2/f fuseaux horaires espacés de i5° en i5°, 12 à l’est et 12 à l’ouest du méridien de Greenwich; à l’est, les fuseaux sont numérotés de o à xi et les temps légaux sont ceux de Greenwich (T. U.) plus un nombre d’heures correspondant au numéro du fuseau; le fuseau 12 commence à l’antipode de Greenwich; les fuseaux 12 à 28 se suivent dans l’hémisphère occidental pour rejoindre le méridien d’origine et l’heure y est donnée par le T. U. diminué du complément à 24 du numéro du fuseau.
- La France a adopté ce temps légal par la loi du 9 mars 1911, a ensuite décidé de l’étendre aux navires à la mer et l’usage s’est établi de noter les heures de o à 24. Les territoires d’outremer avaient gardé l’initiative de fixer leur temps légal et il en résultait une certaine confusion, de plus en plus gênante pour la marine et l’aviation.
- Le Bureau des Longitudes et le Ministère de la Marine se sont occupés de cette question et ont abouti à faire adopter une règle uniforme par le Ministère de l’Intérieur pour les départements et par le Ministère de la France d’Outre-Mer pour les territoires qu’ils administrent. Deux décrets du 18 juillet ig48 et du 27 janvier 1949 ont définitivement fixé les temps légaux suivants :
- France métropolitaine.... T. U.+ 1 h
- Algérie ................... T. U.
- Tunisie ................... T. U. + 1 h
- Maroc ,.................... T. U.
- Martinique, Guadeloupe,
- Guyane .................. T. U.— 4 h
- Réunion ................... T. U. + 4 h
- Iles Wallis et Futuna.... T. U.+ 12 h
- Nouvelle Calédonie....... T. U. + 11 h
- Établissements de l’Inde.. T. U. + .5 h
- Kerguelen, Saint - Paul,
- Amsterdam .............. T. U. + 5 h
- Madagascar et Comores... T. U.+ 3 h
- Cameroun ............... T. U. 4- 1 h
- Saint-Pierre et Miquelon.. T. U;— 4 h
- Établissements d’Océanie. T. U. —10 h
- A. O. F.................... T. U.
- A. E. F.................... T. U.+ 1 h
- Indochine ................. T. U. + 8 h
- Côte des Somalies........ T. U.+ 3 h
- (heure d’été maintenue toute l’année !).
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- COURS EN L'AIR
- L’avion est un merveilleux moyen d’observation et d’instruction géographique. On sait tout le parti qu’en tirent les archéologues pour découvrir les restes ensevelis de temples, de villes, de ports anciens. Les jeunes officiers de l'aéronautique font chaque année, en fin d’études, un grand voyage aérien, le plus souvent en Afrique et en Orient, qui leur fait entrevoir la France d’outre-mer et la Méditerranée. Les géographes ont tiré eux aussi, parti de l’avion tant pour les relevés cartographiques rapides d’ensembles, que pour des vues panoramiques de grandes étendues de terrains dont ils peuvent obtenir des photographies très précises et très complètes.
- La Sorbonne n’est pas en retard et M. J. Gandillot, chef-adjoint
- du laboratoire de géographie physique, qui est aviateur lui-même, vient d’utiliser un avion de transport « Bristol »• comme salle de eours et d’études pour les étudiants qui préparent ce certificat de licence. Cette originale salle volante peut contenir 40 élèves. Déjà plus de 200 géographes en ont profité. Le a Bristol » a l’avantage que ses ailes ne bouchent pas le paysage si bien que par les hublots latéraux les auditeurs ont une vue continue des terrains dont on leur parle, les survolant à une hauteur favorable où l’avion se maintient, voyant défiler autour d’eux les rivières et les hauteurs, les vallées et les plissements, l’hydrographie et l’orographie. Ce sont là leçons de choses, travaux pratiques qu’on ne peut oublier.
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- HISTOIRE TECHNIQUE DU VITRAIL
- II. LES TECHNIQUES
- Fabrication.
- Le verrier a dessiné une esquisse en couleurs de son vitrail; cette esquisse au i/ioe, appelée maquette, représente dans le détail les personnages et la décoration, indique la répartition des taches de couleur et le tracé général des plombs, ainsi que la place des fers qui maintiendront les différents panneaux dont l’ensemble constituera un vitrail.
- D’après cette maquette le verrier trace le carton, dessin en grandeur d’exécution de la fenêtre. Ce carton servira de guide pour la coupe des pièces de verre et pour leur peinture : il doit donc être tracé avec précision. Il indique essentiellement le réseau de plomb qui reliera les pièces de verre entre elles : chaque pièce étant d’une seule couleur, tout changement de couleur implique un plomb de séparation.
- Indépendamment de ce rôle utilitaire, les plombs ont une grande importance plastique. Leurs noirs bien tranchés dessinent rigoureusement les personnages, accentuent les plis des vêtements et isolent les diverses taches lumineuses qui auraient tendance à se mélanger.
- Le tracé des plombs définitivement fixé, le verrier porte sur le carton les indications relatives à la peinture des pièces de verre. En effet, il est nécessaire de tracer sur le verre certains détails de dessin que la mise en .plomb ne peut exprimer : visages, mains, textes, etc..., il faut encore prévoir les ombres, dégradés et décorations diverses qui assombriront par places les pièces de verre. Le verrier porte toutes ces indications sur le carton, soit au fusain, soit au lavis, le tracé des plombs ayant été marqué plus fortement, généralement à l’encre de Chine.
- D’après le carton, par des décalques successifs, le verrier reporte le tracé des plombs sur un papier fort. Ce papier sera découpé suivant le tracé en autant de morceaux qu’il y aura de pièces de verre. Les morceaux de papier sont appelés calibres. Le découpage des calibres pose un problème particulier : en effet, lorsque les pièces de verre auront été découpées et qu’il faudra les assembler pour constituer le vitrail, entre chacune viendra s’intercaler un plomb. Il faut donc, dès la coupe, prévoir la place du plomb entre chaque calibre. Pour cela, les calibres sont découpés soit à l’aide d’un canif à deux lames parallèles, soit avec des ciseaux à triple lame, en sorte qu’il tombe une bande de 2 mm de large, épaisseur standard de l’âme du plomb.
- Les calibres sont soigneusement numérotés un à un pour rendre possible la reconstitution du puzzle, qui peut atteindre 3oo à 5oo pièces au mètre carré.
- Le verrier, ayant sous les yeux sa maquette comme guide, choisit pour chaque calibre le verre dans lequel sera découpée la pièce correspondante, travail extrêmement important dont dépend l’harmonie de l’ensemble du vitrail.
- Chaque pièce de verre est alors découpée suivant son calibre et le puzzle une première fois reconstitué, pour être monté en plomb peu épais, dit plomb provisoire. Cette première mise en plomb est en effet provisoire, car après la peintui'e, le vitrail sera démonté pour être cuit au feu. .
- Le vitrail mis en plombs provisoires est dressé en atelier et on y pose au pinceau des oxydes de fer, dits grisailles, qui correspondent aux indications portées sur le carton : visages, mains, textes, etc... Après séchage, le vitrail est démonté et les pièces sont passées au four afin d’incorporer la grisaille au verré.
- 1. Voir La Nature, n" 3188, décembre 1950, p. 353.
- Après cuisson, le puzzle est reconstitué et le vitrail monté avec des plombs dont les ailes sont plus ou moins larges suivant l’importance du noir qu’on veut obtenir. Tous les joints sont ensuite enduits de mastic pour assurer une parfaite adhérence du plomb et du verre et une bonne étanchéité.
- Comme nous l’avons indiqué à propos de la maquette, le vitrail se décompose en plusieurs panneaux indépendants, car il serait impossible de manipuler de grandes sui'faces de vitrail. Les fenêtres sont donc recoupées par des armatures de fer scellées dans la maçonnerie; ces armatures encadrent les différents panneaux dont les dimensions .maxima atteignent environ 0,60 sur 0,80 m.
- Le verrier transporte donc son vitrail en panneaux séparés qu’il pose et scelle dans la baie.
- Ce schéma de travail est valable pour toutes les époques, mais avec diverses variantes au cours des siècles.
- Croquis d’assemblage d’une barlotière
- Fig. 1.
- 1, fer avec son tenon ; 2, feuillard percé ; 3, clavette de serrage.
- Évolution technique du XIIe siècle à la Renaissance.
- xne siècle. — Au xne siècle, le carton était tracé directement sur la table, à la craie, panneau par panneau, puis on.posait sur cette table les feuilles de verre l’une après l’autre, et avec un fer rouge le verrier suivait par transparence le tracé de chaque pièce. Les contours des pièces ainsi taillées étaient assez irréguliers, il fallait en régulariser les bords afin qu’elles fussent jointives. O11 y parvenait grossièrement à l’aide du grugeoir, lame de métal taillée d’encoches plus ou moins épaisses et profondes, assez semblables au manche des roulettes des vitriers. Ce procédé de montage en plomb s’avérait fort délicat.
- * Pour peindre les verres, le verrier disposait de deux sortes de peintures, dites grisailles : l’une, le trait noir opaque, servait à souligner les plombs, à tracer avec vigueur les détails du dessin ; l’autre, le modelé, transparente comme un lavis, permettait de dégrader les pièces de verre en les fonçant par places, de souligner les drapés et de couvrir les fonds de décors de feuillage (x).
- Théophile donne la recette suivante de grisaille : cuivre mince brûlé et verre vert comme fondant, délayés dans l’urine
- 1. La différence entre le trait et le modelé ne devient apparente qu’à la lin du xnic siècle.
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- PLANCHES I, II, III, IV.
- Planche I : Fig. 4 et 5.
- Planche II : Vitrail du XIIIe siècle. Planche III : Vitrail du XVIe siècle. Planche IV : Fig. 6, 7, 8.
- Fig. 4. — En haut : Montage eri plomb.
- L’ouvrier reconstitue le puzzle en séparant chaque pièpe par un plomb. Les. pièces posées sont maintenues pro--visoircment par des clous jusqu’à la pose de la pièce suivante. Avec le manche du marteau l’ouvrier refoule la pièce qu’il monte jusqu’au fond des gorges du plomb.
- Fig. 5. — En bas, à droite : Soudure.
- Le panneau entièrement monté est maintenu sur son pourtour , par des règles clouées sur la table. Alors, l’ouvrier frotte chaque raccord de plomb avec de la stéarine (voir les petites taches blanches) puis, tenant dans sa main gauche une baguette d’étain, il soude de sa main droite chaque point de raccord, ici avec un fer électrique. Quand tout le panneau est soudé, il peut alors le retourner et le contre-souder, c’est-à-dire souder l’autre face.
- Toutes ces photographies ont été prises au cours de la fabrication des deux panneaux présentés en 4° page .de l’hors-texte, coupe : panneau inférieur ; soudure : panneau supérieur. Noter que le montage et la soudure se font la, face externe du vitrail apparente, donc le vitrail étant à l’envers.
- (A teliers Yillette-Monsaingeon).
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- Vitrail du XIII* siècle et fragment de mise en plombs.
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- Vitrail du XIII* siècle et fragment de mise en plombs.
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- Vitrail du XVI' siècle et sa mise en plombs.
- VITRA IL DU XIIIe SIÈCLE. — Ce vitrail se trouve dans la cathédrale de Chartres, sur la façade est du bras sud du transept. Offert par un certain chanoine Geoffroy, dédié à S1 COME et S1 DAMIEN, il fut posé aux environs de i23o. Ce n’est pas une des verrières célèbres de la cathédrale; c’est une œuvre honnête et sans prétention représentant bien le niveau moyen de production des ateliers du XIIIe siècle. Nous pourrions presque dire qu’il s’agit d’une œuvre de série : en effet, le vitrail qui lui correspond sur la façade ouest du bras sud du transept est un autre exemplaire de la même série. Les couleurs sont changées, ainsi que les inscriptions, mais le tracé est identique ; le même carton a servi aux deux vitraux.
- Nous avons donné deux dessins différents de la mise en plombs des deux panneaux supérieurs de S1 Damien. Le dessin supérieur représente la mise en plombs originale, et l’état actuel du vitrail, après les dépose et repose de 1939-45. Le dessin inférieur représente le vitrail tel qu’il était avant 1939, (depuis combien d’années ?) et tel qu’il figure dans le magnifique recueil photographique du chanoine Delaporte et de M. Houvet. Le panneau inférieur est simplement posé le haut en bas. A part la position incompréhensible de la main, ce retournement n’est pas tellement choquant, et il est concevable que personne ne s’en soit soucié pendant des années, surtout quand on sait avec quel recul et sous quel angle on voit ce vitrail du sol de la cathédrale.
- Le tracé de la mise en plombs coïncide absolument avec le dessin ; les applications de grisailles ne servent qu’à préciser les détails du visage et à faire jouer les verres. Notons la présence de nombreux « plombs de casse » notamment dans l’auréole ; comme leur nom l’indique ces plombs sont utilisés au cours des restaurations pour réparer les cassures du verre.
- VITRAIL DU XVIe SIÈCLE. — Ce petit pan neau se trouve dans l’église de Saint-Jean-des-Murgers . (Eure-et-Loir).
- 11 représente également S1 COME et S' DAMIEN.
- Le tracé de la mise en plombs, inintelligible, montre que le verrier a utilisé les plombs uniquement comme éléments de structure et sans leur donner aucun rôle plastique. Les diverses peintures sont indispensables pour rendre le vitrail compréhensible.
- Noter les grisailles noires des vêtements des Saints ; le mélange de modelés noir et brun sur le tronc de l’arbre, derrière S1 COME ; les applications de jaune à l’argent sur les auréoles, sur l’urinal tenu par S1 COME et sur le sol ; le travail très délicat du trait et du modelé brun sur les visages des Saints et sur le malade tout entier.
- Les deux pièces bleues, entre les deux Saints, nous semblent être des pièces remplacées au XIXe siècle ; elles ne sont pas dans la tonalité générale.
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- Fig. 2. — La fabrication du vitrail : la coupe.
- Chique calibre numéroté est posé sur la feuille de verre dans laquelle il doit être découpé. L’ouvrier suit le bord rond du calibre avec son diamant. La pince à gruger sert à rectifier les écarts de coupe et à évider les pièces à bord rentrant. Enfin l’émeri émousse les bords tranchants de la pièce pour diminuer
- les risques de blessure.
- ou le vinaigre pour le trait, dans l’eau pour le modelé. En fait, l’analyse y révèle toujours du protoxyde de fer.
- Cette peinture était largement appliquée avec des brosses de blaireau; puis, avec le manche du pinceau, le verrier traçait des « enlevés « en clair qui redonnaient çà et là des lumières dans les parties sombres.
- Les pièces peintes passaient au moufle, petit four à faible température (8oo°) qui menait le verre à l’état visqueux et faisait pénétrer la grisaille dans la pâte par cémentation. Il s’agit donc plus d’une modification locale de la transparence du verre par incorporations d’oxyde de fer que d’une peinture posée superficiellement.
- La mise en plomb, très délicate, s’effectuait au moyen de plombs larges et robustes qui couvraient les imperfections de la coupe. Parfois même, pour boucher les espaces vides dus à ces défauts, le verrier bourrait deux ou trois plombs côte à côte, ce qui accentuait simplement les noirs du tracé.
- Les panneaux terminés'étaient ensuite assemblés dans des châssis de bois, eux-mêmes accrochés dans les baies.
- xme siècle. — Le xme siècle n’apporta pas de grosses modifications des techniques de fabrication. On peut seulement signaler l’apparition vers i25o de la « mise en chef-d’œuvre , qui, comme son nom l’indique, était, le chef-d’œuvre du compagnon postulant la maîtrise. Il s’agissait de mon-
- ter une pièce de verre au milieu d’une autre pièce sans qu’aucun plomb recoupât la pièce enveloppante. Avec des pièces découpées au fer rouge, le travail deArait être encore plus délicat qu’il ne l’est actuellement avec des pièces découpées au diamant.
- Comme au xne siècle, les fonds sont très couverts de grisaille, mais les décors de feuillage cèdent Ja place aux dessins géométriques, carrés, losanges, cercles, écailles, etc... Les bordures deviennent plus étroites.
- La grande innovation, en relation avec l’évolution de l’architecture, réside dans le mode de fixation des panneaux dans les fenêtres. Les baies, beaucoup plus grandes, sont entretoisées par des ferraillages métalliques qui remplacent les châssis de bois. Ces fers ou « barlotières » se composent d’une bande de métal sur une face de laquelle font saillie des tenons. C’est sür ces tenons que portera le bord du panneau. Un feuil-lard, percé de logements pour les tenons, vient recouvrir ce bord; il est lui-même bloqué dans des clavettes qui verrouillent ainsi le panneau entre fer et feuillard. Sur le pourtour des fenêtres et contre les meneaux, le bord du panneau entre dans une feuillure aménagée dans la pierre. Le calage et
- Fig. 3. — La fabrication du vitrail : la cuisson.
- Le four en cours de chargement : les pièces de verre après peinture sont posées sur des plaques de fer. Un lit de plâtre cuit sépare les trois couches de verre sur chaque plaque. Les plaques sont empilées dans le moufle de terre réfractaire, qui lui-même est fixé dans le four proprement dit.
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- l’étanchéité sont assurés par un calfeutrement, mélange d’argile, de bourre et de chaux, qui pouvait s’arracher assez facilement sans détériorer le verre ni le plomb, lorsqu’il fallait desceller le vitrail pour des réparations. Très vite, les ferraillages remplirent un rôle décoratif ; les fenêtres de la Sainte-Chapelle, par exemple, ont toutes des dessins de ferraillage différents.
- xive siècle. — Au cours du xive siècle, d’importantes innovations font leur apparition.
- Aux environs de i35o, les verriers commencent à employer une nouvelle peinture, le jaune à l'argent (chlorure ou sulfure d’argent). Cette couleur se pose au pinceau, comme la grisaille, et, comme elle, s’incorpore au verre par cémentation après cuisson au moufle. Posé sur du verre blanc, le jaune à l’argent donne une nuance jaune citron assez froide; utilisé sur des verres clairs teintés, il se combine à eux pour donner les tons les plus variés. Sur les bleus, il donne des verts légers; sur les rouges, des tons orangés plus ou moins intenses.
- Le jaune à l’argent ne « sort » pas régulièrement à la cuisson ; en règle générale, il prend surtout les verres sodiques qui commencent à dominer à cette époque. Grâce au jaune à l’argent, les verriers peuvent pour la première fois obtenir des changements de couleurs autres qu’un simple obscurcissement sans plomb de séparation.
- Vers la fin du siècle, la conception même du vitrail semble se modifier. Le verre, dont la fabrication technique s’est perfectionnée, est plus mince, plus plan, et les verriers l’emploient , désormais en pièces de grande surface. La technique du placage, que nous avons exposée à propos de la fabrication du verre rouge, n’est plus réservée au rouge sur verdâtre, mais on l’emploie en rouge sur bleu, et même en bleu sur rouge, ce qui produit des pourpres et des violets assez nouveaux. Enfin le verre blanc toujours accompagné de jaune à l’argent commence à être utilisé. L’ensemble tend vers des couleurs pâles,
- Fig. 9. — Vitrail au béton ou dalle éclatée.
- Une photographie, même en noir, permet d’imaginer la richesse de matière de ces blocs de verre épais taillés au marteau, dont les éclats accrochent la lumière comme des pierres précieuses. — Noter l’importance des noirs, les dimensions très inégales des pièces de verre.
- (Document aimablement communiqué par l’atelier Labouret).
- Toutes ces modifications, à cheval sur la fin du xive siècle et le début du xve, semblent suggérer que le vitrail est descendu du mur pour lequel il avait été conçu et qu’il veut se faire admirer, de près, comme un tableau de chevalet.
- Certains petits procédés accentuent encore cette impression. Ainsi l’usage de coller sur des pièces de verre clair de petits morceaux de verre coloré pour imiter les pierres précieuses. Ces subtilités sont invisibles de loin; la couleur de la pseudo - pierre précieuse, n’étant pas cernée par le noir d’un plomb, est mangée par la lumière de la pièce-support, dès que l’observateur prend un peu de recul. A cette époque (fin du xiv° siècle), nous notons pour la première fois l’utilisation laïque du vitrail à personnages : le duc de Berry commande des ' vh traux profanes pour décorer son manoir de Bicêtre; ces vitraux sont destinés à être observés de près, comme les tableaux de Fouquet.
- xve siècle. — Dans le courant du xvs siècle, cette évolution se poursuit. Les plombs, qu’on tire désormais à la filière, peuvent être obtenus en grande longueur. Rien n’empêche plus d’agrandir démesurément les pièces de verre. Mais déjà une réaction se dessine pour un retour aux couleurs franches.
- En i4qo, un verrier, Jean Cousin, invente une nouvelle peinture, le rouge Jean Cousin, dit rouge-carnalion, ou sanguine. Ce rouge se pose au pinceau et se fixe par cémentation pendant la cuisson au moufle. C’est un rouge tirant sur le brun; posé sur le verre bleuté il donne le ton argent, utilisé pour la chevelure des vieillards. Dès lors les verriers sont en mesure de poser au pinceau du noir, du jaune et du rouge en couleurs solidement incorporées au verre après cuisson, ce qui leur permet d’éviter de nombreuses coupes de verre.
- xvie siècle. — Avec le xvie siècle, les facilites techniques se multiplient encore. D’abord le diamant vient remplacer le fer
- ;. L ensemble tend vers des coureurs paies, —m 1<3
- avec des « trous » ____
- plombs sont moins nombreux, plus minces et plus longs, ces: sent de souligner le dessin et ne jouent plus qu’un rôle, constructif. Enfin la peinture est posée avec des brosses douces en putois, au lieu de blaireau; aussi les grisailles sont appliquées plus proprement, mais beaucoup plus mollement qu’au siècle précédent.
- né sert, plus qu’à régulariser les petits éclats ou à évider les tracés en creux.
- Le verre, de coloration très régulière, se fabrique en grandes feuilles qui peuvent atteindre 0,60 m x 0,70 m. Les verres plaqués en 3, 4 et même 7 épaisseurs sont d’un usage courant. La gravure au rouet multiplie les possibilités : on enlève par places
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- une ou plusieurs couches de placage, pour ne laisser subsister que le ton intéressant, de sorte qu’une même pièce peut présenter 3 ou 4 couleurs différentes. Avec quelques touches de grisaille, de jaune à l’argent et de sanguine, on peut donc obtenir de véritables petits tableaux sur verre, sans aucun plomb. Certes de réels petits chefs-d’œuvre ont été réalisés grâce à ces prouesses techniques, mais tout cela est bien loin des grandes compositions aux couleurs éclatantes des cathédrales du xnï®.
- Enfin, les verriers, refusant toute limitation technique, trouvèrent le moyen de poser au pinceau n’importe quelle couleur à leur choix, grâce aux émaux vitrifiables. Composés d’oxydes colorants et de fondant, les émaux se posaient au pinceau et passaient au four pour y être cuits. Mais le résultat n’était en rien comparable à celui qu’on obtenait avec le jaune d’argent, la sanguine et la grisaille; l’oxyde colorant ne pénétrait pas dans la pièce, il n’était que posé superficiellement. Une cuisson trop faible donnait des coulures désagréables, une cuisson trop forte modifiait les couleurs.
- Si la mise en plomb était très simplifiée, par contre les verriers utilisaient à tout propos la mise en chef-d’œuvre.
- Grâce à toutes ces facilités nouvelles, le travail du verrier s’apparente de plus en plus à celui du peintre; ou, plus exactement, les peintres dessinent des cartons sans se soucier de leur réalisation : un ouvrier habile saura toujours reproduire en verre le modèle fourni, fût-ce au prix d’acrobaties techniques.
- Décadence et disparition. — Le xvne siècle vit rapidement disparaître le vitrail coloré. Les verres teintés dans la masse sont de plus en plus remplacés par. les émaux vitrifiables. Ceux-ci d’ailleurs ne sont bientôt plus guère employés que dans les bordures; le centre de la verrière est en verre blanc peint au jaune d’argent, ou même simplement décoré par le dessin géométrique des plombs.
- Au milieu du siècle, seuls les Alsaciens et les Bohémiens fabriquaient encore du verre de couleur. Au xvm® siècle, tout était fini : n’avant plus de clients, les verriers cessèrent toute production et oublièrent rapidement les procédés de fabrication.
- La résurrection du vitrail.
- Au moment même où la technique du vitrail disparaissait, des collectionneurs anglais commençaient à s’intéresser aux verrières médiévales. La Révolution Française leur permit de se procurer chez nous de nombreux' vitraux. Les acquéreurs de biens nationaux démontaient les vitraux des églises qu’ils démolissaient et les antiquaires s’empressaient de les faire passer en Angleterre. C’est, ainsi que le roi George III acheta douze panneaux de la Sain te-Chapelle représentant la Passion du Christ, qui furent posés dans une petite église du Comté de Leicester, à Twycross. Il en fut probablement ainsi de nombreux vitraux.
- C’est auprès de ces collectionneurs anglais que, sous la Restauration, les chercheurs français durent aller se documenter.
- Sous le Consulat, la Manufacture de Sèvres s’intéressa aux « secrets du vitrail », mais dès le début les recherches furent orientées vers une mauvaise direction : on s’occupa uniquement des émaux vitrifiables; quelques résultats furent obtenus.
- En 1809, A. Lcnoir, fondateur du Musée des Monuments Français, avertit les spécialistes que le vitrail n’est pas de la peinture sur verre. Il insista sur la caractéristique essentielle des vitraux, l’utilisation du verre coloré dans la masse.
- Malgré cette mise au point, les verriers s’obstinèrent à travailler le problème des émaux. Enfin, l’appel fut entendu et en 1826, la Manufacture de Choisy-le-Roi fabriqua les premières feuilles de verre rouge. Progressivement la palette s’enrichit. Il faut voir quelques vitraux des années i83o-i84o pour juger à quel point les résultats étaient encore décevants : couleurs dures, acides, uniformes; verres parfaitement plans et réguliers.
- Les architectes qui s’intéressaient de plus en plus aux monuments anciens se préoccupaient de restaurer les vitraux. Viollet-le-Duc en particulier anima toute une équipe de verriers. L’article « Vitrail », dans son Dictionnaire de l’Architecture, est maintenant encore une étude des plus complètes sur la technique et la plastique du vitrail médiéval. Sous son impulsion, la manufacture Appert, à Clichy, analysa les verres anciens et en fabriqua sur ces données, plaqués ou non, qui servirent utilement aux restaurateurs.
- La technique actuelle, que nous avons brièvement décrite (n° 3188), se rapproche beaucoup de celle du xme siècle.
- Les grisailles, délayées au vinaigre ou à l’eau selon qu’il s’agit de trait ou de modelé, sont, composées-de battitures de fer et de verre finement broyé pour la grisaille noire et de ferret d’Espagne pour la grisaille brune.
- Le jaune d’argent est toujours employé, mais sans excès, le rouge Jean Cousin l’est encore moins. Enfin, pour certains travaux qui nécessitent la gravure des verres plaqués, on emploie presque exclusivement l’acide fluorliydrique.
- Au début de ce siècle, on a essayé de nombreux verres mécaniques : chenillés, plissés, etc..., des verres opalescents, et surtout des verres « américains » dont on utilisait les veines et les marbrures de couleur pour remplacer les grisailles. Ces verres, ne pouvant être cuits au moufle, restaient d’un emploi assez limité et la mode en est passée.
- Dans l’architecture civile, furent exécutées de belles œuvres utilisant des verres étamés ou argentés qui, vus en transparence donnent des gris nuancés, et qui de l’extérieur sont plus agréables que les vitraux classiques, puisqu’ils se présentent comme des miroirs.
- Signalons aussi l’église de Germiny-des-Prés où les petites fenêtres sont garnies de feuilles minces d’albâtre, d’onyx et de marbres montées en plomb.
- Divers essais ont été faits pour substituer au plomb le zinc ou l’aluminium, sans grands résultats.
- Par contre, il faut signaler deux techniques relativement récentes qui ont donné de belles œuvres : les verres, au lieu d’être employés en feuilles minces, sont utilisés : soit en blocs pouvant atteindre plusieurs centimètres d’épaisseur, taillés comme des éléments de mosaïque : dalle éclatée (ateliers Labouret-Gaudin), soit moulés comme des briques de verre (atelier Decorchemont).
- Au lieu d’être monté en plomb, l’ensemble est enrobé dans du ciment, armé par places; d’où le nom de béton translucide qu’on a souvent donné improprement à ces deux techniques assez voisines.
- (A suivre).
- D. Monsaingeon, Peintre-verrier.
- Fig. 10. — Montage en chef-d’œuvre.
- Les quatre pièces formant la fleur de lys sont incrustées dans une seule pièce de verre.
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- NAISSANCE D'UNE ILE
- Le Bulletin d’information du Comité central d’océanographie et d’étude des côtes du Ministère de la Marine annonce la naissance d’un nouvel îlot volcanique dans l’archipel des Nouvelles-Hébrides, observée depuis un an.
- Entre Elle Epi et l’île Tongoa, à l’ouest de la petite île Laika, par 1G°50' S. et 1C8°34' lb se trouve un banc où les profondeurs ont déjà changé à diverses reprises. Après 1S97, une île assez haute émergea, puis s’abaissa progressivement ; en 1901, elle, ne cotait plus que 15 m ; en 1905, elle avait disparu et n’était plus marquée que par une tache d’eau vert clair, au milieu do fonds de l’ordre de 200 m.
- Le 13 septembre 1949, M. Pommier, pilote de l’avion de ligne de Nouméa, observa à peu près sur le même emplacement une colonne de vapeur et de fumée montant à près de 600 m et se produisant environ toutes les 11 mn. Deux heures après, en revenant,
- il survola les lieux pendant un quart d’heure et vit, ainsi que les passagers, une île nouvelle, de forme ovale, couvrant environ 1 200 m2 ; un cratère lançait à peu près toutes les dix minutes de grandes volutes de vapeur et de fumée (fig. 1).
- Le 9 juin 1950, l’aviso Francis-Garnier, commandé par le capitaine de frégate Philippon, vint reconnaître les lieux. Il découvrit une vaste tache claire d’un mille d’étendue, recouverte de moins de 20 m d’eau, puis sur l’emplacement de l’ancien volcan une autre tache claire et enfin, à la place du nouveau volcan vu par M. Pommier, un îlot sans végétation, haut de 80 ni, d’environ 300 m de diamètre, prolongé vers le sud par une tache claire étendue. Il releva la carte des lieux (fig. 2) qu’il considère comme dangereux pour la navigation, en raison des variations rapides des fonds dues à l’activité volcanique intense observée fréquemment.
- Fig. 1. — L’émersion du volcan, vue par M. Pommier. — Fig. 2.— La carte des fonds au 9 juin 1950, dressée par l’aviso « Francis-Garnier ».
- Les journées internationales
- Les journées internationales de l’analyse et des essais se sont tenues à Paris à la Maison de la Chimie du 20 au 24 novembre dernier.
- Ces dernières années ont été caractérisées par un développement prodigieux de toutes les disciplines de la chimie.
- L’analyse chimique n’est plus la technique banale et routinière d’autrefois. Elle a changé de visage et son horizon est maintenant extrêmement large. On sait quel rôle elle a joué dans la détermination de la structure des corps organiques auxquels s’intéressent la biologie et la médecine et les progrès considérables dont elle est responsable. Dans les laboratoires de recherches, dans la pratique industrielle, l’analyse chimique précise a permis l’intelligence, la mesure exacte et la constance des opérations réalisées.
- Les journées internationales de l’analyse ont fourni une vue d’ensemble de l’appareillage de laboratoire et des instruments de mesure qu’elle utilise. Elles ont permis d’apprécier la qualité et la diversité des fabrications de l’industrie française et donné à de nombreux constructeurs étrangers l’occasion de présenter leurs dernières nouveautés.
- de l'analyse et des essais.
- La liste des appareils exposés né saurait prendre place ici r Car leur nombre dépassait la dizaine de mille.
- On peut noter, toutefois, une tendance générale au développement des appareils automatiques, avec ou sans enregistrement, qui a l’avantage de soustraire le chimiste à des opérations routinières souvent lentes et rebutantes.
- On remarque aussi le nombre de plus en plus élevé d’appareils de mesure physiques et physico-chimiques qui correspondent à un souci de précision et d’exactitude de plus en plus poussées.
- A signaler également, les nombreuses réalisations d’appareillages à températures élevées, ceux d’hyperpressions et ceux de microanalyse.
- De nombreuses communications sur les aspects actuels de l’analyse chimique ont été présentées par des spécialistes français et étrangers qui avaient largement répondu à l’appel de la Société de Chimie industrielle, organisatrice de cette manifestation dont l’utilité et la fécondité sont certaines.
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- LE TRANSPORT DES VINS
- De la production, concentrée dans certaines régions, à la consommation, répartie sur l’ensemble du territoire, la conservation, les transvasements et le transport des vins comportent un ensemble de problèmes dont la complexité doit essentiellement tenir compte de la qualité à sauvegarder et du prix de revient à réduire le plus possible.
- Le maintien de la qualité d’une boisson aussi sensible que le vin à la moindre altération impose, entre plusieurs précautions, celle relative à la nature des parois du contenant. Deux matériaux se sont depuis longtemps réparti avec une entière efficacité, la solution du problème de la conservation prolongée : le bois pour les fûts, et le verre pour les bouteilles. Ce privilège est si justifié pour chacune des deux’matières qu’il n’est pas question de leur en substituer une autre, tout au moins dans l’état actuel de la technique.
- La question du transport se présente bien différemment. Le séjour du vin dans les récipients ne .correspond plus qu’à une très courte durée de l’ordre d’un certain nombre d’heures et non plus de celui de mois et d’années comme pour la conservation. Dans ces conditions, l’action possible de la nature de la paroi n’a plus qu’une importance beaucoup moindre et donne plus de latitude pour le choix du matériau, en tenant compte notamment du rôle primordial à réserver aux facilités, à la rapidité et à l’économie lors du transfert du vin de la cave du producteur à celle du commerçant.
- Pendant de longues années — et c’était encore il'y a 25 ans l’usage courant — le tonneau de bois, au corps bombé formé de douves réunies par des cercles de fer' servait aussi bien pour le transport du vin à longue distance que pour sa conservation et sa vente même à la consommation. Il comportait toute l’échelle des capacités allant du tonnelet de 5o 1 au foudre de plusieurs dizaines d’hectolitres. La tonnellerie de bois était d’ailleurs largement répandue un peu partout et représentait une industrie artisanale relativement importante.
- Une évolution rapide s’est produite depuis 25 ans environ en ne laissant plus au bois que la fonction conservatrice en cave, surtout commerciale. Les caves particulières, avec les exigences de la mise en bouteilles, ne se rencontrent plus beaucoup dans la vie moderne au temps compté et au service rare.
- Mais c’est surtout la transformation qui s’est produite dans l’organisation des transports avec le rôle de plus en plus important de l’automobile pour poids lourds et du transport sur route, de porte à porte, qui a créé des. conditions nouvelles où la vitesse et l’allègement du poids mort pour un maximum de poids utile transporté sont devenus des facteurs essentiels pour le commerce des vins. Le transport par voie ferrée ne pouvait pas les faire apparaître aussi nettement : le poids mort d’un wagon domine trop celui du produit transporté. Quant à la vitesse, elle dépend du service général et non de l’initiative particulière. Dès lors, se comptant en jours, la durée du transport impliquait un souci de conservation justifiant le maintien du bois pour lé contenant. Du Midi de la France jusqu’aux entrepôts parisiens de Bercy ou de la Halle aux vins les fûts de bois se chargeaient, voyageaient et se déchargeaient, ou les foudres de bois se remplissaient et se vidaient dans des
- tonneaux, l’ensemble apparaissant comme l’image classique allant du train de marchandises au seuil du commerçant dépositaire en vins.
- Le spectacle a bien changé : c’est sur la route qu’il faut maintenant le contempler, particulièrement sur la route nationale n° 7 entre Valence et Pierrelatte constituant l’artère principale aux extrémités de laquelle se ramifient d’importantes artères secondaires, l’ensemble assurant une circulation intense entre la production vinicole des départements méridionaux du Gard, de l’Hérault, de l’Aude d’une part, du Var et du Vaucluse d’autre part, et la consommation du Dauphiné, de Ja Savoie et de la Haute-Savoie jusqu’aux portes de Genève, de l’Ain, du Doubs, du Lyonnais, de la Loire et, plus au nord, jusque dans la région parisienne. De puissants camions automobiles, le plus souvent suivis de remorques, chargés de grandes citernes métalliques, se succèdent et se croisent dans les deux sens, presque sans interruption, à l’allure de 5o à 6o km à l’heure, dépassant môme parfois certaines voitures de tourisme, leur donnant en tous cas l’impression que cette route est avant tout la roule du vin. A vrai dire une partie de ces camions à citernes métalliques est au service du transport des combustibles liquides, mais, pour diverses raisons, elle attire moins l’attention, sauf par les capacités supérieures des citernes atteignant 200 et même 220 hl au lieu de i5o, le produit transporté étant plus léger. . .
- Ce n’est pas une .simple question de prestige ou une fantaisie du conducteur qui engage, dans une sorte de course à la vitesse, ces camions de transport des vins. Le temps est précieux pour eux : c’est une question d’heures de voyage à réduire au minimum aussi bien au point de vue de l’utilisation la meilleure du camion et de son conducteur qu’à celui de la bonne conservation du vin.
- En fait, si on voulait mettre en tableau l’ensemble des désirs d’un transporteur de vins en camion-citerne, on pourrait à peu près l’établir ainsi, dans l’ordre d’importance décroissante de ses préoccupations essentielles :
- i° prix d’achat de l’ensemble : camion, remorques, citernes à amortir le plus rapidement possible ;
- 20 rapidité de parcours et de livraison;
- 3° capacité de transport la plus grande possible;
- 4° rapidité de remplissage et de vidange;
- 5° bonne qualité du vin à la livraison ;
- 6° minimum de frais au kilomètre parcouru (impliquant vitesse normale) ;
- 70 état des routes et moyens de dépannage.
- Comme on le voit, la vitesse intervient directement ou indirectement dans la plupart de ces préoccupations. Elle a d’ailleurs été facilitée par l’adoption, maintenant à peu près générale, du roulement sur pneumatiques, tandis qu’il y a une vingtaine d’années les camions transportant le vin en fûts de bois se contentaient des bandages pleins. Le même transport, qui exigeait alors deux jours et demi, aller plein et retour vide, pour une distance de 3oo km comme celle de Lunel à Saint-Etienne, ne demande plus qu’un jour.
- Les capacités transportées au cours de chaque voyage rou-
- Besanço
- 1 Nevers
- Moulins'
- Roanne
- w( _l _ 0 dn LMâctn Genève
- <r i « ^ / <e \ cd 1 \ Ly°n 1 1 CU 1 2 1 Chambéry
- SlEtienne 1 |'§ Voiroiy r) SAVOIE
- I oc M
- la/ Y Grenoble
- Valence \ Rivas 1
- Briançon
- Gap
- P?S*Esprit aAPerrelatte
- GARD V\vAUCUJSE Nîmes **\£vi9non HÉRAULT M Montpellier
- Béziers______... ___
- _ _ . ..________________, Marseille
- AUDE -----------------
- VAR
- Fig. 1. — Les principales « routes du vin » du Sud-Est de la France.
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- tier se sont également accrues en bénéficiant de la réduction proportionnelle du poids mort et de l’adoption des six roues sur pneumatiques pour le camion, des quatre roües sur pneumatiques pour la remorque, ainsi que du jumelage des pneumatiques.
- Mais l’évolution la plus caractéristique du mode actuel de transport des vins, c’est la substitution, maintenant généralisée, de la citerne métallique au fût de bois. Meilleure utilisation du contenant relativement à son encombrement et à son poids, fixation à toute épreuve quelle que soit la vitesse, enfin suppression de la préoccupation et des frais de l’entretien, tous ces avantages devaient assurer l’adoption rapide de la citerne métallique.
- Au début., le seul point d’interrogation qui s’était posé concernait l’action possible de la paroi métallique sur le vin, surtout au cours des premières années d’emploi de la citerne métallique, avec des vitesses encore lentes et des séjours du vin de plus de 2/1 h en citerne. Divers revêtements intérieurs furent alors expérimentés, notamment étamage, émaillages à froid ou à chaud, applications de diverses matières plastiques, etc... Actuellement l’étamage semble dominer, suivi de l’émaillage à froid. Enfin se pose la question métal et la possibilité de remplacer l’acier par l’aluminium ou les alliages légers, avec suppression d’un revêtement intérieur et réduction
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- supplémentaire du poids mort entraînant une augmentation nouvelle de la capacité. Malgré l’avis favorable à cette possibilité de remplacement, à la suite d’une étude préalable réalisée dès 1934 par un professeur de l’École d’agriculture de Montpellier, cette transformation n’a pas pris encore le développement que lui réserve peut-être l’avenir, surtout avec l’extension des applications multiples des alliages légers et de leur protection par oxydation anodique. Les habitudes acquises des constructeurs de citernes, spécialisés dans le travail de l’acier, les années de guerre et les besoins urgents de la consommation, enfin deux aspects de la question moins favorables pour le vin que pour l’essence et autres combustibles liquides ont sans doute retardé cette évolution. Ces deux aspects sont, d’une part, la densité plus élevée du vin rendant relativement moins sensible la réduction du poids mort, d’autre part, la répartition des camions-citernes entre un beaucoup plus grand nombre de propriétaires pour le vin que pour l’essence, la plupart d’entre eux n’ayant pas des capitaux assez importants à immobiliser pour commander à des constructeurs des séries intéressantes. Ce point de vue financier intervient aussi pour limiter l’intérêt d’une augmentation nouvelle de la capacité : au prix actuel du vin, plusieurs dizaines d’hectolitres représentent une somme importante et variable avec les cours du vin, à débourser par le destinataire.
- Fig. 2 à 9. — Divers types de camions à vin
- A gauche : 2. Transport mixte, le camion à citerne, la remorque chargée de fûts : allure lente. — 3. Camion-citerne à 6 roues et pneumatiques jumelés, portant deux citernes métalliques contenant ensemble ISO hl, munies de dispositifs de remplissage et de vidange et peintes à l’aluminium. — 4. Un parc de camions-citernes. — 5. Sur une route du vin, les camions-citernes défilent à 50-60 km/h.— A droite : 6. Ce camion et sa remorque transportent ISO hl de vin à 300 km en 12 h, sans autre arrêt qu’un rapide casse-croûte dans un village. — 7. En 40 minutes, 160 hl de vin passent des citernes dans les fûts et les cuves des caves. — 8. Pour les transports lents à longue distance, par péniches sur les voies navigables, les tonneaux retrouvent leur utilisation. — 9. Dans un coffre latéral (visible sur la fig. 6) un rideau levé découvre un petit moteur à essence de 2 ch actionnant un compresseur qui active la vidange ; au départ il avait fait le vide pour hâter le remplissage.
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- Finalement, toute cette question du transport des vins est dominée par la nécessité d’en serrer de très près le prix de revient. Et c’est la raison essentielle de l’importance prise par le transport routier aux dépens' du transport par voie ferrée. Il ne suffit pas en effet de considérer le prix à l’hectolitre-kilomètre de la gare de départ à la gare d’arrivée, mais bien celui du transfert total de la cave productrice à la cave dépositaire. Le camion-citerne présente l’avantage considérable de se remplir au départ et de se vider à l’arrivée sans aucune manipulation, par le simple fonctionnement d’un groupe compresseur-pompe à vide monté sur le côté du camion : un moteur à essence de 2 ch, alimenté par un petit réservoir spécial d’essence placé près de lui, entraîne la pompe à air assurant le double rôle d’aspirateur d’air pour le remplissage et de compresseur d’air pour une vidange plus, rapide, la manœuvre se résumant en celle d’un robinet à trois voies. Le remplissage sous un vide partiel pouvant atteindre sept dixièmes d’atmosphère est si bien assuré que le dôme lui-même dominant la citerne est compris dans Je plein, de telle sorte que le destinataire a souvent la satisfaction de bénéficier de 10 à 10 1 de plus que la contenance officielle de la citerne.
- Au contraire le double transvasement nécessité pour le transport par voie ferrée, avec les pertes inévitables qui en résultent, peut comporter un manquant qui n’est pas négligeable, non seulement en raison du prix du vin mais aussi par suite des différentes taxes qui grèvent ce prix, de la production jusqu’aux consommateurs, et qui représentent actuellement près d’une quinzaine de francs par litre : or le manquant reste passible de ces droits et taxes. .
- 11 est évident d’ailleurs que le conducteur du camion, responsable du transport et qui en assure lui-même remplissage et vidange est un agent de liaison entre le producteur et le dépositaire, ce que ne saurait être le mécanicien de locomotive ou le conducteur de train. Il est également le premier intéressé à effectuer un parcours rapide lui permettant de partir de son point d’attache et d’y rentrer sans avoir à séjourner en cours dé route. On se contente de doubler le conducteur si la distance dépasse par exemple 2Ôo km. Ainsi équipé, un camion avec remorque transportant i5o à xGo hl sur 33o km entre Sète et Grenoble par exemple, soit 660 km aller et retour à 60 km à l’heure, peut effectuer trois voyages par semaine, en laissant aux conducteurs deux jours de repos le samedi et le dimanche. On voit qu’en une année une telle équipe est capable de transporter plus de 22 000 hl de vin, plus de deux millions de litres à offrir aux consommateurs. C’est ce qui permet de limiter le prix du transport, en moyenne, à un franc l’hectolitre-kilomètre, par exemple à 260 francs l’hectolitre pour 2Ôo km à partir de Nîmes. Naturellement une augmentation notable de la distance comme celle qui correspond à la région parisienne influe sur le prix parce qu’elle répartit l’utilisation du camion et de ses conducteurs sur une quantité notablement moins importante de vin transporté à l’année. Pour
- ne considérer que l’amortissement du camion et de sa remorque, il faut noter que le prix d’acquisition de ce matériel s’est accru dans une proportion nettement plus élevée que le prix du vin. C’est ainsi que l’ensemble camion et remorque avec leurs citernes pour une capacité totale de i5o hl, qui pouvait être acquis pour 5o 000 francs en 1934, exige maintenant trois millions, soit l’investissement d’un véritable capital.
- C’est d’ailleurs une des raisons principales qui fixe encore certaines limites au développement déjà considérable du transport des vins par la route, surtout pour les très grandes distances où la voie ferrée joue encore son rôle, en ayant également évolué dans le sens des citernes métalliques. La solution du problème du transfert sans double transvasement, tout au moins sur wagon en gare, a d’ailleurs été résolu, comme pour d’autres marchandises même solides, par l’adoption des « containers » qui sont en somme des contenants métalliques amovibles pouvant se charger et se décharger à plein instantanément comme jadis pour les tonneaux de bois, tout en restant soumis naturellement à la nécessité d’un séjour du vin aussi peu prolongé que possible entre les opérations de remplissage à la cave de départ et de vidange à la cave d’arrivée. Les capacités unitaires sont naturellement moindres que celles des citei’nes sur camions et sur remorques : plus exactement elles sont fractionnées et indépendantes au lieu d’être solidaires par cloisonnement. Le régime du transport est d’ailleurs différent en ce sens que ces containers sont généralement loués par leur constructeur aux destinataires même des transports, qui peuvent tout aussi bien les utiliser sur camions que sur wagons. Ici encore la concurrence est sévère entre la voie ferrée et la route, même pour des distances atteignant et dépassant 5oo km où le camion-citerne assure encore des livraisons plus rapides dès que les points de remplissage et de vidange ne sont pas au voisinage des gares elles-mêmes.
- Cette course à la vitesse pour le transport du vin semble bien avoir atteint sa limite raisonnable. Elle ne doit pas faire oublier d’ailleurs, dans certains cas et notamment sur des itinéraires desservis par des voies navigables, l’intérêt économique du maintien de transports plus lents, tels que ceux assurés par péniches. Les fûts de bois retrouvent alors très logiquement leur justification, permettant un séjour prolongé du vin pouvant aller jusqu’à la conservation définitive avec l’échange des fûts pleins et vides.
- Il n’en est pas moins certain què la substitution du métal au bois pour les capacités de transport du vin, substitution qui aurait paru chimérique et même hérétique il y a seulement cinquante ans, s’est trouvée réalisée et même imposée rapidement par la double condition à satisfaire dé la vitesse et de l’économie. Elle commence même à s’imposer pour les transports maritimes dès vins d’Algérie à travers la Méditerranée.
- J. Bally,
- Ingénieur des Arts et Manufactures.
- Un robot pour la
- Aux États-Unis vient d'être mise au point une machine, véritable robot commandé à distance, d’un coin de l’atelier ou du hangar, qui arrose d’eau le plancher des usines, le « savonne », le frotte et l’assèche en un clin d’œil. Un seul « opérateur » suffit à la tâche, qui nécessitait autrefois plusieurs hommes pendant un temps beaucoup plus long.
- . Soucieux de la diminution des frais de nettoyage et d’entretien des usines, où l’on veut assurer au travailleur plus d’hygiène et de sécurité, plus de 10 000 ingénieurs spécialisés, de chefs d’entreprises et de personnalités officielles chargées des questions de production industrielle ont pu voir récemment à une exposition à Cleveland, dans l’Ohio, des dizaines d’appareils destinés à faciliter la toilette des lieux de travail.
- ‘ Patronnée par l'American Society of Mechanical Engineers et la Society for the Advàncement of Management, cette importante
- toilette des usines.
- manifestation a permis aux intéressés de se familiariser notamment avec les' innovations suivantes :
- un aspirateur-laveur monté sur un petit véhicule à moteur piloté par un ouvrier ;
- un appareil qui remplace l’archaïque système « seau-éponge-torchon » en utilisant, pour le nettoyage des murs, un tuyau alternativement muni d’un instrument en forme de truelle, recouvert d’un chiffon imbibé automatiquement de détersif, puis d’un accessoire pour le séchage et lustrage ; cet appareil est utilisable sur parois peintes aussi bien que sur carrelages ;
- un pinceau mécanique, dans les soies duquel la peinture se trouve automatiquement amenée par air comprimé, ce qui réduit considérablement le temps nécessaire à l’application d’une couche de peinture sur les grandes surfaces.
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- LES CARBURES DE MÉTAUX DURS
- Dans les problèmes qui doivent être résolus chaque jour par l’homme pour façonner la matière, il est une propriété d’importance majeure que doivent posséder ses outils : la dureté.
- On ne peut travailler et mettre en forme un métal, un alliage ou une matière quelconque, qu’avec le secours d’un corps plus dur que lui.
- Depuis une vingtaine d’années, des progrès sensationnels ont été réalisés dans celte recherche de la dureté.
- L’estimation de la dureté a été longtemps basée sur le fait que si l’on frotte l’une contre l’autre deux substances, on observe généralement que l’une raye l’autre sans être rayée par elle. C’est la plus dure des deux.
- Une échelle comparative de dureté avait été imaginée par Mohr à l’usage des minéralogistes, basée sur les minéraux suivants : i, talc; a, gypse; 3, calcite; 4, fluorine; 5, apatite; 0, orlhose; 7, quartz; 8, topaze; 9, corindon; 10, diamant.
- La dureté estimée par cette méthode est des plus approximative. Les écarts de dureté réelle entre les minéraux de l’échelle sont très inégaux ; c’est ainsi que la différence de dureté entre les nos 9 et 10 est du même ordre de grandeur qu’entre x et 9.
- Il a fallu, notamment pour l’élude des métaux et de leurs
- Fig. 1. — Les angles caractéristiques d’un outil de tour à mise rapportée en carbures de métaux durs :
- a, angle d’attaque ; {}, angle d’affûtage ; y, angle de copeau.
- alliages, recourir à des techniques plus précises. On a défini alors leur dureté par leur résistance à la pénétration.
- Pour la mesurer, on appuie sur le corps à essayer un poinçon de forme déterminée : sphérique, conique ou pyramidal. On applique alors une charge connue et on chiffre la dureté en fonction des dimensions de l’empi’einle.
- Diverses méthodes ont été adoptées : la méthode de la bille de Brinell mesure l’empreinte en forme de calotte sphérique, obtenue par pression d’une bille en acier trempé très dur, d’une dizaine de millimètres de diamètre; la méthode Vickers emploie un poinçon pyramidal à base carrée en diamant, qui donne un petit can’é d’une fraction de millimètre de côté, dont on mesure la diagonale au microscope ; la méthode Rockwell mesure la pénétration d’une- petite bille ou cl’un diamant conique sous une charge de 100 à i5o kg, un appareil spécial mesure la profondeur de l’empreinte.
- Des tables numériques peianetterit la conversion des nombres obtenus et la comparaison des diverses méthodes entre elles.
- Depuis une centaine d’années, on a utilisé successivement, pour les outils destinés à l’usinage des métaux, des aciers au carbone trempés, puis les aciers super-rapides, suivis
- des alliages du type stellite et enfin les alliages aux carbures dui's.
- La dureté de ces alliages s’est élevée progressivement comme le montre le tableau ci-dessous :
- Acier rapide .................... environ 58 à 60 Rockwell (C)
- Acier super-rapide ................. » 65
- Stelliles........................... » 68
- Alliages aux carbures .... » 80 à 85
- Fig. 2.
- Un outil de rabotage à plaquette en carbures de métaux durs.
- C’est Benjamin Iluntsman, de Sheffield, qui avait le. premier, vei's 1750, appliqué l’acier fondu aux outils à main. Il faut attendre jusqu’à 1868 la découverte par Robert Mushet d’un acier auto-trempant au tungstène et manganèse, pour marquer un progrès sensible.
- Aux environs de 1900 apparaissent les aciers rapides Taylor au tungstène, chrome et vanadium, dont, les améliorations devaient se poursuivre pendant vingt-cinq ans, en particulier par l’addition de cobalt. En 1907, Haynes avait découvert l’alliage stellite composé de tungstène, de chrome, de molybdène et de cobalt, à l’exclusion du fer. Cet alliage ne s’obtient qu’à l’état coulé et se travaille à la meule. Il consei’ve sa dureté à une tempéi’atui’e élevée.
- Enfin, aux environs de iga5, appai’aissent les cai’bures de métaux durs agglomérés par frittage, imaginés par Shrœter, de la maison Osram, en 1923. Ils furent mis sur le marché par la maison Krupp sous le nom de Widia (de wie : comme et dia : diamant).
- On désigne sous le nom de carbures durs une série de ces
- A CHARIOTER COUDÉ
- A CBARIOTER DROIT
- A DRESSER LES FACES
- A DRESSER D'ANGLE
- A CHARIOTER DE FIHITIOM
- OUTIL
- PELLE
- OUTIL
- COUTEAU
- A SAIGNER DROIT
- A ALÉSER
- A ALÉSER D’AIRLE
- A FILETER EATÉRIEUR
- A FILETER INTÉRIEUR
- A TRONÇONNER A COL DE CYGNE
- A 60RGE INTÉRIEURE
- mr\
- Fig. 3. — Diverses formes d’outils de tour.
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- composés du carbone et de divers métaux du quatrième groupe de la classification périodique : le titane et le zirconium; d.u cinquième groupe : vanadium, niobium et tantale; du sixième : molybdène et tungstène, ce dernier, le carbure de tungstène, étant le plus important de tous.
- Le carbure de tungstène se prépare par union directe de carbone sous forme de noir de fumée et de poudre de tungstène obtenue par réduction d’acide tungstique par l’hydrogène. Le mélange est chauffé au four électrique aux environs de i 4oo° dans une atmosphère réductrice. Il est préparé en proportions stœchimiques pour parvenir au carbure WG stable à hautes températures jusqu’à 2 4oo°. Son point de fusion est de 3 x4o° K. Un autre carbure WC2 ne doit exister dans le produit final que comme impureté.
- Le carbure de titane se prépare par l’action du carbone sur de l’oxyde pur de titane dans une atmosphère d’hydrogène. On opère dans des fours électriques à résistance ou en graphite. La température doit être portée à 1 8oo° C. La réduction complète est difficile et il reste généralement un peu d’oxydes et de nitrures. Le carbure de zirconium se prépare par une tech-
- Fig. 4. — Deux types d’outils de tour à plaquette en carbures rapportée par brasure.
- nique analogue ; la température doit atteindre de 1 goo à 2 ooo° C.
- Les carbures de vanadium, de tantale, de niobium sont obtenus par des procédés du même genre.
- Tous ces carbures durs sont doués d’une bonne résistance chimique à l’attaque par les réactifs usuels, acides ou alcalins.
- Pour leur utilisation dans les outils de coupe, ces carbures sont soumis à un broyage prolongé, puis additionnés de cobalt en poudre. Le mélange mis en forme sous pression est alors fritté à chaud. L’opération est réalisée en deux stades : un préfrittage qui durcit les pièces et permet de les manipuler et de les usiner, on l’effectue en atmosphère d’hydrogène à une température modérée. Le frittage définitif est ensuite réalisé à des températures de l’ordre de x 4oo à 1 6oo° suivant la nature et la composition des mélanges traités. Au cours de cette opération, les pièces subissent un retrait appréciable et prennent leur forme et leur dureté définitives.
- La fabrication des plaquettes de carbures de métaux durs pour les outils de coupe est très délicate. Il y intervient toute une série de variables indépendantes : la nature et la teneur en carbone des carbures de divers métaux, leur granulométrie, la composition et la proportion de liant, les conditions de cuisson, etc...
- Une première classe de ces produits contient à peu près exclusivement du carbure de tungstène et du cobalt. Les outils de coupe qui les utilisent sont destinés à travailler la fonte, les métaux non ferreux, le bois, les matières plastiques et, en
- général, des matières ne donnant pas de copeaux longs à l’usinage.
- Une deuxième classe résulte du frittage de carbure de tungstène associé à du carbure de titane, agglomérés par du cobalt. Ils sont destinés à l’iisinage de l’acier et des alliages métalliques donnant des copeaux longs. Les carbures de cette classe ne présentent pas à l’emploi l’inconvénient dit du « crate-ring », c’est-à-dire une usure provenant du frottement du copeau sur la face de l’outil, car le coefficient de glissement est plus élevé qu’avec les mélanges ne contenant que du carbure de tungstène. Il existe toute une série de produits de cette classe dont les caractéristiques sont variables en ce qui concerne leur dureté, leur fragilité et leur résistance aux chocs.
- Une troisième classe contient en plus dos carbures de titane, de tungstène et du liant, d’autres carbures de niobium, de tantale, de zirconium, etc.... Ces produits sont parfois applicables, en fonction de leur composition et de leurs propriétés, aux mêmes 'emplois que ceux de la deuxième classe et spécn-lement à des cas particuliers d’usinage exigeant des qualités particulières de résistance à l’abrasion ou aux réactifs chimiques ou à l’oxydation à température élevée.
- Toute cette série de carbures frittés couvre une large gamme de propriétés variées en ce qui concerne la dureté, le module d’élasticité, le coefficient de dilatation thermique, la résistance à la traction, la résistance à la rupture, la stabilité aux réactifs chimiques.
- Il ne peut être question d’entrer ici dans les détails des diverses compositions des carbures frittés et de leurs applications spécifiques. Nous signalons seulement que les produits de la première classe contiennent du carbure de tungstène aggloméré avec 5 à 16 pour 100 d’un liant généralement constitué par du cobalt. Ceux de la deuxième classe contiennent de 75 à 85 pour 100 de carbure de tungstène, de 5 à 20 pour 100 de carbure de titane et de 6 à 10 pour 100 de liant. Ceux de la troisième ont des compositions très variables par suite de la présence de carbures d’autres métaux.
- (Toute une série de ces compositions ont été normalisées par chaque fabricant, ce qui permet la fabrication de nuances de propriétés régulières et constantes en vue d’applications particulières.
- Les carbures des métaux durs sont employés pour trois catégories de travaux : i° comme outils de coupe pour l’usinage des métaux et de diverses matières; 20 comme outils de forme; 3° comme pièces résistant à l’usure.
- L’emploi le plus développé actuellement est celui des outils destinés à l’usinage de toutes sortes de pièces métalliques en fonte, cuivre, bronze, laiton, zinc, alliages en général et matières diverses.
- L’apparition des outils de coupe en carbures de métaux durs dans les ateliers de construction mécanique a conduit à une évolution remarquable des vitesses d’usinage et des temps de travail qui ont été très fortement l'éduils.
- Le Pr Schlesinger a retracé dans la revue La Machine moderne l’évolution des vitesses d’usinage sur tour et des durées de travail avec les différents outils de coupe. En voici un aperçu : en 1892 avec des aciers durs, avance de 7 m par minute et usinage de 4 pièces entre deux affûtages; en 1902, avec l’acier rapide Taylor, 18 m/mn et ix pièces; en 1912, avec l’alliage stellile, ,3o m/mn et 4o pièces; en 1927, avec les carbures, 3o m/mn et 216 pièces entre deux affûtages; en 1937, avec les nouvelles nuances de carbure, go rp/mn et 4i5 pièces. La vitesse peut être poussée actuellement à 3oo m/mn.
- Les outils de coupe aux carbures de métaux durs sont également utilisés avec d’excellents résultats sur les étaux-limeurs à grande vitesse de coupe et les x'aboteuses.
- Leur utilisation a conduit à une augmentation considérable de la productivité de la main-d’œuvre et des machines-outils. Elle a également imposé une évolution dans la construction
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- des machines-outils et dans la technique de leur utilisation.
- Les vieilles machines dont les parties tournantes vibrent ne peuvent utiliser les nouveaux outils de coupe.
- Les machines-outils modernes sont calculées plus largement, elles sont d’aspect compact et actionnées par des moteurs beaucoup plus puissants; leur puissance est généralement de trois à cinq fois plus grande. On parvient ainsi pour l’usinage d’une pièce de six centimètres tde diamètre à une vitesse d’environ 800 tours/minute, contre 3oo tours sur les machines anciennes.
- Cette augmentation considérable de la vitesse d’usinage pose le problème de l’évacuation des copeaux en production sans cesse croissante. Un copeau d’un demi-millimètre d’épaisseur donne à la vitesse de 200 tours/minute environ 3oo kg de tournures à l’heure, occupant un volume de l’ordre d’un mètre cube. Dans les ateliers importants, on est conduit à envisager leur évacuation par convoyeurs automatiques.
- L’emploi des outils de coupe en carbures de métaux durs pré-' sente aussi cet avantage de permettre souvent l’ébauche et la finition en une seule opération. Il permet également des chariotages et de longs alésages très précis.
- Les outils utilisés sont généralement en acier sur lesquels on fixe par brasure une plaquette de carbure. Ces plaquettes sont livrées en formes standard ou à la demande sous forme de produits finis : outils de tour par exemple (fig. 3).
- Lorsque l’on utilise des plaquettes, on les fixe sur des corps d’outils en acier mi-dur et on les brase au cuivre ou à l’argent.
- L’outil est préalablement mis en forme pour que remplacement de la plaquette soit sensiblement à l’angle désiré, ceci pour éviter sur celle-ci un meulage trop important pour la mise à la cote définitive.
- Pour tirer de l’emploi des carbures le rendement maximum, l’affûtage des outils doit être tout spécialement soigné. On commence par dégager la plaquette du corps de l’outil avec une merde au corindon. La plaquette est ensuite dégrossie avec des meules au carborundum, on termine la finition aux meules diamantées.
- Les outils sont assujettis sur les machines, avec un porte-à-faux aussi réduit que possible. La partie débordante ne doit guère dépasser d’une longueur supérieure à son épaisseur, ceci afin d’éviter les vibrations qui détérioreraient la plaquette.
- Pour l’usinage, l’outil doit attaquer la pièce en pleine marche, celle-ci ne doit pas se ralentir pendant l’opération et l’outil est isolé du contact de la pièce avant l’arrêt. La profondeur de coupe ne doit jamais dépasser l’épaisseur de la plaquette.
- Fig. S. — Les deux types de coupe : négative, à gauche ; positive, à droite.
- Fig. 6. — La forme d’un outil à plaquette de carbures pour coupe négato-positive.
- Des barêmes sont fournis par les fabricants sur les angles de coupe à respecter pour l’emploi des outils.
- Un progrès sensible a été réalisé par l’emploi de la coupe négative dans le tournage et le fraisage.
- Cette technique, mise au point par essais empiriques, consiste à augmenter l’angle du bec d’outil qui était* jusqu’alors aigu (fig. 5). On a constaté que l’augmentation de l’angle du taillant de l’outil jusqu’à ce qu’il devienne droit ou même obtus permet d’usiner des métaux très difficiles tels que la fonte trempée et le métal des bandages de chemin de fer modifiés par l’usage. Elle permet également d’augmenter la vitesse de coupe et le volume du copeau. De plus, les pièces terminées ont un meilleur fini.
- La technique de la coupe négative n’est toutefois pas un procédé universel se substituant en totalité à la coupe classique, mais elle constitue un nouveau et puissant moyen d’usinage.
- Elle exige des machines très robustes actionnées par des moteurs très puissants. Elle s’applique aux opérations courantes d’usinage : tournage, fraisage, perçage, mortaisage, rabotage, etc...
- On tend d’ailleurs, actuellement, à lui substituer une méthode mixte de coupe dite négato-positive qui met en œuvre des outils d’une forme particulière associant les deux conceptions (fig. 6).
- La puissance de coupe des outils en carbures de métaux durs n’est pratiquement limitée que par le fait que réchauffement de la plaquette ne doit pas élever la température de celle-ci au delà de 600 à 65o° C.
- Dans l’ensemble, on peut constater que la productivité des ateliers de mécanique a été multipliée jusqu’à dix fois dans certains cas, par l’emploi des outils en carbures de métaux durs.
- On ne peut nier qu’il s’agit d’un progrès sensible et il est remarquable qu’il ne soit dû qu’à l’apparition d’une simple combinaison chimique et qu’un fait aussi modeste en apparence ait eu des conséquences aussi importantes.
- En dehors de l’usinage, il est d’autres domaines très étendus dans lesquels les carbures se répandent et apportent des résultats non moins prometteurs.
- Nous y reviendrons prochainement.
- Lucien Perruche,
- Docteur de l’Université de Paris.
- La pluie calme la mer.
- « Petite pluie abat grand vent » dit le proverbe. Elle abat aussi les vagues et calme la mer, ajoutent les marins. On a récemment voulu en. expérimenter en modèle réduit et on a fait tomber des gouttes d’eau calibrées et colorées (par la fluorescéine) à la surface d’un bassin. On pouvait, en effet, supposer, soit que les gouttes d’eau forment des séries d’ondes concentriques qui modifient les forces de surface et finissent par écréter les vagues, soit que la
- pluie est liée à une diminution de la vitesse du vent qui entre-, tenait et gonflait les lames. La question est assez complexe, à en juger par les résultats de plusieurs observateurs successifs publiés par notre confrère anglais Nature. Une dernière note qui vient de paraître semble la trancher : c’est le vent et non la pluie qui agit sur la mer : petite pluie abat grand vent, ce grand vent qui faisait les grosses lames.
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- PRODUITS ET SOMMES DES CARRÉS DE 3, 4 ... n NOMBRES CONSÉCUTIFS
- L’article du n° de mai de La Nature « A la manière d’Inaudi » nous a incité à quelques remarques que nous croyons susceptibles d’intéresser tous ceux qui ont le goût du calcul mental et rapide. Nous nous permettrons de les présenter de façon ensemble succincte et démonstrative.
- I. — Trois nombres entiers étant consécutifs, on donne la somme du produit, des 2 premiers et du produit des 2 derniers. Quels sont ces nombres ?
- De (a — i) a + a (a + i) = S, on tire :
- 2 a2 = S
- S
- Si S = i3 778, — = 6 889, qui est un carré parfait, ce qui
- donne pour a, le moyen terme : y/6 889.
- La racine a 2 chiffres, celui de ses dizaines est 8 (le plus grand carré parfait contenu dans 68 étant 64) et celui des unités est 3 ou 7 (les carrés de 3 et de 7 étant respectivement 9 et 49)-
- Étant donné que 852 que nous savons calculer mentalement vaut 7 2 25, la racine est nécessairement comprise entre 80 et 85. Le chiffre de ses unités est donc 3 et les 3 nombres demandés sont 82, 83, 84.
- Cas particuliers. — a) Le moyen terme est un multiple de 5 (les 2 autres nombres étant pairs chacun des produits et leur somme se terminent par un o).
- Soit 11 a5o cette somme dont la moitié est 5 626. La racine carrée de ce nombre se trouve instantanément : c’est 75 (7 x 8 = 56) et les nombres cherchés sont 74, 75, 76.
- b) Le moyen terme est un multiple de 10.
- La demi-somme donnée qui en est le carré est un nombre exact de centaines et donc la somme toute entière. Soit 12 800 celle-ci.
- La demi-somme est 6 4oo dont la racine est 80.
- *
- Les nombres demandés sont 79, 80, 81.
- IL — On donne seulement le produit de 2 nombres entiers consécutifs. Quels sont ces nombres ?
- . Observons que le produit donné a(a + 1) ne saurait être un carré parfait mais que ce produit a2 + a est compris entre a2 et (a + i)2 ou a2 + 2a + 1.
- Nous tirons de là que a est la racine carrée à une unité près par défaut du produit donné.
- Soit 4 692 ce produit.
- Comme il est compris entre 100 et 10 000 la racine a 2 chiffres, celui des dizaines étant 6 (le plus grand carré contenu dans 46 étant. 36) alors que le chiffre des unités est supérieur à 5 puisque 652 = 4 225.
- Comme 4 692 est sensiblement plus proche de 702 = 4 900, nous sommes fondé à essayer pour la racine le nombre 68 dont nous pouvons évaluer de façon immédiate le carré : c’est 4 3oo [(68 — 25) 100] + 3a4 (182) = '4 6a4 (x).
- Le carré de 69 que nous obtiendrons soit de la même façon,
- 1. Voici la justification du procédé, que nous croyons inédit :
- 68 = 50 + 18.
- 68a = 2 500 + 2 x 50 x 18 + 182.
- = (25 + 18) 100 + 324.
- = (25 + 18 + 50 — 50) 100 + 324.
- soit en ajoutant à celui de 68, 2 fois 68 et 1, est égal à
- 4 761 (J).
- 68 est bien la racine cherchée et les 2 nombres demandés sont 68 et 69.
- III. — Quatre nombres sont consécutifs et l'on donne la somme du produit des 2 premiers et du produit des 2 derniers.
- Soient a — 1, a, a + 1, a + 2 ces nombres :
- (a — 1) a + (a + 1) (a + 2) = S et en effectuant et réduisant :
- 2(a2 + a +1) = S , S
- Ct-1 -f- (X -f- I — —
- 2
- ce qui montre que a — le deuxième des nombres de la série
- g
- — est égal à la racine carrée à 1 près par défaut de — qui
- ne saurait être un carré parfait.
- Pour S = 4 i42 S
- — = 2 071.
- 2
- Nous procédons comme nous l’avons fait tout à l’heure en déterminant le premier chiffre à gauche de la racine qui est 4 et en situant 452 par rapport à 2 071.
- 452 — 2 025 : il se trouve que c’est la racine cherchée, 462 valant 2 025 + 2 x 45 + 1 = 2 116.
- Les 4 nombres demandés sont donc 44, 45, 46, 47-
- IV. — Quatre nombres sont consécutifs et Von donne la somme de leurs carrés. Quels sont ces nombres ?
- Soient a — 1, a, a + 1, a + 2 4 nombres entiers consécutifs et S la somme de leurs carrés :
- S = (a— i)2 + a2 + (a + i)2 + (a +2)2 et en effectuant et en réduisant :
- S = 4«2 + 4a + 6 d’où 4(a2 + a) = S — 6
- 2 , S — 6 •
- a2 + a — —7—
- 4
- et comme l’on a :
- a2 <( a2 + a < (a + i)2
- on voit que a — le deuxième terme de la série — est égal à
- la racine carrée de ^7— à une unité près par défaut.
- 4
- Pour S = 27 280 il vient :
- et a = y/6 806.
- Le chiffre des dizaines de la racine est 8 (64 est le plus grand carré parfait contenu dans 68).
- Comme 802 = 6 4oo et que 852 = 7 2 25 nous sommes incité à essayer pour les unités 2 et 3 :
- 8a2 = 6 4oo + 2x80x2 + 4 = 6 724 d’où 832 = 6 724 + 164 +1 = 6 889.
- 82 est la racine à 1 près par défaut de 6 806 et les nombres demandés sont 81, 82, 83, 84.
- V. — Généralisation. — On pourrait maintenant se donner la somme des carrés de 5 nombres consécutifs et déterminer ces nombres. Le problème se résoudrait de la même façon.
- Mieux, il peut se généraliser.
- Considérons à partir de a, et en comptant a, une série de n nombres consécutifs, le dernier nombre étant égal à a + (n — 1).
- 1. Nous tablons cette fois sur la différence des carrés de deux nombres consécutifs.
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- Disposons comme ' il suit le tableau des carrés de ces nombres et faisons leur somme :
- a2 = a2
- (a-j-i)2 =(22 -f- 2a ' i
- (a-j-2)2 =a2 -j- l\a -f- 22
- [a -j- 3)2 = a2 4- + 32
- . —1 ))2 —a2 +s(n — 1 ) a —j— {/z—i)2
- S = na.2—[(2—^—4-—1~6-|-.. .a(n—i))]a-|-(i2-|-22-(-324----(/1—*2).
- Remplaçons la première parenthèse par l’expression de la somme des (n — 1) premiers nombres pairs : (n — i)n, et la deuxième par l’expression de la somme des carrés des n— 1
- . . (n — 1)n(2n—1)
- premiers nombres : -----------^--------.
- Il vient :
- S = na2 -j- (n — 1 )na
- (n — i)rt(2ra— 1) 6
- a2 -(- (n — 1 )a et en ajoutant
- S (n —1)(2«— 1) (1)
- a2-j- (n — 1 )a -f-
- n 6
- à chaque membre de l’égalité (1) :
- n — i\2 S 2 / n
- (n— i)(2n— 1) fn— 1
- 6
- n — 1
- S
- n
- 12
- ï 2S — (n2 — 1 )n i2n
- et enfin :
- a = \Jl
- 2S — («2 — i)« n
- Application : S = 19 io4 et n = 9 12S — [n- — 1
- : 2 Il6
- a + 4 = V 2 I1[6 = 46.
- Les nombres cherchés sont 4a, 43, 44, 5o.
- Autre exemple : S = 38 45o et n = 12
- 12S — (n2 — i)n 12 n
- 3 192,25
- a + 5,5 = \J 3 192,5 = 56,5.
- Les nombres cherchés sont 5i, B2, 53, ..., 61, 62.
- En l’occurrence il ne s’agit plus sans doute, de calcul mental, mais seulement de calcul rapide. Au moins a-t-on atteint à d’extraordinaires résultats à quoi Inaudi, qui n’opérait que sur la somme des carrés de 3 nombres consécutifs, n’eût pu prétendre. La formule à laquelle nous avons abouti valait, avons-nous pensé, de ne point demeurer inédite.
- Ch. Besnier.
- L'œuf de poule possède-t-il une Forme géométrique?
- Les formes géométriques sont de moins en moins nombreuses dans la nature à mesure qu’augmente le degré d’évolution. Dans le règne minéral la forme géométrique (cristaux) est la plus répandue. Dans le règne végétal on remarque un certain nombre de formes ou de rapports géométriques (feuilles, vrilles, insertion des feuilles sur la lige). Dans le règne animal ces formes semblent être limitées aux espèces inférieures (astéries, radiolaires). .Chez les vertébrés elles n’existent que dans quelques rares organes (cornes de certains ruminants).
- L’oeuf de poule peut-il être considéré comme un volume susceptible d’être exprimé par une formule mathématique ? .
- Sur du papier semi-logarithmique traçons une circonférence de rayon i,5 (fig. 1). Si nous reportons cette circonférence sur du papier quadrillé en prenant comme échelle des ordonnées la distance 1,0-1,1 ou ab de l’échelle logarithmique, nous obtenons la figure 2 qui ressemble étrangement à un œuf de poule. Cet œuf serait donc le résultat de la déformation^ d’une sphère lorsqu’on remplace les divisions logarithmiques de l’arête verticale du cube circonscrit par leurs antilogarithmes (fig. 3). Sa forme peut être exprimée par une formule mathématique.
- En traçant sur papier semi-logarithmique des circonférences de rayon 2, 3, etc. on obtient des formes ovoïdes de plus en plus allongées et en réduisant simultanément l’échelle des abscisses on obtient des formes aéro- ou hydrodynamiques utilisées pour les solides appelés à se mouvoir à grande vitesse (poissons, aéronefs, torpilles aériennes, torpilles marines). Nous avons obtenu la forme d’un aéronef ou d’une torpille aérienne avec un rayon = 2 du même module et en réduisant l’échelle des abscisses dans le rapport de 2 à 1, et d’une torpille marine avec une réduction de l’échelle des abscisses dans la proportion de 3 à 1 (fig. 4).
- La forme de l’œuf de poule entrerait donc dans la catégorie
- des bons projectiles destinés à se mouvoir lentement ou dans un milieu peu dense.
- Pour les formes ovoïdes, la maîtresse section est d’autant plus voisine de la grosse extrémité que le rayon de la circonférence sur le tracé logarithmique est plus grand. Pour l’œuf de poule (r = 1,5), la maîtresse section est à o,4 du gros bout. Pour les formes du genre aéronef ou torpilles, r = 2, elle se
- Fig. 4
- trouve à o,3 du gros bout, pour des rayons supérieurs r = 3, r = 4, elle s’avancerait respectivement à o,25 et 0,20 de la longueur totale à partir de la plus grosse extrémité.
- Remarque. — Il reste bien entendu que tous les œufs de poule n’ont pas rigoureusement la même forme. Nous n’avons fait allusion qu’à l’œuf de poule moyen, ou plus exactement « théorique ».
- Louis Bertrand.
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- JACQUES-GERMAIN SOUFFLOT
- ARCHITECTE DU PANTHÉON (1713-1780
- Modeste, consciencieux, doté de toutes les qualités françaises : mesure, goût, clarté, héritier des traditions classiques, mais nullement fermé aux idées de son temps, Soufflot a joué un rôle important — et parfois ignoré — dans les embellissements de Paris et de Lyon. Il a continué l’œuvre de Mansart, de Le Mercier, de Blondel.
- Jacques-Germain Soufflot naquit à Irancy (*), aujourd’hui département de l’Yonne, le 22 juillet 1713. Cette année 1960 marque le 170° anniversaire de sa mort survenue en 1780.
- Son père, commerçant aisé, avait rempli la charge de Lieutenant du bailliage, fonction qu’avaient exercée ses ancêtres. L’enfant était le quatorzième d’une famille de quinze. Il vénérait pi’o-fondément sa mère « qui lui avait donné, disait-il, tous les talents dont il était gratifié ».
- Il fit ses études classiques à Lyon. Bon élève, mais parfois fantaisiste, il sentit,, de bonne heure, naître en lui une vocation artistique irrésistible. Brusquement., un jour, il partit à Rome sous un nom d’emprunt, vêtu en ouvrier. Mais ce n’était là que caprice de courte durée.
- Son père qui connaissait bien ses tendances ne le contraria point.
- Sur recommandation du duc de Saint-Aignan, ambassadeur de France, le jeune homme fut admis sans examen à l’Académie de France à Rome. Il y séjourna deux ans, puis alla passer quelque temps en Asie Mineure.
- Revenu dans son pays, il s’établit à Lyon où il commença ses premiers travaux d’architecture, et rapidement le débutant annonça un maître.
- Il entreprit le maître-autel et le baldaquin de l’église des Chartreux, la Loge aux changes (devenue un temple protestant), le portail à colonnes et le grand salon de l’archevêché.
- Mais surtout, Soufflot dressa les plans de l’Hôtel-Dieu. Son projet retint l’attention générale.
- Abel-François Poisson, frère de la marquise de Pompadour, plus connu sous le nom qu’il prit bientôt de marquis de Marigny (1727-1781), s’intéressa à cet architecte.
- Surintendant des bâtiments du roi, possesseur un moment du Palais de l'Élysée, Marigny était un homme d’un goût très sûr et dont l’influence se fit sentir dans les constructions de son siècle.
- Dès lors, Soufflot se trouva bien en cour. Avec Nicolas Cochin et l’abbé Blanc, il fut emmené en Italie sous la haute direction de Marigny. Le jeune architecte profifa pleinement de ce voyage
- 1. Irancy, à trois lieues d’Auxerre, a gardé le souvenir de cruautés guerrières : en 1568, les habitants de ce village ayant tué l’enseigne des gens du prince de Condé, les troupes allemandes, pour se venger, passèrent au 111 de l’épée toute la population, sans même épargner les femmes et les enfants, dont ils jetèrent les corps dans les puits.
- pour se plonger dans les splendeurs de la Ville éternelle. Il y connut, il y savoura la beauté qui se dégageait de toutes les productions des arts majeur et mineur, selon la classification florentine.
- Il poussa jusqu’en Sicile pour y étudier des vestiges de l’antiquité romaine.
- Marigny fit donner à Soufflot « un appartement de deux pièces et dépendances au Louvre », puis le fît nommer directeur des travaux de Marly, de ceux de Paris ensuite, aux appointements annuels de 6 000 livres. Lorsque vint en discussion le projet d’élever les palais de la place Louis XV (aujourd’hui place
- de la Concorde), un concours-fut ouvert. Dix-sept artistes présentèrent leurs plans, entre autres Gabriel et Soufflot. Le premier l’emporta; on lui doit les magnifiques monuments qui font l’admiration de tous.
- On était alors en 1752. Peu d’années auparavant, en 1747, Soufflot avait été élu à l’Académie royale d’architecture. Les-hautes protections qui le couvraient, non moins que ses talents et une pi’obité foncière, lui ouvrirent les portes de maints cercles et salons, notamment de celui de Mma Geoffrin si recherché.
- Et c’est ainsi qu’il entra en relations — en amitié souvent — avec Vernet, Boucher, Natoire, Van Loo, Vien, Pigalle, Buffon, Coustou et Tronchin. Il passait pour le restaurateur de la bonne architecture française ».
- On ‘ sait que Louis XV, après guérison d’une sévère maladie, avait vu dans son heureux rétablissement une protection spéciale de Sainte Geneviève, la patronne de Paris. Il avait fait vœu de construire une nouvelle église pour remplacer celle de l’Abbaye, placée sous le vocable de la Sainte de Paris. Un concours fut ouvert et ce fut Soufflot qui, cette fois, fut choisi d’entre ses pairs (1).
- Ses plans qui rivalisaient avec Saint-Pierre de Rome (Bramante et Michel-Ange, xve et xvie siècles) et avec Saint-Paul de Londres (Wren, correspondant de Pascal, xvne et xvme siècles) furent adoptés d’enthousiasme.
- Louis XV posa la première pierre de cet édifice, dont la construction avait été décidée en conseil du roi, en novembre 1754; la nomination de Soufflot date de 1755.
- Aussitôt il se fixa à Paris pour consacrer à son œuvre toutes ses qualités de bon sens, d’économie et de probité. Une admiration sans bornes salua, dès sa mise en train, ce monument qui devait s’élever à 85 m au-dessus du sol.
- Mais bientôt, alors que les murs montaient et qu’on allait
- 1. En juin 1755, Marigny écrivit à Gabriel : « Tout est arrangé, Monsieur. Votre réputation est faite..., je fats connaître au roi le mérite d’un artiste dont je fais cas ».
- (Photo GinAUDON).
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- commencer la mise en forme de la coupole, des fissures et tassements se produisirent. Elles avaient été prévues et annoncées par l’artihitecte Pierre Patte (1j qui déclarait que « les bases sur lesquelles est porté le dôme manqueront de solidité, et on n’osera jamais l’entreprendre ». Les constructions reposaient. sur d’anciennes carrières.. 1
- Une longue et pénible polémique s’engagea entre Patte d’une part et Soufflot, Brébion, Rondelet d’autre part. Ges derniers répondirent aux critiques qui leur étaient faites « que la voûte sphérique ne met point de poussée et que, en conséquence, elle ne demande pas de murs plus forts que ceux calculés par Soufflot ».
- Au demeurant, il y avait bien quelque chose de fondé dans les allégations de Patte, puisque Rondelet « qui avait tout le secret de Soufflot » remédia aux défauts de construction signalés, et avec Brébion, ils terminèrent le monument.
- Très affecté par ces campagnes, l’architecte nommé s’effaça quelque peu et laissa ses collaborateurs et élèves poursuivre son œuvre. Il aurait voulu « laisser les routes triviales que la routine rebattait depuis un siècle, dans la forme et l’édification des temples ».
- Ses ambitions artistiques le portaient parfois au-dessus de lui-même. « Il désirait réunir, disait Brébion, sous une des plus belles formes, la légèreté des constructions des édifices gothiques, avec la pùreté et la magnificence de l’architecture grecque ».
- Au cours des polémiques, les travaux avaient été interrompus environ deux ans; ils furent achevés en 1790, dix ans après la mort de Soufflot.
- Sa fin fut attristée par les attaques dont il avait été l’objet. Il mourut en sa résidence du Louvre et s’éteignit doucement, aux bras de l’abbé de l’Épée, son intime ami.
- Il fut d’abord enterré à Saint-Germain-l’Auxerrois. Plus tard, ses restes furent déposés au Panthéon en 1829. Il avait rédigé lui-même son épitaphe :
- « Pour maître de son art il n’eut que la nature ;
- Il aima qu’au talent on joignit la droiture.
- Plus d’un rival jaloux qui fut son ennemi,
- S’il eût connu son cœur eût été son ami. »
- 1. Pierre Patte (1723-1814), architecte et graveur, créateur de plusieurs palais, collaborateur de Diderot à l'Encyclopédie ; il jouissait d’une très grande autorité.
- Soufflot fut un grand honnête homme, au sens classique du xvu° siècle, comme au sens littéral de ce terme. Intendant général et contrôleur des bâtiments et monuments de la Couronne, il se fit toujours remarquer par sa haute probité.
- Dans le privé, il menait l’existence d’un bourgeois aisé.
- Il partageait sa maison, sise dans l’enclos des Tuileries, avec son cousin Soufflot, dit « le Romain ». Ses fonctions lui valaient un jardin d’agrément, un potager, un verger, une volière, une vacherie (il avait été mis au régime du lait par son ami, le Dr Tronchin, le célèbre médecin de Voltaire).
- Ce propriétaire terrien était bon. A ses sept domestiques, qui lui étaient fort attachés, il légua 17 000 livres. Et il donna 2 5oo livres à Vernet, son exécuteur testamentaire.
- Cet architecte avait le sens de l’urbanisme, un sens très développé qui lui permettait de voir, dans l’avenir, des embellissements. Il céda avec empressement à des entrepreneurs qui lui en avaient fait la demande, diverses parcelles des terrains qu’il possédait aux Champs-Elysées, pour prolonger l’Allée des Veuves et préparer ainsi l’ouverture de la belle avenue Montaigne.
- Son amour du beau, sa passion pour le grand, innés chez lui, mûris aux séjours italiens, se magnifièrent encore durant ses fonctions de directeur des Gobelins et de contrôleur des palais et châteaux parisiens. Plusieurs des idées qu’il avait semées germèrent et furent reprises, au cours du siècle suivant.
- Soufflot se retournait volontiers vers des projets'anciens, projets chers aux Valois et aux Bourbons, pour ouvrir une voie triomphale de la Nation à l’Etoile et au delà.
- Il convient de mentionner aussi qu’il fut en quelque sorte un précurseur des constructions métalliques qu’il recommandait dès 1775. Il a laissé des ouvrages estimés dont Recueil de plusieurs parties d’architecture.
- Pour le grand public, Soufflot demeure l’architecte du Panthéon qui montre, disait Victor Hugo :
- « Cette couronne de colonnes
- Que le soleil levant redore chaque jour. »
- Amédêe Fayol.
- LE CIEL EN FÉVRIER 1951
- SOLEIL : du 1er au 28, sa déclinaison croît de — 17°15' à
- — 8°10' ; la durée du jour passe de 9h22m le 1er à 10h52® le 28 ; diamètre apparent le 1er = 32'30",8, le 28 = 32'20",4. — LUNE : Phases : N. L. le 6 à 7ha4m, P. Q. le 13 à 20ll55m, P. L. le 21 à 21M2m, D. Q. le 28 à 22h59m ; périgée le 3 à 15h, diamètre app. 32'44" ; apogée le 15 à 10h, diamètre app. 29'32". Principales conjonctions : avec Mercure le 4 à 15h, h 3°53' N. ; avec Vénus le 7 à 22h, à 0°36' S. ; avec Jupiter le S à 5h, à 0°30' S. ; avec Mars le 8 à 6h, à 0°21' S. ; avec Uranus le 17 à 8h, à 4°42' S. ; avec Saturne le 24 à 3h, à 4°3' N. ; avec Neptune le 25 à 12h, à 4°50' N. Occultation de y Cancer (4m,7)le 19, immersion à 19h43m,6.
- — PLANÈTES : Mercure, inobservable à l’œil nu, en conjonction avec 5 Capricorne (2m,9) le 24 à Uh, l’étoile à 0°31 S. ; Vénus, difficilement observable le soir, se couche 2h après le Soleil le 18, en conjonction avec Jupiter le 11 à 15h (Vénus à 0°26' S.) Mars et Jupiter, dans le Verseau, disparaissent dans l’illumination du couchant, M.ars en conjonction avec Jupiter le 7 à 19h (Mars à 0°t0' N.) et avec Vénus le 16 à 4h (Vénus à
- 0°35' S.) ; Saturne, dans la Vierge, se lève le 18 à 19h55m, visible toute la nuit, diamètre polaire apparent 17",3, anneau : grand axe 43",5, petit axe 2",7 ; Uranus et Neptune : se reporter au « Ciel en janvier 1951 ». — ETOILES VARIABLES : Minima observables d’Algol (2m,2-3m,5) : le 7 à 6^,2, le 10 à 3h,0, le 12 à 23^,8, le 15 à 20h,6 ; minima de [3 Lyre (3m,4-4m,3) : le 13 à lh, le 26 à 0h ; maximum de S Hercule (5m,9-13m,l) le 21. — ÉTOILE POLAIRE : Passage inférieur au méridien de Paris : le 10. à 4h21m28s, le 20 à
- Phénomènes remarquables. — Lumière cendrée de la Lune, le soir du 9 au 11. Observer la lumière zodiacale le soir à l’Ouest, après le coucher du Soleil, en l’absence de la Lune.
- Heures données en Temps universel ; tenir compte des modi-fications introduites par l’heure en usage.
- G. Fournier.
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- LES LIVRES NOUVEAUX
- Natural philosophy of cause and chance,
- par Max Born. 1 vol. in-8°, 215 p. Geoffrey Gumberlege, Oxford university Press, London,
- 1949. Prix ; relié, 17 sh. 6 d.
- Résumé des conférences du célèbre physicien à Sainte Mary Magdalen College d’Oxford. Sur le terrain des conceptions de cause et de hasard se rencontrent hommes de science, philosophes, théologiens. L’auteur soutient que les conceptions métaphysiques peuvent être étudiées avec plus de profit en considérant leur sens en physique théorique moderne. Cette critique est valable si l’on considère que la plupart des systèmes philosophiques du passé ont abouti à des conclusions qui se sont souvent montrées fausses. Le texte comporte des développements mathématiques du niveau de la licence. Les moins accessibles ont été réunis en appendices afin de faciliter la compréhension du texte au plus grand nombre.
- Calcul des plaques rectangulaires minces,
- par P. Lheureux. 1 brocli., 21 p., fig.,
- 2 planches et abaques. Gauthier-YiHars, Paris,
- 1950. Prix : 200 francs.
- Petit ouvrage destiné aux calculateurs et' ingénieurs s’occupant de béton armé.
- Histoire de la mécanique, par René Dugas. 1 vol. in-8°, 650 p., 116 lis:. Bibliothèque scientifique. Dunod, Prix, 1950. Prix : relié, 5 300 francs.
- L’histoire de la mécanique est intimement mêlée à celles de la philosophie et des mathématiques. Cet ouvrage s’adresse aussi bien à l’étudiant qu’à l’ingénieur et au philosophe. Précurseurs de'l’antiquité, du Moyen Age et de la Renaissance, formation de la mécanique classique au xvne siècle, développement des principes au xviii0, évolution de la mécanique classique après Lagrange, relativité restreinte et généralisée, mécanique ondulatoire et mécanique quantique sont successivement présentés avec de nombreux extraits de mémoires originaux.
- L’épreuve de dessin au brevet d’enseignement industriel, par R. Fontaine. Béranger, Paris, 1950.
- Dix sujets de dessins industriels avec leurs corrigés réunis dans une double pochette grand format.
- L’énergie, par Pierre Rousseau. 1 vol. in-16, 371 p., fig. Fayard, Paris, 1950. Prix : 450 fr.
- L’énergie, c’est l’explication de notre temps, la clé de tous les événements actuels, la source de la puissance industrielle comme du confort domestique. Elle nous vient du soleil, mais nous n’avons appris que peu à peu à la capter. Les hommes ont d’abord utilisé les chevaux, les esclaves, puis les cours d’eau, le vent, ensuite le charbon, la vapeur, l’électricité, le pétrole**et ils rêvent maintenant des marées, de la chaleur des eaux, des volcans et bientôt ils auront l’énergie atomique. Tantôt familier et plaisant, tantôt lyrique et épique, l’auteur fait défiler toutes ces ressources, ces richesses, les fait comprendre aisément et insiste sur la vie agrandie, libérée que nous procurent tous ces esclaves mécaniques.
- Mémoire final relatif au polissage du verre sur papier, par l’abbé M. Daisomont. 1 broch. 16 p., chez l’auteur, 20, rue du Buton, Os-tende, 1950. Prix : 15 francs belges.
- L’auteur prône le polissage des surfaces optiques en verre à l’aide du polissoir en papier dont il décrit la technique détaillée à l’usage des amateurs d’astronomie qui taillent et polissent eux-mêmes leurs miroirs.
- Isaac Newton, par E. N. Da C. Andrade. 1 vol. in-8°, 112 p., 5 fig-, 8 pi. Max Parrish, Londres, 1950. Prix : relié, 6 sh.
- Newton est l’un de ces esprits géniaux qui. de temps à autre, modifient complètement le courant de la pensée humaine. L’auteur retrace en quelques pages très vivantes la position de la science au milieu du xvnB siècle, l’œuvre du grand savant anglais et son influence sur l’évolution de la physique, tout en traçant de l’homme un portrait qui mérite d’être connu.
- Les étapes de la physique, par P. Guaydier. 1 vol. in-16, 128 p. Collection « Que sais-je ? ». Presses universitaires de France, Paris, 1950.
- L’histoire des sciences est toujours passionnante, celle de la physique notamment qui a
- subi au cours des deux derniers siècles et en ces dernières années des bouleversements profonds. L’auteur retrace les étapes fondamentales depuis les origines. De Galilée à Newton, de Faraday à Maxwell, de Rontgen à Curie, de Planck à Louis de Broglie, il montre l’évolution des idées et des théories en un raccourci fort réussi.
- Les théories de la turbulence, par L. Agostini et J. Bass. 1 broch., 118 p., 16 fig. Service de documentation et d’information technique de l’aéronautique, Paris, 1950.
- Après des généralités sur la turbulence, les auteurs passent en revue les corrélations et les fonctions spectrales, la dynamique de la turbulence, la théorie de l’isotropie locale et de l’équilibre statistique, la décroissance de la turbulence derrière un grillage. L’ouvrage se termine par un index des principales notations, les formules fondamentales et les équations de dimension.
- La mesure de la température des flammes,
- par P. Barret. 1 broch., 42 p., 24 fig. Service de documentation et d’information technique de l’aéronautique, Paris, 1950.
- Un nouveau manographe photoélectrique, par
- P. Barret. 1 broch. 16 p., 10 fig. Service de documentation et d’information technique de l’aéronautique, Paris, 1950.
- Appareil intermédiaire entre le manographe optique de Serruys et le manographe photoélectrique de Labarthe.
- Les ondes électromagnétiques centimétriques. Réunions d’études et de mises au point sous la présidence de L. de Broglie. 1 vol. in-8°, 274 p., Revue d’Optique théorique et instrumentale, Paris, 1948.
- Séries d’études relatives aux échanges d’énergie dans les tubes électroniques, aux effets de charge d’espace dans les tubes à modulation de vitesse à groupement par glissement, aux effets de courbure sur la propagation des ondes dans les guides, à l’excitation et au couplage des cavités électromagnétiques, aux mesures, aux dispositifs rayonnants, à la propagation des ondes électromagnétiques de courte longueur d’onde, aux émissions radioélectriques du soleil et de la galaxie, aux ondes d’hyperfréquences en physique nucléaire.
- Prospection géophysique, par Ed. Rotiié et
- I. P. RornÉ. Tome I. 1 vol. in-8°, 446 p,. 168 fig. Gauthier-Villars, Paris, 1950. Prix : 3 500 francs.
- Le premier tome de cet ouvrage est consacré aux méthodes séismiques et ionométriques ; le second traitera des méthodes gravimétriques, électriques, magnétiques et géothermiques. Les auteurs exposent chaque méthode de prospection géophysique dans son aspect théorique et ses applications pratiques avec références bibliographiques nombreuses. On sait comment les progrès de la géophysique ont obtenu des résultats spectaculaires, en particulier pour la découverte de champs pétrolifères et la prévision de leur avenir.
- L’atome, univers fantastique, par A. Ducrocq. 1 vol., 190 p., 30 fig., 16 pl. Bibliothèque des merveilles. Hachette, Paris, 1950.
- La fission des éléments, la bombe atomique, la future bombe à hydrogène incitent le grand public à s’initier aux mystères de la constitution des atomes et de leurs transmutations. Ce petit livre, très clair et simple sans négliger la rigueur scientifique, peut être lu et compris par tous ceux désireux de prendre contact avec l’un des domaines les plus récents de la science dont les applications sont une source d’espoir et de terreur pour l’humanité.
- The effects of Atomic Weapons, rédigé avec la coopération de l’U. S. Atomic Energy Commission et du Department of Defense, sous la direction du Los Alamos Scientific Laboratory. 1 vol. in-8°, 456 p., fig. McGraw-Hill, New-York et Londres, 1950. Prix : relié, 3 dollars.
- Ce volume, rédigé par les plus hautes autorités en physique nucléaire, présente toutes les informations qu’il est actuellement possible de réunir sur les effets des armes atomiques.: leurs actions mécaniques et calorifiques, leur radioactivité directe et induite, les troubles physiologiques et les accidents pathologiques qu’elles provoquent chez les êtres vivants et enfin les
- moyens de protection que la technique actuelle permet d’envisager. Cet exposé d’intérêt général sera particulièrement utile à ceux qui ont la charge de la défense civile et militaire et qui doivent prévoir la sécurité des hommes en groupe ou isolés.
- Notions modernes sur l’atome et la valence, par A. Travers. 1 vol. in-8°, 208 p. Vuibert, Paris, 1950. Prix : 800 francs.
- Cet ouvrage fait le point des connaissances les plus récentes sur la structure de l’atome et les liaisons atomiques. Les chimistes et physiciens trouveront dans les conceptions nouvelles qui y sont exposées de fécondes hypothèses de travail.
- Industrial Electrochemistry, par C, L. Man-tell. 3e édition. 1 vol. in-8°, 781 p., 283 fig. Mc Graw-Hill, Londres, 1950. Prix : 60 sh.
- L’électrochimie a pris une importance industrielle considérable et qui ne cesse de croître. Sa pratique nécessite des connaissances physico-chimiques et technologiques étendues. L’auteur, après un chapitre théorique et un chapitre technique, passe en revue l’électrolysc : dépôts électrolytiques, raffinage électrolytique des métaux, électrolyse des chlorures et des sulfates alcalins ; fabrication de l’hydrogène et de l’oxygène, électrolyse des sels fondus. Il étudie ensuite les procédés électrothermiques : fours électriques, carbure do calcium et cyanamide calcique, puis l’électrochimie des gaz et l’électronique. 11 termine par un chapitre sur les matériaux de construction des appareils et sur les aspects économiques de cette industrie.
- Analyse qualitative rapide des cations, par
- G. Giiarlot, D. Bézikr et R. Gauguin. 1 vol. in-8°, 48 p., 5 fig. Dunod, Paris, 1950. Prix : 199 francs.
- Peu à peu sc développe la nouvelle méthode du professeur Chariot qui, sans emploi de l’hydrogène sulfuré, sans séparations (sauf en quelques cas) permet de reconnaître sûrement, rapidement, sur de très petites quantités, la présence d'un grand nombre d’éléments laborieux à séparer par les méthodes classiques. Elle a en plus un grand intérêt pédagogique, en mettant en œuvre des facteurs très variés et des réactifs organiques spécifiques. Ce manuel donne les renseignements nécessaires à la reconnaissance de 40 corps différents.
- Some relations between chemistry and bio-
- logry, par G. N. Hinsiielwood. 1 broch. in-8°, 14 p. Blackwell, Oxford. Prix ; 2 sh.
- Texte d’une lecture du professeur d’Oxford sur l’éternel problème de la nature de la vie. Sans le trancher, Fauteur voit dans les mécanismes chimiques les principales manifestations vitales et y trouve l’explication des variations et des adaptations.
- Geochemistry, par Kalaverlo Rankamà et Th. G. Saiiama. 1 vol. in-8°, 912 p. University of Chicago Press, 1949. Prix : relié, 15 dollars.
- La géochimie est intermédiaire entre la chimie et la géologie. La première partie traite de son aspect général et débute par l’étude des météorites, spécimens de la composition de l’Univers hors de la Terre, puis de la structure géochimique de la Terre et de l’abondance relative des corps simples qui entrent dans sa composition. La deuxième étudie chaque élément, ses formes diverses dans la nature, leur genèse et leur rôle. De nombreuses références bibliographiques renvoient aux travaux originaux.
- Plant viruses and virus diseases, par F. C. Bawden. 3° édition. 1 vol. in-8°, 335 p., 60 fig. Ghronica botanica, Waltham, Mass. ; Raymann, Paris, 1950. Prix : relié, 6 dollars.
- En quelques années, le nombre des maladies à virus a singulièrement grandi, de nombreux insectes vecteurs ont été reconnus, des virus ont été purifiés, cristallisés, analysés et observés au microscope électronique. Une nouvelle science s’est ainsi créée, à la limite de la chimie et de la biologie, aux applications multiples, notamment pour les maladies des plantes cultivées, t’auteur en fait le point avec une grande compétence, passant des aspects des plantes infectées aux modes de transmission, à l’isolement et à l’étude des virus pour terminer par l’examen des mesures pratiques de défense et des théories sur la nature et l’origine des agents invisibles.
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- Genes, plants and people, par G. D. Darling-ton et K. Matter. 1 vol. in-8% 187 p., 13 fig.,
- 1 pl. Allen et Unwzn, Londres, 1950. Prix ; relié, 16 sh.
- Série d'études écrites en ces dernières années sur le progrès des idées en génétique, les observations des chromosomes, les croisements, les conceptions des gènes, leur rôle dans l’hérédité, révolution, l’infection, aussi bien chez les plantes que chez l’homme. Un appendice rappelle le drame des tenants de cette science en Russie depuis 1932.
- Die Chromosomenzahlen der Gefasspflanzen Mitteleuropas, par Georg Tischler. 1 vol. in-8°, 263 p. Junk, ’s-Gravenhage, 1950. Prix : relié, 42,50 guiklers.
- Bibliographie du nombre des chromosomes des noyaux cellulaires des plantes de l’Europe centrale. Sur 3 047 espèces, 2 224 ont été examinées. L’auteur donne les résultats de tous les dénombrements de Ptéridophytes, Gymnospermes, Angiospermes et calcule les pourcentages de diploïdes et polyploïdes.
- Botanical nomenclature and taxonomy, par
- .1. Lanjouw. 1 vol. in-8°, 88 p., fig. Chronica botanica, Watham (Mass.) ;'Raymann, Paris, 1950. Prix : 2,5 dollars.
- Compte rendu d’un symposium tenu à Utrecht pour discuter des règles précises de désignation des végétaux et de l’utilité de la création d’une société internationale de taxonomistes.
- An introduction to plant physiology, par
- Otis E. Curtis et Daniel G. Clark. 1 vol. in-8°, 752 p., fig. McGraw-Hill, Londres et New-York, 1950. Prix : relié, 52 shillings.
- Modèle de cours d'université américaine. Au départ, les étudiants sont supposés moins largement cultivés qu’en France. Les leçons débutent par l’étude d’un phénomène fondamental, la photosynthèse qui les introduit au cœur du sujet. Les autres questions suivent jusqu’aux plus récentes : hormones, physicochimie de la respiration et de la fermentation, vernalisation, et même étude de la circulation et de la fixation des éléments par emploi des isotopes. Des choix de problèmes, des critiques de raisonnements, contrôlent les acquisitions et corrigent les er-reurs possibles de compi*éhension. .
- The natùral philosophy of plant form, par
- Agnès Arber. 1 vol. in-8°, 247 p., 46 fig. Cambridge Universily Press, 1950. Prix : relié, 25 sh.
- Après toute une vie consacrée à l’étude morphologique des plantes supérieures et des idées qu’on s’en est faites depuis Aristote, l’auteur considère ici ce que contient et signifie la notion de forme, les variations qu’on observe ou réalise dans toutes les parties : positions, symétries, différenciations sexuelles, physico-chimiques, écologiques, leurs mécanismes, leurs limitations, pour arriver à leur signification causale, téléologique et à la synthèse des deux points de vue considérés souvent comme inconciliables.
- Faune de l’équateur africain français, par
- René Malbrant et Alain Mactlatciiy. Tome I, Oiseaux, 460 p., 119 fig., 1 carte, 12 pl. Tome II, Mammifères, 323 p., 13 fig., 1 carte, 28 pl. Encyclopédie biologique. Leclievalier, Paris, 1949. Prix : 7 500 francs.
- Si la faune de la brousse de l’A.O.F. est maintenant connue, celle de la forêt de l’À.E.F. est moins bien explorée. Deux coloniaux qui ont longuement vécu dans la région ont entrepris l’inventaire des oiseaux et des mammifères qu’on y rencontre, rapprochant leurs observations de celles des pays voisins, anglais et belges. Il en résulte un catalogue très complet des tableaux de classification et de reconnaissance à l’usage des naturalistes et des chasseurs et pour chaque espèce une élude de ses mœurs, de sa distribution géographique qui précise bien des points, notamment pour les animaux rares, difficiles à observer. L’ouvrage débute par des vues d’ensemble sur la géographie, le climat, les régions et leur écologie qui font de ce travail un ouvrage de base de la biogéographie.
- Faune de France. 53. Coléoptères Psélaphides, ‘par le Dr René Jeannel. 1 vol. in-8°, 421 p., 169 fig. Lechevalier, Paris, 1950.
- Dans l’inventaire général des animaux de France, poursuivi par l’Office central de faunistique, les insectes tiennent, comme dans, la nature, une place dominante. Voici une famille
- de tout petits Coléoptères, voisins des Staphy-lins, qu’on trouve dans les débris végétaux, la bouc des grottes, les terriers, les nids, les fourmilières, et qui sont par suite assez peu connus. Le directeur du Muséum national, disposant des riches collections de l’établissement, fort de ses immenses connaissances entomolo-giques, entreprend ici leur classement et leur recensement. Il décrit chaque espèce, son mode de vie, son habitat et il attire ainsi l’attention sur un groupe intéressant où beaucoup reste encore à découvrir.
- La biologie des Diptères, par E. Séguy. 1 vol.
- in-8°, 609 p., 225 fig., 3 pl. en noir, 7 en couleurs. Encyclopédie entomologique. Lechevalier, Paris, 1950. Prix : .4 000 francs.
- On connaît plus de 100 000 espèces de Diptères et plus de 60 000 mémoires ont été écrits à leur sujet. C’est dire que la matière ne manque pas pour parler de leur biologie, mais aussi qu’il faut rassembler une grande documentation et réaliser une mise en ordre. L’auteur qui est un spécialiste examine successivement les imagos, les larves, les nymphes, passe en revue toutes leurs fonctions, l’accouplement et la ponte, les mues et l’éclosion, l’habitat, les régimes, les réactions, la dissémination et les distributions géographiques, les milieux spéciaux (eaux, cavernes, etc.), les rapports avec l’homme qui vont de la vie dans la maison pour de nombreuses mouches aux piqûres et à la succion du sang de diverses mouches, de moustiques, de simulies, de phlébotomes, etc., avec les risques d’infection qui en résultent. Une revue des principaux groupes et des espèces les plus remarquables termine l’ouvrage qui fait une très bonne mise au point.
- Révision des affinités phylogénétiques des Polyptéridés, par J. Daget. 1 vol. in-4°, 178 p., 57 fig. Mémoires de l’Institut français d’Afrique noire, Dakar, 1950.
- Boissons des eaux douces d’Afrique, ils présentent outre des branchies externes développées chez le jeune, une vessie aérienne double et étendue. L’auteur a pu préciser leur anatomie : écailles, crâne, squelette, nageoires, organes respiratoires, chercher leurs affinités, et expliquer leur localisation géographique sur de nombreux individus recueillis par lui dans le bassin du Niger. C’est un bon document sur un groupe encore mal connu.
- Vie et mœurs des serpents, par F. Angel.
- 1 vol. in-8°, 319 p., 122 fig. Bibliothèque scientifique. Payot, Paris, 1950. Prix : 750 francs.
- Grand connaisseur des Reptiles qu’il a vus et dont il a lu toute sa vie au Muséum, l’auteur a rassemble ce qu’on sait des serpents : modes de vie, mouvements, attitudes, nutrition, reproduction, moyens d’attaque et de défense, pour finir par ce que peut l’homme pour les capturer, se protéger de leurs morsures et même utiliser leurs venins à des fins thérapeutiques. C’est non un panégyrique, mais une passionnante étude de biologie.
- Form- und Wachstumgsgesetze Drüsenbil-
- dender Karzinoma, par Richard Boiimig. 1 vol. n-8°, 105 p., 23 fig. Georg Thieme, Stuttgart, 1950. Prix : 14 marks.
- Etude histologique des cancers épithéliaux glandulaires et des théories de leur développement.
- Semaine d’étude sur le problème biologique du cancer. 1 vol. in-8% 348 p., fig., pl. Académie pontificale des Sciences, cité du Vatican, 1949.
- Ayant décidé de promouvoir des réunions scientifiques pour mettre en contact, dans le cadre du Vatican, quelques savants s’occupant d’un même sujet, qui auront ainsi l’occasion d’échanger leus opinions, l’Académie Pontificale des Sciences a choisi pour premier sujet d’études le problème biologique du cancer. Lee savants invités furent reçus par le Pape et passèrent une semaine à présenter et discuter leurs travaux. Un immense effort se poursuit, mettant en œuvre les techniques et les hypothèses les plus diverses ; la victoire n’est pas acquise ni même la cause dévoilée.
- Dis Gewebsmartzellen im menschlichen Kno-chenmark, par P. Bremy. *1 vol. in-16, 78 p., 10 fig. Georg Thieme, Stuttgart, 1950. Prix : 7,20 marks.
- Etude hématologique de 20 types d’anémie par l’examen de la moelle osseuse.
- Actualités pharmacologiques, publiées sous la direction de René IIazard. 2e série. 1 vol. in-8°, 230 p., fig. Masson et Cle, Paris, 1950. Prix : 850 francs.
- Série d’études rédigées par des spécialistes sur des questions d’actualité : médicaments anti-épileptiques, antipaludiques, antibiotiques, antithyroïdiens, sur les accidents des médications nouvelles, les intoxications chez les brûlés, etc. Ges mises au point sont du plus haut intérêt au moment où les sciences pharmacologiques sont en plein développement.
- Le développement de l’enfant. Manuel d’instructions pour l’application des tests du Prof. Arnold Gesell, par les Drs Roüdinesco et M. Guiton. 1 vol. in~8°, 56 p. Presses universitaires de France, Paris, 1950. Prix : 160 fr.
- A 'Université de Yale, le professeur Gesell a regardé vivre des centaines d’enfants du premier âge ; il a observé comment ils mangent, donnent, jouent, utilisent leurs membres, entrent en contact avec les choses et les gens ; il a établi des normes du développement physique et mental et des tests pour le reconnaître. Ce manuel précise les conditions d’examen, l’équipement, la suite des épreuves et donne pour chaque âge le comportement normal.
- Jeunesse de la Terre, par Pierre Rousseau.
- 1 vol. in-8°, 187 p., 40 fig. Nouvelles éditions latines, Paris, 1950.
- Continuant son œuvre d’initiation scientifique avec le don de faire voir et comprendre que nos lecteurs lui connaissent, l'auteur poursuit cette Histoire de la Terre dont le premier tome avait été, consacré à l’homme avant l’histoire. Remontant plus loin, il présente cette fois l’histoire de la Terre par quelques exemples heureusement choisis. L’apprenti géologue commence par la visite du canon du Colorado, suivie d’une excursion dans les Alpes pour apprendre à lire au grand livre de la nature. Il remonte ensuite les temps géologiques, trouvant la succession des climats, des fossiles, la naissance et la mort des montagnes. Il suit dans le temps les phénomènes, il les date et voit le temps se dérouler comme un film depuis sept milliards d’années que le système solaire existe. C’est une histoire passionnante et un enseignement de toute beauté.
- La mer, source d’énergie, par Y. Romanoysky.
- 1 vol. in-16, 127 p., 23 fig. Collection « Que sais-je ? ». Presses universitaires de France, Paris, 1950.
- Exposé de cette question que nos lecteurs connaissent déjà par les articles de M. Pierre Devaux : projets d’utilisation de l'énergie thermique, de celle des marées, de celle des vagues.
- Les Corylophidce d’Afrique (Coléoptères),
- par Renaud Paulian. 1 vol. in-4°, 126 p., 86 fig. Mémoires de l’Institut français d’Afrique noire, Dakar, 1950.
- Révision d’une petite famille d'espèces de faibles tailles et rarement recueillies. L’auteur a disposé des collections du Muséum et de ses récoltes au Cameroun.
- Nomads of the long bo^, par Allan R. TIolm-bgrg. 1 vol. in-4°, 104 p., 1 carie, 7 pl. Institute of social Anthropology. Smithsonian institution, Washington, 1950. Prix : 65 cents.
- Monographie d’un groupe d’indiens Siriono de l'est de la Bolivie, semi-nomades dans la foret. L’enquête minutieuse a porté sur leur type physique, leurs techniques, leurs activités et leurs modes de vie, leur organisation sociale, leur religion et leur magie. C’est le dixième document fourni par l’Institut de Washington sur l’ethnologie des populations primitives américaines.
- Les vergers de grand rendement, par E. Jouis, E. Le Graverend et R. Régnier. 2° édition, 1 vol. in-8\ 466 p., fig. La Maison rustique, Paris, 1950. Prix : 1 655 francs. Ecrit par trois agronomes normands, ce livre est le traité complet et pratique de culture des arbres fruitiers : poirier, cerisier, prunier et surtout pommier. Il précise le terrain et le climat nécessaires, le choix des plantations, leur tracé, les travaux d’amélioration du sol, d'entretien des arbres, le choix et la greffe des bonnes variétés, les moyens de lutte contre les ravageurs, du cryptogame à l’oiseau en passant par les insectes. Il préconise les conduites en formes libres, demandant moins de main-d’œuvre, mais examine aussi les formes palissadées du jardin.
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- Recherches chimiques sur les alcaloïdes de FErythrophleum, par R. Tondeur. 1 broch. in-8°, 52 p. Institut national pour l'étude agronomique du Congo belge, Bruxelles, 1950. Prix : 50 francs belges.
- Arbre toxique fournissant des poisons d’épreuve et des poisons de chasse, donnant un bois très beau et très dur, il a une écorce riche en alcaloïdes qu’on a essayé de séparer et d’analyser.
- Annuaire hydrologique de la France. 1948.
- 1 vol. in-8°, 193 p., cartes, graphiques. Société hydrotechnique de France, Paris, 1950. Prix : 1 200 francs.
- Dans une forme de mieux en mieux normalisée, les débits journaliers de 65 stations sont donnés, les pluies et les températures relevées dans les diverses régions. Les caractéristiques de l’année s’en dégagent et sont calculées ; une étude de M. Contague étudie les possibilités et les modalités de prévision.
- Les stations hydrométriques françaises.
- I. Région des Alpes. 1 vol. in-80, 95 p., cartes, graphiques. Société hydrotechnique de France, Paris, 1950. Prix : 500 francs.
- Pour 70 stations sont données la situation géographique, la nature géologique du sol, le régime mensuel des débits et leurs variations annuelles, tous les éléments de l’inventaire des ressources hydroélectriques.
- Faune de France. 52. Coléoptères Curculioni-des, par Adolphe Hoffmann. 1 vol. in-8°, 486 p., 225 fig. Lechevalier, Paris, 1950.
- Les Curculionides, vulgairement appelés charançons, forment une famille très nombreuse de petits Coléoptères dont on connaît plus de 50 000 espèces, dont 1 500 environ en France. Ils sont difficiles à distinguer, plus encore à l’état de larves et de nymphes, et cependant leur connaissance est fort utile à cause des dégâts qu’ils causent aux plantes. Aussi saura-t-on gré au chef du laboratoire de faunistique de la Station centrale de zoologie agricole de Versailles d’avoir réuni dans cet ouvrage tout ce qu'on sait de leur anatomie, de leur biologie, de leur distribution géographique et surtout de leur systématique. C’est un travail de bénédictin qui permettra à de nombreux entomologistes d’aborder ce groupe et de s’y reconnaître enfin.
- La dérive des continents et les mouvements intratelluriques, par Pierre Dive. 1 vol. in-8°, 90 p., 17 fig. Dunod, Paris, 1950.
- On n'a pas fini de discuter de la théorie de Wegener ; les uns y voient l'explication du modelé terrestre actuel, des faunes et des flores passées et présentes ; les autres ne trouvent pas de preuves suffisantes pour abandonner les théories classiques. Le professeur de l’Université de Montpellier, après avoir rappelé l’hypothèse et les arguments qui l'appuient, traite la question en mécanicien, calculant la dynamique des rotations internes d'un astre fluide hétérogène, à la croûte inégalement visqueuse. Préfacé par Émile Picard, postfacé dans cette deuxième édition par un géologue, M. Denizot, qui signale des difficultés mais ne trouve pas de raisons dirimantes, cet ouvrage conduit à un nouvel examen de la dérive des continents.
- Mécanismes biologiques de l’atome à l’être vivant, par G. Laville. 2e édition. 1 vol. in-8°, 264 p., 74 fig. Dunod, Paris, 1950.
- Un ingénieur se penche sur les problèmes biologiques ; il trouve dans les mathématiques des moyens d'expression et de recherches et dans les êtres vivants des éléments très riches d’études. Il y voit une mécanique, un travail dirigés et nous offre tout ce qu’il a ainsi découvert.
- Les serpents de l’Ouest Africain, par A. Vil-
- wers. 1 vol. in-8°, 148 p., 190 fig. ï. F. A. N., Dakar, 1950.
- 124 espèces intéressent les naturalistes et aussi tous les habitants puisque certaines sont venimeuses et même mortelles. L’auteur les a obsei'vées sur place. Il rappelle ici leurs formes, leur organisation, leur vie et donne les moyens de les distinguer.
- La dégustation, par Norbert Got. 1 vol. in-8°, 96 p. Chez l’auteur, 82, avenue du Général de Gaulle, Perpignan, 1950. Prix : 340 francs.
- Toute la chimie ne suffit pas pour juger de la qualité des vins, des eaux-de-vie, de la cuisine. Aux données des laboratoires, il faut ajouter la dégustation, art et technique, jugement mystérieux que l’auteur essaie de formuler. Il dit ici comment on fait, ce qu’on ressent après entraînement, comment on note.
- Étude de matériaux à grand amortissement : liège et caoutchouc, par André Brode au. 1 broch., 26 p. Service de documentation et d’information technique de l’aéronautique, Paris, 1950.
- Choix de la déformation utilisée pour l’étude du frottement interne ; étude de corps solides abstraits ; déformations élastiques, propagation d’un ébranlement, ‘ amortissement dans le liège et le caoutchouc.
- Construisez votre récepteur de télévision,
- par R. Laurent et C. Cuny. 1 broch., 64 p., 32 fig. Édition L. E. P. S., Paris, 1950.
- Après la description schématique des récepteurs de télévision et l’indication des fonctions des divers circuits, les auteurs donnent une description' technique de ces circuits et indiquent la valeur des éléments. Ils fournissent des renseignements sur le montage et la mise au point. Un appendice est relatif à l’antenne, au préamplificateur IL* F., à l’hétérodyne de réglage. Un schéma général et un plan de câblage figurent en hors-texte.
- Caractéristiques et schémas de montage des tubes récepteurs et amplificateurs. Vol. II,
- 433 p. ; vol. III (premier supplément), 223 p. Bibliothèque technique Philipps. Dunod, Paris,
- 1949.
- Le volume II donne les caractéristiques et les schémas de montage complets de tous les tubes récepteurs et amplificateurs fabriqués par Philipps de 1933 à 1939 et le volume II les carcté-ristiques des tubes « tout verre » lancés entre 1940 et 1941.
- General chemistry, par John A. Timm. 1 vol. in-8°, 764 p., 203 fig. Mc Graw-Hill, Londres,
- 1950. Prix : relié, 36 shillings.
- Cette seconde édition comporte, en dehors des chapitres classiques, des exposés sur la struc-tui’e des noyaux atomiques, la nature des valences, la structure de la silice et des silicates, les propriétés des éléments peu communs, avec d’abondantes illustrations comprenant des schémas, des diagrammes et des photographies. Des problèmes et des questions complètent chaque chapitre.
- Les télécommunications par ondes centimétriques, par G. Goudet. 1 broch., 140 p., 55 fig. Revue d’Optique, Paris, 1950.
- L’auteur présente la théorie et les principales applications des tubes électroniques spéciaux pour hyperfréquences, puis il expose les propriétés essentielles de la modulation de fréquence et des modulations par impulsions, enfin il décrit quelques équijoements qui utilisent les ondes centimétriques pour transmettre entre deux points donnés soit un ensemble de voies téléphoniques, soit des signaux de télévision.
- Les normes de télévision, par Y. Delbord. 1 broch., 38 p., 31 fig. Revue d’Optique, Paris, 1950.
- Après un rappel historique de l’évolution de ces normes, Fauteur examine leur importance à divers points de vue, les divergences internationales et leurs raisons et enfin expose le point de vue français.
- Les opérations de la synthèse organique,
- par J. Lenoir. 1 vol., 146 p. Presses documentaires, Paris, 1950.
- Get ouvrage, écrit par l’un des professeurs du Centre technique d’enseignement ouvrier, s’adresse à des chimistes dJusines qui désirent se perfectionner dans leur métier et mieux comprendre les opérations auxquelles ils se livrent, mais de nombreux étudiants en chimie tireront de sa lecture le plus grand profit, car délaissant les formes classiques d’enseignement de la synthèse organique, l’auteur s’est placé à un point de vue essentiellement pratique qui aide à mieux comprendre les développements théoriques. Les opérations suivantes sont décrites :
- chloruration et halogénation, sulfonation, fusion alcaline, nilration, réduction des dérivés nit rés, alcoylation, diazota lion, estérification, acétylation et benzoylation,, saponification, oxydation, réduction des esters, hydrogénation catalytique, sulfuration, cyanuration, condensations, réactions magnésiennes. Des exemples sont fournis de chacune de ces opérations.
- Mains habiles, par A. Boekiiolt. 1 vol., 192 p., fig. Collection « Vie active ». Presses d’Ile-de-France, Paris, 1950.
- Pour initier les jeunes scouts et les campeurs aux travaux manuels du bois, l’auteur donne des indications précises sur le bûcheronnage, l’emploi des outils, les astuces de camp, le confort rustique ; il montre comment on peut avec un peu d’habileté et d’entraînement, fabriquer des clôtures, des mâts, des râteliers, des sièges, des lits et tables de camp, des étagères, construire une hutte, la décorer et la rendre confortable.
- Radio, radar, télévision, par Marcel Boll. 1 vol., 432 p., 240 fig. Larousse, Paris, 1950.
- Exposé simple, compréhensif et précis des dernières applications de l’électricité entrées dans le domaine public. Après quelques explications indispensables sur le champ électrique, le champ magnétique, les unités électriques, l’auteur rappelle les hases théoriques et pratiques de la radio, l’émission des ondes porteuses, les sons et les ultra-sons, la modulation et la détection acoustique, le récepteur en radiophonie, la modulation optique, le récepteur de télévision, le radar et- le radio-guidage. L’ouvrage se termine par une étude des prestigieuses applications clés cerveaux électroniques. Écrit dans un style vivant et direct, illustré de schémas suggestifs, il montre bien les possibilités des récentes découvertes de la radioélectricité.
- Problèmes de trigonométrie sphérique, astronomie, navigation, théorie du navire,
- par A. Le Galvé. 1 vol. in-8°, 184 p. Gau-thier-Villars, Paris, 1950.
- Série d’énoncés et de solutions de problèmes à l’usage des candidats aux examens de la Marine marchande.
- Problèmes économiques de la télévision française, par J. G. Cordonnier. 1 vol. in-8°, 235 p., 19 fig. Dunod, Paris, 1950. Prix : 850 francs.
- L’auteur examine les possibilités de la télévision en France par une analyse détaillée des expériences étrangères, l’étude du marché potentiel des récepteurs et des prévisions financières relatives à l’exploitation du futur réseau. Il dégage l’incidence de la télévision sur le cinéma et la radiodiffusion. Le livre est pourvu d’une abondante documentation.
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- Le gérant ; G. Masson. — masson et cie, éditeurs, paris. — dépôt légal : ier trimestre ig5i, n° i3i4. — Imprimé en France.
- BARNÉOUD FRÈRES ET Gie, IMPRIMEURS (3lo566), LAVAL, N°
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- N° 3190
- Février 1951
- LA NATURE
- L'ILE D'O RMUZ
- dans le
- Golfe Persique.
- La petite île d’Ormuz, située à l’entrée du Golfe Persique, est l’une des plus célèbres îles du monde. En même temps qu’elle garantit la rade de Bandar-Àbbas contre les grands vents, elle constitue la principale clef dudit Golfe qui eut au Moyen Age et a retrouvé aujourd’hui une importance politique de premier ordre.
- Au xme siècle, le Vénitien Marco Polo y débarqua, revenant de Chine par mer avec la hile du grand Khan, fiancée au prince mongol Argoun, et il conta son voyage dans' le Livre des Merveilles. - En i5o7, le Portugais Albuquerque s’en empara, après avoir pris Mascate, et Or-muz devint un des comptoirs du commerce des Indes aux mains des Portugais. Plus tard, à la suite d’une querelle avec Chah-Abbas Le Grand, les Iraniens, aidés par la flotte anglaise, chassèrent les occupants de s’emparèrent de la forteresse, enclouêrent les canons et firent une ruine de la cité naguère si florissante. La destruction ne fut pas immédiate et pendant toute la durée des règnes de Chali-Àbbas I, Cliah-Abbas II et Chah Souleyman, on pourrait dire même jusqu’à l’invasion afghane, des négociants de toutes les nations continuèrent à habiter Pile et à faire commerce par la voie de Bandar-Abbas. On trouve encore aujourd'hui des traces nombreuses de l’occupation portugaise, notamment d’énormes ruines d’anciens châteaux, de vieilles tours, d’antiques forteresses. Plusieurs fois, à l’époque des Barbaresques, les insulaires épouvantés trouvèrent derrière
- ces gigantesques remparts un abri assuré; plusieurs fois aussi, assiégeants et assiégés se rencontrèrent jusqu’aux pieds de ces murailles.
- Aujourd’hui ces lieux sont déserts, les places fortes sont
- démantelées, le lierre . s’enlace autour de la pierre et certains oiseaux, amis . des dévastations humaines, fréquentent seuls ces ruines d’un autre âge.
- Aspects de l'île.
- Au voyageur venant de Téhéran, l’ile d’Ormuz apparaît annonciatrice d’un monde différent, comme une fleur détachée de la côte iranienne. Iranienne par sa géologie, cette terre ardente, brûlée de soleil est une rose du Golfe Persique dont l’aspect au-dessus du bleu de la mer suscite au premier abord l’enthousiasme.
- Elle est séparée de la terre ferme par un bras de mer, un canal rarement paisible, presque toujours bruyant de l’agitation des vagues et du bruit des vents déchaînés.
- De forme sensiblement circulaire et d’une superficie d’environ 700 km2, l’île s’épanouit entre deux caps avancés, l’un vers le sud et l’autre vers le nord. Entre ces deux caps, mais beaucoup plus près du second, dans une anse assez bien abritée, s’étale le village d’Ormuz, le port dont les maisons blanches se mirent dans les eaux de la rade.
- Ces eaux apparaissent, à grande distance, colorées en rouge
- Bagdad
- SPAHAN
- V Bassoran
- y Koweït
- I N DI ENz
- 'J Mascate'
- Le Golfe Persique et Vile d’Ormuz.
- Fig. 1.
- Fig. 2. — L’île d’Ormuz, vue de la côte.
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- par les apports ferrugineux des agents éoliens et aussi par ceux des rares averses qui entraînent les ocres rouges mis en dépôt sur la plage.
- Au sortir du port, en voguant vers l’ouest, on longe un rivage peu sinueux. Presque parallèle à ce rivage s’étend une plateforme côtière dominée par une chaîne de montagnes qui traverse l’île de part en part comme un gigantesque rideau masquant entièrement aux regards l’intérieur de l’île. Puis le rivage tourne, la côte devient brusquement abrupte, inabordable. Mettant le cap au sud, on découvre une infinité de petites anses à peine séparées par des bandes de rochers sédimentaires et éruptifs, s’enfonçant dans les terres, où elles déroulent leurs nombreux replis. On dirait que la mer a prolongé son contact avec cette île ardente, pour la caresser, la rafraîchir le plus possible. Enfin, tournant au nord, on revient au port d’Ormuz, notre point de départ.
- Morphologie. — L’intérieur de l’île n’est qu’un chaos de montagnes arides, véritables houles figées, tantôt s’enflant en énormes massifs, tantôt s’amincissant en crêtes tranchantes. Du haut d'un des grands pics, l’ensemble apparaît comme un amoncellement d’horreurs engendrées par les forces souterraines et les intempéries; sommets éventrés, pics démantelés, terrains disséqués, dômes bordés de précipices, vallées hérissées de pitons, escarpements zébrés de ravins, terres végétales brûlées, dunes mouvantes d’une nudité décevante, rappellent à l’homme sa petitesse. Des déchirures du sol s’entrecoupent en divers sens; des strates disloquées et redressées, des roches éruptives broyées, laminées, des couches sédimentaires métamorphisées, brisées, par endroits pulvérisées, tracent des paysages tourmentés, infernaux. Tous ces faciès, d’origines si différentes, datent d’époques géologiques lointaines et furent soulevés ensemble par un des violents paroxysmes tectoniques qui acheva de donner à l’île d’Ormuz sa physionomie actuelle.
- Deux importants groupes de roches se partagent le sol : les roches sédimentaires et les roches éruptives. Les premières sont représentées par des grès, des calcaires, des argiles et des marnes. Elles forment des sédiments de plusieurs centaines de mètres d’épaisseur et portent les traces d’intenses manifestations orogéniques. Les secondes comprennent des roches éruptives, basiques et acides, avec tout le cortège des roches résultant du métamorphisme de contact. Ces diverses formations éruptives s’élèvent au milieu des formations sédimentaires ou plutôt ces dernières sont flanquées de venues éruptives de toutes sortes.
- Le sol est sillonné de fractures plus ou moins importantes, qui provoquèrent ou facilitèrent la montée des magmas des grandes profondeurs, tout le l,ong des plissements de l’île, lui donnant son originalité.
- Le modelé. — Sur une pareille morphologie, l’érosion, l’abrasion ont eu beau jeu pour façonner et multiplier les formes les plus fantastiques : des pitons en aiguilles, des crêtes déchiquetées, des versants zébrés de ravins, des dômes en forme de cloches, des creux irréguliers et traîtres, des vallées coupées de
- striures étroites à la fois élevées et tranchantes, des escarpements décharnés, des crêtes chauves, des falaises menaçantes, d’énormes éboulis comblant les cluses par terrasses, de gros blocs erratiques jonchant les crêtes et barrant les passages, sous un ciel limpide, implacablement torride, sur des espaces battus des vents durant toutes les saisons, sans un brin d’herbe, sans une goutte d’eau, sans même un oiseau de proie. Tel est, dans sa grandeur dramatique, l’étrange spectacle du monde ormuzien.
- La flore. — La végétation porte l’empreinte de ce climat brutal et inclément. Il n’existe ni forêts ni arbres sur les massifs; sur les pentes des montagnes croissent quelques arbrisseaux, de petits bouquets d’épineux nains et des Geltis; dans les vallons, on rencontre aussi quelques tamariniers et des palmiers-dattiers. Partout ailleurs, c’est la désolation, le grand silence de la solitude, plus impressionnante encore sous la flamme ardente et la morne splendeur de l’implacable soleil.
- La faune. — La faune est aussi pauvre que la flore. Indépendamment de quelques animaux domestiques et de beaux petits ânes très réputés, la brousse et les régions tourmentées sont inhabitées. Le seul visiteur qui y séjourne un moment est un oiseau, le Nectarina, brillant de toutes les couleurs. Les golfes et les petites anses de l’île, très poissonneux, reçoivent parfois la visite des requins et des espadons, très nombreux au large.
- L’eau. — La question de l’eau revêt dans cette île un caractère tragique, car la vie de chacun en dépend. Il n’existe qu’une seule source souterraine dont le débit ne peut satisfaire tous les besoins d’une population ne dépassant guère mille âmes.
- Aussi emmagasine-t-on jalousement dans de nombreux bassins souterrains les eaux des rares pluies qui tombent en hiver. Les autres saisons passent sans que le ciel soit troublé par un nuage.
- Le peuplement. — Si, malgré la rigueur d’un tel milieu physique, cette île ardente a toujours été peuplée, elle le doit à sa position géographique et aux richesses minérales de son sous-sol. Nous y avons relevé des traces d’établissements anciens qui prouvent d’une manière incontestable qu’il y eut là de tout temps une étape du commerce des métaux et du sel gemme.
- Certes, par sa position géographique, l’île d’Ormuz adhère au bloc continental voisin par des liens solides ; elle en est partie intégrante. Mais la mer a été pour elle une ouverture sur le monde extérieur, l’occasion de contacts et d’échanges qui l’ont aussi façonnée.
- Il est compréhensible que le caractère des insulaires se res<-sente des conditions physiques dans lesquelles ils ont évolué. Les luttes intestines, un manque complet de bien-être, l’incertitude du lendemain, ont été pendant des siècles le lot réservé à ces gens; à l’intérieur, ils ont dû résister à des maîtres avides, également jaloux d’occuper le pays et de le pressurer sous prétexte de le défendre. On dirait- que les insulaires ont gardé sur
- Fig. 4. — Le port d’Ormuz, surmonté des anciennes fortifications portugaises.
- Fig. 3. — Le port de Bandar-Abbas.
- (Photo Abdalian).
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- Fig. 5. — Un aspect du modelé de l’île.
- ' (Photo À.BDALIAN).
- leurs traits l’empreinte de ces préoccupations passées. Ils ont un aspect austère, parlent peu, semblent défiants. Chez tous, il existe un grand fonds de courage et d’énergie.
- En son temps, Démosthène déclarait que plus de la moitié de la Grèce, dans les montagnes du Pinde et de la Thessalie, se trouvait dans un état social rudimentaire. Nous faisons aujourd’hui la même remarque pour les insulaires d’Ormuz, qui donnent le spectacle de sociétés primitives à peu près intactes. C’est une conséquence de l’espace fermé où ils vivent; il est pour eux une sollicitation permanente d’isolement et ils y tendent comme vers leur état naturel.
- Les types humains. — Notons aussi que la physionomie des habitants change suivant la région du territoire sud-iranien où ils sont nés. D’une manière générale, c’est le sang baloutche qui domine et ses types peuvent servir de modèles : figures basanées, barbes noires, yeux brillant d’un éclat sombre, taille bien proportionnée. Il y a aussi nombre d’habitants d’origine arabe, navigateurs intrépides qui pratiquent plus volontiers le cabotage que les travaux manuels.
- Toute la population a une aptitude remarquable aux travaux les plus variés; presque tous les habitants vivent de l’exploitation des mines et de la navigation ; quelques-uns seulement s’adonnent à l’agriculture et font un peu de jardinage. La pêche n’est pas non plus négligée; les anchois, les sardines, les thons, d’excellente qualité, sont fort abondants dans les eaux. Enfin, dans ce décor austère, à voir le costume éclatant que portent les femmes, dont certaines sont d’une beauté vraiment remarquable, on se croirait dans une des îles tropicales auxquelles sourient le ciel et la mer.
- Après ce bref exposé, forcément incomplet, nous pouvons aborder l’examen des deux éléments auxquels l’île d’Ormuz doit sa plus grande ressource, les massifs de sel et les minerais de fer.
- Géologie de l'île.
- Dans l’état actuel de nos connaissances, les sédiments les plus anciens qui soient visibles sont des dépôts néogènes représentés par des argiles, marnes, grès et calcaires.
- Toutes ces formations qui portent l’empreinte d’intenses mouvements orogéniques, ont contribué à l’édification d’un imposant bourrelet montagneux, lequel confine aux plis extérieurs du bloc continental sud-iranien.
- La plate-forme étroite qui borde le pied de ce fragment montagneux, dans toute sa longueur, ne présente que des.sédiments marins plus récents, c’est-à-dire pléistocènes, à peine effleurés par les paroxysmes tectoniques des temps quaternaires.
- Indépendamment des formations que nous venons de citer,
- Fig. 6. — Les filons éruptifs dans l’île.
- (Photo Abdalian).
- on observe aussi de nombreuses venues éruptives dispersées sur toute la superficie de l’île et dont l’ensemble dessine grossièrement un grand cercle.
- Les sédiments et les massifs de sel redressés et soulevés sont traversés par de nombreuses intrusions de roches éruptives acides et basiques.
- Il est curieux d’ajouter qu’au-dessus des massifs de sel, dans les brèches tectoniques enveloppantes, on constate également l’existence de lambeaux ou klippes paléozoïques.
- Notons enfin que les sédiments'néogènes se sont déposés dans toutes les dépressions formées par effondrement, aussi bien à l’intérieur du territoire iranien que sur une large zone bordière des avant-pays surchargés par l’empilement des nappes déferlantes du Crétacé et du Nummulitique.
- Vers la fin du pliocène, ces sédiments néogènes et les unités tectoniques déjà constituées sur la zone bordière ont été de nouveau repris par des paroxysmes tectoniques qui les ont plissés et refoulés vers l’extérieur.
- Ces efforts dynamiques continuant, les plissements s’accentuèrent, des fractures apparurent, des effondrements se produisirent et ce n’est que vers l’aurore du pléistocène qu’ils achevèrent de donner à l’île d’Ormuz ét aux chaînes bordières sud-iraniennes leur structure actuelle.
- L’île d’Ormuz n’est qu’un fragment de ce système de plissements néogènes bordés par des dépressions du type de celles qui longent les chaînes de montagnes du sud-iranien. Le bras de mer ou le détroit qui s’étend entre cette île et le littoral de Ban-dar-Abbas, n’est qu’une vaste vallée tertiaire actuellement submergée.
- Fig. 7. — Le seul puits de l’île.
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- Fig. 8. — La végétation de Vile.
- Il est hors de doute qu’un effort de soulèvement doit se faire sentir au-dessous du littoral iranien du Golfe Persique, puisqu’on y observe d’anciens bancs de corail et des londs marins rattachés maintenant à la terre ferme, des baies devenues des mares fermées aux. navires et cl’aneiens îlots changés en promontoires. Sur la côte orientale du bloc arabique, c’est-à-dire au sud de l’île d’Ormuz, c’est le phénomène contraire, l’affaissement du sol, qui paraît certain.
- Les massifs de sel.
- Les massifs de sel apparaissent dans les formations néogènes de l’île sous la forme d’énormes masses de sel pur à contours lenticulaires. Ils ont une structure chiffonnée, parfois même bréchiforme, et surgissent en les transperçant de toutes les formations crétacées, nummulitiques eh néogènes du géosynclinal de l’extrême sud-iranien dont fait partie l’île d’Ormuz.
- Ces massifs de sel se présentent toujours enveloppés d’une épaisse brèche tectonique, formée par la trituration de toutes les formations qu’ils ont transpercées et broyées lors de leur ascension.
- Cette formation brécheuse est constituée par des argiles grisâtres ou rougeâtres parfois sablonneuses, par des marnes, des grès et des calcaires formant des blocs striés anguleux ou arrondis plus ou moins grands, et se présentant enchâssés dans des blocs de sel et de gypse.
- Le fait le plus intriguant est l’existence parmi cette brè.che tectonique de fragments ou lambeaux de roches plus anciennes que ceux connus dans le géosynclinal de l’extreme sud-iranien. Ainsi, on y remarque notamment des roches granitiques, des schistes cristallins, des grès rouges et des arkoses noirâtres.
- Ce n’est pas tout, on y observe encore la présence de blocs ou lambeaux appartenant à des faciès non représentés sur le bord extérieur du sud-iranien, comme par exemple des porphyres rosâtres et verdâtres, des schistes cristallins, des klippes paléozoïques, qui n’existent que dans les avant-pays chirazien et kerma-nique.
- Mais le soubassement des terrains de l’extrême sud-iranien sur lequel les formations éocènes déferlent vers l’extérieur en nappes-écailles représente précisément les parties les plus avancées des avant-pays chirazien et kermanique qui se sont effondrées sous la pression des mouvements orogéniques.
- C’est là l’explication des remarquables événements géologiques qui tourmentèrent toute cette région et donnèrent lieu à
- Fig. 9. •—• Type d’indigène et de maison en roseaux.
- la formation des îles du Golfe Persique tout en provoquant la manifestation des phénomènes éruptifs et l’ascension des massifs de sel que certaines de ces îles recèlent.
- Notons une fois de plus que l’île d’Ormuz, ainsi que les autres îles du Golfe Persique, se trouvent comprises dans l’avant-pays effondré du territoire de l’extrême sud-iranien, sur lequel s’élèvent et déferlent en nappes-écailles vers la côte les sédiments du Crétacé et du Nummulitique.
- 11 s’en suit que le sel d’Ormuz est plus ancien que toutes les formations de cette île et qu’il vient de grandes profondeurs, probablement du soubassement ancien effondré, par de puissantes et profondes lignes de fractures utilisées ou même provoquées sous l’effort dynamique des paroxysmes tectoniques. D’où l’on doit conclure que la position actuelle des massifs de sel est une position non point stratigraphique, mais tectonique, et que, comme telle, elle ne peut renseigner sur l’âge de ce sel.
- D’autre part, les observations attentives recueillies sur le terrain ont mis en évidence le fait qu’aucun argument d’ordre tectonique ni stratigraphique ne peut être invoqué pour attribuer au faciès lagunaire ou méditerranéen les massifs de sel intercalés dans les terrains néogènes de l’île d’Oi'muz et dans ceux, crétacés et nummulitiques, de la bordure extérieure du territoire de l’extrême sud-iranien.
- Si les massifs de sel s’observent plus fréquemment dans la zone des formations néogènes, sur le bord extérieur du territoire sud-iranien, que dans la zone crétacéo-nummulitique dominant la zone précitée, c’est que dans cette dernière les massifs de sel n’ont pas toujours pu vaincre la résistance de l’énorme épaisseur des calcaires qu’on y remarque, tandis que dans la zone bordière, la faible épaisseur des sédiments néogènes ne les a pas empêchés de surgir jusqu’en surface souvent même dépourvue de la brèche tectonique enveloppante demeurée en profondeur, quand il s’agissait des couches très plastiques du néogène. Il nous semble que la fréquence de cette particularité a induit en erreur certains géologues qui les attribuent aux formations méditerranéennes.
- Quant à l’origine du sel des massifs en général, sans entrer dans les discussions à la fois savantes et passionnantes que soulève cette importante question, disons simplement qu’il nous paraît impossible de mettre sur le compte de la concentration marine seule la naissance de ces gigantesques dépôts de chlorure de sodium pur. Il nous semblerait plus logique de les rapprocher de la première croûte solide de l’écorce terrestre où l’atmosphère primitive se trouvait très chargée de chlorures. Certes, nous ne nions pas qu’une sédimentation chimique, même
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- Fig. 10. — Un massif de sel gemme.
- assez importai]le, a pu se produire dans les lagtmes de concentration des mers anciennes et actuelles, mais encore une fois, à notre sens, celle sédimentation, si puissante fût-elle, ne pouvait en aucun cas permettre la constitution clc ces gigantesques massifs de sel pur que nous observons aussi bien dans les îles d’Ormuz et de Quiehme que sur la bordure extérieure des chaînes de l’extrême sud-iranien.
- Notons enfin que ces formidables richesses naturelles aux tons blancs, indispensables à l’élevage du bétail, à la préparation des aliments et à l’industrie chimique, renferment aussi de la car-nalife et d’autres sels eomplexs qui servent à l’amendement du sol végétal.
- Les minerais de fer.
- Ce ne fut pas à l’aveugle, à travers l’inconnu que jadis les navigateurs de la Méditerranée, puis du Portugal, se lancèrent vers les lointaines Cassitérites. Des régions où la métallurgie était connue et pratiquée leur aménagèrent des étapes. Ils furent les premiers à tirer parti non seulement cle la position géographique de l’île d’Ormuz, mais de ses richesses naturelles, ainsi qu’en témoignent de nombreuses traces d’anciennes exploitations.
- Il est plus probable encore que dès l’enfance de l’humanité, les premiers Iraniens qui fréquentèrent l’île, frappés par l’aspect insolite de ces terres rougeâtres, leur poids, le volume considérable qu’elles occupent sur le terrain, eurent l’idée, eux qui connaissaient déjà l’art de fondre le cuivre, de jeter également dans le fourneau le minerai très riche en fer. L’essai dut réussir et dès lors la sidérurgie aurait été créée par des Iraniens sur une île iranienne.
- Les minerais de fer de l’île forment des gîtes merveilleux qui n’ont peut-être pas d’analogues dans le inonde. Ils s’y présentent en amas lenticulaires ayant plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Par endroits, les intempéries en ont raviné les pentes arides et aiguës, y creusant des anfractuosités profondes; en d’autres points, des dunes mouvantes poussées par les vents d’ouest sont venues les recouvrir d’un volume considérable de morts-terrains.
- Ces formations présentent différentes couches variant du rouge sombre ou violacé au rouge sanguin. Le minerai qu’on exploite actuellement est l’hématite rouge. Ce sont les minéralogistes grecs qui ont donné à ce minerai le nom qu’il porte si bien. « L’hématite ou pierre de sang, dit Théophraste, est d’une
- Fig. 11. — Exploitation de minerai de fer.
- texture serrée et solide; elle est sèche et semble, comme le mot l’indique, être formée de sang caillé ».
- Le minerai s’extrait à la poudre ou au pic. Quand la matière est friable, facile à désagréger, le pic suffit. Quand elle est- dure, compacte, on l’attaque au fleuret. Les chantiers sont tous à découvert et présentent un aspect particulier. Les vides immenses produits par l’exploitation affectent une forme circulaire ou elliptique, et ressemblent à de vastes cratères. La couleur du minerai, rouge sombre, violacée ou noirâtre, achève l’illusion. Du pied de l’excavation jusqu’aux gradins les plus élevés sont disséminés les mineurs et les terrassiers, travaillant par compagnies. Les anciens suivaient le même système d’exploitation.
- Après l’hématite, vient la variété de peroxyde de fer anhydre connue en minéralogie sous le nom de fer oligiste, brillant souvent de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. La cristallisation de l’oligiste s’est faite grâce à l’intervention des •fumerolles chlorurées.
- On y rencontre aussi de l’ocre jaune provenant de l’hydratation de l’hématite, de l’ocre noirâtre résultant de la décomposition du fer oxydulé magnétique. Indépendamment de beaux cristaux de pyrite, certaines argiles renferment ce minerai à l’état microscopique. Ces argiles foisonnent, fermentent à l’air, et des traînées de soufre d’une belle couleur jaune citron, se détachent du jour au lendemain sur le fond gris ou blanc des argiles. Il se forme aussi du sulfate de fer ou vitriol vert, autrefois exploité non moins que. les ocres rouges comme terre colorante, également répandu dans les argiles.
- Il existe dans l’île deux sources minérales qui sourdent dans la zone des gîtes ferrugineux. Leurs eaux ont une saveur acide, métallique et ne sauraient servir comme, boissons, quoique, au dire des mineurs et des marins indigènes, elles rafraîchissent l’estomac et entretiennent l'appétit. Mêlées à l’eau douce du pays, elles y produisent un trouble laiteux, dû aux sulfates des eaux minérales et à la crudité des eaux potables de l’endroit, chargées de sels calcaires.
- Ajoutons enfin que les riches gîtes de fei de l’île d’Ormuz se trouvent sur un espace très restreint et sur une voie maritime de la plus haute importance et. l’on comprendra de quel intérêt est la mise en valeur des gîtes.
- Est-ce à dire qu’on tire aujourd'hui
- Fig. 12. — Un caboteur de Vile.
- (Photo Abdalian).
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- en l’île d’Ormuz le meilleur parti de l’extraction et de la vente d’un minerai reconnu inépuisable? Non, sans doute, et le perfectionnement des exploitations reste à réaliser. Ce faisant, l’Iran pourrait occuper une place honorable dans le monde métallurgique.
- En tout cas, la géographie et la géologie de son sol semblent lui avoir préparé cette place.
- La genèse des minerais de fer.
- S’il est quelque chose d’aussi surprenant que ces gigantesques dépôts, témoins d’une exploitation millénaire, c’est bien la façon dont se présentent les gisements ferrugineux d’Ormuz.
- Certains géologues ont vu dans ces gisements ferrugineux un sédiment formé au fond d’une mer, d’un golfe ou d’un lac, comme les argiles et les calcaires; d’autres ont pensé à d’immenses fdons, comme ceux de cuivre et d’argent; mais aucune direction, aucune inclinaison n’est visible : il n’y a donc ni strates ni filons. D’ailleurs, il n’existe entre les différents gisements aucun lien de continuité apparent. Quelques savants ont songé à des filons sous-marins rompus, disloqués, rejetés sur les bords de l’île et dont les gisements actuels représenteraient les immenses débris; néanmoins, ces gisements sont bien en place, au lieu môme où ils ont été formés, et n’ont aucun
- caractère erratique. D’autres spécialistes ont imaginé de prétendus bassins, des anfractuosités du sol postérieurement remplis par des dépôts de sources ferrugineuses; cependant ces sources, les supposât-on thermales, n’auraient pas été capables de produire les effets saisissants de métamorphisme qui se présentent aux points de contact des gisements avec les roches avoisinantes. Les argiles sont passées à l’état de schistes; les schistes de cornalines, de jaspes, d’alunites; les calcaires de dolomies, etc.
- A notre sens, la genèse des gisements ferrugineux de l’île d’Ormuz se rattache intimement à des réactions métamorphiques très accentuées, sous l’influence des apports métallifères des roches éruptives. En effet, la présence d’importantes roches éruptives telles que : trachytes, ryolites, diorites, granités, tufs, etc., dans les formations salifères de l’île, permet, nous semble-t-il, de formuler l’hypothèse que, vraisemlablement vers l’aurore des mouvements orogéniques de l’oligocène, alors que les dômes de sel avaient depuis longtemps commencé leur ascension suivant les voies de moindres résistances, des phénomènes éruptifs sont intervenus et leurs produits, suivant les mômes voies, ont pénétré les dômes de sel. A ces mêmes phénomènes serait liée la constitution des gisements ferrugineux en question.
- Comme on le voit, Ormuz est une île curieuse à bien des égards et dont l’importance n’a pas diminué comme position géographique et richesse minière.
- Professeur S. Abdalian.
- Le musc
- Jusqu’à la fin du xixe siècle, les parfums les plus recherchés étaient quelques huiles, baumes et résines extraits de certaines plantes et surtout le musc, la civette, l’ambre, d’origine animale. L’ambre est une sécrétion intestinale du cachalot ; la civette est un liquide des glandes périnéales d’un rongeur, Fiber zibethicus ; le musc se trouve dans une poche, sous le ventre des mâles d’un chevrotin, Mosc-hus moschiferus.
- Les Chinois employaient le musc comme parfum et les Arabes en apportèrent en Occident. Marco Polo a décrit le chevrotin porte-musc et indiqué la préparation de la matière odorante en détachant la poche et la faisant sécher au soleil. En 1772, un Moschus fut apporté vivant au Jardin des Plantes de Paris et parfuma l’air à son entour pendant quelques années, puis le Zoo de Londres en reçut un autre à son tour. L’odeur concentrée est pénétrante, tenace et même désagréable, ammoniacale surtout. Diluée ou mieux mêlée à d’autres parfums dont elle renforce et stabilise l’odeur, elle est employée dans un grand nombre de préparations : essences, savons, cosmétiques, etc. L’impératrice Joséphine en raffolait et la Malmaison en resta fort longtemps imprégnée.
- Moschus moschiferus a fourni aux mammalogistes modernes cinq sous-espèces qui vivent en Sibérie, en Mandchourie, dans l’île Sakhaline, en Corée, en Chine, au Thibet, dans l’Himalaya et l’Assam, jusqu’au nord de l’Inde. Les marchands chinois distinguaient déjà trois qualités, celle de Kabardin ou de Russie, celle d’Assam et celle de Chine et du Tonkin. La dernière était le plus souvent sophistiquée par addition de sang, de terre, de grains de plomb, pour augmenter le poids.
- Le chevrotin porte-musc est un élégant animal qui peut atteindre SO cm de long et 66 de haut ; haut sur pattes, lé train de derrière plus élevé que celui de devant, il a des sabots longs et minces ; la queue est courte et épaisse ; le pelage serré est brun ; il ne porte pas de cornes. Le mâle et la femelle se ressemblent, mais le mâle seul a deux longues canines à la mâchoire supérieure. On ne peut distinguer les deux sexes à distance et les chasseurs poursuivent indifféremment l’un et l’autre, bien que le mâle seul ait
- une poche à parfqm. Le piégeage a depuis longtemps fait place à la chasse au fusil et la demande est telle que l’espèce est en voie de diminution, sinon de disparition. Elle se maintient encore dans les régions difficiles d’accès de l’Himalaya et du Cachemire, mais partout ailleurs, les massacres s’intensifient. En Chine et au Thibet, on estime que 10 000 à 15 000 animaux sont tués chaque année et le commerce du musc était évalué en 1925 à 100 000 £.
- Cela explique l’inquiétude croissante des naturalistes et l’étude que M. Colin Matheson vient de publier dans le Journal of thé Society for the préservation of the fauna of the Empire pour attirer l’attention sur ce danger.
- Il ne semble pas facile d’y parer par des lois protectrices ou par des créations de parcs de réserves dans un ensemble de pays qui n’ont guère de relations avec l’Europe.
- La seule façon d’empêcher l’extinction de l’espèce serait de créer un parfum de synthèse en tout comparable au musc naturel. Il y a longtemps qu’on s’y emploie.
- En 1888, Baur a préparé un premier musc artificiel dont diverses variantes ont été obtenues depuis ; on vend aujourd’hui sous le nom de musc de Baur du trinitropseudobutylxylène en cristaux jaune clair fusibles à 115°, fort utilisé en savonnerie. On connaît un autre musc artificiel, le musc cétone ou musc de Malmann qui est un dinitro-3-5-diméthyl-2-4 tertiobutyle-6 et un autre encore d'odeur très fine, le musc ambrette ou trinitro-2-4-6-méthoxy-5-mé-thyl-l-tertiobutyle-3. Ces muscs artificiels approchent plus ou moins par l’odeur du musc naturel, mais en sont très différents comme composition chimique. Du musc naturel, on a également extrait en 1926, une cétone, la muscone, dont on a réalisé plusieurs synthèses approchantes donnant des corps en C15, C17, C19, C3l, tous à odeur musquée.
- Malgré la multiplication des substituts chimiques artificiels, le musc naturel est toujours aussi demandé et le pauvre chevrotin risqué fort de devenir une espèce éteinte, à moins qu’on en réussisse l’élevage.
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- L'importance croissante du caoutchouc naturel
- Représentez-vous ce que serait le monde sans automobiles, sans camions, sans autobus, sans avions, sans téléphone, etc. Imaginez tout ce qui manquerait à notre civilisation actuelle !
- La vie moderne dépend de cette substance unique qui, après allongement, reprend instantanément sa forme primitive.
- Mais qu’est-ce que le caoutchouc et d’où vient cette matière à laquelle sont associées, de près ou de loin, les activités de tant d’individus auxquels nous allons d’ailleurs demander de nous éclairer ?
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- Le botaniste parle de VHevea brasiliensis, l’arbre à caoutchouc, qu’on tronve à l’état sauvage, dans la vallée de l’Amazone en Amérique du Sud (fig. i). L’arbre moyen atteint une quinzaine de mètres de hauteur- et ses feuilles ovales, d’un vert foncé, longues d’une vingtaine de centimètres, sont réunies par groupes de trois. La croissance de l’Hévéa requiert un climat chaud et humide et de 175 à 260 mm de pluie par an. La durée de vie de cette espèce qui se reproduit jusqu’à 5oo m d’altitude, est encore inconnue, sans toutefois être inférieure à 4o ans.
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- Historiquement, le caoutchouc fut découvert et utilisé par les tribus indiennes du Nouveau Monde, avant même la découverte de l’Amérique. Ces indigènes qui en étaient encore au stade de l’éclat de silex, savaient recueillir le latex blanc et onctueux qui coulait des arbres et le coaguler rapidement sur des feux fumeux. Christophe Colomb aurait vu les natifs jouant à se lancer des balles de caoutchouc et, d’après l’historien de la Cour de Philippe II, en aurait rapporté quelques-unes à la reine Isabelle d’Espagne.
- Cependant, tandis que des objets en caoutchouc tels que balles, bols, bouteilles, capes, chaussures et chapeaux arrivaient en Espagne et au Portugal des diverses parties d’Amérique Centrale et du Sud, aucun usage commercial n’en fut trouvé pendant près de 3oo ans après Colomb.
- En 1745, le Français Charles de La Condamine présenta à l’Académie des Sciences de Paris un rapport qui déclancha le premier mouvement d’intérêt scientifique et commercial. La Condamine avait été envoyé par l’Académie en Equateur pour mesurer un arc de grand cercle terrestre afin de savoir si la Terre était renflée à l’équateur. Il parcourut le continent de Quito à Para, traversant les Andes et descendant le cours de l’Amazone en trois mois et demi. Il rapporta quelques masses ovales d’une matière que les natifs nommaient « cautchu » et dit comment les indigènes fabriquaient chaussures et imperméables en trempant des moules dans le jus d’hévéa et en en séchant de minces couches sur leurs feux. Cependant ses échantillons ne fondaient pas et aucun dissolvant n’en était connu à l’époque.
- En 1763, le chimiste Macquer et le physicien Hérissant découvrirent que la térébenthine dissolvait le caoutchouc, mais les objets qu’ils façonnaient devenaient poisseux à la chaleur et cassants au froid. Poursuivant ses expériences, Macquer se servit de l’éther comme dissolvant et fabriqua pour Frédéric le Grand une paire de bottes d’équitation. Pour cela, il enduisit de caoutchouc dissous un cylindre de cire qu’il fit ensuite fondre dans l’eau chaude. Cette méthode s’avéra trop coûteuse pour être pratique.
- La première fabrique de caoutchouc fut probablement établie à Vienne en.1811 par un certain Reithofer, tandis qu’en i8i3, un « vernis caoutchouc à imperméabiliser les chaussures » fut breveté aux Etats-Unis par Hummel.
- Fig. 1. — L’Hevea brasiliensis, arbre à caoutchouc.
- 1. Feuilles. — 2. Gousse contenant les graines. — 3. Écorce. — 4. Couche de cellules chargées de calcaire. — 5. Cortex contenant le latex. — 6. Cambium. — 7. Bois. — 8. Radicelles. — 9, Racines latérales principales. — 10. Godet pour la récolte du latex. — 11. Gouttière d’écoulement. — 12. Panneau d’incisions obliques où le latex suinte. — 13. Incision la plus récente. — 14. Écorce en cours de renouvellement. — 15. Écorce vierge.
- En 1823, Charles Mclntosh fit bréveter à Glasgow une étoffe imperméable composée de deux tissus de laine réunis par une colle au caoutchouc-naphte. Ce tissu Mclntosh était raide par temps froid et dégageait une forte odeur lorsque la température s’élevait; de plus, le caoutchouc se détériorait alors et le tissu pelait. Peu après, le Londonien Hancock, fabricant de voitures, s’intéressa aux imperméables Mclntosh pour les rideaux et toitures de ses véhicules. Ce fut lui qui finalement breveta l’dée de découper le caoutchouc en longues bandes élastiques qu’il utilisa pour les dessus de chaussures, les bords de poches, les poignets de gants, etc... Cette idée eut tant de succès qu’il abandonna son affaire de voitures et devint le premier Anglais fabricant de caoutchouc.
- Goodyear, en 1839, découvrit la vulcanisation qui permit ensuite la fabrication industrielle. Goodyear se rendait compte des effets de la chaleur sur un mélange de caoutchouc et de soufre, étendu sur une étoffe; accidentellement, il en laissa un morceau toute une nuit en contact avec un poêle chaud : l’échantillon se craquela comme du cuir brûlé. Goodyear entrevit toute l’importance de sa découverte, mais ne trouvant personne qui consente à lui avancer des capitaux, il garda son secret pendant cinq ans. Ce délai lui fut fatal, car, entre-temps, Hancock s’était approprié les droits pour l’Angleterre du caoutchouc traité par le soufre à chaud. Goodyear exposa ses produits à Londres et à Paris (i85i et i855); il dépensa des sommes folles pour défendre ses droits; il breveta plus de 200 applications du caoutchouc,.
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- hévéas sauvages u de plantations
- Fig. 2. — Les cinq grandes régions de production du caoutchouc naturel.
- 1. Amazonie. — 2. Mexique et Amérique centrale. — 3. Afrique tropicale. — 4. Inde, sud-est asiatique et Océanie. — 5. Philippines.
- mais paradoxalement il négligea le pneumatique. Goodyear mourut très endetté en 18G0.
- Avant cette date, la demande de caoutchouc naturel était faible et ce dernier était surtout récolté par les Indiens dans la région de la Basse Amazone. L’exportation dépassa i ooo t-seulement en i85o. De 18G0 à i865, la demande accrue et l’inflation de la monnaie’ américaine due à la guerre de Sécession, amenèrent les cours à plus d’un dollar la livre, stimulant le commerce en Amazonie, en Colombie et en Équateur. En 1866, Don Pedro II, empereur du Brésil, ouvrit l’Amazone aux navires de mer qui en remontèrent le cours sur 2 4oo km. Les indigènes furent exploités, devinrent esclaves et s’organisèrent en gangs recueillant le caoutchouc par n’importe quel procédé; des milliers d’arbres furent détruits par de mauvaises méthodes d’incision.
- Goodyear et Hancock avaient l’un et l’autre suggéré de transplanter et cultiver l'hévéa. Après les succès obtenus par les Hollandais en transplantant l’arbre à quinine du Pérou à Java et l’introduction du thé à Ceylan, on commença en 1870 à songer- à l’acclimatation de l’hévéa en Extrême-Orient. Dès 1873, le Dr Collins, curateur des Physic Gardons of London, expédia du Brésil une cargaison de graines d’hévéa ; ces dernières se perdirent en mer à l’exception de 200 dont une douzaine seulement germèrent en Angleterre. Six plantes furent alors envoyées à Calcutta, mais toutes moururent. En 187G, Collins prit arrangement avec Wickham, un jeune planteur de café au Brésil, pour se faire envoyer plusieurs tonnes de semences d’hévéa. Le i4 juin? le bateau qui les transportait toucha Liverpool et un train spécial les apporta au Jardin royal de botanique à Kew près de Londres. Sur les 70 000 graines plantées, plus dé 2 800 germèrent et l’année suivante, 1919 jeunes plants furent expédiés à Ceylan où ils purent être transplantés. C’était le début d’une nouvelle culture qui allait rapporter à l’Extrême-Orient plus de 5oo millions de dollars par an et rendre possible la formidable industrie automobile des États-Unis.
- La fin du xixe siècle constitua la période expérimentale du caoutchouc de plantation dans lequel de gros capitaux furent investis. Il fallait alors 7 ans pour obtenir d’une graine un arbre bon à inciser. Différents climats, lieux et méthodes de cultures furent essayés. En 1889, à peu près une demi-tonne de caoutchouc planté fut produite dans tout l’Extrême-Orient; en 1910, la production atteignit 8 200 t en provenance de 45o 000 ha de plantations; en 1912, la production de caoutchouc planté dépassa pour la première fois celle du Brésil.
- Parmi les plus audacieux et les plus heureux « transporteurs » d’hévéas, on cite le Belge Adrien Hallet, mort en 1924, qui peupla des arbres de Ceylan la Malaisie, les Indes néerlandaises, Bornéo, le Cambodge, le Siam et les terres rouges d’Indochine.
- Le jardin botanique de Buitenzorg commença à sélectionner et à greffer' des plants.
- En 1914, la production était doublée; en 1922, les plantations produisaient g3 pour 100 de la consommation mondiale; en 1932, ce pourcentage passait à 98 pour 100. De 1922 à 1989, d’importantes fluctuations de l’offre et de la demande causèrent de grands mouvements de prix. Un premier effort pour équilibrer les prix et la production échoua en 1920, mais un autre réussit en iq34 à stabiliser le prix du kilogramme de caoutchouc aux environs de 25 cents.
- En ipjo, les États-Unis, prévoyant leur entrée en guerre, commencèrent à stocker le caoutchouc naturel. Leurs importations atteignirent en 1941 plus d’un million de tonnes, près du double de leur consommation normale. En 1942, l'occupation du sud-est asiatique par les Japonais interdit près de 90 pour 100 des sources naturelles normales du caoutchouc. La position eût été critique si l’on n’avait eu la ressource du caoutchouc synthétique; on construisit des usines qui en produisirent près d’un million de tonnes pendant la guerre.
- 1945 amena la libération des territoires producteurs; on trouva les plantations intactes mais envahies par la jungle, l’équipement détruit et les travailleurs chinois et indiens dispersés. Remettre les plantations en état demanda de la part des planteurs un sérieux effort qui fut aidé par les gouvernements et aussi grâce à la vente libre du caoutchouc naturel, à des prix graduellement ramenés vers ceux d’avant-guerre.
- Actuellement, à la faveur des temps agités que nous vivons, la consommation de caoutchouc naturel va toujours croissant, bien qu’en 1949 les prix et le tonnage aient été en légère baisse par rapport à 1948, l’année où la Malaisie atteignit une production record de 700 000 t, la production mondiale plafonant à I 520 000 t.
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- Le chimiste sait que le caoutchouc naturel ou latex coagulé est un hydrocarbure (C5H8)Æ, soluble seulement dans le disulfure et le tétrachlorure de carbone et dans des liquides volatils tels que l’éther, l’essence minérale, la térébenthine, etc....
- Physiquement, le caoutchouc possède des caractéristiques remarquables d’élasticité, d’imperméabilité, de douceur, d’adhérence, de résistance mécanique et d’isolement électrique; plus que tout autre matériau, le caoutchouc fait montre d’une élasticité extrême.
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- consommation mondiale
- „ des Etats-Unis
- „ de la France
- .1 estimée de la Russie
- « de la Belgique
- $ 500
- 1347 1948 1943
- Fig. 3. — Consommation du caoutchouc naturel dans le monde en ces dix dernières années.
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- Sabuli, l’un des 4oo ooo petits fermiers indépendants (aussi indépendant que n’importe quel fermier du Vermont, du Hai-naut ou de la Beauce...) qui cultivent près de la moitié de tout le caoutchouc malais, pourrait parler de son travail journalier sur ses quelques ares d’arbres : très tôt le matin, Sabuh quitte sa maison bâtie sur pilotis et s’en va faire la ronde de son « verger » d’hévéas. Pour faire « débiter » un arbre, Sabuh pratique dans l’écorce une incision en spirale descendante (fig. x). Àu bas de l’hélice, un godet est fixé et recueille le latex. Api'ès avoir coulé pendant deux ou trois heures, le précieux lait de l’arbre à caoutchouc est transféré du godet dans des seaux. De retour chez lui, le fermier allonge son latex d’eau et verse la mixture crémeuse dans des bacs plats où il ajoute un acide coagulant. Chaque bac donne environ deux litres de latex qui formeront une feuille de caoutchouc. Lorsque le latex s’est coagulé, la pâte est extraite du bac, égouttée, dégrossie au rouleau et enfin laminée par une vieille tordeuse que Sabuh a trouvée très pratique pour ce genre de travail; l’après-midi sera à peine entamé lorsque Sabuh finira sa journée en suspendant ses feuilles de caoutchouc pour séchage.
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- L’économiste constate que les l'égions où croit le caoutchouc sauvage ne contribuent plus que pour un faible pourcentage à la production mondiale. La zone i de la figure 2 en produisait en X9/18, 1,59 pour 100, la zone 2, 0,03 pour 100, la zone 3, 2,76 pour 100, tandis que les zones 4 et 5 où l’espèce transplantée est à présent cultivée, contribuaient respectivement pour 95,45 et 0,17 pour 100 dans la consommation mondiale. C’est dire l’extrême importance que les nations fortement industrialisées doivent attacher à la Malaisie et aux Indes Néerlandaises.
- Le caoutchouc est devenu une commodité-clé : transports routiers, aviation, communications, divertissements, tous les composants de la civilisation moderne l’utilisent et en dépendent plus ou moins. De 1939 à 1949, la consommation française est passée de 64 377 à 90 000 t, celle des États-Unis, de 486 491 à 654 167, celle de la Belgique de 9 612 à 11 716 et les estimations pour l’U. R. S. S. sont de 3o 000 et io5 000 t respectivement. La production mondiale totale qui était de 1.000.000 t a atteint 1 487 5oo t (fig. 3). m
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- Fig. 4. — Démoulage d'un matelas en mousse de latex.
- Les usages du caoutchouc se sont multipliés, surtout depuis qu’au caoutchouc vulcanisé se sont ajoutés divers emplois du latex. Les techniciens de la demi-douzaine de firmes américaines transformatrices du caoutchouc parlent maintenant avec enthousiasme d’une des plus récentes innovations, la mousse de latex, constituée par des millions de minuscules poches d’air enrobées dans du caoutchouc pur. Un centimètre cube de mousse contient plus de 1 5oo de ces alvéoles d’air; en fait, la mousse de latex sous forme de feuille contient environ 85 pour 100 d’air et même de 90 à 96 pour 100 si des ouvertures moulées y sont prévues (fig. 4).
- La mousse de latex, utilisée pendant la guerre, sur les sièges d’avions est à présent article standard pour les couchettes de wagons-lits américains et on peut l’acheter « au mètre » pour utilisations domestiques, sous forme de feuilles pleines, épaisses de 5 à 3o mm, de feuilles'creuses de 20 à 100 mm d’épaisseur et de densités différentes, ou encore sous forme de coussins variés prêts à l’usage.
- Sa fabrication ressemble à celle d’un énorme gâteau : du latex pur arrive sous forme liquide au fabricant; des produits chimi-
- Fig. 5. — Le travail du latex dans un moule.
- ques sont ajoutés qui aident au séchage, forment la matière spongieuse et lui permettent de résister au vieillissement. Le latex est alors battu comme une meringue géante et on y insuffle de l’air qui le fera écumer. Plus il y a de brûles d’air, plus léger et plus doux sera le produit fini. Lorsque le mélange a atteint la consistance voulue, on le verse dans des moules métalliques qui lui donnent la forme désirée (fig. 5). Le tout, est alors placé dans des fours géants pour y cuire sous température et pression contrôlées (fig. 6). Après cette opération, le bloc de mousse est démoulé, lavé et séché.
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- Le caoutchouc naturel est également utilisé pour les revêtements de routes à l’état de latex mélangé au bitume; il se produit une dispex’sion des particules d’asphalte qui fait gonfler le caoutchouc jusqu’à 5 ou 6 fois son volume primitif. Le mélange du caoutchouc naturel à l’asphalte n’est pas une découverte récente, mais les résultats n’étaient pas complètement satisfaisants en ce qui concerne le recouvrement des routes. Aux Pays-
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- Fig. 6. — Fours diélectriques pour le chauffage du caoutchouc dans la masse.
- En haut, générateur ; au centre, pupitre de commande ; en bas, fours.
- cassant par périodes de grands froids, augmente son coefficient de friction et finalement demande moins d’entretien. L’effet destructif des chocs et vibrations dus au trafic est matériellement réduit lorsque le caoutchouc naturel est incorporé aux matériaux de revêtement, mais il faudra attendre un certain temps avant de juger définitivement de la nouvelle méthode.
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- Parmi les mille autres possibilités d’utilisation du caoutchouc, nous signalerons encore sans nous y attarder : le caoutchoutage des aérodromes, des trottoirs, des courts de tennis, les toiles caoutchoutées, la suspension des voitures de chemins de fer, des tramways, des moteurs d’avions, l’ameublement, le bâtiment, les presses industrielles, etc....
- Du fait de cette multiplicité croissante des applications, il a été créé un peu partout dans le monde des centres d’information et d’études dont les principaux sont situés à Londres (British Rubber Development Board), à Paris (Institut français du Caoutchouc) et à Nerv-York (Natural Rubber Bureau).
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- Bas et à Java, depuis une douzaine d’années, des techniciens se sont livrés à des expériences sur le mélange des particules de caoutchouc naturel à l’asphalte des revêtements routiers. Avant la guerre, il y eut en Europe quelque 3o essais de routes « caoutchoutées », réparties en sections allant de 4oo m à 5 km de long, aux Pays-Bas, en Belgique, en France, au Danemark et en Suède. Un recouvrement de ce genre fut posé peu avant la guerre sur une route à grand trafic, près de Rotterdam. Cette route, alternativement utilisée par les nazis en 1940 et par les Américains en 1944, fut sujette à une circulation particulièrement intense; elle est restée dans une condition telle qu’elle n’a encore requis aucun soin.
- L’entretien des 5 millions de kilomètres de routes des États-Unis a coûté en 1949 la magistrale somme de 1,7 milliard de dollars; on comprend que les responsables américains se soient intéressés au nouveau procédé et que des tronçofts pilotes aient été posés en Virginie, dans l’Ohio, au Minnesota, au Texas et au Canada (fig. 7). Dans l’Ohio, en 1949, cinq tronçons furent posés près d’Akron afin de déterminer l’effet produit sur le revêtement routier par l’addition de caoutchouc, en ce qui concernait sa durée de vie et la réduction du dérapage. Un tronçon fut réalisé à l’aide de caoutchouc naturel, un autre avec du caoutchouc synthétique, un troisième avec du caoutchouc récupéré et enfin deux tronçons de contrôle furent posés sans caoutchouc. Une émulsion d’asphalte fut préalablement coulée sur l’ancienne route pour faciliter l’adhérence, ensuite on étendit le mélange sable-scories-caoutchouc qui fut finalement passé au rouleau. A Worthington (Minnesota), un tronçon pilote fut réalisé avec les moyens techniques dont disposait l’administration communale.
- Les résultats fournis jusqu’à présent par ces divers essais indiquent que le caoutchouc naturel ajouté aux matériaux de revêtement accroît la durée et l’élasticité de ce dernieer, réduit sa sensibilité aux variations de température, ce qui le rend moins
- Cette petite enquête dans l’empire du latex d’hévéa montre la place conquise depuis un siècle par la substance laiteuse coulant de l’arbre incisé. Depuis un demi-siècle, le caoutchouc naturel est deventx un matériau essentiel à la vie de l’homme moderne; nul doute qu’il lui réserve encore des surprises et notamment un confort toujours accru pour les années à venir....
- Roger Anthoine.
- Surface légèrement abrasive
- °-° •" Ancienne routé
- asphalte +
- "fhkg latex au m2
- asphalte
- Revêtement d’usure à 3rSkg latex par tonne ——————— d’asphalte
- asphalte
- -O-, asphalte
- '-'base gravier + ciment'
- A CCOt-BfT) Bfl £
- asphalté Revêtement d'usure caoutchouté
- pi errai
- 2 couches 3 couches agregar
- Fig. 7. — Quelques essais de revêtements de route en latex.
- a) route à Akron (Ohio) ; b) rue à Worthington (Minnesota) ; c) route à San Antonio (Texas).
- Un nouveau
- fe
- r a repasser.
- On trouve depuis peu en Angleterre un fer à repasser fonctionnant au pétrole; la lampe est d’abord chauffée par de l’alcool à brûler puis entretenue par une flamme de pétrole; elle peut fonctionner 4 h en brûlant 16 cl seulement. La pla-
- que du fer a sa surface chromée et ses bords biseautés. Une soupape règle le débit. Sans aucune attache, ce nouveau fer est utilisable partout. Son poids en ordre de marche est de 2,26 kg.
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- LA PECHE A LA MAIN EN EUROPE "
- La pêche à la main est, comme ce nom l’indique, l’usage de la main humaine, sans aucun instrument auxiliaire, pour la prise des poissons. Elle a été pratiquée de tout temps, dans les pays les plus divers. &
- Les récits de cette pêche primitive, qui ont été publiés ou qui m’ont été communiqués, ont déjà fourni la matière de deux articles (1). En Grande-Bretagne, on a trouvé une pléthore de références et de courts récits d’un grand intérêt, depuis les temps les plus reculés jusqu’à présent. Par contre, l’Europe continentale n’a donné qu’un très petit nombre de documents qu’on trouvera ici. Bien d’autres ont dû m’échapper, mais le dernier qui sera cité est le plus ancien de tous.
- La pêche à la main en France. — Si d’Angleterre on passe en France à travers la Manche si étroite, on devrait s’attendre à trouver un grand nombre d’observations. Cependant, celles-ci sont rares. Tout au plus ai-je trouvé cette indication de Legendre (2) : « La plus simple (des pêches) est évidemment la pêche à la main. Elle est encore souvent pratiquée dans nos rivières, bien que défendue par les règlements administratifs. Le pêcheur, à pied sur la rive ou dans l’eau, glisse sa main sous la berge et saisit le poisson qui s’y était réfugié. Les primitifs prennent le poisson de la même manière ou en plongeant d’une embarcation quand ils l’aperçoivent sur le fond. Les plongeurs qui recherchent les éponges, le corail ou les huîtres perlières n’opèrent pas autrement. »
- Le même fait est corroboré par Jean-Paul Lafitte (3).
- A cela s’ajoute une observation personnelle de M. N. G. Nelson, curateur émérite d’archéologie préhistorique au Département d’Anthropologie de l’American Muséum qui m’écrit : « Un jour d’août 1913, pendant que je visitai les grottes des paléolithiques au voisinage des Eyzies (Dordogne), je notai l’incident suivant : je suivai la foute parallèle à la Vézère, en face de la grotte de Laugerie basse, à quelques centaines de mètres du village. La rivière coule à 3o m à.peine de la route, a i5 m de large et un peu moins de i m de profondeur. L’eau coulait tranquille et claire sur un fond de sable taché de longues touffes d’herbes. Un homme habillé, dont les épaules sortaient de l’eau, se tenait au milieu du ruisseau, rampant sur les genoux et remontant le courant vers une des taches d’herbes. D’uné main il rassemblait et tenait les touffes, de l’autre il les tâtait en dessous comme s’il y sentait quelque chose. Je l’observai un moment sans le déranger. A mon arrivée au village, je demandai à mon hôte, M. Peyrony, ce que cet homme faisait et il me dit qu’il essayait de pêcher des poissons. » On sait comme dans un étang ou un cours d’eau calme, les poissons se cachent sous les touffes d’herbes pour s’abriter des prédateurs ou chercher leur nourriture. L’homme profitait simplement de cette habitude.
- La pêche à la main en Hollande. — M. Cornélius Nast, d’Ellsworth (Minnesota), après avoir lu mon article sur la pêche à la main en Amérique, m’a écrit qu’il avait vu pareille pra-
- 1. M. E. AV. Gudger poursuit depuis de nombreuses années à l'American Muséum of Natural History, de New-York, de très intéressantes observations sur les poissons et les pêches. Il a notamment recueilli de nombreuses informations sur la pêche à la main, sans aucun instrument, dont il a déjà publié celles relatives à l’Amérique et à la Grande-Bretagne dans : E. W. Gudger. Fisbing with the band in the two Amei'icas. American Naturalist (for 1948), 1949, vol. 82, p. 281-288 ; — Tickling Trout and otber Fisbes in Great Britain. Australian Muséum Mag., 1950, vol. 10, pp. 61-64. — Il a bien voulu réserver à La Nature celles relatives à l’Europe continentale.
- 2. R. Legendre. La pêche chez les primitifs. Bulletin de l’Institut Océanographique, 1912, n° 221, 26 pp. ; reproduit in Histoires de mer, Stock, Paris, 1946, p. 215.
- 3. J. P. Lafitte. La Nature, 1912, vol. 40, pt 2, p. 383.
- tique en Hollande. Des enfants marchaient dans l’eau des flaques laissées par une crue et poursuivaient les poissons qui se réfugiaient dans les trous; ils tâtaient alors de leurs mains l’eau des trous et saisissaient les poissons. Cela ressemble aux récits reçus de diverses régions des Etats-Unis.
- La pêche à la main en Allemagne. — En 1908,
- Edouard Krause a publié dans le Zeitschrift Fischerei und Helfs-wissenschaften (Berlin, 1904, vol. 11, 108 p.) une étude historique documentée sur les méthodes primitives de pêche. Dans le chapitre consacré à l’Allemagne, il dit, sans entrer dans les détails : « Dans le Spreewald (Brandebourg), beaucoup de poissons, alors qu’ils abondent, sont pris par des plongeurs. Les plongeurs les voient dans les coins et les trous et les saisissent avec leurs mains. Ces plongeurs remontent parfois avec 5 poissons. Actuellement, cette pêche n’est pas pratiquée à cause de la rareté des poissons ». Il note aussi dans la région du Harz « qu'aujourd'hui (vers igoo) l’attouchement des poissons est encore communément pratiqué ».
- La pêche à la main en Bohême. — Pour ce pays, notre autorité est Krause (1904) qui dit : « La prise des poissons à- la main est encore pratiquée en Bohême et elle est très lucrative ». Malheureusement, il ne donné pas d’autres détails.
- La pêche à Vesturgeon en Hongrie. — Pour la Hongrie, nous ne disposons que d’un seul récit, très curieux et intéressant. En fait, il ne s’agit pas strictement d’une pêche à la main, puisqu’un filet est employé. La description s’en trouve dans Richard Pococke : Description of the East, 1745, pp. 2Ô2-253. La pêche a lieu dans le Danube, à Budapest. Le poisson semble être le huso, une espèce d’esturgeon. Notre auteur décrit ainsi sa capture : « Ils disent que le poisson d’HaAvsom remonte au printemps du Pont-Euxin dans le Danube, jusqu’à Buda, pour pondre. Nous fûmes informé d’une manière très particulière de le capturer en l’entourant d’un filet; des hommes entrent dans l’eau, le chatouillent sous le ventre et le mènent ainsi vers le bord; le filet ne doit pas être perçu par le poisson avant qu’il soit en eau peu profonde, parce qu’il est si puissant, notamment de la queue, qu’en se débattant il assommerait certainement ». Les esturgeons restent tranquilles en approchant de terre et sont alors brusquement pris dans le filet et hissés. J’ai vu de grands requins rendus ainsi impuissants et inoffensifs.
- Plongée et pêche à la main en Grèce. — Ce qu’on
- pensa longtemps être l’unique référence se trouve dans Edward Blaqtjière : Narrative of a second voyage to Grece, 1825. L’auteur était un observateur pénétrant de la Grèce, de son peuple et de ses activités. Dans la deuxième partie, p. 242, il décrit une variante de la pêche à la main telle qu’elle était pratiquée et son récit est si intéressant qu’il mérite d’être cité. La scène se passe à Anatolico, dans le golfe de Patras. Blaquière h’y assista pas mais en reçut la description de son hôte. « Le plongeur, muni d’une corde faite d’une espèce de longue herbe et qui flotte à la surface, a seulement à amarrer son canot en un point où il sait que le fond est rocheux; cela fait, il jette le filin de façon à former un grand cercle et tel est le caractère craintif du poisson qu’au lieu de s’enfuir, il ne franchit jamais la barrière imaginaire, mais plonge immédiatement et s’efforce de se cacher parmi les roches. Après une brève attente, pour que le charme ait produit son effet, le plongeur descend et il n’est pas rare qu’il remonte avec 4 ou 5 poissons pesant chacun de 1 à 3 kg. Comme rarement les poissons cachent plus que la tête, il est moins difficile de les attraper et de remon-
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- ter les prises; quand elles sont abondantes, les plongeurs sont assez habiles pour tenir 3 ou 4 poissons sous chaque bras (?) en plus de ceux qu’ils tiennent dans leurs mains ».
- Quelques points de ce récit : le filin en cercle à la surface, le refus des poissons de quitter le cercle, leur capture rappellent des pratiques similaires signalées dans les mers du Sud, dont les notes ont malheureusement été perdues.
- Diverses autorités (?) allèguent que le Romain Aelian (vers 120 après J.-C.) a décrit la pêche à la main de son temps en Macédoine, mais aucun n’indique ni l’œuvre ni le chapitre. Le grand ouvrage d’Aelian est De Natu.ra Animalium, mais il n’en existe pas de traduction en anglais, même dans la riche bibliothèque de Loeb. L’American Muséum a l’excellente édition latine in-quarto, publiée à Tiguri (Zurich) en i556. Une recherche soigneuse a été faite de tous les titres de chapitres et de tous les mots tels que pisces, manus, captus, sans découvrir de passage se rapportant à la pêche à la main.
- Heureusement, William Radcliffe, dans son Fishing from the earliest times (édition revue, 1926, p. 24i) dit qu’Oppian (de Cilicie), qui vécut de 172 à 210, a écrit de cet « ancien sujet, l’attouchement » dans le quatrième livre de Halieutica. La citation fut trouvée dans une vieille copie en latin. Heureusement, notre bibliothèque a la traduction en vers du quatrième livre faite par John Jones et publiée à Oxford en 1722. Voici les trois passages sur la pêche à la main.
- Livre IV, lignes 780-789 :
- Le plongeur endurci au terrible labeur
- Avec sa seule force attaque la proie à nageoires,
- Audacieusement, il plonge depuis le jour céleste,
- S’élance vers les fonds, parcourt la fluide voie ;
- Aussi ferme que sur terre, le long des côtes creusées,
- Il explore les chambres secrètes des profondeurs,
- -Puis il remonte, sauf, vers l’air dont il fut longtemps privé Et serre dans ses mains chargées une paire de captifs.
- Ainsi meurent et le Sargue et le timide Poisson-ombre Sans que les sauvent ni leur peur, ni leur taille.
- Plus loin, lignes 753-762 :
- .........La route liquide,
- Le garçon descend et choisit sa proie.
- Où le cou luisant et la queue effilée se déploient Dans un lieu vide et nu, il étend ses mains prudentes,
- Et unissant ses bras il dompte le captif craquant,
- Il lui casse n^t l’échine, déchire tous ses nerfs,
- Le serre en son étreinte jusqu’à ce qu’il reste inerte,
- Et ne craignant plus la défense aiguë des épines Le plongeur joyeux de sa tâche accomplie Remonte vers la surface, portant le double butin.
- Oppian décrit ensuite comment le poisson-ombre cherche à se cacher, mais en vain, et dans les lignes 781-784, il conclut ainsi :
- Le poisson couché, étendu, insouciant Les doigts serrés du garçon l’attaquent.
- Des profondeurs il remonte et devient la proie,
- Rétractant ses erreurs dans le jour aérien.
- De ces trois extraits on peut conclure que la plongée et la capture à la main des poissons de mer étaient communément pratiquées par les Anciens, aux temps classiques. Fixer la date du récit d’Oppian est très difficile. Une autorité donne 172 et 210 comme dates de sa naissance et de sa mort. Peut-être est-il mieux de dire qu’il vécut dans le dernier tiers du 11e siècle. Plusieurs autorités affirment qu’il mourut à l’âge de 3o ans.
- Prenant tous ces faits en considération, il semble possible de dire que l’Halieutique d’Oppian porte la date d’environ ig5. Certainement, c’est le plus ancien récit de pêche à la main qui nous soit parvenu; le plus ancien ensuite, celui de Friar Odoric de Pardonone concernant la Chine est daté de i325. Vous comptons en parler dans une prochaine étude.
- E. W. Gudger.
- DEUXIÈME DÉBARQUEMENT A LA TERRE ADÉLIE
- Le 9 janvier dernier, le capitaine de vaisseau Max Douguet, commandant l’aviso « Commandant Charcot », a annoncé par radio l’heureuse arrivée de son expédition à la Terre Adélie. C’est le deuxième débarquement qu’il réussit et il faut s’en réjouir puisque cette région de l’Antarctique est. si difficile, à aborder qu’elle est encore à peu près inconnue.
- On se souvient d’une première et vaine tentative en 1949, après une préparation trop hâtive, un départ tardif et aussi parce que la banquise n’avait pu être franchie O).
- L’année suivante, le navire, parti plus tôt pendant l’été austral, eut la chance de trouver une barrière de glaces moins épaisse et plus disloquée ; il réussit à la traverser et atteignit la terre ferme en un point dénommé Port-Martin. Il y débarqua un groupe de jeunes explorateurs, dirigés par M. Franck Liotard. En quelques jours, une station fut édifiée, avec baraques, station de T.S.F., des vivres, des combustibles, des traîneaux à chiens, un petit aéroplane, de nombreux appareils scientifiques.
- Le « Commandant Charcot » reprit alors le chemin de la France tandis que le groupe s’installait pour hiberner et observer pendant
- 1. La Nature, n” 3168, avril 1949, p. 99.
- un an tous les phénomènes naturels dans ce secteur antarctique : climat, vents, marées, courants, magnétisme, transmissions, faune, flore, roches, etc.
- La chance a fait que pendant cette année, l’état sanitaire est resté excellent, aucun accident grave ne s’est produit, les conditions de vie n’ont pas été trop rigoureuses, et aussi que la radio a permis un contact continu avec le monde extérieur.
- Il était convenu que l’équipe de 19S0 serait relevée cette année, si l’on pouvait aborder. Le « Commandant Charcot », parti de Brest à la fin de l’automne est arrivé devant la banquise australe le 2 janvier. Il l’a trouvée à nouveau peu étendue et peu épaisse et le 9 il a pu mouiller à Port-Martin. Il va rembarquer les membres de la mission Liotard, sauf deux qui désirent. participer à un second hivernage, débarquer un nouveau groupe qui sera cette fois sous la direction de deux officiers de marine : le lieutenant de vaisseau Barré et l’enseigne de vaisseau Imbert, ravitailler la station pour une seconde année de vie isolée et d’études.
- On se réjouit en France de ces brillants exploits, on attend avec hâte les résultats des travaux de la première équipe et l’on souhaite à la seconde une année de recherches fructueuses et de passionnants succès.
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- L'huile de ricin,
- matière première de l'industrie chimique
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- Pour de nombreuses personnes, le seul nom d’huile de ricin fait revenir en mémoire quelques souvenirs nauséeux de leur enfance, lorsqu’il fallait ingérer le matin une cuillerée de ce liquide gras et fade; d’autres ont eu l’occasion de sentir une odeur très particulière après le passage d’une voiture de course ou d’une puissante motocyclette et, renseignements pris, ont appris que l’huile de ricin en était la cause.
- Ces deux usages mis à part, on ignore souvent d’autres emplois qui font de l’huile de ricin une matière première importante pour diverses industries.
- Le ricin (Ricinus communis L.) est une euphorbiacée vivace ou annuelle cultivée surtout aux Indes. Il s’accommode du climat méditerranéen et on le rencontre en abondance au Maroc; l’Indochine,
- Madagascar, 1 e Sénégal en produi-s e n t également.
- Une variété (Pàci-nus sanguineus) est cultivée comme plante ornementale en France.
- Souvent, les graines sont désignées par leur lieu d’origine (ricin de Bombay, de Moga-dor, etc.).
- L’huile extraite de la graine contient, sous forme d e triglycérides, les acides gras suivants : acide rici-noléique (de 80 à que, dihydroxy-90 pour xoo), acides o 1 é i -stéarique. Le constituant e s -sentiel est l’acide ricinoléique, e t c’est à lui que l’huile de ricin doit ses propriétés particulières.
- Pour les usages pharmaceutiques, on s’adresse à l’huile de première pression de graines soigneusement triées, en général du Ricinus sanguineus. Elle est employée comme purgatif et entre dans la formule du collodion pharmaceutique pour l’adhérence et la souplesse qu’elle donne à la pellicule sèche (plastifiant). On ne sait si l’on doit attribuer les propriétés purgatives de l’huile à la présence d’un acide-alcool dans ia molécule d’huile ou de quantités infinitésimales de ricine, composé extrêmement toxique. Les besoins pharmaceutiques ne sont pas considérables, même à l’échelle mondiale, et il y aurait surproduction si l’huile n’avait d’autres débouchés.
- Ceux-ci sont relativement peu nombreux.
- L’huile de ricin a été employée autrefois comme lubrifiant,
- dans les moteurs d’avions par exemple, mais le prodigieux développement de l’industrie du pétrole a pour ainsi dire supprimé cet emploi. Des essais ont été faits pour l’incorporer aux huiles minérales (huiles compound), mais elle est difficilement soluble dans ces dernières. Elle n’acquiert de solubilité qu’après chauffage à 2oo°-28o° en présence d’agents déshydratants, ce qui ne va pas sans modifier sa structure chimique.
- L’huile de ricin étant extrêmement visqueuse trouve un autre emploi dans le remplissage des amortisseurs hydrauliques. C’est aussi un liquide de choix pour les presses hydrauliques. Ce sont là cependant des usages mineurs, le principal étant aujourd’hui
- son utilisation comme plastifiant des peintures et vernis nitrocellu-losiques.
- L*huile de ri= cin déshydra= tée. —- Sous cette forme, l’huile de ricin trouve un débouché considérable dans l’industrie des peintures et vernis. Elle n’est pas sic-étalée en couche mince sur un support, elle ne sèche pas à l’air en un film dur et adhérent, contrairement à l’huile de lin, si employée en peinture grasse. Mais sa nature chimique rehd possible sa transformation en huile siccative. En effet, l’acide ricinoléique est un acide dont la molécule contient une fonction alcoolique secondaire. Par élimination d’une molécule d’eau provenant de l’hydroxyle et d’un atome d’hydrogène porté par un carbone voisin, il apparaît une nouvelle liaison éthylénique, tranformant l’acide-alcool monoéthylénique en un acide diéni-que. Deux isomères sont possibles suivant que la déshydrogénation a lieu du fcôté du carboxyle ou de l’autre coté.
- CII3 — (CH,)4 — CIL — CH — CH, — CH
- | = CH — (CH,)7 — C02II
- OH \
- H20 +
- CH, - (CH2)4 — CH = CII - - CH, — CH = CH - - (CH2)7 - - C02H
- ou : CIL — - (CIL), — CIL - 1 0 a 11 11 0 fl CH -(CH2)7- -co2h.
- Récolte du ricin au Dahomey (A.O.F.).
- (Photo S. I. I. D.).
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- de ricin soufflée (par un passage d’air à température relativement peu élevée) est un excellent plastifiant.
- L’industrie des peintures et vernis trouve donc en l’huile de ricin une matière première de choix aux usages multiples.
- U acide ricinoléique. — Par hydrolyse ou saponification, l’huile de ricin, se scinde en glycérine et acide ricinoléique. La glycérine peut entrer dans le cycle de l’industrie chimique pour conduire à ses dérivés habituels : dynamite, résines alkydes, etc. L’acide x'icinoléique, par lui-même sans grand intérêt, peut subir toutes sortes de transformations aboutissant aux produits les plus variés.
- Il est possible, par traitement à l’acide sulfurique, de sulfoner la fonction alcoolique. Après neutralisation à la soude, on obtient le sulforicinate de sodium, agent émulsionnant employé dans la préparation des huiles. dites « solubles ». Une sulfonation partielle donne les huiles pour « rouge turc ». Ces huiles sont destinées à remplacer les anciennes huiles « tournantes » (huiles d’olives rancies artificiellement) servant en teinturerie pour la préparation de la fibre de coton, opération connue sous le nom d’ensimage. Les autres usages de l’acide ricinoléique sont fondés sur la fragilité de sa molécule dans la partie médiane. C’est ainsi que par pyrolyse, l’acide se scinde en acide undécylénique (CH2 = CH — (CH2)8 — C02I!) et œnanthol (aldéhyde heptyli-que) (CH3 — (CH2)5 — CEO). Ces deux produits sont, susceptibles de transformations intéressantes.
- L’œnanthol peut être oxydé par le permanganate de potassium en acide œnanthylique (heptanoïque) employé en parfu merie à l’état libre ou sous forme d’esters.
- Le premier est l’acide linoléique 9-12, constituant normal de l’huile de iin; le second est l’acide linoléique 9-11, ou acide linoléique conjugué, ou acide ricinéique. Ce dernier n’existe pas à l’état naturel, mais sa molécule contient un système diénique conjugué, ce qui le rapproche de l’acide éléostéarique, constituant principal de l’huile de bois de Chine (Aleurites Fordii) contenant deux systèmes conjugués.
- Cette déshydratation peut s’effectuer aussi bien sur le glycéride que sur l’acide, ce qui permet de transformer l’huile de ricin en une huile ayant des propriétés siccatives excellentes.
- La réaction se fait par chauffage de l’huile à une température supérieure à 200° en général, en présence de catalyseurs extrêmement variés dont le plus simple est l’acide sulfurique à faible concentration.
- L’huile obtenue se rapproche plus par ses propriétés de l’huile de bois de Chine que de l’huile de lin. Employée telle quelle, elle donne des films ridés ou givrés, inconvénient qui disparaît si on lui fait subir une polymérisation thermique connue sous le nom de « standoli-sation ». Les standolies d’huile de ricin déshydratée sont d’usage courant en .peinture : leur séchage est rapide et les films ont moins tendance à jaunir que ceux de l’huile de lin. L’huile déshydratée est aussi employée pour la fabrication de résines alkydes modifiées (glycérophtaliques) non jaunissantes. L’huile crue, employée au même usage donne des résines compatibles avec les vernis cellulosiques. L’huile
- Huile de ricin
- Pharmacie
- Soufflage Lubrifiant Déshydratation / Plastifiant \
- / \
- Plastifiant Huile siccative
- Hydrolyse
- Résines synthétiques Explosifs, etc.
- |Alcool octyliqüë| Acide sébacique|
- Parfumerie Résines synthétiques Nylon
- Parfumerie
- Amination
- Lactonisation
- Fusion alcaline
- Polyamide
- (Rilsan)
- \
- \
- \____
- Parfumerie [Acide pélargonique
- Parfumerie
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- Il peut être réduit par hydrogénation en alcool heptylique dont c’est une préparation commode.
- Il donne par une série de réactions appropriées un carbure acétylénique vrai : l’heptyne CH3 — (CH2)4 — G s CE, employé parfois en parfumerie. Ce dernier est surtout intéressant pour sa transformation en heptyne-carbonate de méthyle (CII3 — (CII2)4 — C = C — C02CII3) qui entre dans la composition des parfums artificiels de violette, surtout comme fixateur, en mélange avec l’a-ionone. Il est connu sous le nom commercial de vert de violette.
- L’acide undécylénique est aussi intéressant pour la parfumerie car il donne sous l’action d’agents de condensation la lac-tone undécylénique. Cette dernière possède un parfum de pêche extrêmement intense et très fin.
- La fusion alcaline de l’undécylénate de potassium en pré-sense d’un excès de potasse conduit à l’acide pélargonique (CII3 — (CII2)7 — C02II). Les esters de cet acide ont une odeur de cognac; iis permettent surtout de passer au nonaldéhyde, composant des essences de rose, de citron et d’iris.
- Une utilisation extrêmement importante et relativement récente de l’acide undécylénique est sa transformation en polyamides textiles dont les emplois sont analogues à ceux du nylon.
- Pour arriver à ce résultat, il subit la série de réactions suivantes qui a pour but de le faire passer à l’état cl’acide amino-1 i-undécanoïque :
- a) Bromuration :
- CIL - CH—.(CH2)8CO,H + HBr (gazeux)
- I ‘
- CIL Br — CII2 — (CII2)8 — GOaH et :
- CHS — CIIBr — (CIL)8 — C02II.
- Le deuxième isomère est éliminé dans toute la mesure du possible car il donne des produits sans grand intérêt.
- b) Amination de l’acide bromo-n-undécanoïque qui devient
- un acide co aminé : NH2---(CtI2)10 — C02II + HBr.
- Cet acide chauffé donne par polycondensation le polyamide
- thermoplastique qui peut être ensuite lilé ou moulé (Rilsan).
- La fabrication de cgs polyamides absorbe une quantité très importante d’huile de ricin. Le produit final présente des qualités comparables à celles du nylon classique obtenu par polycondensation de l’acide adipique et de l’héxaméthylène diamine.
- La scission de l’acide ricinoléique peut également avoir lieu par fusion alcaline de son sel de potassium. Les produits obtenus sont différents de ceux provenant de la scission pyrolytique. Ils consistent en alcool octylique secondaire (CH3 — (CH2)S — CHOU — CII3) et acide sébacique (C02II — (CII2)8 — C02II).
- L’alcool octylique peut être déshydraté calalytiquement en octène, ce dernier hydrogéné conduit à l’octane normal dont la séparation à l’état pur à partir des.essences de pétrole est fastidieuse.
- Il est aussi employé en parfumerie après transformation en octvne : CII3 — (CIL). — C CIL
- L’acide sébacique, autrefois curiosité de laboratoire, est devenu maintenant un produit commercial grâce à l’utilisation de celte réaction. Il trouve des emplois dans l’industrie des peintures et celles des matières plastiques.
- Par polycondensation avec le glycérol, l’acide sébacique conduit à des résines alkvdes analogues aux résines glycérophtaliques, utilisées comme, agent filmogène.
- De plus certains diesters, par exemple le sébaçale de dioctyle sont d’excellents plastifiants.
- Par polycondensation avec l’bexaméthylène diamine, l’acide sébacique donne également un polyamide comparable au nylon classique. L’acide adipique peut être partiellement remplacé par de l’acide sébacique dans la fabrication des polyamides type nylon. On obtient ainsi toute une série de copolymères de propriétés variées.
- Les usages actuels de l’huile de ricin sont., comme on le voit,, nombreux et variés, et sans nul doute la curiosité insatiable des chimistes lui trouvera encore de nouveaux emplois. Qui aurait pensé voici quinze ans que ce liquide écœurant deviendrait une des sources principales des bas arachnéens de nos compagnes ?
- • J. Petit,
- Directeur-adjoint du Laboratoire des' Peintures et Vernis du C.N.R.S.
- Mise en service du pipe-line Abkaik-Sidon.
- La Nature a déjà parlé (n° 3178, février 1950, p. 37) des divers pipe-lines, les uns en fonctionnement, les autres en construction ou en projet, destinés à amener les pétroles bruts des gisements de Kirkuk et' du Golfe Persique aux ports méditerranéens, en évitant le long transport par mer autour de la péninsule arabique.
- Le plus grand et le plus long d’entre eux vient d’être mis en service. C’est une conduite de 75 cm de diamètre qui vient d’être posée sur 1 720 km. Elle est alimentée par le gisement d’Àbkaik, au fond du golfe de Bahrein, sur la côte ouest du Golfe Persique. Elle traverse le désert de l’Arabie Séoudite, puis la Jordanie, la Syrie, le Liban et aboutit à Sidon, à 56 km au sud de Beyrouth. On a construit dans le port de Sidon une jetée de 300 m avec quatre points d’ancrage, permettant de charger 13 000'm3 à.l’heure, soit 312 000 m3 par jour et toute une série de réservoirs dont 13
- de 2S 000 t pour les produits bruts et deux de même capacité pour les fuels.
- Le gisement d’Abkaik est un des plus abondants du Moyen Orient. En 1949, il fournit environ 24 000 000 de tonnes dont près de la moitié fut directement chargée sur des navires pétroliers, un quart fut envoyé à la raffinerie de Ras Tanura et le reste transporté à Bahrein par pipe-line ; le port de Ras Tanura exporta en tout 16 000 000 de tonnes de produits raffinés et reçut 1 228 navires pétroliers. Le pipe-line va acheminer environ la moitié de la production ; on compte qu’il débitera d’abord 16 000 m3 par jour et bientôt après 50 000, quand de lïôuvclles stations de pompage seront mises en œuvre. A ce régime, on pourra libérer 100 navires pétroliers du type T-2, économiser 6 000 milles de navigation et réduire sensiblement les frais de transport dus en partie aux péages du canal de Suez.
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- LES PRODUITS RÉFRACTAIRES
- La découverte du feu, ou du moins la découverte du moyen de le produire, marque l’une des dates les plus importantes de l’histoire de la civilisation humaine. Mais il fallut encore un temps considérable pour que l’homme se rendît vraiment maître de ces flammes qu’il savait allumer.
- Sans doute, et pendant longtemps, le feu ne put-il être qu’un brasier plus ou moins abri-té, mais peu à peu l’homme apprit à enfermer son foyer pour le mieux maîtriser, le mieux conduire, le plier à sa volonté.
- Alors la nécessité du « contenant » du feu s’est fait sentir, et les produits nécessaires à la construction de ce « contenant » ont été les premiers produits réfractaires.
- Depuis des milliers d’années déjà, l’homme a su obtenir aies températures élevées. Les Égyptiens savaient fabriquer le verre par des procédés qui diffèrent à peine de ceux employés encore de nos jours pour la production du verre artistique, et les habitants de nos régions savaient à la même époque vitrifier sur place et jusqu’au cœur l’enceinte de leurs fortifications pdur les rendre inattaquables, procédé qui nous paraît aujourd’hui extraordinaire et dont le secret, d’ailleurs, se perdit par la suite.
- Pour cuire leurs poteries, ou fondre le verre, nos anciens employaient déjà fours et pots, et l’argile réfractaire était la base
- de leurs matériaux réfractaires.
- Difficiles et coûteux à fabriquer d’ailleurs, ees produits; et l’on'cherchait autant que possible à s’en passer. Jusqu’à ces dernières années a aussi survécu le procédé de cuisson des briques de construction en plein vent sans aucun four, les briques externes protégeant, durant la cuisson, la masse interne oîi se maintient le feu.
- , Cependant, depuis un siècle et demi, la naissance de la grande industrie a subitement fait apparaître des besoins nouveaux. Le développement, prodigieux de la métallurgie, notamment, s’est trouvé directement lié au problème du contenant réfractaire au feu, du foyer, du fourneau, du four. En fait, le problème de ce contenant réfractaire a été — et il est toujours •— à la base des progrès de la sidérurgie, de l’augmentation de puissance des centrales thermiques et ries élaborations chimiques.
- Ainsi, depuis cent cinquante ans est née une industrie des
- produits réfractaires; hésitante et empirique pendant plus d’un siècle, elle a pris depuis quelques dizaines d’années un développement scientifique considérable et elle progresse à grands pas.
- Le temps n’est donc plus où l’on choisissait simplement pour construire un foyer ces briques d’argile auxquelles la cuisson conférait une couleur claire et qui résistaient curieuseement au feu. A l’argile s’adjoignent aujourd’hui bien d’autres matériaux
- Fig. 1. — Moulage manuel de brigues réfractaires, sans
- réfractaires en pâtes plastiques. relation avec elle.
- La silice a d’abord constitué les produits réfractaires « acides ». Plus tard, la magnésie a constitué les réfractaires « basiques »; la dolomie joue le même rôle. D’autres matières comme l’alumine, la chromite, sont à peu près neutres. Le carbone, le carbure de silicium ont des propriétés particulières et sont neutres également. Bien d’autres matières encore sont aujourd’hui utilisées ou en passe de l’être.
- Quant aux procédés de fabrication, ils sont depuis quelques dizaines d’années sortis aussi de l’antique empirisme des procédés par lesquels le potier modèle sa pâte. Presses à grande puissance et marteaux-pilons, compriment ou forgent la matière, ou bien celle-ci est coulée à l’état liquide, à l’état de suspension colloïdale.
- T,es températures de cuisson des briques réfractaires atteignent jusqu’à i 700°, rejoignant celle des fours d’aciérie les plus pous-1 ses et parfois d’ailleurs la matière réfractaire est fondue au four électrique, au voisinage de 2 ooo°, pour êti’e. coulée à la manière d’un bloc de fonte ou d’acier.
- La technique de tels produits n’a plus rien à envier à l’industrie du métal dont elle connaît aujourd’hui toute la complexité, comme aussi, hélas, toutes les difficultés.
- Faisons un tour d’horizon sur les progrès de cette industrie, au développement si jeune et si complexe.
- Les procédés de fabrication.
- Parmi tous les matériaux réfractaires, un seul, l’argile réfractaire, possède celte propriété particulière de former avec l’eau une pâte plastique, modelable à la forme désirée et gardant cette forme après cuisson. Aussi, sert-elle, quand elle n’est pas employée seule, à rendre modelables d’autres matériaux réfractaires, par mélange avec eux.
- On peut par suite diviser les, produits réfractaires, du point de vue des procédés de fabrication, en deux catégories : ceux cpii contiennent de l’argile réfractaire et ceux qui en sont exempts.
- Les produits d’argile réfractaire ou contenant de l’argile réfractaire comme liant peuvent être fabriqués en pâte plastique, moulée à la forme désirée; cette pâte peut être rendue fluide et coulée alors dans des moules poreux (plâtre) où elle durcit. La matière peut enfin être agglomérée à l’état de poudre humide mais adhésive, par compression à la presse ou au marteau-pilon. Les produits 11e contenant pas d’argile ne peuvent guère être moulés que par forte compression d’une poudre appropriée, ou par coulée de matière fondue au four électrique.
- Voyons d’un peu plus près ces procédés dont certains sont très récents.
- Produits d’argile réfractaire. — L’argile fait pâte avec l’eau, mais cette pâte en séchant et cuisant se rétracte et se fissure. On ne peut employer l’argile pure pour fabriquer une brique réfractaire. En mélangeant à l’argile crue une quantité convenable d’argile déjà cuite et broyée, on ne change rien à la composition du mélange, mais la pâte obtenue se rétracte moins et ne se fissure plus au séchage et à la cuisson. C’est.ainsi qu’on fabrique une pâte réfractaire utilisable.
- Cette pâte est ensuite moulée par les procédés du potier : lassée à la main dans un moule en bois démontable (fig. 1), tournée à la forme dans des moules en plâtre dont elle se décolle par séchage, ou bien pressée mécaniquement dans des moules métalliques dont elle prend la forme par fluage plastique, sous pression, et dont on la décolle mécaniquement aussi — non sans difficulté parfois (fig. 2).
- Ainsi est obtenue une pièce, simple brique ou forme compliquée, que l’on doit sécher avec précaution (parfois pendant plusieurs semaines) avant de la cuire.
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- Dans certains cas, la pâte est rendue fluide, par utilisation des propi’iétés colloïdales de l’argile, sous l’effet de produits dits « défloculants » qui-font passer la masse de l’état gel (plastique) à l’état sol (liquide), sans que la quantité d’eau soit augmentée (20 pour 100 suffisent) ; la masse prend alors la consistance *d’une crème et peut être coulée dans des moules en plâtre. Le retrait consécutif au séchage décolle la pièce de son moule dont •elle peut alors être extraite aisément. On peut ainsi couler de très petits éléments, des tubes ou vases minces, ou bien de très grosses pièces pesant 100 kg et plus.
- Mais les procédés les plus modernes et les plus récents consistent surtout à comprimer une matière broyée à l’état finement grenu et à peine humidifiée. Quelques centièmes d’eau suffisent et dans les fabrications perfectionnées, on parvient à incorporer jusqu’à go pour 100 d’argile calcinée dans le mélange, l’argile •crue n’entrant plus que pour xo pour 100. Cette masse à peine adhésive, doit alors être agglomérée sous très forte pression.
- De puissantes presses, exerçant des pressions de 100 à 1 000 t, -des marleaux-pilons comportant une masse tombante de plusieurs centaines de kilogrammes ou, dans certains cas, des marteaux à air comprimé, sont utilisés pour agglomérer la matière -dans des moules d’acier trempé, puissamment armés. Au sortir du moule, la pièce, quasi sèche, est déjà aussi dure que du bois; elle ne prend au séchage et à la cuisson qu’un retrait faible ou nul. Ainsi sont fabriqués les produits argileux qui, après complet séchage, sont cuits en des fours appx'opriés, à des températures qui varient selon les qualités à obtenir entre 1 i5o° et 1 45o° (fig. de couverture).
- Produits liés au moyen d’argile réfractaire. — Dans ces produits, la matière réfractaire essentielle n’est pas plastique. Elle remplace dans les mélanges pâteux, poudreux ou fluides, dont nous venons de parler, l’argile calcinée et broyée. Et le traitement du mélange ainsi obtenu est le même que précédemment.
- A la catégorie des produits ainsi fabriqués appartiennent la cyanile, la bauxite, le diaspore, le corindon et le carbure de silicium.
- Produits sans argile. — Certaines matières réfractaires ne peuvent supporter la présence d’argile avec laquelle elles entrent «en réaction pour donner des produits fusibles. On utilise alors parfois des liants particuliers, tel le goudron pour lier le carbone. la chaux pour lier la silice. Dans ce dernier cas, il y a «combinaison de la silice avec la chaux et liaison par l’intermédiaire du composé formé.
- On bien on n’introduit aucun liant, et ce sont les impuretés naturelles des matières réfractaires, qui, légèrement plus fusibles que la matière essentielle, se l'amollissent ou fondent à la température de cuisson et constituent le ciment des éléments réfractaires.
- Quoi qu’il en soit, et dans tous les cas ci-dessus, la matière est moulée par les procédés dits de compression « à sec » que nous avons exposés plus haut. Après séchage, la cuisson est faite à ti’ès haute température en général (sauf pour le carbone qui est cuit à température relativement peu élevée et à l’abri de l’air).
- Par ces procédés sont fabriqués les produits de magnésie, dolomie, chromite, carbone, etc....
- Produits fondus et coulés. — Enfin, la technique moderne s’est attaquée au problème du moulage des pi'oduits réfractaires par fusion. L’arc électrique est mis à contribution pour parvenir à fondre la silice (1 726°), l’alumine (2 o5o°) ou des mélanges complexes tel celui de zircone (oxyde de zirconium) et alumine.
- On le voit, les procédés de fabi’ication de ces matériaux si résistants au feu sont, par plus d’un point, voisins de ceux de la métallurgie et l’on forge un bloc réfractaire comme on forme une pièce d’acier.
- Fig. 2. — Moulage mécanique de briques réfractaires en pâte plastique.
- Voyons maintenant ce que sont les résultats techniques actuels, ce que sont ces réfractaires dont nous venons de décrire succinctement les principes de fabi’ication.
- Les produits d'argile réfractaire.
- Pour qui n’est pas spécialisé, la « brique réfractaire » en général, est la « brique d’argile réfractaire ». Et il est vrai que cette catégorie de produits repi’ésente près de 90 pour 100 de la consommation totale.
- L’ai’gile réfractaire est un silicate d’alumine hydraté. Par la cuisson, elle perd son eau d’hydratation et se décompose en un feutrage d’aiguilles noyées dans une masse - vitreuse que seul d’ailleurs le microscope nous dévoile, et seulement à fort grossissement (fig. 3). Les aiguilles sont plus réfractaires que le verre; la quantité d’aiguilles est d’autant plus gi'ande que l’ar-glle est plus riche en alumine, aussi recherche-t-on des argiles très alumineuses.
- Jusqu’à ces dernières années, nos ressources en France et en Europe occidentale étaient limitées aux argiles titrant au maximum (auprès calcination) 4o à 42 pour 100 d’alumine (A1203). Des gisements Scandinaves et silésiens atteignaient 45 à 47 pour 100. Depuis quelque deux ans, des gisements de même ordre ont été découverts en France. Notre pays est ainsi doté des plus belles argiles réfractaires que l’on puisse trouver, car la qualité des argiles croît naturellement avec leur pourcentage en alumine.
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- Le progrès des méthodes de fabrication à sec, à forte compression, avec un maximum d’argile précalcinée (appelée cha-motte) dans le mélange, a conduit à des progrès considérables dans la qualité des produits.
- Il y a quelque vingt ans, les meilleures briques fabriquées en pâte et contenant 4o à 4a pour ioo d’alumine, arrivaient à fusion complète vers i 720°. Chauffées ài 200° et plongées brutalement dans l’eau froide, elles se fissuraient généralement dès la première opération. Les produits actuels à 45 pour 100 d’alumine, comprimés à sec et contenant une forte proportion de chamotte, atteignent maintenant 1 75o°, résistent victorieusement à plusieurs opérations de trempe à l’eau du type ci-dessus, et présentent par ailleurs une résistance à la corrosion par les agents chimiques à haute température plusieurs fois supérieure à celle des produits anciens.
- Les autres produits alumineux.
- Dans la gamme des réfractaires à teneur en alumine croissante, nous trouvons successivement :
- la cyanite (improprement appelée sillimanite en général), silicate d’alumine contenant environ 60 pour 100 d’alumine. Les gisements de cette matière sont surtout situés aux Indes et en Afrique Orientale;
- la bauxite, mélange complexe de silicates et d’hydrates d’alù-mine, qui contient en définitive 60 à 70 pour 100 de cette dernière — avec malheureusement une appréciable quantité d’hydrate de fer, impureté gênante. La France est assez bien pourvue de bauxite;
- le diasporc, hydrate d’alumine, titrant 70 à 80 pour xoo d’alumine et qu’on ne trouve qu’aux États-Unis;
- le corindon enfin, ou alumine pure. On le trouve à l’état naturel, mais c’est à peu près exclusivement le corindon artificiel qui est utilisé par l’industrie.
- Toutes ces matières sont relativement coûteuses; elles ont des propriétés particulières qui les rendent précieuses pour certaines applications, et parfois aussi des défauts graves.
- La brique de cyanite (point de fusion complète ou « résistance pyroscopique » voisin de 1 8oo°) est en quelque sorte une superbrique argileuse, plus rigide à chaud et plus résistante aux variations de températures, mais dont il nous faut importer la matière première à prix très élevé.
- Les briques de bauxite (60 à 65 pour 100 d’alumine; résistance pyroscopique, x 790°) et mieux encore celles de diaspore (70 à 75 pour 100 d’alumine; résistance pyroscopique, 1 85o°), grâce à leur haute teneur en alumine résistent énergiquement à la corrosion chimique par le clinker dans les grands fours rotatifs de fabrication du ciment.
- Enfin, le corindon (point de fusion : 2 o5o°) résiste à des températures très élevées. Il supporte mal, par contre, les brusques variations de température. Il présente une résistance particulière à certaines corrosions chimiques.
- Les produits de silice.
- Ces produits sont constitués de silice à peu près pure (96 pour 100 environ) et les matières premières en sont certaines catégories de grès siliceux (quartzites), des silex, des meulières.
- Sous l’effet des températures éleyées, le quartz qui constitue l’élément cristallin de ces roches est transformé en deux autres variétés de silice : la tridymite et la cristobalite qui sont les constituants essentiels de la brique de silice terminée (fig. 4, 5 et 6). Cette transformation nécessaire est en général d’autant plus difficile à obtenir que la matière première est plus pure, plus, riche en silice; la présence de chaux, qui sert en même temps de liant (par combinaison à haute température), facilite ces transformations par action catalytique (on dit ici minérali-
- satrice) ; il faut en outre, une très longue cuisson, plusieurs jours de maintien au voisinage de 1 5oo°,
- Le progrès techniqiie se manifeste par la réalisation de briques de plus en plus pures, de plus en plus lâches en silice (jusqu’à 97 pour 100). Les briques de silice qui fondent entre 1 700° et x 75o° présentent une rigidité et une résistance mécanique à haute température extraordinaires (jusqu’à 1 65o°). En même temps, elles supportent sans dommage les brusques variations de température entre 6oo° et 1 700° (Elles se brisent, par contre, si on les refroidit sans précaution au-dessous de ce chiffre). Ces qualités en font une matièx’e de choix pour la construction des voûtes de fours chauffés à très haute température lors de l’élaboration de l’acier (fours Martin, fours électriques à électrodes) lors de la fusion du verre, etc. A la température atteinte dans ces fours, les briques argileuses, quoique non fondues, seraient, considérablement ramollies et les voûtes s’affaisseraient.
- Les produits de magnésie.
- Comme les produits de silice, les produits réfractaii'es de magnésie sont nécessaires à l’élaboration de l’acier. Aussi leur-production a-t-elle donné lieu à beaucoup de recherches.
- La matière première est le carbonate de magnésie, qui ne se trouve en quantité et qualité appropriées que dans un petit nombre d’endroits : Styrie et Carinthie, Oural, Mandchourie notamment.
- Pour obtenir la magnésie proprement dite (MgO), on calcine le carbonate et, bien que la décomposition soit obtenue à basse températui’e (la l’éaction est complète vers 85o°), il faut calciner jusque vers 1 700°. On obtient ainsi une magnésie dite, frittée, agglomérée en grains durs et ne se réhydratant plus au contact de l’air, comme il arrive lorsque la matière 'est insuffisamment calcinée.
- Cette calcination s’effectue soit dans des fours verticaux ressemblant à des fours à chaux, soit dans des fours tournants horizontaux en acier, chemisés de briques de magnésie et pouvant avoir 100 m de long, comme les foui’s à ciment modernes.
- L’oxyde de magnésium (ou magnésie) fritté, contient près de 90 pour 100 d’oxyde MgO pur et 8 à 12 pour 100 d’impuretés. L’oxyde lui-même est exti’aordinairement réfractaire. Son point de fusion est d’environ 2 8oo°; mais les impuretés forment des combinaisons fondues ou ramollies vers 1 6oo° à 1 700°. En cuisant à ces températures, les briques obtenues par compression à froid de grains de magnésie frittée (au besoin en ajoutant une colle organique), ces impuretés assurent l’agglomération définitive de toute la masse (fig. 7).
- Les gisements de carbonate de magnésie de bonne qualité sont rares; on a cherché d’autres ressources. Aux États-Unis et en Grande-Bretagne notamment, ont été créées d’importantes usines où l’on extrait la magnésie de l’eau de mer. Pour ce faire,
- • on précipite par la chaux le chlorure de magnésium contenu dans l’eau de mer. On obtient alors de la magnésie hydratée (Mg(0II)2) qui, calcinée au four tournant comme précédemment, foui'nit une magnésie frittée utilisée également pour la fabrication des produits réfractaires.
- En même temps qu’on développait l’extraction de la magnésie de l’eau de mer, on a imaginé un nouveau procédé d’agglomération de la matière (une première fois frittée) sans la cuire à nouveau. On utilise pour cela la propriété du chlorure de magnésium en solution de donner avec la magnésie une masse solide (oxychlorure de magnésium : ciment Sorel).
- La magnésie, en même temps qu’elle possède des qualités réfractaires exceptionnelles, résiste à l’attaque du fer en fusion, ce que ne peuvent supporter la silice ou l’argile réfractaire. C’est pourquoi dans les fours à acier, la partie supérieure étant en silice, la partie inférieure de la construction qui contient le métal fondu est en magnésie.
- On emploie également ia dolomie, carbonate double de magné-
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- sium et de calcium, qui, calcinée comme précédemment, fournit un mélange intime de magnésie et de chaux, encore extrêmement réfractaire (2 35o°) et résistant au fei en fusion. Mais cette matière, contrairement à la magnésie frittée, reste sensible à l’humidité de l’air; comme la chaux vive, elle s’effi'ite et se désagrège.
- D’importantes recherches ont été entreprises, déjà en partie couronnées de succès, pour rendre stable à l’air la dolomie calcinée; certains silicates magnésiens, l’oxyde de fer, calcinés avec la dolomie se sont révélés relativement efficaces.
- Enfin, on a amélioré certains caractères des briques de magnésie pure, en mélangeant à celle-ci de la chromite (FéO, Cr203).
- Le mélange de magnésie et chromite est comprimé, puis cuit à haute température comme s’il s’agissait de magnésie.
- Produits carbonés.
- Le graphite, mélangé à l’argile réfractaire, est utilisé pour la fabrication des creusets pour fusion des métaux (creusets souvent dits de « plombagine »).
- Mais le carbone lui-même, coke de houille ou de pétrole, aggloméré avec du goudron, est aussi employé pour constituer
- des blocs, utilisés notamment pour la construction de certaines parties des hauts-fourneaux. Le carbone n’est pas mouillé par la fonte en fusion et, à condition qu’on évite toute entrée d’air (qui en provoque la combustion rapide), il constitue un revêtement très résistant.
- Enfin, le carbure de silicium, fabriqué au four électrique, et qui ne se décompose (il ne fond pas) que vers 1 8oo° est utilisé aussi (aggloméré par de l’argile) pour constituer des creusets et des moufles. Sa conductibilité thermique est, en effet, environ dix fois celle de l’argile réfractaire. 11 possède, en outre, l’avantage d’une grande rigidité à haute température, mais il résiste mal à l’action de l’air qui le « brûle » lentement à température élevée; il ne peut être employé sans précaution.
- Produits nouveaux.
- A cette longue série de produits réfractaires, tous remarquables par quelque caractère particulier, d’autres, sans aucun doute, se joindront encore. Déjà, en fondant à très haute température, au moyen de l’arc électrique, certains des produits déjà cités (bauxite par exemple), on obtient des blocs fondus, à haute teneur en alumine ou à haute teneur en silice (silice fondue à
- Fig. 3. — En haut, à gauche : Silice ; forme quartz, dans une quartzite (100 x).
- Fig. 5. — En bas, à gauche : Brique d’argile réfractaire vue au microscope sous fort grossissement ( 800 x ). Feutrage d’aiguilles noyées dans une phase vitreuse.
- Fig. 4. — En haut, à droite : Silice ; forme tridymite (100 x).
- Fig. 6. — En bas, ail milieu : Silice ; forme cristobalite (650 x).
- Fig. 7. — En bas, à droite : Magnésie de Veitsch (Styrie) frittée à 1 7000 (200 X ).
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- peu près pure), utilisés pour la partie la plus délicate des fpurs à fondre le verre.
- On a de même réussi à fondre en une masse homogène un mélange d’alumine (A1203) et de zircone (ZrO,).
- On travaille beaucoup à réaliser par les moyens ordinaires des réfractaires de zircone (Zr02) et de zircon (ZrSiOj.
- D’autres oxydes et carbures réfractaires seront, sans doute, utilisés dans l’avenir.
- Produits réfractaires isolants.
- Des briques réfractaires isolantes, si particulières et encore . peu connues, ont été mises au point depuis déjà plusieurs dizaines d’années, mais c’est seulement au cours de la dernière décade que leur emploi et, partant, leur fabrication se sont développés.
- Il est regrettable d’ailleurs qu’on n’ait pas compris plus tôt l’intérêt de ces produits qui permettent d’éviter d’énormes pertes de calories par les parois des fours.
- Ce n’est pas seulement la chaleur transmise à l’air ambiant par la paroi qui est économisée par l’emploi de tels produits, mais aussi l’énorme quantité de chaleur accumulée dans les murs du four eux-mêmes, dont la masse entière doit être portée à la température élevée à chaque mise en régime.
- Les briques réfractaires isolantes, poreuses et légères, ont une densité et une conductibilité quelque trois fois moindre (en moyenne) que les briques normales. Elles peuvent cependant, dans beaucoup de cas être mises en contact direct avec les gaz chauds jusqu’à i 4oo°.
- Elles constituent certainement un progrès remarquable pour
- la technique de construction des fours et l’économie des combustibles.
- Leurs procédés de fabrication consistent à obtenir la formation de pores dans une pâte d’argile réfractaire, soit par incorporation de particules combustibles qui brûlent et disparaissent au cours de la cuisson, soit par incorporation de produits moussants qui provoquent la formation de bulles.
- Ou le voit, l’industrie des produits réfractaires est loin du temps où l’on choisissait simplement les briques de couleur claire, parmi des briques de construction, parce qu’elles résistaient mieux au feu.
- Les progrès réalisés, ceux en cours, requièrent d’ailleurs de profondes recherches. Les laboratoires des usines et centres de recherches sont devenus extrêmement importants et... compliqués. Tout l’appareillage de la chimie et de la physique est mis à contribution, et, du microscope optique au microscope électronique, en passant par la spectrographie et la diffraction des rayons X, aucun instrument, aucune méthode d’investigation de. la matière ne sont plus laissés de côté (x).
- Y. Letort,
- Directeur général du Centre national d’études et de recherches céramiques.
- 1. La question des produits réfractaires présente une si grande importance pour de nombreuses industries de premier plan : métallurgie, cimenterie, catalyses et synthèses organiques, etc., que le Centre national de la Recherche scientifique a créé un Comité des hautes températures, dont l’actif président est M. Lebeau, membre de l’Institut et le secrétaire général, M. F. Trombe. Ce Comité a tenu de- nombreuses séances depuis plusieurs années et fait appel au concours de tous les spécialistes français. Il a récemment rassemblé les résultats de ses études dans l’ouvrage suivant : Les hautes températures et leurs utilisations en chimie, publié sous la direction de M. P. Lebeau, 2 vol. in-8", brochés : 8 200 francs ; reliés : 9 000 francs. Masson et Clc, Paris, 1950. Ceux que la question intéresse s’y reporteront utilement.
- Le développement de la
- I e Comité océanographique et d’études des côtes du Maroc a consacré un fascicule de son Bulletin, scientifique à l’étude des progrès de la pêche maritime sur ces côtes, d’après les exposés présentés par MM. Felici, directeur du Commerce et de la Marine marchande ; Gorry, chef du Service de la Marine marchande et des Pêches; Furnestin, directeur du Service scientifique des pêches.
- Ces progrès sont remarquables. Avant 1914, le Maroc n’avait ni ports, ni flotte marchande, guère de bateaux de pêche, ni de marins. La mer n’attirait personne et les côtes étaient à peu près désertes. Ce n’est qu’après la première guerre mondiale, qu’on entreprit la construction de ports et de, rades pour ouvrir ,u Maroc des débouchés vers la mer, notamment pour ses richesses minières et ses phosphates. En 1921, le Service de la Marine marchande et des pêches fut créé à Rabat, puis transféré en 1940 à Casablanca. En 1946 seulement, un service scientifique des pêches maritimes lui fut adjoint. Depuis 1934, on s’efforce dè former des marins indigènes dans une école maritime professionnelle musulmane. La dernière guerre fut pour le Maroc une période de prospérité, pendant laquelle il apprit à mener une vie plus autonome et à assurer son ravitaillement, puis ces dernières années virent un afflux de capitaux et d’industries de toutes sortes venant s’implanter dans ce territoire libre et par certains côtés international.
- ' La flotte de commerce marocaine qui ne comptait qu’une demi-douzaine de cargos caboteurs jaugeant ensemble 3 100 tonneaux comprend maintenant des cargos de plus de 1 000 t, des navires fruitiers, des navires citernes ’ (pinardiers disent les spécialistes, hélas !), un navire pétrolier*, en tout 40 000 t de portée en lourd,
- pêche au Maroc.
- La pêche a montré une activité encore bien plus grande, comme
- l’indique le tableau suivant : 1920 1930 1947
- Nombre de bateaux de pêche 424 555 1.811
- . ( Chalutiers 1,0111 l Sardiniers 4 28 47
- 51 81 192
- Tonnage total en tonneaux 1.040 2 295 6.068
- Personnel de marins pêcheurs .... 1.799 2.724 6.352
- Rendement en tonnes 4.184 23.436 50.668
- t-, , f poisson frais D<mt j conserves 2.716 10.332 14.053
- 1.468 13.104 36.615
- Nombre d’usines de conserves .... .. S 24 130
- Au début, l’industrie dp la conserverie s’était groupée à Casablanca ; en ces dernières années, elle s’est surtout développée dans le sud, principalement à Safi et à Agadir.
- Aujourd’hui, Casablanca pêche autant de sardines que le port métropolitain de Douarnenez ; Safi en pêche plus du double et compte une centaine d’usines neuves et modernes. D’autres poissons approchent des côtes : anchois, maquereaux, thons de diverses espèces qu’on commence à exploiter et aussi de nombreux cétacés qui pourraient alimenter des usines spécialisées.
- La pêche devient sur tout le littoral atlantique le plus rapide et le plus spectaculaire des récents enrichissements du Maroc. On lui doit la poussée des villes-champignons du sud, telles que Safi et Agadir. Elle n’a pas fini sa croissance, bien qu’il lui faille maintenant chercher des débouchés dans la Métropole où elle rencontre la concurrence des pêches côtières traditionnelles et des usines des ports de vieille réputation, et à. l’étranger où la concurrence devient âpre à mesure que la conserverie s’organise dans toutes les mers poissonneuses de l’àncien et du nouveau continent.
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- LA PROTECTION DE LA NATURE,
- problème pratique primordial et urgent
- ’Union internationale pour la protection de la Nature (U.I.P.N.) a tenu sa seconde assemblée générale à Bruxelles du 18 au 23 octobre 1950. Rappelons tout d’abord très brièvement les étapes par lesquelles elle est passée. Son pionnier a été le zoologiste suisse Paul Sarazin, qui avait réussi à en jeter les bases, à la veille de la guerre de 1914-1918. Cette guerre avait empêché la réalisation de l’œuvre entreprise. Des initiatives analogues s’étaient fait jour en Belgique et en Angleterre et il s’était constitué, à Bruxelles, un Office international pour la protection de la Nature (O.I.P.N.) qui subsiste toujours et qui a réuni une documentation bibliographique considérable. En 1933, une Conférence internationale pour la protection de la faune et de la flore africaines s’était réunie à Londres en vue d’étudier les moyens d’action. La guerre de 1939-1945 avait une nouvelle fois enrayé la réalisation du programme établi. Au lendemain de la paix, la Ligue suisse pour la protection de la Nature, héritière des efforts de P. Sarazin, organisa, en 1947 à Bâle, une réunion préparatoire, d’où sortit, en 1948, une Conférence internationale tenue à Brunnen, sur le lac des Quatre Cantons, qui jeta les bases de l’Union actuelle et codifia les problèmes dans leur ensemble. Le siège de l’Union fut fixé à Bruxelles et une Conférence internationale fut organisée en 1948, à Fontainebleau pour en ratifier définitivement les statuts. Les questions posées furent encore examinées, sous l’égide de l'Unesco, dans une conférence technique tenue aux Etats-Unis, à Lake Success, en iq49, qui formula, sous une forme précise, une-série de vœux mettant en valeur l’importance majeure des questions posées, les analysant et en montrant l’urgence.
- L’Union internationale pour la protection de la Nature est l’agent désigné de la mise en œuvre de ce programme et elle s’y emploie, sous la présidence de M. Ch. J. Bernard et de son secrétaire général, M. Jean-Paul Harroy.
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- Avant d’aborder les travaux de la réunion de Bruxelles, il me semble nécessaire de résumer rapidement les aspects principaux du problème de la Protection de la Nature.
- La Nature se présente à nous comme l’équilibre réalisé spontanément à la surface du globe entre un nombre considérable de facteurs physiques et biologiques. Il en est résulté, suivant les climats et par le jeu de la concurrence vitale entre les organismes, l’établissement des faunes et des flores et celui d’aspects généraux, tels que la forêt, la brousse, le désert, etc.... Cet équilibre général a subi des transformations nombreuses au cours des âges géologiques, mais, à la phase actuelle de l’histoire de la Terx’e, a surgi un facteur nouveau et capital, l’action de l’homme, qui a constitué un élément antagoniste de tous les autres et en altère de plus en plus intensément les rapports. Si l’homme ne dispose pas des lois naturelles elles-mêmes, il les perturbe, consciemment ou. inconsciemment et provoque ainsi finalement les plus graves bouleversements. Cette action perturbatrice s’est exercée depuis plusieurs millénaires, mais a été en s’aggravant avec le développement de la civilisation et particulièrement à l’époque présente, où la science a mis entre nos mains des moyens d’action de plus en plus puissants. Cette intervention humaine se solde par des destructions de plus en plus considérables, découlant directement ou indirectement d’elle et échappant finalement à son emprise.
- L’homme vivait initialement par petits groupes, allant de la famille à la tribu et vivant, — comme aujourd’hui encore les Pygmées et d’autres populations sauvages, — de la cueillette
- des fruits et de la chasse, avec des armes modestes. C’était une nécessité pour lui de se défendre contre les grands animaux. Le résultat de cette lutte a été, dans les régions de vieille civilisation, la disparition des grands Mammifères, éléphants, carnivores, etc. Les peintures préhistoriques des grottes de nos pays nous en laissent le témoignage concret. Bien des espèces animales plus ou moins inoffensives ont été égalemént anéanties. Empêcher la disparition définitive des vestiges de ces faunes passées qui subsistent encore est un des problèmes qui se posent à l’Union pour la protection'de la Nature.
- Combien cette action destructive est rapide nous est révélé par des cas nombreux et récents. Dès que l’homme, au cours des derniers siècles, a mis le pied sur des îles jusque-là inhabitées, comme les îles Mascareignes, a sonné le glas d’espèces d’oiseaux inoffensives, telles que le Dronte et le Dodo ou les grandes autruches de la Nouvelle-Zélande (Dinornis) et de Madagascar (Æpyornis). Le développement de la civilisation amplifie prodigieusement cette action destructrice, comme en témoigne l’histoire toute récente des États-Unis. On en aura une vision concrète en lisant un livre tout récent de Constantin Weyer : Dans les pas du naturaliste, où il fait revivre l’œuvre d’Audubon, au début du xix® siècle, en la replaçant dans son milieu naturel. La colonisation du Far-West et l’avènement des chemins de fer a anéanti en quelques années les immenses troupeaux de bisons qui vivaient dans la Prairie, au centre de l’Amérique du Nord.
- Dès ses débuts, la civilisation, avec la naissance et le progrès de l’agriculture, a eu pour conséquence, en nos régions, la destruction étendue, mais heureusement uon totale, de la forêt, par exemple en Gaule et en Germanie à l’époque romaine. Dans les pays de vieille civilisation qui entourent la Méditerranée, les montagnes se sont peu à peu dénudées. La vie pastorale a été encore plus néfaste pour la Nature et elle a conduit à la désertification progressive de l’Orient et de l’Afrique du Nord. La simple introduction d’animaux comme la chèvre ou le mouton dans certaines îles, par exemple à Sainte-Hélène, a suffi à les transformer en un roc stérile.
- Nous sommes en présence, à l’heure actuelle, de problèmes qui se posent à une échelle énorme et avec une urgence pressante, sous peine de conséquences catastrophiques pour l’humanité tout entière et dont l’opinion publique doit prendre pleine conscience.
- Ainsi, les populations indigènes plus ou moins sauvages de l’Afrique usent rapidement le sol sans l’entretenir, par des engrais et se portent successivement sur de nouveaux terrains en pratiquant des feux de brousse, laissant derrière elles une terre épuisée sur laquelle la végétation primitive est incapable de se reconstituer. Sous l’influence du soleil, les sols argileux mis à nu subissent une véritable cuisson qui les transforme en une sorte de brique stérile, la latérite. La latéritisation est le prélude de la désertification.
- Les cultures industrielles extensives, qui se multiplient actuellement dans la zone tropicale sont également redoutables. On en a un exemple frappant dans Celle du café en Amérique du Sud, dans l’Etat de Sâo Paulo. En quelques années, le sol est épuisé et la culture se déplace vers l’ouest, en y détruisant la forêt toujours plus profondément, pour ne laisser derrière elle qu’une terre ruinée.
- Sur ces sols dénudés s’exercent, suivant les climats et les reliefs, deux fléaux également redoutables : l’érosion et la désertification. Un exemple spectaculaire de la première de ces deux conditions est la Tennessy-Valley aux Etats-Unis. L’exten-
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- sion du désert sur la terre dénudée se manifeste actuellement de façon rapide et angoissante en Afrique Occidentale. Un des hommes qui connaissent le miéux cës régions pour les avoir minutieusement explorées en botaniste, depuis un demi-siècle, M. Aug. Chevalier, a récemment jeté un cri d’alarme, dans une série de notes aux Comptes Rendus de VAcadémie des Sciences (1). Il a, dans des voyages récents-, constaté de visu les progrès rapides de la désertification, le vent transportant rapidement les sables sur les espaces dénudés, en les déposant en couches de plus en plus épaisses. Qui a visité l’Égypte et en particulier la nécropole de Sakkarah, au voisinage des Pyramides, a une vision quasi hallucinante de ee phénomène.
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- C’est en face de tous ces graves et multiples problèmes que se place l’Union internationale pour la protection de la Nature. Ils sont à des échelles très diverses qu’on peut résumer de la façon suivante :
- I. — Questions locales. — a) Protection des sites et aussi de monuments historiques (2 3 * *) contre des déprédations de toute nature. De nombreux sites sont gravement menacés présentement par des constructions de barrages: En Suisse, la Ligue suisse pour la protection de la Nature a réussi ainsi à protéger le lac de Sils, qu’on voulait utiliser comme réserve d’eau d’un barrage et ce n’est pas un exemple isolé. Les administrations militaires exercent souvent aussi de grands ravages sur des sites ou des monuments historiques.
- b) Établissement de réserves naturelles où soient interdites toutes actions modifiant le jeu des forces naturelles et en particulier la chasse. Ces réserves sont appelées souvent parcs nationaux, mais il s’en trouve de diverses catégories pour lesquelles a été créée une nomenclature assez complexe et qui est difficile à unifier. C’est aux États-Unis qu’ont été organisés les premiers parcs nationaux, tels que celui du Yelloiustone. Il y en a maintenant. dans de nombreux pays, en Suisse (Parc national suisse entre la vallée de l’Inn et la frontière italienne), en Italie (Parc du Gratul Paradiso), en France (Camargue), etc... Ces parcs servent de refuges pour des espèces animales en voie de disparaître (bouquetin, chamois, ours, bison, etc.). En Afrique Équatoriale, il en a été établi à grande échelle au Congo belge (Parc national Albert, etc.), en Afrique française (AP Nimba, etc.), en Afrique australe. Dans certaines réserves, la chasse est réglementée et limitée, dans d’autres, elle est complètement interdite. Il va de soi qu’il ne suffit pas de décréter l’établissement de ces parcs ou réserves, mais qu’il faut encore en assurer effectivement la protection.
- II. — Questions générales. — a) Réglementation de la chasse
- aux Mammifères marins (Cétacés, Siréniens). — Cette chasse a un caractère industriel et pourrait aboutir rapidement, si elle n’était réglementée de façon stricte, à la disparition des espèces. Tel a été au début du xviii6 siècle, en quelques décades, le sort de la Rhytine (Sirénien) dans le Pacifique nord. Les baleines ne subsistent plus guère actuellement en grand nombre que dans les régions australes, au voisinage des glaces. Le phoque à fourrure, qui se rassemble à l’époque de la reproduction aux îles Pribiloff a dû être protégé d’une destruction qui aurait été rapide (3). 9
- 1. La décadence des sols et de la végétation en Afrique occidentale française et la protection de la Nature, C. R. Acad. Sc., t. 230, 1950 et Revue Internat, de Botan. et d'Agric., nos 333-334.
- 2. On me racontait l’été dernier en Bretagne un cas typique. Un' paysan, dans la région de Roscoff, dans un de ses champs, où il cultivait des artichauts, avait fait sauter un dolmen qui s’y trouvait, pour pouvoir planter quelques pieds de plus. J’avoue n’avoir pas vérifié le fait de façon précise, mais il me paraît symbolique.
- 3. Voir le très intéressant travail de W. H. Osgood, E. A. Pealle and
- G. H. Parker, The Fur Seals and other Life of the Pribilof Islands, Alaska
- in 1914. Bull, of the Bureau of Fisheries, 34, 1914, 172 p., 24 cartes, 18 pl.
- b) Préservation du sol contre l’érosion et, sous les tropiques, contre la latéritisation et la désertification. Je renvoie à cet égard à ce que j’ai dit plus haut. C’est une. question d’importance pratique capitale.
- On voit par cette simple énumération la multiplicité et la diversité, en môme temps que l’ampleur des problèmes posés. Ils sont souvent, en eux-mêmes, très complexes et beaucoup débordent le cadre national. Ils doivent donc être posés et résolus, sur une base scientifique, à l’échelle internationale, par une coopération méthodique des divers pays.
- Le rôle de l’Union internationale pour la protection de la Nature est de les poser clairement et de les étudier en eux-mêmes, puis de suggérer aux gouvernements les mesures à prendre de façon coordonnée.
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- L’Assemblée de l’Union à Bruxelles avait pour principal objet de faire le point de sa situation en face des diverses questions précédentes, celui de ses moyens d’action, des résultats déjà obtenus et des efforts immédiats à entreprendre. Elle réunissait des délégations de gouvernements et de sociétés scientifiques de nombreux pays. La situation présente a été exposée dans un remarquable rapport du secrétaire général, M. J. P. Ilarroy. Une Enquête sur Vétat de la protection de la Nature dans le monde en 1950 a été organisée et les réponses à un questionnaire méthodique par les différents pays formeront un volume qui paraîtra très prochainement (on en a distribué les bonnes feuilles). L’Union n’a évidemment pas et ne peut avoir les moyens d’action nécessaires pour résoudre pratiquement les problèmes que pose la protection de la Nature. Elle est essentiellement un organe d’étude et d’information, travaillant en harmonie avec des organisations particulières analogues dans les divers pays et son rôle est avant tout d’éclairer les gouvernements et de leur présenter de façon claire les questions et les solutions qu’elles comportent. Il faut regretter qu’elle n’ait pas jusqu’ici été plus directement aidée par ces gouvernements. Quatre d’entre eux seulement (Suisse, Luxembourg, Pays-Bas, Belgique) ont adhéré à la Constitution de l’Union. Comme il a été dit expressément à Bruxelles, les décisions prises par l’Union dans ses assemblées générales ne lient pas les gouvernements, mais ont pour rôle uniquement de les informer. Il faut donc espérer qu’un grand nombre d’entre eux adhéreront à l’Union et lui apporteront une aide financière.
- Les discussions très intéressantes et nourries qui se sont déroulées à Bruxelles sont essentiellement marquées de ces caractéristiques. Nous ne pouvons ici qu’en indiquer les thèmes principaux.
- L’un d’entre eux porte sur les moyens de conjurer la disparition d’espèces de Mammifères et d’Oiseaux, problème dont est chargé le Survival Service, suivant la désignation adoptée à Lake Success en ig49 (on n’a pas encore fixé une dénomination française officielle). Un rapport a été fait à ce sujet par M. Vrydagh. Cette question est intimement liée à celle des Parcs nationaux et des Réserves, où peut être assurée la conservation des espèces menacées d’extinction. .On s’est limité, pour le moment, à concentrer l’effort sur une liste courte. Le problème ne se limite pas d’ailleurs aux animaux. Il y a aussi des espèces végétales qu’il faut sauver (x). La protection d’une espèce donnée, — par exemple celle de l’ours brun sur le territoire italien, — peut d’ailleurs apporter un argument important à l’organisation efficace du Parc national du Gran Paradiso.
- Un autre champ primordial d’action de l’Union est la large diffusion dans le grand public des questions posées et de leur urgence; on table pour cela sur l’enseignement. C’est d’ailleurs
- 1. On a cité, par exemple, des Solanées de la Cordillère des Andes, comme celles d’où dérivent la tomate, la pomme de terre, le tabac.
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- ce qui a valu à l’Union l’appui de l'Unesco et avait été à l’origine de la conférence de Lake Success en 1949. On a tenu à sortir sur ce terrain du plan théorique et il va être procédé à une expérience à grande échelle dans les écoles italiennes. Toute une. documentation scolaire a été réalisée et va être mise en œuvre. Un comité d’étude spécial a été constitué, qui siégera à Washington, sous la direction de M. Gabrielson. Il y a déjà des universités où la protection de la Nature est l’objet de cours spéciaux.
- A côté de l’enseignement, il est un autre moyen de diffusion important, qui est la publication d’un périodique consacré à la protection de la Nature. La Ligue suisse avait pris, à cet égard, une initiative très heureuse en fondant une belle revue illustrée, Pro Nalura, consacrée à ces problèmes. Elle a publié deux numéros d’un grand intérêt; malheureusement, les difficultés matérielles ont enrayé cette très opportune tentative et la Conférence de Bruxelles a exprimé le vœu pressant qu’elle puisse être reprise.
- La question de la nomenclature tient toujours une très grande place dans les préoccupations de l’Union; il s’agit du choix de termes ayant un sens précis et une valeur légale uniforme dans les divers pays. En Angleterre, le terme de Parc natiorial est déjà défini par un acte du Parlement. M. Bourdelle, à la Conférence de Londres, en ig33, avait proposé tout un code de ce genre, mais diverses personnes le trouvent trop compliqué. Ce problème n’est pas encore définitivement résolu; il pose aussi la question épineuse des diverses langues. On a convenu d’en-
- voyer dans les différents pays un questionnaire pour avoir les bases d’une solution.
- La Conférence avait enfin à se préoccuper de l’avenir de l’Union et, pour cela, à fixer son budget dans les années qui viennent. Tâche naturellement très ingrate. Malgré les diverses subventions reçues et une gestion très prudente, le budget de 1951 se présente avec un déficit de 7 000 dollars. L’Union ne peut vivre que si son financement est assuré et, pour cela, il faut qu’à côté des subventions privées, les gouvernements lui apportent leur appui matériel. Cela n’a pas eu lieu jusqu’ici. Cette aide serait cependant abondamment justifiée par l’importance capi-pale des problèmes en cause, pour l’avenir de l’humanité. Il faut espérer que cette nécessité sera comprise; c’est pour l’Union question de vie ou de mort. Est-il permis de penser que tous les appels, à cet égard, ont leur utilité, y compris le présent article ?
- La Conférence de Bruxelles s’est terminée par la visite des Hautes Fagnes, dans la province de Liège, un des rares points où la Nature ait gardé son aspect primitif dans ce pays surpeuplé qu’est la Belgique et aussi par une excursion dans la forêt de Soignes. Inutile de dire enfin que toute la Conférence s’est déroulée dans une atmosphère de cordialité et d’hospitalité des plus sympathique.
- Maurice Caullery,
- Membre de l’Institut.
- LE PÉTROLE EN EXTRÊME-ORIENT
- Parmi les éléments de la conjoncture actuelle, un des plus importants est sans doute le pétrole qui conditionne pour une large part les transports par air, par mer et par terre.
- Lors du congrès récent de l’American Petroleum Institute, à Los Angeles, M. W. E. V. Abraham, un des directeurs de la Burmah Oil Cy, a présenté le tableau suivant :
- Si l’on appelle Extrême-Orient l’ensemblç des terres comprises entre l’Oural et le Golfe Persique à l’ouest et le Pacifique à l’est, on constate qu’elles représentent plus du tiers,des terres émergées et abritent plus de la . moitié de la population du globe. Cependant, la consommation du pétrole n’y est même pas le vingtième de la consommation mondiale. Un Chinois n’utilise que 600 1 de pétrole par an, alors qu’un habitant des États-Unis dispose de 600 m3, soit mille fois plus. Il est vrai que la seule consommation des États-Unis représente les deux tiers de la production mondiale.
- L’Extrême-Orient a dû consommer en 1949 un peu plus de 5 milliards de mètres cubes et produire moins de i5 millions de brut, dont 70 pour 100 en provenance de l’Indonésie et du Bornéo britannique. Peut-on penser que cette situation changerait rapidement ?
- Les riches gisements du Golfe Persique s’arrêtent brusquement à l’ouest et à l’est. L’Inde, prospectée depuis Co ans, n’a révélé que quelques petits gisements dans le Penjab occidental; des sondages dans le désert de Sind, près de Karachi, n’ont pas donné de résultats; le delta du Gange s’est révélé aussi pauvre; on peut espérer découvrir quelques petites ressources dans le Pakistan oriental, et c’est tout pour toute la'péninsule hindoue. L’Afghanistan a donné quelques indices, sans plus. La Birmanie
- ne fournit plus que 120 000 m3 par an et le pipe-line est coupé entre les puits et la raffinerie de Syriam, près de Rangoon. Le Siam, la Malaisie, l’Indochine ne produisent rien. L’est et le sud de Sumatra, l’est de Java sont plus riches, mais sont actuellement gênés dans leurs exploitations; Sumatra a donné en 1949 5 millions de mètres cubes et Java 80 000 seulement. Un espoir se révèle dans le Bornéo britannique, à Séria, qui a fourni en 1949, 4 millions de mètres cubes. L’Australie, la Nouvelle-Zélande, abondamment prospectées, n’ont rien donné. La Chine n’a qu’une production insignifiante ainsi que les Philippines et la Corée. Le Japon est à peine plus riche et la Russie d’Asie n’a jusqu’à présent que les gisements de Serghana, dans le Turkes-tan et de l’île Sakhaline qui donnent chacun plus d’un million de mètres, cubes par an et ceux de la presqu’île de Taimyr, sous le cercle arctique.
- Certes, la Chine et la Russie d’Asie sont encore peu explorées au point de vue géologique, mais leurs besoins deviendront tellement grands qu’elles ne pourront probablement les satisfaire d’ici longtemps.
- On estime que tout l’Extrême-Orient renferme à peine 2,5 pour 100 des réserves mondiales prouvées, dont o,5 pour 100 seulement en Russie et en Chine. M. Abraham pense que « dans vingt ou trente ans, lorsque les géologues et techniciens russes se seront engagés à fond dans la prospection de leurs vastes territoires asiatiques encore inexplorés, la Russie pourrait perdre ce complexe d’infériorité qu’elle a peut-être maintenant, et qui serait d’ailleurs compréhensible, au sujet des régions voisines du Moyen-Orient ».
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- HISTOIRE TECHNIQUE DU VITRAIL
- III. - VITRAUX ANCIENS ET VITRAUX MODERNES
- Les matériaux et les techniques de mise en œuvre ont évolué au cours des siècles, mais nous avons retrouvé les moyens des verriers du xme siècle. Et pourtant, les plus beaux vitraux modernes semblent extrêmement différents des verrières de Chartres ou de Bourges. Cela ne tient pas à des secrets de fabrication. Quelle explication peut-on en donner ? Nous répondrons par une lapalissade : les vitraux anciens sont vieux, les vitraux modernes sont récents. Les vitraux anciens que nous admirons, nous ne les avons pas vus lorsqu’ils étaient « modernes »; ils ont vieilli, subi de profondes modifications. Les vitraux récents que nous remarquons comme tels sont, soit de mauvaises copies d’anciens, soit au contraire de bons vitraux conçus à notre époque et pour notre époque.
- Vitraux anciens.
- Les vitraux anciens auxquels nous comparons sans cesse les verrières modernes, les voyons-nous comme ils étaient au moment de leur pose, « quand les cathédrales étaient blanches » ? Non. Ils ont subi de nombreuses modifications sous l’action du temps et des hommes : les siècles ont transformé les verres en les patinant ; les plombs ont souffert plus gravement encore et, ont dû être remplacés par des ouvriers plus ou moins soigneux; enfin bien des vitraux ont été brisés volontairement.
- Un bref historique des méthodes de conservation et de restauration des vitraux anciens montrera comment, jusqu’au début du xx° siècle, ceux-là mêmes qui devaient protéger les vitraux leur causèrent des dégâts irréparables.
- Modifications des verres. — La patine des vitraux est la résultante d’actions complexes, physiques, chimiques et biologiques. Suivant qu’il s’agit d’églises urbaines ou rurales, de fenêtres exposées à l’orient ou au midi, de verres du xne ou du xvi0 siècle, les diverses causes agissent plus ou moins.
- Les vitraux s’encrassent. Dans les églises rurales peu entretenues, la crasse est surtout intérieure : suie des cierges, de l’encens, du chauffage en hiver, de l’éclairage (jusqu’à l’installation de l’électricité), des poussières, des toiles d’araignées; tout cela forme un dépôt gras, opaque, qui ternit les verres. En ville, au contraire, c’est surtout la face externe qui reçoit poussières, suie, tout ce qui encrasse tant les verrières; cependant même en ville, des églises comme N.-D. des Victoires, où brûlent sans cesse des buissons de cierges, ont leurs verrières aussi encrassées sur l’une et l’autre face. Un simple lavage enlève facilement cet enduit et rend leur transparence aux vitraux devenus opaques.
- Un autre phénomène, irréparable, qui, à notre connaissance, n’avait jamais été relevé, modifie les verres, particulièrement ceux du xve et du xvie siècles, Le verre est soluble dans l’eau (une expérience classique de laboratoire le montre facilement) et en particulier le silicate de soude. Or les verres à la soude du xvie siècle, fabriqués à faible température, sont très riches en silicate de soude. Sous l’action de l’eau, en présence de gaz carbonique, il se produit un enrichissement superficiel en silice libre et en silicates terreux, au détriment des silicates alcalins. Un verre superficiellement dissous prend un aspect nacré et irisé. Les verres du xme siècle, à base de potasse, sont moins fortement touchés que les verres sodiques. Sous notre
- 1. La Nature, n“ 3188, décembre 1950, p. 353 et n* 3189, janvier 1951, p. 15.
- climat, pendant plus de la moitié de l’année, la température dans l’église est supérieure à la température ambiante; il v a condensation sur la face interne qui, plus souvent que la face externe, se trouve soumise à une action prolongée de l’eau. C’est sur la face interne que le phénomène de dissolution est le plus accentué.
- Par contre, la face externe, plus aérée et éclairée, est favorable à la prolifération des lichens qui vivent sur le verre et y creusent, pour se loger, de nombreux petits trous atteignant o,5 mm de profondeur et un diamètre variant entre i et 5 mm. Sur la face externe, les lichens font des trous assez espacés, moins nombreux mais plus importants que sur la face interne où l’on constate une végétation abondante, mais peu robuste qui laisse de très nombreuses traces minuscules. On a dénombré iG espèces différentes de lichens (x). Le rouge Jean Cousin semble offrir un terrain particulièrement favorable aux lichens qui y prolifèrent; par contre, la grisaille et le jaune d’argent paraissent protéger presque totalement les zones du verre sur lesquelles ils ont été posés. Les verrières orientées à l’ouest (vents de pluies) sont plus attaquées par les lichens que celles orientées au midi.
- Pour l’observateur qui regarde les vitraux de l'intérieur d’une église, toutes ces patines, crasses, irisations, lichens, s’ajoutent pour apporter au verre une même modification : il perd sa transparence et n’est plus que translucide. Cette différence est essentielle; un exemple très récent le prouvera.
- L’hiver dernier, je suis passé à Saint-Paul-de-Vence pour voir un panneau des vitraux dessinés par Henri Matisse pour la chapelle des Dominicaines qu’il fait construire. Ce fragment donne une excellente idée de ce que sera l’ensemble. Matisse a dessiné un motif végétal, vert et jaune, sur fond bleu, simplement monté en plomb sans aucune application de grisaille. Sur ce panneau, toutes les pièces jaunes étaient couvertes de papier calque. La religieuse que j’interrogeais me répondit que Matisse jugeait son jaune trop vif, trop dur, et qu’il avait essayé par ce procédé de le rendre translucide sans transparence. L’essai l’avait satisfait et il pensait faire passer au jet de sable la face externe de toutes les pièces jaunes, afin d’obtenir le même effet de manière définitive. En fait, une très légère couche de grisaille aurait probablement donné le même résultat. Mais l’intérêt de cet exemple réside en ce que Matisse avait senti à quel point le même verre était plus agréable en translucidité qu’en transparence. On peut d’ailleurs remarquer qu’une légère couche de grisaille sur la face externe, tout en dépolissant la surface, assurerait probablement une protection contre une détérioration ultérieure par lés lichens, alors que le sablage leur prépare le terrain.
- Modifications des plombs. — Les plombs du xme siècle ont remarquablement résisté aux siècles et on trouve encore des panneaux dans leur montage d’origine. Par contre, les plombs plus faibles de la Renaissance s’oxydent très rapidement sous l’action conjuguée de l’eau et de l’air chargé de l’acide carbonique dégagé par les lichens. Les plombs se cra-quèlent et se fendillent, deviennent poudreux et tombent en poussière à la première secousse violente. Dès le xvie siècle, les verriers s’en rendirent compte. Mais au lieu de se servir de plombs plus gros et plus soigneusement fabriqués, ils crurent trouver la solution en étamant non seulement les points de soudure, mais l’ensemble des plombs. Le remède fut pire que
- (1) E. Meller et A. Davy de Virville, Détérioration par les lichens d’églises de la Mayenne, Laval, 1922.
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- le mal : la résille de plomb, devenue rigide et sans souplesse, ne fut plus assez ductile pour amortir les chocs des coups de vent ni les tassements de la maçonnerie; les verres cassèrent.
- Destruction des vitraux. — C’est au xvm° siècle que furent détruits les vitraux qui ornaient encore la plupart des églises. Dans les cathédrales, les chapitres exigèrent presque partout la suppression des verrières du choeur qu’on remplaça par du verre blanc; la lumière qui tombait des verrières médiévales était trop faible pour lire le bréviaire. Dans les simples églises, le clergé suivit cet exemple et la Révolution se chargea de détruire ce qui avait été épargné. Mais avant ces destructions relativement motivées, d’autres avaient été commises par les restaurateurs.
- En effet, dès le xviB siècle, par suite de la mauvaise qualité de leurs plombs, beaucoup de verrières menaçaient ruine quelques décades après leur pose. Il se créa des ateliers de verriers ambulants qui s’installaient dans les villes et villages pour y restaurer les vitraux, puis repartaient plus loin. Ces ouvriers, le plus souvent médiocres, pratiquaient le rhabillage. Ils .remontaient en plombs les verrières endommagées; ils intervertissaient sans aucun soin les divers panneaux, les montaient à l’envers, et surtout, pour éviter le travail délicat de réassortiment des pièces manquantes, ils prenaient une des verrières, le vitrail-martyr, et le dépeçaient pour en utiliser les morceaux dans les autres fenêtres. Après une ou deux « restaurations » de ce genre, les vitraux d’une église n’avaient plus aucune signification, et l’on comprend que, deux siècles après, le clergé n’ait éprouvé aucun scrupule à démolir ces puzzles bariolés où les têtes ne correspondaient. plus aux corps et dont les textes, remontés au hasard, n’offraient plus aucun sens.
- Au xix° siècle les verriers jugèrent tout naturel d’ « améliorer » les vitraux qu’ils avaient à restaurer.
- Une élude très documentée de M. Verrier nous enseigne sur les habitudes de cette époque (x). C’est ainsi que P. Mérimée, dans un rapport de septembre 1837, recommande de ne s’adresser pour la restauration qu’à des verriers de second ordre qui n’oseront pas modifier le vitrail sous prétexte de faire mieux que l’original.
- Le travail qu’on demandait aux restaurateurs était d’ailleurs assez simple : on devait boucher les trous, réparer les bordures, mais ne toucher ni aux personnages ni aux tètes. Si cependant tout était à remettre en plombs, on pouvait essayer de reconstituer le vitrail dans son état original
- En i85o, la manufacture de Sèvres refusait d’exécuter les restaurations sans modifications, et seuls les verriers artisans acceptaient de travailler dans l’esprit de l’époque d’un vitrail. Cependant les bonnes intentions ne suppléaient pas toujours à leurs défaillances techniques.
- Les équipes de verriers formés par Viollet-le-Duc réussirent, parfaitement les restaurations de certaines verrières endommagées ; leurs essais de reconstitution de vitraux totalement détruits furent moins heureux.
- Au début de ce siècle, les ateliers de M. Simons, de Reims, réussissaient les premières restitutions vraiment dignes de ce nom, pour les verrières les moins mutilées de la cathédrale. Après la guerre de rgi4-igi8, le même atelier put reprendre et-continuer ce magnifique travail. Mais il arrivait encore ici ou là, que, pour des parties très endommagées, certains restaurateurs se contentaient de monter les morceaux pêle-mêle au milieu de verre blanc : le résultat ne
- (1) Congrès d'Archéologie, 1934.
- peut être comparé qu’à une pièce d’anatomie après dissection.
- Après tant de dégâts de fous ordres, nous ne pouvons prétendre connaître les vitraux anciens tels qu’ils furent conçus, sauf pour quelques ensembles particulièrement protégés comme Chartres, Bourges, la Sainte-Chapelle, etc...
- Depuis une trentaine d’années, l’administration des Monuments Historiques s’est attaquée à ces problèmes; en particulier la dépose de très nombreuses verrières entre ig3g et xg45 a permis de remarquables travaux de restitution et de remise en état.
- Vitraux modernes
- En dehors de certaines imitations de vitraux anciens, dont nous signalerons rapidement les insuffisances,' les vitraux mo-
- Fig. 1. — Pièces dé verre de vitraux du XVP siècle détériorées par des lichens.
- X. Verre blanc, face externe. La surface du verre, très corrodée, a presque totalement disparu. Profondeur moyenne des trous : 0,35 mm. — 6. Verre jaunâtre, face externe. La surface est peu attaquée, les trous sont isolés les uns des autres, mais ils sont gros et profonds (0,6 mm). — 11. Verre verdâtre, face externe. On voit parfaitement le thalle d’un lichen dont le centre a disparu, il s’agit de Diploïcia canescens Ach. (diamètre 4 cm). La corrosion est inégalement répartie : il y a des traces de grisaille sur le bord droit et le bord inférieur.
- (Extrait du bulletin « Mayenne-Sciences », 1921. Document aimablement prêté par M. Davy de Vinvu.Lii).
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- Fig. 2 et 3. — Vitraux du XIIP siècle détériorés par des lichens.
- (Ateliers Normands, Eglise de Moulineaux).
- 2. Fragment de l’Ange de l’Annonciation. — 3. Vierge Deipare.
- Noter le rôle protecteur de la grisaille. Le visage de l’ange et surtout celui de l’enfant ont l’aspect d’un négatif photographique ; en effet, les grisailles ont empêché le ravage par les lichens, ceux-ci ont donc détruit uniquement les zones claires qui, de ce fait, sont devenues les plus foncées, donnant ainsi une véritable inversion des valeurs. — Même phénomène sur la main de l’enfant et celle de l’ange, voir aussi les fonds et les drapés des vêtements. La fleur de lys a été encore plus attaquée. — Sur la tète de la Vierge, la grisaille, mal cuite, a disparu en partie. Le verre, partiellement dissous, est très gravement endommagé. — La main gauche de la Vierge est une pièce de restauration. Noter les trois plombs de casse sur l’épaule de
- l’enfant.
- dernes semblent à première vue, très différents des verrières anciennes. En effet un bon vitrail moderne ne cherche pas à imiter les verriers du xme siècle. Il est conçu dans le style de notre époque, On peut ne pas aimer les œuvres d’art contemporaines; cependant ce serait un signe d’affaiblissement grave si les verriers se contentaient de pasticher les réussites passées. Les vitraux modernes ne sont pas tous des œuvres de qualité. Indépendamment de la valeur du dessin, il y a une série de critères qui permettent de fonder notre jugement sur une œuvre moderne; ce sont les grandes règles de composition et de coloration qui sont propres à l’art du vitrail à toutes les époques. Ces règles, suivies scrupuleusement par les verriers du Moyen Age, nous voulons les rappeler.
- Un vitrail étant un pan de mur translucide, toute sa composition doit se trouver dans un même plan. Aucun trompe l’œil, aucune perspective ne doit « percer » le plan. Les arrière-plans lointains de paysages, les personnages à échelle réduite destinés à donner de la profondeur sont absolument proscrits. Certes les personnages peuvent avoir des échelles différentes pour des raisons de composition, ou encore pour marquer la prééminence du Christ ou de tel Saint, mais jamais aucun verrier du xme siècle n’admit plusieurs plans dans son vitrail. Et cette règle de composition reste valable.
- Les personnages sont nettement cernés pour bien se découper
- sur le fond. Les grisailles sont largement appliquées, compte tenu du recul avec lequel le vitrail sera vu une fois en place. Pour obtenir des dégradés, il est largement fait usage de hachures, de manière à garder le ton local dans les parties sombres. Avec le recul, les hachures disparaissent, mais l’ombre est colorée.
- La lumière mange les noirs, les traits seront donc gras, les lettres épargnées en blanc sur noir. Enfin la disposition des couleurs les unes à côté des autres doit se faire en tenant compte des mélanges de couleurs. Le bleu qui resplendit particulièrement au milieu de la journée, quand le ciel est bien dégagé, a tendance à envahir les autres couleurs; près de lui, le rouge tourne au violet, un filet blanc devient grisâtre. Le jaune, très lumineux, a parfois tendance à faire trou; une pièce rouge près d’une grande masse jaune deviendra orangée. Le rouge s’exalte particulièrement le soir, quand le soleil bas vient frapper le vitrail presque horizontalement ; le bleu deviendra alors azuré, le jaune sera doré.
- Connaissant ces mélanges, les verriers dosaient leurs couleurs avec soin, évitant les rapprochements dangereux, choisissant les dominantes suivant l’orientation, donc suivant l’heure à laquelle le soleil éclaire directement telle ou telle fenêtre.
- C’est la raison pour laquelle la cathédrale de Chartres est si diverse suivant les heures de la journée. Et c’est aussi pourquoi l’éclairage artificiel de ses verrières, même avec de la lumière aussi proche que possible de la lumière solaire, donne un résultat si décevant. Les vitraux deviennent secs et pauvres, il leur manque le reflet du jeu des nuages dans le ciel.
- Ce sont ces canons — même informulés — qui servent de critères pour juger les vitraux de toutes les époques. Le xvie siècle qui les a fort peu respectés a cependant produit des oeuvres de qualité.
- Nous pensons que ces règles sont toujours valables, mais elles ne contiennent rien qui interdise au verrier de créer un dessin conforme au style de son époque. Qu’on se réfère à ces règles pour juger un vitrail moderne, mais qu’on n’impose pas au
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- Fig. 4. — Vitrail du XIIIÙ siècle et copie du XIXe. Cathédrale de Bourges. Vitrail de la Passion. La crucifixion.
- La copie a manifestement été exécutée directement sur l’original. L’ensemble en est conforme, mais certains détails décèlent les « améliorations » que le copiste a cru bon d’apporter à la composition de son ancêtre. Le Christ du xme n’est évidemment pas anatomique : tète et torse trop gros, cuisses presque inexistantes. Le copiste a donc diminué légèrement la tète, remonté les pectoraux et allongé la partie apparente du ventre, en en modifiant la peinture. Son Christ est plus académique mais a perdu beaucoup d’intérêt. — Pour accentuer encore cet allongement,'il a retourné l’inclinaison de la ligne •des épaules, ce qui l’a amené à mettre le bras gauche à droite et vice-versa. De ce fait l’éponge empiète sur le bras gauche du Christ, mais il y a un vide entre le bras et les tètes des soldats, vide qui n’existe pas sur l’original. La traverse de la croix a également été remontée et amincie. Il y a aussi quelques différences de mise en plombs dans le fond. Certains plombs de casse n’ont pas été reproduits : bras du Christ, jambes du soldat portant l’éponge. — Noter sur l’original certaines pièces de restauration qui ressortent nettement en clair sur la photographie, par manque de patine. — La copie, retrouvée parmi de vieux panneaux à notre atelier, est en très mauvais état, il manque de nombreux filets de pourtour, et une grande partie de la robe de la Vierge. L’ensemble de la copie est cependant satisfaisant, tant comme dessin que comme couleur.
- (à gauche, photo Archives photographiques ; à droite, photo de l’auteur).
- Terrier de travailler dans Je style du xme siècle. On confond •trop souvent les raisons profondes de la beauté des verrières anciennes et le style propre à l’époque de leur création. C’est cette confusion qui empêche tant d’amateurs de goûter pleinement les vitraux modernes.
- Éliminons enfin le cas de tant de verrières de la fin du xixe siècle, pour la plupart débitées presqu’en série par des fabricants dépourvus de goût. Ces verriers cherchaient à réaliser des imitations de vitraux anciens ; leur dessin était un pastiche plus ou moins réussi de verrières du xme ou du xiv® siècle. Mais surtout les verres utilisés ne ressemblaient que de très loin à ceux du Moyen Age. C’était du verre à faces presque parallèles, de fabrication très soignée, dépourvu de toutes les irrégularités indispensables pour faire « chanter » le ton. D’autre part, la pâte à laquelle on incorporait les colorants était d’excellente pâte de verre à vitre rigoureusement incolore. Les colorants enfin étaient très purs. Il manquait à tous les coloris
- ce fond verdâtre qui donne leur unité aux verres anciens, et ces impuretés et inégalités de colorants qui assurent les dégradés indispensables. Le résultat était sec et pauvre de ton. Maintenant, comme nous l’avons dit précédemment, les verres dits « antiques » ne présentent plus cet excès de perfection.
- En finissant, nous voulons encore signaler que lorsque les verriers modernes veulent réaliser des vitraux comparables aux anciens, ils y réussissent parfaitement. Les copies récemment exécutées pour le musée des Monuments Français en sont une preuve. Je me souviens avoir vu à l’atelier de M. Lorin un vitrail original de Chartres représentant Salomon, exposé à côté de sa copie qui est actuellement au Palais de Chaillot; il était impossible de les distinguer, sauf par certains détails techniques sans importance que pouvait seul déceler un œil critique très exercé et très au courant des particularités d’exécution.
- D. Monsaingeon, Peintre-verrier.
- Le Musée
- Pour l’amateur d’histoire, le musée du Züiderzee, qui a ouvert ses portes le ier juillet dernier à Enkhuizen, sera sans nul doute un lieu de pèlerinage. Dans l’ancienne demeure, dite Peperhuis, dont la restauration est à peu près terminée, le touriste, tout autant que le folkloriste, pourra se pencher sur un passé à jamais révolu par la disparition du Züiderzee, cette mer qui fut jadis une des eaux les plus fréquentées du monde.
- Züiderzee.
- Le musée ne comprendra à ses débuts que deux salles où ont été réunis des témoignages de la riche histoire maritime de cette région. On pourra y admirer aussi une collection unique de costumes régionaux et de bijoux quasi légendaires.
- Une des salles abritera une immense maquette du Züiderzee vaincu et des terres environnantes. Ce montage figurera en miniature la mer du Sud, avant son recul devant les terriens.
- du
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- BANC D'ESSAIS FRANÇAIS
- pour vitesses supersoniques
- Une fusée radioguidée d’un poids total d’environ x4 t, lancée à la lin de juillet iq5o de la base de Cocoa (Floride), aurait survolé l’Atlantique à la vitesse de 2 700 km/h et améri à quelque 3oo km de son point de départ. Le « War Department » n’a pas révélé ses caractéristiques essentielles; on sait seulement qu’elle a i3 m de long et qu’elle comprend une fusée de construction américaine, dite « war corporal », montée sur un « V-2 » allemand; quand celui-ci. approche de la fin de sa trajectoire, le « war corporal » poursuit sa course grâce à sa propre énergie, fournie par la combustion d’un mélange d’oxygène liquide et d’alcool.
- Pour étudier le comportement de tels projectiles, on a installé, l’an dernier, un laboratoire spécial encastré dans une falaise à YVhite Sands (New Mexico). L’établissement possède deux ♦réservoirs à combustible ayant chacun' un volume de 63 m3, deux stations de pompage et un banc d’essais creusé dans le rocher. Des observateurs peuvent approcher à 3o m du jet enflammé qu’ils regardent au travers de hublots en verre armé, tandis que d’autres enregistrent les phénomènes de combustion du haut d’un poste érigé dans le terrain désertique à 800 m de distance. On arrive ainsi à mesurer les vibrations des moteurs de fusée dans trois plans perpendiculaires, à déterminer les vitesses et les températures du jet enflammé, la pression dans la chambre de combustion, l’ionisation de l’air, etc...
- En France, un banc d’essais pour vitesses supersoniques fonctionne depuis quelque temps à Bourges; c’est la première installation de ce genre réalisée en Europe. Etabli en plein air (fig. 1) sur les plans de l’Office national d’Études et de Recherches aéronautiques (O.N.E.R.A.), il permet les études des projectiles à des vitesses supérieures à celles des souffleries utilisées jusqu'alors pour les observations dans le domaine transonique. L'engin français porteur des modèles et des instruments de mesures, se déplace' à l’air libre sur le polygone militaire.
- Une note de M. l’Ingénieur Jean Kuntz, qui a dirigé les tra-\aux de sa construction, fait connaître ses caractéristiques. Muni de quatre patins, cc projectile glisse sur une voie fonnée
- Fig. 1. — Le banc d'essais de Bourges, montrant la Voie, de propulsion et la fusée expérimentale.
- de deux rails à o,5o m d’écartement, d’environ 600 m de longueur et est posée sur des massifs en béton. Les rails se composent d’éléments de 5,80 m de longueur soigneusement usinés sur les faces supérieure et latérale du champignon; des dispositifs de réglage, à. raison de quatre par élément, permettent de rectifier l’alignement et le nivellement de cette petite voie expérimentale. Le mobile contient deux chambres de combustion dans le prolongement l’une de l’autre, dont les tuyères d’échappement débouchent en sens inverse. Sa propulsion s’effectue par réaction de la première tuyère et quand, vers la fin de son parcours, sa vitesse devient maxima, on procède aux mesures tandis qu’il poursuit sa course par inertie sans poussée, après quoi, la secondc> tuyère fonctionne et produit un freinage. Deux essieux soutiennent quatre patins dont deux situés du côté de guidage portent des pièces de garde latérales, alors que les deux autres reposent simplement sur les rails. Des ailerons orientables sont implantés sur les quatre demi-essieux et les variations de leurs incidences compensent les effets du sol sur la force portante. Le « coefficient de portance » dépend à la fois
- Fig. 2. — Une vue cinématographique de la fusée se déplaçant à 1500 km/h.
- de la forme du projectile et de l’incidence de celui-ci par rapport à sa vitesse.
- D’autre part, l’engin est coiffé à l’avant d’un cône masquant la tuyère de contre-réaction pendant le trajet d’accélération; un dispositif approprié l’escamote au début du freinage. Un agencement pyrotechnique provoque, d’une façon automatique, la mise à feu de la fusée de freinage et, dans les expériences projetées, on poui’ra modifier l’organe propulseur du système. Enfin, une balance dynamométrique spéciale, d’un fonctionnement compliqué, permet l’enregistrement des foi’ces composantes de la force aérodynamique qui agit sur la maquette, ainsi que les moments correspondants en fonction du temps. Les vitesses se mesurent au moyen d’un dispositif électro-magné-tique. Pour cela, le projectile expérimental porte un aimant qui actionne des bobines disposées à intervalles réguliers le long des rails. A chaque passage, un oscillographe reçoit les
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- tops d’induction et enregistre sur le même film la coui'be sinusoïdale d’un diapason. De la sorte, se trouvent inscrites à la fois une base d’espace et une base de temps d’où se déduit, avec une approximation de + i pour ioo, la vitesse moyenne pendant les trajets séparant deux bobines consécutives.
- Le banc d’essais de Bourges a déjà permis d’aborder le passage aux vitesses supersoniques, cette zone si dangereuse pour les avions. En effet, aux vitesses supérieures à celle du son, la « traînée » ou résistance de l’air, augmente, tandis que la « portance » diminue et que le centre de poussée, brusquement déplacé', • contrecarre l'influence des diverses gouvernes d’aéronef.
- Pour faciliter les observations et mesures du banc d’essai, on
- cinématographie (üg. 2) les expériences’au moyen de caméras à grande vitesse de déroulement que des observateurs commandent à distance. Grâce aux films ainsi recueillis, projetés au ralenti ou par images successives, on peut se rendre compte du comportement des fusées au cours de leur trajet, d’une durée totale de 3 secondes, à des vitesses dépassant largement celle du son. Les spécialistes de l’O.N.E.R.A. dépouillent, au fur et à' mesure, les documents cinématographiques fournis par l’original matériel de Bourges et espèrent en tirer bientôt de très utiles renseignements pour la construction et le pilotage des avions à très grandes vitesses.
- Jacques Bo.yer.
- La publicité et les encres fluorescentes
- La publicité est toujours en quête de techniques nouvelles pouvant frapper l’esprit du public. Les Parisiens n’ont pas manqué de remarquer depuis quelques mois les inscriptions publicitaires spécialement brillantes qui ornent, en particulier, l’avant des autobus. Elles seraient de même nature que les panneaux signalisaleurs des camions de l’armée Leclerc.
- Ces inscriptions sont réalisées grâce à un procédé nouveau qui a un certain succès dans tous les pays, et qui n’est pas encore très bien connu. Les lettres ou les images sont imprimées avec une encre qui est fluorescente à la lumière du jour. Rappelons que les phénomènes de luminescence les plus courants sont les phénomènes de photoluminescence, c’est-à-dire de luminescence produite par la lumière. Un coi'ps luminescent frappé par des rayons lumineux les absorbe et. les renvoie sous une longueur d’onde plus grande. On peut ainsi faire apparaître dans l’obscurité des inscriptions luminescentes en les irradiant avec un faisceau invisible de rayons ultraTviolets ; c’est ce qu’on a appelé la lumière noire, qui a de nombreuses applications en décoration et en publicité.
- On distingue deux catégories cle phénomènes de photoluminescence, la fluorescence et la phosphorescence. Les corps phosphorescent ne réémettent que peu à peu les rayons lumineux absorbés, autrement dit ils restent visibles un certain temps dans l’obscurité, bien que n'étant plus irradiés. C’est le cas, par exemple, des cadrans lumineux des montres. Par contre, les corps fluorescents renvoient à peu près instantanément les rayons absorbés. Ils cessent cl’être luminescents aussitôt qu’ils ne sont plus éclairés. Les encres dont il est ici question présentent la particularité d’être fluorescentes à la lumière visible; elles renvoient, par exemple, toutes les radiations absorbées, bleues, vertes ou jaunes du spectre solaire en radiations l'ouges, qui s’ajoutent à leur couleur réelle et augmentent leur brillant apparent. Pour accentuer l’effet du brillant, l’inscription est généralement, faite sur fond noir ou très sombre et souvent les. lettres sont découpées et collées sur le fond, ce qui les fait encore ressortir davantage.
- Il existe actuellement à notre connaissance des encres rouge-cerise, orangées, jaunes et vertes, mais pas d’encres bleues.
- La fluorescence des inscriptions n’est que temporaire; elle dure de k à G semaines pendant lesquelles la visibilité est augmentée de 110 pour 100. Ce n’est pas un inconvénient pour les inscriptions des autobus qui sont changées au moins tous les mois.
- Le prix de la matière première et celui de l’impression sont très élevés. En septembre 1960, les encres fluorescentes coûtaient, en Angleterre, environ 1 800 francs le kilogramme, ce qui n’a pas empêché leur succès, aussi bien dans ce pays qu’en France et en Belgique. Les premiers brevets concernant ces encres fluorescentes ont été déposés aux Etats-Unis; leur licence dans les autres pays a été concédée à une société de Londres. On en trouve en France depuis quelques mois. D’autre part, un industriel belge a déposé en août 1960 au Bureau international à Berne une marque Hypnocolor relative à des pigments luminescents organiques et inorganiques.
- Le colorant fluorescent à la lumière du jour employé dans les inscriptions publicitaires semble être un. colorant organique : rhodamine à fluorescence rouge, éosine à fluorescence orange ou auramine à fluorescence verte, dissous en petite quantité dans une résine transparente thermo-dur-cissable, généralement un phénoplaste ou un aminoplaste. La solution solide obtenue est brisée dans un broyeur ordinaire, mais il est essentiel qu’elle ne soit pulvérisée que grossièrement, car le broyage fin détruit la fluorescence. Le pigment ainsi obtenu est incorporé à une encre d’imprimerie constituée d’un pigment coloré et d’une huile. Les procédés d’impression usuels ne conviennent pas aux encres fluorescentes car ils ne s’appliquent qu’aux produits finement broyés. On emploie un procédé spécial : l’impression par écran de soie, connu depuis plusieurs années et utilisant des encres fluides ressemblant plutôt à des peintures. Ce procédé présente deux avantages : il permet d’employer des pigments grossièrement broyés et de les appliquer en couche épaisse, ce qui prolonge leur durée. L’écran de soie est un morceau de soie tendu sur un cadre. On reproduit l’inscription sur l’écran en ne laissant libres que les mailles correspondant au dessin, et en bouchant les autres, par exemple, avec une matière plastique appliquée au fer chaud. On fait ensuite passer l’encre à travers les surfaces restées libres à l’aide d’un rouleau de caoutchouc. Chaque couleur nécessite une impression spéciale. Ce procédé est lent et s’il a été possible de le rendre Semi-automatique, toutes les opérations manuelles n’ont pas encore été supprimées, ce qui explique son prix élevé.
- Mmo F. Appelé, Ingénieur E.P.C.L
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- Remarquables propriétés des
- puissances de 5 et de 10.
- L’étude que nous avons publiée dans le n° 8173 de La Nature, sous le titre : « Le curieux nombre 9 376 et ses satellites » a suscité un intérêt motivé par le fait que nul problème de- l’espèce n’a sans doute encore été traité.
- Cette étude nous a valu — directement ou non — de très nombreuses lettres — de France et d’Europe.
- Parmi nos distingués correspondants, citons, sans préséance, MM. Delaplanche, Faurie, Michel, Ignazi, Rantz, Seitz, etc... Que ceux à qui nous n’avons pu répondre, à raison d’un courrier pléthorique, nous en veuillent bien excuser.
- Beaucoup ont souhaité que nous donnions au problème une plus large audience.
- Nous allons nous efforcer de les satisfaire par l’énoncé des théorèmes généraux que voici et qui règlent toute l’affaire, sans nulle prétention de donner à ce règlement un caractère définitif.
- Théorème I. — m étant le nB terme de la progression géométrique illimitée 1, 2, 4, 8, 16 .... m (dont le ler terme est 1 et la raison 2), le nombre A, formé par les n derniers chiffres de om, a toutes ses puissances terminées par ces n chiffres, reproduits dans le même
- ordre :
- m = 1, 2, 4, 8, 16 ................................... m
- n = ler, 2®, 3e, 4®, 5®.............................. n®
- 5™ = 51, S3, 54, 58, 516 ..................... om
- A = les n derniers chiffres de 5m.
- Exemple numérique : m = 16, n. = 5°, 516 = 152 587 S90 625, A = les 5 derniers chiffres de b16, soit 90 625 ; toutes les puissances de 90 625 se terminent par 90 625.
- Théorème II. — Le nombre B déterminé par la relation :
- A + (B — 1) = 10»
- a lui-même toutes ses puissances terminées par les mêmes chiffres que B et reproduits dans le même ordre.
- Exemple numérique correspondant au précédent : A - 90 625, B = 10a (A + 1) =100 000 — 90 625 + 1 = 09 376.
- Et toutes les puissances de 09 376 se terminent par 09 376.
- Application des théorèmes I et II
- Tableau de formation des nombres A et B, terminés par 5 et 6 et dont toutes les puissances se terminent par le nombre générateur.
- m ne 1 Nombres An Nombres Bn
- Termes de la formés par les n B = (10* - A) + 1
- progression géométrique N» du rang derniers chiffres de 5m
- 1 £er 5 6
- 2 2° 25 76
- 4 3» 625 376
- 8 4° 0 625 9 376
- 16 ‘5° 90 625 09 376
- 32 6e 890 625 109 376
- 64 7» 2 890 625 7 109 376
- 128 8» 12 890 625 87 109 376
- 256 9° 212 890 625 787 109 376
- 512 10e 8 212 890 625 1 787 109 376
- 1 024 Hé 18 212 890 625 81 787 109 376
- 2 048 12° 918 212 890 625 081 787 109 376
- 4 096 ÏF« 9 918 212 890 625 ' 0 081 787 109 376
- 8 192 14» etc. 59 918 212 890 625 40 081 787 109 376
- m n® Nombres An Nombres Bre
- Les nombres du 34e rang, par exemple, de 34 chiffres, sont respectivement :
- — A = 0 253 106 619 977...... B = 9 746 893 380 022...............
- ...392 256 259 918... ..................607 743 740 081...
- ...212 890 625. .'....787 109 376.
- Remarque sur les rangs soulignés. — Il n’est pas de nombre A de 4 et 34 chiffres jouissant de la propriété, sauf à assimiler à un chiffre leur chiffre de tête qui est zéro. Pas de nombre B de 5, 12 et 13 chiffres jouissant de la propriété, sauf la même réserve. La suite de ces exceptions est illimitée, de même que la suite des nombres A et B, mais à raison d’un seul par 10» et le chiffre zéro étant admis comme chiffre de tête.
- Sans user de démonstrations d’ailleurs élémentaires mais qui dépasseraient le cadre de cette revue, nous nous bornerons à énumérer les remarques suivantes et dont nous n’avons point voulu alourdir les théorèmes :
- —: la (d’après le théorème I). Tous les nombres obtenus se terminent par le chiffre 5.
- — 15. La suite de ces nombres A est illimitée.
- — le. Il existe un nombre et un seul, pour un rang quelconque n.
- — 1 d. Aucun de ces nombres A n’emploie le chiffre 4.
- — le. L’obtention de tous ces nombres est donc basée sur le cal-
- cul de certaines puissances de 5. ‘
- — 1/. Mais cette recherche est facilitée par le tableau n° 1, où l’on
- a usé d’artifices donnant rapidement A + 1 en partant de A.
- — 1 g. Les (n + 1) chiffres terminaux du carré d’un nombre A for-
- ment le nombre suivant A + 1. Ces chiffres s’identifient d’ailleurs avec les chiffres de la puissance correspondante de 5. •
- Tableau I. — Formations successives de An-
- Rang n° Nombres An Formation de
- £er 5 ; 5* =
- 2® 25 ; 202 = *
- (20 x 5)2 =
- 3e 625 ; 252 6003 2(25 X 600) £OK9.
- 4. 0 625 ; 0 0002 2(625 x 0 000) n
- 5» 90 625 ; 90 0002 2(625 x 90 000) f»A C5>K2
- 6e 890 625 ; 800 0002 2(90 625 x800 000) 890 6252
- 25 + 4ÜÜ + 200
- = 625
- + 360 000 + 30 000
- 390 625 + 00 000 000 + 000 000
- 00 390 625 + 8100 000 000 + 112500 000
- 8 212 890 625 + 640 000 000 000 + 145 000 000 000
- 793212 890 625
- 7°
- 2 890 625 ;
- etc..., étant remarqué que les (n + 1) derniers chiffres de a\ forment le nombre suivant : An + 1.
- Exetnple, d’après le tableau :
- A8 - 890 625 Af = 793 212 890 625
- dont les (6 + 1) derniers chiffres sont A, = 2 890 625 et, selon le théorème I, ces chiffres terminent aussi 561.
- En fait, ils terminent également 533, ce qui résulte de ce que 5" = 90 625 qui est générateur à la fois de A4 = 0 625 et A* = 90 625 ;
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- il y a eu cumul de 2 rangs sur une seule puissance de b, d’où gain d’un rang par la suite en sorte que b64 de rang 7° rétrograde à b33 de rang 6°, ce qui veut dire que b32 se termine aussi par 2 890 62b. Mais il est évident que cela n'infirme en rien le théorème I.
- Cotte rétrogradation de rang se répétera chaque fois qu’un zéro apparaîtra en tête et à gauche des chiffres à retenir pour la terminaison de la puissance de b : la puissance considérée sera ainsi génératrice de plusieurs rangs de nombre, selon le nombre de zéros qui se succéderont. Ainsi b8 de 4e rang = 390 62b dont 4 chiffres à retenir font 0 62b et, à cause de ce zéro de tête également 90 62b de 3e rang, b8 génère donc à la fois À4 et A5.
- D’autre part :
- — 2a (d’après le théorème II). Tous les nombres obtenus se termi-
- nent par le chiffre 6.
- — 2b. La suite de ces nombres B est illimitée.
- — 2c. Il existe un nombre, et un seul, pour un rang quelcohque n.
- — 2d. Aucun de ces nombres B n’emploie le chiffre 5.
- — 2e. Ces nombres sont donc : B = (10n + 1) — A.
- — 2/. La recherche de ces nombres B peut se faire directement sans partir de A, en se reportant ’au tableau II et aux remarques qu’on y a consignées.
- Tableau IL — Formations successives de Bn-
- Rang n° Nombres B* Formation de B® Chef de B?i *4“ 1
- •1er 6 62 = 36 10 — 3= 7
- ,76 + 702 — + 2(6x70) = + 4 900 + 840
- 762 = 5 776 10 -7= 3
- 3e 376 + 3002 = + 2(76 x 300) = + 90 000 + 45 600
- 37 62 = 141 376 10 — 1= 9
- 4e 9 376 + 9 0002 = + 2(376 x 9 000) = + 81 OOü 000 + 6 768 000
- 9 3762 = 87 909 376 10 - 0 = 10
- 5e U 9 376 y 09 3762 = 0 087 909 376
- 6° 109 376 + 100 000*= + 2(9 376 x100 000) = + 10 000 000 ooo. 1 875 200 000
- . 10 9 3 7 62 = 11 963 109 376 10 — 3= 7
- 7e 7 109 376
- etc..., étant remarqué que le (n + 1)° chiffre à droite de B|, retranché de 10, donne le chiffre formant le chef du nombre suivant B» 1 + 1.
- Exemple, d’après le tableau :
- B„ = ........................................ 109 376
- Bg = 11 963 109 376
- dont le (6 + 1) = le 7e chiffre à droite est 3.
- D’où le chef 10 — 3 = 7 du nombre suivant :
- B7 = ........................................ 7 109 376
- Cas particuliers. — Il peut arriver que le (n + 1)° chiffre à droite de B« et même le (n + 2)°, (n + 3)° etc..., soient zéro ou une succession de zéros. Mais cela n’infirme en rien la règle. Le cas se
- présente en passant de B4 à B„ et B„.
- B4 = ....................;...............•.... '9 376
- Le nombre suivant devrait être 109 376.
- On le dédoublera en :
- Bs = ......................................... 09 376
- et B„ = ........................................ 109 376
- Le cas se retrouve dans le corps du nombre de 34 chiffres, au tableau général où l’on remarquera 2 fois la succession de 2' zéros.
- Dans notre précédente étude, nous avons succinctement abordé l’examen des nombres satellites qui évoluent autour de leurs générateurs tels que A et B. Nous n’y reviendrons pas, malgré les curieuses observations auxquelles ils donnent lieu et qu’un de nos correspondants, M. Rantz a parfaitement mises en vedette.
- L’étude de tels nombres — dont l’individualité est si marquée — est-elle close ? Non. De nombreux corollaires en découlent et que nous n’aborderons pas ici où nous n’avons voulu souligner que ce qui nous semble l’essentiel.
- Constant Hubert.
- LE CIEL EN MARS 1951
- SOLEIL : du 1er au 31, sa déclinaison croît de —7°47' à + 3°57' ; la durée du jour passe de 10*36“ le 1er à 12*43“ le 31 ; diamètre apparent le 1er = 32'20",0, le 31 = 32'4",1 ; équinoxe le 21 à 10*26“8S, commencement du printemps ; éclipse annulaire de Soleil le 7, invisible à Paris. — LUNE : Phases : N. L. le 7 à 20*50“, P. Q. le lb à 17*40“, P. L. le 23 à 10*83“, D. Q. le 30 à b*3b“ ; périgée le 2 à 7*, diam. app. 3219" ; apogée le lb à 6*, diam. app. 29'33" ; périgée le 27 à 9*, diam. app. 32'29" ; éclipse de Lune par la pénombre le 23, invisible à Paris. Principales conjonctions : avec Mercure le 7 à lb*, à 1°30' S. ; avec Jupiter le 8 à 3*, à 1°12' S. ; avec Mars le 9 à 10h, à 2°23' S. ; avec Vénus le 10 à 6* à 3°24' S. ; avec Uranus le 16 à 16*, à 4°b4' S., avec Saturne le 23 à 8*, à 3°b3' N. ; avec Neptune le 24 à 18tf, à 4°47' N. Principales occultations : de 406 B Taureau (bm,6) le 16, immersion à 0h26m,7 et de 49 Cocher (bm,0), immers, à 1-8*38“, 1 : de c Lion (b“,-l) le 22, immers, à 1*39“,b, de 236 G Vierge (b“,7) le 23, émersion à 23*9“,7. — PLANÈTES : Mercure, invisible, en conjonction sup. avec le Soleil le il à 10* ; Vénus, brillant astre du soir ; se couche 2*36“ après le Soleil le 14, diam. app. 11",8 ; Mars, dans les Poissons se couche 30“ après le Soleil le 14, diamètre app. 4",0 ; Jupiter, dans le Verseau, inobservable, en conjonction avec le Soleil le 11 ; Saturne, dans la Vierge, visi ble toute la nuit, en opposition avec le Soleil le 20 à 10*, diamètre app. le 14 : 17"6, anneau : grand axe 44",2, petit axe 2",0 ; Uranus, dans les Gémeaux, passe au méridien le 2 à 19*35“, position 6*24“ et + 23°40', diam. app. 3",7 ; Neptune, dans la Vierge, observable toute la nuit, position le 2 : 13*13“ et — b°b6', diam. app. 2",b. — ÉTOILES VASTABLES : Mînima observables d'Algol (2“,2-3“,b) : le 2 à b*,l, le b à 1*,9, le 7 à 22*,6, le 10 à 19*,4, le 2b à 3*,7, le 28 à 0*,3, le 30 à 21*, 1 ; minima de (3 Lyre (3“,4-4“,3) : le 10 à 22*,b, le 23 à 20*,S ; maximum de U Orion (b“,4-12“,2) le 4 ; maximum de R Cassiopée (4“,8-13“,6) le 17. — ÉTOILE POLAISE : Passage inférieur au méridien de Paris : le 2 à 3*2“29s, le 12 à 2*23“13, le 22 à l*43“36s.
- Phénomènes remarquables. — Observer la lumière zodiacale le soir, à l’Ouest, après le crépuscule en l’absence de la Lune ; la lumière cendrée de la Lune du 9 au 12.
- (Heures données en Temps universel ; tenir compte des modifications introduites par l’heure en usage).
- G. Fournier.
- Pour réparer, les piles de pont.
- Une technique originale vient d’être utilisée avec succès au Canada pour la réparation de piles de pont en béton durant l’hiver ; elle consiste à congeler artificiellement l’eau du fleuve au voisinage immédiat des piles à l’aide de blocs de neige carbonique et à former ainsi des « batardeaux en glace » qui permettent de dégager les parties à réparer.
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- LES LIVRES NOUVEAUX
- Cours élémentaire de mathématiques supérieures, par J. Quinet. Tome L Compléments d’Algèbre. Les dérivées et lpurs applications. 1 vol. in-8°, 164 p., 64 fig. Dunod, Paris, 1951.
- Ce livre a été rédigé par ün ingénieur qui, tout en ayant l’habitude de l’enseignement, ne perd pas de vue les appplications pratiques. Sans sacrifier à la rigueur, ses exposés sont orientés vers les utilisations et les exemples sont choisis principalement dans le domaine de l’électricité. Les lecteurs y trouveront ce qui est essentiel pour un ingénieur, sans d’encombrer de développements et de démonstrations n’intéressant que des théoriciens.
- La symétrie et ses applications, par J. Nicolle. 1 vol., 190 p., 133 fig. Collection « Sciences d’aujourd’hui ». Albin Michel, Paris, 1950. Prix : 390 francs.
- Les notions de symétrie présentent une grande importance dans tous les phénomènes naturels, mais elles ne sont traitées que bien rarement. L’auteur a su présenter ce sujet difficile sous une forme attrayante, à l’aide d’exemples instructifs et suggestifs ; après avoir envisagé les ensembles finis ou limités et les ensembles infinis ou illimités, il étudie les milieux cristallins, la symétrie et la dissymétrie dans les phénomènes physiques, puis la symétrie et l’étude des molécules, enfin les applications de la symétrie à la botanique et à la biologie.
- ABC de l’apprenti horloger, par M. Bourdaïs et G. Grall. 1 vol., 228 p., 180 fig. Girardot, Paris, 1950. Prix : 390 francs.
- Petit ouvrage de vulgarisation, abondamment illustré, destiné à l’initiation des apprentis horlogers, puis à leur perfectionnement dans les divers travaux de réparation et de réglage des réveils, des pendules et des montres, suivi de nombreuses recettes utiles et de renseignements pratiques.
- Vagues, marées, courants marins, par Jacques Bouteloup. 1 vol. in-16, 128 p., 35 fig. Collection « Que sais-je ? ». Presses universitaires de France, 1950.
- Les mouvements des eaux océaniques sont d’observation banale, mais de mesures très difficiles et de calculs si complexes qu’on n’en vient à bout que par des hypothèses simplificatrices plus ou moins vérifiées. L’auteur présente les méthodes employées et les résultats obtenus, expliquant les données essentielles sans trop de mathématiques, amorçant çà et là des analyses plus poussées.
- La figure de l’Univers, par P. Javet. 1 vol. in-8°, 210 p., 4 fig., 8 pi. Dunod, Paris, 1948. Prix ; 790 francs.
- Après un rappel général des connaissances astronomiques actuelles, l’auteur expose les récentes théories cosmologiques explicatives d’Einstein, de De Sitter, de Lemaître, de Milne. Cette dernière, de l’astronome anglais Milne, conserve les notions classiques de temps et d’espace. Cette étude souligne les valeurs et les faiblesses des cosmogonies modernes dont aucune n’est parfaite et définitive ; elle intéresse tous les esprits cultivés.
- Report on progress in Physics. Vol. XIII
- (1950). 1 vol. in-8°, 424 p., 166 fig., 22 pi. Physical Society, London, 1950.
- Ce volume contient neuf rapports exposant les plus récents progrès sur divers sujets : les mouvements de l’œil, spectroscopie infra-rouge solaire, propagation des ondes de choc dans les fluides, ferromagnétisme, courbes de magnétisation, radio-astronomie, atmosphères des planètes et de leurs satellites, paramagnétisme, accélérateurs cycliques de particulies, mésons.
- Verstandliche Elemente der Wellenmechanik, par K. Jellinek. lro partie. 1 vol. in-8°, 304 p., 82 fig. Wepf et C‘% Bàle, 1950. Prix : relié, 34 francs suisses.
- Ouvrage détaillé sur les développements de la mécanique ondulatoire dont le premier volume est consacré aux photons, aux électrons et à l’atome ne comportant qu’un électron. On y trouve d’importants chapitres sur la théorie ondulatoire ét la théorie corpusculaire de la lumière, ainsi que sur l’atome d’hydrogène et
- de nombreuses références à / des mémoires originaux.
- Ionization chambers and counters, par D. IL
- Wilkinson. 1 vol. in-8°, 266 p., 79 fig. Cambridge Ünivcrsity Press, 1950. Prix : relié, 25 sh.
- Après la description des détecteurs classiques utilisés en physique nucléaire, sont traités les principes de construction et de fonctionnement des chambres d’ionisation et des compteurs de Gciger, l’étude des relations spécifiques qui différencient les diverses particules mises en valeur par les détecteurs, les phénomènes d’ordre électrique qu’ils engendrent et l’aspect statistique des observations relevées. L’ouvrage s’adresse à tous ceux qui s’intéressent au développement de la physique nucléaire et à l’appareillage particulier de mesures qu’elle nécessite.
- Astronomy of stellar energy and decay, par
- M. Johnson. 1 vol. in-8°, 216 p., 22 fig. Faber and Faber, Londres, 1950. Prix : relié : 16 sh. Ouvrage prenant place entre les livres d’astronomie populaire et les traités de physique stellaire. La première partie est un exposé des faits et des théories pour des lecteurs n’ayant pas une formation scientifique en astronomie ; la seconde développe les arguments scientifiques, sans cependant faire appel à de trop importants développements mathématiques. L’auteur fait une intéressante discrimination entre les observations, les mesures et les théories.
- Électricité, par Y. Rocard. 1 vol. in-80, 538 p., 588 fig. Masson et C‘% Paris, 1951. Prix : relié, 2 200 francs.
- L’auteur professe en Sorbonne un cours remarquable pour le certificat de physique générale et il le développe à l’École Normale Supérieure. Il en donne ici la substance. L'exposé classique de l'électricité y a été réduit tandis que l’électron libre et ses utilisations techniques font l’objet de développements plus approfondis permettant d’aborder la physique moderne. Les exemples sont empruntés aux techniques réelles en donnant une grande importance aux moyens modernes. Les premiers chapitres sont consacrés à l’électrostatique, le ipagnétisme, l’électrociné-lique, l’électrodynamique, le courant alternatif, la propagation et le rayonnement. Puis viennent à propos de l'électron libre des développements sur l’optique électronique, l’effet photoélectrique, l’émission thermionique, les diodes, les triodes, les tubes électroniques modernes, la propagation radioélectrique. L’ouvrage se termine par des chapitres sur l'électrolyse et les unités.
- Les fondements théoriques de l’électrodyna-mique, par J. Hély. 1 vol. in-8°, 71 p. Éditions de Montligeon, 1950.
- L’originalité de cet ouvrage est de présenter, en quelques pages très condensées, les principes de l’éleclromagnétisme sous une forme mathématique entièrement déductive et de considérer que l’électrodynamique actuelle peut être considérée comme un chapitre de la mécanique rationnelle.
- Les hyperfréquences. Circuits et propagation de^ ondes, par R. Rigal. 1 vol. in-8°, 224 p. Collection technique du . G. N. E. T. Eyrolles, Paris, 1950. Prix : 1 47ù francs. Après un rappel des équations de Maxwell et l’étude classique de la transmission, l’auteur étudie l’impédance d’onde, la réflexion d’une onde plane, les ondes guidées en l’absence de •pertes et dans les cas réels, les puissances transmises, . les affaiblissements, les discontinuités dans les systèmes de transmission, les conditions d’utilisation des différents systèmes de transmission, les volumes résonnants, les systèmes rayonnants et la propagation des hyperfréquences dans l’espacé terrestre.
- Chimie minérale, théorique et expérimentale (Chimie électronique), par F. Gallais.
- 1 vol. in-8°, 8i0 p., nombreuses figures. Masson et G18, Paris. 1950. Prix : relié, 2 800 F. La chimie théorique est née de la théorie atomique ; enrichie des enseignements de la thermo-rlynamique, elle a pris son plein essor grâce à l’apport de la théorie électronique, puis de la mécanique ondulatoire qui lui ont permis d’at-teindi*e des résultats quantitatifs. Rompant avec les traditions d’enseignement de la chimie miné-
- rale, l’auteur présente cet ouvrage comme une exLension de son cours à la Faculté des Sciences de Toulouse. Une première partie, très importante, traite de la chimie générale, avec les notions d’atomes et de molécules, la classification périodique moderne, la constitution des atomes, la théorie électronique de la valence. Viennent ensuite l’énergétique des réactions chimiques, la cinétique chimique, les équilibres chimiques et ioniques, la tautomérie et la méso-mérie, enfin la loi des phases. La seconde partie est consacrée à l’étude des éléments, basée sur la classification périodique, mais en rattachant les propriétés à la structure électronique des atomes. La structure électronique bien interprétée permet un exposé cohérent et raisonné des analogies et des caractères individuels des éléments et de leurs combinaisons.
- Contribution à l’étude des réactions mutuelles des cristaux lors de la déformation des métaux polycristallins, par R. Miciiaud. 1 vol., 98 p., 76 fig. Publications scientifiques et techniques du Ministère de l’Air, Paris, 1950.
- Etude des réactions mutuelles des joints et des cristaux par la méthode de la nappe de rayons : exploration du joint, phénoménologie de l’allongement.
- La grande industrie chimique organique, par Georges Ciiampetier. 1 vol. in-16, 127 p. Collection « Que sais-je ? ». Presses universitaires de France, Paris, 1950.
- Celte industrie aujourd'hui triomphante fournit une multitude de produits de plus en plus usuels ; carburants, colorants, médicaments, explosifs, parfums, matières plastiques, textiles, élastomères, corps gras, peintures, antiseptiques, insecticides, colles, etc. Longtemps, seuls la houille, le bois, les hydrates de carbone furent mis en œuvre, auxquels le pétrole a ajouté bien d’autres possibilités. Laissant aux monographies techniques le soin de présenter les produits finis, le professeur de la Sorbonne entreprend ici un tableau d’ensemble des réactions de base, des produits intermediaires qui représentent des tonnages importants, une grande industrie centralisée dans un petit nombre d’usines, comparables à celles de la grande industrie minérale. Il passe en revue les traitements du charbon, du bois, du pétrole, de la production de l'éthylène, de l’acétylène, de l’oxyde de carbone, du méthane, de l’éthane, des catalyses et des synthèses qui fournissent les éléments de tant de composés plus complexes et bien plus variés. Il trace ainsi une vaste synthèse à laquelle il faut toujours se rapporter pour comprendre les progrès de chaque jour.
- Comment choisir, utiliser, entretenir les tracteurs agricoles. 1 brôcli. in-8°, 48 p., fig. La Maison rustique, Paris, 1950. Prix : 125 francs.
- Cette brochure de la Direction du Génie rural conseille les agriculteurs pour le choix, l'utilisation des tracteurs, leur entretien et la recherche des pannes ; un tableau facilite cette dernière.
- L’eau à la ferme et dans la maison de campagne, par Maurice Puteaux. 1 vol. in-16, 104 p., 35 fig. La Maison rustique, Paris, 1950. Prix : 200 francs.
- Grave problème pour beaucoup d’habitations isolées. Ce guide pratique donne tous les conseils pour l’installation et l’entretien : captage, pompage, évacuation, équipement, et même pour les questions administratives et sanitaires.
- Mycotrophy, par Arthur P. Kelley. 1 vol. in-8°, 223 p., 16 fig., 5 pl. Ghrohica botanica, Waltham (Mass.) ; Raymann, Paris, 1950. Prix : relié, 4,50 dollars.
- On connaît la présence de champignons, de mycorhizes, dans les racines, les cellules de nombreuses plantes ; leur nombre va grandissant et pose de complexes problèmes : sont-elles dès parasites contre lesquels l'hôte doit se défendre pu des symbiotes qui favorisent son développement ? L'auteur analyse toutes les recherches déjà faites, notamment celles sur les orchidées, les pommes de terre, les arbres fruitiers, les fougères, etc., en fait le point et amorce ainsi les recherches futures.
- Le gerant ; G. Masson. — masson et cie, éditeurs, paris. — dépôt légal : ier trimestre iqôi, n° r3i4. — Imprimé en France.
- BARNÉOUD FRÈRES ET Cie, IMPRIMEURS (3lo566), LÀ Y AL, N° 23o5. — 2-Ifi5l.
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- LA NATURE
- Mars 1951
- CALCUL MÉCANIQUE
- et structure de la pensée.
- La nouvelle machine à calculer électronique EDSAG possède 32 « circuits-mémoires » à ultra-sons dans le mercure, capables de se souvenir chacun de 16 nombres de io chiffres. Elle peut effectuer en une minute i5 ooo opérations dont 4 ooo multiplications, et Ton envisage des vitesses futures 45 fois supérieures.
- La célèbre ENIAC, mère de tous les « cerveaux électroniques » actuels, fut seule à pouvoir « calculer » la bombe atomique; les Américains affirment que si elle venait à être détruite, leur industrie et leur recherche scientifique se trouveraient décapitées.
- Telle est l’ultime postérité de cette machine de Pascal, de cette humble additionneuse à disques perforé, que Ton vient de retrouver dans le Gers et dont le gouvernement français se propose de faire l’acquisition... Instructive confrontation ! Pascal eût médité sur la fragilité de ces grandes réusites, qui mettent l’encéphale d’un pays à la merci d’une bombe, sur ces versions nouvelles du « roseau pensant », qui peuvent mourir.
- Pour nous le problème philosophique est autre. Devant ces machines qui surpassent l’homme, devant les prodigieuses ressources « combinatoires » révélées par les électrons, nous en venons à reconsidérer les mécanismes de la pensée. Les conceptions quantiques de l’Électronique éclairent d’un jour nouveau des données traditionnelles.
- Depuis Bergson, la vie psychologique était « qualitative »; nous sommes conduits à envisager — avec circonspection — une « structure granulaire » du mécanisme intellectuel, quelque chose qui ressemble à des quanta de la pensée.
- Les merveilles du « boulier ».
- Fig-. 1. — Maurice d’Ocagne, théoricien des machines à calculer et créateur du « calcul nomographiqfie ».
- Vingts, à Paris, nous conserve un^lsSSÔÎÿ^^de cette numération vigintenaire. Il est tellement vrai que cette base numéra-tivé 5, peu pratique, a été imposée par la nature, que de très nombreuses mesures, au cours des siècles, ont eu au contraire pour base 12.
- De grands peuples, comme l’Angleterre ou les Etats-Unis, possèdent ainsi une numération décimale et un système de mesures principalement duodécimal, ce qui entraîne des complications et des pertes de temps qui nous paraissent, à nous Français, scandaleuses !
- Les Chinois, toujours féconds en inventions ingénieuses et imparfaites, nous ont légué un instrument familier aux joueurs de billard, qui est le boulier. Imaginez des l'angées de 10 boules enfilées sur des tiges parallèles : voilà le boulier, chef-d’œuvre incontestable de robustesse et d’économie !
- Contrairement aux apparences, le boulier n’est nullement une collection de repères, quelque chose comme une page de carnet concrétisée sous forme palpable. Les rangées du boulier correspondent très exactement aux tambours chiffrés d’une machine à calculer classique; il y manque uniquement le mécanisme de report des retenues, auquel il est aisé de suppléer mentalement.
- Supposons que nous ayons à additionner 25 et 07. Nous passons 7 boules à la rangée inférieure, puis 3, puisqu’il n’y en a pas davantage. A ce moment, notre rangée du bas est pleine; nous l’annulons, en faisant passer toutes les boules à gauche et nous passons une boule à la rangée immédiatement supérieure : c’est le report. Nous passons ensuite les deux boules manquantes à la rangée inférieure, puis le 2 et le 3 à la rangée supérieure et nous lisons le total de 62.
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- Les deux premières machines à calculer furent inventées par des philosophes et cela ne laisse pas d’être instructif.
- Le terme même de calcul (caillou) nous indique que les opérations arithmétiques, discontinues, furent effectuées de toute antiquité à l’aide de repères matériels mobiles. Jules Régnault a montré, par des expériences, que la pie sait compter jusqu’à trois, et il suggère sans rire que l’oiseau « compte » méthodiquement sur ses pattes, qui comportent effectivement trois doigts !
- Sans aller aussi loin, il est certain que Ton trouve le facteur 5 dans la plupart des numérations mondiales, soit à l’état pur, soit sous la forme du ro ou du 20 : l’Hospice des Quinze-
- Chinois ou non, les opérateurs sur bouliers arrivent à une extraordinaire dextérité, exécutant des multiplications, des opérations de change, des règles de trois. A Paris, des changeurs se servaient naguère — et se servent peut-être encore — de bouliers pour leurs calculs !
- Nous franchissons un degré dans l’automatisme avec ces petits additionneurs de poche plats, à crémaillères chiffrées, que Ton fait avancer à l’aide d’un pointe. Dès qu’une crémaillère, au cours du calcul, « dépasse le 9 », un voyant rouge apparaît, prescrivant à l’opérateur d’avoir à passer une retenue à la crémaillère voisine : le robot commande l’homme, mais c’est pour lui rappeler de se conformer aux lois mathématiques qu’il a lui-même posées.
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- Fig. 2. — Un des modèles de la machine de
- (Photo
- Machine de Pascal.
- Pascal.
- Giraudon) .
- ] OL
- Le père de Biaise Pascal était intendant de Basse-Normandie. Pour secourir Monsieur son Père, le jeune philosophe construisit sa célèbre machine, destinée aux calculs financiers.
- Le système est simple, ou du moins il nous paraît tel. Dans un coffret, vous apercevez des disques troués rangés côte à côte comme les cadrans d’un téléphone automatique; chaque disque est solidaire d’une roue à dix dents, portant dix chiffres de zéro à 9, qui apparaissent dans des lucarnes... Les roues n’engrènent pas ensemble; chacune porte un bossage qui agit par déclic sur la roue voisine de gauche pour le report ; ces bossages permettent également de mettre aisément toutes les roues à zéro d’un seid coup. En somme, c’est l’équivalent d’un compteur kilométrique que l’on ferait tourner avec les doigts.
- Détail remarquable, les roues de droite sont graduées en sols et deniers, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas conformes à la numération décimale. Il suffit en effet de changer le nombre de dents des roues employées pour que la machine fasse automatiquement les opérations dans une numération à base différente de io. Une machine convenablement dentée opère aussi aisément sur des pence,' shillings et livres que sur des francs, décimes et centimes, tandis que le calcul « humain est extrêmement pénible, l’opérateur en chair et en os ne pouvant s’abstraire de l’habitude des retenues décimales.
- Cette belle possibilité des machines à calcul mécanique a été reprise, sur un plan plus vaste, par les constructeurs modernes, notamment par M. Couffignal pour sa fameuse machine électronique « à base 2 ».
- Fig. 3. — Cylindre multiplicateur. de
- Thomas.
- X, partie multiplica-trice ; F et a, coulisseau de report des retenues avec son doigt d’entraînement ; a, axe.
- Pour la soustraction, nous usons d’une véritable « table » mentale, analogue à l’élémentaire « table d’addition ». Les f!: machines procèdent soit par
- g rétrogradation des roues chif-
- :îj frées, soit en utilisant des chif-fraisons complémentaires à io.
- Les « comptomètres ».
- A notre époque, les « familles » de machines à calculer sont nombreuses et complexes.
- Il faut savoir gré au regretté Maurice d’Ocagne d’avoir introduit un peu d’ordre dans ce chaos — embrouillé par des prétentions commerciales — où U la coulisse logarithmique voisi-
- nait avec la multiplieuse à plaque hérisson et l’intégrateur A avec la machine à cartes perfo-
- ! rées ! On sait que d’Ocagne,
- mathématicien de valeur, est le père des a nomogrammes à points alignés », qui rendent d’immenses services : une seule feuille de ces nomogrammes remplace parfois un « album » entier d’abaques classiques !
- La filiation directe de la machine de Pascal est représentée par les « machines à action directe » à touches dont les types classiques sont le comptomètre. de Felt et le calculator de Bur-rough. Ces machines possèdent'un clavier complet, à io touches par colonne, chaque colonne correspondant à une lucarne. Dès qu’on appuie à fond sur une touche, le chiffre correspondant se trouve introduit dans la lucarne correspondante; il y apparaît purement et simplement si la lucarne contenait un zéro, sinon il s’ajoute à celui qui s’y trouvait déjà.
- On se sert de ces machines directes en frappant plusieurs chiffres à la fois, ce qui se fait aisément, avec un peu d’habitude, en donnant à l’ensemble des doigts une forme déterminée. La multiplication se fait en répétant l'addition et en déplaçant la main en bloc pour changer de rang décimal. Par exemple, pour obtenir le produit de 18 976 par 24, on placera les doigts sur les touches correspondantes des cinq premières colonnes et on' enfoncera la main en bloc 4 fois; puis on la déplacera en bloc d’une colonne vers la gauche et on l’enfoncera 2 fois.
- Notons ce principe de l'addition répétée — familier aux mauvais élèves, qui ne savent pas leur table de multiplication! — que nous retrouverons à propos des multiplieuses. Les machines qui « savent » leur table de Pythagorc sont rarissimes; ce qui revient à constater que même dans ce domaine bien simple, les « méthodes » des robots sont parfois différentes de celles de l’espi’it.
- Les machines directes se prêtent mal à l’impression des résultats. Tout comme les machines que nous examinerons plus loin, elles sont équipées de nombreux dispositifs de sécurité, destinés à empêcher les fausses manœuvres; par exemple, si l’on enfonce une touche à moitié — fausse manœuvre très dangereuse, car rien ne signalerait l’erreur — la machine se bloque. Un dispositif pittoi’esque est celui qui empêche d’enfoncer deux touches dans la même colonne. Les queues des touches, en descendant, écartènt des billes, rangées dans une gouttière; la rangée de billes possède un jeu suffisant pour une queue, mais non pour deux. Ainsi, la première queue de touche qui passe bloque le passage à toutes les autres.
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- L’opérateur peut se tromper, et il a des excuses, si l’on songe à la complexité de la vie psychologique; mais la machine est univoque et elle exige qu’on lui donne des ordres uniques.,. Imperamus parendo.
- Les « cylindres cannelés » de Leibnitz.
- Je vous ai promis deux philosophes mécaniciens. Tous deujc sont de taille : le second est Leibnitz.
- L’auteur de la « monade » avait été choqué par la difficulté que l’on éprouve à répéter l’addition sur la machine de Pascal. 11 pensa que l’on pourrait répéter commodément les nombres, pour faire la multiplication, en confiant la besogne à un mécanisme spécialisé.
- II imagina à cet effet certains cylindres cannelés, dignes du génie d’un Vaucanson ou d’un Jaquet-Droz, qui sont encore utilisés aujourd’hui. Représentez-vous un tambour allongé en laiton, gros comme le pouce, sur lequel 9 dents en acier sont disposées suivant les génératrices. Ces dents sont de longueurs inégales, c’est-à-dire que si vous vous déplacez le long du cylindre, vous le trouvez équipé d’une, deux... ou neuf dents.
- Sur un axe carré parallèle au cylindre, enfilons un petit pignon denté; suivant le point, de l’axe carré où nous l’amènerons, il recevra zéro, une, deux... ou neuf impulsions pour chaque tour du cylindre. Faisons tourner tous nos cylindres avec une manivelle : à chaque tour, les arbres carrés transmettront aux roues chiffrées les différents chiffres du multiplicande. La répétition sera ainsi assurée.
- Le compteur, autrement dit l’ensemble des roues chiffrées, est d’autre part monté dans un chariot pouvant coulisser transversalement, afin d’obtenir la classique « addition oblique » qui constitue la dernière étape des multiplications faites à la main. Ainsi, la machine de Pascal, qui n’était qu’une « mémoire » où l’on versait des nombres, se trouvait complétée par un mécanisme coordonné exécutant une série logique de calculs élémentaires.
- La multiplieuse de Leibnitz vit le jour en 1694 et connut un légitime insuccès, car son auteur n’était pas parvenu à mettre au point le mécanisme du report des retenues; dans ces conditions, elle demeurait un objet de curiosité. La solution fut apportée par Thomas, de Colmar, en 1820. Elle consiste à serrer toutes les dents sur une demi-circonférence des cylindres, l’autre demi-circonférence restant nue. Toute la.demi-
- Fig. 4. — Machine à multiplier de bureau, à manivelle.
- En haut, clavier des touches « multiplicande » et ses' lucarnes chiffrées ; en bas, le chariot, comportant grand compteur (produit), petit compteur (multiplicateur), boutons d’inscription chiffre par chiffre, boutons de mise h. zéro et de chariotage.
- Fig. 5. — Calculatrice comptable, vue du côté clavier.
- En haut, chariot d’impression, analogue à celui d’une-machine à écrire; au centre, tableau des voyants où apparaissent données et résultats, avec ou sans impression simultanée ; devant, clavier « réduit », ce qui signifie que l’inscription des chiffres est successive, comme celle des lettres d’un texte. A droite, levier d’annulation ; en dessous, moteur à rotation permanente.
- rotation correspondante est réservée aux reports, qui s’effec.-tuent par l’action positive de « crabotages » et non par ressorts. Ainsi, la machine peut faire : 999999999999 + 1 = 000000000000 — au prix, il est vrai, d’un sérieux effort sur la manivelle — tandis que le « 1 perdu », sortant à l’extrémité du compteur, actionne un timbre d’alarme !
- Le « cylindre de Thomas » — car Leibnitz a été bien oublié sur ce point ! — est encombrant. Monoroë l’a coupé en deux, obtenant les différents nombres de dents par 1, 2, 3, 4, 5, d’un bloc, 5 + i, 0 + 2, 5 + 3, 5 + 4. La roue d'Odhner, remarquablement plate, est utilisée dans les « machines de changeur » en fome de pupitre, telles que la Dactyle, la Brunswiga, VOriginal Odhner. Les roues sont creuses; elles possèdent xo dents mobiles qui peuvent s’effacer à l’intérieur; une dixième dent sert pour le report.
- Machines à table de Pythagore.
- Le système fécond des crémaillères arrêtées fut découvert par Felt un jour qu’il bayait aux corneilles devant une scierie forestière en activité. Cette scierie possédait une scie alterna-
- Fig. 6. — Plaque multiplicatrice Bollée.
- Les liges qui hérissent la plaque ont des longueurs proportionnelles aux chiffres de la table de Pythagore.
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- Fig. 7. — « Arithmophore » de Torrès, comprenant un disque à division logarithmique et un disque à division décimale.
- tive. Felt s’avisa que si l’on arrêtait cette scie en différents points de sa course, elle pourrait faire avancer — fonctionnant comme crémaillère — un pignon denté d’une, de deux... ou de neuf dents. Jolie anecdote scientifique, qui fleure la sciure sylvestre, les locomotives à grosse cheminée et qui cousine agréablement avec le lustre oscillant de Galilée et la pomme de Newtoh !
- Le succès fut universel. Toutes les additionneuses de caisse, les machines à tenir les comptes en banque, les machines à comptabilité, en un mot les neuf dixièmes des machines existant actuellement dans le monde, fonctionnent à l’aide de crémaillères arrêtées. Les crémaillères introduisent les nombres dans le compteur, mais elles peuvent aussi les y puiser, c’est-à-dire se charger des résultats, en « vidant » le compteur. Il suffit de munir l’extrémité des crémaillères de chiffres en relief, formant caractères d’imprimerie, pour obtenir à volonté l’impression des données et des résultats. Ce sont les extrémités des crémaillères que vous voyez apparaître, en montagne irrégulière, au sommet des caisses enregistreuses, au moment où la machine va vous délivrer votre ticket.
- Les machines à table de Pythagore — tout comme la machine de Pascal — ont été inventées par un bon fils. Le père de Bollée possédait au Mans une fonderie de cloches qui exigeait beaucoup de calculs. La forme des cloches, en effet, n’est pas quelconque; elle doit satisfaire à des lois acoustiques précises, en vue de la production des harmoniques.
- Bollée, donc, imagina une multiplieuse célèbre contenant une table de Pythagore matérialisée, formée d’un carré de laiton hérissé de tiges de longueurs proportionnelles aux chiffres de la table de multiplication. Ainsi, à l’intersection de la ligne 4 et de la colonne 9 de la table, nous trouvons côte à côte une tige de longueur 6 et une autre de longueur 3. Soulevons la table : la.première tige pousse la queue d’une crémaillère qui fait tourner la roue des unités, puis la tige n° 2 fait tourner de même la roue des dizaines : ainsi le compteur marque 36. On peut effectuer de la sorte les plus vastes mul- ', tiplications à raison de deux « coups » seulement pour chaque chiffre du multiplicateur.
- La machine originale de Bollée possédait un grand nombre de" tables de Pythagore ; ce nombre a été réduit à un dans la Millionaire d'Egli et la Moon-Hopkins, imprimante, de Burrough.
- La division « par erreur ».
- Nous arrivons à la division, opération cc scandaleuse », intellectuellement parlant, puisqu’elle est impossible directement à l’esprit humain, qui est obligé de l’effectuer par tâtonnements.
- Chose curieuse, les machines à diviser procèdent de même; plus exactement, elles font une erreur systématique d'une unité et se corri-
- gent. La machine, en effet, procède par soustractions répétées et,, comme elle ne dispose d’aucun mécanisme de comparaison, elle retranche toujours une fois de trop !
- Soit à diviser 374 par 18. La machine retranche une fois 18 de 87, puis une seconde fois, le « grand compteur » marquant alors 1, et enfin une troisième fois : à ce moment le compteur se remplit de 9 jusqu’à la gauche. Le dernier report produit un déclenchement qui provoque un tour en arrière, puis l’avancement, du chariot porte-compteur d’un rang décimal. La division s’achève quand le chariot est complètement venu sur la gauche.
- Errare humanum est... non mechanicum! Il n’est pas inscrit dans les astres que les diviseuses doivent se tromper systématiquement. Le grand forres y Quevedo, directeur du Labora-torio de automatica de Madrid, avait imaginé d’introduire dans ces machines un dispositif comparateur comportant des cames spirales à crans, analogues au « limaçon » des sonneries d’horloges franc-comtoises. La machine pouvait ainsi comparer Je quotient au reste et s’épargner des soustractions inutiles. Ce système ne s’est pas répandu.
- Pour a prédire » la mortalité de leurs clients, les compagnies d’assurances utilisent de-paradoxales « machines à différences », dont le type classique est la machine de Wiberg. Ces machines servent à l’établissement des tables; elles fonctionnent en reproduisant les valeurs successives d’une fonction algébrique, grâce à un artifice de « développement » mathématique qui est un cas particulier de celui de Mac Laurin.
- Bornons-nous à un exemple simple. Soit à établir une table des carrés des nombres entiers. Disposons les premiers carrés en colonne verticale et portons dans une seconde colonne les différences d’un carré à l’autre : nous obtenons dans cette colone les nombres 3, 5, 7..., autrement dit la suite des nombres impairs. Dans une troisième colonne, nous aurons une simple succession de 2.
- I 3 2
- 4 5 2
- 9 . 7 2
- 16 9 2
- 25 11 2
- 36 i3 2
- 49 i5 2
- Fig. 8. — Tabulatrice à 65 colonnes.
- On aperçoit les secteurs porte-caractères, qui se placent plus ou moins haut devant le papier, suivant les perforations des cartes (Samas).
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- Fig. 9 et 10. — 9 Poinçonneuse pour la perforation des fiches de « machines à statistiques » (Samas). — JO. Cet opérateur perfore une « bande-pilote », constituant V « énoncé codé » d’un problème mathématique qui sera résolu par un cerveau électronique (Marine
- américaine).
- Il est clair qu’une machine à additions successives pourra fournir les nombres de la colonne de gauche et, plus généralement, les valeurs numériques d’un polynôme dont on fait varier la variable. Si l’on a affaire à une fonction non algébrique, on la remplace, dans un intervalle déterminé, par un polynôme, et l’on vient régler de temps en temps la machine avant que l’erreur dépasse la limite admissible,
- Machines à statistiques.
- Pour la commande du télégraphe automatique, des machines à composer monotypes, des cerveaux électroniques (dispositif coordinateur), la conduite des véhicules « endomécaniques » système Dussaud, on utilise le principe de la bande perforée, directement issu des cartons du métier Jacquard, de la bande cartonnée des orgues de Barbarie ou des pianolas et du ruban de commande du « journal lumineux ».
- Dans toutes ces applications, la commande est unilinéaire, c’est-à-dire que la série des opérations commandées se poursuit toujours la même pour une bande donnée. En coupant la bande, on est conduit au système des cartes perforées, qui peuvent être choisies, triées, groupées à volonté, puis passées dans une machine à additionner capable de tabuler les différents totaux « en clair ».
- Ainsi sont nées ces puissantes machines que nous appelons en France « 'machines à statistiques », qui furent inventées aux Etats-Unis par Hollerith en i885 et dont le développement est aujourd’hui mondial. La batterie de machines comporte une perforatrice à clavier, permettant l’inscription codée, une trieuse assurant le tri des cartes suivant la position des trous dans telle colonne, enfin la tabulatrice. L’Hoilerith est électrique, la PoAvers est mécanique. Une tabulatrice opère sur i5o cartes par minute, imprimant sur 92 colonnes plus de i4 000 caractères !
- Les plus vastes travaux de comptabilité et de contrôle, l’inventaire permanent du stock des entreprises, l’établissement des feuilles de paie, des quittances d’abonnés, les états administratifs, nombre de travaux techniques peuvent et doivent être confiés aux machines à statistiques, qui permettent des orga-
- nisations d’une logique et d’une ampleur sans égales. La gestion des grosses affaires industrielles ou commerciales, l’administration d’un grand pays seraient actuellement inconcevables sans machines à cartes perforées.
- 1/ « Arithmophore » de Torres.
- Les machines que nous venons de passer en revue sont arithmétiques : le principe même de la dent les oblige à opérer sur des nombres entiers. Par là, elles descendent encore des petits cailloux et du boulier.
- 11 existe un autre fief, qui englobe les conceptions les plus hautes des mathématiques, mais où les résultats — par une étrange « rançon » — dépendent de la précision des lectures. L’exemple familier de la règle à calcul est caractéristique : c’est le génie de Neper, condensé dans deux réglettes coulissantes, nécessairement imparfaites.
- Nous arrivons ainsi à des machines « extra-humaines », c’est-à-dire capables d’obtenir des résultats inaccessibles directement à l’esprit, et cela par des voies qui ne sont pas celles de l’esprit. Telles sont les balances à équations, fonctionnant soit par des déplacements de poids ou des enroulements de fils sur des cames, soit par immersion hydrostatique de solides à méridiennes variées, ou encore la « plaque électrolytique » de Lucas; toutes sont capables de résoudre des équations de degré supérieur, qu’un calculateur en chair et en os ne peut résoudre que par approximations.
- Torrès a créé une certaine machine à équations d’une admirable généralité, dont l’élément constitutif est l’arithmophore. Il désigne sous ce nom un ensemble de deux disques gradués, l’un logarithmiquement, l’autre en division décimale ordinaire; liés par engrenage, les deux disques représentent un nombre; ainsi 4 et 47712 représentent 3o 000. Deux arithmopho-res étant reliés aux a entrées » 1 et 2 d’un différentiel, un arithmophore relié au mobile n° 3 fournira le produit des deux nombres; un engrenage de rapport n fournira les puissances nes. Torrès a construit également des machines qui donnent les racines complexes, en séparant la partie réelle et la partie imaginaire. De tels dispositifs sont utiles pour l’étude du courant déwatté dans les installations à courant alternatif.
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- Prédiction des marées.
- La comparaison entre le mécanisme et l’esprit devient particulièrement suggestive dans le domaine des intégrateurs, inté-gromètres et machines à dériver.
- Les intégrales définies J'^f(x)dx sont généralement pénibles à calculer « plume en main », exigeant de longues approximations. Elles sont fournies directement par des dispositifs matériels d’une simplicité déconcertante : tel ce « planimètre »' de Prylz, qui se réduit à une. hachette tranchante, en acier, qui traîne sur la feuille du diagramme à intégrer, en entaillant le papier ! Au lieu d’une simple sommation numérique, on peut rechercher la courbe intégrale-, c’est ce que font les intégraphes qui, guidés sur le tracé d’une fonction, fournissent au fur et à mesure le tracé de la fonction primitrée.
- La réciproque n’est pas exacte. Si les machines vont facilement d’une fonction à sa primitive, elles*descendent difficilement à la dérivée. On sait que c’est l’inverse pour l’esprit* humain. Des élèves de i5 ans calculent les dérivées en s’appuyant sur la définition, qui est simple et générale, tandis que dans le calcul intégral, il faut le plus souvent essayer plusieurs méthodes différentes, suivant un processus intellectuel qui rappelle celui des mots croisés!
- C’est que si l’aire délimitée par une courbe est bien definie, la direction de la tangente est une pure vue de l’espit et varie du tout au tout suivant le degré de précision du tracé. Sur une carte à petite échelle, la tangente au rivage breton, à la pointe du Raz, est est-ouest; sur une carte Michelin, un crochet de la côte la place nord-sud; et dans la réalité, un caillou imprévu, un coquillage 'fixé au rocher, un déplacement de molécules suffira à la faire encore pivoter de go° ou de i8o° !
- Foui'ier a montré que toute fonction périodique peut être décomposée en une somme de fonctions harmoniques, c’est-à-dire sinusoïdales : notion féconde qui rend de grands services pour l’étude de tous les phénomènes oscillatoires, notamment en électricité. Des « analyseurs.» spécialisés ont été construits pour décomposer les ondes globales en sinusoïdes élémentaires, tandis que des sommateurs harmoniques se chargent d’additionner les ondes élémentaires pour former des fonctions compliquées.
- La merveille est que ces ondes élémentaires sont bien souvent « conservatives » et donc prévisibles, par extrapolation. C’est ainsi que procèdent les machines à prédire les marées, issues du célèbre Tide predictor de lord Kelvin. Dans un puits communiquant avec la mer, à Brest, à l’abri des vagues, on enregistre la hauteur d’un flotteur de quart d’heure en quart d’heure durant i5 jours. Les chiffres obtenus servent à régler le grand sommatcur harmonique du Service hydrographique de la Marine, rue de l’Université, à Paris, qui, tournant durant 9 heures, fournit la courbe de la marée à Brest, valable pour un an !
- « Fiip-flop » et cerveaux électroniques.
- Tous les appareils de calcul mécanique que nous venons d’examiner sont matériels. Ils ont leurs limites et leur inertie. 'Quelle que soit l’ingéniosité de leurs mécanismes, elle ne saurait rivaliser avec la multiplicité fantastique des cellules de 1 ’écorce grise du cerveau, leurs possibilités plus grandes encore de synapses combinatoires... Tout ceci change avec les machines à électrons.
- Dans ces machines étrangement immobiles, les chiffres ne sont plus représentés par les angles de rotation de roues chiffrées, mais par de très brèves impulsions électriques bu tops; ces tops doivent être « stockés », additionnés, réutilisés, tout comme les unités numériques enregistrées dans les « compteurs » des machines mécaniques.
- L’élément chiffreur fondamental est le « flip-flop », constitué par un couple de lampes triodes à connexions entrecroisées, rappelant le classique multivibrateur. La propriété caractéristique du flip-flop est qu’il possède deux états d’équilibre, suivant que la lampe n° i est « bloquée », la lampe n° 2 laissant passer le courant, ou inversement. Il suffit d’une impulsion de courant pour faire « basculer » le système d’une position électrique à l’autre. On conçoit qu’il soit possible de grouper des flips-flops en chaîne ; une chaîne de 9 flips-flops sera nécessaire pour représenter un chiffre; elle reviendra à l’état initial toutes les xo imuplsions, avec passage d’une impulsion, pour le report, à la chaîne suivante.
- On réalise une extrême simplification en adoptant la numération binaire, un seul flip-flop suffisant pour représenter un chiffre. Tel est le principe de la machine Couffignal. L’inconvénient est que la machine nécessite un « traducteur » à chaque extrémité.
- Quelle est la vitesse des cerveaux électroniques ? Avec une machine décimale, l’addition de deux nombres de xo chiffres s’effectue en 4 millionièmes de seconde. La multiplication de deux nombres de 10 chiffres se fait en un cinq 'millième de seconde sur les machines américaines et les Français espèrent réduire ce « délai » à 20 millionièmes !
- Voilà pour le calcul. Reste à stocker les nombres pour des calculs ultérieurs... ultérieurs de quelques millièmes de seconde, bien entendu ! Ce problème de la mémoire à courte échéance est résolu, chez l’opérateur en chair et en os, par de véritables « images » mentales et dans les machines mécaniques par des groupes de compteurs à substitution. Ainsi, la Moon possède 20 compteurs, enfilés sur les barreaux d’une cage d’écureuil qui peut pivoter à volonté.
- Dans les cerveaux électroniques, une solution élégante consiste à employer des ultra-sons circulant dans une colonne de mercure. A cet effet, les « tops » à... conserver sont transformés, par un quartz piézo-électrique, en ultra-sons, que l’on reprend, à l’aide d’un autre quartz, à l’autre bout de la colonne de mercure. Actuellement, on met au point un système de taches cathodiques, plus expéditif, inspiré des classiques phénomènes d’accumulation électronique dans les tubes de télévision.
- Tout esprit pondéré se demandera à quoi peuvent servir des vitesses de calcul à ce point excessives. C’est qu’il faut songer au monde où nous vivons. L’ENIAC calcule en 3o sec la trajectoire d’un V2 tombant, ou d’un obus — repérés par les radars — là où un calculateur vivant mettrait deux jours entiers... Trente secondes, cela suffit pour faire donner efficacement la D.C.À., pour sauver un quartier ou, si l’engin ennemi est atomique, une capitale. Des systèmes de 100 équations à 100 inconnues peuvent désormais recevoir une solution, ce qui permet d’envisager des problèmes entièrement nouveaux. La « mise en équations », préface de tous les travaux mathématiques, perd son caractère de mutilation de la réalité; la machine électronique s’enrichit de nuances qui la rapprochent étrangement de l’homme. Seule, elle a permis aux chercheurs de se reconnaître, dans le monde effroyablement complexe de l’atome. Déjà on commence à l’employer pour des problèmes proprement humains, ressortissant à l’économie et à la sociologie. Tant il est vrai que les « démarches » les plus subjectives, en apparence, de l’esprit, se l’évèlent de plus en plus comme justiciables de l’imitation électronique.
- La pensée est-elle « quantique » ?
- De telles conceptions, actuellement en pleine évolution, reposent, sous des foiunes nouvelles, des problèmes de « structure psychologique » que nous avions l’habitude de considérer comme résolus — ou écartés — depuis l’époque de Bergson.
- Entre la a géométrie » et la « finesse », Pascal avait tracé un
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- Fig. 11 et 12. — 11. Cerveau électronique de la Marine américaine à Dahlgren. — 12. Appareillage spécial à tambours tournants d’une
- machine électronique américaine. Les tambours tournent à 12 000 tours par minute.
- (Photos Ambassade des U. S. A.).
- trait délicat, qpe nous avons approfondi en hiatus. La distinction entre « qualitatif » et « quantitatif » prend à notre époque une vigueur quasi-vexatoire. Nul ne songerait à douter que les « données immédiates de la conscience » sont choses inchiffrables, lluentes, spécifiquement colorées et affectives, et ne s’appliquent qu’au prix d’un quotidien empirisme aux dures réalités extérieures.
- Or, considérons l’exemple éclatant de la physique contemporaine. Le monde nous est donné sous forme d’énergie continue, de matière massive. Et cependant l’énergie est formée de « paquets » discontinus, correspondant aux quanta de Planck, et la matière est constituée par des corpuscules tellement enclins à prendre l’aspect ondulatoire, voire à se métamorphoser en énergie pure, qu’on finit par douter de leur existence intrinsèque !
- L'Homo faber, l’homme plongé dans la vie, ne> perçoit que des moyennes; c’est pourquoi l’univers lui paraît continu et qualitatif :
- — Si le monde, par une heureuse fortune, écrit Louis de Broglie, n’avait pas été construit « à l’échelle infime », nous n’aurions jamais pu comprendre le monde !
- L’univers matériel est punctiforme et granulaire : telle est la règle. Jusqu’à quel point sommes-nous autorisés à en exempter l’esprit ? Pourquoi le courant psychique ne serait-il pas, lui aussi, granulaire? Pourquoi n’y aurait-il pas — qu’on nous passe l’expression — des quanta mentaux ?
- Qu’il se produise une « quantification » dans le réseau ner-
- veux, au niveau des cellules du cortex, dans les synapses des neurones, c’est probable, puisque nous sommes là dans le domaine énergétique, mais cela ne prouve rien pour la structure de l’esprit : une rivière peut traverser une grille. Non, ce que les milliards d’électrons de l’ENIAG, leurs quintillions de quintillions de combinaisons suggèrent, c’est que le « mécanisme psychologique », nonobstant ses nuances les plus fines, n’est peut-être pas plus compliqué. C’est qu’il pourrait bien être, en effet, un mécanisme, où le qualitatif ne serait autre que l’apparence globale, l’intégrale sans cesse renouvelée des événements élémentaires.
- Bergson, dans un exemple célèbre, compare la vie mentale à une courbe qui ne se confond jamais complètement avec le polygone de ses tangentes, quelque grand que l’on suppose le nombre-des côtés. Une telle affirmation nous paraît aujourd’hui gratuite. Nous sommes fondés , à nous demander s’il n’y a pas une limite à la finesse de ce polygone, comme il y a une limite à la division de la matière et de l’énergie, comme la trame des grains d’argent limite la finesse d’une photographie.
- ... L1 « homme quantique »? Pourquoi pas? Un accord musical est formé d’harmoniques développables en série de Fourier, et pourtant il exprime l’angoisse de Chopin devant la mort. Si notre vie intérieure est quantique, elle est justiciable du principe d’incertitude de Heisenberg, qui nous garantit — par un détour tout.pascalien — que son mystère ne sera jamais éclairé à fond.
- ’ Pierre Devaux.
- Robot distributeur de billets aux voyageurs pressés.
- Aux États-Unis vient d’être construit un appareil qui distribue automatiquement aux voyageurs pressés les billets pour le trajet de leur choix dans les gares, aéroports, stations d’autocar et tous lieux publics de circulation intensive.
- Véritable robot, cet appareil imprime immédiatement le ticket demandé, portant inscription des lieux dé départ et de destination, de l'itinéraire, du prix, de l’indication « aller simple » ou « aller et retour », wagon-salon ou wagon-lit. Il suffit que le voya-
- geur retire d’un classeur juxtaposé à l’appareil distributeur une plaquette métallique correspondant au parcours qu’il a l’intention de faire et introduise cette plaquette dans l’appareil en même temps que le montant du prix du billet indiqué de manière très simple.
- Aussitôt, le robot compose le billet, l’éjecte,, enregistre la somme sur une bobine intérieure où l’on peut lire à n’importe quel moment le total « perçu » auparavant par le « vendeur ».
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- Images de mondes disparus
- Un épisode de l'histoire des Mammifères dans le Bassin de Paris.
- Le bassin parisien a été, depuis plus d’un siècle, le terrain d’élection des géologues stratigraphes. Après les anciens travaux d’Alexandre Brongniart et Georges Cuvier, véritables pionniers en ce domaine, de patients chercheurs ont réussi à dénombrer les multiples mouvements des terres et des eaux dont cette région fut le théâtre au cours des premiers temps de l’ère tertiaire ou période éocène (2).
- Ces modifications du dessin géographique ne correspondent qu’à de bi’efs épisodes de l’histoire du globe, nullement comparables en durée aux étages des ères secondaire et primaire. Mais, pour le paléontologiste, ces courts instants (à l’échelle géologi-
- 1. Voir La Nature, n°» 3171, 3172, 3173, pp. 207, 249, 278, 1949 ; n°“ 3181, 3184, 3186, pp. 143, 240, 303,, 1950.
- 2. La période éocène peut être divisée en plusieurs étages : Montien, Thanétien, Sparnacien, Yprésien, Lutétien, Bartonien (dont la partie supérieure correspond à l’ancien étage Ludien), Sannoisien.
- que) peuvent marquer, comme nous allons le voir, d’importants changements dans le monde des vivants.
- A la fin du Thanétien, la mer abandonna aux eaux douces ou saumâtres les vastes espaces qu’elle occupait sur l’emplacement actuel du Bassin de Paris. Au fond des lacs et des lagunes, des sédiments variés se déposèrent qui définissent un étage sparnacien. Sables et lignites du Soissonnais, conglomérat de Meu-don, en sont les faciès principaux, tout au moins ceux qui renferment les plus nombreux témoignages de la vie terrestre. La végétation de cette époque n’a fait encore l’objet que d’études partielles. On la connaît par plusieurs gisements situés, les uns aux portes mêmes de Paris : porte de Versailles, Vanves (ancienne carrière du Paradis) ; les autres en Seine-et-Marne (Cessoy), dans l’Oise (lignites de Pont-Sainte-Maxence), dans la Marne (Mont de Sarran et Mont Bernon). Elle offre un caractère subtropical et même tropical, évoquant un climat comparable à celui qui règne de nos jours sur le sud-est des États-Unis et la presqu’île de Floride. Des Rhizocarpées, semblables à certaines espèces du. Brésil et de la Guyane, une Pontederia que l’on retrouve, .actuellement, à peine modifiée dans les marécages de la Louisiane, croissaient dans les lagunes. Sur les pentes proches des rivages, se dressaient des Cyprès, des Séquoias géants, des Palmiers voisins des Sabals.*
- Dans ce milieu aquatique, la vie animale était représentée par un Poisson, le Lépidostée (Lepidosleas), l’un des derniers témoins d’un groupe florissant à l’ère secondaire et qui persiste encore dans quelques rivières de l’Amérique du Nord. Il s’y meut constamment au voisinage de la surface, rejetant sans cesse des bulles de gaz, soit par l’orifice buccal, soit par les fentes branchiales; c’est "très probablement de l’air que le Lépi-dostée avait aspiré en venant à la surface. La similitude anatomique entre la forme actuelle et la forme sparnacienne suggère un genre de vie analogue.
- Des Tortues du groupe des Trionyx, maintenant localisé dans les rivières d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Nord, vivaient sur le fond des eaux, s’enfouissant probablement, à la manière de leurs congénères actuels, dans la boue liquide, mais capables aussi d’une nage rapide. Elles se nourrissaient de Mollusques, de Poissons, sans doute également de Batraciens, dont on n’a point trouvé de restes dans les gisements spar-naciens, mais qui existaient certainement à cette période. Un Crocodile de grande taille, le Crocodilus depressi-frons, venait ajouter à l’exotisme de l’ensemble.
- Mais plus que les Vertébrés du domaine aquatique ou les formes inférieures des groupes terrestres, ce sont les Oiseaux, et plus encore les Mammifères, qui offrent, à l’époque sparnacienne, l’intérêt majeur.
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- Un des curieux aspects.de ce monde organique du début de i’ère tertiaire réside dans le développement d’Oiseaux géants ayant perdu la faculté de voler.
- Quand, après la disparition des grands Dinosau-riens, les continents furent semblables à d’immenses places vides, il y eut comme une tentative des Oiseaux pour conquérir le milieu terrestre. En avance morphologique, si l’on peut dire, sur les Mammifères, encore à l’abri de leur menace, certains s’adaptèrent pleinement à la vie sur la terre ferme.
- Tel le Gastornis, dont on a trouvé les restes dans le conglomérat de Meudon et en plusieurs autres points du bassin parisien, qui évoquait, par sa grande taille et son allure, les Autruches, dont il était d’ailleurs fort éloigné zoologiquement. Au même moment, des genres voisins croissaient sur le continent américain.
- Mais rapidement, les Mammifères se substituèrent à ces formes aviennes, pour devenir les seuls possesseurs de l’habitat terrestre, lis constituent l’élément le plus important de la faune .sparnacienne.
- Le paléontologiste Osborn avait distingué quatre expansions dans leur histoire : une expansion d’âge jurassique, sans liens nets avec les suivantes; 20 une expansion d’âge crétacé et tertiaire, caractérisée par le développement des Marsupiaux, se répandant sur l’Australie, l’Amérique du Sud et un hypothétique continent antarctique; 3° une expansion d’âge crétacé et tertiaire inférieur, de Mammifères placentaires archaïques, éteints sans descendance, qui constitueraient le groupe des Méseuthériens ; 4° enfin une expansion tertiaire de Mammifères placentaires, aboutissant aux types actuels.
- Or c’est au Sparnacien que les Placentaires vrais se substituent aux Méseuthériens. Cette période correspond donc, dans la suite des transformations du monde mammalien, à un changement fondamental; pour la première fois, le paléontologiste constate l’apparition de nos grands ordres modernes : les Primates, les Périssodactyles, les Rongeurs.
- Il n’y a point naturellement de coupure brusque, d’extinction complète suivie d’un renouvellement total. Des types archaïques vont encore persister, prolongeant ainsi le contact entre un monde finissant et un monde qui naît. /
- Coup d'œil général sur les Mammifères sparnadens du Bassin de Paris
- La faune des Mammifères sparnaciens du bassin de Paris a déjà fait l’objet d’un certain nombre de travaux. La connaissance que nous en avons demeure néanmoins pleine de lacunes; nous pourrons souvent les combler en faisant appel aux travaux des paléontologistes américains, qui ont pu étudier des spécimens complets. En effet, et nous reviendrons sur ce point, il y eut, en cette période de l’histoire du globe, une étonnante similitude entre les faunes d’Europe et celles de l’Amérique du Nord.
- Cuvier fit mention de restes très fragmentaires, sans pouvoir les interpréter exactement. Blainville ajouta quelque peu à l’œuvre de son prédécesseur; mais c’est à Hébert que nous devons les premières études importantes. Ce géologue, considéré généralement comme un des fondateurs de la stratigraphie, s’attachant exclusivement à l’observation de détail, a décrit, en termes encore imprégnés de l’esprit des Révolutions du Globe et des systèmes catastrophiques, l’anéantissement subit de tous ces Mammifères, Les premières assises de l’argile, plastique, « comme on peut le voir à Meudon, écrit-il, sont irrégulières, fortement ondulées, avec des lits de végétaux carbonisés ; elles indiquent une inva-
- Fig. 2. — Coryphodon testis. Éocène inférieur des États-Unis.
- 1/25 environ (Osborn).
- sion tumultueuse des eaux...; les animaux, surpris dans leur retraite, ont été anéantis ». Plus simplement, nous, pensons aujourd’hui que ces Mammifères sont morts dans des conditions favorables à un enfouissement rapide qui a rendu possible leur conservation par fossilisation.
- Comme toute faune en équilibre, celle qui vivait au long des rives de la lagune sparnacienne du bassin de Paris comprenait au point de vue du régime des formes herbivores, carnivores, des types rongeurs. Certains se déplaçaient lourdement sur le sol; d’autres tendaient à prendre les allures plus légères, plus agiles, des prédateurs actuels; quelques-uns vivaient dans les arbres.
- L’image d’un de ces Mammifères est toujours étroitement associée, dans l’esprit du paléontologiste, à cette période de l’histoire de la terre : le genre Coryphodon (fig. 1), forme archaïque, éteinte sans descendance, appartenant à un ordre surtout localisé dans l’Ëocène de l’Amérique du Nord et de l’Europe, qui a persisté en Asie jusqu’à l’Oligocène, celui des Àmblypodes, ou animaux aux pieds courts, « émoussés ». Les squelettes complets (fig. 2), découverts, en Amérique du Nord, indiquent des animaux massifs et trapus, atteignant les dimensions d’un Tapir ou d’un Rhinocéros. Le crâne, dans la plupart des espèces, s’élargissait, sur la région pariétale, en une sorte de plateforme et portait des rudiments de cornes. La canine tendait à s’aplatir, à se comprimer latéralement; la couronne des molaires comprenait deux crêtes transversales. Les membres lourds se terminaient par cinq doigts pourvus de sabots.
- On a beaucoup discuté sur son allure et sa démarche. Nous allons reprendre brièvement ces controverses, dont l’intérêt sera de montrer par quels moyens le paléontologiste peut tenter de remonter jusqu’à l’animal à l’état de vie.
- Le paléontologiste Cope pensait que le Coryphodon se déplaçait à la manière de l’Eléphant, sur l’extrémité des doigts.
- Figr. 3. — Diagrammes montrant la valeur des angles déterminés par les faces astragale-tibiale et astragale-naviculaire, le>s astragales étant considérés en sections verticales (d’après H. F. Osborn).
- U, Ursus (type plantigrade) ; C, Coryphodon ) E, Elephas (type digitigrade).
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- Fig. 4. — Reconstitution du Phenacodus, en haut (long d’environ 1,60 m) et t/'Eohippus, dans le bas de la figure (long d’environ 0,45 m).
- Marsh estimait que les deux membres offraient une disposition différente et que l’animal était, par son pied antérieur digitigrade comme l’Éléphant, et, par son pied postérieur plantigrade comme l’Ours. Le problème fut repris par Osborn qui considéra tout spécialement l’un des éléments du tarse, l’astragale. Cet os est assurément l’un des plus intéressants du squelette des Mammifères; ses variations très étendues sont en rapport étroit avec des conditions physiologiques.
- A sa partie supérieure, il présente une facette articulaire pour le tibia; à sa partie inférieure une facette par laquelle il repose sur un autre os du tarse, le naviculaire. L’angle formé en prolongeant les directions générales de ces facettes a une valeur différente selon PaUure'de l’animal (fig. 3). Chez un plantigrade, comme l’Ours, il est très grand et peut atteindre 82°; chez un digitigrade comme l’Éléphant, il est faible, ne dépassant pas 26°. Dans le cas du Coryphodon, Osborn a constaté qu’il était d’environ 69°. Le pied postérieur de ce Mammifère correspond donc, dans son allure, à un stade de transition entre le type plantigrade et le type digitigrade, tout en restant plus proche de celui-là que de
- celui-ci. Le pied antérieur, comme on a pu l’établir d’après les squelettes complets d’Amérique, ne diffère pas aussi complètement du pied postérieur qu’on l’avait tout d’abord pensé, et il paraît bien correspondre, lui aussi, au même stade structural intermédiaire.
- Un autre Mammifère à sabots, le Phenacodus (fig. 4), vivait avec le Coryphodon, en nos régions comme en Amérique du Nord, à l’époque sparna-cienne. Pendant longtemps, on lui a attribué une signification évolutive de première importance. Le paléontologiste Cope vit en lui a l’ancêtre commun des animaux à sabots, des Singes et de l’Homme ». On en a fait le chef de file d’un ordre spécial, celui des Condylarthrés, ainsi nommé pour rappeler un de ses caractères ostéologiques (qu’il partage avec d’autres groupes de Mammifères), l’articulation en condyle de l’astragale sur le naviculaire. On crut retrouver sur son squelette un mélange de caractères primitifs, maintenant dispersés dans des ordres différents. Phenacodus était un type synthétique. Nous savons maintenant que c’est une forme éteinte sans postérité, autre témoin, comme Coryphodon, de cette expansion des Mammifères archaïques qui marqua le début de l’Éocène.
- Le squelette complet (fig. 5), trouvé en Amérique du Nord (Wyoming), montre qu’il s’agissait d’un animal à longue queue, de la taille d’un Loup. Sa dentition dénote un régime omnivore; ses pattes se terminaient par des phalanges en foi'me de sabots.
- Un troisième type, VEsthonyx, appartenant à l’ordre éteint des Tillodontes, établit un nouveau lien entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Ses larges incisives lui donnaient une certaine ressemblance avec les Rongeurs; ses molaires paraissent indiquer un régime omnivore ou herbivore.
- Alix côtés de ces genres archaïques, la présence d’un autre Mammifère annonçait les débuts du développement du grand ordre des Périssodactyles, représenté, dans la nature actuelle, par les Chevaux, les Rhinocéros, les Tapirs. Cet Hyracotherium (ou Eohippus — il a reçu ces deux noms) nous apparaît ainsi comme un des éléments « modernes » de la faune spar-nacienne (voir fig. 4). Mais il est loin encore du Cheval, son dernier descendant ! Sa taille .atteignait à peine celle d’un fox-terrier; la couronne de ses dents, dont la morphologie est un bon indice du régime, était formée de denticules arrondis et
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- non de crêtes, autrement dit, Hyracotherium avait un régime omnivore. Ses pattes terminées par cinq doigts au membre antérieur et quatre au membre postérieur ne correspondent pas à une allure rapide.
- La faune sparnacienne avait aussi ses prédateurs, Carnivores très différents de ceux qui vivent actuellement et dont on a fait le sous-ordre des Créodontes.
- Vers la fin du siècle dernier, on a recueilli dans les carrières de Vaugirard, les restes de l’un d’eux, le Pachyæna, représenté seulement par des pièces fragmentaires (fig. 6). Marcellin Boule en donna la description dans un remarquable travail, dont il nous suffira, pour évoquer d’une manière précise cet être disparu, de reproduire une partie des conclusions : <c Pachyæna était un animal carnivore de la taille d’un Lion ou d’un Ours actuel, mais avec une tête beaucoup plus volumineuse, ce qui devait lui donner un aspect assez étrange. Malgré la grandeur de sa mâchoire, il ne devait pas avoir des mœurs bien féroces. L’absence presque complète de fosse massétérienne, le peu de saillie et de rugosité des empreintes musculaires prouvent que les principaux muscles masticateurs, le masséter, le temporal, les ptérygoïdiens n’étaient pas très puissants.
- « Ces caractères s’accordent d’ailleurs très bien avec ceux tirés de l’étude des pattes qui n’étaient pas faites pour saisir, et moins encore pour déchirer. On ne voit pas, dans la nature actuelle, à quel type de Mammifère on pourrait comparer notre fossile, au point de vue des mœurs et du régime. On peut supposer qu’il se nourrissait surtout de la chair d’animaux morts et qu’il jouait, dans la nature éocène, le rôle dévolu actuellement aux Hyènes, mais, contrairement à celles-ci, il ne pouvait guère, manger que les parties molles ».
- Un autre Créodonte, trouvé dans les lignites du Soissonnais, devait plutôt se nourrir de chair fraîche. 11 a reçu le nom de Palæonictis, car les premiers paléontologistes qui en firent l’étude crurent observer que sa dentition offrait quelques rapports avec celle des Mammifères de la famille des Viverridés, Mangoustes, Civettes, etc. La brièveté de la face lui donne plutôt une allure de Chat et sa dentition coupante indique des habitudes carnivores. Contrairement à Pachyæna, ce Créodonte devait dévorer des proies vivantes.
- Le groupe des Primates ne fait que commencer son histoire. Il est à peu près exclusivement représenté, dans le Sparnacien du Bassin de Paris, par le genre Plesiadapis, rangé souvent parmi les Insectivores, mais qui doit être plutôt rattaché aux Lémuriens. Par le grand développement des incisives supérieures et inférieures, il se rapproche précisément d’un Lémurien aberrant actuel de Madagascar, l’Aye-Aye (Danbentonia), et en avait probablement le régime. Cette dernière forme, au corps recouvert d’une abondante fourrure, aux yeux très grands, atteint à peu près les dimensions d’un Chat. Cachée durant le jour, dans les épais fourrés de la forêt malgache, elle va pendant la nuit, en quête de sa nourriture, composée principalement d’insectes et de fruits.
- Les Rongeurs ne constituaient qu’un groupe de peu d’importance. Le genre Paramys (fig. 7), aux allures et aux mœurs d’Écureuil, mais sans affinités zoologiques avec celui-ci, formait alors l’élément essentiel de la vie arboricole de notre pays.
- Telle est, dans ses grands traits, la faune mammalogique sparnacienne du bassin de Paris : des éléments archaïques persistants, que supplantent peu à peu les avant-coureurs des ordres modernes.
- Paléontologie et Paléogéographie
- La faune sparnacienne du bassin parisien offre les plus étroites ressemblances avec la faune synchronique de T Amérique du Nord; on retrouve, de part et d’autre de l’Atlantique, les mêmes genres, sinon les mêmes espèces. A plusieurs reprises, au cours de l’ère tertiaire, il est ainsi possible d’établir des rapproche-
- Fig. 6. — Pachyæna gigantea, de l’Ëocène inférieur de la région parisienne (carrière de Vaugirard J. Mandibule vue par la face
- externe.
- ments entre le monde organique des deux continents, et ces ressemblances impliquent une configuration particulière des terres et des océans. Aux reconstitutions des milieux biologiques successifs, on peut ainsi adjoindre, grâce aux fossiles, la reconstitution des géographies anciennes.
- D’une telle science, encore mal fixée et cherchant toujours plus ou moins ses méthodes, Buffon a eu le pressentiment. Il trouve, dans le Nouveau-Monde, quatre genres et deux espèces isolées qu’on ne peut rapporter, ni même comparer à aucun des genres ou des espèces de l’ancien continent. Pour en expliquer l’origine, « il est raisonnable de penser, écrit-il, qu'autrefois les deux continents étaient contigus ou continus, et que les espèces qui s’étaient cantonnées dans ces contrées du nouveau monde, parce qu’elles en avaient trouvé la terne et le ciel plus convenables à leur nature, y furent renfermées et séparées des autres par l’irruption des mers lorsqu’elles divisèrent l’Afrique de l’Amérique... ». Pour rendre raison de ces traits de la nature actuelle, il faut donc remonter aux temps où les deux continents n’étaient pas encore séparés, « il faut rappeler les premiers changements qui sont arrivés sur la surface du globe ».
- De ces intuitions encore vagues, nous passons, avec Albert Gaudry, à des vues précises. Les progrès de la paléontologie lui permettent de souligner de nombreux traits communs aux faunes de Mammifères tertiaires de l’Ancien Continent et du Nouveau. Ces ressemblances nous révèlent que la marche de l’évolution a été à peu près la même sur une grande portion
- Fig. 7. — Paramys delicatus. Reconstitution du squelette
- (d’après Matthew).
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- de notre planète. Et l’illustre paléontologiste estimait « que les communications des êtres pendant les temps géologiques ont été d’importants facteurs dans l’égalité des processus d’évolution ».
- L’étude des migrations a de plus en plus attiré l’attention des paléontologistes; elle constitue maintenant le point de départ de toute reconstitution paléogéographique.
- Revenons au problème posé par les analogies faunistiques entre l’Europe et l’Amérique du Nord au Sparnacien, analogies qui existaient à la période antérieure thanetienne et que nous j-etrouvons, avec non moins de netteté, à l’Oligocène.
- Une telle similitude ne peut s’expliquer que par l’existence de communications continentales faciles entre ces régions maintenant séparées par l’étendue immense d’un océan. Sur la forme de ces communications trois hypothèses principales ont été proposées :
- i° Les continents demeurent permanents dans leurs contours essentiels mais non dans leur position relative. D’abord unis en une vaste masse, ils se seraient graduellement écartés les uns des autres, flottant sur un substratum fixe, pour atteindre leur emplacement actuel. Telle est l’expression très simplifiée de la théorie de la dérive.
- 2° Il y a permanence dans le dessin des continents et permanence dans leurs situations respectives. Au moins depuis le début de l’ère tertiaire, notre globe n’aurait pas subi de retouches notables, tout au plus quelques modifications locales.
- 3° De véritables ponts terrestres réunissaient à certaines époques, à travers l’Atlantique, les terres maintenant disjointes, permettant ainsi les échanges de faunes.
- La théorie de la dérive, selon laquelle l’Amérique du Nord, initialement rattachée à l’Europe, s’en serait peu à peu éloignée, çomme par un gigantesque glissement, n’arrive pas à rendre compte des analogies et des différences faunistiques alternantes, que l’on constate entre les deux continents, à peu près tout au long de l’ère tertiaire.
- L’hypothèse des ponts océaniques jetés à travers l’Atlantique et permettant un passage aisé de l’Europe à l’Amérique et inversement, ne trouve guère appui dans les faits paléontolo-giques. Nous savons qu’aux périodes où ces continents portaient des animaux identiques, l’Asie offrait également d’étroites ressemblances faunistiques avec l’Amérique du Nord. Il est donc plus simple et plus rationnel d’admettre que le courant de migration passait par le détroit de Behring, qui, grâce à ses faibles profondeurs, a pu jouer le rôle d’isthme à la faveur d’un léger abaissement du niveau marin. Les indications de l’histoire des Mammifères sont ainsi nettement en faveur d’une certaine permanence des continents.
- Après nous avoir permis de reconstituer les témoignages de vie des anciens âges du monde, la paléontologie, élargissant nos perspectives, projette quelque lumière sur les dessins changeants de la face de la Terre.
- Jean Piveteau, Professeur à la Sorbonne.
- A propos
- lampes
- germicides
- Dans son n° 3178 de février 1950, p. 5i, La Nature a signalé les applications, qui se développent rapidement en divers pays, des lampes germicides à basse pression de vapeur de mercure produisant sélectivement la raie 2 537 Â.
- M. M. Déribéré nous signale que de 'telles lampes sont aussi
- construites en France : la lampe tube T.F. 25 Mazda a une longueur de 90 cm environ et un diamètre de 25 mm. Elle comporte le même culot à broches que les lampes fluorescentes, ce qui permet de l’utiliser commodément sur les douilles T.F. normales. Son fonctionnement est d’ailleurs assuré avec l’appareillage d’alimentation, standard des T.F. ' 25 iio/ii5 Y ou 220 Y, 5o périodes. Le verre clair spécial qui constitue le tube a un maximum de perméabilité dans la région germicide la plus active. Les lampes germicides doivent être utilisées avec certaines précautions. L’emploi de réflecteurs spéciaux ou de goulottes en aluminium aluminité est nécessaire pour protéger les yeux quand on doit travailler la face nue. Mais souvent toute la salle doit être maintenue stérile et dans ce cas, les préparateurs sont protégés par des lunettes spéciales fixées sur la cagoule qui arrête les expectorations.
- La figure ci-jointe représente une des chambres stériles de préparation de la pénicilline dans l’usine de Romainville, de la Société française de la pénicilline. Au plafond on voit les lampes d’éclairage fluorescentes alternant avec les lampes germicides.. Les travailleurs portent un survêtement blanc et des chaussures d’étoffe blanche stérilisés; seules les mains restent nues et sont désinfectées avant toute manipulation.
- Fig. 1. — Éclairage germicide d’une chambre stérile de préparation de la pénicilline, à FUsine de Romainville de la S.O.F.R.A.P.E.N.
- (Cliché O.D.F.).
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- La situation pétrolière en France
- M Robert André, président de l’Union des Chambres syn-• dicales de l’Industrie du pétrole, vient d’établir le premier rapport sur les diverses activités pétrolières en France, arrêté à la fin de 1949. Nous en extrairons les renseignements suivants :
- Production. — Les gisements français et nord-africains ont fourni en 1949 74 236 t de pétrole brut, 228 millions de mètres cubes de gaz naturels et 17 917 t d’essences extraites des gaz naturels, en progression marquée sur 1948. Ces quantités ont été dépassées en 1960, notamment grâce au développement de l’exploitation du gisement du Lacq. •
- Le gisement de l’Oued Beth, au Maroc, a fourni 17 000 t en 1949 et 4o 000 en 1960; celui de Sidi Amar, en Algérie, près d’Aumale, a été mis en exploitation et a donné i5 000 t.
- Ce sont là de faibles ressources comparées aux besoins, et il faut importer la presque totalité des produits consommés.
- Importations. — Avant la guerre, la France recevait x 326000 t de produits finis et 6 933 000 t de pétrole brut; aujourd’hui, elle ne reçoit plus que 423 000 t de produits finis, contre ix 626 000 t de pétrole brut. Cela tient à deux causes. D’une part, alors que la France recevait des États-Unis 54 pour 100 de ses importations de pétrole brut, elle n’en reçoit plus que 19 pour 100; le Moyen Orient qui fournissait en 1938 45,i pour 100 des produits bruts compte maintenant pour 81,0 pour 100; c’est là un déplacement marqué des zones de répartition : les pétroles américains restent pour une plus grande part en Amérique, ceux du Moyen Orient alimentent les marchés européens. Les importations françaises ont dû être payées en dollars, en livres sterling et pour une petite part en francs. Les paiements en dollars représentaient en 1949 93 178 000 $ dont une part fut financée par le plan Marshall.; les paiements en livres ont atteint 78 ou 600 ,£. C’est là pour notre pays une très forte charge qui contribue lourdement à déséquilibrer le bilan de nos échanges commerciaux.
- D’autre part, l’industrie du raffinage s’est beaucoup développée sur notre sol. Elle est maintenant répartie en quatre grands groupes géographiques : l’embouchure de la Seine, de Rouen au Havi’e; la Basse-Loire, de Nantes à Saint-Nazaire; la Gironde; l’étang de Berre. La guerre avait ravagé les installations existantes au point que la capacité annuelle des usines était tombée de 8 000 000 à 1 5oo 000 t. Celle-ci a retrouvé dès ig48 le chiffre d’avant-guerre avec 8 200 ôoo t et a atteint en 1949 près de i4 000 000 t; on escompte 18 775 000 t en 1952-1953. Le raffinage en France a fourni en 1 o4g, 21,8 pour 100 de l’essence, 24,9 pour 100 du gas oil et 38,7 pour 100 des fuels lourds de la consommation. Quelques usines s’équipent pour la production de supercarbui'ants.
- En même temps, les parcs de stockage ont été remis en état ou reconstruits. La capacité de stockage était de 3 3oo 000 t en 1938, elle était tombée à 1 545 000 à la libération; elle est remontée à 2 35g 000 t en 1949.
- La tendance est de transporter à vitesse accéléi'ée les produits pétroliers du lieu d’embarquement aux réservoirs de stockage proches des raffineries dans des navires aménagés (tankers) assurant des manipulations rapides des liquides (x). En 1988, la flotte pétrolière française avait un port en. lourd total de 466 000 t; elle fut réduite à x45 000 ’t à la libération; à la fin de 1948, elle a atteint 58g 25o t et en 1949 769 672 t. En 1949, les navires pétroliers français ont apporté 36 pour 100 du pétrole
- 1. Bérénice, le dernier navire pétrolier lancé à Saint-Nazaire le 11 novembre 1950 est un « tanker » de 202 m de long, contenant 39 600 m3 de citernes, dont la vitesse prévue est de 15 nœuds.
- brut importé en France : 4 ô84 000 t sur 11 793 000. Le transport des raffineries aux centres de consommation se fait, en attendant divers pipe-lines prévus, notamment du Havre à Paris, par caboteurs, chalands, wagons-citernes et camions-citernes; on comptait en ig5o, 25 caboteurs, 5i3 chalands, 10 45o wagons et 685 camions (sans compter 3 200 camions de distribution).
- Consommation. — La consommation en France des divers
- •odui’ts pétroliers séparés par le raffinage s’établit en milliers
- ; tonnes par les nombres suivants :
- •1938 1947 1949
- Gaz liquéfiés 43 33 78
- Essences spéciales- .... 40 29 33
- Essence aviation 50 120 96
- Carburant auto 2 740 1 830 1 971
- Lampant white spirit 223 182 153
- Gas oil 580 610 857
- Lubrifiants 280 301 253
- Fuel 2 250 2 418 5 098
- Paraffine 10 13 9
- Cires . 3 1
- Bitumes et brais 300 438 395
- Totaux .... 6 olS 0 973 8 950
- Pendant l’été de 1960, la consommation du carburant auto a retrouvé son niveau d’avant-guerre et l’a même dépassé en août.
- Les problèmes du pétrole. — Les données du rapport de M. André comportent quelques commentaires dans le domaine économique.
- Un pays tel que le nôtre, qui n’a pas de sources d’hydrocarbures sur son territoire — ou si peu qu’elles ne comptent guère — et qui jusqu’ici n’a guère l’espérance d’en trouver d’abondantes,' est obligé d’avoir une politique des carburants. Ou bien, dans un monde paisible, il est actif, influent, riche, prospère; il peut alors laisser faire et laisser aller; il achète son essence à l’étranger et la paie au pi'ix mondial avec une monnaie appréciée soutenue par les bénéfices qu’il tire partout de ses activités; il favorise ainsi diverses industries chimiques qui ne sont pas toutes de première nécessité, augmente les transports et le tourisme et élève le niveau, le standard, le confort d’une vie matérielle envisagée d’une certaine façon. Ou bien, dans un monde troublé où les échanges sont fortement diminués et les conflits menaçants, l’État songe avant tout à faire des réserves de devises et de carburants; craignant de manquer de pétrole au moment même qix’il aura le plus besoin de transports pour sa défense, il veut aussi protéger les autres sources d’énergie du territoire : houille, bois, alcool, électricité; enfin, il applique au commerce des essences les mêmes charges, les mêmes impôts qu’il réclame à toutes les activités du pays, il lui demande de participer à l’entretien des routes, ou même il fixe des prix de vente.élevés destinés à limiter la consommation des carburants et les sorties de devises consécutives.
- La position que prend l’État ne va pas sans incidences techniques de toutes soi'tes. Il n’est pas de moteur universel tournant quelle que soit sa source d’énergie; il faut donc choisir entre la machine à vapeur et le moteur à explosion, ajuster celui-ci à l’essence ou au mazout ou aux mélanges .alcoolisés; les locomotives, les voitures, les navires seront construits d’avance pour y satisfaire. Dans la grande bataille de la route et du rail, il faudra prendre parti et pour longtemps. Il faudra être certain d’un approvisionnement régulier, puisqu’on ne peut faire dépendre les transports d’un gel des canaux ou d’une grève qui bloqueraient brusquement le .charbon à la mine, ni
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- des alcas de la culture betteravière dont les récoltes varient chaque année, ni de la maîtrise-des mers alors qu’une campagne sous-marine suffit pour isoler un pays. On ne pourra changer à tout propos de combustible ou de carburant, selon les désirs d’équilibrer un budget ou de favoriser politiquement tel ou tel groupe. Là comme partout, la politique est fonction des finances et toutes deux doivent tenir compte de la technique.
- Qu’on se rappelle le mécontentement suscité récemment par l’annonce que le gouvernement français allait substituer en 1961 à l’essence pure un mélange essence-alcool, tout simplement pour liquider les stocks d’alcool encombrants avant la mise en œuvre de la dernière récolte de betteraves, exceptionnellement abondante, qui devait fournir 3 5oo 000 nouveaux hecto-
- litres d’alcool. La mesure a été ajournée après que le gouvernement américain, soucieux de développer la fabrication de caoutchouc et autres matières synthétiques, eût proposé d’acheter à 47,20 F le litre d’alcool à ioo° que l’État paie 85 F aux distillateurs et qu’il revendait 36 F aux marchands d’essence, solution précaire qui ne résoud cette difficulté que pour un temps.
- Nous n’avons voulu donner ici que des données statistiques sur lesquelles chacun pourra méditer à loisir et à son goût pour juger du difficile et complexe problème de nos besoins en produits pétroliers.
- A. B.
- Les textiles en chlorure de polyvinyle
- Le chlorure de polyvinyle est l’une des matières plastiques qui a pris les plus importants développements techniques, en raison de la facilité de sa préparation, de sa remarquable résistance chimique à l’eau et aux réactifs chimiques et de ses qualités mécaniques très élevées.
- Le monomère, le chlorure de vinyle, CH2 = CH — Cl, s’obtient en fixant l’acide chlorhydrique gazeux sur l’acétylène :
- CH = CH + C1H CHa = CH — Cl
- la polymérisation peut être ensuite effectuée sur le monomère sous pression ou en émulsion, en donnant des produits de poids macromoléculaires variés :
- ... — CH2 — CII — CH, — CH — CH2 — CH — CH, — CII — ...
- I “l .1 ' I
- Cl Cl Cl Cl
- *
- * *
- Comme matière thermoplastique, le chlorure de polyvinyle a trouvé des emplois très nombreux, notamment pour la réalisation de canalisations résistant aux bases et aux acides concentrés. Il était normal que l’on songeât à l’utiliser pour la préparation de fibres textiles, car on pouvait s’attendre, en raison de la grande symétrie des macromolécules et de la polarité élevée des atomes de chlore latéraux, à des propriétés mécaniques particulièrement intéressantes. Mais pour ces raisons mêmes, la cohésion macromoléculaire se trouve être extrêmement forte et le chlorure de polyvinyle ne se dissout que dans un très petit nombre de solvants peu courants et d’un prix de revient élevé. Il n’était donc pas possible d’envisager son filage à partir d’une de ses solutions courantes. De plus, son point de fusion est trop élevé pour qu’on puisse le filer à l’état fondu sans provoquer une dégradation lui faisant perdre une partie de sa résistance mécanique.
- Aussi jusqu’à présent, le chlorure de polyvinyle n’avait pas été employé comme fibre textile, du moins sans modifications. Les Allemands lui faisaient subir une surchloruration pour lui donner une solubilité convenable (Fibre PeCe), tandis que les Américains effectuaient une copolymérisation du chlorure de vinyle avec le chlorure de vinylidène CFI2 = CC12 (Saran), l’acétate de vinyle CII2 = CII — O — CO — CII3 ('Vinyon) ou le nitrile acrylique CII2 =CH — CN (Vinyon N).
- *
- . * #
- L’industrie française a tourné la difficulté en trouvant au chlorure de polyvinyle un solvant volatil facilement accessible industriellement et aisément récupérable : le mélange acétone-sulfure de carbone. Il est remarquable que chacun de ces deux constituants, pris isolément, ne dissout pas le chlorure de polyvinyle, tandis que leur mélange permet une dispersion aisée.
- Le filage du chlorure de polyvinyle dans le mélange acétone-sulfure de carbone est une opération aussi simple que le fdage de l’acétate de cellulose et ressortit aux mêmes techniques. La solution est extradée au travers de la filière dans une gaine parcourue par un courant d’air chaud qui évapore les solvants et les entraîne à la récupération, tandis que le fil se solidifie et peut être étiré pour accroître sa cristallinité et augmenter sa résistance mécanique.
- On obtient à volonté soit un fil continu (Rhovyl), soit des fils tronçonnés comparables aux fibrannes (Fibravyl).
- Ces fibres textiles, dont la résistance à la rupture est de l’ordre de 3 à 4 g au denier, sont caractérisées par une complète ininflammabilité (la fibre fondant sans brûler), une parfaite insensibilité à l’eau ayant pour conséquence le maintien des propriétés mécaniques lorsque la fibre est mouillée, une résistance considérable à un très grand nombre de produits chimiques, notamment aux acides concentrés, à l’eau régale, à l’eau de Javel et aux alcalis concentrés. De ce fait, la fibre de chlorure de polyvinyle résiste parfaitement aux agents de destruction atmosphériques et à l’eau de mer. Elle résiste bien également à l’action de la lumière et aux agents biologiques.
- Le chlorure de polyvinyle est utilisé pour la fabrication de tissus destinés à l’industrie chimique, notamment pour la préparation de tissus filtrants, de tresses, de tuyaux, de vêtements de protection. Il a été proposé pour la confection de filets de pêche, d’entoilages d’avions et de planeurs, de canots, de combinaisons d’aviateurs. Il trouve un emploi dans la fabrication de tissus d’ameublements, particulièrement pour les salles de spectacle, en raison de son ininflammabilité. Son imputrescibilité lui ouvre des débouchés coloniaux.
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- Une propriété intéressante des fils de chlorure de polyvinyle est le retrait qu’ils subissent lorsqu’ils sont chauffés à sec à 8o° et au mouillé à 75°. En faisant subir ce retrait après tissage, on peut réaliser des toiles très serrées qui trouvent leur utilisation pour la filtration de particules extra-fines. En outre, ces tissus ayant un pouvoir diélectrique élevé se chargent aisément d’électricité statique par frottement, ce qui leur permet, dans la filtration des gaz, d’arrêter les particules de poussières par attraction électrostatique s’ajoutant à la rétention mécanique.
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- UNE MERVEILLE
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- DE L'ART PRÉHISTORIQUE :
- LA GROTTE ORNÉE DE LASCAUX
- Parmi les richesses archéologiques qui constituent le patrimoine de notre pays, les gisements de gravures et de peintures préhistoriques occupent une place prépondérante. Les régions du sud-ouest de la France sont particulièrement favorisées en vestiges de ce genre, aussi ne faut-il pas nous étonner que la découverte de la plus belle grotte ornée connue, la « Chapelle Sixtine de la Préhistoire » (x), ait été effectuée aux environs de Montignac-sur-Vézère, à une quinzaine de kilomètres des Eyzies, village bien connu des préhistoriens du monde entier pour la richesse et la variété de scs gisements.
- C’est le 12 septembre 19/10 que quatre jeunes gens du pays agrandirent un trou pénétrant verticalement dans le plateau qui domine le village, afin de retrouver un petit chien qui s’y était égaré. Ils découvrirent une cavité dans laquelle ils se glissèrent. Après avoir dévalé un cône d’éboulis, ils débouchèrent dans une grotte. S’éclairant par des moyens de fortune, ils remarquèrent que les voûtes étaient couvertes de fresques qui semblaient continuer dans les ténèbres. Ils firent part de leur trouvaille à l’ancien instituteur du pays, Laval, qui s’intéressait aux questions de préhistoire. Celui-ci prévint l’Abbé Breuil, professeur au Collège de France, qui vint aussitôt en compagnie de M. Pey-rony, délégué du Ministère des Beaux-Arts. Une exploration sommaire permit de constater l’importance exceptionnelle de cette découverte fortuite. '
- L’Abbé Breuil entreprit de suite le décalque, l’analyse et le déchiffrement des représentations.
- Dès le 11 octobre 19/10, il put présenter un rapport qui fut lu à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Il datait ces œuvres d’art du paléolithique supérieur et plus précisément de la période la plus récente de l’aurigna-cien.
- Situation géologique.
- —~ Les couches géologiques de la région de Mon-tignac ne sont pas.absolument horizontales, mais présentent une inflexion générale nord - est - sud -ouest due à la tectonique de la région. Le terrain est fracturé par de nombreuses failles secondaires de direction parallèle accompagnant les failles principales. La grotte est située à 90 m au-dessus du niveau de la rivière dans le calcaire santonien (crétacé supérieur). Le sol du plateau est acide, à sable sidérolithique impré-
- 1. M. F. Windels, Lascaux, Chapelle Sixtine de la Préhistoire. Édité au Centre d’études et de documentation préhistoriques, Montignac-sur-Vézère (Dordogne).
- Fig. 1. — Cheval présentant des analogies avec le poney des Shetlands
- (Hauteur environ 2 m).
- (Photo Laborie. Documentation de la Commission internationale d’art préhistorique).
- gné d’eau. L’entrée coïncide avec le croisement de deux systèmes de fractures. L’eau de pluie, dont la pénétration a été favorisée par le terrain faillé, a lentement perforé le terrain crétacé, de façon plus ou moins irrégulière selon la teneur en calcaire de la roche. Il en est résulté un système complexe de couloirs et de cavités s’étendant sur plusieurs étages. L’argile et le sable entraînés des couches superficielles ont formé des sols et nous masquent actuellement les étages inférieurs.
- La grotte a ainsi une position en contre-bas, qui a empêché l’air chaud de l’été d’y pénétrer e.t de déposer sur les parois une buée de condensation qui les aurait corrodées. Par contre, l’eau Filtrant lentement à travers les parois les a enduites par place d’une mince couche de calcite blanchâtre, qui a comme « préparé » les surfaces que les artistes préhistoriques devaient recouvrir de peinture et leur a permis de faire étalage de toute la richesse de leur palette. Cette fine exsudation de calcite a également consolidé les surfaces argileuses, aidant ainsi à conserver les gravures et les peintures qui y furent exécutées. Dans certains cas, cette imprégnation de la paroi s’est poursuivie après le départ des paléolithiques. Elle s’est superposée aux figurations, les protégeant à la façon d’un glacis et les authentifiant. Là où elle ne s’est pas produite, dans les parties les plus élevées, la roche s’est effritée, détruisant les œuvres d’art auxquelles
- relie servait de support.
- [ D’autre part, le toit de la grotte, formé de calcaire au grain très serré, recouvert par une couche d’argile superficielle, a empêché la formation de stalactites.
- Il faut également noter que l’obturation de l’entrée de la grotte par des éboulis dévalant du plateau l’a scellée et protér gée contre toute dégradation, due soit aux visiteurs, soit aux animaux venus s’y réfugier. Enfin, par suite de violentes gelées, des écailles rocheuses se sont détachées de la paroi, après exécution des fresques, dont plusieurs sont ainsi mutilées.
- Quand on connaît les difficultés rencontrées ordinairement dans les grottes ornées pour déchiffrer les figurations et la diversité des conditions nécessaires pour qu’elles se maintiennent intactes, on est saisi d’admiration à Lascaux.
- Un ensemble unique de conditions géologiques a favorisé la grotte et a permis la parfaite conservation des œuvres d’art que nous pouvons y contempler.
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- PLANCHE I
- (Photo WlNDELS)
- (LA NATURE, 1951)
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- PLANCHE II
- (P]lOtO WlNDELS).
- Planche II. — Cheval dit « chinois ».
- Il {ait partie d’un ensemble de chevaux que l’on trouve dans le diverticule axial. Longueur : 1,40 m. Cette figuration est tout à fait remarquable par la qualité du dessin et la délicatesse des teintes. Le contour de l’animal, la crinière, le museau et les pattes sont en noir, le remplissage partiel bistre clair sur fond blanc, les sabots sont en perspective réelle. Les flèches qui entourent l’animal et la présence d’un « blason » au-dessus de lui permettent de penser que celte
- peinture aurait une signification magique.
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- PLANCHE III
- (Photo WlNDELS).
- Planche III. — Tête et encolure de Cerf Elaphe.
- Diverticule axial sur la voûte. Hauteur : 1,40 m. L’œuvre, traitée en teinte noire, a été primitivement esquissée par une série de ponctuations, que l'on peut encore distinguer sur le dos de l'animal. L’artiste a évité d’enchevêtrer les ramures en les représentant l’une, dans une position légèrement en avant, alors que l'autre est très inclinée en arrière. La taille immense des bois et l’espèce de palmure que l’on trouve vers leur extrémité indiquent un animal déjà âgé.
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- PLANCHE IV
- (Photo WlNDELS).
- Planche IV. — La scène du puits.
- Elle est située au fond d’un puits de 6 ou 7 m de profondeur situé sur le côté de l’abside. Le trait est noir et la teinte plus foncée du corps du bison (brun) est duc à la coloration locale de l’argile de la paroi. Un homme- à tête d’oiseau semble avoir été chargé par la bêle, dont le corps est traversé d’une sagaie et paraît perdre scs entrailles. Aux pieds du chasseur, un propulseur, à moins qu’il ne s’agisse d’une autre lance brisée. A gauche, une figuration schématique d’oiseau, à laquelle on a pensé attacher une signification totémique.
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- Description de la grotte. — L’entrée, qui originellement était un étroit boyau à forte pente, a été aménagée grâce au Service des Monuments Historiques. Après avoir franchi un sas destiné à maintenir un degré hygrométrique constant à l’intérieur, on pénètre dans une grande salle oblongue, large d’une dizaine de mètres, longue d’une trentaine et haute de six à sept mètres. Le visiteur est stupéfait et ébloui. Les murs sont entièrement ornés de fresques représentant des animaux. Voici d’abord une tête de cheval en noir, puis un animal fantastique : « la licorne ». C’est un animal mal proportionné, au corps massif, au mufle court et bosselé, aux pattes fortes, à la robe tachetée. La tête épaisse, à l’œil petit, privée d’oreilles, porte sur le front deux longues cornes. Cette figure a exercé la sagacité des préhistoriens. Miss D. Bâtes pense qu’il s’agit du Pan-tholops hodgsoni, une antilope que l’on ne trouve plus qu’au Tliibet. Puis, c’est une succession de gigantesques bovidés, peints en noir, en rouge, en’ brun, les uns dessinés simplement au trait, les autres décorés de teintes plates. Le plus grand mesure 5,5o m de l’extrémité des cornes à la queue. Entre leurs pattes, et souvent en surimpression, toute une faune s’agite. Un grand cheval rouge, aux pattes et à la crinière noire, une vache rouge, un cheval bistre sans pattes ni croupe. Au bas, toute une série de cervidés de petite taille, exécutés dans des teintes rouges, bistres et noires. Plus loin, un ours apparaît, mais on ne distingue que son museau dressé et l’extrémité de sa patte griffue.
- La grande salle des taureaux se prolonge par un couloir voûté haut de plusieurs mètres, le diverticule axial. Sur la blancheur des voûtes et des murs, les peintures se succèdent. C’est cette partie de la grotte qui a suggéré à l’Abbé Breuil l’image de la Chapelle Sixline. Le visiteur est frappé par une frise de petits chevaux au pelage bourru, analogues à certains poneys des Shetlands. Au-dessus d’eux, un grand bovidé à la robe noire, aux flancs bistres, bondit vers une sorte de barricade qui pourrait fort bien indiquer un piège. Plus loin, ce sont des chevaux ocres aux taches foncées. Autour d’eux un groupe de vaches, teintes en rouge, très différentes d’aspect de celles de la salle précédente. L’une d’elles, de grande faille, enjambe littéralement la voûte. On peut également admirer un magnifique taureau noir, long de plus de 3 m. Au bout du couloir, la voûte s’abaisse rapidement et, au fond, un cheval bistre semble rouler dans le vide, le corps renversé et les pattes en l’air.
- Si nous revenons sur nos pas, on pénètre à gauche de la grande salle dans un long couloir dont les parois sont plus sableuses et plus jaunâtres. Ici, les gravures sont particulièrement abondantes et s’associent avec la fresque. Leur petite taille et leur enchevêtrement en rendent la lecture spécialement délicate. Il faudra un long et patient relevé pour déchiffrer ce véritable « carnet de croquis » des artistes préhistoriques. Tout au plus, distingue-t-on des ébauches de pattes, de croupes, de ramures... dont la fermeté du dessin nous séduit. Parmi les figures peintes, il faut remarquer un petit loup en brun, un bison percé de flèches, un étalon noir également transpercé de sept sagaies et qui semble poursuivre une jument gravide. Plus loin, deux bisons se tournent le dos et l’un d’eux est traversé par sept traits. Cette abondance d’animaux blessés nous permet de penser que ces différentes figurations ont pu avoir une signification magique. ,
- En face, l’œil est attiré par une grande frise de 5 m de longueur. Sur une partie élevée du mur, cinq grands cerfs élaphes, se suivent, simplement dessinés au trait noir. Seules les têtes
- et les encolures ont été figurées. On pense que l’artiste a voulu représenter une file d’animaux traversant un gué. Cette interprétation semble appuyée par l’attitude des têtes, qui est bien celle de bêtes dont les unes abordent la rive alors que les autres nagent encore en plein courant.
- A l’opposé et dans le même style, il y a également une frise de bouquetins aux cornes acérées. On distingue deux groupes d’animaux, huit têtes en tout, dont la couleur et le dessin sont assez effacés. Certaines figures sont traitées en rouge et d’autres en noir.
- Tout au fond, les parois se resserrent, la voûte demeurant très haute. Le couloir s’incline rapidement et on aboutit dans une petite salle, dite le cabinet des félins. Les murs portent de nombreuses gravures parmi lesquelles on remarque six félins des cavernes.
- En revenant sur nos pas, nous trouvons, à gauche, au fond d’une petite abside, un puits de 7 m de profondeur, qui contient la figuration la plus émouvante de la grotte. Devant nous, sur une paroi légèrement inclinée vers le bas, un rhinocéros laineux, simplement esquissé au trait noir, semble s’enfuir. A gauche, un bison, la crinière hérissée, les cornes en avant, la queue en bataille, se tient immobile et menaçant. Une longue sagaie lui traverse le corps et il semble perdre ses entrailles. Entre les deux animaux, presqu’aux pieds du bison, un chasseur est allongé, apparemment mort. L’homme est esquissé en noir, de façon très schématique. La tête, vue de profil, est celle d’un oiseau. Les bras étendus, simples lignes renflées à leur extrémité, sont terminés par des mains à quatre doigts-. Le corps est cylindrique, le sexe nettement indiqué. Les jambes sont traitées dans le même esprit que les bras, les pieds étant relevés. Le tout donne l’impression d’un dessin d’enfant. Aux pieds de l’homme, un bâton, crochu à une extrémité, en forme de croix à l’autre, semble bien être un propulseur. Cette arme, employée encore de nos jours par quelques tribus primitives, tient lieu d’arc. A côté du chasseur, une sorte de poteau dressé porte à son extrémité une figuration schématique d’oiseau. On peut penser que l’artiste a eu l’intention de représenter une scène de chasse à signification magique. La tige portant l’oiseau peut être comparée aux poteaux totémiques de la Colombie britannique. Quant au contraste entre les figurations d’animaux, au. style vivant et réaliste, et la silhouette humaine, à l’allure rudimentaire et volontairement négligée, nous le retrouvons dans toutes les grottes ornées paléolithiques.
- Authenticité et datation. — La première question que se pose le visiteur, en sortant de la grotte, est la suivante : Un tel ensemble de peintures aux teintes aussi fraîches et aux dessins aussi bien conservés n’est-il pas une œuvre récente ? Il semble bien qu’â Lascaux les doutes ne puissent subsister. En effet, nous ignorons, encore de nos jours, où se trouve l’entrée réelle de la grotte, celle-ci ayant été très anciennement obstruée par des éboulis. Les salles et les couloirs ont été ainsi scellés et protégés contre toute intrusion possible. Il a fallu la chute d’un gros sapin, il y a une vingtaine d’années, pour ouvrir un étroit terrier et ensuite la disparition d’un chien pour que quatre jeunes gens songent à agrandir le trou puis à s’y glisser. D’autre part, le contexte psychologique dans lequel la découverte s’est effectuée, la prompte arrivée d’éminents spécialistes, ont rendu impossible toute fraude récente.
- La seconde question qui vient à l’esprit du visiteur est celle-ci : A quelle époque faut-il attribuer ces représentations ?
- Planche I. — Partie antérieure de grand Taureau (Bos primigenius).
- L'animal, d’une longueur de 3 m, a été exécuté en teinte plate noire sur des peintures déjà existantes de Bovidés rouges. Ces anciennes représentations ont été révélées par la photographie à la lumière infra-rouge. On peut, d’ailleurs, apercevoir sur le cliché des cornes, des croupes et des pattes qui subsistent encore. Remarquer que la ligne de l’encolure présente des « repentirs » et que le sabot est en cc perspective tordue », alors que la patte est présentée de profil.
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- Le problème n’est pas encore résolu pour Lascaux. En effet, autant la datation est aisée pour un objet mobilier (silex taillé par exemple), trouvé en place dans une couche archéologique, autant elle est délicate pour une œuvre d’art. Dans le cas le plus favorable (il ne se présente pas à Lascaux), on trouve les figurations partiellement recouvertes par une couche archéologique datable. On peut légitimement conclure qu’elles doivent être plus anciennes que celle-ci. Une autre méthode consiste à exécuter des fouilles au pied des gravures et peintures. Si la grotte n’a été habitée que durant une période bien déterminée, on peut estimer que l’âge des représentations coïncide avec celui de l’industrie. Des recherches ont été exécutées dans la grotte de Lascaux, mais elles ont donné des résultats incertains : quelques rares silex, des fragments de pierres avec des traces charbonneuses, probablement des restes de lampes. Cette pauvreté n’a rien d’étonnant et se retrouve dans la plupart des grottes ornées. Celles-ci ne servaient pas de lieu d’habitation, mais plutôt de temple et nous ne pouvons récolter que des pièces qui y ont été accidentellement abandonnées.
- L’étude de la faune représentée n’est pas plus concluante. Ce sont des espèces banales du quaternaire qui sont ici reproduites : bovidés, cervidés, équidés, un rhinocéros laineux, pas de mammouth, faune dont les indications climatiques sont mal caractérisées et difficiles à situer exactement au point de vue chronologique. Les espèces figurées à Lascaux ne’ nous permettent pas de tirer une conclusion précise quant à l’époque où les peintres préhistoriques ont pu saisir les attitudes de leurs modèles vivants.
- L’étude des figures elles-mêmes et des techniques employées, bien que comportant des incertitudes, semble, la seule méthode applicable à Lascaux. Un examen attentif des représentations fait ressortir des différences évidentes de style. Certains animaux sont simplement esquissés au trait brun ou noir, d’autres sont coloriés en teintes plates monochromes ou bichromes, des dessins anciens ont été repris à des époques postérieures. L.’étude de grands ensembles nous fait découvrir des figurations qui sont superposées. On est amené à constater l’existence d’un ordre de succession dans l’emploi des procédés d’exécution présentant une certaine constance. On retrouve ce même ordre, une succession analogue, dans d’autres grottes ornées du sud-ouest de l’Europe.
- Se basant sur la technique d’exécution et utilisant la méthode de comparaison, l’Abbé Breuil a estimé qu’il s’agissait d’un art antérieur aux époques solutréenne et magdalénienne, donc attribuable à l’aurignacien final. Son argumentation est basée sur l’existence à Lascaux de la « perspective tordue ». Ce procédé consiste à représenter sur un animal dessiné de profil, certains éléments, tels les cornes, les onglons de sabot, comme s’ils étaient vus de face. On retrouve cette technique dans les dessins de tout jeunes enfants ou chez les peintres cubistes qui représentent les deux yeux d’un personnage de profil.
- Ce critère de la « perspective tordue » est-il aussi rigoureux, qu’on veut bien le penser ? En ce qui concerne Lascaux, il faut bien constater que nous ne trouvons pas les phases liminaii’es de l’évolution de l’art préhistorique. Nous ne voyons pas les ébauches maladroites qu’on peut rencontrer dans certaines grottes des Pyrénées françaises ou espagnoles. Les artistes de Lascaux ont possédé dès le début une incontestable maîtrise. Ils ont joué avec la perspective, la x’endant parfois avec un « réalisme inteL lectuel » (x), qui n’est.pas celui de gens qui tâtonnent. En fait, une chronologie exacte des peintures et des gravures de Lascaux ne sera possible qu’après une étude approfondie et systématique, ainsi qu’il en existe déjà pour d’autres grottes -ornées.
- Comment interprétée les oeuvres d’art de Lascaux P — Quel but a poussé les artistes préhistoriques à peindre ? Est-ce un pur souci esthétique ou bien s’agit-il d’un art à signification
- 1. Luquet appelle « réalisme intellectuel » le procédé qui consiste à figurer dans le dessin tous les caractères que le modèle possède effectivement, môme s’ils ne sont pas visibles en môme temps que les autres.
- religieuse ou magique ? La question est débattue depuis longtemps parmi les -préhistoriens et elle a suscité de nombreuses hypothèses.
- Devant la magnificence des peintures de la grande salle de Lascaux, on a un peu l’impression de se trouver dans un véritable musée. La grotte aurait-elle été une académie de peinture miraculeusement préservée ? Serait-elle ainsi ouverte de nouveau aux amateurs d’art ? Cette idée qui surgit d’abord à l’esprit présente de réelles difficultés à un examen plus approfondi. Singulier musée où les œuvres d’art sont emmêlées, où les artistes successifs ont travaillé sur les œuvres de leurs prédécesseurs sans aucun souci de conservation, où la fresque la plus émouvante est située au fond d’un puits, pratiquement inaccessible, et dessinée sur un rocher dont l’inclinaison complique la lecture.
- D’autre part, les sujets représentés sont d’un ordre essentiellement pratique. Il s’agit essentiellement de pièces de gibier, seules ressources alimentaires d’une population vivant sous un climat rigoureux. Ces animaux sont souvent figurés transpercés de flèches et beaucoup d’entre eux sont des femelles gravides. Ce genre de représentations est général dans les grottes ornées. On a donc pensé que les paléolithiques, vivant exclusivement de chasse, ont cherché à agir sur le milieu extérieur par magie sympathique et envoûtement. Représenter un animal, c’est en quelque sorte, créer un double sur lequel on peut agir par des incantations magiques. Si le chasseur a besoin d’un gibier abondant, il représente des femelles gravides; s’il désire s’emparer de l’animal, il le figure blessé ou piégé. Il y a à Lascaux de singuliers dessins, que l’Abbé Breuil a appelés des « blasons », qui suggèrent l’idée de piège. Ce sont des sortes de barrières rectangulaires, peintes et gravées, à trois divisions verticales et deux horizontales. On les retrouve parfois plus simplifiées sous forme de rectangles. Elles sont très souvent situées sous les pieds du gibier, parfois lui sont surimposées et une scène nous montre une grande vache qui se cabre devant un « blason ». Cette interprétation est évidemment hypothétique, comme celle de tout dessin géométrique dont nous ne possédons pas la clef. Certains, et parmi eux l’Abbé Breuil, y voient des signes tribaux.
- Enfin la scène de « la mort du chasseur », avec le mystérieux oiseau fiché sur un bâton, fait penser à une influence totémique, l’homme et l’animal ayant la même tête. Cette explication, vraisemblable dans ce cas particulier, ne saurait s’appliquer à l’ensemble des figurations de la grotte. Les animaux sont nor- , malement représentés percés de flèches, ce qui ne saurait s’appliquer à des totems de clan.
- En fait, l’art préhistorique ne peut se contenter d’une seule explication. Toutes ont leur part de vérité. Il y a ici un mélange' de magie et de religion. Les préhistoriques, qui séparaient mal ces notions, ont certainement eu conscience d’üne force supérieure aux forces extérieures.
- Cet art paraît avoir eu une fonction sociale. À la même époque, il y a, dans une région déterminée, une certaine uniformité de style, qui indiquerait l’existence d’écoles avec transmission d’enseignement. Il y a eu vraisemblablement une caste des artistes, qui était la même que la caste sacerdotale.
- Ainsi la contemplation de chefs-d’œuvre comme ceux que. nous pouvons admirer à Lascaux nous livre des aperçus de haut intérêt sur la psychologie de nos ancêtres paléolithiques. Ils alliaient un sens esthétique indubitable avec un sentiment religieux encore mal dégagé de la magie et, pour la première fois, au paléolithique supérieur, l’homme se livre à une activité désintéressée.
- Jean Roche,
- Chargé de cours à l’Institut Catholique de Paris.
- Les photographies des planches hors texte sont dues à M. F. Windels, auteur de « Lascaux, Chapelle Sixtine de la Préhistoire ». Il nous a très aimablement permis de les utiliser et nous tenons à lui exprimer ici notre gratitude.
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- L'UTILISATION DE TUBES A VIDE
- dans le domaine des ondes très courtes
- Ces dernières années, et en particulier celles de la guerre, ont vu se développer un nouveau domaine de la physique, celui des ondes ultra-courtes. Le radar en est une application, comme le poste de radio est une application de l’électronique et le microscope de l’optique.
- Elles sont nées du besoin d’avoir une gamme de plus en plus étendue de longueurs d’ondes pour les radio-transmissions, si bien qu’elles ont été créées par des ingénieurs techniciens- spécialisés, en dehors des laboratoires de science pure. Actuellement encore, dans nombre d’écoles et de facultés, l’enseignement des hyperfréquences est limité aux dernières leçons d’un cours de radio-électricité. Le temps est proche où la radioélectricité, les hyper-fréquences et l’optique seront trois domaines d’importances comparables ayant chacun de nombreuses applications techniques.
- De la triode aux ondes très courtes.
- On connaissait depuis longtemps l’existence d’ondes électromagnétiques de courtes longueurs d’onde (de i m à x cm) et on prévoyait leurs utilisations, mais on ne savait pas en produire ayant une énergie suffisante pour une transmission à grande distance, de même qu'aujourd'hui on connaît l’existence d’ondes millimétriques, sans réussir encore à en émettre avec un rendement suffisant. Pour les ondes courtes, le passage du stade des expériences de laboratoires à celui de la technique industrielle a été réalisé du jour où ces ondes n’ont plus été considérées comme se situant à la frontière des fréquences de radiodiffusion et lorsqu’elles ont été obtenues avec des tubes spécialement conçus et construits tels que le klystron et le magnétron. Pour les ondes millimétriques, l’histoire se répétera sans doute; celles-ci ne sont réalisées que par des « acrobaties » à partir des ondes centimétriques, on n’a pas encore trouvé le tube et les résonateurs qui les produiront avec suffisamment d’énergie.
- Dès ic>3o, on a cherché à obtenir des ondes très courtes (de 3o à 3o ooo Mc/s) en perfectionnant les lampes de radio de l’époque utilisées pour obtenir des fréquences plus faibles de o à 3o Mc/s. Les difficultés résident, en. particulier, dans une baisse de la puissance fournie par le tube, donc de son rendement, et dans l’impossibilité de le faire fonctionner à une longueur d’onde inférieure à une certaine valeur limite.
- Ces phénomènes sont dus essentiellement au temps de transit des électrons, à l’augmentation des pertes dans les diélectriques du circuit oscillant et des supports des électrodes, à la limi-
- (1)
- (2)
- Fig. 1. — Schéma de l’oscillateur
- Hartley classique sans tenir compte des capacités et des selfs parasites (1) et en tenant compte de celles-ci (2).
- tation physique des éléments self, capacité du circuit oscillant et aux capacités inter-électrodes, à la diminution des résistances-d’entrée et de sortie de la lampe.
- Influence du temps de transit.
- On appelle temps de ti’ansit des électrons les temps qu’ils mettent à franchir l’espace cathode-plaque dans un tube à vide. Pour les fréquences usuelles de radiodiffusion, on admet que le temps de transit des électrons est négligeable par rapport à la période des oscillations produites, mais pour les très hautes fréquences, ce temps de ti'ansit représente une fl’action assez importante de la période d’oscillation.
- Durant la portion du cycle où la grille de l’oscillateur est positive et où le potentiel de la plaque a sa valeur minima, il y a passage d’un fort coui’ant d’électroris, se dirigeant de la cathode vers la plaque; ces électrons déteimiinent l’impulsion de courant plaque. Par suite du temps relativement long qu’ils mettent à franchir l’espace cathode-plaque, ils n’arrivent sur cette dernière qu’après que son potentiel est passé par le minimum. L’ensemble des électrons frappe donc l’anode avec une énergie bien supérieure, ce qui provoque des pertes plus élevées et une baisse de rendement.
- Aux très hautes fréquences, le courant plaque est donc en retard par rapport à la tension variable de plaqxie et, lorsque ce
- TC
- retard atteint - , le courant est « déwatté », la puissance alternative fournie par le tube est nulle.
- Un effet analogue se produit au voisinage de la grille lorsque les particules mettent un temps notable pour l’atteindre et la traverser. Les paquets d’électrons, sans toucher la grille, échangent de-l’énergie avec son circuit (par influence électrostatique), et les conditions deviennent telles que le bilan de l’opération est négatif, c’est-à-dire que le circuit de la grille consomme de l’énergie alternative. La résistance d’entrée de la lampe en semble diminuée.
- Enfin, il arrive que les impulsions ne puissent même plus se former; les électrons n’avant plus le temps d’obéir aux ordi’es de la grille, ils mettent trop de temps pour l’atteindre et, lorsqu’ils y parviennent, elle est déjà négative; elle leur fex’me le passage et ils doivent rebi'ousser chemin vers la cathode. Pour combattre cet effet du temps de transit, on est amené à réduire le plus possible les distances entre électrodes, donc à diminuer de plus en plus les dimensions des lampes.
- Longueur d’onde limite imposée par le temps de transit.
- Il vient d’être indiqué qu’une lampe cesse d’osciller quand le temps de parcours cathode-plaque 0 est une fraction appréciable de la période T, c’est-à-dire pour T = A.0, A étant une constante. De plus, comme X = c.T., on peut écrire Xmin.— c.A.0. En remplaçant 0 par sa valeur, certains auteurs admettent que :
- K.
- ;/ u
- 3dCg +
- dn
- yja + I
- ^mjn , longueur d’onde limite.
- K, constante donnée par le constructeur de la lampe, pi, coefficient d’amplification de la lampe.
- Yp, tension plaque. dcg, distance cathode-gi’ille. dgp, distance grille-plaque.
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- Réduction
- de la résistance d’entrée.
- Un électron en mouvement au voisinage d’un conducteur provoque par induction un courant dans le circuit de ce conducteur. Dans une lampe en régime stationnaire, ou tout au moins dans laquelle le régime du courant ne varie pratiquement pas pendant le temps de parcours des électrons entre la cathode et. la plaque, il y a autant d’électrons qui s’éloignent de la grille que d’autres qui en approchent ; les variations de charge de la grille, induites par le mouvement de ces électrons, se compensent donc et le courant grille résultant est nul. Par contre, si le temps de parcours n’est pas négligeable par rapport à la période de la tension appliquée, ce qui est le cas des ondes très courtes, il y aura plus d’électrons d’un côté de la grille que de l’autre; il apparaîtra donc un courant alternatif induit, c’est-à-dire l’équivalent, pour l’expérimentateur, d’une admittance dans le circuit de la grille, admittance composée de l’inverse d’une capacité et de l’inverse d’une résistance.
- Pour un tube du type 57, la résistance d’entrée est : à 5 Mc/s 1 Mil ,
- 3o Mc/s 20 kü,'
- 100 Mc/s 1 5ooiî.
- Une lampe miniature du type g54 (lampe gland) présente une résistance d’entrée de 20 000 il à 100 Mc/s.
- Fig. 2. — Lampe miniature.
- (C'° des Lampes Mazda).
- Pertes dans les diélectriques.
- Les diélectriques du support des électrodes, le verre des tubes, les condensateurs, soumis à un champ électro-magnétique de haute fréquence s’échauffent (le verre peut même fondre et les électrodes se desceller). Cet échauffement correspond évidemment à une perle d’énergie. Il faut utiliser des diélectriques spéciaux et sortir directement les supports d’électrodes à travers la base du tube en les disposant de façon que les points de passage soient des nœuds de tension.
- Limitation physique des selfs et des capacités.
- Il n’existe pas de self nulle, ni de capacité nulle.
- Deux conducteurs rectilignes présentent entre eux de la self et de la capacité et ces impédances, si petites soient-elles, jouent un rôle aux très hautes fréquences. Il faut donc réduire au maximum la longueur des connexions et utiliser des conducteurs de grande surface et de faible résistivité pour diminuer les pertes dues à l’effet de peau.
- Dans la lampe, les fils qui vont aux électrodes ont une inductance, les électrodés présentent entre elles des capacités et en conséquence l’oscillateur ITartley classique avec triode répondra non plus au schéma 1, mais au schéma 2 (fig. 1). Il est facile de comprendre que ces selfs et capacités parasites imposent une limitation physique aux circuits résonants réalisables, donc aux fréquences d’oscillation de la lampe.
- Pour obtenir de faibles capacités entre électrodes, les dimensions de ces dernières doivent être réduites. Si les dimensions du tube sont divisées par n, toutes choses égales par ailleurs, les capacités internes, la self-induction et le temps de transit sont divisés par le même facteur n.
- Mais les tubes ainsi construits n’auront qu’une faible puissance, la dissipation admissible d’énergie par la plaque étant inversement proportionnelle à n.3.
- En se basant sur ces considérations, les constructeurs ont cherché à modifier la triode classique, ce qui a conduit à la réalisation de lampes-gland, de lampes miniatures, de lampes subminiatures et de lampes « phare », dernier stade où l’anode, la grille et la cathode sont devenues des disques séparés par des cylindres de verre, ces disques étant parties intégrantes de cavités résonantes.
- (à suivre). J. Combrisson,
- Ingénieur E.P.C.I.
- Fig. 3. — Pentode amplificateur H. F. Type miniature.
- (C'° des Lampes Mazda).
- Etranges prédateurs.
- Leuresthes tenuis est un petit poisson qui vit près des côtes de la Californie. Il approche de terre au moment des plus grandes marées et va pondre ses œufs dans les flaques d’eau tout au haut de la plage. Les œufs s’y développent en de jeunes larves qui redescendent vers le large à la grande marée suivante. Bien que ces œufs se recouvrent de sable, ils n’attirent pas moins des ennemis qui s’en nourrissent. En 1925,. F. N. Clark avait reconnu un coléoptèi’e, Saprinus sulcifrons comme principal destructeur des œufs du Leuresthes, mais il en est d’autres beaucoup plus gros. En effet, M. Andrew C. Oison a observé (California Fish and Game, juillet 1960, p. 323) un écureuil (Citellus beecheyi) et une sorte d’alouette (Otocoris alpestris) qui vont aussi à la pêche drms les mares.
- Citellus est une espèce d’écureuil nichant à terre dans des
- trous qu’il creuse dans la falaise surmontant la plage; il descend sur celle-ci et gratte le sable aux hauts niveaux pour mettre à jour les œufs du poisson qu’il avale, puisqu’on en'trouve dans son estomac (on en a compté jusqu’à 4oo).
- Dans le sable retourné par les écureuils viennent des alouettes cornues (Otocoris) qui picorent et mangent aussi les œufs.
- Voici donc deux vertébrés terrestres, un mammifère et un oiseau, plus un insecte qui ont découvert une proie marine d’habitat singulièrement limité dans l’espace et dans le temps; la laisse de haute mer, les nuits de pleine et de nouvelle lune, sur une bande de sable qui n’avait été draguée par l’homme qu’en ig4i. Quelle rapidité et quelle précision dans l’acquisition des habitudes !
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- LE TREMBLEMENT DE TERRE D'ASSAM
- 15 août 1950.
- Tout l’été dernier, les journaux quotidiens ont signalé de violentes secousses sismiques en divers points du globe, notamment dans l’Himalaya. Malheureusement, les dépêches d’agences manquaient de précision et s’agrémentaient même parfois d’une certaine’ fantaisie, telle celle qui annonça de brusques changements d’altitude de certains hauts sommets du globe. Force fut donc d’attendre les renseignements plus exacts des services sismologiques pour en parler.
- Aujourd’hui, ceux-ci commencent à être publiés et on peut se faire idée des tremblements de terre de l’an passé, et notamment du plus violent d’entre eux qui se produisit le i5 août 1950, dans la haute vallée du Brahmapoutre et la partie orientale de l’Himalaya, près de la frontière de l’Assam et du Thibet.
- D’une part, le Pr Leet, directeur de la Station sismographi-que de l’université de Harvard, vient de faire le bilan des secousses enregistrées sur les appareils du monde entier; 1950 apparaît comme fort mouvementé, puisque les instruments enregistrèrent 796 secousses dont une, la plus forte de toutes, survenue en août dans l’Himalaya est sans doute la plus violente qu’on ait observée et n’a de comparable que le tremblement de terre de Colombie en 1906. Cette agitation tellurique n’a pas encore cessé,-puisque trois autres secousses de grande amplitude se sont produites dans la première quinzaine de décembre : aux Nouvelles Hébrides le 2, dans le nord de la République Argentine le 9 et à Tonga, entre la Nouvelle Calédonie et Tahiti, le 1/1.
- La plupart se situent sur les lignes de fracture de l’écorce, dans des régions volcaniques, mais on a aussi détecté une secousse le 5 juin, non loin du pôle nord, dans une zone généralement paisible.
- D'autre part, la revue Science and Culture, de Calcutta, AÙent de publier une étude de M. A. N. Tandon, du Meteorological Office de Poona, sur le grand séisme d’Assam, qui permet enfin de préciser ses caractérisiques.
- Le i5 août 1960, vers 19 h 4o mn, un très violent tremblement de terre ravagea le nord et l’est de l’Assam; il se fit sentir jusqu’à Bénarès, Calcutta et Rangoon. Très intense dans la haute vallée du Brahmapoutre, il atteignit les vallées du Cange et de l’Iraouaddy. En quelques minutes, les maisons s’effondrèrent, les champs furent ravagés, les routes furent coupées et les rivières débordèrent. Vers le nord-est, dans la région de Dibrugarh, près de 80 pour 100 des maisons furent détruites, laissant des milliers d’habitants sans abri; les routes se fissurèrent, les voies ferrées furent sectionnées, les ponts s’écroulèrent; plus de 5 000 personnes périrent et des milliers de bestiaux furent écrasés ou noyés. Vers la frontière du Thibet, des vallées se trouvèrent brusquement isolées qu’il fallut ravitailler par avions en nourriture et en secours d’urgence. Des glissements de terrains arrachèrent des forêts, barrèrent des cours d’eau, causant des inondations quand les terres cédaient ensuite. La rivière Dihang, affluent du Brahmapoutre, vif -son niveau baisser de 2,4.0 m en un jour, puis s’assécha et trois jours après inonda toute la contrée voisine, quand les barrages d’amont se rompirent. Le Brahmapoutre se chargea de boue et se contamina de produits sulfureux probablement sortis de profondes fissures. La terre végétale fut entraînée par les
- eaux et il faudra quelques temps pour remettre les champs en culture.
- Les sismographes du monde entier enregistrèrent le séisme comme un des plus violents qu’on ait ressentis; beaucoup d’appareils sensibles furent mis hors de service. A l’observatoire de Poona, distant de l’épicentre de plus de 2 5oo km, seules les premières ondes lentes furent correctement inscrites; le premier train d’ondes arriva à 19 h 44 mn 59 sec, le deuxième 4 min 10 sec plus tard; celles-ci plus rapides, arrivant après réflexions dans le sol, sont plus amples et plus destructrices. Les observations des autres observatoires indiens de Bombay, Calcutta, Haïdcrabad, Kodaikanal et New Dehli, jointes aux renseignements rassemblés par le Coast and Géodésie Survey des États-Unis fixent l’épicentre par 290 N et 97° E, au Thibet, à environ 5o km au delà de la frontière d’Assam.
- Des équipes du Geological Survey de l’Inde parcourent la région, relevant les traces du sinistre. Dès maintenant, on peut se faire une idée de son étendue d’après la carte publiée
- par M. Tandon (fig. 1). Celui-ci y a noté les dégâts obseiwés, en suivant l’échelle des intensités sismiques de Rossi-Forel.
- On sait que cette échelle comporte dix degrés :
- I. Microséismes enregistrables par un sismographe sensible.
- IL Secousses légères enregistrables par divers sismographes, ressenties par quelques personnes sensibles et au repos.
- III. Ressenties par diverses personnes au repos ; assez fortes pour que la durée et la direction soient appréciables.
- IV. Ressenties même par des per-nes en mouvement. Frémissement des vitres, de la Araisselle, craquements des charpentes.
- V. Ressenties généralement par tout le monde. Déplacements des lits et des meubles. Tintement de certaines cloches.
- VI. Éveil des personnes endormies. Tintement des cloches. Oscillations des chandeliers. Arrêt des pendules. Frémissement des arbres. Certaines personnes quittent les maisons.
- VII. Chutes d’objets mobiles et de plâtre. Tintement des cloches d’église. Panique générale sans dommages, aux maisons.
- VIII. Chute de cheminées. Craquements dans les murs.
- IX. Destruction partielle ou totale de certains immeubles.
- X. Grands désastres; ruines. Éboulements, crevasses du sol, chutes de rochers, glissades de terrains, etc.
- On Aroit sur la carte l’étendue de chaque zone. Dans le nord-est de l’Assam, la zone des graves dommages occupe 46 000 km2 ; des dommages moindres s’observent en Assam sur 101 000 km2; la zone durement secouée couvre le nord-est de l’Inde, le Burma et le Pakistan oriental sur 669 800 km2. Enfin, le tremblement de terre a été ressenti sur 1 683 000 km2.
- Ces limites ne seront définitivement fixées qu'après la fin des enquêtes sur le terrain. D’autre part, aucun renseignement n’est Arenu du Thibet et de Chine si bien que les courbes isosismiques y -sont totalement extrapolées. A les supposer sensi-
- © tpimtrv principal Epiezntres des seïsmes juswauSiAcùt 1850 Lignes /sosism/çi/es
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- 100?
- Figr. 1. — Le tramblement de terre d’Assam, du 1S août 1950.
- Tracé des zones d’isoséismes et des épicentres.
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- blement exactes, la surface de chaque zone serait au moins doublée.
- On a marqué sur la carte de la figure i la position de l’épicentre du séisme principal. Il fut suivi d’un grand nombre d’autres secousses dont certaines furent assez fortes pour être ressenties à plus de i ooo km. Celles-ci furent très nombreuses dans la nuit du ,i5 au 16 août, au point de ne pouvoir être comptées, puis diminuèrent de fréquence. A Dibrugarh on en ressentit 25o environ avant la fin d’août.
- Leurs épicentres se répartissent sur une vaste surface dans les montagnes de l'Himalaya. Après le grand tremblement de terre de l’Assam de 1897, les secousses continuèrent pendant dix ans et on en enregistra plus de 5 000, provenant de divers épicentres. On peut, donc s’attendre cette fois-ci encore à une suite qui n’est pas terminée.
- Les tremblements de terre sont vieux comme le monde. On a dressé le catalogue de tous ceux dont le souvenir est resté et il est long. Quelques-uns ont particulièrement frappé l’imagination par leur violence et leur ampleur : Lisbonne en 1755, San Francisco en 1906, Messine en 1908, etc. L’Inde figure sur la liste pour de nombreux séismes et M. Tandon a relevé les plus destructeurs survenus depuis un siècle et demi, dont celui du 12 juin 1897 qui fut un des plus grands par ses effets sur la topographie; il avait son épicentre en Assam, non loin de celui de 1950, sur le plateau de Shillong; il futj ressenti sur 4 5ooooo km2 au moins; il provoqua une faille, longue de 11 km, rejetée de 10 m en certains points; toute la région fut déplacée vers l’ouest de 2 m et surélevée à l’est de 7 m; les secousses continuèrent durant 10 ans.
- Lorsqu’on porte sur une carte les régions de l’Inde atteintes par les séismes graves (fig, 2), on voit qu’elles s’alignent toutes au nord sur un arc allant du Bélouchistan à la Chine et au Siam, au pied des monts Himalaya. Par contre, le sud de la
- péninsule est beaucoup plus stable et ne connaît guère et rarement que de faibles secousses sans conséquences dommageables. Entre les roches anciennes de l'Himalaya et celles du plateau de Dekkan, existe donc une zone faible et particulièrement instable; on y a compté dans les cent dernières années près de 4o grands tremblements de terre dont certains sont classés parmi les plus violents. L’Assam seul en a vu 12. Celui de l’an dernier s’y ajoute maintenant.
- Contrairement à une croyance trop fréquente, les séismes n’ont pas de relation avec l’activité volcanique. Quand un volcan provoque des secousses du sol, celles-ci sont toujours très faibles et s’amortissent à courte distance. Les grands séismes sont d’origine tectonique; ils sont liés à des glissements de masses énormes de roches, conséquence d’un état de tension accru jusqu’à la limite élastique des couches. Il est possible que le tremblement de terre d’Assam, en août dernier, soit, comme les précédents dans cette région, la suite d’une très lente surrection continue des masses himalayen-nes voisines, bien qu’on soit encore fort ignorant des mouvements actuels des montagnes. Certains pourraient y voir des effets de.l’isostasie, de l’équilibre qui tend constamment à s’établir entre toutes les parties de la croûte terrestre; d’autres .songeraient à la surcharge de neige et de glaces des hauts sommets, disparaissant après de longues périodes chaudes. Il est inutile de revenir une fois de plus sur toutes les hypothèses émises. Mieux vaut pour le moment se borner à constater des faits. En voici un, c’est que l’Assam est un des lieux les plus instables du monde où d’amples séismes se répètent fort sou-
- 1. Nature, de Londres, vient de publier dans son n° 4239 un récit du Capt. F. Kingdon-Ward qui- se trouvait le 15 août 1950 campé, avec sa femme, par 28°30' N. et 97° E, à peu près à l’épicentre.
- N E
- r. H 1 B E T
- Lhassa
- Madras
- Fig. 2. — La répartition des séismes dans la presqu'île de l’Inde.
- Du nord au sud, les trois zones, celle des tremblements de terre violents et fréquents, celle des dommages modérés et celle stable et sans secousses.
- POUR CONNAITRE L'ENGRAISSEMENT DU BÉTAIL SUR PIED
- Les éleveurs' ont tous des moyens empiriques pour juger de l’état du bétail aux champs, pour estimer sa vitesse d’engraissement et la qualité de sa viande. Mais leurs opinions, quelque justifiées qu’elles soient par une longue pratique, sont insuffisantes pour choisir avec précision les races les plus avantageuses, les croisements désirables, la composition des prairies, les meilleurs aliments du bétail, etc. On préférerait disposer de caractères plus définis, mesurables, pour fixer les idées, orienter les recherches agronomiques, décider de la composition et de l’exploitation d’un troupeau.
- Une nouvelle méthode, mise au point par le Ministère de l’Agriculture des États-Unis, est basée sur le principe que les tissus d’un bœuf maigre retiennent plus d’eau que ceux d’un bœuf gras. Il suffit par conséquent de déterminer exactement la teneur en eau des tissus des bêtes pour chiffrer leur degré d’engraissement. A cet effet, on injecte dans la veine jugulaire de l’animal examiné une dose d’antipyrine proportionnelle à son
- poids. Quatre prélèvements sont ensuite effectués sur le sang, à 2 heures et demie d’intervalle. De la quantité d’antipyrine dosée dans les échantillons de sang, il est facile de déduire la teneur en eau grâce à une simple équation, en tenant compte du volume de la dose d’antipyrine injectée. De la proportion d’eau contenue dans le sang, on passe directement au degré d’engraissement par une règle de trois.
- L’exactitude de cette méthode a été vérifiée de la manière suivante par les services du Ministère de l’Agriculture : 3o bêtes d’âge et de poids très variables ont été d’abord soumises à l’expérience de l’antipyrine; puis on les a abattues et l’on a établi exactement par divers procédés physiques et chimiques leur teneur en eau et leur degré d’engraissement. Dans tous les cas, les résultats coïncidaient exactement.
- On a ainsi le moyen d’exprimer d’une manière objective, par un nombre, le degré d’engraissement et la qualité de la viande.
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- CAOUTCHOUCS NATURELS ET ARTIFICIELS
- Leur concurrence actuelle.
- En août 1945, alors que les hostilités n’avaient pas encore cessé en Extrême-Orient, nous signalions dans La Nature (n° 3 093, xer août 1945) l’effort considérable réalisé par l’industrie américaine pour produire le caoutchouc nécessaire à la poursuite de la guerre et aux besoins réduits du secteur civil. Quelques années plus tard {n° 3 167, mars 1949), nous y parlions d’un nouveau produit synthétique, le « caoutchouc froid », espoir récent des industriels américains.
- Cinq ans après la cessation des hostilités, il convient de faire un nouvel examen de la situation du caoutchouc dans le monde, de la position respective du caoutchouc naturel et du caoutchouc synthétique, en tenant compte des événements qui ont eu sur cette évolution une profonde influence et qui sont. : l’aggravation de la situation politique en Extrême-Orient, le déclenchement de la guerre froide en Europe et de la guerre tout court en Corée, enfin l’élévation spectaculaire des cours de la gomme brute.
- Production et cours du caoutchouc naturel.
- En 1945, on ignorait encore l’état des plantations d’Extrême-Orient. Les craintes de destruction qu’on avait eues n’étaient pas fondées et dans beaucoup de régions, l’exploitation put être reprise sans difficulté, elle a même été poussée très active-
- ment, les plantations ayant bénéficié pendant les hostilités d’une longue période de repos, ce qui a permis d’accélérer la cadencé des saignées des hévéas.
- Par contre, les difficultés de main-d’œuvre et surtout la situation politique de certains pays n’ont pas permis de réoccuper toutes les plantations et à ce point de vue, l’Indochine française a été une des régions les plus défavorisées. Malgré cela, dans tout l’Extrême-Orient, on a constaté un développement sensible de la production par rapport à l’avant-guerre (fig. 1).
- Par exemple, en 1949; la production mondiale a été d’environ 1 487 000 t, légèrement inférieure aux prévisions du Groupement international d’études du caoutchouc qui avait calculé 1 575 000 t. La plus grande raison de l’écart est la production indonésienne, inférieure de 70 000 t aux estimations, par suite de la persistance de troubles dans cette région. Pour 19*50, les prévisions faites au début de l’année, sont environ de x 600 000 t, chiffre supérieur de 118 000 t à la production totale de 1949. C’est une fois de plus l’Indonésie qui devrait assurer cette augmentation, mais la situation du pays ne laisse guère espérer que ces prévisions seront atteintes.
- Ces chiffres de production mondiale dépassent très largement ceux d’avant-guerre, rappelés dans le tableau ci-dessous :
- Année Production
- 1923 .......................... 406 413 t
- 1923 .......................... 514 487 —
- 1928 .......................... 633 794 —
- 1930 ........................ 814 241 —
- 1933 ........................ 846 312 —
- 1936 .......................... 845 431 —
- 1939 .......................... 1 002 629 —
- Ce développement est en grande partie dû à l’élévation des prix de la gomme brute qui, en revalorisant une matière première dont les cours, compte tenu de la dévaluation des monnaies, n’avaient pas du tout suivi la marche ascensionnelle de ceux des autres matières premières internationales, a incité les producteurs à réaliser un gros effort pour satisfaire aux demandes. Il semble toutefois qu’après une revalorisation justifiée des cours de la gomme, des opérations spéculatives aient porté les prix à un niveau qui paraît aujourd’hui trop élevé. Cela a incité le gouvernement américain à remettre en service des fabriques de caoutchouc synthétique, nouvelle menace pour les récoltants de latex.
- On assiste en ce moment à un dérèglement croissant des cours qui rappelle la période chaotique qui suivit la première guerre mondiale, quand les cours passèrent à Londres de 2 sh 1 d par pound en 1919 à 1 sh 11 d en 1920, 2 .sh 10 d en 1926 pour s’écrouler à 2 d ii/32 en 1932 et se relever, après la mise en œuvre des plans de restriction, à 7 pence vers 1936, Alors qu’en 1948, les prix du caoutchouc naturel supérieur oscillaient sur le marché de New-York entre 20 et 24 cents par pound, c’est-à-dire à un niveau légèrement supérieur au cours du GR-S artificiel fixé par décision gouvernementale à un peu plus de 18 cents et qu’en 1949, la gomme était devenue moins chère que le produit synthétique, en quelques mois, depuis le début de 1950, la gomme a plus que triplé de prix tandis que le caoutchouc de synthèse ne variait pas (fig. 2).
- Les raisons de cette hausse du caoutchouc sont multiples : raffermissement de la situation économique aux États-Unis, entraînant un développement des achats de biens consommables; augmentation des achats stratégiques effectués par les grandes puissances ; répercussion secondaire de la dévaluation de la livre sterling; confiance accrue dans l’élargissement futur des débouchés, par exemple dans le domaine des revêtements pour routes; ce sont enfin des doutes quant aux possibilités d’augmenta'tion, au cours des années à venir, de la production des pays d’Extrême-Orient, qui risque d’être mise en péril si les troubles politiques s’aggravent dans cette région.
- Quoi qu’il en soit, au ier novembre dernier, les cours atteignaient 66,25 cents par pound, pour marchandise livrable en décembre 1950. Cette situation est grave; elle pourrait ralentir les fabrications d’objets en caoutchouc naturel, augmenter les prix de ceux de grande consommation comme par exemple les pneumatiques, avoir ainsi des répercussions sur les tarifs des transports et enfin ranimer une lutte qui a toujours couvé entre
- -70.000
- 69.000
- SS. 000
- >.000
- J 0.000
- Z5.000
- Fig. 1. — Production mensuelle de caoutchouc naturel, de 1947 à 1950, en tonnes.
- --------- Caoutchouc naturel en Malaisie.
- — . — . — Caoutchouc naturel en Indonésie.
- — — — — Caoutchouc naturel dans le reste du inonde.
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- les intérêts des producteurs d'Extrême-Orient et ceux des industriels américains principaux consommateurs de caoutchouc.
- Caoutchouc synthétique et caoutchouc naturel.
- Il reste toujours difficile de comparer sans erreur ni parti pris les mérites du caoutchouc synthétique et du caoutchouc naturel. Les statistiques de consommation ne renseignent qu’im-parfaitement. Par exemple, en ig45, le Royaume-Uni avait consommé 91 milliers de long tons de caoutchouc naturel et (13,8 de synthétique; en 1946, ces chiffres s’établissaient respectivement à 126,6 et 3o,r; en 1947 à i56,4 et 2,8; en 1948, à 193,3 et 2,6, enfin en 1949 à 186,6 et 2,4.' En conclure que le caoutchouc synthétique a fait faillite en Grande-Bretagne serait inexact, car les Anglais achètent en Malaisie une matière première qu’ils paient en £, plutôt que du caoutchouc synthétique aux États-Unis qu’il faudrait payer en dollars.
- En Amérique la position respective des deux sortes de caoutchoucs est différente.
- Consommation du caoutchouc en tonnes
- Année naturel syntiiétique
- 1936 575 000
- 1937 543 600 —
- 1938 437 031 —
- 1939 592 500 —
- 1940 648 500
- 1941 775 000 6 259
- 1942 376 791 17 651
- 1943 317 634 170 891
- 1944 ..: 144 113 566 670
- 1946 105 429 693 580
- 1946 277 597 761 699
- 1947 562 661 559 566
- 1948 627 332 442 072
- 1949 574 522 390 885
- Les années de guerre ont raréfié la gomme naturelle et provoqué une énorme fabrication de caoutchouc synthétique; depuis, les plantations ont à nouveau fourni du latex, sans. éliminer la production de produits artificiels. Il est vrai que le gouvernement américain oblige les industriels à utiliser une certaine proportion de caoutchouc synthétique dans leurs fabrications et aussi qu’il constitue sans doute des stocks de matière première, tout en maintenant certaines usines de synthèse en activité.
- Fig. 3. — Remise en service de l’usine de Fort Neches (États-Unis) pour la fabrication du caoutchouc synthétique.
- Pourrait-on se faire une plus juste opinion en se tenant sur le terrain technique et en se bornant à comparer les avantages de la gomme naturelle et ceux des produits synthétiques ?
- D’après une étude du Dr R. P. Dinsmore, directeur des services de recherches de la Goodyear Tire and Rubber Co, on admet généralement aux États-Unis la supériorité technique du caoutchouc naturel sur le GR-S, particulièrement marquée dans le domaine des pneus pour poids lourds et autobus.
- L’apparition du caoutchouc froid a suscité un grand intérêt. Les essais de pneumatiques en caoutchouc froid remontent maintenant à deux ans. Les premiers résultats furent accueillis avec enthousiasme et on alla jusqu’à dire que le problème de la fabrication du caoutchouc artificiel reproduisant exactement les qualités du caoutchouc naturel était résolu. Cette conclusion était hâtive, mais l’expérience qui se poursuit sur une très grande échelle — car c’est par dizaines de milliers de tonnes que le caoutchouc froid a été fabriqué — permettra certainement de réaliser de nouveaux progrès.
- Dès à présent, on sait que le caoutchouc froid présente sur l’ancien caoutchouc artificiel GR-S à usage général, une amélioration très sensible, de l’ordre de 3o pour 100 environ, quant à la résistance à l’abrasion
- C.-fj
- J A 4 O H O. ^
- Fig. 2. — Cours du caoutchouc naturel et du GR-S artificiel, aux États-Unis, de 1947 à 1950, en cents par livre (453 g).
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- Colonne
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- Fig. 4. — Schéma de la fabrication du butadiène.
- de la bande de roulement des pneumatiques. Cela le place dès maintenant au niveau du caoutchouc naturel ou même légèrement au-dessus. Mais ce caoutchouc froid est sujet aux craquelures et ce défaut s’accentue sous l’effet de la chaleur; sa résistance au dérapage par temps humide reste à déterminer avec précision, par suite des difficultés d’appréciation de cette qualité. En ce qui concerne les pneumatiques pour poids lourds, l’élasticité moindre du caoutchouc froid par rapport au caoutchouc naturel laisse aussi place à de nouvelles recherches. Par ailleurs, le caoutchouc froid est plus difficile à travailler, mais il donne des produits boudinés plus lisses, ayant moins tendance à gonfler; on estime que lorsque sa fabrication sera réalisée en plus grand, son prix sera du même ordre que celui du GR-S à usage général.
- La conclusion du Dr Dinsmore est formelle : le caoutchouc froid présente un progrès décisif, il rapproche le moment où le synthétique sera égal à la gomme, et si ce but n’est pas encore entièrement atteint, le synthétique peut déjà concurrencer le naturel sur un marché libre largement approvisionné et plus facilement encore quand les cours sont faussés.
- La réaction américaine
- à la hausse des cours de la gomme naturelle.
- Au moment de l’entrée en guerre des États-Unis, un comité nommé par le gouvernement fut chargé d’étudier et de résoudre la question de l’approvisionnement en gomme des États-Unis. La situation devenant aujourd’hui de nouveau critique, le gouvernement américain a nommé en iq5o un comité chargé d’assurer au pays les approvisionnements en gomme indispensables aux besoins civils et militaires. Le 5 septembre dernier,
- ce comité présentait son premier rapport concluant à la nécessité d’augmenter les stocks stratégiques de gomme naturelle existant aux États-Unis et de remettre en marche un certain nombre d’usines gouvernementales de fabrication de gomme synthétique.
- Dès le 6 juillet, peu après le déclenchement des hostilités en Corée, le gouvernement avait décidé de porter la production du GR-S pour usage général à 600 000 t par an à partir de janvier 1951, alors que cette production avait été inférieure à 4oo 000 t en 1949, de créer à côté des stocks de caoutchouc naturel des réserves stratégiques de GR-S et de remettre en activité toutes les fabriques de caoutchouc artificiel butyle, qualité particulière convenant spécialement à la fabrication des chambres à air.
- Le 24 août 1950, les représentants de l’industrie américaine proposaient la réouverture de toutes les fabriques gouvernementales de GR-S mises en sommeil après les hostilités, de façon à porter leur capacité de production à 720 000 t par an, entraînant ipso facto celle des fabriques de butadiène. La fabrication du caoutchouc froid atteindrait 5o pour 100 de la production totale de GR-S synthétique, la production du latex synthétique de GR-S 5o 000 t par an (calculée en caoutchouc sec), 5o pour 100 de cette production étant livrée sous forme de latex de caoutchouc froid.
- On voit que la réaction américaine n’a pas tardé et d’outre-Atlantique arrivent des dépêches annonçant que les unes après les autres, les usines gouvernementales sont remises en activité
- (fig. 3).
- Deux nouveaux groupes ont été créés pour assurer, sous le contrôle gouvernemental, mais avec l’aide de l’industrie privée, la mise en marche des usines. L’un de ces groupes est dénommé Kentucky Synthetic Rubber Corporation, l’autre comprend la Minnesota Mining and Manufacturing Co et la Pacific Rub-
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- ber Co. On estime que l’on atteindra une production de 93o ooo t de GR-S en ig5i, dans les usines gouvernementales et privées.
- Comparaison des prix de revient.
- Un des éléments importants du choix entre les deux caoutchoucs naturel et synthétique, est leur prix de revient. Peut-on réussir à le calculer avec quelque précision ?
- Les producteurs de gomme naturelle reprochent au gouvernement américain d’exercer une pression sur le marché en livrant un produit synthétique à un prix arbitraire qui ne tient pas compte d’un amortissement raisonnable des installations édifiées à grands frais pendant la guerre, avec des capitaux fournis par les contribuables américains. Par ailleurs, les industriels américains estiment que, compte tenu des salaires payés par les planteurs à la main-d’œuvre indigène, le prix de vente d’une livre de caoutchouc (45o g) à i5 cents est très rémunérateur pour les plantations. Essayons, à partir de renseignements
- Hypothèses préliminaires. — Pour le calcul du prix du caoutchouc synthétique, il importe d’abord de fixer les prix des matières premières qui entrent dans sa fabrication et en premier lieu des butylènes, sources du butadiène. Les butylènes sont un sous-produit du cracking des pétroles; leur prix dépend des débouchés et de la concurrence des acheteurs. On peut estimer le prix de vente du butylène entre 10 et i5 cents le gallon. Nous adopterons dans les calculs qui suivent le prix de io,5 cents.
- Un autre facteur important du prix de revient du caoutchouc synthétique est l’amortissement des installations. Le tableau ci-dessous indique les dépenses d’installation des principales fabriques de caoutchouc synthétique, réalisées aux États-Unis pendant la guerre, exprimées en dollars par tonne de production annuelle. Trois groupes d’usines sont nécessaires : celles dans lesquelles est produit le butadiène, celles qui fournissent le styrène et celles dans lesquelles- s’effectue la fabrication proprement dite, c’est-à-dire la copolymérisation des monomères.
- La construction de ces usines en ig43 n’a pas été sans tâton-
- Société exploitant l’usine Lieu Capacité de production annuelle en tonnes Investissement en dollars par tonne de production annuelle
- I. — Fabriques de butadiène.
- Cities Service Refîning Corp Louisiane 55 ooo 3o4
- Humble Oil and Refini ng Co Texas 3o ooo 598 1
- Neclies Butane Products Co Texas 100 ooo 537
- Phillips Petroleum Go Texas 56 200 666
- II. - - Fabriques de styrè/.e.
- Monsanto Chemical Co Texas 60 ooo i65 ’
- Koppers Go Pennsylvania 37 5oo 87
- Dow Chemical Co Texas 96 600 186
- Dow Chemical Co Californie . 36 ooo 375
- III. — Fabriques de caoutchouc synthétique.
- Firestone Tire and Rubber Co Ohio 3o ooo 241
- Firestone Tire and Rubber Go Louisiane 60 ooo 2l4
- B. F. Goodrich Co. Texas 60 ooo 326
- Goodyear Synthetic Rubber Corp Texas 60 ooo 23l
- United States Rubber Go Texas 45 ooo 207
- United States Rubber Go .... Connecticut 3o ooo 3l2
- Copolymer Corp Louisiane 3o ooo 258
- General Tire and Rubber Co Texas 3o ooo a85
- d’originé américaine, d’établir le prix de revient des produits chimiques de synthèse.
- D’après les calculs des spécialistes, il est possible, dans une fabrique de GR-S à usage général, travaillant à 8o pour ioo de sa capacité de production, par exemple produisant 3o ooo long tons par an, alimentée par une fabrique de butadiène voisine travaillant également à 8o pour ioo de sa capacité de- production (5o à 6o ooo t par an) et fournissant dans ces conditions le butadiène à 12,5 cents par pound, de livrer le GR-S à un prix de revient de 19,4 cents, ce prix comportant toutes les dépenses de < fabrication, d’amortissement, de vente, les dépenses administratives et celles de recherches. Ce prix permet même de rétribuer le capital investi à un taux de i5 pour 100 après paiement de l’impôt sur le revenu. Si les usines ne travaillent qu’à 60 pour 100 de leur capacité, le prix du butadiène s’élève à i4,4 cents par pound, celui du GR-S à 22,4 cents, le styrène nécessaire à la fabrication du caoutchouc étant dans les deux cas fourni sur la base de 12 cents par pound (x).
- 1. Depuis la rédaction de cet article, le Gouvernement américain a décidé, avec exécution à partir du 6 décembre 1950, de porter le prix du GR-S
- 24,5 cents par pound et celui du caoutchouc butyle (pour chambres à
- nements et des dépenses ont été engagées inutilement; d’importantes économies ont été réalisées dans la construction des fabriques de styrène plus récentes.
- Depuis, ces usines ont été en partie amorties et certaines furent cédées à l’industrie privée à des prix très bas, témoin l’usine de copolymérisation de Louisville, cédée à la B. F. Goodrich Co sur la base de 70 dollars par tonne de capacité annuélle de production.
- On peut les fixer actuellement à i55 $ par tonne pour les
- air) à 20,75 cents. Cette décision répond à deux buts. Alors qu’il n’y avait pas de différence auparavant entre le prix de ces deux types de caoutchouc synthétique, l’ccart que l’on fait apparaître aujourd’hui a pour objet de favoriser la consommation du caoutchouc butyle dont la fabrication fait appel à des matières premières dont l'approvisionnement est actuellement plus facile.
- Si, par ailleurs, le prix de vente du caoutchouc GR-S a été élevé, c’est dans le but d’établir un prix de vente moyen, tenant compte du prix du caoutchouc GR-S, préparé par les procédés que nous décrivons et de celui préparé en partant de butadiène fabriqué lui-même à partir d’alcool, et dont le prix est de ce fait sensiblement plus élevé. On sait en particulier que le Gouvernement américain a acheté les stocks français d’alcool à un prix , très sensiblement supérieur au prix de l’alcool américain, en vue de porter au maximum sa production de caoutchouc synthétique.
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- Benzène.
- Etbulbtnzène brut
- Gaz réîxiJuairej ChUfurt
- Etbi^lbenzène purifié
- lUïlolu utilise comme, combustible.
- Complexe de "Polijentijlbenzérte eJ" vapeur
- tïôervoi'r pour lavage,
- la séparation du »lalu|seur
- EtViylbcnaën* purifie
- *IW i» . Conitnatur reFreidiM'itioa"
- 4‘Benzène retournant a 1 olcoÿlJti on
- InWuTeur Je peiijwcnsotion
- itèrent brut
- Benzène et Toluène!
- Vers le réservoir d'ety«^Uieflzène Vers le réser iëïr f
- Inhibiteur
- r
- Ethi^lhenzène et a firent
- Colonne Je fractionnement
- CeWna Colonne â . ft.
- btnzent leluene
- Colonnes à cthylbenzêne
- Fig. 5. — Schéma de la fabrication du styrène.
- fabriques de butadiène et de styrène et à xoo $ par tonne pour une usine de copolymères. Ce sont ces valeurs qui ont été retenues dans les calculs qui suivent.
- La valeur actuelle des installations étant fixée, il est possible d’en déduire la majoration du prix de revient du caoutchouc correspondant à l’amortissement du capital investi et à l’intérêt de ce capital. L’amortissement a été fixé à 12 pour 100 du capital engagé et l’intérêt du capital à 20 pour 100 avant impôt sur le revenu, soit à i5 pour xoo après paiement de cet impôt.
- FH>; de revient di
- Frais defabnc
- ation
- 90 100 %
- Activité en fonction delà capacité de production
- Fig. 6. — Variation du prix de revient du GR~S, en fonction du taux d’activité des usines.
- Fabrication du butadiène. — La fabrication du butadiène (fig. 4) comporte trois opérations essentielles : l’extraction des butylènes normaux provenant des sous-produits du cracking, la déshydrogénation de ces butylènes par la vapeur en présence d’un catalyseur qui fournit le butadiène brut, le fractionnement et la distillation de ce butadiène pour fournir le butadiène purifié. Le tableau ci-dessous donne le détail du prix de revient du butadiène, en cents par livre (453 g).
- Matière première :
- — Butylène à 13,5 cents par gallon, rendement de
- 70 pour 100 ........................................ 3,80
- Frais de fabrication :
- Produits chimiques ................................... 0,20
- Énergie et chauffage ................................... 1,50
- Main-d’œuvre ........................................... 0,60
- Entretien du matériel .......................•...... 0,65
- Taxes et assurance ..................................... 0,10
- Frais généraux ....................................... 0,70
- Amortissement du capital ................................ 1,16
- Frais de vente et frais> administratifs ................. 0,63
- Frais de licence ........................................ 0,37
- Intérêt sur capital ..................................... 2,69
- Prix du butadiène ......................... 12,40
- On noiera qu’on a fait apparaître dans ce calcul des frais de licence. En décembre ig4i, les principales sociétés américaines s’intéressant à la fabrication du caoutchouc synthétique avaient décidé, dans un but patriotique, de mettre en commun le fruit de tous leurs travaux. D’après cet accord qui groupait Goodyear, Goodrich, U. S. Rubber, Fireslone, Standard Oil Development Co et Phillips Petroleum Co, tous les résultats des recherches étaient transmis au gouvernement qui les redistribuait aux intéressés. En mars 1949, cet accord a pris fin et l’emploi de certains brevets entraîne le paiement de redevances.
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- Fabrication du styrène. — Cette fabrication (fig. 5) comporte 3 opérations : l’alcoylation de l’éthylène et du benzène en présence de chlorure d’aluminium pour produire l’éthylbenzène, la déshydrogénation de ce dernier par la vapeur sur un catalyseur pour produire le styrène accompagné de produits secondaires, et la séparation dü styrène monomère par distillation fractionnée. La livre de styrène, préparé dans ces conditions, revient en cents à :
- Matière première :
- — 0,32 pound butylène à 6,5 cents.............. 2,08
- — 0,87 pound benzène à 25 cents le gallon...... 2,96
- Frais de fabrication ..................................... 2,00
- Amortissement du capital .................................. 0,83
- Frais administratifs et frais de vente ............... 0,23
- Frais de licence .......................................... 0,60
- Emballage et expédition ................................. 0,223
- Intérêt du capital ........................................ 3,07
- Prix du styrène ................................ 12,00
- '•î
- Préparation du caoutchouc synthétique. — La fabrication
- du caoutchouc synthétique varie selon le copolymère qu’on désire obtenir; la composition des mélanges et les frais de fabrication diffèrent suivant les produits chimiques utilisés : agent émulsifiant, anti-oxydant, catalyseur, activateur, etc...
- La figure 6 montre comment ce prix varie, en fonction du coefficient d’activité de l’usine. Dans une usine travaillant à plein, le prix du caoutchouc synthétique peut être abaissé à un peu plus de 17 cents.
- Voici un exemple de prix de revient de GR-S pour usage général :
- Matière première :
- — 0,78 pound de butadiène à 12,5 centS' ....... 9,75
- — 0,23 pound de styrène à 12 centsi ........... 2,76
- — butadiène récupéré .......................... (— 0,70)
- — styrène récupéré ............................ (— 0,08)
- Frais de fabrication :
- — produits chimiques .......................... 2,05
- — énergie et chauffage ................. 0,25
- — main-d’œuvre .................................... 0.57
- — entretien ................................... 0,45
- — frais de laboratoire ........................ 0,15
- — emballage et expédition ..................... 0,25
- — taxes et assurance .......................... 0,08
- — frais généraux .............................. 0,40
- Amortissement du capital .......................... 0,39
- Frais d’administration et frais de vente .......... 1
- Intérêt sur capital ............................... 2,09
- Prix du GR-S usage général ............... 19,41
- Le prix de revient exact du caoutchouc synthétique présente un grand intérêt car, variant très peu dans le temps, il constitue un facteur de stabilisation des cours de la gomme naturelle.
- Les opinions sont encore partagées sur les avantages respectifs des deux matières premières. Il n’en est pas moins vrai que désormais, après les améliorations qui, peu à peu, seront apportées à la fabrication du caoutchouc synthétique, les différences considérables de prix entre les deux produits deviendront de moins en moins admissibles. Le renouveau d’activité de l’industrie américaine du caoutchouc synthétique est un facteur de stabilisation des prix, dont bénéficieront usagers et producteurs, car l’intérêt de tous est d’aboutir sans crises à de justes prix permettant des études à longue échéance et des développements industriels reposant sur des bases saines.
- G. Genin, Ingénieur E.P.C.I.
- ARCHÉOLOGIE SOUS-MARINE
- On sait la vogue croissante des plongées dans les eaux chaudes et claires de la Méditerranée qui a suivi les travaux du groupe d’études et de recherches sous-marines de Toulon, effectués à bord de L « Ingénieur-Élie-Monnier a, par les capitaines de corvette Taillez et Cousteau. Grâce aux appareils très simples et très sûrs imaginés : lunettes étanches, appareils respiratoires, chaussures palmées, on peut désormais contempler les paysages sous-marins, observer les animaux qui y vivent, descendre sans risque jusqu’à 4o m, et même chasser les poissons au fusil ou à l’arbalète. Un club alpin sous-marin s’est créé à Cannes qui réunit un grand nombre d’amateurs.
- Parmi ceux-ci, quelques-uns, passionnés d’archéologie, ont entrepris d’étudier les épaves anciennes et ont déjà fait d’intéressantes trouvailles. C’est ainsi que dans le récent numéro
- du Bulletin du Club, M. Robert Gruss raconte comment a été découvert en rade d’Agay un champ d’amphores envasées, dont beaucoup sont intactes et dont certaines ont encore des bouchons de plâtre portant des inscriptions. Une cinquantaine de jarres ont pu être remontées. Elles sont'entremêlées de pièces de bois noir et spongieux qu’on a pu identifier comme des morceaux de bordés et de couples d’une embarcation, ce qui fait songer à l’épave d’un bâtiment de commerce coulé sur ce fond.
- En rade de Saint-Tropez, on a également repéré, par 4 à 6 m de fond, la présence de i4 blocs de marbre : chapiteaux, tronçons de colonnes, architrave, dalle, pesant ensemble 200 t, provenant sans doute d’un navire qui les transportait, soit à l’époque romaine, soit au temps de Napoléon Ier. Le marbre rappelle celui de Carrare plus, que les marbres grecs; les blocs
- Fig. 1. — Le jets d’ancre en ptomb du cap d’Antibes (Photos H. Broussard).
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- ont chu sur le fond et n’y ont pas été intentionnellement posés.
- A l’est de l’île Sainte-Marguerite, sur un fond rocheux de 3o m, le Dr Donnadieu et M.Broussard ont trouvé un jas d’ancre en plomb de.i,o5 m de long, pesant 70 kg, qu'ils ont pu remonter et qui vient d’être examiné par M. Benoit, conservateur du Musée Borely, à Marseille.
- Un autre jas, plus grand, long de 1,80 m, d’un poids de plus de 4oo kg, a été remonté par le Dr Chenevée, MM. Souquet et Broussard, d’un haut-fond à l’est du cap d’Antibes. Celui-ci
- est orné de trois figurines en relief représentant une tête de Méduse. On connaissait déjà des ancres du même genre dont le type provient probablement d’Asie Mineure et de Grèce et se retrouve en Méditerranée à l’époque romaine.
- Les côtes françaises de la Méditerranée semblent donc un riche champ d’explorations pour les archéologues sportifs, autant que pour les biologistes, les photographes, les cinéastes et bien d’autres encore qui n’ont plus peur de la mer et osent y pénétrer.
- La télévision au service de la productivité.
- Instrument d’éducation, d’information et de divertissement, la télévision est également appelée à jouer un rôle de premier plan dans le développement de la productivité industrielle.
- C’est ainsi que certaines usines américaines utilisent depuis quelque temps des postes de télévision portatifs ou fixes, grâce auxquels il est possible de suivre à distance le fonctionnement des machines-outils tournant à très grandes vitesses. Dans le travail des métaux en particulier, la télévision permet une observation continue des opérations de découpage automatique, contribuant à l’amélioration qualitative de ces opérations.
- Ailleurs, on fait appel à la télévision pour analyser les conditions de sécurité du travail, et les risques que comportent certains postes, notamment dans l’approvisionnement de certaines machines. D’autres usines enfin emploient la télévision pour
- perfectionner les connaissances de leurs contremaîtres. Ces derniers suivent sur l’écran les diverses opérations enregistrées simultanément dans plusieurs ateliers ou différentes parties de l’usine.
- Ainsi se trouvent mis en relief la nécessité d’une synchronisation des efforts et l’inconvénient que présente pour l’ensemble de l’entreprise une défaillance dans l’un quelconque de ses rouages, si petit soit-il.
- Les bureaux de placement utilisent la télévision aux États-Unis pour mettre les travailleurs à la recherche d’un emploi en contact avec des employeurs éventuels. Des programmes, qui sont diffusés à cet effet le soir, quand les employeurs ont le plus de facilité de les voir, présentent les candidats en mettant en valeur leurs qualités professionnelles.
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- Les dilettantes JACQUES INAUDI
- du chiffre :
- ET SES ÉMULES
- Par une chaude journée de l’été de 1910, j’étais attablé avec l’érudit et spirituel de V... à une terrasse des allées Paul-, Riquet, à Béziers.
- Un petit colporteur passa qui nous offrit sa camelote.
- — Ce gamin, Ht mon hôte, m’en rappelle un autre, qui était à peu près du même âge. C’était, autant que je m’en souvienne, entre 1880 et i885, dans un café voisin. Certain viticulteur du Minervois, y peinait sur son compte, à mi-voix, s’embrouillant dans les calculs, sous l’œil narquois d’un jeune Piémontais, montreur de marmotte qui, en un instant et mentalement, donna le résultat d’opérations complexes.
- — Comment t’appelles-tu,- lui demanda-t-on ?
- — Jacques Inaudi.
- Je me remémorai cet entretien quand les journaux nous apprirent la mort d’Inaudi, dans sa quatre-vingt-quatrième année, le 26 novembre dernier.
- Jacques Inaudi était né le 16 octobre 1867, à Roccabruna, dans le Piémont, de parents de la plus humble condition et qui le laissèrent orphelin de bonne heure.
- Livré à lui-même, l’enfant négligea son instruction et roula son ignorance en des métiers d’infortune : on le vit berger, montreur de marmottes ou de marionnettes dans les foires et cafés, cireur de chaussures, garçon de courses, groom de restaurant.
- En 1882, il se fit naturaliser français et dès lors, il devait parcourir le périple d’un demi-siècle sur le
- chemin de la gloire----d’une gloire
- toute spéciale — où il devait du premier coup prendre ses chevrons et acquérir le titre de champion mondial de calcul mental.
- Il parcourut toutes les villes de France : les tréteaux municipaux, les préaux d’école, les salles de café virent ce petit homme à la grosse tête pensive et réfléchie. On l’applaudit dans les deux hémisphères; son audience fut universelle.
- Doué d’une santé robuste, l’étonnant prodige cérébral avait atteint l’âge de soixante-sept ans quand il cessa de se produire, une laryngite chronique ne lui permettant plus la fatigue des voyages et des auditions en public.
- Cette altesse d’une mathématique toute particulière se fetira en banlieue où sa retraite fut celle d’un philosophe et d’un sage, ne se perdant point en vaines récriminations contre une infortune vocale qui l’obligeait à la retraite et contre la rigueur de temps qui lui rendaient la vie difficile; sa sérénité resta constante dans la double épreuve et les ans n’eurent de prise ni sur sa bonté native ni sur cette exquise affabilité que connurent bien tous ceux qui l’approchèrent.
- Nous avons connu d’autres Inaudi. Il y a deux ou trois ans, les gazettes étrangères nous révélèrent qu’un aréopage composé d’astronomes de l’Observatoire royal de Belgique avait délivré ses lettres patentes au jeune Oscar Werhaecke pour ses dons extraordinaires de calculateur. On y affirmait qu’Oscar, quasi illettré, avait une propension étonnante pour le calcul mental; on le présentait comme l’émule, et de notre Jacques
- Inaudi, et de ses prédécesseurs Diamandi et Mondeux et, dans la période contemporaine, de la calculatrice française qui, sous le pseudonyme d’Osaka, tint ses assises ambulantes du chiffre dans nos provinces, il y a quelques années.
- Ces prodiges du deux et deux font quatre, « à haute fréquence » si on l’ose dire, s’inscrivent sous le double signe d’une négation et d’une affirmation :
- D’une part, et dans la majorité des cas, absence originelle de culture — même mathématique — et qu’on ne nous fasse pas dire qu’en cela ils sont comparables à maint argentier... Il est d’illustres exceptions à cette négation : le prestigieux Gauss
- qu’on surnomma le Prince des Mathématiques éblouissait son entourage dès l’âge de 4 ans — du moins, le dit-on — par la rapidité d’opérations mentales auxquelles il renonça dès l’adolescence pour se livrer à de plus hautes spéculations mathématiques. La coexistence dans le même individu, de l’intuitif et du savant ne gâte d’ailleurs en rien l’affaire.
- L’affirmation réside en une faculté innée de la mémoire du chiffre — et même de la mémoire en général ; et il va de soi que le sujet maintient, nourrit, développe, exalte cette aptitude naturelle par un travail assidu, où il consigne normes, références, chiffres-clés, tout le « sésame-ouvre-toi » de sa mystérieuse mécanique cérébrale. A chaque séance publique, l’arsenal s’enrichit de nouvelles armes dont le spectateur pousseur de « colles » fait les frais.
- Il y a une quarantaine d’années, je contribuai ainsi, à l’enrichissement d’un Inaudi au-petit pied qui opérait dans une baraque foraine à Châlons. Il avait de l’acquis et réagissait rapidement à des rébus chiffrés mais d’allure classique et auxquels correspondait un de ces déclics dont le déclenchement amenait la réponse en quelques secondes. On l’applaudit. Je lui posai innocemment deux problèmes inédits (que j’ai développés depuis dans La Nature).
- Il « sécha » au premier, mais son a bonimentear » s’en tira par une pirouette Arerbale qui tourna à ma confusion et il me nargua en m’invitant à une autre épreuve.
- J’y consentis, mais là encore nulle touche du clavier ne répondit à l’appel. J’inscrivis au tableau noir la solution.
- L’impresario fronça les sourcils et s’en prit non point à son phénomène, mais au sphinx improvisé. Je me gardai de poser une troisième question; je fus mis à la porte et conspué par le public.
- A la sortie, j’allai instruire ma victime de secrets qu’elle ignorait encore. J’en fus remercié aArec effusion : deux clés s’ajoutaient au trousseau !
- Aux environs de 1905, je sortais de l’Hôtel des Sociétés savantes de la rue Serpente avec le charmant et lyrique Camille Flammarion. La conversation roula sur Jacques Inaudi qui était alors dans tout l’éclat de sa gloire. Il avait 38 ans.
- — Je le connais fort bien, me dit l’astronome populaire dont
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- le faciès à la barbe broussailleuse rappelait singulièrement celui d’un autre Camille — Camille Pelletan —. Je me flatte même d’avoir contribué à lancer, ou mieux à affiner, le jeune prodige.
- Inaudi avait peut-être 12 ou i5 ans quand il se présenta chez Flammarion, à Paris, ne sachant ni lire, ni écrire, ni -même calculer avec un crayon. Mais, en quelques minutes, il se tirait mentalement du calcul le plus ardu. Il ignorait à ce point le vocabulaire d’Euclide qu’il assimila pendant plus d’un an la racine cubique à certaines filles : il l’appelait la racine « publique ».
- La Faculté se pencha avec curiosité sur son crâne pour y remarquer un hiatus séparant anormalement les deux hémisphères; mais elle ne tira nulle conclusion de la remarque.
- Signalerai-je, en passant, le tenant d’Osaka elle-même, que cette calculatrice subit des épreuves dix même ordre, il y a quelque dix ans, sans qu’il en résultât nbn plus de conclusion positive. On ne sut établir de relation de cause à effet, et je suis personnellement fondé à penser, par ma mensuration des visages et d’Osaka et de mon homme de Châlons, qu’on omit peut-être l’essentiel....
- Les doctes Poincaré, Bertrand, Darboux, mirent Inaudi sur la sellette. En vain. Cet ignorant, au sens bourgeois du mot, les confondit tous, comme aussi les professeurs en Sorbonne, les savants de l’Observatoire et les sommités scientifiques de l’époque 1900, y compris les augures des Amériques : en 1892 (Inaudi avait 25 ans — et ce travailleur intelligent et acharné avait déjà bien « rodé » son affaire) il se tirait avec succès d’épreuves de calcul mental devant l’Académie des Sciences, aux États-Unis et, quelques années plus tard, il rivalisait de vitesse avec 3 machines à calculer qu’il battait aisément.
- Antécédents? Genèse de cet esprit si spécial? Autant de questions qui restent sans réponse.
- Humble entre tous, le petit pâtre était donc descendu de sa montagne, à l’âge de 7 ans, pour aller de village en village
- faire danser sa marmotte en comptant tout ce qui entrait dans son champ visuel : arbres de la route, maisons, portes et fenêtres, avec le zèle d’un vieux fonctionnaire des « quatre vieilles » qui sévissaient déjà. Il comptait, comptait, comptait...
- Flammarion prit Inaudi à son service et il s’efforça à l’orienter vers l’astronomie. Peine perdue : le jeune poulain rua sur les formules. Il avait mieux à faire. Et il le montra : à l’âge de 25 ans, Jacques Inaudi, guidé par un habile imprésario, qui n’était point un astronome mais une autre espèce de calculateur, se faisait des vacations dont le montant annuel dépassait les appointements cumulés des directeurs des Observatoires de Paris, de Londres et de Bruxelles.
- Les 80 ans et plus de l’étonnant Inaudi avaient laissé intact son mécanisme cérébral mais non point hélas, un patrimoine justement acquis et qui avait subi le sort de tant de nivellements...
- Combien naît-il, par siècle, de Diamanti, de .Mondeux, d’Inaudi, d’Osaka, de Werhaeke; et combien l’école d’Alexandrie connut-elle naguère, de phénomènes de cette sorte P On l’ignore.
- Quelles règles président à la phrénologie de ces dilettantes du chiffre ? Mystère.
- Serait-il possible de concevoir, ou même de fabriquer des Inaudi en série ? Déjà, les machines électroniques à calculer opèrent plus vite et résolvent des calculs plus longs et plus difficiles. Mais la « cybernétique » ne donne que ce que l’homme y a mis.
- Les temps modernes, où l’astronomie des budgets exigerait de l’homme public toute autre faculté que celles du danseur de Beaumarchais, développeront-ils l’instinct du calcul et verront-ils, par l’adaptation biologique, fleurir en masse des calculateurs innés et inconscients des mécanismes qu’ils mettent en œuvre ?
- Constant Hubert.
- LE CIEL EN
- SOLEIL : du 1er au 30, sa déclinaison croît de + 4°20' à + 14°37' ; la durée du jour passe de 12H7m le 1er à 14h32m le 30 ; diamètre apparent le 1er = 32'3",6, le 30 = 3-l'4S",2. — LUNE : Phases : N. L. le 6 à 10h52m, P. Q. le 14 à 12h5om, P. L. le 21 à 21h30m, D. Q. le 12 à 17h ; apogée le 12 à lh, diamètre apparent 29'30" ; périgée le 23 à 23h, diamètre apparent 32'5S". Principales conjonctions : avec Jupiter le 4 à 23h3om, à 0°of>' S. ; avec Mars le 7 à 12h2Sm, à 3°o4' S. ; avec Mercure le S à 2h26m, à 1°1' S. ; avec Vénus le 9 à 12ho3m, à 3°o7' S. ; avec Uranus le 13 à 0h22m, à 4°39' S. ; avec Saturne le 19 à 14h13m, à 3°42' N. ; avec Neptune le 21 à 2h42m à 4°43' N. Occultation de 47 Gémeaux (5m,f>) le 13, immersion à 20Mim,7. — PLANÈTES : Mercure, plus grande élongation du soir le 5 à 16h, à 19°!' E., en conjonction inf. avec le Soleil le 25 ; Vénus, très brillante étoile du soir, se couche 3h27m après le Soleil le 19, diamètre app. 13",8 ; Mars, dans la Baleine, se couche 30m seulement après le Soleil le 19, diamètre app. 3",8 ; Jupiter, dans les Poissons, invisible ; Saturne, dans la Vierge, visible toute la nuit, diamètre polaire app. le 19 : 17",3, anneau : grand axe 43",0, petit axe 1",2 ; TTranus, dans les Gémeaux, se couche le 1er à l^iS111, position 6k24m et + 23°39', dia-
- AVRIL 1951
- mètre app. 3",6 ; Neptune, dans la Vierge, en opposition avec le Soleil le 8 à 20h, position le 1er : ISMO1» et — 5°39', diamètre app. 2",5. — ETOILES FILANTES : Lyrides, du 19 au 22, radiant vers 104 Hercide. — ETOILES VARIABLES : Minima observables d’AîpoZ (2m,2-3m,5) : le 2 'à 17h,9, le 22 à 19h,6 ; minima de [3 Lyre (3m,4-4m,3) : le 5 à 19h, le 18 à 17h,3 ; maxima : de R Triangle (om,3-12m,0) le 12, de RR Sagittaire (5m,8-13m,3) le 16, de R Cancer (6m,0-llm,8) le 19, de R Andromède (om,6-14m,7) le 27. — ETOILE POLAIRE : Passage inférieur au méridien de Paris : le 1er à lMml3s, le 11 à 0h24“52s, le 21 à 23Hl1»37s.
- Phénomènes remarquables. — A observer : la Lumière zodiacale le soir à l’W, au début du mois, en l’absence de la Lune ; la Lumière cendrée de la Lune du 8 au 11 ; Mercure, bien visible le soir au couchant au début du mois (se couche 2 heures après le Soleil le 5) ; les étoiles filantes Lyrides, rapides, maximum le 21.
- (Heures données en Temps universel ; tenir compte des modifications introduites par l’heure en usage).
- G. Fournier.
- LES LIVRES NOUVEAUX
- Équations intégrales et transformation de Laplace, par M. Parodi. 1 vol., 126 p.
- Abrégé de la théorie générale des séries divergentes dite théorie des séries définissables, par P. Vernotte. 1 vol., 42 p.
- Le point astronomique simplifié dans les régions polaires, par P. Hugon. 1 broch., 16 p. 5 fig.
- Recherches sur l’osmose électrique, par L. II. Collet. 1 vol., 62 p., 21 fig.
- Étude de la structure des surfaces, par G. Biet. 1 vol., 46 p., 25 fig.
- Publications scientifiques et techniques du Ministère de l’Air, Paris, 1950.
- Weltsystem, Weltather und die Relativitats-theorie, par K. Jellinek. 1 vol. in-8°, 448 p., 40 fig. Wepf et G18, Bâle, 1949. Prix : relié, 45 francs suisses.
- Exposé très complet des théories de la relativité et de leurs conséquences, accompagné d’une importante bibliographie et comportant d’importants développements mathématiques.
- Nous étions' sept astronautes, par L. Prioly.
- 1 vol., 140 p. Bordas, Paris, 1946.
- Anticipation d’un voyage de la Terre à Vénus destiné à des jeunes gens. L’auteur profite de diverses péripéties pour donner quelques notions d’astronomie et quelques aperçus sur la faune et la flore fossiles.
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- The nature of the universe, par F. Hoyle.
- 1 vol. in-8°, 122 p., pl. Basil Blackwell, Oxford, 1950. Prix : relié, 5 sh.
- Petit livre de vulgarisation élevée traitant de la terre dans l’espace, du soleil et des étoiles, de l'origine et de révolution des étoiles, puis de l'origine de la terre et des planètes, pour terminer par un chapitre sur la place de l'homme dans l’univers en expansion.
- Dynamique supérieure, par S. Timosiieneo et D. H. Young. 1 vol. in-8°, 460 p., 279 11g. Béranger, Paris, 1950. Prix : relié, 2 800 fr.
- Les développements modernes des sciences appliquées dans des domaines comme celui des machines à vitesse élevée ou des projectiles radioguidés ont accru considérablement Pim-portance de la mécanique en tant que branche fondamentale de la construction. Les théories des vibrations, de l’équilibrage, du gyroscope prennent un intérêt croissant. La dynamique des constructions soulève de nombreux problèmes nouveaux qui ont nécessité J'extension des cours de dynamique classique. Cet ouvrage, destiné à l’enseignement, traite de la dynamique du point matériel, de la dynamique des systèmes, de la dynamique des systèmes comportant des liaisons, de la théorie des petites oscillations, de la rotation d’un solide autour d'un point fixe, de l'analyse dimensionnelle et de la théorie, des petits modèles.
- Contribution à l'étude de la surface des solides pulvérulents, par F. Laporte. 1 broch., 38 p., 6 fig. Service de documentation et d'information technique de l'aéronautique, Paris, 1950.
- Revue des méthodes de mesure des surfaces. Mesure cnergétiqùe des états de surface et détermination précise de l'euthalpie de mouillage d’une poudre.
- Résistance des matériaux appliquée à l’aviation, par P. Vallat. 1 vol. in-8°, 734 p., fig., 49 pl. Béranger, Paris, 1950. Prix : relié, 3 950 francs.
- Après un rappel détaillé de notions de mathématiques et de mécanique, de l'équilibre statique des systèmes et de la statique graphique, l’ouvrage traite de la résistance des matériaux et ajoute d’abondants compléments sur le flambage des poutres prismatiques, le calcul des plaques chargées transversalement et les systèmes hypers tatiques ; une dernière partie est consacrée aux procédés de calculs particuliers aux constructions en tôle mince, aux généralités sur les constructions d’avions, aux structures sans revêtement travaillant, au calcul des structures à âmes minces et des structures coques.
- Contribution à l’étude des diffuseurs en vue de l’application aux souffleries aérodynamiques subsoniques, par R. Goethals. i vol. relié, 216 p., 113 fxg. Service de documentation et d’information technique de l’aéronautique, Paris, 1950. 1
- Données numériques résultant de l'étude expérimentale des diffuseurs de souffleries à grandes vitesses, établies par un des meilleurs techniciens de la question.
- Réception radiophonique. Parasites, par
- Y. Angel. 1 vol., 176 p., fig. Collection de la radiodiffusion française. Eyrolles, Paris, L950. Prix : 880 francs.
- L’auteur, ingénieur en chef à la- radiodiffusion française, traite du brouillage, des parasites et de leur propagation. Il étudie l'antiparasitage à la source et à la réception. Une deuxième partie consacrée aux antennes et à la réception aux grandes distances.
- Manuel pratique de télévision, par G. Raymond. 1 vol., 180 p., fig. Editions L. E. P. S., Paris, 1950. Prix : 850 francs.
- Après avoir décrit un centre émetteur de télévision, les auteurs de réception, l’amplification, les tubes à rayons cathodiques, la séparation des signaux de synchronisation, les générateurs et amplificateurs de balayage, l’auteur donne le schéma d’installation et d’entretien d’un récepteur à 819 lignes. Le livre est abondamment illustré et complété par un dépliant.
- Éléments de physique théorique, par G. Gui-
- mer. 2° vol. 1 vol. in-8°, 148 p,, 62 fig 1 Bibliothèque de la science moderne. Bordas, Paris, 1950.
- Ce second volume d’une étude d’ensemble de la physique théorique est consacré à la struc-
- ture atomique et aux liaisons chimiques, à la théorie des quantas et à la spectroscopie, à la constitution du noyau atomique. L’ouvrage ne fait appel qu’aux connaissances mathématiques familières aux ingénieurs et aux licenciés en physique générale. Il constitue un précieux instrument de travail et d’étude.
- Physique générale élémentaire, par F. Mi-
- chaud. 1 vol., 344 p., 115 fig. Yuibert, Paris, 1950. Prix : relié,- 750 francs.
- Ce petit ouvrage n’est pas un livre de classe habituel mais une mise au point de culture générale destinée à donner des idées claires, cohérentes et bien classées à ceux qui désirent avoir une base solide de connaissances dans le domaine de la physique. Il constitue une excellente introduction au certificat de physique générale et tout homme cultivé y trouvera l’aspect actuel de la physique réduite à son ossature essentielle. Les diverses parties traitent de l’énergétique et de la mécanique, de la physique des corps purs et des mélanges, de l'électricité et du magnétisme, et enfin des énergies oscillatoires.
- Atomic physics, par W. Finkelnburg. 1 vol. in-8°, 498 p., 226 fig. Mac Graw-IIill, Londres, 1950. Prix : relié, 52 shillings.
- Expose détaillé des développements de la physique atomique, comprenant notamment des chapitres sur les spectres atomiques et la structure de l’atome, les relations entre la théorie atomique et la mécanique quantique, la physique nucléaire, la physique moléculaire, la physique atomique et les états liquide et solide. Les développements mathématiques trop abondants ont été volontairement écartés au profit des raisonnements logiques. Une excellente bibliographie sélectionnée termine chaque chapitre.
- La théorie élémentaire des piles atomiques, par A. Ducrocq.'1 broch. in-8°, 32 p. Dunod, Paris, 1950. Prix : 150 francs.
- Etude des principes essentiels d'élaboration d’une pile, abstraction faite des calculs nucléaires réservés aux spécialistes. Elle s’adresse aux étudiants et aux physiciens désireux de s'informer des étonnantes possibilités industrielles de la pile atomique qui permet déjà de préparer de nombreux radioéléments ouvrant la voie à des recherches scientifiques fécondes.
- Vocabulaire de chimie physique et de chimie nucléaire, par Y. Charles. 1 vol. in-8o, 390 p., 123 fig. Dunod, Paris, 1951. Prix : 980 francs.
- Les notions fondamentales de chimie physique et de chimie nucléaire défilent dans l'ordre alphabétique, sous forme de près d’un millier de termes bien définis, accompagnés de démonstrations théoriques, d’exemples et d'applications numériques. C’est un aide-mémoire très suggestif que les étudiants apprécieront.
- Les gisements de plomb et zinc en Tunisie. 1 broch. in-8°, 40 p., carte. Service géologique et Service des Mines, Tunis, 1949.
- Monographie, parue dans un numéro spécial des Annales des Mines et de la Géologie, rédigée par MM. Granottier et Saïnfeîd, sur ces ressources de l’industrie minière en Tunisie. -
- La bentonite, par M. Déribéré et A. Esme. 1 vol. in-8°, 240 p., 59 fig. Dunod, Paris, 1950. Prix : 960 francs.
- Dans cette troisième édition, mise à jour, les auteurs étudient cette argile colloïdale capable de gonfler considérablement dans l’eau pour former des sols de toutes les consistances désirées, qui trouvent des applications de plus en plus nombreuses par suite de leurs propriétés physico-chimiques, notamment . émulsifiantes, détersives et absorbantes. Ils décrivent les propriétés et les modalités d’emploi des bentonites et des argiles colloïdales dans un très grand nombre d’industries.
- Plasticizers, par D. N. Buttrey. 1 vol., 19 fig. Cleaver-Hume Press, Londres, 1950. Prix : relié, 18. sh.
- Les différents groupes de plastifiants sont examinés et leurs propriétés réunies dans de nombreux tableaux. Un chapitre est consacré aux théories de la- plastification et à ses aspects thermodynamiques, ainsi qu’aux relations entre les dimensions moléculaires, la structure et les propriétés des plastifiants. Une abondante bibliographie et une liste de brevets complètent l’ouvrage.
- Le caoutchouc manufacturé. Méthodes et matériel, par A. Beke. 1 vol., 116 p., 86 fig. Presses documentaires, Paris, 1951.
- Ce cours, professé au Centre technique d’enseignement ouvrier, s’adresse à des ageïits de maîtrise désireux de se perfectionner. Rédigé de façon fort simple, il forme un bon exposé sur l’origine, les traitements, l'analyse et le contrôle' des caoutchoucs et latex.
- Soudure des plastiques, par G. IIaïm et H. P.
- Zade. 1 vol. in~8°, 200 p., 89 fig., 26 tableaux. Dunod, Paris, 1951. Prix : relié,
- 1 180 francs.
- Les méthodes de travail des plastiques par moulage ne permettent de préparer que des objets d’un volume relativement réduit. Depuis quelques années des techniques de soudure permettent d’assembler des pièces en matières thcrmoplastiques et de réaliser notamment de longues tuyauteries. L’ouvrage traite de la soudure par gaz chaud, par outils chauffants, par haute fréquence et des machines à souder continues. Il comporte une bibliographie de brevets et de noms commerciaux.
- Les diastases, par J. Stolkowski. 1 vol. in-16, 128 p. Collection « Que sais-je.? ». Presses universitaires de France, Paris, 1950.
- La chimie des diastases est encore peu connue du grand public. Ce petit livre en donne une vue d’ensemble, rappelant l’évolution de la notion de diastase, puis traitant de la catalyse enzymatique. Apres la classification des principaux groupes, on trouve des chapitres sur leur rôle dans la vie des organismes, leur utilisation pratique fet les perspectives d'avenir qu’ouvrent les rapports entre les enzymes et la génétique.
- Géologie de la France, par Jean Goguel. i vol. in-16, 128 p., 21 fig. Collection « Que
- sais-je ? ». Presses universitaires de France, Paris, 1950.
- Professeur à l’Ecole des Mines et à l’Ecole des Ponts et Chaussées, directeur-adjoint du Service de la carte géologique, l’auteur connaît à fond la géologie de notre pays. Tl ne l’analyse pas ici région après région, mais en trace les grandes lignes : la sédimentation préhercynienne suivie d’un paroxysme qui se calme au houiller ; puis, après la rémission secondaire, les grands mouvements orogéniques des Pyrénées et des Alpes, suivis de l’histoire géologique récente, jusqu’aux glaciations et à l’apparition de l’homme, qui ont successivement diversifié, compartimenté, façonné la France et l’Europe occidentale. Grand tableau d’ensemble qui explique la géographie actuelle, nos ressources et nos possibilités.
- Petroleum production engineering (Petroleum Production Economies), par L. G. Uren.* i vol. in-8°, 639 p., 117 fig. Mc Graw-Hill, New-York et Londres, 1950. Prix : relié, 60 sh.
- Le rôle des ingénieurs et des techniciens du pétrole est de plus en plus lié aux questions économiques relatives à cette industrie : répartition mondiale des champs pétrolifères et des sources de gaz naturels, aménagement et protection des réserves naturelles, prix de revient, transports, stockage, distribution, marchés commerciaux, etc. Dans cet ouvrage considérable, l’auteur, professeur à l’Université de Californie, a accumulé les informations nécessaires aux ingénieurs pour compléter leurs connaissances techniques' par des vues économiques.
- Respiration et métabolisme azoté, par Alexis Moyse. 1 vol. in-8°, 210 p. Actualités scientifiques et industrielles. Hermann, Paris, 1950.
- Mesurant l’intensité et le quotient respiratoires de feuilles de diverses plantes en même temps que les variations de leur teneur en glucides et protides, l’auteur fjégage trois sortes d’oxydations, liées aux changements d’équilibre des protéines, â la croissance protoplasmique et à l’afflux de métabolites très oxydables. C’est là une nouvelle .notion précise qui révèle des rapports entre clos phénomènes disparates dont la liaison n’avait guère été étudiée.
- Jan Ingenhousz, plant physiologist, with a history of the discovery of photosynthesis,
- par Howard S. Reed. 1 vol. in-8°, 112 p-, 8 pl. Ghronica botanica, Waltham (Mass.) ; Raymann, Paris, 1950. Prix : 3 dollars.
- Né à Bréda, il y exerça la médecine, puis alla à Londres et à Vienne, avant de se retirer en Angleterre ; partout, il vaccina selon la techni-
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- que de Jenner, mais eut bien d’autres curiosités. En 1779, il publia ses Experiments upon vege-tables, où il montra leur grand pouvoir, de purifier l’air commun au soleil. On trouve ici La réédition de cette œuvre importante, précédée d’une biographie.
- La réorganisation foncière en France. Le remembrement rural, par Jean-Marie Sciimer-ber. 1 vol. in-8°, 286 p. La Maison rustique, Paris, 1950. Prix : 510 francs.
- La loi du 9 mars 1941 que l’auteur analyse fixe les conditions de la réorganisation foncière nécessaire pour le regroupement des parcelles, l’utilisation plus raisonnable des terres et l’augmentation des rendements. Sa mise en œuvre soulève de nombreuses questions pratiques qui sont toutes abordées et élucidées.
- Guide pratique des gardes et chasseurs, par A. Chaigneau. 1 vol. in-8°, 200 p., fig. La Maison rustique, Paris, 1950. Prix : 310 fr.
- Deuxième édition d’un petit livre riche de conseils et d’observations utiles à tous les chasseurs.
- Functional anatomy of the Vertebrates, par Daniel P. Quiring. 1 vol. in-8°, 624 p.,
- 257 fig. Mc Graw-Hill, New-York et Londres. Prix : relié, 44 sh.
- La forme, la structure conditionnent le niveau •et le mode de vie. De ce point de vue, l’auteur passe en revue les systèmes anatomiques des vertébrés : peau, squelette, musculature, système nerveux, organes des sens, appareils digestif,
- circulatoire, respiratoire, excréteur, reproducteur, glandes à sécrétions internes ; chaque fois, il considère les poids, les développements, les mécanismes spéciaux, cherchant les rapports entre l’organe et la fonction, l’anatomie et la physiologie dans un grand nombre d’exemples choisis.
- The microtomist’s vade-mecum, par J. Brontë
- Gatkabt et IL W. Beams. 11e édition. 1 vol.
- in-8°, 753 p., 8 fig. Churchill, London, 1950.
- Prix : relié, 45 sh.
- Le manuel de Bolles Lee date de 1885 ; il a été traduit en plusieurs langues et n’a cessé d’être réimprimé et revu. Sa 11e édition, entièrement remaniée paraît, mise tout à fait à jour ; la plupart des méthodes d’autrefois et même le plan de l’ouvrage ont disparu ; de nouvelles techniques, de nouveaux sujets de recherches y sont substitués. Mais on y trouve toujours les renseignements pratiques pour tuer, fixer, couper, colorer, les éléments cellulaires, les tissus, les animaux des divers groupes, mettre en évidence les structures spéciales et même certains composés chimiques. Et le vieux Bolles Lee, passé par la fontaine de Jouvence, reste ainsi le vade-mecum qu’on trouve sur la table de travail de tous les histologistes.
- Études de pathologie médicale, par P. Abu ami.
- 1 vol. in-8°, 351 p. Béranger, Paris, 1950.
- Prix : relié, 1 200 francs.
- Get ouvrage publié par les amis du professeur Abrami rassemble les pages que celui-ci rédigeait sur les maladies du foie quand la mort l’a surpris et en a retardé la parution. On y a
- adjoint quelques conférences et articles sur les maladies des reins, du sang et sur la crise d’asthme. Le volume débute par deux leçons générales sur la philosophie de la médecine et met en valeur l’esprit du clinicien et du professeur qui a honoré la médecine française.
- PETITES ANNONCES
- INGÉNIEUR E. C. P. expérience approfondie Propriété industrielle Brevets français et étrangers s’occuperait Service Brevets Sté Industrielle, préférence une ou deux semaines par mois Ëcr. : La Nature, n° 768.
- CHERCHE les numéros 3084, 3088 et 3090 de 1945: Écr. : La Nature, n° 776.
- VÉRASCOPE Richard 45 x 107, objectifs Tes-sar-Zeiss f. 4,5, deux magasins, nombreux accessoires. Ëcr. : La Nature, n° 777.
- CHERCHE : Deulin Ch. Contes d’un buveur de bière, Paris. Ëcr. : La Nature, n° 778.
- A VEND. ét. absolument neuf : Microscope Nachet II.XS. Photocolorimôtre de Bonnet-Maury. Polarimètre. Saccharimôtre. Appareil de mesure de pli. Ëcr. : La Nature, n° 779.
- LE RÉVEIL-COMPTEUR « MINUT-JAPY »
- Le réveil-matin est un instrument banal qui, comme tous les compteurs de temps, indique l’heure. Il y ajoute une sonnerie déclenchée à une heure marquée sur un petit cadran accessoire. Le cc Minut-Japy » ne diffère en rien des autres modèles connus; son mouvement est bien construit, sa sonnerie se prolonge 3o secondes; il marche 36 heures sans remontage.
- On fabrique aussi des chronomètres compteurs dont la sonnerie peut être déclenchée un temps variable après la mise en marche. Ils sont moins nombreux et d’un usage moins commun, mais on en trouve notamment dans les laboratoires, les ateliers, les usines, pour prévenir de la fin d’une opération qui doit durer un temps défini, précis, minuté. Beaucoup ont un cadran marquant une heure divisée en minutes, devant lequel se déplace une aiguille qu’on éloigne du zéro d’un nombre de minutes correspondant au temps qui s’écoulera avant le signal. Leur utilité s’accroît à mesure que la vie devient plus complexe, ses tâches plus nombreuses et plus absorbantes.
- On n’avait pas encore songé à réunir en un même instrument le réveil et le compteur. Le « Minut-Japy » vient de réaliser cette association. En dehors du cadran des heures et des minutes, une graduation circulaire marque les temps de o à 90 minutes; un index long et étroit peut être déplacé par' un bouton de gauche à droite devant celle-ci ; il revient progressivement vers o et déclenche la sonnerie quand il y arrive,
- indépendamment du réveil-matin. L’index très fin permet de régler avec précision le délai avant l’alerte; à tout instant, sa position permet de connaître le temps dont on dispose encore; la sonnerie, une fois déclenchée, peut être interrompue en appuyant sur le bouton d’arrêt.
- Nul doute que ce réveil-compteur ne trouve de multiples usages. Au bureau,, il permettra de chronométrer le temps d’un travail, de rappeler l’heure d’un rendez-vous, d’un appel téléphonique, d’une visite sans qu’on ait à s’en soucier d’avance.
- Au laboratoire, à l’usine, il préviendra de la fin d’une réaction, d’une opération quelconque qui ne doit durer qu’un temps limité. A la cuisine, on s’en servira pour surveiller le rôti, le four, les cuissons délicates. A la maison il alertera du temps utile ou disponible pour chaque occupation : heures des repas, du départ des enfants à l’école, durée de chaque travail ménager, des loisirs et récréations. Il n’est pas jusqu’au sommeil qu’on pourra continuer sans crainte : si à l’heure du réveil sonné, on veut , prolonger quelques instants son repos, il suffira de déplacer l’index de 10, 20, 3o minutes, du temps qu’on peut encore s’accorder, pour se rendormir sans inquiétude.
- Voilà donc un nouvel intrument indispensable à. notre vie actuelle si chargée de tracas et de soucis. Il y met de l’ordre, il soulage l’attention et la mémoire.
- Fig. 1. — Le réveil-compteur « Minut-Japy ».
- (Photo E. Lauchet).
- Le gérant : G. Masson. — masson et cle, éditeurs, paris. — dépôt légal : ier trimestre 1951, n° i3i4. — Imprimé en France.
- BARNÉOUD FRÈRES ET Cie, IMPRIMEURS (3lC>566), LAVAL, N° 23ig. — 3-IQ5I.
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- Avril 1951
- LA NATURE
- MANIPULATIONS ET OUTILS MICROSCOPIQUES
- Longtemps on se servit du microscope uniquement afin d’observer des aspects, des détails, des ornements trop petits pour être visibles à l’œil nu. Puis, quand on eut découvert la généralité des cellules chez les êtres vivants, l’importance du noyau et de la division cellulaire, la diversité des structures fines du cytoplasma, l’idée vint d’intervenir à l’échelle microscopique, d’expérimenter, de manipuler, d’isoler des cellules, même aussi petites que des bactéries, d’opérer des destructions, des dissections, des injections dans des éléments mesurant seu-1 e m e n t quelques millièmes de millimètre.
- Le premier qui s’y essaya fut Chabry,
- en 1886, au laboratoire maritime de Concarneau; au moyen d’aiguilles de verre étirées, il réussit à perforer des œufs d’Ascidies maintenus dans des tubes de verre très étroits. On ne tarda pas à couper des protozoaires en deux pour ne voir survivre que les fragments nucléés.
- Puis, on commença à réaliser des techniques mécaniques de micromanipulations dans le champ du microscope. Schouten en 1897, Barber en rgo4, Chambers, Peterfi vers 1920 proposèrent des appareils ingénieux, mais d’emploi difficile. Enfin, en 1982, de Fonbrune résolut élégamment le problème en inventant un micromanipulateur pneumatique à trois directions, commandé par un seul levier inspiré du manche à balai des avions, qu’il décrivit dans La Nature (n° 2967, i5 décembre 1935, p. 543). Je me souviens de l’étonnement admiratif des scientifiques qui les premiers purent s’en servir pour piquer un globule déterminé dans un frottis de sang ou isoler un microbe dans une culture, en contrôlant simplement leurs mouvements sur l’image du champ microscopique projetée sur un écran.
- Le Dr Comandon et de Fonbrune utilisèrent bientôt le micromanipulateur pour toutes sortes d’expériences qu’ils cinémato-graphièrent, obtenant ainsi les microfilms scientifiques les plus remarquables qu’on ait encore vus.
- Pour réussir à si petite échelle, il fallait disposer de toute une gamme d’outils microscopiques : aiguilles, scalpels, pipettes, cautères, électrodes, et aussi de cales, de crochets, d’anses, etc., pour immobiliser et tenir les êtres sur lesquels on voulait opérer. Et comme tous ces objets sont fragiles, il fallait pouvoir en fabriquer facilement en séries, de formes et de dimensions appropriées et constantes.
- Pour cela, M. de Fonbrune imagina une microforge (fig. 1), dont il obtint peu à peu une très grande variété d’instruments. Celle-ci comporte un « foyer » / formé par une anse de platine iridié parcourue par un courant électrique ; elle est ainsi portée au rouge et sa température est réglée par une résistance électrique, de l’échauffement obscur au blanc éblouissant; on peut la déplacer, l’approcher ou l’éloigner, par la manœuvre de deux boutons M et ML En face d’elle débouchent deux fines tuyères T et TV convergeant vers le filament et pouvant souffler de l’air froid; on limite ainsi plus ou moins la surface de chauffe et son rayonnement. Entre le foyer et les tuyères, on présente la pièce de verre à ramollir et à travailler, généralement une baguette ou un tube de faible diamètre; cette pièce est tenue par un étau Ef et peut être présentée en position et à distance convenables en agissant sur deux boutons de centrage C et CL Les opérations ont lieu sous le contrôle d’un microscope Mi, après que l’anse de platine et le point du verre à ramollir ou à fondre ont été placés de façon
- Fig. 1. — La mtcroforge.
- f, filament chauffant ; MM', boutons de manœuvre du filament dans le champ du microscope Mi ; TT', tuyères soufflantes, envoyant l’air froid sur le filament ; Ins, outil en chantier, tenu dans l’étau Et ; GC', boutons de centrage de l’outil (d’après de Fonbrune).
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- Fig. 2. Quelques outils obtenus à la microforge : boule, anse, aiguilles, crochet.
- An bas, échelle en centièmes de millimètre.
- (Photo de Fonbrune).
- à être tous deux visibles nettement et en même temps dans le champ du microscope.
- Le verre qu’on chauffe progressivement passe par divers états avant de couler. Alors que l’anse de platine est encore au-dessous du rouge sombre, il subit une première transformation; il devient pâteux et malléable, sans adhérer au filament chauffant; on peut alors le courber, le cintrer, mais il est peu cohérent, s’étire mal et se rompt facilement par traction. Quand on augmente le courant jusqu’à ce que l’anse apparaisse d’un rouge très sombre, le verre devient filant et collant et adhère au filament chauffant, c’est le moment d’étirer les pipettes fines. Quand l’anse de platine devient rouge foncé, le verre se fluidifie et coule pour former une boule autour de la « forge »; en l’étirant lentement, on obtient des microaiguilles très fines ou dans une pipette un orifice latéral. Au rouge clair, le verre devient
- Fig. 3. — Microélectrodes d’étain dans une gaine de verre.
- Au-dessus, échelle en centièmes de millimètre.
- (Photo de Fonbrune).
- plus fluide et fond à courte distance du filament; on peut le rassembler en boule à l’extrémité d’une baguette ou d’un tube. Au rouge blanc éblouissant, le verre coule et mouille immédiatement le filament, il fond sur une certaine longueur et donne une grosse boule sphérique dont on pourra faire une cale.
- Les tuyères, refroidissant la zone fondue, limitent l’action de l’anse de platine et peuvent agir dissymétriquement, ce qui permet une très grande variété de travaux. On peut à volonté provoquer la rupture des tiges et des tubes, arracher les bords en éclats très coupants qui fourniront des microscalpels, fondre à distance ou au contact, tordre des anses et des crochets, souffler des boules creuses et des sondes à orifices diversement placés, étirer des micropipettes et des microjauges assez fines et de formes assez définies pour y mesurer un volume de io u3 (fig. 2).
- On imagine ce que de pareils instruments fixés dans un micro-manipulateur permettent de mouvements et d’opérations diverses dans le champ d’un microscope, à l’échelle des cellules et des éléments sur lesquels on veut expérimenter. Il n’est pas jusqu’au courant électrique qu’on peut faire passer dans la préparation au moyen de microélectrodes (fig. 3).
- Une dernière sujétion vient du milieu dans lequel on veut travailler. Il s’agit toujours d’êtres vivants ou de cellules de quelques jj. de diamètre ou de longueur; de si petits objets tendent à se dessécher à la moindre élévation de température eau-
- Fig. 4. —- ha chambre à huile.
- sée par l’éclairage ou même par le voisinage de l’opérateur. Il faut donc les maintenir dans un liquide : eau, sérum, bouillon nutritif et éviter que la concentration de celui-ci en substances dissoutes augmente par évaporation. Enfin, ces éléments vivants consomment de l’oxygène et excrètent des déchets toxiques pour eux; il faut périodiquement les transporter dans un milieu neuf ou renouveler le liquide qui les baigne. MM. Comandon et de Fonbrune ont résolu ce problème, de plusieurs façons en réalisant une chambre microscopique entre lame et lamelle. La plus parfaite est constituée (fig. 4) par une lame en glace taillée qui peut être stérilisée par flambage; sa partie médiane plus basse est recouverte d’une lamelle de verre mince couvre-objet et forme une chambre rectangulaire de a,5 mm de hauteur dans laquelle on peut introduire latéralement et déplacer à volonté tous les micro-outils. On commence par remplir cette chambre d’huile stérile, puis on y introduit une goutte de liquide aqueux contenant les éléments à observer et manipuler. L’eau mouille le verre et écarte l’huile. Ensuite, on peut séparer de la goutte par le jeu d’une micropipette une gouttelette contenant un seul ou quelques éléments choisis et la déposer un peu plus loin sous la lamelle. On pourra encore reprendre cette goutte-
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- Fig. 5. — Isolement d’un bacille à la micropipette.
- A gauche : la pointe de la pipette a été plongée dans une goutte de culture bactérienne ; par aspiration, un bacille est entré dans le tube ; à droite, par pression, une gouttelette a été sortie de la pipette ; elle contient le bacille isolé.
- (Photo de Fonbrune).
- lette pour la transporter un peu plus tard clans un milieu neuf.
- On arrive ainsi à isoler facilement une seule bactérie d’une culture impure, ou une seule cellule d’un amas d liématies, de leucocytes, de protozoaires, d’algues unicellulaires, de tissus en culture, etc.
- Pour donner une idée de ce qu’on peut faire ainsi, voici quelques microphotographies de M. de Fonbrune.
- La figure 5 montre deux stades de l’isolement d’un bacille. Dans un milieu pollué contenant des microorganismes de plusieurs sortes, on a introduit l’extrémité effilée d’une micropipette; par une aspiration très faible et ménagée, on y fait entrer un seul élément, ce dont on s’assure en 1 observant au microscope et à un grossissement suffisant. On déplace alors la micropipette et on souffle la gouttelette où le bacille flotte en un autre point de la lamelle, voisin d’une goutte d’un milieu nutritif neuf où le microbe pourra se nourrir et se multiplier.
- La figure 6 représente un temps d’une autre opération. Avec un microcrochet de verre (visible à gauche), on a coincé et on maintient au contact deux amibes. Pour voir 1 influence du noyau sur le cytoplasma, on se propose de faire passer le noyau de l’une des amibes dans l’autre. Au moyen d’une très fine aiguille, on perfore l’amibe de droite, on atteint son noyau, on le pousse vers la cellule voisine et on l’y fait pénétrer. Le résultat ne tarde pas à apparaître : l’amibe de gauche, maintenant binucléée se gonfle, s’étale, devient active; celle de droite anucléée, se ratatine, se fripe, devient inerte. Elle peut rester ainsi plusieurs jours avant de mourir, mais si on lui rend un noyau prélevé sur une autre amibe voisine, elle se réveille, se dilate et bientôt se met à ramper, à manger, à grossir et enfin à se diviser. MM. Comandon et de Fonbrune ont fait un film microcinématographique remarquable de ces transformations.
- On voit par ces deux exemples tout ce que les micromanipulations apportent de moyens techniques nouveaux à la biologie expérimentale, qu’il s’agisse de bactériologie, de protistologie, de parasitologie, d’embryologie, de cytologie ou de culture des tissus. M. de Fonbrune, qui y est passé maître, vient de publier toutes ses techniques, lentement et adroitement mises au point,
- en un ouvrage (r) qui a sa place près de chaque microscope, tout comme le micromanipulateur.
- René Meule.
- 1. Pierre de Fonbrune. Technique de micromanipulation, 1 vol. in-8% 203 p., 82 fig. Masson et C‘°, Paris.
- Fig. 6. — Transfert du noyau d’une amibe.
- Une amibe est maintenue par un crochet de verre ; une autre est à son contact, à droite. Une tige fine a pénétré dans celle-ci et pousse son noyau qui va pénétrer dans celle de gauche.
- (Photo de Fonbrune).
- Canalisations
- Ce type de canalisation, qui vient d’être mis au point aux États-Unis, est caractérisé par une augmentation de la résis-, tance à l’éclatement aux pressions élevées et une grande résistance à la traction et à la flexion. Extrêmement légères, de manutention et de pose faciles, de telles canalisations sont particulièrement indiquées pour les installations où une grande résistance au choc et des pressions modérément élevées sont
- rigides.
- requises; elles sont en outre à l’épreuve de la pourriture et de la rouille et résistent à l’action des eaux et sols corrosifs et de la plupart des acides et alcalis. Ces qualités de résistance et de durabilité, jointes à celle d’isolation naturelle, font recommander ces canalisations pour les conduites souterraines, sous l’eau ou noyées dans le béton.
- plastiques
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- Les polyfluoroprènes,
- L’industrie du fluor qui se développe considérablement aux États-Unis a déjà permis dans le domaine des matières plastiques des réalisations intéressantes comme le polytétrafluoroéthylène, dénommé Téflon,
- ... CF. — CF* — GF* — CFa — CF2 — CF2 ...
- doué d’une inertie chimique extraordinaire, mais que son infusibilité rend difficile à travailler, ou le polytrifluoromonochloro-éthylène, appelé Kell-F, produit thermoplastique d’invention récente :
- ... CFo — CFC1 — CF2 — CFG1 — CF2 — CFC1 — ...
- Les chimistes de la Compagnie Du Pont de Nemours ont mis au point la préparation de produits fluorés entrant dans la catégorie des élastomères qui paraissent retenir l’attention des milieux industriels.
- Il est connu que le caoutchouc naturel est un polvisoprène : ... — GH» — G = GH — CH2 — CHa — G
- I I
- gh3 gh3
- = CH — CH2 — GH2 — C = CH — GH2 — ...
- I
- gh3
- mais que toute les tentatives effectuées pour préparer un véritable caoutchouc synthétique par polymérisation de l’isoprène CH2 = C — Cil = CH2 n’ont donné que des produits de qualités I
- CII3
- inférieures, par suite de la difficulté d’obtenir avec ce monomère des enchaînements macromoléculaires aussi réguliers que dans le caoutchouc naturel. Les meilleurs résultats ont été obtenus en d’adressant à d’autres diènes, notamment au butadiène CII2 = CH — CII = CII2 qui a été à l’origine des Banas allemands et qui donne par copolymérisation avec le styrolène C6H_ — CH = CII2 ou avec le nitrile acrylique CII2 = CH — CN des élastomères capables de concurrencer la gomme naturelle dans certaines applications. Ce sont, dans le premier cas, les Bunas-S et les GR-S, dans le second cas les Perbunans et les GR-A.
- Un autre diène a été employé avec succès, déjà avant la guerre, le chloroprène CH, = C — CII = CIL qui, par polymé-
- I
- Cl
- risation, a fourni le Néoprène anglais, le Sovprène russe et le GR M américain
- GH. — G — CH — CH2 — CH, — C
- I I
- Cl Cl
- = CH — CH2 — GH, — C = GH — CH, — ...
- I
- Cl
- nouveaux élastomères.
- Toutefois le chloroprène présente l’inconvénient de ne pas se copolymériser avec d’autres diènes ou des dérivés vinyliques comme le fait le butadiène.
- Les chimistes américains ont annoncé, en 1948, la synthèse du fluoroprène CII2 = C — CII = CII2 par un procédé analogue à
- I
- F
- celui fournissant le chloroprène. Le point de départ est l’acétylène qui est dimérisé en monovinylacétylène :
- CH2 = GH — G = CH
- sous l’influence d’un catalyseur constitué de chlorure cuivreux et de chlorure d’ammonium en présence d’une petite quantité . d’acide chlorhydrique. La fixation de l’acide fluorhydrique sur le monovinylacétylène donne le fluoroprène : la réaction est effectuée en diluant les gaz par de l’azote et en opérant sur un catalyseur à base d’oxyde de mercure déposé sur charbon activé.
- La polymérisation du fluoroprène a lieu facilement en émulsion aqueuse sous l’influence d’un persulfate alcalin à la température de 3o°. Elle donne un latex artificiel, qui peut être coagulé par un acide tel que l’acide acétique. Mais en outre le fluoroprène peut se copolymériser avec le butadiène, le styrolène, le nitrile acrylique ou d’autres dérivés vinyliques.
- ... CHj —C = CH —GH, —CH, —C
- I I
- F F
- = CH — CH2 — CH» — C = CH — CH2 ...
- I
- F
- Le polvfluoroprène a une densité de i,i3, il se vulcanise comme le caoutchouc naturel et acquiert des qualités mécaniques au moins égales à celles du GR-S. Ses propriétés électriques se rapprochent de celles du caoutchouc naturel. Ses qualités mécaniques à basse température sont supérieures à celles du Néoprène et comparables à celles du GR-S ou du caoutchouc naturel. Mais le fluoroprène vulcanisé résiste mieux aux solvants et notamment à l’essence que le caoutchouc naturel. Sa résistance à l’oxydation, notamment à l’ozone, paraît très bonne. Parmi ses copolymères, il semble que ce soit avec le nitrile acrylique, ou mieux avec le nitrile acrylique et le butadiène, que l’on obtienne les meilleurs résultats, notamment comme résistance au froid et aux solvants.
- Les polyfluoroprènes, forment donc une nouvelle série d’élas-tomères aux possibilités 'techniques nombreuses. Leur développement est certainement limité actuellement par leur prix de revient élevé, et par la fabrication délicate du monomère, comme d’ailleurs pour les polychloroprènes, mais il n’est pas impossible qu’ils prennent une place intéressante pour des emplois particuliers, principalement quand une résistance élevée aux solvants est recherchée.
- Le système métrique en Égypte.
- Le Progrès Égyptien du 4 décembre 1950 annonce que le système métrique deviendra le système légal des poids et mesures en Égypte.
- Le texte du nouveau projet de loi sur les poids et mesures, soumis au Parlement égyptien par le Ministère du Commerce et de l’Industrie, précise que « les poids et mesures légaux sont le kilogramme, le mètre et le litre, ainsi que leurs multiples et sous-multiples. Sont également considérées comme légales les mesures de surface ».
- Les anciens poids et mesures désignés dans la loi n° 3o de 1939 seront légalement tolérés pendant une année à partir de la mise en vigueur de la nouvelle loi; il ne sera toutefois possible de faire usage de ces poids et mesures que si leur emploi est accompagné par la désignation de leur équivalent en unités du système métrique.
- Par cetté heureuse décision, l’Égypte prouve son désir de contribuer à l’unification mondiale, non seulement souhaitable mais nécessaire, des unités de mesure.
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- LA TÉLÉVISION EN COULEURS
- e but de la télévision est de transmettre à distan,ce par voie radioélectrique ou par fd l’image de scènes animées.
- Cette image peut être monochrome ou colorée et bien que les premiers essais de télévision en couleurs aient suivi de très près la télévision en noir et blanc — Baird a fait des démonstrations de télévision tri chrome en 1928 —• ce n’est qu’au cours de ces derniers mois qu’il a été question d’adopter la télévision en couleurs pour une exploitation régulière. Aux États-Unis, la recommandation par la Commission consultative fédérale (F. C. C.) du système proposé par la Société de radiodiffusion. Columbia (Columbia Broadcasting System) a entraîné des discussions passionnées, des procès et la question est actuellement pendante devant le Tribunal fédéral des États-Unis, de la Cour suprême qui décidera en dernier ressort.
- En France, une démonstration de télévision en couleurs a été faite par la société Radio-Industrie devant une commission composée du Ministre des P. T. T., du Sous-Secrétaire d’Ëtat à l’Information et de hauts fonctionnaires de diverses administrations.
- variable. Dans le tube cathodique du récepteur, un dispositif de synthèse distribue dans l’espace les intensités lumineuses correspondantes en suivant une loi de déplacement identique à celle qui est utilisée dans l’émetteur. Les signaux de synchronisation assurent une mise en phase correcte des déplacements successifs du faisceau cathodique.
- En un instant donné, seul un point de l’image est lumineux, mais ce point, extrêmement brillant pour les parties blanches de l’image, parcourt rapidement la totalité de la surface qui est complètement « balayée » en un temps très court, 1/26 de seconde par exemple. Pour diminuer le scintillement de l’image, on est amené, comme au cinéma, à doubler la cadence de succession des images; les lignes impaires de l’image sont analysées pendant i/5o de seconde, les lignes paires pendant le i/5o de seconde suivant. Les deux trames successives s’intercalent et donnent l’illusion d’un nombre de lignes double du nombre de lignes réellement analysées en 1 /5o de seconde. Le nombre total de lignes dépend de la qualité de l’image que l’on veut trans-
- Objectifs
- Récepteur
- triple
- 0~
- Emetteur
- triple
- Tubes cathodiques
- Caméra
- — Système RCA.
- (A/ = spectre requis pour une image en noir et blanc).
- Cette étude donnera au lecteur la possibilité de se mettre au courant des techniques les plus récentes et de mieux comprendre l’intérêt soulevé dans le monde par ce problème, tant du point de vue scientifique que du point de vue économique.
- Un rappel des principes de base de la télévision en noir et blanc est toutefois nécessaire; nous l’abrégerons au maximum.
- Principes de la télévision. — La différence fondamentale entre la transmission d’un programme sonore de radiodiffusion et la transmission d’un programme de télévision réside dans la nature même des organes humains utilisés pour la perception d’un son ou d’une image. L’oreille enregistre des variations de pi’ession successives, tandis que l’œil est impressionné au même instant par les diverses brillances des points qui constituent l’image. La technique actuelle ne permet pas la transmission simultanée d’une multiplicité d’informations continuellement variables. Tout système de télévision comporte donc à l’émission un dispositif d’analyse qui fait défiler devant l’élément photoélectrique tous les points constituant l’image et transforme les brillances successives en un courant électrique
- mettre. Les images de Baird, en 1928, étaient composées de 3o lignes. Celles de la télévision française atteignirent successivement 180 lignes en 1985, 455 lignes en 1987, enfin 819 lignes en 1949.
- Pour passer d’une image noire et blanche à une image colorée, une multitude de méthodes ont été envisagées et brevetées, mais nous n’examinerons que celles qui ont donné lieu à des expériences complètes et qui sont toutes basées sur les procédés trichromes de la photographie ou du cinéma en couleurs.
- L’un des plus vieux systèmes de cinéma en couleurs, celui des établissements Gaumont, essayé dès 1912, consistait à projeter simultanément sur l’écran trois images monochromes; la première de ces images donnait les composantes vertes, la deuxième, les bleues et la troisième, les l'ouges. La superposition de ces trois images reproduisait fidèlement les couleurs intermédiaires et il a été démontré depuis, que la trichromie est une condition nécessaire, mais suffisante, pour une reproduction parfaite de toutes les teintes visibles.
- Si nous transposons ce procédé dans le domaine de la télévision, nous serons conduit à disposer côte à côte trois caméras
- Disque
- trichrome
- Emetteur
- unique
- Moteur
- Caméra
- Tube
- cathodique
- Re’cepteur
- Moteur
- Fig. 2. — Système CBS. — A fl — 3 A /.
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- de prise de vue; chacune d’elles sera munie d’un fdtre coloré différent et des dispositifs spéciaux seront prévus pour la suppression de la parallaxe. La figure i représente le système utilisé par la Société RCA. On voit que les trajets optiques ont tous la même longueur et coïncident à l’origine. Les miroirs a et b ne sont réfléchissants que pour un spectre coloré très limité (miroirs dichroïques) et jouent à la fois les rôles de miroirs et de fdtres colorés.
- A la réception, trois tubes cathodiques sont placés aussi près que possible l’un de l’autre et reçoivent respectivement les ima-
- HF+ BF
- H F+ BF
- HF+BF
- bande étroite (Bleu)
- Emetteur
- Emetteur
- vert
- (ou nofr)
- bande étroite (Rouge)
- Emetteur
- Fig. 4. — Principe du système à « hautes fréquences mélangées ».
- Af, + AL + AL = Zàt.
- ges monochromes provenant de chacune des caméras. Les poudres luminescentes ont été choisies pour rayonner la lumière dans des spectres correspondant aux fdtres utilisés à la prise de vue. Un des tubes cathodiques donne une image bleue, l’autre une verte et le dernier une x’ouge. Devant chaque image est placé un objectif qui projette l’image colorée correspondante sur un même écran. L’image en couleurs est ainsi obtenue par la superposition simultanée de trois images monochromes. Sous cette forme primitive du système, on voit/que, pour passer de la télévision en noir et blanc à la télévision en couleurs, il a fallu tripler l’émetteur initial, tripler l’encombrement de l’éther et utiliser trois tubes récepteurs. Nous verrons plus loin comment la Société R C A a simplifié ce dispositif.
- Bien avant de réaliser la projection simultanée de trois images, il avait été proposé de les projeter en succession (Ducos du Hauron et Charles Cros en 1869) et l’Allemand Isensee brevetait en 1897 l’utilisation d’images en noir et blanc projetées à travers un disque tournant composé de trois secteurs successive- -mept vert, bleu et x’ouge. A condition que la succession des images soit rapide et par suite de la persistance rétinienne, l’œil retrouve les couleurs primitives.
- La Société CBS a transposé cette idée dans ,1e domaine de la télévision et des démonstrations très réussies furent faites dès
- 1944. Le principe en est schématisé sur la figure 2 : une seule caméra est utilisée ainsi qu’un seul tube cathodique récepteur, mais deux disques synchrones sont nécessaires et tournent l’un devant l’objectif, l’autre devant le tube récepteur, permettant ainsi la restitution des couleurs initiales.
- A priori, il semblerait que ce dispositif qui ne nécessite qu’une seule voie de transmission soit plus simple que le système R C A, malgré la complication d’un filtre rotatif dans le récepteur. En réalité, pour supprimer le scintillement, la fréquence de succession des images doit être triplée et cette nécessité a pour première conséquence l’utilisation d’une bande de fréquence trois fois plus grande que celle du « noir et blanc », comme c’était le cas avec le système R C A. D’autre part, la caméra unique et une partie de l’appareil devant transmettre des fréquences trois fois plus élevées seront plus compliquées que chacune des voies utilisées par R C A et les deux méthodes sont donc équivalentes à ce point de vue.
- La troisième méthode expérimentée aux Etats-Unis, méthode de la Société Color Télévision Incorporated (C. T. I.) est une méthode en quelque sorte intermédiaire entre les deux précédentes, puisque trois images distinctes sont projetées simultanément comme dans le procédé RCA, tandis qu’une seule caméra et un seul tube cathodique suffisent comme pour CBS (fig. 3). Le cercle du bas représente l’aspect de l’image sur la plaque photosensible du tube analyseur et, par conséquent, de l’image reçue sur le tube cathodique de réception. On voit que les trois images monochromes sont juxtaposées et que l’émission est très simple en principe, puisque l’émetteur de télévision pour images en noir et blanc peut servir à la transmission des trois sélections monochromes sans modification. Toutefois, il est bien évident que chacune des images élémentaires comporte trois fois moins de détails que l’image en noir et blanc, puisqu’elle occupe trois fois moins de place sur la photocathode du tube analyseur.
- En admettant que le pou-AToir de résolution de cette photocathode permette des détails trois fois plus fins que ceux de l’image en noir et blanc, il n’en est pas moins nécessaire de tripler le spectre des fréquences transmises, si cette finesse doit atteindre le récepteur. Dès maintenant, nous pouvons dire
- V01 e 1
- Voie 3
- Voie 2
- Fig. 5. — Principe des points intercalés. — A.L = A f.
- Le commutateur mécanique est en réalité un commutateur électronique fonctionnant près de 4 millions de fois par seconde
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- que, quel que soit le système employé, la transmission d’une image en couleurs nécessite un spectre trois fois plus étendu que la même image en noir et blanc. Le tube récepteur du système C T I est composé de trois bandes verticales de poudres luminescentes de natures différentes, de façon à retrouver les trois couleurs fondamentales. Ces trois images sont projetées sur un écran par trois objectifs distincts (fig. 3).
- Avant d’étudier les variantes et perfectionnements de ces dispositifs et sans examiner la nature des appareils à mettre en œuvre, nous pouvons préciser les défauts des images produites dans chacun des cas.
- Dans le système RCA, il sera très difficile de superposer exactement trois images provenant de trois tubes qui, malgré tout le soin apporté, ne peuvent être identiques ni physiquement, ni électriquement; autrement dit, si, par impossible, les tubes cathodiques étaient géométriquement identiques, il est probable que les champs électriques de déviation du faisceau ne pourraient l’être.
- Par conséquent, puisque les images ne peuvent se superposer exactement, chaque objet non monochrome sera entouré d’une frange colorée d’autant plus étroite que les appareils seront plus précis. Ces franges sont appelées franges d’espace.
- Dans le système CBS, par contre, la superposition géorhétri-que sera rigoureuse puisque ce sera toujours le même élément qui servira à la reproduction de chaque sélection monochrome. Il n’y aura donc pas de franges d’espace et si les objets étaient immobiles, la reproduction des couleurs serait parfaite avec ce système. Mais la télévision transmet des images animées et si un objet s’est déplacé d’une certaine distance entre deux analyses consécutives, les deux images correspondantes apparaîtront colorées différemment dans toute la partie non commune. Le système CBS donnera donc des franges « de temps », des franges de déplacement et ces franges colorées seront parfois aussi gênantes que les franges d’espace.
- Dans le système CTI, les franges de déplacement seront pratiquement invisibles puisque le changement de couleur s’effectue au bout de 21 microsecondes (au bout d’un tiers de ligne), tandis que les franges d’espace seront équivalentes à celles du système RCA; il est aussi difficile, sinon plus difficile, de superposer optiquement trois éléments du même tube cathodique que trois tubes cathodiques différents.
- Perfectionnements de ces principes de base. —
- Bien que peu de détails aient été donnés, il est possible de deviner dès maintenant dans quelle voie les efforts techniques ont été faits et de prévoir les perfectionnements futurs.
- Tout d’abord les techniciens se sont demandé si la loi du triplement du spectre, pour passer du noir et blanc à la couleur, était une loi formelle. Dans de vieux documents, ils ont trouvé que la couleur était invisible pour les objets de faibles dimensions (Aubert, i865). Du même coup, ils ont trouvé que les détails pouvaient être transmis en noir et blanc et ces remarques ont conduit les ingénieurs de R C A au système des « hautes fréquences mélangées » (Mixed liighs System) ; voici en quoi il consiste. Pour'transmettre correctement une image en noir, et blanc, il est nécessaire de moduler l’émetteur par un ensemble de fréquences comprises entre o et plusieurs millions de périodes par seconde ; les fréquences les plus basses correspondent aux variations de teinte des grandes masses, les fréquences les plus élevées aux détails les plus petits de l’image. Sur chacune des voies bleue et rouge, les basses et hautes fréquences sont séparées (fig. 4) ; ensuite, les basses fréquences de la sélection monochrome bleue, d’une part, de la sélection rouge, d’autre part, sont transmises sur deux voies distinctes; chacune de ces voies occupe un spectre bien plus étroit que dans le système initial. Puis les hautes fréquences du bleu et du rouge sont mélangées au spectre complet de la voie verte qui comprend donc les basses
- Ecran j
- Fig. 6. — Tube « tricolore » à trois canons (R C A).
- Selon l’origine du faisceau le point est bleu, vert ou rouge.
- fréquences du vert et les hautes fréquences mélangées des voies verte, bleue et rouge.
- De cette façon, le spectre total, au lieu d’être le triple, dépasse de peu le double d’un spectre normal sans perte de qualité apparente.
- De plus, les images bleue et rouge ne comportant que peu de détails sont plus facilement superposables; plus exactement, les « franges d’espace » sont cachées par les détails de l’image verte.
- Très récemment, la Société R C A a encore diminué le spectre nécessaire à une transmission correcte de la couleur en utilisant la méthode dite des points intercalés. Dans ce perfectionnement, on transmet non pas la totalité des points de chaque ligne, mais un point sur trois, si bien que les trois voies précédemment nécessaires se réduisent à uile voie unique transmettant pendant le premier tiers du temps l’image bleue, pendant le deuxième l’image verte et, pendant le dernier, l’image rouge (fig. 5). La largeur du canal est donc réduite au tiers et devient égale à celle d’une image en noir et blanc. Ce résultat serait paradoxal si l’on n’admettait a priori que l’œil demande beaucoup moins de détails pour une image en couleurs que pour une image en noir et blanc. Si le lecteur est amateur d’art, il pourra comparer les détails existant sur une peinture de l’époque dite « photographique », c’est-à-dire celle où les peintres recherchaient la plus grande fidélité aux détails, avec ceux de gravures de la même époque : les gravures sont toujours beaucoup plus « fines » que les peintures les plus « fouillées ».
- Ces dernières remarques ne constituent pas une critique de la technique RCA. Au contraire, il est très remarquable que les ingénieurs de cette compagnie aient su adapter d’aussi près la science électronique aux besoins minima de l’œil.
- Un défaut réel du système RCA résidait dans la nécessité d’utiliser trois tubes cathodiques, ce qui augmentait considérablement le prix du récepteur.
- Fig. 7. — Tube tricolore à un seul canon (R C A).
- Le faisceau est dévié circulairement au départ pour retrouver les conditions
- de la figure 6.
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-
- 104
- Fig. 8. — La caméra de prise de vue.
- La caméra a sensiblement les mêmes dimensions qu’une caméra ordinaire. L’ingénieur qui a mis au point ce dispositif, M. Gahen, tient dans ses mains le cylindre porte-filtres.
- Les figures 6 et 7 représentent deux solutions de la même société pour le tube unique trichrome. La surface luminescente est, dans les deux cas, composée de points alternativement bleus, verts et rouges. Une grille perforée ne laisse passer le faisceau cathodique que pour, le tiers de la surface. Par conséquent, selon que le faisceau cathodique sera issu de l’un ou de l’autre des canons (fig. 6), les points verts, on rouges ou bleus, seront atteints et atteints seuls. Dans la solution de la figure 7, le faisceau cathodique est unique, mais des bobines supplémentaires de déviation l’écartent de son trajet normal et tout se passe comme s’il émanait d’un autre canon à électrons. En agissant
- Fig. 9. — Le récepteur hors de son ébénisterie.
- Ae récepteur de conception absolument classique est simplement muni d’un disque rotatif supportant les filtres tricliromes.
- sur une bobine de déviation, il devient donc possible de faire varier la couleur du point d’impact et l’on est ramené au cas précédent.
- Passons au système CBS : le défaut déjà indiqué, celui des franges colorées de déplacement, semble bien difficile à atténuer. La seconde critique, plus importante, réside dans l’emploi d’un système mécanique, d’une roue trichrome dans le récepteur. Les ingénieurs de la Société CBS ont tenté d’utiliser un tube trichrome analogue à celui de CTI, mais les bandes colorées, bleue, verte et rouge, sont disposées l’une au-dessous de l’autre, chacune des trois images est projetée sur un écran par un objectif distinct. Ce perfectionnement important, puisqu’il supprime le dispositif mécanique, a toutefois le défaut d’ajouter aux franges de déplacement des franges d’espace. La méthode des points intercalés a aussi été utilisée par cette société.
- Les recherches françaises. — Nous arrivons maintenant à l’état actuel de la question en France et il est assez délicat de décrire des systèmes qui sont encore en pleine évolution ou même considérés comme secrets par les industriels.
- Un grand nombre de brevets ont été déposés en France pour la télévision en couleurs et le lecteur ne sera pas surpris d’apprendre que, bien antérieurement aux divulgations américaines, il avait été proposé d’intercaler les points d’analyse, de subdiviser le spectre des vidéo-fréquences, de localiser les couleurs élémentaires sur la surface luminescente dù tube cathodique récepteur. Peut-être même des essais ont-ils été faits dans le secret des laboratoires. D’autre part, des études réellement, originales ou équivalentes à celles des Etats-Unis ont été faites en France et, à titre d’exemple, nous citerons celle de M. Barthélémy qui a pensé à caractériser la couleur d’un point de l’image par la vitesse des photoélectrons émis en ce point et à trier ces photoélectrons d’après leurs vitesses, celle de M. Toulon qui proposait d’intercaler les points constitutifs de l’image en suivant la marche du cavalier dans le jeu des échecs (Moivre a démontré, à la fin du xvne siècle qu’il était possible de parcourir de la sorte toutes les cases de l’échiquier et ne passant qu’une seule fois sur chacune d’elles). D’autres méthodes d’intercalage des points ont été brevetées par la société Radio-Industrie. De nouveaux procédés d’intercalage des lignes ont été également étudiés (Sadir, Radio-Industrie). Enfin, des procédés nouveaux de télévision en couleurs (Valensi, Compagnie des Compteurs, Radio-Industrie) sont à l’étude.
- Ne pouvant décrire ces méthodes, nous ne parlerons que du seul procédé ayant donné lieu à des démonstrations publiques en France, celui de Radio-Industrie; les photographies 8, 9 et 10 montrent la caméra de prise de vue et le récepteur. Devant le tube analyseur et devant le tube cathodique sont disposées deux roues formées de six secteurs colorés et tournant synchroniquement. Le principe est donc le même que celui de la société américaine C B S et les perfectionnements qui ont été indiqués plus haut sont donc utilisables. Bien que le constructeur insiste sur le caractère provisoire de cette étape expérimentale, l’image obtenue est d’ores et déjà de qualité supérieure à celles «des États-Unis. Cette supériorité est due à plusieurs causes dont nous pouvons révéler quelques-unes - :
- i° Les filtres optiques très soigneusement calculés et expérimentés ont un rendement supérieur au rendement des filtres classiques utilisés aux États-Unis et gardent au « rendu » des couleurs un aspect très naturel, plus naturel que celui du « Technicolor » ou de la télévision américaine ;
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- Fig. 10. — Une prise de vue pour la télévision en couleurs.
- Vue prise lors de la démonstralion pour les Ministres des P.T.T. et de l’Information
- le 24 novembre 1950.
- 2° L’analyse est faite aux États-Unis en utilisant les circuits normaux de la télévision à 525 lignes, tandis que les normes françaises à 819 lignes permettent une finesse d’image au moins deux fois plus grande;
- 3° Les tubes de prise de vues français ont un plus grand pouvoir de résolution que les tubes américains ; . '
- 4° Des systèmes d’analyse nouveaux, différents de ceux employés en Amérique et encore secrets ont été mis au point; plus faciles à mettre en œuvre, ils sont aussi plus souples et s’adaptent également à la télévision en noir et blanc.
- Nous avons dit au début de cet article combien le problème de la télévision en couleurs soulevait de passion aux États-Unis. Le système recommandé aux États-Unis est le système CBS. Il a l’inconvénient de rendre périmés tous les appareils actuellement en fonctionnement, il 11e permet pas une finesse d’image aussi grande que celle de RCA.
- A ces critiques, certains Américains ont répondu : « Peu nous importent les 9 000 000 de récepteurs vendus, il y en a 4o 000 000 à vendre. Plus vite nous changerons de système, plus le nombre de personnes lésées sera faible ». Nous n’avons pas le droit de critiquer de telles déclarations, mais nous pouvons affirmer qu’en France une telle opinion serait insoutenable et les efforts des chercheurs français de l’Administration ou de l’industrie sont orientés vers la mise au point d’un système de télévision en couleurs tel que les récepteurs actuels soient encore utilisables au moment de l’avènement de « la couleur ». Sans modification, ces récepteurs recevront une image en noir et blanc équivalente à celle reçue actuellement. Les images en couleurs pourront être reçues sur ces appareils, grâce à l’adjonction d’un « adaptateur » simple. Il était tout à fait impressionnant, lors de la démonstration mentionnée plus haut, de voir côte à côte deux récepteurs accordés sur la même émission et
- recevant l’un une image en noir et blanc, l’autre une image en couleurs. Signalons pour terminer que des représentants de très haut grade de la Radiodiffusion française ont affirmé à plusieurs reprises que la solution française de la télévision en couleurs ne saurait être dans notre pays qu’une solution « totalement compatible », c’est-à-dire une solution compatible avec les normes présentes de la télévision en noir et blanc à haute définition et permettant la réception de l’image soit en noir et blanc, soit en couleurs.
- Y. Delbord,
- Ingénieur en chef du C.N.E.T.
- Un poisson à signaux électriques.
- On sait que divers poissons possèdent des organes spéciaux donnant des décharges électriques. Le plus connu est la Torpille qui vit sur nos côtes et qu’on rencontre posée sur le sable 'des plages ; si on la touche, et particulièrement si on la prend par le ventre et le dos, on reçoit une secousse assez désagréable qui peut se répéter. Les Raies ont aussi des organes électriques, mais beaucoup plus petits, situés près de la queue, dont les décharges sont trop faibles pour être ressenties par l’homme. Un autre groupe de poissons d’eau douce exotiques voisins des Carpes contient des espèces encore plus redoutées que la Torpillé : le Gymnote du Nil ou Anguille électrique, le Môrmyre, le Gymnarche. L’appareil électrique de la Torpille et des Raies est formé de cellules musculaires modifiées ; chez les autres, il provient de cellules glandulaires transformées ; ce sont des poissons lents, à la peau couverte de mucus. On a beaucoup discuté du mécanisme de production de cette- électricité et de son rôle biologique.
- Récemment, M. II. W. Lissmann, de l’Université de Cambridge, ayant reçu vivant de la Côte-d’Or un Gymnarchus niloticus, le mit dans un aquarium d’eau douce et le vit avec étonnement nager aussi bien tête en avant qu’en arrière et éviter parfaitement les obstacles quand il nageait en reculant. Comme ce poisson possède
- un -appareil électrique à la partie postérieure du corps, M. Lissmann songea au rôle que celui-ci pouvait jouer dans la détection des objets du milieu extérieur.
- Il vient de rendre compte dans Nature (n° 4240) de ses premières constatations. Quand on place dans l’aquarium une paire d’électrodes reliées à un amplificateur, au voisinage du poisson et dans son sens longitudinal, on découvre qu’il émet constamment, aussi bien au repos qu’en mouvement, une série ininterrompue d’impulsions électriques dont la fréquence varie selon la température, de 258 par seconde à 21° à 318 à 31°5, avec un maximum à 28°. Ces ondes se transmettent dans le milieu vers l’arrière du poisson et s’y amortissent. Si l’on émet un courant de même fréquence et de même intensité, le poisson y est sensible et s’enfuit ou attaque les électrodes.
- Malheuréusement, le Gymnarche mourut avant la fin des expériences, mais M. Lissmann a déjà reconnu les mêmes faits chez un Mormyrops et un Gymnotus, avec des intensités et des fréquences différentes.
- Voici donc des poissons outillés pour prospecter électriquement leur milieu.
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- Il est remarquable que sur tous les cours d’eau débouchant à la mer, en Manche, comme dans l’Atlantique, les ports se sont établis et développés, non à l’embouchure, mais très en amont, à peu près à la limite de la montée des eaux marines. La Seine eut Rouen, la Loire Nantes, la Garonne Bordeaux. Bien des raisons expliquent ce choix : l’insécurité des côtes, le faible tonnage des navires, l’impossibilité pour les routes de franchir le fleuve en aval sur un pont traversant un large estuaire. Les villes créées, organisées en centres commerciaux de répartition des marchandises importées, de concentration de celles exportées, de transformation des produits bruts, tendirent à conserver et à étendre leurs activités alors que les progrès des transports maritimes s’y opposaient de plus en plus. Les navires toujours plus grands et plus lourds réclamaient des eaux plus profondes; leur vitesse raccourcissait la durée des voyages par mer si bien qu’on cherchait à s’embarquer lé plus près du large possible, après avoir traversé les terres en ftemin de fer, aujourd’hui en avion. Les grands ports fluviaux se virent partout doublés d’avant-ports maritimes : Rouen par Le Havre,
- Nantes par Saint-Nazaire, Bordeaux par Pauillac, puis le Verdon. Les grands paquebots
- ne remontèrent plus les fleuves, ils firent escale au plus près, débarquant et embarquant les passagers dans une gare maritime reliée à l’arrière-pays par voie ferrée; les cargos y déchargèrent leurs marchandises à quai ou les transbordèrent dans des bateaux de charge, des péniches de moindres tonnages pouvant remonter les fleuves. Partout, la région de l’estuaire, entre
- le port maritime et le port fluvial, s’industrialisa pour mettre en oeuvre les matières premières importées : charbons, minerais, matières végétales (grains, oléagineux, sucres, café), pétroles bruts, etc.
- Pour ne pas périr, les grandes villes anciennes, généralement plus riches et plus puissamment organisées, durent entreprendre d’énormes travaux afin d’entretenir et approfondir les chenaux, draguer les fonds où la vase se dépose, canaliser les bei'ges.
- Nulle part, la lutte n’est plus difficile qu’en Gironde. Bordeaux est à ioo km de la mer, au delà du confluent de la Dordogne, du bec d’Ambès où l’on a installé une importante raffinerie de pétrole; les deux cours d’eau restent séparés par un chapelet d’îles jusqu’aux appontements de Pauillac, à 5o km de l’océan où l’on trouve des fonds de io m; la Gironde s’élargit ensuite à xo km, mais reste encombrée de bancs de vase jusqu’à sa
- Gperon de Grave
- Epi et brise mer de S!Nicolas Rochers de S! Nicolas o»
- Ai/ant Fbrt du Verdon
- pfEpide^i Sorbe Grise
- l'ieux SouldL
- Fig. 2. — La pointe de Grave, au nord de Soulac.
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- ingénieur en chef des ponts et chaussées, directeur du port autonome de Bordeaux.
- La guerre a été pour toute la région girondine une longue catastrophe. Le matériel de dragage qui seul entretenait la navigabilité fut détruit, ou sabordé, ou resta sans emploi faute de combustible. Par malchance, la chasse naturelle des vases que provoquent les crues de la Garonne n’a pas joué depuis dix ans, la pluviosité ayant été constamment faible. En construisant dans cette région le mur de l’Atlantique, les Allemands ont par leurs blockhaus affouillé en de nombreux points les travaux de protection de la côte et activé le ravinement des dunes. Enfin, au moment de leur départ, quand ils allèrent se rassembler dans le réduit de Royan, ils commirent de multiples dégâts, coulant des chapelets de navires pour créer des barrages sur le fleuve et à son embouchure, faisant sauter les appontements du Verdon
- Fig. 3. — Du haut d’une dune, on aperçoit les bassins et les épis
- des Huttes. Celui au premier plan a été détruit pendant la guerre.
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- Fig. 4. — Au nord de Soulac, vers le nord. La côte se creuse au point le plus menacé.
- sortie en mer, entre Royan et la pointe de Grave, distants de 6 km. Plus au large, jusque vers l’îlot de Cordouan, la mer brise et ne laisse que trois passes inégales dont la plus grande, soigneusement draguée et entretenue, donne accès au môle d’escale du Verdon, protégé de la houle par la pointe de Grave. Tout l’estuaire est encombré de vases déposées sur les rives ou en suspension dans l’eau que les courants de marée et de jusant brassent et déplacent constamment.
- La côte vers le large, au sud de 6rave, est un cordon de dunes sablonneuses soumis aux vents et aux courants intenses des Landes et du Golfe de Gascogne, en continuelle évolution. En certains points, par exemple entre le nord de Soulac à l’ouest et les marais tourbeux au sud du Verdon à l’est, la mer menace d’attaquer la pointe et d’ouvrir un nouveau chenal qui couperait le chemin de fer desservant le Verdon et Grave.
- Avant la dernière guerre, de nombreuess études des géographes et des ingénieurs, basées sur l’histoire de la région, avaient permis de sauver Bordeaux, d’entretenir le chenal de la Gironde et de maintenir son entrée jusqu’au Verdon en profondeur suffisante pour l’accostage des plus grands navires. Aux travaux considérables alors entrepris reste attaché le nom de M. Lévêque,
- Fig. 5. — L’église de Soulac, dégagée du sable. On Voit autour la dune de sable qvtil fallut creuser, fixée par des pins.
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- et encombrant ses abords de coques aujourd’hui disloquées sur le fond.
- Partout, le renflouement ou le découpage des épaves est presque terminé. La navigation est rétablie jusqu’à Bordeaux. On travaille ferme au Yerdon où beaucoup reste encore à faire. Les travaux de dragage dans la Gironde sont de plus longue haleine et un nouveau souci apparaît, celui de la pointe de Grave que nous voudrions montrer par quelques photographies.
- La pointe de Grave, dominée par son phare, s’avance vers le nord où elle est prolongée par un éperon et une jetée. Tantôt elle apparaît ensablée, tantôt les gros temps la déchaussent.
- A l’ouest,- vers le large, la côte est défendue par une série d’ouvrages construits à diverses époques et aujourd’hui en différents états. On trouve d’abord la défense de la Claire, ensablée depuis i5 ans; le niveau du sable a récemment baissé de 6 m et on aperçoit le perré de béton, très accore, brisé par les
- Fig. 7. — L’anse au sud du Verdon, transformée en parcs à huîtres, au point le plus menacé. A l’horizon, la rive droite de la Gironde.
- tempêtes. L’extrémité sud du brise-mer de la Claire, rebétonné en ig48, a été disloquée par la tempête du 7 août et est en réparation.
- Après les rochers de Saint-Nicolas, prolongés par un épi et un brise-mer, viennent les travaux anciens des Huttes constitués par des bassins en saillant vers la mer, séparés par des épis en enrochements. Ces bassins sont remplis de sable et ils sont devenus les piscines des baigneurs de Soulac. Des hérissons de pierres ont été placés sur les parements de ces ouvrages; ils brisent bien les lames, mais transmettent leurs chocs à 1a. maçonnerie.
- Le brise-mer des Aitos continue les Huttes jusqu’aux premières maisons de l’agglomération de Soulac-les-Bains.
- M. de Rouville, inspecteur général des ponts et chaussées,, qui a .récemment visité cette région, estime que tous ces travaux ont été réalisés avec une trop forte pente; ils subissent
- Fig. 8. — Ce gui reste du môle d’escale du Verdon, vu du large.
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- ainsi toute la pression, tous les chocs des lames déferlantes, alors qu’un plan plus doucement incliné supporterait mieux la force vive de l’eau.
- La plage de Soulac s’est beaucoup ensablée. L’église a été ensevelie dans le sable; il a fallu pour la dégager enlever la dune tout autour et fixer le sable par des pins. Le boulevard en bordure de mer et le ponton ont également disparu et il a fallu les dégager. Devant Soulac, la côte est devenue convexe vers la mer, depuis les travaux de défense des Allemands qui empêchaient l’évacuation des sables vers le large, mais plus au sud, l’attaque de la mer reprend.
- D’après les cartes anciennes, toute cette côte a reculé de 2 km depuis 1786.
- A l’est, vers la Gironde, la côte continue très basse, au sud de la pointe de Grave. On l’a défendue par des digues jusqu’au môle du Verdon. Celui-ci, on le sait, est une gare maritime sur pilotis bordée de quais en eau profonde et reliée à la terre par
- un viaduc de plus de 000 m. En retrait de l’épi de Barbegrise prolongeant le village du Verdon, on trouve une grande anse vaseuse continuant le marais du Verdon, aujourd’hui tout entière occupée par des parcs où l’on élève de jeunes huîtres destinées pour la plupart à peupler les bassins et les claires de Marennes.
- C’est entre cette anse et les défenses des Huttes que la pointe de Grave est la plus basse, la moins défendue et que la mer menace de l’envahir, ce qui couperait la voie ferrée aboutissant au Verdon. Il faut donc coûte que coûte empêcher cette catastrophe. Malgré toute l’expérience acquise, le problème est difficile, tant la région est mobile, tout entière de sable dunaire, soumise aux vents, aux vagues et aux courants. Elle a déjà bien souvent changé de forme. Il s’agit de la fixer à son point actuel, d’empêcher son étranglement et sa transformation en île. Les moyens dont on dispose aujourd’hui permettent d’espérer une réussite, si l’on fait vite, plus vite que la mer.
- (Photos Lucien Rollet).
- L'importance de
- Mde Bruciiard vient de présenter à l’Académie d’Agricul-• ture de France une estimation du cheptel français, de sa valeur en capital et de sa production annuelle, basée sur une série d’enquêtes relatives à l’année 19/19. On sait comme ces statistiques sont difficiles à établir correctement et aussi combien leurs résultats vont à l’encontre de certaines idées courantes sur l’importance décroissante de l’agriculture par rapport à l’industrie.
- En se basant sur les recensements officiels en têtes d’animaux du Ministère de l’Agriculture et en évaluant leur valeur à la production d’après les mercuriales régionales, M. de Bruchard a établi le tableau suivant :
- Troupeau français • Nombre de têtes en milliers Valeur par tète en milliers de francs Valeur totale en milliards de francs
- Chevalins :
- Chevaux de moins de 3 ans. 55a 4o i5o
- Chevaux de plus de 3 ans. 1 862 80
- Mulets . . . . . 90 80 7 3
- Anes . . . . . . 106 28
- 2 610 160
- Bovins :
- Taureaux 265 80 21
- Bœufs de travail . 94i 60 56
- — d’engrais . 148 60 8
- Vaches d’embouche . 169 60 - 10
- — laitières . 5 211 70 Oo 364
- — de travail. 1 793 107
- — autres.... 590 60 x39
- Elèves de plus d’un an. '. 3 486 4o 34
- — de moins d’un an . 2 739 i5 342 3o 82 ~8Ï5
- l'élevage français
- Ovins : Béliers de plus d’un an — de moins d’un an. Moutons de. plus d’un an. Agneaux i3g 4 761 372 2 o83 7 355 10 6 , 6 5 1 28 2 m -4^
- Caprins : 1 278 4 5
- Porcins :
- Verrats 4o 3o 1
- Truies 867 3o 26
- Porcs de plus de 6 mois. 2 377 i5 25
- Porcelets ..... 3 4a 3 5 17
- 6 707 69
- La valeur totale du cheptel français vivant apparaît ainsi atteindre en chiffres ronds 1 100 milliai’ds de francs.
- Le nombre des animaux de chaque espèce a peu varié depuis 1913, date du dernier recensement, avant les deux guerres mondiales. Il est pour toutes en léger déficit, plus marqué pour les chevaux et surtout pour les moutons dont le troupeau a diminué de plus de moitié.
- M. de Bruchard a ensuite estimé la valeur de la production annuelle de viande. Les estimations varient beaucoup selon les sources de renseignements. 11 a choisi pour les bovins le nombre des peaux livrées à l’industrie du cuir en provenance des abattoirs et des bouchers; pour les porcs, il a majoré de 5o pour 100 les chiffres fournis par les abattoirs contrôlés pour tenir compte des abattages non contrôlés des bouchers et charcutiers de campagne et des fermiers pour leur consommation familiale.
- En prenant pour prix moyen celui de la tonne de viande nette sur pied, payé à l’étable ou sur les marchés locaux, cuir, laine et abats compris, il a abouti aux résultats suivants pour 1949 :
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- Espèces Poids en milliers de tonnes Prix de la tonne en milliers de francs Valeur totale en milliards de francs
- Bœuf 760 180 i35
- Veau . . . . . 276 3oo 82
- Mouton 100 3oo 3o
- Porc 800 180 i44
- Cheval 65 i5o 9
- 0 0 0 4oi
- En outre, la production de lait destiné à la consommation familiale et à l’élevage des veaux est estimée à 125 ooo ooo hl, chiffre faible dû à la sécheresse de l’été 1949. Comptée au prix moyen de 21 fr le litre, elle atteint une valeur totale de 262 milliards de francs.
- Les produits de basse-cour, très difficiles à recenser, ont été évalués, d’accord avec la Confédération française de l’aviculture sur la base de la dernière enquête de 1987 en leur appliquant les valeurs de 1949. Us donnent :
- Espèces Nombre d’animaux produits dans l’année en millions de têtes Tonnage poids vif en millions de kg Prix du kilog à la production en francs Valeur totale en milliards de francs
- Volailles :
- Poulets 98 147 270 40,4
- Poules, coqs . 4 7 92 225 20,7
- Pintades .... 2 2,8 275 0,8
- Dindes 4 22 373 8,5
- Pigeons 26 10 120 1,2
- Canards 22 44 180 7>9
- Oies 5 35 i5o 5,3
- 205 354 84,9
- Lapins 96 220 120 26,4
- Chevreaux et agneaux
- de lait .... I 8 145 1,2
- La production d’œufs doit atteindre 6,2 milliards d’œufs de poule et ix5 millions d’œufs de cane à 12 fr pièce, soit 75 milliards de francs.
- Si l’on additionne tous ces nombres, on atteint une production annuelle totale de :
- Viande 4oi milliards de f
- Lait 262 »
- Produits de basse-cour.. 112 »
- OEufs 75 »
- 851 milliards de f
- sans compter la valeur des cuirs, laine, abats, poils, foies gras, etc., ni les plus-values de la transformation du lait en beurre ou en fromage.
- Ces nombres sont presque astronomiques et montrent que l’élevage est devenu le capital le plus productif, la richesse agricole la plus grande de toutes les activités du pays.
- M. de Bruchard le montre en comparant les rendements en argent des autres productions agricoles :
- Céréales : Blé Seigle Avoine Orge . . . . . Maïs Production Valeur totale en milliards de francs
- 8 082 400 t 620 800 — 3 224 ooo — 1 4oo ooo — 218 700 — 202 l3 58 28 4
- Vin 35 341 ooo hl 134
- Pommes de terre 10 ooo ooo t ' 120
- Betterave à sucre . 9 ooo ooo — 20
- En y ajoutant la récolte des légumes et des fruits, si dispersée qu’on ne peut très exactement l’évaluer, on atteindrait pour la totalité de la production agricole annuelle une valeur de l’ordre de 1 600 milliards de francs.
- Aucune,autre activité n’approche d’un pareil chiffre d’affaires, ou plus exactement d’une égale valeur à la production. Toute l’industrie ne dépasse pas ce chiffre et n’utilise pas plus de main-d’œuvre. C’est une bonne raison, parmi bien d’autres, pour souhaiter que les mesures législatives et administratives touchant la vie paysanne soient toujours prudentes et réfléchies. Perfectionner les techniques, augmenter les rendements, améliorer le sort des populations rurales est fort bien et désirable; vouloir intervenir brusquement dans l’équilibre social actuel, normaliser l’agriculture en quelques années, transférer de la main-d’œuvre campagnarde dans l’industrie, en fonction de plans théoriques d’orientation de la nation, ne donneraient sans doute pas les résultats qu’on en espère. Pâturage et labourage restent les deux mamelles de la France; ils assurent sa nourriture; besoin plus fondamental que tous les perfectionnements de la vie sociale; s’ils donnent parfois des excédents, ceux-ci peuvent être conservés pour assurer les pénuries des années maigres ou offerts dans un monde surpeuplé où ils ont une valeur réelle, internationale. L’agriculture, l’élevage contribuent plus à élever le niveau de vie et le bien-être que beaucoup d’autres activités de nécessité moins immédiate.
- Daniel Claude.
- Progrès du système métrique.
- L’Office météorologique sud-africain vient de décider d’expi'i-mer les mesures pluviométriques en millimètres et non plus en inch.es, les températures en degrés Celsius et non plus en Fahrenheit. Les pluviomètres et les thermomètres seront gradués en unités décimales.
- M. T. E. W. Schumann, directeur des services météorologiques de l’Union, préconise la généralisation dans le monde entier des unités métriques de mesures météorologiques, d’une si grande importance pour l’aviation. Le système métrique est adopté par toute l’Europe sauf la Grande-Bretagne, l’Asie sauf l’Inde et le Pakistan, l’Amérique du Sud tout entière, une grande partie de l’Afrique. Seuls, les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle Zélande continuent d’exprimer les hauteurs de pluies en inches et les températures en degrés Fahrenheit. Souhaitons que tous se rallient bientôt à une normalisation qui serait fort commode pour la transmission des renseignements entre les divers pays "et l’établissement des cartes de temps internationales.
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- •111
- LES ILES AUSTRALES FRANÇAISES
- I. — Leur intérêt scientifique et économique.
- L’envoi récent de deux missions gouvernementales consécutives, en 19/19 et ig5o, pour réaffirmer la présence française dans les différentes dépendances australes de Madagascar, totalement inoccupées depuis longtemps, a fait sortir celles-ci de l'oubli.
- Notons, à ce propos, combien les divers articles consacrés par la presse à ces terres lointaines mettent en évidence l'extrême confusion qui règne à leur sujet et l’idée fausse que beaucoup s’en font quant à leurs ressources et leurs possibilités réelles. Nombreux sont ceux qui découvrent depuis peu les îles Saint-Paul et Amsterdam, l’archipel de Kerguelen, ignorant que d’innombrables expéditions de chasse et de pêche s’y sont succédé depuis plus d’un siècle et que de nombreuses expéditions scientifiques les visitèrent également. Parmi ces dernières, la plupart étaient étrangères, allemandes et anglaises principalement, seules les plus récentes ayant été généralement organisées par des Français. Ces expéditions ont accompli dans ce domaine austral une œuvre importante qui se traduit par la publication de quelque 3oo notes et mémoires scientifiques originaux. Ceux-ci sont une source de documentation précieuse mais trop ignorée. A lui seul l’archipel de Kerguelen ne réunit pas moins de 200 références bibliographiques.
- Coup d’œil sur les possessions insulaires australes. — Dispersées sous des latitudes fort différentes, ces îles, d’étendue très inégale, se distinguent les unes des autres à de nombreux égards. On ne doit pas perdre de vue, en effet, que plus de dix degrés de latitude séparent la Nouvelle Amsterdam des Kerguelen, soit une distance de 1 200 km. La première, située par un peu moins de 38° lat. Sud, se trouve dans l’hémisphère austral à la même distance de l’équateur que les Açores ou la Sicile, alors que la position des Kerguelen peut se comparer à celle du Nord de la France. L’île Saint-Paul, par 89° S. et le groupe des Crozet, sensiblement plus à l’Ouest que les terres précédentes, s’étirant entre 46° et 4603o, Sud, occupent des positions intermédiaires.
- Ces lointaines dépendances sont, on le voit, bien éloignées du cercle polaire et les qualifier d’ « antarctiques », comme on peut le lire parfois, est vraiment excessif. Il est certain que leur climat diffère très sensiblement de celui des territoires auxquels leur position permet de les comparer. Le climat de Saint-Paul et Amsterdam s’apparente plutôt dans une certaine mesure à celui des côtes de Bretagne, tandis que les îles Kerguelen, avec le r température annuelle moyenne de + 3° environ, connaissent des étés sans chaleur (+ 6°2), qui rappellent ceux de God-(haab dans le Groenland occidental, alors que ses hivers peu rigoureux (+ o°8) se comparant avec ceux de l’Islande méridionale, contrées pourtant plus proches du pôle de i5°.
- Les immensités océaniques australes, approximativement comprises entre les 4oe et 5oe parallèles constituent le domaine subantarctique, sans équivalent dans notre hémisphère. Ce domaine se caractérise par des hivers très doux, des étés froids, surtout au delà du 45e parallèle, d’abondantes précipitations et un régime extrêmement venteux, avec une constance remarquable des courants atmosphériques compris entre le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.
- Ces îles subantarctiques sont toutes d’origine volcanique et correspondent à des appareils, aujourd’hui tous éteints, d’une complexité très inégale et d’un âge assez différent. A l’exception de Saint-Paul, cône surbaissé n’excédant pas 270 m de hauteur, ce sont des terres montagneuses s’élevant à 2 000 m
- d’altitude aux Crozet et aux Kerguelen, archipels qui possèdent des neiges persistantes et des glaciers.
- Leur végétation, pauvre en espèces, présente des différences notables suivant que l’on considère les îles Saint-Paul et Amsterdam ou les archipels plus méridionaux.
- Historique des expéditions scientifiques. — Ce sont les Kerguelen qui ont reçu la visite du plus grand nombre d’expéditions scientifiques, les unes ne faisant que passer rapidement, d’autres y séjournant pendant plusieurs mois.
- Après Cook, qui visita en 1776 l’archipel découvert trois ans auparavant par Yves de Kerguelen, ce fut le tour de Sir James Clark Ross, en 18/10, accompagné du botaniste Ilooker. Ce dernier fit. une étude complète de la flore. En 1874, le Challenger passa le mois de janvier dans les eaux du groupe. A l’occasion du passage de Vénus devant le soleil, trois missions astronomiques, allemande, anglaise et américaine, séjournèrent quelques mois dans le Sud-Est de la grande terre, en 1874-1875. Th. Stu-
- 5.9vasca;0 I.Maurice G °l..de la Réunion
- ngl.)
- (Fr) Tropique du Cance,
- Cap de Bonne Espérance.
- I. Amsterdam ( Fn) •LS" Paul (Fr)
- I du F^td.ouard T
- I. Marion I Crozet (Fn) liés de Kerguelen (Fr.)
- ( Angl.)
- I.Heard (Angl.)
- ANTARCTIQUE 75°E______________
- 0 C E A N- GLACIAL
- Fig. 1.
- Les îles subantarctiques de l’Océan Indien.
- der, naturaliste suisse qui accompagnait la mission allemande, fit notamment de très intéressantes observations dans le Nord de la péninsule Courbet.
- Au cours de sa croisière océanographique dans les mers australes, la VaIdivia s’arrêta aux Kerguelen en décembre 1898. Ce fut ensuite le tour du Gauss (Expédition antarctique allemande, 1901-1903) déposant un groupe de savants qui s’installèrent pour plus d’une année sur la presqu’île de l’Observatoire. L’un d’eux, le Dr Enzensperger, y succomba du scorbut. Leurs observations ont donné lieu à de remarquables publications.
- R. Rallier du Baty à bord du J.-B. Charcot en 1908-1909 et sur la Curieuse en 1910-19145 accompagné de R. Loranchet, fît de très utiles levés hydrographiques et rapporta de l’archipel une documentation précieuse. E,n 1923-1924, E. Peau, du Muséum du Havre, accompagna une expédition de chasse et réunit les éléments d’un très intéressant rapport. Accompagné de ma femme, j’ai pu effectuer deux missions aux Kerguelen, ainsi qu’à Saint-Paul et Amsterdam, y séjournant 7 mois en 1928-1929 et ig3o. Invité à participer comme naturaliste à l’expédi-.tion que dirigeait M. R. Sicaud en 1949-1960, j’ai séjourné une troisième fois dans ce groupe et visité également à cette occasion les îles Crozet.
- L’une des dernières expéditions étrangères qui effectua des recherches aux Kerguelen fut celle du Discovery II, en 1929-1980, commandée par l’explorateur australien sir Douglas Maxvson.
- Parmi diverses inscriptions relevées sur les murs de l’anr
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- cienne station de Port-Jeanne d’Arc figurent notamment les noms de l’expédition antarctique d’Ellsworth (ig38) et d’une certaine expédition Rooke (io mars 1941). Ni l’une ni l’autre n’ont publié, à ma connaissance, quoi que ce soit sur les Kerguelen. J’ai noté également divers noms et dates montrant que plusieurs navires australiens avaient fait escale à Port-Jeanne d’Arc pendant et après la dernière guerre. L’un d’eux était d’ailleurs venu mouiller des mines pour interdire l’accès de divers points de l’archipel, mines qui n’ont jamais été enlevées.
- Avant le récent voyage du navire-hydrographe Lapérouse, en 1949-1950, le dernier aviso français qui visita le groupe fut le Bougainville, en 1909, venant des Crozet, à bord duquel se trouvait le Pr IL Jeannel, du Muséum de Paris.
- De toutes les îles de l’extrême Sud de l’Océan Indien, les Crozet demeurent les moins connues. Plusieurs expéditions y sont passées, mais les difficultés de débarquement et l’absence de mouillages sûrs empêchèrent certaines d’aborder. Ce fut le cas de celle de Ross (i84o) et du Challenger (1870). Les autres ne séjournèrent que quelques heures à terre, comme le firent les membres de l’expédition du Gauss, le ?.5 décembre 1901, dans le sud de l’île de la Possession et celle du Discovery II en i929-
- Saint-Paul et Amsterdam ont été bien étudiées, surtout la première de ces deux îles, d’un accès plus facile. Déjà le récit du navigateur hollandais van Vlaming, qui les visita en 1696, contient une intéressante description de Saint-Paul. Lord Maearlney, se rendant en Chine, y lit une rapide excursion, en 1793, mais en rapporta de nombreux renseignements. Les mémoires du capitaine Pérou, publiés en 1824, contiennent d’autre part une foule d’observations sur le climat, la llore, la faune et les manifestations hydrothermales de Saint-Paul. En 1867, l’expédition autrichienne de la Novara y demeura une semaine, ce qui permit au géologue F. de Hochstetter d’étudier la nature de ce volcan.
- En 1874, l’île Saint-Paul devint pendant quatre mois la base de la mission astronomique française, à la tête de laquelle se trouvait le commandant Mouchez. Ch. Vélain, qui l’accompagnait et séjourna également un certain temps à la Nouvelle Amsterdam, a consacré une très belle étude à ces deux îles. La Valdivia, en janvier 1899 et le Gauss en avril 1903, les visitèrent rapidement.
- Ce court aperçu historique des principales expéditions scientifiques qui se sont intéressées aux îles australes françaises ne doit pas faire perdre de vue les diverses tentatives de mise en valeur dont certaines d’entre elles ont été l’objet en différentes occasions, ni les allées et venues de nombreux navires de chasse et de pêche, ainsi que les visites que leur firent à plusieurs reprises des navires de guerre avant et après leur prise de possession officielle par la France. Celle-ci date de la croisière de l’Eure en 1893.
- Possibilités économiques. — Ni les conditions de vie, ni les ressources économiques, ne sont partout les mêmes. Saint-Paul et la Nouvelle Amsterdam, où la température de la mer se maintient toute l’année entre xo° et 170, se trouvent placées dans des eaux très poissonneuses et sont entourées de fonds d’une grande richesse en langoustes de la même espèce que celles du Cap ,(Jasus Lalandei). Les pôcheui's de la Réunion ont fait autrefois de fructueuses campagnes dans ces parages et si les premières entreprises de caractère industriel, qui furent tentées en deux occasions, à partir de 1928, n’ont pas donné les
- De haut en bas : Fig. 2. — Embarcations de pêche accostées le long du quai naturel servant de point de débarquement. Ile de la Nouvelle-Amsterdam. — Fig. 3. — Agaves sur les falaises dominant la Chaussée des Otaries. Nouvelle-Amsterdam. — Fig. 4. — Un Phyllica sur une coulée de lave. Nouvelle-Amsterdam. — Fig. 5. — Bosquets de Phyllica sur la côte ouest de la Nouvelle-Amsterdam.
- (Photos E. Aubert de la Rüe).
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- xésultals escomptés, ce fut surtout par défaut d’organisation. Une nouvelle société, disposant d’un navire frigorifique, le Sapmer, y opère depuis 2 ans. Les recherches océanographiques poursuivies par M. Angot, qui accompagnait cette expédition de pèche au cours de l’été austral 1949-1900, ont montré la pullulation d’un petit nombre d’espèces de poissons (6 environ) comprenant des représentants d’eaux australiennes et sud-africaines, d’eaux tempérées chaudes et d’eaux antarctiques. M. Angot a étudié la biologie de. la langoùste et noté la grande rareté des femelles, d’où la nécessité de réglementer la pèche à l’avenir pour éviter l’épuisement des fonds qui sont limités, étant donné l’exiguïté des deux îles.
- Anciennement, à l’époque où le Brestois Péron fit un séjour forcé de trois ans à Saint-Paul, de 1790 à 1795, les otaries étaient nombreuses dans ces parages et l’on venait les chasser pour leur fourrure. Ces otaries sont devenues très rares, mais quelques-unes ont cependant été vues récemment à l’île Amsterdam.
- Les possibilités des îles Crozet. et Kerguelen sont très différentes. Le rendement de la pèche est, en effet, nul dans ces deux archipels, dont l’activité économique a toujours été limitée dans le passé à la chasse à la baleine et à l’éléphant de mer (Mirounga .1leonina), ainsi qu’à celui des otaries pour leur fourrure.
- C’était de New London, aux États-Unis, que venaient, jadis, en très grand nombre, les navires plioquiers dont le point de ralliement aux Kerguelen était Port-des-lles. Certains chasseurs .demeuraient parfois trois années consécutives dans, l’archipel, dont ils connaissaient les moindres baies auxquelles ils ont laissé leurs noms et ceux de leurs navires.
- Après être venues en nombre considérable s’approvisionner en huile de phoque, très recherchée pour l’éclairage avant l’emploi du pétrole, ces expéditions américaines prirent fin au cours de la seconde moitié du siècle passé. A partir de 1890, les Norvégiens commencèrent à fréquenter les Crozet et les Kerguelen, l’huile de phoque et de baleine trouvant dès lors un emploi alimentaire. Par la suite, d’accord avec les frères Bossière, du Havre, concessionnaires des îles australes, les Norvégiens créèrent, en 1908, rétablissement permanent de Port-Jeanne d’Arc qui fonctionna pendant une vingtaine d’années. L’emploi de navires-usines devait entraîner vingt ans plus tard l’abandon de cette station, tombée aujourd’hui en ruines. Les campagnes de chasse, qui coïncidaient avec le printemps et l’été austral, se prolongèrent jusqu’en 1981. La chute des cours de l’huile mit alors fin à ces entreprises qui 11’ont jamais été reprises depuis.
- Entre temps, les troupeaux de phoques se sont quelque peu reconstitués, mais leur importance n’est cependant pas telle qu’on puisse envisager de reprendre, sans une sévère réglementation, les campagnes de chasse, si l’on veut éviter la destruction rapide de ces mammifères marins.
- A l’époque où les Américains chassaient l’éléphant de mer, des Anglais venaient plus spécialement rechercher les phoques .à fourrure. Il est devenu très exceptionnel d’en rencontrer .encore aux Kerguelen.
- La seule autre entreprise économique tentée aux Kerguelen a été l’élevage du mouton. La Compagnie Générale des lies Kerguelen a fait plusieurs essais dont les résultats furent décevants. Les moutons, même en choisissant les régions les plus favorables, ne sont guère susceptibles de trouver leur nourriture pendant plus de six mois dans les prairies d’Acoena. Dès la fin d’avril celles-ci se fanent et disparaissent sous la neige pour ne reverdir qu’au mois de décembre suivant. S’il est concevable d’élever un petit troupeau pour les besoins d’un établissement permanent, en choisissant un endroit favorable, telle que la
- De haut en bas : Fig. 6. — La- paroi du cratère de l’île Saint-Paul. • Fig. 7. — L’entrée du cratère de Saint-Paul avec la roche Quille. On distingue en retrait de la jetée nord les bâtiments de l’ancienne station de pèche. — Fig. 8. — Les prairies des pentes externes de l’île Saint-Paul. — Fig. 9. — Tufs stratifiés au sommet du cratère de Saint-Paul.
- cPhotos E. Aubert de la Rüe).
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- Fig. 10. — Une colonie de manchots parmi les éboulis du cratère de Vile Saint-Paul.
- (Photo E. Aubert de la Rüe).
- presqu’île du Prince de Galles où se situent les plus belles prairies de l’archipel, il semble beaucoup plus hasardeux de vou-loir entreprendre cet élevage en grand.
- Une ressource, à peu près inépuisable, mais totalement inutilisée jusqu’à présent et susceptible d’être le point de départ d’une industrie locale, est l’exploitation des immenses champs d’algues marines (Macrocystis). Ces grandes laminaires abondent dans les baies de même que le long des côtes extérieui’es de l’archipel. Elles se prêtent à l’extraction de l’algine dont les emplois, sous forme d’alginates, sont multiples.
- Ces quelques vues d’ensemble exposées, indiquons pour chaque île ou groupes d’îles ses particularités les plus marquantes.
- Nouvelle Amsterdam. — Peu découpée et n’offrant aucun abri, cette île est d’un accès malaisé. Haute de 911 m, son sommet est formé par un vaste cratère où surgissent quelques cônes parasites; il est presque constamment enveloppé de nuages. Elle présente à l’ouest une suite d’escarpements impressionnants, qui n’ont pas moins de 5oo à 600 m de haut, mais dans les
- Fig. 11. — Quelques langoustes pêchées à l’île Saint-Paul.
- CPhoto E. Aubert de la Rüe).
- autres directions ses versants s’abaissent plus graduellementr surtout au nord-est, où quelques petites grèves viennent interrompre les falaises peu élevées du littoral. Sur ces chaussées de-galets se tiennent habituellement des phoques et des otaries. Il existe dans ce secteur, proche de la pointe Hosken, une coulée de lave assez unie, s’avançant d’une quarantaine de mètres en mer et qui forme un véritable quai naturel où les embarcations peuvent accoster sauf lorsque le vent ou la houle sont d’est, ce qui n’est heureusement pas très fréquent (fig. 2).
- La Nouvelle Amsterdam est une île très jeune, exclusivement basaltique, dont les coulées peu épaisses alternent localement avec quelques intercalations de tufs. Les coulées les plus superficielles, d’une grande fraîcheur, ont une allure cordée. Elles-sont crevassées et renferment de profonds tunnels et de nombreuses grottes de lave, dont l’orilice est souvent caché par de hautes fougères. Un grand nombre de petits cônes adventifs se dressent sur les pentes de l’île.
- Une végétation herbacée, épaisse et haute par places, recouvre-une grande partie d’Amsterdam et lui communique une physionomie assez verdoyante. Entre 000 et G5o m d’altitude, les Mousses et les Sphaignes atteignent un grand développement. Sur les hauteurs s’étendent des tourbières et quelques étangs.
- Des bosquets et, çà et là, de petits arbres isolés, au feuillage persistant d’un gris verdâtre, rappelant celui de l’olivier, se rencontrent par places sur les pentes inférieures du versant oriental. Il s’agit d’une Rhamnée : Phyllica arborea (fig. 4 et 5), au port souvent incliné du fait des grands vents. Ces arbustes-étaient plus nombreux autrefois et ceux qui subsistent encore ont l’air de dépérir. Si Amsterdam est la seule des îles australes-de l’Océan Indien à posséder des arbres, on y trouve également de beaux agaves cantonnés sur les escarpements rocheux du littoral (fig. 3), où ils ont été vraisemblablement introduits jadis-de l’île Bourbon, comme l'ont -été les divers légumes poussant aujourd’hui à l’état sauvage et qui furent cultivés vers 1870-1S80 par quelques colons réunionais. Ceux-ci élevèrent également des Bovins qui, abandonnés à eux-mêmes, se sont multipliés et sont maintenant environ 1 5oo, les taureaux étant plus-nombreux que les vaches. Ch. Vélain signala jadis la présence d’un petit mammifère ayant l’aspect d’une belette, qui existe-toujours.
- La température moyenne est voisine de + i2°o, les extrêmes-étant généralement compris entre + 5° et + a5°. En été le soleil est parfois brûlant et en hiver la neige ne séjourne que sur les-hauteurs. Les gelées semblent inconnues dans les parties basses. Seule la violence du vent est désagréable, mais elle n’interdit cependant pas les cultures, possibles avec certaines précautions.
- D’un climat tempéré, la Nouvelle Amsterdam est très habitable et ses ressources ne se retrouvent sur aucune des autres terres australes. Cette île a donc été choisie, de préférence à Saint-Paul, pour y installer, en 1949, sous la direction de M. Martin du Viviès, de l’O.N.M., une station météorologique permanente,, appelée, dans un proche avenir il faut le souhaiter, à se doubler d'un laboratoire d'océanographie et de biologie marine.
- île Saiilt=Paul. — A moins de'100 km au sud d’Amsterdam, la petite île Saint-Paul, de i4 km2 et dont la plus grande dimension ne dépasse pas 5 km, est le type parfait du volcan insulaire. C’est un cône surbaissé, haut seulement de 270 m. Une explosion ouvrit dans la paroi orientale du cratère une large brèche (fig. 6) permettant à la mer d’envahir celui-ci, le transformant en une baie profonde, parfaitement circulaire, de plus d’un kilomètre de diamètre. Ce cratère serait un abri convenable pour les navires petits et moyens, si la passe lui donnant accès était plus profonde. Resserrée entre deux puissan-' tes chaussées de galets et d’énormes blocs roulés (fig. 7), cette passe n’a pas plus de 2,5o m d’eau à mer haute et seulement 0,90 m à marée basse. Assez souvent, la houle forme devant elle de gros rouleaux qui rendent délicate l’entrée des embarcations.
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- L’apparition de ce volcan au-dessus des flots coïncida avec des épanchements de rhvolites, visibles au pied des falaises de la côte orientale. Des intrusions de dolérite leur succédèrent. L’édification du cône se poursuivit par des alternances d’éruptions hawaïennes, émettant des coulées de basalte très fluide, et stromboliennes, marquées par des projections de scories. Un certain nombre de petits cônes de scories, une dizaine en tout, se dressent également sur les pentes extérieures. L’activité du volcan prit fin par de violentes explosions, de caractère vulca-nien, qui provoquèrent l’ouverture du cratère et formèrent des tufs grossiers, stratifiés (fig. 9), visibles au sommet de l’île où ils reposent sur les dernières coulées de basalte. Ces tufs contiennent des blocs de rhyolite et de gabbro arrachés au soubassement de l’appareil.
- Des espaces chauds existent encore en divers points, tant dans le cratère que sur les pentes extérieures, où le sol atteint ioo°, avec des dégagements de fumerolles aqueuses et quelques sources thermales.
- Saint-Paul jouit du môme climat doux, pluvieux, brumeux et venteux qu’Amsterdam. Les températures sont sensiblement les mêmes, avec une période sèche assez marquée de décembre à mars. En hiver, la neige est rare, ne se maintenant jamais longtemps et les gelées sont inconnues.
- Entourée de hautes parois très abruptes, la baie du cratère n’est pas à l’abri des vents d’ouest, qui se précipitent en rafales furieuses des hauteurs.
- L’île n’a qu’une abondante végétation herbacée, aux tons beiges. Des Graminées, des Cypéracées et des joncs poussent en hautes touffes rapprochées (fig. 8), offrant par endroits un obstacle à la marche. Une flore d’un caractère particulier, caractérisée surtout par des fougères, des hépatiques, des sphaignes et des lycopodes, environne les espaces chauds.
- Les algues marines ont un grand développement et d’immenses laminaires encombrent le cratère.
- Parmi les oiseaux de mer, une espèce de manchot à aigrette, le Gorfou sauteur (Euclyptes crestatus) forme plusieurs importantes rockeries, notamment parmi les éboulis des pentes du cratère (fig. 10). Ces manchots quittent tous l’île au début d’avril, après la mue, et reviennent au mois d’août.
- Saint-Paul est moins favorisé qu’Amsterdam sous le rapport de l’eau potable. Les sources chaudes de cratère sont généralement saumâtres et les rares petits ruisseaux des pentes extérieures, où les pluies s’accumulent aussi dans quelques dépressions marécageuses, sont d’un accès peu pratique.
- L’île Saint-Paul, d’un accès relativement aisé, a été beaucoup plus fréquentée dans le passé que la terre voisine. Des séjours faits autrefois par les pêcheurs de la Réunion, subsistent des pans de mur en blocs de lave groupés sur les seuls espaces plats existant dans l’enceinte du cratère. Elles voisinent avec les ruines de la petite usine de conserves de langoustes (fig. 11), créée, en 1928. Lapins et rats, et l’été des mouches innombrables, infestent les abords de cet ancien établissement.
- Iles Crozet. — Ce groupe comprend trois îles principales s’échelonnant sur environ i5o km, qui sont de l’ouest à l’est : l’île aux Cochons, la Possession et l’île de l’Est, avec quelques îlots inaccessibles, tels que les Apôtres et l’île des Pingouins. L’ensemble dépasse légèrement 5oo km2. Ce sont des terres
- De haut en bas : Fig. 12. — La côte méridionale de Vile de l’Est (Iles Crozet). — Fig. 13. — Le mont Branca (ait. 450 m), cône de scories édifié sur les plateaux basaltiques du Sud-Est de l’île de la Possession (Crozet). — Fig. 14. — Escarpement de tuf volcanique sculpté par le vent sur les plateaux de l’île de la Possession (Crozet). — Fig. 15. — Phénomène de solifluxion sur les plateaux de l’île de la Possession (Crozet). Les éléfnents volcaniques accumulés sur ces plateaux ont subi un classement par ordre de grosseur et sont disposés suivant des bandes parallèles, donnant lieu à des sols striés.
- (Photos E. Aubert de la Rüe).
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- montagneuses, bordées le plus souvent de hautes falaises, sans découpures notables, où l’on aborde généralement avec difficulté.
- D’origine volcanique, elles paraissent surtout basaltiques; du moins n’a-t-on pas rencontré jusqu’à présent d’autres laves que du basalte, sous forme de coulées et de tufs. On peut penser cependant que leur étude détaillée, qui reste à faire, révélera l’existence de quelques autres types lithologiques.
- A en juger d’après sa forme massive, l’île aux Cochons paraît la plus1 jeune. C’est un large cône de 600 m de haut, dépourvu de neiges persistantes, sur lequel se sont greffés plusieurs petits appareils parasites.
- L’île de la Possession, la plus considérable, atteint environ 1 5oo m d’altitude. Elle est beaucoup plus érodée et d’un profil assez découpé. On ne sait si ses sommets neigeux possèdent des glaciers. Les produits volcaniques de projection (fig. i4) jouent un rôle assez considérable dans sa partie orientale, la mieux connue, et la présence du mont Branca (45o m) (fig. i3), volcan i'écent et. bien conservé, édifié sur des plateaux de formation plus ancienne, indique l’existence d’au moins deux périodes volcaniques distinctes.
- Quant à l’île de l’Est, d’un caractère sauvage et très grandiose, avec de profondes vallées s’ouvrant parmi ses côtes escarpées et hostiles (fig. 12), sa forme générale est celle d’un grand appareil volcanique fortement disséqué. Elle atteint 2 000 m et son sommet dentelé, d’où se détachent deux pics remarquables, est en majeure partie recouvert de glaciers. L’enneigement est abondant pendant toute la durée de l’hiver et une partie du printemps austral, la limite inférieure des neiges persistantes devant se situer vers 1 200 m.
- Les conditions climatiques sont assez voisines de celles des Kerguelen, la température moyenne annuelle devant être entre + 4° et 4- 5°, les extrêmes se maintenant habituellement entre — 5° et + i5°. Les précipitations sont abondantes et les cours d’eau fréquents sur toutes les îles principales, tombant des hauteurs en cascades pittoresques.
- La flore comme la Jaune s’apparentent étroitement à celles des Kerguelen. Ce sont les mêmes oiseaux de mer, en nombre considérable et à terre vivent également des canards (Anas Eatoni) et cet oiseau blanc très rapace qu’est 1 e.Chionis minor. La végétation, pauvre, est cantonnée dans les parties basses et se raréfie considérablement au-dessus de 3oo m où elle se réduit principalement à des coussinets d’une Ombellifère (Azorella selago), à des mousses et à des lichens. Dans la vallée et sur les pentes intérieures s’étendent des tourbières et des prairies de tussok et d'Acoena. Le fameux chou de Kerguelen est également connu aux Crozet.
- Le groupe des Crozet n’a jamais été habité que temporairement, autrefois, par des chasseurs de phoques et a servi à diverses reprises de refuge à des naufragés.
- En dehors des troupeaux d’éléphants de mer (voir couverture) qui peuplent les plages de l’archipel, mais dont la chasse est actuellement interdite, car il a été érigé en parc national, celui-ci n’offre guère de ressources. La dispersion des îles, leur configuration accidentée et l’accès difficile de leurs côtes, privées d’abri, de même que le régime très tempétueux qui prévaut dans ces parages, ne permettent pas d’envisager favorablement la colonisation des Crozet.
- (à suivre). E. Aubert de la Rüe.
- Questions attendant
- réponses
- A qui n’est-il pas arrivé, au cours de scs lectures, de scs méditations, de ses activités, de se poser des questions auxquelles il ne savait que répondre ?
- A ce besoin d’informations, de nombreuses solutions ont été cherchées. Il existe de multiples publications : traités, dictionnaires, aide-mémoire, livres de recettes et de formules, tables de constantes et de calculs, qui rassemblent les données connues ; des recueils bibliographiques spécialisés guident la recherche des sources de renseignements pour de nombreuses sciences. Des sociétés savantes, des services d’Ëtat et des organisations internationales dépouillent, signalent et analysent tout ce qui paraît dans le cadre d’une discipline donnée; c’est ainsi qu’en France, chaque science : physique, chimie, biologie, botanique, géologie, etc., a un recueil de documentation, et. que le Centre national de la Recherche scientifique édite un Bulletin analytique très complet de tout ce qüi paraît dans le monde entier : ouvrages, mémoires, notes et articles de revues. On peut ainsi connaître rapidement ce qui se passe, ce qui se fait, ce qu’on sait déjà et ce qu’on cherche.
- Des revues, comme La Nature, se donnent pour but de suivre le mouvement des idées scientifiques, de signaler les nouveautés, de les situer dans le cadre des connaissances déjà acquises; en outre, celle-ci maintint pendant longtemps des rubriques de recettes et procédés utiles, d’inventions et de correspondance avec ses lecteurs pour leur fournir les renseignements pratiques qu’ils demandaient. Seules les difficultés matérielles présentes l’ont contrainte à y renoncer.
- On a vu jusqu’à des revues spécialement consacrées à poser des questions et à publier des réponses, tel le précieux Inter-
- médiaire des chercheurs et des curieux, surtout historique et littéraire.
- C’est dire combien est général le besoin d’informations précises, exactes, complètes, dès qu’on veut aborder un sujet nouveau ou imaginer un nouveau point de vue.
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- Les chercheurs savent par expérience que la documentation est toujours longue et laborieuse à rassembler et qu’il faut lui consacrer beaucoup de temps. Dans les équipes organisées, spécialisées dans quelques sujets seulement, comme c’est le plus souvent le cas dans l’industrie, on va jusqu’à créer un service spécial qui lit les revues et les livres, traduit les textes étrangers, résume les faits et les idées dès leur publication; chacun est ainsi informé du mouvement des recherches qui intéressent son étroit domaine. Le chercheur isolé, qui se lance dans des voies nouvelles, n’a pas pareille ressource; il lui faut lire, et beaucoup, si bien que souvent, il ne sait plus comment partager son temps entre le laboratoire et les bibliothèques.
- D’ailleurs, il ne trouve revues spéciales et ouvrages récents que dans de grandes bibliothèques, celles des universités de province par exemple, ou même uniquement à Paris. On en est venu à organiser des services de photocopies et de microfilms pour ceux qui ne peuvent se déplacer et passer leur temps à faire les « rats de bibliothèque », mais si c’est là une grande commodité, elle est assez coûteuse pour qu’on la limite aux travaux fondamentaux,. et rien ne remplace l’accès direct aux imprimés qu’on peut feuilleter et consulter.
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- Fréquemment aussi, il manque au chercheur, pour étayer ses hypothèses, des séries de mesures, de données numériques, sans qu’il sache si elles existent déjà et où il pourrait les trouver, et sans qu’il puisse se résigner à les établir lui-même.
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- Cela explique une initiative que vient de prendre le Department of scientific and industrial Research, de Londres, de rassembler et de publier les « LTnanswered Questions », les questions sans réponses qui lui seront signalées par des chercheurs scientifiques ou techniques. En diffusant ces questions, il espère rendre service aux travailleurs de multiples façons. D’abord, il compte recevoir des réponses d’auteurs scientifiques mieux informés et éviter ainsi des pertes de temps inutiles ou des ignorances fâcheuses. Puis, de la correspondance ainsi échangée, il veut dégager des vues sur les améliorations à apporter aux recueils de bibliographie, toujours incomplets, étant données la multiplicité et la dispersion des publications du monde entier. Enfin, il A'oudrait aussi se rendre compte des données manquantes qu’il conviendrait d’acquérir, afin d’orienter le plus utilement les études et les mesures tendant à fournir des tables, des calculs, des formules indispensables pour de nouveaux progrès de la connaissance scientifique et des techniques de fabrications.
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- Le premier numéro d’UnanswerecL Questions, para en septembre dernier (1), contient les questions reçues à la suite d’une circulaire préliminaire. En voici divers exemples :
- U. Q. i. Existe-t-il une substance (hormonale ou autre) qui, appliquée à des tissus végétaux, provoque la formation de liège ou la subérisation dès parois cellulaires?
- U. Q. 2. Quelles sont les solubilités du gaz carbonique et de l’oxygène dans les huiles végétales et minérales ?
- U. Q. 3. L’ozone est-il stable dans l’air contenant de la vapeur d’eau ?
- U. Q. 4- Comment est-il possible d’éviter que le verre des échelles des instruments se dépolisse dans certaines conditions ?
- U. Q. 5. A-t-on fait quelque travail, depuis celui de Berlese, sur les Acariens de la famille des Tarsonémides ?
- U. Q. 6. A-t-on essayé de mesurer le gaz carbonique dégagé par une récolte ou par une communauté de plantes dans un champ (méthode et résultats) ?
- U. Q. 7. Y a-t-il un moyen satisfaisant de peser de très petits animaux entre 1 p, et x mg ?
- U. Q. 8. Quelqu’un a-t-il une expérience pratique de l’hygromètre à résistance électrique de Kôje décrit dans le Journal of Ecology, 1948 ?
- U. Q. 9. Y a-t-il un moyen d’extraire les spores de moisissures d’un carton pour connaître leur nombre ?
- U. Q. 11. Existe-t-il un moyen d’éliminer les petites taches et les fibrilles d’un fil de soie, communément appelées pouil-lerie ?
- U. Q. 12. Quelle est la meilleure méthode pour éviter la chute d’un arbre après la coupe ou la mort de scs racines ?
- U. Q. i3. Y a-t-il une machine complètement automatique, existant dans le commerce, pour écraser le relief autour des trous d’une perceuse ?
- U. Q. i5. Existe-t-il un métal léger usinable comme le duralumin, mais ayant le module de Young de l’acier ?
- • 1. Édité par le Department of Scientific and industrial Research, Intelligence I, 5-11, Regent Street, London, S. W. .1.
- U. Q. ig. Quelle est la solubilité de l’oxyde de carbone dans l’acide sulfurique à 5 pour 100, à 20° ou 25°?
- Le deuxième numéro paru en octobre dernier contient une nouvelle série de questions du même genre, par exemple ;
- U. Q. 10. Recherche d’une méthode pour mesurer dynamiquement la tension superficielle de fluides d’une viscosité de l’ordre de 5o à 100 poises ?
- U. Q. 20. Quelle est la chaleur spécifique d’une solution aqueuse de soude à i5 pour 100, à 895° C., sous 25o atmosphères ?
- U. Q. 25. Quel est l’effet de l’anhydride sulfureux sur les calcaires, spécialement oolithiques, entre i5° et 700° ? etc..
- *
- # #
- Déjà, certaines réponses ont été obtenues. Aux questions 2' et 19, une réponse partielle se trouve dans l’ouvrage de Seidell (3e édition) rassemblant les données sur les solubilités des composés inorganiques et organiques acquises avant 1939.
- La question 4 n’est pas neuve et trois brevets anglais existent sur ce sujet.
- Aux Acariens de la question 5, un fascicule du Technical Bulletin of the U. S. Department of Agriculture de 1989 est consacré.
- A la question 6 répondent plusieurs communications au Congrès international de botanique tenu à Stockholm l’été dernier.
- La question 9 trouve probablement solution dans un mémoire' de 1948 des Transactions of the British Mycological Society traitant de l’étude des champignons du sol, analysé en 1949, sans-qu’on puisse en inférer sûrement une application au carton.
- Les défauts de la soie dont il est question dans la question ir ont été traités dans le Journal of Textile Industry en ig5o.
- Dès maintenant, il semble apparaître que la plupart des questions posées se rapportent à des techniques et des mesures expérimentales. Elles donneraient à penser que les analyses qu’oir fait de celles-ci dans les recueils bibliographiques sont insuffisantes ou mal classées. Cependant, la Royal Society de Londres-vient de faire paraître une deuxième édition de l’ouvrage de-son Comtié consultatif des services d’analyses : A list of perio-dicals and bulletins containing abstracts published in Great Bri-tain, où i34 séries groupent les divers sujets qu’on retrouve-dans un index alphabétique.
- Les « Unanswered Questions » auront-elles une longue suite ?’ Susciteront-elles beaucoup de réponses et finiront-elles par devenir un moyen collectif d’information et d’aide entre tous les chercheurs ?
- En France, le Bulletin analytique du Centre natio?ial de la Recherche scientifique fournit un très grand nombre d’analyses-de publications, fort bien classées dans un grand nombre de-rubriques couvrant presque toutes les activités scientifiques et techniques. Mais on ne peut faire qu’il soit absolument complet,, qu’aucun périodique ne lui échappe et, plus encore, les analyses très brèves auxquelles il est astreint ne donnent pas toujours une idée suffisante du contenu de chaque publication.
- L’avenir montrera si l’idée anglaise des questions sans réponse-est viable et durable. Il restera ensuite à savoir si elle pourrait être acclimatée en France où l’individualisme est grand et la solidarité jugée lourde par beaucoup, surtout dès qu’on entre dans le domaine des sciences appliquées où la propriété industrielle tend à maintenir le silence et le secret. Yerra-t-on u» périodique français de questions attendant réponses ?
- A. B.
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- LA LUTTE CONTRE LE DÉRAPAGE
- Le redressement de l’industrie automobile française a eu pour conséquence — prévisible — un accroissement considérable du nombre des accidents de la route. C’est que la collision automobile, comme bien des choses en ce monde, obéit.au calcul de probabilités : exponentielle ou algébrique, la courbe monte en flèche, avec son cortège de pertes matérielles et de morts.
- On peut incriminer les conducteurs, souvent nerveux à notre époque, mais les causes purement matérielles sont suffisamment explicites. Des milliers de voitures nouvelles — Renault fabrique
- 43o « Quatre chevaux » par jour ! — très maniables et très rapides, lancées sur la chaussée en sandwich avec des voitures de catégories différentes et des camions de fort tonnage..., en vérité, il n’est point besoin d’invoquer la théorie cinétique des gaz pour prévoir une avalanche de collisions et de culbutes !
- Un dernier élément — capital — reste à examiner : c’est la route. Les statistiques révèlent ce fait paradoxal que de très nombreux accidents se produisent en ligne droite, sur route vide. Qu’est-ce à dire, sinon que la qualité de la chaussée s’est révélée insuffisante, au regard des possibilités mécaniques des voitures ? L’accident mortel dont fut victime récemment M. Pierre Boulanger, directeur des usines Citroën et co-directeur des établissements Michelin, est caractéristique : la route était droite, mais mouillée et bombée; il n’en fallut pas plus, à grande vitesse, pour qu’une embardée dégénérât en catastrophe.
- C’est ce problème de la route moderne que nous voudrions examiner aujourd’hui.
- La lutte avec le « rapide »
- Voici une automobile et un rapide qui fdent à ioo km à l’heure sur voies parallèles. Le spectacle est aujourd’hui normal : les voitures actuelles sont construites pour une vitesse de croisière de xoo à no km à l’heure et il n’y a aucune raison, quand la visibilité est satisfaisante, pour ne pas les utiliser à plein.
- Que de différences, cependant, entre ces deux engins rapides ! Côté locomotive, nous trouvons comme éléments de sécurité : la conicité des bandages, qui tend à ramener les essieux vers l’entre-rails, le mentonnet, ou « boudin » qui, malgré sa faible hauteur de 3 cm (fixée par la Conférence internationale de Berne), s’oppose de façon quasi-absolue au déraillement; un bogie directeur automatique avec des dispositifs de rappel; et n’oublions pas des suspensions très étudiées, comportant, pour les voitures à voyageurs, jusqu’à trois jeux de ressorts superposés, qui ont pour effet de maintenir rigoureusement les roues appliquées contre le rail, malgré les « débattements » de la caisse.
- Passons à l’automobile. Pour toute sécurité, nous trouvons ici 1’ « adhérence « des pneus avec la route..., adhérence bien précaire puisque, en cas de glissement, le coefficient de frottement, comme on sait, diminue brusquement ! Un début de pluie, des traces de terre ou la fatale betterave, un pneu insuffisamment gonflé, un « bombé » trop prononcé de la route, une suspension
- et des amortisseurs qui ne sont point irréprochables, un chargement dissymétrique, autant d’éléments que le chemin de fer ignore et qui suffisent à compromettre la « stabilité dynamique » du véhicule.
- La direction de la voiture, assurément, possède une certaine « chasse », c’est-à-dire que les axes de pivotement des roues avant sont légèrement inclinés comme l’axe d’un guidon de vélo. Il en résulte que la direction tend à se remettre en position droite, comme il est facile de s’en assurer en lâchant le volant à la sortie d’un virage : celui-ci revient spontanément au zéro. Dans une locomotive, ce redressement automatique existe aussi pour le bogie directeur, qui tend’à se replacer automatiquement dans l’axe de la machine; or, celle-ci, reposant sur ses roues motrices et ses roues arrière, se trouve nécessairement dans l’axe de la voie. Il y a donc là un élément indiscutable de sécurité.
- Pour l’automobile, il n’en est pas de même. Si, pour une raison quelconque, la voiture se met légèrement en oblique sur la route, la direction tendra à se.redresser par rapport à la voiture, c’est-à-dire qu’elle se mettra elle-même en biais par rapport à la route; ainsi s’amorcera un tête-à-queue, avec toutes ses conséquences (fîg. i).
- Problèmes de virages
- Quand une locomotive aborde une courbe, le mécanicien, sauf cas .exceptionnels, ne ralentit pas; il se fie aux raccordements paraboliques qui conduisent progressivement le train en courbe, ainsi qu’aux devers, autrement dit à l’inclinaison transversale de la voie, qui s’oppose dans une large mesure à la force centrifuge.
- L’automobiliste, lui aussi, ralentit à peine, l’excellente tenue de route des voitures modernes lui permettant — en principe — de prendre des virages à grande allure, ce qui relève fortement les moyennes. Et cependant, les éléments de sécurité sont bien moindres : le dévers du virage — appelé ici « relèvement » —-laisse subsister d’énormes forces centrifuges (fîg. 2); l’adhérence des pneus n’est garantie que jusqu’à une certaine limite qui, nécessairement, est mal connue du conducteur. Quant aux raccordements paraboliques, autrement dit aux entrées et sorties de virages, elles sont beaucoup moins parfaites sur la route, d’abord parce qu’on ne peut demander aux ingénieurs routiers de travailler au millimètre; en outre, des expériences psychotechniques remarquables ont prouvé qu’un conducteur ne tourne jamais son volant d’un mouvement uniforme pendant plus de deux secondes. Les conducteurs rapides procèdent par ajustements successifs, en « sciant », manœuvre du reste recommandable en ce sens qu’elle évite les effets de « points durs » dans le mécanisme de la direction.
- En cas d’imprévu, le conducteur, qui ne possède pas la perfection inflexible du rail, est justiciable de ses réflexes.
- Ceux-ci ne peuvent intervenir de façon efficace qu’au bout d’un intervalle minimum de l’ordre de la demi-seconde : à 100 km à l’heure, ceci représente un parcours de i4 m. Il suffît donc qu’une déviation instable
- s’amorce sur ce parcours tance tangentielle au glissement.
- Axe de là, route
- Axe de ta.voiture
- Fig. 1. — Marche « en crabe ».
- Les roues arrière s’en vont au fossé. Le conducteur braque légèrement pour se maintenir sur la route, la voiture marche ainsi indéfiniment en position
- Fig. 2. — Forces qui s’exercent sur une voiture dans un virage sur chaussée bombée.
- P, composante verticale de la réaction normale de la chaussée, équilibrant le poids de la voiture ; D, composante de dérapage ; F, force centrifuge, appliquée au centre de gravité G ; K, résis-
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- Fig. 3, 4 et 5. — 3. En haut, à gauche : Pulvérisation par rampe, suivie d’un gravillonnage à la pelle, utilisée pour les petites surfaces, dans les artères urbaines, — 4. En haut, à droite : Gravillonnage au camion, pour le garnissage rapide de surfaces étendues de routes. Le camion recule, après avoir ouvert légèrement l’arrière de sa benne pour répandre régulièrement le gravillon. — 5. Ci-contre : Répandeuse de gravillon avec chargeur par chaîne à godets.
- d’une façon irrémédiable pour que, humainement, le conducteur ne puisse réagir à temps.
- Ainsi la sécurité routière dépend de deux séries distinctes de données, qui doivent être conçues de façon cohérente : aux qualités mécaniques de la voiture, strictement adaptées à la psycho-physiologie des conducteurs, doivent répondre les qualités de la route elle-même : adhérence du revêtement,- régularité millimétrique du sol, faible bombement, tracé rationnel des virages et de leurs raccordements.
- « Revêtement » et dérapage
- Jusqu’à 1914, presque toutes les routes étaient constituées par des pierres que réunissait — imparfaitement — du sable ou un peu de terre argileuse. C’était le fâcheux macadam, qui donnait une poussière abondante et se dégradait en quelques mois.
- C’est au Dr Guglielminetti que revient l’initiative des goudronnages. L’objet de ces goudronnages était de faire disparaître la boue et la poussière; mais l’on s’aperçut bientôt que le sol de la chaussée acquérait une cohésion très supérieure et que son... hydrophobie lui permettait de résister aux infiltrations d’eau qui, le plus souvent, sont à l’origine des dégradations. Moins perméable, la chaussée ne nécessitait plus quju.n faible bombement pour l’écoulement des eaux de pluie, ce qui améliorait grandement la sécurité.
- Un peu plus tard, on utilisa le bitume, qui est un produit fort différent. Tandis que le goudron est un résidu de la distillation de la houille, donc un produit « charbonnier », le bitume est un produit « pétrolier », résidu de distillation du pétrole naturel. Tous deux possèdent leurs partisans et continueront sans doute à être utilisés concurremment pendant longtemps. Goudron et bitume peuvent être répandus sur la chaussée suivant trois procédés. On peut les répandi'e à chaud, les émulsionner avec de l’eau ou les liquéfier par mélange avec certaines huiles, ce qui permet de les projeter à l’aide de pulvéïdsateürs à pression ou de disperseurs centrifuges (fig. 3).
- On en fait le répandage à intervalles de deux à cinq ans, suivant la nature du sol et la consistance du trafic. La dose est de i kilogramme environ par mètre carré de chaussée ; cet enduit encore fluide est recouvert d’une couche de « grenaille », autrement dit de petites pierres anguleuses formant un tapis antidérapant.
- Les dimensions de ces grenailles varient de 3 ou 4 mm jusqu’à 3 cm, suivant les préférences personnelles des ingénieurs (fig. 4 et 5).
- Le gros pavage ën pierres, dérivé des dalles romaines, est pratiquement éternel, comme le prouve l’exemple des différents « pavés du Roi »; mais il est coûteux, et se « cabosse ». Le petit pavage en arcs de cercle paraît plus résistant à ce point de vue; le pavage en bois est insonore, agréable au roulement par temps sec, mais coûteux et, de plus, très glissant par temps humide; le pavage mosaïque, en petits pavés, est d’un prix plus abordable, mais moins silencieux au roulement; les asphaltes, comprimées ou coulées, sont meurtrières par temps humide, aussi les emploie-t-on généralement avec revêtement antidérapant; le béton de ciment est apprécié des automobilistes et son prix est relativement peu élevé; les bétons et macadams bitumineux ont des qualités analogues, mais usent davantage les pneus.
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- La « glissance ».
- Pour un conducteur, la qualité primordiale d’un revêtement routier est cette rugosité spéciale à laquelle le langage commun donne le nom incorrect d'adhérence et qui s’oppose efficacement au dérapage. Les spécialistes préfèrent introduire ici une gram deur inverse, la glissance, qui peut être chiffrée à l’aide d’instruments; plus la glissance est élevée, moins l’adhérence est bonne et plus le danger augmente.
- Les phénomènes de frottement ont été très étudiés par les physiciens et les ingénieurs, dans le cas particulier où les deux
- corps en contact sont des solides; tel n’est pas le cas pour un pneu qui roule sur la chaussée. Le pneu diffère des solides usuels par deux caractères propres : sa déformabilité élastique et sa pression intérieure sensiblement constante. La pression de contact avec la chaussée — régulière ou irrégulière — est par suite beaucoup plus uniforme que lors du contact de deux corps solides, qui ne se touchent que par quelques points ou par des .aires réduites; tel est le cas pour les roues de charrettes, à bandages ferrés. La pression, en ces points, est généralement suffisante pour chasser l’eau ou la boue interposées, tandis que le pneumatique ne peut généralement chasser ce « film liquide », qui diminue dangereusement le frottement.
- Une amélioration incontestable a été apportée dans ce domaine avec les pneus à lamelles élastiques, ou par certaines formes des « sculptures », qui se couchent sous l’effort, raclant à la manière d’une gomme le film liquide et faisant apparaître des points secs où le caoutchouc peut s’accrocher (fig. C).
- Une route hérissée de nombreux gravillons est souvent plus dérapante qu’une roule d’aspect plus lisse, mais dont la surface, examinée à la loupe, révèle des milliards d’aspérités droites et aiguës de l’ordre du dixième de millimètre. Il semble que ce soit dans cè domaine « semi-microscopique » que se produise Ven-grènement entre la route et le pneu qui fournit, en définitive, une bonne adhérence. Cette propriété de « hérissement » de la chaussée a reçu le nom expressif de râposité. Il est inutile d’ajouter que la contexture de la gomme du pneu doit être en rapport avec cet engrènement; on ajoute au caoutchouc, pour lui don-
- Zône limite
- Plage de pression , totale
- Fig. 6. :— Contact d’un pneu avec le sol.
- La plage centrale de pression totale est entourée d’une zone à pression d’appui décroissante, dù fait de la rigidité de l’enveloppe.
- ner du corps, des grains de matière inerte, la « charge », dont les dimensions sont également voisines du dixième de millimètre.
- Un intégromètre géant!
- Mesurer expérimentalement le coefficient de frottement desrevêtements routiers nécessite un appareillage spécial, qui a donné lieu à de nombreux travaux, en France et à l’étranger.
- Le coefficient de frottement, notion classique en mécanique rationnelle, n’est autre que le rapport de la force de traction, nécessaire pour faire glisser un objet, au poids total supporté par la surface de contact. S’il faut exercer un effort de 5oo kg-pour faire glisser transversalement, sur une chaussée, un pneu chargé de i ooo kg, on dira que le coefficient de frottement, pneu-chaussée est de o,5.
- Ces mesures peuvent être exécutées rapidement au moyen, d’une roue oblique, remorquée derrière un camion (fig. 7). Du fait de sa position oblique, la roue suit le camion en dérapant continuellement; l’effort qu’elle exerce pour se redresser est enregistré par un dynamomètre et permet de calculer très simplement le coefficient de frottement en chaque point du parcours (fig. 8 et 9).
- Un rapprochement curieux frappera ici les mathématiciens : ce principe de la « roulette oblique » est appliqué dans un gi’and nombre d’intégrateurs.
- La roulette fournit en effet directement, sur un tambour gradué, l’intégrale j cos a.dx, ce qui prouve que la dynamique et la cinématique ont parfois des points de contact inattendus !
- Danger des routes obliques.
- Louable dans un instrument de technique routière, la position oblique des roues devient catastrophique dans le cas d’un véhicule circulant à grande vitesse, comme nous allons le voir maintenant.
- Examinons une roue d’automobile chargée, reposant sur la chaussée. A l’intérieur de la plage de contact, de forme sensiblement ovale, le pneu est devenu plan, alors qu’il demeure courbe sur le reste du pourtour de la roue. Si l’on fait abstrac-
- Véhicule
- Ressort
- Roue
- oblique
- Fig. 7. — Principe dvc
- « stradographe ».
- La roue oblique, traînant sur la chaussée, tend à se redresser ; un ressort dynamométrique mesure l’effort, permettant de calculer le coefficient de glissement.
- Fig. 8. — Le « stradographe » à roue oblique permet de mesurer de façon continue le coefficient de frottement des revêtements routiers,
- ’ (Photographie Reddon et Gratzmuller) .
- Fig. 9. — Le stradographe attelé derrière fourgon-tracteur (Société La Route).
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- tion de la « raideur » des toiles et des gommes, la pression d’appui sur le sol, dans toute Faire de contact, est égale à la « pression de gonflage » du pneu.
- Si cette rigidité était nulle, c’est-à-dire si l’ensemble formé par le caoutchouc et les toiles était parfaitement souple, la transition du plat à l’arrondi se ferait exactement sur la ligne limitant la plage-de contact; en réalité, dans cette zone frontière, la pression d’appui sur le sol est plus faible qu’au centre.
- Supposons que nous appliquions maintenant à la roue un effort transversal croissant, en vue de la faire déraper. Le pneu commence par se déformer en se « déroulant » sur le sol; bien avant qu’il ait cédé d’un bloc par dérapage, des crissements révélateurs nous avertissent que le tour de la plage de contact, moins fortement appliqué contre le sol, commence déjà à glisser. Nous avons tous entendu ce bruit violent produit par les pneus dans un virage pris un peu vite, alors que la trace des pneus sur le sol ne révélera aucun dérapage véritable.
- Sur une route bombée, ces phénomènes peuvent dégénérer en une allure vicieuse de la voiture, expressivement dénommée la « marche en crabe ». Les pneus, soumis à un effort transversal anormal, qui sollicite la voiture vers le bas-côté de la route, sont forcés de céder légèrement, mais de façon permanente, si bien que la voiture finirait par aller au fossé tout en ayant ses roues parallèles à l’axe de la route ! Pour se maintenir sur la chaussée, le conducteur est obligé de braquer légèrement sa direction, sans même s’en rendre compte, les volants actuels ne portant aucun « repère de zéro ».
- La voiture se trouve alors dans une position paradoxale, qui peut être facilement constatée par d’autres conducteurs roulant derrière elle : l’arrière se trouve plus près du fossé que l’avant et les pneus arrière roulent continuellement par le travers. Il suffit, dans ces conditions, que la voiture aborde un virage dans de mauvaises conditions pour que le dérapage s’amorce avec une extrême brutalité.
- •• -:= 121 .....................................
- Que faire en cas de dérapage?
- Le dérapage peut être exclusivement transversal quand la voiture, roulant débrayée au point mort, se trouve soumise à un effort transversal qui excède la résistance des pneus au glissement. Il peut être exclusivement longitudinal quand, lors du blocage d’une ou de plusieurs roues, ces dernières fonctionnent comme des patins et laissent sur le sol une trace continue dans-leur plan. Il va sans dire que, dans la réalité, les deux types de dérapage se combinent, avec deS conséquences plus ou moins-graves suivant les obstacles que la voiture désemparée peut rencontrer dans sa course.
- Un cas relativement fréquent, lors d’un coup de frein énergique — ou, avec certaines voitures, lorsqu’on relève brutalement le pied de la pédale d’accélérateur — est le blocage complet des deux roues avant ou des deux roues arrière. Le blocage des roues avant prive la voiture de sa direction : la voiture continue généralement sa course en ligne droite, sans pivoter sur elle-même. Le blocage des roues arrière, rendant l’arrière de la voiture complètement libre, amorce au contraire un tête à queue violent, que le conducteur, trop souvent, ne réussit pas à enrayer.... Le grand Baudry de Saunier, à qui il faut toujours en revenir en matière d’automobile, conseillait de s’échapper de cette « vrille » mortelle, non à l’aide du frein, dont il ne faut jamais se servir en pareil cas, mais en cessant de freiner les-roues arrière, puis à l’aide du volant et de l’accélérateur.
- Si perfectionnée que soit la route, elle ne procure évidemment pas à elle seule une sécurité totale : les hommes et les machines doivent être également « au point ». Des brigades volantes de vérificateurs de freins et de phares avaient été créées avant la guerre : pourquoi ne pas les ressusciter ?
- Pierre Devaux.
- Le lithium
- G 'est le plus léger de tous les métaux; sa densité, o,546, est sensiblement la moitié de celle de l’eau.
- Il a été subitement mis en vedette en juillet ig5o, quand une publication du Joint Committee on Atomic Energy a révélé ce fait que si deux atomes légers fusionnent et produisent un atome plus lourd, le phénomène libère une énorme quantité d’énergie. Ce phénomène de « fusion » s’oppose à celui de « fission » mis en œuvre dans les premières bombes atomiques.
- Sans entrer dans des détails sur le rôle de la « fusion » dans les nouvelles bombes atomiques à hydrogène, actuellement à l’étude, on peut signaler que les « piles » atomiques telles que celles de Hanford qui convertissaient l’uranium en plutonium peuvent également, si on soumet du lithium à l’action des neutrons qu’elles libèrent, le transformer en hélium 4 et tritium ou hydrogène extra-lourd, élément artificiel qui n’existe pas dans la nature. La séparation de ces deux derniers éléments est simple.
- Le tritium est un élément envisagé pour la nouvelle bombe H en vue de la mise en œuvre de la réaction du tritium sur lui-même avec formation d’hélium, de deux neutrons et libération d’énergie; également de la réaction tritium-deuterium formant hélium, un neutron et libération d’énergie.
- La firme américaine Dupont de Nemours et C1® construit en Caroline du Sud, pour le compte de F Atomic Energy Commission, une usine de 260 millions de dollars pour le traitement du lithium et la préparation du tritium.
- Les minerais de lithium sont assez abondants pour qu’ils ne fassent pas l’objet d’un rush comme celui qui s’est manifesté sur' les éléments radio-actifs naturels : l’uranium et le thorium.
- Le lithium a déjà d’autres utilisations industrielles : il est employé comme désoxydant en sidérurgie et sous forme de vapeurs dans les fours de traitement thermique des métauxdont il prévient l’oxydation. Les bromure et chlorure de lithium sont employés dans les appareils de conditionnement d’air. D’autres-dérivés du lithium sont utilisés dans les flux de soudure, dan& les graisses stables à basse température, des verres spéciaux, etc. Enfin, l’emploi d’un réactif récemment découvert par Schlesin-ger, l’hydrure double d’aluminium et de lithium, conduit à. l’obtention, en chimie organique, de réactions souvent identiques, parfois différentes de celles réalisées avec les organo-magnésiens auxquels est attaché le nom de Grignard.
- L. P.
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- « Gratte-ciel » pour abeilles
- Le premier rucher à deux étages, avec des hausses réellement pratiques, fut décrit et figuré par Palteau, en 1756, dans son ouvrage : Nouvelle construction des ruches en bois. Plus fard, le baron August von Berlepsch (1816-1877) améliora la ruche de Johann Dzierzon, en remplaçant la barrette triangulaire par un cadre mobile. La « maison d’abeilles » qui porte son nom ressemble à une petite armoire s’ouvrant par derrière; elle, comprenait trois étages superposés de dix cadres disposés parallèlement à l’entrée. Cet agencement force l’apiculteur à retirer tous les cadres d’une rangée pour examiner le premier. Afin de remédier audit défaut, la « Berlepsch », assez répandue aujourd’hui en Allemagne et en Suisse, n’a plus que deux étages, l’un servant de nid à couvain et l’autre se composant de dix demi-cadres sur lesquels se récolte le miel.
- On rencontre encore, à l’heure actuelle, dans certains pays, des ruchers à plusieurs étages. Ainsi, à Sébastiyé (ancienne Samarie) (fig. 1) et dans d’autrès villages de Palestine, se dressent d’originaux apiers hauts d’environ deux mètres, d’une archaïque facture, qui remonte sans doute aux temps bibliques et qui voisinent avec des huttes également bâties en pisé d’une façon primitive. De gros trous, percés à différentes hau-
- Fig. 1. — Une ruche primitive à trois étages, de 2 m de haut, au milieu du village de Sébastiyé (Palestine).
- teurs, permettent aux butineuses d’entrer et de sortir. A l’intérieur, des traverses en bois reçoivent le pollen que les abeilles rapportent.
- On cite égaleemnt à Bee-Rock, en Californie, un rocher de 4o m de haut troué de nombreuses crevasses regorgeant de miel et où habitent une multitude d’abeilles. L’apier du Dr Guilmeth, logé dans un eucalyptus géant d’une forêt australienne, abrite aussi d’importantes colonies d’abeilles noires qui sortent de leur abri arrondi en dôme à 120 m de hauteur.
- Voici maintenant, qu’après quinze ans d’observations poursuivies à la Trappe des Dombes, de Marlieux (Ain), le R. P. Du-gat a inventé et mis au point une nouvelle ruche gratte-ciel à plusieurs reines isolées qu’il a décrite dans une brochure publiée en 1946 et un apiculteur marseillais vient de réaliser son •originale conception (fig. 2).
- Cette ruche a l’aspect d’une tour quadrangulaire formée par la supeiposition de cadres; chacun de ses étages a ses trous de sortie et forme une communauté ayant sa reine; les grilles des planchers permettent la circulation verticale des ouvrières tout «en isolant les reines.
- Les éléments de chaque étage sont mobiles et interchangea-
- . blés. La tour peut être élevée jusqu’à 2 à 3 m et installée de diverses façons.
- D’après l’expérience du R. P. Dugat, le rendement augmente avec le nombre des ruches empilées gardant chacune leur reine. Ainsi, trois ruches montées en « gratte-ciel » fourniraient environ six fois plus de miel que trois autres identiques mais séparées. En outre, l’essaimage n’est plus à craindre si l’on donne à la population de ces « nouvelles casernes » assez d’espace pour vivre et se développer.
- * *
- Un intéressant congrès des exploitants de ces ruches nouvelles s’est tenu en octobre iq5o à la Trappe des Dombes de Marlieux. Une centaine d’apiculteurs connus s’y rencontrèrent. Certains s’en déclarèrent satisfaits. M. Schleiter, propriétaire d’un important apier au Transvaal et qui ignorait la nouvelle méthode, envoya un mémoire dans lequel il décrivait le travail régulier, dans la même grappe, de plusieurs reines séparées par des grilles aux divers étages d’un rucher vertical.
- Par contre, d’autres spécialistes ont conclu « qu’on perd en abeilles ce qu’on gagne en miel ». Enfin, la construction d’un « gratte-ciel apicole » de 6 à 7 étages revient aujourd’hui en France à 3o 000 francs environ et sa surveillance exige le concours de plusieurs personnes. Ce procédé d’élevage ne semble donc pas recommandable aux propriétaires de quelques ruches et doit être plutôt considéré comme un moyen d’apiculture industrielle.
- Jacques Boyer.
- Fig. 2. — Ruche « gratte-ciel », à 7 étages, installée en Ï9S0 à Marseille.
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- A PROPOS DU TRANSPORT DES VINS
- T ’ARTICLE de M. J. Bally, paru dans le n°,3189 de janvier 1951, p. 20, a suscité deux lettres, l’une du directeur du Service com-J* mercial de la S.N.C.F.,. l’autre de M. Miraillet, président clu Groupement des exploitants de wagons-réservoirs et de containers-citernes, toutes deux précisant la part de la voie de fer dans le transport des vins. Nous croyons utile de les publier, en complément de l’étude de M. Bally, puisqu’elles touchent à l’un des multiples aspects de la concurrence actuelle entre le rail et la route.
- M. le Directeur du Service commercial de la Société nationale .des chemins de fer français écrit :
- « Le mimerj de janvier 1951 de La Nature contient un article relatif au transport des vins' qui laisse penser au lecteur non averti que la technique du transport en citernes métalliques à été .mise au point par les transporteurs routiers et, malgré un court passage sur le rôle du chemin de fer, que la presque totalité du vin est acheminée par route. Cette impression n’étant pas conforme à la réalité, je crois devoir vous adresser sur ce sujet les .indications ci-après.
- « 11 existait des wagons-citernes métalliques qui transportaient du vin bien avant que le premier camion circulât sur nos routes et si la route assure actuellement une bonne part des transports
- Fig. 1. -— Un train de wagons-réservoirs dans une gare de pays vignoble.
- (Photo Fenino).
- à courte- et moyenne distances, elle est bien loin d’en assurer autant que le chemin de fer ; son rôle se borne à peu de chose •dans l’exécution des transports massifs à grande distance (Midi sur la région parisienne et sur la partie septentrionale du pays •en particulier).
- « Il n’est pour s’en convaincre que d’examiner ce qui se passe à Bercy, à la Halle aux Vins, que de regarder passer les trains non pas uniquement entre Pierrelatte et Valence sur la ligne longée par la « route du vin », mais entre Nîmes et Lyon sur la ligne de la rive droite du Rhône. On y constate que le spectacle est aussi et surtout sur la voie ferrée où l’on voit passer de nombreux wagons-çiternes, souvent par trains complets.
- « C’est avant 1880 que les premiers wagons-citernes métalliques furent construits ; le revêtement intérieur était constitué par une •couche d’étain. Au cours des années qui ont immédiatement suivi la guerre de 1914-1918 on a assisté à un nouvel essor de cette construction ; les parois intérieures des citernes étaient vitrifiées. Enfin, peu après 1930, une nouvelle technique de revêtement (utilisation de résines synthétiques) fut mise au point..
- « L’utilisation de citernes métalliques, la technique du revêtement intérieur ont été mises au point sur le fer et la route, qui n’a fait que suivre avec plusieurs années de retard, a profité de toutes les études faites à l’occasion des transports par fer.
- « En ce qui concerne le transport proprement dit, il ne s’agit
- pas de contester les commodités qu’offre le camion, mais le fer en présente d’équivalentes et même de supérieures dans de nombreux 'cas.
- « Au point de vue des délais de trasport, il est absolument faux de prétendre que le fer est trop lent pour permettre une bonne conservation du vin. Je n’en veux pour preuve que le fait que nous assurons précisément la grande majorité des transports à grande distance. Nos délais, raisonnables dans tous les cas, sont particulièrement réduits dans le cas des transports massifs effectués par trains complets ou par transports groupés, techniques qui permettent, par ailleurs, une importante réduction des frais de transport.
- a Au point de vue des opérations en gare, on ne transvase plus le vin de fûts à citernes ni de citernes à fûts. Dans les cas où le transvasement en gare est obligatoire, il s'effectue de camions-citernes à wagons-citernes et inversement au moyen de motopompes, rapidement, économiquement et sans perte. Tout gros négociant doit, en effet, utiliser des camions-citernes pour les transports de ramassage et de distribution, tout comme un industriel doit utiliser des véhicules routiers pour ses transports de camionnage, et l’intervention de ces camions-citernes au cours des opérations terminales du transport par fer ne constitue pas une lourde charge. A défaut de mieux, et nous verrons qu’il y a mieux, cette solution du transvasement en gare permet encore de profiter clu bas prix du fer sur le trajet principal.
- « Mais ce procédé est maintenant dépassé par des techniques qui évitent' tout transvasement intermédiaire et même pour certaines, tout transport terminal quel qu'il soit.
- « Les containers-citernes passent très facilement des plates-formes des wagons sur celles des camions.
- « Les remorques-citernes rail-route sont encore plus commodes pour les parcours de ramassage et de distribution et d’une manœuvre très aisée, puisqu’il n’est besoin d’aucun appareil de levage.
- « Enfin, il y a de plus en plus d’entrepôts raccordés au fer, soit par rails, ce qui permet les transvasements directs de wagons-citernes en chais e-t la réception de trains complets (tarifs réduits), soit par pipe-line reliant le poste de dépotage en gare à l'entrepôt du négociant.
- Fig. 2. — Wagon à containers amovibles pour le transport du vin-
- (Photo Fenino)
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- « C’est en particulier sur embranchements et souvent par trains complets que la majeure partie du vin du Midi arrive à Paris1.
- (( Enfin, à ces avantages techniques, s’en ajoutent d’autres inhérents au transport par fer, la régularité et la sécurité commerciale. Les négociants en vins savent que le chemin de fer est un transporteur solvable et que, dans leur cas particulier, les litiges qui peuvent naître du transport sont réglés rapidement et sans formalité de leur part, en vertu d’un accord conclu entre la S.N.C.F. et le Groupement des exploitants de wagons-réservoirs. »
- M, le Président du Groupement des exploitants de wagons-réservoirs et des containers-citernes abonde dans le même sens et précise différents points.
- « Sous ce titre très général : le transport des vins, l’article admet que pour les grandes distances la voie ferrée joue encore son rôle et que le container acheminé par fer réalise la livraison a porte à porte » ; il fait également mention de la circulation sur les voies navigables, mais il est consacré à peu près uniquement aux transports par route en camions-citernes et pourrait ainsi donner à penser que ces derniers constituent à l’heure actuelle presque le seul et le plus intéressant mode d’acheminement des transports terrestres de vin en vrac.
- « L’objectivité bien connue de votre Revue, son souci de l’in-
- Fig. 3. — Transvasement du vin d’un wagon-réservoir dans un camion-citerne.
- (Photo Fenino).
- formation sincère nous donnent l’assurance que vous voudrez bien, en portant à leur connaissance les quelques précisions et compléments qui suivent, rétablir aux yeux de vos lecteurs l’aspect général et exact de la situation. Ce faisant, vous restituerez la place qui leur revient légitimement à. l’activité d’une profession dont notre Groupement des exploitants de wagons-réservoirs et de containers-citernes est un des organismes les plus représentatifs et, par là-même,' au rôle aujourd’hui encore très important du chèmin de fer dans le transport des vins en vrac.
- « Il n’est pas hors de propos de souligner que notre groupement représente un parc de plus de 10 000 wagons-réservoirs particuliers ç1) appartenant à 200 loueurs professionnels et à 483 négociants en vins, propriétaires de wagons, cés derniers en possédant 2 200 (ce qui montre bien l’importance que le commerce lui-même attache aux transports par fer), ainsi que 8 700 containers-citernes particuliers appartenant à 800 propriétaires.
- « En ce qui concerne l’emploi du bois comme contenant, il est loin d’avoir disparu et d’être uniquement réservé à la « fonction conservatrice en cave ». Il existe aujourd’hui encore, en effet, de nombreux wagons-foudres en bois, plus de fi fiOO, d’une contenance non pas limitée « à plusieurs dizaines d’hectolitres » mais d’un volume allant de 80 à 150 hl. Du reste, certains vins de la
- 1. L’effectif du parc est assez flottant, du fait des destructions et des constructions effectuées en permanence et aussi du sort incertain de plusieurs centaines de wagons non encore rentrés de l’étranger.
- région de Bordeaux, par exemple, divers vins apéritifs, etc... requièrent pour leur transport des wagons en bois.
- « Il n’en est pas moins vrai que la nécessité d’adapter le matériel aux conditions des transports modernes et de réduire le plus possible les frais de son entretien ainsi que la durée de ses immobilisations pour réparation, ont orienté les propriétaires de matériel vers la construction de citernes métalliques. Mais cetie orientation intéressait tout autant le wagon que le camion ; en particulier, l’accélération de la vitesse des trains de marchandises, l’application du frein continu, etc., n’ont pu qu’inciter à la modernisation des wagons-réservoirs.
- « On ne peut donc se borner à admettre que « la voie ferrée a également évolué dans le sens de-s citernes métalliques ; on doit à la vérité de reconnaître que les citernes métalliques ont été conçues, construites et utilisées sur le wagon bien avant de l’être-sur le camion. Les premiers wagons-citernes à vin datent en effet de 1878 ; le rythme de leur construction s’est d’ailleurs accéléré depuis plusieurs années à la suite des destructions par faits de-guerre, et le parc des wagons-réservoirs français compte aujourd’hui, en sus des fi fiOO wagons-foudres dont il a été parlé plus-haut, plus de fi -150 wagons-citernes métalliques servant au transport du vin, et d’une contenance moyenne supérieure à celle des camions-citernes puisqu’elle s’étage entre 150 et 220 hl.
- « L’article dont nous parlons souligne très justement que le camion-citerne permet d’assurer commodément le transport du vin de porte à porte « sans le double transvasement nécessité par le transport par voie ferrée, avec les pertes inévitables qui en résultent » : ainsi présentée, cette assertion ne correspond pas à la réalité ; ces avantages sont en effet également offerts par le wagon-réservoir toutes les fois — et le cas est fréquent — où l’expéditeur et le destinataire possèdent un embranchement particulier. S’il n’én est pas ainsi, le chemin de fer — l’article le mentionne du reste — peut encore dispenser les mêmes avantages par le moyen des containers-citernes.
- tt Parle-t-on, et la chose est capitale, du prix de revient du transport ? Il faut alors reconnaître que, même aux moyennes-distances, même en y comprenant l'a double manutention subie par les envois lorsqu’ils ne sont pas expédiés et reçus sur embranchement particulier, même compte tenu des frais de location du matériel, le coût du transport par voie ferrée en wagons-réservoirs est très fréquemment inférieur à celui du transport par camion-citerne. L’avantage est à peu près certain lorsque les envois sont acheminés par « trains complets » ou en « transports groupés », mode d’expédition qui se développe de jour en jour.
- « Quant à la rapidité, le chemin de fer a fait des progrès indéniables et abrégé les durées d’acheminement, qui sont d’autant plus intéressantes que la distance va croissant. Notamment les expéditions, par « trains complets » ou en « transports groupés », exempts des arrêts dans les triages du parcours, chargés par exemple à Sète durant la journée du lundi en un envoi de 800 t (8 000 hl) à la fois, parviennent à Paris le mercredi matin à 7 h 45. Il est à noter que la voie ferrée est pratiquement seule capable de réaliser par voie de terre de tels transports massifs, en particulier jusqu’au déchargement des tankers dans les ports, qui nécessite l’emploi de rames complètes de wagons-réservoirs.
- « Enfin les transports par voie ferrée, aussi bien en wagons-réservoirs qu’en containers-citernes, -se font dans des conditions tout particulièrement intéressantes, sous le rapport de la sécurité et de la commodité. En effet, l’assurance collective souscrite par notre groupement pour ceux de ses membres qui y adhèrent et l’accord qu’il a passé avec la S.N.C.F. pour le règlement d'office et rapide des manquants constatés à l’arrivée — manquants qui peuvent se produire dans tout mode de transport — font que -le destinataire est remboursé de la valeur de t’en moins (majorée de 15 pour 100 pour bénéfice espéré et du prorata des frais de transport de cet en moins) quelle que soit la cause du manquant, et cela dans les 10 jours, d’office, sans avoir à présenter aucune réserve, sans formalités, ni démarches, ni expertises„ Ce® avanta-
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- ges considérables expliquent la faveur toute spéciale avec laquelle ce régime a été accueilli tant par le commerce des vins que par les propriétaires de matériel, ainsi débarrassés de tous les soucis et des dépenses de temps et d’argent que leur imposaient autrefois ces sortes de litiges.
- (t Concluons : l’importance du trafic des vins en vrac par voie ferrée est encore considérable. Au reste, le spectacle des gares de
- Paris, pour ne citer que celles-là, celui des entrepôts de Bercy, celui de la Halle aux Vins, celui des embranchements particuliers des grandes sociétés distributrices de vin, toutes installations où l’an voit affluer journellement soit des wagons isolés, soit des rames de quelques wagons, soit des trains complets de 4o à 50 wagons-réservoirs chargés, suffirait à démontrer la vitalité du transport des vins en vrac par chemin de fer. »
- NOUVEAUX DISQUES PHONOGRAPHIQUES A MICROSILLONS
- Depuis plusieurs années aux États-Unis et en Grande-Bretagne, depuis quelques mois en France sont apparus sur le marché de nouveaux disques de phonographe dits « à microsillons ». Pour l’auditeur de musique enregistrée, cette nouveauté est d’un grand intérêt; elle lui permet de jouir de l’audition d’un concerto ou d’une symphonie, voire d’un opéra tout entier, sans interruptions fréquentes à chaque changement de disque. De plus, l’encombrement de la discothèque se trouve extrêmement réduit, la nouvelle matière utilisée pour la confection de ces disques les rend incassables et elle diminue beaucoup le « bruit d’aiguille ».
- Fabrication des disques. — Pendant longtemps, les techniques d’enregistrement des sons sont restées sans grands changements. Les vibrations acoustiques sont recueillies par un microphone qui les transforme en vibrations électriques, un amplificateur augmente la puissance de ces vibrations. Au lieu de commander la bobine mobile d’un haut parleur, comme le ferait l’amplificateur d’un poste de radio, il commande un stylet graveur qui décrit une spirale sur un disque plastique de cire ou de laque tournant sur un plateau. La pointe du stylet oscille de part et d’autre du sillon qu’elle grave selon les variations de la tension électrique dans le microphone, c’est-à-dire en inscrivant les vibrations acoustiques initiales.
- Dans le'cas d’une gravure sur cire, on dépose sur la face enregistrée une dorure en couche extrêmement mince ; dans le cas de la laque (vernis déposé sur un disque d’aluminium), on la recouvre d’une couche d’argent par réduction de cyanure d’argent. Sur ces surfaces rendues conductrices, on Opère une galvanoplastie qui fournit un moule inversé où les gravures viennent en relief. Une nouvelle galvanoplastie donne un disque « mère », puis une troisième un disque qui sert de matrice de pressage. Ce dernier disque monté sur une presse sert à imprimer les disques du commerce, faits d’une matière composée de gomme laque, chargée par une poudre du kaolin et du sulfate de baryum par exemple.
- Les disques ainsi obtenus donnent une reproduction sonore convenable quand ils tournent à 78 tours pasr minute. On s’en contenta longtemps et leur commerce resta prospère jusqu’à ces dernières années — malgré la radio — mais l’apparition sur le marché des magnétophones créa une concurrence dangereuse. En effet, ceux-ci permettent d’enregistrer de longs concerts sur une bande continue, sans interruptions; ils reproduisent sans déformations les sons jusqu’à 10 000 c/s, rendant mieux que les disques les sons aigus et surtout les « attaques ».
- Les disques à microsillons. — Les fabricants de disques y ont répondu en mettant à l’étude au laboratoire les disques à microsillons. Ceux-ci permettent une plus longue durée d’enregistrement : ils tournent lentement et présentent des sillons beaucoup plus fins et beaucoup plus rapprochés. Deux sociétés américaines, « Columbia » et « R. C. A. Victor » ont travaillé « en parallèle » sur deux procédés distincts et ont
- abouti, à peu près simultanément, à proposer au public, l’une, des disques de taille habituelle, tournant à 33 i/3 tours par minute, dont l’audition dure six fois plus que celle des disques de naguère, l’autre des disques de taille très réduite, tournant à 45 tours par minute, leur audition dure un peu plus que celle d’un disque à 78 tours, mais ils sont bien moins encombrants. Malgré les efforts de la « R. C. A. » pour offrir des pick-up très bon marché, à changement automatique de disques, il semble que la solution de la « Columbia » ait la préférence du public; actuellement, les principaux fabricants, y compris « R. C. A. », réalisent des disques à microsillons, de longue durée d’audition.
- Les nouveaux disques, comparés aux anciens, présentent les caractéristiques suivantes :
- Anciens « R. C. A. » « Columbia »
- Tours par minute. 78 45 33 i/3
- Largeur du sillon, en u . 170 58 70
- Nombre de sillons par cm. Rayon du fond du sillon, 36 108 100
- en jx Diamètre du trou centrai 5o 5 5
- en mm •7,3 38,5 7,3
- L’utilisation des nouveaux disques. — Le microsillon modifie le bruit d’aiguille; il oblige à changer l’aiguille et le pick-up.
- Le bruit d’aiguille a différentes causes : il peut provenir de la gravure initiale par un mauvais burin, ou d’un défaut de galvanoplastie, notamment de la composition chimique des bains, de la température des moules, de la matière du disque dont le grain doit être très fin et très homogène; il peut aussi provenir de l’aiguille ou du pick-up.
- Les nouveaux disques sont fabriqués en résine vinylique, matière sans grain et élastique; elle ne crée pas de bruit de fond, mais on lui a reproché de donner aux sons une tonalité un peu moins claire, un peu moins pure.
- L’aiguille doit épouser la forme du sillon qu’elle suit; l’idéal serait une aiguille inusable de forme très bien définie, par exemple en diamant ; le saphir est la matière généralement adoptée ; il permet la lecture de 1 000 à 2 000 faces sans usure appréciable. Ce saphir doit reposer sur les parois du sillon et non sur le fond, car il ne serait plus guidé; il ne doit pas avoir un diamètre supérieur au sillon, ni appuyer trop fort, sinon il « labourerait » et abîmerait le disque.
- L’aiguille d’acier s’use très rapidement sur un disque; au début, elle épouse parfaitement la forme du sillon et donne une bonne reproduction, mais très vite elle s’écrase, introduit de la distorsion et des bruits, et elle n’est pas à recommander pour des auditions de haute fidélité.
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- Le pick-up a plus d’importance encore; il faut éliminer toute résonance en basse fréquence, utiliser un bras très léger (5 à 7 g pour un microsillon) sur lequel s’exerce une très faible force de rappel.
- Le moteur actionnant le disque doit créer une rotation très régulière; des variations de vitesse se font beaucoup plus sentir à 33 i/3 tours qu’à 78 tours. Enfin, bons disques et bon pick-up doivent être suivis d’un bon amplificateur qui ne déforme pas les sons, aux fréquences de 5o à i5 000 c/s, et d’un bon haut-parleur muni si possible d’un baffle.
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- En résumé, les nouveaux disques à microsillons ’permettent de réaliser une discothèque de faible encombrement; par exemple, un concerto brandbourgeois tient sur une face de disque, une symphonie de Beethoven sur un disque, un opéra de Mozart sur trois disques. Le bruit de fond, celui d’aiguille sont pratiquement supprimés. Les nouveaux disques ne coûtent pas plus cher que les disques ordinaires, compte tenu de l’augmentation de durée d’audition. Mais il existe, il existera toujours de bons et de mauvais enregistrements; il faut porter plus d’attention au choix des disques que l’on achète, d’autant plus que
- l’enregistrement de a5 mn de musique pose des problèmes techniques spéciaux : on n’enregistre plus directement les orchestres, mais on passe par l’intermédiaire d’une bande magnétique.
- Pour obtenir une sonorité parfaite, il faut un pick-up différent de celui de naguère; son moteur doit tourner à 00 i/3 tours, le bras doit être très léger. On trouve maintenant des pick-up adaptés à chacune des trois vitesses de 78, 43 et 33 i/3 tours; la tète du pick-up est interchangeable de façon à utiliser pour les disques à 33 i/o tours, un saphir beaucoup plus fin que celui destiné aux disques à 78 tours.
- Le sillon étant plus fin, le disque est plus fragile; il faut éviter de le rayer et il est recommandé d’avoir un bras automatique; enfin, la poussière se dépose par action électrostatique sur la résine vinylique et peut créer un bruit d’aiguille parasite. L’amateur de musique voulant jouir des nouveaux disques devra donc disposer d’un nouveau pick-up, posséder un bon amplificateur et un bon haut-parleur. Rappelons que tout ce matériel est fragile et ne doit pas être « martyrisé », moyennant quoi les-disques à 78 tours étant réservés aux chansons et aux danses de courtes durées, les microsillons permettront une audition pure et continue des œuvres de plus grande envergure.
- J. Combïusson, Ingénieur E. P. C. I.
- Comment se débarrasser
- L’évacuation et la neutralisation des déchets radioactifs pose aux usines atomiques américaines des problèmes très difficiles, qui ont pourtant été résolus jusqu’ici avec succès, puisqu’on n’a eu à déplorer aucune perte de vie humaine ni même enregistré aucune lésion.
- Yoici la méthode qu’utilise la General Electric Company, au Knolls Atornic Power Laboratory, près de Shenectady, dans l’Ëtat de New-York, pour se débarrasser des déchets dangereux. Ceux-ci sont collectés dans tous les services et déversés dans des réservoirs en acier inoxydable d’une contenance de 37 830 1 chacun, puis amenés dans un évapora leur, sorte d’énorme alambic, à la sortie duquel l’eau véhiculant les déchets est condensée dans des réservoirs de 18 923 litres. Des échantillons sont prélevés, analysés et,
- des déchets radioactifs ?
- s’ils ne recèlent pas de particules radioactives en quantité dangereuse, l’eau est déversée dans le fleuve voisin de l’usine. Si ces particules sont trop abondantes, l’eau repasse dans l’alambic, au fond duquel les déchets radioactifs se déposent sous forme d’une boue épaisse. Pompée à travers des tuyaux vers un aspirateur-séchoir, celle-ci est projetée sur un tambour d’acier chauffé, d’où la poussière de déchets retombe dans une chambre protégée par des murs de béton. A l’aide d’un dispositif de contrôle à distance, des bidons d’acier inoxydable sont transportés dans cette chambre, où ils s’emplissent de déchets radioactifs solides. Comme la séparation définitive des particules radioactives ne paraît pas encore réalisable, on stocke ces bidons de déchets jusqu’à ce qu’on les mure dans des blocs en béton qu’on va jeter à la mer.
- Innovations dans l'industrie textile.
- Voici quelques-unes des innovations appliquées dans l’industrie textile des États-Unis, avec lesquelles les visiteurs américains et étrangers ont pu faire connaissance lors de la récente foire-exposition d’Atlantic City, dans l’Ëtat de New-Jersey :
- Un dispositif automatique, appelé « unifill lomm winder », enroule les fils sur les bobines du métier à tisser au fur et à mesure qu’elles se vident. Grâce à ce moyen d’alimentation permanente, les délais nécessaires à la manipulation des bobines se trouvent éliminés, et le fonctionnement du métier est grandement accéléré ;
- Un tambour alimentant huit navettes saisit et renoue automatiquement les fils lorsqu’ils cassent en cours de tissage ;
- Un « laveur souple », utilisé pour les travaux de finition des lainages, cotonnades et tissus synthétiques, comporte des roues à pales flexibles en caoutchouc, qui cèdent à la moindre tension afin d’adapter la vitesse de la roue à la cadence d’arrivée du tissu dans le laveur ;
- Un appareil de contrôle des cuves à teinture permet au teinturier ou au chimiste de surveiller à distance, sans quitter son bureau, le processus.de la teinture des tissus. En actionnant quelques leviers et manettes, on peut suivre l’augmentation de la température, contrôler sa constance et s’assurer du bon fonctionnement général des cuves. Il devient inutile d’affecter un ouvrier à la surveillance de ces dernières.
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- Dans le répertoire du Sphinx
- Les récréalions mathématiques nous offrent souvent ce qu’on pourrait appeler des problèmes-pièges. Ou bien la question est tellement simple en apparence que la réponse semble ne pas faire de doute, ou bien elle paraît difficile alors qu’elle offre une solution très simple. C’est le cas trop connu de l’escargot et du mur, de la pièce de drap mesurant 12 m qu’on ampute chaque jour de 2 m et qui sera coupée en 5 jours et non 6, du petit ver qui traverse les livres d’une bibliothèque, ou encore du vol de la mouche entre deux trains appelés à se télescoper. Je me propose seulement aujourd’hui d’évoquer quelques problèmes-pièges amusants.
- Celui-ci ne demande que de l’intuition : dans cette course originale qui ne réunit que deux jockeys, le prix sera décerné au cheval arrivant second.... Les cavaliers échangèrent leurs chevaux et partirent au grand galop.
- Voici une fausse égalité (7 = 1) obtenue avec des allumettes : VII = I. Il s’agit de la rendre exacte en déplaçant une seule
- allumette. La solution est très élégante : V 1 = I (Racine de 1 - 1).
- Si vous demandez à des amis quel est en nombre entier le fiers et demi de 100, il y a de grandes probabilités pour que, gênés par l’apparente difficulté de l’exemple choisi, ils ne trouvent pas la solution : | ^ ^ = 5o.
- Si l’ingénieur Eiffel avait voulu exécuter une maquette préalable de la célèbre Tour, maquette de 3 m de haut, quel aurait été son poids, sachant que la Tour a 3oo m de haut et qu’elle pèse 7 5oo 000 kg.'Evidemment, les lecteurs de La Nature souriront en me lisant, mais je me suis aperçu que bien des personnes divisent ingénument le poids de la Tour par le rapport des hauteurs, ce qui donne 75 000 kg.... Il faut les gronder en précisant que la maquette serait un peu lourde, que le rapport de réduction s’applique aux trois dimensions :
- 7 5oo 000 _ ,
- --------------- = 7,5 kfi;
- IOO X 100 X 100 0
- et qu’au surplus aucune matière ne serait assez résistante pour réaliser la maquette.
- Dans un autre ordre d’idées, on sait que toute circonférence augmentée de 1 m détermine un accroissement du rayon égal à 1 m : 2tc. Appliquée à la Terre, cette particularité soulève toujours quelque scepticisme chez les profanes. Tentez de les convaincre en appelant X l’augmentation du rayon de la Terre :
- 2TcR + I = 2Tc(R + X) = 27cR + 27cX
- 1 = 2tcX et X = — = o,i5qi545... soit 16 cm.
- On peut se croire un as du volant et oublier qu’un parcours de 100 km effectué dans les deux sens à 100 km de moyenne dure moins longtemps qu’un aller à no km de moyenne par exemple, et un retour à 90 km de moyenne. Dans le premier cas, il faut exactement 2 h, et dans le second cas ••
- ... 60x100 r. « /
- Aller : -------- = 04 mn 3a s 7/10
- no '
- 60 x 100 ,
- Retour : --------- — 6G m 4 s
- 90 ________________________
- Total : 2 h 36 s 7/10
- L’écart ne peut être compensé qu’en effectuant 10 km du retour à 110 km de moyenne et le reste à go km de moyenne,
- pour l’exemple choisi. Dans l’intérêt général, on peut espérer que le pilote tombera en panne dès le départ.
- Dans quel livre anglais ai-je lu cette savoureuse énigme ? Un explorateur distribue des souliers à 1 000 Noirs. 20 pour 100 ont perdu une jambe à la guerre des crocodiles; la moitié du reste préfère aller nu-pieds. Combien a-t-il distribué de souliers ? Deux cents unijambistes prennent chacun 1 soulier; quatre cents bipèdes en prennent chacun deux, soit 800. Il distribue donc
- I 000 souliers. Ici l’équivoque est créée par la confusion qu’on fait entre un soulier et une paire de souliers.
- Au bar, le whisky coûte 100 fr de plus que le jet d’eau de Seltz. Le whisky additionné d’eau de Seltz vaut no fr. Combien coûte le jet d’eau de Seltz ? Il faut beaucoup de courage pour résister à la tentation de répondre : 10 fr; ce qui serait complètement inexact. A nous les équations simples à deux inconnues :
- Whisky + Seltz = 110 Whisky — Seltz = 100 2 Whiskies = 210 Whisky = io5.
- Jet d’eau de Seltz = 110 — io5 = 5 fr
- Dans le même genre, si une brique pèse 1 kg plus une demi-brique, son poids sera :
- b — 1 + “ d’où b — 2. Poids : 1 4- 1 = 2 kg.
- Voici une question-piège dont on peut dire qu’elle est « tirée par les cheveux ». On la pose à des candidats à l’issue d’un concours de « math » épuisant. En Rolonie, pays de 2 millions d’habitants, on ne connaît pas de chauve intégral, et personne ne possède plus de 100000 cheveux. Répondez vite : quel est le minimum possible d’habitants ayant 47 398 cheveux ?
- Contrairement à la farce du bateau et de l’âge du capitaine, ce problème a une solution mathématique. Tout le raisonnement repose sur la précision « minimum possible », et non sur un minimum que l’expérience montrerait parfaitement indéterminé, et pour cause. Si l’on considère xoo 000 habitants, chacun d’eux peut avoir un nombre de cheveux particulier, puisque ce nombre doit être compris entre 1 et 100 000. On n’a pas le droit de dire que 2 habitants (ou plus) peuvent avoir (au sens du minimum possible) le même nombre de cheveux, car on aurait omis à tort un nombre (ou plus) de cheveux dans « l’éventail » fixé.
- II peut donc y avoir 1 habitant possédant 47 3g8 cheveux, et c’est le minimum possible. Mais comme il y a 20 fois 100 000 habitants, la réponse à la question sera r 20 habitants. Rien entendu, si le nombre 47 3g8 ne vous plaît pas, vous avez le choix entre 1 et 100 000.
- Pour terminer, rappelons qu’il existe (permutations) 12 x 11 x 10 x 9 ... x 2 manières de placer 12 personnes à table, soit 479 001 600 possibilités, et qu’en battant un jeu de 52 cartes, on peut obtenir : 5a x 5i x 5o ... 'x 2 répartitions possibles du jeu, matérialisées par ce nombre de 68 chiffres :
- 80 658 175 170 943 878 671 657 g84 856 4o3 766
- 975 289 55o 44o 883 3o4 344 000 000 000 000.
- De quoi décourager les élèves de M. Culberson dans leurs parties de bi’idge !
- Jacques Henri-Robert, Ingénieur Civil.
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- LE CIEL EN MAI 1951
- SOLEIL : du 1er au 31, sa .déclinaison croît de 4- 44°55' à 4- 21051' ; la durée du jour passe de 14h30m le 1er à 13h47m le 31 ; diamètre apparent le 1er =3r47",7, le 31 = 31'3S",9. — LUNE : Phases : NL L. le 6 à lh3om, P. Q. le 44 à 5h32m, P. L. le 21 à D. Q. le 27 à 20h17m ; apogée le 9 à 17h, diamètre app. 29'26" ; périgée le 22 à 4h, diamètre app. 33'20". Principales conjonctions : avec Jupiter le 2 à 18h3m, à 2°42' S. ; avec Mercure le 4 à 22*7m, à 5<>13' S. ; avec Mars le 6 à 12h52“f à 4°38' S. ; avec Vénus le 9 à 17h8m, à 2°44' S. ; avec Uranus le 10 à 9h27m, à 4°27' S. ; avec Saturne le 16 à 21hoS**, à 3°41/ S. ; avec Neptune le 18 à 12h, à 4°41' N. ; avec Jupiter le 30 à 10h22ra, à 3°30\ Principales occultations : de c Lion (om,l) le 13, immersion à 20*13“6 ; de x Scorpion (2m,9) le 21, émersion à 23h39m,6. — PLANÈTES : Mercure, astre du matin, plus grande élongation le 22 à 1811, à 2o°10' W., se lève 4om avant le Soleil ; Vénus, très brillante étoile du soir, se couche SMO111 après le Soleil le 13, diamètre app. 16",0, en conjonction avec Uranus le 17 à 3h (Vénus à 2°5' N.) ; Mars, inobservable, en conjonction avec le Soleil le 22 ; Jupiter, inobservable ; Saturne, dans la Vierge, visible
- le soir, se couche le 13 à 2h41m, diamètre polaire app. 16",8, anneau : grand axe 42",0, petit axe 0",S ; Uranus, dans les Gémeaux, se couche le 31 à 21hoom, position 6h34m et 4 23°32\ diamètre app. 3",3 ; Neptune, dans la Vierge, se couche le 31 à 2h3m, position 13hom et —o°8', diamètre app. 2",3. — ÉTOILES FILANTES : Aqnarides, du 1er au 13, radiant vers r, Verseau. — ÉTOILES VARIABLES : Minima observables d'Algol (2m,2-3m,5) : le 18 à 3h,2, le 21 à 0h,0, le 23 à 20h,8 ; minima de p Lyre (3“,4-4m,3) : le 1er à 15* ,8, le 14 à 14h,l, le 27 à 12h,5 ; maximum de R Boumer (5m,9-i2“, 8) le 26. — ÉTOILE POLAIRE : passage inférieur au méridien de Paris : le 1er à 23h2m22s, le 11 à 22h23m9s, le 21 à 21*43“57s, le 31 à 21Mm47s.
- Phénomènes remarquables. — La lumière cendrée de la Lune, le matin vers le 3, puis le soir du 8 au 10. — Les étoiles filantes Aquarides, maximum le 4, rapides, traînées.
- (Heures données en Temps universel ; tenir compte des modifications introduites par l’heure en usage).
- G. Fournier.
- LES LIVRES NOUVEAUX
- Annuaire pour Fan 1951, publié par le Bureau des Longitudes. 1 vol. in-80, 598 p., pf et cartes. Gauthier-Villars, Paris, 1950.
- Voici l’annuaire pour cette année qui continue la longue série ininterrompue depuis 1796. C’est l’indispensable recueil de données numériques, de définitions, de renseignements sur toutes les connaissances scientifiques précises dont chacun a constamment besoin. On y trouve les éléments du calendrier et les prédictions pour 1951 des phénomènes tels que les éclipses, les mouvements des planètes et des étoiles, les marées ; les données relatives à la Terre (géodésie, météorologie, réfraction, rayonnements, magnétisme) et aux astres ; des tables et statistiques géographiques et économiques. Certains chapitres o.it été révisés ou sont nouveaux : calendriers de Madagascar, de l’Inde et de l’Indochine, fluctuations de la rotation terrestre. Deux notices sont consacrées à la nouvelle carte de France au millionième et à l’éloge de Jouaust par M. Colton.
- Almanach des Sciences, 1951. 1 vol. in-16,
- 255 p., 8 pl. Horay, Éditions de Flore et Gazette des Lettres, Paris, 1950. Prix : 420 fr. Chaque année, sous la direction de René Sudre, cet Almanach parait qui fait le tour des nouveautés. On y trouve, signés de noms connus, des études sur les progrès récents, les questions d’actualité, les faits de l’année, et aussi des listes des académies, des sociétés, des etablissements d’enseignement et de recherches, des revues scientifiques et techniques, des récompenses accordées a des savants (prix Nobel et prix de l’Académie des Sciences). Gela fait un ensemble vivant, agréable à lire et à consulter, qui donne des aperçus nombreux du mouvement scientifique actuel.
- Œuvres mathématiques d’Évariste Galois publiées en 1897, par G. Verriest. 1 broch., 56 p. Gauthier-Villars, Paris, 1950. Prix : 300 francs.
- Reproduction de diverses publications du célèbre mathématicien suivies d’une notice biographique et d’un rappel de la théorie des équations algébriques.
- Note sur une représentation rectiligne des hyperboles sphériques, par P. Hugon. 1 broch. in-4% 20 p., 7 fig., 3 planches. Service de documentation et d’information technique de l’aéronautique, Paris, 1950.
- Le monde des étoiles, par Pierre Rousseau,
- 1 vol. in-16, 248 p., 50 fig., 16 pl. Bibliothèque des merveilles. Hachette, Paris, 1950. Prix : 320 francs.
- Dans un style clair, précis, vivant, Fauteur conte comment on conçoit aujourd’hui le monde
- des étoiles, après toutes les découvertes et les théories bouleversantes de ces dernières années. Partant du système solaire, une famille planétaire parmi bien d’autres et sa petite étoile, le soleil, le mieux et le plus anciennement connu, il passe au peuple des étoiles, si diverses, si nombreuses, des rouges aux blanches, des naines aux nébuleuses, aux novae et aux supernovæ ; il décrit le groupe dont nous faisons partie, la galaxie, puis les autres univers-îles épars dans l’océan du ciel pour finir par les conceptions actuelles de l’atome-univeis, de l’expansion de l’univers, qui confondent l’esprit et dégagent la plus parfaite poésie des plus ardues mathématiques. C’est une initiation facile aux grands mystères cîe l’astronomie moderne.
- Problèmes de statique graphique et de résistance des matériaux, par L. Roy. 1 vol.
- in-8°, 138 p., 58 fig. Gauthier-Villars, Paris, 1950. Prix : 900 francs.
- 51 problèmes ou exercices ayant été donnés •comme questions écrites aux épreuves pratiques du certificat de licence de mécanique appliquée, avec leur résolution commentée, complètent l’ouvrage théorique de l’auteur sur -les memes sujets.
- Theory of flow and fracture of solids, vol. I,
- par A. L. Nadal. 1 vol. in-8°, 572 p., fig. Mac Graw-IIill, Londres, 1950. Prix : relié, 75 sli. 6 d.
- Cet ouvrage est le premier tome de la seconde édition, entièrement révisée et élargie, du livre du meme auteur intitulé Plasticity, qui fait autorité. Au lieu de se limiter aux déformations plastiques des solides, l’auteur traite des conditions générales provoquant la rupture des solides et discute l’ensemble des résultats concernant leurs déformations, plus particulièrement pour les métaux.
- The friction and lubrification of solids, par
- F. P. Bowden et D. Tabor. 1 vol. in-8°, 338 p., 114 fig. Clarendon Press, Oxford, 1950. Prix : relié, 35 shillings.
- Étude physique et expérimentale du frottement des solides, plus particulièrement des métaux. Les auteurs examinent les propriétés physiques des surfaces des solides et même dans une certaine mesure, les aspects chimiques de la question. Ils développent sur des bases expérimentales — et leur contribution personnelle est importante — les mécanismes du frottement et de la lubrification.
- A hundred years of physics, par W. Wilson. 1 vol. in-8°, 520 p. Gérald Luckworth, Londres, 1950.
- Partant de l’état de la physique en 1840, ce livre traite de l’évolution de la thermodyna-
- mique, de la théorie de Maxwell, de la théorie des radiations et des quanta. Une partie est consacrée aux expériences de Michelson-Morley, de Fizeau, aux structures atomiques, à la physique nucléaire et aux rayons cosmiques. Un dernier chapitre traite de l’astrophysique.
- Process heat transfer, par D. Q. Kern. 1 vol. in-8\ 872 p., fig. Mac Graw-Hill, Londres, 1950. Prix : relié, 94 sh.
- Ce livre théorique et pratique, destiné aux étudiants des grandes écoles, traite de la conduction, de la convection, des radiations thermiques, des échangeurs de température, de la condensation, de l'évaporation, des extracteurs, des bouilleurs, des tours de refroidissement, du calcul dés fours et du contrôle de la température.
- Cours d’enseignement supérieur de chauffage industriel. 1 vol. in-8°, 512 p., fig. Chaleur et Industrie, Paris, 1950.
- Publié sous l’égide de l’Office de répartition du charbon, ce cours comporte une série très complète d’exposés, rédigés par des spécialistes, et qui ont fait l'objet en 1946-1947 du cours d’enseignement supérieur de chauffage industriel. L’ouvrage est encore d’actualité car le problème de la bonne utilisation des combustibles garde en France un caractère permanent ; son intérêt général est indiscutable.
- Adsorption et cinétique hétérogène. 1 vol. in-8°, 280 p. Centre national de la Recherche scientifique, Paris, 1950.
- Colloque international tenu à Lyon en 1949, traitant en grande partie des catalyseurs et de la catalyse hétérogène.
- Les méthodes d’analyse des réactions en solution, par Gaston Ciiarlot et R. Gauguin. 1 vol. in-8°, 328 p., 242 fig. Masson et G‘% Paris, 1951. Prix : 2 200 francs.
- En un quart de siècle, l’analyse chimique s’est transformée, dans ses conceptions et dans ses méthodes. Après avoir déjà exposé la théorie et les techniques actuelles d’analyse qualitative puis d’analyse quantitative, le professeur de l’École de Physique et de Chimie industrielles aborde maintenant les principes de l’analyse des réactions en solution. Ces réactions sont dues à des transports de. particules : électrons (négatons), ions (proton II4-), molécules polaires. Ainsi s’expliquent les oxydo-réductions, les neutralisations acides-bases, les phénomènes d’addition, etc. L’analyse consiste à suivre les variations des diverses concentrations en fonction de diverses variables pour en dégager les constantes d’équilibre qui permettent de prévoir les réactions. C’est là une synthèse toute nouvelle
- Le gérant : G. Masson. — masson et cie, éditeurs, paris. — dépôt légal : 2e trimestre 1951, n° i3i4. — Imprimé en France.
- BÀRNÉOUD FRÈRES ET Cie, IMPRIMEURS (3lû566), LAVAL, N° N° 2342. —
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- N° 3193
- Mai 1951
- LA NATURE
- ' Fig. 1. — L’avion géant de bombardement Convair B-36.
- Six moteurs donnent à cet appareil géant une puissance totale de 22 800 ch au décollage et l’adjonction de quatre turbo-réacteurs
- portera sa puissance totale à environ 40 000 ch
- LES DEUX PLUS GROS AVIONS MILITAIFySfe
- ">ir
- DU MONDE
- Le bombardier américain Convair B 36.
- Il y a maintenant neuf ans, soit en 1942, que sur la demande de TU. S. Army, fut décidée par la société « Consolidated Vultee Aircraft Corporation » l’étude d’un avion de bombardement aux dimensions géantes qui devint le « Convair B-3G »; mais le monde se trouvait en pleine guerre et les caractéristiques du nouvel appareil furent pendant longtemps soigneusement tenues secrètes. D’autre part l’étude du Convair B-36 exigea quatre années de recherches et le prototype ne vola pour la première fois qu’au mois d’août 1946. La durée des essais et de la fabrication en série réclamèi'ent deux années supplémentaires et de ce fait les premiers exemplaires ne sortirent des ateliers qu’au cours du deuxième semestre 1948.
- Il y a donc près de trois ans que l’appareil B-36 est en service dans l’armée de l’air américaine et nous n’aurions pas la prétention de le présenter comme une réalisation nouvelle s’il n’avait périodiquement bénéficié de transformations telles qu’il constitue l’avion de bombardement à longue distance le plus impressionnant et le plus perfectionné existant à l’heure actuelle.
- Traçons un résumé des étapes de sa construction et des pTir^ fectionnements successifs qui lui ont été apportés : à partir de 1942 : étude et dessin du prototype; en août 1946 : premier vol du prototype; deuxième semestre 1946 : commande de i3 appareils par l’U. S.- Army;
- en 1947 : commande supplémentaire de 87 exemplaires; en 1948 : adoption d’un atterrisseur à 8 roues venu remplacer l’atterrisseur classique à 2 roues. Cette transformation, qui permet d’utiliser des roues d’un diamètre nettement moindre et d’obtenir un gain de poids de près de 1 200 kg, réalise une meilleure répartition de la masse de plus de i5o t que représente le bombardier géant;
- deuxième semestre 1948 : livraison des premiers exemplaires construits ;
- début 1950 : réalisation du modèle Convair B-36 type D équipé de 6 moteurs à pistons et de 4 turbo-réacteurs. Les premiers modèles construits étaient montés avec 6 moteurs Pratt et Whitney de 3 000 ch chacun, fournissant à chaque appareil une puissance totale de 18 000 ch. Les modèles suivants furent équipés de moteurs de même marque mais développant'3 5oo ch,
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- Fig. 2. — Le transporteur de troupes géant Convair XC 99.
- Cet appareil géant à deux ponts peut être aménagé pour transporter 400 hommes de troupe assis ou 300 blessés allongés sur des brancards ou 60 t de matériel militaire pour un poids total d’environ 120 t. Son aile haute du type « cantilever » a une envergure de 70 m.
- ce qui porta la puissance totale de l’avion à ai ooo ch. C’est alors que fut établi le modèle type D sur lequel furent adjoints aux six moteurs à pistons quatre turbo-réacteurs General-Electric J 47 ;
- au début de 1951, un Convair B-36 hexa-moteur à pistons a tenu l’air durant 5i h 20 mn sans ravitaillement. Un autre exemplaire a été équipé de 6 moteurs « Pratt et Whitney Wasp Major » développant 3 800 ch au décollage. Les modèles montés avec G moteurs à pistons et 4 turbo-réacteurs vont offrir une puissance supérieure à 4o 000 ch pour un poids total de 160 t.
- Aspect général. — Avion de bombardement géant pour raids à longues distances, le Convair B-36 présente les caractéristiques suivantes :
- Envergure ................................. 70 m
- Longueur totale .................... 49,68 m
- Hauteur ............................ 14,20 m
- Surface portante ......................... 443 m2
- Puissance maximum (avec réacteurs). 40 000 ch environ
- Poids total maximum ....................... 160 tonnes
- Vitesse maximum (avec réacteurs)... 7 à S00 km/h
- Vitesse de croisière ........’...... 3 à 600 km/h
- Rayon d’action maximum ............. 16 000 km
- Plafond ............................ 16 300 m
- Le B-36 est un monoplan à aile haute du type « Cantilever » équipé de 6 volets hypersustentateurs et d’ailerons longeant toute la longueur de l’aile. Le fuselage, de forme circulaire, atteint 5o m de long. Deux cabines pressurisées, disposées en avant et en arrière de l’aile se trouvent reliées par un long couloir à carcasse de magnésium. Les soutes à bombes sont aménagées au-dessous de ce couloir.
- L’ensemble propulseur du B-36 type D comporte 6 moteurs à pistons Pratt et Whitney « Wasp Major » développant 3 800 ch chacun au décollage et 4 turbo-réacteurs cc General Electric » donnant une poussée statique totale de 9 000 à 9 5oo kg.
- Pour se défendre contre les 'avions de chasse, le B-36 dispose d’un puissant armement, composé de 27 canons.
- L’équipage du bombardier géant comporte trois pilotes, quatre navigateurs-bombardiers, deux mécaniciens navigants, deux radios et quatre mitrailleurs, soit quinze personnes à bord.
- Le prix de la construction de chaque bombardier B-36 serait de l’ordre de 2 milliards de francs. Il y aurait actuellement environ 200 exemplaires en service ou en état de réalisation avancée.
- Le transporteur de troupes Convair XC 99.
- Profitant de l’expérience acquise lors de l’étude du modèle Convair B-36, la société « Consolidated Vultee Aircraft Corporation » a également réalisé le prototype d’un avion géant de transport de troupe, le X.C. 99, dont la carlingue géante à deux ponts, de plus de 5o m de long sur 8 de large, est installée pour recevoir jusqu’à 4oo soldats assis ou 3oo blessés couchés sur des brancards. La longueur totale de l’appareil est ainsi de près de 56 m alors qu’elle ne dépasse pas 5o m sur le bombardier B-36.
- Le Convair X.C. 99 est également prévu pour le transport de matériel militaire lourd. Les modèles de série seront sans doute équipés de 6 moteurs Pratt et Whitney « Wasp Major » développant 3 800 ch, ce qui doit donner à cet avion géant une puissance au décollage de près de 23 000 ch pour un poids total de quelque 120 t, dont 60 de charge utile.
- Le premier vol du prototype X.C. 99 a eu lieu depuis l’aérodrome de San Antonio (Texas) le 4 juillet 1950, Puis, après une période d’essais, l’appareil a été réintégré à l’atelier de montage pour être équipé du même type d’atterrisseur que celui adopté sur le bombardier B-36.
- La vitesse de croisière du X.C. 99 serait de l’ordre de 410 km/h, son plafond de 9 000 m et son rayon d’action maximum de i3 000 km. La substitution aux moteurs classiques de turbo-propulseurs améliorerait sensiblement les performances actuellement annoncées.
- Fernand de Laborderie.
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- ICARE ET LES PETITES PLANÈTES
- Perdu dans l’immensité démesurée de la Galaxie, le domaine étroit de notre Soleil n’en conserve pas moins, pour nous Terriens, l’attrait de notre première patrie sidérale, et aucun des événements qui s’y déroulent ne peut nous laisser indifférents. Eh bien ! ce domaine, au regard des astronomes, Aient de voir sa population augmenter dernièrement d’un nouveau membre. Il s’agit, à la vérité, d’un astre minuscule, véritable miette cosmique dont les dimensions sont de l’ordre d’un kilomètre... En présence de ce nain, notre chétive Terre, avec ses douze mille sept cents kilomètres de diamètre, fait ligure de supergéanle !
- C’est, à l’Observatoire du Mont Palomar, si réputé par la puissance de son équipement, qu’il fut dcouvert, le aG juin ig49, par l’astronome Walter Baade, dans la constellation du Scorpion, au moyen du télescope Schmidt de 1,22 m. Doué d’un
- Fige 1. — Position de l’orbite de la petite planète Hermès dans le système solaire (figure empruntée à l’Astronomie, octobre 1938).
- déplacement apparent anormalement rapide, l’astéroïde avait tracé sur le cliché, parmi les innombrables images ponctifor-mes des étoiles, une longue traînée révélatrice. A ce moment, à. i3 millions de km, il n’apparaissait que comme un infime éclat de lumière 9 5oo fois plus faible que celui des dernières étoiles visibles à l’œil nu.
- C’est désormais, parmi tous les corps célestes connus, l’un de ‘ceux qui sont susceptibles de nous approcher de plus près, soit à moins de 7 millions de km, bien peu de chose en somme, astronomiquement parlant, puisque notre voisine la planète Mars, la mieux connue des planètes, reste toujours, dans les meilleures conditions, 8 fois plus loin.
- Cependant d’autres astéroïdes de caractères similaires sont parvenus à une distance plus réduite encore de notre globe. Celui qui détient la palme dans ce genre de compétitions est « l’objet Reinmuth », découvert par l’astronome de ce nom le 28 octobre 1937 à l’Observatoire d’Heidelberg-Kônigstuhl, et qui a été dénommé Hermès. Le jour de sa découverte il n’était qu’à 730 000 km de notre terre, et le calcul a montré que cette distance peut diminuer, dans les circonstances les plus favorables, mais non sans risques peut-être pour notre habitat, jusqu’à 354 000 km, distance inférieure à celle de notre Lune qui gravite sagement 3o 000 km plus loin, à une seconde un quart de temps de lumière (fig. 1).
- Du reste, objet plus minuscule encore que le nouveau venu, Hermès ne dépasse guère quelques centaines de mètres de diamètre. Sa vitesse était si rapide qu’il ne resta que quelques jours accessible aux puissants moyens de l’observation photographique, l’orbite qu’il parcourt en un peu plus de deux ans ayant son point extrême, son aphélie, aux environs, de celle de Jupiter, orbite allongée suivant une excentricité considérable, de 0.G26. Cette particularité lui permet de franchir, outre l’orbite de la Terre, celle aussi de Vénus, et de voisiner parfois avec Mars.
- Plusieurs astéroïdes présentant des caractères analogues ont été enregistrés et étudiés : c’est, ainsi que furent découvertes à l’Observatoire royal de Belgique, par l’astronome Eugène Del-porie, d’abord en ig3'2 la petite planète Amor, puis en 1939 Adonis. En ig32 encore, le Dr Reinmuth déjà cité, avait découvert l’astéroïde dénommé par lui Apollon.
- Mais le caractère spécifique du dernier venu, et qui fait l’objet principal du présent exposé, c’est qu’il est le seul connu jusqu'à ce jour pour pénétrer à l’intérieur de l’orbite de Mercure, la planète la plus voisine du Soleil, et à se rapprocher ainsi à moins de 29 millions de km de notre astre central; à cette distance le Soleil apparaîtrait près de 25 fois plus étendu en surface qu’il 11e se montre à nos yeux. Cette particularité lui a valu la dénomination bien justifiée d’Icare, quoique jusqu’à présent lui ait été épargné le sort tragique du héros de la légende; au reste ce n’est guère que sur le Soleil lui-même qu’il pourrait choir.
- Après avoir ainsi subi une température de fournaise, Icare s’éloigne jusqu’aux environs de l’orbite de Mars (fig. 2), à 3o4 millions de km du Soleil, en proie à ce moment aux plus basses températures de l’espace, dépourvu qu’il est assurément de la moindre trace d’atmosphère protectrice; énormes vicissitudes thermiques intervenant en moins de 7 de nos mois, la durée de l’année de ce petit corps étant de 409 jours.
- Fig. 2.
- Position de l’orbite de la petite planète Icare dans le système solaire.
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- Nous avons réservé le plus important de ces capricieux petits astres ; celui qui fut le premier décelé et dont la découverte fit à l’époque sensation : il s’agit de la petite planète Eros, qui fut trouvée par le Dr Witt à l’Observatoire Urania de Berlin le i4 août 1898. Elle gravite à la distance moyenne de i,458 du Soleil, celle de Mars étant de i,5a4 (la distance de la Terre au Soleil sert ici d’unité); orbite assez fortement excentrique également grâce à quoi, au moment de ses oppositions les plus avantageuses, Eros peut atteindre l’éclat d’une étoile de 6e grandeur, à la distance de 17 millions de km environ; tel fut le cas en 1931. Cet élément nouveau dans le système solaire fut, dès sa découverte, utilisé -— précieuse aubaine — pour obtenir avec une précision inégalée jusque-là la parallaxe du Soleil, et par conséquent la distance de ce dernier à la Terre. On sait quelle importance les astronomes attachent à la connaissance exacte de cette grandeur, véritable mètre avec lequel ils mesurent l’univers sidéral, — disons maintenant dans ses régions les plus proches !
- Quant à l’astre Eros lui-même, il offre une curieuse particularité, c’est la variation de son éclat due, non à quelque tache de sa surface, mais bien à sa structure propre. En effet, au lieu d’être sphérique comme les grosses planètes, il se pré-
- Fig. 3. — Dimensions comparées de la Lune et des quatre principales petites planètes.
- I, Gérés ; II, Pallas ; III, Vesta ; IV, Junon.
- sente aux grands instruments sous la forme allongée d’un huit et parfois celle d’un haltère, cela sous une longueur totale d’une quarantaine de kilomètres : minuscule royaume malgré tout.
- On sait que, entre Mars et Jupiter, gravitent plus de 1 5oo corps célestes connus, tous de très petites dimensions, qui y enchevêtrent de façon inextricable leurs orbites, sorte d’anneau mouvant limité intérieurement par la trajectoire de la petite planète Hungaria, la plus proche de Mars, à la distance i,944, et extérieurement par celle de la lointaine Thulé, qui circule à la distance 4,255. L’un des plus gros de ces astéroïdes est la planète Cérès, découverte la première le premier jour du xixe siècle par l’Italien Piazzi, à Palerme. Pallas, Vesta, Junon et quelques autres font encore bonne figure dans ce groupe (fig. 3). Depuis l’année 1891 la photographie n’a cessé d’en révéler de nouveaux, aux dimensions de plus en plus exiguës, et qui finiront par ne plus représenter qu’une poussière cosmique. Quoi qu’il en soit, le calcul a montré.que leur masse totale reste sensiblement inférieure à celle de la Terre. Tout concourt à établir qu’il s’agit là des vestiges d’une grosse planète qui n’a pu maintenir dans ces régions la- cohésion de ses éléments, et dont la loi empirique de Bode avait, au temps, de Piazzi, fait soupçonner l’existence.
- Ainsi les corps qui constituent cette sorte d’anneau corpusculaire ne sortent pas sensiblement des lisières précédemment tracées, troupeau discipliné sous la houlette de leur puissant pasteur !
- Un autre groupe caractéristique, bien distinct du précédent, est constitué par des astéroïdes se mouvant au voisinage de l’orbite de Jupiter, soit vers la distance 5,2 du Soleil. C’est le groupe troyen, ainsi désigné parce que ses composants ont reçu des noms évoquant les héros de la Guerre de Troie : Achille, Palrocle, Hector... Le premier, Achille, fut découvert en 1906, et le dernier décelé, le quinzième, l’a été le 20 septembre dernier par S. Arend à l’Observatoire royal. d’Uccle (Belgique). Tous les composants de ce groupe possèdent, par rapport à leur gigantesque voisine, la planète Jupiter, des propriétés géométriques sur lesquelles nous ne pouvons nous étendre, mais qui donnent à l’ensemble une sorte d’air de famille.
- De ce tableau esquissé à grands traits il paraît bien ressortir que les astéroïdes du premier groupe, parmi lesquels se classe Icare, font figure de dissidents, sinon d’étrangers au système solaire, dont ils troubleraient même l’harmonieuse architecture, ne fût-ce l’insignifiance de leur taille. Par leurs excentricités, ainsi que par les inclinaisons souvent importantes des plans dans lesquels ils se meuvent, ils se rapprochent singulièrement des comètes (Q. O11 sait en effet que les caractères principaux de ces dernières sont de se déplacer dans des plans dont les inclinaisons sont des plus variées, et suivant des orbites beaucoup plus allongées que celles des grosses planètes. Cependant l’excentricité de certains de ces astres est parfois plus faible que celles des astéroïdes du type Icare ou Hermès; en voici quelques exemples : Comète Tempel 1873 II e = 0,54a, comète Holmes 1892 III e = o,4i2, comète Whippie 1933 Y e — 0,376, comète Schwassmann-Wachmann 1929 I e = o,385. En regard de ces chiffres l’excentricité de l’orbite d’Icare s’établit vers la valeur supérieure o,83 (la Terre o,oiG).
- Aussi, la meilleure hypothèse serait-elle de considérer tous ces petits astres comme les vestiges de comètes ayant, au cours des temps, et de par la loi qui voue ces dernières à la désagrégation totale, perdu leurs attributs spectaculaires, queue et chevelure, offrant ainsi d’autre part tous les degrés de transition jusqu’aux météorites (2).
- Pour revenir au minuscule Icare, l’intérêt de sa découverte ne restera certainement pas d’un ordre exclusivement spéculatif. On peut prévoir qu’à brève échéance il servira à obtenir avec une meilleure approximation la masse de la planète Mercure, et aussi sans doute celle de Vénus, toutes deux dépourvues de satellites pour cet usage, par les perturbations que ces deux planètes introduiront dans son mouvement.
- Depuis sa découverte, l’astéroïde est revenu une fois dans les mêmes parages; mais trop éloigné à ce moment de notre Terre,.mal placé peut-être pour l’observation, il a échappé à la vigilance de nos prospecteurs célestes : ce n’est que parLie remise, les mailles du filet mathématique qui l’enserre étant, nul ne l’ignore, inexorables! (3).
- G. Fournier.
- 1. On peut y joindre la petite planète Hidalgo, découverte en 1920 par le Dr Baade également, dont l’excentricité est de 0,653, l’inclinaison de l’orbite de 43“ et dont l’aphélie se situe près de Saturne.
- 2. Gf. La Nature, n" 3184, août 1950, p. 237-239 : « Planètes, météores et soucoupes volantes », par l’auteur.
- 3. Une information de dernière heure, communiquée par M. R. Rigollet, attaché au Centre National de la Recherche Scientifique, nous apprend que l’astéroïde Icare a bien été retrouvé au début d’août 1950 et photographié au moyen du même instrument qui avait permis sa découverte. Il était alors à une distance de 135 millions de km de la Terre, et son éclat était celui, extraordinairement faible, d’une étoile de magnitude 19,5, soit 25 000 fois plus faible que celui des dernières étoiles accessibles à l’œil nu (G. F.).
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- LES CERAMIQUES AU TITANATE DE BARYUM et leurs applications diélectriques
- Le désir de réduire l’encombrement des conducteurs de radioélectricité, c’est-à-dire de trouver un diélectrique ayant le pouvoir inducteur spécifique le plus élevé possible, et le besoin de remédier pendant la guerre au manque de mica, diélectrique utilisé pour ces condensateurs, ont conduit plusieurs laboratoires d’Europe et des États-Unis à étudier les composés de l’oxyde de titane, Ti02, notamment les céramiques à base de titanates de calcium, strontium, baryum. Ces corps, en particulier le tilanate de baryum, se sont révélés très intéressants; leurs propriétés mécaniques, thermiques, diélectriques,t piézoélectriques en font des matériaux de choix pour de multiples applications.
- Propriétés diélectriques du titanate de
- baryum, — Le pouvoir inducteur spécifique s du titanate de baryum varie avec la température selon une courbe qui a l’allure d’une courbe de résonance et'présente un maximum accusé vers 120° (fig. 1).
- A cette température, la structure cristalline du titanate
- change, comme au point de Curie celle des substances ferromagnétiques ; de nombreuses propriétés subissent des discontinuités, par exemple les distances inleratomiques dans le réseau cristallin, la chaleur spécifique, etc.
- L’analogie avec les corps ferromagnétiques peut être poussée beaucoup plus loin, ce qui teur spécifique du titanate de baryum r ., ,.P -, r
- selon la température. a fait fiUahfier « fer-
- roélectriques » les céramiques aux titanates. En effet, si l’on établit une différence de potentiel continu réglable entre les faces argentées d’une lamelle de titanate de baryum, créant ainsi un certain champ électrique E, et si l’on détermine pour chaque valeur de E le pouvoir inducteur spécifique s, on obtient une courbe de variations de D = eE en fonction de E, analogue au cycle d’hystérésis d’un matériau magnétique dont l’induction magnétique B = uH est fonction du champ magnétique auquel est soumis l’échantillon étudié.
- Ce cycle (fig. 2) a une allure différente selon la température, puisque s est fonction de celle-ci; on peut le faire apparaître sur l’écran d’un oscillographe cathodique, en superposant une faible tension de haute fréquence à la tension continue établie entre les bornes de la lamelle céramique.
- Les utilisations sont nombreuses d’un corps dont le pouvoir inducteur spécifique varie selon la température et le champ électrique dans lequel il est placé, car disposant d’un condensateur dont la capacité (donc d’un dipôle dont l’impédance) varie soit avec la température, soit avec une tension « pilote », on peut envisager de construire :
- — des thermostats ou des régulateurs automatiques de température ;
- — des circuits à coefficient de température extrêmement faible : on choisit la partie de la courbe où le coefficient de tempé-
- rature est négatif pour compenser, dans un circuit oscillant par exemple, le coefficient positif de la self et d’autres éléments;
- — des modulateurs de fréquence : si un condensateur au titanate de baryum est utilisé dans le circuit d’une lampe oscillant en haute fréquence et si l’on applique entre scs bornes une tension alternative de basse fréquence, les variations de e qui en découlent donnent naissance à une modulation en fréquence (fig. 3). Un tel montage associé à des discriminateurs permet de réaliser une modulation en amplitude. Il est même possible de réaliser ainsi de véritables amplificateurs sans lampe, l’énergie nécessaire étant empruntée à la source de tension continue;
- — des systèmes de balayage en dent de scie pour la télévision.
- Ajoutons qu’en mélangeant baryum, strontium, calcium et d’autres éléments et en adoptant des techniques de cuisson particulières, on sait maintenant réaliser des corps ayant dans nn certain domaine de variation, un coefficient de température ou une valeur de s remarquablement constants. Les Américains préparent ainsi des diélectriques ayant un pouvoir inducteur spécifique de 3 3oo, stable en fonction de la température.
- Propriétés piézoélectriques du titanate de
- baryum. — Pendant longtemps, les seules propriétés diélectriques remarquables des titanates ont été l’objet de recherches de laboratoire. En faisant des mesures de capacité avant et après l’application d’un champ électrique continu entre les électrodes d’un échantillon, les physiciens de la « Gulton Manufacturing Corporation » ont découvert qu’il entrait en résonance mécanique à certaines fréquences audibles. Par ailleurs, des études sur le pouvoir inducteur spécifique ont démontré Pexistence.de pointes de résonances très aiguës et des essais de chocs et de variations de pression ont donné naissance à l’apparition de différences de potentiel dans certaines conditions.
- Fig. 2. — Cycles d’hystérésis tracés à l’oscillographe pour le titanate de baryum à — 175° et + 105° C.
- L’étude de ces phénomènes a montré qu’un échantillon de céramique au titanate de baryum présente toutes les caractéristiques d’un corps piézoélectrique à condition d’avoir été soumis pendant un certain temps à un fort champ électrique (de 5 à 20 kV/cm). Ces propriétés piézoélectriques disparaissent quand
- Température en °C
- Fig. 1. — Variation du pouvoir induc-
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- l’échantillon a été chauffé au-dessus de 120°; rappelons qu’un aimant permanent perd son aimantation s’il est chauffé au delà de son point de Curie.
- Cette piézoélectricité intéresse vivement physiciens et ingénieurs, à l’afût d’un matériau à fort coefficient piézoélectrique abondant, bon marché, inaltérable aux agents atmosphériques, facile à obtenir en temps de guerre.
- Le quartz, le sel de Rochelle, la tourmaline, le phosphate
- d’ammonium sont parmi les principaux corps naturels utilisés, mais aucun ne remplit toutes les conditions exigées. En particulier, le quartz est cher et ne se trouve que dans quelques pays.
- il est probable que les céramiques aux tilanates vont jouer un grand rôle dans l’industrie des microphones, des « pick-up » très légers nécessaires pour les disques à des ultra-sons, des séismomètres, des vibrations, d’épaisseurs
- H.T
- Fig. 3. — Schéma de
- principe d’un oscillateur H. F. modulé en fréquence.
- microsillons de demain, appareils de mesures de pressions, de de parois ou de tuyaux métalliques, etc.
- Signalons seulement un exemple d’application possible dans un domaine très éloigné de la radioélectricité, la teinture des étoffes : les vibrations ultra-sonores aident la teinture à pénétrer dans les tissus; si l’on réussit à faire des disques en mosaïque piézoélectrique de plusieurs décimètres carrés, il est probable que le rendement et la vitesse des opérations de teinture seront très augmentés.
- Les physiciens qui ont étudié ces phénomènes ont naturellement cherché à les expliquer; sans être arrivés jusqu’ici à une solution très satisfaisante, ils ont dégagé un certain nombre de résultats.
- Le réseau cristallin du titanate de baryum Ti03Ba est forme d’une juxtaposition de cubes dont chaque sommet est occupé par un ion Ba, chaque centre par un ion Ti et chaque centre de face par un ion O (fig. 4). L’ion Ti vibre dans la direction d’un oxygène et, à cause d’un certain couplage électrostatique, les ions O et Ba.sont entraînés dans cette vibration.
- Au-dessus de iao0, l’ion Ti devient capable de se déplacer au hasard dans le réseau. Au-dessous de cette température, le Ti « choisit » un atome d’oxygène avec lequel il partage un électron et avec lequel il entre en oscillation. Les ions O et Ba voi-
- sins sont entraînés dans cette vibration qu’ils transmettent aux autres ions Ti et bientôt toutes les cellules d’un petit cristal de TiOgBa oscillent en phase, les centres d’oscillation de tous les ions Ti étant décalés dans une direction d’axe cristallographique.
- Si l’on sait -déterminer le « choix » initial de l’ion Ti, on peut donner au matériau une dyssymétrie nécessaire pour qu’il y ait piézoélectricité. Le fait d’appliquer un champ électrique continu intense (5 à 20 kV/cm) pendant environ urne heure aligne beaucoup de domaines et crée ainsi dans la céramique une direction privilégiée qui subsiste après suppression de ce champ.
- De grands progrès sont attendus dans ce domaine des céramiques piézoélectriques et on peut espérer l’apparition prochaine de toute une gamme de corps ayant chacun un intérêt pour une application déterminée. Il ne faut pourtant pas ignorer le grand travail qu’ont dû fournir chercheurs et techniciens pour découvrir ce qu’on sait déjà. La fabrication de ces céramiques est très délicate; leur composition, le choix des matières pre-
- @ ion Ba
- O 'on 0
- @ ion Ti
- Fig. 4. —• Structure cristalline du titanate de baryum.
- mières, leur préparation, leur mode et leur durée de cuisson, les traitemeents ultérieurs sont autant de paramètres sur lesquels on peut jouer, mais qui nécessitent de nombreuses mesures et mises au point. La difficulté augmente avec le nombre de ces variables quand on veut produire une grande quantité d’éléments tous identiques ou résoudre des problèmes difficiles encore mal connus ou à peine posés.
- J. Combrissox, Ingénieur E. T. C. I.
- A propos de
- J’ai lu avec le plus vif intérêt l’article publié par M. Constant Hubert, sur Inaudi, dans La Nature (n° 0192, mars 1951).
- Qu’il me soit permis de rappeler à ce sujet un souvenir personnel :
- C’était en 1887, j’habitais Saint-Étienne avec ma famille et j’étais alors élève du Lycée. ,
- Inaudi, qui avait 20 ans, vint donner au Théâtre une représentation de gala où il devait faire la démonstration de sa prodigieuse mémoire mathématique. Un professeur couvrait un tableau noir de chiffres que dictait le public. Inaudi qui tournait le dog au tableau répétait sans se tromper tous les chiffres, du début à la fin puis en sens inverse. Il faisait des multiplications avec dix chiffres au multiplicande, huit au multiplicateur, des divisions avec huit chiffres au dividende, six ou plus au diviseur et annonçait les résultats bien avant le professeur qui effectuait en vitesse les calculs au tableau. Racines carrées,
- Jacques Inaudi.
- racines cubiques de nombres compliqués étaient extraites en quelques secondes. Le public et moi-même étions émerveillés.
- A la fin de la représentation, le public fut invité à poser à Inaudi quelques « colles » mathématiques. Inaudi résolut vite et élégamment les problèmes qui lui furent soumis.
- Mais sur les conseils de mon père, je lui demandai : « Voudriez-vous nous indiquer le multiple de i3 qui ne se compose que de 9 ? ». Inaudi se mit à penser tout haut : 99, 999, 9 999,
- 99 999, 999 999, 9 999 999, 99 999 999, 999 999 999- Puis s’arrêtant, il me dit : « Je n’en vois pas ».
- « Pardon, lui dis-je; c’est 999 999 ». A quoi Inaudi répliqua : « Vous avez raison, c’est exact ».
- J’avais collé Inaudi, mais le public mécontent de voir ébranler son idole faillit me conspuer.
- Docteur Th. Nogier,
- Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Lyon.
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- Faisons le point à propos de
- LA BOMBE A HYDROGÈNE
- Voici un an, le 3i janvier ig5o, le Président Truman déclarait : « J’ai donné ordre à la Commission à l’énergie atomique de poursuivre ses travaux sur toutes les armes atomiques, y compris la bombe dite à hydrogène, ou superbombe a.
- Par la suite, au cours d’un programme télévisé, un sénateur américain, partisan de l’information des masses, émit certaines remarques qui amenèrent la discussion publique de la question.
- Depuis, la presse a publié sporadiquement des renseignements généralement discutables; les publications spécialisées se sont bornées à des considérations techniques difficilement accessibles au profane. En fait, peu de choses filtrent au travers du a black-out » jeté par le gouvernement américain sur les « progrès » accomplis dans la réalisation de la bombe H.
- Dernièrement cependant, Mr Brien McMahon, sénateur du Connecticut, président du « Joint Committee on Atomic Energy », publia une brochure à l’intention de l’organisme susmentionné. Eu égard au manque de précisions dont dispose le grand public en cette matière, cet ouvrage constitue une mine d’informations dignes de foi; de là et d’autres sources sérieuses, nous avons extrait les éléments de cet article.
- Qu’est=ce que la bombe H ? — Quelques années avant la découverte de la fission de l’uranium, les savants s’étaient aperçus que l’on pouvait libérer de l’énergie en réunissant plusieurs noyaux atomiques légers pour en former de plus lourds. Une telle réaction, dénommée « fusion », peut avoir lieu lorsque des particules se rencontrent à grande vitesse, ou encore lorsqu’elles sont soumises à une température extrêmement élevée. On suppose que de semblables réactions se produisent au centre du Soleil et des étoiles, là où la température atteint des millions de degrés centigrades. L’explosion de la bombe II, si elle fonctionne, libérera donc de l’énergie résultant de la fusion d’éléments légers.
- Une bombe atomique ordinaire est nécessaire pour « enclencher » la bombe H. En effet, deux conditions primordiales compliquent la réalisation de cette dernière :
- i° l’assemblage des matériaux capables de produire la réaction d’éléments légers soumis à une température suffisante;
- 2° le moyen d’amener les matériaux envisagés à une température extraordinairement haute.
- A l’heure actuelle, l’appareil considéré comme le plus apte à produire cette température est la bombe atomique. L’idée essentielle est donc que l’explosion du matériau lourd fissiona-ble utilisé dans les bombes A chaufferait l’appareillage à hydrogène, rendant ainsi possible la réaction thermonucléaire. La cause de l’incertitude qui règne quant à la possibilité de réussir . une arme à hydrogène réside surtout dans la difficulté d’engendrer la réaction ci-dessus avant que l’assemblage ne se désagrège et tandis que la température reste suffisamment élevée.
- Il est scientifiquement prouvé que l’hydrogène normal de masse i n’interviendrait guère dans la bombe II. Les deux hydrogènes lourds présentent cependant un intérêt prononcé; ce sont le deutérium (hydrogène lourd, de masse 2) et le tritium (isotope d’hydrogène « lourd », radioactif, de masse 3). Ces deux espèces d’hydrogène peuvent participer à trois types de réactions :
- i° la réaction deutérium-deutérium, dans laquelle deux noyaux de deutérium se fondent en donnant du tritium, un proton et de l’énergie, ou de l’hélium, un neutron et de l’énergie;
- 20 la réaction tritium-tritium où deux noyaux de tritium se fondent pour produire de l’hélium, deux neutrons et de l’énergie ;
- 3° la réaction tritium-deutérium où la fusion d’un noyau de tritium et d’un noyau de deutérium fournit de l’hélium, un neutron et de l’énergie.
- Le deutérium peut être isotopiquement séparé de l’hydrogène tel qu’on le rencontre dans la nature. De plus, 1’ « eau lourde » (ainsi nommée parce qu’elle contient de 1’ « hydrogène lourd » ou deutérium) peut être fabriquée à grande échelle. Le processus chimique de séparation du deutérium de l’oxygène de l’eau lqurde est relativement simple. Enfin, depuis longtemps, l’eau lourde est employée comme matériau de recherches, comme modérateur à neutrons et comme réfrigérant de réacteurs (piles atomiques).
- Le tritium peut être produit dans des réacteurs, nucléaires ou piles atomiques semblables à celui d’Hanford aux États-Unis. Toutes les grosses piles produisent des quantités de neutrons habituellement utilisés pour créer du plutonium, mais qui peuvent l’être également pour donner du tritium. Si du lithium (le plus léger des éléments métalliques) est placé dans un réacteur et y est bombardé par des neutrons, il se sépare en un mélange d’hélium k et de tritium. Ces deux éléments peuvent ensuite être séparés sans difficulté excessive.
- Il serait possible de réaliser une bombe H dont le rayon de destruction atteindrait 16 km, au lieu de 1,6 mesuré à Hiroshima. La condition de « dimension critique » qui limite l’énergie des bombes atomiques ne s’applique pas aux bombes II. Certains auteurs ont fait remarquer que l’énergie de la bombe H pourrait être mille fois supérieure à celle de la bombe A dont l’énergie correspondait pourtant déjà à celle libérée par l’explosion de 20 000 t de T.N.T. ! Les effets destructeurs du souffle dépasseraient donc de beaucoup ceux de la bombe A, sans toutefois augmenter dans le même rapport que les énergies libérées. Les effets de la chaleur seraient aussi considérablement accrus, tout en restant pourtant variables et incertains, étant donné qu’ils dépendent des conditions atmosphériques. Ordinairement, les dangers des radiations nucléaires et de la contamination radioactive dus à la bombe II ne seraient pas aussi significatifs que les effets de souffle ou de chaleur (tout comme c’est le cas pour la bombe atomique). Il serait cependant possible de concevoir une bombe H engendrant de dangereuses contaminations locales. Il a même été calculé qu’une bombe H pesant quelque 10 000 t, au maximum, produirait assez de poussières radioactives pour empoisonner la totalité de l’atmosphère terrestre.... Effectivement, il serait possible de produire une telle quantité de deutérium, bien que cette fabrication puisse nécessiter une dépense de 4o billions de dollars et 5 à 10 années de labeur. L’explosion de cette masse énorme pourrait se réaliser en une ou plusieurs fractions et libérerait une cinquantaine de tonnes de neutrons ! Ces derniers pourraient alors être absorbés par un élément qui se muerait en un dangereux isotope radioactif. Un tel isotope devrait être suffisamment radioactif, ne devrait posséder une demi-vie (1) ni trop longue ni trop courte et devrait provenir d’un élément disponible en quantités suffisantes. Deux éléments rempliraient ces conditions : le zinc et le cobalt. Ce dernier dégagerait cependant huit fois plus de rayons gamma
- 1. Le temps requis pour la désintégration de la moitié des atomes d’un isotope est appelé « demi-vie » de cet isotope. En d’autres termes, c’est le temps qu’il faut pour qu’un corps soit à demi transformé en un autre produit ; ce temps peut atteindre des millions d’années ou n’être qu’une fraction de seconde.
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- que le zinc. D’autre part, les neutrons devraient être absorbés par le cobalt et non dissipés dans l’explosion; il faudrait pour cela qu’une coque de ioo ooo t de cobalt recouvre le deutérium explosif....
- La bombe A et la bombe H au point de vue écono=
- mique. — L’uranium, matière première des bombes atomiques est rare et coûteux, tandis que les matériaux servant à la fabrication des bombes II (l’hydrogène et le lithium) sont abondants et relativement bon marché.
- L’uranium est un élément métallique lourd qu’on ne rencontre que rarement en dépôts concentrés dans l’écorce terrestre. Les principaux gisements sont localisés au Congo belge, en Tchécoslovaquie, aux États-Unis et au Canada. De son côté, l’hydrogène ordinaire dont on tire le deutérium, peut être obtenu en quantités presque illimitées, grâce à divers processus industriels, par exemple en tant que sous-produit de la fabrication des engrais.
- Le lithium, dont dérive le tritium, se rencontre souvent en dépôts importants dont les frais d’extraction ne sont pas excessifs.
- D’autre part, l’uranium est encore nécessaire aux bombes II, car il constitue le matériau fissionable qui amorce la réaction thermo-nucléaire.
- L’uranium U. 235 et le plutonium, matériaux fissionables indispensables pour fabriquer les bombes A et pour amorcer les bombes II, sont coûteux et difficiles à produire. Le deutérium, un des ingrédients de la bombe II, peut être manufacturé assez facilement et sans dépenses excessives, mais le tritium, un autre constituant de la bombe II, ressemble au plutonium en ce sens que sa production nécessite l’intervention des neutrons dans une pile atomique, d’où dépenses plus élevées.
- Au prix du deutérium et du tritium, il convient encore d’ajouter le coût des matériaux fissionables requis pour l’amor-çage.
- L’U. 235 et le plutonium ont des demi-vies atteignant des milliers d’années, tandis que la demi-vie du tritium n’est que d’environ 12 ans. Dans l’histoire, les matériaux fissionables représentent les premiers constituants d’armements qui ne peuvent pratiquement devenir démodés. L’ensemble mécanique utilisé pour les faire détoner peut varier, mais eux-mêmes resteront chimiquement semblables, qu’on les insère dans une bombe atomique genre Hiroshima ou dans une bombe améliorée du type Enhvetok.
- Au contraire, la moitié de la masse de tritium se désintègre en hélium 3 après seulement 12 ans.
- Enfin, l’U. 235 et le plutonium possèdent un intérêt économique, tandis qu’en dehors des laboratoires, l’utilisation du deutérium et du tritium apparaît limitée ou nulle. L’eau lourde contenant du deutérium peut servir à la fois de modérateur et de réfrigérant dans certaines piles atomiques, mais il est possible que dans l’avenir, les réacteurs nucléaires qui actionneront certaines machines ne dépendent plus de l’eau lourde. Quant au tritium (en dehors de son intérêt indubitable en laboratoire), on ne lui connaît — et on n’envisage — aucune utilisation pacifique en tant que source d’énergie.
- Les bombes A et H en relation avec le contrôle atomique international. — Il existe actuellement un stock considérable de bombes atomiques, alors que l’existence même des bombes à hydrogène n’est pas encore certifiée.
- Lorsque les Nations-Unies considérèrent pour la première fois le contrôle international de l’énergie atomique, elles avaient à envisager de supprimer une arme existante et un fait accompli. En un sens, leur tâche était de défaire ce qui avait été fait. Si un accord de contrôle effectif pouvait être plus aisément réalisé en ce qui concerne une arme qui n’existe encore qu’à l’état de projet, il y. aurait peut-être une chance de réussite avant que la bombe II devienne une réalité.
- R. Antiioine.
- Production mondiale de laine.
- Un rapport récemment publié à Londres par les soins du Commomvealth Economie Committee donne la statistique de la production mondiale de laine en ces dernières années. Celle-ci qui était avant la guerre de 1 71b 000 t est maintenant à peine plus élevée : 1 802 000 t l’année dernière, dont à peu près moitié dans les pays du Commonwealth britannique et autant dans le reste du monde.
- L’augmentation globale de production est donc seulement de 5 pour xoo. Elle atteint 17 pour 100 en Australie et approche de 3o pour 100 en Nouvelle-Zélande et en Argentine; elle dépasse 3o pour too en U.R.S.S. (en y comptant les républiques baRiques) et 37 pour xoo en Uruguay. Par . contre elle a diminué de plus de 4o pour 100 aux États-Unis et de 33 pour 100 en France.
- L’élevage du mouton recule devant les progrès de l’agricul-tui’e, partout où le soi et le climat permettent des récoltes, et les efforts de sélection des troupeaux ne suffisent pas pour augmenter beaucoup la production lainière, malgré les demandes accrues dont cette fibre est l’objet.
- En Fiance, la tonte du troupeau ne peut plus fournir par an que 4oo g de laine pour chaque habitant, beaucoup moins que les besoins. Les fibres artificielles n’ont pas les mêmes qualités et ne remédient pas à la pénurie; force est d’importer de grosses quantités de laine, moyennant des sorties de devises, et
- encoi'e toute l’industrie textile se trouve-t-elle atteinte par
- hausse considérable des cours.
- Voici les productions par pays en milliers de tonnes : Moyenne
- 1934 / .HS 1949/50
- I. Commonwealth :
- Australie 450 527
- Nouvelle-Zélande 136 176
- Afrique du Sud 118 , 102
- Inde 23
- Pakistan 43 ' 11
- Royaume Uni 50 !. 40
- Autres pays 12 8
- 811 i 890
- II. Reste du monde :
- États-Unis 204 120
- Argentine 170 215
- Union soviétique 09 ' 131
- Uruguay 51 70
- France 24 16
- Roumanie 20 14
- Espagne 27 34
- Turquie 23 32
- Autres pays 284 260
- 904 894
- III. Total mondial 1 715 1 802
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- LA VIE ERRANTE DES GERMONS
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- En novembre 1948, mon collègue et ami, le professeur René Legendre, publiait dans La Nature un excellent article où il relatait les découvertes effectuées dans le Pacifique Nord sur la biologie du thon blanc ou germon (Thunnus (Germo) ala-lunga Gmelin) et sur la position de son lieu de ponte à l’ouest, des îles Midway. A ce propos, il se demandait « si, par analogie, les germons de l’Atlantique qu’on prend au large du Golfe de Gascogne pendant l’été n’ont pas leur origine quelque part entre les Açores et les Canaries, les Bermudes et les Antilles, où il conviendrait d’aller les découvrir en hiver ou au printemps, plutôt qu’à l’est dans les eaux de Madère ». E,t de plus il ajoutait : « Le germon n’aurait-il pas une vie presque aussi extraordinaire que l’Anguille, qui va pondre dans la Mer des Sargasses ? »
- Les remarquables prévisions de ce savant biologiste se trouvent confirmées par les faits. Comme lui, je cherchais la solution de ce problème passionnant depuis une trentaine d’années, c’est-à-dire depuis l’époque où j’ai précisé les conditions fondamentales de la biologie du germon, en définissant sa slénothermie et sa fidèle obéissance aux déplacements des eaux des transgressions océaniques. Depuis lors, beaucoup avaient cherché à résoudre celte énigme scientifique au prix de coûteuses recherches, sans avoir obtenu de résultats appréciables.
- Or, le 16 novembre 1950, au cours d’une croisière dans la Mer Caraïbe, à bord d’un navire gracieusement mis à ma disposition par le Gouvernement du Vénézuéla, j’ai capturé près de l’îlot de la Blanquilla, dans la chaîne des Iles Sous-le-Vent, un petit germon de 34 cm, pris en surface à la ligne de traîne. On ignorait l’existence du thon blanc dans ces parages. Ce poisson avait été signalé près de Cuba par Poey en i8G5, puis par David Slarr Jordan en 1887; plus tard, en 19x9, Metzelaar l’avait trouvé dans les Antilles hollandaises et en 1925, Gruvel et Conseil., dans qne note à l’Académie des Sciences, déclaraient avoir rencontré autour de la Martinique et de la Guadeloupe des germons en état de maturité sexuelle. Tout récemment, en 1949, Léonard P. Schulz, dans sa liste des Poissons du Vénézuéla, indiquait que la présence du Thunnus alalunga n’avait pas été encore relevée dans les eaux côtières de ce pays. Depuis ma première découverte, deux autres échantillons de 54 cm furent pris près de l’île Margarita et les pêcheurs du Golfe de Cariaco ont rapporté de nombreux petits germons capturés en janvier avec des bonites.
- On sait que les thons blancs qui passent au large des côtes du Maroc et d’Europe sont toujours des poissons de grande taille, dont la longueur varie de 5o cm à 1,10 m. Celui que nous avons pêché dans les eaux vénézuéliennes semble être le plus petit qui ait été jusqu’ici capturé dans l’Atlantique nord.
- En 1924, Ehrenbaum publia une étude sur les stades larvaires des Thonidés qui avaient été récoltés par les expéditions du grand océanographe danois Johs. Schmidt et y décrivit des larves mesurant de 5 à i5 mm recueillies dans la Mer des Sargasses, par 20° Nord et 56° Ouest; d’autres variant de 7 à i3 mm, trouvées à l’est de-Saint-Thomas, par 190 Nord et 6i° Ouest, et d’autres enfin, de 9 à i5 mm, prises en plein Atlantique, mais dans la partie occidentale de cet océan, jusqu’au 4o° Ouest. Le savant allemand compara ces stades larvaires à ceux qui provenaient du Cap Matapan en Méditerranée, ce qui excluait toute confusion possible avec les larves de l’Albacore (Thunnus albacora), et les attribua au germon ; avec conscience et modestie, il fait quelques réserves sur la valeur de sa détermination, mais cependant ajoute celte déclaration importante pour la justifier : « On peut mettre en doute que ces larves appartiennent au thon blanc, mais le plus fort argument dans ce sens est fourni par la présence au même endroit de formes plus grandes et plus âgées du développement de cette espèce ».
- En conséquence, on trouve d’une part dans l’Atlantique occidental tous les stades de la série évolutive du Thunnus alalunga, depuis les larves de 5 mm jusqu’aux jeunes thons immatures de 34 cm; on connaît d’autre part l’existence aux Antilles de reproducteurs en état de maturité sexuelle. Donc tout porte à croire que le lieu de ponte du germon se situe non loin des parages où ont. été recueillies les plus petites larves, c’est-à-dire dans la Mer des Sargasses; il est sans doute d’une assez grande étendue, entre les 4o° et 6o° de longitude ouest et entre les i5° et 3o° de latitude nord.
- A la lueur de ces faits nouveaux, nous allons tenter de retracer dans son ensemble la biologie du thon blanc. C’est quand il dépasse une taille d’environ 70 cm que ce poisson atteint sa première maturité sexuelle. Suivant l’exemple de son proche parent, le thon rouge, il est, dans cette phase de son existence, strictement sténotherme et sténohalin et il recherche des eaux de salure et de température très élevées. Les repi'oducteurs circulent dans les eaux à 36 ou 36,5 pour. 1000, qui occupent dans l’Atlantique nord une vaste bande transversale s’étendant 'du Golfe du Mexique à l’entrée de la Méditei'ranée, entre les
- H 1 iJJ.
- Larve de germon de 11 mm, pêchée par Johs. Schmidt dans l’Atlantique
- (d’après Ehrenbaum).
- dixième et quarantième degrés de latitude noi’d, avec des températures variant de i6° à 24°. Vers la fin de l’hiver ou au début du printemps, les thons mûrs se concentrent vers l’ouest en Mer des Sargasses, dans cette partie de l’Océan où la cuvette formée par les eaux équatoriales atteint son maximum de profondeur et ils s’enfoncent en suivant la coui'be des isothermes. Ce mouvement présente un caractère de caladromie partielle et doit être analogue à celui des anguilles, lors de leur fameux voyage nuptial vers les mêmes parages. La ponte doit s’effectuer assez pi’ofondément, mais il est impossible, dans l’état actuel de nos connaissances d’en préciser le niveau exact : l’isotherme + i5° et l’isohalin 36 pour i ooo descendent dans la Mer des Sargasses à environ 5oo m et certaines des larves recueillies par Johs. Schmidt ont été capturées à plus de i5o m, après plusieurs jours de développement. Plus heureux que les Anguilles, les germons survivent à la reproduction et aussitôt après la ponte, allégés du poids de leurs produits sexuels et sans doute quelque peu affamés, recommencent à parcourir toute l’étendue de leur secteur préféré. On les trouve alors avec des ovaires vidés autour des archipels océaniques, Açores, Madère, Canaries.
- Cependant, dans l’Atlantique occidental, les larves se développent, se transforment en jeunes thons immatux’es. Ceux-ci s’éloignent peu de leur lieu de naissance tant qu’ils n’ont pas atteint une taille de 23 ou 24 cm, car ce sont encore de bien petits poissons. Il semble que l’on ait beaucoup exagéré la rapidité de croissance du germon et qu’elle soit en réalité bien'plus lente. Les individus de cette espèce qui mesurent 24 cm en hiver doivent avoir déjà 18 mois. Un an plus tard ils atteignent 35 cm; ils sont alors robustes et ils peuvent se promener à plus
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- JEUNES
- ADULTES
- 36 °/oo
- PONTE
- Madère -
- D'EXTENSION
- < DES Canari
- GRANDS THONS
- Mer
- GÉNÉTIQUES
- du - •
- ous le Vervt
- C -x-
- X Localité où fut pris le germon de 3ù cms \ © Localités où ont été recueillies des larves
- Fig. 2. — L’Atlantique nord, où errent les Germons qu’on pêche en nos régions.
- d’un millier de milles de leur lieu d’origine; ce sont des victimes désignées pour les grands prédateurs, les requins, les espadons, sans oublier les grands germons. Ces jeunes ont une chair plus rosée et moins dense que celle des thons blancs plus âgés, ainsi que nous avons pu le constater sur les échantillons capturés au Vénézu-éla, à 900 milles de la Mer des Sargasses.
- A partir de 45 cm (ils ont sans doute 3 ans 1/2), les jeunes thons immatures s’éloignent notablement des parages où ils sont nés et commencent à suivre le déplacement vers le nord des eaux des transgressions; ils entreprennent d’énormes voyages en nageant dans les eaux à 35,5 pour 1 000, dont la température (ainsi que nous l’avons défini en 1921) est supérieure à + i4° à une profondeur de 5o m. Ces immatures ont un excellent appétit et dévorent d’innombrables espèces de la faune marine, dont la longue liste a été minutieusement dressée par Legendre. Ce sont ces jeunes qui passent en avril au large de la péninsule ibérique, pénètrent en mai dans le Golfe de Gascogne et s’y maintiennent tout l’été, .avant de s’ébattre en septembre et octobre sur le banc de la Grande Sole et au sud de l’Irlande. Soit en surface, soit en profondeur, ils font route en automne vers le sud-ouest, en observant fidèlement les conditions hydro-logiques que j’ai précisées. Ces vastes migrations trophiques les entraînent à plus de 3 000 milles de leur lieu d’origine, de la lointaine Mer des Sargasses, mais ils n’y reviennent pas et passent la mauvaise saison autour des archipels atlantiques où ils rencontrent des thons génétiques. C’est cette coïncidence dans les déplacements des immatures et des reproducteurs qui a fait croire que les germons qui passent en été au large des côtes d’Europe allaient pondre en hiver autour des Açores, de Madère et des Canaries. L’absence de stades larvaires et de thons de petite taille dans l’Atlantique oriental démontre bien qu’il n’y a là qu’une apparence trompeuse, mais il était impossible de ne pas commettre cette erreur tant que l’on n’avait pas trouvé les formes jeunes de l’Atlantique occidental.
- Les germons de 55 et 65 cm, qui ont peut-être 4 ans 1/2 et
- 5 ans 1/2, ont sensiblement la même biologie. Mais quand, au cours de leur sixième année, ils atteignent leur maturité sexuelle, les thons blancs réduisent l’amplitude de leurs" migrations, car leurs obligations sténothermiques et sténohalines s’accentuent progressivement. Ils restent cantonnés de plus en plus dans les eaux à 36 pour 1 000 et à i6°-i8°; c’est pourquoi ils apparaissent après les thons plus petits et disparaissent plus tôt que ceux-ci, car ils ne quittent guère le centre de la masse des eaux transgressives. La croissance se ralentit encore chez les grands thons adultes; il est probable que les germons de 80 cm, 90 cm et 1 m ont respectivement 8 ans, 10 ans et 12 ans. On ne sait pas si les reproducteurs pondent chaque année ou si avec l’âge les voyages à la Mer des Sargasses deviennent plus espacés, non pas à cause de la distance, car cette question ne se pose pas pour ces puissants nageurs qui peuvent traverser l’Atlantique en quelques jours, mais seulement peut-être par la nécessité d’un repos physiologique.
- Dans l’Atlantique sud existe une population de germons qui se déplace avec les transgressions australes au large des côtes de l’Angola et de l’Afrique du Sud et autour des îles isolées, Ascension, Sainte-Hélène, Tristan da Cunha. Il est possible que le lieu de ponte de cette race se trouve aussi dans la partie occidentale de l’Océan, car Ehrenbaum signale des larves de 5 à 8 mm recueillies dans les parages de Pernambouc, entre io° et i5° de latitude sud; cette zone est caractérisée par une forte salinité (36 à 87 pour 1 000), et de très grandes profondeurs qui rappellent celles de la Mer des Sargasses. Comme dans le nord, les germons effectueraient vers l’est leur migration de nutrition, car ils ne paraissent pas avoir été signalés au large de l’Argentine.
- Les travaux de Vernon E. Brock ont fourni de précieuses indications sur les mœurs du germon du Pacifique Nord. Le lieu de ponte découvert par le navire japonais « Fuji-Maru » se situe à l’ouest des îles Midway, dans la région la plus salée du grand Océan. D’autre part, Kishinouye indique dans son remarquable
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- travail sur les Thonidés qu’il a trouvé de petits germons de 3o cm dans l’estomac d’autres poissons près de' l’archipel des Ogasawara, à i 200 milles environ du lieu de ponte des îles Midway. La marche des thons immatures vers l’est est maintenant bien connue et a été observée par des bateaux américains. Comme dans l’Atlantique, ils suivent les déplacements des transgressions océaniques jusqu’aux côtes de Californie et de l’Orégon, où j’avais pu les observer en 1923. Dans ce voyage ils couvrent par étapes un énorme parcours de 2 5oo milles ; les thons immatures passent l’hiver autour des îles situées à l’ouest du Mexique, où viennent les poursuivre les tuna-clippers américains. Ainsi les conditions géographiques et hydrologiques de la ponte et des migrations du thon blanc du Pacifique correspondent très exactement à celles de la race de l’Atlantique nord.
- On sait que le germon existe dans les parages de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, ainsi que du côté de la Réunion; sans doute a-t-on affaire à des populations distinctes, mail on ignore tout de leur biologie.
- Enfin il ne faut pas oublier que le thon blanc existe en Méditerranée, bien que ce sujet ait donné lieu à de nombreuses controverses. Il s’agit nettement d’une race particulière. Le lieu de
- ponte se situe entre la Sicile et la Grèce, car Sanzo a recueilli des œufs et des larves dans le détroit de Messine et Ehrenbaum en a décrit d’autres capturées près du Cap Matapan. La Méditerranée orientale paraît être le siège de la migration trophique, qui entraîne les germons en Mer de Marmara et jusqu’en Mer Noire. La période de reproduction ne coïncide pas avec celle des thons de l’Atlantique et se place entre juillet et septembre.
- Ainsi le secteur de distribution géographique du Thunnus alalunga est extrêmement vaste et s’étend aux eaux tropicales et tempérées des trois océans, Atlantique, Pacifique et Indien. La dispersion de l’espèce a dû s’effectuer au moment de la grande transgression éocène, car c’est vers cette époque que s’est produite l’évolution des Thons à partir de la famille des Cybiidés. L’inintensité de la Mer à Nummulites a permis l’individualisation des espèces et la création du type des nageurs puissants et rapides; puis son unité marine s’est trouvée brisée et fragmentée par les surrections continentales. Mais les lieux de ponte des germons se plaçent encore dans les bassins profonds qui firent jadis partie de l’Océan lutétien quand il ceinturait la zone équatoriale de ses eaux chaudes et salées.
- En. Le Danois.
- Un nouvel antibiotique : la terramycine.
- Depuis les succès thérapeutiques de la pénicilline, puis de la streptomycine, on ne cesse dans tous les pays de rechercher de nouvelles moisissures, d’en entreprendre la culture, d’en extraire des substances définies, d’en essayer les effets bactério-statiques sur les diverses bactéries pathogènes, in vitro et in vivo. Plusieurs nouveaux antibiotiques sont ainsi apparus, de propriétés différentes, et quelques-uns, après essais de non toxicité pour l’homme, sont entrés dans l’arsenal thérapeutique et donnent lieu maintenant à une préparation industrielle et à un commerce actif.
- Le plus récent des antibiotiques arrivés à ce stade d’utilisation est la terramycine, extraite d’un actinomycète qui vit dans le sol, le Streptomyces rimosus. On l’obtient maintenant à l’état cristallisé. Un récent colloque organisé sous les auspices de l’Académie des Sciences de New-York vient de faire le point de ce qu’on en sait aujourd’hui. i
- La terramycine a été découverte dans les laboratoires de
- recherches biochimiques de Chas. Pfizer and Co, au cours d’une vaste enquête sur les microorganismes des sols de différents pays. Ses propriétés physiques et chimiques ont été définfis, en même temps qu’on essayait ses effets sur divers animaux, puis sur l’homme. Comme l’auréomycine et la chloromycétine, elle a une action bactériostatique marquée sur beaucoup de bactéries gram-positives et négatives, notamment les gonocoques et les méningocoques, les brucelloses, les rickettsies et certains virus; par contre, elle n’agit pas sur le bacille tuberculeux. Elle est efficace cliniquement contre la pneumonie à pneumocoques, les rickettsies, la gonococcie; elle n’a pas d’effets sur les oreillons, la rougeole, la petite vérole; elle est encore à l’essai dans d’autres maladies. Les trente rapports présentés à la réunion de New-York font le point de l’état actuel des recherches et donnent l’impression qu’on est er( présence d’un nouvel antibiotique dont certaines actions spécifiques permettent d’espérer une assez large utilisation thérapeutique.
- Les progrès techniques dans les mines de potasse d'Alsace.
- Les Annales des Mines ont publié une étude analysant les progrès techniques, introduits de 1927 à 1948, dans les Mines domaniales de potasse d’Alsace et leur influence sur le coût de production. Leur lente évolution s’est traduite en 21 ans par le doublement du rendement homme-poste, c’est-à-dire par une économie très sensible de main-d’œuvre. La mécanisation a permis, en outre, une économie de biens de toute sorte, grâce à l’étude des variations du prix de revient de l’extraction d’une tonne, évalué avec une unité indépendante des fluctuations économiques. L’unité adoptée est l’heure de travail du manœuvre non spécialisé. Les éléments du prix de revient salarial ainsi obtenu : sont divi-
- sés en quatre catégories : main-d’œuvre, explosifs, énergie et matériel. Le coût relatif de chaque catégorie est corrigé de l’indice salarial des prix correspondants pour l’année envisagée. L’extraction d’une tonne de potasse qui coûtait environ 12 h de travail en 1927, coûte en 1948 seulement 9 h. Cette économie totale provient d’une économie de 37 pour 100 .sur la main-d’œuvre minière, de 8 pour 100 sur les explosifs, de 24 pour 100 sur l’énergie, alors que la quantité du matériel et des machines a augmenté seulement de 0,03 pour 100. L’exemple des mines domaniales de potasse d’Alsace montre de quelle façon la mécanisation de l’extraction entraîne une sensible économie des ressources naturelles.
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- NOUVEAUTÉS HORLOGÈRES
- L'horlogerie, science naguère artisanale, s’est annexé depuis quelques années des techniques qui eussent fort surpris Huyghens ou le vieil Ungerer, père de l’horloge de Strasbourg ! L’électricité, avec ses ressources et ses « susceptibilités », est venue se mettre au service du « rouage » et du balancier, tandis que la synchronisation se généralisait pour les cadrans des administrations et les horloges monumentales.
- La création des nouveaux aimants au cobalt ou au nickel-aluminium, à grande force coercitive, transforme les problèmes d’horlogerie électrique, tandis qu’une nouveauté révolutionnaire, l’introduction de billes microscopiques (65 centièmes de millimètre) dans les montres, apporte les possibilités les' plus curieuses pour le remontage automatique des montres de poignet 0).
- Le problème du « balancier entretenu ».
- Les horloges monumentales, ainsi que les réseaux intérieurs de distribution de l’heure, sont actuellement commandés par des horloges-mères du type « pendule moteur », ce dernier étant « entretenu » directement au moyen de dispositifs magnéto-électriques alimentés par piles.
- Dans ce système, qui réduit au minimum les échanges d’énergie, les classiques barillets à ressort, agissant par train d’engrenage multiplicateur, ainsi que les roues d’échappement, ont été éliminés ; il en résulte des avantages considérables, dont l’importance a été mise en évidence par de longues années de pratique.
- Le système des horloges-mères électro-magnétiques est aujourd’hui imposé par les principaux services techniques de l’État, tels que les chemins de fer, les P.T.T., les grandes administrations et les manufactures.
- Le balancier à entretien électromagnétique a été inventé presque immédiatement après les travaux célèbres d’Ampère et d’Arago. Il semble que ce soit l’Anglais Alexander Bain qui ait, le premier, proposé un dispositif dans lequel nous retrouvons les principaux organes des pendules électro-magnétiques actuels.... Détail curieux, l’horloge de Bain ne comportait pas de pile : elle était mue par les caurants telluriques naturels, captés dans le sol au moyen de deux plaques-électrodes !
- Le pendule de l’horloge (fig. i) porte une bobine, oscillant entre les pôles N.-S. d’aimants permanents fixes; il actionne un petit interrupteur électrique, qui envoie dans la bobine des impulsions de courants telluriques. Les aiguilles sont actionnées par un compteur mécanique à cliquet et roue à rochet, ou encore par un récepteur électrique HR, analogue à ceux des télégraphes à cadran. -
- Cette horloge, revendiquée également par Wheatstone, fut brevetée en 1843, mais elle ne donna pas de bons résultats et
- Fig. 1. — Horloge électrique de Bain ( 1843) alimentée par les courants « telluriques » du sol.
- B, bobine du pendule ; NS, aimant fixe-; I, interrupteur ; HR, cadran-compteur ; M et N, électrodes de captation des courants telluriques.
- 1. Les dessins illustrant cet article ont été aimablement communiqués par la revue Électricité.
- fut abandonnée. On ne saurait s’en étonner, si l’on songe à l’instabilité d’une pile dont l’électrolyte est constitué par la terre humide et à la disposition défectueuse de l’interrupteur de courant.
- Les électriciens-horlogers français orientèrent leurs recherches dans une autre voie. Ils s’efforcèrent de construire un dispositif électro-mécanique capable de restituer périodiquement au pendule un petit travail mécanique constant, indépendant de l’énergie électrique, et représenté, par exemple, par la descente d’un poids. Citons les pendules auto-entretenues de Froment, en 1855, et celles de l’astronome Liais, en 1873. Il est curieux de remarquer que le système anglais, de Bain et de Wheatstone, n’a pas été apprécié par les constructeurs anglais, tandis qu’il s’est développé en France; inversement, le dispositif à impulsion mécanique est estimé en Angleterre ; il est appliqué dans les horloges-mères de Ilope-Jones et dans l’horloge astronomique moderne de Shortt.
- On peut reprocher à ces premiers systèmes d’entretien électriques, outre l’irrégularité des impulsions électro-magnétiques, le fait que ces impulsions s’exercent lorsque le pendule est très écarté de la verticale; on sait que cela est contraire à l’isochronisme, qui requiert, au contraire, des impulsions très brèves, fournies au voisinage de la position d’équilibre, c’est-à-dire au milieu de l’oscillation. L’horloger wurtembergeois Matthias Hipp, dès i834, avait conçu un système ingénieux comportant un doigt léger, porté par le pendule, et soulevant au passage une légère palette de contact (fig. 2). Tant que les oscillations conservent une amplitude suffisante, le soulèvement ne se produit pas; il intervient quand l’amplitude des oscillations décroît, ce qui assure une marche régulière. Ce système, du reste, est actuellement très employé dans certaines minuteries d’escaliers.
- Le système Féry.
- Une soixantaine d’années après les créations de Bain et d’Hipp, le problème des « horloges à entretien électro-magnétique direct » fut. complètement résolu, sans complications mécaniques, grâce à une invention du Pr Charles Féry. Le brevet de Féry fut parfaitement mis au point par le célèbre constructeur Lucien Brillé et constitue le prototype des horloges électriques modernes « à courants faibles ». La quantité d’électricité réclamée à la pile, dont le débit varie automatiquement, est extrêmement faible, de l’ordre de 1 demi-milliampère, la durée de la pile atteignant aisément plusieurs années.
- . La figure 3 représente l’essentiel de ce dispositif, aujourd’hui classique. On reconnaît, suspendu à l’extrémité du balancier, un aimant en fer à cheval NS, dont une branche peut plonger dans la bobine fixe E, alimentée par la pile. Le courant est contrôlé par un petit interrupteur I, formé d’une palette g, qui vient prendre contact avec une palette fixe /; le mouvement de g est commandé par la rotation de la roue à crochet C. Cette roue, d’autre part, est
- Fig. 2. — Horloge magnéto-électrique à palette mobile.
- Ip, palette mobile ; M, contre-palette portant à l’angle supérieur une petite entaille. Quand l’amplitude des oscillations est grande, p saute librement par dessus M ; lorsqu’elle se réduit suffisamment, la palette p s’engage dans l’entaille de M ; il se produit un arc-boutement et le contact électrique est établi ; S, pile ; E, bobine attirant la pièce F du balancier.
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- elle-même entraînée par un cliquet mobile BG, porté par la pièce oscillante A, solidaire du balancier et pivotant autour de l’axe de suspension 0. , '
- Il suffît d’examiner la figure 3 pour se convaincre que la « fourniture » d’énergie, par le pendule, à la roue C qui entraîne le rouage, se fait à mi-course; c’est également à ce moment que le balancier reçoit, pendant un court instant, l’impulsion électrique. Les meilleures conditions d’isochronisme se trouvent ainsi réalisées.
- Le mode d’entretien pendulaire de Féry a permis d’atteindre des rendements de l’ordre de 0,7 à 0,8, alors que les pertes électriques, dans les systèmes antérieurs, étaient de 100 à 1 000 fois plus élevées ! La dépense de ce type d’horloge, même lorsqu’elle est établie sans soins particuliers, ne dépasse guère o,5 à x Wh par an, ce qui correspond à une consommation de 1 g de zinc dans la pile ! Il n’est pas rare d’avoir des durées de marche de 6 à 7 ans à l’aide de petits éléments à depolarisation par l’air, dont les dimensions n’excèdent pas 5x5 x 10 cm.
- Comme le fait observer M. Marius Lavet, les piles de bonne qualité présentent une énorme supériorité sur les ressorts moteurs. Un gros barillet à ressort, d’un diamètre de 4 eux et d’une
- hauteur de 2,5 cm, permet d’accumuler au maximum 3 kgnx, ce qui équivaut à moins de 0,01 Wh. L’utilisation de cette énei'gie nécessite en outre un rouage compliqué et coûteux, soumis à des forces élevées et instables, provoquant une usure qui dérègle progressivement l’horloge.
- Nouveaux aimants coercitifs.
- Depuis Féry, des légions de chercheurs ont imaginé les dispositions les plus variées pour les horloges à entretien direct. Les inventions concernent surtout les modes de construction des organes moteurs, de l’interrupteur et du mécanisme chargé de faire progresser les aiguilles proportionnellement au nombre des oscillations.
- On peut dire que toutes les combinaisons pouvant être obtenues au moyen de conducteurs mobiles par rapport à des lignes de force magnétiques ont été suggérées ou essayées. Tantôt le déplacement relatif s’effectue dans l’axe de longues bobines, tantôt la direction du mouvement relatif est parallèle au plan des spires d’un enroulement plat. Tel est le cas de l’horloge Ch. Poncet, que représente la figure 4, et qui a été construite à l’Fcole nationale d’horlogerie de Cluse. La masse pendulaire est ici constituée, en partie, par deux aimants en acier au tungstène Ar et A2, en forme de fer à cheval. Ces deux aimants sont séparés par un intervalle dans lequel peut passer une bobine en fil de cuivre émaillé très fin, réalisée sous la forme d’une galette de 2,5 mm d’épaisseur. Ceci permet de réduire les entrefers et d’assurer la conservation d’un champ magnétique élevé; en revanche, les parties horizontales du fil ne concourent pas à la production du travail électro-magnétique.
- On reconnaît, sur la figure 5, une forme d’aimant couramment employé dans les pendulettes électriques (horloge Moulin et Favre-Bulle). L’aimant est constitué par un long barreau
- courbe, présentant un pôle nord au milieu et deux pôles sud aux extrémités. Ce mode d’aimantation permet d’obtenir, dans un espace très étendu, des lignes de force à peu près perpendiculaires au barreau. On peut réduire les « pertes dans le cuivre » en utilisant une bobine longue et épaisse, car toutes les parties du fil se trouvent perpendiculaires au champ magnétique et ont, par conséquent, un effet moteur. Ce système donne d’excellents résultats, bien que les parcours des lignes de force dans l’air soient très importants.
- La maison Paul Garnier construit, selon un autre dispositif indiqué par Féry, un balancier à deux aimants opposés, embrassant dans leur mouvement une galette fixe, comme le représente la figure 6. Les entrefers sont grands et le balancier n’est exposé à subir aucun frottement accidentel susceptible d’arrêter son mouvement, dans le cas d’un défaut d’aplomb de l’horloge.
- Comme on le voit, il est possible d’obtenir de bons résultats avec des organes magnéto-électriques de proportions très différentes, les uns se caractérisant par l’emploi de champs très intenses dans des entrefers étroits, d’autres utilisant des champs' moins élevés, mais fonctionnant toutefois avec des pertes électriques modérées, grâce à une augmentation du volume de l’enroulement.
- Les progrès considérables de la fabrication des aimants conduisent du reste, actuellement, à une révision des données. Avec de nouveaux alliages à très haute coercitivité, type acier au nickel-aluminium, on peut réaliser des aimants très puissants sous forme de barreaux courts et massifs. Ces nouveaux aimants permettent de mettre en jeu des flux importants concentrés sur des surfaces polaires peu étendues et, d’autre part, de réduire l’inductance propre des enroulements parcourus par des courants intermittents (effets de self-induction). La figure G montre une réalisation de ce type.
- Synchronisation et entretien combinés.
- Une considération toute différente est venue, depuis peu, préoccuper les constructeurs. Des transmissions radio-électriques de fréquences-étalon et de signaux horaires rythmés doivent être instituées prochainement dans le monde entier; il est, par suite, tout indiqué de prévoir leur application à la synchronisation automatique des horloges.
- Fia. 4. — Pendule magnétique de l’horloge Ch. Poncet.
- AA,, aimants mobiles ; Bg, bobine fixe.
- Fig. 5. — Disposition de l’aimant mobile dans l’horloge magnéto-électrique Moulin-Favre-Bulle.
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- Cet heureux résultat peut être obtenu, en principe, par l’application du procédé Foucault, consistant à exercer, sur les pendules, des impulsions correctrices à la fréquence voulue.
- Prenons, par exemple, l’horloge Féry, dont la période propre nominale est d’une seconde. On peut la synchroniser au moyen d’un courant alternatif ou pulsatoire de fréquence 1 Hz; il suffit que ce courant traverse uni enroulement auxiliaire disposé près d’un pôle d’élément mobile. On peut même, grâce à des proportions convenables des organes moteurs, augmenter suffisamment la stabilité du régime synchrone et obtenir une marche autonome de secours en cas d’interruption du courant synchronisant.
- Quand on désire assurer les corrections de marche au moyen de courants très faibles, transmis par fil à grande distance, ou par radio, sans amplification notable, il est préférable de disposer d’un deuxième enroulement, relativement volumineux, dans une région où le champ mobile créé par l’aimant du balancier est très intense.
- Cette remarque a conduit M. Marius Lavet à modifier les organes moteurs de l’horloge Féry, par l’addition d’un second aimant courbe, les pôles de nom contraire de deux aimants se' faisant vis-à-vis. Les bobines fixes, latérales, dans lesquelles pénètrent les extrémités de l’aimant supérieur, sont chargées, l’une de l’auto-entretien, l’autre de la synchronisation du balancier. On utilise des aimants en un alliage fer.-nickel-aluminium - cobalt, dont le champ coercitif atteint 5oo OE. On peut ainsi obtenir la synchronisation du balancier avec un signal périodique développant une puissance utile de l’ordre de’ i/xoo de watt (% ?)•
- Le remontage automatique des montres.
- Il y a plus d’un siècle que des inventeurs s’avisèrent de construire des montres capables de se remonter d’elles-mêmes, sans intervention de leur possesseur. Les premières de ces montres automatiques furent des montres de poche — la montre bracelet n’existant pas à l’époque — dans lesquelles un levier massif excentré se déplaçait d’un angle déterminé, au hasard des mouvements imprimés à la montre. Le mouvement du levier se communiquait, par des organes à cliquet, à l’axe du barillet du ressort, qui, à chaque mouvement du levier, se trouvait légèrement actionné dans le sens du remontage. Un dispositif à glissement évitait la rupture du ressort par « sur-remontage a. L’énergie nécessaire au remontage de la montre était donc four-
- Fig. 7. — Régulateur Ato, dont le pendule, équipé de deux aimants et A2 (Anilco), possède deux bobines motrices pour Vauto-entretien et pour la synchronisation.
- nie par la personne elle-même qui portait la montre, sans dépense de force « voulue ».
- Bien qu’on ait essayé de supprimer le « levier d’inertie », par exemple en rendant mobile, à l’intérieur du boîtier, la totalité du mécanisme qui se déplace sur de petits rails, il semble que le principe du levier oscillant soit le plus avantageux pour le remontage automatique. Dans les montres-bracelets, on est conduit à placer le centre du levier oscillant au centre de gravité de la montre, ce qui permet d’élargir sensiblement l’angle d’oscillation; les mouvements giratoires abondants, obtenus grâce au « porter » au poignet, sont mieux... exploités. Le levier mobile, en forme d’ancre, à l’origine, a évolué jusqu’à la forme en demi-cercle, qui fournit un moment d’inertie maximum.
- Dans l’application du remontage automatique aux montres de dames, une difficulté se pose d’emblée, à savoir — fait bien connu des constructeurs — que le rendement des machines horlogères diminue considérablement avec la réduction de leurs
- Coupe TTITL
- Fig. 6. — Disposition de l’aimant mobile et de la « bobine-galette » fixe dans l’horloge Mimeur et Maury.
- A,, A2, aimants à haute coercivité, portés par le balancier ; Bp, bobine-galette ultra-plate.
- Fig. 8. — Détail du mécanisme de remontage automatique d’une montre de poignet.
- La denture de la masse oscillante A est en prise d’engrenage constante avec la roue à cliquets « directe » B, et avec le renvoi-renver-seur C, dont la denture intérieure engrène avec la roue à cliquets « indirects » D. Un système de quatre cliquets sans ressort transmet le mouvement, toujours dans le même sens, à l’axe du barillet.
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- millimètre — pesant chacune i mg — qui sont maintenues écartées les unes des autres par un « panier » très finement travaillé, véritable chef-d’œuvre de mécanique horlogère (fig. 9). Ce panier, jouant le rôle classique des « cages » de roulements à billes, empêche les contacts entre les billes et les maintient en place lors des .« rhabillages », ce qui est important, car des billes isolées de 2/3 de millimètre seraient assurément perdues lors de la première tentative de nettoyage.
- Fig. 9. Dimensions du roulement à billes et des billes d’une montre à remontage . automatique, comparées à celles d’une allumette.
- dimensions totales. La raison en est dans l’impossibilité de réduire les pertes inévitables des frottements des organes auxiliaires, consommateurs d’énergie.
- Lne grande machine, telle qu’une locomotive, peut demeurer parfaitement apte à fonctionner après une réduction linéaire de 10 à 1. Il n’en va pas de même pour une montre, en particulier pour une montre à remontage automatique. C’est ainsi que les constructeurs ont été parfois conduits à des dispositions spéciales, en l’espèce, le montage sur billes... de certains organes.
- microscopiques,
- Une montre à billes.
- Les paliers à pivot, uniquement employés jusqu’ici en horlogerie, présentent l’inconvénient d’une usure assez rapide, sans qu’il soit possible de corriger, pratiquement, 1’ « ébat » de la masse oscillante ou de l’organe tournant. Un roulement à billes, plus « roulant » que « glissant », n’occasionne qu’une usure extrêmement faible. En outre, l’ébat qui pourrait se montrer après quelques années d’usage peut être aisément corrigé à l’aide d’une vis centrale. Les roulements à billes peuvent manquer d’huile sans que l’usure devienne catastrophique, alors que le manque d’huile est fatal à un palier à pivot; en outre, les paliers à pivot sont très sensibles à la casse, alors qu’un roulement à billes, même de très petites dimensions, peut supporter des chocs relativement violents, du fait de l’élasticité de ses bagues.
- Dans la montre Eterna-Matic, le roulement à billes de la masse oscillante de remontage est constitué de la façon suivante (fig. 8) : la bague extérieure, massive, porte une denture qui transmet l’énergie.
- La masse oscillante est ajustée par pression sur la partie cylindrique de la bague; à l’intérieur se trouve une rainure à billes à double cône, où roulent les cinq billes, d’un diamètre de 65/ioo de
- La masse oscillante, par l’intermédiaire de la denture extérieure du roulement à billes, fournit un mouvement rotatif, également alternatif, qui se trouve transmis aux rouages de remontage toujours dans le même sens.
- Ce redressement est assuré, non par des cliquets à ressort, mais par des cliquets libres qui se font culbuter les uns les autres. Ainsi, quand l’impulsion se fait dans le sens n° 1, les cliquets n° 1 se trouvent débrayes par les dents et font basculer les cliquets n° 2, qui entrent ainsi en prise. On évite de cette façon les pertes d’énergie dues au fonctionnement des ressorts et au frottement inévitable qn’ils introduisent; quant à l’inertie des cliquets, elle est absolument insignifiante, leur longueur ne dépassant guère 1 mm.
- Des essais pratiques ont montré que la nouvelle montre à remontage à billes se remonte complètement dans le courant d’une journée, même lorsqu’elle est portée par une personne sobre de mouvements. La réserve de marche, constituée par le ressort du barillet, est d’un peu plus de 4o h, ce qui permet au porteur d’enlever sa montre le samedi soir et de la retrouver en marche le lundi matin.
- Pierre Devaux.
- Fig-. 10. — Les billes sphériques destinées au remontoir automatique d’une petite montre mesurent 0,65 mm de diamètre et pèsent chacune 1 mg. Aussi flottent-elles sur l’eau bien qu’en acier (figure de la couverture) et peut-on les suspendre à une toile d’araignée.
- Contrôle du degré
- Des plantations de canne à sucre des îles Hawaï utilisent une nouvelle méthode de contrôle du degré d’humidité du sol pour régler l’irrigation; on mesure au moyen d’un pont de Wheat-stone la résistivité électrique de blocs de plâtre enfouis dans le
- d'humidité du sol.
- sol; celle-ci est en équilibre avec le dégré d’humidité de celui-ci. L’irrigation est pratiquée dès qu’un degré de dessiccation déterminé est ainsi décelé.
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- Les îles australes françaises
- PLANCHE I
- Fig. 1. — Alimentées par clc nombreux névés, les cascades abondent clans la zone moutonneuse de la péninsule Courbet. Celle-ci, s'attaquant à de sombres et dures coulées de basalte, est déjà parvenue à y enfoncer son lit ( Kerguelen).
- Fig. 2. — Le mont du Château (750 m), dont la longue silhouette crénelée domine au loin les grandes plaines de la péninsule Courbet et la nouvelle station de Port-aux-Français (Kerguelen).
- (Photos E. Aliîeut de i.a Uüis).
- 1
- (LA NATURE, 1951)
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- . 11!
- Fig. 1. — Les pentes de la presqu’île du Prince de Galles dominant la baie Norvégienne. Les pilons qui surgissent de loin en loin sont des reliefs phonolitiques. Au premier plan, des prairies d’Accena, qui sont parmi les plus belles de tout l’archipel (Kerguelen).
- Fig. 2. — Le fond du golfe du Morbihan abrite tout un archipel cle petites îles basaltiques. Ce panorama, pris depuis le mont Wyville Thompson, en direction du Nord, permet d’apercevoir au fond et à droite les pentes neigeuses du mont Werth (1 000 m) (Kerguelen).
- (Photos E. AtTBERT riE LA RÜe).
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- Fig. 1. — Un aspect désolé des grandes plaines qui s'étendent autour de la station de Port-aux-Français. De nombreux blocs erratiques parsèment leur surface (Kerguelen).
- Fig. 2. — Des étendues stériles et dénudées ainsi que d’innombrables étangs se partagent la plus grande partie de la surface des grandes plaines de l’Est (Kerguelen).
- (Photos E. Aubert de la Rüe).
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- PLANCHE IV
- Fig. 1. — A Vile de la Possession, dans le groupe des Crozet, la plage de la baie du .\airire. Parmi les groupes de manchots rogaux, dorment, étendus sur le sable, de nombreux éléphants de mer.
- ,4/i. premier plan, remplie de tussock, une marmite centenaire où- les anciens chasseurs faisaient font Ire le lard de phoque.
- Fig. 2. — Une colonie de Cormorans sur le rivage du golfe du Morbihan. La mer, calme comme elle peut l’être certains jours au fond des baies de Varchipel, apparaît toute striée par les longs rubans frisés des grandes laminaires. Au fond, la silhouette basse de l’île Antarès (Kerguelen).
- (Photos E. Aubeht de la Rue).
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- LES ILES AUSTRALES FRANÇAISES
- L'ARCHIPEL DE KERGUELEN
- Caractères généraux. — Une grande terre, d’un relief accidenté, mesurant 120 à i4o km dans ses plus grandes dimensions, entourée d’une dizaine d’îles notables et de quelque 3oo îlots, constituent l’archipel de Kerguelen. D’une superficie d’environ 6 5oo km2, il est de loin la plus considérable des dépendances australes. La configuration des côtes est telle que les navires peuvent facilement y trouver de bons mouillages d’où l’on peut débarquer en toute sécurité.
- De profonds fjords découpent l’île principale en un certain nombre de grandes péninsules, de sorte qu’aucun point ne se
- Fig'. 1. — La péninsule Courbet, extrémité orientale de l’archipel de Kerguelen.
- trouve à plus d’une vingtaine de kilomètres du littoral. Le pays est montagneux, avec des sommets escarpés, généralement en forme de dômes et de pytamides, dont beaucoup sont rroisins de 1 000 m, certains dépassant meme cette* altitude. Le mont Ross, un immense volcan éteint, qui est le point, culminant des Kerguelen, atteint 1 9G0 m. Ces hauts sommets neigeux et glacés dominent des plateaux basaltiques étagés, hachés de profondes vallées, dont les versants sont souvent disposés en marches d’escalier.
- Le pays tout, entier présente une morphologie glaciaire très accusée. Les glaciers, bien qu’en régression, couvrent encore plus de 1 000 km2. Ils sont surtout développés dans l’ouest, où plusieurs d’entre eux s’avancent jusqu’au niveau de la mer. La limite inférieure des neiges persistantes se situe en moyenne à G5o m.
- Glaciers et névés, en même temps que d’abondantes précipitations atmosphériques, alimentent d’innombrables torrents aux eaux d’une grande limpidité. Le nombre des lacs est également très élevé.
- Le temps est d’une extrême instabilité et les tempêtes se succèdent avec une rare fréquence. Il peut neiger en toute saison, mais en été le sol ne demeure pas loxrgtemps blanc dans les par-
- 1. La Nature, n° 3192, avril 1951, p. 111.
- lies basses. En l’absence de vent, le soleil est parfois assez chaud, mais les journées de calme sont rares. En règle générale, la température oscille entre o° et + io° entre les mois de novembre et avril, s’élevant parfois à + i5° au cœur de l’été austral (janvier-mars), pour se maintenir le plus souvent entre — 5° et + 5° de mai à octobre. Les extrêmes observés jusqu’à présent ont été de — 8°6 et de + 20°5. Ces valeurs sont, bien entendu, celles de la zone littorale. Dès que l’on s’élève, on constate un abaissement voisin de i° par 100 m. Sur les plateaux, dont l’altitude est comprise habituellement entre 3oo et Goo m, il gèle à peu près chaque nuit, comme en témoignent les glaçons qui pendent des rochers le malin de bonne heure.
- Bien que très froide, la mer ne" gèle jamais, mais il n’est pas rare d’apercevoir au large des îles, parfois même échoués près des côtes, des icebergs provenant de l’Antarc-tique.
- La vie animale, à l’exception de formes très inférieures (Insectes, Araignées, Mollusques), de quelques oiseaux et des lapins sauvages, est cantonnée près du rivage. Là se rencontrent les goélands, les grands pétrels, les albatros, les cormorans et différentes espèces de manchots (Eudyptes chrysolophus, Pygoscelis papua, Aptenodyte patagonica) pour ne citer que les principaux. Si quelques éléphants de mer s’écartent d’aventure jusqu’à près de 1 km du littoral, le gros des troupeaux séjourne au voisinage immédiat de celui-ci. Seuls vont nicher loin de la côte de petits pétrels gris (Pachyptila desolata), des canards et ce rapace effronté qu’est le stercoraire (Catharacta antartica), qui se nourrit principalement de lapins et ne craint pas de s’attaquer à l’homme.
- Même ces oiseaux disparaissent, pour peu qu’on quitte les vallées afin d’atteindre les plateaux rocailleux, ponctués de champs de neige, où règne une
- Fig. 2. — Au centre du district montagneux de. la péninsule Courbet, le val Studer, bel exemple de vallée glaciaire en auge, dominé à gauche par les contreforts du mont Crozier.
- (Photo E. Aubert de ea Rüe).
- •U. Cotte
- PENINSULE COURBET
- 10Km
- :Lac Marville.
- -eeper
- M'Crozîer,;
- Fbrt-aux-
- Fbinte Morne
- —Français
- M o r b i h a n
- d u--1
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- solitude totale. Seul le grondement des cascades et des rafales •de vent vient rompre le silence de ces lieux déserts.
- Ces données générales exposées, il sera plus spécialement question, dans les lignes qui suivent, des recherches de caractère géographique et géologique poursuivies l’an dernier dans la partie orientale du groupe. Ayant participé comme naturaliste à la mission de 1949-1950, j’ai pu effectuer un certain nombre •de reconnaissances à l’intérieur du pays, parcourant au total près de 4oo km. Ces itinéraires intéressent principalement le secteur méridional, encore peu connu, de la péninsule Courbet, le nord de celle-ci ayant été visité et fort bien cartographié en 1874 par Th. Studer et les membres de l’expédition de la Gazelle.
- Péninsule Courbet. — Cette région comprend deux parties bien différentes. A l’ouest se dresse un district élevé, très accidenté, qui correspond à un ancien plateau extrêmement érodé, entrecoupé de profondes vallées. Au pied de ces montagnes, aux sommets neigeux, s’étend à l’est une vaste plaine. Des étangs sans nombre, des marais tourbeux, des prairies et des étendues rocailleuses et stériles se partagent sa surface où pointent, de loin en loin, de rares bulles rocheuses. Du nord au sud, cette plaine, qui n’a d’équivalent nulle part ailleurs dans l’archipel, se poursuit sur une quarantaine de kilomètres (fig. 1).
- L’opposition entre le domaine montagneux, très découpé, le l’ouest et cette morne plaine à l’est est frappante. Toutefois, la •démarcation entre ces deux secteurs de configuration si différente n’a rien de brutal, se faisant par une succession de collines. Au sud, la péninsule Courbet se prolonge par un promontoire tabulaire, haut en moyenne de 200 m; c'est la presqu’île du Prince de Galles, qu’un isthme très bas, encombré d’étangs, unit aux plaines voisines.
- Les plus hauts sommets du puissant massif montagneux occi-•dental : les monts Wertli et Crozier, atteignent 1 000 m, tandis que les autres reliefs notables ont entre 700 et 900 m. Ces hauteurs, fortement enneigées, conservent encore quelques petits glaciers locaux, accrochés à des pentes abruptes et descendant jusque vers la. cote 600. En ayant repéré un, encore insoupçonné, sur le flanc nord-est du mont Werlh, je lui ai donné le nom de Pierre Sicaud, en l’honneur de notre chef de mission.
- Formation géologique. — Aucun cône volcanique identifiable ne subsiste dans le massif montagneux de la péninsule, qui se montre d’ailleurs formé en grande partie par des épanchements basaltiques de nature fissurale. Ces coulées, tantôt massives, tantôt radiolaires, sont d’une grande uniformité. Leur allure est sensiblement horizontale, tout au plus accusent-elles une légère inclinaison vers la périphérie du massif, de part et d’autre du val Studer, long fossé N.W.-S.-E. partageant la zone montagneuse en deux parties d’inégale étendue. Des intercalations de tufs volcaniques se remarquent en d'vers endroits parmi cette puissante succession de coulées, montrant que les phénomènes explosifs ont eu localement un certain rôle. Ces matériaux pyroclasliques, d’une faible cohésion, ont une teinte claire et présentent les colorations les plus diverses. Ils ont une assez large extension juste à l’ouest du mont du Château et l’érosion les a souvent sculptés de façon bizarre (fig. 4).
- Des filons éruptifs verticaux recoupent les coulées de basalte •et les tufs associés. Moins résistants parfois que les laves voisines, leur présence se signale par de profonds sillons. Dans les zones de tufs tendres, ils demeurent, au contraire en saillie, formant de hautes et longues murailles du plus curieux effet.
- Les formations volcaniques de la péninsule Courbet sont pro-
- Fig. 3. — Dyke basaltique vertical demeuré en relief parmi des tufs volcaniques plus tendres. Péninsule Courbet. — Fig. 4. — Forme d’érosion parmi les tufs basaltiques du mont du Château. — Fig. 5. — Basalte vitreux à débit prismé. Presqu’île du Prince de Galles.
- (Photos E. Aubert de i.a Rue).
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- bablement miocènes, comme semblent l’être la majeure partie des épanchements basaltiques du reste de l’archipel. Rappelons à ce propos que des niveaux fluviatiles, avec empreintes de végétaux et couches de lignites, sont connus en plusieurs points du pays, en particulier près de Port-Jeanne d’Arc où ils m’ont livré jadis une belle flore fossile. Celle-ci révèle l’existence d’anciennes forêts d’Araucarias impliquant un climat plus clément et tempéré que celui régnant actuellement. De sérieuses présomptions sont en faveur de l’àge miocène de cette flore. D’autre part, l’expédition du Challenger a recueilli autrefois, parmi les hauteurs de la rive sud de la Passe Royale, des fossiles marins, retrouvés depuis par les membres de celle du Disco-very II, notamment du côté des Oreilles de Chat, curieux relief phonolitique. Il s’agit de couches, nériliques situées à une altitude supérieure à celle des niveaux à plantes de Port-Jeanne d’Arc. Sir Douglas Mawson considère ces fossiles marins comme étant du Pliocène et témoignant d’un régime nettement plus doux que le climat actuel, mais plus frais cependant que celui auquel était, soumise cette terre australe lorsqu’elle était cou-verte de forêts d’Araucarias.
- Si, jusqu’à présent, la péninsule Courbet ne paraît pas offrir la même complexité, ni l’intérêt géologique de certains autres secteurs des Kerguelen, il faut cependant rappeler la decouverte faite par Th. Studer d’une diorite micacée erratique au nord-est du mont Crozier. J’ai pu retrouver en divers points, dans les dépôts morainiques, des blocs très nombreux et souvent volumineux de cette même roche et d’autres, moins fréquents, correspondant à différentes roches grenues allant généralement des gabbros aux syénitcs. A en juger par leur dispersion actuelle, qui est le fait des glaciers quaternaires, ces blocs erratiques doivent provenir notamment d’un point situé au nord-ouest du mont du Château. Leurs affleurements sont encore à découvrir. Quoi qu’il en soit, l’existence dans cette partie du pays de roches intrusives grenues, comparables à quelques-unes de celles connues en d’autres points du pays, où je les ai rencontrées autrefois en place dans la péninsule Rallier du Raty (x), est un fait intéressant. 11 montre l’extension qu’ont de telles roches aux îles Kerguelen. Le point n’est toutefois pas encore élucidé de savoir si elles appartiennent à un socle cristallin plus ancien, d’où semblent jusqu’à présent exclues, il est vrai, les formations métamorphiques, sur lequel se seraient édifiés les reliefs volcaniques formant la masse principale de l’archipel ou si, comme il est plus probable, ces roches intrusives sont récentes et se sont mises en place parmi les laves. Ce cas est, on le sait, celui des syénites de l’ile de la Réunion.
- Les grandes plaines de l’est, tantôt doucement ondulées, tantôt parfaitement plates, ont un substratum volcanique qui perce en de rares endroits les dépôts glaciaires et fluvio-glaciaires étalés à leur surface. Ces pointements rocheux représentent habituellement des basaltes identiques à ceux des coulées tabulaires de la région montagneuse. Il en est ainsi des rares escarpements du littoral, de part et d’autre de Porl-aux-Français, petite anse de la côte orientale du golfe du Morbihan, de même qu’à l’entrée de la baie norvégienne. Quelques buttes sont au contraire formées par des basaltes qui semblent plus récents. Très vitreux, contenant des enclaves d’olivine, ils ont d’ordinaire un débit prismatique. Une lave semblable se retrouve au mont Peeper, l’accident le plus notable de ces grandes plaines. Plus modeste, le mont Rungay, est au contraire formé par des pho-nolites très fissiles.
- 1. E. Aubert de la Rüe. Étude géologique et géographique de l’archipel de Kerguelen. Revue de Géographie physique, Paris, 1932.
- Fig. 6. — Tourbière d’Acoena. Péninsule Courbet. — Fig. 7. — Marmites sous-glaciaires sur des basaltes moutonnés de la presqu’île Jeanne d’Arc. Les taches blanches sont des incrustations de Lichens. — Fig. 8. — Bourrelets de soliftuxion retenus vers l’aval par des touffes d’Azorella. A 300 m d’altitude sur les pentes du mont Crozier.
- (Photos E. Aubert de la Rüe).
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- La presqu’île du Prince de Galles présente une importante superposition de basaltes tabulaires, d’où émergent un certain nombre de petits pitons phonolitiques escarpés qui paraissent antérieurs. Quelques pointements de basalte vitreux et prisme semblent par contre plus récents (fig. 5).
- Modelé glaciaire et périglaciaire. — Les effets de la grande glaciation quaternaire, dont le retrait est certainement très récent, à en juger par la fraîcheur des dépôts qu’elle1 édifia et des diverses formes de terrain que son passage a laissés, sont partout visibles. De puissantes moraines plaquées entre les versants inférieurs des vallées ou étalées sur les parties plates, des vallées en auge (fig. 2) barrées de verrous, des surfaces moutonnées parsemées de blocs erratiques en sont les signes les plus marquants.
- Les plaines de l’est sont occupées par des dépôts glaciaires qui affectent habituellement la forme de drumlins allongés vers l’est-sud-est, direction suivant laquelle progressait ici la calotte de glace. Ces longues croupes surbaissées ont une hauteur de quelques dizaines de mètres. De nombreux étangs occupent les dépressions qui les séparent. Vers le sud et l’est, à la périphérie de la péninsule, ces drumlins ont été remaniés par la mer. Leurs éléments étalés, plus ou moins fortement consolidés par , les suintements d’hydroxyde de fer provenant des tourbières qui les surmontent, forment maintenant des étendues basses et très piales, qu’une légère surrection a fait émerger. Une multitude d’étangs d’eau douce, parfois d’une étendue considérable, surtout aux alentours du mont Peepcr, parsèment ces plaines marécageuses. „
- D’anciens cirques glaciaires ainsi que des niches de nivation fort nombreuses,'que l’on a souvent de la peine à ne pas prendre pour des cratères égueulés, se rencontrent dans tout le secteur montagneux. La plupart sont toujours occupés par de grands névés.
- Il n’existe pas actuellement de sol gelé en permanence dans l’archipel, du moins aux basses altitudes, là où l’on peut observer un peu partout des phénomènes de solilluxion d’une grande ampleur. Ceux-ci sont le fait d’alternances répétées, presque quotidiennes pendant une grande partie de l’année, de gel et. de dégel. Ce processus a pour premier résultat une extrême fragmentation des roches, qui sont déjà souvent d’une nature très gélive. Les débris rocheux de toutes dimensions, mélangés à de la boue, forment sur les pentes modérément inclinées un magma fluide qui tend à s’écouler lentement vers l’aval sous l’effet de la gravité. Cet écoulement se fait suivant des bourrelets parallèles et sensiblement horizontaux, disposés en marches d’escalier. Ils sont ralentis dans leur marche par des touffes d'Azorella, Ombellifère en coussinets qui affectionne ces sols pierreux humides. En retrait de chaque rangée d’Azorellct s’étend une étroite terrasse nue. Ces bourrelets de cryoturbation sont très communs sur les pentes de la péninsule Courbet, surtout entre les altitudes de i5o et 4oo m.
- Là où la pente est très faible, notamment dans le fond des plus larges vallées, existent des sols striés très réguliers (fig. 11), montrant des bandes alternantes de matériaux fins, qui sont les plus larges et d’autres, plus étroites, formées d’éléments grossiers demeurant généralement en saillie. Ces sols striés, qui le .sont parallèlement au sens de la pente, se retrouvent également dur les parties nues de nombreux drumlins de la plaine.
- Des sols polygonaux typiques existent en divers points, loca-
- Fig. 9. — Roses de pierre produites sous l’effet du gel à la surface d’un filon de basalte traversant les phonolites du mont Wyville Thompson. — Fig. 10. — Sol polygonal occupant une dépression des roches moutonnées. Presqu’île Jeanne d’Arc. — Fig. 11. — Sol strié d’un type assez exceptionnel, sur les pentes du Pouce (presqu’île Poincaré). Ce sont ici les parties les plus ténues du sol qui sont en relief
- et non pas les éléments grossiers, comme c’est habituellement le cas.
- (Photos E. A.UBERT DE LA RÜe).
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- lisés d’habitude dans des dépressions à fond plat, notamment dans certaines cuvettes des roches moutonnées (fig. io).
- Au-dessus de 4oo m d’altitude', les plateaux basaltiques ont une surface des plus irrégulière et forment habituellement, des champs de pierres anguleuses où l’on remarque parfois, avec plus ou moins de netteté, des polygones et des cercles de pierres.
- Le paysage végétal. — La flore terrestre est bien connue. Elle se limite à une vingtaine de Phanérogames, dont une forte proportion d’endémiques, mais compte un grand nombre de mousses et de lichens, ainsi que quelques fougères, lycopodes, hépatiques et de rares champignons.
- Quelques plantes étrangères, des mauvaises herbes généralement, introduites fortuitement par l’homme, se sont acclimatées. Tel est le cas d’un pissenlit que j’ai découvert récemment dans le sud de la péninsule Courbet, jusqu’à l’altitude de i5o m, qui semble s'être propagé à partir de la pointe Molloy où séjournait en 1874 une mission astronomique américaine. Je n’insisterai pas sur ces espèces étrangères qui ne jouent aucun rôle dans le paysage végétal. Il convient cependant de noter que, contrairement à ces dernières, aucune des plantes potagères que j’avais
- Fig. 12. — Choux de Kerguelen sur un tapis continu af’Azorella de Vile Antarès. Golfe du Morbihan.
- (Photo E. Atjbert de la Rüe).
- tenté de semer, voici 20 ans, du côté de Port-Jeanne d’Arc, n’a levé.
- La plupart des Phanérogames existant dans les autres parties de l’archipel sont représentés dans la péninsule Courbet, mais de façon inégale. Ainsi le chou de Kerguelen (Pringlea anliscor-butica) y est très rare, du fait des lapins qui pullulent. Sauf de rares exceptions, on ne le rencontre guère qu’en altitude, où il végète a l’état chétif. Les prairies de tussock (Poa Cookii), communes dans l’ouest, des Kerguelen et que j’avais rencontrées également dans la péninsule Joffre, le long des rivières, entre 4oo et 5oo m d’altitude, m’ont paru complètement absentes, du moins dans toutes les parties visitées. Deux espèces dominent nettement ici : VAzorella selago et une Rosacée : Acoena adscen-den.s, cette dernière se propageant d’ailleurs aux dépens de la précédente. Signalons que Y Acoena, qui couvre actuellement de vastes surfaces de la péninsule Courbet, est absente le long de la côte ouest des Kerguelen.
- E. Werth, le botaniste de l’expédition du Gauss, a réparti les formations végétales en trois domaines : la lande, la toundra et le désert. Ceux-ci, normalement étagés, s’interpénétrent fréquemment. Le désert de pierres n’est pas toujours cantonné sur les hauteurs, mais apparaît parfois tout près du littoral. On con-
- state ainsi que les grandes surfaces de la zone basse des drumlins présentent une physionomie totalement désertique et évoquent un véritable reg. L’humidité du sol n’explique pas cette aridité. Cette extrême rareté et même cette absence totale de végétation, surtout manifeste à la partie supérieure des drumlins, doit être attribuée à la violence du vent, entraînant dans les dépressions les moindres particules meubles pour ne laisser subsister souvent qu’un pavage rocheux d’une grande régularité.
- Cette classification de Werth appelle, à mon avis, certaines réserves. En effet, la lande, au tapis végétal continu, où domine suivant les cas une Composée (Cotula plumosa) strictement littorale, une Ombellifère (Azorella selago), une Rosacée, l’dcoena, et en d’autres parties du groupe une Graminée (Poa Cookii), a souvent un caractère très marécageux et consiste, dans bien des cas, en tourbières (fig. 6). La toundra est une formation végétale qui implique habituellement l’existence d’un sous-sol gelé en permanence (Permajrost ou tjale) qui fait défaut dans les parties basses du groupe où est cantonnée la végétation. Quant au désert, c’est bien une réalité au-dessus de 35o à 4oo m, jusqu’aux neiges persistantes (65o à 700 m), où la surface des plateaux n’est qu’un amas de pierrailles, domaine des lichens, de quelques mousses et de quelques Phanérogames isolés, notamment le chou de Kerguelen, VAzorella et une minuscule Graminée : Poa kèrkelensis dont j’ai noté en quelques points la présence jusqu’à 760 m au-dessus du niveau de la mer.
- Ces déserts de pierres sont l’habitat d’un grand lichen gris verdâtre à jaune-soufre : Neuropogon trachycarpus, qui affectionne les endroits les plus ventilés. Il est extrêmement précieux car, d’une récite facile, il est très inflammable et fournit un excellent combustible pour faire du feu en montagne. J’ajouterai que dans les parties basses, les tiges ligneuses de l'Acoena peuvent éventuellement remplir le même office.
- J’ai bénéficié, au cours de l’été austral 1949-1950, d’une période exceptionnellement belle pour accomplir mes tournées dans la péninsule Courbet, mais néanmoins l’instabilité du temps rendait souvent décevantes les ascensions, d’épaisses nuées, masquant toute vue, s’amoncelant en peu d’instants autour des sommets. Il fallait également compter avec la violence du vent, telle qu’on a parfois du mal à conserver son équilibre en montagne. Ce vent est toujours glacial, Rabaissement de température étant en général de o°8 à i° par 100 m d’alti-
- Fig. 13. Coussinets d’Azorella, à gauche et de Lyallia ksrguelensis, à droite, sur Vile Antarès. Golfe du Morbihan.
- (Photo E. Aubert de la Rüe).
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- tude. Malgré tout, j’ai pu, de certains sommets, les jours où la visibilité était parfaite, contempler des panoramas vraiment grandioses, apercevant libre de nuages la vaste enceinte du mont Ross où se réunissent une dizaine de glaciers, pour n’en former finalement qu’un grand qui s’échappe de ce cratère et se dirige vers la mer. J’ai pu voir aussi, à différentes reprises, le grand icejield, long de 5o km, qui s’étend sur tous les hauts plateaux occidentaux, descendant jusqu’au niveau de la mer dans certains fjords.
- Autres 4secteurs étudiés. — Quelques reconnaissances ont été faites également en d’autres parties de l’archipel. L’une d’elles m’a conduit à faire l’ascension du mont Wy ville Thompson, au centre de la presqu’île Poincaré. Ce volcan de près de i ooo m de haut (fig. 14), est un ancien appareil phonolitique, sur le flanc nord duquel s’ouvre un cratère occupé par un lac que j’ai trouvé encore entièrement gelé en fin décembre, à l’altitude de 58o m. Certains affleurements de laves particulièrement fissiles, rencontrés vers 700 m sur les pentes ouest du volcan, m’ont offert de curieux exemples de « roses de pierres )), phénomène dû au gel, où l’on voit la roche se déliter en minces feuillets plus ou moins concentriques (fig. 9).
- Quelques excursions dans la presqu’île Jeanne d’Arc, où l’action érosive de la calotte glaciaire a été particulièrement vigoureuse, m’ont mis en présence de singulières cupules dont sont criblées certaines surfaces moutonnées (fig. 7). Il faut les considérer, semble-t-il, comme de petites marmites sous-glaciaires. L’abondance des conglomérats fluviatiles, interstratifiés
- parmi les coulées basaltiques, doit être signalée tout autour du lac d’Asté, le plus grand lac de cette presqu’île. Ils ne m’ont malheureusement, encore fourni aucun reste de plantes.
- J’ai pu visiter, enfin, l’île Antarès, une des innombrables îles du golfe du Morbihan et qui partage avec quelques autres, longées de près (Iles Suhm, Longue, Château, etc...) le privilège de conserver sa flore intacte, les lapins n’y ayant jamais été introduits. On y trouve réunie la plus grande partie de la llore des Kerguelen. Les choux y forment de véi’itables prairies (fig. 12) dominant des pelouses très touffues de Cotula plumosa. Une plante, habituellement très rare : Lyallia kerguelensis, est commune ici, formant des touffes hémisphériques (fig. i3).
- Au point de vue minéralogique, l’intérêt de l’île Antarès réside dans la présence d’énormes amas d’aragonite mauve et limpide dans certaines coulées de basalte. C’est là le plus beau minéral rencontré aux îles Kerguelen au cours de cette récente campagne.
- Si l’archipel est relativement bien connu dans ses grandes lignes, de nombreùses recherches de détail restent encore à faire et ces îles demeurent un champ d’action fort intéressant dans les domaines les plus variés. La base permanente de Port-aux-Français, créée en 1949 dans le sud de la péninsule Courbet, possède déjà une station météorologique; des aménagements sont actuellement en cours, devant permettre aux futurs chercheurs de s’y installer et d’y poursuivra des investigations se rapportant à diverses disciplines scientifiques.
- E. Aubert de la Rüe.
- Fig. 14. — Cratère sur la face nord du mont Wyville Thompson, volcan phonolitique (Presqu’île Poincaré).
- (Photo E. Aubert de la Rüe).
- Future course d’automobiles à turbine à gaz.
- M. W. Johnson, de la « Power Jets » (Research and Development), société de recherches sur la propulsion à réaction, a annoncé le 6 novembre à Londres, qu’une course nationale ou internationale pour automobiles à turbine à gaz sera organisée en Angleterre d’ici deux ans.
- L’ <( Automobile Racing Club » a offert un prix de £ 1 000 pour la meilleure performance pratique ; ce prix sera attribué à la première automobile qui parcourra la distance de 50 km à la vitesse minimum de 90 km/h.
- Environ 10 sociétés, en Angleterre et à l’étranger, étudient actuellement l’application du moteur à turbine à gaz aux transports routiers. La première automobile à turbine qui prit la route fut la « Power » anglaise qui réalisa la vitesse de 154 km à l’heure lors de sa présentation à Silverstone en mars dernier. Le modèle Rover n’a ni embrayage, ni levier de vitesses. Il suffit de presser un bouton pour faire partir le compresseur qui démarre en 12 s ; en moins de 14 s, l’automobile atteint une vitesse de 96 km/h.
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- Fig. 1. — La nouvelle remorque de 100 t, construite par Dyson et C°, de Liverpool.
- UNE REMORQUE DE 100 TONNES
- La concurrence incessante entre le rail et la route a conduit à réaliser des véhicules transporteurs de poids lourds de plus en plus puissants et volumineux. En plus des camionnettes légères, des camions ont été construits pour porter des charges de 5 puis de 8 t et plus. On a accouplé des tracteurs à des remorques de grande capacité et l’on a vu il y a deux ans (La IVatare,
- n° 3 176, novembre 1949, p. 317) le record en ce genre dans l’attelage d’un tracteur Willème et d’une remorque Scari dont le poids total atteint 200 t. Cet attelage, de construction française, a servi à transporter les gros transformateurs de i3a t destinés au barrage de Génissiat. Sans atteindre un tel poids, nombre de véhicules qu’on rencontre maintenant sur les routes
- «.s, $ * tr*2 5 **
- Fig. 2. — Un des chariots porteurs détaché.
- On y voit les tètes sphériques d’articulation, le plateau denté de changement de direction, les goupilles et leurs logements dont le postérieur est excentré.
- — La plate-forme posée à terre.
- En arrière-plan, le chariot arrière surmonté du groupe compresseur.
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- Fig. 4. — Une excavatrice à chenilles vient de monter sur la plateforme
- On commence à réaliser des cars immenses pour cent voyageurs ou même plus en ajoutant une remorque . à la voiture de tète.
- Le monde entier s’en trouve transformé et il deviendra sans doute de plus en plus encombré et bruyant à mesure que le pétrole, coulant à flots, ira partout concurrencer l’antique charbon, le moteur détrônant la machine à vapeur.
- L’an dernier, l’Angleterre a réalisé un nouveau monstre qui mérite d’être signalé à son tour en raison de son gigantisme, des détails de sa
- Fig. 5. — Un démarrage.
- et même dans les rues des villes attirent l’attention par leurs masses et leurs silhouettes étranges; la plupart sont des engins de travaux publics : bétonnières, grues, bennes preneuses, pelles excavatrices, machines à creuser les tranchées, rouleaux compresseurs, distributeurs de goudron, etc.; d’autres sont des citernes à vin, à essence, des trucs pour containers et même pour wagons.
- Leurs emplois se multiplient malgré toutes les limitations que leur impose la voirie actuelle : en largeur pour ne pas embouteiller les chemins, en longueur à cause des virages, en hauteur pour passer sous tous les ponts, sans parler de la limite de résistance des chaussées, des vibrations transmises aux immeubles riverains et du bruit fatigant qui en est la conséquence.
- construction et du fait qu’il n’est pas conçu pour un besoin exceptionnel. Il s’agit d’une plateforme, d’une remorque, pouvant porter ioo t, destinée au transport des grands excavateurs
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- de mines de charbon à ciel ouvert et de carrières. Il a été construit par MM. R. A. Dyson et Cie, de Liverpool, pour le compte de la Sir Lindsay Parkinson et Cie, de Londres. Il est prévu qu’il sera remorqué par un tracteur de 80 t de la Scam-mel Lories Ld, de Watford (Hertfordshire).
- On aura une idée de sa taille et de son aspect par les photographies ci-jointes que MM. Dyson et C’? ont bien voulu nous autoriser à reproduire et qu’ils nous ont fait parvenir par les bons offices de l’Ambassade britannique à Paris.
- Le truc est constitué par un châssis de i ,45 m de large, formé par deux grosses poutres droites en acier de 7,77 m de long, maintenues de place en place par des étrésillons. A chaque extrémité, les poutres sont percées de deux trous cylindriques transversaux de i5 cm de diamètre dans lesquels on engage de grosses goupilles en acier trempé. Elles s’articulent ainsi avec deux pièces coudées identiques, l’une à l’avant et l’autre à l’arrière, dont les bras externes relevés reposent sur des chariots porteurs (fîg. 1 et 2). L’écartement des deux poutres peut être ajusté de 1 m à 2,12 m en changeant d’étrésillons.
- L’extrémité des bras externes s’articule avec le chariot par trois têtes sphériques logées chacune dans une cavité et maintenues par un collier; la plus grosse, axiale, a son logement dans le chariot, les deux latérales dans le bras; on assure ainsi une liaison rigide qui évite les déboîtements dans un virage ou par des secousses. Des stabilisateurs coiffent les têtes latérales et à l’arrière des amortisseurs de chocs sont constitués par des empilages de disques de caoutchouc et de plaques d’acier. Un plateau denté, visible sur la figure 2, permet au bogie de virer par rapport à la plateforme.
- Chaque chariot est porté par huit roues en acier fondu munies de pneumatiques épais, chacun pouvant supporter 8 t. Ces chariots, véritables bogies, portent un bâti rectangulaire en acier renforcé par des poutres, logeant une pompe actionnée par un moteur; on dispose ainsi d’air et d’eau sous pression pour les manœuvres. Le chariot arrière possède en outre une barre à roue actionnée à la main qui permet de modifier son orientation, quand l’air comprimé manque pour cette commande.
- Comme ce nouveau truc est destiné à transporter des machi-
- nes de hauteurs très inégales, un des soucis a été de régler la hauteur de la plateforme au-dessus du sol de façon à passer même sous les ponts de gabarit peu élevé. On y a réussi d’une façon très élégante : une des deux goupilles de fixation des poutres sur leurs bras coudés est disposée excentriquement, si bien que selon la position de son logement on peut abaisser le châssis de i5 cm (fîg. 3).
- Pour opérer le chargement, on met en marche le moteur actionnant une pompe à huile, placé sur l’un des bogies. Une canalisation envoie i'huile sous pression aux goupilles d’une des-extrémités qui sont déclavetées et sorties; la plateforme repose alors sur le sol par cette extrémité (fîg. 3 et 4), l’autre restant fixée à son chariot (fig. 4). On peut ensuite conduire le chargement sur la plateforme et l’y amarrer (fig. 6). Pour relever la plateforme on dispose de vérins hydrauliques appuyant sur le sol qu’on manoeuvre jusqu’à ce que les logements des goupilles-des poutres soient au même niveau que ceux du chariot; on approche alors celui-ci et on l’attelle en goupillant et clavetant, La figure 6 représente l’opération terminée et la remorque en ordre de marche. La figure 5 montre sa mise en route derrière un tracteur, au moment où l’on change de direction. Le déchargement se fait par les mêmes opérations effectuées en ordre inverse.
- La nouvelle remorque offre une plateforme utilisable de 6,1 m de long. La distance entre les têtes des bogies atteint 12,9 m. L’encombrement total est de i5,3 m en longueur et de 2,7 en largeur.
- Tel est le nouvel engin qu’on n’est pas près de voir dans les villes et les villages; mais il est un transporteur de poids lourds utilisable sur des routes choisies et surtout dans des pays neufs pour apporter à des mines, des carrières, des chantiers isolés les machines à gros débit que demandent les exploitations modernes. C’est un beau monstre qu’on n’aurait guère imaginé il y a seulement un demi-siècle (x).
- A. Breton.
- 1. Les photographies illustrant cet article ont été aimablement fournies-par les constructeurs, MM. R. A. Dyson et C°, Grafton Street, Liverpool, qui ont autorisé leur reproduction.
- LA RÉGLEMENTATION DES PRODUITS COSMÉTIQUES
- ET CAPILLAIRES
- La cosmétique est vieille comme le monde. Dans les tombes égyptiennes on a trouvé des fards et des teintures au henné qu’on appliquait sur les cheveux et sur les ongles; les Grecs se fardaient de céruse et de vermillon, les Romains de talc, de suie, de brou de noix, les Indiens d’indigo, etc. Jusqu’au Grand Siècle et même après, on suppléait souvent aux bains et aux lavages de la peau peu fréquents, par des pommades, des teintures, des parfums. Les soins d’hygiène actuels n’ont pas fait disparaître, ni même ralenti les traitements « esthétiques », les teintures des cheveux, leur mise en pli plus ou moins permanente, l’emploi des crèmes, fards, poudres, rouges à lèvres, vernis à ongles, dépilatoires, etc..., et aussi des produits pour décolorer et brillanter les cheveux, adoucir la peau et la démaquiller.
- Il n’est, que de lire les annonces publicitaires des journaux, de voir dans les rues la fréquence des « salons de beauté », de regarder les chevelures des femmes « à la mode » pour savoir que la cosmétique n’est pas près de mourir et qu’on cherche toujours à « réparer des ans l’irréparable outrage ».
- Pour beaucoup, c’es't coquetterie, désir de paraître jeune, de
- plaire, mais ce n’est pas que cela. Ceux et celles qui vivent hors de l’atelier ou de l’usine, dont la situation et l’avenir dépendent du public, depuis l’actrice en vogue et la « star » de cinéma jusqu’à la vendeuse de magasin, depuis l’homme d’affaires jusqu’au placier et au commis, tous doivent corriger au mieux leurs imperfections de nature, cacher leurs misères, camoufler leur âge, rester constamment jeunes et avenants. Il n’est que d’évoquer les drames de la cinquantaine sur le marché du travail pour comprendre que les traitements esthétiques ne sont pas tous des futilités, mais souvent des nécessités impérieuses.
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- Les cheveux, la peau sont des parties vivantes de notre corps. Ils ont une fonction complexe d’élimination; ils se renouvellent constamment, la peau desquamant, les cheveux s’allongeant et se brisant. Ils réagissent à tous les troubles de la santé; non seulement les cheveux tombent, les ongles cassent et poussent mal, la peau change d’aspect après une grave maladie, mais
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- leur aspect habituel renseigne dans certains cas ,sur l’état général, oui signe divers états pathologiques.
- Toutes les peaux, tous les cheveux ne réagissent pas de même aux traitements, aux teintures, aux cosmétiques qu’on leur fait, supporter. Il est des sensibilités, des intolérances, les unes innées, les autres acquises, qui interdisent à une personne donnée l’emploi de tel ou tel produit. Cela pose de délicats problèmes sur lesquels les médecins dermatologistes se penchent depuis longtemps. On ne peut recommander à tout le monde de se faire examiner par un médecin avant d’aller chez un coiffeur ; on ne peut exiger des coiffeurs des connaissances médicales suffisantes pour choisir parmi les produits dont ils disposent. Les accidents sont généralement trop rares pour motiver de si strictes précautions.
- Le Dr Sabouraud a proposé pour les teintures de cheveux, notamment celles à là paraphénylènediamine (à la para, comme on dit souvent), que le coiffeur commence par un essai, une touche, sur la peau du bras ou derrière l’oreille; si 24 à 48 h plus tard, le point touché est rouge, ou démange, ou montre de petites vésicules, il faut absolument renoncer à la teinture. Peu de clients envisagent de se déplacer deux fois pour un tel essai et peu de coiffeurs le leur proposent, bien que la responsabilité de ceux-ci puisse être engagée en cas d’acciclent. Le Dr Tzanck a nettement séparé les intolérances des individus et les toxicités des produits; bien plus, il a reconnu que la sensibilité de certains sujets n’est, pas constante, si bien qu’une personne qui s’est déjà fait teindre maintes fois sans accident peut tout à coup présenter une sensibilisation au même produit et réagir à une nouvelle application par une dermite eczémateuse. Un élève du Dr Tzanck, le Dr Edwin Sidi, vient de publier un ouvrage (1) où il insiste sur ce sujet, propose des tests cutanés de tous les produits mis en oeuvre et montre combien les questions d intolérance sont complexés et inconstantes chez certains.
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- Plus aisée est la réglementation des produits chimiques pouvant entrer dans les teintures et' lotions capillaires, les fards, les cosmétiques. Cependant, là aussi, des difficultés apparaissent. Ces produits destinés à être mis en contact avec la peau doivent être inoffensifs. Pour cela, il faut exiger pour tous un certain degré de pureté chimique, défini au mieux par le Codex pharmaceutique. Certaines substances agissantes figurent au tableau C de la pharmacopée qui groupe les médicaments « dan-, gereux » ; en principe, ceux-ci ne peuvent être délivrés que sur ordonnance médicale et par des pharmaciens. On ne peut cependant envisager la prescription médicale de tous les produits de coiffure et des cosmétiques et l’on n’a pas non plus réservé exclusivement aux pharmaciens les soins de leur préparation. En réalité, la réglementation officielle cherche une solution qu’elle ne semble pas avoir encore trouvé.
- Le décret du i4 septembre 1916 avait fait figurer au tableau G des constituants des teintures capillaires tels que les dérivés de l’aniline, la paraphénylènediamine, l’acétate de plomb, le pyrogallol, l’hydroquinone, etc., et prescrit que les teintures et lotions pour cheveux, les fards, les cosmétiques, les produits de toilette préparés avec des substances du tableau C ne peuvent être détenus en vue de la mise en vente et vendus que dans des récipients munis d’une bande de couleur verte avec le mot « dangereux ».
- Le décret du 19 novembre 1948, plus restrictif, interdit la délivrance des produits cosmétiques contenant des substances du tableau G à quiconque n’est pas pourvu du diplôme de pharmacien, et sans ordonnance médicale.
- Le décret du 17 mars 1949, plus libéral, tout en interdisant la délivrance directe au public de produits contenant de l’acide
- 1. Edwin Sidi. Le cheveu. Parvillée, Paris, 1951.
- thioglycolique (agent actif de la permanente froide) autorise les-coiffeurs titulaires de la carte professionnelle à détenir et utiliser ceux-ci à condition que la concentration 11e dépasse pas 8 pour xoo d’acide, qu’ils soient purs et à un pH inférieur à 10. Les flacons porteron t une étiquette rouge ; les locaux seront aérés ; les accidents seront signalés.
- Un nouveau décret du 16 février dernier interdit les teintures et lotions capillaires contenant de la phénylènediamine, des toluidines, de l’acétate de plomb, du tétrachlorure de carbone. Les commerçants non pharmaciens peuvent délivrer des teintures et lotions capillaires contenant les substances vénéneuses désignées dans le tableau de la page suivante aux concentrations et doses indiquées.
- Les teintures capillaires contenant ces substances ne peuvent être délivrées sans y joindre un autre récipient contenant en quantité suffisante un produit neutralisant. Les étiquettes des récipients doivent porter de multiples indications. Une notice doit être jointe à l'emballage,, donnant le mode d’emploi, la manière de procéder à une touche d’essai et un « avis important » qui sera également affiché chez les coiffeurs en caractères très apparents.
- Poids maximum
- Concentration dans le produit
- Substances pour 100 g conditionné
- Acide acétique 10 g 100 g
- )> chlorhydrique ... 2 20
- » sulfurique ô,i 1
- Aminophénols . 0 5
- Ammoniaque 20 % 100
- Diamino phénols 3 g 3
- Formol 0,2 2
- Hydroquinones 10 10
- Nitrate d’argent 1 0,2
- Pvrogallol 17 10
- Résorcine .... •> 5
- Toluylènes diamines ... 9 5
- Voici le texte de cet avis, peu encourageant pour la clientèle :
- « L’usage des teintures et lotions capillaires renfermant des substances vénéneuses peut, chez certains sujets, donner lieu à des accidents graves.
- « L’épreuve de la touche d’essai constitue une mesure de précaution qui peut permettre de prévoir de tels accidents.
- « Celte épreuA-e est obligatoire, même pour les personnes ayant supporté sans inconvénient les précédentes applications.
- « Un rinçage neutralisant doit être pratiqué immédiatement après l’emploi des teintures ».
- Tout accident survenant à fa suite d’une application de ces produits par un coiffeur doit être signalé par lui au Directeur départemental de la Santé.
- Tel est le dernier état de la réglementation des teintures et lotions capillaires. Elle doit entrer en application le 18 mai 1951. Il sera curieux d’observer ce qu’elle deviendra dans la pratique.
- La préparation, la vente et l’application des teintures, lotions, crèmes, vernis et autres produits de toilette et de coiffure peut-elle être une activité libre? Devrait-elle être réservée aux seuls médecins et pharmaciens ? Peut-elle être accordée à des professionnels techniquement qualifiés, soumis à des règles et à une surveillance ? Difficile question qui redevient actuelle de temps à autre, chaque fois .que des accidents se multiplient par suite de l’emploi de matières premières insuffisamment purifiées, de produits nouveaux irritants, caustiques, toxiques, du mélange de substances incompatibles, d’ignorances et d’erreurs dans les techniques de traitement.
- Tout comme autrefois, le barbier était l’aide du chirurgien, 1’ « esthéticien » d’aujourd’hui ne deviendra-t-il pas un peu médecin pour exercer sa profession sans dommages ?
- R. M.
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- L’armoise,
- conquérante d’espace
- £
- Le 27 juillet 1946, au hasard d’une visite à l’ancienne zone militaire de Paris (fortifications),,nous découvrîmes fortuitement sur les remblais aménagés entre la poterne Montem-poivre et la Porte-Dorée, dans l’espace compris au sud de la voie ferrée courant de Saint-Mandé-Gare (passage à niveau) à Bel-Air-Gare (pont sortie Est), d’une part, et l’avenue Général-Archinard, longeant au nord le cimetière de Saint-Mandé, entre le boulevard Soult et le boulevard Carnot, un espace d’un hectare environ entièrement couvert d’une végétation qui, par son exubérance et son étendue, piqua au vif notre curiosité.
- Arrivé à hauteur de ce peuplement herbacé spontané d’un nouveau genre, quelle ne fut pas notre surprise de constater qu’il s’agissait d’une espèce botanique bien connue : l’armoise commune (Artemisia vulgaris); mais, à la différence de ces touffes sporadiques qui n’atteignent généralement que quelques décimètres, elle était représentée par une masse végétale dense, pour ainsi dire infranchissable, dépassant 2 m de haut.
- Nous y avons trouvé des pieds de a,i5 m, dont : partie garnie de feuilles, 120 cm; tige sous-jacente, g5 cm; système radiculaire, 20 cm.
- Ce qui nous étonna le plus fut la nature même du sol, constitué essentiellement d’argile glaiseuse, tenace et compacte, absolument imperméable aux eaux météoriques.
- La photographie de la figure 1 'montre l’étendue du peuple-ment, avec au premier plan des taches claires d’argile nettes de végétation. On distingue, au centre, trois enfants surpris en train de jouer, probablement aux trappeurs, dans cette pampa miniature pour le moins inattendue à une porte de Paris. Dans la figure 2, ces mêmes enfants ont été photographiés tenant •chacun en main un pied d’armoise géant; en arrière-plan, on remarque la densité du peuplement.
- L’armoise tire son nom, 011 le sait, d’une contraction du latin et du grec Artemisia, d’Arlemise, nom grec de Diane, reine de Carie, qui présidait aux accouchements et secourait les'femmes malades.
- Dans sa Flore descriptive et illustrée de la France, de la Corse et des contrées limitrophes, l’Abbé Coste en a décrit 18 espèces. Citons aussi : A. juclaica ou Armoise de Judée qui fournit le semen-contra de Barbarie, dont les propriétés anthelminthiques sont bien connues, le semen-contra d’Alep ou du Levant (.4. maritima), à odeur aromatique et camphrée, le semen-contra de Russie ou Sarepta (4. fragrans) qui, à la dose de o,5 à 1 g, agit comme emménagogue et comme vermifuge (contre l’Ascaride lumbricoïde) à raison de 1 à 5 g en poudre. La poudre est également employée dans la préparation de confitures et de pain azyme. Son activité est due à la présence de santonine. Le semencontra de Barbarie, A. herba-alba-, n’en contient pas.
- L’armoise vulgaire (A. vulgaris) Linné, qui nous occupe, est une plante vivace, ayant une tige de 7 à 12 cm, hei’bacée, striée, rougeâtre, un peu pubescente, rameuse; ses feuilles sont pennati-ou bipennatipartites, auriculées à la base, à segments assez largement oblongs-lancéolés,' aigus, glabres (très rarement blanchâtres, cendrés) en dessus, blanches-tomenteuses en dessous; involucre blanc, tomenteux; réceptacle glabre; capitules ovoï-des-oblongs, subsessiles en glomérules sur les rameaux étalés-dressés et formant une grande panicule feuillée; fleurs jaunâtres ou rougeâtres.
- Une variété à souche émettant de nombreux rejets, à feuilles à segments plus étroits et plus allongés, à capitules solitaires rougeâtres (4. Verlotorum Lamotte) est très voisine de l’armoise vulgaire et paraît s’étendre de plus en plus.
- * Cette plante vivace, étonnante par sa vigueur et sa faculté de multiplication rapide, appartient à la famille des Composées; on la rencontre habituellement dans les lieux incultes de la France continentale. Connue également sous les noms d'Herbe de Samt-Jean, Herbe de Feu, Artemise, Remise, cette plante fleurit en juin-juillet.
- Dans son ouvrage sur « Les plantes alimentaires chez tous les peuples et à travers les âges », D. Bois rapporte que l’armoise, parmi bien d’autres plantes et avant le houblon, fut utilisée jadis
- Fig. 1. — Peuplement spontané d’armoise commune (Artemisia vulgaris) à la Porte Montempoivre, à Paris (12’). 27 juillet 1946.
- Au second plan, groupe d’immeubles H. B. M. de la Ville de Paris entre la Porte de Saint-Mandé ët la Porte Montempoivre,
- en bordure de la rue Émile-Laurent.
- Fig. 2. Ces trois enfants tiennent en main quelques pieds d’armoise qui mesurent plus de 2 m de haut.
- Remarquer au second plan la diversité du peuplement et son allure arborescente.
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- Fig. 3. — Le même peuplement spontané.
- Au premier plan (touffes claires), pieds d’orge des rats (Hordeum miirinum) ; au second plan, A. vulgaris qui submerge tout.
- A gauche, même groupe d’immeubles que sur la figure 1.
- Fig. 4. — Le peuplement d’armoise, vu de front, en pleine expansion. Ne croirait-on pas une forêt par temps orageux ?
- pour parfumer la bière. Aromatique et amère, l’armoise est employée en médecine comme tonique, excitante et emména-gogue.
- P. Fournier, directeur du Monde des Plantes, a indiqué dans La Nature que l’armoise et la bardane sont, depuis des siècles, fumées par les Mongols. Appelée en France et en Belgique « Tabac de Saint-Pierre », l’armoise n’est que faiblement odorante; elle contient peu d’huile essentielle, mais surtout du tanin et des matières résineuses; elle n’a pas d’alcaloïde et possède une saveur fortement amère. Elle a souvent servi pendant la .dernière guerre comme succédané du tabac.
- Son huile essentielle, d’une belle couleur jaune clair, vire au rouge rubis par oxydation ; son odeur rappelle tout à la fois celle du romarin, de la menthe et du camphre.. Elle contient deux principes actifs : le cinéol ou eucalyptol : C10HlsO, encore appelé oxyde de terpilène ou cajepulot, et le thuyone. Le cinéol se rencontre également dans les essences d’aspic, de cajeput, de camphre, d’eucalyptus, de gingembre, d’hysope, de menthe poivrée, de niaouli, de romarin; le thuyone, dans les essences d’absinthe et de thuya.
- Avec l’armoise se vérifie le vieil adage : « Qui peut le plus peut le moins »; imposante par la masse végétale qu’elle fournit sur les sols riches en nitrates, sur les décombres, les terrains vagues, aux abords des voies ferrées ou sur les alluvions récentes, elle ne présente qu’un intérêt très relatif au point de vue de l’huile essentielle qu’elle est susceptible de donner par distillât; faiblement odorante, elle ne contient que peu de principes actifs.
- Ce qui est remarquable chez cette plante c’est, semble-t-il,
- la faculté qu’elle a d’utiliser au maximum les éléments nutritifs préexistant dans le sol. Elle ajoute à cela l’exemple le plus typique de la lutte pour la vie ou de la concurrence vitale, en détruisant par étouffement, toxines ou exsudats, toute la flore voisine, ce qui n’était pas l’aspect le moins curieux du peuplement en question.
- Dans la photographie de la figure 3, on peut remarquer au premier rang de magnifiques touffes blanches dHordeum muri-num (Orge des rats) qui semblent, elles aussi, avoir trouvé un lieu de prédilection; mais on ne manquera pas d’être frappé par l’imposante végétation d’armoise du' second plan qui paraît avancer inexorablement vers l’espace libre où elle balaiera, l’audacieuse commensale d’un moment... botanique.
- Dans la figure 4, on voit le même peuplement d’armoise en pleine expansion; elle a tout réduit sur son implantation, tel un conquérant d’espace.
- Il eût été instructif d’observer pendant quelques années un espace restreint de ce peuplement herbacé spontané, afin de suivre l’évolution et la transformation probable de ce biotope. Le sort en a décidé autrement, puisque ce qui était hier encore une solitude herbeuse a fait place, pour le plaisir des jeunes, au magnifique stade de l’A.P.S.A.P. Q).
- IIeniu Vergnatjd,
- Président de la Société d'Horticulture de Yincennes.
- 1. En attendant celui prévu pour 1952, sur le même emplacement, de 100 000 places, qui sera parmi les plus vastes et les plus beaux du monde.
- Les déchets de poires fournissent un excellent combustible.
- Une grande conserverie de fruits manipulant 2o0 t de poires par jour peut, tirer des 90 t dei déchets qu’entraîne la préparation de ces fruits pour la consommation, un volume de gaz méthane, excellent combustible, d’une valeur d© 22o dollars (environ 80 000 fr).
- C’est la conclusion qui se dégage des expériences auxquelles s’est livré un laboratoire du ministère de l’Agriculture des États-Unis, lequel a mis au point un nouveau procédé industriel permettant de
- transformer un kilogramme de déchets de poires en 0,600 m3 de gaz méthane.
- Les pelures, trognons et autres déchets sont déversés dans des cuves où, après élimination de l’oxygène, les résidus sont portés à la température dé 54° C. La fermentation qui en résulte produit un dégagement continu de gaz combustible. Cette fermentation peut être maintenue pendant les neuf mois de l'année durant lesquels les conserveries traitent d’autres fruits que les poires.
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- LE PÉTROLE DU BORNÉO BRITANNIQUE
- En bordure sud-est de l’Asie,- entre les Philippines au nord et 'Java au sud, s’étend la grande île montagneuse de Bornéo. La plus grande partie, face au sud et à l’est, appartenait aux Pays-Bas et se trouve actuellement intriquée dans les troubles de la république indonésienne. La région septentrionale et la côte nord-ouest sont sous protectorat anglais. Les Britanniques s’établirent en 1847 à l’île de Labouan dont ils firent un port d’escale entre Singapour et Hong-Kong et un dépôt de charbon extrait sur l’île même; puis ils protégèrent les sultanats indigènes de Bornéo, de SaraAvak et du Brunéi. Les trois territoires couvrent 200 000 km2 et comptent environ un million
- ~Sandah fi ’Jesseltor
- ILâbouan
- BORNÉ
- SEPTENTRI
- -M E R-
- ~DE—
- 'ELEBES.
- B O R N
- .Equateur
- D O IM É S
- M-ë~R-j=DzW
- Fig. 1. — L’île de Bornéo.
- Le sultanat de Brunei est au nord du Sarawak.
- d’habitants. Le pays est encore sauvage; il n’a que 060 km de routes empierrées et une ligne de chemin de fer de 190 km.
- Avant la guerre, on savait déjà que le sultanat de Sarawak contient du pétrole, du charbon, de l’or, de l’antimoine; on exploitait la houille et le pétrole sur la côte nord-ouest et le gisement pétrolier de Miri avait donné en 1929 un maximum de 7G0 000 t d’huile, mais il s’était peu à peu tari et ne fournissait plus que quelques barils par jour au moment où les Japonais occupèrent l’île. Un peu plus au nord, dans le sultanat de Brunéi, le gisement de Séria devenait prometteur et on commen-
- çait à forer des puits sous la mer. En 1940, Brunéi avait produit 870 000 t et Sarawak’ i5o 000, en tout un million. L’invasion japonaise fut une catastrophe; après la libération, en ig45r on retrouva près de 4o puits en flammes, les ponts et les constructions détruits, les ports d’embarquement inutilisables, les-plantations abandonnées et envahies par la végétation tropicale. Tout était à remettre en état.
- La revue Petroleum Press Service décrit ce qui a été fait depuis deux ans, après que la Conférence de Colombo eut tracé un plan de six ans pour la mise en valeur du Bornéo britannique. Une subvention du Colonial Development and Welfare fut affectée au développement de l’enseignement, à la création de-dispensaires ambulants, aux distributions d’eau, à la construction de routes, au développement de ports, d’aérodromes et d’un réseau téléphonique. La modernisation de l’agriculture fut envisagée pour améliorer la nourriture des indigènes et la. prospection géophysique des ressources minérales fut entreprise.
- Au Brunéi, de petite étendue, peuplé seulement de 4o 000 habitants, l’exploitation du pétrole est confiée à la British Malayan. Petroleum Company, filiale de la Shell; celle-ci occupe-5 000 personnes, soit le huitième de la population; elle prospecte la région et a commencé des sondages sous-marins jusqu’à 800 m de la côte; elle a poussé l’extraction du gisement de Séria qui s’est révélé fort riche, puisque la quantité d’huile extraite est passée de 1,7 million de tonnes en 1947 à 2,69 en 1948, 3,33 en 1949 et 4,5 en ig5o. C’est plus de cinq fois ce-qu’on en tirait en 1940 et c’est maintenant la plus grosse production de tout l’empire britannique, puisque le Canada n’a. fourni que 2,8 millions de tonnes en ig5o. Les redevances sur le pétrole extrait de Brunéi suffisent pour consolider le budget local et réaliser le plan de Colombo.
- Au Sarawak, bien plus grand que le Brunéi, la situation est moins brillante. Le seul gisement pétrolier connu, celui de Miri, exploité par les Sarawak Oilfields, est en déclin; en 1927, il donna 760 000 t, en 1940, i5o 000; en 1960, il n’a plus fourni que 5o 000 t d’huile. Peut-être contient-il d’autres réserves plus profondes ? Peut-être trouvera-t-on d’autres poches dans le sud ? La mise en oeuvre du plan de Colombo nécessite pour le moment l’aide de la métropole.
- Le pétrole brut de Séria et celui de Miri sont traités dans une raffinerie voisine, à Lutong, dans le Sarawak. Celle-ci peut recevoir deux millions de tonnes par an. L’excédent actuel est transporté en Indonésie, aux raffineries de Balik-Papan et de Plad-joc; une portion va au Japon et depuis peu une autre en Californie. Les produits finis trouvent marchés dans les pays voisins d’Extrême-Orient.
- Le pétrole apparaît ainsi comme la richesse immédiate du Bornéo britannique, celle qui permettra de mettre ensuite en valeur les autres ressources de ces régions équatoriales encore à peine exploites.
- Les premiers
- Le D1' L. Harrison Matthews a récemment présenté à la Zoolo-gical Society de Londres un film montrant les premiers jours d’un Phoque, Halichœrus grypus, qui vit dans les mers arctiques et boréales, qu’on trouve jusqu’au nord du Cap Land’s End, en Angleterre, et dont quelques jeunes se sont parfois égarés jusqu’en Bretagne. Ayant capturé au filet une femelle et le jeune qu’elle venait de mettre au monde, il put les observer pendant 15 jours étalés peser chaque jour. Le nouveau-né, qui pesait environ 13,6 kg à la naissance, atteignait déjà 19,5 kg le troisième jour et 41,5 kg le dix-huitième, ayant gagné en moyenne 1,5 kg par jour. Par
- d'un Phoque.
- contre, la mère, qui pesait 168 kg au troisième jour n’en pesait plus que 125 au dix-huitième, ayant perdu en moyenne 2,87 kg par jour, soit près du double du poids gagné par son petit. Pendant cette période, mère et enfant burent de petites quantités d’eau, douce ou salée, mais la mère ne se nourrit pas. Le lait de la mère contenait seulement 43 pour 100 d’eau ; on y trouvait 67 pour 100 de matière sèche dont 53 pour 100 de graisses. Le jeune fut sevré le dix-huitième jour et quitta la côte le trentième, après avoir mué. Ce sont, croyons-nous, les premières données sur la croissance chez cette espèce.
- jours
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- Tubes
- à vide
- pour
- ondes très courtes
- Dans le domaine des fréquences radio-électriques, ce sont presque exclusivement des selfs, des capacités et des résistances qui sont employées dans les montages; pour passer ainsi aux hyperfréquences, il faudrait réaliser des éléments beaucoup trop petits; aussi une nouvelle technique s’est avérée indispensable. Au lieu de circuits à éléments bien différenciés, on a recours à des circuits à « constantes réparties ». La grande facilité de rayonnement des éléments parcourus par des courants aux hyperfréquences interdit absolument l’emploi de fds simples dans les montages, il faut leur substituer des conducteurs coaxiaux ou des guides d’ondes. Les notions de tension et de courant disparaissent pour être remplacées par celles de champs électrique et magnétique. Les divers éléments du circuit prennent la forme d’obstacles placés dans le guide d’onde et le circuit résonant est remplacé par la cavité résonante. La technique des mesures aux hyperfréquences est aussi tout à fait spéciale; les grandeurs mesurées ne sont plus des courants ou des tensions, mais des longueurs, phases et puissances.
- Le Klystron Reflex.
- Il existe un très grand nombre de types de klyslrons, tubes de choix pour le laboratoire. Ils peuvent êLre utilisés comme amplificateurs de puissance avec un gain de 3o dans la forme à
- deux résonateurs, de i ooo dans celle à trois résonateurs en cascade. On peut aussi les employer comme multiplicateurs de fréquence en accordant une cavité résonante sur une fréquence harmonique supérieure. Des fréquences de 9 ooo Mc/s ont été ainsi atteintes à partir des oscillations d’un, quartz pilote.
- Cependant en vue des mesures, le type le. plus employé est le Klystron Reflex, ainsi nommé à cause du principe de son fonctionnement. Un faisceau électronique passé d’abord à travers une cavité résonante en forme de tore complétée par deux disques parallèles perforés (les grilles), puis grâce à une électrode négative, le réflecteur, il repasse dans cette cavité une seconda fois.
- Remarquons que l’emploi d’une cavité résonante unique donne à cet oscillateur un gros avantage sur la lampe phare et sur le klystron à deux résonateurs, tant au point de vue du système d’accord mécanique que de la facilité de réglage. Il est facile aussi de placer cette cavité unique à l’intérieur même du tube, si bien qu’on évite la difficulté considérable d’adapter une cavité extérieure. A 3 ooo Mc/s, les klystrons actuels n’ont qu’une puissance légèrement inférieure aux lampes phares et l’efficacité du klystron ne diminue que très peu pour une variation de la fréquence, alors que celle de la lampe phare décroît rapidement. D’autre part, pour les fréquences plus élevées, de l’ordre de io ooo Mc/s, il n’est plus possible d’employer de klystron à deux résonateurs par suite des difficultés trop grandes de construction et de réglage.
- La fréquence de la tension de sortie du klystron reflex est très sensible aux variations de potentiel du réflecteur. En agissant sur ce potentiel on pourra donc facilement faire varier la fré-
- 1. Voir La Nature, n° 3191, mars 1951, p. 82.
- quence des ondes produites. Ce mécanisme de modulation de fréquence est connu sous le nom d'accord, électronique. Mais cette modulation ne dépend pas linéairement de la tension du réflecteur et elle s’accompagne d’une certaine modulation d’amplitude. Sous ce rapport, le klystron à deux cavités résonantes est supérieur : la modulation de fréquence devient une fonction sensiblement linéaire et ne s’accompagne que d’une très faible modulation d’amplitude. La modulation d’amplitude en ondes carrées peut facilement être utilisée dans un klystron en appliquant celle modulation sur la tension du réflecteur : un klystron reflex reproduira convenablement la forme et la durée des impulsions appliquées, ce serait plus difficile à obtenir avec un klystron à deux résonateurs qui présente une inertie un peu plus grande.
- Caractéristiques générales du klystron reflex. —
- Le principe de tout klystron est l’utilisation de la modulation de vitesse et du « groupage » des électrons qui en résulte pour entretenir des oscillations d’une ou plusieurs cavités résonantes. Ceci s’obtient en substituant à l’espace cathode-grille de la triode, un espace de contrôle complexe formé de trois parties : la région cathode-anode où les électrons reçoivent toute leur accélération; l’espace de modulation, où les électrons sont soumis à un champ alternatif qui les ralentit ou les accélère, suivant l’instant considéré (modulation de vitesse); l’espace de glissement où il peut y avoir un champ constant, mais pas de champ alternatif et dans lequel s’opère le rassemblement des électrons par petits paquets.
- Ces différentes régions apparaissent sur la figure i. On notera que le réflecteur travaille à une tension négative par rapport à la cathode; il existe donc dans cet espace un champ retardataire qui inverse le mouvement des électrons avant qu’ils n’atteignent le réflecteur et qui les renvoie à travers l’espace de modulation.
- Groupage des électrons. — La figure 2 représente, en bas, la position d’un électron en fonction du temps et en haut, une série d’électrons passant dans l’espace de modulation à des intervalles de temps égaux. La pente de chaque courbe à chaque instant correspond à la vitesse de l’électron à cet instant. La modulation de vitesse se traduit par une modification de la pente de chaque courbe au passage dans la cavité. Le groupage apparaît sur la figure quand les électrons effectuent leur second transit à travers l’espace de modulation.
- Au premier passage, certains électrons ont été accélérés et ont ainsi gagné de l’énergie aux dépens du système oscillant; d’autres en nombre égal ont été ralentis et ont cédé la même quantité d’énergie. Le premier transit n’assure donc qùe la modulation de vitesse des électrons et ne coopère pas à l’entretien des oscillations.
- Réflecteur
- \___jEspace de
- ”modulation
- Distance
- Cathode
- Espace
- d'accéléra-
- tion
- temps
- , Tension des grilles
- temps
- Fig. 2. — Diagramme d’Applegati montrant la modulation de vitesse et le « groupage » des électrons dans le Klystron Reflex.
- Réflecteur
- Cathode
- "'Espace de modulation
- Cavité
- résonnante
- Fig. 1. — Schéma d’un Klystron Reflex.
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- Tension du réf!ecteurM=3 <n~t
- 300 V
- Fig. 3. — Les oscillations ont lieu si le point de fonctionnement se trouve dans une aire hachurée.
- Au retour, par contre, les élections sont groupés et l’échange d’énergie donne une valeur moyenne non nulle. On s’arrange pour que les paquets d’électrons au retour soient ralentis au maximum, c’est alors qu’ils cèdent le plus d’énergie au système oscillant. Dans ces conditions, il y a entretien des oscillations. L’échange d’énergie est maximum chaque fois que le temps de
- transit des électrons est égal à n + ^ cycles. Pour n + ~ ou n + i cycles, il n’y a plus d’échange d’énergie.
- Pour qu’il y ait possibilité d’entretien, il faut que le courant électronique dépasse une certaine valeur, appelée courant de démarrage, sinon la puissance délivrée ne compenserait pas l’amortissement dû aux pertes dans la cavité résonante.
- Puisque le temps de transit est fonction de Vu, tension du réflecteur, et de Vc, tension de la cathode, les oscillations ne peuvent avoir lieu que pour des valeurs bien définies de ces tensions. La figure 3 montre les possibilités d’oscillations en fonction de Vn et Yc pour le klystron i K a5.
- Le fonctionnement réel du klystron reflex est plus compliqué que ne l’indique le raisonnement précédent. En particulier, il peut arriver que certains électrons qui ont déjà fait deux passages dans l’espace de modulation ne soient pas captés par la grille et entreprennent un second passage à travers la cavité résonante. Cela entraîne des anomalies dans la forme de. l’onde modulée produite. Dans les tubes récents, cette perturbation a été éliminée en étudiant le générateur à l’aide de méthodes d’optique électronique. Dans la plupart des cas, le phénomène de multiple transit a pu être supprimé.
- Le magnétron.
- La forme la plus répandue de magnétron comporte un tube à vide, à l’intérieur duquel se trouvent deux électrodes. L’anode est de forme cylindrique, la cathode est un fil tendu dans l’axe du cylindre. Un champ magnétique est créé, orienté parallèlement à la cathode. Actuellement, l’anode se compose en général de deux demi-cylindres reliés par un circuit oscillateur compris entièrement, ou en partie, dans le tube à vide. Ce dispositif est représenté sur la figure 4.
- Deux types d’oscillations peuvent être obtenus avec les magnétrons à champ magnétique constant : le premier est basé
- Anode
- Cathode
- ooucle quart d'onde
- Fig. 4. — Magnétron à anode fendue.
- sur le fait que la caractéristique statique courant-tension de chaque demi-cylindre présente une partie à pente négative. Le type de magnétron qui produit ces oscillations est appelé dynatron ou magnétron à résistance négative.
- Ces magnétrons ne fonctionnent correctement qu’aux fréquences faibles par rapport à la fréquence de parcours. On agit sur la fréquence des oscillations en modifiant les caractéristiques du circuit, oscillateur.
- Le deuxième type d’oscillations dépend du temps de transit des électrons de la cathode à l’anode. L’oscillation ne peut avoir lieu que si les champs électrique et magnétique sont réglés de telle façon que le temps mis par un électron pour aller de la cathode à l’anode et retour soit sensiblemest égal à la période d’oscillation du circuit oscillateur. Les magnétrons produisant des oscillations de ce genre sont dits : « à temps de parcours ».
- Caractéristiques du magnétron. — Les courbes caractéristiques courant anodique-champ magnétique présentent de grandes analogies avec les courbes tension grille-courant plaque des triodes, si l’on remarque qu’une polarisation négative de grille correspond à un champ magnétique positif.
- Il est donc possible de commander le magnétron par un champ magnétique variable superposé au champ magnétique de fonctionnement (fig. 5).
- Fonctionnement du magnétron à temps de par= cours. — Dans tous les magnétrons à temps de parcours, le champ magnétique est réglé de façon que le courant plaque soit aux environs du « cut-off ». Les électrons affleurent la surface de la plaque et retournent à la cathode. Supposons qu’une faible tension alternative, de période égale au temps mis par un électron pour aller à la plaque et en revenir soit superposée à la tension continue : si un électron quitte la cathode à l’instant où croît la tension alternative partie de zéro, le champ électrique pendant son trajet vers la plaque a une valeur supérieure à celle qu’il aurait en l’absence de la tension alternative superposée, l’électron pourra frapper la plaque. S’il ne la frappe pas, il retourne à la cathode, mais son mouvement a lieu alors dans un champ électrique inférieur à ce qu’il était à l’aller. L’électron perd moins d’énergie cinétique qu’il n’en a gagné et il frappe la cathode avec une vitesse résiduelle importante; de l’énergie est alors empruntée à la source alternative de tension.
- Un électron qui quitte la cathode une demi-période plus tard n’approche pas autant de la plaque; pendant son retour, il se déplace dans un champ électrique supérieur à celui de l’aller. Il perd de l’énergie cinétique pendant le trajet de retour et arrive au repos avant d’atteindre la cathode. De l’énergie a été fournie à la source alternative. L’électron peut continuer à osciller en va-et-vient avec des amplitudes décroissantes et fournir de l’énergie à la source alternative jusqu’à son état d’équilibre final.
- De façon générale, tous les électrons qui quittent la cathode pendant l’augmentation de la tension plaque empruntent de l’énergie à la source alternative mais sont éliminés dès leur premier voyage, les autres peuvent effectuer un plus grand nombre de voyages en cédant chaque fois de l’énergie à la source alternative. En définitive, cette dernière reçoit plus d’énergie qu’elle n’en fournit. Les oscillations seront entretenues si l’énergie formée est supérieure à l’énergie perdue dans le circuit résonant.
- Fig. 5. — Caractéristiques d’un magnétron. Courant anodique i en fonction du champ magnétique B.
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- Magnétron à temps de parcours à anode tendue. —
- En fendant l’anode cylindrique suivant deux génératrices diamétralement opposées et en séparant les deux demi-cylindres par un circuit oscillant, le fonctionnement du magnétron devient tout à fait différent et bien plus souple. Les oscillations se produisent cette fois entre les deux segments anodiques et leur période est commandée par le circuit oscillant qui sépare les deux plaques. Le champ électrique est créé ici par la différence de potentiel qui sépare les deux anodes. Si une tension alternative de période égale au temps mis par un électron pour tourner une fois autour du 'filament est appliquée entre les deux portions de l'anode, la direction du champ est changée deux fois pendant une rotation de 36o° de l’électron. De ce fait, les électrons qui franchissent les ouvertures au moment où le champ est maximum éprouvent une accélération angulaire positive ou négative constante. Les électrons accélérés empruntent de l’énergie à la source alternative; leur vitesse augmentant, ils sont attirés vers le filament et éliminés; les électrons retardés cèdent de l’énergie à la source et ils viennent frapper la plaque après un grand nombre de révolutions. Des oscillations entretenues peuvent avoir lieu si la tension alternative des plaques est fournie par un circuit oscillateur à faible dissipation.
- Le magnétron à cavités. — On appelle ainsi un magnétron dont l’anode est un bloc métallique dans lequel on a ménagé un certain nombre de cavités (8 en général). Les oscillations sont engendrées comme dans le magnétron à anode fendue. Le courant oscillant produit des ondes stationnaires localisées dans la cavité. L’entretien des oscillations est causé, comme dans tout magnétron, par l’apport d’énergie des électrons issus de la cathode à la source alternative, ondes localisées ici dans les cavités. L’énergie haute fréquence est prélevée directement dans une seule cavité par une ligne coaxiale terminée par une boucle. La longueur d’onde est fixée par les dimensions des cavités. De tels magnétrons sont utilisés dans les radars; ils peuvent fournir des puissances de plusieurs dizaines de kilowatts pendant des instants très courts (io~3 à io-6 sec.).
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- / ORBITE ELECTRONIQUI
- Fig. 6. — Magnétron à cavités.
- De tels tubes semblent fort loin de la triode de Lee de Fores't; c’est pourtant l’évolution progressive de celle-ci et l’analyse des phénomènes l’empêchant d’être utilisée aux très hautes fréquences qui ont permis de créer des tubes de conceptions nouvelles, utilisant les temps de transit qui étaient apparus si gênants.
- J. Combhisson, Ingénieur E.P.C.I.
- LE CIEL EN JUIN 1951
- SOLEIL : du 1er au 22, sa déclinaison croît de + 21°59' à + 23°27', puis décroît jusqu’à + 23°13' le 30 ; la durée du jour passe de ÎSMI)111 le 1er à 16h7m le 22 et à IGM™ le 30 ; diamètre apparent le 1er = 31m35s,58, le 30 =. 31m30s.,76 ; solstice d’été le 22 à 5h2om16s : le Soleil entre dans le signe du Cancer. — LUNE : Phases : N. L. le 4 à 16h40m, P. Q. le 12 à 18h52m, P. L. le 19 à 12h36m) d_ q_ ie 26 à 6h21m ; apogée le 6 à lh, diamètre app. 29'24" ; périgée le 19 à 14h, diamètre app. 33'28". Principales conjonctions : avec Mercure le 2 à 20h51m, à 7°28' S. ; avec Mars le 4 à 10hoSm, à 4°41' S. ; avec Uranus le 6 à 18h32m, à 4°16' S. ; avec Vénus le 8 à à 1°4' S. ; avec Saturne le 13 à 6h30m, à 3°52' N. ;
- avec Neptune le 14 à 20h52m, à 4°o6' N. ; avec Jupiter le 27 à 0h34m, à 4°14' S. Occultation de y Capricorne (3m,8) le 23, immersion à 2h42m,3.— PLANETES : Mercure invisible, en conjonction sup. avec le Soleil le 25 ; Vénus, éclatant astre du soir, plus grande élongation le 25 à 45°24' E. du Soleil, se couche 3H8m après le Soleil, diamètre app. 25" ; Mars inobservable ; Jupiter dans les Poissons, visible le matin, se lève le 18 à 0h32ra, diamètre polaire app. 33",9 ; Saturne dans la Vierge, visible le soir, se couche le 18 à 0h19m, diamètre polaire app. 15",8, anneau : gr. axe
- 39",6, petit axe 0",9 ; Uranus invisible ; Neptune dans la Vierge, un peu visible le soir, se couche lé 30 à 0h6m, position 13h4m et — o°4', diamètre app. 2",4. — ÉTOILES VARIABLES : Minima observables d'Algol (2m,2-3m,5) le 19 à 4h,0, le 22 à 0h,8 ; minima. de (3 Lyre (3m,4-4m,3) le 9 à 10h,8, le 22 à 9h,l ; maxima : de o Baleine {Mira Ceti, 2m,0-10m,2) le 19, de R Grande Ourse (om,9-13m,6) le 24, de T Céphée (5m,2-10m,8 le 26, de R Serpent (5m,6-13m,8) le 28. — ÉTOILE POLAIRE : passage inf. au méridien de Paris : le 10 à 20h25m38s, le 20 à 19h46»32s, le 30 à 19h7“25s.
- Phénomènes remarquables. — La conjonction de Vénus et de la Lune le 8, âge de la Lune 4J,0 ; l’occultation de y Capricorne, âge de la Lune 181,4, à observer à la jumelle ; le maximum de Mira Ceti vers le 19, surveiller les fluctuations d’éclat de part et d’autre de cette date (Se reporter à La Nature, année 1947, p. 382).
- (Heures données en Temps universel ; tenir compte des modifications introduites par l’heure en usage).
- G. Fournier.
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- LES LIVRES NOUVEAUX
- Science, its method and its philosophy, par
- G. Burniston Brown. 1 vol. in-80,'189 p.‘, 8 pl. Allen and Unwin, Londres, 1950. Prix : relié, 15 sh.
- Au moment où la science retentit sur la vie de chaque jour, l’auteur dégage l’évolution de la méthode et de l’esprit scientifiques par quelques exemples choisis. Après une rapide révision de ce qu’on sait du comportement intellectuel des animaux, il présente les idées directrices d’Aristote imprégné de verbalisme, puis il passe sans transition à Bacon qui pose ls premiers principes de la méthode scientifique, à Newton, à Whewell, à John Stuart Mill, pour aboutir à la philosophie scientifique moderne représentée par 'Eddmgton et Milne. La pensée scientifique apparaît avec son caractère universel et la clarté qui lui donne sa valeur éducative pour le plus grand bénéfice des hommes.
- Application précise d’une clause qualitative de régularité au dépouillement des courbes expérimentales et à la solution de certains problèmes mathématiques, par P. Ver-notte. 1 broch., 26 p. Service de documentation et d’information technique de l’aéronautique, Paris, 1950.
- La mise en équation des résultats d’expériences, par E. Rüfener. 2e édition. 1 vol. in-8°, 108 p. Dunod, Paris, 1951. Prix : 750 fr.
- L’auteur expose les procédés permet tant de trouver avec facilité les équations des courbes obtenues à partir d’observations et de mesures empiriques. 11 en donne toute une série d’exemples chiffrés. Cet ouvrage intéresse tous ceux qui font des observations ; les mathématiques leur rendront service dans tous les cas où les calculs sont nécessaires pour généraliser ou discuter les faits.
- Annuaire astronomique et météorologique Camille Flammarion. 1951. 1 vol. in-16, 390 p., 69 fig., 4 pl. Flammarion, Paris, 1951. Prix : 500 francs.
- Voici la 87e fois que paraît cet Annuaire, impatiemment attendu par tous les observateurs. Longtemps rédigé par son fondateur qui sut faire ainsi partager son enthousiasme pour l’astronomie par une foule de savants et d’amateurs, il est continué par sa veuve avec le concours des maîtres d’aujourd’hui. Il donne tous les renseignements pour l’observation du ciel en chaque jour de l’année, rappelle les divers événements astronomiques et météorologiques de l’an passé et explique tout ce qu’on peut constater sur la terre et voir de la lune, du soleil, des étoiles, des comètes, des météores.
- Annuaire hydrologique de la France. 1949. 1 vol. in-8°, 207 p., cartes et graphiques. Société hydrotechnique de France, Paris, 1951. Prix : 1 250 francs.
- Ensemble des données statistiques sur les débits de divers cours d’eau, le degré de remplissage des réservoirs, la pluviosité et la température. L’année 1949 apparaît particulièrement sèche. Une étude est faite spécialement des moyens de mesurer le débit des cours d’eau.
- L’ozone atmosphérique, par Charles Fabrt. 1 vol. in-8°, 278 p., 75 fig. Centre national de la Recherche scientifique, Paris, 1950.
- L’ozone est un constituant de l’atmosphère, plus abondant aux très grandes altitudes. On peut le doser chimiquement, ou mieux optiquement par la mesure de ses propriétés absorbantes pour les radiations. De nombreuses méthodes, de multiples appareils ont été imaginés, beaucoup de mesures rassemblées. L’ozone joue un grand rôle en physique atmosphérique, en climatologie, en biologie, sans qu’on sache bien encore comment il se forme. L’auteur qui, avec Buisson, a proposé la méthode de base pour les mesures au sol, fait ici la mise au point de la question avec la clarté et l’élégance qui marquèrent tout son enseignement, v
- Eléments of fractionnai distillation, par C. S. Robinson et E. R. Gilliland. 1 vol. in-8°, 492 p., fig. Mac Graw-IIill, Londres, 1950. Prix : relié, 56 shillings.
- Principes de la distillation fractionnée avec de nombreux exemples et des rééfrences bibliogra-
- phiques. Parmi les principaux chapitres figurent d’importants développements sur le calcul des équilibres vapeur-liquide, les méthodes générales de fractionnement, la distillation et la condensation simples, la rectification des mélanges binaires et des mélanges multiples, l’extraction et la distillation azéotropiques, les réactions chimiques et la rectification simultanées, la distillation sous vide, le dessin, le calcul et les emplois des colonnes à fractionner.
- Chimie minérale, théorique et expérimentale (chimie électronique), par F. Gàllais. 1 vol. in-8% 809 p., nombreuses figures. Masson et Cu, Paris, 1950. Prix : relié, 2 800 francs.
- La théorie atomique s’est imposée en chimiè avant la fin du -siècle dernier, mais ce n’est qu’au début de celui-ci qu’elle a trouvé une base théorique dans la théorie électronique qui met les aptitudes réactionnelles des atomes en rapport avec leur structure électronique. La mécanique ondulatoire lui a donné plus récemment une forme quantitative qui vient compléter les apports de la thermodynamique. La notion de valence a considérablement évolué et il est possible maintenant de prévoir la forme et le nombre des liaisons chimiques qu’un atome est théoriquement a meme de contracter. Sur ces bases l’auteur a réussi une présentation toute nouvelle de la chimie minérale. La première partie est consacrée à la chimie générale avec les atomes, les molécules, la réaction chimique comprenant la statique et la cinétique chimique, les équilibres, la tautomérie et la mésomérie. La seconde partie traite des éléments classés d’après la classification périodique par groupes et sous-groupes sous l’aspect de la chimie électronique. La chimie minérale y trouve une forme nueve qui aura une forte répercussion sur les modes d’enseignement.
- Chimie organique. III. Fonctions complexes,
- par A. Kirrmann. 1 vol. in-16, 184 p. Collection Armand Colin, Paris, 1950. Prix : 180 francs.
- Ce livre complète le petit Traité de chimie organique dont avaient paru déjà deux volumes sur la chimie organique générale et sur les fonctions simples ; cette dernière partie ajoute encore à la réputation de l’ouvrage. La chimie organique y est exposée d’une façon moderne, exceptionnellement claire. L’ouvrage du professeur de la Faculté de Strasbourg est une initiation parfaite à l’un des domaines les plus importants et les plus complexes de la chimie, la forme choisie pour l’exposition mérite de faire école.
- Explorons nos cavernes, par le R. P. Dom Félix Anciaux, O. S. B. 1 vol. in-8°, 315 p., 8 fig., 4 pl. Guide de la Nature, Dînant (Belgique), 1950.
- L’étude des cavernes, si bien commencée par Martel, notamment dans La Nature, attire de plus en plus d’amateurs. Les exploits se multiplient, que l’auteur indique sans en répéter les récits pittoresques. Il préfère présenter les résultats scientifiques et montrer l’étendue des problèmes qu’ils soulèvent : origine et formation des grottes, nature des terrains, concrétions calcaires et leur dissolution, dépôts d’argile colloïdale, circulation de l’eau et de l’air. Il donne ensuite les indices qui permettent de dater les faits : chronologie préhistorique, fossiles, restes humains et traces d’industries. Enfin, il traite de la faune des cavernes, des plus petits invertébrés aux chauves-souris. Chaque chapitre finit par des conseils techniques sur l’équipement du spéléologue, son matériel d’exploration, les recherches physiques, les fouilles, la récolte et la détermination des animaux, les levés topographiques et les photographies, suivis de nombreuses références bibliographiques. Et l’ouvrage se termine par la liste et la carte des cavernes connues en Belgique..
- Text-book of modem pollen analysis, par
- Knut Faegri et Jolis. Iversen. 1 vol. in-8°, 168 p., 17 fig., 9 pl. Munksgaard, Copenhague, 1950. Prix : relié, 16 couronnes danoises.
- La découverte des grains de pollen dans les sédiments anciens remonte à plus d’un siècle, mais leur étude systématique ne date guère de plus de 30 ans. Elle a éclairé l’histoire de la fin du quaternaire. Ce manuel rappelle les formes
- caractéristiques des grains, leur formation et leur dispersion, leur recherche sur le terrain et leur analyse au laboratoire, les indications qu’ils donnent sur la végétation et la formation des tourbières, les diagrammes qu’or en peut tirer et les erreurs qu’il faut éviter. Des tableaux permettent les attributions botaniques exactes, un glossaire définit les caractères morphologiques. C’est donc ul> guide très complet et très précis qui rendra de grands services. On regrette seulement que les travaux français n’y soient pas indiqués.
- Détermination pratique des roches, par André Caillaux et André Ciiavan. Ire partie. 1 vol. in-8°, 155 p., 119 fig. Tournier et Constans, Paris, 1950. Prix : 250 francs.
- Tableaux dichotomiques permettant, sans matériel complexe ni recherches difficiles, de reconnaître rapidement la nature des roches, d’après l’aspect, la densité, la couleur, l’odeur, la dureté, la résistance à l’acide, etc. De nombreux dessins aident aux déterminations. Une deuxième partie reprendra l’étude des roches par catégories avec indication de leurs qualités et cle leurs modes de formation. Ce petit manuel très pratique rendra service sur le terrain aux prospecteurs et aux collectionneurs dont il guidera les premières informations.
- Le continent vert des naturalistes, par Victor \V. von IIager. 1 vol. in-8°, 411 p. Durel, Paris, 1950. Prix : cartonné, 690 francs.
- Lui-même grand voyageur en Amérique du Sud, l’auteur a réuni des textes des explorateurs qui depuis le xvi6 siècle ont décrit les montagnes, les fleuves, la mer, les plantes et les animaux de ces régions, depuis les contemporains de Colomb jusqu’à aujourd’hui, en passant par La Condamine, Humboldt, Danvin. Ces documents bien choisis donnent une idée des merveilles de toutes sortes qui étonnèrent les voyageurs, de l’Amazonie débordante de vie à l’aride Patagonie.
- Tropiques noirs, par Maurice Bedel. 1 vol. in-16, 253 p. Hachette, Paris, 1950. Prix : 320 francs.
- Depuis « Jérome 60° latitude nord », l’auteur n’a cessé d’écrire romans et essais, alertes, fins, pleins d’humour. Ayant parcouru en trois mois 40 000 km à travers l’Afrique, de la Mauritanie au Congo belge, puis à Madagascar et au Kenya,, au cours d’une tournée de conférences, il a tenu son carnet de route, noté chaque soir ses impressions et ses souvenirs et écrit ainsi sans retouches un tableau de l’Afrique noire d’aujourd’hui, qui s’éveille et dont les villes grandissent parmi les paysages des tropiques.
- Noms de lieux forestiers, par Pierre Chessex.
- 1 broch. in-8°, 48 p. Société vaudoise de sylviculture, Neuchâtel (Suisse), 1950. Prix :
- 2 francs suisses'.
- Liste des toponymes de la Suisse romande, avec leur signification et leur origine.
- Chasses et pêches, par J. Obertiiur. 1 vol. in-8°, 275 p., 16 pl. hors texte. Durel, Paris, 1950. Prix : 900 francs.
- Après avoir si bien écrit du « Monde merveilleux des bêtes », l’auteur raconte ici sa vie de chasseur et de pêcheur, évoque ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, à la mer, à la montagne, à la campagne, tantôt chassant seul et tantôt en équipage de grande vénerie. Plein de vie et d’optimisme, il n’oublie pas les anecdotes savoureuses et termine en s’écriant : « La chasse, c’est la santé et la vie ».
- Chasseurs de chamois, par Pierre Melon. 1 vol. in-8°, 191 p., 16 fig. Collection « Montagne ». Attinger, Paris et Neuchâtel. Prix : 450 francs.
- C’est une chasse en haute montagne qui exige toutes les qualités d’audace et de ténacité de l’alpinisme, qui se pratique dans les régions les plus sauvages et les moins fréquentées et qui est rendue difficile par la méfiance et la finesse des sens des hardes de chamois. Chemin faisant, on rencontre aussi les marmottes, l’hermine, l’aigle royal. L’auteur, qui est des rares initiés, conte ses aventures, ses rencontres, sa
- Le gérant : G. Masson. — masson et cie, éditeurs, paris. — dépôt légal : 2e trimestre iqôi, n° i3i4. — Imprimé en France.
- BARNÉOUD FRÈRES ET Cie, IMPRIMEURS (3lC>566), LAVAL, N° 2356. — Ô-igSl.
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- Juin 1951
- LA NATURE
- LES AVIONS MILITAIRES FRANÇAIS au 19e Salon de l’Aéronautique
- Du i5 juin au ier juillet prochain, le 19e Salon de l’Aéronautique se tiendra, à la fois dans l’enceinte du Grand Palais et sur l’aéroport du Bourget. Avions commerciaux, militaires et de tourisme, français et étrangers, déploieront côte à côte leurs ailes ; nous nous émerveillerons de leur diversité et pourtant ils ne représenteront qu’une faible partie des modè'-«. les produits par la construction mondiale.
- Ce serait une immense tâche, bien que pleine d’intérêt*/ de passer en revue, à l’occasion du Salon, les nouveaux avions
- posons maintenant d’un choix de prototypes militaires dont la fabi’ication en série nous dispensera d’ici peu de compter uniquement sur les fournitures de nos alliés.
- Alors que la fin des hostilités laissait, en 1945, le peuple des.:,Etats-Unis en plein élan de son effort croissant pour la construction d’avions de guerre et la Grande-Bretagne, malgré de iiomïwbuses destructions d’usines, inviolée et libre, en pleine productiôm industrielle, la France se trouvait non seulement avec lé pjfis grand nombre de ses usines démolies, mais sans rmapriel, celui-ci ayant pris le chemin d’outre-Rhin, et Jsns bureaux d’études, les seuls existants ayant dû ‘‘camoufler leur activité durant tout le temps de l’occupation, et n’ayant disposé que de bien pauvres moyens. Dès l’armistice, notre pays se mit à l’œuvre pour reconstituer sa puissance industrielle, mais on mesure bien, dans le domaine de l’aéronautique, tout le temps qu’il fallut, devant l’immensité des dévastations, pour reconstituer nos usines, dessiner, construire et essayer des prototypes nouveaux et mettre en route des fabrications en série. Si l’on songe, en outre, aux difficultés financières et politiques qui nous assaillis, on comprend que, six ans après la fin de la guerre, nous ne puissions encore disposer d’une variété de types et d’un nombre d’appareils suffisant pour constituer l’armée de l’air que les événements nous imposent de posséder.
- Avant de pouvoir doter nos escadrilles d’avions modernes conçus et construits en France, nous avons dû acquérir de nos alliés des appareils de chasse, le « Vampire », avion anglais, et le « Thunderjet », avion américain.
- Fig. 1. — Le chasseur à réaction M. D. 450 « Ouragan ».
- Ce chasseur monoplace équipé d’un réacteur Ilispano-Suiza licence « Nene », approche la vitesse de 1 000 km/h, atteint l’altitude de 14 000 m et possède une vitesse ascensionnelle remarquable. Il est maintenant construit en série pour l’équipement de notre armée de l’air.
- en service, aux essais ou en études. Nous avons récemment décrit (x) les deux appareils commerciaux français les plus caractéristiques du moment : le. géant S.E. 2010 « Armagnac » et le Bréguet type 76 à deux ponts. Nous nous étions étendu, à l’occasion du Salon de 1949 (1 2) sur l’ensemble des avions de ligne et cargos aériens. A quelques améliorations près, l’aspect de ces avions reste identique, ce qui va nous permettre de nous borner aujourd’hui à l’étude des avions à réaction français destinés à équiper notre Armée de l’Air. Le lecteur pourra constater qu’après nos dures épreuves, auxquelles se sont ajoutés par la suite bien des hésitations et des tâtonnements, nous dis-
- 1. La Nature, n* 3182, juin 1950, p. 165.
- 2. La Nature, n° 3169, mai 1949, p. 129.
- Fig. 2. — Le chasseur à réaction S. O. 6 021 « Espadon ».
- C’est le prototype n° 2 du chasseur à réaction « Espadon » dont le prototype n° 1, exposé au Salon de 1949 sous le n° 6 020, avait déjà commencé ses essais en novembre 1948. L’ « Espadon » 6 021 à aile en flèche, dont le premier vol a eu lieu le 3 septembre 1950, comporte deux prises d’air situées de part et d’autre du fuselage alors que le prototype 6 020 ne comportait qu’une prise d’air ventrale.
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- Les « Vampire » qui nous ont été ou nous seront fournis par la Grande-Bretagne constituent le type V, livré en pièces détachées et monté dans les ateliers de.la S.N.C.A. du Sud-Est et le type 53, réalisé en Angleterre par la société Boulton et Paul, qui va de même être construit en série par la S.N.C.A.S.E. sous, le nom de <c Mistral ». Les performances du Mistral, qui doit être équipé du turbo-réacteur licence « Nene » seront supérieures à celles du « Vampire » type V.
- L’avion de chasse « Thunderjet », livré par les États-Unis, est le type F. 84 équipé du réacteur Allison J. 35 de 2 180 kg de poussée; i5o appareils de ce type doivent nous être fournis.
- Les turbo-réacteurs construits en France.
- Du fait de l’occupation, la France ne pouvait espérer, avant de nombreuses années, posséder l’expérience nécessaire pour l’étude et la réalisation de turbo-réacteurs. Il a donc fallu, afin de pouvoir sans retard fabriquer des réacteurs, acquérir des licences étrangères. La société française Hispano-Suiza a entrepris la construction du réacteur anglais « Nene » de 2 3oo kg de poussée au décollage et assure actuellement une production d’une vingtaine d’exemplaires de ce modèle.
- Par ailleurs, cette même société a acquis la licence du réacteur « Tay » à compresseur centrifuge, qui dérive du réacteur cc Nene » et offre une poussée nettement plus forte atteignant 2 85o kg au décollage, sans dispositif complémentaire de surpuissance. Les améliorations successives apportées au réacteur « Tay » permettent d’envisager aujourd’hui une poussée au décollage de l’ordre de 3 ooo kg.
- La S.N.E.C.M.A. (Société nationale d’études et de construction de moteurs d’aviation) a conçu le réacteur Àtar dont l’étude est terminée et qu’on va construire en série. G’est un réacteur muni d’un compresseur à sept étages, d’uné chambre de combustion annulaire à 20 brûleurs et d’une turbine à un étage. Tous les accessoires sont disposés à plat sur la partie arrière du carter du compresseur. Le système d’échappement est constitué par une tuyère de sortie réglable par commande automatique. Le poids de ce.réacteur est de l’ordre de 900 kg et son maître-couple maximum de 86G mm.
- La société Rateau a, de son côté, acquis une sérieuse expérience dans l’étude de la propulsion par réaction. Aussi la France peut-elle maintenant espérer se libérer progressivement dans cette branche de la tutelle jusqu’ici indispensable des pays alliés.
- Fig. 3. — Le bombardier léger bi-rêacteurs S. E. 2 415 « Grognard II ».
- Le S. E. 2 415 « Grognard II » est équipé de deux réacteurs Hispano-Suiza, licence « Nene ». Le prototype a effectué son premier vol le 14 février 1951 ; les performances réalisées par cet appareil ne sont pas connues.
- Les avions militaires français à réaction.
- Au Salon de 1949, la France présenta plusieurs types d’avions à réaction qui volèrent le i4 mai de la même année autour de l’aérodrome d’Orly sous les yeux de plusieurs centaines de milliers de personnes. Nous vîmes ainsi le S. O. 6 000 « Ti’iton », le S. O. 6 020 « Espadon », le N. C. 1 071 et le Dassault 45o « Ouragan ». Aujourd’hui, le Dassault 45o « Ouragan », après avoir réalisé au Centre d’essais en vol des performances tenues secrètes, mais que l’on dit avoir été remarquables, est sur le point d’être réalisé en série. Une présérie d’une douzaine d’exemplaires est même entreprise, avec l’appoint pour la fabrication des principaux éléments, de plusieurs sociétés nationalisées ou privées, dont la S.N.C.A. du Sud-Ouest dans ses usines de Nantes,. Bouguenais et Saint-Nazaire. Rappelons les caractéristiques de notre premier avion à réaction construit en série :
- Le chasseur M. D. 450 « Ouragan » (fîg. 1). — Chasseur d’interception monoplace; construction entièrement métallique; monoplan à aile basse, type « cantilever ». Envergure : 12,20 m; longueur : 10,70 m; surface portante : 23,80 m2; poids à Aude : 3 290 kg, poids en charge : 5 600 kg. Fuselage de section ovale; cabine pressurisée disposée à l’avant de l’aile; train d’atterrissage tricycle et escamotable, les roues rentrant sous les ailes par système hydraulique. Turbine Hispano-Suiza, licence « Nene » atteignant 2 25o kg de poussée, avec chambre de combustion installée à l’arrière du fuselage moteur. L’entrée d’air se trouve à l’avant de l’appareil avec double conduite d’air de chaque côté de la cabine du pilote.
- Les performances de l’Ouragan seraient les suivantes :
- vitesse maximum : 960 km/h au niveau de la mer;
- vitesse à 9 i5o m d’altitude : 85o km/h;
- vitesse ascensionnelle à 9 i5o m : 870 mètres-minute ;
- décollage avec franchissement d’un obstacle de i5 m, Arolets 0UArerts : 690 m;
- longueur d’atterrissage, après passage d’un obstacle de x5 m : 762 m.
- Au cours de ses essais, un des modèles « Ouragan » aurait atteint l’altitude de i4 000 m.
- Pour faire suite au M. D. 45o « Ouragan », la société des avions Dassault a réalisé un appareil qui en dérive : le M. D. 452 « Mystère » à aile et empennage en flèche accentuée, alors que l’aile de 1’ « Ouragan » épouse la forme classique; les deux types d’appareils possèdent toutefois un fuselage identique. Le « Mystère », qui est équipé d’un réacteur Hispano-Suiza, licence « Nene » a effectué depuis sa première sortie, datant du 23 février 1961, toute une série d’essais en vol, au cours de l’un desquels il aurait atteint la Adtesse de x xoo km/h et l’altitude de 12 000 m.
- Le chasseur S. O. 6 021 (fîg. 2). — Dérivé du S. O. 6 020 « Espadon » qui avait été présenté au Salon de 1949, le chasseur S. O. 6 021 est un monoplan à aile médiane en flèche et fuselage profilé en cigare, équipé d’un turbo-réacteur Hispano-Suiza, licence « Nene », installé à la partie arrière du fuselage. La prise d’air ventrale, disposée sur le type 6 020 a été, ici, remplacée par deux prises d’air latérales placées en dessous de la voilure, de part et d’autre du fuselage, tandis qu’à l’arrière de celui-ci sort la tuyère d’éjection. La cabine pressurisée, équipée d’un siège éjectable, est installée en avant du bord d’attaque de l’aile. Les caractéristiques du S. O. 6 021 sont les suivantes : envergure : 10,Go m; longueur : i5 m; surface portante : 27 m2; poids à vide : 4 75o kg; poids total : 6 870 kg. Relevons les performances connues : vitesse maximum au nfreau de la mer : 1 000 km/h; temps de montée à 10 000 m : 9,o5 min; plafond pratique : i3 000 m; autonomie de vol : i,5 h.
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- Fig-. 4. — Le prototype S. O. 4 000 bi-réacteurs.
- Ce prototype est destiné à l’étude expérimentale d’un bombardier à réaction. Ses ailes et empennages sont en flèche et il est équipé de deux réacteurs Hispano-Suiza, licence « Nene ». Son poids total est de l’ordre de 22 t. Le premier vol de ce prototype a eu lieu le 16 mars 1951.
- Le prototype S. O. 6 021 a effectué son premier vol d’essai au début de septembre ig5o sur le terrain d’Orléans-Bricy ; il constitue le premier appareil français dont les gouvernes sont actionnées par l’intermédiaire de servo-commandes.
- A côté du modèle 6 021, la S.N.C.A. du Sud-Ouest étudie deux autres versions d’avions de chasse à réaction : le S. O. 6 025 et le S. 0. 6 026, équipés d’un propulseur supplémentaire con-stitué par une fusée. Les performances de ces appareils, par rapport à celles existant, devraient être améliorées dans de fortes proportions aussi bien pour la vitesse en palier que la vitesse ascensionnelle.
- Les bombardiers légers biréacteurs S. E. 2 410 et 2 415 « Grognard ». — Dans le programme de défense commune des nations alliées, la France a laissé aux États-Unis et à l’Angleterre le soin de réaliser les gros avions de bombardement modernes, mais elle a étudié et mis en construction plusieurs prototypes d’avions bi-réacteurs destinés à être utilisés comme bombardiers légers.
- La S.N.C.A. du Sud-Est a réalisé le S. E. 2 MO « Grognard » à aile et empennage en forte flèche, équipé de deux turbo-réac-teurs « Nene ». Les premiers vols de cet appareil datent d’environ un an et se sont poursuivis ces- derniers mois sous la conduite du chef-pilote Nadot. Les caractéristiques et les performances accomplies aux essais n’ont pas été indiquées.
- La S.N.C.A. du Sud-Est a également construit un deuxième prototype dérivant du S. E. 2 4io; il porte le numéro 2 4x5. La photogi'aphie ci-jointe (fig. 3) révèle l’aspect de ce bombardier léger, équipé de deux réacteurs Ilispano-Suiza licence « Nene », dont la flèche de l’aile est moins accentuée que celle -du type précédent. Le premier vol du prototype S. E. 24i5 a eu lieu le i4 février 1951 à Toulouse, aux mains du chef-pilote Nadot, mais les performances réalisées n’ont pas encore été révélées.
- Le bombardier à réaction
- S. O. 4 000 (fig. 4). — Le S. 0. 4 000 est un prototype biplace
- en tandem établi pour entreprendre les études expérimentales d’un avion de bombardement à réaction. Il comporte une voilure médiane en flèche de 3x° à volets d’intrados et ailerons conjugués avec des « spoilers », des empennages également en flèche et un atterrisseur composé d’une jambe avant à roue directrice et de deux trains principaux comprenant chacun deux jambes indépendantes venant se loger dans l’épaisseur de l’aile. Les deux réacteurs Ilispano-Nene qui équipent ce prototype sont logés côte à côte dans la partie arrière du fuselage, avec entrées d’air latérales, placées en avant du bord d’attaque. Dans la cabine pressurisée, installée dans la partie avant du fuselage, les deux sièges en tandem sont éjectables. La soute à bombes est disposée dans la partie centrale, au-dessous des réservoirs de combustible qui ont une capacité totale de 6 5oo 1. Les caractéi’istiques et performances annoncées sont :
- Envergure : 17,86 m; longueur : 19,75 m; surface portante : 75 m2; poids à vide équipé : 16,6 t; quantité maximum de combustible : 5 200 kg; poids total : 22 t environ; vitesse maximum en palier à 9 000 m d’altitude : 85o km/h environ. Le premier vol du S. O. 4 000 a eu lieu au-dessus du terrain d’Orléans-Bricy le 16 mars 1951.
- L’avion embarqué Bréguet 960 à réaction. — Le
- prototype Bréguet 960, dont deux modèles sont actuellement en cours de réalisation, est un appareil d’attaque destiné à l’aviation embarquée. Il possède la particularité d’être équipé de deux groupes propulseurs différents : un turbo-propulseur à hélice tractive quadripale, disposé à l’avant du fuselage; puis un turbo-réacteur « Nene » installé à l’arrière et mis en marche à la demande. Cette formule offre la possibilité, avec deux régimes de vols totalement distincts, d’accomplir des missions très différentes. L’avion est du type monoplan à ailes basses, celles-ci pouvant se replier au sol à l’aide de vérins hydrauliques. La cabine biplace se trouve surélevée afin d’augmenter le champ de vision. Les deux sièges, disposés côte à côte, sont éjectables en vol.
- L’empennage est mono-dérive et le train d’atterrissage du type tricycle, avec roues principales relevables latéralement dans le plan central. La vitesse maximum de cet appareil embarqué doit approcher de 900 km/h et son plafond de i3 000 m. La vitesse d’appontage est de l’ordre de i5o km/h et le décollage, assisté de fusées, s’effectue en 120 m.
- Les premiers vols du prototype Bréguet 960 doivent avoir lieu dans, le courant du mois de juin.
- Fig. 5. — L’avion de liaison Dassault 315.
- Vue en vol de ce monoplan bi-moteur à empennage bi-dérive et train d’atterrissage tricycle, développant 1 160 ch au décollage et pesant 5 800 kg en ordre de vol. Le M. D. 315 est maintenant
- construit en série.
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- Les avions militaires français avec moteurs à pistons.
- La nécessité pour les avions actuels de réaliser des vitesses toujours plus élevées a fait abandonner sur les appareils de chasse et même de bombardement le classique moteur à pistons au bénéfice du turbo-réacteur. Cet abandon n’est toutefois pas total, car, à coté des avions d’attaque et des bombardiers, existent les catégories de ceux qui, s’ils ont à accomplir des missions plus effacées, n’en sont pas moins les auxiliaires indispensables de toute aviation militaire moderne : ce sont, d’une part, les avions de liaison et d’entraînement et, d’autre part, les transporteurs de troupes équipées ou de matériel de guerre. Nous ne mentionnerons ici, parmi les nombreux prototypes construits, que ceux semblant avoir une prochaine affectation dans notre armée de l’air.
- Le M. D.-315 (lîg. 5) des établissements Marcel Dassault est arrivé à la période de construction en série. C’est un bi-moteur S.N.E.C.M.A. d’une puissance totale de x 160 ch au décollage, utilisé pour les liaisons militaires et coloniales, la reconnaissance et même le transport des blessés. Ses caractéristiques sont les survantes : fabrication entièrement métallique; monoplan de 20,70 m d’envergure et 12,5o m de longueur; empennage bi-dérive et train d’atterrissage tricycle; poids total en ordre de vol : 5 800 kg; vitesse de croisière : environ 000 km/h; autonomie de vol : 1 200 km.
- 1er une charge utile de 5,2 t sur une distance de 1 5oo km et une telle possibilité doit rendre son utilisation précieuse comme auxiliaire.de l’armée de terre.
- Des essais de descente en parachute ont eu lieu dernièrement à bord de cet appareil sur le terrain de Mont-de-Marsan et se sont révélés particulièrement intéressants : 90 hommes ont sauté par les portes latérales, en trois groupes successifs, de 260 m d’altitude,- avec beaucoup de rapidité et sans encombrement aux sorties.
- 1G0 exemplaires du Nord 2 5oo seraient construits en série, les premières livraisons devant être assurées au cours du deuxième trimestre de 1952.
- Les sièges éjectables.
- Nous ne voudrions pas terminer cette étude sur les avions équipant ou devant équiper prochainement notre armée de l’air sans consacrer quelques lignes à la formule des sièges éjectables dont sont dotés maintenant les apjoareils à réaction. Ces sièges éjectables sont indispensables pour permettre au pilote de quitter son appareil en détresse, ce qu’il ne pourrait faire lui-même, aux vitesses atteintes aujourd’hui, sans un moyen mécanique approprié.
- Un siège éjectable comporte :
- un dispositif de guidage du siège lui-même durant le temps d’éjection ;
- Le Morane 732 est un avion d’école et d’entraînement permettant aux élèves d’apprendre le pilotage avec et sans visibilité, l’acrobatie, le vol de nuit, donc de suivre toutes les étapes d’une instruction complète. C’est un monoplan entièrement métallique à aile demi-basse « cautilever », de ii,34 m d’envergure, à cabine bi-place (le second élève se tenant à l’arrière), équipé d’un moteur Argus AS-10-C de 2/10 ch au décollage. Le M. S. 732 décolle en 220 m et atterrit sur 1G0 m.
- La Maison Morane-Saulnier a également réalisé le M. S. 477 qui est un avion de perfectionnement biplace équipé d’un moteur S.N.E.C.M.A. de 495 ch. Le prototype a volé pour la première fois le 28 décembre 1960 autour de l’aérodrome d’Os-sun, près de Tarbes.
- Le Nord 2 500 (fig. G) est un cargo aérien pour le transport de fret, commercial mais aussi de matériel militaire et de troupes aéroportées. Le Nord 2 5oo aurait tout aussi bien pu être décrit dans le groupe des avions commerciaux. Nous le faisons figurer parmi les avions militaires, car son emploi dans l’Armée de l’Air est maintenant décidé.
- C’est un appareil bi-moteurs de 4 080 ch de puissance au décollage dont les caractéristiques essentielles sont les suivantes : monoplan entièrement métallique à aile haute de 32,5o m d’envergure; surface d’aile : 100,68 m2;
- poids à vide équipé :
- 11,8 t et poids total :
- 19,5 t; fuselage bi-poutre; train d’atterrissage tricycle et escamotable.
- Au poids en charge de 19,5 t, le Nord 2 5oo peut transpor-
- un vérin à poudre provoquant l’éjection par mise à feu de la cartouche;
- un équipement individuel pour le pilote, composé entre autres d’un parachute siège, d’un parachute stabilisateur et d’une bouteille d’oxygène portative.
- La coupole recouvrant le poste de pilotage est d’abord éjectée, puis le pilote avec son siège. Lorsque l’homme a retrouvé sa stabilité sur la trajectoire de descente, il se sépare de son siège pour effectuer une descente parachutée normale.
- Cette l’apide revue des avions militaires français en construction ou aux essais, tracée à l’occasion du Salon de l’Aéronautique 1951, permet de conclure sur une note d’espérance. Notre aviation, placée au lendemain de l’armistice, devant les plus grandes difficultés de toutes sortes, a dû reprendre à la base tous les problèmes d’études, de construction et d’essais. Mais elle retrouve progressivement le rang qu’elle doit tenir dans un
- grand pays comme le nôtre. Nous possédons maintenant une série d’excellents prototypes qui ont volé, volent bien et sont prêts à être construits en série, si cette construction n’est déjà commencée. Nos Ailes retrouvent peu à peu la tradition de leur glorieux passé.
- Fig. 6. — Le cargo aérien Nord 2 S00.
- Le cargo aérien Nord 2 500, bi-moteur de 4 080 cli de puissance totale au décollage, peut transporter une charge commerciale ou militaire de 5,2 t sur une distance de 1 500 km. Il a été choisi par l’armée de l’air comme transporteur de troupes ou de
- matériel militaire.
- F. de Laborderie.
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- PROGRÈS ET DÉVELOPPEMENTS NOUVEAUX
- DES HÉLICOPTÈRES
- Bien qu’ils ne soient pas encore aussi nombreux que les avions à sillonner le ciel, les hélicoptères prennent de jour en jour une place plus importante dans les diverses branches de l’activité mondiale et nombreuses déjà sont les personnes qui ont pu se familiariser avec ces appareils, soit à l’occasion de diverses exhibitions, notamment sur nos plages et dans nos villes d’èaux ou les voir en projection sur les écrans des salles de cinéma, dans les actualités ou dans des films publicitaires.
- Les Américains tiennent toujours la tète du progrès dans ce domaine. Le nouvel effort d’armement, par suite de la tension politique entre l’Est et l’Ouest et notamment des développements de la guerre de Corée, a provoqué chez eux une recrudescence de toutes les productions industrielles nécessaires à l’équipement mécanique d’une armée moderne et tout particulièrement de l’aviation, branche dans laquelle les hélicoptères jouent un rôle d’importance croissante.
- Ce rôle qui, pendant la dernière guerre mondiale, s’était borné presque exclusivement à l’évacuation rapide des blessés sur les points difficilement accessibles de la zone de combat, s’est confirmé à nouveau pendant la guerre de Corée, mais les hélicoptères y ont été utilisés également comme moyen de liaison pour le commandement et aussi comme appareils d’observation et de reconnaissance. Récemment, l’état-major américain a décidé d’affecter de petits groupes d’hélicoptères aux forces armées de terre en sus des groupes précédemment constitués et appartenant soit aux forces aériennes, soit à la marine.
- Les appareils utilisés soqt toujours les mêmes et ont peu varié pendant ces dernières années (fig. x). Ce sont des Sikorsky 4oo ou '5oo ch ou des Bell 47 de 175-200 ch, tous deux du type mono-rotor avec hélice de queue anticouple, formule à beaucoup près la plus répandue et qui doit être considérée comme la mieux au point à l’heure actuelle.
- A ces deux marques, il faut en ajouter une troisième plus récente : la marque ILiller qui concerne un type d’appareil,
- Fig. 1. — Un hélicoptère Westland-Sikorsky se prépare à atterrir sur l’esplanade des Invalides à Paris.
- (Photo Keystone).
- le Hiller 36o (fig. 2), destiné principalement à des applications civiles, notamment à l’agriculture, mais dont une variante : le ITiller YII a3 doit être utilisé précisément par les années de terre. Le ITiller est comme ses deux devanciers précités du type monorotor avec hélice de queue aniic-ouple, mais il en diffère par le système de commande du mécanisme de pas cyclique, mécanisme qui assure à la fois la stabilité de l’appareil et ses déplacements horizontaux (Voir La Nature, n° 0170, juin 1949).
- Au lieu d’être commandé directement à la main du pilote, ce
- Fig. 2. — Hélicoptère Hiller 360 à flotteurs destiné au transport de touristes sur la côte d’Azur, survolant la plage de galets de Nice (Photo Keystone).
- mécanisme l’est, dans le Hiller, par l’intermédiaire d’un servo-motcur aérodynamique appelé « rotormatic » dont nous donnons le shéma (fig. 3). Dans ce dispositif, la cage intérieure du plateau oscillant est connectée non plus aux pales du rotor principal, mais à celles d’un petit rotor auxiliaire à pales très courtes fixé rigidement en croix sur le rotor principal, le tout monté sur l’arbre de rotation par l’intermédiaire d’un joint de cardan, ce sont ces petites pales auxiliaires qui, subissant d’abord la variation cyclique de pas, provoquent par entraînement celle du rotor principal. Le levier de commande.ou « manche » est fixé directement à la cage extérieure. Par suite de la petite surface des pales auxiliaires, l’effort à dépenser par le pilote est minime, tandis qu’il peut être excessif dans les autres types à commande directe. Le fait avait été constaté tout particulièrement au cours d’essais de pulvérisations d’insecticides sur les cultures au moyen d’hélicoptères, effectués par les Hollandais il y a quelques années. L’hélicoptère utilisé était un Sikorsky, et la fatigue du pilote devenait telle qu’on avait dû en prévoir un second se relayant à tour de rôle avec le premier. Il faut reconnaître, il est vrai, que la conduite d’un hélicoptère exige une grande attention et de fréquentes manoeuvres de la part du pilote.
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- Après l’évacuation de blessés (fig. 4) et le secourisme en général (sauvetages en mer et à terre, en cas d’incendies, d’accidents d’avion et de montagne, etc'.), l’ütilisation des hélicoptères en agriculture constitue toujours le principal débouché commercial vers lequel tendent les constructeurs. A l’heure actuelle, de très nombreux essais ont été faits dans presque tous les pays du monde pour l’épandage des produits insecticides sur les cultures au moyen d’hélicoptères employés seuls ou concurremment avec des avions ou des appareils terrestres. Les opinions, quant aux résultats de ces essais, sont extrêmement partagées. Les questions rendement et prix de revient étant primordiales en agriculture, chacun s’accorde à reconnaître que les coûts des traitements aériens sont très élevés en comparaison des procédés terrestres, ce qui s’explique aisément, si l’on considère la fragilité des appareils aériens, leur consommation de combustible due à la grande puissance des moteurs qui leur sont nécessaires, l’obligation de couvrir par des primes d’assurances élevées les risques encore assez nombreux qu’ils comportent, etc. Il apparaît, en définitive que, pour l’instant tout au moins, les traitements aériens doivent être réservés pour les cas où les appareils terrestres ne peuvent être utilisés, comme par exemple dans les forêts, les vergers et plantations d’arbres fruitiers et encore seulement s’il s’agit de très grandes superficies. C’est ainsi qu’en 1949, il a été effectué en France des opérations de grande envergure contre les hannetons dans la, région d’Etre-pagnv, dans le Yexin normand, et aussi dans les Vosges, opérations qui ont donné d’assez bons résultats. En Amérique où les cultures sont plus étendues, les hélicoptères sont fréquemment utilisés, en particulier en Californie, pour le traitement des arbres fruitiers ainsi que pour d’autres genres de plantations.
- Une autre application des hélicoptères en cours de développement, c’est la poste aérienne. L’initiative en a été prise il y a déjà plusieurs années par les Américains à Los Angeles où des hélicoptères furent utilisés pour le transport du courrier entre le centre de la ville et la banlieue. Un peu plus tard, un service analogue fut organisé à Chicago. En Angleterre, la compagnie anglaise British European Airways a institué également un service de distribution du courrier par hélicoptères pour Londres, sa banlieue et la portion orientale de l’Angleterre; les appareils utilisés ont été d’abord du type américain Sikorsky. S5i, montés en Angleterre avec des pièces d’origine américaine; il est venu s’y ajouter par la suite des Bell 47 B3. Enfin, plus récemment, les Belges ont importé également des
- Fig1- 3. — Schéma du « Rot or mat ic » de VHiller 360.
- A, Compas de commande du changement de pas cyclique du « control rotor » ; B, Profil aérodynamique du « control rotor » ; C, Cardan de suspension du rotor ; D, Tête du rotor ; E, Commande de changement de pas du « control rotor » ; F, pale du rotor ; G, Cage extérieure fixe reliée au manche ; H, Cage intérieure tournant avec l’arbre de commande du rotor.
- Fig. 4. — Évacuation de blessés en Corée par un hélicoptère du 3“ groupe de secours. L’appareil utilisé est un Sikorsky H 19 pouvant transporter 8 blessés.
- (Photo Associated Press).
- Bell, par l’intermédiaire de la société Fenwick, représentant les hélicoptères Bell en Europe, et les utilisent pour un service postal qui dessert de nombreuses villes de Belgique (fig. 5).
- Il existe encore beaucoup d’autres applications qui ont été envisagées et plus ou moins tentées; il faut citer entre autres l’inspection des lignes de forces électriques dans les régions accidentées, le transport et l’élévation de matériaux sur des chantiers difficilement accessibles, tels que ceux de construction des barrages dans les hautes vallées. Il est certain que lorsqu’on considère l’énorme développement du réseau téléphérique, sans parler des voies terrestres que nécessite un tel chantier, il peut y avoir économie et gain de temps appréciables à les remplacer par des machines aériennes appropriées, les hélicoptères-grues.
- Mais ces conceptions nouvelles n’en sont encore qu’à leur début et nécessitent de nouveaux progrès ; il faudra notamment s’adresser à des machines beaucoup plus puissantes, portant des charges utiles beaucoup plus élevées que le classique monorotor qui convient pour les autres applications.
- Les utilisations très diverses que nous venons d’examiner succinctement posent accessoirement pour les hélicoptères la question de leur transport aussi rapide que possible sur 'les divers théâtres d’opérations, quelquefois éloignés du lieu de leur entrepôt.
- Par eux-mêmes, les hélicoptères sont des appareils lents dépassant rarement une vitesse de 180 km/h environ et leur consommation horaire de combustible est assez élevée. Il y a donc intérêt pour les grandes distances à les transporter par avions, soit entièrement montés, soit partiellement démontés. En 'mer, ils se transportent sur porte-avions comme les avions eux-mêmes et on peut également les transporter sur hydravion. Enfirr, les Américains ont innové récemment un nouveau mode de trans-
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- port qui consiste à'les remorquer amarrés à la queue d’un avion tout comme un planeur. Dans ce genre de remorquage, le moteur de l’hélicoptère reste stoppé et le rotor tourne librement en auto-rotation comme un autogire. Le point délicat est le départ et la mise en route; ils peuvent se faire au sol, l’hélicoptère étant préalablement amarré à l’avion, ou bien en vol, les deux appareils prenant l’air séparément et l’hélicoptère recevant ensuite l’amarre que lui lance l’avion, mais cette manœuvre nous paraît bien délicate et n’est pas sans présenter quelque danger.
- D’une manière tout à fait générale, il reste encore bien des progrès à faire, tant dans la conception que dans l’utilisation des hélicoptères, et des recherches se poursuivent un peu partout dans les voies les plus diverses, d’abord en Amérique, puis en Angleterre et sans doute aussi en Russie pour autant qu’on puisse être documenté sur ce qui s’y passe. La France reste, hélas, très en retard dans ce domaine pour des raisons que nous n’avons pas à approfondir ici, mais où le génie français ne saurait être mis en cause.
- La sécurité doit être placée au premier rang des préoccupations des inventeurs et des chercheurs. L’idée initiale de l’hélicoptère résulte de la l’echerche d’une plus grande sécurité et d’une plus grande facilité de vol que celles qui sont permises par l’avion. Or, il faut bien reconnaître que le premier de ces résultats n’a pas encore été atteint. Les accidents d’hélicoptères enregistrés jusqu’à ce jour sont malheureusement nombreux. Ils résultent très souvent d’une panne de moteur survenant peu de temps après l’envol, l’appareil se trouvant dans ces conditions sans vitesse horizontale, n’a ni la possibilité de descendre en autorotation à vitesse suffisamment réduite, ni celle de se mettre en glissade planée assez allongée qui lui permettrait d’atterrir à la manière d’un avion, à condition toutefois que le terrain soit bien dégagé. Pour obvier à cet inconvénient grave, il est nécessaire d’équiper l’appareil avec plusieurs moteurs : au moins deux; si l’un d’eux s’arrête, la puissance du second est alors suffisante pour permettre une descente verticale à pas réduit et à vitesse acceptable.
- L’utilisation de deux moteurs sur un hélicoptère entraîne presque automatiquement l’abandon de la formule monorotor pour y substituer celle du birotor qui présente d’ailleurs sur la première divers avantages tels que la suppression de l’hélice
- Fig’. S. — Hélicoptère Bell du Service des postes belges.
- (Photo Journal La Meuse).
- Fig. 6. — U hélicoptère à réaction « Ariel » de la Société nationale des Constructions aéronautiques du S. D.
- anticouple, avec l’économie de puissance qui en résulte, et des facilités pour la réalisation d’appareils plus puissants à forte charge utile. Rappelons que c’est un appareil birotor d’origine allemande, le Focke, qui pulvérisa avant la guerre tous les records en accomplissant les premiers parcours de ville à ville en hélicoptère (Voir La Nature, n° 3oa3, i5 avril 1938). Citons parmi les hélicoptères bimoteurs birotors construits et essayés avec succès, l’américain Mc Donnell avec deux moteurs de 45o ch, pouvant enlever 12 personnes (poids utile 1 36o kg) et le russe Oméga dû à l’ingénieur Rratuchin. La firme aéronautique anglaise Bristol bien connue, après avoir construit des monorotors, a entrepris également la construction d’un bimoteur birotor du type dit en tandem, rappelant dans ses grandes lignes l’appareil américain Piasecki connu sous le nom de « banane volante ».
- Après la sécurité, c’est la vitesse qu’il est intéressant de chercher à augmenter, pour la plupart des applications; on ne peut y parvenir en augmentant la puissance, car ce serait au détriment du poids utile qui est déjà assez faible. Il faut avoir recours à des formules plus compliquées, nées de l’idée ancienne de combiner l’avion et l’hélicoptère pour obtenir les vitesses élevées du premier tout en conservant les avantages du second et qui fut réalisée autrefois en Amérique sous le nom de cc convertaplane » ou « vertaplane ».
- Le problème n’est pas simple; une formule intermédiaire plus facile à réaliser est celle des « gyrodynes » ou « héli-dynes » qui consiste à munir l’hélicoptère, d’une hélice tractrice à pas variable; celle-ci entre en fonction dans le vol horizontal pour remorquer l’hélicoptère dont le rotor tourne alors plus ou moins complètement en autorotâtion. Dans le gyrodyne anglais Fairey, qui est monorotor, cette hélice tractrice est placée légèrement sur le côté et sert en même temps d’anticouple dans le vol au point fixe; dans le vol horizontal, elle a permis de porter la vitesse de l’appareil à 2x4 km/h (record du 28 juin 1948).
- L’hélidyne de la société américaine Gyrodyne C° of America (GC A) est un birotor coaxial bimoteur ; les hélices trac-trices, au nombre de deux également, sont placées symétriquement de part et d’autre du fuselage aux extrémités de deux ailes de faible envergure. Pour certaines applications où la vitesse n’est pas tant recherchée, mais où le prix de revient entre le premier en ligne de compte, tels l’épandage des insecticides en agriculture ou le coltinage des matériaux sur les hauts chantiers, il peut y avoir avantage à envisager une autre combinaison, celle de l’hélicoptère et du ballon, déjà réalisée il y a quelques années en France
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- par l’ingénieur OEhmichen; elle permet de soulever et de transporter une même charge utile avec une puissance beaucoup plus faible, le poids mort de la machine étant entièrement soulevé par le ballon; or, on sait que dans les hélicoptères, ce poids mort représente la plus grande fraction du poids total ; il varie du double au triple du poids utile.
- Enfin, la réaction utilisée sur les avions modernes ultra-rapides peut être «appliquée aux hélicoptères sous des formes très diverses. Un monorotor où le rotor est mis en l'otation par tuyères thermo-propulsives placées en bout de pale représente par rapport à l’appareil classique une très grande simplification, d’autant mieux que l’hélice anlicouple de queue n’est plus nécessaire, puisqu’il n’y a plus de couple de réaction sur le
- fuselage. La contre-partie de ces avantages est la consommation très élevée en combustible des réacteurs employés jusqu’ici et qui sont, le plus souvent, du type stato-réacteurs. Citons parmi les essais effectués dans cette voie le « petit Henry », monoplace construit il y a déjà quelqtfes années par la Société Bell et plus récemment un biplace sorti par Hiller à une douzaine d’exemplaires. En Frairce, l’Ariel (fîg. 6) construit par la Société nationale de constructions aéronautiques du S.-O. est aussi un hélicoptère à réaction, mais beaucoup plus compliqué que les précédents.
- Colonel Maurice Lamé, Président d’honneur de l’Hélicoptère-Club de France.
- LE RADIO-CARBONE • l4C DATE LE PASSÉ
- Depuis deux ans, des recherches se multiplient aux Etats-Unis et commencent en Grande-Bretagne pour dater exactement des végétaux, des tourbes, des charbons de bois, provenant des fouilles de tombes, de monuments, de dépôts d’époques historiques ou préhistoriques. Géologues du quaternaire, préhistoriens, archéologues et historiens y portent le plus vif intérêt et fournissent de matériaux à analyser les laboratoires de chimie nucléaire où s’élaborent les nouvelles techniques. Déjà, le National Research Council des Etats-Unis a publié l’an dernier un rapport de son comité pour la mesure du temps géologique, où W. F. Libby a fait connaître les méthodes mises en œuvre à l’Institut pour les études nucléaires de l’Université de Chicago, par lui et ses collaborateurs, notamment E. C. Anderson et R. J. Arnold. La Geological Society of America et l’Ame-rican Anthropological Association ont constitué un comité conjoint du carbone i4. En février dernier, Arnold et Libby (x) ont dressé une longue liste de leurs déterminations sur des objets dont la date est parfois connue d’autres façons et en avril, F. E. Zeuner (1 2), professeur d’archéologie à l’Université de Londres, vient de souligner l’intérêt et les difficultés de ces études.
- Principe.
- Le carbone a pour symbole chimique C. Sa masse atomique est i2,oi. Ce nombre décimal est expliqué par l’existence de plusieurs isotopes. On en connaît cinq, de masses atomiques io, ii, 12, i3 et i4. Les isotopes 12 et i3 sont stables et existent constamment dans la nature; on y trouve 98,9 pour 100 de carbone 12 et 1,1 pour 100 de carbone i3. Les isotopes 10, 11 et i4 sont radioactifs; ils n’apparaissent qu’au cours de transmutations et disparaissent plus ou moins vite. On appelle période le temps nécessaire pour que la quantité présente à un moment quelconque ait diminué de moitié. Les trois isotopes radioactifs du carbone ont des périodes très différentes : le carbone 10 a une période de 8,8 s, le carbone 11 de 20,5 mn, le carbone i4 d’environ 5 5oo ans. Seul, ce dernier persiste donc très longtemps et peut servir à dater des changements d’état de cet ordre de durée.
- On sait que la chimie nucléaire considère chaque atome comme un noyau de charge électropositive entouré d’orbites
- 1. J. R. Arnold et W. F. Libby. Radiocarbon dates. Science, n* 2927, 2 février 1951, p. 111.
- 2. F. E. Zeuner. Archæological dating by radioactive carbon. Science Progress, 39, avrii 1951, p. 225.
- d’électrons. Le numéro atomique exprime à la fois la place de l’élément dans la classification périodique de Mendelejeff, la charge électropositive du noyau et le nombre d’électrons qui l’entourent. Le numéro atomique du carbone est 6 et on peut observer trois atomes -durables de carbone, *g G, *gC et JgC.
- Le noyau atomique est constitué de protons à charge électropositive et de neutrons sans charge électrique. Le nombre de masse atomique est égal au nombre des protons et des neutrons du noyau; le numéro atomique est égal.au nombre de protons; le nombre des éléments nucléaires est donné par la différence des deux nombres. Les isotopes ont tous le même numéro atomique, la même charge nucléaire; ils ont aussi les mêmes propriétés chimiques et diffèrent seulement par leurs masses et le nombre de leurs neutrons.
- Quand, en forçant la barrière du potentiel, on réussit à faire entrer dans un noyau atomique des protons |H, des hélions 2He, on opère des transmutations et réalise de nouveaux corps aux propriétés chimiques différentes. C’est ainsi que Rutherford obtint du carbone à partir du bore :
- ‘gB + SHe <gC + ÎH.
- On a fait beaucoup plus depuis et l’on sait passer des isotopes du bore à ceux du carbone, de ceux-ci à ceux de l’azote, de ces derniers à ceux de l’oxygène, etc., en ajoutant ou en soustrayant des charges nucléaires dont beaucoup sont encore assez mal connues.
- Il faut disposer pour cela d’une assez grande énergie. Au laboratoire, on accélère les particules dans des appareils spéciaux : cyclotrons, betatrons, etc. La nature dispose d’un autre moyen, les rayons cosmiques qui circulent dans l’atmosphère; ils sont doués d’une énorme énergie et sont., par suite, extrêmement pénétrants. Leurs collisions et leurs éclatements dégagent des corpuscules variés : protons, neutrons, mésons, électrons, pilotons, etc., et aussi des rayons y comparables aux rayons X.
- Toutes ces particules peuvent transmuter de diverses manières les atomes qu’elles heurtent et pénètrent. C’est ainsi qu’un neutron entrant dans un noyau d’azote le transmute en carbone i4, avec éjection d’un proton :
- <JN + J,i=!'C + -fH.
- Ce carbone i4, isotope du carbone ordinaire 12 et du carbone i3, a les mêmes propriétés chimiques que ceux-ci et il
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- se retrouve avec eux dans toutes les combinaisons, mais tandis que ces derniers sont stables et restent en rapport constant, le carbone x4, radioactif, émet des rayons [3 et se détruit très lentement.
- A tout instant, on rencontre donc partout le carbone sous forme de trois isotopes en mélange, aussi bien dans l’anhydride carbonique de l’atmosphère et les carbonates sédimentaires que dans les matières organiques et organisées. Le dosage du carbone- i4 peut dater un dépôt, un gisement, où il s’est formé, par le nombre de particules qu’il émet encore.
- Technique de mesure.
- Les méthodes chimiques ne peuvent servir à séparer le carbone i4 des deux autres 12 et i3, d’autant plus que sa concentration est extrêmement faible, environ 0,000 000 000 001 du poids de cai'bone 12. On utilise sa radioactivité et on compte le nombre d’électrons qu’il émet par unité de poids en un temps donné, une minute par exemple.
- L’échantillon à analyser est choisi d’un assez gros poids. Libby opère au moins sur une once (28 g); Movius prend au minimum 65 g de charbon, 200 g de matières végétales ou animales (bois, tourbe, grain, peau, poil, etc.), 2,2 kg de dents ou d’os, 700 g de coquilles.
- La matière est calcinée et l’acide carbonique formé est fixé dans de l’eau de chaux à l’état de carbonate de calcium; celui-ci est attaqué par un acide et l’acide carbonique dégagé est réduit à l’état de carbone par du magnésium en ignition. En opérant avec des réactifs parfaitement purs, on isole ainsi le carbone de tous les autres corps radioactifs qui pourraient fausser les résultats. Ce carbone est pulvérisé sur la surface d’un tube de Geiger en une couche très mince occupant toute la paroi, sur 4oo cm2 environ. Long préfère opérer directement sur le gaz carbonique.
- On sait qu’un compteur de Geiger-Müller est un tube cylindrique en aluminium fermé à ses extrémités par deux boutons d’ébonite que traverse un fil de tungstène axial relié à un amplificateur. Entre le fil et la paroi, on maintient une différence de potentiel de l’ordre de 1 5oo Y, juste inférieure au potentiel de décharge disruptive. Une particule électrisée apparaissant dans l’enceinte provoque une décharge que l’amplificateur électronique rend audible ou enregistre automatiquement.
- Un échantillon de carbone actuel de 1 g provoque environ i3 décharges par minute; un échantillon ancien en provoque d’autant moins qu’il est plus vieux. On prolonge aujourd’hui les comptages pendant 48 h.
- Une méthode aussi sensible ne va pas sans difficultés de toutes sortes. Le charbon ou le gaz carbonique doivent être séparés parfaitement purs. L’installation doit être à l’abri de toutes les contaminations radioactives, si fréquentes dans les laboratoires nucléaires, et aussi des rayons cosmiques ambiants qui pleuvent sur l’appareil, nécessitant un blindage très poussé et des compteurs annexes révélant les coïncidences possibles.
- Les mesures ne sont pas rigoureusement constantes et les âges calculés ne peuvent être exprimés qu’avec une certaine approximation.
- On présuppose que le bombardement cosmique est resté constant dans le temps, depuis la préhistoire ou le quaternaire, ce qui n’a pas été prouvé.
- On admet que le carbone i4 est distribué régulièrement dans tous les composés du carbone, alors qu’on en trouve relativement plus dans les coquilles que dans les plantes, de même que le carbone i3 est plus concentré dans les carbonates et le carbone 12 dans les végétaux.
- Les échantillons peuvent être souillés par d’autres carbones actifs du sol, par de l’humus récent ou de l’asphalte ancien,
- ou encore, quand il s’agit d’objets travaillés, ils peuvent provenir de bois ou d’autres matériaux plus anciens mis en œuvre.
- Quoi qu’il en soit de ces diverses incertitudes qu’on commence à bien connaître et même à maîtriser, les premiers résultats ont été tels que le radiocarbone i4 acquiert droit de cité en géologie, en préhistoire, en histoire ancienne, en archéologie, pour dater les objets des 20 000 et peut-être même des 3o 000 dernières années. Les échantillons ne manquent pas qui peu: vent être datés avec précision d’autres façons et qui fournissent des repères, des étalons, lesquels permettront de parfaire la méthode.
- Les premiers résultats.
- En 1949, Libby et ses collaborateurs, avaient obtenu pour la période de semi-destruction du carbone i4 une valeur de 5720 + 47 ans; l’an dernier, après diverses corrections, ils l’ont fixée plus précisément à 5 568 + 3o ans.
- On sait que le rayonnement cosmique est minimum aux basses altitudes et à l’équateür magnétique et que ses manifestations augmentent quand on s’élève vers la stratosphère ou qu’on se déplace vers les pôles. Libby, Anderson et Arnold ont examiné des bois, des coquilles, des huiles de phoques, provenant de diverses latitudes et n’ont pas observé de différences systématiques, comme si le brassage atmosphérique suffisait pour homogénéiser la teneur de l’air en radiocarbone. Les estimations de dates en sont grandement facilitées.
- Arnold et Libby viennent de publier le tableau des résultats déjà obtenus par eux. Ils sont trop nombreux pour qu’on puisse tous les citer ici. Quelques exemples suffiront pour montrer ce qu’on peut attendre de la nouvelle méthode. Les écarts des approximations étaient très larges dans les premières mesures; ils diminuent à mesure que la technique progresse et que les causes d’erreurs sont éliminées, notamment par la durée accrue des comptages.
- Voici quelques-unes des données acquises depuis moins de deux ans :
- Datation en ans par radio- par d’autres
- Site Objet carbone moyens
- Sakkara (Egypte) tombe de Zoser . . . bois d’acacia 3 979 ± 35o 465o ± 75
- Meydum (Egypte)
- tombe de Sneferu . bois de cyprès 4802 ± 210 4575 ± 75
- Chicago Muséum
- tombe de Sesostiis III . bois de bateau funéraire 3621 ± 180 3 700
- Oriental Muséum . . . cercueil de momie 2 190 =i= 45o 2 280
- Tayinat (Syrie)
- palais d’Hilani . . . bois d’une chambre 2 53i ± i5o 2 025 ± 5o
- Lascaux (France! . . . charbon de conifères i5516 ± 900 7
- Seeland (Danemark) . cônes de pin 7 583 ± 38o 8 5oo ?
- noix 9929 ±35o 8 000 ?
- charbon 863i ± 54o 8 000 ?
- British Muséum . . . cire d’abeilles 819 ± 160 2 5oo-3ooo ?
- Lea Valley (Angleterre)
- couche glaciaire. . débris de plantes > 20 000 y
- Histon Road (Angleterre)
- interglaciaire. bois de chêne > 17000 Y
- Arizona (Etats-Unis) . . bois de séquoia 2 710 ± i3o 2928 rt 5l
- Cela laisse beaucoup espérer de la nouvelle méthode quand elle aura un peu plus longtemps été contrôlée sur des objets historiques exactement datés et en bon état de conservation. Elle rejoint les nombreuses autres techniques qui, utilisant des isotopes radioactifs comme « agents marqués », commencent à révéler la circulation, les échanges, les concentrations des éléments chimiques dans l’organisme sain ou malade et ouvrent ainsi de nouveaux aperçus en biologie et en médecine.
- R. M.
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- 170 L'ÉVOLUTION DU RELIEF INTÉRIEUR ET CÔTIER DE LA BRETAGNE
- La Bretagne, terre peu élevée qui n’atteint pas 4oo m, paraît au premier abord offrir un relief monotone et sans intérêt. Ses horizons peu accidentés correspondent à l’idée habituelle que l’on se fait d’une pénéplaine. Il semble que rien ne se soit passé depuis l’époque lointaine de l’arasement des plissements hercyniens, rien d’autre qu’un enfoncement des cours d’eau dans la surface qui tronque les assises violemment plissées du sous-sol, et l’on est disposé à croire que les seuls accidents topographiques notables sont, en dehors de rares et modestes crêtes, comme les Monts d’Àrrée et la Montagne Noire, les innombrables vallées encaissées qui obligent continuellement les routes à monter et à descendre et ont contribué à faire de la Bretagne une des meilleures pépinières du monde de coureurs cyclistes.
- Le relief breton est en réalité le résultat d’une évolution très complexe, et ses aspects actuels sont assez variés malgré la modestie des dénivellations. Là comme ailleurs, le moyen de retracer l’histoire du relief et de dater les épisodes, c’est l’étude des dépôts superficiels qui ont recouvert les terrains primaires plissés, puis érodés. Ces dépôts superficiels, par leur disposition, leur nature, l’allure de la topographie qu’ils recouvrent, renseignent sur les actions qui se sont exercées sur le sol avant et pendant leur mise en place, sur le climat qui régnait alors et, par conséquent, sur les conditions paléoclimaliques de l’évolution du relief. Ils sont en géomorphologie ce que sont, en histoire, les documents d’archives.
- Les archives du relief breton sont de richesse très inégale suivant les époques. Elles font presque totalement défaut pour l’ère secondaire, qui reste pour nous une énigme à peu près complète. Cependant, en de rares points de la périphérie de la Bretagne, des terrains crétacés (fin du Secondaire) ont été conservés : région de la Basse-Loire, où ils sont connus depuis longtemps; côte du Pays de Léon, où M. Bourcart a découvert de la craie en 19.45 à Roscoff, sur l’estran (1), et où je viens moi-même d’en trouver à Landéda, dans la zone des grandes basses mers. Ces dépôts sont trop sporadiques pour qu’on puisse se faire une idée d’ensemble du relief contemporain. Là où ils existent en Léon, ils recouvrent une topographie non pas absolument plané, mais faiblement vallonnée, avec de légères dénivellations et des pentes de quelques degrés.
- 1. J. Bourcabt. Sur l’existence de la craie blanche, en' place, dans l’Aber de Roscoff. Comptes Rendus de l’Académie des Sciences, 221, 1945,
- pp. 303-305.
- A B
- Fig. 1. — Évolution AA' peu probable, BB' plus probable.
- Croix : socle ancien. Points : dépôts du début du Tertiaire. F : faille.
- Au début du Tertiaire, on est mieux renseigné, car il est très probable que c’est de cette époque que datent de très nombreux blocs de grès quartzites, dits grès à Sabals, qui parsèment en de multiples endroits les plateaux bretons, et avec lesquels coexistent parfois des minerais de fer et des kaolins. Ces blocs existent bien au delà des limites de la Bretagne; ils ont d’ailleurs été d’abord étudiés dans l’Anjou et le Maine, où leurs affleurements sont plus vastes et leur âge mieux établi. J’ai cherché récemment (x) à faire le recensement de ceux qui sont connus depuis longtemps et de ceux dont j’ai repéré les gisements dans le sud et le sud-ouest de la Bretagne. Ces formations
- Fig. 2. — Failles anciennes parallèles à la côte, orientant le tracé du littoral, entre les embouchures de l’Aven et de la Laïta (Sud-Est
- du Finistère).
- (Cliché Guilciier).
- du début du Tertiaire se sont constituées sous un climat tropical chaud et sec, avec précipitations saisonnières probablement assez maigres : 1$ Bretagne devait être alors une sorte de Soudan semi-aride. Un tel climat a dû alterner en Europe occidentale et centrale, aux confias du Secondaire et du Tertiaire, avec un autre, à précipitations plus abondantes et moins discontinues dans le temps. Or, il est reconnu de divers côtés aujourd’hui que de telles alternances sont extrêmement favorables à la formation de vastes aplanissements (2), alors que le climat tempéré actuel entraîne, dans l’ensemble, une sorte d’engourdissement des processus d’érosion. Sous les climats tropicaux chauds et humides, les roches s’altèrent profondément; sous les climats tropicaux chauds et secs, à pluies rares mais‘violentes, le sol est balayé par les eaux des oueds sans lit véritable qui s’étalent démesurément en largeur; si un tel climat succède à un climat chaud et humide, les produits de désagrégation sont facilement déblayés, et, assez vite, se développe une surface plane très régulière, d’où émergent de loin en loin, comme des îles, des montagnes résiduelles aux flancs abrupts : les Inselberge des Allemands. Une telle surface est une pédiplaine.
- Il semble que les vastes plateaux actuels de la Bretagne se
- 1. A. Guilcrer. Le relief de la Bretagne méridionale, de la baie de Douarnenez à la Vilaine. Thèse de doctorat, Paris. La Roche-sur-Yon, Potier, 1948, in-8“, 682 p.
- 2. A. Cholley. Recherches sur les surfaces d’érosion et la morphologie de la région parisienne. Ann. de Géographie, 52, 1943, p. 1-19 ; Morphologie structurale et morphologie climatique. Ibid., 59, 1950, pp. 321-335.
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- Fig. 3. — Plage monastirienne (couleur sombre) sortant de dessous le grand cordon de galets actuels du Sud de la baie d’Audierne
- ( à Penhors).
- (Cliché Guilcher),
- soient ainsi formés à l’Éocène, époque des grès à Sabals. La structure de ceux-ci y fait voir avec vraisemblance les produits de la consolidation de nappes minces d’épandage des oueds. Les plateaux se sont développés aux dépens de plateaux plus anciens, qui s’étaient constitués sous des influences peut.-être analogues, dont certains peuvent remonter jusqu’à la fin du Primaire, et dont il ne subsiste que des lambeaux très réduits, sauf peut-être dans la région au sud de Guingamp. Parfois, il y a eu réincorporation des éléments anciens, presque sans retouches. Les surfaces d’érosion tropicale de l’Éocène ont donc nivelé l’ensemble du pays, et les quelques reliefs qui s’y dressent encore, comme les Monts d’Arrée, la Montagne Noire, le Menez C’hom, peuvent être considères comme .d’anciens Inselberge dont les pentes se sont adoucies. Ces reliefs résiduels sont formés par des dalles ardoisières et des quartzites primaires qui ont beaucoup mieux résisté que les roches cristallines : celles-ci sont loin d’être les formations les plus dures de la « Tene de Granit », parce que les anciens climats les ont souvent altérées profondément, les transformant en arènes où ne subsistent que des boules de roche saine.
- Mais ce relief relativement simple s’est vu compliqué au cours du Tertiaire par des mouvements du sol. Les mouvements ont consisté, en partie, en un bombement d’ensemble de la Basse Bretagne, la Haute Bretagne (pays de Nantes et de Rennes) restant topographiquement basse ou même s’affaissant sous le niveau des mers de cette époque, comme le prouvent les dépôts que ces mers y ont laissés. C’est de là que vient le contraste altimétrique entre les deux parties du pays, comme l’avait reconnu M. de Martonne dès le début du siècle (x). Mais, en outre, des études plus récentes ont montré (1 2) que ces mouvements se sont accompagnés de failles nombreuses, et que bien des reliefs bretons sont dus à cette fracturation tertiaire : ainsi, par exemple, les vigoureux reliefs qui limitent la dépression rennaise, au nord vers Hédé, au sud A-ers Pont-Réan; ou encore le long accident topographique qui divise les plateaux méridionaux en deux étages, en Cornouaille et en Vannetais, et se. voit très bien au nord de Vannes (le Sillon de Bretagne, en pays nantais, le continue) ; la Montagne de Locronan près de Douarnenez semble être un bloc souieAré à cette époque ; les alignements
- 1. Emm. de Martonne. La pénéplaine et les côtes bretonnes. Ann. de Géographie, 1906, 15, pp. 213-236.
- 2. Notamment : A. Meynier. La formation du réseau hydrographique de la Vilaine. Ann. de Bretagne, 1940, pp. 153-184 ; Influences techoni-ques sur le relief de la Bretagne. Ibid., 1947, pp. 170-177 ; A. Guilcher, ouvrage cité.
- d’îles le long de la côte sud paraissent correspondre à des axes de soulèA'ement, les dépressions intercalaires étant dans des axes d’abaissement. De même, les dépressions « sublittorales » de la Brière, du Morbihan, la Rivière d’Etel, etc., sont dues totalement ou partiellement à des accidents en cuvette alignés. Ces reliefs sont Avenus prendre place à côté des crêtes résiduelles pré-éocènes, et diversifient la topographie.
- Les dépôts de grès à Sabals sont d’une grande importance pour dater les dislocations. Du fait qu’ils permettent de dater de l’Éocène la surface sur laquelle ils reposent, et que cette surface était primitivement d’un seul tenant, on en conclut que là où la continuité de la surface est brisée, elle l’a été après l’Éocène. La démonstration est particulièrement nette en Vannetais et en Cornouaille A-ers Scaer, où les grès résiduels se rencontrent en deux étages de plateaux dénivelés ou basculés de part et d’autre de failles. Ces grès n’ont, en effet, jamais dû être très épais il est donc très peu vraisemblable que les reliefs actuels résultent d’une éArolution du type A de la figure i, c’est-à-dire d’une exhumation de reliefs de faille anciens qui auraient été fossilisés par un fort remblaiement de grès : l’évolution du type B est généralement de beaucoup la plus probable.
- Si le relief intérieur est intéressant, celui des rivages l’est encore bien davantage. On a très généralement Aru que la configuration côtière bretonne est en rapports avec la .résistance des roches. Ainsi, dans le Finistère, les quatre grands promontoires : Léon, Crozon, Cap Sizun et Cap CaAral (Penmarc’h), sont formés de roches plus dîmes (cristallines, métamorphiques ou gréseuses) que la rade de Brest et les haies de Douarnenez et d’Audierne. Mais faut-il penser que ce trait est lié à une érosion plus rapide, par la mer, des rentrants de roches tendres que des saillants de roches dures ? En fait, a dit M. de Martonne en 1906 (x), la mer remblaie les rentrants et érode les saillants, tendant ainsi à régulariser la côte. Les rentrants ne seraient donc tels, si ceci est exact, que parce qu’ils ont été érodés autrefois, plus que les zones de roche dure, par une érosion fluviale qui s’est exercée jusqu’à des altitudes plus basses que le niveau marin actuel, à un moment où ce nhreau marin était fortement déprimé. Ainsi, il y aurait eu, depuis cette phase d’érosion fluviale, remontée marine ou transgression, ladite transgression étant par ailleurs prouvée par le fait que les parties inférieures des vallées sont actuellement envahies par la mer : ce sont les abers du Léon, les rivières de la côte sud et de la Haute Bretagne, où s’engouffre deux fois par jour un courant de marée
- 1. Ann. de Géographie, 1906, pp. 299-328.
- Fig. 4. — Sol polygonal ancien sur la plage de Saint-Égarec en Kerlouàn (Nord Finistère). Sacoche donnant l’échelle.
- (Cliché Guilcher).
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- violent jusqu’à une distance plus ou moins grande de la côte proprement dite, ayant fixé ainsi nombre de petits ports anciens à l’endroit où s’arrête le flot marin : Dinan, Pontrieux, Landerneau, Pont-Croix, Quimper, Hennebont.... Cette conception du relief côtier, dont nous verrons plus loin ce qu’on peut actuellement en penser, implique donc que la péninsule armoricaine, malgré la résistance de son bâti, n’a qu’une permanence de contours relative.
- Toutefois, depuis l’article fondamental de M. de Martonne, d’autres recherches sont venues compléter la connaissance du littoral breton. Elles ont d’abord montré que les dislocations tertiaires, dont on a parlé plus haut, jouent un très grand rôle dans le tracé de bien des rivages. Dans d’autres cas, la mer a utilisé des fractures anciennes, contemporaines des plissements hercyniens. Ces fractures n’ont pas rejoué, mais, constituant des zones de faiblesse, elles ont donné lieu à des remises en valeur, et notamment certaines sections de la côte à l’est de Concarneau, remarquablement alignées, sont dues à ce processus (fig; 2).
- Un autre trait des côtes bretonnes, ce sont des surfaces planes étagées, situées à des altitudes constantes et séparées par des ruptures de pente qui prennent parfois l’allure de véritables falai-
- Fig. S. — Allée couverte sur la plage du Kernic en Plouescat (Nord Finistère). La haute mer la recouvre.
- (Cliché Guilcher).
- ses mortes. Ces surfaces sont très bien représentées dans le Tré-gor (région de Ploumanac’h et Perros). On les trompe aussi dans la presqu’île de Plougastel, dans le Porzay (Sud du Menez C’hom), dans la région bigoudenne (Penmarc’h), dans celle d’Auray, etc. On a supposé que ces étagements étaient dus au travail de la mer, créant des surfaces d’abrasion au cours de stationnements à des altitudes plus élevées qu’aujourd’hui. Cette explication, dite eustatique, s’appuie sur la constance d’altitude des plates-formes. Toutefois, pour vérifier l’origine marine de ces surfaces, il serait de la plus haute importance de trouver des dépôts marins de plage sur leur bord interne.
- De tels dépôts ne sont pas inconnus, mais ils sont malheureusement assez rares. Toutefois, au Pliocène (fin du Tertiaire), on a pu déterminer que la mer a atteint l’actuelle altitude de xoo m environ dans tout l’Est de la Bretagne et une partie du centre. Dans l’Ouest du pays, un dépôt certainement marin a été découvert en 1950 à Telgruc dans la presqu’île de Crozon au cours d’une excursion que je dirigeais dans cette région; mais Page’ de ce dépôt reste indéterminé, ce qui est fort dommage étant donnée son altitude assez forte (i35 m). Ailleurs, on connaît des dépôts vraisemblablement ou probablement marins à 65 m à Belle-Ile, à 54 m au sud de Quimper, entre o et 25 m à l’est de la rade de Lorient; mais là, non plus, l’âge n’en est pas bien établi. En somme, on peut dire que les dépôts marins
- assez récents ne sont pas absents de la Bretagne jusqu’à i35 m d’altitude, ce qui auginente la vraisemblance de l’origine marine des plates-formes ; mais ces dépôts ne sont ni assez continus ni assez bien datés pour permettre de tracer un tableau détaillé de l’évolution des rivages bretons à la fin du Tertiaire et au début du Quaternaire.
- Dépôts littoraux anciens et formes littorales anciennes posent donc bien plus de questions qu’ils n’en résolvent. Au contraire, au Quaternaire récent, on se trouve sur un terrain beaucoup plus ferme.
- L’étape principale, qui est vraiment fondamentale, et qui est attestée par des dépôts extrêmement nombreux sur tout le littoral, est la phase dite monastirienne ou normannienne. Le niveau de la mer était alors relativement un peu plus haut qu’aujourd’hui : il a atteint, avec des variations dans le temps, entre 3 et 18 m environ de plus que la mer actuelle, le stationnement le plus long s’étant sans doute établi vers + 3 m. C’est d’alors que datent des levées littorales qui se retrouvent tout au long des côtes bretonnes, spécialement celles de l’ouest et du sud-ouest, et sont aussi abondantes sur les côtes de Cornouaille britannique. Ces galets anciens descendent parfois sous les plages actuelles dans leur partie basse, mais montent toujours au-dessus à leur bord interne. Les rivages de la baie d’Audierne, en particulier, en sont presque entièrement tapissas (fig. 3).
- En certains cas, ces plages anciennes sont consolidées par du minerai de fer. Certains pensent qu’en ce cas, elles ne sont pas de la même époque, mais plus anciennes. C’est là un point de détail qui devra être éclairci. Quoi qu’il en soit, la phase monastirienne est d’une importance et d’une réalité unanimement reconnues. Elle a sûrement consisté en une transgression véritable, et non pas en une descente du niveau marin à partir d’une altitude antérieurement plus élevée, car on trouve des levées monastiriennes dans certains estuaires bretons : celles du Fré-mur de Saint-Briac (découverte tout récemment par II. Nonn), de l’Odet, du Morbihan, etc. Cela montre que ces basses vallées fluviatiles étaient déjà ennoyées par la mer au Monastirien, autrement dit qu’il y avait eu, avant le Monastirien, un important creusement par la rivière en fonction d’un niveau marin plus déprimé qu’aujourd’hui. On a là une nouvelle preuve de l’importance fondamentale de l’étude des dépôts superficiels dans la reconstitution de l’évolution des reliefs.
- Il est assez difficile de dire dans quelle mesure les plates-formes rocheuses sur lesquelles reposent les plages monastiriennes sont l’œuvre de la mer monastirienne, et dans quelle mesure il n’y a pas eu réutilisation de formes élaborées plus anciennement. Il est vraisemblable que les deux interprétations ont une part de vérité : la mer n’a dû réaliser de plate-forme étendue que là où une surface rocheuse se trouvait préalablement à une altitude proche de son niveau. Elle l’a alors retouchée, mais assez faiblement. En cas contraire, le cubage à déblayer eût été trop grand. Quant aux rochers résiduels qu’on trouve sur ces plates-formes, leur dégagement était'sans doute préparé par.les actions chimiques du Tertiaire; la mer les a exhumés de leur gangue et remodelés en une certaine mesure.
- Après le Monastirien, la mer se retire de nos rivages, jusqu’à un niveau qui n’est pas déterminé exactement, mais n’est sûrement pas inférieur à — 60 m. Manche et Mer du Nord sont, dans leur ensemble, exondées. Sur le rivage délaissé commence une phase continentale. Cette phase se déroule sous un climat froid analogue à celui des actuelles toundras des pays circumpolaires : climat périglaciaire, qui coïncide avec la dernière grande extension des glaciers quaternaires dans les Iles Britanniques, l’Europe du Nord, les Alpes, etc. L’évolution périglaciaire n’a évidemment pas affecté que les côtes bretonnes, mais aussi l’intérieur du pays; elle s’est faite par des processus aujourd’hui inactifs en Bretagne, mais encore étudiables dans des pays tels que le Spitzberg, les côtes du Groenland ou l’Alaska.
- Cette évolution a entraîné sur les pentes d’épaisses coulées
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- de solifluxion, de consistance visqueuse, qui faisaient glisser, pendant le dégel superficiel de l’été, une masse d’argile sableuse et blocs éclatés de la roche en place sous l’influence du gel. Ces coulées, aujourd’hui complètement figées en Bretagne, sont encore visibles sur presque tous les "versants qu’elles empâtent, ce qui montre que l’érosion actuelle sur ces. versants est extrêmement réduite : confirmation de l’inefficacité du climat tempéré sous lequel nous vivons et que l’on a pu établir par'd’autres méthodes pour le Bassin de Paris (Q.
- D’autre part, la raréfaction de la végétation sous le climat périglaciaire est propice à l’action du vent. Il s’est formé à certains endroits des dunes, qui sont, soit à la base de coulées de solifluxion, soit intercalées entre deux coulées. On trouve des dunes analogues en Cornouaille britannique, pays où les influences périglaciaires sont aussi nettes qu’en Armorique (2). Ce même climat froid a entraîné le façonnement, sur les hautes collines d’Armorique et du Devonshire, de petits replats analogues \ ceux que l’on trouve en élaboration actuelle en haute montagne tempérée et dans les régions arctiques (3). Un autre aspect de l’action du froid est la déformation de sols polygonaux, dus probablement, au moins en bien des cas, aux brassages consécutifs aux différences de température régnant dans le sol en été entre la surface et la profondeur. De tels sols sont encore visibles en plusieurs points des côtes du Léon, dans la région de Pornic (Loire-Inférieure), et à l’île de Iioedic (Morbihan) (fig. 4)
- On peut dire que le relief actuel de la Bretagne est encore à peu près exactement tel qu’il était sous le climat périglaciaire. C’est à ce dernier qu’il doit ses formes molles, empâtées et indécises, ses contours mal définis et la rareté des affleurements de roche en place.
- La remontée du niveau marin, qui a, dans l’ensemble, accompagné l’amélioration du climat, a donné le contour actuel des rivages. A l’époque où vivaient les populations mésolithiques qui ont laissé des restes en baie d’Audierne et aux îles de Téviec et Hoedic en Morbihan (4), la mer n’était déjà plus loin; car
- 1. A.. Cailleux. Ann. de Géographie, 1948, pp. 21-39.
- 2. A.. Guilcher. Revue de Géographie alpine, 1949, pp. 689-717.
- 3. A.. Guilcher. Revue de Géomorphologie dynamique, 1950, pp. 53-78.
- 4 G. Konoroff. La Nature, n° 3049, 15 mai 1939, pp. 321-328.
- Fig. 6. — Tourbière apparaissant dans la plage à Brignogan (Nord Finistère).
- (Cliché Guilcher).
- Fig. 7. — Estuaire du Quillimadec (Nord Finistère). Vase ancienne durcie, recouverte de plantes, s’éboulant dans la vasière molle actuelle, qui est nue, le long d’une petite falaise.
- (Cliché Guilcher).
- ces Mésolithiques mangeaient des coquillages. Il est possible qu’après eux il y ait eu un nouveau retrait marin assez ample, quoiqu’il ne soit prouvé, en Bretagne, par rien ; de toute façon, il est sûr qu’à l’époque dolménique, la mer était d’au moins plusieurs mètres plus bas qu’aujourd’hui. Cela a été prouvé depuis déjà longtemps par l’existence de monuments mégalithiques actuellement immergés. Le plus célèbre, celui de l’îlot d’Er Lannig dans le Golfe du Morbihan, implique une montée marine d’au moins 4 m et probablement 6 à 7 m depuis son édification, qui se place sans doute aux environs de 2 000 avant J.-C. Un autre témoin de cette transgression, dite transgression flandrienne, ce sont les tourbières immergées en bien des points des côtes de Bretagne comme des régions voisines (fig. 5 et 6).
- C’est donc cette transgression qui a ramené la mer sur nos côtes, et qui a réalisé les bras de mer que sont les abers et qui, on l’a vu, étaient déjà bras de mer au Monastirien, mais avaient été exondés entre temps. La transgression a déterminé un envasement des estuaires, qui se fait suivant un mécanisme très particulier, bien étudié dans certains estuaires bretons par Francis-Bœuf (Q. L’aspect des vasières est le suivant : au-dessus de la vase molle qui est encore en voie d’accroissement actuel en bien des endroits, et qui est recouverte par les hautes mers moyennes, se trouve une vase durcie, plus ancienne, qui entre en contact avec la précédente par de petites falaises de quelques décimètres à i,5o m de haut (fig. 7). Il semble bien que cette vase durcie, qui, en certaines de ses parties n’est plus jamais atteinte par la marée, se soit déposée lors d’un « maximum flandrien » supérieur de i,5o m environ au niveau actuel, d’autant plus qu’à la même altitude, on trouve dans le sud de la baie d’Audierne une importante accumulation de galets, inexplicable dans les conditions actuelles. Ces galets recouvrent un cimetière gaulois juste antérieur à l’invasion de la Gaule par César, ce qui permet de dire que le niveau maximum n’a été atteint par la mer qu’après cette date.
- Quelle est la cause de ces variations du niveau marin ? S’agit-il de mouvements du sol ou de changements d’altitude du niveau général des mers ? Tout le monde est d’accord sur le fait que le Quaternaire a vu le niveau général des mers varier : quand les glaciers se formaient, ils prenaient leur eau dans les océans par le cycle de l’atmosphère, et le niveau des océans baissait; l’inverse se produisait lors des fusions gla-caires. Mais la question est de savoir si tous les faits, en Breta-
- ]. Cl. Françis-Boeuf. Recherches sur le milieu fluvio-marin et les dépôts d’estuaire. Ann. Institut Océanographique, 1947, pp. 149-344.
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- gne, s’expliquent par ce mécanisme du glacio-eustatisme, ou si l’on doit, avec M. Bourcart (x), faii'e appel, en outre, au jeu périodique d’une flexure continentale à la limite de la terre et de la mer. Une telle flexure a probablement joué en certaines régions.du monde; mais, en Bretagne, il me semble que les faits n’imposent pas d’y faire appel, et que même certains d’entre eux y soient assez défavorables. Ainsi, si une flexure avait tout récemment relevé la terre émergée et abaissé les fonds proches de la côte, les plages monastiriennes soulevées devraient être d’autant plus hautes qu’elles sont plus loin du rivage. Or, l’on constate que celles qui sont au fond d’estuaires (Odet, Morbihan) sont à la même altitude que celles de la côte voisine. Il n’y a donc pas d’apparence que des mouvements du sol récents les aient affectées.
- Quoi qu’il en soit, voici la mer à son niveau actuel. Qu’y fait-elle ? La mer érode très peu, et là-dessus tout le monde est actuellement d’accord en ce qui concerne la Bretagne, bien qu’autrefois on ait pensé le contraire. La conservation d’innombrables plages monastiriennes montre avec évidence que le
- 1. J. Bourcart. Géographie da fond des mers. Paris, Payot, 1949 ; La littoral breton du Mont-Saint-Michel au Finistère. Bull. Comité d’Océanogra-phie et d’Êtude des Côtes, janvier-mars 1950.
- Fig. 8. — Rocher à demi empâté dans le limon à Guisseny (Nord Finistère). Les diaclases de la roche ont guidé son arénisation.
- (Cliché Guilcher).
- rivage actuel n’est que le rivage monastirien réoccupé sans guère de retouches. D’ailleurs, dans la plupart des falaises bretonnes, seule la partie inférieure est dénudée; le reste est revêtu de végétation. La mer se contente généralement de faire ébouler des pans de coulées de solifluxion périglaciaire, et d’exhumer les boules rocheuses, préparées par les climats tertiaires, des gangues de limons quaternaires qui les ont enrobées : c’est cette exhumation qui met en valeur, par exemple, les pittoresques rochers des côtes du Trégor et du Léon (fig. 8). Le seul endroit où de grandes falaises reculent vraiment, c’est la côte extérieure de Belle-Ile; et, même là, la configuration n’a guère changé depuis la carte de Le Loyer (1667).
- Pourtant, dans la mesure où des reculs sont enregistrés, on constate qu’ils sont localisés dans des rentrants plutôt que dans des saillants. Cette constatation, qui pouvait passer jusqu’à une date très récente pour tout à fait révolutionnaire, n’est pas sérieusement contestée à l’heure actuelle. En Bretagne, la mer entame les baies de roches tendres, comme la baie d’Audierne, où, par exception, les basses falaises de micaschistes pourris sont en recul rapide; elle respecte les pointes de roches dures, comme la pointe du Baz. Le littoral ne se régularise,donc pas. Il en va de même en Cornouaille britannique et au Pays de Galles. Il semble qu’il en aille ainsi dans les vieux massifs à structure assez différenciée, lorsqu’il se produit une transgression comme celle qui est intervenue au Flandrien dans le monde entier. L’évolution commence de la sorte, et on peut se demander si elle aura jamais le temps de parvenir à un stade où elle serait différente : le matériel est trop résistant et il faudrait une trop longue période de stabilité du niveau marin pour que la régularisation du schéma classique ait pratiquement une chance de se réaliser.
- Ainsi, rivages, plateaux et collines de Bretagne ont enregistré les effets de multiples épisodes, ont subi les influences de divers climats et vu varier plusieurs fois le niveau des mers, sans que leurs traits en soient fondamentalement altérés. Tous les événements ont laissé leur empreinte, mais ils n’ont pas effacé complètement les traces de leurs prédécesseurs. A travers les changements du milieu qui l’enveloppe, ce pays laisse une impression de pérennité.
- André Guilcher,
- Professeur à la Faculté des Lettres de Nancy.
- Le phoque moine sur
- A la suite de l’article de M. Poslel paru dans La Nature, sur un phoque tropical : le phoque moine (n° 3 187, novembre 1950, p. 341 ), M. Bouquero, de La Ciotat, nous adresse les informations suivantes :
- v. Le Phoque moine (.Monachus albiventer) habitait autrefois les côtes de Provence, mais il a presque disparu à l’heure actuelle. Avant la guerre de igi4,. il était signalé à la presqu’île de Giens où un exemplaire fut capturé par des pêcheurs. Ceux-ci, d’ailleurs, s’en plaignaient, disant qu’il effrayait le poisson et détériorait les filets; il avait élu domicile à Escampobariou. D’autres troupes habitaient l’île de Porquerolles et des pêcheurs signalaient leur présence dans deux grottes, l’une au Grand Langoustier et l’autre à la Pointe des Mèdes.
- « A notre connaissance, il ne restait, depuis l’entre-deux guerre, qu’un couple habitant l’îlot de Bagaud, devant Port-Gros. N’ayant plus eu l’occasion de retourner aux îles, nous ne savons pas s’il en existe encore.
- les côtes de Provence.
- « Un Monachus se trouvait à La Ciotat, au Bec de l’Aigle. On nous l’a signalé récemment et nous ne l’avons pas vu, malgré nos recherches, mais d’après certaines informations au sujet d’un animal qui a effrayé plusieurs pêcheurs, il se pourrait bien que ce soit le phoque en question.
- « Nous ne savons pas si, sur les côtes algériennes et tunisiennes il s’en trouve-encore, mais nous en connaissions un groupe d’une vingtaine qui fréquentait une grève déserte à 10 km à l’ouest du Bass Enghela (point le plus au nord de la côte d’Afrique). Plus d’une fois nous avons pu les observer; de même, on en signalait à l’île de la Galite et vers Tabarka.
- « Il m’a semblé qu’il a lieu de signaler les derniers habitats de celte espèce qui tend à disparaître sur nos côtes, et d’attirer l’attention sur les mesures qu’on pourrait prendre pour protéger, si possible, les derniers représentants de cette espèce intéressante. »
- L. Bouquero.
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- LES LÉPIDOPTÈRES
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- Les Lépidoptères constituent un des ordres les plus importants de la classe des Insectes; on évalue, en effet, à plus de ioo ooo le nombre d’espèces connues appartenant à ce groupe, sans compter les innombrables formes décrites : sous-espèces, races ou variations diverses. A ce total déjà fort respectable, il conviendrait d’ajouter les espèces qui restent à découvrir, et qui, sans aucun doute, sont extrêmement nombreuses.
- On sait que les Lépidoptères sont des Insectes holométaboles, c’est-à-dire à métamorphoses complètes, leur développement post-embryonnaire comportant trois étals successifs très différents : la larve, la nymphe et l’imago. La larve, ou chenille, représente la phase de nutrition et de croissance; la nymphe, ou chrysalide, constitue un état transitoire, siège d’intenses modifications internes, mais caractérisé extérieurement par une immobilité plus ou moins complète; enfin l’imago, ou papillon, est l’état adulte de l’Insecte et son rôle est la reproduction.
- Les caractères essentiels des Papillons sont, d’une part, l’existence de deux paires d’ailes membraneuses, recouvertes, ainsi que le corps, d’un abondant revêtement de poils et d'écailles colorés; d’autre part, la spécialisation des pièces buccales, transformées en un appareil d’aspiration, long tube creux appelé trompe, avec disparition du dispositif masticateur.
- L’intérêt de ces Insectes ne réside évidemment pas uniquement dans l’art de les conserver et d’en constituer de magnifiques collections : leur structure, leur physiologie, leur comportement, présentent de nombreuses particularités fort intéressantes; les biologistes y trouvent un excellent matériel pour leurs travaux, qui ont donné lieu à d’importantes découvertes d’intérêt général.
- Dans cet article, les principales étapes de la vie cle ces Insectes seront sommairement examinées, et certaines particularités seront signalées au passage.
- La chenille.
- cire des ruches, plumes d’Oiseaux, fourrures, crin, corne, Insectes morts ou vivants, excréments de Mammifères, etc.
- De nombreuses chenilles séjournent continuellement sur leur plante nourricière ou dans son voisinage, les unes restant à découvert, d’autre préférant s’abriter, par exemple dans le creux d’une feuille roulée ou pliée. Il existe également des espèces dont les larves ont adopté un genre de vie particulier, parfois étrange; en voici quelques exemples.
- Chenilles mineuses. — D’assez nombreux Lépidoptères possèdent des larves endophytes, c’est-à-dire vivant dans des galeries qu’elles creusent à l’intérieur d’un végétal, s’y nourrissant des tissus qu’elles
- rencontrent. Les unes ne ^
- mangent que du bois, car ^_^9» ^
- elles creusent les branches ou le tronc des arbres; d’autres, que l’on qualifie plus spécialement de mineuses, vivent dans des parties
- L’œuf de Lépidoptère donne naissance à une chenille, caractérisée par la présence de courtes pattes, qui sont de deux sortes ; les unes, les pattes thoraciques, sont sclérifiées et articulées; les autres, abdominales, sont charnues et pourvues de petits crochets; la bouche est armée de pièces buccales organisées pour le broyage des aliments. Chez certaines espèces, le corps de la chenille porte divers ornements, poils, épines, verrues, parfois extraordinaires (%• i).
- Les chenilles de Lépidoptères sont fondamentalement phytophages; tous les groupes végétaux, des plus primitifs aux plus évolués, sont victimes de leur appétit dévorant; en ce qui concerne les plantes supérieures, toutes les parties du végétal peuvent être attaquées : feuilles, fleurs, fruits, tiges, racines. Certaines espèces sont polyphages, c’est-à-dire qu’elles mangent indifféremment des plantes Arariées, mais beaucoup d’entre elles ne peuvent vivre qu’aux dépens d’Un petit groupe végétal déterminé, parfois même d’une unique espèce; les entomologistes éleveurs savent bien qu’une chenille monophage mourra de faim si on lui offre autre chose que sa plante nourricière.
- Certains Lépidoptères font exception en se nourrissant, à l’état larvaire, de matières organiques diverses, parfois des plus imprévues : denrées alimentaires (farine, biscuits, fruits secs),
- Fig. 1. — Premier stade larvaire d’un Attacide américain : Syssphinx
- molina Cramer.
- Remarquer les tubercules dorsaux et surtout les épines thoraciques extraordinairement développées.
- charnues de la plante, petites liges, pétioles, fruits ou feuilles, Les mineuses de feuilles ont été particulièrement étudiées; leurs galeries, ou mines, généralement très visibles extérieure ment, ont une forme caractéristique; certaines forment uni plaque plus ou moins régulière, d’autres ont un trajet linéair* variable, rectiligne, sinueux, spiralé, etc.; ces caractères, joint: à la connaissance de la plante minée, permettent le plus sou Arent de déterminer l’espèce mineuse.
- Ce curieux genre de vie pose d’intéressants problèmes d’ordrt biologique; il y a là en effet une adaptation à un milieu trè: particulier. Il est assez étonnant qu’une feuille de Hêtre, d< Chêne, ou d’une simple Graminée, dont l’épaisseur atteint ai maximum 3 dixièmes de millimètre, puisse servir de logemen à la larve d’un papillon dont l'envergure atteint plusieur millimètres. Certaines espèces se sont même spécialisées ai point de ne creuser qu’un des épidermes de la feuille; vivan à l’intérieur d’une unique assise cellulaire, elles ne disposen que d’une « hauteur de plafond a de l’ordre de a centièmes d' millimètre. Les mineuses de feuilles sont d’ailleurs adaptée
- Notre couverture : Ce gros papillon nocturne, de la famille des Lasiocampides, prend au repos une attitude très particulière : les ailes antérieures sont disposées en toit au-dessus du corps, et les postérieures, plus courtes, dépassent latéralement ; cette attitude, jointe à la coloration et à la forme des ailes, a valu aux espèces européennes de ce groupe le nom vulgaire de « Feuilles-mortes ». La tète du papillon se prolonge (en haut, sur la figure) par une sorte de bec, ' constitué par deux pièces buccales appelées palpes labiaux ; juste en dessous, l’antenne droite ; les yeux ne sont pas visibles.
- (Photo J. P. Vanden Eeckhoudt).
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- 1. Mesosemia grandis Druce (Riodinides). — 2. Thecla imperialis Cr. (Lycaenides). Cette espèce, américaine comme la précédente, présente un coloris bleu-vert métallique, couleur physique fréquente chez les Lycaenides. — 3. Malthaca sp. (Zygaenide américain). — 4. Graellsia isabelae Graëlls, mâle, Attacide connu seulement d’Espagne et de France (vallée de la Durance); sa chenille se nourrit des aiguilles du Pin sylvestre. Remarquer les antennes particulièrement développées. — 5. Atteva floridana Neum., Hyponomeutide d’Amérique ; en Europe, cette famille renferme quelques espèces extrêmement nuisibles pour certains de nos arbres fruitiers. — 6. Cyllopoda osiris Cr., Géométride néotropicale. — 7 Parasa reginula Saalm., Cochlidide de Madagascar. Dans cette famille, les chenilles portent souvent des poils glandulaires provoquant de violentes démangeaisons. — 8. Agathia arcuata Moore. Cette espèce asiatique appartient à tout un groupe de Géométrides dont les ailes sont teintées de vert vif, et qui comportent quelques espèces françaises. — 9. Cocytia durvillei B., Noctuide de Nouvelle-Guinée, à ailes partiellement transparentes. — 10. Agarista agricola Don., Noctuide australien.
- Tous ces exemplaires sont représentés en grandeur naturelle, sauf les Nos 3, 5, 9 et 10 qui sont réduits de 1/8 environ.
- Planche II
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- 1. Mesosemia grandis Druce (Riodinides). — 2. Thecla imperialis Cr. (Lycaenides). Cette espèce, américaine comme la précédente, présente un coloris bleu-vert métallique, couleur physique fréquente chez les Lycaenides. — 3. Malthaca sp. (Zygaenide américain). — 4. Graellsia isabelae Graëlls, mâle, Attacide connu seulement d’Espagne et de France (vallée de la Durance); sa chenille se nourrit des aiguilles du Pin sylvestre. Remarquer les antennes particulièrement développées. — 5. Atteva floridana Neum., Hyponomeutide d’Amérique; en Europe, cette famille renferme quelques espèces extrêmement nuisibles pour certains de nos arbres fruitiers. — 6. Cyllopoda osiris Cr., Géométride néotropicale. — 7 Parasa reginula Saalm., Cochlidide de Madagascar. Dans cette famille, les chenilles portent souvent des poils glandulaires provoquant de violentes démangeaisons. — 8. Agathia arcuata Moore. Cette espèce asiatique appartient à tout un groupe de Géométrides dont les ailes sont teintées de vert vif, et qui comportent quelques espèces françaises. — 9. Cocytia durvillei B., Noctuide de Nouvelle-Guinée, à ailes partiellement transparentes. — 10. Agarista agricola Don., Noctuide australien.
- Tous ces exemplaires sont représentés en grandeur naturelle, sauf les N°s 3, 5, 9 et 10 qui sont réduits de 1/8 environ.
- Planche îï
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- 1. Colotis eupompe Klug, Piéride africaine. C’est à cette famille qu’appartiennent plusieurs espèces très nuisibles, telles que la Piéride du Chou trop connue des jardiniers. — 2. Helicopis endymion Cram., Riodinide sud-américain aux ailes postérieures étrangement découpées. — 3. Aletis helcita L., Géométride de l’Afrique tropicale. Ce type de coloration se retrouve chez plusieurs espèces appartenant à des familles très différentes, mais toutes ces espèces habitent l’Afrique centrale. Il y a là un phénomène de convergence mal expliqué, lié à la répartition géographique, et dont on connaît d’autres exemples, notamment en Amérique du Sud. — 4. Àrmandia lidderdalei Atkins, Papilionide de l’Inde. — 5. Eucharia festiva Hufn., une des plus belles espèces d’Arctiides de notre faune. — 6. Histiaea bellatrix Wlk., d’Amérique du Sud. Appartient à la riche famille des Amatides, modestement représentée chez nous par trois petites espèces seulement.
- Grandeur naturelle pour tous les exemplaires, sauf pour le N° 4 légèrement réduit.
- ff.Boca
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- morphologiquement à ce genre de prison, étant fortement aplaties, présentant une modification particulière des pièces buccales, des pattes, et une réduction des yeux.
- Signalons à ce propos que les mineuses, conçoivent l’hygiène suivant deux points de vue opposés ; certaines espèces percent dans .l’épiderme foliaire un orifice qui met la mine en communication avec l’extérieur, et qui sert à la chenille à expulser ses excréments au dehors ; ces larves donnent l’impression de tenir à la propreté de leur logement. D’autres, au contraire, restent complètement isolées de l’extérieur, laissant par conséquent leurs déjections s’accumuler dans
- la mine; mais l’analyse de ces déchets ainsi que du corps des chenilles a montré qu’en pareil cas l’asepsie totale règne dans la mine; les déchets, ne subissant aucune fermentation, ne constituent donc pas un danger pour l’habitant de la mine. L’analyse a montré d’autre part que lorsque la mineuse est ou a été en contact avec l’extérieur, son tube digestif renferme des microorganismes; c’est ce qui se produit pour les espèces qui pratiquent le « tout à l’égout ». Il y a donc là une curieuse opposition entre les espèces à vie septique et celles à vie aseptique ; comme le souligne P. Portier dans un ouvrage récent (r), c’est par le manque d’hygiène, au sens habituel du mot, et non par l’hygiène, que l’asepsie est obtenue ici.
- Fig. 2. — Chenille de Sphingide sur sa plante nourricière : Pergesa elpenor L.
- Chez cette espèce, la tête de la chenille est particulièrement petite (en haut de la figure) ; les 4e et 5" segments du corps portent chacun deux grosses taches rondes que l'on prendrait volontiers pour de gros yeux. Chez les Sphingides, l’extrémité postérieure du corps de la chenille porte fréquemment une apophyse dorsale appelée « corne » (en bas de la figure).
- (Photo J. P. Vaxgkn Eeckiioudt).
- Espèces aquatiques. — Un petit nombre d’espèces présentent des mœurs aquatiques, du moins aux états larvaire et nym-phal : les chenilles vivent immergées dans les eaux douces et s’y nourrissent de plantes aquatiques. La biologie de ces espèces présente un grand intérêt, car on peut y observer différents modes d’adaptation à ce milieu liquide. Certaines chenilles possèdent un tégument non mouillable, couvert d’aspérités ou de poils; elles respirent l’oxygène à l’état gazeux, par leurs stigmates, qui sont les orifices respiratoires normaux; pour cela elles remontent chaque fois à la surface, ou bien utilisent une réserve d’air accumulée dans leur toison. Chez d’autres espèces au contraire, la peau est mouillable par l’eau, et c’est l’oxygène
- 1. P. Portier. La biologie des Lépidoptères. Paris, 1949. P. Lechevalier.
- dissous qui est absorbé par la peau, et non plus par les stigmates; dans quelques cas, les segments du corps portent des branchies trachéennes ramifiées, facilitant les échanges respiratoires; on croit connaître également des cas de branchies sanguines. L’adaptation respiratoire a donc été réalisée, dans ce groupe, par des procédés variés.
- En Europe, en France en particulier, il existe une bien curieuse espèce aquatique, VAceniropus niveus (Pyralidæ). Les adultes males sont des papillons normaux, à vie aérienne comme les autres Lépidoptères à larve aquatique, mais les femelles sont de deux sortes : les unes sont ailées et normales comme les mâles, tandis que les autres sont aptères et passent toute leur vie dans l’eau. L’accouplement entre un mâle et une femelle du second type ne peut se faire qu’à la surface de l’eau; les deux partenaires de cet étrange couple se trouvent donc alors dans deux milieux différents ! L’origine du dimorphisme de ces femelles n’est pas encore parfaitement élucidée.
- Lépidoptères commensaux d’autres animaux. — Tout le monde sait ,que les Fourmis sont les grands ennemis des chenilles; elles les attaquent et les entraînent dans leur nid pour en faire leur nourriture. Mais on a découvert qu’il existait, entre les Fourmis et certaines chenilles, des relations d’un tout autre ordre; ces relations, très variables suivant les cas, sont parfois comparables aux rapports bien connus entre Pucerons et Fourmis. En particulier, les chenilles de certains Lycænidæ sécrètent, grâce à un organe glandulaire dorsal, un liquide qui constitue un mets fort apprécié par diverses Fourmis; c’est pour celte raison que ces dernières s’intéressent vivement à ces larves. Suivant les cas, elles se contentent de les visiter en les laissant sur place, ou elles les emmènent pour les parquer au voisinage de leur nid, ou encore les entraînent à l’intérieur de la fourmilière (fig. 3). Phénomène inattendu, les Fourmis ne paraissent demander à leurs « vaches à lait » que de leur fournir le précieux liquide, moyennant quoi elles les laissent en paix et leur permettent de se métamorphoser; les papillons nés dans le nid réussissent ordinairement à sortir et se reproduisent à l’air libre. Certains Lépidoptères, comme quelques Lycènes de notre faune française, ne peuvent se développer complètement sans le concours des Fourmis; il semble y avoir là une véritable symbiose. Et pourtant certaines chenilles myrmé-cophiles se livrent au pillage aux dépens de leurs hôtes, vivant de leurs œufs, larves ou nymphes, ce que les Fourmis tolèrent pour une raison que l’on ignore.
- D’autre part, les chenilles myrmécophiles ne sont pas toujours des fournisseurs de nectar : il y en a qui sont purement indésirables, s’introduisant par leurs propres moyens dans une fourmilière et s’y conduisant en prédateurs sans rendre apparemment aucun service, leur glande n’étant pas développée; il s’agit donc ici d’un véritable parasitisme, d’autant plus étrange que la larve des Lépidoptères est ordinairement un être faible, indolent, sans défense devant la Fourmi, Insecte bien
- Fig. 3. — Fourmi transportant dans son nid une jeune chenille de Maculinea arion L., Lycénide de notre faune française.
- Planche I : En haut : Un des plus beaux et des plus grands papillons diurnes de nos montagnes : Parnassius apollo L., butinant ; remarquer les deux antennes, le gros œil et la trompe déroulée plongeant dans une des fleurs du capitule. Grossi 2 fois.
- En bas : Le même, les ailes étalées. (Photos J. P. Vanden Eeckhoudt).
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- rôle dans la vie des chenilles; elles l’utilisent au repos comme dans leurs déplacements pour adhérer à leur substrat, s’attacher, construire un abri fixe ou portatif; lorsqu’elles sont inquiétées, beaucoup de chenilles se laissent tomber de leur support à l’extrémité d’un fil soyeux, qui amortit leur chute et leur sert souvent de corde pour remonter à leur point de départ; la soie est également employée pour la fixation de la chrysalide ou la construction du cocon.
- La nymphose.
- A, chenille suspendue prête à la nymphose ; B, chrysalide en partie dépouillée de l’enveloppe larvaire ; C, état définitif de la chrysalide.
- D, Chrysalide maintenue par une ceinture de soie (Papilio machaon L.).
- armé, puissant et agressif. Il y a là un mystère, mais que plusieurs observations paraissent éclaircir au moins en partie : les chenilles de certains .de ces Lycénides exotiques sont cuirassées, ayant le corps recouvert de plaques dures; quand elles se sentent en danger, elles savent s’appliquer étroitement à leur substrat, et n’offrent alors à leur agresseur ni prise ni point vulnérable. Il est donc possible que les Fourmis ne tolèrent les indésirables que parce qu’elles ne sont pas capables de s’en débarrasser.
- On connaît aussi quelques Lépidoptères dont les larves vivent en compagnie d’autres Arthropodes sociaux : Termites, Polistes ou Araignées. •
- Parmi d’autres cas du même genre, l’un des plus curieux est celui d’une Pyrale brésilienne dont la larve vit en parasite sur le dos d’une chenille de 1a famille des Attacidæ ou Satur-nides; l’Insecte parasite se construit un léger abri en tendant fies fils de soie entre plusieurs épines de la chenille hôte; ce sont ces épines qui lui servent de nourriture.
- Ces cas curieux montrent les possibilités d’adaptation des Lépidoptères à des genres de vie et une nourriture très variés; ils sont d’ailleurs exceptionnels.
- Chenilles sociales. — La plupart des chenilles vivent isolément, mais quelques-unes se réunissent en groupes. Le célèbre entomologiste Fabre a vulgarisé les mœurs des Processionnaires, dont les chenilles construisent de gros nids collectifs sur les Pins et sur les Chênes; ces larves sont bien connues par leurs processions, les dégâts considérables gu’elles commettent, ainsi que par les propriétés urticantes de leurs poils. Dans les pays tropicaux, certaines espèces font des nids qui atteignent une longueur de 5o cm.
- La soie. — Les Vers à soie ne sont pas les seuls à produire de la soie; cette faculté appartient à la plupart des espèces. La soie est une sécrétion produite par deux longues glandes tubulaires aboutissant à une filière pointue et mobile située sous la tête. Malgré son extrême finesse, le fil de soie possède une structure complexe : il est en effet formé de deux filaments accolés, et entourés d’une ou deux substances extérieures de composition différente.
- Fraîchement émis, le fil de soie est collant et adhère par simple contact aux objets qu’il rencontre. La soie joue un grand
- Après avoir subi plusieurs mues ou changements de peau, la larve atteint sa taille maximum ; elle prend alors ses dispositions pour la nymphose. Les procédés adoptés varient beaucoup suivant les espèces : chez les Rhopalocères ou Diurnes, la chenille se contente ordinairement de se fixer à une petite pelote soyeuse par son extrémité postérieure, parfois en maintenant le corps appliqué au support à l’aide d’une étroite ceinture de soie; les Nocturnes, par contre, s’entourent souvent d’un cocon, formé de soie pure ou mélangée de matériaux variés; ce cocon est quelquefois pourvu d’un dispositif facilitant l’éclosion, orifice ou clapet, soigneusement préparé par la chenille; le cocon de certaines espèces est un véritable œuvre d’art. Beaucoup d’espèces s’enterrent pour la nymphose, et les chenilles endophytes se métamorphosent souvent sur place.
- Ces dispositions étant prises, la chenille subit une nouvelle mue, qui met à jour la chrysalide (fig. 4).
- Le papillon.
- L’état nymphal dure de quelques jours à quelques mois le plus souvent, mais dans certains cas il se prolonge pendant plusieurs années. Lorsque l’adulte est entièrement formé sous l’enveloppe tégumentaire de la chrysalide, cette enveloppe se rompt et le papillon en sort; les ailes, fortement plissées, se
- Sphingide butinant au vol sur une fleur de Labiée.
- Fig. 5.
- Planche IV : En haut, à gauche : Chenilles d’Eudia pavonia L. (Attacidæ), espèce assez commune dans les terrains en friche.
- En haut, à droite : Graellsia isabelae Graëlls, mâle, venant d’éclore. Cette espèce est figurée également en couleurs, - planche II, figure 4.
- En bas, à gauche : Deux chenilles de Dicranura vinula L., vivant de feuilles de Peuplier. Lorsqu’on inquiète ces chenilles, elles prennent une attitude particulière considérée comme menaçante, et agitent au-dessus d’elles deux filaments exsertiles prolongeant la paire d’appendices grêles qui terminent postérieurement le corps ; elles peuvent même projeter à distance un liquide d’odeur désagréable.
- En bas, à droite : Celerio euphorbiae L. (Sphingidae) au repos sur une branche. Le nom spécifique de cette espèce française vient de ce que sa grosse chenille se rencontre sur différentes Euphorbes, plantes dont elle se nourrit. (Photos Le Charles).
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- Fig. 6. — Lycénide asiatique, Gerydus boisduvali Mr., grossi deux fois, aspirant le liquide sécrété par des Cochenilles, en compagnie de Fourmis intéressées par ce même liquide.
- déplient ensuite plus ou moins rapidement, et acquièrent leurs dimensions et leur rigidité définitives.
- L’activité du papillon comporte, schématiquement, trois actes essentiels : le vol, la nutrition, la reproduction.
- Le vol. — Le type de vol, les heures d’activité, varient suivant les espèces : les unes ont un vol mou et lent, d’autres pratiquent le vol plané; beaucoup de Noctuidæ et de Sphingidæ, au corps lourd et aux ailes étroites, ont un vol vif et rapide, caractérisé par la fréquence élevée des battements alaires. La possibilité de voler, pour beaucoup d’espèces, dépend en grande partie des conditions ambiantes : température, humidité atmosphérique, lumière, radiations diverses; les conditions atmosphériques qui empêchent les Insectes de voler certaines nuits, ou au contraire- celles qui favorisent leur activité, sont encore incomplètement connues; le jour, les rayons solaires sont indispensables à bien des espèces.
- Malgré les apparences, les ailes ne sont pas formées d’une substance morte et entièrement desséchée; bien au contraire, l’aile cl’un Lépidoptère est une expansion bien vivante du corps, parcourue par une circulation sanguine active et pourvue d’organes sensoriels et fréquemment d’organes glandulaires. Les ailes paraissent en outre jouer un rôle respiratoire important pendant le vol, étant, le siège d’échanges gazeux entre le sang et l’atmosphère; cette fonction respiratoire, qui paraît favorisée par la présence des écailles colorées de l’aile, s’ajoute donc à celle des stigmates, qui sont les orifices respiratoires du corps.
- La nourriture. — Les Lépidoptères typiques sont adaptés à une nourriture purement liquide. C’est avant tout le nectar des. fleurs qu’ils recherchent; ils l’aspirent à l’aide de leur trompe, dont la longueur permet à certaines, espèces de puiser dans les corolles les plus profondes. Le record de longueur de la trompe est détenu par les Sphingides, dont une espèce sud-américaine, Amphimœa walkeri B., en possède une de 28 centimètres de long, soit 4 fois environ la longueur totale du corps ! Les Sphingides ont d’ailleurs une façon spéciale de butiner, se maintenant immobiles au vol devant une fleur sans se poser (fig. 5). Grâce à ces habitudes, les Lépidoptères jouent un rôle important dans la fécondation des éléments floraux.
- D’autres liquides attirent les papillons; certains sont insolites : sucs jaillissant des blessures des arbres' ou des fruits mûrs, miel des Abeilles, eau répandue sur le sol, purin, sueur des animaux, liquide lacrymal des chevaux, humidité des excréments frais de Mammifères; à Madagascar, R. Catala attirait les espèces rares de Rhopalocères en disposant sur le sol les déjections d’un Félin, le Cryptoprocta ferox, dont il élevait un spécimen
- uniquement dans cette intention ! Quelques Lycænidæ tropicaux, imitant les Fourmis, recherchent les sucs émis par certains Insectes (fig. 6).
- Malgré sa perfection, la trompe n’est pas présente chez tous les papillons. La nature semble en effet se complaire dans les exceptions; on a l’impression qu'après avoir résolu un problème biologique en créant un dispositif ingénieux et souvent d’une admirable perfection, elle prend un malin plaisir à démontrer aux naturalistes que ce dispositif apparemment indispensable ne l’est pas du tout : elle a pourvu les ailes de la plupart des Lépidoptères d’un ingénieux appareil d’accrochage, le frein, qui rend les ailes solidaires et paraît améliorer le vol; et pourtant les espèces dépourvues de cet instrument volent aussi bien que les autres ! Il en est de même de la trompe, outil hautement, perfectionné, richement doté en organes des sens, déroulable et enroulable à volonté, associé avec une pompe aspirante et toujours prêt à fonctionner : la nature en a privé de nombreuses espèces, qui doivent donc se contenter de vivre sur les réserves accumulées au stade larvaire, ne pouvant rien absorber à l’état adulte. Cette absence d’appareil buccal fonctionnel peut être d’origine primitive (les ancêtres de ces espèces n’avant jamais eu de trompe), ou bien elle provient d’une évolution régressive.
- Un stade évolutif fort intéressant est. présenté par les Microple-rygidæ, qui sont les Lépidoptères les plus primitifs, dont la structure particulière permet d’établir une liaison de parenté entre les Lépidoptères et les Trichoptères ou Phryganes. Les Microplérygides présentent la particularité, unique chez les Papillons, de posséder un appareil buccal du type broyeur, d’ailleurs très perfectionné, avec mandibules bien développées et fonctionnelles. Ces petites espèces, dont plusieurs ne sont pas rares en France, se nourrissent, de matières solides, en l’espèce de grains de pollen qu’elles vont récolter sur les fleurs.
- La famille des Eriocraniidæ, voisine de la précédente par certains caractères, nous présente un stade évolutif plus avancé : les mandibules, quoique encore présentes, ne servent plus, et
- Fig. 7. — Deux mâles de Petit Paon de Nuit fEudia pavonia L.), attirés par leur odorat subtil, volant autour d’une cage contenant une jeune femelle de la même espèce (Photo Le Charles).
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- C
- Fi g. 8. — Appareil producteur de parfum du mâle de Dryas paphia L., fortement grossi.
- A, vue perspective, écailles protectrices partiellement enlevées ; B, coupe transversale schématique ; C, D, écaille odoriflque et filament terminal très grossi ; E, écaille protectrice.
- les maxilles (autres pièces buccales) se sont un peu allongées; sans former encore une véritable trompe, ces dernières sont déjà utilisées pour l’aspiration des liquides.
- Ces deux groupes primitifs offrent le grand intérêt de nous montrer comment un appareil buccal du type broyeur, adapté à une nourriture solide, a pu se transformer au cours de l’évolution en un appareil d’aspiration des liquides, caractéristique de la majorité des Lépidoptères. Ce sont des constatations de ce genre qui permettent aux entomologistes d’établir les bases d’une classifiction moderne, tenant compte autant qu’il est possible des rapports de parenté entre les groupes.
- dité de l’air, variations de pression atmosphérique, tension électrique. Mais tout cela demande à être prouvé par des recherches précises.
- La reproduction. •— Pour se rencontrer en vue de la reproduction, les papillons se servent notamment du sens de la vue et de l’odorat; ce dernier surtout joue un rôle de premier plan, non seulement dans la recherche des femelles par les mâles, mais aussi pour permettre à ces derniers de distinguer les femelles de leur propre espèce de celles des espèces voisines. On sait avec quelle facilité on attire de très loin les mâles de certains Nocturnes en utilisant une femelle de la même espèce fraîchement éclose (fig. 7) ; les propriétés attirantes des femelles peuvent aisément se communiquer, par contact ou simple voisinage, à un objet quelconque, une feuille de papier par exemple.
- Les substances sécrétées jouissant de cette propriété sont encore inconnues, sauf dans les rares cas où de patients travaux récents ont permis d’en isoler en quantité suffisante pour une analyse : le traitement par le benzène de 7 000 abdomens frais de femelles de Bombyx mori, le Ver à soie, a donné une faible quantité d’un corps, dont un cent millième de milligramme suffit pour faire réagir des mâles de cette espèce; il s’agit d’un alcool, dont la foi-mule brute serait C16H30O2; chez. Lymantria dispar, ce serait un autre alcool, de formule C27H160. Étant donnée la spécificité du pouvoir attractif de ces corps, il paraît bien probable que chaque espèce fabrique un parfum différent; cette constatation donne une idée de la complexité de la chimié de ces composés organiques.
- Les éléments producteurs de parfums, chez les Lépidoptères, sont très variés; dans certains cas, ce sont des appareils plus ou moins compliqués, généralement caractéristiques d’un sexe à l’exclusion de l’autre. Ce sont les mâles qui possèdent les organes odorifiques les plus variés; on peut en trouver sur le corps, les pattes ou les ailes; l’appareil se compose d’une région glandulaire, habituellement surmontée d’un groupe d’écailles
- Les organes des sens. — Les Lépidoptères adultes présentent une étonnante multiplicité d’organes sensoriels, et à cet égard ils sont beaucoup mieux pourvus que les Vertébrés. Beaucoup de papillons ne se contentent pas de deux yeux : ils en ont quatre, dont deux gros yeux composés, extrêmement complexes comme chez les autres Insectes, et deux petits yeux simples ou ocelles. Le sens de l’ouïe parait résider notamment dans les « organes tympanaux. », appareils complexes thoraciques ou abdominaux, qui n’existent d’ailleurs que dans certaines familles. Le goût aurait son siège dans de petits cônes sensoriels et dans des papilles de la trompe, ainsi que dans des organes des pattes comme l’on montré d’élégantes expériences. L’odorat est de façon certaine l’apanage des antennes, et des organes tactiles se rencontrent un peu partout sur le corpg et les appendices. Mais ce n’est pas tout : l’étude microscopique a fait découvrir de nombreux autres organes des sens, de structure et vraisemblablement de fonction variées, situés en des régions diverses : tête, pièces buccales, antennes, corps, pattes, ailes; à elles seules, les antennes peuvent porter jusqu’à 6 types différents d’éléments sensoriels, d’ailleurs également connus chez d’autres Insectes.
- On reste confondu devant une telle profusion ! Bien que la fonction de la plupart de ces organes soit purement hypothétique ou môme totalement inconnue, il est très probable que les pei'ceptions des papillons sont bien plus variées que les nôtres, et qu’ils éprouvent différentes sensations dont nous n’avons pas la moindre idée. Ils perçoivent peut-être certaines radiations et certaines propriétés atmosphériques que nous ne connaissons qu’à l’aide d’appareils de physique : degré d’humi-
- Fig. 9. — Une ponte de Lépidoptère fErannis marginaria Fab.) sur une feuille d’arbre, fortement grossie.
- Les œufs, à surface finement sculptée, adhèrent au support grâce à une matière collante sécrétée par la mère au moment de la ponte.
- (Photo Le Charles).
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- Fig. 10. — Un cas classique de variation saisonnière : la Vanesse Araschnia levana L.
- A, forme printannière ; B, forme estivale. Ori sait par des expériences que cette importante variation dans la coloration est due uniquement aux conditions extérieures subies par l’Insecte au cours de son développement.
- ou de poils spéciaux, dont le rôle est de servir d’évaporateur, et qui se trouve ordinairement protégé par un dispositif empêchant une inutile déperdition de la précieuse substance; ce n’est qu’au moment opportun que l’évaporateur se trouve démasqué. La figure 8,» empruntée, comme toutes celles de cet article, au volume X du Traité de Zoologie, montre une partie de l’appareil odorifique alaire de Dryas pujihia : chez cette Argynne, Nymphalide commune dans nos forêts au début de l’été, l’aile antérieure du mâle porte le long de certaines nervures un épaississement formé de nombreuses écailles évaporatrices dressées, recouvertes d’un toit d’écailles protectrices qui les isolent de l’atmosphère; pendant le vol, la pression de l’air oblige les écailles protectrices antérieures (en avant de la figure) à s’incliner postérieurement, ce’ qui démasque le long du faîte du toit une ouverture par où peut s’échapper le parfum sécrété. Ailleurs, l’appareil est, par exemple, situé dans les pattes postérieures, qui se placent au repos dans deux poches latérales de l’abdomen, a’en sortant qu’au moment du vol nuptial. Les sécrétions odorantes des mâles ont pour rôle de provoquer chez les femelles les réflexes nécessaires à l’accouplement.
- Dans certains cas, les appareils odorifiques semblent avoir un rôle répugnatoire, éloignant les ennemis ou rendant l’Insecte immangeable.
- Après l’accouplement, la femelle dépose ses œufs, isolément ou par groupes, généralement sur la plante ou le milieu nutritif, ou dans le voisinage (fig. 9). La durée de la vie des papillons est habituellement courte, variant le plus souvent de quelques jours à quelques semaines; exceptionnellement, le papillon vit plusieurs mois, par exemple, dans les pays tempérés, chez les espèces qui hivernent sous cette forme pour reprendre leur vol au printemps (Yanesses).
- Les Lépidoptères, matériel biologique.
- De nombreuses autres questions d’ordre biologique trouvent, pour leur étude, un excellent matériel parmi les Lépidoptères. En voici quelques exemples.
- Coloration. — Ces Insectes offrent certainement les colorations les plus brillantes et les plus variées, et peu de groupes du règne animal sont aussi bien dotés à cet égard. Les deux plan-
- Fig. 11. — Exempte de mutation chez les Lépidoptères.
- A gauche, Diacrisia lutea Hufn., forme typique. A droite, mutation zatima Stoll de la môme espèce.
- clies en couleurs ci-jointes, empruntées au Traité de Zoologie, tome X, donneront un aperçu d’ailleurs fort incomplet de l’extraordinaire variété de ces colorations.
- La couleur, qui est due chez ces Insectes à la présence d’écailles colorées sur le corps et les ailes, tire son origine de deux phénomènes différents : on distingue en effet, d’une part, les couleurs physiques ou optiques, dues à la structure complexe des écailles, qui donne naissance à leur surface et en profondeur à des phénomènes optiques subis par la lumière blanche (phénomènes de réseau, de lames minces, dispersion par des prismes, etc.); ces écailles, dont la structure microscopique est parfois d’une extraordinaire'complication, constituent un milieu transparent tout à fait spécial offrant aux physiciens un intéressant champ d’étude. D’autre part, la plupart des écailles renferment des pigments, donnant lieu aux couleurs les plus variées ; leur étude relève donc de la chimie.
- Ce sont les différences de coloration qui, sur une même aile, donnent naissance aux dessins bien connus, caractéristiques des espèces, mais d’une variabilité extraordinaire dans l’ensemble des Lépidoptères; la nature a fait preuve, à cet égard, d’une puissance créatrice qui dépasse toute imagination.
- Deux groupes de problèmes se posent à propos de la coloration des Lépidoptères. L’un est la question de leur utilité : ce sont les problèmes de colorations protectrices (homochromie, homo-typie, mimétisme), très étudiés mais incomplètement résolus; ce sujet a été récemment traité dans La Nature (}).
- L’autre groupe de problèmes concerne l’origine de ces colorations (couleurs et dessins), leur mode de formation,'les phénomènes physiologiques déterminant l’apparition d’une tache ou d’une bande à un certain endroit, etc. Récemment, on a pu définir certaines lois relatives à la disposition des dessins sur les ailes, et d’élégantes expériences ont fait entrevoir certains mécanismes de la formation de ces dessins. On sait d’ailleurs que les cai'actéristiques d’un dessin alaire peuvent être profondément modifiées par l’intervention d’un phénomène extérieur, tel qu’une forte variation de température, agissant à une période précise du développement de l’Insecte. Ici encore, de nombreux problèmes se posent, et sont loin d’être résolus.
- Certaines autres questions sont liées, chez les Lépidoptères, à la coloration : dimorphisme sexuel, polymorphisme, varia-. lions saisonnières (fig. 10) ou géographiques. Tous ces phénomènes sont magnifiquement illustrés par d’innombrables exemples offerts par ce groupe d’insectes.
- Génétique. — La génétique ou science de l’hérédité utilise fréquemment les Lépidoptères comme matériel d’étude; quelques espèces sont devenues classiques à cet égard, notamment le Yer à soie (Bombyx mori) et la Pyralide Ephestia kuehniella. De nombreuses variations se sont révélées comme étant des mutations : variations de coloration (fig. 11), variations morphologiques, Arariations physiologiques (le nombre de mues larvaires, par exemple). Bien des cas de polymorphisme sont dus à l’existence de mutations dans une même espèce.
- Les Lépidoptères offrent de beaux exemples du type de mutation dite « contrôlée par le sexe », c’est-à-dire ne se manifestant que dans un seul sexe, bien que les deux sexes puissent la transmettre à leur descendance : telles sont les variations de coloration des femelks du genre Colias et de quelques Papilio exotiques (P. polytes, P. memnon). Le cas particulier d’hérédité dit « lié au sexe,» ou « sex-linked » du type Abraxas a été découvert chez un Lépidoptère, la Géomètre Abraxas grossula-riala L. (fig. 12) : la transmission héréditaire de la mutation dohrni (= lacticolor) de cette espèce est liée à la transmission du chromosome sexuel X qui, dans l’ordre des Lépidoptères, existe en double exemplaire chez les mâles, alors que dans le type Drosophile (autres Insectes, Homme, etc.) ce sont les femelles qui possèdent deux chromosomes X.
- 1. L. Chopard. La signification biologique des colorations animales. La Nature, n* 3184, août 1950, p. 225.
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- Le record du nombre de chromosomes chez les Métazoaires est détenu par un Lépidoptère, la Géomètre Phigalia peda-ria F., avec 112 chromosomes à l’état haploïde, c’est-à-dire dans ses cellules reproductrices, soit 224 dans les autres cellules du corps. Les Lépidoptères présentent d’autres particularités intéressantes, notamment des cas de polyploïdie (nombres multiples de chromosomes), une diversité parfois très grande dans la garniture chromosomique d’espèces par ailleurs très voisines, ou encore le cas exceptionnel de Lepti-dea sinapis L. (Piéride) au nombre fluctuant de chromosomes (26 à 4i, à l’état haploïde, suivant les individus).
- Intersexu alité. — Ce phénomène a été très étudié chez quelques Lépidoptères. Grâce au caractère spectaculaire de ces Insectes et à leur dimorphisme sexuel souvent considérable, d’assez nombreux papillons intersexués .ont été découverts dans la nature; les uns présentent une mosaïque de caractères mâles et de caractères femelles, notamment sur les ailes; d’autres, dits « gynandromorphes bilatéraux » ou «• bipartis », sont partagés en deux moitiés différentes par le plan de symétrie du corps, étant mâles d’un côté et femelles de l’autre (fig. i3).
- Expérimentalement, des intersexués ont été obtenus en croisant des individus appartenant à des races différentes d’une même espèce. R. Goldschmidt, travaillant sur Lyman-tria dispar, a ainsi été conduit à la notion de races « fortes » ou « faibles », termes exprimant la puissance des facteurs déterminateurs du sexe, variable suivant les races; sa théorie sur l’origine et les caractères de l’intersexualité des produits obtenus a eu un grand retentissement parmi les biologistes, bien que certaines de ses interprétations soient fortement discutées. De son côté, J. Seiler, opérant avec la Psychide Solenobia tri-quetrella F. R., a obtenu des résultats du plus haut intérêt à de multiples points de vue : origine de l’intersexualité, génétique, cytologie, biogéographie, etc...
- Parthénogénèse. — On connaît chez les Papillons des cas de parthénogénèse, c’est-à-dire de reproduction sans fécondation. En dehors de cas de parthénogénèse accidentelle ou expérimentale, ce groupe d’insectes renferme quelques espèces qui se reproduisent régulièrement par ce processus particulier; le phénomène a été étudié de près par J. Seiler et ses élèves : en particulier, Solenobia iviquetrella présente, à côté d’une race normalement bisexuée, deux races différentes à parthénogénèse thélvtoque, c’est-à-dire composée uniquement de femelles dont les œufs se développent parthénogénétiquement ; le mécanisme chromosomique du développement de ces œufs est maintenant connu, du moins dans quelques espèces.
- Rôle économique des Lépidoptères.
- On ne peut passer sous silence l’importance économique de ces Insectes.
- Certains sont utiles : indépendamment des services qu’ils rendent au point de vue théorique comme matériel d’étude, les Lépidoptères comprennent les Vers à soie, dont l’industrie a été très florissante; le Bombyx mori n’est pas la seule espèce élevée comme séricigène : d’assez nombreuses espèces sont élevées
- Fig. 12. — Abraxas grossulariata L., Géométride à couleurs très tranchées (noir et jaune sur fond grossie (Photo A. Bayard).
- de notre faune, blanc). A peine
- dans ce but dans différents pays, notamment des Lasiocampides et des Attacides (ou Saturnides) ; l’un de ces derniers, le Samia (.Ailacus) cynlhia Drury, ou Bombyx de l’Ailante, espèce asiatique essayée en France puis abandonnée, s’est acclimatée chez nous et vit maintenant à l’état sauvage; ses grands papillons, mesurant de 11 à 10 cm d’envergure, volent la nuit en plein Paris, au grand étonnement des Parisiens.
- D’un autre côté, l’ordre des Lépidoptères renferme un nombre énorme d’espèces nuisibles à l’état larvaire; on peut dire que leurs chenilles comptent parmi les plus grands destructeurs des cultures, plantations fruitières et forestières, denrées alimentaires (farines, grains, etc.), ainsi que laines et fourrures. La connaissance précise de ces Insectes est indispensable à acquérir pour lutter efficacement contre leur envahissement.
- Comme on le voit, l’étude des Lépidoptères (ainsi d’ailleurs que celle des autres Insectes) n’est plus un simple passe-temps de collectionneur; c’est une véritable science, aux aspects multiples, offrant un vaste champ d’investigation aux biologistes comme aux chimistes et aux physiciens. Les différentes branches de cette science sont en perpétuelle évolution, les procédés de recherche se modernisent constamment et les résultats obtenus montrent que l’entomologie apporte une large contribution à la connaissance du monde vivant et de la nature en général.
- Fig. 13. — Gynandromorphe bilatéral de la Nymphalide africaine Cymothœ cænis Drury.
- A gauche, les ailes ont le coloris typique du mâle ; à droite, coloris femelle.
- Jean Bourgogne, Assistant au Muséum National.
- Les planches II et III, les ligures 1, 3, 4, 5, 6, 8, 10, 11 et 13 sont empruntées au Traité de Zoologie, publié sous la direction du Professeur Grasse. Tome X (Insectes supérieurs et hémiptêroïdes). Masson et G'°, éditeurs, 1951 (2 vol., 1948 p., 1591 fîg., 6 pl. en couleurs. Chaque volume, broché : 6 000 f; cartonné : 6 500 f).
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- Un nouveau caoutchouc synthétique à base d’essence de térébenthine
- Rappelons que c’est Faraday qui, le premieer, parvint à déterminer, vers 1825, la composition du caoutchouc naturel auquel il donna la formule C10H16. Toutefois, c’est au savant français Bouchardat que l’on doit les premiers essais sur la décomposition à chaud du caoutchouc (1875), qui permirent de montrer que le caoutchouc est en réalité un certain hydrocarbure (CsH8)n, qui se décompose par la chaleur en donnant toute une gamme de polymères de l’hydrocarbure CsHg. Aujourd’hui, nous disons que le caoutchouc est un corps à macromolécules, constitué par la polymérisation de l’isoprène ou 2-méthylbuta-diène dont la formule développée est :
- CH3
- CIi2 = C — CIi = CH2.
- 1 2 3 â
- Or, il est curieux de constater que, malgré tous les efforts des chercheurs, ce n’est pas par la polymérisation du diméthylbuta-diène qu’on est parvenu à obtenir industriellement des caoutchoucs synthétiques, mais par celle de certains de ses homologues. C’est ainsi, par exemple, que pendant la première guerre mondiale, les Allemands parvinrent à fabriquer un caoutchouc synthétique dénommé caoutchouc méthyle, obtenu par polymérisation du 2-3-diméthylbutadiène, que, par la suite, le Néoprène a été préparé par polymérisation du chloro-2-butadiène ou chlo-roprène, que le caoutchouc Buna en Allemagne et le GR-S américain ont été obtenus par polymérisation du butadiène.
- CH, CH,
- I I
- CH2 = CH — CII = .CH, CH, = C — C = CH2
- butadiène 2-3-dimêthylbutadiène
- Cl
- CH, _= C — CH = CH,.
- chloro-butadiène ou chloroprène
- Tout récemment, des chimistes du Bureau of Agricultural and Industrial Chemistry, du Ministère de l’Agriculture des États-Unis, sont parvenus à fabriquer un nouveau type de caoutchouc synthétique de haute qualité, dont la constitution chimique se rapproche beaucoup plus de celle du caoutchouc naturel. C’est à la suite d’études déjà anciennes, commencées pendant la deuxième guerre mondiale par des chimistes attachés au Bureau des Recherches sur les produits du pin maritime, que cette découverte a été mise au point. On cherchait une source nouvelle de caoutchouc synthétique, préparé en partant de produits dont on pouvait disposer aux États-Unis, en l’occurrence l’essence de térébenthine'. Ce produit présente un intérêt particulier pour la France qui, grâce à ses forêts de pins maritimes, dispose d’assez gros tonnages de ce produit. .
- Dans l’état actuel des recherches, le caoutchouc préparé en partant de cette essence est sensiblement plus coûteux que les produits obtenus à partir de butadiène. Mais ce nouveau produit, utilisé pour la préparation de pneumatiques, après incorporation des constituants habituels convenablement choisis, se serait révélé supérieur au GR-S, en particulier par ses qualités d’élasticité et par le fait qu’un pneu fabriqué avec ce nouveau caoutchouc et roulant à vive allure s’échauffe moins, sous l’in-
- fluence des déformations qu’il subit, qu’un pneumatique de GR-S.
- Le constituant essentiel de ce nouveau caoutchouc est l’isoprène, il est beaucoup plus proche du caoutchouc naturel que les autres produits artificiels fabriqués actuellement, qu’on sait déjà obtenir à partir du pétrole.
- La première opération consiste à produire l’isoprène en partant de l’essence de térébenthine. On sait que celle-ci et, d’une façon plus générale, les essences obtenues par distillation à la vapeur d’eau, ou par extraction à l’aide de solvants volatils, de différentes espèces de conifères, sont constituées essentiellement de terpènes qui sont des hydrocarbures répondant à la formule générale C10II16. Les essences de térébenthine varient suivant leur origine, mais contiennent en général une forte proportion de pinène, l’essence française renfermant principalement du pinène lévogyre.
- Le pinène contient exactement deux fois plus d’atomes de carbone et deux fois plus d’atomes d’hydrogène que l’isoprène. Le problème était donc de scinder une molécule de terpène en deux molécules d’isoprène.
- Cette opération s’effectue en immergeant un fil de fer à haute résistance, porté au rouge par passage d’un courant électrique, dans de l’essence de térébenthine bouillante. Le liquide se vaporise autour du conducteur et se trouve porté à environ 75o°. Lorsque les molécules de terpène présentes dans la vapeur viennent au contact du fil porté au rouge, elles sont scindées en deux molécules d’isoprène qui, en se dissolvant immédiatement dans l’essence de térébenthine liquide, se trouvent refroidies suffisamment, même lorsque cette essence est bouillante, pour éviter toute nouvelle décomposition.
- On sépare alors par distillation les molécules d’isoprène de l’essence de térébenthine, de façon à éviter que ces molécules touchent à nouveau le fil porté au rouge. Les vapeurs sont refroidies dans un condenseur à circulation d’eau qui liquéfie l’essence de térébenthine non décomposée et celle-ci retourne dans l’appareil. Les vapeurs non liquéfiées, qui renferment l’isoprène, passent dans un second condenseur, refroidi par de la neige carbonique. On obtient ainsi, avec un rendement d’environ 70 pour 100, de l’isoprène à un degré de pureté d’environ g5 pour 100. Par une nouvelle distillation, on élève cette pureté à 99 pour 100.
- Pour procéder à la préparation proprement dite du nouveau caoutchouc synthétique, on peut opérer, soit en partant d’iso-prène seul, soit d’un mélange d’isoprène et de styrène, mélange analogue à celui de butadiène et de styrène, utilisé pour la préparation du GR-S. Ce mélange est émulsifié dans l’eau tiède, après addition de savon et d’un catalyseur.
- Par exemple, pour la fabrication d’un caoutchouc synthétique pour pneumatiques, on utilise un mélange de 76 parties en poids d’isoprène, 26 parties de styrène, 180 parties d’eau, 5 parties de savon, o,3 partie de persulfate de potassium qui est le catalyseur de copolymérisation de l’isoprène et du styrène, et 0,2 partie de mercaptan qui régularise l’action polymérisante. Ce- mélange est agité dans un réacteur pendant i4 h, à la température d’environ 5o° C. On obtient ainsi un caoutchouc synthétique qui a une résistance à la traction d’environ 270 kg/cm2, qui peut s’allonger de sept fois sa longueur et dont réchauffement dans un pneu est inférieur d’une dizaine de degrés à celui d’un pneumatique à base de GR-S fournissant le même service.
- G. Génin.
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- LE GRAND-NORD CANADIEN
- lre traversée
- du “ Passage d’Ouest en
- du Nord-Ouest ”, Est
- Le continent américain se continue vers le nord par un immense archipel, formant barrière entre l’Atlantique et le Pacifique. Celle-ci fut franchie, il y a juste un siècle, après bien des efforts héroïques et infructueux. Depuis, toutes les îles furent découvertes, explorées, cartographiées, puis le Canada en prit la charge, grâce à un corps spécial de police montée dont les exploits sont devenus légendaires.
- Tant d’écrits ont paru sur ce Grand-Nord canadien, tant de récits épiques ont choisi ses décors pour lieux d’aventures, qu’assez inexacte peut être la représentation que l’on s’en fait. Forêts impénétrables que hantent seulement d’audacieux tra-peurs ou des aventuriers en quête d’or, mornes solitudes de blancheurs glaciaires où glisse le traîneau d’un esquimau taciturne,-à cela se ramène trop souvent le tableau que l’on en dessine.
- Dans cet immense territoire du Nord canadien, il convient d’abord de distinguer les régions occidentales boisées et montagneuses, semées de nombreux lacs et rivières et les zones orientales, généralement dénudées, couvertes seulement de mousses et de buissons bas, l’ensemble constituant les Territoires du Nord-Ouest (1).
- Le climat présente d’importantes A'ariations et c’est aux abords de la rivière Mackenzie qu’il est le moins rigoureux. La température moyenne ne dépasse o° que durant un temps très court, en été. Les écarts sont considérables et si l’on y a relevé parfois les plus basses températures de tout le Nord américain, on y a noté également des maxima de température voisins de + 38° C., permettant une éclosion florale brusque et brève. La région du nord-est et l’archipel arctique ont un climat véritablement polaire; l’été y est court et froid. Les terres de l’ouest subissent un hiver aussi rigoureux, mais l’été y est beaucoup plus chaud, parfois aussi doux que dans les zones les plus méri- ' dionales du Canada.
- Le climat arctique se fait sentir bien au-dessous du Cercle polaire, sur la côte orientale de la baie d’IIudson, jusqu’à la latitude de 57° environ et sur sa rive occidentale à la latitude de, 6i° dans le district de Keewatin. Par contre, vers le nord-ouest, à Aklavik, à l’embou-
- 1. Le Nord canadien occupe un tiers de la superficie du Canada. 11 comprend la partie septentrionale du continent et le vaste groupe d’iles qui s’étend jusqu’au pôle nord. Ces étendues sont divisées administrativement en territoire du Yukon et Territoires du Nord-Ouest.
- chure du Mackenzie, c’est jusqu’au 68° lat. N., soit à quelque 200 km au nord du Cercle polaire, que s’étend la zone du climat sub-arctique.
- L’intérêt des caractères climatologiques de ces immenses territoires résulte de leur situation géographique et stratégique, au carrefour des principales routes aériennes de l’hémisphère nord. Aussi le service météorologique du Canada et le corps royal canadien de signalisation ont établi des stations d’observations, éparpillées çà et là, dont certaines restent isolées toute une année et ne sont ravitaillées que par brise-glaces. De nouveaux postes sont ou seront très prochainement installés à Goose Bay (Labrador), à la Terre de Baffin, à l’île de Southampton, à Baker Lake, dans les Territoires du Nord-Ouest. Une autre station sera édifiée à 6oo km du pôle, sur l’île d’Ellesmere (fig. i). Toutes ces stations sont reliées par T.S.F. avec le grand centre de Fort-Churchill (baie cl’Hudson), ville de planches où sont rassemblées toutes les données recueillies.
- Ces immensités sont à peu près vides puisque, Yukon et Terri toires du Nord-Ouest réunis, la population ne dépasse pas 25 ooo âmes, compte tenu de 6 ooo Indiens (dont 3 186 pour le Nord-Ouest) et 7 5oo Esquimaux, alors qu’en 1891, elle oscillait autour de 100 ooo habitants. Les Esquimaux occupent les territoires situés à la lisière septentrionale du continent et les rivages de plusieurs des îles de l’archipel arctique et de la baie d’Hudson, par groupes de deux ou trois familles régies par un chef. Ces groupés ne se rencontrent guère que pour les échanges des produits de la chasse. Population errante, elle tire nourriture et vêtements des poissons (truite saumonée, morues...), des phoques, morses, ours polaires et caribous dont est faite la misère
- ou la prospérité des ans. Cependant, aux abords du delta du Mackenzie, les.Esquimaux sont plus civilisés.
- Quant aux Blancs, ils comprennent en majeure partie ceux que la fièvre des prospections minières a gagnés, les gendarmes de la Police Montée, des médecins, des missionnaires, des commerçants faisant la traite des fourrures et quelques agents des transports ou du Gouvernement fédéral, le plus grand n o m bre d’entre eux résidant, d’ailleurs, dans le district du Mackenzie.
- Dans tout le Canada septentrional, c’est le Yukon et la zone occidentale des Territoires du N ord-0uest dont l’évolution a été la plus remai'quable. La cause en est la présence de
- Fig. 1. — Un aspect du Grand-Nord.
- Photographie aérienne d’un immense glacier survolé par un avion de la Marine américaine, dans la région de la terre de Peary, au nord du Groenland, par 83°6' N. et 33°30' W., au retour d’un raid de 2 250 km.
- (Services américains d’information).
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- Fig. 2. — Vue aérienne d’un centre minier dans le Grand-Nord : Yellousknife (Territoires du Nord-Ouest).
- (Photo Ministère des Ressources et du développement économique du Canada).
- gisements d’or, d’argent, de plomb, de cuivre, de tungstène et de pétrole. Depuis iq33, on extrait de la pechblende de la mine Eldorado, sur le grand lac de l’Ours. Fourrures, poissons, bois transformable en pâte à papier y abondent. Le commerce des pelleteries a d’ailleurs longtemps constitué l’essentiel des transactions (fig. 2).
- La police du pôle.
- Administrativement, les Territoires du Nord-Ouest dépendent d’Ottawa. L’ordre y est maintenu et la loi appliquée par l’admirable corps de la Police Montée royale canadienne dont certains postes sont installés bien au nord du Cercle arctique. Parce que l’un de ses membres vient de réussir le magnifique exploit de relier l’ouest à l’est par le redoutable passage du nord-ouest, nous ne saurions mieux faire que rapporter brièvement ce que fut et ce qu’est aujourd’hui ce corps d’élite.
- En 1873, le Gouvernement fédéral décidait la constitution d’une gendarmerie destinée à faire respecter la justice dans les territoires nouvellement acquis, concédés par la Compagnie de la Baie d’Hudson et s’étendant de la Rivière Rouge aux Montagnes Rocheuses et des États-Unis aux forêts de la Saskatchewan septentrionale. Leur exploitation ne pouvait être envisagée tant que ne serait pas endiguée la turbulence des Indiens. Trois cents hommes y furent donc détachés... Deux ans plus tard, la paix régnait, grâce à l’intervention mesurée de ces conquérants pacifiques dont la> romanesque tunique rouge et or allait désormais devenir symbole d’héroïsme et d’humanité (fig. 3).
- Des heures graves, il y en eut pourtant aux jours sombres des insurrections, mais force resta à la loi. Il y eut bien aussi la ruée vers l’or sur les territoires du Yukon, mais, là encore, la police endigua le flot hétéroclite qui déferlait (fig. à''
- Dès igo3, elle étendait son champ d’action jus-
- qu’au Grand Nord et sa sphère d’influence prenant pied sur la ligne du Cercle polaire s’étirait en un triangle dont le sommet s’avançait vers le pôle.
- Les transformations opérées dans son organisation pour la faire profiter de tous les progrès techniques mettent bien en valeur l’importance du rôle attribué à cette formation, dont les activités s'étendent à un territoire aussi vaste que l’Europe. Des laboratoires scientifiques lui ont été confiés, des navires lui sont attribués, des postes de T.S.F. relient toutes les stations. Elle possède une section de marine et d’aviation, cette dernière affectée plus particulièrement aux diverses missions de sauvetage : ravitaillement des postes isolés et transport des blessés et des malades vers les villes.... Les activités multiples de la Police montée canadienne s’étendent aussi bien aux territoires civilisés qu’aux solitudes du Grand-Nord : police, justice, contrebande des stupéfiants, faux-monnayage, contre-espionnage, état civil des indigènes, observations sur les oiseaux migrateurs ou les animaux à fourrures, médecine, courrier, guide des tribus errantes sur la piste des rennes, caribous, boeufs musqués, etc. (fig. 5).
- Les 4 000 te mounties » sont recrutés au choix parmi un très grand nombre de candidats et il faut souvent y attendre 12 ans le deuxième galon.
- Telle est cette phalange toujours fidèle à sa devise : « Maintiens le droit ».
- Vingt-huit mois durant, à bord d’une goélette de la Police montée, l’un d’entre eux vient de courir les glaces de l’Arctique, dans le but de forcer le Grand Passage et il y a réussi.... Pareille fortune avait tenté bien d’autres avant lui... Tous, sauf un, avaient échoué. De leurs diverses tentatives, il faut bien évoquer brièvement l’histoire.
- Le Grand Passage du Nord-Ouest.
- C’est au début du xixe siècle que l’Angleterre voulut trouver au nord du continent américain une route vers le détroit de
- Fig. 3. — Un « constable » de la Police montée royale canadienne en grand uniforme.
- (Photo National Film Board).
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- Behring, le Japon et la Chine, après une indifférence marquée durant des siècles à la suite des déclarations décourageantes de Baffin en 1616. Une première tentative effectuée par John Ross en 1818 échoua. Engagé dans le détroit de Lancastre et l’imaginant barré par une chaîne montagneuse, il ne poussa pas plus avant, malgré les objurgations de son second, William Parry, qui renouvela la tentative l’année suivante avec deux corvettes,
- VHccla et le Griper. Aux abords de l’île Somerset et de la Terre de Baffin, la proximité du pôle magnétique dont il n’était plus distant que d’une centaine de kilomètres rendit vain l’usage de la boussole. Regagnant alors le détroit de Barrow, il reconnut tout un groupe d’îles qui porte aujourd’hui son nom et dont les principales étaient les îles Cormvallis, Bathurst et Melville où il hiverna par des froids atteignant — 48°. La débâcle glaciaire lui permit au printemps de progresser quelque peu. Un second hivernage se révélant impossible, il revint en Angleterre par la même voie.
- Hardi navigateur, Parry devait, mais en vain, rechercher le passage du Nord-Ouest de 1821 à i8a3, en 1824 et en 1827.
- En 1829, John Ross décida de tenter à nouveau sa chance. Prisonnier des glaces quatre ans durant, il ne dut qu’au hasard d’être recueilli par un navire baleinier. C’est à lui que revint la détermination de la position du pôle magnétique, où l’aiguille aimantée oscillant autour de son axe se place perpendiculairement à la surface de la Terre. Puis ce fut la grande ligure de John Franklin qui vint s’inscrire sur la blancheur des neiges. Dès 1819, il avait relevé six ans durant la carte du nord canadien, dans la région à l’ouest de la Baie d’Hudson. A 60 ans, en i845, après avoir parcouru toutes les mers du globe, il sollicita de repartir et reçut le commandement des deux navires Erebus et Terror. Ils emportaient trois ans de vivres.... Trois ans plus tard, ils n’étaient pas rentrés... Alors la fièvre gagna le peuple anglais.... Les uns parcoururent à pied la côte, de la
- Fig. 4. — Paysage du Yukon.
- Une route en construction pour desservir une mine d’or.
- (Photo Ministère des ressources et du développement économique du Canada).
- Fig. 5. Un u constable » de la Police montée royale canadienne enquête dans une tente d’Esquimaux pour les allocations aux enfants.
- (Photo du Service canadien d’information).
- rivière Mackenzie à la Terre Victoria, les autres lancèrent leurs navires dans des hivernages hasardeux, multipliant ç.à et là les dépôts de vivres sauveurs.... L’émotion grandit avec les années. En i85o, dix navires affrontèrent les rigueurs de la mer polaire.... Course héroïque qui s’acheva au seuil de trois tombes creusées dans la rocaille de l’île Beeckey, dans le détroit de Barrow, derniers témoignages du passage de l’expédition.
- Les années s’écoulèrent sans que diminue cette magnifique émulation. Ce n’est pas, en effet, moins de 3o expéditions qui suivirent. Mac Clintock, commandant d’un navire armé par lady Franklin elle-même en 1857, apprit des Esquimaux de la Terre du Roi-Guillaume que VErebus et le Terror fracassés à la côte en cette même année avaient été abandonnés depuis longtemps. A 320 km du continent, Franklin et 24 de ses compagnons avaient rendu l’âme en 1847; cent hommes restaient qui partirent vers le sud l’année suivante.... Cent cadavres jalonnèrent bientôt la route douloureuse d’un retour sans espoir....
- C’est en i85o que fut reconnue par Mac Clure l’existence certaine d’un passage qu’en vain, après trois hivernages, il dut renoncer à forcer.
- Parry, Franklin, Mac Clure, Collinson, autant de valeureuses figures que la chance n’avait pas servi, alors qu’elle devait sourire à Roal Amund-sen. Nanti de cinq années d’approvisionnements, la Gjba, petit cotre de 47 t. à faible tirant d’eau, à moteur à pétrole, partit sous son commandement le 17 juin igo3. Des circonstances favorables ramenèrent sans encombre à la Terre du Roi-Guillaume, dans une petite baie bien abritée qu’il baptisa Port-Gjoa, où il décida d’hiverner afin de poursuivre des observations scientifiques dont il rassembla le faisceau le plus homogène qui ait été réuni jusque-là. Démonstration fut ainsi apportée des déplacements du pôle magnétique. Vingt-trois mois durant, l’équipe poursuivit ses recherches, soumise tour à tour aux rigueurs d’un froid polaire quand le thermomètre accusa
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- — 6i°, et aux clartés transparentes d’un été dont la température atteignait parfois + 25°. Un nouvel hivernage les immobilisa près de l’embouchure du Mackenzie, mais en août 1906, la mer libre jusqu’au détroit de Behring, permit au vaillant petit navire d’achever sa course, ayant pour la première fois traversé d’Est en Ouest le fameux Passage, durant des siècles objet de tant de convoitises héroïques.
- Il restait à passer en sens inverse, du Pacifique à l’Atlantique. C’est à la Police montée Royale Canadienne qu’il échut de tenter et de réussir cette entreprise aux risques innombrables....
- (à suivre).
- Pierre Gauroy.
- RAIL ET ROUTE
- Dans le volume qui vient de paraître, L'année jerroviaire 1951 (1), M. A. Sauvy, directeur de l’Institut national d’études démographiques, a publié une fort intéressante étude, intitulée « Transports et progrès vital », consacrée à la question toujours brûlante de la concurrence du rail et de la route. S’appuyant comme il convient sur les données numériques et les statistiques, M. Sauvy montre d’abord que parmi les Etats européens, la France est celui où circule le plus grand nombre de voitures particulières, à égalité du revenu national, comme le prouve le tableau suivant :
- Revenu national Voitures Voitures
- en milliards de F particulières par milliard de F
- France ....... G 500 1 520 000 234
- Angleterre .... 10 700 2 107 000 198
- Belgique ........... 1 700 215 000 126
- Suède .............. 1 573 192 000 122
- Pavs-Bas ........... 1 240 120 000 97
- Suisse ............. 1 300 125 000 96
- Parmi les progrès de ce siècle, il souligne l’importance des transports. En 1790, on ne comptait pas plus de 260 000 voyageurs par an en France (2) ; en i85o, au début des chemins de fer, 80 pour 100 de la population était rurale, en grande partie de très basse condition et sans besoins de déplacements. Aujourd’hui, ces besoins sont devenus énormes, du fait des agglomérations dans les villes, du fait aussi du désir des masses d’accéder aux commodités jusqu’alors réservées au petit nombre. Il en résulte qu’il faut assurer le transport de quantités toujours croissantes de voyageurs et de marchandises.
- Des moyens actuels, l’avion a pour lui la vitesse qui équivaut à diminuer les distances, mais il a une faible capacité de transport et le débit des aérodromes est très faible si l’on veut y assurer la sécurité. Les temps perdus entre les villes et les aérodromes font perdre le temps gagné en vol quand il s’agit de voyages aussi courts que ceux à l’intérieur de la France.
- La route apparaît très supérieure. En choisissant la plus moderne et la plus parfaite, l’auto-route de l’Ouest, on lui trouve un débit maximum observé de 3 317 véhicules à l’heure, par un beau dimanche. Lorsque sa branche sud sera en service, elle pourra débiter sur chacune de ses trois voies 1 600 à 1 700 voitures, soit en tout environ 5 000 véhicules à l’heure. Chaque voiture particulière étant occupée en moyenne par 2,5 voyageurs, la capacité de transport atteindra 12 5oo personnes, seulement dans les meilleures conditions (beau temps, bon état du sol, bonne visibilité, habileté de conduite des voitures). * Le rail permet beaucoup plus. Sur la môme largeur que l’autoroute, le chemin de fer occupe'deux voies seulement. A xoo km à l’heure, les trains peuvent s’y .succéder à moins de 3 mn d’intervalle. Chaque train de jour peut être composé de 10 voitures de 3e classe à 80 places, de 4 voitures de 2e à 72 et de 2 de ire à 48, soit offrir 1 i84 places assises. Une ligne à double voie peut donc débiter plus de 47 000 voyageurs à l’heure.
- 1. L’Année ferroviaire 1951. Plon, Paris, 1951.
- 2. Les chemins de fer seuls en transportent maintenant chaque année 600 000 000.
- Ce n’est pas tout. M. Sauvy compare aussi les prix actuels de construction des voies ferrées et des routes. Un kilomètre de voie ferrée double électrifiée (deux voies dans chaque sens) revient aujourd’hui au meme prix qu’un kilomètre de route de môme largeur : 200 millions de francs ; sa capacité de transport est beaucoup plus grande. Les 5 000 automobiles défilant en une heure sur la route nécessitent 5 000 conducteurs pour conduire 7 5oo autres personnes ; dans le môme temps 4o trains portent 47 000 voyageurs avec un personnel très réduit.
- . Le chemin de fer n’est donc pas près de mourir et est fort loin d’ôtre battu par la route. Son importance, sa nécessité éclatent dans les lieux et les périodes de transports de masses, par exemple aux dates des fêtes, au début et à la fin des vacances scolaires, à la période des congés payés, ou encore chaque jour de travail dans les centres urbains. En 1949, la S.N.G.F. a délivré 4 354 000 billets populaires de congé annuel et 256 227 000 abonnements hebdomadaires de travail.
- Paris pourrait servir d’exemple. 35o 000 voitures automobiles y sont déclarées. Heureusement, elles ne circulent pas toutes simultanément, sinon elles seraient arrêtées par leur nombre; il n’est que de voir aux portes de Paris les embouteillages au soir des beaux dimanches d’été, ou encore ceux des grandes voies du centre quand une défaillance des transports publics fait sortir les voitures particulières des garages. Ces voitures sont encombrantes : le voyageur y occupe 25 fois plus de place que dans un transport collectif. En une heure d’affluence, le Métropolitain « débite » sur une plate-forme de 8 m de large, 5o 000 voyageurs au moyen de trains de 1 600 places (11 voitures de i5o places ou 8 de 200) se succédant toutes les deux minutes. En surface, il faudrait pour le même débit quatre lignes parallèles d’autobus, soit une chaussée de i5 m de large pour chaque sens, et des voitures de 70 places se succédant à 20 s d’intervalle; leur défilé deviendrait impossible dans une voie ordinaire servant à d’autres véhicules. Le même trafic ne pourrait être réalisé avec des voitures particulières qu’en les faisant circuler à 5 s d’intervalle sur une chaussée de 4o pistes, soit de i5o m de large pour chaque sens ! Enfin, ces 5o 000 voyageurs, supposés arrivés à destination, ne pourraient garer leurs voitures qu’en occupant tout un quartier de Paris (1 600 maisons de six étages équipées en garages).
- La conclusion qui s’en dégage est que l’automobile particulière est sans doute un moyen de transport commode et agréable pour un petit nombre, le car un précieux moyen de voyage collectif à petites et moyennes distances, notamment pour relier les villes et les gares en dehors des voies ferrées, le camion, un transporteur, collecteur et répartiteur de marchandises à domicile; mais aucun ne pourrait assurer le service des chemins de fer, les transports massifs et massiques, les énormes mouvements des foules des grandes villes et des grands jours, les expéditions de marchandises encombrantes, pondéreuses, souvent de faibles valeurs. Il convient donc de chercher un équilibre entre rail et route, de les considérer plus comme complémentaires que comme concurrents, de leur faire à chacun une part, en l’attente des progrès à venir.
- A. B.
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- Le plus ancien
- livre sur les gîtes
- minéraux
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- Fig. 1. — Recto du folio 2. Incipit. Fig. 2. — La feuille de titre du Bergbüchlein
- de ISOS (légèrement réduites).
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- Fig. 3 à 6. — Comparaison de quelques figures de l’édition de ISOS avec les figures correspondantes reproduites par Daubrée.
- Les unes et les autres sont présentées à leurs dimensions exactes, les grandes étant celles de 1505 et les petites, celles de Daubrée.
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- Fig. 3. A gauche : Édition de 1505 : recto du folio 4 [a i/jj
- et à droite : Daubrée (p. 388).
- A la demande de Mlle G. Dollfus, bibliothécaire en chef à l’École Nationale Supérieure des Mines, j’ai constitué récemment, dans notre bibliothèque, une réserve de livres anciens et rares; au cours de ce travail,, j’ai pu retrouver, parmi les livres provenant du legs Daubrée, un petit opuscule qui m’a immédiatement paru d’un grand intérêt, tant du point de vue de l’histoire de la technique minière que de celui de la bibliophilie pure : il s’agit du Bergbüchlein, reconnu unanimement, comme le plus ancien ouvrage imprimé traitant de la genèse et de la recherche des gîtes minéraux, bien antérieur au De Re Metallica d’Agricola, qui le cite d’ailleurs à plusieurs reprises.
- L’édition de notre exemplaire est d’Erhardt Ratdolt, à Augsbourg, en i5o5 (x).
- Je faisais une étude bibliographique de ce curieux petit traité et j’avais trouvé, le concernant, des articles très détaillés, notamment de H. von Dechen et de Daubrée, lorsque parut, en 19/19, un ouvrage américain, clair et bien présenté, consacré à l’historique du Bergbüchlein,
- 1. Erhardt Ratdolt (1444-1528) fut un des premiers imprimeurs d’Augsbourg. Après un séjour assez long à Venise, il revint s’installer définitivement en 1486 dans sa ville natale.
- Fig. 4. — A gauche : Édition de 1505 : verso du folio 5
- et à droite : Daubrée ip. 389).
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- Fig. 5. — A droite : Édition de 1505 : verso du folio 7
- et à gauche : Daubrée (p. 390).
- à ses éditions successives et à leur comparaison (1).
- 11 est indiscutable que le travail de Mrs. A. G. Sisco permet de coordonner aisément les diverses notions relatives au Bergbiichlein (2). Toutefois, nous avons dû constater qu’il ne faisait pas mention de l’édition de i5o5, non plus que d’un article que Daubrée consacra à cette édition, dans le Journal des Savants de 1890 (3).
- Cette lacune m’a incitée à publier une mise au point qui, je l’espère, éclaircira et complétera ce que l’on sait déjà à ce sujet. Je m’en tiendrai uniquement à l’édition de i5o5, considérée généralement comme la première édition. Je rappellerai d’abord comment elle était connue dans le passé et ce qu’en disent les anciens auteurs.
- 1. Sisco (Anneliese Grühaldt) and Smith (Cyril Stanley). Berg-Werk-und' Prôbierbüchlein. A translation from the German ot tlie Bergbiichlein, a sixteonlh-century book on mining geology... and of tlie Prôbierbüchlein, a sixcentli-ccntury work on essaying... New-York, the American Institute of Mining and Metallurgical Engi-necrs, 1949, 1 vol. in-8°.
- 2. Je rappelle brièvement que, en dehors de celle de 1505, les autres éditions connues sont : une édition non datée dont un exemplaire se trouve à la Bibliothèque Nationale, et les éditions de 1518 (Worms), 1527 (Erl'urt), 1533 et 1535 (Frankîurt-am-Main). Cee deux éditions comportent, conjointement, le Prôbierbüchlein), 1534 et 1539 (Augsbourg).
- 3. Daudhei; (Gabriel Auguste). La génération des minéraux métalliques dans la pratique des mineurs du Moyen Age, d’après le Bergbüchlein-Journal des Savants, 1890, pp. 379-392 et 441-452, fig.
- Fig. 6. — A droite : Édition de 1505 : recto du folio 9 et à gauche : Daubrée (p. 391).
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- Histoire de la connaissance du « Bergbiichlein »
- de 1505.
- A la demande de Daubrée, devenu possesseur de ce pet.i livre qu’il avait trouvé à Strasbourg, H. von Dechen avait fai des recherches très approfondies dans les principales bibliothè
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- ques allemandes pour retrouver trace de cet ouvrage et, si possible, de cette édition, Il publia, en i885, les résultats de ses investigations (x), ainsi qu’une reproduction intégrale du texte de i53g (Augsbourg, Heinrich Steyner). Mais en dépit de tous ses efforts, il ne put jamais retrouver l’édition de Ratdolt. Il cite toutefois d’anciens ouvrages de référence, datant essentiellement du xvine siècle, où cette édition était explicitement mentionnée (2).
- Devant ce fait, Daubrée songea tout naturellement à faire paraître, à son tour, une étude détaillée de son exemplaire et, comme le sujet du Bergbiichlein lui semblait particulièrement digne d’intérêt du point de vue de l’histoire de la technique, il en donna également une traduction française (3). Pour ce faire, il s’assura la collaboration d’un ingénieur de Coblentz, le Dr Gurlt.
- Or, si l’on confronte les textes, il semble que ce dernier n’eut jamais en mains l’exemplaire de Daubrée et qu’il dut faire sa traduction sur le texte de i53g, présenté intégralement par von Dechen dans son article de i885.
- Donc Daubrée, seul détenteur de cette fameuse édition que les anciens auteurs mentionnent sans l’avoir jamais vue, n’en donne cependant pas une traduction fidèle.
- La Bibliothèque de l’École Nationale Supérieure des Mines de Paris, ayant reçu en legs la bibliothèque de ce savant et ayant ainsi la bonne fortune de posséder ce spécimen unique du Bergbiichlein de i5o5, j’ai cru utile d’en donner une description bibliographique aussi fidèle et complète que possible, et d’y adjoindre des reproductions photographiques des pages et des gravures les plus significatives. De plus, je me suis efforcée de mettre au point la question de l’édition présentée réellement par Daubrée en i8go, en montrant ses différences avec l’exemplaire de i5o5.
- Description bibliographique du « Bergbiichlein » de 1505.
- C’est un petit livre de format in-4° (ig3 mm sur i34 mm), sur papier vergé, comprenant 17 feuillets non chiffrés. Il est écrit en caractères gothiques réguliers et de lecture facile; la mise en page est soignée : on y sent nettement le travail d’un imprimeur habile et évolué tel qu’était Erhardt Ratdolt. Les caractères des titres des dix chapitres sont de même corps que le reste du texte. Les lettres initiales sont en plus gros caractères. En général, les paragraphes sont séparés par des mouches [ ff ] et non par des mises à la ligne.
- L’ouvrage est illustré de i3 gravures sur bois dont le détail et la disposition seront donnés plus loin.
- Page de titre. — La figure 2 reproduit la page de titre. Voici la traduction de ce dernier :
- « Un petit livre bien ordonné et utile : Comment il faut « chercher et trouver des mines des divers métaux qu’engen-« drent les sept planètes et sur lesquelles elles agissent, cha-« cune selon sa nature et son influence, d’après l’émanation « dirigée contre le levant et le couchant, midi et minuit. Aussi « comment la facilité à découvrir le filon dans les mines est « fonction de la situation des montagnes, ainsi que cela est
- 1. Von Dechen (H.). Das atteste deutsche BergNverksbuch. — Zeitschrift für Bergrecht, Bd 26, 1885, pp. 219-274, fig.
- 2. Annales Typographiae Augustanae ab ejus origine MCCCCLXVI usque ad annum MDXXX. Accedit dom. Franc. Antonii Veith Diatribe de origine et incrementis artis typographicæ in urbe augusta vindelica. Auguste Yinde-ticorum, impensis Alb. Fried. Bartholomæi, 1778, X, p. 23.
- (Il est probable qtie Antoine Veith a vu réellement, l’édition de Ratdolt, mais, après lui, les auteurs ne la connaissent plus que par ouï-dire et la citent avec une extrême prudence).
- Zapf (Georg Wilhelm). Augsburg’s Buchdruckergeschichte. Augsburg, bey Conrad Heinrich Steyn, 1788-1791, 2 vol. Voir Teil II, p. 50.
- 3. Daubbée. Op. cit.
- « expressément montré avec figures et texte; et s’il y avait à u partager quelque mine entre diverses personnes, alors ce petit « livre expliquerait la distribution des parts minières. Ainsi est « indiquée la manière de se renseigner sur les mines de tou&
- « les pays, comme il suit dans ce petit livre. »
- Sous ce titre vient se placer une gravure, que nous retrouvons-presque identique dans l’édition de Worms (i5i8) et qui représente des mineurs au travail. Ce document iconographique nous permet de préciser la forme du costume des mineurs allemands au début du xvie siècle, celui-ci ayant d’ailleurs assez peu changé au cours des siècles suivants (1). Il nous donne, d’autre part,, une première idée des méthodes de travail de cette époque, préfigurant ainsi les illustrations beaucoup plus détaillées et intéressantes du De Re Metallica, de Georg Agricola.
- Incipit. — Au recto du folio 2, se trouve l’incipit dont la première lettre est grar-ée sur bois et ornée (fig. 1) :
- « Daniel le Connaisseur de mines : sur ta demande empres-« sée et ton désir longtemps persévérant, j’ai songé à préparer « un petit opuscule traitant des minerais métalliques... ».
- Explicit et Colopiion. — Au recto du folio 17, se trouve d’abord l’explicit (fig. 7), dont voici la traduction : u ... [Da-« niel] : Ainsi, je te dirai avec quel fondant il faut opérer la « fusion des minerais sulfureux, celle des minerais fusibles,.
- « sauvages [sic], à gros grains et à grains fins. Ainsi soit-il » (2),
- Le eolophon ou adresse bibliographique proprement dite vient immédiatement au-dessous :
- « Erhardt Ratdolt a imprimé ce petit livre à Augsbourg. On « compte, après la naissance du Christ, i5o5, le sixième jour « de mai ».
- Illustrations. — Les 13 gravures sur bois qui illustrent l’ouvrage comprennent, outre celle de la page de titre, déjà mentionnée (p. 187, fig. 2), une reproduction schématique du cercle magnétique, d’une part, et de la boussole, d’autre part,. 10 figures représentant les dispositions diverses des filons métalliques dans le sol et la concrétisation de l’influence des planètes sur chacun d’eux (Witterung).
- A l’exception des figures du cercle magnétique et de la boussole, ces gravures ont toutes été repeintes, de couleurs d’ailleurs-simples : bleu, jaune, rouge, vert et gris.
- Problèmes divers posés par le « Bergbiichlein » de 1505.
- A la suite de cette description, on peut, dès maintenant,, constater que la traduction donnée par Daubrée ne s’applique-pas exactement au texte de l’édition de i5o5.
- On remarquera d’abord que le titre est infiniment plus long-et plus détaillé que celui dont Daubrée donne la traduction ; cette dernière correspond textuellement aux titres des trois éditions de Worms (i5i8) et Augsbourg (i534 et i53g).
- Il faut reconnaître d’ailleurs que le texte de i5o5 lui-même,, jusqu’à l’explicit, est absolument identique, on peut dire phrase-par phrase, à celui des éditions qui ont suivi, notamment de l’édition de i53g que von Dechen a retranscrite intégralement’
- 1. On peut facilement s’en rendre compte en examinant les figures desouvrages suivants :
- a) Schwazer Bergbuch, 1556 [Codex FB 4312], conservé au Tiroler Landes-Muséum Ferdinandeum, à Innsbruck.
- b) Agricola (Georg). De Re Metallica. Bâle, Froben, 1556. 2° édition,. 1657.
- c) Lohneyss (Georg Engelhardt). Bericht vom Bergkwerck. Impr. à Zel-lerfeldt, 1617.
- 2. Cette phrase annonce un autre opuscule, paru aussi au xvi' siècle, mais postérieurement, le Probierbüchlein, traitant de la préparation desminerais.
- Comme le Bergbüchlein, cet ouvrage a été étudié, en 1949, par Anneliese-G. Sisco et Cyril S. Smith. Op. cit.
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- dans son article de 1880 ; les variantes, à peu près exclusivement orthographiques ou dialectales, ne modifient en rien le sens général du texte et ne portent pas atteinte à la conformité de la traduction. Il n’est donc pas étonnant que la traduction française donnée par Daubrée corresponde parfaitement au texte de i5o5.
- Mais, à partir de l’explicit, tout change à nouveau. L’édition de Ratdolt s’arrête, comme je le montrais dans l’explication bibliographique, au projet de Daniel le connaisseur de mines d’expliquer à son jeune apprenti les procédés de fusion des minerais.
- Or, la traduction de Daubrée ne s’arrête pas là. Il ajoute même : « ... Après ce dixième chapitre, vient une explication « des termes techniques qui concernent l’art des mines et la « métallurgie ».
- Ce répertoire technique apparaît seulement dans les éditions postérieures et, si nous n’en étions déjà persuadés, cette importante remarque suffirait à nous démontrer que la traduction française n’a pas été faite sur l’édition de i5o5.
- L’étude comparative des figures reproduites par Daubrée et de celles existant réellement dans l’édition de Ratdolt ne fait que confirmer cette conviction.
- Les figures 3 à 6 où j’ai représenté, couplées, les gravures correspondantes, dans ces deux textes, montrent assez que Daubrée n’a pas fait reproduire les véritables figures de son exemplaire.
- D’autre part, si on compare les figures de Daubrée avec celles données par H. von Dechen et correspondant à l’édition de i539 (Augsbourg), on constate une parfaite identité.
- En résumé, de même que le texte avait été vraisemblablement traduit d’après la publication de l’édition de i53q faite par von Dechen, de. même les ligures semblent aussi la simple reproduction des gravures données par cet auteur.
- *'
- * #
- Je ne reprendrai pas en détail l’étude du Bergbiichlein. du point de vue des idées et des théories. En effet, cette étude a été faite de façon tout à fait soigneuse et approfondie par Daubrée qui s’est attaché à mettre en valeur la croyance des savants de cette époque en une influence indubitable des planètes sur la formation des gîtes minéraux et métallifères et qui a retracé l’histoire de la persistance de cette croyance, d’origine orientale (plus précisément babylonienne), à travers les siècles qui ont suivi, même jusqu’au xviii6 siècle.
- La partie la plus positive de cet ouvrage, constituée par les indications et recommandations relatives au partage des mines et à la répartition des parts minières (Kuxe), a été analysée de façon détaillée par LI. von Dechen. Il est évident que ce chapitre donne une idée de la législation minière de cette époque en Saxe et qu’il présente, de ce fait, un intérêt historique indéniable.
- *
- * *
- Un dernier point reste à éclaircir : l’édition de 1505 est-elle la première édition du, Bergbüchlein ?
- • Nous savons qu’il existe une édition non datée dont un exemplaire se trouve à la Bibliothèque Nationale et un autre à la Staats- und Stadtbibliothek d’Àugsbourg. J’ai eu entre les mains
- le premier d’entre eux et j’ai pu ainsi le comparer avec notre exemplaire de i5o5.
- A première vue, le volume de la Bibliothèque Nationale offre un aspect plus fruste et plus primitif que l’édition de Ratdolt. Son format est plus restreint (in-8°), ses marges plus étroites. Les caractères gothiques, tout en demeurant très lisibles, sont beaucoup plus grossiers et moins harmonieux à l’œil que ceux de Ratdolt. Le texte lui-même est sensiblement identique et ne comporte pas, non plus, à la fin, de répertoire des termes miniers et métallurgiques. Quant aux gravures, également au nombre de i3 en comptant celle de la page de titre, mais non repeintes à la main, elles correspondent exactement à celles de l’édition de i5o5, mais elles sont infiniment plus primitives et moins soignées et on ne retrouve pas en elles ce souci de réalisme, notamment dans la façon de représenter les arbres et la végétation, qui existe dans les gravures de notre exemplaire.
- Donc il n’est pas étonnant que l’on ait pu considérer cette édition non datée comme un véritable incunable Q). En fait, après des examens plus approfondis, on ne s’en est pas tenu à cette affirmation et les grands, répertoires actuels qui la mentionnent, la reportent plutôt au xvie siècle. Certains même ont cru pouvoir l’attribuer à Martin Landsberg, à Leipzig et, précisant encore davantage, placer sa date de parution entre i5o5
- et i5io (2).
- ' ............. • Sans être aussi affirma-
- tif — les identifications des petites plaquettes gothiques de cette époque sont toujours extrêmement délicates et hasardeuses —, il- faut toutefois éviter de se laisser influencer par l’aspect primitif de la publication et ne pas oublier que certaines éditions Allemandes sont restées longtemps très archaïques et ont conservé des caractères d’incunabilité pendant une bonne partie du xvie siècle.
- En ce qui concerne plus spécialement les exemplaires qui nous intéressent, le Bergbüchlein non daté et celui de i5o5, je présenterai une hypothèse qui m!a été inspirée par Mlle Dollfus et à laquelle, après examen comparatif des deux éditions, je souscris entièrement.
- Il est extrêmement probable que la première édition du Bergbüchlein est bien celle présentée par Erhardt Ratdolt en i5o5. Elle aurait ensuite été reproduite, avec quelque maladresse, par un éditeur de second ordre, peut-être Martin Landsberg, qui .aurait ainsi réalisé une petite plaquette d’usage courant et se serait peu soucié de signer une copie, à ses yeux sans valeur artistique.
- *
- * *.
- Je dois, en terminant, adresser mes remerciements à Mlle G. Dollfus pour les précieuses indications qu’elle a bien voulu me donner au cours de mon travail.
- P.-M. Guelpa,
- Bibliothécaire-adjointe à l’École Nationale Supérieure des Mines.
- 1. Pellecret (Marie). Catalogue général des Incunables des bibliothèques publiques de France. Paris, A. Picard,' vol. 1, 1897, p. 501.
- 2. Le Gesamtkatalog der Wiegetidrucke (Leipzig, Bd. III, 1928), sans d’ailleurs rien affirmer, penche assez volontiers pour l’attribution à Martin Landsberg, à Leipzig et, en tout cas, pour une date postérieure à 1500.
- Même incertitude, mais avec localisation probable au xvi” siècle, chez Sciireiber (W. L.). Manuel de la gravure sur bois et sur métal au xv° siècle. Leipzig, vol. 5, 1910.
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- Fig'. 7. — Le dernier folio avec l’explicit et le colophon (nom et adresse de l’éditeur).
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- LE CIEL EN JUILLET 1951
- SOLEIL : du 1er au 3i au déclinaison décroît de + 23°9' à + 18°25' ; la durée du jour passe.de iGh4m le 1er à loh"m le 3î ; diamètre apparent le 1er = 31'30'';7, le 31 = 3i'33"7 ; apogée le 4 à 20h. — LÏÏHE : Phases : N. L. le 4 à 7ll48m, P. Q. le 12 à 4h5Gm, P. L. le 18 à 19h17m, D. Q. le 25 à 18h59m ; apogée le 3 à 4h, diam. apparent 29'24" ; périgée le 17 à 23h, diam. apparent 33'22". Principales conjonctions : avec Mars le 3 à 7h34m, à 4°11' S. ; avec ITranus le 4 à 3h39m, à 4°10' S. ; avec Mercure le a à 7h40m, à 1°5G' S. ; avec Vénus le 8 à 8h27m, à 0°34' S. ; avec Saturne le 10 à 15h36m, à 4°9' N. ; avec Neptune le 12 à 4h27m, à 5°10' N. ; avec Jupiter le 24 à 12M9m, à 4°47' S. ; avec TJranus le 31 à 13h2m, à 4°9' S. Principales occultations : de t Scorpion (2m,9) le 15, émersion à 20h45m,9 ; de i Verseau (4m,4), immersion le 20 à 23h40m,2, émersion le 21 à 0h50m,0 ; de s Bélier (4m,G) le 27, émersion à lh32™,l. — PLANÈTES : Mercure inobservable ; Vénus, magnifique étoile du Berger, plus grand éclat du soir le 29, se couche le 24 à 21h2mj diamètre app. 35",0 ; Mars, dans les Gémeaux, inobservable ; Jupiter, dans les Poissons, visible lé matin, se lève le 12 à 23h0m, diamètre polaire app. 38",7 ; Saturne, dans la Vierge, se couche le 12 à 22h42m, diamètre polaire app. 15",1, anneau : gr. axe 38",0, petit axe 1",3 ; TJranus,
- dans les Gémeaux, inobservable ; Neptune, dans la Vierge, se couche le 30 à 22hom, position 13hom et — 5°iT, diamètre app. 2",4. — ÉTOILES FILANTES : Përséides : commencement de l’essaim le 7, radiant initial vers o Cassiopée ; Aquarides, du 23 au 30, radiant vers 5 Verseau. — ETOILES VARIABLES : Minima observables A’Algol (2m,2-3m,5) : le 9 à oh,S, le 12 à 2h,5, le 14 à 23h,5, le 17 à 20h,3 ; minima de (3 Lyre (3m,4-4m,3) : le 18 à 5h,S, le 31 à 4h,l ; maxima : de R Aigle (5m,5-llm,8) le 24, de R Hydre (3m,5-J0“,l) le 27. — ETOILE POLAIRE : Passage supérieur au méridien de Paris : le 10 à GIl30m16s, le 20 à oh51mlls, le 30 à 5M2m5s.
- Phénomènes remarquables. — Conjonction de Vénus et de Régulus (a Lion) le 7 à 10h, l’étoile à 0°2' S. — Occultation de x Scorpion le 15, à suivre à la jumelle. — Plus grand éclat de Vénus le 29. — Etoiles filantes Aquarides, maximum le 28.
- (Heures données en Temps universel ; tenir compte des modifications introduites par l’heure en usage).
- G. Fournier.
- LES LIVRES NOUVEAUX
- Cours de calcul matriciel appliqué, par M. Denjs-Papin et A. Kaufmann. 1 vol. in-8°, 304 p., fig. Albin Michel, Paris, 1951.
- Cours de mathématiques supérieures appliquées à l’usage des élèves de l’enseignement scientifique et technique, des ingénieurs et des officiers des armes spécialisées, comprenant les caractéristiques matricielles, le calcul matriciel infinitésimal, les applications en dynamique des vibrations, les matrices de quadripoles, les applications en résistance des matériaux, l’utilisation des machines mathématiques, un historique et une bibliographie.
- Les grands problèmes de l’astronomie, par
- J. Gauzit. 1 vol. in-8°, 174 p., 25 flg., 16 pl. Dunod, Paris, 1951. Prix : 350 francs.
- Exposé clair et précis des principaux problèmes modernes : applications de l’analyse spectrale à l’astronomie ; dimensions de l’Univers ; la vie est-elle une exception dans l’Univers ? les phénomènes solaires, la variété des étoiles ; l’énergie atomique source de la lumière et de la vie ; qu’y a-t-il entre les étoiles ? La Voie lactée et la Galaxie ; les nébuleuses extra-galactiques et l’expansion de l’Univers ; l’âge de l’Univers.
- La machine à vapeur, par J. Bnocn. 1 vol. in-16, 224 p., 73 flg. Collection Armand Colin, Paris, 1950. Prix : 180 francs.
- Tenant pour acquises les notions générales de thermodynamique, l’auteur expose les propriétés de l’eau fluide actionnant les machines à vapeur. Il effectue son étude thermique, décrit ses cycles dans les moteurs thermiques et termine par l’étude de l’écoulement des fluides, ce qui l’amène jusqu’aux turbines. Une large place est réservée aux données expérimentales et de nombreux graphiques résument les rendements des différents cycles de la machine à vapeur.
- Les armoires frigorifiques à absorption, par P. Degoix. 1 vol., 116 p., 26 flg., 2 dépliants. Girardot, Paris, 1950. Prix : 540 francs.
- Généralités sur les machines à absorption : principe, machines ménagères et diverses à cycle continu, machines à cycle périodique, appareillage auxiliaire. Un chapitre est consacré à la description commentée des réalisations françaises et étrangères.
- Aérodynamique expérimentale, par P. Rebuffet. 1 vol. in-8°, 814 p., 660 flg., 45 pl. Béranger, Paris, 1950. Prix : relié, .4 400 fr.
- Cours professé par l’auteur à l’Ecole nationale supérieure de l’Aéronautique, mis à jour dans une deuxième édition. Il présente l’aspect phy-
- sique des phénomènes, bien que les développements théoriques aient été amplifiés pour tenir compte des acquisitions nouvelles. Après des généralités sur la mécanique des fluides, l’auteur étudie les souffleries aérodynamiques, l’appareillage d’observation et de mesure des écoulements, les corps géométriquement simples, l’aile l’hélice, les avions, les aérodynes à hélices sus-tentatrices. En annexe figurent des monographies de souffleries, des profils d’aile et des tableaux numériques.
- Crystals and the polarising microscope, par. i\. II. IIartsiiorne et A. Stuart. 1 vol. in-8°, 474 p., 312 flg. Arnold et G1”, Londres, 1950. Prix : relié, 50 sh.
- Bien que la diffraction des rayons X ait un peu détrôné l’emploi du microscope pour l’étude des cristaux, les méthodes classiques de cristallographie continuent à rendre d’importants services et à être d’un emploi courant dans de nombreux laboratoires. Ce livre s’adresse surtout aux chimistes. L’auteur passe en revue l’état cristallin, la projection stéréograpliique, la morphologie des cristaux et leurs propriétés optiques, le microscope polarisant, la préparation des objets, l’examen en lumière parallèle et en lumière convergente, les cristaux liquides, les méthodes spéciales et donne quelques exemples d’applications.
- Le microscope électronique et ses applications, par T. Reïs. 1 vol. in-16, 202 p., 50 flg., 10 pl. Collection « La Science vivante ». Presses universitaires de France, Paris, 1951. Prix : 500 francs.
- Le piicroscope électronique a permis d’abaisser la limite de la vision des très petits objets de 0,2 9- à 0,0025 ; il révèle donc des aspects tout nouveaux de la matière. L’auteur explique simplement l’optique électronique, décrit les éléments des nouveaux microscopes, les types qui en furent créés, dans les laboratoires d’abord, puis en séries de types commerciaux. Il dit comment on prépare les échantillons, puis passe en revue les résultats déjà obtenus en chimie, en métallurgie, en biologie.
- Le parfait projectionniste, par G. Fournet.
- 1 vol., 160 p., 46 flg. Collection La technique cinématographique. Film et Technique, Paris, 1950. Prix : relié, 480 francs.
- Destiné aux opérateurs de cinéma, ce petit livre indique tout ce qu’il est nécessaire de connaître du fonctionnement d’une cabine de projection : le film, le projecteur, la reproduction sonore, les haut parleurs, les blocs d’alimentation, la reproduction des enregistrements photographiques, l’enregistrement photographique du son, les prescriptions de sécurité.
- Exercices numériques et graphiques d’électricité (avec solutions ou réponses). Tome I, par M. Mügmer. 1 vol. in-8“, 112 p., flg. Thiers, 1950.
- Problèmes sur les lois simples du courant continu et les réseaux de conducteurs, à l’usage des élèves de l’enseignement technique et du second degré.
- Les récepteurs de radiodiffusion, par Y. Angel. 1 vol., 244 p., 141 flg. Collection de la radiodiffusion française. Eyrolles, Paris, 1950. Prix : 1 300 francs.
- Ouvrage très complet allant des généralités sur la réception à la description des principaux lypes de récepteurs (des appareils à galène jusqu’au superhétérodyne et au synchrodyne). Une troisième partie traite des récepteurs modernes, de leur alimentation, des amplificateurs et de divers dispositifs particuliers tels que les indicateurs visuels d’accord, les limiteurs de parasites, les commandes automatiques de fréquence et de sélectivité, les éliminateurs de brouillage.
- La lampe de radio, par M. Adam. 1 vol., 562 p., 1 100 flg. Librairie de la Radio, Paris, 1950. Prix : 1 000 francs.
- Cet ouvrage renferme les connaissances pratiques sur les lampes électroniques, la théorie du fonctionnement des lampes, la description des types de la diode à la triode-liexode, la cinématique électronique, les lampes spéciales et les cellules.
- Instrument de travail aussi bien pour l’apprenti et l’élève que pour le radioélectricien, l’agent technique et l’ingénieur.
- La combustion du carbone. 1 vol. in-8°, 128 p. Centre national de la Recherche scientifique, Paris, 1950.
- Colloque International tenu à Nancy en septembre 1949 où furent discutées les conceptions actuelles sur la combustion et la réactivité.
- L’hydratation et les phénomènes accompagnant l’hydratation du sulfate de quinine,
- par M. Prost. 1 brocli. 86 p., 23 flg. Service de documentation et d’information technique de l’aéronautique, Paris, 1950.
- Note technique traitant notamment de la fluorescence, de l’hydratation, de l’ionisation par le sulfate de quinine et de son rayonnement ultraviolet.
- Les produits de blanchiment et décolorants,
- par le Dr Maurice de Keghel. 1 vol. in-8°, 327 p., 40 flg. Gauthier-Villars, Paris, 1951. Prix : 900 francs.
- Oxydants comme le chlore ou l’oxygène, réducteurs comme le soufre ou l’acide nitreux, de très
- Le gérant ; G. Masson. — masson et cle, éditeurs, paris. — dépôt légal : 2e trimestre ig5i, n° i3i4. — Imprimé en France.
- BARNÉOUD FRÈRES ET Cle, IMPRIMEURS (3lo566), LAVAL, N° 2372. — 6-IC)5l.
- h
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- N° 3195
- Juillet 1951
- LA NATURE
- LE GRAND-NORD CANADIEN (suite)1 lre traversée du “ Passage du Nord-Ouest ”,
- ffev
- d’Ouest en Est
- L
- a Police mltfâitéç. royale èànàdienne n’est pas qu’un corps de cavaliers. E^47,usé ded^Évion, elle navigue... et même il lui arrive d’at^ë&Qïpîit" de bien plus grands exploits, telle
- la première traversée du Passage du nord-ouest, accomplie par le sergent Larsen et sept « constables ». Leur exploit, aussi grand que celui d’Amundsen, mérite d’être connu.
- Sans phrases, avec une émouvante simplicité, le sergent Henry Larsen, vainqueur du « Grand Passage », a donné de son double voyage une relation à laquelle nous ne saurions mieux faire que de nous référer. En effet si, de 1940 à 1942, il effectua le parcours, jamais réalisé jusqu’alors, de Vancouver à Halifax, en 1944, il relit en sens inverse la même route, qu’Amundsen seul avait auparavant réussi à franchir.
- Le « Saint-Roch » (lîg. 1) fut l’artisan de cette grande oeuvre. Construit en 1928, ce vaillant petit navire de 3i m de long et de 80 tonneaux de jauge avait été spécialement conçu pour la navigation polaire. Onze hivers passés dans l’Arctique avaient révélé et confirmé ses qualités d’endurance. Actionné par un Diesel, il assurait le ravitaillement des postes échelonnés le long de la côte continentale et sur les îles de l’Arctique; il allait à
- 1. La Nature, n° 3194, juin 1951, p. 183.
- Fig. 1. — Le « Saint-Roch », schooner de la Police montée royale canadienne, qui voyagea de Vancouver à Halifax à travers le passage du, Nord-Ouest, en 28 mois.
- (Photo National Film Board).
- l’île Herschel et parfois même jusqu’à la Terre du Roi Guillaume.... Aussi l’homme à qui fut proposée certain jour de 1940, l’invraisemblable équipée de continuer jusqu’à l’Atlan-
- Fig. 2. — L'équipage du « Saint-Roch ». Le sergent A. Larsen, commandant, est le quatrième à partir de la gauche.
- (iCliché Police montée royale canadienne).
- tique accepta-t-il en connaissance de cause tous les aléas et les dangers du brouillard, du blizard et des déprimantes solitudes dans les ténèbres de l’hivernage....
- Huit hommes de la « Police montée canadienne » formaient tout l’équipage. Marins de métier certes; pourtant l’un d’eux dut être débarqué en cours de route, n’arrivant pas à s’adapter.
- Le i3 juin 1940, le « Saint-Roch » quitta Vancouver et mit le cap sur Unimak Pass pour atteindre le Pacifique. Lourdement chargé de i5o t de combustible et d’approvisionnements, le petit shooner allait être parfois presque complètement submergé dans la tempête.
- Le 4 juin, il entrait dans la mer de Behring. Si rude fut la traversée que toute cuisson d’aliments devint impossible et que l’équipage fut réduit, malgré la rigueur de la température, à se nourrir de sandwichs à la viande conservée. Mais Larsen, ce chef aux yeux bleus, aux cheveux blonds cendrés, n’en dit mot dans ses rapports, pas plus qu’il n’évoque l’instant où le « Saint-Roch » piquant du nez dans la vague, il désespéra un moment de le sauver. Après quelques escales indispensables, on mouilla le 9 juillet dans le port de Teller (Port-Clarence). En ce même
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- point, i4 ans plus tôt, atterrissait le grand explorateur Amund-sen, après son survol du pôle.
- L’avance se poursuivit durant des jours dans la brume et l’orage avant d’apercevoir le village de Point Hope où l’on aborda. Le pont fut bientôt envahi par des Esquimaux pressés de commercer de leurs « mukluks » ou bottes de peau, de leurs moufles et de leurs « artikis » ou vestes en peau de caribou. Pour faciliter les échanges, ils s’empressent même d’offrir de la graisse de baleine au goût s’apparentant à celui de la noix de coco et des œufs de pingouins. Le regard des marins allait de ces indigènes aimables à la terre où s’élevaient leurs habitations bien aménagées, et s’attardait sur de curieux tertres verts, anciennes demeures que les naturels du pays édifiaient avec des os de baleine dressés recouverts de mottes de terre.
- Le « Saint-Roch » repart vers Cape Smith (impropre-m e n t dénommé Point Barrow, qui se trouve à io milles au S.-W.) et l’atteint le 22 juillet.
- Cinq cents Eski-mos sont là, car Cape Smith peut être considéré comme une importante station du Grand Nord. Ne découvre-t-elle pas, en effet, au voyageur de passage un grand hôpital, une église au fin clocher, la plus septentrionale du Nouveau-Continent, une école, un poste de T.S.F. et une coopérative où sont proposées une grande variété de denrées dont les prix n’excèdent pas ceux d’un quelconque magasin de l’Amérique du Nord.
- Avec les Esquimaux...
- La saison avancée incline à la prudence. Larsen met le cap sur l’île Herschel, mais il connaît les dangers des abords de Barrow Point qu’il doit contourner, lorsque vents du N. et d’W. y amènent des glaces qui s’y brisent. Il sait que ces fonds furent le cimetière de nombreux navires. Cependant, malgré la densité des glaces à certaines heures, il atteint l’île le 12 août. De l’activité qu’elle manifestait jadis, rien ne demeurait plus. Des postes de commerce qui trouvaient matière à travail fructueux, des navires baleiniers qui y déversaient des centaines d’hommes bloqués là durant les longs mois d’hivernage, il ne planait plus que le souvenir. Une épidémie d’influenza décima, en 1928, la plus grande partie de sa nombreuse population esquimaude dont les survivants gagnèrent le Mackenzie. Il ne reste en ces solitudes que l’ours blanc qui a fait son repaire des anciennes cavernes creusées dans la glace pour la conservation des chairs de caribou ou de poisson.
- Le village de PortTuk-Tuk, qui devait être la prochaine escale, réserva une surprise à l’équipage du « Saint-Roch ». Conçoit-on en effet, un Esquimau sans igloo ? Or, la population s’abritait dans un village aux maisons de bois relativément confortables, dont la construction avait été possible grâce à l’apport, de bois flottés, roulés par le Mackenzie et séchés par les indigènes.
- G. T. Tranter rapporte dans son intéressant ouvrage : Plowing the arctic (1) que Larsen précisa alors à ses marins le véritable sens du mot « igloo » qui n’implique nullement une demeure de neige, mais seulement une habitation esquimaude, quelle qu’elle fût. Et de souligner au passage que cette vie aisée ne devait pas faire oublier la condition misérable d’autres tribus esquimaudes comme celles de la Terre du Roi-Guillaume avant que ne joue l’aide fédérale ou missionnaire. C’était l’époque, pas si lointaine, où « l’urine sanglante de la famine rougissait les pistes », où chaque indigène rencontré pouvait cacher un assassin.
- Mais à quoi se ramène au juste l’entité raciale de « l’Eskimo »,
- comme on l’écrit généralement ? A l’état de pureté originelle il est de taille petite (1,60 m pour les hommes, i,5o m au plus pour les femmes). La couleur de la peau tire sur l’ocre, abstraction faite d e l’épaisse couche de crasse qui peut la recouvrir. La tête est grande et la capacité du crâne vaste. Le visage est large, aux pommettes saillantes, au nez bien dessiné, aux paupières bridées. Les cheveux sont plats, noirs et raides. Quant à la barbe, elle serait déjà très raréfiée s’ils n’en arrachaient les quelques poils restants, non par un vain souci d'esthétique, mais pour les soustraire au gel de la vapeur d’eau dégagée par la respiration. « Eskimos », « mangeurs de viande crue », ce qui correspond d’ailleurs partiellement à un trait de moeurs exact, ainsi les appellent les ethnographes. Mais pour eux, ils sont simplement les « Innuit », c’est-à-dire « les hommes », par opposition aux autres représentants de l’espèce qu’ils tendent à considérer comme d’essence inférieure.
- Leur zone d’expansion s’étend très loin vers le nord, puisqu’une tribu occupe les rivages du détroit de Smith, au nord-ouest du Groenland, par 78°i8 de latitude. Tels .sont les indigènes qu’au hasard de leur route dangereuse, les marins du « Saint-Roch » ont rencontrés et rencontreront encore avant la fin de leur raid.
- Dans la nuit du solstice.
- Le « Saint-Roch » atteint Coppermine le 3i août. L’importance de ce port est marquée par la station de radio et surtout par les deux missions, l’une catholique, l’autre anglicane qui se partagent les Esquimaux, là encore baucoup moins nombreux qu’autrefois. Brève escale après laquelle Larsen pousse un peu plus loin, à Tree-River où il passa jadis quatre hivers
- 1. Ce remarquable ouvrage a été traduit de l’anglais sous le titre En sillonnant l’Arctique (Éditions de la Paix; Bruxelles). Nous ne saurions trop recommander sa lecture pour son pittoresque, la leçon d’énergie et l’enrichissement documentaire qu’il procure.
- Figr. 3.
- Itinéraire du « Saint-Roch » à travers le Passage du Nord-Ouest.
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- S’enfoncer toujours plus loin vers l’est, réduire les hivernages au minimum pouvait être le désir compréhensible de l’équipage. Mais l’homme propose et la puissance aveugle des glaces dispose. Redoutant, non sans raisons, les difficultés aux conséquences redoutables que pouvaient présenter les passages de l’île du Roi-Guillaune, Larsen prend la décision d’hiverner soit à file Banks où mission lui était donnée de visiter les indigènes s’y livrant au piégeage, soit à la baie Walker, sur la rfve occidentale de l’île Victoria. Il aborde celle-ci le a5 septembre. L’emprise des glaces se précise. Il faut se hâter, prévoir la nourriture des chiens et des hommes pendant les longues nuits arctiques. Dans ce but, des filets sont posés dans les lacs, et des phoques sont chassés.
- Car hiverner c’cst prévoir.... Prévoir un lieu où la débâcle printanière des glaces ne sera pas redoutable, trouver un hâvre suffisamment profond, considérer mille détails insignifiants.... Prévoir sur le pont du bateau l’édification d’une maison de toile qui soustraira les pièces d’habitation aux méfaits des tempêtes de neige, d’une neige si fine qu’elle s’insinue dans la moindre fissure d’une porte.... Prévoir la réserve d’eau.... La méthode est ici simplifiée à l’extrême, se ramenant au découpage de blocs de glace prélevés sur les lacs, lorsque celle-ci atteint 12 pouces d’épaisseur. Quarante tonnes seront ainsi tirées par les chiens sur des traîneaux, amenées au navire et déposées dans des fûts.... Prévoir enfin l’allégement du navire, afin que la pression destructrice des glaces ne rendit point impossible la suite de l’expédition; transborder l’huile lourde et le charbon, édifier les pylônes de T.S.F., des abris pour les chiens et leur nourriture.... Et tout ceci par un froid si rude qu’à peine retirés de l’eau, les filets'de pêche se raidissent comme d’immenses grillages de clôture et que les poissons s’y transmutent sur-le-champ en blocs de glace. Tâches pénibles au corps quand sur les esprits s’abattent l’oppressante solitude et le poids des ténèbres continues.
- Si l’hivernage paraît être un état de sommeil pour la nature, il ne saurait l’être pour les hommes. Dans la nuit de velours où s’allument les aurores polaires, où naissent de nouveaux dangers, l’équipage du « Saint-Roch )> va se livrer à de nombreux raids au cours desquels la demeure de chaque soir sera non pas la tente, mais l’igloo de neige chaque jour édifié de nouveau. Dès lors, tout ce qui semble si simple devient un problème, ne serait-ce que la préparation des aliments. Aussi vai’iés que possible, ils comprendront, en principe, haricots, tomates, oignons, lard, riz, sucre, pommes de terre, flocons d’avoine, thé, café. Une denrée n’y saurait manquer : le poisson gelé dont on use sans grands apprêts.' Il n’est, en effet, que de le scier en tranches d’un pouce.... Généralement, sitôt le campement établi, une tranche en est consommée tout en se rendant à la corvée de neige qui assurera le ravitaillement en eau. Paradoxe sans doute, à première vue, que cette tranche de poisson congelé absorbée par un froid polaire.... Le fait, pourtant, est là.... Une chaleur bienfaisante gagne rapidement l’organisme. Le poisson congelé, prétendent les Esquimaux, oblige le sang chaud à quitter les profondeurs pour gagner la surface.
- Surpfises et misères du Grand-Nord...
- Avertis par une source ignorée, les Esquimaux ne furent pas longtemps à déceler la présence du petit shooner et à accourir, dussent-ils entreprendre plusieurs journées de voyage. Déjà se dressent, non loin, leurs maisons de neige, maisons temporaires comme en témoigne l’absence de feuillets de glace formant fenêtres, indices d’un camp permanent... Déjà tremble la flamme pâlote d’une lampe dont l’huile baigne dans un galet creux et dont la mèche est faite d’une touffe d'Eriophorum ou coton arctique, plante commune sous le cercle polaire, du Grand Nord canadien à la Scandinavie.... C’est là que, dès les permiers
- jours d’hivernage, le sergent Larsen et ses compagnons devront répondre aux invitations des indigènes, s’ils veulent conserver leur amitié. Acceptations qui ne sont pas sans découvrir quelque héroïsme, lorsque le poisson offert est fermenté et bave encore ses intestins ou lorsque le morceau de phoque présenté et soigneusement égoutté entre des doigts pollués de graisse, accuse des traces de dents d’un précédent convive qui l’avait rejeté, son appétit satisfait, dans la grande marmite bouillante. A de telles attentions les hommes du « Saint-Roch » ne pouvaient manquer de répondre par quelques dons : une pincée de tabac, un comprimé de potage, le métal recherché d’une boîte de conserves hors d’usage. Mais quand un indigène accourt vers Larsen, lui offrant un morceau de foie d’aspect fort peu engageant, le souvenir remplit son esprit de ces foies prélevés sur des victimes au temps, pas si lointain, où régnait le cannibalisme.... En l’occurrence, il ne s’agissait heureusement que du foie d’un phoque.
- Ainsi passeront les longues heures de nuit. « Christmas », la fête familiale, sera célébrée au cœur des mornes solitudes.... Par la grâce des ondes, les hommes recevront pourtant des messages qui les uniront pour quelques minutes à la civilisation.
- Fig. 4. — Le « Saint-Roch » dans les glaces. Les chiens ont été descendus à terre.
- (Cliché Police montée royale canadienne).
- Ordre avait été donné à Larsen de gagner la Terre de Banks afin de connaître la situation des Esquimaux, puis de pousser une pointe jusqu’à Storkerson Bay pour savoir si le piégeage avait pris fin en cette saison corpme l’ordonnaient les règlements. L’itinéraire est soigneusement établi, car on conçoit combien dans la nuit, en un temps où mer et côtes sont unis dans une même blancheur laiteuse, il est facile de s’égarer. L’expédition s’ébranle pour la Terre de Banks. Dire les difficultés nées du terrain et de la tempête serait banal, même lorsque les yeux clairs d’Henry Larsen disparaissent derrière les paupières gonflées, affreusement mordues par le gel, et que le soir, à l’étape, il n’aura même pas l’abri précaire d’un igloo... par une température voisine de — 45°. Mais, comme dans les pays de l’extrême nord, tout n’est souvent fait que de contrastes, lorsque l’étape les amène au village de Jacks Bay, ils découvrent avec surprise de confortables demeures dont les Esquimaux propriétaires pouvaient présenter à leurs visiteurs de passage des objets aussi inattendus qu’un tableau, un poêle à charbon, un poste de radio ou une machine à coudre... Six semaines plus tard, ils regagnaient le « Saint-Roch », ayant inscrit à leur tableau de marche près de 600 milles.
- D’autres raids suivirent, dont l’un à l’île de la Princesse Royale, où Larsen se livra à une périlleuse chasse au phoque, qui n’est pas près sans doute de sortir de sa mémoire.
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- Le Grand Passage...
- Du 25 septembre 1940 au 3i juillet 1941, soit dix mois durant, ils restèrent prisonniers des glaces de la Baie Walker. Us la quittèrent pour aborder véritablement le Passage du Nord-Ouest. Le 27 août, ils se trouvaient à Sjoa Haven, dans l’île du Roi-Guillaume. Les obstacles grandissent, mais la confiance des hommes en leur chef ne se dément point. En veut-on un fait ? Le voici. Sous la poussée des glaces, le « Saint-Roch » dérive inexorablement vers un écueil. A l’instant du choc inévitable un marin hurle : « Nous sombrons ». Larsen, l’angoisse au cœur, n’a pas tressailli.-.. Le navire touche l’écueil, s’incline à bâbord, puis dans un sursaut d’équilibre, se couche à tribord.... Touché à mort, le « Saint-Roch » s’immobilise. Les yeux agrandis par la peur, l’homme regardait son chef.... Et Larsen parlait à son navire comme on parlerait à un vivant : « Redresse-toi, lui disait-il. Un « Saint-Roch » ne s’abaisse pas ». Alors, contre toute humaine espérance, le navire se redressa.... Et Larsen sourit de l’immense joie qui devait l’inonder. Le marin descendit au carré, se jeta sur sa couchette, transfiguré par ce qu’il venait de voir. Désormais, au plus fort des tempêtes, l’homme allait trouver une étrange paix, car il avait saisi la puissance du chef qui les menait....
- Le 3 septembre, ils sont de nouveau bloqués par les glaces dans la baie Basley au voisinage du pôle magnétique et y resteront immobilisés jusqu’au 4 août 1942. Cette nouvelle période de stabilisation leur permet de parfaire l’éducation des chiens, la reconnaissance de la région et de la côte que devait suivre à la débâcle le « Saint-Roch », le recensement d’Eskimos épars le long de la côte de la péninsule de Boothie et de l’île North Somerset. Un raid d’une semaine les conduit à un village de cinq maisons, situé sur le bras sud de la baie Brentford, où vit la tribu « Nad-Cukto » dont les membres se nourrissent presque tous de poisson cru, congelé.
- Hélas ! cet hivernage devait leur apporter une grande douleur. L’un d’entre eux, Chartrand, meurt presque subitement. La détresse gagne le campement, mais Larsen se révolte : « Il y aura un enterrement, proclame-t-il. Nous irons chercher un prêtre... ». Le prêtre était le P. Henry à quelque 1 000 milles de là, soit six semaines de route. Dans cette attente, le cercueil fait de quelques planches tirées du « Saint-Roch » fut déposé sur un monticule de glace où quelques fleurs éclateraient dans la splendeur à venir des jours sans fin. Contre les ours et les renards, ils durent édifier en hâte un tumulus de gros blocs rocheux.... Une prière, quelques hymnes en marquèrent l’achèvement... Et il n’y eut bientôt plus dans le soir que les ombres inquiétantes des bêtes affamées de la toundra....
- Larsen ayant choisi Hunt comme compagnon de route, ils partirent. Le cinquième jour, un relent de phoques morts, de lampes à graisse et de poissons pourris, annonce un village. Sous l’igloo dont ils sont maintenant les hôtes, gobelets de corne de bœuf, d’étain ou d’émail circulent pour le thé traditionnel. Mais la nuit qui devrait leur apporter un sommeil réparateur est troublée par les hurlements des chiens qui se battent. Il faut sortir, les séparer, sous peine de voir s’évanouir l’espoir de la route.
- Incidences ethnographiques.
- De là, ils gagnent le poste d’Hudson’s Bay à Fort Ross. Mais Larsen tenait absolument à visiter les vieilles maisons du Cap Garry, abandonnées depuis si longtemps que nul ne savait qui les avait primitivement occupées, maisons en os de baleine dont les côtes formaient la charpente. Dans ces régions dont 'tout bois est absent, l’os de baleine prend pour l’indigène une valeur particulière, ne fût-ce que pour confectionner des patins de traî-
- neaux. Là vivait le peuple « Tunnick », chasseur de cétacés. Malheureusement, Larsen ne put obtenir sur leur histoire que de maigres informations. Sans doute, eût-il rêvé là, longtemps encore, si une violente douleur au nez ne l’eût averti qu’un froid de — 4o° ne pardonne pas toujours.... D’autres étapes suivirent, certaines bienvenues comme celle du village d’Arvik-tootsiak, dans l’île Athol où le missionnaire Turner de Pond Inlet officiait au grand bonheur des Esquimaux pour qui les chants sont un suprême raffinement.
- Tliom Bay qu’ils viennent d’atteindre ne renferme guère plus de 85 habitants. A dix milles de là se trouvait Victoria Harbour où 112 ans plus tôt Sir John Ross abordait.... Là, de la même vie, vivaient déjà les indigènes qui assistèrent à l’abandon par l’explorateur de son navire à aubes « Victory », au cours de l’été i83i. A cette même place, Larsen découvrit encore de grandes plaques de fer, des boulons, des cordages de chanvre..., manne inespérée pour les habitants déshérités de cette terre qui en tirèrent tout le parti possible sous la forme d’outils, de lampes à huile.... Les vieux indigènes rapportèrent à Henry Larsen les propos tenus par leurs ancêtres, témoins des tribulations de Sir John Ross et lui apprirent que le « Victory » sombra finalement aux abords d’une des îles de la baie de Lord Mavor.
- La fréquentation répétée de ce peuple permit à Larsen de faire d’intéressantes observations. 11 remarqua, par exemple, du détroit de Behring à la baie d’Hudson parmi les différentes populations, une curieuse similitude du langage, abstraction faite des dialectes locaux. Fait paradoxal, les ressemblances physiques lui parurent d’autant plus accusées que l’éloignement dans l’espace était plus grand. C’est ainsi qu’il releva des similitudes morphologiques et linguistiques remarquables entre les Eskimos des régions côtières de l’Alaska et leurs frères raciaux de l’île de Baffin. « Une famille Eskimo, rapporte Larsen, que nous avions embarquée avec nous de l’île de Baffin à l’île Herschel exprima sa surprise en voyant qu’il lui était plus aisé de converser avec les Eskimos de l’ouest ou du Mackenzie qu’avec leurs voisins immédiats de Prince Regent Inlet et de l’île du Roi-Guillaune ». C’est autour des péninsules de Boothie et Adélaïde et sur l’île du Roi-Guillaume que vivent les populations les plus primitives. « Tributaires des caribous dont elles dépendent pour leur habillement, elles paraissent, poursuit Larsen, presque toujours être déguenillées et crasseuses ». Éternelles errantes, elles oscillent de l’été à l’hiver entre l’intérieur des terres où elles s’adonnent à la chasse et la côte où elles recherchent les phoques, source première de nourriture, de combustible et de lumière dans l’interminable nuit polaire. Et la chasse parfois ne les abreuvant que d’espoirs sans réalités proches, on les trouvait alors, il y a quelques années, vivant misérablement, entassées dans de pauvres huttes de neige exiguës. Pour celles-là, sous la rude écorce de l’intrépide navigateur, on sent battre le cœur de Larsen lorsqu’il avoue son admiration pour ce peuple arctique dont la simplicité de vie s’apparente à celle « du caribou rôdant dans les toundras ». Il les aime pour leur esprit de solidarité, leur initiative aux heures de grand dénuement et leur tendresse pour les enfants.
- Passons sur les tempêtes de neige et autres « incidents », telle qu’une claustration de trois jours dans un igloo délabré.... Et le P. Henry les accueille à Hallet River. Réception; office de Pâques auquel assiste une jeune Esquimaude qui, par trois fois, s’évanouit, ayant mis au monde un enfant trois heures auparavant; repas auquel participent tous les Esquimaux.... Menu du grand nord canadien : poisson gelé, à l’odeur un peu trop accusée par suite de la décomposition qu’il a subie avant glaciation afin d’éviter des lésions des gencives et de le rendre masticable, estomac de caribou découpé en tranches fines et fort apprécié des convives. Prélevé frais sur l’animal, il est aussitôt cousu pour éviter la perte du contenu, ce qui permet en toutes saisons la consommation des légumes frais
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- qu’il renfermait et l’absorption de vitamines. Le tout, rythmé de hoquets de satisfaction et de plénitude gastrique, selon le plus pur rite esquimau.
- Vint l’heure du retour qui s’effectua dans des conditions extrêmement dures, le moindre événement prenant parfois là-haut d’inquiétantes proportions. Ainsi Hunt, atteint de coryza, se voyait dans l’impossibilité absolue de se moucher, le simple contact du mouchoir provoquant une sérieuse irritation des narines. Épuisés, la gorge en feu, aphones à force de trop hurler pour mener l’attelage des chiens, ils allaient pourtant à force de volonté. Et lorsque Hunt signala qu’il avait la sensation d’avoir du sable dans les yeux, le spectre monta en eux de la cécité par réverbération des neiges. Froid, douleur, peur — car la peur est humaine — tout s’acharnait contre eux. Enfin, le phare de la Baie d’Hudson, à Goya Haven, monta à l’horizon. Alors ils respirèrent.... Alors Ilunt recouvrit l’espoir et la vue.... Mais de violentes douleurs leur transperçaient la poitrine et malgré leur désir de partir, ils durent rester là deux semaines.
- L’heure du départ sonna pourtant. Un campement esquimau s’offrit pour la nuit. Bientôt des hurlements éclatent.... Des loups? Non, des chiens, des douzaines de chiens indigènes qui dévoraient voracement les ballots de provisions entreposés dans un igloo, sans égard pour les harnais eux-mêmes. Ainsi s’amenuisaient une fois de plus leurs rations et celle des chiens... et c’est avec la joie que l’on devine qu’ils franchirent en une seule étape les 35 derniers milles qui les séparaient du « Saint-Roch ».
- Au mois de mai, comme il l’avait promis, le P. Henry vint rendre les pieux devoirs à Chartrain....
- Et voici que bientôt la terre ingrate se pare de fleurs de toutes couleurs, airelles, lupins bleus, pavots jaunes, saxifrages rouges et qu’éclosent en une nuit des légions de moustiques et de mouches arctiques, que l’air se peuple d’oiseaux et que le soleil rayonne dans un jour qui ne connaîtra plus la nuit. A ce sujet, Tranter rapporte d’étonnants propos qui ne manqueront pas de surprendre : « Voilà la saison du soleil », déclaraient les Esquimaux avec une note de tristesse dans la voix. Car, pour eux, l’hiver est l’époque la plus heureuse de l’année et ils ne le voient jamais s’éloigner sans regret.
- « On croirait plutôt qu’ils devraient éprouver du bonheur à échapper pendant quelque temps à la neige et au froid », dit Hunt avec surprise. Larsen lui expliqua que, dès la première fonte des neiges, les ennuis surviennent, car il est difficile aux femmes d’entretenir la maison quand le toit suinte de toutes parts et qu’il fait encore trop froid pour habiter sous la tente. Au début de juin apparaissent les moustiques, au grand dam de tout le monde. La viande se gâte rapidement, les mouches s’y posent, les larves naissent et, bien que les Esquimaux en fassent un régal, l’air n’en devient pas plus doux pour cela.
- « Le ton de Larsen indiquait qu’il pourrait allonger encore la liste des ennuis que l’été apporte au Nord... ».
- Dernières épreuves...
- Avec le soleil cependant, paraît bien devoir s’achever l’obsédante immobilisation qui les retint cette année jusqu’au 4 août 1942. Ils avancent, se heurtent à une barrière menaçante, croient venue à plusieurs reprises l’heure de leur fin et voient bientôt se refermer sur eux l’étau de glace à peu de distance de l’endroit où « l’Erebus » et la « Tèrror » furent abandonnés par les équipages de l’expédition Franklin, un siècle plus tôt. La moindre fissure glaciaire est guettée. Par l’une d’entre elles, ils parviennent le a4 août à rallier les îles Tasma-nia, où ils demeurent jusqu’au 29, dans un état d’alerte presque permanent, car les fragments de glace sollicités par les divers mouvements des marées se bousculaient et se précipitaient à une vitesse « terrifiante » pour employer la propre expression d’Henry Larsen (si mesuré habituellement dans ses termes), dans les étroits couloirs qui couraient entre les îles. C’est avec soulagement qu’ils prennent le 29 la route du Nord, pénétrant dans le détroit Bellot partiellement libéré des glaces, mais parcouru lui aussi par un courant d’une violence extrême. Plus prodigue d’éloges pour les autres que pour lui-même, Larsen en profite pour s’extasier sur le courage et l’âme des esquimaux lorsqu’aux heures les plus dramatiques, deux d’entre eux qu’il venait de prendre à son bord, se portaient à la pointe du petit navire et là, au cœur des éléments déchaînés, clamaient dans le vent leur ivresse de vivre dangereusement.
- Le. 2 septembre, ils traversent le chenal entre Possession Point et l’île Brown, suivent en direction Nord la côte de l’île Somerset et débarquent à la pointe septentrionale de la Terre de Baffin, à Ponds Inlet où se trouve Tin poste de Police Montée, embarquent l’un des hommes et lèvent l’ancre le 10, cap au sud.
- Restait encore à traverser le détroit de Davis semé d’icebergs, noyé de brouillards dangereux. Mais déjà montaient vers eux les pins sombres du Labrador, suprême tentacule vert au seuil des immensités désolées. Et quand grandit à l’horizon la silhouette d’un petit voilier pêchant au large de Bateau Ilar-bour, on devine sans peine quel pincement de cœur durent ressentir ces hommes qui revenaient d’un autre monde aux fantomatiques blancheurs... Là s’inscrivait enfin leur dernière étape...
- Le 3o septembre, ils dépassaient Corner Brook et le 11 octobre, le glorieux petit schooner franchissait la passe des îles qui commandent Centrée du port d’Halifax. Ainsi finissait ce périple de près de 10 000 milles qui allait valoir à son chef la remise
- enviée et méritée de la Médaille Polaire par le roi Georges VI.
- Deux ans après, Larsen réussissait le voyage de retour.
- La Police royale montée canadienne pouvait être fière du sergent Henry Larsen. Le secret de sa réussite tenait sans doute dans sa maxime d’action : « Un homme doit connaître sa propre puissance et ce qu’elle peut réaliser et puis, aller à la limite de sa force », d’une force devant laquelle pour la première fois, d’ouest en est, venait de s’ouvrir le « Grand Passage ». Pierre Gauroy-
- Fig. 5. — Un raid en traîneau à chiens dans l’Arctique.
- (Ambassade du Canada).
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- L’ANALYSE SPECTRALE
- L’analyse spectrale, spectroscop'ie ou spectrographie, est une méthode analytique d’une rare élégance qui prend de plus en plus d’extension dans les laboratoires de recherches et de contrôle. Il y a 5o ans, les données spectroscopiques conduisaient Max Planck à la fameuse théorie des quanta qui, depuis, a révolutionné les principes de la physique. Sur le plan pratique, la nécessité d’établir une normalisation des méthodes de contrôle fait de la spectrographie la méthode princeps de la physicochimie analytique. Enfin, la biologie générale, arrivée à l’épineux problème du mouvement de la matière dans les êtres vivants, ne dispose d’aucune technique aussi sûre et aussi générale que la spectrographie ; les isotopes « marqués » de la radioactivité artificielle ne s’appliquent encore qu’à des cas limités. Aussi paraît-il opportun de faire le point, de rappeler les principes de l’analyse spectrale et d’indiquer les principaux résultats obtenus tant dans le domaine pratique que dans le domaine théorique.
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- La spectroscopie a pour origine la célèbre expérience de Newton : la décomposition de la lumière solaire par le prisme. L’histoire de cette découverte est intéressante à rappeler. Newton
- Fig. 1. — L’expérience de Newton.
- Une fente dans un volet laisse pénétrer à l’intérieur d’une chambre obscure un mince filet de lumière solaire sur la face d’un prisme. Un écran interposé sur le trajet des rayons émergents fait apparaître les couleurs dont l’ensemble constitue le spectre solaire (d’après Salet).
- avait remarqué que l’image du Soleil provenant d’une lentille simple est irisée; cherchant à accroître les irisations, il substitua un prisme à la lentille et il obtint sur l’écran une bande multicolore où les couleurs disposées les unes au-dessus des autres s’étageaient dans l’ordre suivant : rouge, orangé, jaune, vert, bleu, violet. C’est là le spectre solaire qu’il réalisa en 1668. Newton se demanda ensuite si l’apparition des couleurs est due à une réfraction différente du prisme pour chaque couleur ou s’il s’agit d’une répartition inégale de la masse du verre qui constitue le prisme; alors il fit la fameuse expérience qui consiste à faire passer les rayons diversement colorés à travers un second prisme. Ils donnent sur un autre écran les mêmes couleurs que si le second prisme n’était pas interposé; ces l’ayons se trouvent déviés par le second prisme d’une façon variable selon la couleur qu’ils forment sur l’écran. Newton conclut immédiatement :
- i° Les rayons qui provoquent les couleurs n’ont pas tous la même réfrangibilité;
- 20 Les rayons du soleil sont constitués par un mélange de rayons ayant des réfràngibilités différentes;
- 3° Les rayons qui ne sont pas décomposés par le prisme constituent une lumière simple.
- Aujourd’hui, on sait que la lumière est un mouvement vibratoire sinusoïdal caractérisé par la longueur d’onde. La lumière simple dont parlait Newton est ce que nous appelons lumière ou rayonnement monochromatique, c’est-à-dire dont les rayons ont une même longueur d’onde définie.
- Newton constata également que, pour obtenir un spectre solaire où les couleurs ne chevauchent pas les unes sur les autres, il faut interposer une lentille convergente entre le prisme et la fente qui laisse passer les rayons du soleil. C’est là le dispositif fondamental que l’on retrouve sur tous les spectroscopes à prisme.
- Quelque i3o ans plus tard (vers 1802), Wollastone examina dans le détail le spectre solaire et remarqua une anomalie importante que n’avait pas signalée Newton : la présence de plusieurs raies sombres jalonnant le spectre.
- Avec un appareil plus perfectionné, où le spectre était regardé au moyen d’une lunette grossissante, Fraunhofer retrouva les raies obscures du spectre solaire (i8i4); il les étudia très soigneusement et compara différents spectres avec le spectre solaire. Depuis, les raies obscures du spectre solaire portent le nom de raies de Fraunhofer.
- Le premier dessin du spectre solaire a été présenté en i844 par Mathiessen.
- En i854, le physicien français Masson construisit un spec-troscope encore plus précis que celui de Fraunhofer. Cet appareil fut utilisé quelques années plus tard par Bunsen et Kir-chhoff. Avant ceux-ci, Ilerschell, Talbot, Wheatstone, Miller avaient soupçonné l’analyse spectrale, mais sans pouvoir préciser leurs idées, faute d’appareils suffisamment précis.
- Le 27 octobre iSôç, Kirchhoff, professeur de physique à Heidelberg, présenta à l’Académie de Berlin un court mémoire où il expliquait la signification des raies de Fraunhofer : ces raies sont dues à la présence de vapeurs du sodium (raies D), du potassium (raies A-B), du fer, etc., dans la masse solaire en incandescence. Dès lors, l’analyse spectrale était née. Voici comment l’illustre physicien anglais John Tyndall raconte la première analyse spectroscopique : « Quand, par conséquent, Bunsen et Kirchhoff, après avoir établi par un. examen approfondi les spectres de toutes les substances connues, découvrirent un spectre contenant des raies différentes de toutes les raies obtenues jusque-là, ils en conclurent immédiatement à l’existence d’un nouveau métal. Ils opéraient alors sur des résidus provenant de l’évaporation des eaux minérales d’Allemagne. Ils reconnurent que ce métal inconnu était caché dans cette eau; mais quelle grande quantité de cette eau faudrait-il évaporer avant d’obtenir un résidu assez abondant pour mettre la chimie ordinaire en mesure d’isoler ce métal! Ils se mirent cependant à sa
- Chambre photographique-Soufïlet - -k7'-'
- Objectif-----
- Prisme —
- Collimateur^
- Fig. 2. — Schéma d’un spectrographe (voir fig. 7).
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- recherche, et il a pris rang aujourd’hui parmi les corps simples métalliques sous le nom de rubidium. Ils découvrirent plus tard un second métal qu’ils appelèrent cæsium. Ainsi, après avoir placé l’analyse chimique sur un fondement certain, ils furent assez heureux pour démontrer sa valeur comme agent de découvertes ».
- De nombreux physiciens et astronomes se sont intéressés à la spectroscopie; citons, parmi les Français, Lecoq de Boisbau-dran, Deslandres, G. Salet, Arnaud de Gramont qui se sont limités à la spectroscopie d’émission. Reprenant et systématisant les travaux de Hartley (1880), Victor Henri fonda la spec'trophoto-métrie d’absorption (1910-1919).
- Longtemps, la spectroscopie est restée une méthode fort sensible d’analyse qualitative, un peu moins nette toutefois au point de vue quantitatif. L’étude des raies ultimes par A. de Gramont avait déjà permis d’obtenir une meilleure approximation. Ea ces dernières années, des progrès considérables ont été faits : les plus récents appareils permettent d’atteindre une très grande précision en un temps assez court.
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- Le fractionnement des rayonnements au moyen d’appareils dispersifs permet d’analyser séparément les diverses régions du spectre : lumière visible, ultra-violet, infra-rouge. Au spectre
- Fig. 3. — Repérage des raies d’un spectre au moyen d’une origine arbitraire et de la distance x d’une raie quelconque à cette origine.
- ultra-violet est rattachée la spectroscopie de fluorescence. La spectrographie X n’appartient pratiquement plus à l’analyse spectrale et nous n’en parlerons pas.
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- Un spectroscope ou un spectrographe (spectroscope muni d’un appareil enregistreur) est essentiellement constitué par un système dispersif et un appareil récepteur.
- Le rayonnement à analyser, provenant de la source, est rassemblé par une lentille cylindrique sur une fente étroite qui le laisse pénétrer dans un tube cylindrique, le collimateur; il y traverse une lentille convergente qui rend tous les rayons parallèles. Le faisceau ainsi formé atteint une des faces du prisme et y pénètre (fig. 2).
- Le prisme décompose une lumière complexe en ses éléments monochromatiques, chacun de ceux-ci ayant un indice de réfraction particulier dans un même milieu transparent. La dispersion varie donc selon la longueur d’onde. La matière qui constitue le prisme est différente suivant les radiations étudiées. Ainsi, pour l’infra-rouge, le prisme est en sel gemme; pour le visible, le prisme est en flint; pour le proche ultra-violet, le prisme est en quartz; pour l’ultra-violet plus lointain, le prisme est en fluorine; enfin, pour l’intervalle précédant les rayons X et pour lequel aucune matière connue n’est transparente, le prisme est remplacé par un réseau (x), ce qui permet la suppression de toute autre optique (spectrographe à vide).
- 1. Un réseau est constitué par des sillons rectilignes et parallèles, très Ans et très rapprochés, creusés dans une lame de verre ou de métal. Les réseaux, utilisés en spectroscopie ont ordinairement de 500 à 600 sillons par millimètre de longueur ; un réseau de 10 cm de longueur contient donc au moins 50 000 sillons. Les réseaux de bonne qualité sont très coûteux ; aussi ne les utilise-t-on que pour des travaux de précision ou lorsque la matière dont est fait le prisme absorbe le rayonnement.
- Le spectre sorti du prisme peut être observé à l’œil (spectroscopie) ; mais l’œil est un instrument d’optique imparfait dont la sensibilité inégale ne va que du violet au rouge. Dans les régions les plus intéressantes du spectre, dans l’ultra-violet et dans l’infra-rouge, l’observation oculaire est impossible.
- La plaque photographique
- peut être utilisée (spectrographie) dans le spectre visible et dans le proche ultra-violet jusqu’à 1 85o Angstrôms (x), limite supérieure de la région dite de Schumann, du nom du physicien qui, le premier, l’a explorée. Dans le domaine de l’infra-rouge (rayonnement calorifique), on se sert de la pile thermo-électrique ou du bolomètre (2).
- Fig. 4.
- • Courbe de dispersion A = f(x).
- Le pouvoir de résolution est le principal problème posé par la construction des appareils. Si l’on pouvait toujours repérer distinctement deux radiations, aussi voisines qu’elles soient, les appareils seraient parfaits. Il n’en est pas ainsi; même avec les spectrographes les plus perfectionnés, il y a une limite au-dessous de laquelle il n’est plus possible de séparer deux radiations voisines. Soit d, la différence des longueurs d’onde des radiations les plus voisines que l’on puisse encore distinguer; soit X, la longueur d’onde moyenne de ces deux radiations; le rapport X/d mesure le pouvoir de résolution de l’appareil dispersif utilisé. Celui-ci peut être très élevé et dépasser 10 000 dans les appareils de précision. Par exemple, pour un spectrographe à optique de quartz, un pouvoir de résolution égal à 29 000 signifierait que, vers 2 000 Angstrôms (ultra-violet proche), on peut distinguer deux radiations différant entre elles de 8/100e d’Ang-strôm. Le pouvoir de résolution est limité par la luminosité de l’appareil, ce qui pose de difficiles problèmes de construction .
- Sur la plaque photographique développée, un spectre d’émission apparaît comme une sorte de rectangle jalonné de raies parallèles au petit côté. Chacune de ces raies correspond à une radiation monochromatique dont il s’agit d’estimer la longueur d’onde, puisque celle-ci révèle l’élément chimique en cause (%• 3).
- Quatre séries de mesures permettent d’identifier les raies d’un spectre quelconque :
- 1. L’unité Àngstrom (X) vaut 1/10 000 000 de millimètre.
- 2. Le bolomètre est une sorte de thermomètre constitué par un mince fil de fer dont la résistance électrique varie en fonction de la température. La mesure de la résistance permet de connaître la température.
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- Fig. 5. — Spectre d’émission infrarouge du gaz carbonique
- (d’après Lecomte).
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- i° la mesure en valeur absolue d’une radiation déterminée, la raie rouge du cadmium, par exemple : l’opération est du domaine de la métrologie; elle a été effectuée au moyen du célèbre interféromètre de Michelsôn ;
- 2° le rapport entre un certain nombre de raies qui jalonnent le spectre avec la longueur d’onde de la raie rouge du cadmium déterminée en valeur absolue (6 438 Angstrôms) ; on obtient ainsi plusieurs centaines de longueurs d’onde correspondant chacune à une raie, avec une précision de l’ordre du i/x ooo ooo; ces valeurs sont données dans les tables de constantes spectroscopiques (1) ;
- 3° l’étalonnage du spectroscope ou du spectrographe utilisé; avec l’appareil à étalonner, on produit le spectre d’un élément dont les raies, suffisamment nombreuses, sont indiquées dans les tables; ordinairement, on se sert du spectre du fer. Au moyen d’un comparateur, sorte de petit microscope dont l’oculaire est pourvu d’un micromètre, on mesure la distance x de chaque raie à une origine choisie arbitrairement (fig. 3). Ensuite, on trace très soigneusement la courbe X = f(x) donnant une longueur d’onde en fonction de la distance x repérée au comparateur. Avec les spectroscopes à réseau, la courbe obtenue est à peu près une droite; avec les spectroscopes à prisme, la courbe prend la forme d’une branche hyperbolique (fig. 4) ;
- 4° l’identification des raies d’un spectre quelconque au moyen de l’appareil étalonné. On utilise un spectre de comparaison dont les raies sont assez nombreuses et déterminées sans ambiguïté. Au moyen d’opérations faciles, le spectre à identifier est photographié entre deux images du spectre connu. Par interpolation, on détermine les longueurs d’onde correspondant aux raies observées; puis, en se reportant aux tables, on voit à quel élément ces valeurs appartiennent. Dans le cas de la spectrométrie infra-rouge, où l’on ne peut utiliser que des plaques spéciales (plaques orthochromatiques), on préfère étalonner et identifier les raies au moyen de courbes construites d’après les variations de l’appareil enregistreur (fig. 5).
- De ces quatre sortes de mesures, les deux dernières seules sont effectuées par le spectroscopiste; elles sont suffisamment délicates pour que leur exécution permette de juger de l’habileté d’un technicien.
- La spectrographie ordinaire est limitée au spectre visible et au proche ultra-violet. On utilise également la spectrographie infra-rouge, la spectrographie de fluorescence et la spectrographie de diffusion (effet Raman (2)).
- Ces différents spectres peuvent être classés sous deux rubriques : les spectres d’émission et les spectres d’absorption.
- Les spectres d’ émission se répartissent à leur tour en trois catégories : les spectres continus qui ne laissent apparaître aucune raie, aucune bande et forment une large plage; le type de ces spectres est donné, dans l’ultra-violet, par le tube Chal-longe à hydrogène raréfié, excité par une différence de potentiel d’environ 2 ooo V. Les spectres de raies proviennent des éléments convenablement excités. Enfin, les spectres de bandes sont émis le plus souvent par des vapeurs incandescentes.
- Si l’on interpose entre la source émettrice et le spectroscope une substance absorbante, le spectre obtenu est sensiblement modifié; il reproduit le spectre de la source, mais avec une série d’altérations qui constituent le spectre d'absorption de la substance interposée. Le plus souvent, on utilise comme source, le tube Challonge à hydrogène qui donne, pour l’ultra-violet, un spectre d’émission continu, c’est-à-dire sans raies. Un spectre d’absorption ne s’obtient pas aussi facilement qu’un spectre d’émission, car l’absorption varie avec l’épaisseur de la sub-
- 1. Les tables de Kayser, par exemple.
- 2. Si fou examine au spectrographe la lumière diffusée par un liquide ou par un gaz, c’est-à-dire lorsque la source lumineuse n’envoie pas directement ses rayons sur la fente du spectrographe, le spectre obtenu contient en plus d’autres raies que celles appartenant à la source lumineuse. C’est l’effet Raman.
- stance interposée, traversée par les rayons lumineux. En réalité, on photographie une série de spectres avec des épaisseurs différentes, on mesure photométriquement les noircissements de la plaque photographique développée et on dessine la courbe des densités optiques ainsi définies en fonction des longueurs d’onde. Un spectre d’absorption se présente donc sous la forme d’üne courbe où les longueurs d’onde sont portées en abscisses et les densités optiques en ordonnées (fig. 6).
- Les spectres de fluorescence et de diffusion sont à la fois des spectres d’émission et d’absorption; on les appelle quelquefois des spectres de transformation. Les substances qui les caractérisent absorbent certaines radiations et en émettent d’autres que l’on retrouve sous la forme de raies supplémentaires.
- * *
- Les renseignements que fournit l’analyse spectrale sont de la plus haute importance.
- Un élément déterminé, porté à la luminescence dans des conditions identiques (1), émet toujours les mêmes raies qui sont caractéristiques de l’élément. Par conséquent, pour savoir quels éléments sont présents dans un produit minéral donné, on forme le spectre de cc produit et l’on y recherche les raies caractéristiques de l’élément — ce qui ne signifie pas que ces raies caractéristiques soient toujours visibles. C’est là le principe de l’analyse spectrographique qualitative.
- L’analyse minérale confirme la valeur de la méthode. La composition qualitative des alliages est vite révélée avec un spectrographe. En chimie biologique, la séparation d’éléments métalliques à l’état de traces rend les méthodes analytiques de la chimie trop souvent aléatoires; l’analyse spectrographique qualitative permet d’atteindre un degré de finesse et de sûreté que n’atteignent pas les méthodes ordinaires mais il ne s’ensuit pas qu’elle ne nécessite beaucoup de précautions; notamment, du fait de la sensibilité élevée de la méthode, les moindres impuretés et les imperfections techniques tendent à jouer un rôle qui ne doit pas abuser le spectroscopiste averti.
- Toutes les raies n’apparaissent pas nécessairement dans le spectre d’émission, lorsque le dispositif spectral reste rigoureusement constant. La quantité de l’élément intervient et, pour une concentration assez faible, on obtient un spectre restreint composé seulement des raies ultimes. On peut tirer de cela une méthode d’analyse quantitative dont la précision est d’ailleurs peu élevée. Arnaud de Gramon't a cependant montré pendant la guerre de 1914-19x8, quel puissant moyen analytique est la spectrographie des raies ultimes.
- On utilise divers procédés d’analyse quantitative dont le plus simple consiste à choisir, pour un élément, une raie particulièrement stable et à établir la loi liant l’intensité de cette raie à la concentration, de l’élément. L’intensité de la raie s’évalue en mesurant le noircissement qu’elle provoque sur une plaque photographique.
- La spectrographie quantitative d’émission est actuellement assez précise pour s’imposer dans les laboratoires de contrôle sidérurgique. De plus en plus, les méthodes chimiques y sont supplantées par la spectrographie qui offre l’inestimable avantage de laisser un témoignage durable et constamment vérifiable sur la plaque photographique développée donnant l’image du spectre (fig. 7).
- La sûreté de la méthode et le témoignage de la plaque photographique font utiliser la spectrographie d’émission en hydro-
- 1. Pratiquement, un élément peut être porté à la luminescence par trois procédés : l’arc, l'étincelle ou la flamme du chalumeau. Les spectres obtenus dans chaque cas pour un même élément diffèrent entre eux. Pour que les résultats analytiques soient comparables, il faut que les conditions de l’émission restent les mômes.
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- Longueurs d'onde
- Fig. 6. — Spectre d’absorption ultraviolette du benzène' (d’après Victor Henri).
- logie, en minéralogie et dans de nombreuses expertises, notamment celles concernant la toxicologie.
- Enfin, la chimie biologique, nous le répétons, offre un champ très étendu à la spectrographie quantitative d’émission. Dans les recherches sur la composition des cendres des êtres vivants, de leurs organes (*) et de leurs produits organiques complexes (sangs, venins), la méthode est des plus, satisfaisantes quoique n’étant pas toujours suffisante; on peut prévoir qu’elle sera appliquée largement aux contrôles médicaux. On peut vérifier la présence dans le sang de sujets traités, de certains éléments actifs : l’or, le bismuth, le mercure. Des spectres, pris à différentes époques de la vie, peuvent témoigner par comparaison, des changements survenus avec l’âge et l’état de. santé dans les humeurs. La photographie des spectres est certainement appelée à jouer un rôle analogue à celui de la radiographie.
- Les résultats pratiques sont moins nombreux avec la spectrographie d’absorption qu’avec la spectrographie d’émission; cela tient à ce que les spectres d’absorption exigent des corps ayant déjà atteint un haut degré de pureté. Le spectre d’absorption est d’ailleurs un excellent moyen de vérifier la pureté d’un corps, surtout d’un corps organique; il révèle les impuretés et contrôle leur élimination au cours de l’isolement d’un corps pur.
- Dans de nombreux cas, l’absorption en fonction de l’épaisseur suit une loi déterminée; il en résulte des relations quantitatives permettant des dosages à moins de 3 pour xoo près. Moins rapide que la spectrographie d’émission, la spectrographie d’absorption dans l’ultra-violet n’en est pas moins une méthode analytique fort intéressante et appelée à un bel avenir; elle permet notamment le dosage de la vitamine A, des hydrocarbures cancérigènes et d’un certain nombre d’hormones.
- La spectrographie d’absorption dans l’infra-rouge n’est pas encore sortie des laboratoires de recherches; ses applications sont encore limitées à cause des précautions spéciales qu’elle requiert; mais les résultats déjà obtenus sont probants et permettent de penser que, dans l’avenir, la technique sera largement utilisée.
- Enfin, la spectrographie de fluorescence est basée sur ce fait que certains corps ont la propriété, lorsqu’ils sont illuminés, de réémettre le rayonnement violet ou ultra-violet reçu. Le rayonnement retransmis diffère du rayonnement reçu par un décalage vers les grandes longueurs d’onde, si bien que le rayonnement ultra-violet invisible devient perceptible par l’intermédiaire des corps fluorescents. La couleur de la fluorescence, variable d’un corps à un autre, fournit une méthode d’analyse qualitative très simple., puisque les sources de rayonnement ultra-
- 1. Le professeur Lundegardh a montré la haute valeur des analyses spec-trograpliiques en agronomie. L’analyse foliaire des céréales, notamment, permet d’évaluer la composition du sol et, par là, donne une indication des plus précieuses sur les besoins du sol en amendements et engrais. L’ouvrage du professeur Lundegardh (Leaf Analysis, Londres, Hilger et Watts, 1951) est d’ailleurs un chef-d’œuvre de science
- violet sont courantes (x). Par le choix des écrans, on peut encore accroître la sensibilité de la méthode. Les applications sont déjà très nombreuses : chimie biologique, bactériologie, expertises diverses, etc. Pour les examens plus précis, on peut recourir aux spectres de fluorescence.
- Le grand problème posé par la spectrographie d’émission a été celui des relations mathématiques des raies entre elles et de la signification des raies elles-mêmes. La solution de ces problèmes a permis d’édifier une théorie de la-structure de l’atome avec toutes les conséquences qu’elle comporte.
- Une des premières tentatives fut celle de Balmer, en i885; elle montra que, pour l’hydrogène et une portion de son spectre d’émission, la longueur d’onde correspondant à chaque raie peut être calculée au moyen d’une formule arithmétique simple, telle’ que :
- An2
- ^ = n2 —,4
- où il représente 3 pour la troisième raie, 4 pour la quatrième raie, etc., et A un nombre constant.
- Figr. 7. — Spectrographe Hilger (schéma donné par la fig. 2).
- La formule fut trouvée si satisfaisante pour la détermination des 9 raies qui constituent la série dite de Balmer, qu’elle fit retenir le principe des formules arithmétiques où l’un des paramètres ne peut prendre que des valeurs entières, c’est-à-dire ne peut varier que d’une façon discontinue.
- Rydberg, en 1890, amplifia la méthode. Après cela, il devenait logique pour Max Planck, recherchant une formule pour calculer l’énergie émise par une raie spectrale, d’utiliser une formule arithmétique où le principal paramètre varie aussi d’une façon discontinue.
- Au point de vue physique, l’emploi d’une telle formule revenait à supposer que l’énergie d’émission ne peut varier incitation do l’atome fait sauter
- que par bonds, par quanta. un électron se mouvant sur une
- trajectoire d’énergie W,, sur une 1. On trouve dans le commerce autre trajectoire d’énergie W2 ; ce
- des lampes portatives à vapeur de passage provoque l’apparition
- mercure. d’une raie spectrale (d’après Vlès).
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- Ainsi est née la célèbre théorie des quanta dont la fécondité n’a pas à être rappelée. Après Einstein, on admet que, pour une raie dont la fréquence (x) est v, on doit avoir :
- W = nhv,
- W est l’énergie du rayonnement émis par la raie, h est la constante de Planck (6,5 x io-27) et n un nombre variable prenant toujours des valeurs entières (i, 2, 3, ...). On appelle quantum d’énergie le produit hv. Les valeurs expérimentales trouvées ont montré que l’énergie émise' par une radiation es't
- Singulets (raies simples)
- Triplets ( Paies triples)
- s__ Pi. Pî_ p3 _ di__da
- niveau
- metastable
- résonance
- niveau
- métastabie
- Fig. 9. — Schéma des systèmes électroniques constituant l’atome
- de mercure.
- Sur la colonne verticale gauche, l’énergie d’excitation. A. droite, les différents niveaux d’énergie sur lesquels se meuvent les électrons.
- beaucoup plus élevée dans le cas des faibles longueurs d’onde que dans celui des grandes longueurs.
- Comme nous l’avons déjà mentionné, le spectre d’émission d’un élément présente un nombre différent de raies selon que la luminescence est provoquée par la flamme d’un chalumeau, l’arc électrique ou l’étincelle d’un circuit oscillant. Les systèmes dont l’excitation provoque les raies ne sont pas tous sur un même plan. Quels sont ces systèmes P On doit à Bohr le. schéma le plus explicatif des systèmes excitables à l’intérieur de l’atome. D’après Bohr, l’atome neutre est composé d’un noyau ou masse chargée d’électricité positive et d’électrons chargés négativement, la charge totale des électrons compensant la charge du noyau. Si l’on admet que les électrons se meuvent normalement sur des trajectoires fermées autour du noyau (fig. 8), il est logique d’assimiler le système dont l’excitation donne naissance à une raie spectrale au passage d’un électron d’une trajectoire à une autre trajectoire.
- En appliquant ce principe à l’ensemble des raies d’un spectre, on est parvenu à établir le schéma des systèmes électroniques dont la perturbation entraîne la production du spectre d’émission. La figure 9 montre, avec quelques simplifications, le schéma du spectre du mercure. On voit par exemple que la raie 5 770 Ângstrôms est provoquée par un électron qui oscille entre les niveaux 2P et 3d2.
- 1. La fréquence est égale au quotient de la vitesse de la lumière (300 000 km par seconde) par la longueur d’onde considérée.
- L’étude des spectres d’absorption a aussi conduit à des résultats théoriques intéressants, bien que la difficulté parût de prime abord inextricable ; des constitutions moléculaires ont pu être établies. Aux molécules simples, les spectres d’absorption font attribuer des schémas simples. L’utilité de ces schémas est de permettre de calculer certaines propriétés des corps et de prévoir leur action. Avant la guerre de 1989-1945, Victor Henri et son école liégeoise s’étaient distingués dans ces études. Dès que les molécules se compliquent, les schémas deviennent insuffisants et l’on a alors recours à la notion des chromophores comme dans la chimie des couleurs. Victor Henri, dans ses célèbres « Études de photochimie », a été le premier, en 1919, à insister sur les groupements d’atomes qui supportent les bandes d’absorption ultra-violettes et infra-rouges. Victor Henri a également été le premier à indiquer la possibilité de calculer un spectre d’après les analogies chimiques.
- *
- * *
- Ce rapide exposé aura permis, nous l’espérons, de faire entrevoir la richesse de la spectroscopie actuelle. Elle est . devenue une véritable science, à cheval sur l’optique et la chimie générale. Sur le plan théorique, elle touche aux abstractions des grandes théories modernes; sur le plan pratique, elle contribue efficacement à l’amélioration des contrôles des fabrications. On peut en espérer de multiples applications biologiques et thérapeutiques. Une société technique, le Groupement pour l’avancement des méthodes spectroscopiques (G.A.M.S.) a été fondé, il y a quelques années, sous l’égide du Ministère de l’Armement; elle se propose de contribuer à l’extension de la spectroscopie. Quels que soient les développements ultérieurs de la méthode, il n’en est pas moins que son champ actuel d’application est immense; que, par son élégance, sa précision, ses divers aspects, son étude est passionnante non seulement pour le technicien déjà accompli dans d’autres branches, mais aussi, mais surtout pour tous ceux possédant une bonne formation scientifique et avides de s’instruire (x).
- Frédéric Gillot.
- 1. Parmi les ouvrages d’intérêt pratique, nous citerons :
- P. Swings. — La spectroscopie appliquée. Paris, Hermann, 1935.
- C. Candler. — Spectroscopie pratique (en anglais). Londres, Hilger et Watts, 1949.
- G. Dhéré. — La fluorescence en biochimie. Paris, Presses universitaires de France, 1937.
- Le pipe-line de Paris.
- On va commencer la construction d’un pipe-line entre Le Havre et Paris pour amener vers la capitale les hydrocarbures séparés du pétrole brut dans les raffineries de la Basse-Seine et les produits rectifiés débarqués au Havre. La conduite est prévue d’un diamètre de 25 cm; on compte qu’elle débitera annuellement 1 5oo 000 t; sa longueur sera de 25o km. Elle servira au transport de l’essence, du lampant et du gas-oil, les fuels continuant d’être acheminés par péniches. Le nouveau pipe-line, recommandé par le plan Monnet, autorisé par une loi d’août 1949, s’ajoutera sans la réduire à la flotte actuelle de péniches-réservoirs et aux trains de wagons-citernes pour satisfaire aux demandes croissantes de carburants de la région parisienne qui représentent un cinquième environ des besoins natior naux. Techniquement, il n’y aura que des avantages à cette nouveauté : grande capacité de transport; débit continu de jour et de nuit, à l’abri des troubles météorologiques et climatiques (crues, sécheresse, gel); facilité de satisfaire les fortes pointes des demandes d’huiles de chauffage pendant les froids en libérant de la batellerie pour leur transport. C’est ce qu’annonce Petroleum Press Service.
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- nocturne
- des Chauves-Souris
- L’extrême petitesse des yeux des Chauves-Souris, inhabituelle chez les mammifères nocturnes, avait fait penser depuis fort longtemps que ces organes ne pouvaient être que d’un faible secours, sinon complètement inutiles, pour diriger leur vol dans l’obscurité. De nombreuses expériences, dont les plus célèbres furent celles de Spallanzani au xviii6 siècle, l’avaient prouvé depuis longtemps et des études récentes ont montré que les Chauves-Souris possèdent un procédé de repérage des objets dans l’obscurité qui leur est tout à fait particulier (1). La surprenante analogie de ce procédé avec le radar électro-magnétique a attiré rapidement l’attention du public sur ce phénomène et on semble trop souvent croire que tout a été dit sur la question. En réalité, si cette remarquable découverte a jeté un jour tout nouveau sur le comportement des Chauves-Souris, beaucoup de points restent à élucider avant qu’il soit possible d’interpréter tout ce qui concerne le vol de ces animaux dans leur état naturel.
- Le repérage par les ultrasons. — Rappelons brièvement en quoi consiste ce mode de repérage. Les expérimentateurs Griffin et Galambos, employant un analyseur d’ultra-sons,
- Fig. 1. — Tête de Rhinolophe « petit Fer à Cheval », grossie trois fois.
- Il n’y a pas d’oreillon. La lame qu’on voit devant le pavillon de l’oreille n’est que le bord antérieur de celui-ci.
- ont démontré que les Chauves-Souris émettent un son de fréquence très élevée, inaudible pour l’oreille humaine, dont elles perçoivent l’écho réfléchi par les objets qui les environnent. Le temps qui s’écoule entre l’émission de l’ultra-son et la perception de l’écho les renseigne sur la distance de l’objet.
- La fréquence de l’ultra-son varie de 3o ooo à 70 000 vibrations par seconde (l’oreille humaine n’en peut entendre que 20 000, tout au plus, rarement 25 000). Afin que l’animal ne soit pas assourdi par le cri qu’il émet, l’oreille est rendue insensible pendant la durée du cri par l’immobilisation temporaire de la chaîne des osselets. La durée du cri n’atteint pas un cinquantième de seconde et la portée utile ne paraît pas dépasser k m.
- Lorsque l’animal est au repos, le cri est émis une dizaine de fois par seconde; lorsqu’il vole, une trentaine de fois en géné-
- 1. Voir La Nature, n* 3088, 15 mai 1945, p. 158
- ral; mais lorsqu’il s’approche d’un obstacle le nombre de cris augmente et peut atteindre soixante par seconde pour diminuer lorsque l’obstacle est dépassé.
- Il est nécessaire que chaque individu ne soit pas gêné par les sons émis par ses congénères; cela semble réalisé la plupart du temps dans le vol en plein air par la portée limitée de l’ultrason, mais bien souvent il y a des réunions de Chauves-Souris en nombres considérables, dans certaines grottes par exemple, et on admet qu’alors chacune est capable de reconnaître son propre cri d’après des nuances de. hauteur. Il semble toutefois qu’il ne s’agisse là que d’une hypothèse qui n’a reçu jusqu’ici aucune confirmation.
- Émission et réception des ultrasons. — On ne sait pas encore tVès bien comment sont produits les ultra-sons. Ce qui est certain c’est que le larynx des Chauves-Souris est assez différent de celui des autres mammifères; il est osseux — et non cartilagineux — et présente des renflements de formes variés. Il est volumineux pour la taille de l’animal, mais comme celle-ci est toujours faible, ses dimensions absolues sont très petites, ce qui convient parfaitement à la production de sons suraigus.
- Il est difficile de savoir si le son est émis par la bouche ou par le nez. On peut supposer que le nez joue un i'ôle important sinon exclusif car, bien que la plupart des Chauves-Souris volent la bouche grande ouverte, il paraît peu vraisemblable que l’émission d’ultra-sons cesse au moment où elles capturent et dévorent une proie. On peut évidemment faire remarquer que, chez certaines espèces tout au moins (Murin, Oreillard), l’animal va se poser, suspendu par les pieds, pour manger une proie volumineuse, la membrane interfémorale servant à entreposer la nourriture. U a pour cela des places de prédilection sous lesquelles on retrouve les débris qui permettent d’étudier son régime, mais, pour retrouver ces places il doit pouvoir se diriger et, la proie étant portée dans la bouche, il semble bien que dans ce cas aussi l’émission des ultra-sons doive se faire par le nez.
- Un autre argument en faveur de l’émission par le nez est le dispositif spécial que présentent les Rhinolophes (Chauves-Souris « Fer-à-Cheval »). On connaît l’extraordinaire disposition des membranes que ces animaux portent sur la face (fig. x) et qu’on a considérées comme une dépendance, rejetée à l’extérieur, des fosses nasales. De plus l’épiglotte présente chez eux une disposition particulière qui la met aussi en rapport avec les fosses nasales et l’on a suggéré que ce dispositif contribue à l’émission par le nez et sert
- à diriger les ultra-sons „
- 7, , , . Fig. 2. — Tete de Vespértilion
- d’une façon plus précisé. d moustaches, grossie trois fois.
- Les Rhinolophes semblent L’oreillon est bien développé. La face avoir en effet un vol beau- porte des renflements globuleux.
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- coup mieux contrôlé que les autres espèces. Habituellement lorsqu’une Chauve-Souris se pose, elle s’accroche d’abord par les quatre membres et tâtonne un peu au hasard avant de trouver la place où elle se pendra par les pieds, Le Rhinolophe au contraire effectue en l’air, au moment de se poser, un retournement qui lui permet de s’accrocher immédiatement la tête en bas au support choisi. B. Vesey-Fitzgerald cite le cas de Rhi-nolophes captifs qui avaient pris l’habitude de s’accrocher sous un meublé où ils ne disposaient que de 5 cm pour effectuer leur retournement et qui s’accrochaient malgré cela avec une précision parfaite.
- Si l’organe facial des Rhinolophes semble servir à diriger le son à l’émission, il se peut aussi qu’il serve à la réception. Ces Chauves-Souris en effet ont une oreille de constitution plus simple que les autres et ne possèdent pas l’organe nommé oreillon ou tragus. On sait que cet appendice, plus ou moins important suivant les espèces, se présente un peu comme un pavillon supplémentaire de l’oreille (fig. 2 et 3) et les Chauves-Souris comme l’Oreillard, chez qui il est très développé, ont un vol particulièrement assuré.
- Précision du repérage. — De toute façon, il est difficile d’affirmer quoi que ce soit et il ne semble pas que ces interprétations des faits aient reçu jusqu’ici de confirmation directe. On conçoit bien comment l’animal peut repérer un objet isolé; la direction de l’écho et le temps qui s’écoule entre l’émission et la réception du son suffisent à préciser l’emplacement de l’obstacle. Si, comme on peut le supposer, le faisceau ultra-sonore est dirigé, ou tout au moins possède une plus grande intensité dans une direction donnée — celle dans laquelle l’animal se dirige — le repérage est grandement facilité. On comprend aussi assez bien que plusieurs objets puissent être détectés simultanément et même que leurs dimensions soient connues, mais on né voit pas comment le système peut donner du milieu extérieur une « image » assez précise pour les besoins de l’animal.
- Nous ne pouvons évidemment pas concevoir la sensation que procure à la Chauve-Souris l’utilisation du système ultra-sonore mais quelques chiffres peuvent donner une idée de la précision avec laquelle il doit fonctionner pour être employé utilement. L’émission de 5o cris par seconde, pour une vitesse de aoI de 5 m/sec — vitesse relativement lente — correspond à un cri tous les 10 cm. Si un obstacle se présente à 3 m, l’aller et retour du son dure environ i/5o de seconde, à 1 m il n’est plus que de i/i5o seulement. Or l’observation directe montre que les Chauves-Souris évaluent des distances beaucoup plus courtes et ceci avec une très grande précision, comme dans le cas cité plus haut des Rhinolophes. A 10 cm, le temps ci-dessus serait de x/i 5oo de.seconde et une précision de 5 mm exigerait que ce. temps soit évalué à x/3o 000 de seconde près !
- Recherche des proies. — Rien ne permet d’affirmer que. cette extraordinaire pi'écision soit réalisée, et il n’est pas impossible que, dans certains cas tout au moins, autre chose intervienne pour compléter les indications données par les ultrasons. L’examen des conditions dans lesquelles se fait la recherche de la nouri’iture va nous montrer qu’il doit bien en être ainsi.
- On peut penser qu’un insecte qui vole est détecté comme le serait tout objet se présentant à distance d’écoute, et que son mouvement le fait aussitôt considérer comme une proie possible. On sait que si l’on jette un caillou devant une Chauve-Souris, elle se dirige vers lui mais s’en détourne lorsqu’elle arrive à une certaine distance : au début, la perception d’un petit objet én mouvement a attiré l’animal qui ensuite, de près, s’est rendu compte qu’il ne s’agissait pas d’une proie.
- Le bruit produit par le vol de l’insecte doit jouer un rôle important dans sa reconnaissance. Une expéi'ience bien simple que nous avons réalisée souvent montre que les Chauves-Souris
- doivent être sensibles à des vibrations dont la fréquence est de l’oi’dre de grandeur de celles des ailes d’insectes. Si l’on tient à bout de bras, en l’air, une longue tige d’herbe en la faisant x’ouler rapidement entre les doigts, les brins de la fructification qui la termine se mettent à vibrer, irrégulièrement d’ailleurs, et les Chauves-Souris qui passent à proximité s’en approchent à courte distance. Si au contraire la tige est maintenue immobile dans la même position, elles ne s’en approchent pas plus que des objets environnants : de loin l’animal a dû percevoir une vibration qu’il prend pour celle d’un vol d’insecte et le repérage par ultra-sons ne lui a pas donné d’éléments suffisants pour éviter son erreur.
- Les Chauves-Souris insectivores se nourrissent généralement de proies prises au vol, mais quelquefois aussi d’insectes posés. L’Oreillard capture les chenilles sur les feuilles. Le Vespertilion de Natlerer et surtout le Vespertilion à moustaches capturent beaucoup d’araignées. On a trouvé aussi dans les restes des repas du grand Fer-à-Cheval des débris d’araignées et d’insectes aptères. Quel est alors le sens qui pei’met la découverte de telles proies ? Il ne semble pas que le système supersonique permette d’identifier par exemple une chenille dans un buisson. Serait-ce le bruit que fait la chenille en mangeant ou l’araignée en marchant qui donne une indication suffisante ? L’observation directe dans l’obscurité n’est, pas possible et on ne peut éclairer artificiellement car, chose curieuse, contrairement à l’effet produit chez beaucoup de mammifères nocturnes qui ont une vision développée dans l’obscurité, la lumière semble gêner souvent les Chauves-Souris.
- La face porte chez ces animaux des poils sensitifs situés ou non sur des l’enlîements d’aspect glanduleux dont on ignore le l'ôle exact. Les renflements étant particulièi’ement développés chez ceux qui, comme le Vespertilion à moustaches, se nourrissent surtout d’insectes posés, il n’est pas impossible qu’un sens tactile spécialisé puisse intervenir.
- Il pai’aît difficile d’invoquer le rôle de l’odorat que l’on considère en général comme très peu développé chez les Chauves-Souris. Ces animaux ne réagii’aient pas à des odeurs violentes pour nous (camphre, gaz ammoniac). Pourtant E. Nerincx a rapporté le cas de deux Murins captifs qui entrèrent dans un tiroir enl.r'ouvert pour essayer de s’emparer d’une chrysalide enfermée dans une boîte d’allumettes. Cette boîte, ainsi que d’autres semblables qui contenaient des objets divers, dégageait une légère odeur sulfureuse qui n’a pas troublé les deux animaux. Peut-être le bruit d’un mouvement de la chrysalide les avait-il attirés, mais comment, sinon par l’odorat, auraient-ils découvei’t un moi’ceau de viande dans un bocal où ils furent trouvés un peu plus tard, pris comme dans un piège ?
- Défaillances et accidents. — Si l’ouïe normale et peut-être d’autres sens interviennent plus ou moins dans la perception des objets, il y a des cas où la détection ultra-sonore employée seule devrait être suffisante et où elle pai’aît pourtant se trouver en défaut.
- Les Chauves-Souris évitent facilement des fils tendus à travers une chambre, mais à condition qu’ils ne soient pas ti’op ténus. La limite inféi’ieure semble variable suivant les espèces : un diamètre inférieur à o,3 mm n’est décelé par aucune, mais l’Oreillard par exemple paraît ignoi’er les fils jusqu’au diamètre de 0,9 mm. Il est probable que les ultra-sons sont mal réfléchis par de tels objets.;
- Lorsque des Chauves-Souris, lâchées en plein jour dans une pièce fermée, chex’chent à s’enfuir, certains individus se heurtent aux carreaux des fenêtres, d’autres les évitent. Ainsi lors d’expériences faites par R. Hainard, une Pipistrelle commune, deux Pipistrelles de Nathusius sur quatre, un Oreillard sur deux, un petit Fer-à-Cheval sur deux,’un grand Fer-à-Cheval, une Noctule se sont cognés tandis que les autres, plus une Sérotine et sept Minioptères ont évité les Autres. Il en est de même lorsqu’on cherche à capturer des Chauves-Souris en tendant des
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- filets dans leurs grottes : en général le filet est évité, bien que de temps à autre certains individus s’y prennent.
- On a constaté plusieurs fois des collisions mortelles de Chauves-Souris d’espèces différentes et M. Blackmore a été témoin, un soir, au crépuscule, de la rencontre en vol d’un Merle et d’une Pipistrelle : le choc fut tel que malgré la faible masse de la Chauve-Souris, les deux animaux furent tués sur le coup.
- Les défaillances observées l’ont été surtout dans des conditions artificielles. La non détection de fils très fins est sans importance dans la vie normale de l’animal qui ne rencontre guère de tels objets dans la nature. Dans le cas des vitres et des filets, l’erreur est peut-être simplement d’ordre psychologique. On sait en effet que, fréquemment, loi'sque des animaux se trouvent placés subitement dans des conditions inhabituelles, ils exécutent des actes qui nous semblent totalement inadaptés, bien qu’il n’v ait aucune raison pour que leurs organes des sens ne fonctionnent pas de façon normale. On observe d’ailleurs souvent dans ce cas d’importantes variations individuelles du comportement. Un oiseau dont le nid a été légèrement déplacé reviendra à l’emplacement primitif et ne donnera pas à manger aux
- Fig. 3. — Tête d’Oreillard, grossie trois fois.
- L’oreillon, déjà grand par rapport à l’oreille, est spécialement développé, puisque la longueur totale du corps ne dépasse guère celle de l’oreille.
- jeunes qu’il voit pourtant près de lui, réclamant la nourriture. La mémoire des lieux l’emporte alors sur la sensation visuelle. Il en est peut-être de même des Chauves-Souris troublées dans leurs habitudes, chez qui la perception lumineuse indiquant l’espace libre prend le pas sur l’indication beaucoup plus précise de l’obstacle donnée par le repérage ultra-sonore. Il ne faut jamais négliger la possibilité de telles interprétations dans les expériences faites sur des animaux captifs et les résultats doivent en être critiqués soigneusement, surtout lorsqu’il s’agit, comme ici, d’espèces très spécialisées, dont les facultés d’adaptation sont faibles.
- Les collisions en vol sont plus difficiles à comprendre. Il se peut qu’il s’agisse simplement de défaillances accidentelles, comme ce fut certainement le cas dans la rencontre dont nous avons été témoin une fois en plein jour, de deux Hirondelles dont l’une fut aussi tuée parle choc.
- On voit par ces quelques exemples que si la découverte du repérage ultra-sonore a fait faire un pas considérable à l’étude des Chauves-Souris, ces animaux sont encore bien loin d’avoir livré leurs secrets.
- P. Barruel.
- L’aviation civile mondiale.
- Le World Directory of Scheduled Common Carrier Airlines a dressé la statistique des lignes aériennes exploitées par des services civils que publie l’U. S. Civil Aeronautic Board. La revue Petroleum Press Service en a extrait les renseignements suivants :
- Au 3o avril ig'5o, le réseau des lignes civiles régulières s'étendait sur près de deux millions de km, soit 5o fois la longueur d’un grand cercle terrestre. 266 compagnies de navigation aérienne, desservant 160 pays et territoires, assuraient des services réguliers couvrant chaque semaine environ i.5 fois la longueur totale du réseau mondial. Ceux-ci se répartissaient ainsi, en milliers de km :
- Lignes américaines :
- Services intérieurs ......................... 11 150
- )> étrangers ............................. 2 656
- Lignés de l’U.R.S.S............................. 2 720
- Lignes du reste du monde :
- Services intérieurs .. /...................... 5 430
- » étrangers .............................. 0 936
- Total............................. 27 892
- Comme on le voit, la part des compagnies américaines atteignait i3 806 000 km, soit 48 pour xoo des trajets réguliers; elle avait été de 5a pour xoo au début de ig4g et de 60 pour 100 en avi'ii ig47- Tandis que de ig4? à ig5o, les parcours hebdomadaires sur les lignes améi-icaines augmentèrent de i3 pour 100 seulement, ils augmentèrent de 5a pour xoo dans les autres pays, marquant le relèvement de l’aviation civile dans le reste du monde. Pendant ce temps, les avions n’ont cessé de grandir,
- d’augmenter de vitesse et d’avoir une charge payante croissante, si bien que la capacité des lignes américaines, calculée en tonnes/kilomètre s’est en réalité accrue de 35 pour 100 en ces deux dernières années.
- Les quatre cinquièmes du trafic régulier mondial sont effectués sur des appareils de construction américaine.
- La .compagnie française Air-France exploite le réseau le plus étendu : 122 817 km; la ligne la plus courte est celle d’une société australienne : 32 km seulement. Les autres compagnies d’aviation se classent ainsi, d’après la longueur des routes aériennes qu’elles exploitent :
- France .......... Air-France 122 817 km
- Pays-Bas ........ K.L.M. 114 945 »
- Grande-Bretagne . British Overseas Airways 111 128 » U.S.A............ American WoxTd Airways 92 504 »
- Les services réguliers de l’Aéroflet russe assurent chaque semaine un pax-cours de 2 787 000 km tandis que la plus petite ligne australienne ne voit que 1 000 km de vols. Les autres réseaux aériens sont régulièrement parcourus chaque semaine sur des distances très variables :
- U.R.S.S........ Aeroftet 2 737 000 km
- U.S.A. ....'..... American Airlines 1 851 000 »
- » ......... Eastern Airlines Inc. 1 658 000 »
- » ......... Pan Amei-ican 1 481 000 »
- France........... Air-France 853 000 »
- Grande-Bretagne . B.O.A.C. 837 000 »
- Pays-Bas ...................... K.L.M. 605 000 5)
- Grande-Bretagne . British European Airways 547 000 »
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- LA PRODUCTIVITÉ DE LA MER
- étudiée par un isotope radioactif du carbone.
- Depuis longtemps, on sait bien que les pêches maritimes sont une industrie aléatoire, présentant d’énormes variations de rendement.
- Toutes les eaux ne sont pas également fertiles. Généralement, les pêches sont plus intenses dans les mers bordières peu profondes qu’au-dessus des abîmes. Cela tient en partie à ce que les pêches les plus productives se font sur le fond ou immédiatement au-dessus et que les plus grands chalutiers ne peuvent descendre leurs engins au-dessous de 3oo m, ou au grand maximum de 5oo; les bateaux plus petits de la pêche artisanale ne dépassent guère ioo m. Ces petits fonds sont plus nombreux et plus étendus près des côtes et leur accès est moins dispendieux et plus facile que celui des hauts fonds du grand large. En outre, les pêches scientifiques des expéditions océanographiques ont montré que plus loin des côtes et plus bas, la faune est toute différente et bien plus pauvre.
- Généralement, les poissons sont plus gros et plus nombreux dans les régions froides que dans les eaux très chaudes, mais chaque espèce a sa zone d’habitat optimum et les espèces de la côte occidentale d’Afrique ne sont pas les mêmes, pour la plupart, que celles de la Mer du Nord ou des côtes de Norvège. Seuls, quelques animaux de surface sont ubiquistes et se retrouvent sous toutes les latitudes.
- Dans chaque océan, aux mêmes latitudes, les rives orientales et occidentales ne sont pas comparables et possèdent des faunes distinctes, en partie à cause des courants d’eau chaude ou froide qui les longent.
- Si beaucoup de poissons du fond sont sédentaires et peuvent être pêchés toute l’année, les pélagiques vivent en bancs énormes et se déplacent en masses suivant les saisons; les morues, les harengs, les sardines, les thons font ainsi. Pour certains, on a déjà reconnu les routes et l’étendue de leurs déplacements; pour d’autres, on ne sait encore ce qu’ils deviennent quand ils disparaissent des lieux de pêche traditionnels en surface, près des côtes.
- On observe aussi d’autres mouvements; c’est ainsi qu’en ces dernières années, les moi'ues, les harengs ont été .pêchés beaucoup plus au nord, peut-être par suite du réchauffement des eaux et du climat, dans les régions arctiques et boréales.
- Les fluctuations de la pêche sont très grandes d’une année à l’autre. On se souvient en France des crises sardinières dues à la raréfaction de ces poissons, parfois pendant une série d’années consécutives; la Californie a souffert d’autres à-coups dans la pêche des germons. On n’a guère aperçu jusqu’ici de corré-, lations étroites directes entre ces variations du peuplement et des phénomènes cycliques météorologiques ou cosmiques.
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- Des biologistes, des océanographes, des techniciens de.s pêches ont multiplié les analyses des divers facteurs du milieu dont les variations pourraient expliquer les irrégularités des pêches.
- Les uns ont suivi le développement des êtres marins, noté la succession et la durée de leurs stades larvaires et juvéniles, compté les années de vie des mollusques sur les stries concentriques des coquilles et celles des poissons sur les anneaux des écailles, des otolithes, de certains os. Ils ont distingué dans chaque population des classes d’âges différents dont l’ensemble constitute le stock exploitable et dont chaque groupe renseigne sur l’abondance probable des pêches des années prochaines. D’autres ont établi les courbes de variation dans le temps de
- l’énergie reçue du Soleil. L’illumination des couches supérieures de la mer oscille du jour à la nuit en a4 h, du fait de la rotation de la Terre, et varie plus irrégulièrement selon la transparence du ciel et de l’eau; elle varie aussi selon les saisons, du fait de la translation de la Terre en position oblique sur l’écliptique. La composition spectrale de cette lumière se modifie en profondeur et selon la turbidité de l’eau. La lumière est nécessaire à la photosynthèse des algues à chlorophylle; elle permet l’enrichissement du milieu en oxygène, son appauvrissement en acide carbonique, son alcalinisation. Beaucoup d’animaux y sont sensibles et recherchent une zone optimale par des déplacements verticaux.
- La chaleur pénètre aussi les couches superficielles, bien que les courants et les turbulences de l’eau perturbent une stratification régulière. Cette chaleur active tous les échanges du milieu et des animaux; elle hâte la croissance; elle peut aussi limiter les déplacements de certaines espèces.
- D’autres encore ont eu recours à l’analyse chimique. Ils ont reconnu l’importance de l’oxygène, du carbone organique et minéral, de l’azote sous ses diverses formes, des phosphates, des silicates et même d’autres éléments à très faibles concentrations, tels que le fer, le manganèse, On a été jusqu’à parler d’engrais, comparables à ceux que l’agriculture ajoute aux sols, après des essais dans des fjords, des lochs, des baies plus ou moins isolés. Quoi qu’il en soit et bien qu’il paraisse difficile d’extrapoler des champs à la mer et de rêver de la mise en culture de celle-ci au large, on sait aujourd’hui que des minima de concentration de beaucoup d’éléments chimiques sont nécessaires à la production des animaux que l’homme pêche et que l’eau de mer se dépeuple quand elle s’épuise de cërtains d’entre eux, l’azote, le phosphore, le silicium, par exemple.
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- Peu à peu, le problème est apparu extraordinairement complexe. On en est arrivé à voir des séries de cycles qui interfèrent et s’enchevêtrent.
- La mer, comme le sol, abrite des microorganismes autotro-phes; non seulement, ils assurent les décompositions des matières organiques en éléments de plus en plus simples, des cadavres et des déchets jusqu’à l’acide carbonique et l’ammoniaque; mais aussi, ils sont agents de synthèses qui, du carbone, des carbonates, de l’azote des nitrates, des nitrites, de l’ammoniaque peuvent faire des molécules de matière vivante, sans avoir besoin d’autre nourriture déjà organisée.
- La mer contient bien d’autres microorganismes : des bactéries hétérotrophes qui se nourrissent de tous les détritus et nettoient le milieu, des protistes dont beaucoup à pigments chlorophylliens utilisent à la lumière l’acide carbonique dissous (diatomées, péridiniens, flagellés, etc.), tandis que d’autres sans chlorophylle consomment les autres êtres plus petits qu’ils rencontrent. Tous sont les proies d’animaux plus grands qui, à leur tour, sont dévorés par d’autres carnivores encore plus grands. C’est une chaîne complexe, aux anneaux très nombreux et variables, qui va des êtres les plus petits, de l’ordre du micron, aux plus gros, les poissons, les cétacés. C’est aussi un cycle puisque les plus gros, après leur mort, seront détruits à leur tour par les bactéries, les protistes, qui remettront en circulation les éléments dont ils se sont nourris.
- Jusqu’ici, on ne pouvait guère espérer suivre en détail de semblables transferts. On a compris peu à peu qu’il y a là une
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- intrication de périodicités biologiques dont on a saisi seulement quelques maillons.
- Par exemple, on sait que pendant l’hiver, la mer est, au large, en surface, presque vide d’êtres vivants. Ceux-ci apparaissent à partir de février, sous forme d’éléments reproducteurs d’algues, puis de végétaux unicellulaires divers; au printemps, brusquement, les diatomées pullulent, alors que les champs terrestres commencent à fleurir. Elles deviennent si nombreuses qu’elles appauvrissent l’eau en phosphates et en silicates. Puis se montrent les œufs et les larves du zooplancton, et bientôt des herbivores adultes, notamment des copépodes, qui dévorent les diatomées avant d’être à leur tour les proies de carnassiers. Dès juin, cette profusion de vie se ralentit. Les premières pluies d’automne ruisselant à la mer y entraînent quelques sels nutritifs et provoquent un nouvel afflux de diatomées, bien plus faible qu’au printemps, puis toute multiplication, toute croissance s’arrêtent, les adultes gagnent le fond ou des régions plus chaudes; plancton et poissons de surface disparaissent jusqu’au prochain printemps. Ce réveil saisonnier de la mer n’est qu’un schéma général, susceptible de bien des variantes pour chaque espèce, selon les lieux et les années.
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- Pour être mieux informé, pour prévoir la productivité prochaine et les possibilités des pêches, il faudrait suivre les variations de tous les facteurs en cause : courants, lumière, température, salinité, oxygène, matière organique, carbone et azote, phosphore et silice, et probablement bien d’autres encore. Il faudrait aussi connaître toutes leurs corrélations et- leurs équilibres. Certains ont cru pouvoir traiter mathématiquement de quelques données dont on dispose, appliquer les ressources du calcul aux rapports entre espèces ou à la multiplication de chacune d’elles, mais le'nombre des variables est bien trop grand et leurs coefficients d’action trop aléatoires pour qu’on en tire des résultats valables, ni même qu’on prétende ainsi délimiter le problème ou le dominer.
- Et encore, n’a-t-il pas été question d’autres facteurs biologiques d’importance : les associations animales, les biocénoses, depuis les rassemblements temporaires en bancs, en foules, jusqu’aux symbioses, au parasitisme, aux infections et aux épidémies. Qu’on songe aussi à ces surprenants phénomènes que sont la brusque disparition des prairies de zostères sur foutes les côtes de l’Atlantique nord, supprimant en quelques mois les f ray ères de bien des espèces littorales, ou encore cette brutale mortalité qui sévit, il y a quelques années, sur les parcs à huîtres, et tant d’apparitions et de disparitions soudaines d’espèces, dont les causes sont restées presque toujours inconnues. Chaque fois, l’équilibre du milieu s’en trouve modifié ou même bouleversé.
- On ne'peut donc espérer aboutir dès maintenant à une prévision de la productivité de la mer et du rendement des pêches.
- Il y faudra encore de longues et patientes séries d’observations. Bien peu de corrélations se trouvent vérifiées dans le temps, par les faits, même quand elles apparaissent raisonnables et satisfaisantes pour l’esprit. Trop de variables interfèrent qui rendent le calcul impuissant.
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- A toutes les méthodes statistiques, physiques, chimiques, bio- • logiques déjà mises en œuvre, la chimie nucléaire vient d’ajouter un nouveau moyen qui pourrait bien se révéler très fructueux. .
- La Nature a dernièrement présenté de récents travaux où l'iso-
- tope radioactif du carbone 14C servait pour dater,des restes préhistoriques ou archéologiques (x). Comme il se détruit très lentement en émettant des particules de moins en moins nombreuses, le comptage de la fréquence de celles-ci donne une estimation du temps écoulé depuis sa formation.
- Nature, de Londres, AÛent de signaler une autre utilisation de l’isotope 14C, pour suivre la production de matière organique dans la mer.
- Cette fois, on n’a pas cherché à en obtenir l’indication d’une date lointaine; on a mesuré la proportion que des algues, à la lumière, en extraient en un jour des bicarbonates dissous dans l’eau de mer pour en faire leur propre substance. Cette nouvelle application des éléments <c marqués » est l’œuvre de M. E. Steemann Nielsen (2). M. Nielsen était à bord de la Gala-thea pendant la récente croisière océanographique de ce navire danois (3). Avant d’embarquer, il avait fait préparer à Copenhague des ampoules contenant i ml de solution de bicarbonate de sodium (NaIIC03) dont le carbone était l’isotope radioactif hC du carbone ordinaire l2C. On sait que cet isotope a une période de vie fort longue, puisque le nombre des particules qu’il émet dans un temps donné diminue de moitié seulement en 5 ooo ans. A bord, M. Nielsen ajoutait cette solution de radioactivité connue à un échantillon d’eau de mer contenant du plancton et il soumettait le mélange à un éclairement artificiel dont l’intensité était réglée pour provoquer l’optimum de photosynthèse. Dans ces conditions, le phytoplancton présent assimilait le carbone du bicarbonate (qu’il soit en 12C comme celui de l’eau de mer ou en 14C comme celui spécialement préparé, pour s’accroître en formant de nouvelle matière organique). Après un certain temps, ôn filtrait sur collodion le milieu en expérience; les cellules vivantes restaient sur le filtre; on les détruisait par des vapeurs d’acide chlorhydrique pour en ramener le carbone à l’état minéral. On séchait le résidu où se trouvaient les deux carbones et on avait ensuite tout le temps, après le retour à terre, pour mesurer au compteur de Geiger, l’activité de chaque échantillon et la comparer à celle du radiocarbone employé en solution.
- 58 essais furent pratiqués pendant le voyage dans l’Atlantique, entre Lisbonne et Le Cap. Certains portèrent sur des échantillons d’eaux prélevés au même lieu, à diverses profondeurs. La méthode se montra très sûre et M. Nielsen put déterminer ainsi des productivités par mètre carré de surface et par jour, variant de 20 mg de carbone près de Ténériffe à 2 g dans le courant de Benguela, et comprises fréquemment entre ioo et 200 mg.
- Ce n’est là qu’un début, mais qui semble riche de promesses. On pourrait sans doute aussi bien suivre, grâce à l’isotope marqué, tout le cycle du carbone, des sels de l’eau de mer aux algues du plancton, de celles-ci aux herbivores qui s’en nourrissent, de ceux-ci aux carnivores dont ils sont les proies, puis après la mort des derniers, la décomposition progressive, de leurs éléments organiques jusqu’au retour à l’état d’anhydride carbonique. On pourrait également étudier les désassimilations, les excrétions, les éliminations respiratoires de C02. Jamais, jusqu’ici, pareil bilan n’avait pu être envisagé. C’est un nouveau champ d’études qu’ouvrent les éléments marqués de la chimie nucléaire.
- R. Legendre, Professeur honoraire à l’Institut Océanographique.
- 1. La Nature, n* 3194, juin 1951, p. 168.
- 2. E. Steeman-Nieesen. Measurement of the production of organic matter in the sea by means of carbon-14. Nature, n“ 4252, 28 avril 1951, p. 684.
- 3. La frégate Galathea a été équipée pour un voyage d’études océanographiques autour du monde, sous la direction du Dr Bruun, de Copenhague, un des élèves du regretté professeur Johs Schmidt. Partie l’an dernier de Copenhague, elle doit suivre à peu près la route que le Dana fit de 1928 à 1930.
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- Fig. 1. — Tours de prise d’eau, sur la face amont du barrage de Génissiat.
- LA CONQUÊTE DU RHÔNE
- I. - LE HAUT-RHÔNE. GÉNISSIAT
- Les Français sont actuellement engagés dans une œuvre colossale, dont les Américains ont. déclaré : « Elle est à notre échelle ! ». Il y a de l’orgueil, dans ce jugement au surplus flatteur. Les Américains ont oublié que les Français ont creusé Suez et qu’ils ont conçu et attaqué Panama : ils y ont même enlevé le principal cubage clés terres. Sans la fièvre jaune, ils auraient vaincu.
- Pareil danger, assurément, ne menace point les conquérants du Rhône; les difficultés sont techniques, mais énormes. On peut dire qu’il y a trente ans, la création de Donzère ou de Génissiat eût été impossible. Les machines de Donzère sont à peu près « à la limite de la technique » ; la dérivation du Rhône dépasse de beaucoup ce qu’on avait vu dans notre pays. Elle ne pourrait se comparer qu’à ce fameux « Canal des Deux Mers » (Méditerranée-Océan) qui n’a jamais Aru le jour.
- Il y a une « mystique du Rhône ». En portant la main sur ce fleuve resté dieu, sur le Rhône de César, de Charlemagne et de Mistral, les ingénieurs sont pris d’un enthousiasme dont on trouve de curieux échos au Conseil d'Administration de l’austère Compagnie du Rhône ! Ces économistes respirent l’enthousiasme : le lecteur nous pardonnera si nous y cédons parfois à notre tour !
- Le « robinet » du Léman.
- Né en Suisse, au glacier de la Furka, le Rhône dépose ses graviers en traversant le Léman, où ses eaux — dit-on — séjournent durant un an. Son altitude est de Zgb m aux vannes de Genève, où la hauteur d’eau varie peu. Le Léman est
- le régulateur de toutes les ressources du Rhône français supérieur.
- J’ai écrit quelque part que les Gènevois, aux vannes de la Coulevrinière, tiennent le robinet du Rhône et qu’ils pourraient arrêter Génissiat pendant deux mois; cette déclaration — purement numérique — a soulevé une vague de protestations en Suisse romande !
- Le calcul est pourtant facile. La superficie du Léman est de 58o km2; pour une' hausse de 1,20 m (limite admissible aux égouts de Yevev), ceci représente 700 millions de m3. En temps d’étiage, Génissiat absorbe i4o m3 par seconde, soit 12 millions de m3 par jour. Ce sont donc près de deux mois de disette que nos voisins pourraient nous infliger... Il est clair que nous ne leur supposons pas des intentions aussi noires, d’autant que les économistes suisses suivent avec grande attention les progrès de la future voie navigable Genève-Méditerranée.
- Franchis les défilés de Bellegarde, le fleuve s’enfonçait autrefois dans un effroyable canon et disparaissait presque entièrement sous terre ; c’était la célèbre « perte du Rhône », aujourd’hui couverte par la nappe d’eau de la retenue de Génissiat, où glissent pédalos et skis nautiques. Viennent ensuite une série de vallées pi'ofondes, en zigzags géographiques, où le Rhône bondit empanaché de vapeurs et se fraie un chemin, jusqu’à Lyon, entre le Jura et les Alpes.
- Même grossi de la Saône paisible, le Rhône ne perd jamais ce caractère de cheval sauvage, qu’il fallut faire trébucher à Génissiat avec des triangles de fer.
- Dans son cours montagneux, au-dessus de Lyon, il roule en moyenne 4oo t d’eau par seconde; en Provence, il charrie
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- i 5oo m3 par seconde, rapide encore, immensément étendu sur des lits de galets... Ce sont là des conditions uniques au monde, bien dignes de tenter également les poètes et les ingénieurs !
- La « Compagnie nationale du Rhône ».
- Voici des chiffres (1). Aménagé totalement, le Rhône pourrait produire i3 milliards de kW/h par an, soit approximativement la moitié de la production électrique du bassin houiller du Nord et du. Pas-de-Calais, ou de quoi doubler la production hydi'o-électrique française. Il est le fleuve de France qui subit le moins les caprices des neiges et des pluies; dès son entrée en France, il tire sa régularité de l’immense réserve du Léman et, plus en aval, du régime contrasté de ses affluents.
- Forte pente, gros débit même à l’étiage, de cette coïncidence résulte l’intérêt que présente l’aménagement des chutes du Rhône. Cet aménagement est si rentable, tout au moins pour les meilleures d’entre elles, qu’il doit permettre de payer les coûteux travaux de navigation envisagés, ainsi que les équipements d’irrigation agricole intéressant la basse vallée.
- En somme, la partie industrielle du programme, l’aménagemeent hydro-électrique des chutes, est le gage des travaux de caractère « régalien », navigation et améliorations agricoles, qui doivent être groupés en un programme
- 1. D’après M. G- Tournier, directeur administratif de la Compagnie nationale du Rhône.
- KVA
- 1. Génissiat ......... 350 000
- 2. Seyssel ............ 45 000
- 3. Champrion .......... 60 000
- 4. Culoz............... 45 000
- 5. Rives .............. 30 000
- 6. La Balme ........... 45 000
- 7. Rrégnier ........... 70 000
- 8. Sault-Brenaz ....... 45 000
- 9. Loyettes ........... 40 000
- 10. Villelte-d’Anthon. 40 000 H. Cusset (E.D.F.).
- 12. Lyon ............. 100 000
- 13. Estressin ......... 75 000
- 14. Saint-Rambert ... 170 000
- 15. Tournon .......... 110 000
- 16. Valence .......... 135 000
- 17. Loriol ........... 300 000
- 18. Montélimar ....... 300 000
- 19. André Blondel .. 300 000
- 20. Chàteauneuf - du -
- Pape ............ 225 000
- 21. Avignon ......... 120 000
- 22. Vallabrégue» ..... 80 000
- Fig. 2.
- Carte des vingt-deux usines prévues pour l’équipement Ai Rhône.
- Fig. 3. — Génissiat : bétonnage de la bâche spirale de la turbine
- du groupe .2.
- unique. C’est la formule dite des « trois points de vue », qui a présidé à la gestation de la Compagnie nationale du Rhône.
- L’enfantement juridique de cette compagnie d’un genre nouveau dura treize années, entre le vote de la loi du 27 mai 1921 et la constitution de la C.N.R. le 5 juin 1904. La compagnie groupe :
- i° les collectivités publiques de la vallée : départements, communes, chambres de commerce;
- 20 en raison de l’importance, pour la région parisienne, du courant électrique produit par le Rhône, les collectivités publiques de cette région ;
- 3° les chemin de fer, en Ame de l’électrification de la ligne Paris-Marseille ;
- 4° les concessionnaires d’électricité des régions rhodanienne et parisienne.
- Du point de vue financier, la « formule du Rhône » comporte un schéma original, faisant intervenir l’État, garant des obligations à émettre à raison des 9/10 des dépenses, et réservant, sa part faite à l’État, les super-bénéfices à 1’ « auto-financement ». Ainsi, les profits à retirer de la partie industrielle du programme, seule immédiatement rentable, seront réinvestis sur le Rhône même en travaux d’intérêt général.
- Les lecteurs curieux d’organisation économique et juridique compareront cette conception française à la conception américaine de la Tennessee Vçilley Authority, où le Gouvernement Fédéral, les « États », des Syndicats locaux interviennent, se revendant les uns aux autres les fruits divers de la transformation de la vallée.
- Haut-Rhône et Bas-Rhône.
- Concessionnaire de tout le Rhône français depuis la frontière suisse jusqu’à la mer, la Compagnie nationale a dressé un projet d’aménagement d’ensemble du fleuve, dans lequel on distingue le Haut-Rhône, en amont de Lyon, et le Bas-Rhône, qui s’étend de Lyon en Arles.
- La plus belle chute de tout le Rhône est celle de Génissiat, d’où les eaux sont restituées à la cote 262, tandis que la rete-
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- nue de Jonage est réglée à 182 m. La dénivellation, entre ces deux points, distants de i4o km, est de 87 m; la pente moyenne ressort ainsi, sur la partie du Haut-Rhône qui reste à équiper, à 58 cm par kilomètre.
- Cette forte pente a permis d’envisager, entre Jonage et Génissiat, la construction de neuf usines, équipées pour absorber 600 m3 par seconde comme Génissiat, et. fournissant des puissances de 3o 000 à 45 000 kW. La première de ces chutes, à l’aval de Génissiat, est celle de Seyssel.
- Passons en aval de Lyon. Sur la distance de 200 km, qui s’étend du confluent de la Saône (cote i58) à la restitution de la dérivation de Donzère-Mondragon (Mornas, cote 32), la pente moyenne est plus forte que celle du Haut-Rhône ; 63 cm par kilomètre. La dénivellation se « concentre » entre les confluents de l’Isère et de l’Ardèche où elle atteint 75 cm par kilomètre. En outre, tout le long du Eas-Rhône, les débits du fleuve croissent considérablement, passant de 600 m3 en amont de Lyon à 1 xoo m3 au confluent de la Saône, 1 600 m3 à Donzère et 1 800 m3 en Arles. Onze usines hydro-électriques ont été prévues entre Lyon et Aides; elles produiront au total 10 milliards de kW/h annuels.
- de
- amont avaient fait l’objet d’études extrêmement poussées et qui pouvaient être considérées comme parfaites.
- De longues négociations ayant retardé la mise en train du chantier de Génissiat, la Compagnie nationale du Rhône mit à profit ce délai pour construire aux portes de Lyon un port fluvial moderne — le port Édouard Herrio’t — qui fut ouvert à l’exploitation en 1908 et dont le trafic annuel dépasse aujourd’hui 100 000 t. Simultanément, d’importantes améliorations étaient apportées au chenal navigable du Ras-Rhône, en faisant disparaître, notamment, le banc de Soujean, qui constituait depuis des années le principal obstacle à la navigation.
- Les travaux préparatoires de Génissiat furent gigantesques. Pour détourner les eaux du fleuve pendant les travaux, on creusa, sur chaque rive, deux souterrains longs de 100 m, et d’une section de 80 m2, soit à peu près celle d’une gare du métro. Grâce à l’adoption d’un régime « torrentiel » très étudié, ces souterrains permettent d’évacuer 1 5oo m3 par seconde.
- La coupure du fleuve, torrentiel et puissant, fut très difficile. On commença par établir en amont un pont service, d’où l’on précipita dans le lit du Rhône un grand
- Coupure du Rhône.
- Conformément à la formule financière qui la régit, la Compagnie nationale du Rhône devait, dès l’origine, axer son programme sur un premier aménagement de chute très rentable; ce fut Génissiat qui fut choisi comme aménagement initial, dans ce souci de rentabilité immédiate.
- Ce choix s’imposait pour diverses raisons. Génissiat est d’abord le point le plus en aval des gorges où il soit économiquement possible de construire un barrage dont la retenue atteigne la frontière suisse. L’existence, sur la rive droite, d’un large plateau — sur lequel passe la voie ferrée Lyon-Genève — permettait l’installation d’un grand chantier et surtout l’implantation d’écluses mettant la future voie navigable à même de franchir la chute.
- Par ailleurs, la qualité du rocher d’appui et l’étanchéité de la retenue en
- nombre de « tétraèdres », autrement dit de pyramides en barres métalliques, amarrées par des câbles d’acier. Ces formes géométriques s’accrochèrent entre elles et aux pierrailles du fleuve; sur cette armature hérissée, on déversa des quantités de roches de dimensions calculées, suivant la méthode de l’ingénieur russe . Isbach, en vue d’obtenir une digue, constamment stable sous courant, de section approximativement trapézoïdale, comportant un talus à la pente 1/1 à l’amont, suivi, à la partie supérieure, d’une pente de o,o45 m par mètre, insuffisante pour subir une érosion active, le talus étant incliné à 5/4 du côté aval. Le profil définitif est bloqué par un dernier enrochement, qui arrête le courant et oblige le fleuve à se détourner par les galeries de dérivation.
- Ainsi fut établi le prébatardeau amont protégeant le chantier, tandis qu’un second batardeau vint s’opposer aux rentrées d’eau par l’aval; durant les travaux de fouille, un petit barrage-voûte en béton, haut de 4o m et indestructible par les crues vint constituer une sécurité supplémentaire, à l’abri de laquelle les travaux furent entrepris sur une longueur de 25o m.
- La guerre ralentit mais n’arrêta pas les travaux. En juin ig4o, le chantier fut noyé par ordre et profondément bouleversé. Les travaux continuèrent néanmoins, malgré mille difficultés résultant de l’occupation étrangère; des tonnes d’acier purent être stockées en secret pour les installations de chantier. C’est également pendant l’occupation que fut montée 1’ « usine
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- à béton », la plus importante qui ait jamais été réalisée en France.
- Dès la Libération, les bétonnages commencèrent; à partir de 19/16, ils purent suivre strictement la cadence pi’évue; la mise en eau fut effectuée en janvier 1948.
- Barrage et usine.
- Le barrage définitif est du type « barrage-poids » à profil triangulaire en béton, la nature des parois du canon ne se prêtant pas à l’implantation d’un barrage en voûte mince. Il est légèrement incurvé en plan. Le parement aval a une inclinaison de 77 pour 100, tandis que le parement amont a un fruit variable entre o et 10 pour xoo.
- Six tours de prise d'eau, accolées au parement amont et munies de grilles avec dégrilleurs automatiques, débouchent dans les conduites forcées en tôle d’acier, qui sont noyées dans le béton du barrage, et dont chacune alimente un groupe principal. Ces conduites ont un diamètre intérieur de 5,75 m et sont « raidies » extérieurement par des charpentes métalliques.
- En tête de chaque conduite se trouve une vanne à chenille, actionnée par un servo-moteur à pression d’huile et capable de couper le débit « à gueule bée » de la conduite. Un batardeau, commun à l’ensemble des prises d’eau, peut être placé en amont d’une vanne quelconque.
- Sur la rive droite se trouve un évacuateur de crue, constitué par un canal et un écoulement libre, qui se termine, en aval, par une doucine relevée « en saut de ski ». Ce canal, muni de vannes à sa tête amont, peut débiter 1 700 m3 par seconde sous la retenue normale, et 2 700 m3 par seconde quand l’eau atteint la crête du barrage.
- Sur la rive gauche, se trouve un évacuateur de crue souterrain, qui peut seconder l’évacua leur à air libre en cas de crue exceptionnelle, et qui sert aussi à l’évacuation des graviers qui s’accumulent derrière le barrage. L’ensemble des deux évacuateurs peut débiter 4 000 m3 par seconde, soit le double de la plus forte crue du Rhône historiquement connue.
- Une « vidange de fond », avec vannes à glissement et batardeau amont, a été aménagée dans l’ancienne galerie de dérivation de la rive droite, afin de pouvoir assécher entièrement le Rhône, en amont du barrage, si besoin était.
- L’usine est accolée au barrage du côté aval, ce qui a conduit à lui donner une forte courbe en plan. La partie centrale du bâtiment comprend la salle des turbines, dont le sol est à la cote 264, et la salle des alternateurs, dont le sol est 10 m plus haut. A cette dernière cote, le mur aval est percé d’ouvertures munies de portes qui s’ouvriraient automatiquement en cas d’inondation de la centrale. On sait que des dispositifs analogues existent dans la célèbre usine souterraine de Brommat. En amont des turbines, une galerie longitudinale abrite les vannes-papillons.
- La partie aval de l’usine forme un tunnel transversal étanche, séparé du reste du bâtiment par des portes blindées destinées à le protéger en cas d’inondation. Ce tunnel est divisé en trois étages qui contiennent, de haut en bas, l’appareillage à i5 000 Y, la galerie des câbles et une galerie de pompes et tuyauteries.
- Au-dessus de ce tunnel, en plein air, se trouvent les transformateurs principaux, dans des loggias ménagées entre les piliers de l’ossature.
- Entre la paroi verticale amont de l’usine et la pente du barrage, subsiste un espace triangulaire où l’on a logé l’appareillage des services 'auxiliaires, les salles de commande, des bureaux, des ateliers et des magasins. En aval de l’usine, sur la rive droite, se trouve un bâtiment annexe pour le décuvage des transformateurs; sur le plateau qui domine l’usine, s’élève le bâtiment de l’Administration.
- Fig. 6. — Vue plongeante de Vévacuateur de crue, en « saut de ski ».
- Actuellement, le bétonnage de la bâche spirale d’amenée d’eau au cinquième groupe est terminé, ainsi que les montages du rotor et du stator de la tui'bine. Le cinquième transformateur a été monté, transporté à Génissiat et placé dans sa loggia. D’après les prévisions, le montage du cinquième groupe sera terminé en 1951; il pourra entrer en service au mois de septembre .
- Turbines et vannes.
- L’usine de Génissiat, dénommée Centrale Léon Perrier, est prévue pour six groupes principaux de 70 000 kV-A, et deux groupes auxiliaires de 2 5oo kV-A.
- Chaque turbine principale, du type Francis à axe vertical, a une puissance de 90 000 ch sous la chute nette de 64,5o m. Elle absorbe alors un débit de 120 m3 par seconde. Sa vitesse normale est de i5o tours par minute et sa « vitesse d’emballement » (limite au delà de laquelle le constructeur décline toute responsabilité au sujet des ruptures !) est de 3oo tours par minute.
- La bâche spirale amenant l’eau à la turbine est construite en tôle d’acier rivée avec avant-distributeur en acier moulé. Elle a été assemblée sur place, essayée sous une pression double de la pression statique maxima majorée des coups de bélier, puis enrobée dans le béton.
- La roue de turbine, en acier moulé, est accouplée à un arbre guidé par un palier avec joints d’étanchéité au charbon.
- L'aspirateur se compose d’un cône en acier moulé, suivi d’un blindage en acier moulé noyé dans le béton. Il se termine par deux pertuis, pouvant être obturés par des batardeaux métalliques,
- La turbine est précédée par une vanne papillon à axe ver-
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- tical de 5,20 m de .diamètre intérieur, raccordée à la conduite forcée par. une tubulure en acier fortement nervurée, afin de supporter les efforts longitudinaux très importants, atteignant 2 000 t, qui s’exercent lorsque la vanne est fermée.
- La lentille de la vanne est actionnée par trois servo-moteurs à pression d’huile disposés en étoile. Ils servent à ouvrir la vanne après équilibrage des pressions sur les deux faces de sa lentille et à freiner sa fermeture dans les cas d’urgence où elle est effectuée sans équilibrage; en effet, lorsque la lentille coupe le débit, elle devient motrice après avoir parcouru un certain angle, et il était essentiel de freiner le couple très élevé qui se manifeste dans ces conditions.
- La pression d’huile nécessaire à la fermeture de la vanne est fournie par un « accumulateur de pi’ession » à air comprimé, alimenté par deux pompes, entraînées par un moteur à courant triphasé et par un moteur à courant continu.
- Le régulateur de vitesse de chaque turbine comporte essentiellement : un régleur, dont le moteur est alimenté par un
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- Fig. 7. — Coupe du barrage et de l’usine de Génissiat.
- A, galerie des turbines ; B, galerie des vannes ; C, galerie des cellules à 15 kV ; D, galerie des câbles à 220 kV ; E, galerie des pompes ; F, vanne papillon ; G, reniflard ; H, tableau de la vanne de tête de la conduite forcée ; I, tableau du batardeau ; J, servo-moteur de commande de la vanne de tête de la conduite forcée ; K, by-pass de remplissage de la conduite forcée ; L, salle de commande ; M, schéma lumineux ; N, batterie d’accumulateurs ; O, transformateurs auxiliaires ; P, cellules à 5 kY; Q, départ des câbles 5 kV ; R, galerie des câbles à basse tension ; S, galerie des visiteurs ; T, gaine de climatisation.
- alternateur pilote à aimant permanent placé en bout d’arbre de l’alternateur principal; 20 un accumulateur d’huile sous pression avec groupe de pompage automatique ; 3° deux servomoteurs attaquant le cercle de vannage (cercle actionnant Jes aubes déflectrices) de la turbine en deux points diamétralement •opposés.
- Génératrices électriques.
- Les alternateurs de Génissiat ont une puissance réelle nominale de 65 000 kW, et une puissance apparente de.70 000 kV-A sous un facteur de puissance de 0,93. Ils possèdent une excitatrice principale à deux inducteurs (normal et d’impulsions), excitée elle-même par une excitatrice-pilote du type Compound; ees deux machines sont montées en bout d’arbre. Le l'églage de la tension est assuré automatiquement par un régulateur
- rhéostatique rapide, actionné par un servo-moteur à pression d’huile.
- Les alternateurs de Génissiat produisent directement du courant à i5 000 Y. et ont un rendement de 97,8 pour 100. Avouons-le, si l’on songe à l’hystérésis des tôles, aux résistances des conducteurs, aux frottements, aux mouvements d’air, on est confondu par la perfection d’un tel résultat. Les échauf-fements garantis pour les enroulements statoriques et rotoriques sont très modérés, ce qui contribue à prolonger la vie des machines.
- Le stator se compose d’une carcasse en tôle soudée, établie en quatre parties, et d’un circuit magnétique sans joints, les tôles ayant été empilées et enchevêtrées sur place. Chaque phase de l’enroulement statorique — monté en étoile — est subdivisée en deux, en vue de permettre l’installation d’une protection différentielle entre demi-enroulements. L’enroulement dés groupes 1, 3 et 5 est du type à deux sections par encoche, chaque section comportant 5 spires de 8 conducteurs chacune; des essais supplémentaires à haute fréquence ont été effectués à Génissiat pour vérifier l’isolement entre spires. L’enroulement des groupes 2 et 4 est du type à 2 barres par encoche, chaque barre étant constituée par des conducteurs élémentaires isolés et transposés, suivant le système Punga.
- Le rotor se compose d’un croisillon en acier moulé, formant moyeu, qui est monté à chaud et fortement claveté sur l’arbre. Autour du croisillon est disposée une jante constituée par des segments en tôle mince d’acier, chevauchés et assemblés par de nombreux boulons ajustés. Cette jante est montée à chaud sur le moyeu de manière à donner un certain serrage à l’arrêt. Ce serrage diminue progressivement quand la vitesse augmente, la jante décollant du moyeu à une vitesse dépassant la valeur normale; ceci soulage le moyeu qui n’est plus soumis qu’à ses propres efforts centrifuges.
- Les pôles du rotor sont constitués par des tôles fortement serrées et par des bobines en cuivre plat; ces bobines ont été comprimées, avant montage, à une pression supérieure à celle que provoquerait la force centrifuge en cas d’emballement. L’enroulement rotorique d’excitation a été essayé à 5 000 V entre cuivre et masse, car des surtensions élevées peuvent se manifester, en cours d’exploitation, dans les circuits d’excitation. Un enroulement-amortisseur à faible résistance augmente la stabilité de la machine, suivant un principe indiqué par Maurice Leblanc.
- Entre les turbines et les alternateurs, séparés par une hauteur de 10 m, se trouvent cinq arbres moteurs, qui donnent à la galerie intermédiaire un étrange aspect d’hypogée (voir figure de couverture).
- Le « pivot » de 800 t, qui porte le poids de toute la partie tournante du groupe, est placé sur le croisillon supérieur de l’alternateur. Il est isolé électriquement et un appareil permet de déceler les « courants de palier » éventuels.
- La ventilation de l’alternateur s’effectue en circuit fermé, l’eau étant refroidie par des réfrigérants extérieurs. Des volets permettent de dériver une partie de l’air chaud à l’extérieur de la machine pour chauffer la salle en hiver. Les alternateurs comportent une protection contre l’incendie, par anhydride carbonique; afin d’assurer la sécurité du personnel, la porte donnant accès à l’intérieur de l’alternateur comporte une serrure spéciale qui empêche de l’ouvrir si les différents dispositifs automatiques et manuels commandant l’émission de C02 ne sont pas condamnés, et réciproquement. ,
- Transformateurs et départs.
- A chaque groupe principal correspond un transformateur, qui forme normalement un « bloc électrique » avec lui. Voici les caractéristiques des transformateurs principaux : puissance
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- nominale apparente : 70 000 kV-A; facteur de puissance : o,g3; tension primaire entre phases, i5 000 Y ; tension secondaire à vide entre phases : 280 000 V pour les transformateurs 1 à 4, i57 000 Y pour le transformateur 5.
- Un jeu de sectionneurs permet de coupler exceptionnellement les enroulements en étoile, de façon à obtenir une tension de 26 000 V, en faisant fonctionner le transformateur en abaisseur. On utilise cette tension pour le dégivrage des lignes à très haute tension.
- Un ajusteur de tension à 5 positions, manœuvrable hors tension, permet de faire varier le rapport de transformation de + 3,26 pour 100 et de + G,5o pour 100.
- Le circuit magnétique est du type à quatre et à cinq noyaux; les tôles sont vernies et enchevêtrées. Des radiateurs périphériques assurent le refroidissement naturel du transformateur jusqu’à demi-charge; au-dessus de celle-ci, .un soufflage d’air intervient. Les transformateurs sont protégés contre l’incendie par une pulvérisation d’eau à commande manuelle ou automatique.
- Le transport des transformateurs principaux a été effectué par route au moyen d’un agencement spécial; la cuve avait été démunie provisoirement de ses radiateurs et emplie d’azote, afin d’éviter toute oxydation, le poids à transporter se trouvant ainsi de x4o t.... Un événement national, que reproduisirent la presse illustrée et les actualités de cinéma !
- Chaque transformateur pi'incipal est relié au poste extérieur d’Ëlectricité de France, gitué à 600 m de l’usine, sur le plateau qui domine la gorge du Rhône, par une ligne individuelle con-
- Fig. 8. — Génissiat salle des alternateurs.
- Les arcades « en parapluie » soutiennent le « pivot » à circulation d’huile — qui porte toute la partie tournante — l’excitatrice principale et l’excitatrice régulatrice. Le personnage visible au second plan, sur la couronne extérieure, donne l’échelle de ces gigantesques machines.
- Fig. 9. — Génissiat : balcon de départ des lignes à 220 000 V.
- A mi-hauteur, le balcon ; en haut, le portique de départ.
- stituée de la façon suivante. Un premier tronçon est formé d’un feeder composé de trois câbles armés unipolaires à huile fluide; ces câbles empruntent un balcon dominant les transformateurs, pénètrent dans une galerie creusée dans la falaise et aboutissent à une passerelle où ils se raccordent au deuxième tronçon, constitué par une ligne aérienne qui s’élève Arerticalement le long de la paroi jusqu’à un portique d’ancrage, puis gagne le poste extérieur d’Ëlectricité de France. Cette ligne est protégée contre la foudre par des câbles de garde.
- Dans cette zone de l’installation, où passe toute la puissance débitée par l’usine, se manifestent les effets d’induction et de capacité les plus curieux. Des sectionneurs de mise à la terre encadrent chaque câble armé ainsi que l’ensemble de chaque ligne afin de permettre, notamment, de décharger les câbles armés, qui forment des condensateurs d’une capacité notable !
- Protection contre l'incendie.
- Vu le développement considérable des installations, il n’était pas possible d’assurer directement en basse tension l’alimentation des services auxiliaires; celle-ci a été réalisée sous la forme d’un réseau primaire à 5 000 V, la tension étant abaissée localement par des transformateurs. Il existe, en outre, un réseau considérable à courant continu, équipé de batteries d’accumulateurs.
- Chaque batterie, d’une capacité de 1800 A-h, se compose de 120 éléments au cadmium-nickel et de 55 éléments « de force contre électro-motrice » au nickel. Ces derniers éléments, qui n’ont aucune capacité productrice, fonctionnent comme des résistances liquides pour assurer la régulation de tension. Cette
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- Fig. 10. — Le site de Seyssel.
- On distingue le barrage et l'évacuateur de Crue (rive droite) en fonctionnement.
- solution a été adoptée de préférence à des réducteurs’, qu’il aurait été difficile de réaliser, vu les intensités de pointe élevées (2 4oo A) qui se présentent lorsqu’une batterie doit assurer momentanément le service à elle seule.
- Il ne nous est pas possible de passer ici en revue les différentes installations auxiliaires, qui ont été réalisées à Génissiat sous forme moderne. Citons : protection contre l’incendie, engins de manutention, ascenseurs, distribution d’air comprimé, station de pompage, éclairage, climatisation, téléphone et dispositifs d’appel du personnel, télélimnigraphes (indiquant les niveaux), stockage et distribution des huiles.
- Outre les installations fixes protégeant les alternateurs et les transformateurs contre l’incendie, l’usine comporte une distribution d’eau sous pression, qui a permis, en 19/19, de maîtriser l’incendie de la galerie des câbles, apres coupure du courant.
- Il convient de signaler que cet incendie avait pris naissance dans les baraques provisoires et n’a pu se propager dans la galerie des câbles qu’en raison du fait que les cloisons et portes coupe-feu n’avaient pu être mises en place à cette époque, à cause des sujétions résultant du tirage des câbles, alors en cours.
- Le puisard, situé au point le plus bas. de l’usine et où se rassemblent les eux d’infiltration, risque d’être envahi par l’anhydride carbonique, plus lourd que l’air, lors du fonctionnement des protections fixes contre l’incendie; aussi l’a-t-on équipé d’un ventilateur qui aspire l’air et le refoule à l’extérieur du bâtiment. La mise en marche de ce ventilateur est automatique.
- L’usine comporte, entre autres engins de manutention, deux
- ponts roulants de 225 t pouvant être accouplés au moyen de palonniers pour soulever un rotor de 4oo t. Ces engins sont conçus de manière à offrir une grande sécurité pour le personnel; leurs circuits de contrôle sont alimentés sous 48 Y et, au maximum, n5 Y, par l’intermédiaire de transformateurs d’isolement, dont l’enroulement secondaire a son point milieu à la terre.
- Il existe trois réseaux d’éclairage distincts, dont un de secours qui est commuté automatiquement sur l’alimentation en courant continu, en cas de défaillance du courant altei’na'tif. Une station automatique comprenant plusieurs pompes à commande électrique assure l’épuisement des infiltrations et des fuites; elle est doublée par une turbo-pompe qui fonctionnerait automatiquement en cas d’inondation, sans faire appel à l’énergie électrique.
- La centrale de Seyssel.
- Génissiat fonctionne normalement par « éclusées », c’est-à-dire que l’usine, tantôt retient les eaux du Rhône, tantôt les lâche en aval avec un débit énorme. Il en résulterait des inconvénients évidents, tant pour les usines que l’on construira sur le tronçon Génissiat-Jonage que pour les nécessités futures de la navigation.
- Dans la région de Génissiat et de Seyssel, le débit du Rhône, en hiver, reste généralement compris entre 180 et 25o m3, alors que la centrale Léon Perrier, quand elle sera équipée de ses cinq groupes, sera susceptible de « turbiner » 600 m3 par seconde.
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- La t( tranche » utile du lac artificiel de Génissiat est de 5 m et renferme 12 millions de mètres cubes d’eau. Le « bassin de compensation » de Seyssel permet de restituer au fleuve 6 millions de mètres cubes d’eau au maximum; c’est suffisant, compte tenu de la consommation de nuit et de l’amortissement naturel des eaux dans le fleuve entre Seyssel et Lyon.
- Bien entendu, on a profité de la nouvelle chute créée par le barrage de Seyssel, pour y établir une usine de moindre importance. L’usine barrage est située près du village de Seyssel (Ain) et de Seyssel (Haute-Savoie), à 10 km à l’aval de Génissiat. Le « remous » du barrage remontera dans le Rhône, atteignant un point situé à x 5oo m en aval de Génissiat; on estime qu’il se fera sentir à Génissiat, même lorsque, le lit se sera abaissé par l’effet de l’érosion des eaux turbinées par l’usine Léon Perrier. Cet effet d’érosion sera ralenti lorsque, dans dix ou quinze ans, le système, de désensablement du lac artificiel de Génissiat assurera, chaque année, la transmission à l’aval de la plus grande partie des apports naturels du fleuve.
- La ligne des ouvrages de Seyssel comprend, de la rive droite à la rive gauche : un mur en béton de 24 m de longueur; une tête d’écluse, deux passe-déversoirs de 43 m; une passe-déchar^ geur de i5 m, avec vanne à manœuvre rapide ; enfin, l’usine elle-même, longue de 85 m, contenant trois groupes de i5 000 kW.
- Chaque groupe est constitué par une turbine Kaplan, ou turbine-hélice à arbre vertical, fonction-
- nant sous une chute de 8 m et tournant à 75 tours par minute. Les alternateurs sont fermés, à ventilation forcée, avec des rotors de 9,95 m de diamètre; le pivot supporte une charge de 5oo t, y compris la poussée hydraulique. Les alternateurs fournissent du courant à 10000 Y et sont reliés à des transformateurs-élévateurs qui débitent sous i5o 000 Y dans le réseau de la région nord des Alpes.
- Malgré leur puissance relativement modeste, les turbines Kaplan de Seyssel sont parmi les plus grosses construites jusqu’à présent en Europe. La bâche en béton armé a un encombrement de 21 m et la roue, munie de quatre pales orientables, a un diamètre de 6,3o m. La vitesse d’emballement est de 180 tours par minute; tous les organes, notamment le pivot, sont calculés pour pouvoir supporter exceptionnellement cette vitesse pendant trois heures, temps maximum supposé nécessaire pour couper effectivement le « débit d’emballement », soit 44o m3 par seconde.
- Ce problème — si simple en apparence — de couper Veau en cas d'emballement de la turbine est, du reste, loin d’être résolu, Américains et Européens adoptent généralement des solutions divergentes. Un consti’uc-teur français envisage même de couper le courant d’eau, non par l’amont, mais à l’aval de la tui’bine, ce qui ne laisse pas d’être paradoxal !
- (à suivre).
- Pierre Devaux.
- 2G0
- 253,30
- 1 Salle des alternateurs
- 2 Salle de répartition
- 3 Salle de commande
- 4 Résistance liquida
- Fig. 11. — Coupe de l’usine-barrage de Seyssel.
- L'acide undécylénique en dermatologie.
- M. J. Petit a décrit dans La Nature (n° 3 190, février ig5i, p. 45) les multiples utilisations que l’huile de ricin trouve depuis peu dans l’industrie chimique. M. le Dr R. Sabrié, signale d’autres applications thérapeutiques. 11 nous écrit ;
- « Parmi les nombreuses utilisations des dérivés de l’acide ricinoléique, l’un d’eux, l’acide undécylénique, à côté de son emploi en parfumerie et dans l’industrie des textiles, a trouvé récemment en thérapeutique humaine une application nouvelle digne d’être mentionnée.
- « Ayant constaté l’action fongicide en applications locales de certains acides gras, deux Américains, Perlmann et Milberg, ont démontré (Journal of the American Medical Association. yoI. 140, n° 10, 9 juillet 1949) qu’après ingestion, ces acides pouvaient modifier la composition chimique de la graisse cutanée et du sébum. Leurs recherches les ont conduit à expérimenter l’acide undécylénique, qui a l’avantage d’être dépourvu de toxicité pour l’homme. C’est ainsi que fut réalisé, parmi d’autres essais, un mélange de caprylate, de propionate et d’undécy-lénate de cuivre, de sodium et de zinc, dont l’action fongicide se .révéla particulièrement favorable.
- « Depuis, de nombreux travaux américains, canadiens et français, notamment ceux du Pr Jausion et de ses collaborateurs, ont permis l’expérimentation de plusieurs produits à base d’acide undécylénique.
- « Actuellement, l’undécÿlénate de zinc ou Mycodécyl, est utilisé sous forme de pommade dans certaines affections parasitaires cutanées (épidermomycoses). Par ailleurs, l’undécÿlénate de calcium ou Décylate, dont l’action thérapeutique s’est révélée efficace dans le traitement des névrodermifes (eczéma chronique, prurits) et du psoriasis, est administré par voie buccale, comme Perlmann le préconisait dès 1949, sa saveur désagréable étant facilement masquée par sa présentation pharmaceutique sous forme de comprimés dragéifiés.
- ce La dermatologie est ainsi dotée d’un nouveau médicament qui permet de traiter avec succès, dans de nombreux cas, certaines affections parasitaires provoquées par des champignons (mycoses de la peau et du cuir chevelu), les névrodermites, et surtout le psoriasis, affection pratiquement rebelle, jusqu’à ce jour, à toute thérapeutique. »
- R. Sabrïé.
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- LA FORÊT DE TRONCAIS
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- Aux confins du Berry et du Bourbonnais, entre les villes de Saint-Amand Montrond et de Montluçon, la forêt domaniale de Tronçais est une des plus belles forêts de chênes de France et même d’Europe (Q. Percée de longues avenues parfaitement rectilignes rayonnant autour de « ronds » largement dégagés, animée, en hiver, par les chasses à courre et en toutes saisons-par les lourds charrois qui emportent les énormes troncs des chênes vers les scieries et les gares voisines, elle attire de très nombreux promeneurs qui s’attardent volontiers au bord de ses étangs ou devant les très vieux arbres plusieurs fois centenaires, vestiges encore robustes des futaies des siècles passés.
- Bien souvent déjà, les poètes ont chanté cette forêt « qui
- S^Amand Montrond
- j, 12 km
- <r?de R- .
- 'Etgng de
- m Anciennes Forges au centre de la forêt Etangs
- ES3 Résehve de Mo rat
- 0 1 2 3 4 5 km.
- Fig. 1. — La forêt de Tronçais à 36 km de Montluçon.
- ondule comme les vagues d’un océan dont le rythme se serait immobilisé, cette symphonie d’arbres, de lignes, de formes, de senteurs, de couleurs, d’ombres et de lumières, de sonorités et de silences » (1 2 * *) ; aussi ne nous intéresserons-nous dans cette rapide étude qu’à son aménagement et à son exploitation qui ne peuvent d’ailleurs vraiment se comprendre que si l’on se souvient des faits les plus marquants de son histoire. %
- Historique. — La région occupée actuellement par la forêt semble avoir toujours été boisée. Le sous-sol, fait le plus souvent de grès et arkoses ou encore de micaschistes dans la partie méridionale, recouvert presque toujours d’éléments détritiques pliocènes, ne donne, en effet, qu’un sol argileux ou sableux qui se prête assez mal aux cultures, mais convient très bien, par contre, à l’exploitation forestière. La forêt n’en fut pas moins pendant des siècles attaquée sur ses bords ou même en son centre par les paysans voisins désireux d’agrandir leur domaine ou. par les établissements monastiques, avides d’isolement. Alors qu’elle s’étendait primitivement de l'Ailier au Cher, elle ne couvre plus maintenant que les hautes collines qui séparent les bassins des deux rivières.
- Au xive siècle, la propriété de la forêt passa des paroisses riveraines aux ducs de Bourbon, puis, en 1627, à la couronne royale lors de la saisie des biens du Connétable.
- . Dans la seconde moitié du xvue siècle, Colbert, voulant con-
- 1. Sa superficie est de 10 435 lia. Gomme autres belles forêts de chênes, citons en France celles de Bercé dans-le Maine et de Bellême dans le Perche, hors de France celles de Yougoslavie.
- 2. J. Chevalier et G. Baffignon. La forêt de Tronçais. Limoges, 1941. —
- J. Chevalier. La légende de la forêt, Tronçais en Bourbonnais. Crépin
- Leblond, Moulins, 1950.
- stituer des réserves forestières pour les constructions navales et désireux, par ailleurs, de mettre en ordre l’administration des forêts royales, fit entreprendre une enquête très minutieuse sur l’état de la forêt de Tronçais. Le rapport des enquêteurs, daté de 1669-1670 et qu’on peut toujours consulter au pavillon de l’Inspection des eaux et forêts à Cérilly, montre une forêt en bien mauvais état « tant à cause du pacage continu des bestiaux et bestes à laine que du feu qui aurait été mis ordinairement pour la plus grande commodité des dits pacages ». Les enquêteurs firent délimiter avec précision la forêt, récupérant de nombreux terrains « usurpés par les particuliers rivagers de la forêt » et indiquèrent les moyens de régénérer ces bois si mal en point. « Faire tout recéper, à la réserve des meilleurs chênes qui pourront servir de baliveaux et faciliter, par leur semence le repeuplement de la forêt, semer des glands dans les places vides, exploiter la forêt en haute futaie ».
- Leurs conseils furent suivis et à la fin du xvme siècle, la forêt était pleine de promesses quand Nicolas Rambourg vint y installer les importantes forges de Tronçais, de Sologne et de Morat. Le minerai de fer venait du Berry voisin; la force motrice' nécessaire aux souffleries des forges fut obtenue par l’aménagement de retenues d’eau et de chutes le long de la p’etite rivière la Sologne (étangs de Saloup, de Tronçais et de Morat) et sur un canal amenant les eaux de l’étang de Saint-Bonnet à cette rivière. Quant au combustible, il fut demandé à la forêt. Dans deux îlots sur trois, la futaie disparut et fut remplacée par des taillis plus aptes à la production de charbon-nette. Toutefois, l’îlot central, entre les rivières la Sologne et la Marmande fut réservé et c’est là qu'actuellement il faut chercher les plus vieux et les plus beaux peuplements. Heureusement pour l’avenir de la forêt, l’activité des forges se transforma au cours du xix6 siècle : le charbon de bois fut remplacé dans les hauts-fourneaux par le coke, puis ces hauts-fourneaux eux-mêmes disparurent et firent place à des ateliers d’usinage. Dès i835, le réaménagement en futaie pouvait être repris dans l’ensemble de la forêt. Progressivement, les ateliers de Tronçais, trop fortement concurrencés par les entreprises de Montluçon et de Lorraine, restreignirent leur activité et, en 19/19, fut fermée une petite fabrique de vis et de boulons, dernier vestige des anciennes forges.
- Modes d’exploitation. — La forêt de Tronçais est entièrement exploitée en futaie à très' longue révolution (225 ans). On y rencontre des hêtres et des charmes en assez grand nombre et, sur les terrains les plus humides, des pins, pins sylvestres surtout, mais aussi quelques pins laricios. De majes-
- Fig. 2.
- Au premier plan : semis de jeunes chênes. Au second plan : grands chênes avant les coupes de régénération. Les troncs élancés, peu de branches latérales (la hauteur totale atteint et dépasse 30 m).
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- tueux thuyas et séquoias ornent la plupart des « ronds » de leur sombre parure. Mais l’arbre de loin le plus répandu, celui qui donne à la forêt toute sa valeur, est le chêne : chêne pédoncule et chêne rouvre, le premier moins apprécié et heureusement moins répandu, l’autre, au contraire, donnant les plus beaux bois et dont on s’efforce d’étendre l’aire aux dépens de celle de son concurrent.
- Pour assurer la continuité de la forêt, deux méthodes peuvent être employées. Celle dite allemande consiste à faire, en pépinière, des semis de chênes et à planter dans les cantons préalablement exploités à blanc les jeunes arbres âgés de deux ou trois ans ; cette méthode a l’inconvénient d’être très coûteuse, tout en restant assez aléatoire, car les jeunes plantations ne réussissent pas toujours. L’autre méthode, dite française, préconise la régénération naturelle et consiste à aménager la futaie de telle façon qu’avant de disparaître, elle ait assuré elle-même son remplacement par un semis de jeunes arbres nés des glands tombés au pied des vieux chênes; ainsi aucune transplantation n’est nécessaire; les jeunes plants mal venus disparaissent et seuls demeurent les plus vigoureux; une sélection naturelle a ainsi pu jouer.
- Cette dernière méthode est en faveur à Tronçais et on l’applique chaque fois que c’est possible. Toutefois, pour parer aux échecs, 600 000 plants sont disponibles chaque année dans la pépinière pour garnir les vides et des tonnes de glands (3o en 1949 ; 10 en 1950) sont semés soit dans cette pépinière, soit directement sur place en forêt.
- Au cours de leurs dix premières années, les jeunes arbres sont dégagés de la fougère, des ronces, des charmes qui couvrent tout le sol et risquent de les étouffer. Au bout de vingt ans, on procède à la première éclaircie et ce travail se renouvellera tous les dix ans. Mais ces éclaircies sont toujours modérées, car il faut que les arbres restent pendant une bonne pai'tie de leur, croissance très serrés pour que leur tronc monte haut et droit, que leurs branches latérales s’anémient et disparaissent faute de lumière et pour qu'enfin leur bois, se formant lente-
- ment chaque année, ait un grain très fin et prenne ainsi toute sa valeur.
- Quand les arbres atteignent 226 ans, on entreprend les coupes de régénération ; un jeune peuplement va se substituer progressivement à la vieille futaie. Une première coupe dite d’ensemencement consiste à choisir les porte-semences et à les dégager en enlevant tout le sous-étage. Le sol est alors assez éclairé pour que la germination puisse se faire. Cinq ou six ans plus tard, une coupe secondaire enlève tous les cc semenciers » qui ont donné un semis suffisant. Il pourrait n’y avoir qu’une coupe secondaire si la germination avait été partout parfaite, ce qui est assez exceptionnel; en fait, une deuxième est souvent nécessaire. On procède enfin à la coupe définitive.
- Utilisation des bois. — Les arbres abattus lors des premières éclaircies et les branches des gros arbres sont vendus comme bois de mine et comme bois de chauffage et ne présentent qu’un intérêt' secondaire. Par contre, les belles pièces sont destinées au tranchage, à la tonnellerie et à l’ébénis-terie.
- C’est le tranchage qui s’adjuge les plus beaux bois. L’arbre est « tranché » en feuillets très minces (moins de 1 mm), qui serviront à fabriquer le contre-plaqué. Ce travail se fait à Saint-Amand (deux entreprises) et dans des usines à Paris, Rouen, Strasbourg, Marseille, Lisieux. Il s’agit là, le plus souvent, de ports maritimes ou fluviaux qui importent des bois coloniaux. La tranche des bois français n’est alors qu’un des éléments de l’ensemble de leur activité.
- D’autres beaux bois sont également demandés par la tonnellerie. En bordure de la forêt, plusieurs petits ateliers fendent les billes de chênes et façonnent les merrains qui, envoyés à Cognac ou Bordeaux, serviront à fabriquer les fûts où le cognac prendra sa couleur et, en partie, son arôme.
- Les autres bois, enfin, sont envoyés dans les nombreuses scieries installées dans toutes les petites villes de la région : Saint-Amand, Ainay-le-Château, Cérilly, Lurcy-Lévv, Vallon, etc. Ces scieries traitent des bois qui sont encore de belle qualité : une
- Fig. 3. — La futaie pendant les coupes de régénération.
- Il arrive assez de lumière au sol pour que les glands puissent germer.
- Fig. 4 et 5. — A gauche, Les plus belles billes de bois ont été amenées au bord de la route forestière. Des camions les conduiront aux usines de tranchage installées à proximité ou dans les £ares voisines. A droite, Une des scieries de la forêt. Elle ne traite que des bois de seconde qualité.
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- entreprise de Buxières s’est spécialisée dans la fabrication du parquet d’art et une importante maison parisienne de meubles a ses ateliers près d’Ainay.
- Vente des bois. — L’adjudication des bois que l’Inspection a décidé de mettre en vente se fait chaque année en automne. Dans les années qui suivirent la dernière guerre, de nombreux étrangers se trouvaient parmi les acheteurs.
- Tout le pays garde le souvenir du chêne de Buffévent, un arbre magnifique qui, sur un volume total de oi m3 pouvait fournir i5 m3 de bois de tranchage et qui fut vendu en 1946, 554 000 fr à une maison suédoise. Nombreux restent encore les étrangers (Suisses, Anglais, Scandinaves) amateurs des bois de Tronçais, mais ils s’adressent maintenant aux maisons de tranchage et achètent du contreplaqué.
- En 1950, les adjudications se sont faites au prix maximum de 75 000 fr le mètre cube de bois de
- tranchage, ce qui peut représenter 35o 000 fr pour un arbre; en moyenne, l’arbre est vendu a5o 000 fr. Ces chiffres prennent toute leur valeur quand on les compare aux prix des bois de merrain ou d’ébénisterie : 8 000 fr le mètre cube; des bois de charpente : 3 000 fr; des bois pour traverses de chemins de fer : 800 fr. On comprend alors le soin qu’apportent les forestiers à créer des bois de qualité supérieure. On pense, à les voir, à ces vignerons des grands crus de Bourgogne qui acceptent de n’obtenir que de faibles rendements pour garder à leurs vins toute leur noblesse et leur valeur. Les acheteurs de bois
- Fig. 6.
- ne parlent-ils pas d’ailleurs du « cru de Tronçais », comme s’il s’agissait d’un Clos Yougeot?
- En 1950, 35 000 m3 seulement de bois d’œuvre ont été vendus, volume un peu inférieur à la normale qui est de 4o 000 m3. En procédant ainsi, avec modération, on pourra garder longtemps encore quelques cantons de vieux chênes sur lesquels les forestiers ont encore bien des observations à faire (1). La vente de ces 35 000 m3 suffit tout de même pour que le revenu net annuel de la forêt soit de 10 000 fr par hectare, supérieur ainsi à celui des terres voisines mises en culture.
- Encore faut-il tenir compte qu'actuellement il n’est possible d’exploiter que la vieille futaie de l’îlot central, celle dont l’aménagement commença à l’époque de Colbert. Dans une centaine d’années, quand la jeune futaie des deux îlots latéraux aura atteint l’âge d’exploitation définitive, le revenu sera nettement plus élevé. Ainsi se trouve démontré, semble-t-il, que, dans certaines régions, la forêt, quand elle est rationnellement aménagée et exploitée peut être parfaitement rentable.
- M. Lami.
- Nous tenons à remercier M. Thibaudet, Inspecteur des Eaux et Forêts de l’arrondissement de Montluçon, qui nous a donné de nombreux renseignements sur la forêt de Tronçais qu’il administre.
- 1. Chaque année, les élèves de la section forestière de l’Université d’Edimbourg viennent visiter la forêt.
- Après les éclaircies, les jeunes arbres restent très serrés et élancés.
- Les rayons cosmiques sont-ils d’origine solaire ?
- On sait que des rayons cosmiques traversent constamment l’espace et qu’ils sont doués d’une très grande énergie. Ils sont nombreux dans la très haute atmosphère où l’on essaie de les étudier dans les laboratoires de haute montagne, à bord des ballons et des avions stratosphériques, par les ballons-sondes et les fusées. Ils sont bien plus rares près du sol où l’on ne détecte plus guère qu’une particule par centimètre carré et par minute. Ils disparaissent en donnant par collisions avec les noyaux atomiques des électrons positifs, des photons, des neutrons, des mésons. On né sait d’où ils proviennent et on a fait de nombreuses hypothèses sur leur origine solaire, ou galactique, ou plus loin dans l’univers.
- Le 19 novembre 1949, M. Dauvillier, professeur au Collège de France, a fait une très importante observation dont il a rendu compte à l’Académie des Sciences (t. 229, p. 1096). Pendant une période de grande activité solaire, il a enregistré sur un même appareil, d’abord un « crochet » magnétique, (augmentation de la composante horizontale du champ géomagnétique) caractéristique des fortes éruptions de la chromosphère, suivi d’une' croissance rapide de l’intensité du rayonnement cosmique. C’est la première fois qu’on signale cette corrélation et que des rayons cosmiques annoncent une éruption chromosphérique.
- Cette éruption a été observée dans plusieurs observatoires européens. Dans l’hémisphère éclairé, on a aussi noté une forte émission solaire d’ondes hertziennes courtes, des évanouissements dans la propagation des ondes courtes et des renforcements brusques dans la réception des ondes longues de parasites atmosphériques. En Amérique, dans l’hémisphère obscur, quelques stations ont constaté une intense émission solaire de rayons cosmiques plus ou moins en retard sur le début de l’éruption chromosphérique.
- Il y a vingt ans, M. Dauvillier proposait déjà une théorie considérant le soleil comme la source d’énergie des rayons cosmiques. Aujourd hui, il voit plutôt les taches solaires comme des accélérations d’ions, agissant sur les rayons cosmiques, manifestation du magnétisme stellaire ; mais ceux-ci ne ont pas des restes attardés d’une activité de tout l’univers ; ils viennent seulement de la galaxie et sont contemporains de leur observation.
- Il est probable qu’on discutera longtemps encore de cés difficiles questions, mais la corrélation observée par M. Dauvillier gardera toute sa valeur et orientera de nouvelles théories et de nouvelles recherches.
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- LES PÉTROLES DE L'ALBERTA (CANADA)
- Certains pays ont de la chance !
- ' En 1988, le Canada trouvait sur son sol 7,8 millions de barils (x) de pétrole brut et consommait 49)7 millions de barils de produits finis, soit près de sept fois plus. Ce n’était pas une consommation excessive pour un pays aux espaces immenses et aux cultures mécanisées. La différence était importée des Etats-Unis et des Antilles.
- Il y a quatre ans, la production avait très légèrement baissé, mais la consommation approchait de 80 millions de barils. Cela pesait sur l’économie du Canada et l’obligeait à se pourvoir de dollars.
- Depuis longtemps, on explorait tout le territoire, un peu au hasard, mais sans grands résultats. Brusquement, la prospection
- Fig. 1. — La nouvelle région pétrolière de VAlberta.
- géophysique par les méthodes sismiques révéla l’existence, dans l’ouest de la Prairie, à l’est des derniers contreforts des Montagnes Rocheuses, de nappes pétrolifères à des profondeurs de 1 200 à 1 800 m. En 1947, on découvrit le gisement de Leduc, l’année suivante ceux de Woodbend et de Redrvater, aux environs d’Edmonton, capitale de l’État d’Alberta. D’autres suivirent et, en trois ans, le Canada tout entier en fut bouleversé. A la fin de 1960, plus de cent équipes de prospection géophysique étaient à l’œuvre et commençaient à connaître le processus des gîtes d’huiles au-dessous des calcaires du FarAVest fort peu remaniés; 3oo entreprises participaient aux travaux; 70 tours •de forage s’élevaient déjà pour la recherche et autant entraient en exploitation. L’an dernier, la production totale du Canada a atteint 29 millions de barils, environ le quart de la consommation qui est passée à 127 millions de barils.
- Avec le printemps, le trafic sur les Grands Lacs a repris. Une grande raffinerie existe à Sarnia, sur le lac Ontario. Pour l’atteindre, on a construit un pipe-line de 1 860 km, d’Edmonton au lac Supérieur où le pétrole brut pourra être chargé sur bateaux. Une autre raffinerie vient d’être édifiée à Tun-ner Yalley qui traite sur place une partie du brut. Trois sont en construction.
- On compte atteindre cette année, dans l’Alberta, une production de 6 millions de tonnes, peut-être même la dépasser en fin d’année.
- La production pétrolière du Canada aura ainsi sextuplé en quatre ans.
- On pourra encore l’augmenter si on trouve plus avantageux de ravitailler la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent en pétrole de l’Alberta qu’en produits américains.
- Certes, l’Alberta est éloigné de 3 200 km des régions les plus peuplées et des grandes villes de l’est. Celles-ci sont ravitaillées
- 1. Le baril, unité américaine de mesure du pétrole, vaut 42 gallons américains, soit 159 litres. La densité des produits est variable ; elle va de 0,7 pour les essences légères à 0,99 pour les fuels les plus lourds.
- par un pipe-line qui va du port américain de Portland à Montréal et qui vient d’être doublé par une deuxième conduite plus grosse, si bien qu’il peut maintenant débiter 127 000 barils par jour. Vers l’ouest, la côte pacifique n’est qu’à 1 000 km, mais pour atteindre Vancouver, il faudrait qu’un pipe-line franchisse les Montagnes Rocheuses; il est vrai que la Californie est loin et a de maigres réserves ; de nombreux ports jalonnent la côte ; il n’est pas dit que le pétrole de l’Alberta n’y apparaîtra pas, à moins que la connaissance géophysique acquise au Canada ne permette la découverte de pétrole dans le Far.-West des Etats-Unis.
- Peut-être aussi d’autres ressources pétrolières seront découvertes plus au nord, jusque vers l’embouchure du Mackenzie dans l’Océan arctique.
- L’Alberta possède également des gisements de gaz naturels dont on a pu capter 67 millions de mètres cubes dès 1949 et l’on connaît des sables bitumineux exploitables au sud du lac Athabasca, entre la rivière de ce nom et celle de la Paix.
- Tout cela est riche d’espoirs. Dès maintenant, 775 puits donnent du pétrole à Redwater, 5oo entre Leduc et Woodbend, 3oo dans la Turner Valley, 170 à Lloydminster.
- Là où il y a cinquante ans, c’était la prairie tantôt marécageuse, tantôt sauvage, d’immenses champs de blé sont apparus grâce à la persévérance des premiers pionniers. Bientôt, des silos ont marqué le bord des routes, puis une ville-champignon est née, Edmonton, sur l’initiative d’un Français. Aujourd’hui, les derricks commencent à marquer le paysage, parmi les silos et les champs.
- Fig. 2. — Un derrick parmi les silos et les champs de blé.
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- Le Gouvernement canadien, conservant la propriété des minéraux du sous-sol, conclut des baux avec les compagnies pétrolières exploitantes. Les fermiers cultivateurs n’ont aucun droit sur les richesses souterraines. Cela ne les empêche pas, cependant, de faire d’excellentes affaires! Ils louent, en effet, les
- emplacements superficiels nécessaires aux installations de forage, à raison de i 200 dollars par puits pour la première année et 4oo à 5oo dollars pour les années suivantes. Aussi toute une armée de techniciens, d’ingénieurs et d’ouvriers spécialisés, se déverse sans cesse en ces parages. L’ « Impérial Oil », entre autres, a acheté un assez vaste terrain aux environs du village de Leduc. Là, une nouvelle ville appelée « Devoir » pousse, avec rapidité : les rues s’alignent, des maisons, des ateliers, des usines se construisent, des hôtels et des bars s’édifient en quelques mois et même un journal The Devonian y paraît chaque jour.
- L’avenir des nouveaux gisements de l’Alberta semble donc plein de promesses. Lorsque les trois raffineries en cours d’établissement : la « British American » d’Edmonton, la « McColl-Frontenac », d’Edmonton et la « Suprême » de Calgary, seront achevées, le Canada pourra distiller tous les produits pétroliers extraits de plus en plus abondamment du sous-sol de l’Alberta. Sa consommation se trouvera alors satisfaite sans importations. Et même, concurrent des États-Unis, il deviendra peut-être exportateur de l’irremplaçable huile et de ses dérivés aux multiples applications.
- Que de bouleversements dans ce monde dont la puissance ne fait que gran'dir !
- Jacques Boyer.
- Nouvelle machine à graver
- Autrefois, tout artisan avait son poinçon dont il marquait les pièces qu’il venait de faire. L’horloger grave encore ses initiales et la date sur la montre, le chronomètre qu’il a rhabillés. Beaucoup d’appareils, de petites machines, d’instruments, doivent porter des inscriptions : numéro de série, diamètre, voltage, nature du courant, utilisation, branchements, etc. Le fabricant désire aussi fixer une plaque portant son nom et son adresse et l’acquéreur d’un cycle, d’une auto indique de même sa propriété.
- Fig. 1.
- Lorsque les objets sont réalisés en grands nombres, en séries, il est facile de préparer pour tous des plaques uniformes, imprimées, gravées ou estampées, qu’on fixe par des vis ou qu’on soude. Lorsqu’on produit les objets par petits nombres, qu’ils doivent porter de multiples indications, et plus encore quand ces indications varient de l’un à l’autre, force est de graver à la main. Il y faut un calligraphe de bon goût. Mieux vaut alors avoir recours à une machine à graver utilisant un modèle choisi, des caractères, des chiffres, des signes bien tracés, faciles à lire et agréables à l’œil.
- Une nouvelle machine très commode réunit par un pantographe un doigt-guide qu’on déplace sur un modèle composé d’avance selon un dessin, un label, un graphisme, et une petite fraise actionnée par un moteur à grande vitesse au-dessus d’une plaque plane fixée sur un plan rigide et bien dressé. En appuyant, on grave ainsi jusqu’à une profondeur choisie, et sans aucune bavure, soit l’inscription en creux soit la plaque autour de l’inscription qui reste en relief. On peut opérer sur tous métaux : or, argent, cuivre, acier, aluminium ou sur ivoire, nacre, verre, ou encore sur plastiques. Le résultat est beaucoup plus heureux et on l’obtient bien plus rapidement.
- La machine à graver « Scripta », réalisée par les établissements Wayolle, 11, rue Louis-François, Paris (13e), a sa place dans tous les ateliers.
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- Un canal devient route :
- Le comblement du canal de Saint-Maurice (Seine)
- Le problème de la circulation des voitures devient des plus angoissants pour les cités. Nos villes anciennes ne pouvaient prévoir l’essor de l’automobile; leurs rues étroites convenaient aux piétons, cavaliers et rares carros'ses qui les empruntaient, mais le règne de l’Essence les rendit impropres à la frénésie du mouvement de notre époque. Pour éviter les encombrements, sources de retards et d’accidents, les services des Ponts et Chaussées ont creusé des souterrains aux croisements les plus importants, effectué des déviations de parcours, élargi les voies quand cela était possible, signalisé les passages dangereux, agrandi les accès et les sorties des agglomérations.
- A ce propos, il est bon d’examiner un travail considérable destiné à faciliter le dégagement de la région est de Paris : c’est le comblement et la disparition du canal de Saint-Maurice qui doit faire place à une autoroute (le mot autostrade n’est pas administratif) qui permettra aux voitures venant de la porte de Bercy de rejoindre à Joinville la roule nationale n° 3o3 qui sera désignée prochainement par le n° 4; c’est celle qui conduit vers Strasbourg.
- Ce n’est qu’à la lin du xviii® siècle que l’attention des pouvoirs publics se porta sur les conditions de navigabilité de la Marne. Cette belle rivière aux flots verts et indolents pourrait être un parfait chemin d’eau, mais son lit est encombré d’îles, d’îlots et présente des hauts-fonds fort gênants pour les mariniers conduisant leurs péniches lourdement chargées vers Paris.
- De plus, en consultant une carte, on constate qu’en arrivant à Joinville, la Marne dessine une grande bouclé qui enserre à droite la vaste commune de Saint-Maur, longe à gauche les hauteurs de Champigny, de Chennevières et baigne ensuite Bonneuil, Créteil et Alfortville en laissant à droite Saint-Maurice et Charenton. Ce cingle, comme on dit dans le Midi, est d’un développement de i3 km environ et sa corde ne mesure que i n5 m.
- Napoléon Ier, qui avait le sens des réalités et qui appréciait la valeur du temps, eut dessein d’abréger le trajet des bateaux
- et en 1809-1810, il fit établir un projet de percement de l’isthme. Les guerres dans lesquelles il était engagé ne permirent pas l’exécution des travaux envisagés.
- Sous la Restauration, l’idée fut reprise et menée à bonne fin avec une dépense de 3 ooo ooo de francs; le io octobre 1825, le canal de Saint-Maur fut inauguré. Il s’ouvre à a4o m du Pont de Joinville, passe sous la colline dans un souterrain de 600 m de long et revient au jour dans un bassin de 3i4 m qui accède à la Marne par une écluse d’un seul sas, à talus par-reyés, longue de 84,25 m. Cette écluse vient d’être désaffectée et remplacée par une autre mieux aménagée qui, en plus du
- trafic, servira, toutes portes ouvertes en temps de crue, à déverser dans la Marne’le flux des inondations de la partie amont.
- Le plan d’eau d’étiage est à 8,25 m au-dessous de la clef de voûte du tunnel, sa largeur est de 7,80 m; il a donc fallu régler un horaire de passage puisque deux bateaux ne pourraient s’y croiser.'
- Postérieurement à la construction du canal, un second souterrain, en partie jumeau du premier, a été creusé pour alimenter à Saint-Maur des pompes qui refoulent les eaux de la Marne jusqu’au lac du plateau de Gravelle d’où elles s’écoulent dans tous les ruisseaux du Bois de Vincennes.
- Il restait encore à améliorer le parcours entre l’embouchure aval du canal et le confluent de la Marne et de la Seine, car la rivière est encombrée d’îlots qui la divisent en plusieurs bras et appauvrie par le débit du petit bras qui actionne les roues hydrauliques du Moulin Rouge et du Moulin de La Chaussée (fig. 6 et 7) ; elle n’a plus alors qu’un tirant d’eau insuffisant.
- En 1847, on pensa à tracer un canal latéral qui, partant du bassin du canal de Saint-Maur, aboutirait à la Seine à Charenton. L’année suivante, le chômage qui sévit parmi la population ouvrière parisienne offrit une main-d’œuvre abondante. Juste* ment, le Gouvernement de la Deuxième République, inquiet de cette situation qui faisait redouter des troubles, créa des Ateliers Nationaux pour donner du travail à ceux qui manquaient de
- Charerr
- St Maurice
- Ifbrtvulé'
- Créteil
- Bonneu i
- La boucle de Marne.
- Fig. 1.
- Fig. 2 et 3. — Entrée et sortie du souterrain du canal de Saint-Maur.
- 2, A gauche, l’entrée, montrant à droite le canal de navigation et à gauche, le canal d’alimentation de l’usine élévatoire de Saint-Maur ; 3, A droite, la sortie du canal de navigation, vers Saint-Maurice.
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- Fig. 4. —• A gauche, Le canal latéral de Saint-Maurice, avant son comblement.
- Fig. 5. — A droite, La sortie du canal de Saint-Maurice, à Charenton-le-Pont. L’écluse en eau.
- pain et il ordonna de commencer les travaux. Pelles et pioches se mirent à l’ouvrage, excavèrent le sol et ouvrirent un lai’ge fossé, mais les Ateliers Nationaux qui n’étaient pas d’un grand, rendement durent bientôt être supprimés. Des années passèrent et le Second Empire succéda à la République. En i854, Napoléon III reprit à son compte le projet ébauché et en 1860, le
- sens inverse, remontant la Marne vers les canaux de l’est de la France. Mais le trafic fluvial augmentant dans toute la région parisienne, des quais devaient être créés un peu partout et, en i93o, on décida de rendre le lit même de la Marne navigable pour utiliser sur la boucle les terrains qui allaient devenir le port de Bonneuil et être livrés au commerce et à la batellerie.
- canal qui reçut le nom de Saint-Maurice ou de Gravelle fut terminé.
- La grande boucle de la Marne devint une banlieue peuplée et ses calmes rives attirèrent les amateurs de pêche, de nage, d’aviron, de voile. Les péniches venant de l’est passaient par le tunnel et le canal latéral pour rejoindre en ligne droite la Seine entre Charenton, Alfort et Vitry, ou s’engageaient en
- Une écluse en face de Saint-Maurice releva le plan d’eau, un épi à la jonction sud évita les dépôts de vase à la rencontre des deux bras, mais il restait à approfondir le lit de la rivière. C’est alors qu’un peu avant 1909, une convention fut signée entre la Préfecture de la Seine et l’Administration des Ponts et Chaussées. La première accordait des crédits pour l’amélioration du chenal; la seconde cédait la propriété du canal, devenu inutile,
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- Fig. 8. — A gauche, Entrée de l’ancien canal de Saint-Maur, à gauche, et du nouveau, à droite.
- Fig. 9. — A droite, L’usine électrique d’Ivry, sur la Seine, vue du confluent de la Seine et de la Marne.
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- pour l'établissement d’une route. Ce bel exemple d’entente entre deux administrations, assez rare, mérite d’être cité et même louange.
- La guerre survint et ralentit l’exécution des travaux; cependant, des dragues puissantes entrèrent en action et plusieurs îles disparurent, entre autres celle d’Enfer qui, toute boisée et verdoyante, ne servait que d’Eden pour les amoureux.
- Actuellement le comblement du canal est en cours et, à en juger par l’activité des chantiers de travaux, elle sera menée à bonne lin, sans doute, avant la lin de cette année. Le paysage en est changé au pied des coteaux de Saint-Maurice et de Gravelle.
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- L’histoire du canal étant terminée, examinons maintenant le tracé de la nouvelle route.
- Partant de la porte de Bercy, elle longe la Seine par le quai de Charenton, la quitte en face de la curieuse usine électrique d’Ivry qui dresse vers le ciel la gracilité de ses 14 cheminées, laisse à droite la très hardie passerelle en ciment armé qui porte les câbles d’alimentation du Métropolitain. Arrivée à l’écluse de sortie du canal, la route emprunte le lit de celui-ci pendant 3,5 km, en délaissant la partie amont où s’ouvre l’écluse d’entrée; un peu avant la jolie et moderne chapelle des Saints-Anges dont la décoration murale qui a pour thème l’Apocalypse vaut une visite, si l’on ne craint pas la peinture à tendance surréaliste, l’autoroute franchit le petit bras de la Marne et par une rampe atteint l’Avenue des Canadiens, se glisse sous la voie ferrée de Verneuil-l’Ëtang et la rue de Saint-Maur pour déboucher en tranchée sur le Pont de Joinville et se raccorder avec la Nationale 3o3.
- Toute la journée, des camions chargés de terre provenant de déblais, déversent leur contenu dans le canal qui n’a pas été, comme on pourrait le supposer, asséché. Un buldozer infatigable repousse dans l’eau verdâtre les matériaux apportés et nivelle grossièrement le sol. On espère que dans deux ans, le sol étant asséché, les véhicules pourront s’élancer sur cette voie de i5 m de large qui sera bordée de deux pistes cyclables et ombragée par les deux superbes rangées de platanes presque centenaires qui sct ront respectés, car les ingénieurs des Ponts et Chaussées ne méconnaissent pas l’esthétique et savent souvent concilier l’utilité et la beauté.
- Néanmoins, ce n’est pas sans une légère mélancolie que je vois se modifier ces lieux qui me sont voisins et qui
- constituaient l’un des sites plaisants de la banlieue parisienne.
- Les berges du canal et les rives de la Marne qui se jouxtent étaient très fréquentées les dimanches et jours de fêle. On y rencontrait, nombreux et attentifs, les inévitables et paisibles pêcheurs à la ligne, plus riches de patience que de poissons, rien ne troublait plus leur quiétude en l’absence du passage des chalands. Des guinguettes offraient aux amateurs les délices de leurs fritures provenant directement des Halles. Quant à la jeunesse, au son du jazz ou de l’accordéon, elle se livrait dans de modestes dancings, aux plaisirs de la danse. L’été, on pouvait se croire au bord de la mer, car nageurs ou pseudo-nudistes s’ébrouaient en costume sommaire sur les talus herbeux.
- En semaine, le calme était complet et les artistes peintres ne dédaignaient pas d’installer leur chevalet pour fixer sur leurs toiles les nuances fugitrves du crépuscule réfléchies sur l’onde immobile ou les jeux de lumière à travers les grands arbres. Les promenades étaient délicieuses quand, dans le silence, les rayons du soleil étaient tamisés par l’ombre clairsemée des platanes.
- Le petit bras de la Marne avait son charme de sauvagerie. Las de faire mouvoir les vieilles aubes des deux moulins qui l’enjambent, il allait doucement vers son destin en frôlant la colline qui sert de piédestal au Bois de Yincenne? et supporte l’établissement hospitalier de Saint-Maurice (x) à l’allure italienne et qui fut jadis l.e célèbre Asile des fous • de Charenton, dont l’un' des pensionnaires fut le fameux marquis de Sade, de fâcheuse mémoire, puis il disparaît humblement sous le radier du canal pour rejoindre la Marne qui, un peu plus loin, s’évanouit dans la Seine. Il est à craindre que le roulement des autos, le bruit des klaxons et l’odeur de l’essence ne détruisent la poésie et le silence de ce paysage pittoresque, mais pourquoi des regrets inutiles, le progrès passe et force est de se ranger à sa loi.
- Ch. Broyer.
- 1. L’asile national de" Saint-Maurice fut longtemps un asile psychiatrique. Après la guerre de 1914, une partie de ses locaux servit à abriter la première Maison maternelle nationale. Les deux établissements continuent depuis de coexister. Non loin, se trouve une maison nationale de convalescents où sont reçus des sortants des hôpitaux parisiens.
- Fig. 10 à 13. — Les travaux actuels de remblaiement du canal de Saint-Maurice.
- De haut en bas, Vue prise de la passerelle de Charenton. — Le petit bras de la Marne. — Le canal remblayé. — Le buldozer sur l’ancien canal.
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- LE CIEL EN
- AOUT 1951
- SOLEIL : du 1er au 31 sa déclinaison décroît de + 18°10' à + S°5r ; la durée du jour passe de 15h3m le 1er à 13h29m le- 31 ; diamètre apparent le 1er = 31'33",98,. le 31 = 3r44",42.—LUNE : Phases : N. L. le 2 à 22h39m, P. Q. le 10 à 12li'22m, P. L. le 17 à 2ho9m, D. Q. le 24 à 10h20m ; périgée le 15 à 4h, diam. app. 33'0" ; apogée le 27 à 3h, diam. app. 29'30" ; éclipse de Lune par la pénombre le 17, entièrement visible à Paris : entrée dans la pénombre 2h27m, milieu de l’éclipse 3h14m, sortie de la pénombre 4M1*1, grandeur de l’éclipse 0,119, le diamètre de la Lune étant un. Principales conjonctions : avec Mars le 1er à 3h39m, à 3°15' S. ; avec Vénus le o à 20h54m, à 3°41' S. ; avec Saturne le 7 à lh37m, à 4°27' N. ; avec Neptune le 8 à Uh, à o°21' N. ; avec Jupiter le 20 à 20ho8m, à 5°1' S. ; avec Uranus le 27 à 22h45m, à 4°8' S. ; avec Mars le 29 à 23h56h, à l°o2' S. Principales occultations : de a Lion (Régulus, lm,3), immersion à llh23m,3, émersion à 12h36m,9 ; de g Bélier (om7) le 23, émersion à lh2om,8. — PLANÈTES : Mercure, plus grande élongation du soir le 3, peu visible ; Vénus, astre du soir au début du mois, se couche le 17 à 19h14m, diam. app. 50",9 ; Mars, dans le Cancer, invisible ; Jupiter, dans les Poissons, visible le matin, se lève le 17 à 20ll40m, diam. pol. app. 43",2 ; Saturne, dans la Vierge, devient invisible, se couche le 17 à 20h26m, diam. pol. app. 14",5, anneau : gr. axe 36",4, petit axe 2",2 ; Uranus,
- dans les Gémeaux, visible le matin, se lève le 29 à 0M9m, position 6b56m et + 23°10', diam. app. 3",5 ; Neptune, dans la Vierge, invisible. — ÉTOILES FILANTES : Perséides : la Terre rencontre le 9 la partie la plus dense de l'essaim, radiant vers 7i Persée. — ÉTOILES VARIABLES : Minima observables d’Algol (2m,2-3m,5) le 1er à 4h,2, le 4 à 1A,0, le 6 à 21h,8, le 21 à oh,9, le 24 à 2h,7, le 26 à 23h,5, le 29 à 20h,3 ; minima de (3 Lyre (3m,4-4m,3) le 13 à 2h,4, le 26 à 0h,7 ; maxima : de T Grande Ourse (5m,5-13m,5) le 2, de R Cygne (5m,6-14m,4) et de R Corbeau (om,9-14m,0) le 26. — ÉTOILE POLAIRE : Passage sup. au méridien de Paris : le 9 à 4h32m59s, le 19 à 3:h53m52s, le 29 à 3M4m45s. .
- Phénomènes remarquables. — La lumière cendrée de la Lune, le soir, le 5 et jours suivants, et le 28 le matin à l’aube. — Les étoiles filantes Perséides, à observer dès le début du mois, maximum le 9, météores rapides, traînées jaunâtres. — L’éclipse de .Lune par la pénombre le 17, à observer de préférence par la photographie.
- (Heures données en Temps universel ; tenir compte des modifications introduites par l’heure en usage).
- G. Fournier.
- LES LIVRES NOUVEAUX
- Formulaire général de mathématiques, physique et chimie, par M. Denis-Papin. 1 broch., 172 p. Nathan, Paris, 1950. Pris : 280 francs.
- Formules et données utiles au baccalauréat de mathématiques élémentaires.
- Découpage, cambrage, emboutissage, par R. Dupas. 1 vol. in-8°, 120 p., 109 flg. Girar-dot, Paris, 1951.
- Spécialiste du travail à la presse des métaux en feuilles, l’auteur a réuni les méthodes rationnelles actuellement employées dans l’industrie. Get ouvrage essentiellement pratique, dépouillé de formules superflues, présente un grand nombre d’exemples accompagnés de figures d’outillages destinés au façonnage de pièces très diverses, aide-mémoire précieux pour le travail en série des métaux en feuilles.
- Cycles et rythmes, par R. Tocquet. 1 vol. in-8°, 186 p. Dunod, Paris, 1951. Prix : 350 francs.
- Beaucoup de phénomènes naturels se présentent comme des oscillations rythmiques. Certaines sont partout signalées : le son, la lumière, les périodes du courant électrique, les rythmes diurnes et saisonniers, les rythmes cardiaques et pulmonaires, les cycles du carbone, du phosphore, de l’azote, etc.. L’auteur en rassemble beaucoup d’autres, cosmiques, géologiques, physiques, chimiques, vitaux. Il attire ainsi l’attention sur le rythme, l’une des propriétés de l’univers et sur la solidarité qui unit êtres et choses, jusqu’à la physiologie et la psychologie.
- L’activité rationaliste de la physique contemporaine, par Gaston Bachelard. 1 vol. in-8\ 225 p., 16 flg. Bibliothèque de philosophie contemporaine. Presses universitaires de France, Paris, 1951. Prix : 500 francs.
- Philosophe de la pensée scientifique, professeur à la Sorbonne, l’auteur a consacré une oeuvre déjà longue au rationalisme dans la physique moderne. Il examine de ce point de vue l’évolution des idées sur le mouvement, la lumière, l’énergie, le conflit des notions d’ondes et de corpuscules, pour aboutir à la mécanique ondulatoire. Il cherche ainsi à approfondir le déterminisme du monde et à dégager le rôle de l’esprit humain et des techniques dans les progrès de la connaissance.
- Micro-wave measurements, par II. M. Barlow et A.. L. Cullen. 1 vol. in-8°, 400 p., 214 flg. Constable, Londres, 1950. Prix : relié, 30 sh.
- Destiné aux ingénieurs des communications, cet ouvrage fournit les bases théoriques de cet
- important domaine d’applications. L’attention est portée sur les principes plus que sur le détail des appareils, et appuyée par des observations expérimentales caractéristiques. D’importants chapitres traitent des guides-ondes, des cavités-résonateurs, des mesures de longueurs d’ondes, de fréquence et de puissance, des systèmes de transmission, etc.
- Radiologie théorique et appliquée, par
- L. Guntiier. 1 vol. in-811, 290 p., 129 flg., 4 pl. Béranger, Paris, 1951. Prix : relié, 1 950 francs.
- Reproduisant des causeries à des ingénieurs d’une société de construction de matériel radiologique, ce livre expose, après une introduction sur les rayonnements cathodiques et X, la structure de l’atome, l’émission, le rayonnement et la matière, les générateurs X, le redressement du courant haute tension, les contrôles et mesures, les générateurs haute tension, l’image radioscopique et radiographique, les utilisations du rayonnement X et la protection en radiologie.
- AUgemeine und anorganische Chemie, par
- G. Sciiwarze.VjBACh. 1 vol. in-8°, 476 p.,
- 107 flg. Thieme, Stuttgart, 1950. Prix : relié, 21,6 DM.
- Cette 4“ édition débute par un exposé des méthodes d’analyse immédiate et de fractionnement permettant d’isoler les corps purs, puis l’auteur passe à l’étude des propriétés physiques de la matière, des gaz, des mélanges, des grandeurs moléculaires, de l’atome et à la classification périodique des éléments. Il donne un schéma moderne de la valence. Les chapitres suivants sont consacrés à la réaction chimique, aux électrolytes, à la stéréochimie et à la cristallographie. La seconde partie traite des corps minéraux en commençant par les métalloïdes, les hydrures, les oxydes, les dérivés lialogénés, les composés salins et complexes ; le carbone fait l’objet d’un chapitre spécial et l’ouvrage se termine par l’examen des métaux.
- Cyanidation and concentration of gold and silver ores, par J. V. N. Dorr et F. L. Bos-qui. 1 vol. in-8”, 511 p., 102 flg. McGrawHill, New-York et Londres, 1950. Prix : relié, 68 sh.
- Cette seconde édition de l’ouvrage actuellement le plus complet sur le traitement des minerais d’or et d’argent par cyanuration a été mise à jour en tenant compte des dernières nouveautés en matière d’équipement et des plus, récents progrès réalisés dans le traitement des minerais réfractaires. Des descriptions des ins-
- tallations les plus récentes et les plus typiques avec leur flow-sheet et des informations précises sur la suite des opérations de traitement adoptées dans ces laveries en font un guide unique pour tous ceux qui s’intéressent à l’extraction des métaux précieux. Les pages sur les méthodes d’essais en laboratoire seront particulièrement appréciées des ingénieurs qui ont à réaliser les usines de traitement de minerais.
- Le blanchissage rationnel, et automatique, du linge, par le Dr Maurice de Keghel. 1 vol. in-8°, 252 p. Gauthier-Yillars, Paris, 1950. Prix : 700 francs.
- Après avoir expliqué l’action du savon, des eaux, des divers produits de blanchissage, l’auteur fixe les règles du blanchissage domestique ou industriel, le plus sûr, le plus rapide, sans' usure inutile du linge.
- Families of Dicotyledons, par Alfred Gunder-sen. 1 vol. in-S", 238 p., flg. Chronica bota-nica, Waltham (Mass.) ; Raymann, Paris, 1950. Prix : relié, 4,50 dollars.
- Le classement des familles en un ordre phylé-tique est toujours imparfait et à remanier. C’est ce que tente l’auteur à la lin d’une vie de systématicien. Une série de chapitres de ses collaborateurs fait le point des diverses données de base : succession paléontologique, caractères du bois, de la fleur (carpelles et ovules), embryologie, nombre et structure des chromosomes, distribution géographique. Les diverses parties de la plante utilisées pour la classification sont passées en revue, puis les divers systèmes proposés depuis le xvn0 siècle. L’auteur présente ensuite le sien et examine de ce point de vue les divers groupes et les familles, en rappelant pour chacun la littérature récente.
- Moisture requirements in agriculture, par llarry Burgess Roe. 1 vol. in-8°, 413 p., 150 flg. Mc Graw-Hill G", New-York et Londres, 1950. Prix : relié, 5,50 dollars.
- L’irrigation des terres cultivées pose deux problèmes ; pour l’ingénieur c’est une question d’hydraulique qui oblige à considérer les volumes d’eaux disponibles, leurs qualités, leur captage, leur pompage et leur distribution selon la topographie et les types de sols ; pour le cultivateur c’est une question de rendement : coût des installations, astreintes administratives d’une part, choix des cultures et augmentation des récoltes d’autre part. L’auteur, professeur à l’Université de Minnesota et grand expert en la matière, la traite au moyen d’exemples choisis, de formules, de graphiques, de tableaux, qui fournissent des solutions détaillées.
- Le gérant : G. Masson. — masson et cie, éditeurs, paris. — dépôt légal : 3e trimestre 1961, n° i3i4- — Imprimé en France.
- BARNÉOUD FRÈRES ET Cie, IMPRIMEURS (3lû566), LAYAL, N° 2389- — 7‘195l.
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- Août 1951
- LES 100
- NATURE
- ISEAUX DES SEPT-ILES
- Dans les premiers jours de juin ign, un spectacle navrant s’offrit au regard des habitués du petit port de Perros-Guirec : une barque de pêche transportant des chasseurs parisiens venait d’arriver à quai chargée jusqu’au bord d’oiseaux massacrés. Sur le pont, ces hommes, très fiers d’eux-mêmes, paradaient....
- Les victimes (3oo environ) furent déchargées sur une grève où elles pourrirent. Quant aux tristes individus, ils se contentèrent chacun d’un ou deux des petits cadavres en guise de trophées.
- L’affaire en serait restée là si un ornithologue, le lieutenant Hémery, n’avait été témoin de la scène. Les oiseaux massacrés provenaient de l’une des dernières colonies en France de macareux moines (ou calculots) installée sur l’archipel les Sept-Iles ! Quelques jours plus tard, il débarquait sur l’île Rouzic où avait eu lieu le carnage.
- « Aux bords des trous où nichaient les oiseaux, des mouches, une odeur infecte.... Par place, des centaines de douilles de car-' touches vides en tas sur le sol comme les étuis de mitrailleuse après le combat... ».
- Le lieutenant Hémery se renseigna : des pêcheurs lui précisèrent que les « chasseurs » avaient apporté sur l’île une caisse contenant Go kg de munitions et qu’ils avaient tout tiré avant de repartir. L’enquêteur ne trouva sur l’île que trois rescapés (une femelle couvant et un adulte gardant un poussin).
- Un rapport à la Ligue de Protection des Oiseaux (L.P.O.) suivit dont la Ligue s’inquiéta; un préfet des Côtes-du-Nord compréhensif intervint, la chasse des calculots fut interdite. Ce qui restait de la colonie d’oiseaux était sauvé. 18 ans plus tard, le prince Murat, l’actuel président de la L.P.O., obtint de l’Administration des Domaines la location des Sept-Iles et en fit une réserve naturelle d’oiseaux de mer. Depuis, la paix règne de nouveau sur ces îles désertes et les oiseaux y pullulent sans y être troublés.
- L’archipel des Sept-Iles est situé à quelques milles de Perros-Guirec et de Ploumanac’h (Côtes-du-Nord); il ne figure que sur les cartes marines détaillées (fig. x). Les îles qui le forment
- les Sept Iles *7$$*
- . Ile
- n| Rouzic
- ii en +3 Ile de Malban
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- les Sept Iles-
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- 9 Morlaix
- Fig. 1. — L’archipel des Sept-Iles.
- s’appellent Rouzic, Malban, Les Cerfs, l’île Plate, les Castans, Rono et l’île aux Moines. Les deux dernières seules sont ouvertes aux touristes; les autres sont « les îles aux oiseaux », royaume de la gent ailée jalousement gardé par le surveillant des réserves Le Flem qui ne laisse y débarquer que de rares visiteurs, préalablement munis d’un laissez-passer de la L.P.O.
- En mer, à un mille de Rouzic, la plus précieuse des réserves, déjà les macareux vous accueillent. La présence de la vedette à moteur ne les effraie pas et c’est quand vous en serez à xo m qu’un brusque plongeon à la verticale les fera disparaître à vos yeux.
- Approcher des falaises de Rouzic n’est pas chose facile. II fau-
- Fig. 2. — L’île Rouzic. Les taches blanches sont des colonies de Fous de Bassan.
- dra la main sûre d’un marin de la région à la barre pour éviter les écueils qui les bordent. Mais à 200 m, on distingue déjà les taches claires et compactes des colonies d’oiseaux sur le rocher.
- Ici gîte le rarissime Fou de Bassan (Sala bassana), la « mar-gat » des pêcheurs bi’etons.-
- Arrivé à 20 m de la falaise abrupte, on voit nettement les couples sériés les uns contre les autres, jouant des ailes dans des élans de coquetterie.
- ..•Un départ souple, puissant; en voici qui nous survolent, blancs de neige, les ailes de plus de 2 m d’envergure marquées de noir aux extrémités. Les pêcheurs locaux disent du Fou qu’il méi'ite bien son nom (en d’autres légions, on l’appelle même « Grand Fou »). On voit parfois, disent-ils, ces oiseaux se * jeter sur les bancs de sardines ou de sprats. Puis repus, ils se gonflent d’air entre peau et os et par groupes s’endorment sur les flots, se laissant ballotter la tête sous l’aile au gré des vagues, jusqu’à la fin de la digestion. Autre preuve de stupidité
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- Fig. 3. — Un oeuf et deux poussins de Goéland sur un nid.
- — toujours selon les pêcheurs — la manière dont les goélands, ces rapaces, s’emparent des œufs et des poussins du Fou. Ce dernier couve un gros œuf, de 7 à 8 cm de long; le goéland l’attaque par surprise, d’un coup de bec... au postérieur; l’autre ne réagit pas et laisse la place à l’ennemi qui n’a plus qu’à ingurgiter le contenu du nid (œuf unique ou petit).
- « Ainsi, nous a affirmé le gardien Le Flem, cette année, les i4o couples établis sur l’île Rouzic n’ont pu conserver aucun petit ».
- Des lieux de pêche situés au pied de l’île, les marins ont encore assisté à d’autres scènes aussi curieuses. Ils assurent avoir vu des parents obliger leur petit à se jeter à l’eau. Si celui-ci oppose quelque résistance pour sauter dans le vide, d’énergiques coups d’ailes mettent un terme à sa répulsion.
- Souvent l’oiseau se fracasse sur la roche en dessous du nid. Quand, au contraire, il atteint l’eau, ses parents continuent à l’aider, l’encourageant à pêcher et à nager.
- En pêche, le Fou de Bassan fait merveille. C’est un spécialiste du piqué. On le voit fréquemment amorcer d’un violent coup d’aile une chute vertigineuse et ressortir de l’eau tenant sa proie dans le bec.
- A la décharge de l’oiseau, il faut dire aussi qu’il n’a pas son pareil pour mystifier le chasseur.
- Un coup de fusil part; une boule blanche tombe, très vite. Puis, à un ou deux mètres de l’eau, alors que l’arme s’est.déjà abaissée, les ailes s’ouvrent et le gibier convoité s’enfuit.
- La colonie de Fous de Bassan des Sept-Iles semble avoir essaimé dans la région. Il nous a été donné de voir un groupe important de ces beaux oiseaux sur les roches des Méloines, au large de la baie de Morlaix (Finistère). Ils y tenaient compagnie à un vieux phoque installé là, on ne sait trop pourquoi ni comment, depuis pas mal d’années !
- Les ornithologues tireront une certaine satisfaction de la présence sur les côtes françaises d’un embryon de nouvelle colonie, car depuis fort longtemps, celle de Rouzic était la seule connue de tout le sud-ouest européen.
- *
- # #
- Notre vedette s’éloigne de l’île Rouzic à travers les bancs de récifs sur lesquels les courants forment des bouillons d’écume. Au passage, des centaines de mouettes tridactyles s’envolent; par milliers, rasant l’eau, les macareux s’écartent en longues bandes noires.
- Voici une petite crique à l’abri d’une masse de rochers. Un youyou nous conduit à terre sur l’île Malban.
- Ces « braillards » de goélands nous ont repéré et déjà, dans
- Fig. 4 à 6. — A gauche, Un jeune vient d’éclore en brisant sa coquille. — En haut, à droite, La boule de duvet d’un jeune qui vient
- de naître. — En bas, à droite, Les derniers jours au nid.
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- une ronde échevelée, ils battent l’air de leurs longues ailes. Il est vrai, qu’aussitôt débarqué, nous tombons au beau milieu du quartier que s’est réservé une colonie de plus de 2 000 de ces rapaces des mers.
- Quelle curieuse impression de se sentir seul au milieu des oiseaux. On se trouve en quelques secondes transplanté dans un monde irréel, où à votre immobilité répond un silence de mort, où chacun de vos gestes provoque un vacarme invraisemblable.
- ...L’immobilité du visiteur a calmé les goélands. L’un après
- proie de parasites que l’on voit se promener en multitude sur les plumages.
- Mais le goéland qui semble se désintéresser des tout petits, n’aime pas qu’on ennuie les plus grands. Des battements d’ailes nous mettent en garde. Des parents en colère nous frôlent, la peur seule, semble-t-il, les empêchant de nous attaquer.
- Hâtons-nous de quitter les cimes, non par crainte, mais pour respecter les engagements pris à l’égard de la L.P.O., qui tient à ce que, sur ses domaines, on n’effraie pas ses protégés.
- Et nous arrivons sur le flanc nord de l’îlot où l’un des spectacles les plus étonnants qu’il soit donné de voir en Europe nous attend.
- Combien sont-ils ces macareux moines (Fratercula arctica) groupés tels leurs proches parents les pingouins en une énorme « rookery » P Huit, dix ou vingt mille P Un ornithologue en avait dénombré i4 000, une nuit de printemps, dans l’archipel. Depuis sont nés d’innombrables petits. Il y en a partout, dix ou vingt par rocher et parmi les fleurs. Car ici, les plantes ter-
- Fig. 7 et 8. — En haut, Les Macareux regardant le photographe. En bas, Un coin de la colonie de Macareux sur l île Malban.
- l’autre, ils se posent majestueux, chacun sur son rocher, prêts à s’envoler à la moindre alerte.
- Une rapide exploration permet de découvrir les causes du remue-ménage de notre arrivée. Partout, il y a des nids contenant des œufs et des petits. Parler de nids, c’est peut-être exagérer. Car si vous apercevez parfois quelques brindilles de bois ou d’herbe dans un creux de terrain, aussi souvent vous verrez deux ou trois œufs déposés à même la roche nue. Et ces nids sommaires sont tellement nombreux, si rapprochés les uns des autres qu’il faut, en marchant, continuellement regarder à ses pieds pour ne pas écraser œufs et petits.
- Au hasard de la marche, on découvre ici un poussin fraîchement éclos, là deux boules de duvet gris marbrées de plaques, sombres, plus loin un oison d’un mois de la taille d’un poulet. Du plus petit au plus grand tous sont déjà, hélas, la
- restres occupent les plus petits recoins de terre végétale, jusqu’au niveau des hautes mers.
- Le macareux est encore appelé calculot, polichinelle de mer, plongeur à gros bec, etc.... C’est probablement le plus étrange de tous les oiseaux qui hantent les côtes de France. Curieux en diable, familier et sociable entre tous, il vous amusera pendant des heures par ses airs de faux déguisé, masqué, aux gestes maladroits.
- Chez lui, tout semble dessiné à coups de crayon de grimage. Le bec bleu et rouge, strié de jaune et de blanc, est trois ou quatre fois plus volumineux que celui du perroquet; on dirait un faux nez. Ajoutez à cela des paupières vermillon, des joues grises et des pattes palmées jaune-orange; complétez le tout par un habit noir et un gilet blanc et vous aurez une idée approximative de son aspect'clownesque.
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- Fig. 9. — Au départ, les Cormorans en vigie sur un rocher.
- Les macareux sont des habitants du Grand Nord qu’ils désertent à la fin de l’hiver pour les régions plus tempérées. Ils arrivent dans la Manche par bandes de plusieurs milliers dès le début du printemps.
- En mai, commencent les couvées. Dans un trou creusé à flanc de colline, la femelle pond un œuf jaunâtre aussi gros que celui d’une poule. Pendant cinq semaines, mâle et femelle se relaieront sans cesse dans le terrier. Gare alors à l’homme trop entreprenant qui oserait y hasarder la main; un bec tranchant comme une pioche le rappellerait à la prudence.
- Le petit éclos, les parents le veilleront avec une rare sollicitude. Jamais ils ne le laisseront seul. La nourriture, petits poissons et crevettes, lui sera distribuée avec une sage lenteur
- pour éviter les indigestions (Notons en passant que le calculotr plongeur émérite, ramène parfois une dizaine de prises en une seule tournée. Les queues dépassent de chaque côté du bec, lui faisant une moustache du plus comique effet).
- Qu’un petit perde ses parents, un autre couple l’adopte. Ce n’est pas là la seule forme de: solidarité entre macareux. Nous avons vu à plusieurs reprises un jeune en perte d’équilibre sur la roche glissante s’agripper par le bec au bec tendu complaisamment par le voisin; et l’autre qui se prêtait admirablement au jeu tirait à lui de toutes ses forces pour aider son camarade à remonter la pente.
- Le macareux est aussi curieux qu’un enfant. Des bandes de ces oiseaux sont plusieurs fois venues nous observer à trois ou quatre mètres, malgré les coups de bec des goélands qui supportaient mal leur voisinage.
- Ailleurs, sur les Sept-Iles vivent encore de petits pingouins et des guillemots. Un pingouin macroptère (Alca torda) gîtait au beau milieu de la colonie de macareux de Malban. Mais plus farouche que ses voisins qu’il dominait largement de la taille, il s’est enfui à notre approche.
- D’autres individus des mêmes espèces seraient installés sur les Cerfs, masse rocheuse difficile d’accès.
- # *
- Ainsi vivent, sur l’archipel des Sept-Iles, ioo ooo oiseaux de mer de diverses espèces. Ils fuyaient nos rivages, il y a vingt ans pour échapper au massacre. Ils y viennent aujourd’hui, chaque année plus nombreux, faire leurs nids : finies les hécatombes, abolies ces « rentrées triomphales » au port des touristes-chasseurs.
- La L.P.O. aura fait œuvre de grande utilité en conservant à nos côtes et à nos îles ce qui constitue une partie de leur charme et de leur vie.
- La dernière vision des Sept-Iles nous a été donnée par six cormorans perchés sur un récif. Us regardèrent passer, sans bouger, notre vedette. Pour eux, l’homme était redevenu ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : un ami.
- Albert Le Clecu.
- '(Photographies de l’auteur).
- Contre les
- Les termites qui sont de grands destructeurs et de grands constructeurs dans la nature tropicale atteignent jusqu’à nos régions. Le sud-ouest de la France en connaît deux espèces : Reliculitermes flavipes, venu d’Amérique, qui, depuis le xvme siècle a causé maints dégâts aux maisons dans la région de La Rochelle; R. lucijugus, indigène qui attaque les bois dans la région de Bordeaux et les Landes. On leur doit l’écroulement d’immeubles anciens à charpentes en bois.
- Le Dr J. Feytaud, professeur à l’université de Bordeaux, a depuis longtemps étudié les mœurs de ces termites, reconnu leur attrait par le bois, l’humidité et la chaleur, préconisé dans les nouvelles constructions d’isolement des fondations et des murs.
- Dans une récente communication à l’Académie d’Agriculture,
- termites.
- il vient de signaler qu’on peut faire maintenant encore mieux.
- Les termites sont des insectes justiciables des insecticides modernes, notamment le D.D.T. et l’A.C.H. On peut les atteindre en mêlant au mortier de chaux ou au plâtre l’un de ces produits, au moment du gâchage, i ou 2 pour 100 d’un de ces insecticides introduits dans la chaux hydraulique ou le plâtre suffisent pour empoisonner les termites, arrêter leur pullulation et leurs dégâts.
- G’est un moyen à recommander pour les constructions neuves, en cette période de reconstruction et aussi pour les réparations des vieux immeubles infestés, lorsqu’on refait le bas des murs, ou rejointoie les pierres, au niveau des poutres et des planchers.
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- L'APPROVISIONNEMENT EN EAU
- DES VILLES
- Les maisons, les villages se sont fixés autour des points d’eau : sources ou rivières. Mais beaucoup d’agglomérations ont grandi ensuite jusqu’à la taille d’une ville. Le problème de leur alimentation en eau est alors devenu un souci croissant pour les municipalités et les techniciens. Quand la source ne suffit plus ou s’épuise, peut-on en capter d’autres plus lointaines sans faire baisser, la nappe souterraine aux dépens d’autres cités et de la fertilité des champs ? Ou bien peut-on recourir à l’eau de rivière, beaucoup moins pure, polluée de déchets de toutes sortes, qu’on n’ose pas mélanger à l’eau de source sans l’avoir épurée ?
- Les quantités réclamées par la population croissent sans arrêt, à mesure qu’elle augmente en nombre, qu’elle veut des bains, des douches, des piscines, du linge propre, que des industries se développent qui ont besoin de condenseurs de vapeur, de réfrigérants, du milieu aqueux pour les lavages, les transports, les séparations, les réac- I . ' '
- tions. Quand les usines restituent l’eau qu’elles ont reçue, elles la rendent chaude, polluée, chargée de produits chimiques, imbuvable.
- Partout, les mêmes problèmes se posent, de quantité et de qualité, dont les solutions diffèrent en chaque lieu selon les conditions climatiques saisonnières, la géologie du sol, les activités humaines. On ne peut trouver de règle générale, applicable partout, et bien souvent même on ne sait prévoir d’avance toutes les conséquences des travaux proposés ou entrepris.
- Nous avons déjà exposé ici mêmè la situation dans la région parisienne (n° 3x73, septembre ig4g, p. 267), et
- passé en revue les divers moyens d'épuration mécanique, chimique et biologique dont on dispose actuellement (n° 3i8g, janvier ig5i, p. 5). Nous voudrions aujourd’hui, par quelques exemples choisis en France, donner une idée clcs installations auxquelles on est obligé d’avoir recours.
- L’approvisionnement en eau des villes n’est pas une question nouvelle; elle fut de tous les temps, à en juger par les restes qu’on connaît des travaux des anciens. Carthage avait capté des eaux jusqu’à i38 km, tout comme Paris actuellement. Les Romains ont, pour leur part, laissé sur notre sol maints témoins imposants de leurs réalisations dans ce domaine : Fi’éjus, Pont-du-Gard (fig. 1) (1). Dagobert, par un édit, frappait déjà de lourdes peines ceux qui souillaient les puits.
- A l’heure actuelle, la fourniture à ses habitants d’une eau abondante et pure est pour une cité.un sûr indice de civilisation, de progrès. La science moderne a, d’ailleurs, depuis un demi-siècle surtout, mis à la disposition de l’homme des moyens éprouvés d’augmenter la quantité et la qualité de l’eau.
- Il est avéré, par ailleurs, que la présence de points d’eau a conditionné l’établissement des populations à l’oi'igine et, la plupart des grandes cités ont prospéré sur le bord de fleuves,
- 1. On pourrait ajouter -Paris, Lyon, Metz, Clermont-Ferrand, Bordeaux, Toulouse, Vienne, etc. u
- Fig. 1. — Le pont du Agrippa pour amener
- Gard. Restes Nîmes les environs d’Uzès.
- Longueur : 270 m : hauteur
- de lacs; l’éparpillement des habitations est lié à la multiplicité des ressources en eau (sols imperméables), et à l’inverse leur concentration est dictée par l’existence de rares sources (sols calcaires : Causses, Champagne).
- Considérations générales.
- On est frappé, rien que par l’examen des statistiques de l’inégale richesse en eau de nos villes Q), dont bien peu peuvent s’enorgueillir de fournir à leurs habitants les x 000 litres quotidiens dont disposaient à Rome les sujets d’Auguste !
- De nombreux éléments interviennent pour expliquer ces variations; on peut les grouper en les résumant :
- i° Les conditions géologiques et géographiques. L’abondance
- des pluies, la présence à faible profondeur de couches imperméables sont évidemment des plus favorables à une fourniture d’eau plus ou moins pure.
- 20 La latitude. Les régions sèches et chaudes exigent davantage cl’eau que les pays froids ou tempéi’és.
- 3° Le' degré d’évolution des habitants. Il est évident qu’une cité américaine, ne peut être comparée à une ville de l’Furope centrale; le goût développé du confort et de l’hygiène conduit à une grande consommation d’eau.
- 4° Le degré de richesse des cités et le pi’ix de revient de l’eau fournie. A Oran, par çxemple, où l’eau potable est vendue de 1 à 4 fr le litre, on ne s’étonnera pas d’une consommation réduite.
- 5° Le développement industriel. Certaines industries, comme les raffineries, les tanneries, les brasseries sont de très grosses consommatrices.
- 6° L’accroissement démographique rapide. II est pai’fois difficile pour certaines villes, atteintes d’une brusque poussée de peuplement ou d’expansion, d’augmenter l’approvisionnement en eau; c’est le cas actuel de Toulouse, par exemple, dans une certaine mesure. Le rééquipement se fait alors par à-coups et les ressources en eau par tête d’habitant diminuent; ainsi Marseille, dont la consommation, en i8ga, était de 765 l/jour, voyait, en 1910, Ce taux réduit à 200.
- Tout projet doit être basé sur la connaissance des besoins actuels, et prochains; l’étude des statistiques est utile et nécessaire. Les prévisions doivent s’étendre à une longue durée, laquelle, dans la pratique, couvre la période d’amortissement de l’emprunt auquel on recourt généralement. Il est à remarquer que ces prévisions sont — sauf cas exceptionnels — toujours dépassées (2).
- 1. L’approvisionnement des villages est encore précaire ou inexistant dans beaucoup do régions.
- 2. Rares sont chez nous les cités où le plan originel a prévu les installations necessaires à l’équipement sanitaire. Dans certains pays neufs et d’avenir comme l’Argentine, on prévoit (Ohras Sanitarias) cet équipement pour une population très largement estimée.
- d’un aqueduc construit sous eaux des sources d’Eure, aux
- 48 m.
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- Fig. 2.
- Fig. 3.
- Fig. 2. — Les bassins filtrants de Saint-Maur, vas d’avion.
- Installés en 1896, ils traitent par jour 300 000 m3 d’eau de Marne pour l’alimentation de Paris. 62 préfiltres ; 20 filtres
- (Photo Les prises de vues aériennes, Paris).
- Fig. 3. — Les bassins filtrants d’Ivry, vas d’avion.
- installés en 1900, ils traitent par jour 350 000 m3 d’eau de Seine pour l’approvisionnement de Paris.
- 40 dégrossisseurs ; 104 préfiltres ; 48 filtres. (Photo Les prises de vues aériennes, Paris)
- Emplois de l'eau.
- Ils ressortissent aux rubriques ci-après :
- a) Usages domestiques. — Ceux-ci englobent l’eau de boisson, l’eau de cuisson des aliments et celle nécessaire à l’hygiène individuelle (x) et .familiale. Celle-ci est fonction de la classe sociale des individus et de l’importance relative des cités : ainsi, dans 7 villes de 20 à 5o 000 habitants, aux États-Unis, on dispose de 386 1 par tête et par jour, tandis que dans 3 villes dépassant 1 million, on atteint 75o l/j., quantité bien supérieure à celle de nos cités pour lesquelles on admet environ 5ol/j.
- b) Usages industriels. — Les besoins sont très variables et il est souvent difficile de prévoir les causes d’accroissement. Notons qu’une brasserie consomme 5oo 1 pour faire 1 hl de bière et un abattoir exige 5oo 1 par tête de bétail abattu...
- Les statistiques admettent pour cette catégorie 4o à 100 1 par jour et par habitant.
- c) Usages publics. — Dans cette rubrique figurent les écoles (xoo 1 par élève), les hôpitaux (4oo 1 par lit), le nettoiement, le service d’incendie, les fontaines publiques, jardins, etc. En France, certains services (S.N.C.F. par exemple) disposent d’une alimentation particulière. On estime que 75 1 suffisent généralement par tête et par jour.
- d) Pertes et gaspillages. — Les pertes, normales dans les canalisations, surtout quand celles-ci sont usagées, ne sont point négligeables, non plus que le gaspillage inévitable, mais grandement facilité par le régime du forfait qui tend à disparaître : en 1909, à Cleveland (États.-Unis), la pose de compteurs a ramené la consommation de 800 à 45o 1, mais cette installation est évidemment onéreuse.
- Les pertes peuvent atteint .re de 3o à 5o pour 100 !
- Au total, pour satisfaire à tous ces usages, il faut donc prévoir une fourniture moyenne de 3oo à 35o 1 par jour et par habitant, estimation modeste, croyons-nous (1 2).
- 1. Pour un bain, on compte 200 1, pour une douche 25 1.
- 2. Cette donnée admise par les techniciens officiels paraît peu optimiste
- quant au développement du confort et de l’hygiène.
- Il faut aussi tenir compte des « pointes », importantes en été et à certaines heures de la journée.
- Signalons aussi que quelques villes disposent d’une canalisation spéciale d’eau brute pour les services publics, ce qui permet de réduire les installations d’épuration, mais cet avantage a comme contre-partie le danger des confusions toujours possibles entre conduites.
- Besoins qualitatifs.
- Les besoins sont satisfaits soit par des « eaux de surface » (lacs, rivières), soit par des « eaux souterraines » (sources, puits, galeries filtrantes). Aux États-Unis (statistiques de 1942), 73 pour 100 de la population utilisent la première catégorie, 18 pour 100 la deuxième, le reste (9 pour 100) les deux à la fois.
- Rappelons brièvement les caractéristiques de ces eaux dont le choix exige les études conjointes de l’urbaniste, du chimiste et du biologiste.
- Les eaux de surface ont l’avantage de permettre un débit pouvant être évalué avec assez de certitude et amélioré par un aménagement du cours d’eau, par sa régularisation. Les qualités comme les défauts de ces eaux brutes dépendent de la nature du sol, de leur faune, de leur flore. Elles nécessitent un traitement.
- Les eaux des lacs ont les mêmes caractéristiques; elles subissent spontanément, outre une décantation, une auto-épuration; à une certaine profondeur, leur température est à peu près constante.
- Les eaux souterraines comprennent en premier lieu les eaux de sources — ressource précieuse pour les petites agglomérations — mais elles ont l’inconvénient d’être limitées et souvent de débit irrégulier. Si bactériologiquement, elles sont assez pures, au point de vue chimique, elles peuvent être trop riches en calcaire ou à l’inverse être agressives et nécessiter un traitement rectificatif (x).
- 1. D’une façon générale, les caractéristiques physiques et biologiques sont plus aisées à améliorer que les caractéristiques chimiques.
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- L’eau des puits peu profonds, alimentés par une nappe phréatique polluée, ne peut guère intervenir dans l’alimentation des cités; quant aux forages profonds, ils constituent un appoint précieux et de nombreuses agglomérations y ont recours. Si leur eau est clarifiée et pure au point de vue bactériologique, elle peut être — du fait de leur long trajet souterrain — chargée en sels jusqu’à la rendre impropre à la consommation; on la mélange souvent avec de l’eau de sources ou de ruissellement (plaine de Gennevilliers).
- Le procédé de captage par puits ou galeries filtrantes s’est beaucoup développé en France, comme à l’étranger; il a l’avantage d’être simple, mais si les sables alluvionnaires ne sont pas de parfaite consistance et si le cours d’eau renferme trop de matières en suspension, le colmatage est à craindre; dans bien des cas, de nouveaux puits ont dû être successivement creusés.
- Exemples de quelques grandes villes.
- Paris. — Déjà pour Lutèce, l’Empereur Julien faisait amener par un aqueduc l’eau d’Arcueil; Philippe-Auguste fit édifier les premières fontaines et Henri IV, la première pompe élevant l’eau de Seine pour alimenter les Tuileries et le Louvre.
- Il y a un siècle, la capitale, outre ses fontaines et ses puits plus ou moins contaminés, disposait de l’eau du canal de l’Ourcq (depuis 1802). Elle se préparait, grâce à Belgrand à amener l’eau de sources éloignées de i3o à 170 km (Dhuis, Vanne), à installer de nouvelles « pompes à feu », pour l’eau de Seine et de Marne et à forer des puits artésiens.
- Actuellement, Paris et sa banlieue s’alimentent :
- i° en eau de sources (Dhuis, Vanne, Avre, Voulzie, Loing) fournissant environ 46o 000 m3/jour;
- 20 en eau de rivières (Seine, Marne), environ 43o 000 m3/jour;
- 3° en eau de puits profonds, surtout en banlieue, pour une quantité très faible.
- Le débit des sources, celui de la Seine et de la Marne sont des plus réduits en période sèche. L’un des avantages des bassins de retenue en amont (voir n° 3173) est précisément de pallier ce. déficit qui deviendra d’autant plus sensible que les besoins augmentent de façon continue.
- L’eau de rivière pompée est filtrée à Saint-Maur et à Ivry (fîg. 2 et 3), puis stérilisée par javellisation, comme celle des sources précitées. Le développement de certaines industries en amont de la capitale accroît, du fait de leurs effluents, les difficultés de l’épuration.
- En fait, la capitale est périodiquement très gênée quand, dans les périodes de pointe, en été, il lui faut prélever quotidiennement, sur un débit parfois réduit à 20 m3/s et même moins, une quantité dépassant 700 000 m3 d’une eau presque fétide et assez chaude (passage sur des condenseurs). Il apparaît urgent de réaliser les nouveaux « bassins à fins multiples » prévus dans les vallées d’amont, que nous avons énumérés antérieurement.
- Nous ne pouvons manquer de signaler qu’une autre solution a fait l’objet d’études très complètes : elle fait appel aux eaux des « Vais de Loire » qui seraient amenées par un aqueduc de i4o km dans la banlieue sud de Paris. Belgrand a failli exécuter ce vaste projet, à la veille de la guerre de 1870. Il est douteux qu’il puisse voir
- le jour actuellement, car, d’une part, les premières réalisations de l’aménagement du bassin de la Seine sont — bien que modestes — pleines de promesses et apparaissent comme plus économiques et, d’autre part, l’apport quotidien de 1 000 000 de mètres cubes d’une eau prélevée par puits filtrants dans la zone alluvionnaire s’étendant de Cosne à Briare semble ne pas satisfaire — quantitativement — aux besoins de la capitale et de sa banlieue dans quelques décades; actuellement, la dotation moyenne des Parisiens est de 285 l/j par habitant, seulement !
- Il paraît impossible de maintenir Paris à un rang qui le laisse loin de villes telles que Dijon, Nancy, Saint-Etienne et l’on ne peut nier que le développement de l’hygiène, du confort, la suppression de milliers de taudis sans eau courante augmenteront sensiblement la consommation de l’eau (x).
- L’aspect financier du projet des « Vais de Loire » (7 5 à 100 milliards) et aussi l’hostilité des populations de la vallée de la Loire, aux eaux déjà si basses à l’étiage, ne sont pas à sous-estimer, par ailleurs.
- Le degré hydrotimétrique de l’eau distribuée à Paris est voisin de 20; dans certains puits de banlieue, il dépasse 3o.
- L’eau non filtrée pompée pour les services publics représente près de 600 000 m3/j.
- Le mètre cube d’eau est livré au prix de 18 F à Paris et de 25 F en banlieue (ig5o).
- Lille. — La ville, édifiée sur les bras de la Deule, s’alimentait autrefois par puits et par prises directes dans les canaux; on y a ajouté au xixe siècle des forages profonds ; mais la contamination des puits d’une part, l’augmentation de plus en plus forte de la population d’autre part, amenèrent cette grande cité, à partir de 1860, à rechercher de nouveaux moyens.
- 1. Un technicien averti, M. Lheureux, dans une étude sur les variations des besoins en eau, estimait, en 1928, que Paris devrait, en 1960, disposer de 558 1. Le facteur démographique n’est pas à négliger ici : les grandes villes sont « tentaculaires » ; elles polarisent la population ; il serait imprudent de croire que Paris et surtout sa banlieue échapperont à cette règle inexorable et sans doute fâcheuse. On ne peut, d’autre part, méconnaître l’influence de l’augmentation de la natalité et de la longévité et celle de la diminution de la mortalité infantile....
- Fig. 4. — L’installation filtrante des eaux de la Garonne à Toulouse.
- Débit quotidien de 180 000 m3. Les dégrossisseurs, préiîltres, filtres et le réservoir fonctionnent par gravité.
- (Photo Axbinet, Toulouse).
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- Fig. S. — Installation d’ozonisation de Nancy: Un émulseur au-dessus de la colonne de contact.
- Toulouse. — Dès l’occupation romaine, des eaux furent captées hors la ville; elles s’ajoutèrent à celles des puits; des puisages avec fdtration artificielle furent creusés avant le xixe siècle.
- En 1.821, commencèrent les installations de galeries filtrantes (0,60 m de large et 0,90 m de haut) avec briques sans mortier, travaux continués au milieu et à la fin du siècle. Ces moyens s’étant révélés insuffisants du fait que les galeries filtrantes voient leur débit diminuer en été, on procéda à un puisage direct dans la Garonne à partir de 1982. Cette eau subit un traitement complet de filtration suivi de javellisation (fig. 4). Notons qu’après les dégrossisseurs l’épuration bactériologique est de 96 pour 100, après les préfiltres de 99 pour 100, après les filtres de 99,9 pour 100. Le degi’é hydrotimétrique est de i4 à 16 pour l’eau de la Garonne, de 20 à 22 pour celle des puits filtrants.
- La moyenne de consommation est de 260 1 par habitant et par jour. Le prix varie de 5,5o à i3 F le mètre cube (suivant que la consommation est inférieure ou supérieure à 5o m3).
- Grenoble. — La ville est alimentée uniquement par le captage des sources de Rochefort, au confluent du Drac et de la Gresse, où la nappe phréatique existe à une profondeur de 4 à C m. Cette eau est remarquable par sa pureté (10 à 20 bacilles coli au litre), avec un degré hydrotimétrique de 20. 11 n’y a ni filtration, ni stérilisation, mais le débit de cette nappe varie et s’appauvrit en été, de sorte que la ville, citée autrefois parmi les plus riches en eau potable, est obligée de rechercher actuellement dans la Arallée de la Romanche de nouvelles sources.
- Il n’y a pas de réseau spécial pour la voirie. La consommation moyenne est de 4oo 1 par habitant et par jour. Le prix du mètre cube est de 5 F (ig5o).
- (Photo Cuciiet, Nancy).
- Le captage des sources d’Emerin fut complété par des forages à la Rassée d’abord, puis au nord, près Wavrin.
- Une canalisation spéciale est réservée aux?besoins des services publics et des industries.
- Le traitement des eaux comporte la stérilisation par le chlore (hypochlorite et surtout chlore gazeux).
- Le degré hydrotimétrique varie de 28 à 37.
- La consommation est de 180 à 260 1 par tête et par jour. Le prix du mètre cube d’eau potable est de 20 F; celui de l’eau industrielle varie de 10,92 à 16,42 F (1950).
- Nice. — La ville utilise, les eaux de la Vésubie et celles du Var (pour la voirie).
- Elle continue aussi à bénéficier, dans la vallée du Paillon, d’une vieille installation à très faible débit (i5o 1/s).
- Elle fut une des premières à utiliser l’ozone pour la stérilisation (1906) dans plusieurs installations. Le degré hydrotimétrique est de 18 à 34. Le nombre des colibacilles varie de o à 2.000 par litre avant traitement.
- Un réseau spécial d’assainissement (lavage des rues, bouches d’incendie) existe; l’eau qui y circule n’a subi qu’un dégrossissage et une chloration sommaire,.
- La consommation d’eau par habitant est de 375 l/jour. Le prix en est de 17 F le mètre cube en 1950.
- Dijon. — L’eau provient de sources captées dans les vallées du Suzon et de l’Ouche, de puits et de galeries drainantes et enfin de puits filtrants établis en bordure de la Saône. Ces dernières eaux ne sont pas traitées; les autres sont stérilisées au chlore gazeux.
- Chaque habitant dispose de 3oo à 45o 1 par jour, ce dernier nombre s’appliquant à l’été. Le degré hydrotimétrique est de 18 à 22.
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- Fig. 7. — La galerie couverte des 32 filtres de Saint-Étienne.
- (Photo Lassablière, Saint-Ë tienne).
- Un réseau spécial destiné à la voirie absorbe les trop-pleins des sources ci-dessus visées.
- Le prix du mètre cube d’eau est de 4 à 6 F (1950).
- Nancy. — La. ville s’alimenta longtemps par puits creusés dans la nappe de la vallée marécageuse de la Meurthe et par des sources captées aux environs immédiats. La fièvre typhoïde sévissait à l’état endémique. En 1875, M. Imbeaux, éminent technicien dont les ouvrages font encore autorité, proposa d’y remédier. On capta alors des eaux de la .Moselle à 10 km environ (Meissen): par galerie captante, mais le colmatage de celle-ci et les besoins accrus provoquèrent bientôt une transformation de cette galerie. La qualité de cette eau de Moselle restait médiocre (10 000 coli au litre). En 1929, on employa la Verdunisation à raison de 20 décimilligrammes de chlore au litre. Les résultats s’étant avérés insuffisants, on en vint à l’ozonisation en 1930 (fîg. 5).
- Le degré hydrotimétrique moyen est de 70.
- La ville ne dispose que d’un seul réseau. Elle fournit 5oo l/j par habitant, au prix de 8 F le mètre cube en 1949.
- Saint>Étienne. —- Il y a un siècle, la ville s’alimentait par des puits et quelques sources; en 1866, fut mis en service le fameux barrage du Gouffre d’Enfer, sur le Furan, un des plus
- anciens ouvrages de cette nature, créé pour les besoins de l’industrie locale; en 1875, un nouveau barrage en amont fut réalisé (Pas de ïtiot). Au début de ce siècle, on amena de l’eau du Lignon par un aqueduc de 55 km et de 19x9 à 1924, on créa en amont un barrage de 4o millions de mètres cubes qui vient d’être surélevé.
- L’eau descendant du Pilât granitique est évidemment trop peu calcaire; son degré hydrotimétrique n’atteint pas 5. Elle est riche en matières organiques, les algues abondent dans le bassin du Lignon; en outre, silice et argile flottent à l’état colloïdal.
- Celte eau est filtrée après coagulation au sulfate d’alumine, puis stérilisée par emploi de la chloramine, le débit étant de 1 200 1/s.
- Il n’existe pas de canalisation spéciale pour les services publics. .
- La ville dispose de 5oo l/j par habitant. Le prix du mètre cube était en ig49 de 10 F (iG,6o.F pour usages industriels).
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- Nous arrêterons là cet examen de l’approvisionnement en eaù des grandes villes françaises qu’on poui’rait étendre à bien d’autres agglomérations. Il suffit pour montrer la diversité des conditions rencontrées et des solutions qu’on y applique. Les progrès de la bactériologie ont permis une utilisation efficace, un contrôle régulier, journalier, de la salubrité de l’eau et diminué ainsi les risques d’épidémies d’origine hydrique; la connaissance des mécanismes physiques de la filtration et de la floculation ont abouti à la mise en œuvre de techniques rapides et sûres, qu’on met partout en œuvre dans des installations d’épuration, véritables usines aux immenses plans d’eau. Il reste à augmenter les captages, de façon à satisfaire partout, largement et en toutes saisons, aux multiples besoins des populations. II reste aussi à pourvoir d’eau, non seulement les villes, mais les communes, les écarts, les fermes, aussi généralement et généreusement qu’on commence à le faire pour l’électricité. C’est là une tâche importante pour l’avenir des campagnes, par conséquent du pays, puisque l’eau est bien certainement — avec l’air — le premier besoin du peuple.
- Edmond-Paul Henry.
- Projet d'un centre européen de physique nucléaire.
- Un projet de créer, en Europe occidentale, un Centre de physique nucléaire est à l’étude sous l’égide de l’Organisation des Nations-Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (U.N.E.S.C.O.) qui en a approuvé le principe, dans sa dei'nière Conférence générale, par le vote de la résolution suivante : « La Conférence générale autorise le directeur général à faciliter et à encourager la création de laboratoires et centres de recherches régionaux, afin qu’une collaboration plus étroite et plus fi’uctueuse s’établisse entre les hommes de science des différents pays qui s’efforcent d’accroître la somme des connaissances humaines dans des domaines où les efforts déployés isolément par l’un quelconque des États intéressés ne sauraient permettre d’y parvenir ». ,
- Les travaux pi'éalables seront dirigés par le Département des
- Sciences de l’U.N.E.S.C.O. dont le chef est le professeur P. Auger; ce dernier estime que le centre devi'ait disposer d’un grand accélérateur de particules du type « Cosmotron » en vue d’étendre le champ des recherches théoriques.
- L’appui financier de divers pays est escompté pour la réalisation de'ce projet; c’est ainsi que le Conseil national de Recherches d’Italie a offert un don de deux millions de lires et que la France' a annoncé son intention de participer pour deux millions de francs aux dépenses initiales.
- Ce Centre européen de physique nucléaire, une fois réalisé, ne serait d’ailleurs pas placé sous l’autorité de l’U.N.E.S.C.O., le rôle de cet organisme international se limitant aux études préalables et aux problèmes techniques.
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- LE CAPTAGE DU GRISOU
- Le but essentiel du captage du grisou est d’assainir les galeries des mines de houille et d’y assurer la sécurité du personnel. Le grisou est essentiellement constitué par l’hydrocarbure gazeux connu sous le nom de méthane CII4, premier terme de la série des carbures d’hydrogène saturés. Son pouvoir calorifique est élevé : 8 25o calories au mètre cube, et son emploi en grande synthèse organique est courant.
- Sans être d’un intérêt économique de première importance, le captage et la récupération du grisou ne sont pas à négliger et les efforts dans ce sens des techniciens ont déjà réalisé de fort intéressantes opérations de dégazage.
- Une mise au point de l’état actuel de cette question a été publiée dans une note technique des Charbonnages de France datée de décembre ig5o.
- Le grisou se dégage dans les quartiers en exploitation au front de taille de la veine dans laquelle on travaille. Une autre partie provient des couches supérieures ébranlées et fissurées par le travail dans les galeries. Celle-ci est la plus importante et peut représenter jusqu’à 70 à 90 pour 100 du dégagement total.
- D’autre part, les trous de sonde peuvent dégager une certaine quantité de grisou. On a observé des débits allant jusqu’à 5o m3 à l’heure par mètre carré de surface de paroi de trou de sonde. On a aussi constaté que le grisou se trouve parfois sous forte pression dans un massif de charbon vierge. Le maximum de 42,4 atmosphères a été relevé en Belgique.
- De ces différents modes de dégagement résultent différents modes de captage.
- Des installations existent déjà dans la Ruhr, en Belgique, en Sarre, et, en France, en Lorraine (Puits Saint-Charles de Petite-Roselle, Siège Sainte-Fontaine de Sarre-et-Moselle), dans le Nord et le Pas-de-Calais (fosse n° 4. de Liévin).
- Le cas le plus simple est celui d’une galerie rencontrant un « soufflard ». On doit arrêter le travail. Il suffit de faire un barrage étanche, d’y insérer un tuyau que l’on raccorde à l’installation générale de captage de l’exploitation. Cette pratique, utilisée en Belgique et en Sarre, l’est aussi au puits Saint-Charles.
- Le dégagement terminé, on reprend le traçage.
- Le champ le plus important de dégazage est celui des panneaux en exploitation. La. principale méthode consiste à aller dans la zone des terrains situés au-dessus de l’exploitation, soit par trous de sonde, soit par galeries et à y drainer les gaz. Il existe d’autres méthodes, mais celle-ci tend à se généraliser. Elle est la plus rationnelle, puisqu’elle va chercher le grisou à son point même de dégagement.
- Une des caractéristiques de cette méthode et de ses variantes est la pureté du méthane, spécialement celui extrait des trous de sonde faits à partir de travaux voisins, comme à Saint-Charles où la teneur dépasse franchement 90 pour 100. Par contre, les captages faits à partir de la veine elle-même à Sainte-Fontaine donnent un gaz à 85 pour 100 au plus, avec des pointes parfois très inférieures à 60 pour 100.
- Le puits Saint-Charles fournit près de 3o m3 de gaz par minute, soit plus d’un million de mètres cubes par mois.
- Le siège de Sainte-Fontaine fournit environ 25 000 m3 par jour, 760 000 m3 par mois.
- On envisage la compression de ces gaz pour l’alimentation de camions.
- Aux Houillères du Nord-Pas-de-Calais (groupe de Liévin), la marche de l’installation a commencé avec une récupération par jour de i5 000 m3 de gaz à 70 pour 100, puis 80 pour 100 de méthane. Des raisons techniques ont fait modifier l’installation, conduisant à une extraction journalière de 4o 000 m3 de gaz dont la teneur est de 5o pour 100. Quand les installations seront réglées, le gaz sera utilisé au chauffage des fours à coke voisins.
- En Sarre, le dégazage a été poussé dans les gisements gri-souteux. Le dégagement total étant de 1 200 000 m3 par jour, ou en captait récemment 80 000 m3 que l’on espère porter prochainement à 200 000 m3, équivalant à 4oo 000 m3 de gaz de cokerie.
- On utilise le gaz par combustion sous chaudières et pour le chauffage des fours à coke.
- En Belgique, une douzaine de sièges vont être équipés. On pense capter 4oo 000 m3 par jour que l’on envisage d’employer d’abord pour l’industrie gazière, peut-être ensuite pour l’industrie chimique qui transforme déjà le méthane d’autres origines en hydrogène, acétylène, formol, etc.
- La question est suivie avec intérêt dans d’autres pays.
- Le développement du dégazage en France dépend évidemment du volume de grisou dégagé dans les gisements en exploitation. D’après les calculs, il serait inférieur à celui des houillères belges.
- Le captage n’a d’intérêt que pour les sièges où la teneur est réellement gênante. On extrait actuellement 75 000 m3 environ de méthane par jour et il semble qu’un volume de l’ordre de 3oo 000 m3 constitue le maximum possible d’une première étape en France. L’utilisation de ce gaz ne semble pas devoir justifier des installations importantes, par suite d’irrégularités probables de production inhérentes aux gisements équipés. Le grisou capté paraît plutôt devoir être considéré comme un appoint, très important dans certains cas, des installations actuelles de gazéification, tant en raison de son volume que de son pouvoir calorifique élevé.
- Du point de vue économique, le gaz peut être obtenu à un très bas prix et son pouvoir calorifique élevé permet de l’utiliser soit comme gaz comprimé pour moteurs, soit pour le chauffage des chaudières, de fours-à coke; peut-être, plus tard, il sera une matière première pour l’industrie chimique.
- Un autre intérêt non chiffrable et plus important du dégazage est la possibilité de concentration et d’exploitation de certains panneaux des gisements et l’augmentation de la sécurité.
- L. P.
- Conditionnement par la Tamise.
- Pour obtenir le conditionnement de l’air dans le « Royal Festival Hall », salle de concerts de l’exposition au sud à Londres, on a installé sur la rive droite de la Tamise, une « pompe à chaleur », la plus grande du monde, qui permettra de chauffer la salle l’hiver et de la refroidir l’été. Le Ministre des Combustibles et de l’Energie, M. Noël Baker, a déclaré que c’est
- une expérience qui permettra peut-être, à l’avenir, de réaliser des économies considérables sur le chauffage des grands bâtiments où l’on a besoin d’une température coiistante. Le coût de l’installation est triple de celui d’un système ordinaire de chauffage, mais la consommation de combustible est moitié moindre.
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- LES « ECITON », FOURMIS AMÉRICAINES
- Les Fourmis forment une superfamille, celle des Formïcoidea, de l’ordre des Hyménoptères. On en connaît environ 6 ooo espèces. Elles vivent toutes en sociétés où l’on peut distinguer divers individus de tailles variables :
- une femelle ou reine, généralement la plus grosse sans atteindre l’état monstrueux des reines de Termites; elle est le personnage principal de la société; elle perd ses ailes après le vol nuptial et la fécondation ; elle est généralement nourrie, soignée, protégée par les autres et pond des œufs abondamment; elle a une longévité bien plus grande que les autres éléments de la société ;
- les mâles, ailés, .n’apparaissent en nombre qu’au moment du vol nuptial; ils meurent peu après la fécondation;
- les ouvrières, plus petites, sans ailes, souvent polymorphes, assurent tous les travaux; nourriture de la reine, soins des œufs,
- Fig. 1. .— Eciton strobeli.
- En haut, à gauche, ouvrières de tailles diverses ; en bas, mâle ailé (grossis 2,5 fois) (D’après G. Bruch).
- des larves et des nymphes qu’elles déplacent et transportent, chasse ou cueillette et préparation des aliments (certaines espèces cultivent des champignons ou élèvent du bétail à sécrétions sucrées tel que pucerons, chenilles, etc.). !
- Les fourmis sont répandues dans les régions chaudes du globe; elles manquent dans le nord de l’Amérique et l’empire russe, dans les déserts et les hautes montagnes. Beaucoup d’espèces sont endémiques et limitées à certaines régions.
- On ne compte guère plus de 200 espèces en Europe.
- Leurs mœurs ont été longuement étudiées depuis Réau-mur et La Nature a maintes fois signalé des observations récentes sur leur vie sociale. La parution du tome X du Traité de zoologie de Grasse (x) nous offre une occasion d’y revenir à propos d’une famille des régions chaudes, les Dorylidæ, très polymorphe, qui a donné lieu en ees dernières années à des observations éthologi-ques curieuses, notamment celle de Schneirla à Panama.
- Nous suivrons pour cela le chapitre consacré par L. Berland et F. Bernard aux Hyménoptères.
- 1. Traité de zoologie, par Pierre-P. Grasse. Tome X. Insectes supérieurs et Hémiptéroïdes. 2 vol. m-80, 1 948 p., 1 648 fig., 6 pi. en couleurs. Masson et G10, Paris 1951. Prix : brochés, 6 000 francs ; reliés, 6 500 francs chacun.
- La famille des Dorylidés fut créée en 1877 par C. Emery qui, le premier,- sut reconnaître les ouvrières, jusque-là classées dans une autre superfamille. La première femelle ne fut trouvée qu’en 1887. Ce sont des fourmis nomades, chasseresses, très fécondes grâce à leurs énormes reines aptères. Elles sont aussi très mobiles et au cours de leurs migrations en masses, elles vont jusqu’à attaquer l’homme et peuvent dévorer d’assez gros animaux.
- En Afrique, on connaît les Dorylus et les Anomma particulièrement redoutées. En Afrique du Nord, les Dorylus sortent en nombre la nuit; leurs morsures sont fort douloureuses et on garde souvenir d’un campement militaire, près d’Alger, obligé de se retirer devant leurs attaques. Les Anomma, connues vulgairement sous le nom de Magnans ont encore pire réputation : on a vu en Afrique équatoriale un buffle de 4oo kg disséqué en 10 h par une de leurs hordes comptant des millions d’ouvrières et Maeterlinck parle d’un léopard en cage, tué e’t décharné à Tonga en une nuit; autrefois, on leur livrait les prisonniers de guerre ligotés dont elles faisaient de parfaits squelettes. Seules sont plus redoutées les Myrmicia, grandes fourmis « bull dogs » d’Australie,'d’une famille voisine, à cause de leur taille, de leur nombre, du venin de leurs piqûres et de leur agressivité qui les précipite sur tout ce qui bouge à la surface du sol. Les Eciton d’Amérique n’inspirent guère moins de crainte; quand une de leurs troupes pénètre dans une hutte, hommes et animaux s’enfuient, et on retrouve ensuite la maison vidée de toutes les vermines.
- La plupart des Eciton ont des yeux très réduits, sans ganglions nerveux; les Anomma sont complètement aveugles. Cela ne les empêche pas de circuler en colonnes à la même allure et aussi vite que les fourmis à yeux normaux. Il est vrai que les antennes jouent le principal rôle dans l’orientation et que les odeurs et les vibrations servent aux reconnaissances proches, notamment lors du retour au nid. 1
- Les ouvrières sont petites, mais de tailles très diverses (fig. 1) ; elles ont un aiguillon et de fortes mandibules. Les mâles sont bien plus grands et ont d’assez fortes mandibules. La femelle est énorme, aptère; son abdomen augmente beaucoup de volume avant chaque ponte (fig. 2). Les larves, petites, à 12 ou i3 segments, ont des pièces buccales assez molles qui ne pourraient broyer des insectes; elles sont nourries, à longs intervalles, par des ouvrières qui leur présentent des boulettes assez sèches formées seulement de parties molles; les ouvrières doivent donc mastiquer les proies avant de dégorgër les boulettes dans la bouche des larves. Les larves muent en nymphes nues, sauf chez quelques .espèces où elles sont enfermées dans un cocon.
- L’éthologie des Eciton était mal connue jusqu’aux observations récentes de Schneirla à Panama.
- Fig-. 2. — Reine d’Ecîton strobeli (grossie 2,5 fois) (D’après C. Bruch).
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- Fig. 3. —r Reine d’Eciton hamatum entourée d’ouvrières qui la lèchent et emportent les œufs dès qu’ils sont pondus (D'après T. G. Schneirla) .
- Une des espèces les plus primitives et aussi des plus grandes, E. rapax, est peu polymorphe; la colonie ne compte que quelques milliers d’ouvrières qui cheminent en une seule file et vont piller les nids d’autres Fourmis. E, legionis forme des bandes plus denses, sur plusieurs rangs.
- É. hamatum a des ouvrières de tailles diverses et de grands soldats à énormes mandibules arquées : le nid, précaire et temporaire, est abrité dans un tronc d’arbre creux ou un fourré, tout entouré de soldats; il sert de 4 à 25 jours, puis sa population d’un million d’individus se met en route pour s’installer quelques centaines de mètres plus loin. La horde se présente alors avec cinq ou six insectes de front; la colonne est bordée de soldats, mandibules ouvertes, qui semblent protéger et canaliser le flot et ne participent pas tr la chasse; celle-ci est le fait des ouvrières. Des canaux apparaissent dans la masse grouillante; les adultes sexués y circulent et les larves y sont transportées. Devant la colonne en mouvement, tous les êtres vivants fuient, sauf quelques Fourmis (Atta, Azteca) qui attaquent les Eciton, les grands Fourmiliers qui les cueillent de leur langue et s’en nourrissent et certains Oiseaux qui chassent les insectes en fuite devant la colonne de Fourmis. Des commensaux suivent : Coléoptères,. Staphylins, encore assez mal connus.
- Chez E. hammatum et E. burchelli, la reine pond à intervalles réguliers d’environ 35 jours des masses de plus de 20 ooo œufs. Les ouvrières s’en emparent et les soignent (lig. 3); pendant 20 jours, elles sortent en groupes massifs chaque matin, chassent, rentrent au nid vers midi et déplacent ce dernier le soir; si l’éclairement diminue pendant l’après-midi, elles laissent le couvain en place. Après 20 jours, la plupart des larves s’enferment dans un cocon et deviennent nymphes; la colonie se calme, les ouvrières se reposent comme si les stimulations nées du couvain leur manquaient; les raids deviennent rares, les déplacements cessent. Mais la reine enfle, prépare une nouvelle ponte et bientôt l’agitation reprend. -Le nid est une masse cylindrique d’ouvrières, laissant entre elles des galeries et des chambres à couvain. Les colonnes chassent jusqu’à 3oo m du nid et parcourent environ 35 m à l’heure; elles forment un front de plus de 12 m de large, composé d’ouvrières. La reine pond des œufs donnant des ouvrières, si bien que la population du nid peut tripler en un an; vers le début de la saison sèche,.
- elle produit une couvée d’environ 3 000 mâles; ces mâles suivent les raids et s’envolent la nuit, peut-être vers d’autres nids. La multiplication des reines reste inconnue; peut-être vivent-elles très longtemps et ne se forme-t-il des femelles que certaines années.
- La vie sociale des 'Fourmis est encore fort mal connue et reste inexplicable. D’ailleurs, si le quart des genres d’Europe a été bien observé, à commencer par Camponotus ligniperda, objet des soins de Réaumur (1743)., le dixième des genres des autres parties du monde a été à peine suivi.
- Les Eciton, aveugles ou presque, paraissent surtout sensibles aux excitations olfactives et tactiles. Les phases nomades et les phases sédentaires de leur vie collective semblent liées surtout aux stimulations provenant du couvain ou des ouvrières immatures. Schneirla et Piel (1948) ont écrit que « les mouvements
- .de combat suivent les principes de l’hydraulique plus étroitement que ceux de la tactique militaire ». Notamment, on observe de curieux mouvements circulaires, des « tourbillons » (lig, 4), qui durent parfois des heures,-et qui semblent causés par la disparition des traces odorantes de la colonne. Une chute de pluie remuant les grains de sable dtf sol suffît pour couper la route et provoquer la marche en cercle jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la mort. Schneirla a provoqué de tels mouvements de manège autour d’une assiette en déposant des ouvrières au bord de celle-ci ; elles tournent passivement en se suivant, dans un carrousel qui continue jusqu’à leur mort, si aucune piste sécante, plus attirante, ne les détourne.
- On voit que les Fourmis méritent toute l’attention qu’on leur a portée. Il est même à souhaiter que les Dorylidés d’Afrique, les Doryles proprement dits, les Magnans, soient l’objet d’observations attentives. Peut-être réservent-ils quelques explications du mode de vie et des instincts des groupes les plus primitifs, plus aisés à interpréter que ceux des espèces de nos pays, encore si mystérieuses.
- René Merle.
- Les figures illustrant cet article ont été empruntées au tome X du Traité de Zoologie de Grasse qui vient de paraître.
- Nouveau verre transparent à N. R.
- Un nouveau verre transparent à l’infra-rouge vient d’être mis au point à l’Université de Northwestern (États-Unis d’Amérique). Ce verre, qui contient de l’arsenic et du soufre, est de coloration rouge et son point de fusion est inférieur à 3oo° C. ; il est pratiquement opaque pour le spectre visible et sa transparence s’étend jusqu’à l’infra-rouge lointain. Un de ses avantages sur le quartz et le sel gemme est la facilité avec laquelle il peut être moulé par déformation plastique sur d’autres éléments optiques tels que prismes ou lentilles.
- Fig. 4. — Un carrousel cTEciton autour d’une assiette.
- (D’après T. C. Schneirla).
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- Fig. 1. — Les gigantesques travaux de l’usine de Donzère.
- Vue prise de l’aval du déchargeur au cours du bétonnage, et tête aval de l’écluse.
- LA CONQUÊTE DU RHÔNE (suite) 1,1
- II. - LE BAS-RHÔNE. DONZÈRE-MONDRAGON
- L’équipement du Bas-Rhône — en aval de Lyon — et particulièrement du « tiers inférieur du Rhône », se présente de façon grandiose, fort différente,, au surplus, de l’équipement du tronçon montagneux avoisinant la frontière suisse.
- Génissiat est le type du premier, Donzère du second. C’est une usine de plaine, fonctionnant, non pas par « barrage-accumulateur », mais par dérivation.
- Génissiat et Donzère.
- Suivons M. G. Tournier, directeur-administrateur de la Compagnie nationale du Rhône, dans son instructif parallèle technique. Génissiat est une usine de haute chute : 6o à 69 m selon le débit, tandis que la chute de Donzère-Mondragon est des plus moyennes, variant de iC à 26 m. À l’amont de Génissiat, de très hautes digues, préparées par la nature, ont permis de constituer un a réservoir » sans autres terrassements que ceux du barrage de l’usine, soit 65o 000 m3. A la sortie du défilé de Donzère, impropre à constituer lui-même une retenue, la pente du fleuve ne peut, dans la plaine du Tricastin, être utilisée que si on le canalise artificiellement. Les-3o km du fleuve entre lesquels se produit la chute, doivent être « court-circuilés » par un canal de 28 km de long, nécessitant 5o millions de mètres cubes de terrassement, soit la moitié de ceux du canal de Suez dans son état actuel,
- 1. Voir La Nature, n° 3195, juillet 1951, p. 208.
- Les variations saisonnières, à Génissiat, sont considérables, ce qui accroît les « pointes » de production, mais aussi la proportion d’énergie d’été, moins intéressante que celle d’hiver. A Donzère, le régime contrasté des nombreux affluents reçus par le Rhône jusqu’à la Drôme incluse, assure un débit plus régu-
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- Barrage de détournement
- Canal d'amenée
- lac naturel
- Canal défaite
- y/j vers l'usine
- vers l’usine
- Fig. 3. — Trois principes de captation des eaux pour usine hydro-électrique.
- I, Percement d’un lac (Portillon, Lac Glacé, Issarlès) ; II, Barrage d’un torrent ou d’un fleuve de montagne, déterminant la formation d’un « lac artificiel » ; III, Détournement d’un fleuve de plaine : le fleuve est dévié dans un canal dont la pente est inférieure à celle du lit naturel, ce qui permet d’obtenir une chute avant restitution.
- lier, en sorte que la quantité d’énergie d’hiver est presque égale à celle d’été. La chute est trois fois plus faible, le débit dérivé deux fois plus fort, la production totale un peu supérieure :
- 2 milliards de kW/h pour Donzère contre r 65o millions pour Génissiat.
- Dans les gorges sauvages et sans histoire de Génissiat, il n’y avait guère d’autres expropriations à faire que des falaises incultes. A Donzère, dans une plaine illustre, où abondent les sou-, venirs romains, dans une région peuplée et de riches cultures, un problème humain très difficile s’est posé; près de 2 ooo ha et plus de xoo fermes ont été expropriés-et, bien que cette expropriation ait été effectuée sans heurts, elle n’a pas résolu entièrement le problème.
- En raison même du rôle national qu’elle a à jouer, la Compagnie devait, en effet, s’interdire un rôle destructeur; elle a été amenée à des compensations, que sa mission spéciale lui impose, et qui représentent finalement x 1/2 pour 100 du coût total des travaux.
- Quant à la navigation, elle n’existe pas encore à Génissiat, la seule sujétibn, à ce point de vue, ayant été de réserver la place des futures écluses. A Donzère-Mondragon, au contraire, la navigation existe, peu importante sans doute, mais appelée à un grand avenir. Les ingénieurs y construisent actuellement l’écluse la plus haute du monde, une écluse de 26 m de hauteur; l’ensemble des sujétions de navigation, qui demeurent à peu près entièrement à la charge de la C.N.R., représentent environ 16 pour 100 de majoration par rapport à ce qu’aurait coûté l’aménagement du seul point de vue hydro-électrique.
- La section du Bas-Rhône intéressée par les travaux mesure en fait 4o km de long, car le barrage d’interception, construit à la sortie du défilé de Donzère pour faire entrer l’eau dans le canal, remonte le « plan d’eau » jusqu’à 10 km en amont. Les 4o km ainsi améliorés au point de vue navigation, sont parmi les plus difficiles : défilé de Donzère, hauts-fonds de Bourg-Saint-Andéol et de Pont-Saint-Esprit, compliqués de courbes rapides.
- Il ne faut pas oublier, en outre, le point de vue agricole. Le canal d’amenée véhiculera, par prélèvement sur le débit conduit à l’usine, 25 m3 par seconde, qui seront réservés à l’irrigation des terres dans la région d’Orange. Ces dotations représentent le triple de la dotation officielle de l’actuel canal de Pierrelatte. De magnifiques perspectives s’ouvrent ainsi, dès à présent, à une région dont le sol est comparable à celui de la célèbre plaine de Cavaillon, productrice de primeurs.
- Les travaux ont été commencés en ig46 et battent actuelle-, ment leur plein. Sur 3o km de long, les chantiers sont ouverts; cinq cités ouvrières abritent 10000 personnes; le nombre des ouvriers dépasse 5 000.
- Usines de « dérivation »
- Sur la distance de 200 km qui s’étend du confluent de la Saône, cote i58, à la restitution de la dérivation de Donzère-Mondragon à Mornas, cote 32, la pente moyenne est plus forte
- que celle du Haut-Rhône ; elle est de 63 cm par kilomètre. Cette pente s’accentue encore entre le confluent de l’Isère et de l’Ardèche, où elle atteint 75 cm par kilomètre. En outre, les débits moyens du fleuve sont considérables, soit couramment 1 600 m3 par seconde à Donzère.
- L’aménagement du Bas-Rhône est toutefois difficile et onéreux, en raison de la configuration même de sa vallée, de sa largeur, de l’habitat, de la nature du sous-sol, de la présence d’affluents torrentiels dont les eaux charrient de grandes quan-
- MONTÉLIMAR
- •Lil Extrémité* _ > du remous
- Q tZ X'ÿc-
- Viviers
- Barrage de retenue
- Donzère
- Barrages de garde
- la Berre
- La Garde Adhémar
- terrelatti
- Ensemble Usine
- Decharpeur-tclusi
- 'ierre
- Bollène
- bndragon
- 'ornas
- Carte d’ensemble des travaux de Donzère-Mondragon.
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- tités de sables et graviers, enfin de son parcours à travers de riches plaines cultivées, qu’il est impossible d’inonder par des barrages de retenue.
- A la formule du « barrage-réservoir », classique pour les installations de montagne, doit se substituer ici la notion d’usine de « dérivation ». Considérons le Rhône entre le confluent de l’Isère et de l’Ardèche; nous venons de voir que la pente du lit naturel atteint 75 cm par kilomètre, ce qui est beaucoup trop pour l’écoulement des eaux. Rien ne nous empêche de dériver ces eaux dans un canal artificiel, dont la pente soit tout juste suffisante pour assurer le débit voulu. Au bout de quelques kilomètres, le canal se trouvera à une hauteur notable au-dessus du lit naturel, en sorte qu’il sera possible, au point de restitution des eaux, d’établir une usine hydro-électrique.
- Si ce schéma simple avait été appliqué au canal de Donzère, l’usine aui'ait pris place à Mornas. Des sondages géophysiques, principalement électriques, très nombreux, ont conduit à le modifier. La géologie de la plaine tricastine comporte, de bas en haut : la roche en place (grès ou calcaire), une mai’ne argileuse déposée par la mer Pliocène, des alluvions anciennes du Rhône (sable et galets), qui ont été largement déblayées par la suite et n’ont subsisté qu’à l’Est, où elles forment une terrasse qui domine la plaine de 7 m, le long d’une ligne Donzère-Bol-lène. C’est dans cette terrasse qu’est creusé le canal d'amenée.
- Les montagnes qui limitent à l’est la plaine du Tricastin se rattachent à l’âge secondaire, mais on ignorait si ces montagnes, qui se prolongent sous la plaine, y forment des bosses rocheuses ou des pitons noyés sous le terrain actuel; tel celui qui émerge à Pierrelatte et qui a donné son nom à cette localité. Plus de 4oo sondages mécaniques ont été exécutés, puis la Compagnie s’est adressée à la Compagnie générale de Géophysique, qui a mis en évidence, grâce à des sondages électriques, une avancée souterraine du rocher au Nord de Bollène. C’est sur le cap souterrain rocheux, débarrassé depuis des 10 m d’alluvion qui le couvraient, que sont fondées l’usine et
- l’écluse. Celle-ci se trouve donc, en quelque sorte, à mi-altitude entre l’entrée et la sortie du canal.
- Plus au sud, les sondages électriques ont montré l’existence de prolongements souterrains du rocher de Mondragon et le tracé du canal a été infléchi vers l’ouest en conséquence.
- Barrage et canal
- Le canal de dérivation prend naissance à 1 km à l’aval du pont suspendu de Donzère, situé à la sortie du défilé. Celui-ci ne joue aucun rôle dans les aménagements et constitue, au contraire, un obstacle nuisible à la liaison directe de la déviation de Donzère avec celle que i'on projette en amont, à travers la plaine de Montélimar. La vallée du Rhône ne se prgte pas, on le \oit, à une dérivation coi linue, du genre du Grand Canal d’Alsace.
- L’ensemble du bassin versant attpi.it, pour Donzère, une superficie de Go 000 km2. Une installation de jaugeage moderne, établie à Lafarge, à 8 km à l’amont de la prise d’eau, a permis de déterminer les caractéristiques hydrologiques du fleuve : minimum absolu, 4oo m3 par seconde; étiage de dix jours par an, 56o; débit semi-permanent, soit six mois par an, 1 4oo; débit moyen, 1-625; crue annuelle, 2 600, crue décennale, 5 000 à 7 000, et enfin crue « centenaire », 10 000 m3. Les débits connus satisfont très exactement la loi de Gibrat, qui se prête ,à l’extrapolation ; on prévoit ainsi une crue millénaire de 12 5oo m3 par seconde.
- Le débit annuel solide en suspension dans le Rhône, sous forme de limons et de sables, totalise, dans cette région, 12 millions de mètres cubes; le débit « roulé », sous forme de galets, est de 4oo 000 m3 par an.
- Le débit maximum dérivé a été fixé à 1 53ofm3 par seconde. L’Administration — légitimement soucieuse des réalités géogra-
- Figr. 6. — Écluse de Donzère : bétonnage des bajoyers.
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- Fig. 7. — Le célèbre « Pont double », donnant passage à la voie ferrée Paris-Marseille et à la N. 7 par-dessus le canal de Donzère.
- phiques et des nécessités locales — a imposé de laisser au fleuve, dans la région « court-circuitée » de Bourg-Saint-Andéol et de Pont-Saint-Esprit, un débit minimum relativement élevé, de 6o m3 par seconde; le canal atteint son débit maximum lorsque celui du fleuve dépasse i 5oo m3, ce'qui se produit pendant i5o j par an, en moyenne.
- Le niveau de la retenue a été fixé à l’altitude de 58 m, soit 5 m au-dessus de l’étiage et 2 m au-dessous de la plus forte crue connue. Ce niveau, relativement bas, évite la submersion des terrains cultivables, tout en assurant de bonnes conditions de navigation jusqu’à Viviers, où débouchera le canal de fuite de l’usine supérieure. Le barrage interceptant le Rhône n’a pas été construit au droit de la dérivation, mais environ à 1 km en aval, en vue de former une « poche » pour l’accumulation des alluvions. La prise d’eau, ou entrée du canal, est double, comprenant une entrée réservée à la navigation et l’entrée usinière. Chacune peut être fermée par un barrage de garde, préservant le canal contre les grandes crues.
- Si l’on avait construit le canal d'amenée le long du lit naturel du Rhône, il aurait fallu des digues de 18 m de hauteur sur de longs parcours. Le tracé suivi évite cette sujétion.
- A son origine, le canal d’amenée prolonge en ligne droite le lit naturel sur 2,3 km, puis il oblique franchement vers l’est, de manière à éviter le terrain d’aviation de Pierrelatte et va rejoindre par le plus court la terrasse dans laquelle il est creusé et qu’il suit jusqu’à l’usine, située à 17 km de la prise d’eau. La prise est construite, ainsi que l’écluse, sur le banc rocheux souterrain de Saint-Pierre,
- La « section mouillée » des canaux d’amenée et de fuite a été fixée à 1 180 m2 pour un débit du Rhône de 1 5go m3 par seconde et un débit dérivé de 1 53o m3. Cette section est un peu inférieure à celle du canal de Kembs, soit 1 392 m2 et sensiblement égale à la section actuelle du canal de Suez, soit x 070 m2.
- Dans ces conditions, la pente spontanée du plan d’eau, déterminée par la formule de Chézy, est de 5,5 cm par kilomètre. On a donné la même pente moyenne au fond du canal, en sorte que la hauteur d’eau y sera
- constante et égale à 10,3 mètres. La largeur du plan d’eau « au miroir » est de i45 mètres dans le canal d’amenée; les chiffres sont de 12,4o mètres et 126 mètres dans le canal de fuite. ^
- Par suite de l’inclinaison des berges, la largeur au fond est de 83 mètres dans le canal d’amenée et de 5g mètres dans le canal de fuite.
- F allai l-il constituer le canal de dérivation de façon rigoureusement étanche ? Les ingénieurs ne l’ont pas pensé, mais sur toute la hauteur exposée au « batillage » des vagues de surface, des revêtements de protection sont prévus; dans le canal d’amenée, ce. revêtement est en béton bitumineux; dans le canal de fuite, le revêtement, beaucoup plus haut, atteint 6 m, à cause de la variation du niveau de l’eau commandée par le niveau du Rhône à l’aval; il est formé par des plaques de béton posées en « lames de persiennes ».
- La mise en eau du canal d’amenée sera très progressive; on estime qu’elle durera de trois à quatre mois.
- Sept grands ponts-routes et deux grands ponts de chemin de fer franchissent le canal de Donzère, avec des portées totales de 180 à 200 m. Plusieurs comprennent une travée centrale de plus de no m de portée. 1
- Aux abords de l’usine et de l’écluse, les canaux d’amenée et de fuite sont divisés l’un et l’autre en deux branches : branche usinière et branche navigable.
- L’implantation de l’ensemble de ces ouvrages, ainsi que les formes des canaux, ont été étudiées au laboratoire sur modèles réduits, de manière à obtenir une bonne alimentation de toutes les turbines, sans perte de charge, et à éviter la formation de tourbillons nuisibles à la navigation, notamment aux confluents des deux branches. Les problèmes hydrodynamiques ont été ainsi résolus et la réalisation sur le terrain ne donnera pas de surprises.
- (à suivre). Pierre Devaux.
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- LE COLLAGE DES MÉTAUX 241
- Les métaux sont souvent assemblés par rivetage ou par soudure. La soudure avec des métaux à bas point de fusion provoque un recuit du métal, parfois une brûlure (duralumin) et bien souvent la destruction de caractéristiques précieuses obtenues par traitement thermique; de plus, elle nécessite un personnel expérimenté. Le rivetage et la soijdure par points créent des solutions de continuité et ne sont pas des opérations très rapides.
- Depuis peu, le collage a permis, aux États-Unis et en Angleterre, de réaliser des tours de force dans la construction aéronautique, avec un personnel non spécialisé, grâce à l’emploi de colles synthétiques adhérant fortement aux métaux.
- L’industrie du bois employa longtemps les colles à l’albumine, à la gélatine, à la fécule, au gluten, puis à la caséine, enfin aux résines uréo-formol qui marquèrent l’apparition des résines synthétiques dans le collage industriel. Par suite de la porosité du bois, il suffisait d’avoir une colle d’une viscosité convenable, bien adhésive après séchage et durcissement, non altérable dans les conditions d’emploi.
- Des colles adhérant aux métaux devenaient nécessaires pour la fixation du caoutchouc ou du bois sur des pièces métalliques. Leur étude fut entreprise aux États-Unis et en Angleterre où un Royal Committee of Adhesives and Glues fut créé. Les observations recueillies permirent de choisir des. produits présentant une adhérence considérable sur les métaux, à tel point qu’un
- Cas 1 Cas 2 Cas 3
- y//Æy>/zm w/z/W/m.
- a. 6 c
- Fig. 1. — Mouillage d’une surface par un liquide.
- journaliste américain put dire en un moment d’enthousiasme que « le monde de demain serait collé au pinceau ».
- Une condition essentielle pour qu’une colle adhère est qu’elle mouille les surfaces qu’elle unit. Si le liquide ne mouille pas la surface (fig. i, a), l’attraction des molécules liquides entre elles est bien supérieure à celle qui existe entre liquide et métal ; elle diminue à mesure que les forces s’équilibrent (b) et quand la colle s'’étale bien (c), les forces entre liquide et métal deviennent bien plus grandes qu’entre molécules liquides, comme le montrent du reste les équations de Thomas Young concernant le mouillage. Une fois la colle sèche ou durcie, les molécules continuent de subir l’attraction du métal. •
- Il faut que la colle mouille bien, mais aussi qu’elle conserve après séchage une cohésion suffisante jusqu’à la température de 70° qui peut être atteinte par des objets exposés au soleil.
- Colles à chaud.
- Un exemple typique de ce genre de colles est le Redux d’Aeo-research Lld qui se compose de Formvar en poudre (résine vinylique dérivée du formol) et d’une résine formophénolique thermodurcissable dérivée du paraamylphénol à chaîne ramifiée; la position du radical amyle ramifié en para procure le maximum d’adhérence, en assurant, avant cuisson, une mobilité suffisante pour bien mouiller la surface. Cette résine présente l’avantage de se condenser facilement et de diminuer la thermoplasticité du Formvar. Le Formvar joue le rôle de plastifiant et augmente l’adhérence sur métal. L’utilisation du Redux se fait de la manière suivante : on étale sur chaque face à coller une couche mince de Redux liquide qu’on saupoudre avec le Redux en poudre (Formvar) à raison d’environ o,85o kg par
- litre de liquide. On élimine l’excès de poudre, on joint immédiatement ou mieux on laisse sécher 24 h les produits contenant peu de solvant et on cuit sous une pression de 7 à 20 kg/cm2, soit pendant 3 mn à 190°, ou 8 mn à 170°, ou i5 mn à i45°.
- L’assemblage n’est .sorti de la presse qu’à une température
- -§ 0.5
- Il 2 3 5 7 10
- Heures Durée de cuisson
- 2 3 4-56 Jours
- Minutes
- Fig. 2. — Résistance au cisaillement de joints collés à l’Araldite en fonction de la température (échelle logarithmique) et de la durée du durcissement.
- Eprouvettes en tôle d’Anticorodal A de 2,5 mm d’épaisseur et 25 mm de largeur, avec un recouvrement de 16 mm.
- inférieure à 9o°-ioo°, sauf pour les collages faciles. On obtient des assemblages métalliques dont la résistance au cisaillement dépasse 35o kg/cm2 et la résistance à l’arrachement normal est également élevée.
- Aux États-Unis, on a réalisé d’autres colles dérivées des caoutchoucs naturels ou synthétiques. Les premières en date furent les Cycleweld, primitivement utilisés pour le collage du caoutchouc et de divers revêtements sur métal. En 1941, leurs progrès étaient tels que les Cycleweld furent proposés par Chrysler aux services techniques de l’aviation américaine pour l’assemblage métal sur métal et agréés après essais de résistance à la fatigue et aux vibrations.
- D’autres colles dérivées des caoutchoucs ont également fait leur apparition en Amérique, tels la Réanit et le Meilbond, ce produit existant sous forme de colles ou de rubans collants.~sous faibles pressions.
- En France, deux sociétés se sont intéressées aux colles pour métaux.
- La société Nobel a mis au point une colle phénolique-viny-lique (butyraldéhydes) thermodurcissable qui donne 3oo kg/cm2. Celte colle se présente comme un vernis visqueux applicable au pinceau; les solvants sont évaporés, on joint les surfaces et on cuit 3o mn à i5o° sous une pression de 3 kg/cm2.
- La colle Formétal Mi 5 de Francolor s’applique d’une manière identique. La cuisson se fait pendant un q u a r t. d’heure à i5o° sous xo kg/cm2.
- La colle Nobel est assez thermoplastique (20 kg/cm2 à 70°). La colle Formétal M l’est notablement moins.
- Mention spéciale doit être faite de l’Araldite, mise au
- Température en °C
- Fig. 3. — Résistance d’un assemblage collé en fonction de la température.
- A, araldite R, redux.
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- point par la C.I.B.A., qui révolutionne la technique du collage des métaux. La pression est inutile : il suffit de maintenir les surfaces métalliques en contact jusqu’à ce que la colle ait fait prise.
- Les araldites font partie d’une nouvelle classe de résines, les résines épihydriques. Les dérivés de l’oxyde d’éthylène :
- II. 1 I
- — G-----C — chaîne carbonée — G-----C — peuvent donner
- \)/
- naissance à toute une série de corps thermoplastiques analogues à ceux qui résultent de la combinaison de phénol et de chlory-drines. On obtient ainsi des substances se condensant plus ou moins facilement avec des durcisseurs sous forme de résines dures, insolubles et infusibles, présentant une excellente résistance à presque tous les produits chimiques.
- surfaces à coller le bâton d’Araldite I qui fond à leur contact; on peut également saupoudrer de résine en poudre les élémen'ts à coller. Si l’on désire obtenir un film très mince, on emploie l’Araldite XI (Araldite I en solution dans la méthyl-éthylcé-tone) ; en ce cas, il faut évaporer le solvant. On maintient les pièces en contact au moyen de pinces, de serre-joints ou d’un montage particulier, si cela est nécessaire.
- La cuisson se fait commodément en étuve. La figure 2 montre la résistance au cisaillement à la tempéraéure ordinaire, en kg/mm2, en fonction de la température et de la durée de cuisson; la mesure a été faite sur de l’Anticorodal A, alliage suisse aluminium-silicium-magnésium correspondant à l’alliage français Almasilium.
- Pour le collage d’emmanchement ou de raccord, le jeu entre les pièces doit atteindre 1/10 mm (emmanchement doux).
- Tableau I. — Collage à froid des métaux.
- Colles et mélanges durcissants en poids Attente maximum entre mélange et application, en heures Pression Attente avant jonction Attente avant d’ôter les assemblages en heures T = 25° Durée de durcissement final en jours T = '25° Cuisson éventuelle Adhérence sur duralumin ou sur métal en kg/cm2 Observations
- i4 p- Araldite 101 + 1 p. durcisseur 901, solution épaisse 2 aucune 1/2 h 24 20 à 3o r 2 h à 8o° • 100 Enduit épais, film souple.
- i5 p. Araldite 102 + x p. durcisseur g5i ou i4 p. Araldite 102 -1- 6 p. Durcisseur 952, solution fluide .... 2 aucune i h 24 20 à 3o 2 h à 8o° IOO •• . .• ".Il " S0lutTon très fluide, film assez souple.
- x p. Desmodur T + 2 p. Desmocolle H, Refroidir (Desmocolle HT) 3 à 6 2 à 4 kg/cm2 i5 à 60 min. i4 i5 2 h à i3oe 1 h à 170° 70 Film souple, n’acquiert résistance à 70°-qu’après 1 mois axx moins.
- 1 p. Desmodur T + 3 p. Desmocolle W|. Refroidir (Desmocolle WT) 3 à 6 2 à 4 kg'/cm2 1 h. i4 10 à 20 2 h à i3o'1 1 h à 170° 70 Film très souple ; n’acquiert résistance à 700 qu’après 2 mois.
- 10 p. Desmodur TH+9p. Desmocolle Wi) Desmocolle W. TH) . 3 à 6 2 à 4 kg/cm1 1 h i4 io 80 Film souple moins ther-moplaslique que le Desmocolle WT. Le Desmodur TH résulte de l’action du Desmodur T sur le trimé-thylol-propane.
- La condensation s’opérant sans élimination d’eau, d’aldéhyde formique ni de produits analogues, le durcissement a lieu sans changement de volume notable. Les durcisseurs sont des bases organiques ou minérales : cyanamide, anhydrides d’acides ou combinaisons métalliques.
- Ces résines une fois durcies sont adhérentes et souples, le collage s’opère sans pression, à chaud ou à froid, en mélangeant le durcisseur au moment de l’emploi.
- L’Araldite I pour collage à chaud se présente sous la forme d’une poudre ou de bâtons ambrés, lorsqu’ils ne sont pas pigmentés au moyen de poudre d’aluminium. Avant cuisson, la résine est cassante et fusible vers 7o°.‘Elle est très fluide vers i3o°. Son mode d’emploi est le suivant : on dépose une couche de colle sur les pièces chauffées à x5o0-2oo°, en passant sur les
- Les collages à l’Araldite présentent une bonne stabilité à la chaleur comme le montrent les courbes de cuisson. Cette matière est très peu thermoplastique et elle possède des caractéristiques intéressantes jusqu’à ioo°, tandis qu’à 70° le Redux perd le tiers de sa résistance (fig. 3).
- Collages à froid.
- Dans beaucoup de cas, ori n’a pas besoin d’une adhérence élevée et le chauffage est un inconvénient à cause du volume des pièces, ou de,l’absence de four, ou de l’assemblage d’éléments présentant des coefficients de dilatation différents. Deux solutions ont été proposées qui ne valent pas les collages à chaud :
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- i° par VAraldite 101 ou 102, additionnée de durcisseur sg5i ou 952 (voir Tableau I) ;
- 20 par les Desmodurs-Desmophens.
- Le principe du durcissement de ces colles est le suivant :
- R — N = C = 0 + HOR' R — N — COOR'
- Isocyanate Alcool |
- H
- Uréthane
- Si l’on part de diisocyanates, tel que le toluène diisocyanate ou Desmodur T, et de polyalcools (Desmophens), on peut former de grosses molécules insolubles, thermoplastiques, souples (polyuréthanes linéaires). Avec les triisocyanates tels que le triphé-nylméthane triisocyanate, on forme des colles infusibles et très dures, par exemple : (0 = C = N — R — N = C = 0 + H0 — R'
- Diisocyanate Dialcool
- — OH)n ->-------0 — CO — Nil — CO — O — R'— O — CO
- — NÏI — R — NH — CO — O — R' — O . polyuréthane linéaire thermoplastique et souple.
- On peut mélanger les diisocyanates aux triisocyanates pour
- Fig. 4. — Assemblages pour collages à Varaldite.
- A gauche, avec pression ; à droite, sans pression.
- obtenir des films de colle à la fois souples, très durs et pratiquement non thermoplastiques. On peut également combiner les diisocyanates à un mélange de di et de trialcool. Ces réactions se font lentement à froid, plus rapidement à chaud.
- Les polyisocyanates sont très sensibles à l’eau, aussi doivent-ils être conservés à l’abri de l’humidité ainsi que les Desmophens auxquels on les mélange.
- Les Desmophens sont des polyesthers d’acides adipique et phtalique avec l’hexanetriol ou le i-4 butanediol, conservant des OH libres capables de réagir avec les polyisocyanates.
- Préparation des surfaces.
- Pour obtenir de bonnes adhérences, la surface métallique doit avoir subi une préparation dont la plus simple, le dégraissage aux solvants, n’est pas 'toujours suffisante. Il ne faut pas appliquer la colle sur une pellicule d’oxydes ou de sels dont l’adhérence serait médiocre; aussi, pour les métaux ferreux, faut-il éliminer parfaitement la rouille; on peut coller des métaux ferreux ayant subi une légère phosphatation au zinc. Pour l’aluminium et ses alliages, il faut rejeter la plupart des traitements d’oxydation chimique. Les décapages mécaniques suffisent pour les métaux courants. Suivant la nature du métal, on peut aussi pratiquer des décapages chimiques, tels le décapage nitrique pour le zinc et ses alliages, le décapage sulfochromique pour les métaux légers. Avec les alliages ultra-légers,
- Fig. 5. — Transmission des forces dans des assemblages collés.
- les décapages mécaniques donnent des résultats médiocres; le mieux est le décapage à l’acide chromique. Voici les résultats obtenus en collant des plaquettes d’alliage de magnésium (épaisseur 0,7 mm, recouvrement 3 mm, colle Araldite 1) :
- Préparation de surface Tôle mordancée Décapage N CPH à 3o pour 100 Décapage chromique à 20 pour 100
- Résistance en kg/cm1. 23o à i4o 3oo à 210 4oo à 35o
- La dispersion des chiffres pour les préparations les moins favorables est à remarquer.
- Le collage industriel nécessite généralement le choix de formes particulières des assemblages, dépendant aussi de la colle utilisée (avec ou sans pression) (fig. 4)-
- Il faut que les efforts se répartissent sur une surface notable et ne soient pas trop localisés dans le joint, la résistance mécanique de tels assemblages étant fonction de __________ l’adhérence et de la surface.
- Résistance des joints collés.
- Les collages bien choisis de surfaces métalliques préparées présentent des résistances mécaniques élevées. Il est indispensable de con-natré les lois réglant la résistance des joints, afin de pouvoir les calculer. Il est nécessaire également, pour apprécier la durée utile d’un collage, de connaître son comportement au vieillissement sous l’effet du travail mécanique (résistance à la fatigue) et des intempéries (chaleur, humidité, etc.).
- La mesure la plus simple de la résistance au cisaillement s’effectue par une traction exercée en travers (fig. 5). Elle correspond à la manière habituelle dont travaille l’assemblage, mais, par suite de l’existence d’un couple de torsion, elle ne représente pas exactement l’adhésivité tangentielle.
- La résistance du joint collé est sensiblement proportionnelle à sa largeur l (fig. 6).
- Elle augmente aussi avec le recouvrement L, d’abord proportionnellement, puis moins vite que L pour tendre vers une valeur asymptotique (fig. 7), de sorte que l’adhérence apparente en kg/cm2 diminue. Cela est dû à ce que les allongements du métal et
- f
- 4'
- 4
- :r
- 4r
- y
- R
- R.
- Fig. S. — Résistance mécanique du fait de la largeur 1, de la longueur L du joint et de l’épaisseur e du métal.
- les contraintes de la colle sont maxima sur les bords de la zone L où elles s’ajoutent aux tensions de collage préexistantes. L’allongement du métal est beaucoup plus régulier si l’on forme des joints biseautés (fig. 9) ; la résistance du joint en fonction du recouvrement devient alors presque linéaire (fig. 7, courbe II).
- Un autre facteur est l’épaisseur des plaques et bien entendu la résistance du métal. Les allongements de la pièce sont d’autant plus importants que l’allongement du métal est plus grand et que sa limite élastique et son épaisseur sont plus faibles.
- Considérons ce que nous appellerons un joint unitaire de
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- Fig. 7.
- I, joint ordinaire ; II, joint biseauté
- i mm de large (/ = i mm). On démontre et l’expérience confirme, dans la mesure où le métal suit la loi de Ilook, que la résistance maximum à la traction en kg/mm2 est obtenue à partir d’un recouvrement Lm et est égale à
- R-u =. K\/e dans lequel e est l’épaisseur du métal en millimètres et K une constante dépendant à la fois de la colle et du métal.
- Dans le cas de l’acier et du
- duralumin, L est donné par
- __ „ \! e • '
- — —o,ot>; — est appelé coefficient d’assemblage du joint.
- Pour L > Lm ou O < ~ < 0,06, on n’obtient aucun
- Li
- accroissement de la charge de rupture R, la colle ne travaillant
- que sur les bords du collage. Pour 0,06, R décroît, mais
- ij
- R
- l’adhérence par unité de surface croît.
- Au point de vue pratique, la valeur d’une colle dépend de K pour un métal donné. K est égal à 36,6 dans le cas du Redux appliqué sur duralumin ou acier. K est encore plus élevé avec l’Araldite. Si pendant l’essai, R/e dépasse la limite élastique du métal (l — i mm), la rupture du joint se produit généralement entre la limite élastique et la rupture du métal, mais parfois celui-ci cède le premier.
- * Résistance au vieillissement et à la fatigue.
- Oue deviennent au cours d’épreuves plus ou moins sévères les caractéristiques énoncées ? Le vieillissement peut être mécanique (essai de fatigue) ou physique (températures élevées et humidité dans les cas ordinaires).
- Les essais de fatigue ont été satisfaisants avec la plupart des colles à chaud : Cycleweld, Redux et Araldite. On peut compter sur une résistance à la fatigue qui soit le tiers ou le quart de
- Fig. 9. — Un avion « Cornet » de Havilland.
- Le Redux a permis de réduire considérablemeent les rivets et de coller un grand nombre d’éléments, augmentant ainsi la résistance et diminuant
- le poids.
- Efficacité des joints collés.
- L’efficacité d’un joint est le rapport qui existe entre la charge de rupture du joint et la charge de rupture des matériaux.
- En prenant y? = 0,06, on trouve dans le cas du duralumin
- collé avec le Redux une efficacité de —p- pour ioo. L’efficacité
- \e
- maximum du duralumin de i mm d’épaisseur rivé est de 4o à 5o pour ioo pour une rangée de rivets, 78 à 81 pour 100 pour trois rangées, alors qu’avec collage au Redux, elle est de 87,5 pour 100. Au contraire, pour les épaisseurs de tôle supérieures à 2 mm, c’est le rivetage qui est préférable.
- la résistance à la traction. Pour le Redux et l’Araldite, la résistance à la fatigue est bien supérieure à celles de la soudure par points ou du rivetage qui donnent des chiffres très faibles, par suite de la concentration des efforts dans certaines zones.
- Enfin, les colles pour métaux telles que le Redux ou l’Araldite résistent très bien aux intempéries et à la chaleur. L’Araldite et le Redux résistent bien à l’humidité et protègent le métal, mais il faut se méfier des corrosions cheminant sous le joint, surtout avec les métaux subissant une oxydation par plages. Pour des expositions à des conditions sévères, il est prudent de peindre les joints collés. Enfin, le point le plus délicat est assurément la durée de l’adhérence qui ne semble pas encore parfaitement connue.
- Fig. 8. — Un porte-bagage en aluminium collé à VAraldite 1.
- L’avenir du collage.
- Ce nouveau mode d’assemblage se développe rapidement dans l’industrie des alliages légers et ultra-légers dont la soudure demande une technique spéciale. Il permet la jonction de métaux différents en évitant les couples galvaniques provoquant les corrosions. Par suite de ses avantages, le collage se développera sans doute dans l’élaboration des pièces de tous les métaux, mais il ne semble pas encore près de détrôner la soudure. De nouveaux procédés seraient évidemment capables de. modifier la situation, car l’industrie des colles est loin d’avoir atteint son plein développement. Il est, du reste, à peu près certain que le collage à froid des métaux, encore dans son enfance, fournira des joints aussi résistants que le collage à chaud actuel. Les possibilités d’amélioration, dans ce domaine, restent immenses.
- J. Meynis de Paulin, Ingénieur E.P.C.I.
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- LA NOUVELLE-CALÉDONIE
- Aux antipodes de la France, à i 800 km de Sydney et de la Nouvelle-Zélande, s’étire cette ile longue de 4oo km-et large en moyenne de 5o, le plus lointain de nos territoires d’outre-mer. Elle fut découverte en 1774 par Cook lors de son deuxième voyage. La Pérouse l’a-t-il touchée, comme il en manifestait l’intention dans la dernière lettre avant son naufrage (1788) ? En 1827 et i84o, Dumont d’Urville débarqua aux îles Loyalty. Puis, en 1843, des missionnaires français s’installèrent dans le nord de la Nouvelle-Calédonie. Dix ans après la France prit possession des îles et Nouméa devint la capitale quand on eut reconnu la sécurité de sa rade. Dans deux ans, on célébrera le centenaire de cette occupation. Cette colonie reste cependant très peu connue dans la métropole. En voici une simple esquisse.
- Géologie et géographie physique. — La constitution et l’histoire géologiques d’une région en déterminent bien des caractères géographiques, biologiques et, économiques. Cette règle générale est illustrée de façon remarquable par la Nouvelle-Calédonie. Le trait géologique qui confère à la Nouvelle-Calédonie son originalité et sa « vocation » est l’existence sur environ un tiers de sa surface de massifs péridotiques et ser-pentineux qui constituent dans l’ensemble les plus hauts sommets de l’île (le Mont Ilumboldt a 1 600 m) et ses châteaux d’eau (1). Ils sont partiellement recouverts d’un manteau d’altération ferrugineux : terres rouges et carapace dure qui en occupe les portions nivelées. Ces puissantes masses de roches éruptives magnésiennes sont en quelque sorte « posées » sur un substraturh plissé qui comprend des terrains d’âges variés, du permo-trias à l’éocène, et des terrains métamorphiques, d’âge au moins en partie secondaire. Les plis sont dirigés, dans l’ensemble, suivant l’allongement de l’île et déterminent, surtout sur le versant ouest, des alignements dont le relief, la couleur et la flore se différencient nettement.
- Citons en particulier les argiles crétacées formant des collines finement disséquées, de couleur jaune, rose, violacée, couvertes d’une très maigre végétation, notamment de fougères rabougries; les calcaires de l’éocène inférieur, dessinant des barres étroites et sombres dans les bassins de Bourail, Poya et Kou-mac; les coulées volcaniques sous-marines de l’éocène supérieur qui, sur la majeure partie de la côte ouest, forment des collines à profil mou, couvertes de graminées, sèches pendant sept à huit mois : c’est la zone de la savane et des grands domaines d’élevage.
- Des oscillations survenues depuis le miocène expliquent certains caractères des régions côtières : dépôts d’argile à gypse, ennoyage des basses vallées, avec formation de véritables « rias » dans les serpentines de la côte est, prolongation des vallées anciennes dans le lagoon actuel, formation du récif-barrière qui ceinture l’île.
- Climat. — Tout n’est pas dit quand on l’a qualifié de « tropical maritime ». Encore faut-il différencier le versant est de la chaîne, très humide (2,5o m à 3 m de précipitations annuelles), couvert d’une forêt dense qui évoque un peu les magnifiques jaillissements végétaux des Hawaï ou de Tahiti, et le versant ouest, qui ne reçoit qu’un mètre par an et dont les pâturages restent secs pendant les deux tiers de l’année.
- La pluvioipétrie, aussi bien annuelle que mensuelle, est très variable. Des pluies diluviennes (plus de 100 mm en a4 h) peuvent survenir à n’importe quel moment de l’année, mais surtout de janvier à avril. Elles entraînent des crues violentes de rivières courtes et rapides et de fréquentes dévastations des
- 1. A l’exception de la chaîne métamorphique du nord-est à laquelle appartient le point culminant, le Mont Panié (1 640 m).
- cultures. La saison sèche s’étend de septembre à décembre inclus.
- L’île se trouve fréquemment et en général en janvier, février ou mai’s, sur la trajectoire de violents cyclones qui, nés souvent au nord des îles Bank, passent sur les Nouvelles-Hébrides et atteignent la Nouvelle-Calédonie en écharpe ou quelquefois suivant toute sa longueur.
- Fig. 1. — Photographie aérienne oblique.
- Paysage typique du versant ouest de la Nouvelle-Calédonie. Massifs pérido tiques de la région d’Ouaco, surmontant les coulées basaltiques éocènes savane mamelonnée (claire) i
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- La température moyenne varie entre 25°-26° (décembre à avril) et 20° (juin à septembre). L’alizé qui souffle régulièrement du sud-est.pendant la saison chaude et qui, en général, atteint sa plus grande force aux heures les plus chaudes de la journée, rend très supportable l’été calédonien.
- Flore. — Elle est caractérisée par son très haut degré d’endémisme (80 p. 100 des espèces, en effet, sont confinées à l’île), l'extrême abondance des plantes ligneuses et l’aspect nettement xérophile de beaucoup d’entre elles.
- L’arbre le plus caractéristique et le plus répandu, sinon le plus spectaculaire, est le « niaouli » (Melaleuca) de la famille
- d’arbustes bas, tordus, rabougris, à feuilles dures; elle comporte, entre autres espèces, le « gaïac » (Acacia spirorbis Labill.).
- Une verbénacée épineuse, à fleurs jaunes et rouges, le Lan-tana, introduite en 1868, a envahi toute l’île sauf les terrains serpentineux. Comme le Niaouli, le Lantana résiste aux feux de brousse qui, chaque année, entament la lisière des forêts et peu à peu cette lisière s’élève, faisant place à ces deux espèces particulièrement résistantes.
- Faune. — La faune terrestre se caractérise : par l’absence de groupes entiers d’animaux supérieurs, par un haut degré d’endémisme et par le cachet « ancien » de maintes espèces ani-
- . '
- 'Ouac^
- -rr: Récifs
- Massifs péridotiques et serpentineux.
- Ni
- importants gisements de Nickel
- CHR Bisements de chrome actuellement exploités
- Mi importantes couvertures ferrugineuses (Sud)
- l-'-'-’-l Bande occident1?peu arrosée. Savane, élevage, niaoulis, terres cultivables.
- I 1 Bande orient!e humide et forestière Mn Gisements de manganèse (dans roches d'épanchement) près de Bouraii et Poya
- Cu,Pb,Zn Gisements de cuivre, plomb, zinc
- N'!eCalédonie
- Zélande
- •ylle des Pins
- Fig. 2.
- La Nouvelle-Calédonie.
- des Myrtacées, dont l’écorce blanche se dilacère en longues lanières et dont les feuilles fournissent par distillation l’essence de goménoï (1). C’est un cousin pauvre de l’Eucalyptus australien. Comme lui, il se répand partout et presque sur tous les terrains, à l’exclusion,toutefois des serpentines; il se développe puissamment dans les bas-fonds marécageux et se réduit à des formes naines sur les arêtes caillouteuses. Parmi les Gymnospermes dont la diversité des espèces a justifié les visites récentes d’un botaniste américain et d’un botaniste suédois, citons les Araucaria et les Agathîs (cc Kaoris »).
- La flore des régions serpentineuses et de leurs terres rouges est de beaucoup la plus intéressante du point de vue botanique en raison de sa richesse extraordinaire en espèces endémiques adaptées à ces terrains. C’est une savane broussailleuse composée
- 1. De Gomen : centre du Nord de l’île.
- males. Parmi tant de traits, remarquables, notons l’extrême rareté des espèces de Mammifères autochtones, représentés seulement par des Chauves-Souris, parmi lesquelles une « roussette » ('Pteropus ornatus) que l’on rencontre parfois en énormes essaims dans les rochers calcaires. Le Cerf a été introduit par les Blancs et, après s’être multiplié très rapidement, a été largement décimé par une chasse intensive. Remarquable encore la spécialisation de la faune avienne, dont près de la moitié des espèces sont particulières à l’île. Un oiseau devenu extrêmement rare parce que, incapable de voler, il est la proie facile des chiens sauvages, est le « Cagou » (Rhinochetus juba-tus). De même que les Calédoniens blancs aiment à désigner du nom de « niaouli » les personnes nées dans l’île, de même le cagou est devenu une sorte d’emblème local popularisé par les timbres-poste. .
- Les Amphibiens autochtones sont totalement absents. Parmi
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- les Reptiles, Ophidiens terrestres et Crocodiliens manquent; mais on rencontre des Lézards et des Geckos. Au nombre des poissons d’eau douce, il faut citer une espèce de Galaxias connue seulement dans le « Lac en huit », au sud de l’île. Le genre Galaxias est typiquement austral, puisqu’il est connu au Cap de Bonne-Espérance, en Australie méridionale et en Tasmanie, en Nouvelle-Zélande et en Amérique du Sud.
- En dehors de quelques araignées et de rares scorpions — l’auteur n’en a rencontré qu’une fois au cours de plus de trois ans de séjour — la faune terrestre néocalédonienne est donc inoffensive pour le voyageur de brousse, et, avec la mansuétude du climat, elle justifie la réputation de calme et de douceur de la vie dans l’île.
- Dans le lagoon évoluent des Requins et des centaines d’espèces, grouillantes et colorées de poissons récifaux. Sur la côte, à marée basse, on rencontre fréquemment des Ophidiens marins de la taille d’une couleuvre, ornés d’anneaux aux vives couleurs ; ils sont incapables de mordre en raison de leurs très petite ouverture buccale.
- Fig. 4. — Araucaria nain des cimes péridotiques.
- Ressources : agriculture et élevage. — De nombreuses cultures ont été tentées en Nouvelle-Calédonie, trop souvent aux dépens des colons. Certes, les conditions naturelles sont en partie responsables de ces déboires : l’extrême irrégularité des pluies, les dévastations des fonds alluvionnaires par des crues violentes, les cyclones ne facilitent guère les peuplements agricoles. Certaines de ces expériences désastreuses, celle du coton par exemple, auraient pu être évitées si un service compétent avait informé les colons des débouchés possibles pour leurs produits.
- Les seules productions agricoles notables sont celles d’un café de haute qualité et de coprah. Mais les caféraies sont si petites, le coût et le rendement de la main-d’œuvre tels, que les cours actuels ne peuvent assurer une rémunération suffisante et que les plantations sont aujourd’hui en grande partie abandonnées à la brousse envahissante.
- La culture des céréales est-presque inexistante depuis que la
- Fig. 5. — Cagou.
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- Nouvelle-Calédonie n’est plus colonie pénale. Toutefois, le riz est cultivé avec succès par une mission catholique et par deux colons de la côte nord-est, et des essais de blé ont donné en 1948 et 1949 des résultats satisfaisants.
- L’élevage des bovins (environ 75 000 têtes) est extensif : une tête pour 3 ha en moyenne. Il n’assure qu’une vie très chiche et aléatoire aux petits et moyens éleveurs. La majeure partie de la production est absorbée par l’usine de conserves de la Société de Ouaco.
- Malgré la grande extension des serpentines et des terres rouges, arides ou très peu favorables, les sols cultivables sont moins réduits qu’on le pense habituellement. Notamment, les vallons non inondables des terrains volcaniques de la côte ouest (x) pourraient, s’ils étaient arrosés, atteindre à la fertilité si fréquente des sols sur roche volcanique. Dans cette, voie, il reste beaucoup à faire.
- Mines. — Les ressources de l’île sont essentiellement les minerais de nickel et de chrome, congénèi'es des serpentines. Les gisements de minerai de nickel (silicate dénommé gar-niérite et autres formes minéralogiques) sont superficiels et constituent, en quelque sorte, une écorce à la surface des grands massifs serpentineux.
- Les agents atmosphériques, par le jeu complexe de lessivages différentiels, ont concentré dans cette écorce le nickel extrêmement dispersé dans
- 1. Ces sols sur terrain volcanique souffrent, en Nouvelle-Calédonie, d’un préjugé défavorable dont l’origine est en grande partie verbale ; car les roches volcaniques y sont appelées « schistes ».
- la roche-mère. Cette concentration est concomitante de la formation des manteaux de terres rouges; le nickel est en partie dans et surtout sous les terres rouges. Il en résulte que, sauf de très rares exceptions, les exploitations ont été et sont .superficielles, en carrières. Leur mécanisation est aisée et facilite l’extraction de gros tonnages à basse teneur, tendance générale actuelle de l’industrie minérale. Sur le plateau de Thio (cote est), des engins mécaniques enlèvent des minerais à 3-3,5, alors qu’en 1875, au début des exploitations, on n’extrayait que des minerais tenant plus de 12 à i5 pour 100 de métal.
- La progression de la mise en oeuvre des minerais à faibles teneurs est freinée par le manque de combustible local et les difficultés d’approvisionnement en charbon. En effet, les minerais sont fondus à l’usine de la société Le Nickel, à Nouméa, et transformés en malles sulfurées à 77 pour 100 de nickel, qui sont expédiées aux usines d’affinage australiennes et européennes; or, il faut autant de coke pour fondre une tonne de minerai à 3 pour 100 que pour une tonne à (1 pour 100. On ne connaît pas encore de gisement de charbon exploitable dans l’île; un essai désastreux tenté à Moindou, en 1929-1930, et de sérieuses considérations et observations géologiques laissent à penser que cette situation est irrémédiable. Tout
- Figr. 7. — Les sites de nickel sont perchés sur les replats des massifs ou sur des arêtes
- à faible pente
- Ici carrière des « Pin-Pin », entre Bourail et Poya (côte oues't,). Exploitation mécanisée : bulldozer (sur chenilles), carry-all qui ramasse et transporte le minerai jusqu’à la grille de triage. Noter que l’exploitation respecte un « trognon » central à plus faible teneur, autour duquel tourne la piste d’exploitation.
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- Fig1. 8. — Travail du bulldozer sur carrière des « Pin-Pin ».
- La lame pousse des produits fins, à haute teneur en nickel (7 à 8 pour 100) les gros blocs de péridotite, au premier plan, sont à teneur beaucoup plus basse et actuellement laissés de côté.
- le charbon doit, donc être importé d’Australie et, depuis peu, des États-Unis; la moindre difficulté d’approvisionnement, par exemple une grève des charbonnages en Australie, entraîne de graves irrégularités dans la marche de l’usine de fusion.
- Pour échapper, au moins partiellement, à cette sujétion, la société Le Nickel a dû revenir, en iq48, à l’exploitation d’un gisement à plus haute teneur (7 à 8 pour 100). Elle s’est préoccupée d’amener à Nouméa l’énergie de la centrale hydraulique de Yalé, dans le sud de l’île. En janvier 1949, par une ligne à haute tension, longue de 70 km, le courant est parvenu à l’usine de fusion où, actuellement, fonctionnent côte à côte des fours électriques et les anciens \vatcr-jackets. Enfin, un projet de barrage beaucoup plus important serait à l’étude. Grâce à ces innovations, la Nouvelle-Calédonie a retrouvé sa production d’avant-guerre, qui représentait 6 à 10 pour 100 de la production mondiale de nickel.
- Du côté des minerais de chrome (chromâtes), la situation, envisagée du seul point de vue français, est beaucoup moins brillante. La « Tiebaghi », la plus belle mine de chrome « en roche »
- massifs serpen'tineux de Tiebaghi et du Sud en particulier réservent encore d’heureuses découvertes à ceux qui voudront en
- Fig. 9. — L’usine de Doniambo, à Nouméa, où les minerais de nickel sont fondus et transformés en mottes sulfurées à 77 pour 100
- de nickel.
- de Nouvelle-Calédonie, qui fournit depuis près de cinquante ans un minerai très apprécié pour sa haute teneur et son rapport chrome/fer élevé, est contrôlée par des capitaux américains et anglais. Bien d’autres mines de chrome « en roche » ou de chrome « détritique », éluvionnaire ou alluvionnaire, ont été plus, ou moins complètement exploitées. Mais les prospections sont très insuffisantes, sinon inexistantes, et on peut affirmer que les réserves n’ont été qu’effleurées. Les grands
- Fig. 10. — Filles de la tribu de Poindah. Celle de gauche est une beauté mélanésienne typique.
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- Fig. 11.
- Une station d’élevage. Vallée de Congo.
- entreprendre une prospection de grande envergure, avec des moyens financiers et techniques importants. En regard de la
- ISf» carence française, il convient de
- noter que l’attention d’un groupement américain s’est portée, à nouveau, ces derniers mois, sur le chrome néocalédonien, et notam-' ' ment sur un important dépôt de
- chrome détritique de la côte ouest.
- Rappelons que le nickel et le chrome sont deux métaux très importants pour les fabrications de guerre ou, comme on dit, particulièrement « stratégiques » ? Or, si l’Amérique du Nord est largement pourvue en nickel avec le gîte de Sudbury qui fournit les 8/xo de la production mondiale, si les États-Unis se préparent à remettre en activité les exploitations nickelifères de Cuba, ils sont insuffisamment ravitaillés en chrome; ils peuvent se procurer des minerais en Afrique du Sud, en Turquie, à Cuba et également en Nouvelle-Calédonie. D’autre part, dans un avenir peut-être proche, l’industrialisation des pays voisins : Australie, Nouvelle-Zélande, ouvrira des débouchés nouveaux aux minerais néocalédoniens. Pour être complet, un tableau des ressources existantes ou
- Fig. 12. — Indigène et pêtroglyphe ; les sillons de la gravure i • ont été remplis de terre blanche.
- Au premier plan, grands Lambeaux de « peau de niaouli ».
- leur progéniture.
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- possible doit encore évoquer les énormes réserves de fer que contiennent les manteaux rouges des serpentines, réserves dont l’exploitation est conditionnée surtout par le développement industriel des pays voisins, et notamment de la Nouvelle-Zélande, les minéralisations en plomb, zinc et surtout cuivre qui mériteraient des prospections profondes, enfin l’existence d’une structure éventuellement pétrolifère sur la côte ouest, près de Bourail.
- Au total, l’exceptionnelle densité de ses minéralisations fait de la Nouvelle-Calédonie un territoire privilégié, bien que trop spécialisé et actuellement trop dépendant de l’activité minière. Il est souhaitable qu’un meilleur équilibre soit atteint par le développement de l’agriculture, difficile certes, mais néanmoins possible dans une certaine mesure.
- Population. Histoire. — La population autochtone est de type mélanésien : peau brun rougeâtre, cheveux spiralés, crâne dolichocéphale, belle musculature. Elle présente des variations locales dues sans doute partiellement à la ségrégation géographique déjà ancienne des tribus, et aussi à la réapparition de caractères de couches humaines différentes qui auraient occupé l’île antérieurement. Jusqu’ici, on n’a pas découvert de traces paléontologiques de peuplements plus anciens, mais l’extrême abondance des pétroglyphes (gravures sur pierre), qui ne semblent pas être l’œuvre des ancêtres des indigènes actuels, évoque un peuplement antérieur de longue durée.
- L’immigration européenne ne date que de cent ans. La première mission catholique française s’établit en i843; la prise de possession eut lieu en i853. Dix ans plus tard la Nouvelle-Calédonie devint lieu de transportation des condamnés aux travaux forcés et le resta jusqu’en 1894. La colonisation fut d’abord très lente et ne prit un réel essor qu’entre 1895 et 1902. Elle fut française pour l’essentiel, mais comporta quelques familles anglaises et allemandes.
- Enfin, des ouvriers asiatiques, indochinois et javanais, furent introduits depuis 1906 dans les cultures et surtout dans les mines. Les métissages entre blancs, javanais et indigènes sont assez fréquents. En 1946, la population totale de l’île s’élevait à 61 000 habitants, ainsi répartis : Européens, 18 5oo, Indochinois 4 000, Javanais 8 5oo (depuis les rapatriements récents, ils ne sont plus que 5 000), indigènes’ 3o 000.
- En dehors de l’insurrection indigène de 1878, les principales vicissitudes de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie ont été les deux guerres mondiales auxquelles une part importante des Calédoniens, européens et indigènes, participa avec éclat. De mars 1942 à août 1945, l’île fut une base de départ pour les forces navales et aériennes et les troupes américaines opérant dans le Pacifique.
- Après avoir été détenus de i854 à 1945 par une suite d’une cinquantaine de Gouverneurs, dont peu restèrent assez longtemps pour faire œuvre constructive, les pouvoirs essentiels, c’est-à-dire financiers, sont passés pour la plupart au Conseil Général, comptant une quinzaine de membres.
- Communications et transports. — Primitivement, les communications et les transports se firent surtout par mer, à l’in-
- térieur du récif-barrière, dans les eaux relativement calmes du lagoon. Aujourd’hui encore, plusieurs bateaux de très petit tonnage assurent les transports locaux entre Nouméa et les centres de la brousse. Le réseau routier a été développé surtout à partir de 1925; il comprend actuellement 900 km environ de routes véritables et au total près de 3 000 km de voies moins parfaites sont ouvertes à la circulation des automobiles de poids et d’encombrement faibles, du type jeep. C’est un résultat honorable, compte tenu de l’importance de la population et du trafic; l’entretien de c.es routes est pour le budget local une lourde charge, nécessaire si l’on veut garder les colons sur les terres et y fixer de nouveaux arrivants.
- La Nouvelle-Calédonie n’est pas isolée du monde, de la France en particulier. Actuellement, un cargo mixte français touche Nouméa tous les trois ou quatre mois seulement, mais les liaisons postales et une partie du transport des voyageurs sont assurées par plusieurs lignes aériennes : ligne américaine San Francisco-Sydney via Nouméa, ligne australienne Sydney-Fidji, enfin, depuis 1949, liaison Paris-Nouméa, via Saigon et Bris-bane par « Air-France ». A cet égard, la Nouvelle-Calédonie est bien mieux desservie que Tahiti.
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- Malgré sa position paradoxale, ce petit territoire de langue française dans un Pacifique sud-ouest de langue anglaise reste, sinon par les intérêts, du moins par la tradition, attaché à la métropole. Beaucoup de jeunes Calédoniens, grâce à une assez large attribution de bourses, vont poursuivre leurs études en France. Certains sont revenus à leur terre natale exercer comme ingénieurs des mines, avocats, professeurs. Des missions scientifiques, la Société d’Ëtudes mélanésiennes et, depuis 1948, l’Institut français d’Océanie (x), contribuent au maintien de l’influence intellectuelle française dans le Pacifique.
- D’un point de vue économique, si l’on considère les îles échelonnées suivant un arc harmonieux autour de la plateforme australienne, on constate que leurs ressources sont complémentaires de celles de l’Australie. Dans ce groupe, la Nouvelle-Calédonie, qu’un auteur australien a qualifiée de « Pacific Treasure Island », pourra prendre une place notable. Ses rapports commerciaux, donc aussi ceux de la France, avec les pays voisins : Australie, Nouvelle-Zélande, Indonésie, semblent ainsi riches de promesses.
- Pierre Routhier.
- 1. P. Routhier. La recherche scientifique française en Océanie et les recherches scientifiques dans le Pacifique. La' Nature, n° 3517, mai 1948, p. 158.
- A propos du soleil.
- Des savants de l’observatoire de la « Shot Tower » ont établi les premiers contacts par radio avec le soleil. Ce contact a pris la forme d’une impulsion radioactive qu’on a pu voir se profiler sur un écran en une ligne brisée.
- 100 Km
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- Fig. 14. — Les routes de la Nouvelle-Calédonie.
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- MÉTROLOGIE ÉLECTRONIQUE
- De plus en plus, les méthodes d’observations visuelles (ou subjectives) cèdent le pas aux méthodes physiques (ou objectives). Gain de temps, élimination de l’inlluence du facteur personnel de l’observateur et augmentation de la précision des mesures caractérisent ces dernières méthodes qui font appel aux procédés photoélectriques et aux techniques électroniques.
- Les cellules photoélectriques et l’électronique ont déjà trouvé de nombreuses applications dans diverses branches de la métrologie; il est toutefois un domaine, celui de la métrologie des longueurs à traits, où l’utilisation de ces procédés d’observation et de mesure n’avait pas encore été exploitée.
- Deux réalisations récentes viennent de combler cette lacune : la machine à diviser photoélectrique et le comparateur à microscopes micrométriques photoélectriques mis au point par la
- Impulsions phase variable
- Amplificateur
- 2 cellules photoélectriques
- Viseur
- Impulsionsà
- . ,.r. phase fixe
- Amplificateur /'“"''s.
- Régie fixe
- Règle à copier mobile
- Fisr. 1. — Principe du viseur photoélectrique de la machine à diviser, visant simultanément une réglette fixe (repère) et une graduation-type mobile (règle à copier).
- Société Genevoise d’instruments de Physique, instruments dont nous exposerons brièvement le principe et les caractéristiques essentielles de fonctionnement.
- répétiteur qui règle l’avance du plateau, c’est-à-dire l’amplitude de ses déplacements successifs suivant l’espacement désiré pour les divisions; deux microscopes micrométriques permettent également de viser les traits de la graduation tracés par la machine. Toute machine à diviser de précision est, en outre, pourvue de deux dispositifs : correcteur de la vis mère et compensateur des températures. Le premier corrige au mieux les irrégularités du pas de la vis mère (l’écrou est pourvu à cet effet d’une tige qui glisse le long d’un profil prédéterminé et lui communique un retard variable suivant les erreurs de la vis en ses différents points) ; le second permet d’effectuer des divisions exactes à une température donnée, avec une machine dont le pas de la vis est ajusté pour une température de définition et qui fonctionne dans une pièce à une température différente.
- Jusqu’à ces derniers temps, la précision maximum obtenue pour les tracés de règles divisées de i m de longueur se situait entre i et 2 u. Ce résultat pouvait difficilement être amélioré par suite de l’effet cumulatif des diverses causes d’erreurs inhérentes aux machines à diviser du type classique : rectitude imparfaite de la vis mère qui se trouve supportée en ses extrémités, variation d’épaisseur du film lubrifiant entre l’écrou et les filets de la vis, position de contact entre l’écrou et le plateau légèrement différente au cours des déplacements, influence des frottements, causes d’erreurs auxquelles s’ajoutent celles' que peuvent laisser subsister les dispositifs correcteurs précités.
- L’accroissement de la précision des fabrications industrielles pour lesquelles le millième de millimètre (p.) est devenu une unité de mesure courante, nécessitait la recherche des perfectionnements à apporter dans la technique du tracé des règles divisées afin d’obtenir, si possible, une régularité des divisions meilleure que le micron.
- Ces recherches ont conduit à la réalisation de la machine à diviser photoélectrique. Avec cette machine, dont l’automatisme élimine l’intervention de tout opérateur, l’espacement des divisions ne repose plus sur l’emploi du procédé classique « vis-écrou », mais est obtenu par copie d’une graduation-type établie avec tout le soin désirable. Les positions successives d’arrêt du plateau de la machine ont lieu lorsqu’il y a coïncidence entre un repère fixe et les traits de la graduation-type mobile. Afin
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- On sait que les étalons à traits des subdivisions du mètre se présentent sous la forme de règles divisées, de longueurs et sections diverses, construites en métaux tels que les aciers au nickel, l’invar, le nickel, etc., moins coûteux que le platine iridié dont sont constitués les étalons prototypes. De telles règles, entre autres usages métrologiques, équipent les machines à mesurer qui permettent d’effectuer des mesures multiples, telles celles des étalons à faces mesurantes planes ou sphériques (étalons à bouts), du diamètre de bagues, tampons et filetages, de la longueur et de l’épaisseur de pièces diverses, etc. La précision obtenue avec ces machines dépend pour une large part de la règle étalon de référence : il importe donc que la graduation de ces règles soit aussi parfaite que possible, tant du point de vue de la qualité du tracé que de la régularité des divisions.
- La machine à diviser. — Le tracé de la graduation des règles divisées est effectué à l’aide d’une machine à diviser qui, dans sa formé classique, comporte les organes essentiels suivants : une vis mère qui fait avancer, par l’intermédiaire d’un écrou, un plateau coulissant sur glissières et portant la règle à diviser, un tracelet fixe qui trace les traits et un encliquetage
- Fig. 2. — Machine à diviser photoélectrique.
- V, vis mère ; E, écrou ; P, plateau coulissant supportant la graduation-type et la règle à diviser ; T, tracelet ; VP, viseur photoélectrique ; M, microscopes micrométriques visuels. — La vitesse de déplacement du plateau, rapide au début, diminue progressivement vers la fin du mouvement pour atteindre un demi-micron par seconde pendant les derniers microns de la.
- course.
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- d’éviter que les erreurs de division des traits de la graduation-type se reproduisent trait par trait sur la graduation à tracer, le repère fixe comporte ioo traits qui devront coïncider au mieux avec un nombre égal de traits de la règle à copier, ce qui permet ainsi d’obtenir une certaine compensation des erreurs. Lorsque cette coïncidence est réalisée, il y a superposition des deux trains d’impulsions électriques émis par un viseur photoélectrique qui vise conjointement le repère fixe et la graduation-type pendant son déplacement, superposition qui provoque l’arrêt final du plateau portant la règle à diviser. Dès l’immobilisation du plateau, le tracelet (diamant) trace le trait, puis se soulève pour un nouveau déplacement du plateau.
- La figure i montre le principe du viseur photoélectrique équipant la machine à diviser représentée aux figures 2 et 3. Un
- Fig. 3. — Vue d’ensemble de la machine à diviser photoélectrique.
- viseur électro-optique de principe voisin est également monté sur des machines à mesurer (fig. 4).
- La graduation des règles divisées avec la machine photoélectrique présente une régularité encore jamais atteinte : pour une règle de 1 m de longueur, les écarts de position des' traits centimétriques par rapport aux divisions d’une échelle idéale équidistante, n’excèdent pas + o,5 u. (fig. 5) ; ce résultat sera, sans doute, encore amélioré puisqu’on espère pouvoir ramener ces écarts à + o,3 p. et offrir ainsi la possibilité, en métrologie industrielle, d’utiliser ces règles sans corrections d’étalonnage, corrections qui sont, dans l’industrie, une perte de temps et aussi une source possible d’erreurs en cas d’application incorrecte O). "
- Parallèlement à cette augmentation de la régularité des graduations, s’est posé le problème de leur étalonnage avec une précision suffisante, étalonnage qui ne peut être négligé lorsque les règles sont utilisées en métrologie de haute précision (1 2).
- Avec des divisions dont la régularité atteint quelques dixièmes
- 1. Il va sans dire que pour parvenir à une telle régularité dans la graduation, la machine à diviser doit fonctionner dans des conditions de parfaite stabilité, à l’abri des trépidations et des variations de température. Aussi les fondations sur lesquelles repose la machine représentée à la ligure 3 (ainsi que diverses autres machines de précision de. la Société Genevoise), sont-elles constituées par un massif en béton de 130 t supporté par deux groupes de quatre forts ressorts à boudin qui prennent appui sur le sol proprement dit, dispositif qui s’est révélé particulièrement efficace pour l’amortissement des vibrations.
- Pour ce qui concerne la protection thermique, la machine est logée dans une enceinte maintenue à une température constante (20° C 4- 0,1 deg.) pendant l’exécution d’une graduation, cette enceinte est de plus fermée à clé afin qu’aucun présence insolite ne vienne perturber la température.
- 2. L’étalonnage d’une règle divisée consiste, dans sa méthode la plus simple, à comparer entre eux les divers intervalles de môme longueur nominale, à en déduire leurs différences et par suite leurs corrections individuelles.
- de micron, il devenait, en effet, nécessaire que les écarts de position des traits puissent être connus avec une incertitude inférieure à 0,1 jr;, une telle incertitude dépasse les limites de ce que peuvent donner les observations visuelles actuelles avec des microscopes courants. Un nouveau procédé d’observation des traits, permettant des mesures plus précises, s’imposait donc.
- Comparateur à microscopes photoélectriques. —
- Ces considérations sont à la base de la recherche d’un nouveau procédé de pointé des traits à l’aide d’un microscope impersonnel (photoélectrique) où l’observateur n’interviendrait plus qu'indirectement pour noter les résultats des observations. Un comparateur prototype, où les microscopes visuels habituels ont été remplacés par ces nouveaux types de microscopes, vient d’être achevé depuis peu.
- Le principe des microscopes photoélectriques équipant ce comparateur est représenté schématiquement à la figure 6 : une source lumineuse S, à filament rectilique F, donne, par l’intermédiaire de l’objectif O, une image 17/ du filament sur la surface tracée de la règle, image disposée parallèlement aux traits de la graduation. Un verre plan parallèle, le déflecteur D, interposé sur le trajet du faisceau lumineux, oscille à la fréquence du réseau d’alimentation et imprime ainsi un déplacement alternatif continuel à l’image F' qui balaie une certaine région de la surface de la règle : deux fois par période, une fois à l’aller et une fois au retour, l’image Fr passe sur le trait T.
- Le faisceau réfléchi est dirigé, par l’intermédiaire du prisme P sur une cellule photoémissive C qui émet, à chaque passage de l’image F' sur le trait, une impulsion électrique, conséquence de la brusque diminution de lumière chaque fois que l’image du filament quitte la surface polie réfléchissante de la règle pour traverser le sillon creusé par le trait de la graduation.
- L’impulsion primaire transmise par la cellule affecte, du fait qu’un trait gravé sur une règle ne se présente jamais sous l’aspect d’un sillon à bords parfaitement nets, la forme d’une courbe en cloche dont il faut repérer* exactement le sommet; la détection de ee sommet et sa transformation en un signal cbref sont obtenues à l’aide de procédés électroniques classiques.
- Ces signaux brefs commandent alors un double commutateur électronique à action instantanée qui, à chaque signal, ouvre et ferme simultanément deux circuits de polarités inverses, mais
- Fig. 4. — Machine à mesurer de 200 mm de capacité, équipée d’un viseur électro-optique.
- La pièce à mesurer est prise entre deux palpeurs dont l’un est solidaire d’un comparateur très sensible qui permet de repérer l’origine ou de comparer entre elles des pièces de dimensions voisines. L’autre palpeur est lié rigidement à un chariot portant une règle divisée ; cette règle est visée optiquement et la lecture est transmise par voie électrique à un récepteur.
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- Fig. S. — Résultats de l’étalonnage d’une règle divisée à la machine photoélectrique.
- En abscisses : positions nominales des traits ; en ordonnées : écarts de position des traits par rapport aux divisions d’une échelle équidistante s’appuyant sur les traits 0 et 100. Par rapport à la droite AB, on voit que la régularité de la graduation est assurée à j-0,5 a.
- de tension et de résistance égales, branchés tous deux sur un même milli-ampèremètre très sensible ; ce dernier se trouve ainsi sollicité par une succession de chocs électriques de brève durée et de signes continuellement inversés.
- Que se passe-t-il lors du pointé d’un trait ? Deux possibilités se présentent suivant que le trait est situé dans l’axe ou en dehors de l’axe de la zone balayée par l’image du filament.
- Dans le premier cas, les signaux commandant le commutateur électronique se succéderont à des intervalles de temps égaux et les quantités d’électricité de signes contraires envoyées dans l’ampèremètre seront égales, leur valeur ne dépendant, en effet, que de la durée de fermeture de chaque circuit. L’aiguille de l’ampèremètre devrait, dans ces conditions, osciller continuellement de part et d’autre de sa position d’équilibre; elle ne peut toutefois suivre cette succession rapide d’impulsions par suite de l’inertie de l’instrument; celui-ci n’enregistre que la différence de valeur des quantités d’électricité qu’il reçoit et son aiguille garde finalement une position moyenne fixe correspondant au zéro du cadran de mesure.
- Dans le second cas, les signaux transmis par la cellule se succéderont à des intervalles de temps inégaux et les durées d’ouverture et de fermeture des circuits commandés par le commutateur électronique seront elles-mêmes inégales; l’aiguille indicatrice s’immobilisera donc à une nouvelle position d’équi-o libre qui traduira l’écart entre la position du trait visé et celle de l’axe du balayage, ce dernier coïncidant avec l’axe du microscope.
- La figure 7 représente le comparateur d’étalonnage prototype à microscopes photoélectriques de la S.G.I.P. L’amplification maximum obtenue sur le cadran du milli-ampèremètre, où se lit finalement le résultat du pointé photoélectrique d’un trait, est de 4o 000 ; la graduation de ce cadran est en dixièmes de micron et l’on peut lire facilement, par interpolation, le centième de micron, quantité correspondant à un déplacement de l’aiguille de o,4 mm.
- * *
- Quelles sont les perspectives offertes par ce nouveau procédé de pointé des longueurs à traits et quel est le gain de précision obtenu par rapport aux observations visuelles ? Il est encore prématuré de porter un jugement définitif sur les premiers résultats fournis par cet instrument qui, de construction récente, n’a pas encore fait l’objet d’une étude systématique de ses possibilités dans les laboratoires métrologiques ; il apparaît toutefois qu’une précision cinq à dix fois meilleure que celle habituellement
- atteinte avec des microscopes visuels courants peut être escomptée.
- Mentionnons, d’autre part, qu’il ne semble pas devoir exister de différences sensibles et de caractère systématique entre les résultats fournis par ces deux procédés de pointé si différents Q) ; l’étalonnage des traits décimétriques d’une règle de 1 m de premier ordre, effectué indépendamment par des observations photoélectriques et visuelles, a conduit à des résultats en excellent accord, les différences obtenues étant toutes inférieures au dixième de micron.
- La mise au point de ce microscope impersonnel laisse donc entrevoir un prochain recul de la limite de précision dans les mesures des longueurs à traits et le gain d’un facteur 10 n’apparaît pas impossible; ce microscope permet en outre d’effectuer les observations plus rapidement et offre aussi la possibilité d’opérer à une certaine distance du comparateur.
- Nous avons rappelé dans un précédent article (2) que la précision à laquelle on peut actuellement prétendre lors de la com-
- Fig. 7. — Vue d’ensemble du comparateur d’étalonnage à microscopes photoélectriques.
- A gauche : le comparateur proprement dit. Les impulsions primaires données par la cellule logée dans la tète de chaque microscope sont transmises, après amplification, au meuble (à droite) à l’intérieur duquel sont rassemblés tous les circuits électroniques ; sur le devant de ce meuble on distingue le pupitre de mesure avec les boutons de commande, de réglage et le cadran du milliampèremètre.
- paraison de deux étalons à traits de premier ordre de 1 m, à l’aide de microscopes visuels, atteint le dix-millième de millimètre (0,1 p); compte tenu de certains facteurs relatifs à la qualité du tracé, l’utilisation du microscope photoélectrique permettrait donc d’espérer, pour cette même longueur, une précision approchant le cent-millième de millimètre (0,01 p).
- Cette perspective conduira-t-elle à reconsidérer la proposition visant à définir le mètre en fonction de la longueur d’une onde lumineuse convenablement choisie (3) ? Le Mètre prototype en platine iridié, étalon matériel sur lequel repose la définition de l’unité de longueur, se trouverait en effet défini, par ce procédé de mesure, avec une précision qui dépasserait, pour cette longueur de 1 m, celle des mesures interférentielles. Les études
- 1. Le pointé d’un trait dans un microscope visuel consiste à encadrer le trait avec les fils du micromètre de façon à rendre égales entre elles les deux aires lumineuses limitées aux traits longitudinaux de la règle et comprises de part et d’autre du trait entre chaque fil et le bord sombre de ce trait.
- 2. H. Moreau. Unités et étalons principaux. La Nature, décembre 1949, n" 3176 (supplément), p. 396.
- 3. Cf. la référence précédente, p. 398 et La Nature, janvier 1949, n» 3 165, p. 12.
- Fig. 6. — Schéma de principe du microscope photoélectrique.
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- qui ne manqueront pas d’être entreprises dans les laboratoires spécialisés avec ce nouveau type de microscope permettront de répondre à cette question.
- Ces deux réalisations, dont nous venons de donner un bref aperçu, apportent une importante contribution à la recherche
- constante d’une plus grande précision dans la mesure des longueurs à traits.
- IIenei Moreau.
- Les photographies illustrant ce texte nous ont été aimablement communiquées par la Société Genevoise.
- Mensonge cTune nuit d'été
- Problème sans chiffres).
- Le cambrioleur mondain Ignotus avait un faible pour les coffres-forts.... En parcourant ses intéressants Mémoires, j’ai noté un passage où il se vante d’avoir ouvert deux coffres dans lesquels un vieil oncle enfermait les suprêmes espérances de quelques neveux en mal d’héritage.
- « Une nuit, — c’est Ignotus qui parle —, je pénétrai discrètement dans la chambre du vieillard qu’une heureuse syncope avait délivré l’avant-veille de toute préoccupation terrestre. Je découvris très vite, outre les deux clefs, un carnet contenant l’indication des combinaisons à employer pour ouvrir les coffres.
- « Chacun des coffres exige une combinaison particulière de quatre nombres significatifs, comportant chacun le même nombre de chiffres. La combinaison du premier coffre est : D, A, C, B, c’est-à-dire le produit de A, B x C, D. La combinaison du second coffre est : C, D, A, B, c’est-à-dire le produit A, D x C, B. Le nombre que l’on doit découvrir tout d’abord vaut la moitié de son voisin dans la deuxième combinaison ».
- « Encouragé par ces explications si claires, je constatais que les serrures étaient munies de quatre boutons comportant chacun 24 repères. L’idée m’effleura d’essayer les différentes combinaisons possibles, car leur nombre n’atteignait que 244, c’est-à-dire 3o4 i36 essais pour chaque coffre, soit 608 272 tentatives pour les deux. Mais j’étais un peu pressé, ce qui se conçoit, et préférai mettre en jeu un peu d’astuce et un soupçon d’algèbre pour résoudre plus vite ces deux énigmes à quatre inconnues, qui n’offraient aucune donnée numérique.
- « Vaguement inquiet, j’inscrivis les étranges multiplications :
- (1)' A, B (2) A, D
- X c, D x C, B
- ? ?
- D, A, C, B G, D, A, B
- « Fasse Mercure, pensais-je, que ces lettres représentent des
- unités !... D’après « l’énoncé », les nombres A, B, G, D pouvaient comporter conjointement soit 1, soit 2 chiffres, c’est-à-dire être inférieurs à 10, ou à 100. Avec l’hypothèse de nombres inférieurs à 10, la situation de B dans le multiplicande (1), dans le multiplicateur (2), et dans les deux produits, me permettrait d’assigner à D une seule valeur possible : 1, c’est-à-dire le nombre que l’on « doit découvrir tout d’abord ». Son voisin dans la deuxième combinaison serait alors C ou A, avec une probabilité de « sympathie » en faveur de C.
- Je posai D = 1 et C = 2 (probable).
- En remplaçant C et D par ces valeurs, les multiplications devenaient :
- La multiplication (1) pouvait alors se développer ainsi :
- (10 A + B) x 21 = 1 000 + 100 À + 20 + B
- ou :
- 210 A + 21 B = 100 A + 1 020 + B
- soit (E) : 11 A + 2 B = 102.
- La multiplication (2) pouvait s’écrire de son côté :
- (10 A + 1) x (20 + B) = 2 100 +10 A + B
- ou :
- (10 A x B) + 200 A + 20 . + B = 2 100 + 10 A + B
- soit (F) : (A x B) + 19 A = 208.
- De l’équation (E), je tirai B : p 102 — 11 A
- t> — ----—------ = 5i — 5,5 A et remarquai au passage que
- A était certainement pair. J’introduisis cette valeur de B dans l’équation (F) :
- A x (5i — 5,5 A) + 19 A = 208,
- soit : 70 A — 5,5 A2 = 208, inoffensive équation quadratique
- (et non du second degré (?), comme on s’obstine à l’enseigner
- aux lycéens), donnant une racine aceptable : A = 8.
- .. -r, 102 —11 A 102 — 88
- Alors : B = ------------------------- = 7,
- a 2
- Finalement : A = 8, B = 7, G = 2, D = 1.
- (1) (A, B) x (C, D) = D, A, C, B = 87 x 21 = 1 827
- (2) (A, D) x (G, B) = C, D, A, B = 81 x 27 = 2 187
- c’est-à-dire les deux combinaisons qui me permirent d’ouvrir les coffres et d’emporter un riche butin. »
- « L'homme est, je vous l’avoue, un méchant animal ».
- (Molière, Le Tartuffe, Acte V).
- Car de mauvaises langues insinuent qu’Ignotus inventa toute cette histoire, par dépit de n’avoir rien trouvé dans les coffres. Si l’on en croit l’inutile enquête qui suivit son exploit, il aurait éventré les coffres avec un vulgaire chalumeau, comme nous l’aurions tous fait à sa place.
- Jacques Henri-Robert, Ingénieur civil.
- (0 A, B
- x 21 _
- (2) A, 1
- x 2, B
- ?
- N.-B. — On retrouvé A, B, G, D, pris avec les valeurs ci-dessus dans une troisième combinaison :
- (C, D, B, A) x 1 = A, B, D, Cou 2178x4 = 8 712.
- 1, A, 2, B
- 21, A, B
- J. H.-R.
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- LE CIEL EN SEPTEMBRE 1951
- SOLEIL : du 1er au 30, sa déclinaison décroît de -f 8°29' à — 2°35' ; la durée du jour passe de 13h26m le 1er à llh44m le 30 ; diamètre apparent le 1er = 31/44",9, le 30 = 31/59",7. Équinoxe d’automne le 23 à 20h30m : le Soleil entre dans le signe de La Balance. Éclipse annulaire le 1er, visible à Paris comme éclipse partielle : commencement à ilh23'm, maximum à 12h12m, fin à 13hlm ; grandeur de Péclipse partielle 0,177 (le diam. du Soleil étant un). — LUNE : Phases : N. L. le 1er à 12h49m, P. Q. le 8 à 1SM6*\ P. L. le 15 à 12^8“, D. Q; le 23 à 4M3“ ; périgée le 11 à 20h, diam. app. 32'32" ; apogée le 23 à 21h, diamètre app. 29'34". Éclipse de Lune par la pénombre le 15, invisible à Paris : entrée dans la pénombre lO^âO111, milieu, de Péclipse 12h26m, sortie 14h24m ; grandeur de Péclipse 0,772 (le diam. de la Lune étant un). Principales conjonctions : avec Jupiter le 17 à 2h4m, à 4°54' ; avec Uranus ie 24 à 8h24m, à 4°3' S. ; avec Mars le 27 à 20h32m, à 0°P S. ; avec Vénus le 28 à 4h4m, à 7°7' S. ; avec Mercure le 30 à 8h31m à 3°46' N. Principales occultations : de x Sagittaire (3m,4) le 10, immersion à lSh31m,6, émersion à 18h59m,0 ; de i Verseau (4m,4) le 13, immersion à 19h22m,0 ; de 406 B Taureau (om,6) le 22, émersion à 23h24m,l. — PLANÈTES : Mercure, plus grande élongation du matin le 16, à 17°53' W. du Soleil, bien visible ; Vénus, en conjonction inférieure avec le Soleil le 3, devient ensuite étoile du matin, très brillante, se lève 2h3m avant le Soleil le 22, diamètre app. 51",3 ; Mars, dans le Lion, un peu visible le matin, se lève le 10 h 2h17m, diamètre app. 3",9 ; Jupiter, dans
- les Poissons, se lève le 10 à 19h8m, diamètre polaire app. 45",7 ; Saturne, dans la Vierge; invisible, en conjonction avec le Soleil le 29 ; Uranus, dans les Gémeaux, observable le matin, se lève le 28 à 22h22m, posilion 7h0m et + 23°5\ diamètre app. 3",6 ; Neptune dans la Vierge, inobservable. — ÉTOILES VARIABLES : Minima observables û’Algol (2m,2-3m,o) : le 1er à 17h,2, le 13 à 4h,o, le 16 à lh,2, le 18 à 22^,0, le 21. à 18h,9 ; minima de -(3 Lyre (3m,4-4m,3) : le 7 à 23^,0, le 20 à 21h,4 ; maximum de R Lion (5m,0-10m,5), le 21. — ÉTOILE POLAIRE : Passage sup. au Méridien de Paris : le 8 à 2h35m36s ; le 18 à lh5Cm25s ; le 28 à lh17m-14s.
- Phénomènes remarquables. — L’éclipse partielle de Soleil le Ier ; l’éclipse de Lune par la pénombre le 15, à observer de préférence par la photographie ; l’occultation de x Sagittaire le 10, à observer à la jumelle ; la plus grande élongation de Mercure le matin, à observer le 16 et jours de part et d’autre ; la lumière cendrée de la Lune les 4 et 5 le soir, et le 25 au matin, très brillante ; la lumière zodiacale, le matin, pendant tout le mois en l’absence de la Lune ; la lueur anti-solaire le 28 vers minuit, vers 6 Poissons.
- (Heures données en Temps universel ; tenir compte des modifications introduites par l’heure en usage).
- G. Fournier.
- LES LIVRES NOUVEAUX
- Cours élémentaire de mathématiques supérieures, Tome IL Développement en sét'ie. Calcul des imaginaires. Calcul différentiel et applications, par J. Quinet. 1 vol. in-8°, 222 p., 40 fig. Dunod, Paris, 1951.
- Ce cours est orienté vers les applications pratiques et la résolution de problèmes de physique, plus particulièrement d’électricité, sans délaisser la mécanique. Il constitue une bonne base de départ pour l’étude plus poussée des mathématiques. Il donne les moyens d’apporter une solution claire et condensée à la plupart des problèmes posés à l’ingénieur.
- Construction des abaques, par M. Dulaey.
- 1 vol. in-8°, 493 p., 122 6g. Gauthier-Villars, Paris, 1951. Prix : 2 500 francs.
- La nomograpliio ou science de la transcription graphique des lois de variation des phénomènes s’exprime par la construction des abaques (qu’il ne faut pas confondre avec les courbes représentatives). Son intérêt principal est la résolution rapide d’équations complexes. Cet ouvrage met la construction des abaques a la portée des techniciens en n’ayant recours qu’aux mathématiques élémentaires. Rédigé en vue d’applications pratiques, il rendra service en évitant de longs et fastidieux calculs.
- Analytical and applied mechanics, par C. R. CLEMENTS et L. T. Wilson. 1 vol. in-8‘°, 463 p., 408 fig. McGraw-Hill, New-York et Londres, 1951. Prix : relié, 40 shillings.
- Principes mathématiques et physiques nécessaires à l’étude approfondie de la mécanique, illustrés de 220 exemples d’applications permettant de résoudre un nombre considérable de problèmes. En dehors des sujets classiques, il faut noter les chapitres consacrés aux déformations des corps non rigides. Cette 3e édition qui offre plus de mille problèmes avec leurs solutions sera fort utile aux étudiants, ingénieurs et techniciens.
- Engineering mechanics, par S. Timoshenko et D. H. Young. 1 vol. in-8°, 517 *p., 756 fig. McGraw-Hill, New-York et Londres, 1951. Prix : relié, 44 shillings.
- Cet ouvrage expose et développe les connaissances nécessaires aux ingénieurs en mécanique théorique et les complète par de nombreux exemples d’applications pratiques. Pour l’entraînement aux calculs mécaniques, plusieurs centaines de problèmes- sont énoncés et non résolus,
- mais peuvent être contrôlés par leur solution numérique finale. Cette 3e édition d’un manuel classique, outil de travail des étudiants et techniciens américains, sera également appréciée en Europe.
- Comment calculer les temps d'usinage, par
- E. Delb. 1 vol. in-8°, 40 pM 10 fig., 17 abaques. Desforges, Paris, 1950. Prix : 700 francs.
- Ce travail rédigé par un spécialiste rendra les plus grands services aux industriels et aux techniciens qui se soucient de l’organisation scientifique du travail. On sait l’importance du calcul rationnel des temps d’usinage pour la prnauclivité des outillages modernes. Une série d’abaques permettent de résoudre avec rapidité et précision ces problèmes.
- Some famous stars, par W. M. Smart. 1 vol. in-8°, 219 p., 60 fig., 14 pi. Longmans, Green, Londres, 1950. Prix : relié, 15 shillings.
- Sous ce titre, le président de la Société astronomique de Londres passe en revue les découvertes essentielles dé l’astronomie stellaire moderne. L’étude du compagnon de Sirius, étoile naine de densité colossale, permet d’évoquer tout le problème des naines blanches et celle du mouvement du couple de Sirius, le mouvement propre des étoiles. Le chapitre consacré à Algol, étoile double dont les composantes s’éclipsent mutuellement, étudie également les étoiles variables et la mesure photométrique de leur éclat par usilisation d’effet photoélectrique Epsilon-Auriga, la plus grande étoile géante, permet de retraver toute l’évolution des étoiles, leurs différents types spectraux, le diagramme Hertzsprung-Russeil, la relation masse-luminosité d’Einstein et le cycle de Bethe. L’ouvrage se termirte par l’étude des Géphéides et à propos de Delta-Orion, des nébuleuses diffuses sans oublier le problème des raies stationnaires et des matières en suspension dans l’espace interstellaire.
- Les grandes découvertes de la physique moderne, par J. Guayjdier. 1 vol., 264 p., 22 fig. Éditions Corréa, Paris, 1951.
- L’auteur passe, en revue, sans développements mathématiques, quelques-unes des découvertes les plus importantes : constitution de l’atome, rôle de l’électron, lumières invisibles, ondes hertziennes, radar, rayons X, radioactivité, les quanta, la télévision, la relativité, les rayons cosmiques, la bombe atomique, la mécanique
- ondulatoire et indique les ouvrages les plus importants comportant des développements plus étendus.
- Étude et réalisation d'un équipement électronique pour la mesure et l'enregistrement de faibles variations de capacité, par P. Sauvage. 1 vol. in-4% 67 p., 39 fig. Publications scientifiques et techniques du Ministère de l’Air, Paris, 1950.
- L’auteur décrit un dispositif électronique simple permettant de mesurer et d’enregistrer de faibles variations de capacité. Il est basé sur l’emploi d’un condensateur variable dont l’armature mobile est une membrane mince qui se déforme sous l’action de la pression à mesurer. Cet appareil peut servir pour enregistrer des pressions aéro et hydrodynamiques et plus généralement de faibles déplacements ; il est susceptibles de nombreuses applications dans des techniques fort diverses.
- La pratique industrielle des transformateurs, par M. Denis-Papin. 1 vol. in-8°, 199 p., 152 fig. Albin Michel, Paris, 1951. Prix : 640 francs.
- Dans cctlc 12e édition refondue et mise à jour, l’auteur après avoir rappelé la théorie générale des transformateurs et leurs différents types, en étudie du point de vue pratique le couplage, les modes de refroidissement, les principes de construction, leurs essais sur plateforme, leur installation et séchage avant mise en service. Un dernier chapitre traite de la dispersion dissymétrique, spécialement étudiée par l’auteur.
- Physics in chemical industry, par R. G.
- L. Boswoivrn. 1 vol. in-8°, 928 p., fig. Macmillan, Londres, 1950. Prix : relié, 3 £ 10 s.
- La physique intervient dans nombre d’opérations et d’appareils industriels : transports de fluides et de chaleur, colonnes à distiller, instruments d’analyse ou de contrôle. L’auteur expose de manière concise mais suffisante les bases nécessaires ' calculs mathématiques, méthodes statistiques, analyse dimensionnelle. Viennent ensuite les propriétés de la matière, notamment la théorie atomique, les équilibres, les propriétés des solides, des liquides et des gaz, celles des métaux, la rhéologie, les propriétés superficielles, l’adsorption, puis les déplacements de matière, d’électricité et d’énergie, es radiations thermiques. L’ouvrage se termine par une étude des instruments et des méthodes de mesures.
- Le gérant : G. Masson. — masson et c10, éditeurs, paris. — dépôt légal : 3e trimestre 1951, n° i3i4. — Imprimé en France.
- BARNÉOUD FRÈRES ET CieJ IMPRIMEURS (3lo566), LAVAL, N° 2402. — 8-ig5l.
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- N° 3197
- Septembre 1951
- LA NATURE
- INTÉRESSANTE : MÉDOUS
- Dès le xvme siècle, des naturalistes signalèrent une cavité située tout près de Bagnères-de-Bigorre, au sud de cette ville, en bordure de la route thermale n° i du Tourrna-let. Leur attention avait été attirée par- une « source » importante, jaillissant d’un trou, au pied du massif du Buala, sur la rive gauche de l’Adour.
- On raconte que les peuplades primitives venaient déjà y adorer le dieu des sources Ageion; la pérennité des lieux d’adoration s’y vérifie, puisque Suzanne de Gramont, marquise de Montpezat, y fonda au xvie siècle, un couvent de Capucins. Si la Révolution dispersa la confrérie, une chapelle dédiée à la Vierge y existe encore, près du griffon (altitude : 58o m).
- A côté de la sortie de l’eau se trouve une galerie naturelle d’une vingtaine de mètres de long, aboutissant à un carrefour donnant, d’une part, sur une autre bouche extérieure et, d’autre part, sur un couloir bouché par un important amas d’argile.
- En 1772, un gouffre s’ouvrit dans le lit de l’Adour, au sud de Campan, et l’on remarqua que le débit de la résurgence augmenta.
- Il était donc probable qu’une liaison hydrologique existait entre la rivière et la source. La municipalité de Bagnères-de-Bigorre capta cependant la fausse source de Médous en 1926.
- En 1945, M. Ii. Mauras, chef de travaux à la Faculté des Sciences de Toulouse, connaissant les observations faites par les naturalistes des siècles précédents, s’attacha à expliquer l’origine du « trou souffleur » signalé dans la courte galerie dont nous venons de parler. Il organisa une équipe de recherche avec MM. Lépineux et Ascaso, de la ville Aroisine, et commença à agrandir ce passage trop étroit pour le corps. Le 9 août 1948, ayant obtenu l’autorisation du propriétaire actuel de Médous, M. E. Brunelet, l’équipe força le passage et découvrit le lit de la rivière souterraine en amont de sa résurgence qui, elle, est impénétrable.
- Cette incursion devait, en de nombreuses séances, faire connaître une grotte de plus de 2 km de développement.
- L’Électricité de France projetait alors d’établir un barrage sur l’Adour, du côté de Campan; ses ingénieurs se livraient aux environs à des études hydrologiques ; quand elle connut la rivière souterraine, elle décida de faire déboucher le couloir colmaté par l’argile que nous avons signalé. Le bouchon d’ar-
- gile n’avait pas moins de 3o m de long; on y ménagea un étroit passage et l’E.D.F. fit sceller une jauge pour mesurer le débit, variable du cours souterrain; on trouva qu’à l’étiage le débit est de 35o litres/seconde.
- L’E.D.F. essaya de colorer à la fluorescéine les eaux de l’Adour en amont de Campan pour connaître leur cours, mais la quantité de colorant étant insuffisante et le lieu mal choisi, on ne retrouva à Médous que des traces incertaines du produit chimique qui, pourtant, peut teinter l’eau à la dilution d’un quarante-millionième.
- En 1948, M. Capdecomme, professeur à la Faculté des Sciences de Toulouse, fit aussi une tentative de coloration dans l’Adour de Campan et dans son affluent, l’Adour de Lesponne, mais cet essai fut encore peu probant. La communication, déjà connue des anciens auteurs entre l’Adour et la source de Médous, se trouvait cependant confirmée.
- La découverte.
- Lorsque les explorateurs eurent parcouru la galerie de la rivière, longue de 1G0 m, ils arrivèrent devant un grand éboulis au bas duquel l’eau sortait sous des blocs. Escaladant ceux-ci, ils aboutirent quinze mètres au-dessus à un carrefour. Empruntant d’abord la
- galerie nord, ils découvrirent au début un vaste couloir décoré de concrétions et des salles latérales encombrées de blocs. On nota au passage des flexures du calcaire
- aptien gris foncé, indiquant que cette région a été tourmentée par la tectonique et même métamorphisée par endroits, ce qui explique la présence de marbre dans la grotte et dans la vallée de l’Adour où il est exploité non loin de Médous.
- Ensuite, pendant 180 m, une galerie quasi plane, très ornée de concrétions, revient ver^ l’Est, c’est-à-dire presque parallèlement au lit de la rivière * ijfrpogée suivi tout à l’heure. On
- retourne donc vers la sortie, lun peu moins de 20 m au-dessus
- de l’eau. L’extrémité est bouchée par des coulées stalagmiti-ques. En cours de route, on peut admirer des stalactites « excentriques » (poussant en tous sens et n’obéissant pas à l’attraction de la pesanteur).
- Cet ensemble : galerie de la rivière et galerie sèche supérieure, a «n intérêt touristique certain que nos collègues ne manquèrent pas de signaler à leur sortie; toutefois, ils ne s’en tinrent pas là et continuèrent leur exploration dans la branche sud de la
- Fig. 1. — La haute vallée de l’Adour.
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- caverne. Ils retrouvèrent au bas des blocs, de l’autre côté du siphon, le cours tranquille de la rivière. 4oo m plus loin, ils remontèrent une pente qui les conduisit à un diverticule extrêmement curieux par sa décoration : sa paroi ouest est sur 3o m de long et 4 m de haut garnie de buissons d’ « excentriques » de toutes formes et de toutes tailles, absolument exceptionnels. Les inventeurs baptisèrent cet endroit unique le « jardin des orchidées ». La paroi Est est, par contre, nue.
- Reprenant le lit de la rivière, ils trouvèrent 3oo m plus loin
- Chàtea,
- Partie aménagée
- Jardin des Orchidées)
- . Siphon amom
- Carrefour du grand \ silence noirt
- 50 100
- La grotte de Médous (d’après le plan de M. II. Mauras).
- Fig. 2.
- un siphon; remontant les parois, ils aboutirent à une grande salle qui, d’après M. Mauras, doit correspondre à une dépression sur le flanc extérieur de la montagne.
- Ne pouvant aller plus loin, les explorateurs revinrent sur leurs pas et au carrefour déjà signalé, s’engagèrent dans la salle du grand chaos, haute et large de 20 m. Après une centaine de mètres, ils furent obligés de gravir une pente de petits blocs calcaires, haute de près de 45 m, qui tangente presque le pla-
- Fig. 3. — Le parc de Médous.
- Aa premier plan, la résurgence. Derrière le thuya, entrée de la grotte.
- En arrière, la montagne du Buala.
- (Photo Alix).
- fond par endroits. Vers son sommet, on trouve un diverticule décoré lui aussi d’excentriques. 200 m plus loin, la galerie est bouchée par des blocs. Cette partie de la grotte de Médous a dû subir un gigantesque effondrement de plafond lors d’un tremblement de terre, par suite de ses grandes dimensions et de l’absence ' des concrétions qui, ailleurs, cimentent et consolident les parois. Les tremblements de terre ont été nombreux dans cette région des Pyrénées (1660, 1678, 1777) et des failles (sensu stricto) affaiblissent ce calcaire crétacé. Du reste, sans l’une d’elles, la grotte de Médous n’existerait pas, comme on va le voir bientôt. Nos collègues signalèrent leur découverte au propriétaire du château de Médous; elle était d’importance à plusieurs titres. Leur levé du plan de la grotte montrait qu’elle s’étendait hors de la propriété Brunelet et se trouvait presque toute dans, celle de la Comtesse D. de Gramont, descendante de la marquise. On avertit donc Mme de Gramont de la valeur touristique de la caverne et c’est à ce moment que nous fûmes désigné comme spécialiste, pour l’expertiser et savoir si on pouvait en tirer parti.
- Une grotte touristique.
- Au début de 1949, je visitai la grotte, piloté par MM. Lépi-neux et Ascaso; Mmo de Gramont nous accompagnait. Je fus
- Fig. 4. — Le grand chaos de pierres.
- (Photo Alix).
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- agréablement surpris de ce site si accessible et si intéressant, même pour un profane . : la caverne avec sa galerie « fossile » sèche d’en haut et celle « vivante » d’en bas, occupée par l’eau ; les belles coulées de calcaire, stalactites, stalagmites, draperies, excentriques, etc. ; l’entrée très pittoresque au bas de la montagne, au fond d’un parc aux arbres centenaires parcouru par des ruisseaux ; la proximité (i5o m) de la grand’ route thermale des Pyrénées, dans un coin de France attirant l’hiver les skieurs et l’été de nombreux touristes en cars ou en automobile; la faible distance (20 km) du sanctuaire de Lourdes ; je lis donc l’étude de ses possibilités d’aménagement et, lin 19/19, un accord intervint entre les propriétaires du sol. Les travaux commencèrent aussitôt; confiés à un entrepreneur local, M. Castells, bien outillé et secondé, ils aboutirent sans grandes difficultés techniques.
- Questions hydrologiques.
- Les demandes de la municipalité de Bagnères-de-Bigorre furent moins aisées à satisfaire. Le captage de la résurgence de Médous en vue de l’alimentation communale posait un autre problème. Au cours de mon enquête, je fus surpris qu’un géologue officiel eût autorisé une telle prise d’eau, puisqu’on la soupçonnait depuis longtemps de provenir de l’Adour. Ce gave, s’il est pur près de sa source dans le Pic du Midi, est ensuite
- pollué par des scieries, de nombreuses latrines et écuries des villages traversés, les ruissellements des pâturages, etc. D’ail-après l’amenée de cette eau à la ville en 1926, une épidémie de typhoïde sévit en 1933, et 011 installa des filtres et une javellisation en aval du captage.
- Pour prouver la communication entre l’Adour et la « source » de Médous, le i3 janvier 1960, à 9 h, en présence de deux des inventeurs et d’autres personnes, je versai 1 kg de fluorescéine dans une des petites pertes latérales en rive droite de l’Adour, en face Cam-pan, à l’altitude de G56 m. Nos collègues nous avaient signalé que l’un des trous séparé artificiellement du lit aérien de l’Adour leur avait permis de descendre d’une dizaine de mètres dans une étroite cheminée aboutissant à un siphon sous l’Adour, filant en direction ouest, c’est-à-dire vers la rive gauche. C’était là une perte certaine; le résultat ne se fit pas longtemps attendre : à 17 h, c’est-à-dire 8 h après, la résurgence de Médous se teintait de vert; une demi-heure plus tard, Peau était massivement colorée, ce qui prouvait que les autres apports souterrains, s’il y en a, sont faibles et que c’est bien l’eau de l’Adour que capte la ville de Bagnères-de-Bigorre.
- Nous pensions que cette preuve pu tente inciterait la municipalité à abandonner la prétention qu’elle avait émise d’exiger l’installation de tuyaux de grand diamètre pour canaliser l’eau du captage dans la partie du parcours souterrain qui doit être empruntée par les visiteurs; en effet, on ne pouvait parler
- Fig. 6 et 7. — A gauche, La galerie basse et la rivière souterraine. A droite, Quelques décorations dans la galerie haute : colonnes,
- stalactites, stalagmites, draperies, gours (Photos Alix).
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- d’un danger supplémentaire: de contamination d’une eau déjà polluée. Cependant, on argua de « l’effet psychologique », on obtint l’arrêt des travaux dans la grotte et un rapport d’un expert officiel (lequel abondait dans notre sens avant d’être désigné) concluait que la canalisation isolante coûtant plusieurs millions était indispensable !
- Enfin, les travaux purent être repris. Pendant leur achèvement, nous complétâmes notre étude. Nous reconnûmes qu’il y a bien des millénaires, alors que la vallée de l’Adour n’était pas encore creusée profondément, l’eau, profitant de la faille de la Lesponne (prouvée par le métamorphisme très net des marbres au bas de sa vallée), perçait la montagne et cheminait sous terre à un niveau d’environ quinze à vingt mètres au-dessus de son lit actuel. La partie terminale de la grotte de Médous est en certains endroits très déformée par des éboulcments, mais toute la galerie fossile, plus étroite- et moins haute, est restée telle qu’elle était, à part son « rétrécissement » dû au concré-tionnement. L’eau devait autrefois ressortir par deux « évents » encore visibles sur le flanc du Buala, à quinze mètres au-dessus des émergences actuelles de Médous et d’Oulnègre, un peu plus en aval, toutes deux colorées lors de notre essai.
- L'aménagement touristique.
- Après avoir traversé le parc où l’on admire des thuyas et des cèdres plusieurs fois centenaires, on pénètre dans l’une des bouches déjà signalée au xvme siècle et on s’engage dans une galerie naturelle de 44 ni où l’on voit un lit de crue de la rivière. Au lieu de cheminer au fond, les visiteurs marchent sur un caillebotis surélevé pendant un peu moins de cent mètres puis, passant au-dessus du lit pérenne, s’élèvent d’une quinzaine de mètres par un court tunnel artificiel et débouchent à l’extrémité nord de la galerie fossile. La décoration des parois devient très
- riche de teintes plus chaudes que celles du bas. Pendant près de deux cents mètres, ils circulent parmi les concrétions les plus variées de formes et de couleurs.
- Puis tout change, les dimensions du couloir augmentent et les blocs rocheux alternent avec les concrétions et l’on peut même surprendre sur une paroi la géologie tourmentée de ce site pyrénéen. Après une centaine de mètres à peu près plans, on débouche devant la galerie du grand chaos dont l’effet est saisissant,, à cause des dimensions et de la nudité des parois.
- On descend un large escalier de ciment et quinze mètres plus bas, on s’embarque dans un bateau insubmersible en aluminium. Après la promenade à pied, au demeurant très facile, on vogue en silence pendant près de deux cents mètres sur les eaux de l’Adour hypogé, sous un plafond et entre des parois richement décorés.
- Par un éclairage indirect, chaque motif est mis en valeur. Enfin, on retrouve le couloir d’entrée presqu’au pied de l’escalier emprunté tout à l’heure et on remonte bientôt dans le parc ensoleillé.
- Au cours de nos voyages, nous avons vu des dizaines de grottes aménagées, mais nous en avons rarement trouvé d’aussi faciles à parcourir, ce qui ajoute au charme de celle-ci. Médous est certainement, à l’heure actuelle, la caverne la plus variée et la plus belle des Pyrénées; on nous croira d’autant mieux que nous n’en sommes pas l’inventeur.
- R. de Joly,
- Président de la Société Spéléologique de France.
- Nous avons emprunté pour cet article une partie de notre documentation au rapport de II. Mauras paru dans les Annales de Spéléologie (tome IV, fascicule 4, octobre 1949), aux communications verbales de M. Lépineux et à nos notes personnelles.
- L’inauguration de Médous a eu lieu le 18 novembre 1950.
- Le xénon anesthésique.
- En 1946, J. IL Lawrence et ses collaborateurs annoncèrent dans le Journal of Physiology qu’un mélange de xénon et d’hydrogène provoquait la narcose des souris qui l’inhalaient.
- On sait que les anesthésiques généraux et beaucoup de narcotiques sont plus solubles dans les graisses que dans l’eau. Hans Meyer et Overton ont proposé pour mesure de leur pouvoir leur coefficient de partage entre l’huile et l’eau. On a expliqué leur action par le fait que seuls ils pourraient pénétrer dans les centres nerveux à travers les membranes imprégnées de lipides des cellules et des fibres nerveuses. Les dosages chimiques de chloroforme, d’éther, etc., aussi bien que l’étude physiologique des effets de chacun d’eux ont appuyé cette théorie; Lapic-que et Legendre ont vu sous le microscope les gaines de myéline des nerfs gonfler sous l’action de divers anesthésiques tandis que l’excitabilité disparaissait.
- Parmi les gaz rares de l’air, le xénon est 20 fois plus soluble dans les lipides que dans l’eau, le crypton l’est 9,6 fois plus. En ig48, Lazarev, Llublina et Madasskaya ont signalé que le xénon est anesthésique et que le crypton ne l’est pas.
- Mais la théorie de Meyer et Overton ne s’applique pas rigoureusement à tous les anesthésiques et narcotiques et certains ont cherché une explication dans la structure des molécules ou leur orientation. En 1950, T. C. Butler, discutant des théories
- de l’anesthésie, s’appuya sur les expériences des auteurs russes pour penser que les gaz inertes, aux atomes parfaitement sphériques et symétriques, permettaient d’éliminer l’idée d’une action due à un groupement particulier des molécules.
- Cependant, Stuart C. Cullen et Erwin G. Gross commençaient alors une série d’expériences dont ils viennent de rendre compte dans Science (18 mai 1951). Ils employèrent une atmosphère de xénon mélangée à plus de 20 pour 100 d’oxygène, respirée en circuit fermé; l’acide carbonique provenant de la respiration était constamment fixé sur un absorbant alcalin. Ils expérimentèrent sur des souris, des rats, des lapins, puis sur des hommes et sur eux-mêmes. La narcose avec perte de conscience se produisait après quelques minutes; elle cessait presque immédiatement quand on revenait en atmosphère normale. Ils utilisèrent alors le xénon pour endormir deux patients qu’on devait opérer; cela se passa sans incidents.
- Un gaz inerte chimiquement peut donc provoquer une anesthésie complète. Sa rareté fait qu’on ne peut envisager son emploi dans la pratique, mais il est fort intéressant pour aider à parfaire les explications qu’on cherche ,des mécanismes qui suppriment temporairement la douleur. •
- R. M.
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- LES CARBURES DE MÉTAUX DURS
- leurs emplois et leur avenir
- Nous avons exposé dans un article précédent (1), les résultats remarquables obtenus par l’emploi des carbures durs dans l’usinage des métaux comportant enlèvement de matière : tournage, perçage, alésage, fraisage, rabotage, etc.
- Les opérations de découpage, d’emboutissage, de poinçonnage des métaux se font maintenant à l’aide de carbures durs; leur introduction dans les poinçons, les matrices, les moules a été l’un des progrès marquants au cours de la dernière guerre. La durée de ces pièces est de dix à cinq c.ents fois supérieure à celle des moules en acier destinés aux memes usages et si leur prix est plus élevé, ils assurent en compensation un meilleur fini des pièces, des cotes plus précises et plus régulières, un débit horaire très supérieur.
- Les poinçons en carbures débitent sans bavures des centaines de milliers de pièces avant réaffûtage. Une presse pour le perçage et la mise en forme de lames de rasoirs a pu débiter deux millions de pièces avant révision, alors que les mêmes outils en acier devaient être révisés après ioo à ia5 ooo pièces. Pendant la seconde guerre mondiale, des obus atteignant jusqu’à io5 mm de diamètre ont été façonnés sans interruption, à raison d’un à trois millions par moule en carbure contre 5o ooo pour ceux en acier. De petites pièces de tubes de radio ont été débitées jusqu’au nombre de huit millions par moule en carbure, alors que des moules en acier ne pouvaient en livrer plus de 5o à 60 ooo sans être rectifiés. On pourrait retrouver des exemples semblables dans les techniques les plus diverses : production de cylindres à gaz de haute pression, façonnage de pièces de moteurs, machines comptables, etc....
- Les pièces en carbure, pour réaliser ces performances, doivent évidemment être ajustées, rodées, polies avec soin. Cela est relativement aisé maintenant, au moyen d’un outillage devenu courant et du choix de poudres de diamant exactement calibrées par granulométrie.
- Les filières en carbure pour l’étirage de fds, de tubes, ont donné également des résultats remarquables. Elles durent au moins vingt fois plus que les filières en acier et fournissent des produits d’un fini excellent. Des fils d’acier de o,i25 mm sont couramment étirés dans de telles filières, de même que des fils de cuivre, de bronze, de tungstène. On a dépassé largement 5o mm comme diamètre des plus gros fils.
- Dans l’étirage des douilles d’obus en laiton et même en acier, on a atteint 17 cm de diamètre; actuellement, on parvient à des diamètres intérieurs de 34 cm.
- Les moules en carbures sont utilisés en métallurgie des poudres pour l’agglomération de celles-ci. On moule ainsi en blocs divers abrasifs tels que silice, alumine, corindon, siliciure de carbone, etc. On cite le cas d’une usine américaine qui utilise des moules en carbures pour l’agglomération de matériaux céra>-miques particulièrement abrasifs ; les moules en acier au chrome ne donnaient que de médiocres résultats, entraînant des frais
- 1. Les carbures de métaux durs, par L. Perruche. La Nature, n” 3189, janvier 1951, p. 23.
- d’entretien élevés, de fréquentes suspensions de production; l’emploi de moules en carbures a fait passer la production de 700 pièces à 100 ooo sans arrêt pour révision du moule.
- Le garnissage des mâchoires de massicots et de cisailles avec des plaquettes de carbure pour le découpage des métaux en feuilles donne des résultats fort intéressants; de môme,-les couteaux et les marteaux en carbure de tungstène sont utilisés dans la fabrication clés clous.
- Les propriétés exceptionnelles du carbure de tungstène trouvent leur emploi dans l’industrie mécanique de précision : barres pour alésages, paliers d’arbres cylindriques, mâchoires d’étaux, pièces de calibres, etc., et dans la construction des pièces de machines-outils : clavettes, broches, goupilles, pointes de tour, etc. Des essais sont en cours pour garnir des roulements à billes ou à rouleaux.
- Des forets garnis en carbure de tungstène sont entrés dans la pratique courante pour le perçage du verre, de la porcelaine, de la faïence, du marbre, des plastiques. Des tarières de grandes dimensions permettent de forer dans les murs des trous pour le passage des conduites d’eau, de gaz, de chauffage central et des canalisations électriques.
- L’industrie des bois améliorés (imprégnés, laminés, déroulés), a pris un grand développement et les outils au carbure ont permis de triompher de bien des difficultés d’usinage; notamment, l’emploi des « cutters » à grande vitesse a été amélioré en substituant des carbures aux aciers à coupe rapide; on doit les réaffûter moins souvent et ils peuvent travailler à 2 5oo t/m..
- La technique de la perforation des roches évolue très rapidement. Le progrès le plus important qui a son origine en Suède est certainement l’emploi de fleurets de mines avec taillant en carbure. Ceux-ci supplanteront les anciens fleurets pour le tra= vail en roches dures. Leur résistance à l’usure est très supérieure à celle des taillants en acier, même à des vitesses de forage plus élevées ; la profondeur de perforation est parfois cent fois plus grande qu’avec un taillant ordinaire en acier et ne nécessite que quelques réaffûtages. Le transport de l’outillage est simplifié puisqu’un ouvrier peut s’approvisionner de 4 à 5 fleurets au lieu de 80. En contre-partie de leur dureté, les taillants au carbure de tungstène présentent parfois une certaine fragilité.
- Des rapports ont été publiés, notamment dans les bulletins d’informations techniques des Charbonnages de France (x) sur des essais comparatifs exécutés avec des fleurets à taillant en carbure et dès fleurets en acier. Ces nouvelles méthodes de perforation minière se sont développées largement en Suède et aux Etats-Unis et s’étendent maintenant en France; elles apportent aux exploitations et aux ouvriers une importante simplification du travail.
- Les carbures de métaux durs ont également trouvé leur place dans les couronnes des sondages rotatifs.
- Fig. 2. — Tête'de fleuret
- 1. Bulletin, n" 11, décembre 1946, à taillant en carbure de 1" juin 1950. tungstène.
- Fig. 1. — Filière à noyau en carbure de tungstène serti dans un manchon d’acier.
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- Celles-ci permettent de découper des cylindres ou carottes des roches traversées et de les remonter pour obtenir des coupes géologiques du plus haut intérêt pour les recherches de pétrole, l’exploration des gîtes minéraux, les captages d’eau, etc. Les couronnes agissent par rodage du terrain. Les cylindres découpés sont arrachés à l’aide d’un tube caroltier muni d’un ressort de coinçage. Pour les roches tendres, on ufilise des couronnes dentées; on en a établi dont les dents sont des prismes de carbure sertis dans un support cylindrique en acier. Pour les roches dures, on a recours aux couronnes garnies de être sertis dans des alvéoles pratiquées dans la couronne en acier dur.
- On préfère les noyer maintenant dans du cuivre nu béryllium ou mieux encore dans des carbures de métaux durs frittés. Ceux-ci, par suite de leur dureté, prolongent la durée de l’outil. Ces couronnes sont établies de tailles très différentes, de un à seize pouces de diamètre (a,5 à /jo cm).
- Au cours de ces dernières années, le carbure de tungstène a encore apporté une solution satisfaisante à la production intensive des rubans métalliques, depuis que les techniciens se sont aperçu de l’avantage considérable d’établir en carbures de métaux durs les cylindres de laminoirs. Après s’être imposés dans les filières d’étirage des fils métalliques, les carbures de métaux durs ont pris place dans l’équipement moderne du laminage à froid des fils métalliques pour les transformer en rubans; ils ont permis de faire face à la demande croissante de ces rubans, exigée en particulier par le développement de la fabrication des radio-tubes et des multiples appareils électroniques. Ceux-ci consomment des rubans de nickel, d’acier inoxy= dable et d’autres alliages de haute résistance mécanique; les tolérances d’épaisseur sont de l’ordre de ±0,0026 mm, ce qui nécessitait de très fréquents réglages de l’écartement des cylindres de laminoirs, source de dépenses, de main-d’œuvre et d'an-rets de production. On employa d’abord des cylindres en aciers durs; sous la forte pression nécessaire, ils étaient vite endommagés et rayés et les rubans perdaient le brillant de leur surface; il fallait donc rectifier, les cylindres tous les huit à dix jours, quand on travaillait sur fil de nickel. Le placage des aciers durs au chrome permit de doubler la durée d’emploi. La solution définitive intervint sous forme de manchons de carbures forcés à la presse sur cylindres d’acier. De tels laminoirs fonctionnent de 3o à 5o fois plus longtemps. Les manchons de carbure brut sont rectifiés à la meule diamant sur la machine même, puis polis avec cle la poudre de diamant en suspension dans l’huile d’olive imprégnant des tissus de laine.
- La dilatation thermique du carbure est environ moitié de celle de l’acier; pour éviter le fissurage du manchon, la température des cylindres doit être contrôlée automatiquement pendant l’usage. De tels laminoirs ont pour avantage essentiel leur durée
- Fig. 3. — Taillant en croix à quatre dents en carbure de tungstène.
- diamants, ceux-ci pouvant
- d’emploi sans rectification; un autre est qu’ils supportent de plus grandes vitesses pouvant atteindre 4oo m/min pour des métaux ductiles. La vitesse est réglée en fonction de la dureté du métal laminé. Celui-ci est très varié : or, argent, cuivre plaqué argent, nickel plaqué cuivre, nickel plaqué acier, bronzes phosphoreux, acier inoxydable, nickel, métal invar, cuivres au béryllium, métal Monel, nichrome, laitons, aciers, tantale, molybdène, cfc.
- Les tolérances de cote sont parfaitement observées; la finition est excellente et rend inutile le polissage ultérieur des rubans. Tous ces avantages compensent largement le coût d’acquisition plus élevé.
- La résistance à l’usure des carbures de métaux durs leur a également valu des débouchés dans l’industrie textile pour les guide-fils et toutes les pièces soumises au frottement des fils. La durée des bagues de guidage en carbure est 5o fois supérieure à celle des bagues en acier. Celte résistance à l’abrasion jointe à l’insensibilité à certains réactifs chimiques permet d’utiliser les carbures pour le filage des pâles de textiles synthétiques.
- Certaines pièces de machines comptables dont l’usure était rapide sous les frottements du carton et du papier ont été avantageusement établies en carbure.
- Pour les mêmes raisons, ces produits sont entrés dans la construction de machines frigorifiques, de pompes, de robinets, de soupapes.
- Dans l’appareillage électrique, pour les communications télé= graphiques par exemple, les contacts électriques aux carbures offrent une résistance remarquable.
- Pour le broyage de certaines matières, on utilise également des boulets en carbures frittés. Ils ont l’avantage d’augmenter la capacité de broyage et d’être d’une durée pratiquement indéfinie; en outre, ils n’introduisent pas dans les produits de particules de fer, ce qui est important pour les matières premières céramiques destinées aux isolants électriques.
- Les carbures de métaux durs interviennent également en mécanique de précision, en particulier dans les appareils de mesure et de contrôle. Un calibre établi dans les qualités ordinaires n’assure que 1 000 à 1 5oo vérifications. Un calibre en carbure de tungstène en assure, dans les mêmes conditions, 100 000 à 200 000, réduisant l’opération à un prix infime et donnant aux cotes des pièces une précision encore jamais atteinte. L’emploi de ces calibres, devenu général aux États-Unis, se développe maintenant dans tous les pays.
- Le carbure de tungstène, fondu au four électrique et coulé, a une résistance à l’usure dépassant celle des carbures frittés; les buses de sablage en carbure de tungstène coulé constituent un très important progrès sur celles en fonte, en aciers spéciaux, etc. Une buse de fonte dure d’une à quatre heures suivant les pressions et l’abrasif utilisés; une buse en carbure, dans les mêmes conditions, dure de 800 à 1 000 h, économisant au surplus le temps perdu pour le changement de buse. L’absence d’usure procure également une réduction sensible de la consommation d’air comprimé, le diamètre restant plus constant. Le sablage est, pour les carbures, un important débouché car il se développe dans de nombreuses industries : nettoyage des moules et des pièces de fonderie, des moules des usines de caoutchouc et des biscuiteries, décapage des surfaces clans les ateliers de mécanique, la verrerie, le bâtiment, l’ameublement, la construction navale; on lui trouve une foule d’applications.
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- Après avoir conquis la dureté, la technique recherche une autre propriété devenue d'intérêt majeur par suite du développement des moteurs à réaction, des turbines à gaz, des projectiles radioguidés : la résistance et la stabilité à haute température.
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- Le carbure de tungstène CW est stable jusqu’aux environs de 2 4oo°, mais les carbures frittés ne semblent pas devoir prendre place parmi les matériaux résistant aux hautes températures, car la présence de liant les prédispose au fluage. Seul le carbure de titane semble devoir se faire une place parmi les matériaux réfractaires. Par contre, le carbure de tungstène coulé peut trouver certains emplois pour les tuyères et diverses utilisations analogues. Il a contre lui sa densité élevée et, sous cette forme, sa fragilité qui en rend l’usinage difficile.
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- Il y a quelques années, la préparation du tungstène métal et des carbures n’absorbait que io pour ioo du wolfram produit dans le monde. Elle dépasse actuellement 36 pour ioo aux États-Unis et 3o pour ioo dans le monde, estime-t on. Le reste passe dans les aciers spéciaux. L’introduction du tungstène dans les aciers se fait sous forme de ferro-tungstène contenant de 76 à 85 pour 100 de ce dernier métal ; on le prépare par réduction du wolfram au four électrique ou par voie thermochimique : réduction par l’aluminium, le silicium, etc. On commence aussi à employer le tungstène en poudre.
- Toutes les industries consommatrices de tungstène sont en progression et le développement exponentiel des techniques lui assure un avenir plein de promesses.
- La chimie organique a préparé par dizaines de milliers des corps qui n’existent pas dans la nature; elle a reproduit par synthèse des produits biologiques très complexes, des antibio-
- Figr. 5. — Couronne de sondage.
- A gauche, diamants en carbure de tungstène fritté ; à droite, couronne à dents de carbure de tungstène.
- tiques, des hormones, des vitamines. La synthèse des métaux n’a pas été réalisée.
- Les réacteurs nucléaires de Hahford, les cyclotrons monstres ont permis la transmutation d’éléments et la création d’isotopes en quantités infimes. Ce que nous savons actuellement de physique et de chimie atomiques ne permet pas de penser que les métaux naturels puissent être concurrencés par la synthèse datis un proche avenir. Les métaux peu communs comme le tungstène sont donc encore assurés d’une longue et brillante carrière économique et technique.
- Lucien Perruche, Docteur de l’Université de Paris.
- Obtention de grands
- On sait que Curie a découvert les propriétés piézo-électriques des cristaux de quartz. Celles-ci ont trouvé de multiples applications, notamment dans les émetteurs et les récepteurs d’ultrasons employés pour les sondages en mer, l’écoute sous-marine, le dépistage des bancs de poissons, etc., et aussi pour la stabilisation des émissions radio-électriques, si bien que les cristaux de quartz purs, transparents, sans défauts, sont aujourd’hui très recherchés. On a utilisé tous les beaux échantillons de cristal de roche disponibles, on a intensifié l’exploitation des gisements connus, et malgré tout, les besoins sont devenus tels qu’ils sont difficilement satisfaits.
- Aussi, cherche-t-on depuis longtemps le moyen de réaliser , des cristaux artificiels, de taille suffisante pour être taillés en plaques dont les faces soient parallèles aux plans de cristallisation. Il semble bien qu’on arrive maintenant au but, à en juger par une note récemment parue dans Nature, de Londres, sous les signatures de C. S. BroAvn, R. C. Kell et L. A. Thomas, des Research Laboratories de la General Electric C°, de Mme Nora Wooster et de W. A. Wooster, du Cristallographie Laboratory de Cambridge.
- Déjà dès 1906, G. Spezia avait essayé de grossir des cristaux de quartz en plaçant des germes au fond d’un bain de silice amorphe, dans un autoclave chauffé à sa partie supérieure. Depuis, les essais furent multipliés un peu partout dans cette voie. Pendant la dernière guerre, les recherches s’intensifièi’ent aux États-Unis et en Grande-Bretagne comme en Allemagne pour obtenir à volonté des cristaux de taille suffisante pour servir dans les oscillateurs piézo-électriques employés pour les télécommunications et l’écoute sous-marine. En Allemagne, Nacken, en Angleterre, Nora et W. A. Wooster cherchèrent
- t
- cristaux de quartz.
- indépendamment dans la voie ouverte par Spezia. Ils placèrent de petits cristaux naturels de quartz, bien formés et réguliers, dans un bain de silice amorphe maintenu sous pression, à température élevée et constante, dans les conditions hydrothermales supposées des gîtes minéraux. Généralement, les cristaux grandissaient lentement, mais au delà d’un jour, la silice se dévitrifiait et les cristaux devenaient imparfaits. Aux États-Unis, D. R. Ilale d’une part, A. C. Walker et E. Ben’tler, d’autre part, réussirent mieux avec des cristaux germes préalablement taillés, coiffés de leur pointe pyramidale, soumis à température croissante.
- L’équipe anglaise que nous avons citée, Brown, Kell, Thomas et les deux Wooster, persévérant dans ses recherches, a fini par opérer dans un autoclave chargé d’une solution de carbonate de soude où baignent des cristaux réguliers et de la poudre de quartz finement pilée. La température est maintenue à o6o°-4oo° C., la pression entre 1 000 et 2 000 atmosphères, pendant plusieurs semaines ou même un mois. Dans ces conditions, ils ont obtenu des croissances de germes atteignant o,5 mm par jour sur chaque face. Un cristal naturel de 2 g devint un cristal synthétique de i5 g; son axe qui n’était que de 2 mm atteignit 16 mm de long et la photographie qu’ils donnent d’un de leurs échantillons montre une parfaite transparence, sans inclusions ni défauts.
- Comparés aux plus beaux cristaux naturels du Brésil par différentes méthodes physiques, les nouveaux cristaux synthétiques ont le même indice de réfraction, la même structure spectrale aux rayons X et la même qualité d’oscillation.
- La difficile question du ravitaillement en quartz piézo-électriques paraît donc résolue.
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- D’étranges Insectes Homoptères :
- Les Membracides
- Un traité étendu, très illustré, comme l’est le Traité de Zoologie du professeur Grassé (x) offre l’occasion de voir défiler, en le feuilletant, bien des bêtes vivantes du monde, non seulement les grosses, les supérieures que chacun connaît et reconnaît, mais aussi un bien plus grand nombre de petites, d’inférieures, que l’on ne cherche pas souvent à observer et que seuls les spécialistes savent chasser et déterminer.
- Regardons, par exemple, les Insectes, puisque le tome X qui vient de paraître, ajouté au tome IX sorti des presses il y a deux ans, donne une vue détaillée de ce monde extraordinaire dont le nombre des individus dépasse celui de tous ceux des autres classes du monde animal et dont le nombre des espèces connues est supérieur à un million.
- Cela fait un ensemble d’une telle diversité que la classification
- 1. Pierre P. Grasse. Traité de zoologie. Tome IX, Insectes : paléontologie, géonémie, insectes intérieurs et Coléoptères, 1 vol. in-8°, 1949 : broché, 4 000 francs ; relié, 4 500 francs ; tome X, Insectes supérieurs, 2 vol. in-8°, 1951, avec nombreuses figures en noir et en couleurs. Masson et C10, éditeurs, Paris. Prix : brochés, 6 000 francs ; reliés, 6 500 francs chacun.
- en est bien difficile et ne parvient pas encore à être définitive. Certains groupes sont assez aisés à reconnaître et Linné avait déjà créé une série d’ordres d’après le nombre des ailes et leurs caractères :
- Coléoptères, à 4 ailes, les antérieures (ou élytres) servant d’étui aux postérieures repliées; Orthoptères, à 4 ailes droites; Hémiptères, à 4 ailes, les antérieures à demi coriaces; Lépidoptères, à 4 ailes couvertes d’écailles; Neuroptè-res, à 4 ailes présentant de grandes nervures; Hyménoptères, à 4 ailes membraneuses; Diptères, à i ailes; Thysano-ptères, à 4 ailes, plumeuses, souvent absentes; Aptères, sans ailes.
- Ce système très simple, commode pour certains grands groupes, avait de multiples défauts. Il rapprochait des types souvent très différents, sans parler des Aptères où Linné réunissait puces, poux, termites, araignées, crustacés, myriapodes, que Lamarck sépara; il rassemblait, par exemple, dans les Neu-roptères les Fourmis-lions à métamorphoses complètes et les Libellules à métamorphoses incomplètes. Il ignorait de nombreuses formes, surtout des plus petites, qui n’entraient pas dans le tableau des ordres; enfin, il ne tenait pas compte de la phylogénie et de l’évolution.
- Après bien des tentatives qu’il est devenu peu utile de rappeler, ce n’est qu’en i885 que Brauer proposa une classification plus naturelle, et depuis les efforts se sont succédé vers un ordonnancement toujours plus rationnel, jusqu’à la conception de Martvnov, proposée en ig38, revisée par Jeannel en 1945 et exposée par ce dernier dans le Traité de Zoologie.
- Les Insectes groupent aujourd’hui les Arthrôpodes aériens, respirant au moyen de trachées, dont le corps présente trois parties distinctes : une tête munie d’antennes, un thorax formé de trois segments portant chacun une paire de pattes, et un abdomen sans appendices locomoteurs. Les plus primitifs, sans ailes, sans métamorphoses, forment la sous-classe des Aptérygotes; les autres sont des Ptérygotes.
- Ces derniers sont divisés en quatre sections : les Paléoptères, aux ailes non repliables, la plupart fossiles, représentés actuellement par les Éphémères et les Libellules;
- les Polynéopières, groupant les Blattes, les Mantes, les Termites, les Orthoptères, les Forficules, aux ailes nervurées, aux métamorphoses incomplètes, aux néphridies nombreuses;
- les Oligonéoptères, aux ailes pourvues d’une seule nervure, aux métamorphoses complètes, aux tubes de Malpighi peu nombreux, où l’on rassemble les Coléoptères, les Névroptères, les Lépidoptères, les Diptères et ordres voisins, les Hyménoptères, les Siphonaptères ;
- Fig. 1. — Trois des espèces françaises de Membracides, vues de profil, de dos et de face.
- A, B, G, Centrotus cornutus ; D, E, F, Ceresa bubalus ; G, II, I, Gargara genistae.
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- les Paranéoptères aux métamorphoses incomplètes, aux ailes dont le champ postérieur peu étendu est soutenu par une seule nervure, ramifiée à son extrémité; on y place les Psocoptères (Psoques, Mallophages, Poux), les Thysanoptères, les Homoptè-res (Cigales, Pucerons, Phylloxéra, Cochenilles) et les Ilétérop-res (Punaises, Hydromètres, Népcs, Notonectes).
- Les deux derniers ordres sont souvent réunis en un super-ordre, celui des Iiémiptéroïdds, dont on connaît environ 4o ooo espèces. 11 groupe des Insectes d’apparences très diverses, de milieux très variés, de tailles allant de quelques millimètres à plus de i5 cm chez les Fulgores des pays chauds. Mais tous ont deux caractères particuliers : la bouche est transformée en une trompe limitée par deux stylets rostraux, si bien que l’alimentation se fait par piqûre et succion; le développement a lieu sans métamorphoses, par une série de mues au cours desquelles les formes de l’adulte apparaissent progressivement.
- Comme leurs noms l’indiquent, les Homoptères ont leurs quatre ailes membraneuses inclinées en toit et ne se croisant pas, les Iiétéroptères ont leurs ailes antérieures en partie chitini-sées ; au repos, les ailes sont à plat et se croisent à l’extrémité.
- M. Paul Pesson, qui connaît bien les Homoptères et leur a consacré un chapitre riche de faits dans le Traité de Zoologie, distingue six sous-ordres :
- les Peloridinea, représentés par quelques espèces de Tasmanie, de Nouvelle-Zélande et d’Amérique du Sud, encore assez mal connues, sont très primitifs et peuvent former le passage des Iloméoptères aux Iiétéroptères;
- les Cicadinea (Cicadaires ou Àuchénorhynques) ont des antennes très particulières formées de deux courts articles globuleux surmontés d’un fouet rigide et des ailes à nombreuses nervures;
- les autres sous-ordres sont les Psyllinea (Psylles), les Aleuro-dinea, les Aphidinea (Pucerons) et les Coccinea (Cochenilles), souvent réunis sous le nom de Sternorhynques pour être opposés aux Cicadinea.
- Ne pouvant entreprendre ici l’étude de tous ces groupes dont certains sont de grande importance agricole par les dégâts qu’ils commettent, tels les Pucerons et les Cochenilles ou Coccidies, nous continuerons de suivre la systématique jusqu’à la connaissance d’un seul d’entre eux pour donner à l’amateur d’entomologie une idée de la complexité et de la précision actuelle de la classification.
- Le sous-ordre des Cicadinea est donc à son tour divisé en quatre super-familles, qui ont toutes des représentants en Fraqce. Ce sont les Cicadoidea ou Cigales, les Cercopoidea dont les larves vivent dans un amas spumeux qu’elles excrètent sur les tiges, les Jassoidea ou Cicadelles, les Membracoidea aux protubérances frontales souvent étranges, que certains opposent à une cinquième super-famille, celle des Fulgoroidea, dont certaines espèces tropicales de grandes tailles ont un appendice céphalique volumineux, difforme, parfois rempli de bactéries lumineuses, d’où le nom vulgaire de porte-lanternes qu’on leur donne.
- La super-famille des Membracoidea comprend une famille assez abondante, celle des Membracidæ, et quelques autres petites que certains considèrent comme indiquant des affinités avec les\ Cicadelles.
- On connaît environ 2 5oo espèces de Membracides dans le monde entier, dont la moitié vit dans les régions tropicales de l’Amérique du Sud. D’autres ont été trouvées en Australie, aux Indes, en Éthiopie. Plus au nord, on a signalé une cinquantaine de genres dont quatre vivent en France.
- Ceux-ci sont de petits insectes dénommés Centrotus cornutus, Gargara genistæ, Acanthophyes chloroticus et Ceresa bubalas (fig. 1). Les trois premiers semblent venus anciennement de l’Inde; le dernier, d’origine américaine, est d’importation récente.
- Tous ont la tête ornée de crêtes, d’épines, de bosses et semblent ainsi plus ou moins cornus. Leur aspect est vraiment inhabituel, qu’on les regarde de dos, de face ou de profil. Centrotus, déjà connu de Linné, a une corne ondulée dorsale presque aussi longue que le corps et deux cornes latérales plus larges que le reste du corps. Cerisa, vu de face, a une silhouette pentagonale dressée au-dessus de la tète.
- Ces ornementations des espèces nordiques 11e sont rien à côté de celles des espèces tropicales (fig. 2) : véritable tige céphalique dressée verticalement, puis recourbée vers l’arrière, parfois beaucoup plus longue que l’insecte, et chez certains, épines latérales, renflées en boules, poilues, dont on chercherait bien en vain l’utilité probable.
- Les Membracides vivent le plus souvent sur les arbres, ou tout au moins y vont pondre. Les larves, dès leur éclosion, se
- Figr. 2. — Quelques espèces tropicales de formes plus extraordinaires.
- A., Bocydium ; B, Cyphonid ; C et D, Spongophorus (d’après Millon, selon H. Weber).
- transportent sur des plantes herbacées plus tendres, par exemple des Légumineuses. Les femelles ne pondent généralement qu’une fois par an, en été; elles fendent l’écorce avec leur oviscapte et déposent leurs œufs, assez peu nombreux, à droite et à gauche de la fente qu’elles bouchent ensuite d’une sécrétion cireuse. D’autres espèces pondent sous les écailles des bourgeons, les Tragopa choisissent les pédoncules floraux et les jeunes fruits des cacaoyers auxquels ils sont ainsi nuisibles; d’autres préfèrent les feuilles ou les racines d’autres plantes.
- Les œufs éclosent au printemps suivant et il en sort des larves assez hirsutes d’aspect, à épines branchues dorsales; elles muent cinq fois avant de perdre leurs épines larvaires, tandis que se développent les ornements céphaliques adultes. Le développement a lieu sans métamorphoses, comme chez tous les Hémipté-roïdes.
- Cet article n’a d’autre prétention que de donner un exemple du mode actuel de classification des Insectes, à propos d’une des familles dont les formes extraordinaires peuvent fournir, croyons-nous, les plus troublants sujets de méditation sur l’adaptation biologique.
- René Merle.
- Les figures illustrant cet article sont empruntées au tome X du Traité de zoologie du professeur Grasse.
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- SOURCES MODERNES D'ÉCLAIRAGE
- Le plus grand progrès réalisé dans le domaine de l’éclairage, depuis la découverte de la lampe à incandescence électrique, est certainement la mise au point du tube fluorescent à basse tension. Avant d’en décrire le fonctionnement et d’en donner les caractéristiques essentielles, il nous semble indispensable de rappeler quelques données générales sur les radiations lumineuses et sur les modes d’éclairage antérieurs. C’est seulement en possession de ces éléments que le lecteur pourra comprendre l’importance et l’ampleur de cette découverte dont l’application commerciale, toute récente, bouleversera l’avenir de l’éclairage.
- Nature des radiations lumineuses. — La lumière est due à un rayonnement électromagnétique qui se propage dans le vide (et en première approximation dans l’air) avec une vitesse dont la valeur est une des constantes essentielles de la physique moderne :
- C = 3oo ooo km par seconde
- L’origine de ce rayonnement est dans les constituants de la matière elle-même : les atomes. Nous savons, depuis la théorie
- relativiste d’Einstein (1905), que la matière peut se transformer en énergie, et vice-versa, dans un rapport bien déterminé. Si la masse mise en jeu par les sources artificielles est excessivement faible et inclécelable, dans le monde stellaire le Soleil, par exemple, use chaque seconde 4 millions de tonnes de sa propre substance pour rayonner dans l’univers !
- Le rayonnement lumineux est généralement constitué par la superposition de radiations bien définies dont la longueur d’onde X et la fréquence v sont liées par la relation :
- l = C/v
- C étant toujours la vitesse de la lumière.
- A chaque longueur d’onde comprise entre 4 000 et 8 000 Â (x) correspond une couleur et, pour cette raison, chaque radiation élémentaire est dite monochromatique. Hors de cet intervalle, les radiations sont invisibles pour l’œil humain : au delà, le rayonnement infra-rouge découvert par W. Herschell et, en deçà, le rayonnement ultra-violet décelable par ses effets photo-chimiques intenses.
- La couleur n’est pas une caractéristique objective d’une radiation lumineuse; mais chaque fréquence, dans le domaine précédemment défini, impressionne différemment les cellules rétiniennes et le message transmis est interprété par le cerveau comme une couleur. Dans le monde matériel, la couleur n’existe pas, il n’y a qu’un mouvement vibratoire plus ou moins rapide.
- 1. 1 Angstrom = 1/10 000 000 de millimètre.
- Unités photométriques. — La comparaison des diverses sources lumineuses a rendu nécessaire la définition - d’unités photométriques.
- a) Intensité lumineuse. — L’unité correspondante est la bougie décimale, c’est l’intensité du rayonnement d’un élément de corps noir (x) ayant une surface de 1,66 mm2, placé à la température de solidification du platine. Cette valeur n’est pas totalement arbitraire, elle a été choisie voisine de l’intensité des lampes à flamme étalons antérieures.
- b) Flux lumineux. — Soit une source ayant une intensité de 1 bougie, placée au centre S d’une sphère fictive de 1 m de rayon. Considérons un cône de centre S dont l’ouverture est telle qu’il découpe, une surface de 1 m2 sur la sphère précédente. Par définition, la fraction d’énergie lumineuse rayonnée dans le cône est égale à 1 lumen.
- c) Eclairement. — Si l’on considère une surface quelconque de 1 m2 recevant un flux lumineux de 1 lumen uniformément réparti, on dit, par définition, que l’éclairement de cette surface est égal à 1 lux.
- Les sources lumineuses artificielles peuvent se classer en deux grandes familles, car elles résultent de l’utilisation de deux phénomènes très différents : Vincandescence et la décharge électrique dans les gaz.
- Comme nous nous le sommes proposé au début de cette étude, nous examinerons plus complètement l’étude de la décharge électrique dans les gaz, phénomène auquel est lié le principe même du tube lumineux fluorescent.
- Rayonnement par incandescence.
- Tout corps dont la température est supérieure au zéro absolu ou Kelvin (— 273° centigrades) rayonne de l’énergie. Ce rayonnement devient visible vers 5oo C; de rouge sombre à cette température, il tend vers le rouge clair (8oo° C), le jaune (x ooo0 C), le blanc (1 5oo° C) et enfin le bleu (cas de certaines étoiles).
- Si l’on décompose un tel rayonnement au moyen d’un prisme, on constate qu’il est dû à la superposition d’une infinité de radiations monochromatiques couvrant tout un domaine dans le visible et même l’infra-rouge ou l’ultra-violet. Elles forment un spectre continu et la répartition spectrale «de l’énergie est fonction de la température de la source.
- Trois lois régissent le rayonnement par incandescence :
- Loi de Stéfan. — L’énergie totale rayonnée W est proportionnelle à la quatrième puissance de la température absolue T de la source lumineuse :
- VV = KT4
- La puissance rayonnée croît très rapidement avec T ; lorsque la température double, la puissance W est augmentée dans le rapport de 1 à 8.
- Loi de Planck. — A une température déterminée, la répartition de l’énergie rayonnée en fonction de la longueur d’onde se représente au moyen d’une courbe en cloche (fig. 1). Cette courbe présente un maximum pour une longueur d’onde }jn.
- Loi de Wien. — Lorsque la température s’élève, le maximum de la courbe de Planck se déplace vers les courtes longueurs d’onde (bleu et ultra-violet) suivant la relation :
- km. T = constante.
- 1. On appelle « corps noir », un corps qui est susceptible d’absorber la totalité des radiations qu’il émet.
- Fig. 1. — Représentation de la loi ' de Planck.
- L’énergie rayonnée VV est fonction de la longueur d’onde À. Elle est maximum on X'a.
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- Cette loi explique le changement de coloration observé lors d’un accroissement de température. Pour toutes les sources terrestres artificielles, le maximum d’énergie rayonnée reste situé dans l’infra-rouge ; dans le cas du Soleil, ce maximum est situé dans le jaune où l’œil possède le maximum de sensibilité.
- Lampes à flamme. — Les premières sources lumineuses ont été les flammes éclairantes. Dans de telles flammes, la lumière est due à l’incandescence de fines particules de carbone non brûlé (en suspension dans la flamme). La combustion doit donc être incomplète et la température des gaz est, de ce fait, assez basse : il est impossible d’obtenir un bon rendement lumineux.
- La découverte du manchon Auer a permis d’utiliser une température plus élevée obtenue par combustion totale des gaz; les particules de carbone sont alors remplacées par un mélange de sels alcalino-terreux imprégnant un support très léger suspendu dans la flamme. En outre, les oxydes de thorium et de cérium qui recouvrent le manchon s’écartent exceptionnellement de la loi de Planck et rayonnent plus sélectivement dans le visible. Pour ces deux raisons, il y a accroissement notable de l’efficacité lumineuse.
- Lampes à incandescence électrique. — Tout fd conducteur parcouru par un courant électrique s’échauffe suivant la loi de Joule.
- Un équilibre thermique s’établit lorsque la quantité de chaleur fournie par le courant est égale aux pertes par rayonnement, convection et conduction.
- Les premières lampes à incandescence électrique ont été réalisées au moyen d’un filament de carbone placé dans le vide afin de supprimer les phé-aomènes d’oxydation dus à l’oxygène de l’air (lampe d’Edison). La température était cependant limitée (i 8oo° K) par la vaporisation du carbone qui aboutit à la destruction du filament et au noircisssement de l’ampoule de verre.
- Après quelques améliorations obtenues grâce aux filaments de tantale et d’osmium, la technique s’est orientée définitivement vers le filament de tungstène dès que la métallurgie de ce métal a permis d’obtenir des fils fins suffisamment tenaces.
- Des améliorations successives ont été apportées dont on peut résumer ainsi les différentes étapes :
- a) Remplissage des lampes au moyen d’azote entraînant une diminution de la Araporisation du tungstène;
- b) Utilisation d’un filament en spirale, puis en double spirale conduisant à une diminution des pertes par convection. Ces pertes, dues aux courants ascendants'de gaz chauds, diminuent, en effet, si le diamètre de l’élément chauffant croît;
- c) Remplacement de l’azote par l’argon, puis par le krypton; les molécules plus grosses de ces gaz s’opposant plus efficacement aux mouvements de convection.
- Mais, en dépit de ces perfectionnements, la limite ultime est la température de fusion du tungstène et, en pratique, celle où le filament devient trop déformable. Toutes choses égales, une lampe de forte puissance, ayant un filament plus gros, permet une température de fonctionnement plus élevée. On admet par exemple :
- 2 58o° K pour 25 W et no V
- 2 8oo° K. » ioo W »
- 2 goo° K » i ooo W »
- Fig. 2. — Décharge luminescente dans un tube à vide.
- Pour la même raison, à puissance égale, une lampe dé faible voltage supporte une température de fonctionnement plus élevée : l’efficacité d’une lampe de 4o W sera donc plus élevée en no Y qu’en 220 Y.
- Voici un tableau du rendement (x) des principales sources
- d éclairage par incandescence :
- Lampe à pétrole..............
- Bec à acétylène .............
- Bec papillon à gaz...........
- Manchon Auer ................
- Gaz sous pression ...........
- Lampe à filament de carbone.
- Lampe à filament de tungstène (pour 4o W) ..............
- 0,26 lumcns/W 0,7 »
- 1 »
- 1.3 »
- 8' »
- 3.3 a
- dans le vide.. 8 lumens/W dans l’azote 10 »
- dans l’argon .11 »
- Décharge électrique dans les gaz.
- Si l’on établit entre deux électrodes conductrices une différence de potentiel suffisante, il y a passage du courant électrique entre elles. Le régime peut être temporaire ou permanent et l’amorçage de la décharge spontané ou provoqué par des conditions spéciales (mise en contact préalable des électrodes, ionisation du gaz situé entre les électrodes).
- Laissons en dehors de cette étude l’arc électrique classique éclatant dans l’air entre deux électrodes mises préalablement au contact, puis légèrement écartées. Les radiations lumineuses de cette source sont dues en majeure partie au rayonnement du cratère qui atteint une température très élevée créant une source rayonnant par incandescence. L’efficacité lumineuse d’un arc entre charbons atteint i5 lumens par watt, mais les baguettes de carbone s’usent rapidement, nécessitant l’installation de mécanismes régulateurs.
- Décharge luminescente. — Considérons deux électrodes métalliques placées à chacune des extrémités d’un tube de verre rempli d’un gaz sous une pression très faible (de l’ordre du millimètre de mercure). Si l’on fait croître progressivement la tension appliquée entre les électrodes, il y a amorçage spontané d’une décharge luminescente. La luminosité du tube n’est pas homogène; à partir de l’électrode négative (ou cathode), on distingue : une lueur cathodique, un espace obscur dit de Crookes, la lumière négative, un second espace obscur dit de Faraday et, enfin, la colonne positive qui peut occuper la presque totalité du tube dans certaines conditions (fig. 2).
- Ce phénomène a donné naissance aux tubes de Geissler, puis aux tubes au néon que l’on observe sur de nombreuses enseignes publicitaires. Ces tubes nécessitent des tensions très élevées (700 Y par mètre pour un tube au néon de i5 mm de diamètre) ; ils donnent en outre une lumière fortement colorée et sont impropres à l’éclairage intérieur ou même extérieur. L’intensité du courant électrique qui >es parcourt est très faible et de l’ordre de quelques milliampères.
- La cause du rayonnement lumineux n’est plus l’élévation de la température, mais un phénomène physique très différent, Vélectroluminescence. Essayons d’en expliquer le principe.
- 1. Rapport de l’énergie lumineuse rayonnée exprimée en lumens à la puissance totale consommée exprimée en watts.
- Fig. 3. — Déplacements des électrons e sur les orbites a, b, c dans un atome.
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- = 268 -............................ -........—....... =
- Nous savons que le gaz remplissant le tube de verre, ainsi que tous les éléments matériels, est constitué par une infinité d’atomes. Il est commode de se représenter chacun d’eux comme la réduction d’un système planétaire : un noyau central dense,
- chargé positivement, et des électrons négatifs tournant sur des orbites circulaires (représentation de Bohr). Les trajectoires des électrons sont rigoureusement définies par les conditions d’équilibre du système atomique.
- Dans les métaux, en outre, les électrons périphériques sont très faiblement liés à l’atome et leurs déplacements, dans les espaces interatomiques, assurent le passage du courant électrique.
- A partir de ces données, nous pouvons expliquer simplement le mécanisme de la décharge luminescente. La différence de potentiel appliquée entre les électrodes crée à l’intérieur du tube un champ électrique qui tend à arracher les électrons de la cathode pour les projeter sur l’anode. La décharge s’amorce lorsque ce champ est susceptible de vaincre le travail d’extraction. Ces particules atteignent une grande vitesse du fait de l’accélération intense à laquelle elles sont soumises et du vide relatif qui règne dans le tube. Lors des collisions qui se produisent, il y a arrachement des électrons périphériques des atomes du milieu gazeux traversé. Un électron saute alors sur une orbite plus extérieure correspondant à un niveau d’énergie plus élevé : l’atome est excité. Mais le nouvel équilibre est instable et au bout d’un temps très court (un cent-millionième de seconde en moyenne) l’électron retombe sur sa trajêctoire initiale en libérant son énergie excédentaire AW en une radiation de fréquence v (fig. 3). Les valeurs de AW et v sont liées par la relation :
- V' ya J ^ c
- A C
- Fig. 4. — Variation du potentiel V entre l’anode A et la cathode C d’un tube luminescent.
- AW = h. y
- (h — constante de Planck).
- L’énergie AW varie de façon discontinue (sauts d’un électron entre des trajectoires bien définies) ; le spectre lumineux sera donc formé par la juxtaposition de raies. Suivant la valeur de AW, la raie émise sera située dans le domaine visible, l’infrarouge ou l’ultra-violet.
- Décharge en régime d’arc. — Si nous étudions la courbe donnant la répartition du potentiel à l’intérieur d’un tube luminescent, nous constatons que la chute de potentiel maxima a lieu au voisinage immédiat de la cathode (fig. 4). De ce fait, il est nécessaire d’alimenter le tube sous haute tension et l’énergie perdue dans cette zone non productrice de lumière est considérable.
- On appelle régime d’arc un mode de décharge dans lequel les chutes cathodiques sont environ dix fois plus faibles que dans la décharge luminescente. Les intensités sont généralement plus élevées, d’où la dénomination d’arc. On obtient ainsi un accroissement important du rendement lumineux. L’abaissement de la chute cathodique est dû à l’émission d’électrons dans la zone cathodique, par un moyen autre que celui qui intervient dans la décharge luminescente, à savoir :
- a) émission thermoionique par un fdament chauffé au blanc;
- b) cathodes émissives émettant des électrons sous un faible chauffage.
- Les cathodes émissives sont généralement employées ; elles libèrent de nombreux électrons à faible température et résistent mieux au bombardement par ions positifs. En effet, certains atomes peuvent perdre définitivement un ou plusieurs électrons lors des collisions se produisant au sein du milieu gazeux; les ions qui en résultent, chargés positivement, sont violemment projetés sur la cathode par le champ électrique. Nous reprendrons cette importante question des électrodes lors de l’étude du tube fluorescent.
- Dans un prochain article, nous envisagerons l’étude des sources lumineuses dont le fonctionnement est basé sur la décharge d’arc : lampes à vapeur de sodium ou de mercure, tubes fluorescents.
- (à suivre).
- Henri Jarlan,
- Licencié ès sciences, Ingénieur électricien.
- Des crevettes en avion.
- Les pêcheurs à pied de nos côtes ne prennent guère dans leurs haveneaux d’autres crevettes que la rose et la grise. La rose fréquente les herbiers d’algues autour des rochers; elle est presque transparente et devient rose à la cuisson; c’est le « bouquet », la « chevrette » (Leander serratus), longue au plus de 7 à 10 cm. La grise vit sur le sable des plages ; elle est tachée de brun ; c’est le Crangon vulgaris qui ne dépasse guère 5 à 6 cm.
- Depuis quelque temps, on trouve à Paris, dans les poissonneries, d’autres crevettes bien plus grandes qui intriguent certains amateurs. On peut en distinguer deux sortes : les unes qui atteignent jusqu’à 18 cm viennent de Norvège, ce sont des Pandalus boreolis ; les autres, bien plus abondantes actuellement, ont de i3 à i5 cm de long et viennent.d’Afrique du Nord, ce sont des caramotes (Penæus caramote). Toutes deux vivent en
- profondeur, sont pêchées à la drague et sont transportées en avion.
- Les caramotes sont maintenant l’objet d’un commerce assez régulier. Dès l’arrivée au port, on les place dans des boîtes en carton qu’on ferme hermétiquement et qu’on congèle. On les embarque le soir même dans les avions quadrimoteurs d’Air-France qui les apportent à Orly dans la nuit; elles sont aussitôt acheminées vers les Halles centrales et vendues dès le matin.
- Au mois de mars, il est ainsi arrivé à Paris 45 t de crevettes géantes dont 32 à 33 venant d’Oran, 5 d’Alger et d’autres ports algériens, 4,5 du Maroc et 2,8 de Tunisie.
- C’est pour la capitale une nouvelle source de ravitaillement de luxe qui ne diminue que pendant les chaleurs de l’été.
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- LES HYPNOTIQUES BARBITURIQUES 269
- Les hypnotiques barbituriques se sont multipliés à tel point, leur consommation a augmenté dans de telles proportions qu’il paraît intéressant d’examiner rapidement quelques-unes des questions que pose leur structure chimique.
- Historique.
- En 1908, un médecin allemand, von Mering, eut une idée fort ingénieuse qu’il soumit à son ami Emil Fischer, à peu près comme suit :
- Presque tous les hypnotiques connus contiennent soit un groupe éthyle, soit un groupe carbonyle ; prépare-moi un corps qui contienne à la fois les deux groupements et cela en aussi grand nombre que possible. Cela fera un nouvel hypnotique remarquable.
- Fischer pensa à utiliser l’acide diéthyl-5-5 barbiturique, préparé par Conrad quelques années auparavant. Le procédé de Conrad ne se fût pas prêté à une application industrielle, aussi Fischer étudia-t-il un nouveau mode de préparation et les deux amis lancèrent sur le marché le nouveau produit sous le nom de véronal (1). Fischer prépara encore, par le même procédé, toute une série d’homologues; tous étaient hypnotiques à un plus ou moins haut degré, bien qu’ils ne continssent pas tous le groupe éthyle. Fischer avait ainsi démontré que la présence de ce groupe jugée au premier abord nécessaire, n’avait rien d’indispensable.
- Le succès du véronal fut immédiat et grand, mais assez rapidement tempéré par l’épidémie d’intoxications (accidents ou peut-être déjà suicides) dont on trouve l’écho dans la littérature chimique et médicale dès l’année suivante.
- Il faut attendre jusqu’en 1910 pour voir apparaître,dans le commerce l’acide phényl-éthyl-barbituriquè que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de gardénal ou de luminal, phénobarbital, etc.
- A partir de ce moment, les nouveaux médicaments se multiplient brusquement de manière stupéfiante : on voit apparaître des barbituriques substitués en 5 par les alcôyles, les aralcoyles, les aryles les plus divers, par des radicaux hétérocycliques, cycla-niques ou cycléniques, des* barbituriques substitués à l’azote, des acides thiobarbituriques ou iminobarbituriques. Ces derniers ne semblent, du reste, avoir été qu’assez peu étudiés, en raison de la faiblesse de leur action. En fait, il semble bien, par exemple que l’acide imino-2 barbiturique (I) ne soit hypnotique que dans la mesure dans laquelle il est hvdrolysé par l’organisme en fournissant le véronal (II) :
- H N — CO
- HN — CO
- HN = G C(C*Hb).
- HN — CO I
- O = C C(C2H5)2
- HN — CO II
- Pour donner une idée de la production et de la consommation actuelle des barbituriques, disons qu’aux États-Unis seulement, il a été fabriqué en ig46, 365 t de barbituriques (dont la moitié pour le seul phénobarbital), soit une tonne ou 8 à 10 millions de comprimés par jour; en 19/19, il semble que la vente ait légèrement fléchi puisqu’il n’en a été vendu, aux États-Unis, que pour 2 807 000 $ !
- Quant au nombre des barbituriques, en comptant seulement ceux qui semblent avoir fait l’objet d’un emploi plus ou moins prolongé et non ceux dont l’emploi a été seulement proposé, il
- 1. Le nom de véronal avait été suggéré par le fait qu’au moment du lancement commercial du produit, von Mering faisait un séjour de convalescence à Vérone.
- dépasse aujourd’hui 2 000, dont une soixantaine se sont maintenus dans la pratique. En fait, il faut le dire, il semble bien qu’à l’heure actuelle, l’apparition d’un nouveau barbiturique sur le marché corresponde plus souvent au désir d’un industriel de s’assurer l’exclusivité d’un nouveau produit qu’à un réel progrès thérapeutique, chacun voulant avoir son barbiturique.
- Cette extraordinaire vogue a, bien entendu, fait fleurir une abondante littérature publicitaire, mais elle a aussi suscité de très nombreux travaux scientifiques de valeur, gz’âce auxquels nous pouvons voir plus clair sur bien des points. Il est intéressant de résumer les résultats acquis sur la manière dont l’action physiologique des barbituriques est conditionnée par leur structure chimique et leurs propriétés physiques.
- Action physiologique et élimination.
- Tous les barbitui’iques ont, en définitive, des actions de même nature; tous sont à un plus ou moins haut degré hypnotiques, mais ils diffèrent entre eux surtout par la durée du sommeil qu’ils provoquent. On notera, en passant, qu’il existe une sorte de grossière proportionnalité entre les durées des trois phases d’action d’un barbiturique : période d’induction jusqu’à l’endormissement, période de sommeil, période s’écoulant entre le réveil et le rétablissement ad integram. En d’autres termes, le sommeil provoqué par un barbiturique mettra d’autant plus longtemps à s’installer qu’il sera ensuite plus prolongé.
- A faible dose, la plupart des barbituriques agissent, comme on devait, du reste, s’y attendre, davantage comme sédatifs ou anticonvulsivants que comme hypnotiques vrais, ce qui en a fait préconiser plusieurs dans le traitement de l’épilepsie. Enfin, pour certains, à plus ou moins haute dose, l’action peut se renverser et ils agissent alors comme convulsivants.
- Quelques travaux ont été exécutés dans le but de déterminer le lieu d’action du barbiturique. Des chercheurs américains ont voulu, pour cela, employer un moyen qui a déjà rendu des services pour certains anesthésiques : préparer un dérivé apparenté aux corps à étudier et qui soit en même temps coloré; à l’autopsie, l’organe teint par le médicament serait celui sur lequel le produit s’est fixé et sur lequel il a agi. La préparation de barbituriques colorés n’a pas offert de difficultés imprévues : par les méthodes courantees, on a préparé des barbituriques substitués en 5 (I) ou à l’azote (II) par un groupe m-aminophényle :
- HN - -CO H.N — CbH4 — N - - CO
- “ 1 OC | /CjHb' C\ 1 OC 1 C(C2H5)2
- I | \CbH4NH, 1
- HN- -CO HN - - CO
- I II
- Par diazotation de ces corps et copulation avec des phénols, on a obtenu facilement une série de colorants rouges; par malheur, la plupart de ces colorants se sont trouvés assez fortement toxiques et les résultats n’ont pas été aussi précis qu’on l’espérait. Tous les tissus ont été trouvés plus ou moins colorés par le médicament; dans l’encéphale, le thalamus et le rnésen-céphale se sont teints, mais jamais l’écorce cérébrale.
- Autre question importante, comment les barbituriques sont-ils éliminés par l’organisme ? On voit apparaître ici l’influence très nette de la structure chimique sur la stabilité du médicament e,t par conséquent-sur la durée de son action. Le véronal, qui possède un type de structure particulièrement stable, aussi bien in vivo qu’in vitro, est peu à peu, au cours de plusieurs jours, éliminé en substance par l’urine, où l’on retrouve jusqu’à G5 à 80 q)our xoo de la quantité administrée ; les barbituriques
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- à chaîne non saturée ou cyclénique sont beaucoup moins stables et l’on ne retrouve dans l’urine que 3o pour ioo du dial et a à 3 pour ioo du phariodorme administrés; les barbituriques N-substitués et les thiobarbituriques enfin, encore moins stables, sont entièrement détruits dans l’organisme et l’on n’en retrouve tout au plus que de faibles traces dans l’urine.
- A propos de la grande stabilité du véronal, notons en passant (le fait peut être intéressant pour le médecin légiste) qu’il a été possible d’en retrouver des quantités appréciables dans des cadavres de chiens préalablement intoxiqués, même après plusieurs semaines d’enfouissement.
- Reste à déterminer comment la partie du médicament non éliminée en substance est transformée par l’organisme : on eût pu supposer qu’elle serait tout d’abord hydrolysée en fournissant l’urée ou ses produits secondaires d’hydrolyse, l’anhydride carbonique et l’ammoniac. Or, tel'.n’est pas le cas; des essais faits avec des barbituriques marqués dans le groupe uréique par des atomes radioactifs (soit par 15N, soit par 14C) n’ont pas permis de déceler d’anhydride carbonique marqué dans les gaz de la respiration; dans l’urine, on n’a trouvé, tout au plus, que de faibles traces d’urée et d’ammoniac radioactifs. En revanche, des essais faits avec du pentobarbital (I) ont permis de trouver dans l’urée un corps dont la formule pourrait être (II) :
- HN - - CO HN - - CO
- 1 OC 1 1 /C2H5 G\ | \CH(CH3)CH2 — C2Hs 1 OC 1 1 /C2H6 C\ | \CH(CH3)CHOH
- HN - - CO HN - - CO
- I II
- Il s’agirait donc là d’une réaction assez imprévue au cours de laquelle le cycle pyrimidique serait maintenu, mais une chaîne latérale serait oxydée; toutefois, peut-être convient-il d’attendre plus ample informé.
- Constantes physiques, structure chimique et action physiologique.
- On a tout d’abord tenté d’établir une relation entre telle ou telle des constantes physiques des barbituriques et leur effet hypnotique; on s’est attaché, en particulier, à l’étude de leurs solubilités. On peut en effet penser qu’un barbiturique, pour agir, doit atteindre la cellule nerveuse qui baigne dans un milieu . lipidique et qu’il doit pouvoir être extrait par: celle-ci du sang, milieu aqueux. Il semble donc que le médicament, pour être actif, devrait être plus soluble dans les graisses que dans l’eau, comme les anesthésiques généraux : éther, chloroforme. Pour ceux-ci, on connaît la règle de Richet, qu’un anesthésique est d’autant plus actif qu’il est moins soluble dans l’eau; et celle de Meyer et Overton,. que son effet est lié à son coefficient de partage entre l’huile et l’eau.
- Tiffeneau et ses élèves ont recherché si ces règles s’appliquent aussi aux hypnotiques; ils ont constaté qu’elles sont assez bien vérifiées pour les barbituriques simples, mais que la coïncidence devient de moins en moins précise à mesure que l’on s’élève dans les séries. Des constatations analogues ont été faites pour la tension superficielle des solutions de barbituriques et pour leur coefficient d’adsorption sur le chai’bon actif.
- Il est donc manifeste que les propriétés physiques du médicament ne sont pas seules en jeu et que la structure chimique de sa molécule intervient également. Une règle très générale est que l’action hypnotique d’un barbiturique n’est pas liée à la présence d’un ou plusieurs groupes éthyle, comme le croyait von Mering, mais au fait que les deux hydrogènes fixés en 5 sont substitués par deux radicaux distincts (I) ; en effet, ni les 'barbituriques monosubstitués en 5 du genre de (II),® ni les
- barbituriques spiranniques, du genre de (III) ne paraissent posséder d’activité :
- HN — CO HN — CO HN- - CO
- 1 OC 1 1 /CJ15 C\ 1 xc2h5 1 OC 1 /Cshb |<H 1 OC 1 1 /CH,-C\ ! x ch2 - - CHo\ >CH2 - CH,/
- HN — CO HN — CO HN- -CO
- I • II III
- En comparant les activités des très nombreux barbituriques, d’autres corrélations sont apparues.
- Pour les barbituriques alcoylés, l’activité augmente à mesure qu’on considère des chaînes plus longues, jusqu’à C5 ou C6, c’est-à-dire dans les mêmes limites que la règle du coefficient de partage de Meyer et Overton est vérifiée. Pour les chaînes plus longues, l’action hypnotique diminue, tandis qu’apparaissent des propriétés convulsivantes et parfois hémolytiques. On remarquera, du reste, que, pour des barbituriques isomères contenant des chaînes de meme poids, mais de structure différente, les doses hypnotiques et léthales ainsi que certaines propriétés de détail diffèrent; par exemple, l’acide éthvl-5 iso-amyl-5 barbiturique (amytal) inhibe l’action cardiaque du vague, tandis que son isomère qui contient un groupe amyle secondaire au lieu d’un groupe iso-amyle est dépoui'vu de celte propriété.
- Les dérivés arylés, comme le phénobarbital, ont souvent une action convulsivante marquée. Les dérivés qui contiennent des chaînes cyclaniques ou cycléniques sont rapidement et complètement détruits par l’organisme; leur action est en conséquence plus fugace (tout en étant plus rapide) que celle des acides alcoylés; il en est de même des dérivés N-monosubstitués qui ont une action à la fois plus rapide et plus fugace que les dérivés non-substitués. A titre d’exemple, citons l’acide phé-nyl-5 éthyI-5 méthyl-i barbiturique (prominai) qui a été préconisé, moins comme hypnotique que comme anticonvulsivant dans le traitement de l’épilepsie, et l’acide méthyl-5 cyclo-héxényl-5 méthyl-i barbiturique (évipan), surtout employé comme hypnotique de préparation à la narcose.
- Les dérivés N-disubstitués n’ont guère trouvé d’emploi, la plupart d’entre eux étant plus convulsivanls qu’hypnotiques.
- Les acides thio-2 barbituriques ont, eux aussi, des durées d’action beaucoup plus courtes que les acides barbituriques correspondants; dans certains cas, on n’observe même plus de vrai sommeil, mais seulement un état ébrieux plus ou moins prononcé, ce qui a fait préconiser le pentothal, dit « sérum de vérité » (acide amyl-5 éthyl-5 thio-a barbiturique) en narco-analyse et même dans la pratique judiciaire.
- Ces règles, bien qu’elles manquent d’une rigoureuse généralité, peuvent, dans bien des cas, permettre de choisir le barbiturique le plus propre à exercer une action donnée. Par exemple, pour un insomnique du matin, qui s’endort relativement facilement, mais se réveille trop tôt, on choisira un hypnotique persistant qui mettra, il est vrai, un temps appréciable avant de développer son action, mais prolongera le sommeil; pour un insomnique du soir qui a peine à s’endormir, mais dort ensuite longtemps paisiblement, un hypnotique rapide du genre des dérivés cycléniques ou N-substitués sera préférable, bien qu’;l ne provoque, par lui-même, qu’un sommeil assez Bref.
- M. Cramer.
- Les abeilles laborieuses.
- Un avion spécial a transporté de France en Écosse des milliers d’abeilles destinées à repeupler les essaims d’Ëcosse dont la décimation a créé de graves problèmes, non seulement pour les apiculteurs, mais pour les cultivateurs de fruits.
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- LA GRANDE SOUFFLERIE AÉRODYNAMIQUE
- DE MODANE
- Réalisation technique grandiose, la puissante soufflerie aérodynamique de^odane doit son origine à de curieuses circonstances. En ig4i, la Luftwaffe chargea une société munichoise de construire une soufflerie géante pour les essais en vraie grandeur des groupes de motopropulscurs et des types de réacteurs dont elle avait décidé la construction et la mise au point. Après deux ans de prospections, cette société choisit comme emplacement Ostzal, près d’Inist, dans le ïyrol autrichien. Avec l’aide d’autres entreprises allemandes, elle commença par aménager les forces hydrauliques de la vallée en édifiant, à i 200 m d’altitude, le barrage de Stintenbach dont les eaux, franchissant un contrefort de l’Arlberg dans une conduite forée de 1 44o m de longueur, devaient alimenter les turbines de la future soufflerie après une chute d’environ 5oo m. Mais l’effondrement de l’Allemagne survint avant que tout soit prêt.. L’occupation du Tyrol autrichien fut alors confiée à l’armée française par ses alliés et c’est ainsi que le 3o juillet 1 g45, nos soldats trouvèrent à Ostzal la soufflerie inachevée.
- Naturellement, les techniciens du Ministère de l’Air, alertés, comprirent l’intérêt de cette gigantesque soufflerie en tôle, avec sa veine d’expérience de 8 m de diamètre, scs deux ventilateurs, mus chacun par une turbine Pci ton de 5o 000 ch, les gros arbres d’acier et les 2 000 t de tôlerie en cours de montage. Une mission scientifique reconnut les lieux; elle vit que le quart seulement des éléments avaient été mis en place. M. l’Ingénieur général de l’Air Paul Dumanois proposa alors de démonter toute l’installation et de la transporter sur un point choisi de notre territoire pour la mettre à la disposition de l’aéronautique française. Les ingénieurs de. l’Office national d’études et de recherches aéronautiques (O.N.E.R.A.) s’attelèrent à la besogne et la menèrent à bien en un temps record-Après avoir choisi comme site du futur établissement un terrain situé, sur les bords de l’Arc, à proximité d’Avrieux et à G km de Modane, ils commencèrent à dresser le programme de leurs travaux. En cinq ans, ils ont résolu les différents problèmes d’installation et dès maintenant, dans la vallée encaissée de la Maurienne, se dressent les bâtiments qui abritent la soufflerie (fig. 1), ressuscitée, modifiée et perfectionnée. La première turbine, actionnée par les eaux du glacier de la Vanoise, a été mise en marche le 19 octobre 1960.
- Sur la proposition de M. Maurice Roy, directeur de l’O.N.E.R.A., M. André Maroselli,. Secrétaire d’État à l’Air, a décidé que cette soufflerie sonique, la plus puissante du monde, s’appellerait Soufflerie Paul Dumanois, en reconnaissance des services rendus par cet ingénieur pour sa réalisation.
- Principes des souffleries aérodynamiques.
- Avant de concevoir une nouvelle forme d’avion et d’en réaliser un prototype, il faut connaître un certain nombre de dôn-néees, dont les unes, classiques, se trouvent déjà dans des traités et dans des tables, dont les autres, nouvelles, doivent être établies expérimentalement et en tenant compte clés diverses variables qui interviennent. En particulier, il faut essayer de déterminer l’influence des formes sur la résistance à l’avancement, la stabilité, le « nombre de Mach » ou rapport de la vitesse de l’avion à celle du son, les fatigues qu’auront à supporter, les différentes pièces de la structure, par suite des turbulences, des vibrations, des oscillations gênantes pour les manœuvres et dangereuses pour la sécurité. Le calcul seul ne
- peut fournir toutes les données indispensables. Les ingénieurs se voient donc dans l’obligation de les compléter par des mesures expérimentales faites sur une maquette, un modèle réduit soumis à un vent de vitesse et de direction bien définies. Les souffleries répondent à ce programme. Elles créent un vent qui presse sur la maquette comme dans la réalité, l’avion en vrai grandeur presserait sur la masse d’air qu’il traversé. Cette similitude étant acquise, il suffit de suspendre la maquette dans un tunnel où des ventilateurs provoquent un intense courant d’air;
- Fig. 1. — La soufflerie de Modane.
- On voit, à gauche, la conduite forcée qui capte les eaux du glacier de la Vanoise et les amène aux turbines 200 m plus bas. A droite, en bas,
- la soufflerie en construction.
- les supports sont reliés à des balances spéciales qui enregistrent les efforts dans chaque condition des essais. De cette manière, on peut apprécier toutes les qualités de l’appareil avant d’en arrêter définitivement les plans et de le construire.
- La soufflerie de Modane.
- Comme toutes les installations existantes, la soufflerie Paul Dumanois de Modane (lîg. 2) met en œuvre les principes précédents. Elle comprend trois parties principales : un collecteur avec un filtre d’air, une chambre d’expériences ou de mesures où se trouve une balance enregistrant les efforts subis par la
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- Fig. 2. — L’ensemble de la soufflerie Paul Dumanois, vue d’avion.
- Au milieu, la chambre de mesures ; en arrière, les conduites d’air, longues de 290 m. Les divers bàliments figurent sur le plan de la figure 3.
- maquette et un diffuseur. Cet ensemble forme le tunnel aérodynamique. Appartenant à la catégorie des souffleries dites « à retour », travaillant en circuit fermé, elle présente, en plan (fig. 3), la forme schématique d’un rectangle constitué par un convergent A à l’avant, puis par la chambre d’expériences ou de mesures B accolée à des diffuseurs C et F. D’après un mémoire de M. Dumanois publié dans le Bulletin de l'Association des anciens élèves de VÊcole Polytechnique (novembre ig5o), le tunnel de la soufflerie est un large tube en acier soudé électriquement, dont la longueur atteint 3go m. L’entraxe des coudes i et 4 est de i55 m, celui des coudes i et 2 de 4o m. La chambre de tranquillisation G a un diamètre de 24 m qui s’abaisse à 8 m lors de son raccordement avec la chambre d’expérience à l’aide d’un court convergent A. Entre la sortie de la chambre de tranquillisation et l’entrée de ce dernier, une fente annulaire évacue dans l’atmosphère une certaine masse d’air afin d’éliminer la quantité de chaleur résultant des frottements internes en cours d’expérimentation, ainsi que l’air admis par les échangeurs.
- A chacun des quatre anglps de la soufflerie, des aubes creuses munies de volets réglables (fig. 4), guident les filets d’air afin de supprimer les tourbillons qui se formeraient aux coudes. En outre, ces dispositifs réduisent les pertes de charge qui sont proportionnelles au carré de la vitesse de sortie du fluide gazeux, et, partant, ils améliorent, d’une façon notable, le rendement énergétique du tunnel.
- Aux grandes vitesses, la pression existant dans la veine d’air correspond sensiblement à la pression atmosphérique à l’altitude de 5 5oo m. L’air s’écoule d’abord dans un tunnel cylindrique, entre les coudes i et 2, sans récupération d’énergie, puis en aval du coude 2 qui défléchit à go° ; une courte partie divergente, précédent le dispositif d’admission E, le refroidit. L’air sort ensuite entre des volets de fuite parallèlement à la dhection du courant et passe dans un diffuseur F long de 66 m. Finalement, il franchit les coudes 3 et 4, de construction identique aux deux premiers. Vingt aubes de 24 m de haut, réparties à travers le diffuseur, assurent les changements de direction du flux gazeux.
- Les ventilateurs (fig. 5) se composent chacun de deux énormes hélices de i5 m de diamètre tournant en sens inverse, afin de redresser la veine fluide. Leurs pales, encastrées dans des moyeux en acier de 7,5o m, permettent de régler la vitesse du courant d’air. Deux turbines, situées de part et d’autre de la soufflerie, entraînent ces hélices. D’une puissance de 55 000 ch chacune, ces roues Pelton, qui comptent 26 augets, tournent au maximum à 260 tours-minute sous la poussée d’une chute d’eau de 84o m environ de hauteur, débitant 12 m3 à la seconde. L’alimentation et la régularisation hydraulique s’opèrent au moyen de deux injecteurs.
- La chambre d’expériences abrite une balance aérodynamique à six composantes enregistrant les efforts de la maquette au cours des essais. Avec cet instrument, 011 mesure les efforts subis par le petit aéronef (portance, traînée, glissement, moment de tangage, de roulis et de lacet).
- A l’extérieur du tunnel de Modane, on a bâti un atelier de montage dans lequel on prépare les expériences, car il faut beaucoup plus de temps pour installer une maquette sur son support que pour procéder aux essais eux-mêmes. Afin de diminuer les périodes d’occupation de la veine, la soufflerie possède trois chariots munis de leur balance. Deux d’entre eux servent aux mesures aérodynamiques, le troisième s’emploie pour les essais de moteurs.
- Une fois les modèles posés sur chacun de ces chariots et connectés à leur balance, on fait rouler les chariots sur une voie qui les amène dans la chambre de mesures où passera le courant d’air de la soufflerie. Le chariot bordant la maquette est arrimé exactement dans la veine. A chacun, en cours d’expériences, se trouve affecté un ingénieur dirigeant une équipe et quelques aides.
- Les instruments de contrôle nécessaires à toutes les observa-
- IS5m
- •—S
- 70,45 m
- 65,10m.
- Fig. 3. — Plan schématique de la soufflerie de Modane.
- A, convergent ; B, chambre des mesures ; C, diffuseur ; D, ventilateurs ; F, admission d’air ; F, grand diffuseur ; G, chambre de tranquillisation ; II, atelier ; I, ponts roulants ; J, voies du chariot de mesures ; K, banc d’essais des moteurs ; L, bâtiments des turbines ; M, pont roulant de 55 t.
- tions, sont installés dans une pièce insonorisée. De nombreuses connections relient entre eux les différents postes et permettent aux expérimentateurs de commander à distance les vannes du circuit hydraulique, les turbines, le dispositif d’entrée et de refroidissement de l’air, ainsi que la station de pompage du carburant. Enfin les balances aérodynamiques sont assez robustes pour mesurer des efforts de traînée jusqu’à 4 000 kg, des poussées de 10 000 kg' et des moments de roulis, de tangage
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- ou de lacet de 2 5oo kg. La balance destinée aux essais de moteurs est capable de supporter des tractions de 20 000 kg.
- Les essais en soufflerie.
- La gamme des essais possibles dans une telle soufflerie s’étend à peu près à tous les problèmes actuels. Comme le dit l’Ingénieur Pierre qui en assume aujourd’hui la charge, « elle va, on effet, des essais de profils d’ailes à ceux des moteurs à réaction de 10 000 kg de poussée ».
- Parmi toutes les expérimentations auxquelles on se livre dans .une soufflerie, les plus nombreuses et les plus classiques sont les mesures des efforts que l’air exerce sur les avions. Mais on étudie aussi les comportements du fluide le long des surfaces •des aéronefs, afin de choisir les meilleurs profils aérodynamiques. Dans ce but, on rend visible la trajectoire des filets d’air, afin de pouvoir l’observer. Ces essais de visualisation se font par plusieurs procédés ingénieux. Un des plus simples consiste à enduire la surface de la maquette d’un couche opaque, noire ou blanche, en dissolution ou d’un corps en suspension dans un liquide volatil qui possède le même indice de réfraction. Ce vernis est donc invisible, mais dans la chambre, d’expériences, le solvant s’évapore sous l’action du vent, plus vite dans les zones turbulentes où apparaissent d’abord des taches révélatrices des décollements des veines d’air qu’on peut photographier ou ciné-matographier. On introduit parfois dans la veine de la fumée ou des bulles de savon; en filmant les trajectoires, on voit apparaître les inégalités de l’écoulement de l’air autour du modèle réduit.
- Sur les maquettes à plus grande échelle, on colle par un bout des fils de laine blanche de quelques centimètres de longueur; ces fils épousant les formes et la direction des filets d’air, le .technicien voit constamment le sens général de l’écoulement,, les régions de décollement et même il peut photographier celles-ci pour les étudier à loisir.
- Pour mesurer les vitesses de l’air, on place au milieu de la veine des antennes portant un tube de Pitot. Aux grandes vitesses, où ces obstacles risqueraient de créer des remous, on préfère la méthode des ombres causées par les déplacements des -ondes de choc; leur image est projetée sur un écran où elle impressionne un film photographique.
- Malgré la précision dé tous ces procédés, on constate souvent
- Fig. 4. — Aubes creuses à volets réglables servant à guider les filets d’air aux angles des conduites.
- L’homme au pied des volets donne l’échelle.
- encore des différences plus ou moins grandes entre les données acquises en soufflerie sur des maquettes et les résultats qu’on obtient ultérieurement des avions en vol. Afin de rectifier au besoin les chiffres obtenus, on pratique aussi depuis peu en plein air des séries d’expériences avec des fusées fixées aux ailes qu’on étudie; munies d’un appareillage spécial, elles sont lancées en l’air ou roulent sur rails (x). Durant quelques instants de vol,
- 1. La Nature, n° 3190, lévrier 1951, p. 60.
- Fig. 5 et S. — A gauche, Un des ventilateurs en montage. On voit le carénage et la grosseur des arbres. A droite, La chambre des mesures
- en construction. On installe le cadre des balances et des enregistreurs
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- ces ingénieux appareils enregistrent ou transmettent par T.S.F. aux observateurs restés fixes d’utiles renseignements sur les efforts supportés par les profils d’ailes soumis à de très grandes vitesses. Il s’agit là de recherches aérodynamiques nouvelles et encoi’e peu courantes.
- Les autres souffleries françaises.
- Avant de construire l’imposante soufflerie Paul Dumanois à Modane, l’O.N.E.R.A. en avait réalisé une maquette à Chalais-Meudon, dans la région parisienne, afin de fixer très exactement le programme des travaux à exécut'er.
- Capter par un barrage l’énergie inépuisable d’un glacier pour actionner les turbines d’une soufflerie, puis quand celle-ci ne tourne point, s’en servir comme usine hydroélectrique pour envoyer vers les cités du voisinage un appréciable contingent d’électricité, voilà l’idée technique finalement adoptée. Selon les Rapports France-États-Unis (mars 1951), l’avantage en résultant s’avère colossal : « s’il avait fallu brancher des moteurs électriques de cette puissance sur le réseau d’une très grande ville industrielle, les à-côups qu’infligeraient aux utilisateurs voisins les démarrages et arrêts répétés, auraient exigé l’inter-
- position de groupes-tampon, et il aurait fallu, au minimum, sept moteurs différents pour faire tourner un seul ventilateur ». Sans compter qu’à chaque stade, des déperditions importantes d’énergie se produiraient. Si donc, dans certains établissements similaires existant aux États-Unis, en Grande-Bretagne, ou ailleurs, l’air circule dans leurs turbines à des vitesses supérieures à celles enregistrées à Modane, la soufflerie Paul Dumanois l’emporte par la précision de ses appareils de mesures et l’ampleur de son tunnel aérodynamique.
- A côté de cette puissante soufflerie offrant entre autres aux constructeurs français « des possibilités qu’ils n’auront plus à chercher à l’étranger », il existe en France une soixantaine d’installations, publiques ou privées, plus ou moins importantes. Nous n’en parlerons ici que pour mémoire, mais nous devons signaler, cependant, avant de terminer, la belle soufflerie récemment édifiée par la société Rateau, à la Courneuve. Elle est du type « à retour » ; la section de la veine est de 28 x 20 cm et une turbine à vapeur de 2 200 ch peut imprimer au vent une vitesse de 3 Goo km/h. Une balance aérodynamique mesure les efforts sur les maquettes et la visualisation des ondes de choc est obtenue par les mêmes méthodes optiques que nous avons décrites plus haut.
- Jacques Boyer.
- Chimie nucléaire et agriculture.
- La chimie nucléaire envahit tous les domaines scientifiques et techniques. La Nature a récemment expliqué comment le carbone radioactif 14C sert maintenant à dater les tourbes du quaternaire, les bois et les objets façonnés de la préhistoire et de l’atiliquité, et aussi à suivre le passage du carbone de l’eau de mer aux algues du plancton, en attendant de le repérer bientôt dans les invertébrés, puis les poissons qui s’en nourrissent.
- Voici toute une autre série de recherches qui s’accumulent sur l’utilisation par les plantes cultivées des engrais et des amendements qu’on leur offre.
- On sait que depuis un siècle, les engrais sont très largement employés en agriculture pour augmenter la productivité des sols. Ils « engraissent » la terre et doivent enrichir le cultivateur en même temps que l’industrie chimique. En fait, ils sont nécessaires pour corriger les déficiences de certains terrains et pour maintenir un équilibre et un minimum de divers corps chimiques, dont une partie est extraite du champ par chaque récolte, enlevée avec celle-ci et perdue définitivement pour la culture. C’est pour éviter cet épuisement qu’on enterre les pailles et les fanes au prochain labour, qu’on recueille soigneusement les déjections et les litières souillées des animaux de la ferme,pour les transformer en fumier,, qu’on pratique des assolements, faisant alterner sur le même sol une culture épuisante de céréales et une prairie temporaire ou même une culture hâtive, « dérobée » de légumineuses qu’on enterrera. Quand cette stricte économie n’est pas pratiquée, la terre ne tarde pas à s’épuiser. C’est le cas de nombreux sols d’Afrique que les indigènes dégagent en brûlant la savane ou la forêt, où ils cultivent la même plante durant plusieurs années et qu’ils abandonnent quand ils les ont ainsi stérilisés.
- Ces problèmes de l’épuisement des terres arables se posent dans le monde entier; ils conditionnent le ravitaillement en nourriture, déjà si précaire en beaucoup de pays, et qu’il faudrait bien' augmenter pour mieux assurer la paix et l’avenir d’une humanité constamment croissante en nombre.
- A vrai dire, le problème est très complexe, comme tous les
- problèmes biologiques, et tous les éléments n’en sont pas encore très exactement définis. Il v a une multitude d’actions qui interfèrent entre éléments chimiques, composés organiques, êtres vivants dont les plus petits ne sont pas les moins actifs. Certaines bactéries fixent l’azote de l’air et suppléent à l’appauvrissement du sol par les plantes supérieures; certains champignons sotit sélectivement abiotiques; il est des substances excitantes et d’autres stérilisantes encore mal connues.
- Ua science qui se fait, souvent au moyen des méthodes les plus récentes, ne supprime cependant pas les données classiques; le plus souvent, elle ne fait que les compléter et les interpréter. Ues cidtures ont toujours besoin d’engrais, et si la liste des corps simples utiles s’allonge, les trois principaux restent l’azote, le phosphore et la potasse, sans parler de la chaux qui est plutôt un amendement. Une pratique séculaire a prouvé leurs effets; des laboratoires agronomiques déterminent par dosages les ressources et les manques de chaque sol; une puissante industrie chimique prépare des composés de concentrations définies, d’action plus ou moins rapide, et offre même des mélanges adaptés aux diverses cultures et aux terrains.
- Mais la question capitale est de connaître, pour chaque champ, les quantités optima de chaque sorte à employer : trop- peu, et — toutes autres conditions restant constantes — la récolte s’en ressent, devient chétive, le sol s’épuise; trop, et une partie se perd dans le sol ou est entraînée par les pluies, sans que-la récolte augmente pour autant. Une croyance simpliste en la vertu quantitative des engrais conduirait le paysan à transférer sans compensation une partie de ses bénéfices d’exploitation à l’industrie chimique.
- Il faut donc, pour chaque engrais, déterminer sa vitesse de solubilisation dans chaque terre, selon la nature du sol et sa population de bactéries, de champignons microscopiques; il faut, aussi pour chaque culture connaître les besoins des plantes au cours de leur développement, pour leur germination, leur croissance, leur floraison, leur fructification. C’est là une notion, complexe, une question de « dynamique du sol » où intervien-
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- nent plante, sol et engrais, et qu’on commence seulement à bien connaître, grâce aux très nombreuses observations, expériences et analyses accumulées dans les stations agronomiques.
- La chimie nucléaire, avec ses isotopes, ses éléments « marqués » apporte à ces analyses de nouveaux moyens remarqua-1 blement précis et sensibles. Dès 1946, M. René Renault, alors professeur à l’École nationale d’agriculture de Grignon, avait songé à l’utilisation de ceux-ci en agriculture, sans pouvoir lui-mème les réaliser, car ils nécessitent des installations de laboratoire encore peu communes. Des isotopes qu’on mélange aux atomes, les uns stables, non radioactifs, 11e peuvent être décelés que par spectrograpbie de masse; les autres, instables, radioactifs, doivent avoir une vie assez longue pour être suivis et il faut pour suivre leur destruction, pour mesurer leur période de vie, des compteurs de particules du type de l’appareil de Geiger.
- Ce qu’on ne pouvait faire en France à la fin de la dernière guerre, d’autres pays l’ont entrepris'et M. Renault a récemment présenté à l’Académie d’Agriculture les premiers résultats obtenus. en Suède et aux États-Unis, en ce qui concerne les trois engrais de base : azote, phosphore, potasse.
- L’azote 14N a un isotope stable 15N qu’on trouve en très petite proportion dans l’azote naturel, de masse atomique i4,oi. O11 sait préparer cet isotope qu’on peut ainsi introduire dans des engrais azotés, et on peut l’y détecter par photométrie spectroscopique. A Ames, aux États-Unis, on a composé un sulfate d’ammonium isotopique S04 (15NII4)2, qu’on a mélangé au sel ordinaire et épandu sur des champs d’avoine. En employant 20 kg d’azote ainsi marqué par hectare au moment des semailles, on en retrouva environ 3o pour xoo dans la récolte ; épandu plus tard, il fut moins bien utilisé par la plante et ne s’y révéla qu’au taux de xo pour 100 quand il fut distribué au moment de l’épiaison. On savait déjà que le sulfate d’ammoniaque est un engrais d’action lente et qu’une partie en reste dans le sol, disponible à retardement ou même complètement perdue; on aborde en Suède celte question au moyen de l’azote marqué.
- On sait préparer du phosphore, dont la masse atomique est 3i,o4, un isotope x’adioactif 32P à très fort rayonnement j3, dont la période (x) n’est que de 14,3 jours. On en a introduit dans des engrais phosphatés, notamment dans des superphosphates qu’on a essayés aux champs. La betterave à sucre s’est montrée avide de phosphore assimilable qu’elle exti’ait du sol rapidement et en grandes quantités; la pomme de terre a de. moindres besoins et utilise bien les phosphates natui'els du sol, lentement solubilisables ; les céréales sont encore moins exigeantes.
- En Suède, le radiop-hosphore sert actuellement à des expériences sur les modes d’utilisation des engrais; on y essaie comparativement le « super » mélangé au fumier, ou enfoui par un labour, ou distribué en lignes, ou épandu en surface. La betterave pousse mieux quand i’engi'ais est épandu que s’il est placé en lignes, même à quelques ceixtimètres de la ligne de semis. La pommé de terre montre des effets plus complexes seloxx la quantité de phosphates du sol et de l’engrais et le mode de fumure. On doit aussi examiner par le même moyen l’in-fiuence du calcaire du sol qui rend les phosphates plus ou moins insolubles.
- Le potassixim, de masse atomique 3g, 1, a un isotope artificiel radioactif 42K qu’on commeixce à employer pour étudier les échanges d’ions dans le sol.
- , Voici donc encore un domaine, l’agriculture, où la chimie nucléaire vient de pénétrer. Elle y apporte, comme partout ailleurs, des moyens d’analyse fine, pénétrante et rapide pour suivre les éléments chimiques dans leur transit à travers les êtres vivants et connaître les vitesses de leurs passages qui conditionnent toute la dynamique biologique et en particulier la productivité des milieux doixt dépend le ravitaillement alimentaire du monde.
- Daniel Claude.
- 1. La période d’un corps radioactif est le temps au bout duquel son rayonnement a diminué de moitié.
- La gazéification souterraine des combustibles.
- On sait que le but de la gazéification souterraine des combustibles est de transformer ceux-ci totalement en gaz, opération différente de la carbonisation classique qui laisse un résidu solide de coke. Celte gazéification est poursuivie dans la couche en place, par diverses méthodes dont le choix dépend de la nature, de l’épaisseur et de la pente du gisement et de la composition du combustible. Il y a lieu, notamment, de tenir compte de la proportion des cendres et de leur température de fusion. Cette dernière, si elle est relativement basse, peut isoler le combustible du foyer et ixuii’e à la bonne fin de l’opération.
- La ’ gazéification est obtenue par insufflation d’air, d’air suroxygéné et de vapeur d’eau. Les réactions chimiques sont celles des gazogènes classiques; le soxifflage est conduit eix vue d’obtenir un mélange d’oxycle de carbone et d’hydrogène, en évitant la formation de gaz cai’bonique. Par soufflage à l’oxygène coxxdxxisant à la gazéification totale du carbone, le pouvoir calo-l’ifique du gaz obtenu approche de 3 000 calories au mètre cixbe ; il 11’est plus à peine que d’un millier de calories par soufflage à l’air. L’insufflation de vapeur d’eau améliore le pouvoir calorifique, mais la réaction étant endothermique, l’addition simultanée d’oxygène est obligatoire et les gaz obtenus varient de
- 2 000 à .3 000 calories suivant la température de réaction dans la couche en combustion. Ces chiffres peuvent être dépassés si le charbon des couches traitées est riche en matières xmlatiles.
- D’après les résultats obtenus en Russie, où cette technique a pris naissance et où de nombreux essais par des méthodes diverses ont été poursuivis, oix a, pu dépasser à Leninsk 3 5oo calories au mètre cube, mais, en général, les pouvoirs calorifiques ne sont que de l’ordre de 800 à 1 100 calories.
- Aux États-Unis, à Gorgas, dans l’Alabama, toute une série de pouvoirs calorifiques ont été obtenus, depuis 4oo calories environ par soufflage simple à l’air, pour s’élever progressivement par soufflage à l’air suroxygéné, puis additionné de vapeur d’eâu, enfin d’oxygène pur et de vapeur d’eau jusqu’à 1 900 calories par mètre cube dans ce dernier cas. En Relgiqxie, aux Charbonnages de Rois-la-Darne, aux environs de Liège, on a atteint 1 600 calories au mètre cube. En Italie, la gazéification souterraine des lignites à 55 pour 100 d’humidité de Yaldarno a fourni 1 600 calories au mètre cube. Au Maroc, les anthracites du gisement de Djerada viennent d’être traités de même; ils ont fourni xxn gaz combustible brûlant régulièrement et les essais se poursuivent actuellement.
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- LE CIRQUE D'ARCHIANE ET
- Le département de la Drôme abonde en paysages étranges et pittoresques et cependant il n’est guère visité, car ses sites passionnent plus le géologue et le botaniste que le simple touriste. Bien peu de voyageurs connaissent la forêt de Saou, cette immense cuvette elliptique, longue de 12 à i3 km sur une largeur de 2 ou 3, toute ceinturée de montagnes et n’ayant d’issue naturelle que par le « Pertuis de la Forêt » qui donne passage à la Vèbre, collectrice des eaux. Citons encore le Défilé de Trente Pas, le Col de la Chaudière, les monts d’Angèle, de la Lance et du Vanige dont les ascensions faciles récompensent l’effort de la montée par de beaux panoramas, et j’en passe.
- Pour cette fois, contentons-nous de décrire deux curiosités de premier ordre : le Cirque d’Archiane, cette merveille ignorée, et le Claps de Luc qui en est proche.
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- Archiane ou Archianne, car la toponymie est hésitante, est un hameau de Treschenu; à ce propos, il est bon de remarquer que Treschenu est une entité administrative, car la commune qui porte ce nom ne renferme aucune agglomération de ce vocable. Elle est formée de quatre écarts : Les Nonières, Béné-vise, Menée et Archiane. Ce fait n’est pas unique en France, car Clémence d’Ambel dans les Hautes-Alpes présente la même singularité.
- Pour se rendre à Archiane, le plus simple est de gagner Châ-tilIon-en-Diois, petite ville offrant hôtels et ressources diverses. De là, une bonne route permet, d’accéder à Menée où s’embranche un chemin vicinal se dirigeant vers notre but. Le trajet de 4 km est agréable, tout embaumé à la saison des senteurs de lavande et l’œil se distrait à contempler à gauche les flancs escarpés du Glandaz qui, lui aussi, n’a pas un état civil bien établi, car on peut écrire Glandasse ou Glandas. A droite, la vue est bornée par les contreforts terminaux du Yercors où se cache le hameau de Bénévise.
- Soudain, après une légère côté, un spectacle grandiose s’offre à nos regards, le Cirque d’Archiane dans toute sa magnificence est devant nous. Divisé en deux hémicycles presque égaux par un gigantesque promontoire, « Le Jardin du Roi », x 8o5 m, flanqué de-murailles abruptes dont les roches diversement colorées llamboyent sous le soleil méridional, il abi'ite en son sein le petit et bien pauvre hameau. Il y a une cinquantaine d’années, il comptait environ 70 habitants, mais la population ne cesse de diminuer, car, à chacune de mes visites, j’ai pu constater le nombre ci'oissant des maisons abandonnées et d’après une information toute x'écenle (mars 1951), seules six personnes réparties en trois foyers s’obstinent à demeurer dans ce lieu désert. Les économistes, les philosophes peuvent louanger et chanter les beautés de la vie champêtre, mais je crois qu’un séjour à Archiane les ferait vite changer d’opinion. Isolés cle tout, entourés de terres infertiles, les villageois ne peuvent que cultiver un peu de pommes de terre, quelques lopins de blé ou de maïs et laisser chèvres et moutons chercher une maigre subsistance dans les friches et sur les pentes d’éboulis. Cependant jadis, la localité produisait des fromages de chèvres dénommés « picaudons » qui avaient grande notoriété dans la l’égion et qui étaient fort appréciés des gourmets.
- Fig. 1 à 4. — Le cirque d’Archiane.
- De haut en bas, l’hémicycle nord, les parois du Glandaz, le Jardin du Roi, le hameau d’Archiane.
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- LE CLAPS DE LUC (DRÔME)
- Une petite église, disons plutôt une modeste chapelle, érige sa croix dans une rue déserte et la fontaine commune verse ses pleurs que recueillent précieusement les ménagères. Une école permettait aux enfants de ne pas rester illettrés, mais elle a été transférée à Menée et les bambins pour s’y rendre avaient près d’une lieue à parcourir. Bref, le pays se meurt d’anémie et nul remède ne peut le ranimer. Avant d’arriver au hameau, on aperçoit sur la droite une coulée de verdure vivifiée par le ruisseau d’Archiane qui sort d’une grotte dont la légende disait merveille. Hélas ! il n’en est rien et les investigations de feu Martel ont prouvé qu’il ne s’agissait que d’un couloir de 27 m de long aboutissant à un scialet vertical profond de 8 m formant une vasque où l’eau suintant des roches s’accumule pour alimenter la fontaine de Tournière, mère du rieu d’Archiane qui se jette dans celui des Nonières.
- Revenons au hameau qui semble écrasé sous la masse du Jardin du Roi et passant entre les chaumines qui s’écroulent, nous trouvons un chemin muletier qui s’enfonce dans la gorge de gauche et longe la base des grandes parois qui encerclent le vallon. Le ravin devient chaotique, prend un aspect dantesque qu’eût affectionné Gustave Doré et il aboutit à une piste étale jusqu’au lieu-dit « Les Quatre Chemins ». N’exagérons rien; si les chemins existent sur la carte, ils ne figurent guère sur le terrain; ce sont de simples pistes s’évanouissant souvent et pour les suivre, il est bon d’avoir le flair du trappeur.
- Non loin de là, le Pinus uncinata, dénommé improprement pin Murgho par divers auteurs car cette espèce n’appartient pas à la flore forestière française, poussait en abondance et fournissait de la poix; des fours avaient été construits pour la fondre et il arriva qu’en 1847, un ouvrier perclus de rhumatismes fut introduit dans l’un des appareils pour y ranger des copeaux de pin. Il en sortit très soulagé et récidiva ce traitement barbare pendant trois jours de suite. Sa guérison fut complète; le bruit s’en répandit et d’autres malades voulurent essayer. De bons résultats furent leur l’écompense et le fermier de la forêt fit bâtir des cabanes pour ses hôtes, mais l’exploitation intense des bois les fit bientôt disparaître, rançon de l’avidité commerciale. Le monde médical étudia la question et, en i85i, le docteur Chevandier créa un four à Die. En i852, ce fut le docteur Benoit qui, à son tour, fit élever au Martouret l’établissement de ce nom, la concurrence entra en jeu et la même année, M. Taillotte édifia les bains thermo-résineux de Sallières où les malades pendant 12 ou i5 jours restent des laps de temps variables dans des fours dont la température monte à 8o° ou ioo°. Ce supplice est paraît-il souverain et Sallières (seul établissement qui subsiste) conserve une fidèle clientèle.
- Passant outre à cette digression, continuons notre route en obliquant vers l’ouest; il faut peiner pour gravir les croupes pierreuses, premières assises du Glandaz; on atteint un premier balcon de prairies, mais if faut encore grimper une heure pour parvenir au plateau. En suivant la crête, on obtient une vue plongeante sur le cirque qui diffère de celle du bas, mais la perspective est gênée par l’imposant Jardin du Roi et mieux vaut voir Archiane du hameau que du haut.
- Notons cependant que le botaniste qui fait cette ascension vers le i5 juin, voit combler ses désirs, car la flore du Glandaz est un enchantement. L’Arnica montana abonde en compagnie de multiples anémones, de crocus, d’orchis variés et plus tard
- Fig. S à 8.
- De haut en bas, une maison d’Archiane, la chapelle d’Archiane et une maison à bas-relief au-dessus de la porte, un éboulis de blocs au claps de Luc, la Drôme au claps de Luc.
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- dans la saison, le fameux edelweiss tapisse littéralement certaines localités. Les intrépides peuvent même aux alentours du Glandaz, dans les forêts de Treschenu et de Ravel, rencontrer le superbe Cypripedium calceolus, fleur qui par sa beauté et son étrangeté est la reine de nos Orchidées indigènes.
- Il est possible, pour ne pas revenir sur ses pas, de franchir en col la montagne, de traverser le plateau et ses-lapiaz où l’entorse et les vipères nombreuses sont à craindre et de redescendre sur Châtillon, mais l’amorce du sentier est peu visible et les formidables escarpements du Glandaz incitent à la prudence. Il est bon d’être accompagné par l’un des bergers gardant les moutons transhumants qui paissent l’herbe rare, mais savoureuse. Si l’on préfère suivre ‘à nouveau l’itinéraire de l’aller, bien prendre note des points de repère, car les nuages sont fréquents, se perdre est facile et les pentes sont dangereuses.
- Ce qu’il faut admirer à Archiane, outre le Cirque, ce sont les dentelures prestigieuses des crêtes du Glandaz; c’est un amom cellement de clochers, de minarets, de tours, de bastions qui déroute l’imagination. La pluie, le vent, la neige, le gel sont les artisans de cette architecture de rêve que seul le calcaire permet d’édifier. On ne peut se lasser de considérer ce spectacle dont chaque heure du jour fait varier les tonalités.
- Archiane a été découvert par feu Grégoire en 1898, chanté par Mellier et louange par Martel, mais il reste encore presque inconnu et se réserve pour les vrais amateurs des splendeurs de la nature.
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- Non loin d’Archiane, à Luc-en-Diois, existe une autre curiosité géologique qui mérite une visite; c’est le Claps de Luc. Inutile de dire que Claps est un dérivé de clapier ou amas de pierres, mais dans ce cas-ci, les pierres sont gigantesques. C’est en i44a que la montagne du Puey ou pic de Luc, haut de plus de 1 100 m, pris de folie s’écroula dans la Drôme et s’y écrasa en deux masses distinctes. Ce fut subit et terrifiant, car on n’entendit plus jamais parler de l’ancien Luc dont la forteresse féodale commandait la gorge.
- La rivière barrée dans son lit en aval du confluent du Rif de Mascon reflua vers l’amont et en quelques jours forma un lac immense dans la plaine supérieure. Nombre de maisons furent englouties et la paroisse de Rochebrianne disparut. Les pertes, heureusement, ne furent guère que matérielles, car beaucoup d’habitants eurent le temps de s’enfuir devant l’inondation. Ce lac couvrait près de 000 ha et mesurait 2 lieues de long sur une largeur variant de 000 m à 2 km. Il subsista jusqu’en 1788. A cette époque, les Chartreux de Durbon, propriétaires de la plus grande partie des terrains de cette l’égion, entreprirent de le Aider et creusèrent un canal pour obtenir son assèchement. Leur but fut atteint, mais ils ne profitèrent guère de leurs travaux, car la Révolution survint et confisqua leurs biens. De nos jours, la partie inondée est encore peu fertile et une végétation hygro-phile témoigne du passé qu’a représenté une gravure allemande du xvme siècle, fort rare, dont le titre porte : « Ansicht des grossen Sees von Luc in der Dauphiné ».
- Le Claps de Luc est un amoncellement de blocs immenses de toutes formes et de toutes dimensions. Leur équilibre paraît instable et n’est pas des plus rassurants; on craint toujours de les voir s’ébranler et dévaler des pentes pour gagner la vrallée que parcourent la route et la Aroie ferrée. Cette inquiétude est vaine, car depuis i5o ans, leur position n’a pas varié et les habitants de la petite ville de Luc, cité aisée et bien calme où le jeu de boules est en honneur, dorment tranquilles avec raison.
- Peu de littérature a été écrite sur ces deux sites. On peut cependant citer : Le Vercors, d’Étienne Mellier, Grenoble, 1900; Un torrent : la Drôme, excellente étude de feu Grégoire, parue dans le Bulletin de la Société d’Archéologie et de Statistique de la Drôme vers 1898-1900. Du même auteur, le récit d’une visite rapide à Archiane que publia le périodique Les Alpes illustrées en 1899 et la plus récente plaquette du pasteur Ch. Monod qui date d’une dizaine d’années. Malheureusement ces publications, sauf la dernière, sont quasiment introuvables.
- Ch. Rroyer.
- Les cartes au 1/80 000 dans les quarts Die K.-O. et S.-O. donnent la topographie des lieux décrits.
- LA VESSIE NATATOIRE DES POISSONS
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- Certains poissons à squelette osseux (Téléostéens) possèdent une vessie natatoire pleine d’air close ou communiquant avec la bouche, tantôt rigide et tantôt dilatable et fragile.
- M. H. Jones, du Queen Mary College (Londres), rappelle que, depuis 1852 jusqu’à 1947, divers naturalistes ont signalé que les mouvements verticaux des Téléostéens peuvent être limités par la présence de cette vessie natatoire dont le volume augmente ou diminue selon la pression exercée par l’eau à différentes profondeurs.
- Quelquefois des individus, pris à la ligne de fond ou au chalut, arrivent à la surface avec le corps gonflé, distendu, « soufflé », comme disent les pêcheurs. S’ils ont été pris en eau très profonde, l’estomac peut avoir été évaginé en partie par la bouche, ou bien la vessie a éclaté. Cela empêche le marquage de ces poissons et l’analyse du contenu de leur estomac pour savoir quels sont leurs déplacements et comment ils se nourrissent.
- La possibilité de ce gonflement chez des espèces à peau très élastique est utilisée par les Japonais qui vident des Tétrodons et des Chétodons, les gonflent en y comprimant de l’air jusqu’à dessiccation complète et rigidité* de la peau, ce qui permet d’en faire des sortes de lanternés vénitiennes. Ôn trouve parfois de ces « japo-naiseries » dans certains magasins d’Europe et l’Afrique noire en fournit aussi.
- M: Jones a recherché dans quelle mesure peut varier, en fonction de la profondeur d’eau, le volume de la vessie natatoire chez la perche de rivière. À la fin du printemps et au début de l’été, ce poisson, à Windermere, passe des fonds à la surface pour y frayer et il peut y être capturé à des profondeurs qui varient entre 18 et 4,50 m ; 80 pour 100 des perches prises à plus de 13,50 m arrivent à la surface avec la vessie éclatée ; celles qui sont prises à moins de 4,50 m de profondeur ont généralement leur. vessie intacte ; à toutes les profondeurs, les vessies .éclatées sont plus fréquentes chez les mâles que chez les femelles (61 contre 14 à 12 m de profondeur).
- D’autre part, on a constaté que les perches qui vivent ordinairement à 36 m de profondeur peuvent monter de 27 m sans en souffrir, tandis que la vessie éclate chez celles qui, vivant à 18 m, s’élèvent de 16 m.
- . Chez la perche, l’enveloppe de la vessie natatoire est mince et fragile. Il serait intéressant de savoir comment elle se comporte chez les morues et autres Gadidés, thalassiques et saisonniers, comme le merlu et le cabillaud, chez lesquels la vessie a une enveloppe plus épaisse et plus résistante que chez la perche. Cela renseignerait sans doute sur certains déplacements de ces espèces.
- E. L.
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- LA CONQUÊTE DU RHONE
- III.
- DONZERE-MONDRAGON. LE TRÈS-BAS-RHONE
- Exécution des travaux.
- Les travaux du génie civil de Donzère-Mondragon comprennent essentiellement : 5o millions de m3 de terrassements, 800 000 m3 de bétons et maçonneries, 1 million de m3 de
- CUSSET/
- JONS
- ONTELIMAR
- .CHATEAUNEUFDU-RHDNH 240.000 KVA
- ECHELLE O 5 10 15 20 25 Km.
- MER MEDITERRANÉE
- revêtements, 7 ponts routiers de i5o à 260 m, 2 ponts de chemins de fer de 180 et a5o m. Les délais d’exécution sont de quatre ans et trois mois. Les travaux sont, distribués en trois lots. Le premier comporte le canal, les contrecanaux, un siphon sous le canal pour le rétablissement de l’écoulement des eaux vers le Rhône, des ouvrages pour le rétablissement des ' communications. Le deuxième comprend l’ensemble de l’usine, du dëchargeur et de l’écluse; après un large appel à la concurrence, ces deux lots ont été confiés, lin 1947, à un même groupement d’entreprises. Les travaux du barrage de retenue font l’objet du troisième lot, dont une autre entreprise a la charge.
- C’est l’ampleur des terrassements qui caractérise les chantiers de Donzère. Sur le canal d’amenée et pour les fondations de l’usine, on utilise une dizaine de draglines de 2 à 6 m3 de godet; le rendement de ces gros engins atteint 100 000 m3 par mois ; une quinzaine de pelles mécaniques de 3 m3 de godet ; une quarantaine de scrapers « râcleurs » (ou turn-pulls) de 9 m3 ; un loader, engin à haut rendement, qui débite jusqu’à 4oo m3 à l’heure, à la condition d’être toujours desservi par un nombre suffisant de camions automobiles; environ 80 tombereaux automobiles ou camions spéciaux de 7 à 10 m3 de capacité. Presque tout ce matériel est ' d’origine américaine. L’achèvement du canal d’amenée, au.-dessous du niveau de la nappe aquifère phréatique partiellement rabattue, sera confié à une drague flottante.
- Les 800 premiers mètres du canal de fuite, creusés dans la terrasse surélevée, sont également exécutés à l’aide de pelles, de draglines et de six grands excavateurs. Les déblais sont transportés par voie ferrée, avec du. matériel provenant des travaux du canal Albert.
- Le canal de fuite proprement dit est exécuté au moyen de quatre grandes dragues, construites par des chantiers hollandais, montées sur place par la C.N.R. et qui ont été « lancées » — comme on lance un bateau — dans une souille creusée préalablement et remplie par l’eau de la nappe souterraine. Les dragues sont munies de- godets de 5oo 1 et assorties de pontons
- 1. Voir La Nature, n* 3195, juillet 1951, p. 208, n° 3196, août 1951, p. 237.
- Fig. 1. — Ensemble des usines hydro-électriques projetées sur le « Bas-Rhône », de Lyon à là Méditerranée.
- Fig. 2. — Travaux d’exécution du canal d’amenée par draglines, travaillant à sec.
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- supportant des transporteurs à courroies qui permettent de mettre les terres directement en dépôt à 80 m de distance. Le rendement varie de i5o ooo à 25o ooo m3 par mois.
- La plupart des chantiers fonctionnent nuit et jour, avec des pointes atteignant près de 2 millions de mètres cubes par mois.
- L'usine électrique.
- L’usine électrique de Donzère, dénommée centrale André Blondel en'mémoire du grand physicien français, doit absorber un débit de 1 53o m3 par seconde, sous une chute variant de 16 à 20 m.
- pour arrêter le groupe. Les six pales des roues se recouvrent, en effet, en laissant passer encore un débit de 5o m3 par seconde environ, ce qui suffirait pour porter la vitesse du groupe à 1,2 fois sa vitesse nor-rnale si l’alternateur était décroché du réseau.
- Ces vannes sont très importantes. Il n’en est prévu qu’un jeu pour les six groupesr manœuvré par un portique qui peut Avenir se placer devant l’un quelconque des groupes. Ce sont des vannes souples, construites-en éléments articulés, à la manière d’un store Baumann.
- La bâche spirale en béton amenant l’eau à chaque turbine a un diamètre, d’encombrement de 20 m. La roue a 6,10 m de diamètre et pèse 120 l.
- Le pivot, placé sous l’alternateur, doit supporter une charge de 1 4oo t; ce sera un des pivots les plus chargés qui aient été réalisés. Le montage s’effectuera au moyen de-deux ponts roulants de ibo t et de 18 m de portée, accouplés pour le montage et le démontage' des-groupes.
- Le bâtiment' de l’usine comprend sept travées, dont l’uner réservée au montage, a une longueur de i85 m, une largeur de 70 m èt une hauteur de 58 m (la hauteur de l’Arc de Triomphe de l’Étoile est de 47 ni). Le point le plus bas des fondations est à la cote 12 au-dessus du niveau de la mer, soit à 42 m au-dessous du terrain naturel. Un bâtiment annexe de 75 m de longueur contiendra les services auxiliaires, l’appareillage et les-bureaux.
- Résistances liquides.
- Le nombre des groupes a été fixé à six, dont quatre seulement sont en cours de construction. Chacun de ces groupes absorbera un débit de 255 m3 par seconde. Les turbines, du genre Kaplan, en forme d’hélice suspendue à axe vertical, possèdent des pales orientables. Leur puissance sera de 70 ooo ch et leur vitesse de 107 tours par minute. La vitesse d’emballement est de 280 tours par minute. Les alternateurs, du type parapluie, auxquels elles seront accouplées, auront une puissance de 5o ooo kW, et fourniront directement du courant à 10 5oo V.
- L’usine sera donc équipée pour une puis- ; sance de 000000 kW : elle produira, en année moyenne, 2 milliards de kilowatts-heure.
- L’ « entrefer », autrement dit l’espace libre entre la partie fixe et la partie tournante, est de 18 mm pour les alternateurs et de 3 mm seulement pour les turbines, ce qui est exceptionnel pour des Kaplan de 6,3o m de rotor.
- Les « trompes » d’admission des turbines, dont les formes ont été étudiées sur modèles réduits, sont munies de grilles et de rainures pour la mise en place de batardeaux, en vue des réparations et révisions.
- D’autres rainures, plus larges, doivent permettre la mise en place de vannes coupant le débit, en cas d’emballement de la turbine.
- En effet, si le distributeur à aubes déflectri-ces de la turbine se trouve calé en position « ouvert » par suite d’avarie, il ne suffit pas de faire pivoter les pales de la turbine
- L’énergie des alternateurs est transportée, par des câbles souterrains à 10 5oo V, jusqu’à la station de départ; et élevée à 60 ooo V, en vue de satisfaire aux besoins de la région avoisinante et ultérieurement à ceux de la S.N.C.F., par deux transformateurs. Quatre autres transformateurs sont prévus, élevant
- Fig. 4.
- Répandage d‘un revêtement bitumineux sur ta partie des berges du canal d’amenée exposée au « batillage » des vagues.
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- Route Nationale N?7 de Pans à Antibes
- DONZÈRE
- COMMUNE
- tpassesde
- enal de navigation
- Barrage de Retenue 5passesde3lf5ff[évannes 1 passe de 43m \segment
- la tension jusqu’à 220.000 V, pour interconnexion avec le réseau national.
- La Centrale hydro-électrique de Donzère a posé les problèmes les plus curieux en ce qui concerne les « disjonctions » d’énergie. Les variations plus ou moins soudaines du débit hydraulique de l’usine présentent, en effet, des inconvénients majeurs, tant pour le canal, où l’on doit craindre des surélévations dangereuses du niveau, que pour la navigation en aval, où une baisse brusque du tirant d’eau dans le Rhône pourrait provoquer des échouages.
- Or, le cas peut se présenter avec une extrême brutalité, lorsqu’une disjonction électrique ou un décrochage viendrait à supprimer l’absorption d’énergie par un alternateur ; électriquement, cette coupure se produit en un temps de l’ordre du i/5 de seconde. Ouvrir, en i/5 de seconde, un déchargeai assurant un débit égal à celui de la turbine, soit 225 m3 par seconde, est matériellement impossible. On fut ainsi conduit à une solution curieuse, consistant à court-circuiter provisoirement l’alternateur « disjoncté » sur une énorme cuve à électrodes triphasées, formant résistance liquide.
- Lorsque la puissance débitée par un groupe disparaît, ce groupe se commute automatiquement sur la résistance liquide, à laquelle il continue à envoyer une puissance égale à celle qu’il fournissait précédemment au réseau. Il ne se produit donc aucune variation du débit de la turbine. On a ainsi tout le temps d’ouvrir progressivement le déchargeur, afin qu’il prenne peu à peu le débit du groupe, tandis que, simultanément, on réduit la puissance absorbée par la résistance.
- Cette solution a été aujourd’hui abandonnée, au profit de vannes à ouverture relativement rapide pour le déchargeur. Elle se prêtait cependant à une application accessoire intéressante qui est la « remise en fréquence » de la partie sud du réseau français. De par la structure même de notre réseau national, le sud de la France, fortement équipé au point de vue hydroélectrique,. envoie en effet continuellement de l’énergie vers la région nord ; il peut ainsi arriver que la fréquence des usines
- Fig. 5. — Plan des ouvrages de dérivation, à Donzère.
- interconnectées méridionales tende à s’élever fâcheusement par rapport à la fréquence des usines thermiques de la région parisienne et du Nord. En court-circuitant momentanément un gros alternateur sur sa résistance liquide, il serait possible d’envoyer un « coup de frein » à toute la partie sud du territoire électrique, afin de remettre les choses dans l’ordre.
- Déchargeurs et écluses.
- DégriHeur Portique à batardeaux
- Nf
- nnri
- Portique des vannez
- 5ô.0ûRetenuenormak JL
- Grès
- Fig. 6. — Coupe de l’usine hydro-électrique de Donzère.
- On remarquera les proportions énormes des « trompes » d’amenée aux turbines.
- Il faut environ trois heures pour que le flux produit par l’ouverture du barrage de retenue de Donzère atteigne le confluent du canal de fuite, à Mornas. Le déchargeur, situé près de l’usine, se substitue aux turbines en vue d’assurer, pendant un temps plus ou moins long, la régularité du débit du canal,
- ou de déterminer la variation désirée de ce débit. Il permet également d’utiliser le canal à plein débit, lors des grandes crues, même si l’usine est arrêtée partiellement ou en totalité.
- Le déchargeur comporte six per-tuis, équipés d’une vanne de fond du type segment, démasquant un orifice de 5,20 m de largeur sur 2,70 m de hauteur. La dissipation de l’énergie hydraulique, en aval du déchargeur, s’opère au moyen de dents blindées faisant saillie sur le radier et munies d’arrivées d’air destinées à éviter les cavitations.
- L’cchise, haute de 26 m, fermée par des portes en arc, a été étudiée
- RO.00 (Crue 1900) 34-.SR ( 1530m 3)
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- par le professeur Caquot. La porte aval, levante, a la forme d’un arc demi-circulaire présentant sa concavité du côté amont; elle s’appuie sur ses rails, scellés dans le béton, par l’intermédiaire de galets montés sur ressorts. La porte amont présente des dispositions analogues, mais fonctionne en arc comprimé.
- Le remplissage de l’écluse, s’effectuant à raison de ioo m3 par seconde, a posé des problèmes délicats qui ont été étudiés sur des modèles réduits à « turbulence ».
- Les travaux du canal et de l’usine de Don-zère se sont poursuivis de façon satisfaisante au cours de 1960. L’effectif ouvrier, qui avait atteint 6 000 en juillet, est redescendu à 5 3oo en décembre; un retard important, conséquence de la grève qui a affecté les grands chantiers à la fin de février et au début d’avril, a été rattrapé.
- Dès la fin de l’année, le revêtement de batillage du canal d'amenée a été commencé. Après bâtardement, trois passes ont été mises à sec et sont achevées ou en cours.
- Dès le début de iq5i, on s’est attaqué à la dernière phase des travaux de construction du barrage de retenue.
- Sur le chantier de l’usine, 170 000 m3 de béton ont été coulés au cours de 1960; un troisième blondin a été mis en service pour accélérer le bétonnage. Les deux ponts roulants principaux de l’usine ont été achevés et le montage des premiers éléments du premier alternateur et de la première turbine a commencé. La construction des ponts nécessaires au franchissement du canal par la voie ferrée, la N. 7 et différentes autres routes, est à peu près achevée. L’essentiel des travaux de génie civil sera terminé à la fin de 1951 et la mise en route du premier groupe de l’usine est prévue pour le début de 1952.
- Vers l'équipement du Très-Bas-Rhône.
- L’aménagement, du Rhône a été financé jusqu’à présent exclusivement par l’épargne française qui lui a consacré 27 mil-
- liards. Dans Génissiat, qui coûte environ i4 milliards, il n’y a et il ne doit y" avoir que de l’argent d’origine 100 pour 100 française.
- A Donzère, c’est autre chose. Les Français ont fait avancer très loin les travaux, sans autre apport étranger que le matériel américain, que nous avons du reste payé. Une aide financière s’est avérée toutefois nécessaire; tel est du moins l’avis du Gouvernement français, qui a inscrit la Compagnie nationale du Rhône parmi les bénéficiaires pour ipào du Fonds d’équipement.
- — Et maintenant ? demandera le lecteur.
- Eh bien ! maintenant — c’est-à-dire une fois Donzère terminé — les ingénieurs vont s’orienter vers la construction des très grandes centrales hydro-électriques du Bas-Rhône, en aval de Lyon et, pratiquement, jusqu’à la mer, la dernière se plaçant en Arles. Onze chutes sont prévues sur ce parcours; elles produiront au total 10 milliards de kilovvatts-heure annuellement. Saint - Ramberl, 170 000 kV-A, Valence, i35 000 kV-A, Lo-riol, 3oo 000 kV-A, Montélimar, 3oo 000 kV-A, Châteauneuf-du-Pape, 22.5 000 kV-A, Avignon, ia5 000 kV-A, Vallabrègues, 80 000 kV-A, extrême pointe sud de l’exploitation hydro-électrique, tous ces noms seront demain célèbres, quand le Rhône sera entièrement captif. Ce sont des nappes immenses, un véritable bras de mer, qui s’engouffrera dans les turbines, en traversant la plaine hérissée de cyprès.
- Sunt lacrymae rerum.
- Voilà donc, à vol d’oiseau, le panorama de ces travaux du Rhône, qui doivent si fortement modifier le visage de la France et surtout de la France provençale. Devant ces bétons blancs et gris, d’où sortent des fers comme des épées, ces élans prisonniers, ces écumes captives, le cœur se serre,
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- «comme il se serre devant l’illustre site du Mont Saint-Michel, menacé par la grande digue « marémotrice ».
- Tant de désastres sont-ils nécessaires ? En sacrifiant leur Rhône sauvage, les Français peuvent songer à ce marchand de roses, dont parle Saadi, qui, avec l’argent qu’on lui donnait pour ses roses, ne pouvait rien acheter de plus précieux que des roses.
- Oliviers dévastés, nappe fauve du fleuve tari devant Pont-Saint-Esprit, blancheurs englouties dans la bâche spirale des turbines, ponts suspendus abandonnés dans un paysage vide, il faut nous résigner... La poésie d’aujourd’hui est faite de force; elle s’allie au gémissement des turbines, à ces dentelles de feu qui se déchirent aux sommets des pylônes; elle a l’autorité sans nuances dés kilowatts.
- Pour ceux que ces beautés composites attirent, je conseillerai
- d’aborder la vallée du Rhône non pas longitudinalement, dans le sens Nord-Sud, mais transversalement, par le col de la route de Vallon, au-dessus de Rourg-Saint-Andéol. La meilleure heure est aux approches du soir, dans les lumières horizontales. On débouche en plein ciel, sur un belvédère surplombant, d’où l’on voit « la mappemonde » : a5 km de terres remuées, aveuglantes, d’oliviers arrachés, de paysage lunaire, dominé par les pré-Alpes blanchâtres et ciselées, du Diois au Yentoux... Reculez de ioo m, et c’est la solitude totale des plateaux, un paysage biblique, des lointains bleus de Moab et de Genèse.
- Nul point de vue en France, mieux que ce col aux versants contrastés, ne précise la juste proportion de ces œuvres déjà imposantes, en ce qui concerne l’aspect géographique et la beauté expressive du Globe.
- Pierre Devaux.
- LA D. S. L. OU COUCHE DIFFUSANTE PROFONDE
- A l’antique sondage au plomb, bateau stoppé, la guerre de 1914 ajouta les sondages en marche par trains d’ondes. Deux groupes d’ondes furent particulièrement choisis : les sons audibles et les ultrasons plus fréquents. Il s’agissait avant tout de dépister un sous-marin au voisinage par les échos que sa surface provoquait, puis on songea aussi à reconnaître Le fond, à suivre son profil, et plus tard à lier les unités d’une flotte par des communications discrètes.
- En France, Marti fut l’ingénieur des sondages au son; un bruit bref tel que celui d’un coup de marteau, ou d’une détonation de fusil étant émis en surface, on écoute sa répétition par écho après qu’il s’est réfléchi sur le fond ou sur un obstacle; le temps d’écho multiplié par la vitesse du son dans l’eau donne le double (aller et retour) de la distance ainsi repérée. Les ondes sonores sont faciles à produire et à recevoir, mais elles ne sont pas orientées et s’étendent dans toutes les directions; en outre, le navire, la surface de la mer et même certains animaux produisent constamment d’autres bruits qui orchestrent l’écoute et la rendent parfois incertaine.
- Les ultrasons, inaudibles à l’oreille, de fréquences plus grandes que les sons, ont la curieuse propriété d’agir sur un cristal de quartz orienté : leur pression y provoque une série de variations électriques. C’est Curie qui découvrit ce phénomène de la piézoélectricité ; Chilovsky proposa de l’utiliser pour l’écoute sous-marine; Langevin et ses élèves mirent au point les réalisations pratiques.
- Aujourd’hui, les ultrasons sont couramment employés sur tous les navires, de guerre et de commerce; ils exigent un appareillage spécial assez complexe, mais ils ont deux avantages : ils ne peuvent être confondus avec des vibrations parasites; ils se transmettent seulement dans une direction, en un pinceau d’autant plus étroit que leur fréquence est plus grande. Ils assurent le sondage en marche et donnent sur des enregistreurs un tracé continu du fond; émis obliquement, comme dans 1’ « asdic », ils permettent d’explorer la masse d’eau et d’y déceler une hétérogénéité : sous-marin ou banc de poissons; émis horizontalement, ils peuvent servir aux transmissions à faibles distances entre unités navales de surface. Au quartz piézoélectrique s’est ajoutée la magnéto-striction, fort développée pendant la dernière guerre.
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- Dès 1941, opérant au large de la Californie, C. F. Eyring, R. J. Christensens et R. W. Raitt eurent l’étonnement d’en-
- registrer au-dessus de fonds de 1 200 à 3 000 m des, échos ultrasonores se produisant sur une couche ou une nappe, vers 276 m. Le phénomène s’avérait sans relations avec les variations de température et de salinité de l’eau. S’agissait-il d’éléments en suspension à cette profondeur ?
- Rien tôt, M. W. Johnson songea à la possibilité de rassemblements, d’essaims d’animaux planc-toniques.
- En 1945, C. E. Duvall et R. J. Christensens ajoutèrent au mystère de cet écho : on l’observait de jour vers 3oo m; à la nuit, il remontait vers la surface et au matin il redescendait.
- Dès 1946, dans la région de Concarneau, en Manche et à Terre-Neuve, sur des bâtiments de la Marine nationale, Tcher-nia étudia à l’asdic la détection des bancs de poissons; tous donnaient des échos, que ce soient des sardines, des germons, des harengs ou des morues et chaque espèce présentait des particularités assez reconnaissables.
- Cela appuya l’idée que la couche diffusante profonde, la deep scattering Layer (D. S. L.) de Eyring, la Sea phantom bottom du service hydrographique américain, avaient une origine biologique. Et l’on expliqua ainsi tant de hauts-fonds erronés signalés au milieu des grands fonds par beaucoup de commandants de navires et qui ne purent jamais être retrouvés.
- En 1948, Raitt essaya de calculer les tailles possibles des organismes en cause, tandis que J. R. Hersey et H. B. Moore retrouvaient la D. S. L. dans l’Atlantique central et la Méditerranée et que R. S. Dietz la voyait dans le Pacifique nord et sud et dans l’Océan Austral.
- Tous songeaient aux animaux les plus nombreux du plancton, aux Crustacés du groupe des Euphausiacés, grands comme des crevettes, vivant en bancs denses et immenses qui sont la nourriture de nombreux Cétacés et Poissons. Lyman, en 1960, mit en cause les Céphalopodes également abondants et parfois groupés.
- En 1960, Bodon, pour en avoir le cœur net, pêcha dans le Pacifique avec des filets à poche, ouverts et fermés à des profondeurs déterminées; il captura vers 3oo m surtout des Euphausides et parfois un poisson du grand large, Cololabis saira.
- A. C. Burd et A. J. Lee, du laboratoire anglais des pêches de Lowestoft, ont récemment trouvé en Manche, en Mer du Nord, dans la Mer de Barents, une couche réfléchissante peu profonde, inconstante, parfois très étendue, présentant des variations diurnes de profondeur, au-dessus de fonds assez faibles; ils y ont pêché des larves et des jeunes de poissons, de 12 mm à 12 cm de long, et pensent que leurs vessies natatoires pleines
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- d’air jouent un rôle important dans la réflection des ultrasons.
- En France, P. Tchernia gui avait déjà utilisé l’asdic à la détection des bancs de poissons, a employé le sondage vertical au cours des deux premiers voyages du « Commandant Charcot » à la Terre Adélie, en 1948-1949 et 1949-1950 (Q. Il a ainsi pu explorer une très longue route, de Durban à PAntarctique, dans l’Océan Austral, et de l’Australie à Brest, à travers l’Océan Indien, la Mer Rouge, la Méditerranée. Il a pu faire dès le premier voyage 826 observations. Partout il a rencontré la couche diffusante profonde, même au-dessus de fonds de moins de 5oo m; le phénomène est donc général et continu ; il s’observe dans toutes les mers.
- La couche commence à descendre chaque jour une heure avant le lever du soleil; son enfoncement est lent, de 1 à 6 m par minute. Elle commence à remonter une heure environ avant le coucher du soleil. Il n’est pas douteux qu’on connaît nombre d’animaux planctoniques qui présentent un rythme nycthéméral de ce genre, mais on n’en connaît pas qui forment une couche continue dans toutes les mers du globe ; tous sont en groupes plus ou moins étendus, séparés par de grands espaces d’eaux vides, et de plus leur rythme n’est pas aussi régulier, é^ant troublé par d’autres facteurs : dans l’espace, les limites de température de l’eau entre autres, dans le temps la maturation sexuelle.
- Est-ce une simple action photique ? Moore a bien signalé une variation rapide du niveau de la D. S. L. quand un grain obscurcit le ciel. Que devient le rythme pendant les très longs jours et les très longues nuits des régions arctiques et antarctiques ? Dans l’Océan Austral, Dietz vit la D. S. L. disparaître aux abords du pack. En Mer de Barentz, en août 1900, Burd et Lee relevèrent des échos qui descendaient au fond pendant le lever du soleil et remontaient après son coucher jusqu’au voisinage de la surface; des parties de la couche réfléchissante descendaient à des vitesses différentes, suggérant la présence d’organismes différemment sensibles aux variations d’intensités lumineuses.
- Tchernia, dans sa deuxième campagne, a noté des réflections enti'e 800 et 4oo m sur une couche épaisse de 5o à 200 m qui ne renvoyait qu’une partie des ondes ultra-sonores, se laissant traverser par une autre qui allait se réfléchir sur le fond. Dans certains cas, il existait deux ou trois couches distinctes, séparées de 100 à i5o m. Les échos sur une couche intermédiaire furent observés jusqu’à 66° S., même par des fonds de moins de 5oo m. Ils ne présentaient pas toujours de variations nycthé-
- 1. P. Tciieunia. Observations d’océanographie biologique faites par l’aviso polaire « Commandant Charcot » pendant la campagne 1948-1949. Bulletin du Comité d'Océanogruphie et d’étude des côtes, décembre 1949, p. 10; janvier 1950, p. 7. — Campagne 1949-1950. Ibid., janvier 1951, p. 13 ; février 1951, p. 40.
- morales de profondeur et notamment cellesrci manquaient pendant les jours de l!été austral, quand le soleil restait constamment au-dessus de l’horizon.
- La couche diffusante profonde a été retrouvée par le capitaine-de vaisseau Galou sur les côtes de Provence et près de la Corse, dans la Méditerranée dont les eaux ont la même température-dans toute leur masse.
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- Tels sont les faits rassemblés en ces dernières années.. M. Tchernia qui vient de les rappeler à la dernière réunion du C. O. E. C., se demande quelle explication en donner.
- Il est possible qu’en certains cas, les êtres vivants jouent un rôle dans les anomalies des sondages; tous les animaux du plancton, d’une certaine taille, peuvent être mis en cause ; crustacés, céphalopodes, alevins et adultes de poissons, surtout ceux à vessie natatoire pleine de gaz, et aussi les hordes de prédateurs. Mais il semblerait exagéré de voir en eux une explication univoque. Ils sont trop peu nombreux, trop disséminés, trop mobiles pour expliquer une phénomène qui apparaît constant dans toutes les mers du globe, de l’Arctique à l’An-tarctique en passant par l’Équateur.
- Quelle autre hétérogénéité pourrait-on invoquer ? Les discontinuités thermiques, les différences de viscosité qui en résultent, ne sont ni assez brusques, ni assez constantes pour fournir une théorie plausible.
- Faudrait-il essayer d’un « spectre » des ultrasons ? On sait que l’asdic opère sur ondes entretenues, par émissions longues de 1/10 de seconde environ et le sondeur ultrasonore sur ondes amorties bien plus brèves d’environ 1/1000 sec. Les fréquences ultrasonores sont de i5 kilocycles jusqu’à 4o ou même-plus. Existe-t-il des fréquences, des longueurs d’ondes privilégiées dont la transmission serait particulière et provoquerait par exemple des interférences, des résonances P
- M. Tchernia s’est posé toutes ces questions sans pouvoir y répondre et il est probable qu’un long travail des physiciens et des biologistes sera nécessaire pour aboutir à une notion exacte et précise.
- Une fois de plus, constatons que la mer est un milieu hétérogène et aussi que l’océanographie ne peut être une science isolée; elle est un carrefour où interfèrent les lois strictes de la matière et les complexités de la vie. Le sujet vaut qu’on s’en occupe; il donne à la navigation sa sécurité, à la pêche des indications précieuses, à la guerre des moyens de défense des convois. Souhaitons qu’on puisse bientôt en parler avec plus d’assurance.
- A. B.
- La construction automobile française.
- La revue Petroleum Press Service annonce que l'industrie française de l’automobile a construit en 1900 3(io 000 véhicules, dont 260 000 voitures particulières et 100 000 camions et autobus, soit 26 pour 100 de plus qu’en 1949 et Go pour 100 de plus qu’en 1988. Les exportations ont atteint u5 000 véhicules, dont 70 000 à l’étranger' et 45 000 dans les territoires de l’Union française, valant globalement 5o milliards de francs.
- Les commandes de l’étranger conduisent à construire des véhicules de grande puissance; par contre, le marché intérieur s’intéresse aux petites voitures, dont deux des plus connues sont les automobiles Renault de 4 ch et Citroën de 2 ch. Cette
- dernière, dont la construction a commencé l’an dernier, a un moteur à deux cylindres à refroidissement par air et une carrosserie à 4 places; elle peut dépasser 60 km/h et est actuellement l’automobile la moins coûteuse du monde. Une nouvelle usine, à péu près terminée, permettra bientôt de sortir 4oo voitures par jour.
- Les majorations des taxes à la production et sur le chiffre-d’affaires, des salaires, des matières premières vont élever les prix d’achat; les augmentations des taxes sur l’essence et des primes d’assurances vont rendre l’utilisation plus dispendieuse. Le marché des voitures s’en trouvera sans doute réduit.
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- LA MICROBIOLOGIE
- ET LA CONSERVATION DES VINS
- La question, souvent posée, de savoir si le contact des, lies avec le vin est ou n’est pas favorable à celui-ci peut être facilement résolue en tenant compte des seules données de la science microbiologiquc.
- En œnologie, la lie est le précipité plus ou moins volumineux qui se forme quand on laisse en repos du vin ayant subi sa première fermentation, séparé par décantation simple des pel-, licules et de la rafle.
- Un vin fait, décuvé et enfûté pour la première fois a toujours un aspect trouble : il subit alors une seconde fermentation, beaucoup moins tumultueuse que la première, par laquelle il se débarrasse de la plus grande partie des impuretés qu’il contient. Cette fermentation se prolonge, plus ou moins ralentie, pendant plusieurs mois souvent, et a pour conséquence un éclaircissement progressif du liquide en même temps que la précipitation des lies dont celui-ci était chargé.
- La lie est composée de nombreux produits insolubles dont la présence en suspension communiquait au vin son aspect louche des premiers jours. Elle est un mélange confus de débris de pulpes, de substances colorantes ou tanniques, de ferments insolubles et de divers sels minéraux ou organiques, notamment de composés à base d’acide lartrique. Les ferments et les levures qu’elle renferme continuent, après leur précipitation, à avoir des échanges vitaux, plus ou moins actifs, avec le milieu dans lequel elles se trouvent.
- Les cellules qui les constituent ont accumulé, au cours de la fermentation qui est pour elles une période de vie intense et d’abondante nutrition, des quantités notables de matériaux de réserve parmi lesquels se rencontrent surtout des corps gras et un isomère de l’amidon, très analogue au glycogène organique.
- Après l’achèvement de la fermentation vinaire qui transforme en alcool le sucre du raisin, le moût ne contient plus qu’en faible quantité les éléments sucrés dont la levure a besoin pour se nourrir; celle-ci, pour subsister, doit s’alimenter des réserves qu’elle a amassées; elle les assimile partiellement après en avoir opéré la transformation, et l’opération qu’elle effectue ainsi a pour premier effet tangible une production d’alcool et d’acide carbonique.
- La vie élémentaire des cellules de la lie peut donc avoir, à ce point de vue, une influence utile sur le titre alcoolique d’un vin et l’accroître d’un demi-degré environ. En même temps, comme la production de l’alcool par les lies est une opération extrêmement complexe, elle s’acompagne de la formation d’une certaine quantité de glycérine qui se dissout dans le vin. C’est ainsi que peut être comprise l’assei'tion populaire que la lie
- « nourrit le vin « ; elle l’enrichit, en effet, à la fois, en alcool et en glycérine et comme, parallèlement, les membranes protoplasmiques qui limitent les cellules de la levure fixent en elles certaines substances colorantes et tanniques assez instables et mal solubles dans la dilution alcoolique qu’est le vin, il est exact de penser que la lie contribue à l’éclaircissement du liquide en môme temps qu’à son enrichissement; elle joue donc un rôle utile au premier chef.
- Mais ce rôle ne tarde pas à devenir nuisible. Assez rapidement, la provision de réserves alimentaires que renferme la levure s’épuise et celle-ci, se trouvant à jeun, modifie son alimentation : elle s’attaque à sa propre substance qui est de nature purement albuminoïde et la consomme à son tour en donnant naissance à de véritables produits d’excrétion qui peuvent, dans beaucoup de cas, apporter au goût et au bouquet du vin des modifications fâcheuses. De plus, ces produits excrétés semblent un aliment de choix pour la plupart des bactéries pathogènes éparses dans le vin et favorisent leur prolifération.
- D’autre part, les levures se nourrissent partiellement avec certains éléments constitutifs du vin : elles dissocient notamment les acides et font rétrograder certains éthers supérieurs jusqu’à une forme chimique dépourvue d’arome et de sapidité ou même malodorante et de goût désagréable, elles viennent en aide ainsi aux bactéries de la désacidification et à celles qui détruisent ou affaiblissent le bouquet.
- Quand elles ont épuisé successivement leurs réserves propres et tout ce qui était attaquable par elles dans le vin, les levures finissent par succomber; il ne reste d’elles que des éléments inertes qui sont de densité très voisine de celle du vin et qui, par suite, flottent dans sa masse en produisant un louchissement tenace qu’il est très malaisé de faire disparaître.
- Des observations qui précèdent, on peut induire qu’il faut laisser le vin sur sa lie pendant un temps assez long pour cjue sa fermentation primaire se complète et pour qu’il s’enrichisse d’alcool et de glycérine, mais il faut se garder de trop prolonger ce contact.
- Un soutirage bien fait s’impose pour éviter des accidents parfois graves ou, tout au moins, des détériorations toujours sensibles. Ce soutirage doit être effectué aussitôt que la levure, ayant épuisé ses réserves alimentaires propres, commence à vivre aüx dépens de la lie et aux dépens de sa propre substance.
- Il convient donc de soutirer le vin au moment précis où le microscope révèle que les levures sont à jeun et que leur glycogène a disparu, sinon totalement, au moins d’une façon presque intégrale.
- Henri Blin.
- La plus petite
- En 1890, sir J. D. Hooker a décrit la plus petite Dicotylédo-née, Arceuthobium minutissimum longue en tout de 2 à 5 mm. C’est, une plante sans feuilles, parasite d’une seule espèce de Pin, Pinus excelsa. Elle pousse en se ramifiant dans l’écorce de l’arbre et ne sort à la surface, en la perforant, que des fleurs minuscules enveloppées dans un calice à deux sépales. Ces fleurs sont verdâtres et d’un seul sexe; les mâles, sessiles, montrent deux étamines aux anthères unilobées; les femelles, pédon-culées ont un ovaire à une seule loge surmontée d’un stigmate trifide. La plante est endémique aux Indes et on l’y rencontre dans l’Himalaya, à une altitude de plus de 3 000 m. Le Pro-
- plan te à fleurs.
- fesseur Agharkar, de l’Université de Calcutta, l’a trouvée au Népal et au Cachemire.
- En examinant des fleurs préparées en coupes microscopiques, M. R. M. Datta, du Jute Agricultural Research Institute du Bengale occidental, vient de découvrir une fleur bisexuée de 0,127 mm de long, présentant entre les deux sépales deux étamines et un ovaire bien constitués. Il semble donc que l’Arceu-ihobium minutissimum soit une plante hermaphrodite dont le plus souvent un des sexes subit une atrophie ou un arrêt de développement. M. Datta vient de signaler ces très curieux faits dans Nature, de Londres.
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- SIR HUMPHRY
- DAVY (1778-1829)
- Scs premières recherches portèrent sur le protoxyde d’azoter découvert par Priestley en 1772. On l’appelait, alors, gaz nitreux déphlogistiqué. Davy l’étudia et vit dans ce mélange un anesthésique puissant, provoquant, en quelque sorte, un délire extatique, d’où vient le nom qu’on lui donna de gaz de paradis, gaz exhilarant.
- Courageux, très dur au mal, l’intrépide jeune homme tenta, sur lui-même, de multiples expériences. Cet « essayeur » absorba, outre du protoxyde d’azote (1), de l’acide carbonique, de l’hydrogène, de l’azote, du gaz d’éclairage. Et peut-être, ces divers essais — que d’autres pourraient taxer d’exagération —-contribuèrent-ils à donner à Davy une santé délicate qui lui permit de franchir, à peine, le cap de la cinquantième année.
- II revenait sans cesse au protoxyde d’azote qui lui procurait, au réveil, de si agréables sensations et lui faisait vivre comme une nouvelle vie qui le rendait complètement heureux.
- Il prononçait alors ces paroles, suivant le dire de ses contemporains :
- « Rien n’existe que la pensée; l’univers n’est composé que d’idées, d’impressions, de plaisirs, de souffrances ».
- Mémoires, communications, découvertes, entretiens, portaient au loin le nom de Davy, parmi les savants, les industriels et le grand public aussi.
- A cette époque, sir Benjamin Rum-ford (2) venait de fonder l'Institution Royale, destinée à propager les découvertes scientifiques applicables à l’industrie et aux arts utiles.
- Or, précisément, Rumford venait de se brouiller avec le Dr Garnett, professeur de chimie. Des amis communs proposèrent pour le remplacer le jeune Humphry, âgé de 22 ans. Après des hésitations bien naturelles, Rumford finit par donner son acquiescement. Pour commencer, Davy dut se contenter d’une salle fort exiguë, à la mesure, pensait-on, d’un débutant. Mais au bout de quelques séances, le succès du professeur s’affirma. Rumford, devant ces leçons inaugurales, fut tout heureux de transférer cette chaire au grand amphithéâtre.
- Ainsi l’année 1801 qui commençait — célébrons ce i5oe anniversaire — l’année 1801 vit monter sur la scène scientifique du monde Humphry Davy, professeur de chimie à l’Institution Royale de Londres. Il fut un professeur très brillant.
- Te) Jean-Baptiste Dumas, il était servi par une parole claire et aisée, une voix harmonieuse, une grande distinction de sa personne, l’élégance des gestes, une jolie figure, il devint le conférencier à la mode.
- Cours, investigations, découvertes, inventions se succédaient à un rythme rapide, en môme temps que montaient vers lux
- Parmi les savants du xixe siècle qui ont reculé les limites de la connaissance chimique, sir Humphry Davy fut l’un des plus grands.
- Ses découvertes et inventions, réparties sur une période de trente années, nous le montrent aux principaux moments de sa courte carrière; elles font revivre l’homme et le dressent, en quelque manière, devant nous.
- On pourrait distinguer, successivement, chez lui : le poète, le chimiste, le penseur, il prenait autant de plaisir à la rêverie qu’à la science.
- Il naquit à Penzanee, bourg de Cornouailles, l’aîné de cinq enfants. Son pèi’e, sculpteur et doreur sur bois, exât désiré voir son fils continuer son métier, mais celui-ci n’avait pas le feu saci’é. Les champs, les bois, les eaux claires, l’attiraient. Il ne pouvait en détacher ses l’egax'ds : sa rêverie s’y promenait, s’y attardait,. Contempler le ciel, les là son bonheur. Son émoi, sa mélancolie, il les confiait aux pages blanches d’un petit carnet qui ne le quittait pas.
- Mais, hélas ! il fallut reprendre contact avec la terre et ses dures' réalités. Il avait iG ans, en 179/1, quand son père mourut, laissant les siens dans xxne situation assez précaire.
- Mme Davy se vit contrainte d’ouvrir un petit magasin de modes et de lingerie et de tenir une pension de famille. Le jeune homme fut placé, comme apprenti, chez un pharmacien nommé Borlaze (ainsi débutèrent .ces autres grands savants :
- Scheele, J.-B. Dumas, Parmentier,
- Balard...).
- Par une coïncidence fortuite autant qu’heureuse, — et qui allait révéler à Davy sa véritable vocation — parmi les premiers pensionnaires de Mme Davy se trouvait un des fils du célèbre James Watt, héritier, et continuateur lui-même plus tard du célèbre mécanicien.
- Dès l’arrivée de ce nouveau client,
- Davy eut le désir de se fahre remarquer et apprécier. Il commença par étudier, disons mieux, par « dévorer » Lavoisier. D’ailleurs, il 11’était pas toujours en complet accord avec ce maître de la chimie et il s’en ouvrait à son ami.
- Diverses expériences qu’il entreprit et qu’il réussit parfaitement entretinrent l’attention de Watt : ce dernier l’encouragea à persévérer, bien mieux, il le recommanda à Beddoes (x) jouissant alors d’une renommée considéi’able.
- Humphry Davy envoya à Beddoes un Mémoire sur la chaleur et la lumière, où il essayait de ruiner la théorie de Lavoisier, et une seconde communication sur la Respiration des plantes marines et leur action sur Veau dans laquelle elles vivent.
- La réaçtion ne se fit pas attendre : Davy, alors âgé de 18 ans, fut appelé par le Dr Beddoes qui en fit son collaborateur, on dirait aujourd’hui son chef de laboratoire.-Chimiste amateur il avait été, chimiste de carrière il devenait.
- 1. Thomas Beddoes (13 avril 1760-24 décembre 1808), médecin et chimiste anglais, qui avait connu et suivi Lavoisier dans ses travaux, fonda « l’Institut pneumatique » où il traitait les maladfes par l’inhalation des gaz. Pour lui, dans la phtisie pulmonaire, il y avait prédominance de l’oxygène dans l’organisme ; il y opposait une inhalation d’acide carbonique.
- 1. Le protoxyde d’azote est l’un des plus anciens anesthésiques chirurgicaux et il connaît encore de nos jours une faveur méritée. Paul Beut (1833-1886) a démontré qu’on peut, sans danger, utiliser un mélange de protoxyde d’azote et d’oxygène qui procure une anesthésie suffisamment profonde.
- 2. Sir Benjamin Rumford (1753-1814), savant physicien et chimiste (d’origine américaine), est l’auteur d’une œuvre scientifique considérable. Il vint se fixer à Auteuil où il épousa la veuve de Lavoisier et il fut inhumé dans le petit cimetière du vieux village.
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- les honneurs, justes hommages dus à un savant de grande classe.
- En cette année 1801, Davy construisit une pile puissante, différant de celle de Yolta, qui lui permit de formuler cette proposition hardie : « L’affinité chimique n’est autre que l’énergie des pouvoirs électriques opposés ».
- Le chimiste démontra que l’eau acidulée ne donnait pas de l’oxygène au pôle positif et de l’hydrogène au pôle négatif ; il démontra encore, ce que Lavoisier avait pressenti, que les alcalis et les terres alcalines sont des corps saturés d’oxygène. Il isola, ainsi le potassium et le sodium. Il découvrit encore et baptisa de nouveaux métaux (r).
- Au milieu de l’année i8o3, Davy fut appelé à la Royal Society, Société Royale de Londres (équivalent de notre Académie des Sciences), dont il devait devenir, par la suite, le Secrétaire perpétuel.
- Ce maître de la chimie apportait une constante ardeur, parfois excessive, à combattre les théories de Lavoisier. En y regardant de près, on pourrait déceler surtout en lui une opposition systématique aux principes de notre grand savant concernant la combustion. Davy voulait réduire le rôle de l’oxygène. D’ailleurs, il étudia Vacide muriatique déphlogistiqué et oxygéné comme on l’appelait en France. 11 y découvrit un composé d’hydrogène et d’un corps simple, qu’il désigna sous le nom de « chlorine » auquel Ampère proposa de substituer le mot chlore.
- En même temps que Gay-Lussac, il fit connaître que le corps récemment découvert par Courtois (1 2), appelé iode, était un corps simple, et que le chlore et le lluor, en s’unissant à l’hydrogène, formaient les acides correspondants.
- Davy concluait qu’il faut modifier la théorie de Lavoisier qui attribuait, seulement à l’oxygène, la propriété acidifiante et comburante. L’oxygène ne peut être la cause exclusive de l’acidité. Ce fait avait été pressenti par Berthollet, et avec Scheele(3), il avait établi que « l’acide sulfhydrique ne contient pas d’oxygène ».
- Davy ne serait donc pas l’auteur incontestable de la découverte des acides hydrogénés, mais il a eu le très grand mérite d’étendre cette théorie à ses expériences électrolytiques. C’est au moyen de la pile de Volta et de la sienne, qu’il envisagea l’hydrogène comme le véritable générateur des acides, et il a, de la sorte, joué un très grand rôle dans l’évolution de la chimie.
- En 1808, ses travaux remarquables valurent à sir Humphry le grand prix de l’Institut de France, fondé par Napoléon Ier, pour les progrès du galvanisme.
- Au cours de cette même année, il avait publié plusieurs mémoires sur la composition des engrais.
- Environ 1812-1810, il remarqua, le premier, qu’en reculant légèrement les deux crayons de charbon parcourus par le courant électrique fourni par une pile, on obtient un arc lumineux. On peut donc voir là une anticipation, plus de 5o ans à l’avance, sur la réalisation de Jablochkol'f.
- Il faut encore parler de la lampe de sûreté des mineurs qui a fait pénétrer le nom de Davy dans le monde entier, et lui assure la reconnaissance de tous les hommes.
- On.était alors en i8i3 et 1814; une très grave explosion de grisou provoqua la mort d’un grand nombre d’ouvriers du fond dans une houillère de Cornouailles. Un comité de propriétaires de charbonnages, douloureusement émus par celte terrible catastrophe, vint trouver Davy et le chargea de a rechercher les causes de ces teri’ibles accidents que produit l’air inflammable des
- 1. Le baryum tut trouvé en 1807, avec Seebeck. En 1806 apparut le strontium, préparé ensuite par Bunsen, et le calcium, la même année. Davy obtint aussi le magnésium, à l’aide de la pile, à l’état d’amalgame. Il ne put l’isoler du mercure, ce qui lut réalisé par Bussy en 1829.
- 2. Courtois (1777-1838), fils d’un préparateur de Guyton de Morveau, a découvert aussi la morphine.
- 3. Scueelb (1742-1786) est un grand nom de la chimie suédoise.
- mines et les moyens de les prévenir ». Davy se mit à l’étude et, en i8i5, il communiqua à la Royal Society de Londres le résultat de ses recherches et son invention.
- Après de multiples essais, il avait reconnu et prouvé « qu’il était possible d’éviter l’inflammation du grisou par l’emploi de lampes à huiles ordinaires', en les entourant d’une enveloppe ne donnant accès à l’air extérieur que par des orifices suffisamment étroits ». .
- En 1810, le chimiste reconnut et utilisa les propriétés des tamis métalliques fins — 120 mailles au centimètre carré — qui écrasent une flamme sans se laisser traverser par elle; de plus, en capacité fermée, un tel tamis provoque automatiquement l’extinction de la flamme qu’il enveloppe lorsque celle-ci prend trop d’importance par l’arrivée du grisou dans les accès d’air nécessaires à la combustion et filtrant à travers les mailles (x).
- Avant de présenter à la Société Royalé son invention, Davy, toujours méthodique et prudent, avait effectué de nombi'eux essais en produisant des explosions — non sans risques pour lui-même, dans des réservoirs remplis de gaz et de mélanges divers.
- Cette réalisation d’une incontestable utilité et d’une portée sociale considérable, montrait la qualité de son esprit inventif autant que l’humanité de ses sentiments.
- La notoriété de Davy ne cessait de grandir, et son nom devint populaire en Grande-Bretagne et au delà.
- Le roi Georges IV le créa baronnet et Cuvier disait : « Il semblait qu’on pouvait, désormais, commander à Davy une découverte, comme on commande à d’autres une fourniture ».
- Pour ce savant, la découverte n’était pas un but qui marque un arrêt, mais un jalon planté sur une route infinie.
- Il apparaissait comme un ingénieur-conseil de grandes sociétés industrielles et des administrations publiques de l’État. L’Amirauté britannique, préoccupée de l’entretien onéreux des plaques de cuivre qui recouvraient la coque des navires, lui demanda en i8z3, un préservatif pour en empêcher la rapide oxydation. Considérant que ce phénomène doit être attibué au sel marin, avec formation de chlorhydrate de cuivre, Davy imagina de fixer les plaques de cuivre avec des clous de fer, qui formeraient avec le cuivre des éléments de pile, où ce dernier métal, chargé d’électricité négative, perdrait la propriété d’agir sur la dissolution saline.
- Ce fut là un des derniers travaux scientifiques de Davy.
- Sa santé physique laissait voir des signes de lassitude, mais son activité intellectuelle ne s’arrêtait point pour autant.
- Il se fit nommer membre d’une commission de savants qui allait étu'dier les fouilles d’IIerculanum. Davy en était, si l’on peut dire, l’attaché littéraire. Il allait revenir, enfin, aux chères et lointaines années de sa jeunesse; il s’adonnerait à la rêverie, à la contemplation, à la pensée pure.
- En 1827, il écrivit Salmonia, récit de ses voyages où l’exploration se mêlait à la méditation, les ruines à la mélancolie. Il publia, ensuite, Consolations de voyage que Cuvier considérait comme « l’œuvre d’un Platon mouron t ».
- Il revint se fixer à Genève où une attaque d’hémiplégie l’emporta, le 28 mai 1829, à l’âge de cinquante ans.-
- Sa veuve, qui mourut .en 1868, fonda un prix biennal de chimie. Par testament, elle légua à la Royal Society un service d’argenterie, estimé 100 000 fr qui avait été remis à Davy par souscription publique, en hommage pour sa belle invention de la lampe de sûreté.
- Amédée Fayol.
- 1. Perfectionnée par divers constructeurs, Fumât, Marsaut, Combes, etc., l’emploi de la lampe de sûreté a été rendu obligatoire, en France, dans les mines grisouteuses en 1887, et dans toutes les exploitations houillères en 1906.
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- LE CIEL EN OCTOBRE 1951
- SOLEIL : du 1» au 31, sa déclinaison décroît de — 2°5S' à — I3°56' ; la durée du jour passe de HMiO™ le 1er à 9h56m le 31 ; diamètre apparent le 1er = 32'0",22, le 31 - 32'16",48; — LUNE : Phases : N. L. le Ier à Ih57m, P. Q. le 8 à 0b0m, P. L. le 15 à 0holm, D. Q. le 22 à 23h55m, N. L. le 30 h 13ho4m ; périgée le 7 à 7h, diamètre app. 32'18' '.apogée le 21 à 17h, diamètre app. 29'32". Principales conjonctions : avec Saturne le 1er à 2hoüm, à 5°0' N. ; avec Jupiter le 14 à 4h18m, à 4°3G' S. ; avec Uranus le 21. à 17h10m, à 3°52/ S. ; avec Mars le 26 à 16h49m, à 2°o/ N. ; avec Vénus le 26 à 23h24m, à 0°2' S. ; avec Saturne le 28 à 18h23m, à 5°22' N. ; avec Neptune le 20 h 13h18m, à 5°30' N ; avec Mercure le 31 à llh55m, à 3°5S' ‘N. Principales occultations : de 8 Capricorne (3m,0) le 10, immersion à 17ho8m,0, émersion à 18h47m,8 ; des Pléiades du 17 au 18, occultations successives des étoiles 9, 20, 16, 21 et 22 Taureau, immersion de 9 Taureau (4m,4) à 23ll12m,4, émersion de 22 Taureau (6m,5) le 18 à 0h56m,5. — PLANÈTES : Mercure, inobservable, en conjonction avec le Soleil le 13 ; Vénus, très brillante le matin, plus grande élongation le 10, se lève 3h37m avant le Soleil le 16, diam. app. 37",4 ; Mars, dans le Lion, visible le matin, se lève le 16 à 2h0m, diam. app. 4"3, en conjonction avec Regulus le 3 à 3h (l'étoile à 0°54' S.) ; Jupiter, dans les Poissons observable toute la nuit, en opposition avec le Soleil le 3, diamètre pol. apparent 46",5 ; Saturne, dans la Vierge, redevient un peu visible le-matin, se lève le 16 à 4tL47in, diamètre pol. apparent 14",2, anneau : grand axe 35",7, petit axe 4",1 ; Uranus, dans les Gémeaux, se lève le 28 à 20b25m, position 7hlm et + 23°4\ diamètre app. 3",7 ; Neptune, dans la Vierge, peu visible le matin. — ÉTOILES FILANTES : Orionides du 16 au 22, maximum le 19, radiant vers v Orion. —
- ÉTOILES VARIABLES : minima observables A9Algol (2m,2-3*5), le 3 à Gh,t, le 6 à 2b,9, le S à 23b,S, le 11 à 20*,6, le 14 à 17*4, le 26 à 4h,7, le 20 à 1*,5, le 31 à 22h,3 ; minima de [3 Lyre (3*,4-4m}3), le 3 à 19*7, le 16 à 18h,0, le 29 à 16*4. — ÉTOILE POLAIRE : Passage sup. au Méridien de Paris : le 8 à 0*38mls, le 17 à Oh2m41s et à 23h5Sm4Gs, le 28 à 23*15*32**.
- Phénomènes remarquables. — L'occultation de S Capricorne (3m,0) le 10, à observer à la jumelle ; pour Toulouse, immersion à 17h52m,3, émersion à 18*37m,4 ; pour Lyon, immers, à 17*59* 7, émers. à 18*43* ,9 ; pour Strasbourg, immers, à 18h7m,3, émers. à 18*50*,8. — L'occultation des Pléiades les 17 et 18, à observer à la jumelle ; âge de la Lune 16,9 jours ; pour Toulouse, immers, de 9 Taureau à 23*4*, 6, émers. de 21 Taureau le 18 à 0*43*, 2, l’étoile 18 sera occultée : pour Lyon, immers, de & Taureau à 23*1 [*,0, émers. de 21 Taureau le 18 à 0h52m,3, l'étoile 18 sera occultée ; pour Strasbourg, immers, de 9 Taureau à 23*19*,1, émers. de 21 Taureau le 18 à l*2m,0. — La conjonction de Vénus avec la Lune le 26, à observer le 27 h l’aube, avec la lumière cendrée de la Lune. — Jupiter en opposition le 3, rechercher les satellites h la jumelle. — La lumière zodiacale le matin pendant tout le mois, en l’absence de la Lune ; la lueur anti-solaire vers minuit, le 30, au Sud du Bélier ; les étoiles filantes Orionides, du 16 au 22.
- (Heures données en Temps universel ; tenir compte des modifications introduites par l’heure en usage).
- G. Fournier.
- LES LIVRES NOUVEAUX
- Savants et découvertes, par Louis de Broglie. 1 vol. in-8°, 396 p. Albin Michel, Paris, 1951. Prix : 570 francs.
- Réunissant discours et éludes très variés, toutes d’une très belle forme de pensée et d’écriture, le secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences présente un tableau de quelques savants d’hier : Papin, Lavoisier, Le Verrier et d’autres d’aujourd’hui qu’il a connus et qui ont marqué notre époque : Poincaré, Osmond, Ferrie, Blondel, Picard, Perrin, Fabry, Langevin, Planck, Borel, Einstein et son frère Maurice de Broglie. 11 termine par diverses réflexions sur la science dans ce monde, son rôle dans les progrès de l’industrie, la part du hasard dans la découverte, le rythme du progrès scientifique. C’est un livre très vivant, accessible à tous, qui fait comprendre l’orientation actuelle des idées sur la matière, l’énergie, les radiations, l’effort de synthèse, d’unité, d’explication auquel oht tant contribué les personnages du livre et son auteur.
- The growth of physical science, par Sir James Jeans. 1 vol. in-8°, 364 p., 38 fi g., 14 pi. Cambridge Univcrsity Press., 1951. Prix : relié, 15 shillings.
- Voici la deuxième édition corrigée de cet admirable tableau des progrès des sciences physiques, depuis l’Égypte, la Grèce et les Alexandrins jusqu’à nos contemporains dont l’auteur fut un des plus grands. Dominant l’histoire des sciences, sachant éclairer et simplifier les idées qui conduisirent aux conceptions actuelles du monde, ü dégage les vérités successives de plus en plus riches et de plus en plus difficiles à suivre et enchante le lecteur par son style autant que par sa lumineuse pensée.
- Introducing astronomy, par J. B. Sidgwick.
- ' 1 vol. in-8°, 259 p., 69 fig., 5 pl. Faber and Faber, Londres, 1951. Prix : relié, 15 sh. Excellent livre d’initiation écrit pour apprendre à observer et créer ainsi des vocations. Après avoir dit pourquoi et comment on regarde le ciel, l’auteur indique ce qu’on peut voir du soleil, de la lune, des autres corps célestes et ce qu’on sait de l’univers. Puis, arrivant à l’emploi des lunettes, il guide l’examen des constellations, figurées et décrites l’une après l’autre.
- Écoulement des fluides compressibles, par R. Sauer. 1 vol. in-8°, 308 p., 150 fig. Béranger, Paris, 1951. Prix : 3 900 francs.
- Après un exposé de notions fondamentales
- sur la thermodynamique et les écoulements dans les tubes, l’auteur examine la théorie linéaire des écoulements subsoniques et supersoniques, puis la théorie rigoureuse des écoulements supersoniques stationnaires et des ondes de pression continues de grande intensité, le mode ' d’emploi de la théorie des caractéristiques, la théorie 'exacte des écoulements subsoniques stationnaires, les lois fondamentales de l’onde de choc et les ondes de choc dans les écoulements stationnaires et non stationnaires.
- Les aspects fondamentaux de la thermocinétique, par P. Vernotte. lre partie : Théorie. 1 broch, in-4°, 46 p. Service de documentation et d'information technique de l’aéronautique, Paris, 1951.
- L’auteur rappelle les faits essentiels intéressant l’étude des mouvements de chaleur et leurs conséquences pratiques, puis expose les méthodes de calcul en thermocinétique.
- Aménagements hydro-électriques, par I. Le-viant. 1 vol. in-8°, 156 p., 18 fig. Dunod, Paris, 1951. Prix : 640 francs.
- L’auteur présente sous une forme condensée l’ensemble des questions hydro-électriques, souligne les doctrines actuelles et leur évolution, notamment celles qui dérivent du développement de l’interconnexion, qu’il dénomme « stratégiques », par contraste avec les doctrines qu’il qualifie « tactiques », guidant les réalisateurs qui ont à les faire cadrer avec un ensemble. L’ouvrage tient compte des dernières modifications intervenues dans le domaine de l’électricité, il est complété par une bibliographie sélectionnée.
- Hydraulique des canaux découverts en régime permanent, par E. Crausse. 1 vol. in-8°, 257 p., 162 fig. Eyrolles, Paris, 1951. Prix : 1 390 francs.
- Les équations d’écoulement 'des fluides considèrent souvent des cas théoriques trop simplifiés : canal cylindrique, hauteur d’eau constante, régime uniforme. En fait, les cours d’eau naturels présentent des sections et des pentes variables, des régimes variés. Il en résulte des sections et des vitesses critiques, des remous et des ressauts, des passages du mouvement torrentiel au mouvement tranquille. L’auteur, professeur à l'université d’Alger, après avoir expérimenté à l'Institut de Toulouse et pratiqué l’hydraulique en Syrie, entreprend de compléter les formules classiques, d’y ajouter les résultats
- de multiples analyses expérimentales pour donner aux techniciens les moyens de résoudre plus exactement nombre de problèmes usuels posés par la réalité.
- Électricité, courant continu, courant alternatif, radioélectricité, par C. Cornet. 1 vol. in-8°, 285 p., 168 fig. Gauthier-ViLlars, Paris, 1951. Prix . 1 200 francs.
- Exposé de la théorie des électrons, des lois du courant continu, de l’électromagnétisme et de ses applications (dynamos génératrices et moteurs), puis du courant alternatif (alternateurs, alternomoteurs, transformateurs, distribution). Un chapitre substantiel est consacré à la radioélectricité et aux appareils modernes d’émission et de réception. Cet ouvrage qui ne fait pas appel aux mathématiques supérieures est écrit pour les candidats aux examens de la marine marchande.
- Toute l'électronique, par R. Asciien et J. Vi-yié. 1 vol. in-8°, 368 p., 407 fig. Éditions B.I.P., Paris, 1951. Prix : 1 680 francs.
- Après un exposé des principes fondamentaux d’emploi des tubes à vide et à gaz suivi d’une élude des circuits constitutifs des montages électroniques, les auteurs abordent le champ des applications innombrables de l’électronique dans les techniques modernes. Les chapitres qui y sont consacrés sont des plus complets et mettent bien en valeur l’universalité des solutions électroniques. On peut prédire à cet excellent ouvrage le plus grand succès auprès de la niasse des ingénieurs et techniciens inévitablement appelés à utiliser cette science relativement récente dont l’importance croît chaque jour dans les techniques industrielles, les laboratoires et les stations d’essais et de mesures.
- La technique du vide, par Maurice Leblanc. 1 vol. in-16, 187 p., 49 fig. Collection Armand Colin, Paris, 1951. Prix : 200 francs. L’obtention d’un vide élevé est nécessaire au laboratoire et dans de nombreuses industries : lampes électriques, tubes de radio, ampoules à rayons S, récepteurs de télévision, etc. Il faut dégazer rapidement enceinte et canalisations, pousser et maintenir le vide, le mesurer, éviter les fuites, les distillations, et pour les vides poussés au millième ou meme au millionnième de millimètre, éliminer toutes les impuretés. L’auteur qui est maître en ces techniques, décrit les divers procédés, les appareils, leur rendement et finit par des données numériques sur
- Le gérant. : G. Masson. — masson et cie, éditeurs, paris. — dépôt légal : 3e trimestre 1951, is° i3i4. — Imprimé en France.
- BARNÉOUD FRÈRES ET Cie, IMPRIMEURS (3lo5G6), LAVAL, N° 24oQ. — Q-Ifibl.
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- N° 3198
- Octobre 1951
- LA NATURE
- L’ATMOSPHÈRE DU SOLEIL
- Un jour, un groupe de touristes visitait l’Observatoire de Meudon, et Mme d’Azambuja, épouse et collaboratrice du grand spécialiste du Soleil, faisait les honneurs du spectrohéliographe. Les visiteurs ne parurent point enthousiasmés par l’aspect de l’instrument qui, avouons-le, fait un peu, en effet, au profane, l’effet d’un bric-à-brac d’antiquaire. L’un d’eux, obéissant à la tradition solidement établie d'auto-critique des Français, s’enquit alors d’un air un peu dédaigneux : — Je pense qu’il s’agit ici d’un appareil historique, qui ne
- .Couronne
- photosphère
- Fi g. 1. — Coupe schématique de l’atmosphère solaire.
- Au-dessus de la surface solaire (photosphère), s’étagent successivement la chromosphère (avec les protubérances) et la couronne.
- sert plus aujourd’hui? Car en Amérique... — Monsieur, répliqua aussitôt Mme d’Azambuja, l’appareil que vous voyez est toujours en service, et c’est le plus puissant du monde; je vous rappelle en même temps que l’Observatoire de Meudon est l’observatoire solaire le premier du monde; et que c’est lui qui possède la collection de clichés solaires la plus belle du monde.
- C’est là une vérité que l’on ne saurait trop répéter : les astronomes américains regorgent de personnel et de crédits, mais ce sont des Français, restreints à un groupe que l’on pourrait compter sur les doigts d’une main et réduits à bricoler leurs trouvailles, qui inventent ces merveilles d’ingéniosité, le coronographe, le monochromateur, le photomètre coro-
- nal Lyot ou le nouveau spectrohéliographe d’Azambuja à images simultanées ! Et, comme un peu de fierté cocardière, pour une fois, ne messied point, ne craignons pas de proclamer que c’est la science française qui, non seulement a fait accomplir récemment à l’étude de l’atmosphère solaire son avance la plus sérieuse, mais que c’est à elle que l’on doit les moyens d’observation les plus originaux et les plus riches d’avenir sur la grande fournaise.
- La chromosphère sondée par le spectrohéliographe.
- Commençons par limiter notre sujet. Il sera question, dans cet article, non du Soleil dans son ensemble, mais de la seule atmosphère solaire. Cette atmosphère, le schéma de la figure i en rappelle la constitution : au ras du globe solaire, lui-même limité par la photosphère (couche qui dispense lumière et chaleur), règne d’abord, jusqu’à io ooo km environ, la chromosphère, de couleur rose, siège des protubérances-, puis, au-dessus, s’étend, diffuse, jusqu’à 3 millions de kilomètres peut-être, la pâle auréole de la couronne.
- Il est très facile d’observer la photosphère — ne serait-ce qu’en la regardant à travers un verre noirci. Chromosphère et couronne sont infiniment plus difficiles à discerner, tellement leur faible éclat est noyé dans l’éblouissant rayonnement photosphérique. Mais les astronomes eussent été fort marris d’être obligés d’attendre les éclipses totalès de Soleil pour apercevoir les protubérances, se détachant en silhouette rose sur le pourtour du disque masqué par la Lune. Aussi peut-on estimer que l’histoire des études chromosphériques commença le 19 août 1868, jour où le Français Janssen, en braquant son spec-troscope sur l’astre du jour, avec la fente placée tangen-tiellement au disque, trouva le moyen d’apercevoir à volonté, tranche par tranche, les protubérances. Le même procédé fut d’ailleurs trouvé simultanément par l’Anglais Lockyer.
- Fig. 2. — Principe du spectrohéliographe.
- La fente F du spectroscope (dessin I) donne le spectre solaire II. La fente S isole une radiation de ce spectre. On obtient ainsi, en III, l’image d’une tranche de Soleil en lumière monochromatique.
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- Pareille façon d’observer était fort incomplète, puisqu’elle ne montrait celles-ci qu’en silhouette. Elle n’en fut pas moins la seule appliquée pendant 35 ans, par Janssen, Lockyer, Sec-chi, Rico. Ce n’est qu’en i8g4 que le spectrohéliographe, imaginé quelques années auparavant par le Français Deslandres et l’Américain Haie, devint d’usage tout à fait courant.
- . Cet instrument est basé sur le fait que les raies d’absorption du spectre solaire sont dues à la chromosphère, et la figure 2 en rappelle le principe. En I, l’image du Soleil est projetée sur la fente F du spectrographe. Le spectre, projeté en II, est tout entier masqué par un écran, sauf une raie, isolée par la jenle sélectrice S. En observant à travers cette fente, on aperçoit donc, du Soleil, la simple bande découpée par la fente F, et cette bande est vue dans la lumière monochromatique de la raie. Il suffit alors de déplacer les fentes F et S d’un bord à l’autre du disque solaire pour obtenir l’image complète de la chromosphère dans la radiation voulue. Le résultat de l’opération est un spectrohéliogramme du genre de ceux de la figure 3. Celui de droite est pris dans la raie .Ha de l’hy-
- Fig. 4. — Le cœlostat de PObservataire de Meudon.
- On voit M. et Mn* d’Azambuja occupés à régler l’appareil qui renvoie les rayons solaires vers le spectrohéliographe situé à gauche (Photo J. Boyer).
- drogène, celui de gauche dans la raie Ivg du calcium ionisé. Le premier montre donc la répartition des nuages d’hydrogène dans la chromosphère, et le second celle des nuages de calcium.
- A Meudon, le spectrohéliographe est installé dans un bâtiment spécial, long de 3o m. Il est alimenté en lumière solaire par un cœlostat (fig. 4)- L’image du Soleil, recueillie par le miroir de gauche, est reprise par celui de droite (que l’on voit de dos) et réfléchie vers le spectrohéliographe (vers la gauche). Celui-ci se compose essentiellement de deux chambres photographiques longues de 3 m, l’une spécialement affectée à la réception de la partie violette du spectre, l’autre à celle de la partie rouge. Le spectre est produit soit par un réseau, soit par un train de prismes, et la dispersion, avec ce dernier, atteint i,5 angslrœm par millimètre (x) (fig. 5). Les spectro-héliogrammes pris dans diverses raies montrent, d’une façon
- 1. Rappelons que 1 angstrœm = 1/10 000 000 mm. Avec le réseau, la dispersion 11’atteint que 6 X-
- Fig. 5. — Le grand spectrohéliographe de Meudon.
- On voit ici le cœur de l’instrument ; le train de trois prismes et le réseau.
- (Photo J. Boyer).
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- Fig. 6. — Trois aspects du Soleil.
- Voici trois spectrohéliogrammes obtenus à l’observatoire de Meudon. En haut, dans la raie Ha (5 avril 1947) ; a a milieu, dans la raie infra-rouge du calcium ionisé (6 août 1937) ; en bas, dans la raie de l’hélium (17 septembre 1938).
- (Photo d’Azambcja) .
- frappante les différences d’aspect du Soleil suivant la radiation choisie. Voici, par exemple (fig. 6), une série de trois d’entre eux. Celui du haut est tout à fait courant : il est obtenu dans la raie Ha de l’hydrogène (X. = 6 563 A) ; celui du milieu est beaucoup moins banal, puisqu’il a été pris par M. d’Azambuja en plein infra-rouge (raie du calcium ionisé, X = 8 542 A); celui du bas, enlîn, est unique au monde : le Soleil y est photographié par le même astronome à travers la raie infra-rouge de l’hélium (X — io 83o À) : il fallut 2 heures de pose pour enregistrer cette image, d’un bord à l’autre du Soleil !
- M. et Mrae d’Azambuja, explorateurs des protubérances.
- Le speelrohéliographe ne permet pas seulement d’étudier la distribution des divers éléments dans l’atmosphère solaire : il procure aussi le moyen de voir les protubérances sur le disque, c’est-à-dire « du dessus », alors que la méthode Janssen-Lockyer les montre uniquement « de profil ». Il suffit, pour cela, de modifier légèrement l’instrument et de le convertir en spec-trohélioscope (fig. 7) : on peut alors explorer la chromosphère et y suivre visuellement tout ce qui s’y passe. Regardez1, par exemple, sur les deux photographies de la figure 3, les filaments sombres qui parsèment le disque : ce sont des protubérances vues en projection à peu près verticale. Des protubérances : c’est-à-dire de fantastiques nuages de gaz luminescent — à moins qu’il ne s’agisse tout bonnement d’illuminations locales d’un nuage général invisible, chose, d’ailleurs, bien moins probable. Cette incertitude symbolise tout le mystère de ces grandioses phénomènes, et elle en dit long sur l’intérêt qu’il y avait à organiser une étude systématique, après les observations sporadiqiies qu’en avaient faites, au gré des circonstances, les contemporains de Janssen. C’est dans cette étude systématique que s’engagea, en 1928, M. d’Azambuja, astronome de l’Observatoire de Meudon.
- Lucien d’Azambuja : un des grands noms de la physique solaire d’aujourd’hui ! Celui d’un humble employé qui entra, dès l’âge de i5 ans à l’Observatoire de Meudon. Juste un demi-siècle plus lard, le petit jeune homme, qui vivait dans l’ombre de Janssen et de Deslandres, était devenu un savant notoire.
- Fig. 7. — M. d’Azambuja à l’oculaire du spectrohélioscope.
- On voit l’extrémité de la chambre photographique qui recueille la partie du spectre solaire.
- (Photo J. Boyer).
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- Fig. 8. — Une protubérance photographiée sur le disque solaire à cinq jours d’intervalle.
- En haut, la protubérance le 29 août 1929 ; en bas, le 3 septembre. Remarquer, sur la photo du haut, que la protubérance est vue « du dessus »,
- puis de face.
- (Photo d’Azambuja).
- élevé, par ses confrères des deux hémisphères, à la présidence de la Commission internationale d’étude des couches extérieures du Soleil et à celle de la Commission internationale des relations entre les phénomènes solaires et les phénomènes terrestres.
- Pour se lancer dans l’étude détaillée des protubérances, il importait, au préalable, d’en établir l’inventaire. C’est pourquoi M. d’Azambuja commença de dresser la carte du Soleil, rotation par rotation, avec les taches, les facules et les protubérances. De 1919 à 1930, 5 000 spectrohéliogrammes avaient été pris; il s’y ajouta des documents plus récents; le tout fut soigneusement et longuement analysé par le savant et son épouse, et, en 1948, tous deux, purent livrer le résultat de leur travail sous forme d’un gros volume qui marquait les acquisitions définitives de la science sur les protubérances.
- Que sont les protubérances?
- Ces acquisitions, on peut ainsi en résumer le bilan :
- Une protubérance a généralement la forme d’un pont à plusieurs arches — un pont d’une extrême minceur puisqu’il n’est pas autre chose qu’une véritable lame de gaz (fig. 8). Les archesj plus ou moins nombreuses, s’appuient sur la chromo-
- sphère. La longueur moyenne semble avoisiner 200 000 km, tandis que la largeur n’excède pas 6 600 km et que la hauteur varie autour de 42 000 km, Bien entendu, ces dimensions peuvent être largement dépassées : on a vu une protubérance s’allonger sur 1 100000 km - et une autre s’élever jusqu’à 4oo 000 ! Il est curieux de remarquer que ces lames gigantesques paraissent toujours s’incliner vers l’Ouest, comme si elles étaient soufflées par le vent.. Naturellement, elles sont entraînées, en même temps que les taches, par la rotation du Soleil sur lui-même en 25 jours, ce qui fournit la preuve que ce mouvement emporte à la même vitesse photosphère et chromosphère.
- Le lien entre taches et protubérances apparaît, du reste, comme beaucoup plus étroit qu’on ne le croyait naguère. Celles-ci surgissent souvent, en effet, du sein de celles-là, dans une zone limitée, nord et sud, par le &d0 parallèle. Puis, lentement, au fur et à mesure que les rotations successives ramènent les unes et les autres sous les yeux de l’observateur, on voit les protubérances remonter vers le pôle, comme si elles étaient entraînées par un courant dirigé suivant les méridiens.
- Il semble d’ailleurs de plus en plus probable que taches, facules et protubérances ne sont que des manifestations diverses d’un phénomène unique, le centre d’actvuité. A la partie de ce centre qui se situe au niveau de la photosphère correspond, à l’étage au-dessus (celui de la chromosphère), une plage faculaire, c’est-à-dire une tache brillante. C’est de ces plages que jaillissent les protubérances; c’est sur elles que l’on voit parfois surgir l’éclair fulgurant d’une éruption chromosphérique.
- Éruptions chromosphériques et troubles terrestres.
- Il y a près d’un siècle que les Anglais Carrington et Hodgson notèrent, pour la première fois, l’apparition d’une éruption. Pourtant, ce n’est guère qu’à partir de 1935 que l’étude put en être poursuivie systématiquement, grâce à la centralisation, opérée par M. d’Azambuja, des observations effectuées dans tous les observatoires solaires du monde. Vous verrez (fig.' 9) la photographie d’une éruption, prise au spectrohéliographe de Meu-don le 25 juillet ig46. C’était une lueur qui, en moins d’une demi-heure, venait de naître et de se développer dans un grand groupe de taches ; 2 heures plus tard environ elle atteignait son maximum, et, après 2 heures encore, elle avait disparu. .
- Sans que l’on sache exactement leur nature, sans doute faut-il voir, dans ces .phénomènes, de fabuleux jaillissements de
- Fig. 9. — Une éruption chromosphérique.
- L’éruption du 25 juillet 1946, photographiée à Meudon.
- (Photo d’Azambuja).
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- matière interne surchauffée, accompagnés de projections de particules et de rayonnements à haute énergie.
- Ges projections nous intéressent d’ailleurs très directement. Les rayonnements, en effet — de l’ultra-violet intense — parviennent à la Terre en quelques minutes et, en ionisant notre haute atmosphère, en perturbent l’équilibre électrique. A ces moments-là, le trafic radio est détraqué, les ondes courtes évanouies, les ondes longues renforcées, les enregistreurs magnétiques troublés. Quant aux bombardements par particules, qui atteignent notre planète 3o heures plus tard, ils provoquent de violents orages magnétiques et créent, dans le sol, des courants telluriques qui dérangent les appareils télégraphiques ; ils affolent la boussole et, fréquemment, tendent sur le ciel la draperie luminescente des aurores polaires.
- A suivre ces manifestations, déclenchées par un lointain phénomène sur l’astre du jour, on comprend que géophysiciens et radioélectriciens soient aux aguets, et qu’ils adjurent les astronomes de les prévenir quand le Soleil montre une velléité d’éruption. C’est pour cela que, depuis 1947, la France et, depuis peu, quelques autres pays, émettent quotidiennement, par radio, tous les renseignements possibles sur l’activité du Soleil et l’état électrique du globe. L’organisation de ce service est due à M. Bureau, directeur du Laboratoire national de Radioélectricité, et au R. P. Lejay, directeur du Bureau iono-sphérique, les renseignements concernant le Soleil étant fournis par Meudon.
- Un spectrohéliographe nouveau.
- Toute l’étude de la chromosphère solaire reposait jusqu’ici sur l’emploi du spectrohéliographe traditionnel. C’est de la confron-
- ' ' ..... ' : = 293
- tation des speclrohéliogrammes pris en différentes régions du spectre que l’on déduisait l’état du Soleil et l’aspect des protubérances et des éruptions. Confrontation parfois bien malaisée si l’on songe qu’avec le puissant instrument de Meudon, l’extrémité rouge du spectre est à 2 m de l’extrémité violette. On ne peut donc pas observer en même temps dans la partie violette et dans la partie rouge. L’inconvénient est des plus fâcheux quand il s’agit de surveiller une éruption, qui peut s’enfler ou s’éteindre en quelques minutes.
- C’est précisément pour y parer que M. d’Azambuja met actuellement au point un spectrohéliographe d’un type nouveau. Cet appareil permettra d’explorer simultanément les deux frontières du spectre, en révélant les plus petits détails de structure de la chromosphère. Nous ne sommes point autorisés' à en donner une description détaillée; aussi nous contenterons-nous de dire que l’organe capital en est un double train de prismes, de 0,7 A de dispersion dans le violet. Un système de miroirs et de lentilles de 7 m de foyer projette sur lui la lumière solaire, divisée en deux faisceaux parallèles. L’opérateur peut alors observer, par le même oculaire, une image violette et une image rouge du Soleil.
- Nous arrivons d’ailieurs maintenant à l’extrême pointe du progrès actuel de la physique chromosphérique, et c’est ici que les spécialistes se partagent le champ d’action. Car, à côté de ceux qui vont de l’avant en perfectionnant les méthodes clas-‘ siques, il y a ceux qui s’écartent de la .voie traditionnelle et recherchent aventureusement des moyens d’action nouveaux dans les branches de la technique en appai’ence les plus éloignées de l’astronomie. Mais n’est-ee pas de cette émulation et de cette coopération que naissent les progrès de la science ?
- Pierre Rousseau.
- Les isotopes radioactifs au service de la conservation du sol.
- Les isotopes radioactifs trouvent un usage de plus en plus large dans l’étude des moyens de conservation du sol aux États-Unis. Éléments traceurs par excellence, ils guident la recherche dans les domaines souvent les plus inattendus.
- C’est ainsi que pour étudier la possibilité de nettoyer les cours d’eau des plantes aquatiques qui causent la désagrégation des rives, les savants du Bureau du génie civil fédéral, à Denver (Colorado), ont semé des graines contenant des « espions radioactifs ». Ils ont pu suivre ainsi le chemin parcouru par elles à travers les canaux d’irrigation et les digues et contrôler combien de plantes survivent d’une saison à l’autre. D’autres radioisotopes ont guidé
- le choix des herbicides les plus efficaces contre les plantes nuisibles.
- Des isotopes sont également utilisés comme moyen de repérage des eaux qui suintent à travers les digues d’irrigation, ce qui permet de limiter les réparations aux seuls tronçons de canaux présentant effectivement des fuites.
- D’autres possibilités d’emploi des « espions radioactifs » ont trait au contrôle du pompage des eaux, aux canaux d’excavation et à la vérification des réactions chimiques qui provoquent la détérioration des digues bétonnées.
- GLACE FRIGORIFIQUE
- Dans Rejrigerating Engineering, M. R. O. Cummings a publié une intéressante étude historique de la récolte et du commerce de la glace naturelle des lacs et des rivières aux États-Unis, avant l’apparition dès machines frigorifiques.
- Vers 1880, on récoltait sur la rivière Hudson, à quelques miles de New-York, environ - quatre millions de tonnes-de glace, dont un million était destiné à l’État du Maine.
- Une compagnie employait de quinze à vingt mille travailleurs, sciant à la main, nuit et. jour en hiver, la glace des surfaces gelées.
- ET GLACE NATURELLE
- Les entrepôts de glace avaient une capacité de dix à quatre-vingt-dix mille tonnes. Quinze cents camions et trois mille chevaux assuraient les transports et les livraisons.
- L’apparition des machines frigorifiques transforma rapidement cette situation et, en 1914, on produisait vingt-quatre millions de tonnes de-glace-naturelle contre vingt-six millions de tonnes livrées par les usines frigorifiques.
- Depuis, la glace industrielle a fait reculer la glace naturelle, puis l’a détrônée presque totalement, tandis que la consommation n’a fait que croître.
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- L'ETALONNAGE DES DIAPASONS
- En i85g, une Commission française avait fixé à 870 le nombre des vibrations simples (demi-périodes) correspondant au son la3 de la deuxième corde des violons et ce son fut adopté internationalement en i885 par le congrès de Vienne comme diapason normal. Les physiciens lui préféraient souvent un son plus grave, G84 vibrations, qui ont l’avantage d’être une puissance de 2. De récentes conventions internationales ont fixé la fréquence du la3 normal à 44o vibrations doubles par seconde (soit 880 simples), au lieu de 435. Ces choix sont indépendants de toute théorie musicale. En fait, chanteurs et instruments à corde avaient tendance à choisir un son plus aigu et il est bien connu que petit à petit, le la « montait » en même temps que nombre de diapasons étaient accordés à des fréquences supérieures à 435 c/s, mais aucun instrument de référence précise n’avait été réalisé comme étalon sonore.
- 0
- Fig. 1. — Dispositif pour rendre la fréquence d’un oscillateur RC égale à celle du diapason à étalonner (S).
- {Photo Revue technique Philips).
- Il est intéressant de voir quels problèmes pose la mesure exacte de la fréquence d’un diapason quand on ne possède pas encore d’étalon à 44o c/s.
- Un diapason s’amortit en 5 à 10 secondes. Une oreille exercée peut reconnaître les battements qui se produisent entre le son d’un diapason et celui d’un instrument à son fixe, à condition qu’il y ait au moins trois à quatre battements pendant la période d’amortissement. Cela implique que la fréquence du diapason soit comprise entre 43q,8 c/s et 44o,2 c/'s, donc que l’erreur relative soit de moins de 0,1 pour xoo.
- Méthode de mesure, — La vibration d’un diapason est amortie ; elle ne dure pas assez pour permettre une comparaison précise avec un étalon de fréquence et si, pour la prolonger, on cherche à l’entretenir par des moyens électro-magnétiques, on modifie légèrement sa fréquence. 11 faut donc employer comme intermédiaire une source de tension alternative réglable immédiatement à la même fréquence que le diapason et qui conserve cette fréquence le temps nécessaire aux mesures.
- Pour obtenir une source de tension alternative stable, on pourrait réaliser un oscillateur à lampes dont la fréquence serait celle d’un circuit oscillant, d’un quartz, ou la différence des fréquences de deux quartz. Il est plus simple de construire un oscillateur « B. C. » dans lequel aucun circuit oscillant n’est utilisé mais où les variations de tension électrique sont obtenues en appliquant entre grille et cathode d’une lampe une différence de potentiel d’amplitude et de phase convenables. Un circuit électrique formé uniquement de résistances et de capacités four-
- nit cette amplitude et celle phase à une fréquence bien déterminée, fonction du circuit. Quand l’alimentation d’un tel montage est stabilisée et qu’il a atteint son régime d’équilibre, sa fréquence reste stable à <( 1/105 près.
- Pour comparer les fréquences du diapason et de l’oscillateur, on applique entre les plateaux de déflexion verticale d’un oscilloscope cathodique la tension provenant de la source ainsi construite et entre les plateaux de déflexion horizontale une tension ayant la fréquence du diapason (obtenue par exemple eu plaçant devant ce dernier un microphone).
- Le spot de l’oscilloscope décrit alors une courbe donnée en coordonnées paramétriques par les équations :
- y = A . sin al x = B . sin (ht + q>)
- où A est l’amplitude de la tension de la source; B, celle de la tension fournie par le microphone; a, la pulsation de la source; b, celle du diapason; cp, la différence de phase entre les deux tensions.
- Cette courbe, dite courbe de Lissajous, peut être très compliquée, mais il y a un cas particulièrement intéressant, où a = b.
- -A. Tl
- Si <p = O, y = g . æ, le spot décrit une droite; si cp — -,
- ^2 ~|- jÿ. — l> Ie sP°t décrit une ellipse à axes rectangulaires et si, en plus, A = B celte ellipse devient un cercle.
- On peut donc régler assez facilement la fréquence d’oscillation de la source auxiliaire de façon à voir sur l’écran un cercle immobile; on est alors sûr de l’égalité des deux fréquences étudiées. On peut même faire mieux : on applique entre les deux paires de plateaux de l’oscilloscope la tension de la source après avoir réalisé entre les deux signaux un déphasage de 90° (tensions prises aux bornes d’une capacité et d’une résistance de même impédance). Le spot a balaie » l’écran, suivant un cercle. Avec la tension fournie par le diapason, on excite le Wehnhelt du tube cathodique, sorte de grille qui, si elle est trop négative, ralentit tellement les électrons émis par la cathode qu’ils n’excitent plus la fluorescence de l’écran.
- Il est alors très facile de réaliser exactement l’égalité des fréquences des deux tensions : elle a lieu lorsque seulement un demi-cercle immobile apparaît sur l’écran. L’égalité entre les fréquences du diapason et de la source auxiliaire ayant été réalisée, il ne reste à mesurer que la fréquence exacte de la source, ce qui est relativement facile car elle est stable et peut donner lieu à une étude de longue durée.
- On utilise une horloge électrique qui marche exactement si elle est excitée par une tension de x 000 périodes par seconde. Excitée par la tension à mesurer, elle avance ou retarde et au bout d’un temps Tx (mesurée à l’aide d’un chronomètre) elle marquera un temps T2. La fréquence inconnue / est donnée par une simple règle de trois :
- / = T JT, . 1 000 c/s.
- Si cette mesure donne une valeur de la fréquence différente de celle voulue, il faut corriger le diapason. Ce n’est réalisable facilement que si la fréquence se révèle trop basse : on enlève alors de la matière sur les faces terminales, en prenant bien soin que les deux branches restent d’égale longueur. La correction inverse est plus délicate, elle se fait en amincissant les branches à hauteur du nœud de vibration.
- f
- J. COMBRISSON, Sous-chef de Travaux à l’École Supérieure de Physique et de Chimie.
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- Fig. 1 et 2. — Quelques huttes de Todas.
- LES TODAS DES MONTS NILGIRI
- (Inde méridionale).
- Les Todas sont un des groupes ethniques anciens les plus intéressants de l’Inde et un des plus originaux du monde entier.
- Ils ont été l’objet, au cours de la deuxième moitié du xixe siècle, de diverses éludes qu’est, venue couronner une excellente monographie de Rivers, parue en 1906 (x). Leur habitat, progressivement réduit au cours des derniers siècles, est limité à l’heure actuelle aux monts Nilgiri, situés dans la partie occidentale de la province de Madras.
- Envoyé par le Gouvernement Français au Congrès international de l’Océan Indien, tenu à Bangalore en janvier dernier, j’ai pu, grâce à l’amabilité des Professeurs Sanjiva Rao, Secrétaire général du Congrès et Elkin, de Sydney, me rendre, après le Congrès, au cœur des Nilgiri, dans la région d’Ootac-camund, à 2 5oo m d’altitude et y visiter un certain nombre de Todas. J’ai eu le grand regret de constater que si, depuis l’enquête de Rivers, ces indigènes n’avaient que peu . évolué, conservaient la majeure partie de leurs antiques traditions et restaient aussi attachants pour l’ethnologue, ils traversaient, une période critique et étaient menacés d’extinction.
- * *
- Les Tod.as sont des pasteurs dont, depuis des temps immémoriaux, la vie est centrée sur celle de leurs buffles, associés chez eux à un culte complexe.
- Ils se distinguent non seulement par cette étrange religion, dont les temples sont des laiteries, mais aussi par toutes sortes de coutumes, plus curieuses les unes que les autres, et par l’exemple remarquable qu’ils donnent d’une polyandrie fratei’-nelle plus parfaite sans doute que dans aucun autre groupe humain. Ils dominaient autrefois la région du Dekkan qu’ils habitent et restent l’objet de certains égards de la part des tribus avoisinantes (Badagas) qui, il y a peu de temps encore, leur versaient de véritables tributs; ils ont d’ailleurs conservé leur nom ancien de « Maîti’es de la Terre » et se jugent supérieurs aux autres êtres humains.
- Ils- considèrent tout Européen qui les vient visiter comme tenu de leur remettre quelque argent, et n’hésitent pas à manifester leur mécontentement en cas de cadeau insuffisant. Il ne
- 1 Rivers (W. II. R.). The Todas, in-8°, 755 p., London, 1906.
- s'agit pas là de la mendicité indienne banale : l’offrande est à leurs yeux un dû. Estimant par ailleurs la plupart des travaux manuels au-dessous de leur dignité, ils se laissent vivre, bavardant paresseusement au soleil, sans pratiquement rien faire d’autres que traire leurs bufflesses et exercer leurs lûtes.
- Villages. — Les Todas habitent de très petits villages épars dans les collines. Le plus souvent, deux chemins y conduisent,' l’un réservé aux hommes et aux Buffles sacrés, l’autre aux femmes.
- Un village typique comprend :
- — quelques huttes d’habitation, de structure très particu-lière (fig. x et 2). Elles sont, le plus souvent, mais non toujours, entourées, soit individuellement, soit collectivement, d’un petit, mur de pierres sèches d’un mètre à peine de haut, présentant, une ou deux ouvertures étroites, bordées parfois de montants monolithes sculptés en très bas relief, permettant le passage des êtres humains, mais non celui des Buffles (fig. 3 et 4). Ces huttes surprennent par la solidité et l’excellente qualité de leur construction. Leur forme est semi-cylindrique; le toit est constitué de bambous solidement fiés et recouverts de chaume; les murs antérieurs et postérieurs sont faits de blocs dé pierre ou de bois très bien taillés, unis par une sorte de ciment, et parfois ornés de dessins, peints ou gravés;
- — une ou plusieurs laiteries, situées à quelque distance des habitations et également entourées d’un mur : les femmes ne doivent pas en approcher. Ces laiteries, qui jouent le rôle de sanctuaires, sont de deux types : les unes semi-cylindriques comme les huttes,-mais avec le plus souvent, un mur d’enceinte plus robuste et plus soigné et une plus x-iche décoration gravée;
- — les autres circulaires, avec un toit en cône allongé, surnommées « cathédrales Todas », dont on ne connaît que quelques spécimens (fig. 6). Il existe une hiérarchie entre les laiteries, certaines étant plus « sacrées » que d’autres;
- — un ou plusieurs enclos pour les Buffles (dont en général un spécial pour les veaux), entourés d’un mur plus épais que ceux des habitations ou des laiteries, pouvant dépasser un mètre de lax-ge ;
- — diverses pierres, marquant Remplacement de certaines cérémonies.
- Les entrées des huttes, fermées par une pierre plate ou un paxxneau de bois, et plus encore celles des laiteries, sont remarquablement petites (de 60 à 70 cm de haut sur 45 cm de large)
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- et l’on n’y peut pénétrer qu’à quatre pattes ; les Européens doivent auparavant quitter leurs souliers.
- Culte du Buffle. — Les
- Todas possèdent deux sortes de Buffles :
- — les Buffles sacrés, dont il existe plusieurs catégories ayant différents degrés de sainteté. Ce sont toujours des femelles dotées chacune d’un nom particulier : elles sont soignées par des gardiens spéciaux. Ceux-ci, assimilables à des prêtres, formant un corps hiérarchisé, sont assujettis à toute une série de pratiques complexes ou d’interdits réglant leur vie, leur manière de manger, de boire, de s’habiller, leurs rapports avec leurs semblables (défense par exemple, pour eux à certaines époques, d’être touchés par qui que ce soit sous peine de destitution, etc...);
- — les Buffles ordinaires, confiés aux soins des autres membres de la communauté.
- Le déplacement des’ Buffles, l’entrée dans les laiteries, la traite des Bufflesses, la récolte du lait, produit sacré, son barattage et sa transformation en beurre se font selon un cérémo-
- Fig. 6. — Une laiterie en forme de « cathédrale Toda ».
- niai très élaboré, accompagné de rites de purification et de prières variées qui ne peuvent être détaillés ici (cf. Rivers, loc. cit.).
- Le lait trait est d’abord recueilli dans des troncs de bambous creux, contenant un reste de lait caillé précédent, puis reversé dans des pots de terre où on le laisse coaguler jusqu’au lendemain. Le prêtre, gardien de la laiterie, le baratte alors, séparant le petit lait d’une masse solide, constituée par la caséine et les corps gras. Il prend ensuite cette masse, lui ajoute du riz et la fait chauffer ; le beurre fondu surnageant est recueilli et, en général, vendu au marché le plus voisin, alors que le fond, formé par le riz et les protéines du lait, sert de nourriture aux Todas, qui sont par ailleurs essentiellement végétariens.
- Polyandrie iraternellef infanticide e t sex=ratio.
- — Quand une femme se marie, elle épouse en même temps tous les frères de son conjoint, et un frère né après le mariage acquiert les mêmes droits au partage que les autres. Parfois même les frères de clan bénéficient à ce point de vue des
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- mêmes privilèges que les frères de sang. Quand les frèrfes habitent la même maison ou le même village, il n’y a jamais de difficultés ou de disputes pour l’exercice de leurs droits conjugaux, et les Todas jugent même inconvenante l’idée qu’il puisse y en avoir. Lorsque les frères ont des habitations plus ou moins éloignées, les choses sont un peu plus compliquées : habituellement la femme se déplace chaque mois d’un domicile à l’autre. Si elle devient enceinte, tous les frères sont également considérés comme pères, mais l’un d’eux, celui en général dont la personnalité est la plus marquante, est plus particulièrement chargé d’en jouer le rôle en public et lors des' cérémonies.
- L’infanticide féminin était très répandu autrefois chez les Todas et pratiqué dë différentes manières : tantôt par écrasement sous les pieds des Buffles, la nouveau-née étant déposée à la sortie de leurs enclos, le plus souvent par étouffement entre les mains d’une vieille femme, parfois aussi semble-t-il, par noyade dans du lait. Le déséquilibre profond entre les sexes, résultant de ces coutumes est évidemment à l’origine de la polyandrie. Autrefois les femmes ayant six ou sept maris n’étaient pas rares. Mais la mise à mort des filles ayant progressivement diminué de fréquence, semblant même avoir à peu près cessé depuis le début du siècle, — et la proportion des hommes et des femmes tendant, en conséquence, à se rapprocher de l’égalité (x) —, la polyandrie, sans disparaître, est devenue associée à une polygynie Compensatrice, en ce sens que chaque femme continue à être l’épouse des frères de son mari, mais que chaque frère ayant maintenant la possibilité de se marier, un groupe de'trois frères ne dispose plus seulement, comme jadis, d’une femme, mais de trois femmes en commun. A l’heure actuelle même, la monogamie tend de plus en plus à s’instaurer et à remplacer ces associations maritales complexes.
- L’absence de toute jalousie d’ordre sexuel est une des caractéristiques psychologiques les plus frappantes des Todas. Ceux-ci
- 1. Chez les Todas Teivaliol, le sex-ratio, ou rapport du nombre des hommes à celui des femmes ramené à 100, autrefois extrêmement élevé, serait, au cours des trois dernières générations, descendu de 259 à 202, puis à 171. Il ne doit plus à l’heure actuelle dépasser 130.
- Fig. 7 — Homme à Ventrée d’une ftutte.
- Fig. 8. — Femme et enfant.
- n’ont pas de mots dans leur langage pour désigner l’adultère : ils considèrent la chose comme naturelle et tendent même à juger sévèrement un homme qui ne prêterait sa femme que de mauvaise grâce. D’autre part le « transfert » d’une femme d’un groupe de maris à un autre est une pratique encore courante et en quelque sorte codifiée, comportant le versement d’indemnités, .telles que don de Buffles par les nouveaux maris aux anciens. Enfin, les « prêtres », tout au moins certains d’entre eux, ont le droit d’appeler auprès d’eux une fois par semaine toute femme du village.
- Cette « basse moralité », selon notre hiérarchie occidentale de valeurs, semble être, une conséquence directe de la polyandrie qui, en détruisant chez l’homme la jalousie et la notion de propriété du corps féminin, a transformé le sens du mariage et dégagé les rapports sexuels des associations psycho-sentimentales auxquels ils sont liés — et parfois si fortement — dans la plupart des autres sociétés humaines.
- Autres coutumes. — Les Todas continuent à suivre un grand nombre d’autres coutumes fort curieuses, telles le salut au soleil le matin, l’interdiction aux femmes de regarder la lune pendant les deux derniers quartiers et, en principe, de sortir la nuit de leurs cases pendant cette période, la brûlure des poignets des femmes enceintes au 5e mois, la conclusion des mariages dès l’âge de deux ou trois ans, la défloration de la jeune fille avant la puberté, les cérémonies funéraires complexes et prolongées avec sacrifices de veaux ou de Buffles, crémation des corps et doubles funérailles dites « vertes » et « sèches », l’offrande de nourriture aux cloches sacrées, le mode de salutation, avec agenouillement de la femme devant l’homme dont elle soulève le pied, le porte à son front, recommençant avec l’autre pied... La plupart de ces pratiques ont été décrites en détail par Rivers, au mémoire duquel le lecteur se reportera avec fruit.
- Beaucoup d’entre elles sont, semble-t-il, les vestiges d’une religion plus élevée ayant progressivement dégénéré : les rites ont persisté dans toutes leurs complications, alors que les
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- croyances qui les motivaient et leur donnaient un sens, ont plus ou moins disparu.
- État actuel des Todas. — Le fait actuel le plus frappant est le tragique déclin de la population. Déjà elle ne compte plus que 45o individus, au lieu des 8op dénombrés pax Rivers en 1902, et chaque année les morts l’emportent sur les naissances : ainsi en 1949, il n’y eut pour i3 décès que 5 naissances. Une centaine de ménages, actuellement constitués, n’ont-pas d’enfants. De nombreux villages ont déjà disparu. Les troupeaux de Buffles sont eux àussi en forte régression.
- Cette triste situation semble due à trois causes principales :
- —- réduction des pâturages, convertis en plantations de thé, ou restreints par le développement des stations avoisinantes d’Ootacamund, de Coohoor, de Wellington et de Kotagiri, ainsi que par l’expansion des cultures des Badagas;
- — élévation du prix de la vie, qui rend l’existence des Todas de plus en plus -difficile ;
- — développement des maladies vénériennes, causes de stérilité.
- Sans doute aussi faut-il faire leur place à l’endogamie et à
- la neurasthénie d’inadaptation mise en évidence chez diverses populations de l’Océanie ou de l’extrême sud de l’Amérique en cours de disparition.
- La menace de l’extinction totale et rapide de ce groupe humain avait déjà, en 1926, déterminé la constitution d’un <( Comité pour le bien-être des Todas ». Celui-ci s’est aussitôt efforcé d’obtenir de l’administration indienne la création d’un centre d’accueil, d’une école et d’un dispensaire réservés à ces indigènes. Les projets, formés en 1926, repris en 1989, n’ont pu encore complètement aboutir. Du moins, des examens médi
- eaux, des analyses du sang ont-ils été pratiqués; des institutrices-assistantes sociales séjournent actuellement chez les Todas, s’efforçant de les instruire et d’améliorer leurs conditions de vie. Une école est en cours de réalisation à Nirgaci, où les enfants recevront gratuitement nourriture et vêtements. Il est grand temps que ces mesures soient complétées, afin que puissent être sauvés ces remarquables échantillons d’humanité...
- Professeur J. Millot, vDirecteur de l’Institut de recherches scientifiques de Tananarive.
- LES MOLLUSQUES PERCEURS
- Certains animaux perforent la surface solide sur-laquelle ils vivent et creusent des trous plus ou moins profonds qui leur servent d’abris. Il suffit de citer les larves xylophages d’insectes qui tracent des galeries dans les bois, les guêpes solitaires adultes qui nichent dans les talus de teri’e, les lithophages : des oursins, des nxollusques tels les pliolades', qui usent les rochers calcaii’es du bord de la mer, les tarets qui détruisent les bois des bateaux, etc...
- D’auti’es percent les coquilles d’animaux vivants pour se nourrir de la chair de ceux-ci. On connaît de nombreux Gastéropodes qui attaquent d’autres Mollusques, Gastéropodes ou Lamellibranches, et certains sont ainsi des « pestes » des parcs d’élevage des huîtres et des moules. Les Murex attaquent les Patelles, les Géritlies, les Huîtres; les Buccins y ajoutent parfois la carapace chilineuse des Crustacés tels que les Langoustines ; les Glandines poursuivent les Escargots ; les Poui'pres trouent les coquilles des Pétoncles et les Ocinebra qui ne sont autres que les Bigorneaux pei’ceurs ou Cormaillots ravagent les huîtrières.
- Les Ocinèbres ou Bigorneaux partagent encoi’e cette activité avec d’autx'es geni'es voisins : Nucella, Natica, tous Gastéropodes prosobranch.es qui opèrent de la même façon.
- On est stupéfait de la rapidité de leur action sur des coquilles calcaires épaisses, dures, aux couches cristallines orientées. Une Natice, un Murex perce son trou, pai’faitement circulaire, en un jour ou moins. On a compté qu’une Natice troue et mange 26 Myes en un mois. Un' Pourpre passe un après-midi pour atteindre un Pétoncle enclos dans sa coquille.
- Tous les Gastéropodes opèrent de la même façon. On les voit dévaginer une trompe sur le bord de laquelle apparaissent de
- nombreuses dents aiguës et dures dont l’ensemble est appelé l’adula.
- Le travail de perçage est si rapide, la matière attaquée si dure, surtout quand elle est de calcite, que certains ont supposé l’action mécanique activée par la présence d’un acide que sécréterait la trompe de l’animal perceur.
- On trouve les deux thèses exposées dans de nombreux ouvrages de malacologie.
- Cependant les recherches chimiques qu’on a faites, les mesures de pli appliquées à la trompe et à tout le tube digestif ne révèlent nulle part de grandes acidités. Une solution diluée d’acide fort, telle que pourrait être une sécrétion, appliquée et renouvelée constamment sur un point .de la coquille d’un Mollusque ne dissout la coquille que ti’ès lentement.
- De récentes observations que M. Ad. S. Jensen, du Musée zoologique de l’Université de Copenhague, vient de communiquer à Nature, de Londres, tranche définitivement la question.
- D’une .part,, il a aui des capsules cornées d’œufs de Raies, provenant du détroit de Davis, pei’cées de trous circulaires très réguliers de 0,75 à 2,5 mm de diamètre, bordés de stries caractéristiques des dents de la radula d’un Mollusque; leur forme, leur aspect ne peuvent mettre en cause que deux Prosobranches communs dans ces parages : Natica afjinis et Lünatia pallida.
- D’autre part, Thorson a vu au Groenland, dans le Scoresby Sound, une capsule de l’œuf d’un Mollusque, Siphocurtus, percée de deux trous identiques qu’il a attribués à l’une des deux mêmes espèces.
- Or, les coques des œufs perforées sont toutes deux inattaquables par des acides, même à la concentration de 1 ou 2 pour 100.
- Lés Naticidés perforent donc leurs proies par une action mécanique.
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- SOURCES MODERNES D'ÉCLAIRAGE
- Trois sources lumineuses fonctionnent d’après le principe de la décharge d’arc, défini dans notre précédent article. Ce sont la lampe à vapeur de sodium, la lampe à vapeur de mercure et le tube fluorescent, toutes trois aujourd’hui d’uu emploi étendu., mais dont les domaines d’application sont très différents.
- Lampe à vapeur de sodium. — Une faible quantité de sodium métallique est enfermée dans un tube en U placé dans une cloche à double paroi vide d’air. L’échauffement initial nécessaire à l’amorçage est assuré par la présence dans le tube en U d’une atmosphère d’un gaz rare (néon, argon) introduit préalablement. L'isolement thermique dû à la cloche à double paroi permet à la température de s’éle-v e r suffisamment pour que le sodium se vaporise et que sa vapeur provoque la formation d’un arc. Les électrodes émissives sont maintenues en température de fonctionnement par l’énergie due à l’arc lui-même.
- La lumière émise est jaune; elle est formée par les raies du sodium correspondant au doublet 5 890-5 896 Â, situé dans la région où l’œil présente son maximum de sensibilité (fig. 1). L’efficacité lumineuse est la plus élevée que l’on sache actuellement réaliser : 60 lumens par watt.
- Lampe à vapeur de mercure. — Le mercure est enfermé dans un petit tube de quartz placé dans une ampoule vide d’air. Sous une pression d’une atmosphère, à une température de fonctionnement de 35o° C., on obtient une lumière verdâtre avec une efficacité lumineuse de 35 à 45 lumens par watt. Le spectre se compose d’un assez grand nombre de radiations situées en majorité dans le vert et l’ultra-violet.
- Si l’on augmente la pression, un spectre continu se superpose au spectre de raies. Pour une pression de 20 atmosphères et une température de 6 ooo°, la lumière émise est blanc verdâtre et l’efficacité lumineuse atteint 5o lu/w. C’est là le principe des lampes à vapeur de mercure employées comme sources d’ultra-violet, ou avec écran de Wood pour exciter la fluor cs-cence de certains corps.
- Quand on diminue la. pression, le rayonnement se déplace vers l’ultra-violet.
- L’application directe de ce fait est le tube d’éclairage fluorescent, dont l’usage se répand de plus en plus. Nous en parlerons plus longuement en raison de sa nouveauté, de son importance croissante et d’un phénomène nouveau qu’il fait intervenir : la phololuminescence.
- L'éclairage par fluorescence.
- Principe. — Dans un tube à vapeur de mercure, la puis-saûce émise se concentre sur la raie 2• 537° Â lorsque la pression
- 1. Voir La Nature, n" 3197, septembre 1951,* p 266.
- atteint quelques centièmes de mm de mercure. Cette raie dite de « résonance » est située dans l’ultra-violet. Dans ces conditions, le rendement énergétique du tube se répartit ainsi :
- Ultra-violet..................... 60 pour cent
- Chaleur obscure ................. 38 »
- Lumière visible.................. 2 »
- L’efficacité lumineuse en est très faible (1 à 2 lu/w), mais le rendement lumineux devient particulièrement élevé quand on transforme l’ultra-violet en radiations visibles. C’est là une application d’un phénomène physique général, la photoluminescence. Certaines substances excitées par une radiation lumineuse convenable, émettent un rayonnement dont la longueur d’onde est, en général, plus grande que celle de la radiation initiale (loi de Stokes). C’est un processus analogue à celui de l’excitation des atomes d’un gaz lors de la décharge luminescente. Si l’émission cesse en même temps que l’excitation, la substance est fluorescente ; si elle persiste un certain temps après, elle est phosphorescente.
- Substances fluorescentes. — La poudre fluorescente est déposée sur la paroi interne du tube par divers procédés qui lui confèrent une adhérence satisfaisante. L’épaisseur de la couche doit être exactement calculée; trop grande, elle absorberait une partie du rayonnement et trop faible, elle ne transformerait pas la totalité de l’ultra-violet. De nombreuses substances fluorescentes excitées par l’ultra-violet donnent des rayonnements de couleurs variées (Q :
- Silicate de zinc ...................... vert
- Silicate de zinc et de glucinium ....... jaune
- Borate de cadmium ...................... rose
- Tungstate de calcium ...................' bleuâtre, etc...
- Par le choix et le dosage de divers produits, il est possible d’obtenir des nuances d’éclairage déterminées à l’avance. Les constructeurs ont adopté trois nuances types que nous rappelons ci-dessous, ainsi que la température du corps noir dont la coloration serait la plus voisine :
- Lumière du jour................. 6 300° K.
- Blanc ............................ 4 000° K.
- Blanc chaud ...................... 2 600° K.
- La première se rapproche de la lumière solaire, la troisième de la lumière obtenue par incandescence électrique. La figure 2 donne la répartition spectrale de l’énergie rayonnée par un tube « lumière du jour ».
- Électrodes émis= sives. — En courant alternatif, les électrodes, placées aux extrémités du tube fluorescent, sont tour à tour anode et cathode. Un anneau métallique protège généralement le filament du choc direct des ions lourds, afin d’éviter l’arrachement de la substance émissive.
- Deux types principaux de cathodes doivent être distingués.
- 1. Des brûlures graves, externes ou internes, dues au contact ou à la respiration de sels de glucinium, rendent nécessaire le bris systématique de certains tubes, d’ailleurs rares, sous une couche d’eau et imposent des mesures de précaution en cas de bris accidentel.
- Fig. i. — La lumière de la lampe à vapeur de sodium est jaune ; elle est d’intensité maximum dans la région des raies du sodium : S 890-5 896 A.
- Fig. 2. — Répartition spectrale de l’énergie rayonnée par un tube fluorescent à « lumière du jour ».
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- Cathodes chaudes. — Elles sont à chauffage préalable; la température de l’électrode est portée pendant quelques secondes (2 à 4), au moyen d’un dispositif spécial, à une valeur d’environ 900° C. L’émission d’électrons qui en résulte abaisse la chute de potentiel cathodique de i3o Y à quelques volts seulement. L’arc s’amorce et les électrodes sont maintenues en température de fonctionnement (3oo à 4oo° C.) par la décharge elle-même. L’allumage est légèrement différé en raison du temps de préchauffage nécessaire pour réduire la chute de potentiel cathodique.
- Une telle électrode est constituée par un filament de tungstène recouvert d’une mince pellicule de substances alcalino-terreuses (oxydes de baryum et de strontium). Le filament doit être fin (5/100 de mm) afin que l’intensité du courant de préchauffage ne soit pas exagérée. De ce fait la fragilité de la cathode est assez grande et le nombre d’allumages du tube limité.
- Cathodes froides. — L’emploi de substances alcalino-ter-reuses directement incorporées à un filament de tungstène (alliage couvert par un brevet Abadie) permet de réduire la
- . tube
- Alimentation d’un tube fluorescent à cathode chaude.
- Fig. 3.
- chute de potentiel cathodique à froid de i3o V à 60 V. Le chauffage préalable devient inutile et l’arc est directement amorcé moyennant une surtension momentanée de valeur acceptable. Sous l’influence de la décharge, les électrodes atteignent leur température de fonctionnement d’environ 3oo à 4oo° C. ; la chute cathodique tend alors vers quelques volts et le rendement devient identique à celui donné par le tube à cathode chaude. Le filament peut être plus gros (4/io de mm) et le nombre d’allumages n’est plus limité que par la vie du tube.
- Stabilisation et amorçage des tubes fluorescents.
- — Soit V la tension appliquée aux bornes et I l’intensité correspondante; pour un tube fluorescent, comme pour tout arc (arc à baguettes de carbone, lampe à vapeur de sodium, etc.),
- riV
- la caractéristique Y = /(I) est négative : < 0. Ainsi tout
- accroissement de I entraîne une chute de la résistance interne de la lampe et de ce fait un nouvel accroissement de l’intensité... jusqu’à destruction du tube. II est donc nécessaire de monter en série un appareillage de stabilisation dont la caractéristique soit fortement positive, résistance ohmique ou self. C’est le second procédé qui a été adopté pour diverses raisons.
- Pour l’amorçage, il faut encore distinguer deux cas :
- Dans les tubes à cathodes chaudes, l’alimentation la plus généralement utilisée est représentée sur le schéma de la figure 3 ; elle comporte une self de stabilisation en série dans le circuit d’alimentation du tube. La fermeture d’un interrupteur S permet le chauffage des deux filaments cathodiques Cj et C2 ; son ouverture brusque crée une surtension momentanée due à l’effet de self et permet l’amorçage de l’arc. Du fait de l’impédance de cette self, la tension à vide Vx est nettement plus élevée que la tension en régime normal V2. Dans les réalisations industrielles, l’interrupteur S est remplacé par un starter automati-
- que (Mazda, Philips...); ce dernier est constitué par un relais thermique (en l’occurrence, un bilame) situé à l’intérieur d’une ampoule de néon ou d’argon dont la tension d’alimentation est comprise entre et V2. Lorsque la tension d’alimentation est appliquée, la décharge s’amorce donc dans le starter qui s’échauffe légèrement : le bilame se courbe et court-circuite S (fig. 4). Après refroidissement du starter, le circuit s’ouvre et l’extra-courant de rupture permet la décharge dans le tube fluorescent. La tension aux bornes baisse alors.de V1 à V2 et le petit tube du starter se trouve ainsi hors circuit. Un condensateur placé en dérivation sur S accroît légèrement la surtension et joue un rôle antiparasite.
- Citons également un procédé différent utilisé avec de nouveaux tubes (tels que ceux produits par Paz et Silva). Le chauffage préalable des cathodes est obtenu par deux petits transformateurs mis hors circuit par découplage magnétique statique dès l’amorçage de l’arc. L’avantage de ce montage est l’obtention d’un fonctionnement instantané et la possibilité d’augmenter le nombre d’allumages sans réduire la vie du tube.
- Dans les tubes à cathodes froides, la décharge s’amorce spontanément sans starter, mais il est nécessaire de créer une surtension momentanée assez élevée, ce qui n’est pas sans inconvénient.
- Dans les deux cas, pour des tubes d’une certaine longueur, on est amené à remplacer la self par un auto-transformateur à dispersion magnétique afin d’obtenir une tension' d’alimentation suffisante.
- Facteur de puissance. Effet stroboscopique. — Soit un appareil électrique alimenté en courant alternatif sous une tension V et parcouru par une intensité I. La puissance dissipée est donnée par la formule :
- W = V.I. cos <p
- cos cp est le facteur de puissance de l’installation et cp l'angle de déphasage.
- Pour une résistance purement ohmique, cos cp = 1, mais dans les cas d’une résistance selfique ou capacitive (impédance), sa valeur est inférieure à l’unité.
- D’après la formule précédente, on voit qu’à puissance égale, l’intensité parcourant un circuit comprenant une impédance sera d’autant plus élevée que le facteur de puissance sera plus faible. Ce phénomène surcharge les lignes de distribution électrique sans qu’il y ait facturation du service correspondant car les compteurs des installations habituelles n’enregistrent que la puissance consommée. C’est pourquoi un règlement récent impose un cos cp compris entre 0,9 et 1 pour les nouveaux appareils auxiliaires d’alimentation. Cette valeur peut être atteinte en plaçant une capacité en dérivation sur le transformateur ou sur la self. Un montage spécial appelé « duo », alimentant simultanément deux tubes fluorescents, est fréquemment utilisé. Le premier tube n’est pas shunté, tandis que le second est compensé par une capacité dont la valeur est plus élevée qu’il ne serait nécessaire. Le facteur de puissance global est ainsi voisin de 1 et, en outre il se produit un déphasage entre les deux tubes et l'effet stroboscopique est diminué, car les tensions ne s’annulent plus simulta-nément dans les deux lampes.
- En effet, nous savons que la tension d’un courant alternatif devient
- bilame -3T
- Fig. 4. — Starter automatique constitué par un bilame enfermé dans une ampoule de 4 néon ou d’argon.
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- nulle deux fois au cours de chaque période, soit ioo fois par seconde pour le courant d’éclairage normal. Une lampe à incandescence ne s’éteint pas totalement lorsque la tension s’annule car le filament métallique présente une certaine inertie calorifique. Par contre, les poudres fluorescentes utilisées dans les tubes ont une rémanence très faible et leur extinction est pratiquement totale. La rapidité du phénomène et la persistance de l’impression lumineuse sur la rétine rendent ce cycle inapparent. Mais lors de l’examen de pièces animées de mouvements rapides, cet effet stroboscopique peut donner des vitesses de rotation fictives, telles celles qu’il est possible d’observer au cinéma sur les roues d’une voiture ou l’hélice d’un avion et dont l’origine est pratiquement la même (cycle de l’obturateur de la caméra).
- Nous donnons ci-dessous des valeurs relatives de l’effet stroboscopique :
- Lampe à incandescence de 40 watts ................... 1
- 1 tube fluorescent .............................i.... 2,7
- 2 tubes fluorescents, montage duo ................... 1,3
- 3 tubes fluorescents sur 3 phases du secteur ........ 0,4
- L’effet stroboscopique, rarement décelable dans les conditions de travail normal, ne doit pas être confondu avec le clignotement. Ce dernier s’observe, en regardant une surface éclairée plus qu’en observant la paroi fluorescente de la lampe. C’est là un phénomène anormal provenant d’un tube (ou d’une installation) défectueux qu’il est nécessaire de changer ou de modifier.
- Il en est de même pour tous les mouvements de la colonne lumineuse (enroulement en spirale, déplacements brusques dans une fraction ou dans la totalité du tube).
- Caractéristiques de fonctionnement. —
- Efficacité lumineuse. —
- L’efficacité lumineuse d’une lampe fluorescente peut atteindre 6o lumens par watt, mais une partie de l’énergie est dissipée dans l’appareillage de stabilisation et le rendement réel est sensiblement plus faible. En fait, l’efficacité lumineuse varie de 20 à 45 lumens par watt suivant la puissance du tube et la nuance de la couleur émise; le rendement est donc, en moyenne, triple de celui d’une lampe à incandescence telle qu’on les fabrique aujourd’hui et de puissance comparable. La variation de l’efficacité lumineuse en fonction des variations de la tension du secteur est donnée par le graphique 5 ; à titre de comparaison nous indiquerons qu’une chute de tension de xo pour 100 abaisse de 3o à 4o pour 100 le rendement d’une lampe à incandescence.
- Les valeurs du flux lumineux rayonné par une série de tubes de caractéristiques normales sont les suivantes :
- Puissance en watts dissipée Flux en lumens selon nuance
- dans le tube dans l’appareillage Lumière du jour Blanc Z Blanc doré
- 16 6 420 5oo 570
- 20 5 720 85o 970
- 25 7 I 025 1 200 1 375
- 4o i5 1 8a5 2 i5o 2 45o
- L’efficacité lumineuse varie avec la nuance, car chaque couleur est obtenue avec un rendement très différent; pour un tube de mêmes caractéristiques on constate par exemple :
- Blanc par watt
- Or 22 »
- Vert 60 .
- RouKe 3 ))
- Bleu 18 »
- Le rendement maximum d’un tube fluorescent est obtenu à une température de fonctionnement comprise entre 4o et 5o° C. ; cette valeur est atteinte, en air calme, pour une température ambiante de 22 à 25° C. Toute variation de température entraîne une variation de pression de la vapeur de mercure, il se produit, alors, un phénomène d’auto-absorption de la raie de résonance (2 537 Â) et le rendement diminue (fig. 6). Pour cette raison, quand le tube fluorescent doit être installé à l’extérieur, il est nécessaire de le protéger contre le froid et le vent (chemise en Pyrex, par exemple).
- Brillance. — La brillance d’un tube est relativement faible du fait de la grande surface rayonnante; elle varie de o,4 bougie/cm3' pour un tube de 20 watts à 0,7 bougie/cm3 pour une puissance de 4o watts. Cette brillance est légèrement plus élevée que celle d’un globe diffuseur entourant une lampe à incandescence (0,2 à o,4 bougie/cm3), mais se trouve encore au-dessous du seuil d’éblouissement (0,7 à 0,8 bougie/cm2). Cependant, en raison des hauts niveaux d’éclairage que permettent d’obtenir les tubes fluorescents, il est nécessaire d’observer les règles élémentaires d’éclairagisme et d’éviter, au moins, la vision directe et permanente d’une lampe fluorescente nue. Mais, hors une fatigue momentanée de l’œil, il ne peut en résulter aucune lésion persistante comme cela risquerait d’être le cas après éblouissement par lampe à incandescence à filament nu (1 000 bougies/cm2).
- Le rayonnement ultra-violet ne présente, par ailleurs, aucun danger, car le rrerre ordinaire est opaque' aux radiations dont la longueur d’onde est inférieure à 3 4oo Â; le rayonnement fluorescent est donc moins étendu dans l’ultra-violet que la lumière solaire comportant des radiations dont la longueur d’onde des-cend jusqu’à 2 95o Â.
- C’est en remplaçant le verre ordinaire par un verre de composition très spéciale qu’il a été possible de laisser filtrer les radiations ultra-violettes et de créer des « lampes germicides ». Ces dernières peuvent avoir un rôle double : assainir par rayonnement diffus et stériliser par rayonnement direct ; mais il n’est possible de rester dans leur champ qu’en portant des vêtements de protection (masques, gants).
- Vie utile. — Si l’on considère un lot de tubes de même fabrication, leur vie moyenne est, par définition, le temps au bout duquel 5o pour 100. des tubes seront encore en fonctionnement. Cette vie utile est généralement de l’ordre de 3 000 à 3 5oo heures, ce qui ne veut nullement dire qu’un tube ne puisse « vivre » plus ou moins longtemps. Le flux lumineux baisse rapidement de 10 pour 100 dans les cent premières heu-
- volts
- 60 80 1ÔO 120 %
- Fig. 5. — Variation de l’efficacité lumineuse d’une lampe à fluorescence en fonction des variations de tension du secteur.
- 10 20 30 40
- Variation du flux lumineux
- d’une lampe à fluorescence en fonction de la température.
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-
- -------. 302 •••••• :....=
- res du fonctionnement ; aussi les valeurs indiquées par les constructeurs ne correspondent pas au flux initial, mais au flux réellement émis après ce laps dé temps. Ensuite, la variation est beaucoup plus lente; l’efficacité lumineuse atteint encore 80 pour ioo de la valeur de catalogue après 3 ooo heures de service et 70 pour 100 après 5 000 heures. Cette baisse du rendement lumineux provient de la diminution d’activité des poudres fluorescentes. Après un nombre anormalement élevé d’allumages (de mille à quelques milliers suivant le type), la mort peut survenir par usure prématurée des cathodes émissives. En effet, à chaque allumage, la température de la cathode est portée dans la plupart des tubes à 900° C. environ; d’où le danger que présente le « battement » d’un tube par suite du fonctionnement anormal d’un starter ou d’une installation. Les variations du secteur peuvent également abréger la vie utile du
- tube fluorescent, mais leur effet est bien moins important que dans le cas des lampes à incandescence.
- De môme que les lampes électriques à incandescence ont supplanté peu à peu les autres moyens d’éclairage, les tubes fluorescents remplacent peu à peu les ampoules d’avant-guerre. Ils ont commencé par des éclairages commerciaux : les vitrines des magasins, les boutiques et les cafés. Ils sont apparus dans les maisons d’habitation; l’architecte et le décorateur doivent en tenir compte. C’est, semble-t-il, l’éclairage de demain, diffus, intense, de couleur agréable. Puisse cette étude faire comprendre leur principe et les phénomènes physiques mis en œuvre.
- Henri Jarlan,
- Licencié ès sciences.
- Ingénieur électricien.
- LA GUYANE FRANÇAISE
- O
- I. CARACTÈRES PHYSIQUES
- Nos connaissances sur la Guyane française se sont singulièrement accrues depuis un peu plus de dix ans. Le mérite en revient notamment à la mission de délimitation de la frontière sud-ouest, conduite par le Commandant Richard en 1907.-1939, aux reconnaissances du Dr M. Hecken-roth dans le bassin de l’Oyapock en 1939 et 1942 et aux récentes campagnes de l’Institut Géographique National, dirigées par M. Jean Hurault (1947-1949), complétées par des photographies aériennes, prises par les Américains au cours de la dernière guerre et qui ont abouti à un levé très complet de tout le territoire pour lequel nous disposons actuellement d’une excellente carte au 1 : 5oo 000.
- L’étude scientifique de la Guyane a suivi de près sa reconnaissance topographique, l’Office de la Recherche Scientifique Outre-Mer ayant confié à M. R. Choubert le soin d’établir le levé géologique de sa partie nord et d’en faire l’inventaire minier (1947-1948), mission dont les résultats viennent d’être récemment publiés. J’étais de mon côté chargé d’entreprendre un travail semblable dans.le sud du département (1948-1949 et ig5o).
- Les résultats acquis par ces récentes missions permettent de donner un aperçu fidèle des grands traits structuraux et de la configuration de la Guyane, demeurée somme toute assez mal connue malgré les itinéraires antérieurs de nombreux voyageurs de toutes catégories.
- Pendant toute la première partie du xvme siècle, de hardis pionniers, dont les expéditions sont tombées dans l’oubli, parcoururent toute la Guyane du Sud, jusqu’aux Tumuc-Humac, les uns à la recherche de l’or et de l’argent, les autres à la découverte de cacaoyers sauvages. Depuis la fin du xvnie siècle, plusieurs naturalistes visitèrent également ces contrées reculées. Rappelons les noms de Patris (1767), J. B. Leblond (1789), Leprieur (i83i-i833) et d’Adam de Bauve (i83a-i834). Ce furent plus tard T. Crevaux (1876-1879) et II. Coudreau (1887-1890).
- Bien d’autres seraient d’ailleurs encore à citer. Depuis plus d’un siècle les chercheurs d’or ont sillonné tout le pays, visitant les criques les plus reculées. Après eux vinrent les exploitants de balata et d’essence de rose, dont on retrouve les traces dans les régions aujourd’hui les plus désertes.
- Il s’en faut pourtant encore de beaucoup qu’un voyage dans l’intérieur soit une simple randonnée touristique, car le pays demeure inhospitalier, mais ce n’est plus un exploit. Cette brève et très incomplète évocation historique suffit à montrer
- que la Guyane, promue depuis quelques années au rang de département, n’appartient plus au domaine de l’exploration.
- Orographie.
- La Guyane française n’est qu’un modeste fragment de l’immense bouclier guyano-brésilien. Formée de roches très anciennes, parfaitement pénéplanisées sur de grandes étendues, elle se présente comme un plateau de très faible altitude, ne dépassant guère 25o m en moyenne, qui se relève insensiblement vers le sud. Des secteurs de configuration un peu plus accidentée interrompent en diverses régions la régularité de cette pénéplaine.
- A ces terres hautes de l’intérieur, les gens du pays opposent les terres basses, étroite frange côtière alluviale, large de 10 km en général, d’un peu plus par endroits, formées par des dépôts littoraux très récents, sableux et argileux, dus aux apports de l’Amazone s’ajoutant à ceux des nombreux fleuves côtiers. Ces dépôts continuent à s’étendre de nos jours, comme en témoignent l’envasement progressif des estuaires et les gains rapides de la terre sur la mer tout au long des côtes guya-naises. Des buttes et quelques chaînons de roches anciennes, qui furent autrefois des îles et dont les plus remarquables sont ceux dés environs de Cayenne, dépassant i5o m, dominent en quelques points cette plaine littorale.
- Le relief des hautes terres est peu accentué et assez confus. Sauf en des secteurs restreints, il est difficile de mettre en évidence quelques directions topographiques majeures se suivant avec une certaine continuité. D’autre part, la répartition des principaux reliefs est très arbitraire. Tout au plus parvient-on à distinguer deux grandes zones, non pas de montagnes, terme excessif pour désigner des hauteurs qui ne dépassent pas quelques centaines de mètres dans la plupart des cas, mais de collines. La plus septentrionale et la moins élevée court plus ou moins parallèlement à la côte, en retrait de 20 à 5o km et s’en écartant un peu davantage à l’ouest. Sa largeur est d’une cinquantaine de kilomètres et elle n’excède guère l’altitude de 35o m, sauf aux abords du Maroni où le petit massif de Gaa Kaba paraît approcher de 5oo m. Localement, notamment entre l’estuaire de l’Oyapock et le cours de la Comté, de même que de part et d’autre de la moyenne Mana, certains chaînons offrent une orientation NW-SE assez accusée.
- C’est au centre du pays, entre 3° et 4°3or lat. Nord, que
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- sont groupés les reliefs les plus notables, dont certains atteignent 700 et 800 m de haut. A de rares exceptions près leur silhouette est toujours très douce. A l’écart de ce district mon-tueux que l’on peut qualifier de Massif central guyanais, surgissent égalemènt dans la partie médiane du département, de petits massifs isolés, comme le mont Attachi Baka (600 m) dominant le Lawa.
- Sauf dans la région relativement accidentée comprise entre l’Inipi et les sources du Ouaqui, la vaste pénéplaine très monotone du sud de la Guyane débute déjà bien avant le 3e parallèle. Celle-ci, d’un niveau général très uniforme, voisin de 260 m, est en réalité formée d’une infinité de petites bosses aux flancs assez raides, toutes semblables et pressées les unes contre les autres. Entre elles s'insinuent cependant d’innombrables petites dépressions marécageuses, mal drainées par des criques minuscules étendant sur toute la pénéplaine un réseau fort complexe. Quelques plaines alluviales, qui furent sans doute autrefois des lacs, où s’attardent actuellement certaines rivières en décrivant des méandres sans fin, occupent diverses parties du plateau, alors qu'ailleurs quelques croupes un peu plus saillantes se haussent légèrement au-dessus d u niveau moyen.
- Mais 1 e s accidents les plus remarquables sont des pitons et des dômes escarpés q u i surgissent brusquement de loin en loin, sans contre-forts, d’une hauteur parfois de plusieurs centaines de mètres.
- Ces pitons granitiques sont une forme d’érosion résiduelle (inselberg) fréquente dans les contrées tropicales. En grande partie dénudés, montrant une roche surchauffée par le soleil, d’une patine noirâtre, ils supportent ailleurs quelques plaques de végétation herbacée ou buissonnanle d’un caractère spécial. Ils offrent de leur .sommet de très beaux tours d’horizon, ce qui est exceptionnel en Guyane où les hauteurs sont habituellement très boisées. C’est un moutonnement sans fin de croupes qui finissent par se confondre en donnant l’impression d’une plaine parfaite où se déroule uniformément la grande forêt (fig. i5).
- L’un des dômes les plus majestueux de l’extrême sud est le Likoutou (PI. II, fig. x) se dressant ,avec quelques autres
- entre le Marouini et l’Itany. De hautes cannelures verticales, pouvant avoir de 20 à 3o m, et o,5o m de profondeur, pareilles à de grandes draperies sculptées dans la roche, ornent parfois la base de ces pitons dénudés. Ils évoquent certains phénomènes de dissolution observables en d’autres pays sur des parois calcaires, mais leur origine est ici purement mécanique. Ces sillons parallèles, que séparent de minces cloisons rocheuses, sont le fait des pluies torrentielles qui s’abattent sur ces sommets pelés, les récurent et entraînent l’.ai’ène qui se forme à leur surface.
- La frontière méridionale du pays, touchant l’Amazonie brésilienne, est marquée non par une chaîne continue, comme l’indiquent encore à tort certaines cartes, mais par des massifs de collines isolés notamment aux sources de l’Oyapock à l’est et dans le haut Maroni à l’ouest, à quoi se réduisent en définitive les monts T u m u c Ilumac (PI. II, fig. 2). Les premières, ou Tu-muc Ilumac orientales, ne s’élèvent pas à plus de 4'5o m au-dessus du niveau de la mer, mais celles de l’ouest ont des pitons de 800 m. Par opposition aux espaces très plats et marécageux qui s’étendent juste au nord, ces reliefs prennent une importance assez notable. On doit constater toutefois qu’ils s e développent surtout au Brésil et dans le cas des Tu-muc Ilumac occidentales également a u Surinam, empiétant à peine de ce côté sur la Guyane française, à proximité de la crique Coulé-Coulé o ù quelques mamelons s’élèvent à 5oo et 700 m.
- Les rivières.
- Dix puissants cours d'eau se jettent dans l’Atlantique le long du littoral guyanais, soit en moyenne un tous les 3o km. Plusieurs sont des fleuves considérables, du moins par leur débit, notamment l’Oyapock et le Maroni (fig. 2), qui limitent le département à l’est et à l’ouest et dont le cours respectif n’a pas moins de 35o et de 4oo km à vol d’oiseau.
- Les rivièi'es les plus -nombreuses prennent naissance dans le massif centi-al, mais l’Oyapock et le Maroni, qui étendent leur ramure fluviale sur tout le sud, viennent des Tumuc Humac.
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- Paysages de Guyane
- PLANCHE I
- Fig. 1. — Malavale, sur la rive française de Vltany, où réside Toanké, le grand chef des iioucouyennes. Comme tous les villages indiens, celui-ci est construit au bord de Veau, clans une clairière spécialement aménagée. La case ronde qui occupe le centre du village est la maison commune.
- Fig. 2. — La piste indienne allant du Haut Itany au Mapaony (Amazonie). Passage d’un marécage couvert de palmiers pinots, dans une dépression des Tumuc Humac.
- (Photos E. Al BEIIT DE I.A RÜIî).
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- PLANCHE II
- Fig. 1. — Le mont Likoulou, piton granitique haut d’environ 600 m, qui émerge de la forêt équatoriale entre l’Itany et le Marouini dans l’extrême Sud de la Guyane.
- Fig. 2. — Sur les pentes rocheuses dénudées du mont Témornaïrem, modeste sommet de 400 m, l’un des innombrables pilons formant ce massif granitique peu élevé que sont les Tumuc Uumac, aux confins de la Guyane française, du Brésil et du Surinam.
- {Photos E. Aubert de la Rüe).
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- PLANCHE III
- Fig. 1. — En remontant la rivière Ouaréma-pan, petit a[[luent du Haut Itany, qui permet d’atteindre le massif des T-umuc Humac.
- Fig. 2. — Passage d’un seuil granitique sur la crique Alice, le bras principal du 'J'ampoc, près des confins guyano-brésiliens.
- (Photos E. Aubert de la Rî'ie).
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- PLANCHE IV
- Fig. 1. — Un aspect de la forêt équatoriale sur les rires du haut Ot/apock. Ce ne sont pas des lianes qui pendent des arbres, mais les multiples racines aériennes d’A racées épiphyles.
- Fig. 2. — Un abatis aménaç/é par les Emerillons dans la forêt du Camopi dans le bassin de VOyapock. Ainsi se présentent habituellement les emplacements où les Indiens cultivent le manioc et le maïs.
- (Photos E. Aubert de i.a Rük).
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- Des affluents innombrables, ramifiés à l’extrême en criques (*) sinueuses, alimentent ces fleuves côtiers. L’abondance des pluies et la nature imperméable du sol très argileux favorisent cette densité du système hydrographique, aussi peut-on dire qu’avec la forêt, l’eau est maîtresse du paysage guyanais.
- En dehors de quelques tronçons de routes le long de la côte, les seules voies de communication sont les rivières, qui permettent d’atteindre les parties les plus reculées du territoire. Cette navigation est toutefois lente et se heurte à de nombreux obstacles. Les indigènes qui assurent ces transports fluviaux se servent peu de moteurs et manœuvrent leurs pirogues au tacari (longue perche en bois flexible) à la montée et à la pagaie à la descente.
- On doit compter dans les estuaires, où l’effet de la marée, en moyenne de 3,5o m, se fait sentir jusqu’à de grandes distances, sur le violent clapotis soulevé à certaines heures par l’alizé. Mais ce risque est évitable avec un peu de prudence et en choisissant le moment favorable pour y naviguer. Plus haut, tous les cours d’eau sont barrés de « sauts », terme désignant indifféremment des rapides et des chutes véritables, ces dernières étant d’ailleurs fort peu nombreuses. Beaucoup de récits font état de sauts innombrables, mais bien des rapides peu dangereux sont vraiment négligeables. En période de crue, d’autre part, les sauts moyens sont submergés et à peine perceptibles. La navigation se trouve grandement facilitée à cette époque, le risque de heurter une roche dangereusement placée étant alors très diminué. Mais les gros sauts, enflés par un flot énorme et tumultueux, deviennent redoutables et toute fausse manœuvre peut être fatale. On évite pour cette raison de circuler sur les rivières dangereuses au mois de mai, époque où le niveau des eaux est généralement à son maximum, dépassant parfois de 4 à 6 m celui de l’étiage. Naviguant au tacari, les piroguiers ne rencontrent plus le fond et n’ont pas de point d’appui. Le courant est d’ailleurs tel aux plus hautes eaux qu’il leur faudrait des semaines pour effectuer un parcours demandant normalement quelques jours.
- 11 est plutôt exceptionnel que les cours d’eau guyanais se resserrent à l’endroit des sauts, pour se précipiter dans un couloir étroit et encaissé. Ils s’éparpillent au contraire et se divisent en bras multiples, séparés par des bancs de roches et des îlots boisés. Ces chenaux ou bistouris facilitent grandement le passage des rapides car ils permettent dans bien des cas d’éviter lors des crues la passe principale ou maman-saut (fig. 8), comme disent les canotiers. Tous connaissent la passe qu’il convient d’emprunter pour un niveau donné de la rivière. Vers la fin du beau temps, expression locale désignant la saison sèche par opposition au gros de Veau, l’époque des pluies, la baisse des eaux entraînant l’assèchement des bistouris, les pirogues sont alors bien obligées de se lancer dans la passe principale, souvent très scabreuse et où de méchantes roches imposent de délicates manœuvres.
- Inexpérimentés, les anciens chercheurs d’or se sont perdus en grand nombre en tentant de franchir ces sauts dont-certains méritent réellement leur sinistre réputation. Ces noyades sont beaucoup plus rares depuis que le canotage est assuré par des Saramacas, originaires du Surinam, venus se fixer sur les principaux fleuves, à l’exception du Maroni où le trafic est conduit par d’autres Nègres, les Youcas et les Bonis, d’une incroyable habileté dans les rapides.
- 1. Le terme de crique est employé en Guyane avec le sens de petite rivière.
- Fig. 2 à 4. — En haut : Vue partielle du Maroni inférieur, un peu en amont du saut Hermina. — Au milieu : Palmiers aouaras le long d’un bras du Lawa ( Moyen-Maroni) à l’épqque des hautes eaux. — En bas : Indiens Oyampis devant le Haut-Oyapock aux Trois Sauts.
- (Photos E. Aubert de la Rüe).
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- Les sauts ne sont pas les seuls obstacles, il faut prévoir celui des bois tombés (fig. n) qui se présente dès que le lit des rivières se rétrécit au point d’être obstrué par les arbres des rives renversés en travers. Ceux-ci sont innombrables sur les hautes rivières et les criques lointaines jamais fréquentées. Il n’y a d’autres ressources, le plus souvent, que de les sectionner, mais ce n’est pas une petite affaire quand il s’agit de fût§ énormes, d’un bois parfois si dur que la hache a du mal à les attaquer. On ne peut, dans de telles conditions, espérer progresser de plus de quelques kilomètres par jour. Ce genre d’obstacles est particulièrement grave en période sèche, le pire moment pour naviguer d’ailleurs, les rivières obstruées de roches et de bancs de sable étant alors aux trois quarts vides.
- Se déroulant entre le double écran rébarbatif et monotone d'une forêt sans fin (PI. III, fig. 2), d’apparence impénétrable, les cours d’eau, aux vallées à peine incisées, n’offrent guère au voyageur que des rives inhospitalières difficilement accessibles. Enfoncés dans leurs alluvions, ils n’ont que très exceptionnellement des rives propres, sablonneuses ou rocheuses (fig. G). Tantôt elles sont imprécises, boueuses et marécageuses, peuplées de plantes amphibies, parfois dangereusement épineuses, telles ces redoutables queues de lézard, légumineuses pourvues de griffes imperceptibles ne vous lâchant plus une fois qu’elles vous ont agrippé. Ailleurs, ce sont des berges abruptes, hautes de plusieurs mètres, inabordables aux eaux basses et moyennes, menaçant à tout moment de s’écrouler en entraînant avec elles des pans de forêt. Pour peu que la rivière soit étroite, on a l’impression de circuler dans un véritable fossé, singulièrement assombri par la voûte des branches qui se rejoignent au-dessus d’elle. Aux crues, les débordements provoquent l’inondation de la forêt voisine et sur de longues distances on cherche vainement une éminence sèche pour débarquer. On conçoit, dans ces conditions, combien il est difficile de trouver le long des cours d’eau des points propices pour s’arrêter le soir et passer la nuit. Ce sont presque toujours les sections rocheuses des rapides qui conviennent le mieux pour camper.
- Esquisse géologique.
- En dehors des dépôts littoraux argileux et sableux, très récents, le pays paraît entièrement formé par des terrains métamorphiques, intrusifs et volcaniques très anciens. On peut les attribuer avec assez de probabilité au Précambrien.
- Dans le nord et le centre, B. Choubert distingue parmi ceux-ci deux grands ensembles : un complexe supérieur et uii complexe inférieur. Le premier, représenté surtout par des schistes et des quartzites phylliteux, avec à la base des quartzi-tes arkosiques grossiers et des conglomérats, constitue la série de VOrapu, modérément métamorphique en dehors des zones proches d’intrusions granitiques. Elle repose en discordance sur le complexe inférieur, ou série de Paramaka, formée de divers types de schistes, de micaschistes, de quartzites avec quelques niveaux de conglomérats. Ces roches métamorphiques, d’origine sédimentaire, sont associées à des laves souvent très modifiées et transformées en roches vertes.
- Les vestiges d’une troisième série, sous forme de bancs de quartzite et d’amphibolite, parfois très feldspathisés et enclavés dans des roches granitiques, ont été1 identifiés. Ces derniè-
- Fig. 5 à 7. — Le passage d’un saut à la montée sur le Maroni. Les roches, que la baisse des eaux fait apparaître, sont couvertes de plantes aquatiques (Mourera). — A.u milieu ,* Le Tampoc au Kéïéré Kourou, seuil granitique à l’époque des plus basses eaux. — En bas : La Roche Sikini, zone granitique dénudée en pleine forêt, dans le bassin de l’Oyapoek. Au premier plan, des ananas sauvages.
- (Photos E Aubert de la Rüe).
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- res, de structure souvent gneissique, ont une large extension et B. Choubert distingue parmi les granités au moins trois venues successives. Sauf en de rares points où ils s’interpénétrent, comme dans la moyenne Mana, ces granités sont difficiles à distinguer les uns des autres. Parmi les autres intrusions, les diorites quartziques, bien représentées, sont postérieures au granité le plus ancien. Des diorites franches, des gabbros et diverses roches ultra-basiques les accompagnent éventuellement. Le métamorphisme1, dû à la mise en place des granités plus récents a pu modifier localement les différents termes de cette série dioritique. B. Choubert insiste, d’autre part, sur l’évidente relation entre ces roches et les laves précédemment citées.
- La partie méridionale de la Guyane, dont l’étude m’était dévolue, ne présente pas rigoureusement les mêmes formations et certaines corrélations sont difficiles à établir. Trois unités géologiques principales y ont été reconnues, très grossièrement disposées suivant des bandes allongées dans le sens est-ouest. La plus septentrionale et en même temps la moins ancienne, attribuée au Précambrien supérieur en raison de son métamorphisme modéré et de l’absence de phénomènes de granitisation, n’atteint pas au sud le 3e parallèle, sauf à l’est dans le bassin du Camopi. Elle comprend des schistes très développés, des quartzites et des arkoses fréquemment associés à d’anciennes laves, parfaitement reconnaissables dans certains cas (rhyolites et andésites), transformées ailleurs en roches vertes et en amphibolites.
- Une bande de schistes cristallins, large de 70 km vient immédiatement au sud. On y trouve des gneiss rubanés d’origine sédimentaire et des amphibolites, les uns et les autres très souvent granitisés et transformés en migmatites. Des orthogneiss les accompagnent en un grand nombre de points, de même que des granités et des granodiorites, gneissiques ou non, sans que l’on puisse jamais observer de démarcation nette entre les uns et les autres. On peut considérer cet ensemble comme représentant les terrains les plus anciens de la Guyane et les attribuer au Précambrien inférieur.
- Une très vaste zone de granités porphyroïdes monzonitiques, d’un caractère très constant, qu’accompagnent des types à grain plus fin, succède au sud au complexe précédent, occupant la presque totalité de l’extrême sud du pays, débordant d’ailleurs au sud au Brésil où ces roches forment notamment le massif occidental des Tumuc- Ilumac, et à l’ouest au Surinam.
- Des roches intrusives, en massifs plus ou moins étendus, que la rareté des affleurements ne permet pas de délimiter avec précision, apparaissent au milieu des trois séries précédentes. Ce sont en premier lieu des granités, probablement de diverses époques et une série dioritique, très comparable à celle du nord. Cette dernière est représentée surtout par des types quartziques, que l’on rencontre indifféremment parmi les terrains métamorphiques du Précambrien supérieur et parmi les deux séries gneissiques et granitiques du Précambrien inférieur situées plus au sud. Les roches ultrabasiques, tels que gabbros et hornblen-dites, sont généralement localisées au milieu des gneiss du cours inférieur du Marouini.
- Des filons de basalte et de dolérite, moins' nombreux dans le sud que dans le nord de la Guyane, où Choubert en a repéré un nombre considérable, recoupent toutes les autres formations.’
- En terminant cet aperçu géologique, rappelons qu’il existe à l’ouest, dans les Guyanes voisines, une série détritique
- Fig. 8 à 11. — De haut en bas : La passe principale du saut de Poli-goudou sur le Maroni. — Paysage typique du Haut-Maroni en saison sèche. La décrue fait apparaître un peu partout des roches pointues dans le lit du fleuve. — Petits palmiers épineux communs le long des rives du Ouaqui. — Arbre renversé en travers du Ouaqui.
- (Photos E. Aubert de la Rüe).
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- Fig. 12. — Un arbre de dimension exceptionnelle sur le Petit Inini.
- (Photo E. Aubert de i.a Rüe).
- horizontale, discordante sur le socle précambrien. Ce sont les grès de Roraïma, d’âge encore douteux, dont semblent provenir les diamants du Venezuela et de la Guyane britannique.
- Elle forme des reliefs tabulaires caractéristiques. On ne la connaît pas encore en Guyane française, mais j'ai pu voir à distance, d’un sommet dégagé du Camopi, un long relief parfaitement tabulaire s'allongeant entre les sources de l’Approua-gue et du Tamouri. Son profil, assez inhabituel dans le pays, pourrait laisser croire qu’il s’agit d’un lambeau de ces grès.
- Les divers terrains passés en revue ont subi des déformations structurales intenses et complexes. Les plissements qui dominent dans le sud sont NE-SW, mais d’autres, de direction NW-SE, se superposent par endroits aux premiers et affectent plus spécialement les formations du Précambrien supérieur. Ces observations concordent avec les faits mis en évidence dans le nord du territoire par Choubert, qui suggère de qualifier de plissements guyanais ceux plus anciens de direction NE-SW et de plissements caraïbes ceux qui sont orientés NW-SE.
- Les ressources du sous-sol.
- On est surpris souvent de lire que le sous-sol du département est très riche, ceci avant même que ne soit achevée la prospection méthodique en cours et sans que cet optimisme ne puisse à vrai dire se fonder sur des découvertes très encourageantes. On doit plutôt constater qu’un siècle de prospections, quelque peu désordonnées sans doute et qui avaient surtout
- Fig. 14. — Liane dans la forêt guyanaise.
- (Photo E. Aubert de la Rüe).
- pour but l’or alluvionnaire, ont eu pour résultat de révéler la rareté des substances minérales utiles, l’or excepté dans certains secteurs et la bauxite près de la côte.
- C’est en se livrant à l’orpaillage dans le bassin du Sinna-mary que des mineurs découvrirent une tantalite stannifère, décrite par Choubert, mais qui ne paraît pas avoir un grand intérêt pratique. Ce dernier signale également la présence du béryl à Corossony, du côté de Sinnamary, de même que des indices de cuivre natif dans diverses dolérites et de la chalco-pyrite à l’île Cottica sur le Lawa. J’ai, de mon côté, relevé de faibles signes de minéralisation en divers points du pays : du cuivre dans le haut Ouaqui et le bas Marouini, de la molybdé-niîe dans le haut Tampoc et le Petit-Inini, du graphite dans certains gneiss à grenat de l’Oyapock et du Marouni et du platine dans les roches basiques entre le confluent de ce dernier avec l’Itany. L’allanite, minéral complexe, contenant du cérium et autres terres rares et qui doit sa radio-activité au thorium, est commune dans beaucoup de granités guyanais, assez abondante localement dans ceux du haut de l’Itany, du Marouini et du Tampoc. Pour l’instant cependant ce minéral est dépourvu d’inléi'êt économique.
- Des minerais de fer, d’origine latéritique, sont connus en
- plusieurs points avec de fortes teneurs, mais ils n’ont apparemment pas de valeur pratique. Ùn phosphate d’alumine, la variscite, a été exploité autrefois ' au large de l’embouchure de l’Approuague, sur i’îlot du Grand Connétable, dont le gisement est à peu près épuisé.
- L’or et la bauxite offrent des possibilités plus certaines, encore qu’il ne faille pas, je crois, exagérer la richesse des gîtes aurifères.
- Fig. 13. — M. et Mme Aubert de La Rüe, accompagnés de leurs guides indiens et bonis dans une clairière du mont Témomaïrem dans le massif des Tumuc Humac, point extrême atteint au cours de leur expédition de 1950.
- (Photo E. Aubert de la Rüe).
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- Découvert en i853 dans l’Arataye, l’or est surtout exploité dans des placers, mais d’une façon primitive et peu méthodique. La teneur des alluvions est extrêmement inégale. Certaines régions, comme l’Inini, livrent parfois de très belles pépites, d’autres, comme le Camopi, de l’or généralement très fin. Des filons aurifères sont également exploités en divers points, spécialement à Saint-Ëlie et près de la crique Sophie (haute Mana). Des recherches encourageantes sont en cours à Saül, au cœur de la Guyane.
- La Guyane a livré en un siècle près de i5o t d’or. La production déclarée, évidemment inférieure à la réalité, qui était encore de i 5oo kg par an vers 1980 est tombée aux alentours de 5oo kg.
- L’origine de l’or n’est pas absolument élucidée. Il manque dans les secteurs uniquement granito-gneissiques, dans le sud en particulier, et les placers productifs sont tous en relation avec les formations du Précambrien supérieur, plus spécialement avec les anciennes laves et les amphibolites.
- La bauxite est connue depuis longtemps et le Bureau minier guyanais s’efforce d’évaluer l’importance des dépôts. Des tonnages relativement considérables ont été déjà mis en évidence dans la région proche de Cayenne, sur le plateau du Mahuri, à Fourgassié, sur la Comté et du côté de Kaw.
- Le climat.
- Il jouit d’une fâcheuse réputation, mais qui n’est pas méritée et pour un climat équatorial, on doit convenir qu’il est certainement plus agréable que celui régnant sous les mêmes latitudes de l’autre côté de l’Atlantique. C’est le fait surtout des amplitudes thermiques diurnes, très sensibles car elles sont de l’ordre de 8° à io°, atteignant même i3° et i4° dans l’intérieur, d’où les nuits toujours fraîches et reposantes, et celui aussi de l’alizé, soufflant avec force aux heures chaudes de la journée et se faisant sentir jusque dans l’extrême sud. Il faut également insister sur le fait que . les rayons solaires ne sont pas dangereux et qu’un Européen peut impunément circuler tête nue sous le soleil équatorial, le port du casque étant l'apanage des Noirs de Cayenne.
- Nous disposons de peu de données précises concernant la climatologie guyanaise. A Cayenne la température moyenne annuelle est de 270. En 1949, elle a été de 26°, les maximum et minimum absolus étant respectivement de 3i°6 et 2i°4. Les pluies, réparties sur 284 jours, atteignirent un total de 4 567 mm. Il s’agissait là d’une année très pluvieuse, car les précipitations, essentiellement inégales d’une année à l’autre, peuvent varier du simple au double. Elles sont en moyenne de l’ordre de 3 5oo mm par an.
- Ce sont ici les pluies, beaucoup plus que les températures, qui déterminent le rythme des saisons, caractérisées par une grande irrégularité. Elles sont deux principales : la saison des pluies, durant en principe de décembre à la fin d’août, et la saison sèche comprenant les mois de septembre, octobre et novembre. Il arrive que les pluies cessent en août et ne reprennent sérieusement qu’en janvier, mais on connaît des années où novembre reçoit déjà de fortes précipitations. En principe septembre et octobre sont parfaitement secs. Ce sont aussi les mois les plus chauds, bien que leur moyenne (28°) ne dépasse pas de 20 celle du mois le plus frais, janvier (26°). On enregistre d’ordinaire un arrêt plus ou moins prolongé des pluies en février et mars : c’est le petit été de mars. Mai reçoit normalement le maximum de pluie, 1 m parfois.
- Dans l’intérieur, malgré la forêt et la proximité de l’équateur, les écarts quotidiens de température sont plus prononcés qu’à la côte. Ils le sont surtout en saison sèche où les maximums sont de l’ordre de 3i° à 33°, alors qu’ils se tiennent entre 270 et 3o° au moment des pluies. Les minimums varient au con-
- traire' peu suivant les différents mois, oscillant habituelle^ ment entre 23° et 190.
- De forts coups de vent soudains, mais de courte durée car ils persistent rarement plus d’an quart d’heure, se produisent en toutes saisons, de préférence dans l’après-midi et la soirée. Dangereux par les chutes de branches qu’ils entraînent, ils précèdent les orages, très fréquents dans l’intérieur tant que dure la saison des pluies, mais qui ont rarement en Guyane la violence qu’on leur connaît en d’autres contrées tropicales. Ces brèves bourrasques annoncent souvent aussi de simples averses, sans manifestations électriques.
- Le paysage végétal.
- La Guyane est avant tout un pays forestier et l’on ne trouve de savanes naturelles que sur les terres basses alluviales qui bordent la côte, en retrait de la frange de palétuviers fixant les Aases molles du littoral. Ces savanes, entrecoupées d’espaces boisés et elles-mêmes parsemées d’arbres et de galeries forestières, sont établies sur des sols sablonneux très pauvres et disposées en chapelet entre l’estuaire de l’Oyapock et celui du Maroni. Certaines d’entre elles, d’un niveau très bas, sont périodiquement inondées. Ce sont les savanes noyées ou pripris.
- A de rares exceptions près, la grande forêt recouvre uniformément toutes les terres hautes, où de rares défrichements, pour fins d’élevage et de culture, ou nécessités par les travaux miniers, l’ont à peine entamée, même dans la partie nord du département, la seule qui soit habitée, il est vrai de façon très clairsemée. En plus des quelques dômes granitiques qu’elle épargne de loin en loin, cette forêt laisse simplement à nu, pour des raisons demeurées obscures, quelques surfaces rocheuses nullement escarpées que les Guyanais nomment des savanes-roches. Il faut exclure toute intervention humaine pour expliquer ces petites clairières, qui n’occupent guère de place au total, où la roche surchauffée par le soleil, s’écaille sans offrir le moindre phénomène de latéritisation, tandis qu’à peu de distance, à l’ombre de la forêt, elle est décomposée sur des mètres d’épaisseur en une argile ferrugineuse rougeâtre.
- Pour celui qui la traverse pendant des mois, comme je viens de le faire, la forêt guyanaise offre en général une physionomie des plus monotones, surtout le long des rivières où elle est loin d’atteindre les proportions et la splendeur qui la caractérisent partout où le terrain est tant soit peu en pente. C’est sur les collines et les bombements de la pénéplaine, à l’abri des inondations saisonnières que se rencontrent les plus beaux arbres, aux dimensions gigantesques, étalant leurs premières branches à 3o ou 4o m au-dessus du sol. Parmi ces troncs monumentaux, dont beaucoup s’appuient sur de puissants contreforts et auxquels s’enroulent des lianes démesurées (fig. i4), le sous-bois peu touffu est occupé surtout par de petits palmiers épineux (coumanas). Dans les parties déprimées plus humides, la forêt perd généralement en hauteur ce qu’elle gagne en épaisseur et les marécages des bas-fonds sont recouverts d’une végétation extrêmement dense (Pl. I, fig. 2) que dominent de gracieux palmiers pinots dont les troncs élancés et serrés forment de véritables gerbes.
- Malgré son apparente uniformité, la forêt n’est pas partout rigoureusement semblable à elle-même. A mesure qu’on avance vers le sud, des essences disparaissent, remplacées par d’autres qui n’occupent souvent qu’une aire restreinte. Mais ces changements n’altèrent pas son aspect général. Partout l’abondance des épiphytes est remarquable et beaucoup de branches sont surchargées de plantes parasites, plus spécialement de mousses, de fougères, d’orchidées, de broméliacées et d’ara-cées surtout, dont les longues racines aériennes pendent curieusement (Pl. IV, fig. 1).
- Les cours d’eàu déterminent dans la forêt des trouées de
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- Fig. 15. — Panorama pris du haut d'un piton granitique dans le Haut-Marouini et montrant la pénéplaine d’une parfaite régularité qui s’étend dans le sud de la Guyane. La forêt équatoriale, d’une grande monotonie, la recouvre à perte de vue.
- {Photo E. Aubert de la Rüe).
- lumière et la végétation de leurs rives, si elle n’atteint pas les imposantes proportions de la forêt située plus en retrait, à l’exception de certains arbres isolés vraiment gigantesques (fig. 12), n’en est que plus exubérante. Dans les eaux calmes et le long des rives plates apparaissent des peuplements de grandes aracées, tandis que les seuils rocheux se couvrent au moment de la décrue d’une ravissante floraison mauve produite par une plante aquatique : la mourère fluviatile.
- Les dangers de cette grande forêt ont été grandement exagérés. Toutefois si son climat est beaucoup moins déprimant qu’on ne l’imagine, si le risque des fauves et des serpents est à peu près négligeable, on ne peut se défendre d’une certaine angoisse dès qu’on s’y enfonce pour une longue randonnée. Une chute d’arbre ou simplement celle d’une branche ou d’une graine, dont certaines sont volumineuses, est toujours à craindre et il est facile de se perdre dans ces immenses solitudes.
- Les Indiens, qui s’y aventurent rarement seuls, en admettant contrairement à toute vraisemblance qu’ils s’y écartent, trouveraient malgré tout leur subsistance, mais un Européen à peu près certainement pas, tellement elle apparaît vide et privée de ressources. On n’y circule jamais sans peine et les obstacles qu’elle oppose à la marche : troncs à escalader, racines sournoises, enchevêtrement de lianes, fouillis de plantes trop souvent piquantes et coupantes, pentes glissantes, bourbiers et criques, piqûres de guêpes innombrables et morsures douloureuses de fourmis, suffisent à freiner votre marche. Cheminant à la boussole et traçant son chemin à coup de machetej on ne peut guère songer faire plus de 5 à 17 km par jour.
- (à suivre).
- E. Aubert de la Rüe.
- LE BŒUF VOLE
- Au noble jeu de « pigeon vole », on pourra désormais lever le doigt sans encourir un gage quand on entendra « bœuf vole », à en juger par la nouvelle parue dans la revue de l’armée de l’air, Forces aériennes françaises.
- En Australie, il existe d’immenses étendues de prairies parcourues par des troupeaux dont on fait l’élevage. Les routes manquent, les voies ferrées encore plus pour conduire les bêtes à l’abattoir, si bien qu’elles y arrivent de très loin, fourbues et amaigries.
- L’avion vient bousculer tout cela. Une société s’est créée, « Air Beef », qui se propose d’utiliser des cargos aériens, en l’espèce des Bristol 170, pour aller embarquer les bœufs dans les champs et les amener à l’abattoir industriel lointain, sans
- fatigue et sans dommages. Bien plus, les viandes conservées ou congelées pourront être transportées de même jusqu’aux villes consommatrices ou aux ports d’embarquement. Voici donc dorénavant des « routes aériennes du beefsteak ».
- Les régions peu peuplées de l’Australie passent ainsi de l’âge de la brousse à celui des transports aériens, sans connaître les stades historiques de la route et du chemin de fer.
- Ce trafic a commencé; on le dit payant et rentable aux cours actuels de la' viande. Mais on peut bien se demander si cette ascension du bœuf dans les airs est un moyen d’améliorer le ravitaillement du monde et le niveau de vie des peuples de la terre ?
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- D'ARSONVAL A 19 ANS
- l y a un siècle, le 8 juin 1851, naissait d’Arsonval. Son œuvre• est toujours si actuelle et son souvenir si vivant que son historiographe (1), le Dr Chauvois, qui fut son médecin et son ami, a préféré évoquer, d’après des documents inédits, une de ses premières inventions de jeunesse. Suscitée par la guerre de 1870, elle révèle déjà toute la richesse et l’originalité de son esprit, son sens du réel et son amour de la Patrie.
- En remuant, à l’occasion du Centenaire de la naissance du Professeur d’Arsonval, de vieux documents reçus jadis de lui, je viens d’acquérir la preuve que sa vie scientifique s’annonça
- — chose assez peu commune — dès l’âge de 19 ans, par un trait d’audace qui vaut d’être conté. En possession de ces documents, et avant de les restituer je les avais copiés, et, pour ce qui est de leur essentiel, fait photographier, afin de faire preuve à ce que je pensais bien devoir, un jour, raconter.
- Les voici donc publiés pour la première fois par La Nature. Mais il convient d’en donner d’abord explication.
- A la déclaration de la guerre franco-allemande
- Fig. 1. - D’Arsonval à 18 ans. (l5 juiUet I87o), Arsène
- « Taupm » au College Sainte-Barbe. . . „ ,
- d Arsonval, âge de 19 ans, était élève pensionnaire à Paris, au Collège Sainte-Barbe, se préparant à l’École Polytechnique... et bien loin de penser qu’un jour il illustrerait la médecine !
- L’orage déchaîné, les grandes Écoles furent licenciées, les . concours suspendus et beaucoup de jeunes gens rentrèrent dans leurs familles.
- D’Arsomral revint dans la maison familiale de La Borie, à une trentaine de kilomètres au sud dé Limoges, où il eut en septembre la douleur de perdre sa mère.
- C’est là qu’il apprit les défaites, la capitulation de Sedan, l’encerclement de Paris par les armées allemandes, tandis qu’une fraction du Gouvernement de la Défense Nationale se repliait à Tours, d’où elle essayait de communiquer avec la capitale par messages confiés à des pigeons voyageurs tandis que des aérostiers sortaient de Paris, à bord de ballons sphériques, pour essayer d’atterrir en province libre. D’Arsonval songea alors à la possibilité de diriger ceux-ci et après y avoir longuement pensé, il adressa en décembre 1870, au Gouvernement de la Défense Nationale à Tours, le projet qu’il avait conçu.
- Le voici reproduit en entier d’après le brouillon que j’en ai eu, avec photographies de la première et de la dernière page pour preuves d’authenticité.
- Monsieur le Ministre,
- Je viens soumettre à votre appréciation une idée qui m’a paru pouvoir servir avantageusement au gouvernement de la défense nationale en vue de faciliter et même de rendre à peu près régulières ses communications avec la capitale ou avec les généraux de divers corps d’armée. Ce ne seraient plus des pigeons qui porteraient vos messages aux héroïques parisiens, mais moi-même ou
- 1. Le Dr Chauvois a conté la vue et l’œuvre de d’Arsonval dans deux volumes, l’un documentaire et l’autre plus bref et plus élémentaire :
- d’Arsonval : soixante-cinq ans à travers la science, in-8°, 430 p. Oliven, Paris, 1937.
- d’Arsonval : une vie, une époque, in-16, 152 p. Plon, Paris, 1940.
- tout autre qui voudrait employer mes moyens. Ce moyen consisterait dans la possibilité de diriger l’aérostat. On a proposé depuis longtemps déjà de diriger les ballons par le moyen suivant :
- 3 L’aéronaute en perdant successivement du lest ou du gaz monterait ou descendrait de manière à rencontrer un courant d’air dont la direction concorderait à 'peu près avec celle qu’il veut suivre. Ce moyen qui est excellent, et qui, combiné avec les autres moyens de direction, c’est-à-dire l’hélice mue par la vapeur, produirait certainement l'effet cherché, pèche d’un côté d’une façon irrémédiable et voici en quoi. L’aéronaute pour arriver au courant d’air désiré est obligé de perdre soit du lestsoit du gaz. Il arrive bientôt un moment où il a épuisé son lest et où il ne peut perdre de gaz qu’au risque de se voir précipité à terre. Le moyen proposé est donc illusoire pour la direction du ballon à gaz hydrogène. Il faudrait qu’au lieu de perdre le gaz et par conséquent la force qui soutient l’aérostat dans l’air, on pût arriver à diminuer énormément le volume de ce gaz, ou, ce qui est la même chose, accroître isa densité dans des proportions très considérables. Cet effet ne pourrait être obtenu qu’avec la compression. Il faut donc le rejeter car la manœuvre du ballon deviendrait trop pénible s’il fallait toujours avoir la pompe de compression à la main. D’un autre côté on pourrait arriver au même résultat en faisant varier la température du gaz ce qui ne pourrait être obtenu qu’en plaçant un fourneau sous le ballon. Ce moyen est encore plus vicieux que le pi*écédent, car mettre du feu auprès d’un gaz aussi inflammable que l’hydrogène c’est suspendre sur sa tête une épée bien plus dangeureuse que celle de Damoclès, comme l’a malheureusement prouvé la mort de Mme Blanchard et celle de Pilâtre du Rosier.
- Fig. 2, — Le savant à ‘la fin de sa vie en 1940.
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- Fig. 3 et 4. — Première et dernière pages de la lettre de d’Arsonval au Gouvernement de la Défense Nationale.
- Le ballon à gaz hydrogène présente un vice qui nuira toujours à sa direction, c'est l’inflammabilité du gaz qu’il contient. Aussi ai-je supprimé sans hésitation ce gaz qui nous a déjà rendu tant de signalés services. Je le remplace par le gaz ammoniac. Voici les avantages que ce gaz présenterait sur l’hydrogène : 1° Il n’est pas inflammable. Aucun inconvénient par conséquent à disposer au dessous une source de chaleur employée, soit pour faire fonctionner un moteur soit pour faire varier le volume du gaz. Mais avec le gaz ammoniac il serait inutile de faire ATarier le volume pour obtenir les mouvements d’ascension ou de descente qui' doivent servir à rencontrer le courant d’air cherché. En effet l’eau à la température ordinaire a la propriété de dissoudre près de 800 fois son volume de gaz ammoniac et de le laisser dégager totalement à G0°. Eh bien, supposons le ballon planant dans les airs et portant dans sa nacelle deux chaudières, la première contenant de l’eau à la température ordinaire, la seconde de l’ammoniaque liquide du commerce chauffée à 00°. A cette température la solution ammoniacale laisse dégager tout son gaz. Supposez de plus que le ballon puisse être mis en communication successivement avec ces deux chaudières, vous aurez ainsi le moyen de monter et de descendre à volonté dans l’atmosphère, dans des limites excessivement étendues, sans perdre aucune portion de la force qui maintient le ballon dans l’air. En effet si vous voulez vous élever davantage, vous n’avez qu’à mettre le ballon en communication avec le générateur de gaz ammoniac. Le ballon recevant le nouveau gaz augmente de volume, déplace un poids d’air plus considérable, l'équilibre est détruit, le ballon monte.
- Supposez au contraire que l’aéronaute veuille se maintenir à une hauteur moindre. Il n’a qu’à mettre le ballon en communication avec l’eau froide : le gaz ammoniac se dissout, le volume du. ballon diminue ainsi que sa force ascensionnelle, il redescend. On peut répéter indéfiniment cette manœuvre car, l’eau froide une fois saturée de gaz, on n’a qu’à la faire passer dans la première chaudière où elle laissera dégager de nouveau son gaz tandis que la première dissolution étant dépouillée et se refroidissant pourra de nouveau l’absorber. Ainsi, de cette manière le lest est supprimé et remplacé par deux réservoirs l’un d’eau froide, l’autre d’ammoniaque liquide chauffée à 00° et servant de générateur de gaz. La soupape employée pour vider l’aérostat devient aussi inutile. De plus toute sécurité pour l’aéronaute qui n’aura plus danger de voir son ballon s’enflammer dans les airs au contact de la flamme du foyer qu’il emporte. Je pourrai même ajouter qu’il se trouvera ainsi garanti du froid intense qui règne dans les hauteurs de l’atmosphère. La même dissolution d’ammoniaque
- servirait toujours car, parvenu à terre, pour finir de dégonfler le ballon, on n’aurait plus qu’à le mettre en communication avec des barriques pleines d’eau qui absorberaient immédiatement le gaz et le laisseraient de nouveau dégager par une température de 60°. Il y aurait donc là une grande économie, car chaque nouvelle ascension avec l’hydrogène oblige l’aéronaute à une énorme dépense de gaz.
- Le gaz ammoniac ayant à peu près la même densité que le gaz d’éclairage, les proportions du ballon actuel seraient gardées. Le gaz ammoniac enlèverait environ 523 g. de poids utile par m3, ce qui est très suffisant. Mais ce moyen de direction est insuffisant car il n’est pas toujours possible de trouver un courant d’air dont la direction soit la même que celle qu’on désire. On ne peut trouver qu’une direction à peu près la même que la direction voulue. Aussi pour remédier à cet inconvénient faut-il que le ballon soit muni d’un appareil directeur capable de lui imprimer une déviation latérale de quelques degrés. Le moteur et la disposition employée par M. Henry Giffard dans son expérience sur la direction des ballons faite le 25 septembre 1852 me paraît convenir de tous points. J’ajoute que dans ce cas la solution ammoniacale serait chauffée par la chaleur perdue et la vapeur d’eau sortant du cylindre moteur faisant tourner l’arbre portant l’hélice directrice.
- Le moyen de direction proposé consiste donc :
- 1° à fouiller les couches atmosphériques jusqu’à ce qu’on ait trouvé un courant d’air dont la direction soit à peu près la même que celle qu’on veut suivre ;
- 2° à rectifier tout à fait cette- direction au moyen de l’hélice dont est muni l’aérostat. Ce moyen comme vous le voyez, M. le Ministre, est très simple et le seul applicable efficacement, je crois, aux ballons tels qu’on les construit actuellement.
- Je n’ai pas besoin de m’étendre sur les avantages immenses que nous procurerait cette découverte pour chasser l’ennemi de notre sol. Ses positions seraient indiquées à nos généraux, tous ses mouvements dévoilés ; ainsi plus de surprises. Partout les Prussiens trouveraient un ennemi préparé à les recevoir et nous aurions bientôt le bonheur de voir notre chère France délivrée de la souillui'e des hordes barbares de Guillaume.
- J’ajoute qu’avec ce système de ballons que j’appelle incombustible, on pourrait se servir pour communiquer avec nos généraux des divers corps d’armée de signaux lumineux produits à l’aide du gaz oxhydrique qui ne compromettrait plus la sécurité de l’aéronaute en risquant d’incendier le ballon. Je possède aussi le moyen de pouvoir lire parfaitement à une distance de 4 km avec
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- une lunette d’un faible pouvoir grossissant une dépêche écrite en caractères de grandeur ordinaire. Ce qui faciliterait extraordinairement les communications lumineuses entre l’aéronaute et le général.
- Ayant trop peu de fortune, et d’ailleurs n’en disposant pas encore puisque je ne suis pas majeur, pour tenter moi-même cette expérience je viens solliciter de vous, Monsieur le Ministre, la permission de faire à Bordeaux sous vos yeux des essais du genre de ceux que M. Tissandier a faits à Tours pour essayer de rentrer à Paris par voie aérostatique.
- Cette expérience ne nécessiterait pas de grandes dépenses et si elle réussit, comme j’en ai la ferme conviction, elle aurait pour nous de trop grands avantages pour faire regretter quelques légers sacrifices pécuniaires
- La République qui a produit tant de héros, qui a présidé à tant de grandes inventions, qui a vu naître les ballons, mettrait la dernière main à son ouvrage en permettant de les diriger. Elle aurait ainsi le rare bonheur d’avoir donné le premier et presque le dernier mot sur la question. Aussi, Monsieur le Ministre, est-ce dans un intérêt national que je vous demande la permission de tenter cès expériences.
- En attendant une réponse que je sollicite vivement de votre bienveillance, veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de la haute considération avec laquelle je suis votre tout dévoué serviteur.
- Arsène Darsonval,
- Élève de l’École Sainte-Barbe, à Laborie, par Saint-Germain-les-Belles (Haute-Vienne).
- Mon cher élève,
- J’ai lu votre communication avec plaisir. Votre idée de l’application de AzH3 au gonflement des aérostats me paraît être une idée de génie. Poursuivez hardiment cette idée, vous arriverez à quelque chose d’important. Vous avez eu tort de vous adresser à la Commission pour cela, mieux valait faire un mémoire correct et étendu comme les aime l’Institut, je me serais fait un vrai plaisir à le lire à ces Messieurs, mais il est encore temps. Ayez bon espoir, je vous appuierai de tout mon pouvoir.
- Tout à vous,
- Votre dévoué professeur,
- E. Chevreul.
- J’ai pensé qu’én prélude aux fêtes qui vont bientôt rappeler tout ce que fut d’Arsonval (1), je ne pouvais apporter un document inédit plus émouvant et plus typique, plus « prophétique » aussi !
- Docteur L. Ciiauvois.
- 1. Les cérémonies du Centenaire fixées au 23 octobre seront célébrées au Collège de France et au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne.
- La lettre fut transmise à la Commission scientifique de la Défense Nationale, ancêtre de la Commission supérieure des Inventions, qui en accusa réception.
- REPUBLIQUE FRANÇAISE Gouvernement de la Défense Nationale..
- Commission Scientifique de la Défense Nationale.
- Tours, le 29 décembre 1870
- Monsieur,
- J’ai l’honneur de vous accuser réception de la communication que vous avez adressée au Gouvernement de la Défense Nationale. Cette communication a été envoyée le 27 décembre 1870 à la Commission scientifique qui vous en remercie.
- Le Secrétaire de la Commission. (Illisible).
- à Monsieur Arsène Darsonval à Laborie (Haute-Vienne).
- Chevreul, alors âgé déjà de 84 ans, qui devait mourir centenaire, membre de l’Institut, professeur au Muséum, directeur de la Manufacture nationale des Gobelins, et dont le nom reste attaché notamment à l’étude des matières grasses et à la teinture des laines, eut connaissance de l’invention et écrivit à d’Arsonval la lettre d’encouragement suivante :
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- Fig. 5. — Lettre de Chevreul.
- Nouvelle mesure des
- Un procédé de mesure de la température d’un fil d’acier chaud défilant à grande vitesse — problème qui se pose dans le contrôle des traitements thermiques en continu — a été mis au point par A. Moles au Laboratoire d’essais physiques de l’Institut Polytechnique de Grenoble. Le principe de ce procédé repose sur la mesure des variations d’aimantation des corps ferromagnétiques en fonction de la température; on mesure de façon continué la perméabilité apparente du fil en déterminant le coefficient de mutuelle inductance entre deux bobines couplées magnétiquement par le fil à essayer et dont l’une est
- par fil chaud.
- parcourue par un courant alternatif constant. L’instrument indicateur, un voltmètre à courant alternatif à grande résistance, peut être étalonné directement en perméabilités ou en températures pour un acier donné.
- Cette méthode magnétique de mesure de la température, qui peut être appliquée à de nombreux problèmes, évite les inconvénients des mesures au pyromètre à disparition de filament (intervention d’un observateur) et au pyromètre à griffe (rayure de la surface du fil).
- températures
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- LES INDUSTRIES DU BOIS
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- Le bois est un produit complexe, renfermant à côté d’éléments minéraux, de matières colorantes, de pommes, de tanins, de résines, trois constituants essentiels la cellulose, les hémicelluloses, la lignine.
- Selon les essences, les teneurs respectives en ces trois constituants varient dans d’assez larges limites : 44 à 56 pour xoo pour la cellulose, 20 à 44 pour 100 pour la lignine, 5 à 20 pour 100 pour les hémicelluloses, les bois durs et notamment les essences coloniales renfermant beaucoup plus de lignine que les bois tendres.
- La cellulose est le mieux connu de ces trois produits. Sa formule (CeH10Os)n indique un polymère dont le nombre des molécules est difficile à connaître exactement. Grâce aux rayons X, la structure de ce haut polymère a pu être établie et l’on connaît assez bien les divers produits qui en dérivent.
- Les hémicelluloses, qui sont désignées parfois avec la cellulose comme des hydrates de carbone, parce que leurs formules peuvent être mises sous la forme (C^O'HQy), ont été moins étudiées.
- Quant à la lignine, ou mieux aux lignines, leur structure est loin d’être précisée, malgré un grand nombre de recherches.
- Nous ne savons rien de la façon dont sont liées dans les bois, cellulose, lignines et hémicelluloses. Le bois est donc loin d’être un produit parfaitement connu. Il n’en est pas moins très utilisé.
- Depuis la plus haute antiquité, il a été employé comme combustible et comme matériau de construction; par la suite, on l’a carbonisé en meules et le charbon de bois résultant a été très longtemps, jusqu’à l’emploi du coke, le seul produit utilisable en métallurgie comme combustible et comme réducteur.
- L’extraction des résines, celle de certaines matières colorantes, des tanins, sont également pratiquées depuis longtemps.
- Avec le développement de l’industrie chimique, le bois est aussi devenu une matière première de cette industrie, et il est normal de supposer que ses utilisations dans ce secteur sont appelées à se développer. Les demandes en bois qui en résulteront seront-elles à même de compenser la diminution très nette des besoins en bois de chauffage qui se manifeste dans diverses régions forestières, la Meuse et 'la Haute-Marne par exemple, par une mévente des petits bois, provenant notamment des taillis de charme ?
- Avant d’examiner ces diverses industries, il convient de connaître l’ordre de grandeur de la production forestière française, afin d’éviter d’envisager, comme on l’a fait parfois, des développements industriels qui excéderaient une exploitation raisonnable.
- La forêt couvre en France près de 10 700 000 ha, dont 1 5oo 000 appartiennent à l’État, 2 200 000 aux communes et 7 000 000 aux particuliers.
- En ce qui concerne les forêts privées, un dixième seulement de la superficie qu’elles couvrent est en tenants de plus de 5oo ha, tandis que le tiers de cette surface est en parcelles de moins de 10 ha. La propriété forestière est donc très morcelée et il est nécessaire de ne pas négliger les difficultés qui peuvent en résulter quant à son exploitation industrielle. .
- Étant donné que l’étendue des forêts inexploitables, parce qu’inaccessibles (dans les Alpes et dans les Pyrénées) ne représente que 3 ou 4 pour xoo de la superficie totale, et que le rendement moyen indiqué par les statistiques des Eaux-et-Forêts est de 2,95 m3 par hectare pour les forêts du Domaine (État et communes) et de 2,85 m3 par hectare pour les forêts appartenant à des particuliers, on peut évaluer la production française annuelle à environ 28 ou 3o millions de mètres cubes ou de tonnes de bois (la densité du bois abattu étant voisine de 1). Cette évaluation ne tient pas compte des arbres d’alignement, des haies et des vergers d’exploitation rurale.
- Les Eaux-et-Forêts vendent 5 millions de mètres cubes de bois d’œuvre par an; les particuliers en vendent à peu près autant, le volume total des bois d’œuvre, y compris les bois de mine, -atteindrait donc 10 millions de mètres cubes. Parmi les feuillus, ce sont surtout des bois de chêne et de hêtre.
- Malgré la mévente du bois de chauffage qui, par suite du coût de la main-d’œuvre et des transports, voit son utilisation de plus en plus limitée aux environs des lieux d’exploitation, on peut supposer qu’une dizaine de millions de mètres cubes de bois servent encore à cet usage.
- Compte tenu des besoins en bois pour l’emballage (peuplier) et les allumettes, et de certaines applications récentes (contreplaqués, panneaux isolants en fibre de bois, etc...), on peut donc estimer qu’environ 10 millions de mètres cubes de bois restent à la disposition de l’industrie chimique, dont un tonnage important de bois de charme.
- Fig. 1. — La carbonisation du bois à la Société des Produits Chimiques
- de Clamecy.
- Le bois chargé sur skip va être monté en haut du four pour être déversé-
- dans celui-ci.
- Les industries chimiques qui utilisent le bois comme matière première sont l’industrie de la carbonisation du bois, l’industrie de l’alcool et l’industrie des pâtes de cellulose. Nous essaie-x’ons de définir et d’évaluer leurs besoins.
- Industrie de la carbonisation du bois.
- On pratique depuis très longtemps la carbonisation du bois par le procédé des meules : une partie du bois est transformée en charbon de bois, tandis qu’une autre est brûlée et que les divers produits volatils qui se forment au cours de cette pyrolyse sont, à quelques exceptions près, entraînés par les fumées et perdus.
- C’est Philippe Lebon, né à Brachay en Haute=Marne, qui,! dès 1790, a vu et indiqué dans un brevet tout le parti qu’on pourrait tirer de cette carbonisation à condition d’opérer en vase clos et de recueillir les produits formés, notamment les gaz, qu’il pi’oposait d’utiliser comme gaz d’éclairage. Philippe Lebon fut assassiné en i8o4, avant d’avoir réussi à réaliser ses idées. Le gaz d’éclairage fut, par la suite, obtenu à partir de la houille, mais dès 1806, l’usine Mollerat pratiquait la cc distillation « du bois et en obtenait déjà de l’acide acétique.
- La carbonisation ainsi conduite, sur de la charbonnette de 4 à 7 cm de diamètre ou sur de la moulée (branches de plus de 7 cm de diamètre), permet d’obtenir à partir de 100 kg de bois :
- 25 à 3o kg de charbon de bois;
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- Fig. 2. — La carbonisation du bois à la Société des Produits Chimiques
- de Clamecy.
- Vue d’une partie d’un four moderne de carbonisation : les tuyères.
- 20 m3 de gaz combustibles d’un pouvoir calorifique de i 200 cal/m3 (io pour ioo CII4, io pour ioo H„ et 6 pour ioo CO) ;
- 4o à 5o 1 de pyroligneux contenant :
- 4 à 5 1 d’acide acétique;
- 2 1 d’un mélange de méthanol et d’acétone, utilisé généralement sous le nom de méthylène;
- 4 1 de goudrons, dont on peut extraire des huiles et divers composés, notamment les créosotes.
- Cette industrie, qui s’est rapidement développée, a subi des transformations très importantes depuis 5o ans.
- Depuis cette époque, l’électrochimie a permis de préparer facilement le carbure de calcium et par conséquent l’acétylène et ses dérivés, comme l’acide acétique et l’acétone. Plus récemment, après 1918, la technique des hautes pressions, mise au point à propos de la synthèse de l’ammoniac, a rendu également possible la synthèse du méthanol.
- Sous l’action de cette double concurrence, l’industrie de la carbonisation du bois a dû se moderniser et se concentrer.
- La modernisation s’est manifestée tout d’abord par la mise au point de procédés de traitement du pyroligneux plus économiques que ceux initialement employés et les industriels français ont imaginé des techniques qui se sont par la suite largement répandues à l’étranger : procédé Charles, de Clamecy, procédé Guinot, de Melle.
- Plus récemment, la recherche d’un prix de revient minimum a conduit les techniciens de la carbonisation à changer complètement leur méthode de travail. On utilisait jusqu’alors des cornues en tôle d’acier, dans lesquelles on entassait, bien régulièrement, environ six tonnes de bois sec; ces cornues, une fois fermées, étaient chauffées pendant 12 h, puis on les laissait refroidir et on les vidait. Ce mode de travail exigeait beaucoup de main-d’.œuvre et immobilisait un nombre important de cornues.
- Depuis quelques années, on opère dans un four vertical continu à chauffage interne dans lequel on enfourne le bois en vrac à la partie supérieure, tandis qu’on extrait le charbon de bois en continu à la partie inférieure. Au cours de sa descente, le bois est porté à 6oo°, grâce à la circulation des gaz chauds, résultant de la combustion des gaz de pyrogénation dans un avant-foyer.
- Or, et ce point est essentiel dans un pays comme le nôtre où le charbon est cher, alors que les gaz de pyrogénation produits par les cornues ne suffisaient pas au chauffage de celles-ci et qu’il fallait utiliser, en plus, environ xoo kg de charbon par tonne de charbon de bois, le four continu fournit un volume de gaz nettement supérieur à celui nécessaire pour effec-
- tuer la carbonisation du bois, de telle sorte qu’on dispose d’un excédent de gaz qu’on peut brûler sous des chaudières. Un tel four, qui exige un minimum de main-d’œuvre, est susceptible de traiter 200 stères de bois sec (environ 7b t) par jour.
- En ce qui concerne la concentration de cette industrie, notons qu’il existait en 1928, 23 usines de carbonisation, alors qu’on n’en compterait plus actuellement que 7 : 5 traitant des bois feuillus, principalement chêne, hêtre et charme, à Clamecy et Preniery dans la Nièvre, Froidvent dans la Côte-d’Or, Bologne dans la Haute-Marne et Moulin Rouge dans le Jura, produisant actuellement de l’ordre de 3o 000 t de charbon de bois par an (dont 5o pour 100 à Clamecy), tandis que deux autres usines des Landes : Parentis-en-Born et Rion-des-Landes prépareraient, à partir des résineux, de l’ordre de 8 000 t de charbon de bois plus spécialement destiné à la production de charbons actifs.
- La production actuelle en usines correspondrait donc en gros à la consommation d’environ 160 000 t de bois sec.
- Ce charbon de bois dit épuré, parce qu’il a été porté à une température plus'élevée que celui des merdes et renferme en conséquence moins de matières volatiles, est spécialement employé pour la préparation du sulfure de carbone nécessaire à l’industrie de la rayonne, pour celle des cyanures et pour celle des charbons actifs utilisés comme adsorbants, notamment dans les masques respiratoires, etc... Son emploi, en métallurgie, est très réduit en France (obtention de quelques céments). Le reste est utilisé par les soudeurs, les rôtisseurs... et comme carburant dans les gazogènes au même titre que le charbon de meules.
- En ce qui concerne les sous-produits, le méthylène sert à dénaturer l’alcool éthylique; les goudrons de bois sont employés pour préparer des agglomérés, comme matières premières de créosotes ou d’huiles créosotées, ou encore comme combustible; quant à l'acide acétique extrait du pyroligneux (5 000 t en iqSo), il résiste bien à la concurrence de l’acide de synthèse, puisque celui-ci n’est produit jusqu’ici qu’à raison de 1 3oo t.
- Il convient toutefois de noter que la situation économique de tel ou tel marché peut se modifier rapidement : c’est ainsi que l’acide acétique vient de perdre un débouché, celui de l’acétone. Ce produit obtenu jusqu’ici dans diverses usines au départ de l’acide acétique, est préparé actuellement dans une seule usine des Alpes, à partir d’alcool isopropylique importé des États-Unis, en attendant que les raffineries françaises en produisent.
- Il ne faudrait'toutefois pas croire que la carbonisation en usine, opération beaucoup plus rationnelle que la carbonisation en forêt, ait fait disparaître cette dernière, car la demande en charbon de bois est plus grande que celle des sous-produits de la carbonisation qui, comme nous l’avons indiqué, sont d’ail-
- Fig. 3.— La carbonisation du bois à la Société des Produits Chimiques
- de Clamecy.
- La cabine de contrôle du four montre qu’on est loin de l’empirisme qui présidait, il y a seulement quelques années, à la conduite de la carbonisation
- en cornue.
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- leurs en concurrence avec des produits de synthèse. Il apparaît donc que la vente de ces sous-produits limite pratiquement le tonnage du bois carbonisé en usines.
- C’est ainsi qu’en 1989, la production en usines ne représentait en gros que le dixième de la production totale de charbon de bois, laquelle s’élevait à environ 3oo 000 t.
- Pendant la guerre, alors que, par suite de la pénurie de carburants, on dut faire appel au charbon de bois traité dans des gazogènes pour actionner les moteurs, la production en usines demeura au voisinage de 26 000 à 00 000 t, tandis que la production en forêt dépassait sans doute 5oo 000 t, correspondant à plus de 2 millions de tonnes de bois sec.
- Le charbon de bois carburant n’étant guère apprécié des automobilistes, meme présenté sous forme d’agglomérés plus agréables à manipuler, d’une densité supérieure à celle du charbon de bois ordinaire et par conséquent moins encombrants, a de nouveau fait place à l’essence après la Libération et tandis que la production en usines se maintenait et augmentait même légèrement, la production en forêt retombait de 5oo 000 t à moins de 100 000 entre 1943 et 1 g4?-
- L’industrie de la carbonisation 11e semble donc pas devoir constituer un débouché susceptible d’un grand développement dans une période normale où le charbon de bois 11e saurait lutter contre l’essence. Il convient d’ailleurs d’ajouter à l’intention de ceux qui parlent de substituer ce produit à l’essence, dans le but louable de libérer notre économie des importations de pétrole, que si l’on voulait adopter une telle politique économique, la foi’èt française ne suffirait pas à fournir l’équivalent. de nos besoins, puisque la France consomme environ 4 millions de tonnes d’essence par an, correspondant à plus de 5 millions de tonnes de charbon de bois et, par conséquent, à près de 20 millions de tonnes de bois sec.
- Industries de l'alcool de bois.
- Le besoin croissant de carburants a fait envisager la substitution de l’alcool à l’essence, une partie de cet alcool pouvant être obtenue à partir du bois, soit par l’hydrolyse de celui-ci qui fournit de l’alcool éthylique, soit par gazéification et synthèse de mélhanol à partir des gaz produits.
- Il convient de noter qu’il ne s’agit plus ici d’un carburant de remplacement, mais d’un véritable carburant, quoiqu’en pensent les automobilistes. L’alcool ordinaire ou éthanol C2H.-OHj et l’alcool mélhylique ou mélhanol (CII3-OH) constituent en effet d’excellents carburants, nettement supérieurs à l’essence, lorsqu’on les utilise dans des moteurs prévus à cet effet.
- Ces alcools, bien plus indétonants que l’essence, permettent un taux de compression très supérieur, 12 au lieu de 5, qui se traduit par une augmentation de rendement ou une consommation moindre. Mais la carburation est très difficile, spécialement au démarrage, et il faut employer les alcools dans des moteurs spéciaux sans carburateurs, où l’alcool est injecté dans le cylindre où l’air a été préalablement comprimé. Un moteur de ce type, construit par Brandt pendant la guerre, a donné satisfaction.
- L’obtention d’alcool éthylique à partir du bois a provoqué, depuis les premiers travaux de Braconnot, de très nombreuses recherches et diverses tentatives industrielles bien souvent suivies d’échecs.
- Dans les années qui précédèrent 1940, les Allemands avaient pourtant mis sur pied une fabrication annuelle de 90 000 hl d’alcool par le procédé Sehœller. Divers autres procédés ont été préconisés et même essayés au stade' semi-industriel, notamment ceux de Boinot et de Meunier en France.
- Quelles que soient les variantes des techniques utilisées, le principe est constamment le même : on procède à l’hydrolyse
- de la cellulose du bois par un acide dilué; on obtient ainsi des solutions de sucres qui, après séparation de la lignine inattaquée, sont mises à fermenter; on en extrait l’alcool par distillation, puis on le déshydrate. Le rendement est toujours faible : 20 1 d’alcool au maximum pour 100 kg de bois sec.
- Cette opération fournit également un peu de furfurol, utilisable comme solvant ou pour la préparation de plastiques ; elle laisse un résidu de 43 kg de lignine, dont on a proposé diverses utilisations, toutes assez problématiques, à l’exception d’une seule, son emploi comme combustible.
- Notons que la concentration des solutions diluées d’alcool nécessite beaucoup de combustible et qu’en conséquence, 1 000 cal sous forme d’éthanol, ainsi préparé, exigent 0,766 kg de bois et 0,187 kg de houille.
- Ajoutons que l’hydrolyse du bois n’a pratiquement pas été exploitée en France, jusqu’ici, en vue de la production de l’alcool. En effet, les solutions de sucre, résultant de l’hydrolyse de la cellulose, par application du procédé Meunier, dans une usine de Sorgues, étaient, initialement soumises à la fermentation butyrique, en vue de l’obtention d’acides gras, à partir desquels on pouvait préparer des cétones supérieures, utilisables dans la fabrication des solvants et des plastifiants.
- Fig. 4. — La carbonisation du bois à la Société des Produits Chimiques
- de Clamecy.
- Le charbon de bois, détourné dans des wagonnets, sera extrait de ceux-ci lorsqu’il sera complètement froid, afin d’éviter qu’il ne s’enflamme.
- Par la suite la Société du Glucol a mis au point dans son usine-pilote de Sorgues, les diverses fermentations auxquelles on peut soumettre ces jus : éthylique, torula et acétobutylique, qui conduisent respectivement à l’éthanol, aux levures alimentaires ou à l’acétone et à l’alcool butylique, tout en étudiant la récupération oplirna des sous-produits : furfurol et méthylène, dont les débouchés sont nombreux, et lignine résiduaire, dont la combustion peut non seulement fournir toute l’énergie calorifique nécessaire au procédé, mais un supplément d’énergie électrique.
- Notons toutefois que cette hydrolyse peut s’opérer à partir de matières cellulosiques très variées : bois, de toutes essences* et notamment déchets d’abattage et de scieries, déchets agricoles : balles de céréales, pailles, sarments de vignes, etc..., et déchets industriels : grignons d’olives, tourteaux d’oléagineux, etc..., et que la Société du Glucol, qui compte développer ces fabrications, envisage principalement l’utilisation de déchets agi’icoles : grignons d’olives, coques de tournesol, coques d’amandes et cônes de maïs, comme matières premières.
- La préparation de mélhanol, à partir du bois, a, par contre, été réalisée en France, d’aborcl dans l’usine de la Rance, puis à la poudrerie de Bergerac.
- Elle consiste à gazéifier le bois dans un gazogène spécial (gazogène Lacotte) permettant d’obtenir un mélange gazeux, qui
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- après élimination de l’anhydride carbonique, renferme l’hydrogène et l’oxyde de carbone dans les proportions voulues pour opérer la synthèse du méthanol. Gette synthèse, mise au point depuis 1919 à partir des gaz de fours à coke, s’opère sous pression (4oo à 800 kg), à 470°, en présence de certains catalyseurs et rappelle celle de l’ammoniac.
- 1 000 cal sous forme de méthanol obtenu ainsi nécessitent o,85o kg de bois sec et 0,240 kg de houille.
- On voit, par la comparaison des deux rendements, que l’obtention de l’éthanol est plus avantageuse : l’appareillage nécessaire est, d’autre part, moins complexe et moins coûteux. Ce serait donc à la préparation d’étlianol que l’on aurait recours si l’on voulait préparer de l’alcool carburant à partir du bois.... Mais là encore, nous sommes dans le domaine de la théorie car, pour que ce débouché soit offert au bois, il faudrait que notre politique des carburants soit totalement modifiée, et un tel changement ne paraît pas probable.
- Nous avons noté, d’autre part, à propos du charbon de bois proposé comme carburant, que notre production de bois n’était pas suffisante pour produire la quantité de charbon de bois correspondant à notre consommation d’essence. Nous retrouvons ici la même difficulté, mais il convient toutefois de noter que dans l’esprit des partisans d’une politique de l’alcool carburant, le bois n’apporterait qu’une utile contribution à la production d’alcool que l’on préparerait, d’autre part, à partir des betteraves du nord de la France (éthanol) et des lignites de Provence (méthanol).
- Industrie des pâtes de cellulose.
- On prépare à partir du bois diverses pâtes à papier et de la cellulose pure destinée à l’industrie des fibres, textiles artificielles.
- La pâte mécanique résulte du défibrage du bois; elle contient pratiquement tous les constituants de celui-ci et ne convient que pour les cartons et les papiers grossiers. Les pâtes chimiques, résultant de l’attaque du bois par divers produits chimiques, sont constituées par de la cellulose plus ou moins pure, les autres constituants du bois passant, au cours de l’attaque, sous une forme plus ou moins dégradée, dans les solutions résiduaires. La cellulose utilisée dans l’industrie des fibres textiles est une pâte particulièrement pure.
- En France, on consommait, en 1948, de l’ordre de 1 200 000 t
- Fig. 5. — Dêûbreur à quatre presses hydrauliques.
- A droite, appareil de piquage de la meule système Samson.
- CPhoto Neyret-Beylier).
- de pâtes à papier et de carton et on préparait environ 100 000 t de rayonne. Or, on ne produisait que 5oo 000 t de pâtes environ et très peu de cellulose pure.
- Nous sommes donc de gros importateurs de pâtes à papier et de pâtes de cellulose, et ces produits, en provenance de Finlande et de Suède, nous coûtent deux fois plus cher que si nous les produisions... Encore convient-il d’ajouter que ces importations seront de plus en plus difficiles étant donné, d’une part, la pénurie européenne de bois résineux, d’autre part, les restrictions apportées aux exportations par certains pays gros producteurs, et cela, précisément au moment où ces importations sont d’autant plus nécessaires en France.
- En effet, le Plan de modernisation et d’équipement prévoit pour la papeterie, d’une part, l’amélioration de la qualité de certains papiers qui se traduira par une consommation unitaire de pâte plus grande, d’autre part, un accroissement très net de la production par rapport à 1948.
- La production de 1.600.000 t de papier et carton, prévue pour 1902, nécessiterait notamment une consommation de 4oo 000 t de pâtes mécaniques et chimiques et de 33o 000 t de pâte au bisulfite écrue, correspondant à la mise en œuvre de 1 680 000 stères de sapin, épicéa et pin, de 160 000 t de pâtes blanchies et de 210 000 t de pâte kraft écrue, dont la préparation exige environ 33o 000 t de pin maritime, le reste correspondant à des pâtes préparées à partir de vieux papiers ou de chiffons.
- Or, vis-à-vis de ces besoins en bois croissants, nos possibilités seront plus faibles qu’en 1948, étant donné que :
- i° nous ne disposons plus des bois de la zone française d’occupation en Allemagne;
- 20 compte tenu des ravages du bostryche dans la forêt vos-gienne et même alpine et des coupes obligatoires qui en sont résultées, la production française de sapin, pin et épicéa ne peut dépasser 5oo 000 stères ;
- 3° par sùite des désastres subis par la forêt landaise, l’approvisionnement de la papeterie en pin maritime atteindra difficilement les 240 000 t fournies en 1948.
- Alors que d’une part notre production de pâtes de bois est largement déficitaire et que d’autre part certains de nos bois manquent apparemment de débouchés, on peut se demander, sans prétendre supprimer nos importations, pourquoi nous ne développons pas davantage la fabrication des pâtes à partir de ces bois ?
- Deux raisons semblent pouvoir expliquer cette situation apparemment paradoxale : .
- i° Une raison financière : à l’heure actuelle, l’installation-d’une usine de pâte à papier exigerait près de 2 milliards de francs, et l’on comprend qu’un tel investissement fasse hésiter;
- Fig. 6. — La carbonisation du bois à la Société des Produits Chimiques de Clamecy.
- Vue des ateliers de traitement des sous-pr'oduits de la carbonisation montrant certaines colonnes de rectification.
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- 2° Une raison technique : la préparation des pâtes chimiques et de la cellulose n’est pas possible à partir de tous les bois; le bois utilisé doit présenter des qualités définies quant à la teneur en tanins, la longueur des fibre$, etc., de telle sorte qu’on se limite pi'atiquement à l’épicéa, au sapin, au pin sylvestre et au pin maritime. Ce sont ces essences qui servent en grande partie à la préparation des pâtes françaises, mais à côté des résineux, nous disposons d’une production considérable de feuillus, qu’il serait désirable d’utiliser également. Parmi ceux-ci, le tremble et le bouleau ont été employés avec succès, mais leur tonnage n’est pas considérable; le peuplier est également utilisable, mais son défibrage exige une dépense d’énergie beaucoup plus élevée que celui des autres essences; enfin, le châtaignier, riche en tanins, doit être débarrassé de ceux-ci, si bien que son emploi n’est possible qu’en combinant la préparation d’extraits tannants à celle des pâtes de cellulose, comme on le fait, par exemple, à Condat. La pâte de châtaignier, généralement mélangée à de la pâte d’épicéa, fournit alors un très beau papier.
- Les débouchés du chêne et du hêtre étant assurés comme bois d’œuvre, la préparation de pâtes à partir de feuillus pose
- essentiellement en France, le problème de l’utilisation du charme, seul bois dont l’écoulement présente en certaines régions quelques difficultés. Or, cette utilisation, considérée jusqu’ici comme très délicate ne paraît aucunement impossible et deux usines pilotes viennent d’être installées pour entreprendre des essais industriels dans cette voie, l’une à Alfortville, près de Paris, l’autre à Anould dans les Vosges.
- Les résultats qu’on attend de ces essais, tout en facilitant la réalisation du Plan qui prévoit précisément l’accroissement de la production de pâtes de fibres courtes, c’est-à-dire obtenues à partir de feuillus, seraient susceptibles de parer à la mévente des bois de charme, signalée au début de cet article et d’apporter la seule solution prévisible actuellement au souci d’utiliser au mieux les dix millions de mètres cubes de bois que la forêt française peut offrir chaque année aux industries chimiques, sans aucun risque de surexploitation et de déboisement.
- H. Guérin,
- Professeur à la Faculté des Sciences de Nancy.
- La motorisation
- Au commencement, rien d’autre n’était possible que de produire « son pain à la sueur de son front ». Puis l’homme apprit à utiliser le front des bœufs, le collier des chevaux pour soulager son esclavage. Cela le conduisit de la bêche et de la houe à l’araire puis à la charrue et plus tard du fléau à la batteuse, de la faucille et de la faux à la moissonneuse, jusqu’à leur association en des machines plus complexes : moissonneuse-lieuse et moissonneuse-batteuse. Tous les autres travaux agricoles peuvent aussi être mécanisés et l’on a vu paraître des distributeurs d’engrais, des épandeurs de fumier, des semoirs en lignes, des bineuses pour' cultures sarclées, des faneuses et des ensileuses pour les fourrages, des arracheuses de pommes de terre, des arracheuses-décolleteuses de betteraves, des arracheuses de lin, des récolteuses de maïs, sans parler des autres machines fixes installées à la ferme pour chaque industrie agricole : laiterie, beurrerie, fromagerie, vinification, cidrerie, distillerie, huilerie, etc.
- Après les chevaux et les bœufs, on vit les machines à vapeur individuelles, puis les moteurs électriques branchés sur un réseau de distribution de force, enfin les moteurs à carburants, plus indépendants et plus mobiles (quatre temps à essence, Diesel, semi-Diesel).
- On s’aperçut alors que les travaux agricoles consistent encore plus en transports de toutes sortes qu’en façons du sol et en récoltes, et on aboutit à concevoir une séparation et une association du moteur tracteur et de la machine instrument, une mécanisation liée à la motorisation de l’agriculture.
- De cette progression, on voit chaque hiver des témoignages de plus en plus nombreux au Salon de la Machine agricole où se trouvent réunies toutes les innovations des combinaisons multiples des machines motorisées et tractées.
- Conditionnée par la production industrielle de métaux et de sources d’énergie, elle s’inscrit dans le cadre de l’évolution actuelle vers « la grande relève des hommes par la machine » qui sonne la fin de l’indépendance des activités locales, régionales et même nationales et la réduction de la vie artisanale, tandis que s’amplifie l’organisation de toutes les mains-d’œuvre en des prolétariats hiérarchisés, commandés par les besoins du commerce international, lequel cherche à valoriser à son profit les richesses mondiales, indépendamment des différences ethniques et quelles que soient les formes politiques de gou-
- en agriculture
- vernements rencontrées et utilisées. La facilité et la rapidité des communications et des transports facilitent beaucoup cette unification du globe. La révolution que nous vivons ainsi a d’innombrables incidences; elle pose de multiples problèmes nouveaux, techniques, économiques, sociaux, puisque l’homme qui produit veut aussi chercher son bonheur et ne peut vivre sans satisfaire ses besoins dont le plus impérieux reste celui de se nourrir.
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- Sans se perdre dans des anticipations du monde futur, on peut bien examiner quelques aspects techniques actuels de la mécanisation et de la motorisation agricoles.
- La culture ne se prête guère à une industrialisation et à une unification. Elle se propose l’obtention de produits très variés; elle utilise des sols très divers; elle est soumise aux conditions climatiques et aux aléas météorologiques. Si elle peut agir sur le sol par l’irrigation et les engrais, choisir des plantes, des animaux adaptés, sélectionnés, elle ne peut rien sur les saisons et sur le temps et reste une spéculation annuelle. De plus, elle exige un travail très irrégulier, fort réduit en hiver, écrasant en été, qui ne se prête guère aux revendications ouvrières d’un temps de labeur limité et réglementé, de repos réguliers et de congés d’été. Enfin, les travaux successifs sont si nombreux et si complexes que leur mécanisation généralisée est impossible; il y faudrait un arsenal de machines qui ne pourraient être payées, ni même amorties par une utilisation de quelques jours seulement au cours de l’année
- C’est là d’ailleurs une difficulté majeure de toutes les productions saisonnières que l’homme est impuissant à étaler dans le temps. Augmenter brusquement et pour un court emploi le nombre des machines majorerait les prix de revient tellement que les ventes deviendraient impossibles ou ruineuses sur des marchés réglés de plus en plus par la concurrence mondiale, quelles que soient les protections obtenues de l’État, toujours aux dépens de ses finances et de la collectivité.
- Après avoir depuis longtemps fait appel pour la moisson, la vendange, l’arrachage des betteraves à la main-d’œuvre étrangère temporaire qui fournit de précieux renforts quand elle abonde et a libre accès, on a organisé la coopération agricole;
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- celle-ci est efficace pour les travaux qui peuvent être différés tels que le battage, la distillation, mais elle satisfait imparfaitement les besoins urgents et simultanés au moment de chaque récolte. Les énormes machines, à l’échelle des immenses étendues de l’ouest des États-Unis et du Canada conviennent mal en France; elles sont trop coûteuses, travaillent trop et trop vite et ne peuvent être adaptées à la diversité de nos sols et à la division de notre propriété foncière.
- Force fut donc d’inventer, de créer des mécaniques moins puissantes, moins spécialisées, et l’on tend de plus en plus chez nous à s’orienter vers quelques types de machines moyennes, toutes actionnées par un même moteur bon à tout faire, mobile, monté sur roues, pouvant assurer les transports, les labours, les façons, les récoltes et bien d’autres travaux de la ferme. Cela pose à l’usager des choix, souvent difficiles, en ce qui concerne la force motrice, la traction, les transmissions, les outils.
- Moteurs. — Une première question est celle du carburant. On peut préférer parmi les produits commerciaux de distillation des huiles de pétrole un carburant plus ou moins léger : essence, pétrole ou gas-oil. Ils ne sont pas interchangeables et doivent être adaptés au type de moteur : à explosion pour l’essence, à combustion (Diesel ou semi-Diesel) pour les produits lourds. Le moteur à essence est plus souple ; son prix d’achat est plus bas; son entretien moins laborieux; mais il consomme plus de carburant et les stocks de celui-ci, plus inflammables, demandent plus de soins. Comme ce qui importe est le prix de revient horaire du travail accompli, il faut baser son choix sur un bilan assez compliqué où entrent en ligne de compte le prix du moteur él son amortissement, les frais d’entretien et de réparation, les dépenses de sécurité de stockage et par dessus tout les taux de consommation et les prix des divers carburants. Un changement de tarif, une taxe ou une détaxe de l’un d’eux suffit à changer toute l’économie d’une exploitation agricole. Malheureusement, la politique des carburants est commandée par bien d’autres raisons que les besoins de la culture; tout au plus peut-on lui souhaiter une certaine stabilité.
- Les moteurs, quels que soient leurs types, ont profité de tous les progrès techniques des transports routiers et sont bien au point; certains sont construits par des usinés d’automobiles. Tout au plus, reste-t-il à choisir les modèles les plus robustes et les plus simples, ceux qui offrent le plus de facilités d’entretien, de réparations, de rechanges de pièces, sans recours trop fréquents à l’usine ou à la main-d’œuvre spécialisée, puisqu’ils doivent travailler durement, dans la poussière et la boue, en plein air et assurer un service prolongé, sans défaillances au moment du besoin.
- On construit des moteurs de puissances très variées, allant généralement de xo à 70 ch et plus. Ceux de i5 à 20 ch sont les plus communément employés en petite et moyenne culture. Il convient de ne pas choisir une puissance excessive, inutile et coûteuse, ni un moteur trop faible, insuffisant pour le travail en ‘terres fortes, argileuses.
- Récemment, M. Tony Ballu a estimé à 100 000 francs par hectare le capital à investir pour la mécanisation.
- Le moteur à la ferme a les mêmes qualités que partout ailleurs. Il apporte un surcroît de puissance; il soulage ou libère une partie de la main-d’œuvre; il permet un travail plus rapide que celui de l’homme ou même du cheval; il économise la nourriture du cheval et les cultures qu’elle impose (un hectare par cheval). Par contre, il ne produit pas de fumier et nécessite une main-d’œuvre avertie, sinon un mécanicien, tout au moins un. manœuvre exercé.
- Tracteurs. — Le moteur fixe n’est utilisable que dans les bâtiments de la ferme où, bien souvent, l’électricité apporte une solution plus simple que les carburants. Partout ailleurs,
- le moteur autonome a la préférence. E,n le montant sur roues,, on en fait un tracteur qui peut aussi bien assurer les transports sur remorque que tirer dans les champs divers instruments agricoles, tandis que fixé sur le sol, il peut encore actionner d’autres machines sans déplacements. Le problème de l’adhérence des roues est amplement connu depuis que l’armée a créé des chars d’assaut et des véhicules « tous terrains ». Sur routes, le plus économique et le plus rapide est le dispositif des automobiles : châssis sur quatre roues munies de pneumatiques. Il ne suffit pas pour circuler en terres fortes, labourées ; il faut alors un plus grand nombre de roues et des chenilles, mais celles-ci coûtent plus cher d’achat et d’entretien et demandent beaucoup plus de puissance. On a proposé diverses solutions intermédiaires telles que les châssis à quatre roues motrices, les gros pneumatiques à enveloppes striées, les semi-chenilles limitées aux trains de roues arrière, montées à demeure, ou escamotables, ou amovibles. C’est une question de prix d’acliat, d’entretien, de consommation, dépendant de la nature des sols et des services qu’on demande à la motorisation.
- On tend à donner au tracteur une largeur définie, de 4o à Go cm entre roues, pour les cultures en lignes où il doit servir pour labourer, semer, désherber et arracher ou cueillir.
- Le tracteur est un transporteur lent : avec l’emorque à pleine charge, il assure sur route une vitesse d’au moins 6 km à l’heure, celle d’un homme au pas.
- Il est devenu peu à peu un instrument bien adapté aux besoins agricoles ; son usage va croissant. Line statistique du Ministère de l’Agriculture de 192g relevait en France 271 tracteurs à gazogènes de 1 à 5 ch. On en compte aujourd’hui plus de i3o 000 de bien plus grandes puissances et leur nombre doit s’accroître depuis quelques années d’environ 26 000 par an. Les chiffres pour 1960 ont été, d’après M. Gaveau :
- Tracteurs fabriqués en France ............... 14 G00
- » importés .......................... 13 000 27 000
- 11 exportés en. Union française .. 1 500
- » » à l’étranger..........-.... 1 900 3 400
- 11 livrés dans la métropole .......... 23 600
- Les avantages de l’emploi des tracteurs sont évidents. D’une étude de M. de Certaines, récemment parue dans les Cahiers clés ingénieurs agronomes, nous extrayons les renseignements suivants :
- Un tracteur du plus petit modèle, de 9 ch seulement, attelé à une remorque, comparé à un attelage de 3 chevaux, transporte une charge 2,5 fois plus lourde à une vitesse 1,33 fois plus rapide.
- Un tracteur ordinaire de 10 à 20 ch, employé aux travaux des champs, a un rendement supérieur à celui d’une attelée de 2 chevaux de i,5 pour les labours, 3,4 pour la moissonneuse-lieuse, 5,i pour la fenaison. <
- La Piégie Renault a calculé des économies de main-d’œuvre allant de 29 pour 100 pour la culture de la betterave à 67 pour 100 pour l’avoine et 84 pour 100 pour les prairies artificielles, ce qui est à considérer d’autant plus que les salaires' et les charges sociales augmentent.
- Le travail du tracteur est non seulement plus rapide que celui des chevaux, mais il est souvent plus efficace, notamment pour les labours. Il permet plus de souplesse dans l’emploi du temps, ce qui est précieux pour profiter des embellies au moment des récoltes et de l’état optimum du sol pour les autres travaux. Il ne consomme que lorsqu’il fonctionne, tandis que les chevaux sont nourris chaque jour, toute l’année, et donnent un moindre coup de collier en cas d’urgence.
- Les grands défauts du tracteur sont qu’il ne fournit pas de fumier et qu’il coûte cher. Toutefois, il libère des prairies nécessaires aux chevaux où l’on peut pratiquer l’élevage, et le che-
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- val est aussi un gros capital, si ses dépenses d’entretien apparaissent moins nettement dans le bilan de la ferme.
- Qu’on voit dans le tracteur un « mal nécessaire » ou qu’on ait pour lui l’engouement de la nouveauté, il n’est plus guère possible de s’en passer aujourd’hui.
- Machines. — Le moteur actionnant les roues du tracteur, cela convient pour les transports mais ne suffit pas pour les travaux des champs. Les machines travaillant le sol ont besoin d’ètre relevées en bout de champ, puis abaissées après virage; beaucoup ont des mouvements complexes qui doivent être coordonnés et commandés. Force est donc d’assurer des transmissions d’ordres ou de. mouvements entre le moteur du tracteur et la machine et cela pose de difficiles problèmes qu’on s’est ingénié à résoudre de diverses façons. Le tracteur étant la source d’énergie à tout faire, on ne peut y installer chacune des machines qu’il actionnera, d’autant plus que certaines sont bien plus encombrantes que lui. Une liaison souple, par chaînes ou par câbles, obligerait à munir chaque machine remorquée d’un moteur accessoire et à prévoir une transmission d’énergie. On s’en est tiré par une solution intermédiaire : les machines ne sont pas portées sur le tracteur; elles ne sont pas non plus simplement remorquées; elles sont semi-portées, ayant le plus souvent leurs roues avant ou leur avant-train escamotable ou amovible et étant articulées rigidement à l’arrière du tracteur. Cela permet des liaisons, des commandes mécaniques ou hydrauliques entre les deux parties. Les machines elles-mêmes ont été rendues aussi autonomes qu’il est possible et
- simplifiées pour devenir automatiques. En outre, on a cherché à réaliser des machines polvvaléntes, pouvant servir pour toutes graines, ou dans toutes cultures sarclées, ou pour récoltes de tous fourrages, etc.
- On aboutit ainsi peu à peu à des groupements des travaux qui assurent une plus large utilisation et l’amortissement raisonnable des machines et des tracteurs.
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- Tels sont les aspects actuels de la motorisation et de la mécanisation de l’agriculture.
- Si elles ne suffisent pas pour augmenter la production des terres (1) et même si elles risqueraient de l’appauvrir au cas où elles réduiraient trop les apports de fumier, il n’en est pas moins vrai qu’elles facilitent le travail des cultivateurs et soulagent leur peine au point qu’on ne peut que désirer leur extension prochaine. Jointes au remembrement des parcelles, aux œuvres collectives de drainage et d’irrigation, au choix des semences, des engrais, des façons culturales, elles doivent contribuer à maintenir notre richesse agricole et à assurer notre ravitaillement, puisque le pain est le premier besoin de l’homme et la nourriture la condition première de sa sécurité et de sa liberté.
- Daniel Claude.
- 1. Bien nécessaire, puisqu’il a fallu cette année importer un peu de blé pour la « soudure » de juillet et qu’il en faudra bien plus l’cté prochain.
- LE CIEL EN NOVEMBRE 1951
- SOLEIL : du Ier au 30 sa déclinaison décroît de — 14°16' à — 21°34' ; la durée du jour passe de 9h33m le 1er à S^i111 le 30 ; diamètre apparent le 1er = 32'17",0, le 30 = 32'29",3. — LUNE : Phases : P. Q. le 6 à 6h39m, P. L. le 13 à 13b32m, D. Q. le 21 à 20üim, N. L. le 29 à lh0m ; périgée le 2 à 13h, diamètre app. 32'40'' ; apogée le 18 à 13h, diamètre app. 29'30" ; périgée le 30 à 13k, diamètre app. 33'S". Principales conjonctions : avec Jupiter le 10 à 5h39m, à 4°22' S. ; avec Uranus le 18 à 0h14m, à 3°39' S. ; avec Mars le 24 à llh26m, à 4°9' N. ; avec Saturne le 23 à O^SS111, à 5°51' N. et avec Vénus à 17h59m, à 5°47' N ; avec Neptune le 26 à lM9m, à 3°43' N ; avec Mercure le 30 à LMS111, à 2°22' N. Occultation de Ô Poissons (4m,6) le 10, immersion à 17h3Gm,6. — PLANÈTES : Mercure, visible le soir à la fin du mois, plus grande élongation le 28 à 21°40' E. du Soleil ; Vénus, astre du matin, se lève le 9, 4h19m avant le Soleil, diam. app. 27",2 ; plus grande élongation le 14 à 3h, à 46°37' W. du Soleil, en conjonction avec Saturne le 21 à 10h, Vénus à 0°38' S. ; Mars, dans le Lion, visible le matin, se lève le 9 à IMS™, diam app. 4",6 ; Jupiter, dans les Poissons, observable une grande partie de la nuit, diam. pol. app. le 9, 44",2 ; Saturne, dans la Vierge, se lève le 21 à 2Il47m, diam. pol. app. 14",6, anneau : gr. axe 36",S, petit axe
- 3",4, en conjonction avec À Vierge le 3 à 23h, l’étoile à 0°39' N. ; Uranus, dans les Gémeaux, se lève le 27. à 18h24m, position. Gho8m et + 23°9', diam. app. 3",8 ; Neptune, dans la Vierge, se lève le 27 à 3MGm, position 13M9m et — G°38', diam. app. 2",4. — ÉTOILES PILANTES : Léonicles du 14 au 18, radiant vers Ç Lion ; Andromédides du 17 au 23, radiant vers y Andromède. — ÉTOILES VARIABLES : Minima observables d’Algol (2m,2-3m,3) : le 3 à 19M, le 13 à 6h,3, le 18 à 3h,2, le 21 ù 0^,0, le 23 à 20h,S, le 26 à 17h,6 ; minima de [3 Lyre (3m,4-4m,3) : le 11 à loh, le 24 à 13h ; maximum de y Cygne (4m,2-14m,0) le 28. — ÉTOILE POLAIRE : Passage sup. au méridien de Paris : le 7 à 22h26m13s, le 17 à 21ho6mo2s, le 27 à 21m17h28s.
- Phénomènes remarquables. — Rechercher Mercure au couchant, à la fin du mois. — Observer la conjonction de Vénus et de Saturne à l’aube, le 21. — Rechercher à la jumelle les Satellites de Jupiter. — Observer les étoiles filantes : Léonides maximum le 16, et Andromédides, maximum le 20.
- (Heures données en Temps universel ; tenir compte, des modifications introduites par l’heure en usage).
- G. Fournier.
- LES LIVRES NOUVEAUX
- Rapport sur les dictionnaires scientifiques et techniques multilingues. 1 vol. in-S°,
- 39 p. Prix : 75 francs.
- Bibliographie de dictionnaires scientifiques et techniques multilingues. 1 vol. inr8°,
- 223 p. Prix : 200 francs. Unesco, Paris, 1951.
- Le Dr J. E. Holmstrom a été chargé par l’Unesco d’une enquête sur las ressources et les besoins en dictionnaires scientifiques et techniques multilingues, œuvres coûteuses, difficiles à établir pour être utiles, puisqu’il faut des termes précis, dont le sens corresponde exactement d’une langue à l’autre et même d’un pays à l’autre de même langue alors que les mots sont parfois aaitres ou que leurs sens dif-
- fèrent, do l’anglais à l’américain, du castillan à l’argentin ou au mexicain. Après avoir montré dans son rapport les insuffisances actuelles et les desiderata, l’auteur a dressé le catalogue de 1 044 dictionnaires existants, donnant les correspondances en 45 langues des sujets de 224 sciences et techniques, avec plus ou moins de compétence et de certitude.
- Introduction to statistical analysis, par
- W. J. Dixon et F. J. Massey. 1 vol. in-8", 369 p. Mc Graw-IIill, New-York et Londres, 1951. Prix : relié, 36 sh.
- Notions fondamentales de l’analyse statistique, en ne faisant, appel qu’à un minimum de développements mathématiques. Les chapitres
- sont accompagnés de références bibliographiques, de sujets de discussions, d’exemples et d’exercices choisis dans les domaines les plus divers : faits économiques, chimie, agriculture, médecine,, psychologie, art de l’ingénieur, etc. Des tables numériques adaptées à la résolution de problèmes terminent cet ouvrage largement utilisé par les étudiants américains.
- Les nombres et les espaces, par G. VEnRiEST. 1 vol. in-16, 188 p., 8 fig. Collection Armand Colin, Paris, 1951. Prix : 200 francs.
- Tour initier aux méthodes mathématiques les jeunes qui se préparent à l’université ou aux grandes écoles, l’auteur, en un style simple et clair, développe la suite logique des nombres
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- et des ensembles, des espaces et des géométries, des groupes, de l'algèbre moderne et de ses larges possibilités. Les exemples familiers et le rappel des étapes historiques facilitent cette accession aux théories scientifiques modernes.
- Physique de la planète Mars, par Gérard de Vaucouleurs. 1 vol. in-16, 424 p., fig., 8 pl. Collection « Sciences d’aujourd’hui ». Albin Michel, Paris, 1951. Prix : 825 francs.
- Mise au point rigoureuse et impartiale des connaissances acquises sur cette passionnante planète. L’auteur, observateur habile et brillant physicien, présente le bilan très complet de tout ce qui a été tenté pour résoudre l’énigme martienne (climats, atmosphère, calottes polaires), notamment par les méthodes récentes de l’astrophysique qui se montrent riches de promesses et où la France tient un honorable rang.
- Fluid Méchanics, par Y. L. Streeter. 1 vol. in-8°, 366 p., 313 fig. Mc Graw-Hill, New-York et Londres, 1951. Prix : relié, 40 sh.
- Cet ouvrage destiné à l’enseignement traite de la mécanique des fluides en mouvement, de leur comportement en circuits ouverts et fermés, de la mesure des débits et des applications pratiques : turbines, pompes, turbo-réac-teurs, transmissions hydrauliques, etc. A la fin de chaque chapitre, des problèmes et exercices sont posés aux étudiants disposant de bonnes connaissances en mathématiques générales.
- Wawe guide Handbook, par N. Marcwvitz. 1 vol. in-8°, 428 p., fig. Mac Graw-Hill, Londres, 1951. Prix : relié, 60 sh.
- Cet ouvrage donne sous une forme concise les principes et les résultats expérimentaux concernant la transmission des ondes très courtes. A côté de considérations théoriques figurent de nombreux diagrammes présentant les résultats sous formes numériques. De nombreuses applications sont signalées.
- Utilisation des thyratrons. 1 broch. Cahiers Mazda, Paris, 1951.
- Cette notice technique précise l’emploi des thyratrons dans les dispositifs d’automatisme, notamment pour le contrôle des températures, les commandes par cellules photo-électriques, les transformations de tension, etc. Elle précise les caractéristiques et donne le schéma de montage de ces tubes.
- Cybernétique (1951). Théorie du signal et de l’information. 1 vol. in-8°, 319 p., fig. Revue d’Optique, Paris, 1951. Prix : 1 600 francs.
- La « cybernétique », fondée par le mathématicien américain Norbert Wiener, englobe l’étude et la comparaison des transmissions et commandes par le cerveau des êtres vivants et par des dispositifs mécaniques. Son intérêt est d’actualité au moment du développement de la T.S.F., de la télévision, du radar, des machines à calculer électroniques et des servo-mécanismes automatiques. On trouve dans ce volume une série d’études rédigées par des spécialistes et présentées aux réunions d’études tenues l'an dernier sous la présidence de M. Louis de Bro-glie, relatives en particulier aux télécommunications, envisagées sous l’angle de la cybernétique, qui se sont déjà montrées très fructueuses.
- Modem Interferometers, par C. Gandler, 1 vol. in-8°, 502 p., 300 fig. Hilger and Watts, Londres, 1951. Prix : relié, 57 sh. 6 d.
- Les interférences lumineuses ont pris une importance considérable dans les méthodes de mesures de précision : métrologie, vérification des calibres, des jauges, contrôle des surfaces, etc. Les interféromètres ont leur place dans un grand nombre de laboratoires d’usines. Ils sont devenus indispensables en optique de précision ; en astrophysique pour les mesures d’étoiles doubles, de l’effet Doppler-Fizeau ; en physique nucléaire pour la résolution des structures hyperfines ; dans les laboratoires de chimie, de biologie pour l’étude des variations d’indice de réfraction, etc. Voici une excellente mise au point, dont chaque chapitre est accompagné de références bibliographiques.
- Les hyperfréquences, par J. Y'oge. 1 vol. in-8°, 317 p., 215 fig. Eyrolles, Paris, 1951. Prix : 1 980 francs.
- Dans cet ouvrage de la collection technique du Centre ’ national d’études des télécommunications, l'auteur rappelle les équations fondamentales d'électro-magnétisme et d’électronique, puis décrit les tubes utilisés aux hyperfréquences, les mesures indispensables dans l’émission et les applications des ondes déci-métriques et centimétriques qui ont pris une importance considérable et dont les applications se multiplient. Parmi celles-ci, l’auteur traite en particulier du radar qui, en dehors de ses succès d’ordre militaire, apporte maintenant une sécurité exceptionnelle aux navigations maritime et aérienne, et des câbles hertziens qui permettent la transmission simultanée de centaines de communications téléphoniques et de plusieurs émissions de télévision.
- Éléments de physique moderne théorique,
- par G. Gcinier. 1 vol. in-8°, 174 p., 47 fig. Bordas, Paris, 1951.
- Ce troisième volume est consacré aux statistiques quantiques, traite des mécanismes statistiques, de la théorie cinétique des gaz, de la chaleur spécifique des solides et des gaz, du rayonnement du corps noir et de la- théo-lie électronique des métaux ; il complète et termine le traité de physique quantique, rédigé avec beaucoup de clarté, sans appel à des développements mathématiques excessifs, pour permettre sans trop d’efforts l’initiation aux théories physiques modernes.
- Les prix de l’électricité, par P. Devantery. 1 vol. in-8°, 160 p., 53 fig. Dunod, Paris, 1950. Prix : 970 francs.
- Depuis les débuts des utilisations industrielles de l’électricité, à la fin du siècle dernier, la consommation de courant double tous les dix ans. Sa production et sa distribution mobilisent des capitaux considérables. Les tarifs de vente du kilowatt-heure varient de 1 à 20 suivant la destination. Cette étude suisse sur les coûts de production et les tarifs de vente expose le mécanisme des prix et en présente une discussion rationnelle, mettant à la portée de tous, l’aspect financier du problème. Le développement de l’électricité est un facteur déterminant de la vie économique moderne.
- L’origine des atomes, par E. Wexlek. 1 vol. in-12, 94 p., 42 fig. Comptoir national du livre, Paris, 1951. -
- L’auteur expose ,ses conceptions personnelles sur la structure de la matière et la physique en général, basées sur une hypothèse renouvelée de l’existence de l’éther.
- Principles of Chemical thermodynamics, par
- M. A. Paul. International Chemical sériés. 1 vol. in-8°, 740 p-, fig. Mac Graw-Hill, Londres, 1951.
- La chimie est revenue en ces dernières années à l’emploi de la thermodynamique pour la résolution et la prévision d'un grand nombre de ses problèmes. Cet ouvrage forme un ensemble très complet qui rendra service non seulement aux étudiants des Facultés et des grandes Ecoles mais aussi à de nombreux ingénieurs. Les principaux chapitres traitent de la température, des lois de la thermodynamique, du comportement thermodynamique des systèmes simples, des solutions et des mélanges hétérogènes, des équilibres chimiques, de la thermodynamique statistique. Chaque chapitre est suivi d’une bibliographie générale et de nombreux problèmes.
- Liquid extraction, par R. E. Treybal. 1 vol. in-8°, 422 p., 265 fig. Mc Graw-Hill, New-York et Londres, 1951. Prix : relié, 60 sh.
- Cette technique a pris un grand développement dans les industries chimiques. Elle est étudiée de manière très complète, théoriquement aussi bien que dans ses applications : physicochimie des équilibres entre liquides, thermodynamique des solutions, choix des solvants, diffusion et transferts entre phases liquides, équipement et flowsheets d’installations industrielles typiques. Des diagrammes, tables numé-
- riques et références bibliographiques s’ajoutent au texte et font de cet ouvrage un instrument de travail précieux pour tous ceux qui s’intéressent aux fabrications chimiques et pharmaceutiques.
- Chimie physique, par G. Emschwiller. 1 vol.
- in-8°, 440 p., 33 fig. Collection « Euclide ».
- Presses universitaires de France, Paris, 1951.
- Prix : 1 200 francs.
- C’est le premier tome d’un traité de chimie physique destiné à l’enseignement. Pour des raisons pédagogiques, l’auteur commence par la thermodynamique chimique ; il débute par l’étude des équilibres en phase gazeuse et l'analyse des bases théoriques de l’important problème du calcul des constantes d’équilibre. Ce cours, professé à l’École de Physique et Chimie, permettra aux chimistes, aux ingénieurs et aux physiciens de compléter leur formation dans un domaine dont l'incidence industrielle est de plus en plus marquée.
- Champignons comestibles, par le Dr Guil-
- lermo Herter. 1 vol. in-8°, 203 p., 101 pl.
- Lechevalier, Paris, 1951. Prix : 1 800 francs.
- Présentation de 101 espèces de champignons comestibles figurés, jeunes et âgés, entiers et coupés, ainsi que leurs spores. Pour chacune, l’auteur donne les noms vulgaires, la description détaillée, l’habitat, la qualité, les dangers de confusion possibles. Écrit pendant la guerre par un mycologue uruguayen diplomate à Berne, pour aider à la cueillette des champignons mangeables, ce livre veut guider le choix d'un aliment abondant, précieux en temps de disette.
- Engrais, amendements, produits pour la
- protection des cultures, par Désiré Leroux.
- 1 vol. in-4°, 387 p., 20 fig., 42 pl. Gauthier-
- Yillars, Paris, 1951. Prix : 3 000 francs.
- L’agriculture utilise de nombreux produits chimiques : engrais minéraux, azotés, phosphatés, potassiques, organiques ; — amendements humiques et calcaires ; fongicides, insecticides, herbicides, toxiques pour animaux nuisibles. Ce livre, véritable traité, explique les effets utiles de chacun d’eux, leur origine et leur préparation, leurs modes d’emploi, les méthodes officielles, éprouvées, d’analyse et de contrôle. Basé sur l’expérience du laboratoire de chimie agricole du Conservatoire des Arts et Métiers, il comble une lacune de la littérature agronomique et fournit des renseignements précis et précieux.
- Lumière et végétation, par Jean Terrien et
- Georges Truffaut. 1 vol. in-16, 183 p.,
- 14 fig. Collection « La science vivante ».
- Presses universitaires de France, Paris, 1951.
- Prix : 360 francs.
- Après avoir rappelé la nature et la composition de la lumière, les auteurs étudient la photosynthèse et particulièrement l’assimilation chlorophyllienne, source de vie des plantes vertes par l’utilisation, de l’énergie solaire.
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- N° 3199
- Novembre 1951
- LA NATURE
- LA MANGROVE
- FORÊT MARITIME DES CÔTES TROPICALES
- Les formations boisées qu’englobe le terme de mangrove sont largement répandues sur les côtes tropicales. On les retrouve, avec une physionomie à peu près constante, en Afrique, à Madagascar, en Amérique du Sud, en Indo-Malaisie. Partout, c’est la même forêt dense, inextricable fouillis de troncs, de racines aériennes, que viennent baigner les marées. Étrange paysage amphibie où, à marée basse, crabes et autres animaux marins (dont les bizarres Périophtalmes, ou « pois-sons-pattes », qui courent, à la surface de la vase) circulent parmi les échasses des palétuviers. La mangrove est une barrière. Du large, on aperçoit sa frange d’un vert foncé longeant la côte. Sa végétation dense s’oppose au débarquement; les anciens navigateurs, devant ces côtes hostiles, devaient rechercher les estuaires et parfois les remonter pendant des kilomètres, entre des rives de vase couvertes de palétuviers, jusqu’à la terre ferme, où il était enfin possible d’accoster et d’établir des comptoirs, tels ceux des « Rivières du Sud », sur les côtes de Guinée, séparés de la mer libre par des kilomètres de mangrove.
- Il s’agit souvent d’une forêt haute, dont les cimes se balancent à vingt-cinq mètres de hauteur dans le vent du large. Ailleurs, ce sont des forêts basses, tout aussi denses. Partout, de l’Afrique à l’Indo-Malaisie, ses arbres présentent les mêmes structures, liées à cet habitat insolite, amphibie, des vases et des sables couverts par les marées. Les palétuviers ont des racines aériennes, vastes arceaux graciles qui, semblables aux arcs-boutants légers de nos nefs gothiques, assurent aux troncs la stabilité. Ou encore ce sont des pneumatophores ou racines aéri-fères, qui sortent du sol verticalement, comme d’innombrables tiges, pour trouver l’oxygène absent dans la vase. Ces « adap-
- Fig. 1. — Mangrove haute à Rhizophora racemosa sur vase fine, en bordure d’un estuaire, sur la côte de Guinée française.
- (Cliché Schnell).
- talions » -— pour employer un terme auquel on a fait dire beaucoup, et qui ne saurait être plus que la constatation d’une structure en harmonie avec le milieu — se retrouvent identiques chez des espèces variées, parfois très éloignées les unes des autres dans la classification naturelle. Les palétuviers les plus remarquables, en même temps que les plus répandus (et les plus connus), sont les Rhizophora. Ces arbres reposent, comme d’énormes araignées, sur d’innombrables échasses, jaillissant en arcs grêles à plusieurs mètres du tronc. Lorsque ces
- Fig. 2. — Mangrove basse, sur un estuaire, en basse Guinée française.
- (Cliché Schnell).
- arbres sont plus grands, des racines descendent, comme des cordages, de leur cime, pour s’ancrer dans la vase, dix ou quinze mètres plus bas. Chez les Avicennia, de la famille des Verbénacées, le sol, autour du tronc, est hérissé d’innombrables petites racines verticales, venues respirer à l’air libre. Des pneumatophores identiques existent chez les Sonneratia (Lythra-cées). Chez les Bruguiera (Rhizophoracées), les racines aérifères sont genouillées; à peine sorties du sol, elles se courbent et s’y enfoncent à nouveau, semblables à celles des Miiragyna (Rubiacées), qui vivent dans les bas-fonds marécageux continentaux.
- D’autres particularités biologiques caractérisent les arbres de la mangrove. Chez les Rhizophora, les graines germent sur l’arbre, donnant de longues plantules d’une vingtaine de centimètres qui pendent des branches, pour finalement tomber dans la vase et parfois être emportées au loin par les courants marins. Le même phénomène se rencontre chez les Bruguiera. Une viviparité comparable existe chez les Avicennia et chez Ægiceras corniculatum (Myrsinacées). D’autres espèces de la mangrove (Acanthus, Laguncularia), sans être vivipares, pos-
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- sèdent un embryon nettement plus développé que chez les plantes continentales.
- Les arbres de la mangrove' possèdent des feuilles épaisses, assez coriaces. En contact avec l’eau salée, leurs tissus ont une pression osmotique élevée. Par contre leur transpiration atteint des valeurs du même ordre que chez les espèces tropicales de terre ferme, et leurs feuilles n’ont pas une structure nettement xéromorphe. La comparaison, faite par certains auteurs, de ces arbres à des végétaux de lieux arides n’est donc que partiellement valable. Plusieurs plantes herbacées de la zone intercotidale possèdent, comme celles des lieux très secs, soit des feuilles étroites et dures (c’est le cas du Sporobolus virgi-nicus, Graminée répandue sur les côtes tropicales), soit une structure charnue (Sesuvium, Philoxerus).
- Sur les côtes de l’Afrique occidentale, la mangrove ne possède que peu d’espèces : Rhizophora racemosa G. F. W. Meyer (= R. mangle Oliv.), Laguncularia racemosa, Avicennia nitida en sont les seuls arbres en général. Toutefois, au contact de la terre ferme, peuvent s’y rencontrer quelques autres espèces, moins caractéristiques, telles que Drepanocarpus lunatus, Papi-lionacée au tronc épineux et aux fruits en forme de croissants, Banisteria leona (Maipighiacée), Macaranga Heudelotii (Euphor-biacée). Dans certaines mangroves, près de la terre ferme, vit une belle fougère, Acrostichum aureum. Enfin, sur la périphérie, au contact du continent, diverses Cypéracées peuvent se mêler aux palétuviers : Cyperus articulatus, Fimbristylis ferru-ginea, et quelques autres.
- Sur les côtes atlantiques de l’Amérique tropicale vit une mangrove très semblable, où croissent les mêmes espèces ou des espèces voisines : Laguncularia racemosa, Avicennia nitida, A. tomentosa, Rhizophora mangle, Acrostichum aureum.
- Sur le littoral d’Afrique orientale, la mangrove, bien qu’identique d’aspect, comporte d’autres espèces : Rhizophora mucro-nata, R. conjugaia, Bruguiera gvmnorhiza, B. eriopetala, Ceriops Candolleana (Rhizophoracée), C. Roxburghiana, Sonneratia acida (Lythracée), Xylocarpus (Carapa) moluccensis (Méliacée), X. gra-natujn} Avicennia offïcînalis, Acanthus ilicifolius....
- La mangrove malgache s’apparente étroitement à celle-ci, avec Rhizophora mucronala, Bruguiera gymnorhiza, B. eriopetala, Ceriops Candolleana, Sonneratia alba, Avicennia officinalis.
- La même flore se retrouve sur les côtes de l’Australie et de l’Indo-Malaisie et remonte, en s’appauvrissant en espèces, jusqu’au Sud du Japon, à Formose et à la Chine.
- Ces affinités entre les diverses mangroves suggèrent d’intéressantes conclusions. Si, dans l’ensemble, les mêmes genres sont représentés dans les mangroves du monde entier — fait qui témoigne d’une probable communauté d’origine — on peut parmi elles distinguer deux grandes entités, la mangrove occidentale (Afrique de l’Ouest et côtes atlantiques de l’Amérique) et la mangrove orientale (Afrique orientale, Madagascar, Asie méridionale et îles indo-malaises). Ces deux mangroves se distinguent par l’existence d’espèces distinctes (et même dé genres distincts) ; leurs genres communs y sont représentés par des espèces vicariantes. Si les océans constituent un lien, grâce auquel les mangroves qui les bordent ont une composition très voisine, les masses continentales sont des barrières, empêchant les échanges floristiques. On notera de plus la pauvreté botanique de la mangrove occidentale par rapport aux mangroves orientales — pauvreté peut-être due à une moins grande ancienneté. L’existence de plusieurs espèces de Rhizophora dans la mangrove orientale suggère l’hypothèse que peut-être celle-ci est le centre de dispersion de ces arbres. C’est en effet un phénomène général que l’abondance des espèces affines dans la région qui fut le berceau d’un genre.
- Sur une même côte, la mangrove n’est pas uniforme; sa composition varie avec la nature du substratum, avec le niveau et la durée des submersions; elle est également influencée par l’action de l’homme, qui abat souvent les palétuviers, détruisant l’équilibre naturel de cette végétation. Tous les auteurs
- ont signalé, dans les diverses mangroves, une zonation comparable des groupements et des espèces, les Rhizophora s’étendant vers le large, les Avicennia et les Laguncularia étant plus proches de la côte. En Afrique occidentale, la mangrove atteint son maximum de développement sur les plaines de vase fine qui prolongent vers le large le socle continental ou encore sur certains fonds de sable plus ou moins vaseux. C’est le domaine des Rhizophora qui s’y étendent parfois sur des kilomètres de largeur, souvent en peuplements plus ou moins purs. Vers la côte, cette formation passe à des peuplements d’Avicennia, auxquels se mêlent diverses plantes herbacées. Sur les sables, la mangrove est souvent représentée par des peuplements d’Avicennia. Sur les cailloutis, on rencontre Avicennia et Laguncularia, le Rhizophora n’apparaissant que lorsqu’une couche appréciable de vase vient recouvrir la roche. Enfin, sur les soubassements rocheux, plus ou moins anfractueux, on ne trouve qu’une mangrove rabougrie et claire, aux arbres souvent espacés, où ne vivent guère qu' Avicennia nitida et Laguncularia racemosa, avec souvent des intercalations de plantes herbacées (Sesuvium, Sporobolus).
- Sur les vastes étendues de vase fine, en bordure de la plaine de basse Guinée s’étend une mangrove dense constituée par un peuplement mixte de Rhizophora et d'Avicennia, avec quelques Laguncularia. Les arbres mesurent de trois à huit mètres de hauteur. Souvent des souches émergeant de la vase témoignent d’abatages d’arbres plus ou moins anciens. Plus loin de la côte, on trouve, dans cette mangrove, des massifs d’arbres plus hauts, atteignant une vingtaine de mètres. Ces bosquets, qui dominent la mangrove voisine, sont essentiellement constitués par des Rhizophora; ils se différencient ainsi de la mangrove plus basse qui les entoure; pourtant les deux types de végétation occupent un substrat identique, au même niveau au-dessus de l’eau. Ces mangroves hautes sont particulièrement développées vers le large, dans les régions les plus inaccessibles, où les coupeurs de bois ne viennent pratiquer aucun abatage. Elles y constituent parfois des peuplements de plusieurs kilomètres. Il s’agit manifestement de vestiges de la mangrove primitive, alors que la mangrove basse, à Rhizophora, Avicennia et Laguncularia, est une mangrove secondaire,'développée sur l’emplacement des anciennes coupes. Cette interprétation trouve une confirmation dans les premiers stades de la reforestation après une coupe à blanc : lorsque les palétuviers ont été abattus, on constate un très abondant développement des jeunes Avicennia, alors que les semis de Rhizophora sont moins nombreux et de moindre vitalité; ainsi se constitue une mangrove secondaire basse à Avicennia. Peu à peu apparaissent dans celle-ci les Rhizophora, aboutissant à la constitution de la mangrove mixte qui représente le type floristique le plus répandu sur les côtes vaseuses de la Guinée. Il est vraisemblable que, si la végétation pouvait poursuivre librement son évolution naturelle, la mangrove haute à Rhizophora en peuplements purs se reconstituerait finalement. La mangrove présente donc des faits analogues à ceux que l’on observe (bien plus complexes évidemment, en raison de la richesse floristique beaucoup plus grande) dans les forêts tropicales de terre ferme; la mangrove primitive, une fois détruite par l’homme, est remplacée par une forêt secondaire de composition différente, à laquelle prennent part des espèces (Avicennia, Laguncularia) normalement localisées sur sa lisière interne, au contact de la terre ferme, et dans ses formes les plus xérophiles, vivant sur les substrats caillouteux où rocheux.
- La mangrove joue un rôle géographique important. Grâce à elle — grâce surtout aux Rhizophora, qui s’avancent le plus vers le large — se trouvent fixés les dépôts côtiers de vase fine issus de l’apport des fleuves. Les plaines alluviales basses gagnent ainsi peu à peu sur la mer. La vitesse de cette progression paraît considérable, au moins par endroits, sans qu’il soit possible, bien souvent, d’en évaluer l’ampleur. Du côté de la terre ferme, à l’abri des palétuviers, la mangrove est défrichée; les cultivateurs indigènes y élèvent de petites digues; le sol,
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- protégé des marées, se dessèche et se dessale; des cultures de riz y sont établies; la terre ferme gagne peu à peu sur la mer. Par ailleurs, l’exploitation du bois de palétuvier constitue un appoint considérable à l’économie du pays; le bois abattu, transporté par pirogues aux centres de chargement, est utilisé comme combustible dans les localités de la côte, avantage particulièrement appréciable dans des régions, comme la basse Guinée, où les boisements primitifs ont disparu totalement aux abords des centres habités; la mangrove, sur les vastes plaines de vase, constitue une énorme réserve de bois de chauffage, aisément ti'ansportable par bateau et dont la régénération s’exerce de façon naturelle au fur et à mesure des coupes, sans qu’il soit nécessaire de faire appel aux techniques de la sylviculture.
- L’exploitation des bois de palétuvier est d’ailleurs réglementée par les Eaux-et-Forêts de la même façon que celle des forêts de terre ferme. Enfin-, mentionnons que l’écorce de palétuvier (.Rhizophora) est couramment utilisée par les indigènes d’Afrique pour le tannage des cuirs. Elle renferme 20 à 4o pour 100 de tannin. Celle de R. racemosa d’Afrique occidentale est plus pauvre que celle de R. mucronata d’Afrique orientale, qui en contient 4o pour 100. Ce procédé de tannage, qui a pour inconvénient de teinter les peaux, peut être utilisé pour les cuirs de chaussures.
- R. Schnell, Docteur ès sciences.
- UN CAS D'HIBERNATION CHEZ LES OISEAUX
- Le phénomène de l’hibernation, s’il n’est pas encore complètement expliqué, est du moins connu depuis fort longtemps chez les mammifères. Malgré certaines observations anciennes sur lesquelles on reviendra plus loin, il n’était pas connu chez les oiseaux dont les exceptionnelles facilités de déplacement leur permettent d’échapper à des conditions locales défavorables et d’éviter ainsi la rigueur des hivers. Or, récemment, un cas authentique d’hibernation a pu être constaté et, chose curieuse, chez une espèce qui fait partie d’un groupe de bons voiliers dont la plupart des représentants, au moins ceux des régions tempérées, exécutent de longues migrations.
- Il s’agit d’un petit Engoulevent, Phalænoptilus Nuttallii (Audubon), très répandu dans l’ouest de l’Amérique du Nord, du Canada méridional au centre du Mexique. Le cri qu’il répète en volant lui a fait donner par onomatopée dans les pays de langue anglaise le nom vernaculaire de «. Poor-will ». Si ses mœurs estivales sont bien connues, on n’avait que peu de données sur les régions qu’il fréquente en hiver.
- Fin décembre iq46, un naturaliste californien, E. C. Jaeger, découvrait dans les Monts Chuckawala (désert du Colorado) un individu de cette espèce blotti dans une fente verticale d'un rocher de granit, tout juste assez grande pour le recevoir. L’oiseau, sorti de sa niche, avait les yeux fermés, les pattes et les paupières froides. Il resta immobile dans la main de l’observateur, sauf pour entr’ouvrir un œil au moment où il fut remis en place. Observé à nouveau au même endroit dix jours plus tard il se montra plus actif, poussa quelques cris et finit même par s’envoler.
- L’oiseau n’avait pas été bagué, mais il paraît certain que celui que E. C. Jaeger retrouva dans la même fente au mois de novembre de l’année suivante était bien le même individu. Il fut bagué et visité régulièrement. En 1948, bien identifié cette fois par sa bague, il fut retrouvé au même endroit pour la troisième année consécutive le 24 novembre; malheureusement il disparut, probablement pour des raisons accidentelles, au début de décembre.
- En 1947, la durée observée de l’hibernation fut de 85 jours, du 26 novembre au 22 février. L’animal présenta pendant tout ce temps un métabolisme extrêmement bas; on ne put déceler ni mouvements respiratoires, ni même de battéments du cœur qui fut .écouté pourtant à l’aide d’un stéthoscope. La température interne, d’une vingtaine de degrés inférieure à la normale, a varié de i8°o à i9°8 C. pour une température ambiante
- de i7°5 à 24°i au moment des mesures. Il n’y avait d’ailleurs aucune corrélation entre les variations des deux températures. Le poids semble avoir diminué régulièrement; les seuls mouvements décelés ont été de légers changements de position de la tête et de temps à autre l’ouverture des paupières. L’oiseau se trouvait dans un tel état de torpeur qu’une lampe électrique de poche maintenue pendant une minute à 2 centimètres d’un œil ouvert ne produisait aucune réaction.
- La publication des faits ci-dessus a attiré l’attention sur d’autres observations dont l’importance avait échappé et qui peuvent laisser croire que l’hibernation est régulière chez cet oiseau. L’homochromie de son plumage avec les rochers où il s’abrite dans des régions peu fréquentées l’avait fait passer inaperçu jusque-là.
- Remarquons que, contrairement à ce qui se passe chez les mammifères qui hivernent dans des loges bien calorifugées (Loirs, Marmottes) ou tout au moins dans des grottes à température à peu près constante (Chauves-souris), 1’E.ngoulevent reste en plein air sous un abri précaire qui le protège mal des intempéries; en décembre 1947,. l’oiseau étudié eut l’extrémité de la queue mise à mal par une violente tempête de grêle.
- La période de torpeur correspond à une absence complète des insectes dont il se nourrit et il est probable que la diminution de nourriture constitue le facteur qui déclenche l’hibernation. Le môme phénomène a été constaté expérimentalement chez des mammifères (Loirs, Chauves-souris). D’autre part chez certains oiseaux un arrêt accidentel de l’alimentation met l’animal dans un état de torpeur accompagné d’un abaissement de température qui a pu être considéré comme une forme élémentaire de l’hibernation. Le fait a été constaté en particulier chez des Hirondelles et il y a tout lieu de croire que c’est à ce phénomène qu’il faut rapporter les observations anciennes d’Hiron-delles trouvées endormies. Au début du siècle dernier ces observations, d’ailleurs peu précises, avaient provoqué d’ardentes polémiques entre naturalistes; certains, reprenant les idées des auteurs anciens, d’Aristote à Linné, voulaient y trouver la preuve que des oiseaux qui disparaissent l’hiver de nos régions n’émigrent pas mais passent la mauvaise saison endormis dans des cachettes. La question est tranchée depuis longtemps et le cas du Poor-Avill est le seul exemple connu jusqu’ici d’un véritable sommeil hivernal chez les oiseaux.
- P. Barbtjel.
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- 324 LES PIÈCES DE FORGE GÉANTES
- DANS LA MARINE
- La presse vient de publier une photographie cruelle pour tous les Français qui aiment la Marine, pour quiconque ressent quelque fierté nationale : celle d’un énorme camion qui apporte, en vrac, les hélices de notre malheureux Normandie, envoyées à la fonte.
- Normandie! Le deuil est toujours aussi vif; le coup paraît toujours aussi immérité. La France avait perdu VAtlantique, le Georges Philippar, bien d’-autres encore, mais elle avait créé
- Normandie, chef-d’œuvre presque disproportionné à nos moyens, même en époque prospère : 57 000 t, 3oo m ' de long, un luxe grandiose, 160 000 ch sous 5 000 Y triphasés, 4 moteurs synchrones de 4o 000 ch, avec leurs quatre arbres de couche en éventail dans une salle grande comme une cathédrale. Un jour, Normandie arracha le ruban bleu à Queen Mary, malgré ses 200 000 ch à engrenages.... Hélas ! tout cela a brûlé au port, inondé, culbuté, dépecé à la ferraille ! La France refera-t-elle un Normandie? E,t l’époque n’est-elle pas passée de ces immenses chefs-d’œuvre ? Un glas sans appel sonne dans ces paies de bronze; il faut nous tourner vers d’autres avenirs.
- Des pièces gigantesques.
- La marine est le domaine, — presque unique — de la mécanique colossale. Par là, par cette énormité spectaculaire, elle occupe une place à part (1).
- Dans notre civilisation actuelle, au point médian d’un siècle en évolution rapide, on peut dire que nos machines font de moins en moins étalage de leur puissance. La force est cachée. Dans les usines, la machine alternative, la courroie, la bielle disparaissent; le moteur électrique, la commande individuelle, ne laissent subsister aucun mouvement visible. Sous la nef des centrales, rien ne bouge, c’est un tonnerre immobile : groupes ramassés, arbres gros et courts, comme si les ingénieurs avaient
- 1. Voir notamment Bulletin technique « Veritas », 32° année, n° 12, à qui nous devons également les illustrations du présent article.
- honte de l’intermédiaire mécanique et voulaient nous faire croire à la transformation directe des calories en kilowatts !
- Tout diffère à bord des navires de mer. La machine alternative subsiste à bord d’innombrables cargos, avec son énorme « arbre-manivelles », ses têtes de bielles plus larges que le corps d’un homme, le sifflement gras de ses glissières. Sur tous les bateaux, qu’ils soient à vapeur, à turbines ou à moteurs Diesel, subsiste cet organe spécifique, inconnu aux installations terres^ très : l’arbre de couche, véritable monument rotatoire, qui transmet parfois 5o 000 ch jusqu’à l’hélice, à une distance de 100 mètres.
- Un arbre plein, en acier, de 80 cm de diamètre sur 100 m de long, pèse 4oo t; bien entendu, il est fait en plusieurs tronçons, assemblés par des « tourteaux ». A un tour par seconde, chiffre approximatif, il a une vitesse circonférentielle de 2,5o m par seconde. Si on y enroulait une chaîne fictive, cette chaîne soulèverait treize locomotives Pacific, pesant un total de 1 5oo t. Si l’on fixait au bout de cet arbre une poulie de 10,4o m de diamètre, 011 pourrait soulever une Pacific, en 3 s, à 100 m de hauteur!
- Ce sont là de gros nombres, ceux des géants de l’océan. Mais le moindre cargo, les pétroliers, possèdent aussi des organes énormes, des arbres de couche et d’hélices de 60 cm, des hélices de 4 m, des arbres-manivelles, des tubes d’étambots pesant le poids d’un wagon de chemin de fer. Toutes ces pièces — à peu près sans exception — sont « venues de forge », suivant des normes strictement déterminées par les règlements constructifs; en sorte que toute la construction maritime est affaire de grosse forge.
- Fig. 2. — Découpage de la plaque par oxy-coupage.
- Fig. 1. — Plaque plate, ou « brame », destinée à la confection d’un gouvernail d’une seule pièce.
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- Mieux que le laminoir.
- Il est universellement admis qu’une pièce forgée présente une meilleure résistance aux efforts, aux chocs et à la « fatigue » — alternative ou continue — qu’une pièce produite par tout autre procédé. En voici brièvement les raisons.
- Tout d’abord la pièce forgée ne comporte aucun joint. Des pièces telles que les cadres d’étambot, qui entourent le gouvernail, sont, maintenant encore, des pièces relativement simples, réunies les unes aux - autres par des soudures. Celles-ci peuvent être effectuées par forgcage pour les pièces de faible dimensions et au chalumeau en ce qui concerne les pièces plus grandes. Il faut une grande habileté pour effectuer ce genre de travail et, toutes choses égales d’ailleurs, même si l’examen radiographique est optimiste, la solidité des assemblages ainsi obtenus ne peut se comparer à celle des pièces forgées d’un seul tenant.
- A l’inverse d’une pièce moulée, le lingot d’acier, utilisé pour la forge, est une masse saine et homogène. L’aciérie choisit la forme qui convient et laisse au maître de forge le soin de réaliser la foime finale.
- • Il n’y a nul besoin de souligner que la forge améliore la structure de l’acier en augmentant la cohésion des fibres et en étirant celles-ci dans le sens le plus favorable. Ces problèmes ont été parfaitement éclaircis en pratiquant, dans les pièces forgées, des coupes' qui sont ensuite « rongées » par un acide faible tel que l'acide picrique ; on voit alors distinctement apparaître, sous un faible grossissement, le tracé « nerveux » des libres qui s’épanouit ou se contracte en matérialisant les « lignes de résistance » de la pièce.
- Le travail de forge permet de s’assurer de l’état sain et de la qualité du métal. S’il existe des défauts juste au-dessous de la surface, ils se trouvent mis à nu par le calaminage qui se produit pendant le chauffage et qui disparaît au cours de l’opéra-
- Fig. 3. — Les bras de l’armature de gouvernail sont tirés à chaud au moyen du treuil du pont roulant et écartés en forme de pieuvre.
- Fig 4. La « pieuvre » d’acier est usinée à froid et constitue l’armature définitive, prête à porter les tôles du gouvernail.
- tion de forge. Les cavités relativement profondes, loin de se « camoufler », tendent à s’élargir et à apparaître à la surface sous forme de gerçures et de plissures. Le forgeron, en général, les aperçoit et laisse du métal en supplément pour qu’on puisse les faire disparaître par usinage.
- Comparée au laminage, la forge travaille beaucoup plus le métal et le travaille dans tous les sens. Un rail peut sortir des laminoirs « craqué » dans sa longueur; ceci est impossible dans une pièce de forge bien faite.
- En revanche, les pièces forgées doivent être de forme relativement simple et on ne peut les réaliser aisément avec des coudes ou des angles aigus; ceci risquerait, du reste, de se traduire par des amorces de fractures.
- Emploi des presses hydrauliques.
- Pour les très grandes pièces de marine, la principale difficulté provient de la longueur de la pièce forgée, un arbre de couche par exemple; mais il n’est pas nécessaire, comme dans le cas du laminage, que la pièce tout, entière soit terminée en même temps.
- Par exemple, on peut réduire à sa dimension finale la partie milieu d’un arbre long, tandis que le reste du lingot demeure massif sur une faible longueur, c’est-à=dire qu’on réalise d’abord la pièce forgée sous la forme d’une énorme haltère, le tambbell. On chauffe ensuite une extrémité, pour la forger, tandis que la partie milieu, qui a été achevée, et le métal de l’autre extrémité, débordent du four.
- Le travail de forge s’effectue, soit au marteau-pilon, soit —• le plus souvent aujourd’hui — à l’aide de presses hydrauliques. Dans les deux cas, ii existe nécessairement une « cage », formée par les piliers du marteau-pilon ou de la presse, et qui limite le passage de la pièce.
- On installe habituellement les presses de telle façon que les
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- presse. De plus, toute pièce forgée très large doit être exécutée obligatoirement par élargissement, parce que la dimension du lingot initial est forcément limitée. Les forgerons et leurs aides ont acquis, en ce domaine, une virtuosité étonnante; ils arrivent notamment à forger sur une partie seulement de la pièce, le métal de la « brame. » (ou lingot déjà partiellement aplati) s’écoulant latéralement, en sorte que la pièce devient plus large au lieu de devenir plus longue.
- Les outils de forge.
- E,n grosse forge, la forme des outils employés ne peut que faiblement concourir à la réalisation de la forme réelle de la pièce. Si perfectionnées que soient les presses, le travail rappelle toujours celui du forgeron de village qui façonne adroitement des pièces compliquées à l’aide d’un marteau grossièrement plan.
- Fig'. 5. — Différentes silhouettes d’outils de forge, montés sur presse hydraulique : outil plat, étampe, étampes en V.
- pièces se présentent dans le sens de la longueur de l’atelier; dans les ateliers étroits, les fours destinés à chauffer seulement l’extrémité des pièces longues font un certain angle avec l’axe longitudinal de l’atélier, suivant un principe classique employé pour les parkings d’autos « en biais ».
- On arrive à forger des arbres d’une longueur considérable, 25 m par exemple, dans des ateliers où la largeur des chemins de roulement de la grue, ou du pont roulant, est inférieure à i5 m. La partie la plus difficile de l’opération est souvent de faire sortir la pièce terminée de l’atelier, en suivant la courbe des rails. M. C. R. Bergson, auteur de l’élude indiquée ci-dessus, cite un atelier qui possédait une voie ferrée triangulaire où l’on faisait tourner les arbi'es au moyen d’un aiguillage !
- Au contraire, la largeur d’une pièce forgée est rigoureusement limitée par l’écartement des colonnes de la
- Fig. 7. — Opération de « maillage », ou torsion,
- sur une grosse pièce, au moyen du pont roulant
- (pour le détail géométrique des torsions, voir flg. 10).
- Si l’on emploie dans la presse des outils plats, simples, on ne peut réaliser que des sections carrées ou rectangulaires, en refoulant successivement dans les deux sens, jusqu’aux dimensions appropriées. Pour réaliser des pièces cylindriques, on commence par exécuter une pièce de section carrée, puis on refoule les angles pour avoir une section octogonale et, finalement, on refoule légèrement tous les angles à tour de rôle. La pièce obtenue est approximativement ronde, avec un grand nombre de facettes planes.
- Des « étampes » incurvées peuvent être utilisées pour des pièces de dimension limitée, approximativement d’un diamètre égal au double du diamètre des étampes. Ainsi, une paire d’outils d’étampage qui produiront un arbre de 4o cm de diamètre, ne peuvent agir sur un lingot d’un diamètre notablement supérieur à 75 cm.
- Fig. 6. — Manipulation mécanique d’une grosse pièce au moyen d’un « vireur ».
- La pièce, incandescente, est engagée sous la presse et équilibrée par un contre-poids visible devant les deux hommes ; la chaîne qui la supporte passe sur la poulie d’un vireur d’une quarantaine de ch, suspendu au pont roulant et qui permet de la faire pivoter ; ce mouvement remplace celui de la main gauche du forgeron dans les petites opérations de forge.
- Une catégorie importante d’outils de forge à la presse est celle des « outils en V ». L’outil supérieur qui se déplace avec le piston de la presse, est plat, tandis que l’outil inférieur, fixe, est en forme de V. La pièce à forger se trouve ainsi pressée en trois points à chaque course de la presse; on la fait tourner entre deux cour-
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- ses successives et l’on peut, ainsi, confectionner, dans de bonnes conditions, des pièces cylindriques.
- On ne peut forger facilement et économiquement que fort peu de pièces présentant d’autres profils. Il n’est pas aussi facile de forger une barre de section hexagonale qu’une barre de section octogonale, et la production de toute pièce à profil plus compliqué devient pratiquement prohibitive.
- Quand on ébauche le lingot, il est nécessaire de lui laisser des dimensions un peu plus grandes que la plus grande section transversale que devra avoir la pièce finie; ceci à cause d’un phénomène assez curieux qui fait que les parties larges se trouveront « entraînées » (pulling clown) quand on écrasera la partie étroite. On réduit celte tendance, sans toutefois la supprimer, en enfonçant des coins en Y, à angle très aigu, dans la pièce à forger, au point précis du changement de profil. Faute de celle précaution, on risquerait d’avoir des amorces de déchirures et, finalement, des ruptures de la pièce terminée.
- Fig. 9. — Manipulation avec contrepoids latéral.
- Fig. 8. — Opération de forge d’une grosse bielle.
- La pièce est tenue par un « manipulateur » mécanique, permettant de la déplacer et de l’orienter.
- pilon, avec une pièce de petites dimensions, la main qui tient celte pièce se déplace continuellement, va et vient, de façon à couvrir toute la longueur par coups successifs ; un mouvement de rotation du poignet permet de passer aux différents côtés de la barre. Les mouvements correspondants, dans le cas de pièces lourdes, sont exécutés au moyen d’appareils robustes, appelés vireurs.
- Ces vireurs sont réalisés sous forme de grands caissons suspendus au pont de forgeage, contenant un tambour, sur lequel passe la chaîne de charge. Un moteur électrique fait tourner le tambour par l’intermédiaire d’un engrenage réducteur, ce qui a pour effet de faire pivoter la pièce à forger. Les vireurs doivent être à la fois très robustes et très précis, tant pour le moteur que pour le frein, celui-ci devant intervenir instantanément quand la pièce, généralement excentrée, a tendance à basculer sur le côté. On considère actuellement comme normal d’utiliser un vireur avec moteur de 45 ch pour des pièces de 8o t.
- Manipulation des pièces.
- Durant l’opération de forge, il faut présenter le lingot sous la presse, dans tous les sens, tandis qu’il est suspendu au « pont de forgeage a.
- On le suspend habituellement au moyen d’une lourde chaîne, constituée par des maillons plats, la « chaîne de charge ». Il est bon que la totalité du corps du lingot dépasse d’un même côté de cette chaîne, de telle façon qu’on puisse forger le lingot dans son entier sans avoir à modifier la position de la chaîne. Ceci, bien entendu, suppose un contrepoids équilibrant le poids du lingot; tel est le rôle de la « barre contrepoids », dont une extrémité est tubulaire pour s’ajuster à la masselotte (ou extrémité brute) du lingot, tandis que l’autre extrémité porte des contrepoids mobiles. Pratiquement, il faut disposer d’un pont d’une puissance de levage de 200 t si l’on veut forger un lingot de 100 t.
- Quand un forgeron travaille à la main ou sous un mar’teau-
- 2. Plaque entaillée
- 3. Pièce tordue à la presse
- Fig. 10. — Principe du « maillage » d’un arbre de moteur avec manivelles à 120°.
- L’arbre-manivelles n’est pas forgé directement suivant sa forme spatiale, mais à plat, puis « tordu ». On forge d’abord une plaque épaisse 1, avec deux tourillons d’extrémités ; celle-ci, après refroidissement, est entaillée sur machines-outils (n° 2). On tord ensuite ces différentes parties, de façon à leur donner les orientations angulaires à 120°, sans détruire la rectilinéarité de l’ensemble (n° 3). Les manivelles et leurs tourillons sont ensuite achevés à froid sur machines.
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- Fig. 11. — Cette énorme croix en acier deviendra un support d’arbre d’hélice,
- Torsion des arbres-manivelles.
- coniques ou de section variable, comme c’est le cas pour les mèches de gouvernail ; avec un chauffage uniforme et un effort de cintrage également uniforme, la partie mince se courbe, mais non la partie épaisse. L’emploi de matrices de profils de cintrages incurvées résoudrait le problème, mais ceci n’est applicable que pour des fabrications « en série », ce qui est relativement rare dans la Marine, où le caractère quasi artisanal des opérations est de règle. Le « maillage », dont nous venons de voir une application aux arbres-manivelles, s’applique à un grand nombre de pièces. L’essentiel est de-tordre la pièce à la pleine tempé-ralure de forge. On arrive à réaliser cette opération pendant que la pièce se trouve effectivement dans le four; un côté du four est fermé par une porte circulaire, qui pivote avec la pièce. S’il ne se produit pas de retard inattendu et si la température ne baisse pas, la torsion peut être effectuée avec précision et, pour ainsi dire, à loisir.
- Des fours mobiles, alimentés au gaz et munis de couvercles amovibles, sont commodes pour réaliser des « chaudes » locales ; les côtés de la chambre de combustion sont formés de briques détachables. Il est beaucoup plus facile de procéder à des mesures pendant le chauffage si une partie seulement de la pièce est chauffée; on utilise des gabarits découpés dans de la tôle de 6 mm.
- La presse n’est pas le seul organe mécanique habilité à exer- Les gouvernails comportent, à l’extrémité de la mèche, un cer des efforts de déformation sur la pièce incandescente. Il ensemble de bras en acier, épanouis comme les doigts d’une
- n’est pas interdit d’agir au moyen de leviers, de chaînes de main ouverte; sur cette armature en étoile, viennent se fixer
- torsion, qui, bien entendu, ne seront pas entraînées à bras les tôles formant la surface du gouvernail. Le procédé par « trac-
- d’homme, mais au moyen d’une grue ou du crochet de pont tion au pont » trouve ici une application tout indiquée. On
- roulant. ' commence par forger une énorme brame plate, de 4 m sur
- Voici un curieux exemple de cette technique. Pour fabriquer 2,5o m par exemple, qu’on laisse refroidir et dans laquelle on
- un arbre-manivelles avec coudes à i2o°, l’idée la plus simple découpe les bras — juxtaposés — par oxycoupage. L’ensemble
- consiste à forger un énorme bloc cylindrique, d’où l’on déga- est ensuite remis au four et les bras sont écartés, par traction,
- géra la pièce par usinage à froid. La quantité de métal à enlever au moyen de la chaîne de pont. La force du treuil de pont peut
- peut être réduite en donnant au lingot une section en triangle être multipliée en employant des poulies couplées en palan, et au
- ou en trèfle. besoin, un ancrage pour transmettre la force de traction du pont
- On peut faire mieux. Le procédé par « maillage », c’est-à-dire roulant dans un plan horizontal. Aucune matrice n’est utilisée
- par torsion, permet de partir d’une pièce entièrement plane, et le réglage angulaire du coude s’effectue uniquement grâce
- à condition de la forger en deux fois. A cet effet, on forge une à l’adresse du forgeron,
- grosse plaque qu’on laisse refroidir, puis dans laquelle on découpe — soit au moyen de machines, soit par oxycoupage — les trois manivelles requises, celles-ci se trouvant, par conséquent, dans un même plan. La pièce ainsi ébauchée est remise au four, puis solidement fixée sur des supports convenables, par deux des manivelles, tandis que la troisième est saisie entre les mâchoires d’un énorme levier. On fixe le crochet de pont roulant à l’extrémité de ce levier et l’on tire jusqu’à ce que la manivelle en question vienne à l’angle voulu. La même opération ayant été effectuée pour une autre des trois manivelles, celle-ci se trouve exactement à l’angle désiré... si, toutefois, le forgeron a eu le coup d’œil nécessaire !
- Cintrage par traction « au pont ».
- De nombreuses pièces forgées, destinées à la Marine, comportent de larges parties incurvées; tel est, notamment, le cas de nombreuses « mèches » de gouvernails.
- On peut réaliser ces pièces incurvées en cintrant à la forme convenable une pièce, encore chaude, que l’on a forgée droite. L’opération est cependant très difficile à exécuter de façon précise, sur les pièces
- Fig. 12. — Pliage des bras du tube porte-hélice, qui sont amenés à l’angle voulu, en forme d’ailes de mouette.
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- On forge de même les supports d’arbres porte-hélices, comportant l’énorme tube de passage de l’arbre et les deux supports, profilés hydrodynamiquement, qui le raccordent à la coque. On commence par forger une pièce en étoile, deux des bras de cette étoile étant successivement forgés pour fournir les supports; après un nouveau chauffage, le moyeu est refoulé (près-sed down) et les bras sont repliés de bas en haut sous l’angle fixé; la « finition de forge » comporte le réglage de onze angles des différentes parties de la pièce. On cite des travaux de ce genre, où la forge fut exécutée avec une telle précision qu’il
- suffit d’enlever 3 mm de métal, à l’usinage, pour que la pièce fût prête à monter sur la coque du navire !
- Trois millimètres de précision à la forge, sur une énorme pièce de forme complexe, pesant plusieurs tonnes.... Lé chiffre se passe de commentaire. Ces maîtres-forgerons de la Marine, faisant virevolter des arbres incandescents de 80 t, font penser à la trompe adroite de l’éléphant, qui culbute un tronc d’arbre et saisit un verre de cristal sans le briser.
- Pierre Devaux.
- LES APPORTS DU LABORATOIRE A LA MÉDECINE
- Il est banal de déclarer que les connaissances acquises depuis quelques dizaines d’années dans le domaine scientifique ont influencé toutes les activités humaines; il est cependant intéressant de souligner leur influence considérable sur des faits qui intéressent particulièrement les hommes : l’amélioration des moyens de lutte contre les maladies. On en trouve la mesure dans l’élévation de la longévité moyenne relevée dans les statistiques.
- Au cours des âges, la médecine est restée très longtemps stable dans sa médiocrité et on apprécie difficilement avec quelle rapidité s’est élevé l’édifice actuel de l’art médical. Il s’est construit grâce aux progrès des sciences de base : physique, chimie, biologie, physiologie, etc., toutes fondées sur l'expérimentation.
- Les techniques de laboratoire ont fait une entrée modeste dans la médecine à la fin du xvne siècle, quand Leuvenhoeck et Malpighi, grâce au microscope, découvrirent les globules du sang. Au xvine siècle, Rollo caractérise chimiquement le glucose dans l’urine des diabétiques; en 1773, Rouelle découvre l’urée dans l’urine. Un peu plus tard, Richat fonde l’histologie, mais ce n’est qu’avec l’apparition en 1820 du microscope achromatique, puis en i85o des objectifs à immersion, que l’étude des tissus et des cellules peut se développer.
- C’est à la même époque, avec l’œuvre immense de Louis Pasteur, que le laboratoire fait son entrée triomphale dans l’art médical par la microbiologie et la sérothérapie. L’art de guérir, resté longtemps empirique et sans grandes ressources, prend un essor inattendu et des méthodes variées entrent peu à peu dans la pratique pour le contrôle du diagnostic et la surveillance de l’évolution des maladies. Le laboratoire médical apparaît; son domaine s’étend rapidement; ses techniques apportent à l’art de guérir un appui remarquable en permettant, dans bien des cas, de faire acte de mesure, caractère fondamental d’une science expérimentale, puisque, selon le mot de Lord Kelvin « il n’y a de science que de ce qui est mesurable ».
- Il ne peut être question de passer ici en revue tous les apports du laboratoire à la médecine, cela se réduirait à une liste fastidieuse de réactions. Mieux vaut donner une idée générale de l’aide ainsi apportée à la clinique.
- Il y a cinquante ans, le médecin ne demandait guère plus au laboratoire d’analyse que de confirmer le diagnostic de diabète ou des maladies des reins. Cela a bien changé depuis : l’analyse chimique et l’examen cytobactériologique des urines fournissent une foule de renseignements précieux; il en est de même pour toute une série d’autres produits d’excrétions normaux et pathologiques.
- Un des domaines d’activité les plus larges des laboratoires médicaux est celui des analyses du sang et de la mesure de ses nombreuses réactions. Gœthe avait déclaré que « le sang est réellement un liquide très spécial ». Les développements de l’hématologie et de la sérologie l’ont prouvé; leurs techniques fournissent des renseignements précis sur les anémies, les
- groupes sanguins, le facteur rhésus, l’urémie, les séro-dia-gnostics des typhoïdes, de la syphilis, de la gonococcie, de la tuberculose, du paludisme, de la mononucléose infectieuse, de l’insuffisance hépatique, en attendant bientôt celui des cancers.
- A l’actif des laboratoires médicaux il faut ajouter les diagnostics des rickettsioses (typhus), des leptospiroses et des maladies à virus; l’isolement, le titrage et l’application à l’immunologie d’un bactériophage.
- Une méthode de diagnostic hormonal permet de caractériser la grossesse.
- Les réactions allergiques sont mises à profit dans les tests cutanés pour la tuberculose, la brucellose, la tularémie, etc., et les réactions toxiniques pour la diphtérie et la scarlatine.
- Les laboratoires appliquent également les techniques de l’histologie pathologique, qui, après ponctions ou biopsies, permettent des diagnostics rapides et sûrs.
- Rappelons également les examens parasitologiques.
- Voici que des sciônces et techniques nouvelles étendent encore plus largement le champ d’action des laboratoires médicaux. L'histochimie, étymologiquement « chimie des tissus », est également une science morphologique. Elle complète l’histologie, permet de reconnaître dans les cellules les produits formés et transformés et d’en apprécier le comportement normal ou pathologique.
- Enfin, l’introduction des isotopes radioactifs artificiels en biologie commence à faire concourir la physique nucléaire à la médecine. Les laboratoires vont dépister et localiser des fonctions dans l’organisme par des séries de déterminations et de mesures. Cette nouvelle science progresse rapidement, ouvrant à l’expérimentation et aux études précises des champs illimités.
- Le rôle du laboratoire est loin d’être à sa limite; l’importance de son œuvre passée apparaît même bien faible en face des espérances légitimes d’un proche avenir. Il prend une telle importance que la nécessité et la multiplicité des examens ne vont pas sans soulever divers problèmes d’organisation pratique professionnelle. Il pénètre de plus en plus l’art médical tel qu’il est actuellement pratiqué et oriente son évolution future.
- Lucien Perruche, Docteur de rUniversité de Paris.
- RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
- Pratique du Laboratoire, par Cn. Jaulmes, A. Jude et J. Quérangal ces Essarts. Un vol. in-4°, 699 p., 42 fig., 47 tabl. Masson, Paris, 1951 ; Un vol. broché : 2 500 Ir., cartonné : 3 150 fr.
- Ouvrage pratique, moderne, des plus complets.
- Excellent guide et instrument de travail.
- Examens de laboratoire du médecin praticien, par Guy Laroche et C, Laroche. Un vol., 606 p., 159 fig. Masson, Paris, 1949.Prix : 1 650 fr. Technique de laboratoire, par J. Loiseleur. Un vol. 904 p. avec fig. Masr son, Paris, 1947. Prix : 2 500 fr.
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- LE CAOUTCHOUC ÉLECTRONIQUE
- Les applications des caoutchoucs conducteurs dans l’électronique et l’électroacoustique ont été récemment présentées par M. Jarret, directeur de la Société A. E. C., à l’Institut français du Caoutchouc. Nous croyons utile de donner un compte rendu de cette communication, dont le sujet est de nature à apporter de profondes modifications aux techniques traditionnelles..
- Jusqu’à ces temps derniers, .peu de gens pensaient que le caoutchouc pût être une matière utilisable en électronique, autrement que comme isolant et diélectrique. Cependant, depuis quelques mois, des recherches de laboratoire ont permis d’obtenir la modulation par p variation de la résistance
- d’un contact caoutchouc-métal. Il est vrai qu’il s’agit d’un caoutchouc spécial, rendu semi-conducteur par la présence d’une fine poudre de carbone graphité qui lui est intimement mélangée.
- Résistance de con=
- tact. — U né éprouvette cylindrique, sorte de pastille en caoutchouc chargé de particules de carbone semi-graphité, d’une hauteur de 20 mm et d’un diamètre de io mm, a ses extrémités dressées de manière à obtenir une surface lisse. Ces extrémités reçoivent comme électrodes des plaques d’argent planes parfaitement polies, qui sont appliquées avec une pression de l’ordre de xoo g/cm3. L'adhérence parfaite se manifeste entre électrode et caoutchouc au bout de quelques heures.
- Si l’on relie les électrodes à un générateur (fig. i) d’une tension de xoo Y, on constate que le caoutchouc laisse passer un courant de i mA et a donc une résistance de ioo ooo ohms.
- Localisation de la chute de tension. — La chute de tension ne se localise pas uniformément sur toute la longueur de l’éprouvette, comme on pourrait le croire. Si l’on noyé dans l’éprouvette deux 'fils métalliques à quelques dixièmes de millimètre des extrémités, on constate que la différence de potentiel entre ces deux fils, c’est-à-dire sur presque toute la hauteur du cylindre de caoutchouc est de i V, tandis que la chute de tension entre l’électrode voisine et le fil est de 49,5 V. Ainsi donc, la résistance de la masse est faible, tandis que celle des contacts est très élevée.
- Si l’on utilise une autre éprouvette en caoutchouc vulcanisé avec extrémités ti'aitées par laitonage, on constate qu’il passe
- i mA pour une tension de 2 à 3 Y. La chute de tension est encore plus localisée et s’effectue seulement sur une épaisseur de i pim en-vii’on.
- Il convient de discriminer la résistance d e contact non stabilisée et la valeur stabilisée obtenue au bout de plusieurs heures de contact. La résistance de
- R = F (u.)
- Tension sur les armatures
- Fig. 2. — Caractéristique de la résistance en fonction de la tension à pression constante sur les armatures.
- V
- Fig. 1. — Principe du fonctionnement d’une pastille C de caoutchouc électronique.
- AjAlj, armatures en argent ; sondes ; p, pression exercée.
- contact, d’aboi’d très supérieure à ioo.ooo ohms, baisse asymptotiquement en fonction du temps et finit par se stabiliser, au bout de plusieurs joui’s ou de plusieurs semaines.
- Couches caractéristiques. — En outre, on peut considérer la variation de résistance en fonction de la tension, à pression coixstanle, ou bien en fonction de la pression, à tension constante.
- Si l’on applique aux électrodes xine tension variable à pression constante (fig. 2), on constate que le courant ne suit pas la loi d’Ohm, car dans les zones de contact, la conduction est dilïéi'ente de ce qu’elle est dans les conducteurs ordinaires.
- Si, la tension restant constante, on fait varier la pression, on constate l’augmentation du débit lorsque la pression croit. La résistance est fonction inverse de la pression (fig. 3). O11 peut donc moduler le courant continu en appliquant, par exemple, au dispositif une oscillation mécanique ayant une amplitude de 0,01 mm et une fx’équence de 1 000 Hz. On peut ainsi développer une tension alternative de l’ordre de 10 V.
- Nature de la résistance de contact. — Des observations faites se dégagent les cai'actéristiques suivantes de la résistance de contact :
- i° Elle est localisée sur une faible profondeur;
- 20 Elle est beaucoup plus importante que celle de la pastille de caoutchouc conducteur;
- 3° Elle varie en fonction de la tension;
- 4° Elle varie en fonction de la pression.
- Les particules conductrices de carbone ne sont pas en contact
- direct avec le métal, mais séparées p a r u n diélectrique mince, qui se déforme sans se rompre. Son épaisseur est de l’ordre du micromètre; le champ de l’ordre de io5 à xo7 V/cm, permet Te franchissement d’un flux électronique qui varie en fonction de la valeur moyenne, de la distance entre les particules, et de la pression. Le mode de propagation du courant dans le caoutchouc conducteur reste encore du domaine de l'hypothèse.
- Applications. — Deux catégories d’applications peuvent être envisagées pour le caoutchouc électronique : d’une part des applications électi’oniques, de l’autre des applications électromécaniques, par variation de courant en fonction de la longueur ou de la pression.
- Les applications électroniques n’ont pas encore fait l’objet d’études très poussées. La valeur de la résistance de contact diffère suivant le sens du courant. Pour une même valeur absolue de la tension, on peut obtenir, si la tension est positive, un débit deux mille fois supérieur à ce qu’il devient si elle est négative; d’où application au redressement.
- Si l’on place dans le système une grille fine isolée de l’électrode par une couche de vernis, on’ peut modifier le débit du courant, ce qui permet d’envisager la réalisation d’une triode en caoutchouc.
- Pour les applications mécaniques, il y a trois champs d’exploitation :
- R = f{p)
- 200 g:cm
- Pression sur les armatures
- Fig. 3. — Caractéristique de la résistance en fonction de la pression à tension constante sur les armatures.
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- a) en électro-acoustique, pour les membranes de microphone et les aiguilles de piek-up ;
- b) régulation au moyen de rhéostats à pastilles de caoutchouc remplaçant les rondelles de carbone graphitique, et autorégulation ;
- c) recherches et mesures des variations de longueur et de pression au moyen du courant. Toutefois, il faut des performances compatibles avec la technique du caoutchouc conducteur.
- Les qualités déjà reconnues au caoutchouc électronique sont la sensibilité, la fidélité, la stabilité.
- La sensibilité est grande et augmente avec le pourcentage de carbone graphitique fin. Le taux est de l’ordre de 20 pour xoo, c’est-à-dire que 100 Y continus permettent de recueillir 20 Ve. Dans les régulateurs, la résistance varie dans la proportion de 1 à 10 sans rupture de contact.
- La fidélité, c’est la pierre d’achoppement; elle ne se conserve pas pour des variations de pression excessives. Le rapport des variations de résistances aux variations de pression n’est constant que pour de faibles amplitudes, sinon il y a ionisation de la plage de contact. Il ne faut pas dépasser un taux de modulation de 3 pour 100 avec une pastille et de 10 pour 100 avec deux pastilles montées symétriquement.
- Le souffle est proportionnel à la tension. Le bruit de fond maximum est de l’ordre de 1 /10 000 de la tension continue. Avec des surfaces parfaitement polies, on arrive à le réduire à 1 millionième de la tension continue.
- Les lentes variations de résistance n’affectent pas la sensibilité, mais il faut éviter les défauts provenant de l’état de surface des électrodes et de la modification chimique des contacts (oxydation, sulfuration). Malgré l’emploi de matériaux d’excellente qualité, la stabilité reste inférieure à celle des résistances au carbone usuelles.
- Jusqu’à la température de 5o° C., la variation de résistance est de l’ordre de i/t 000 par degré. Au delà, la résistance diminue en fonction de la nature du matériau employé. Si l’on augmente beaucoup la température, la résistance devient faible, le courant intense et la pastille est détruite. D’où la nécessité d’employer des caoutchoucs résistant bien à la chaleur, tels que les silicones permettant des réalisations intéressantes.
- L’emploi de la résistance caoutchouc-métal paraît très avantageux, pour les raisons suivantes :
- i° Mise en œuvre facile : le caoutchouc n’est pas fragile, le prix de revient de la pastille est faible (quelques francs) ;
- 20 Le contact fonctionne comme vanne et non comme générateur. On peut atteindre des niveaux élevés, par exemple 3o V modulés à la sortie d’un pick-up, ce qui permet de réduire ou de supprimer l’amplification;
- 3° En faisant varier la nature du caoutchouc et le dosage du carbone, on peut choisir l’impédance la plus favorable au circuit envisagé, entre 1 ohm et quelques mégohms;
- 4° Il est possible de faire varier les réactions élastiques et la résistance d’amortissement du caoutchouc. La courbe de réponse d’un pick-up, d’un amplificateur peut être modifiée à la demande. L'a figure 4 représente l’analogie mécanique de la pastille avec un ressort et un dash-pot en parallèle. On a pu réaliser des caoutchoucs donnant une viscosité énorme dépassant 10 000 poises.
- Réalisations diverses. — Dès maintenant, le caoutchouc électronique a été essayé avec succès dans les domaines suivants : électro-acoustique, régulation, mesures. En électroacoustique, les réalisations portent principalement sur les microphones et les pick-up.
- Fig. 4. — Représentation mécanique de la pastille.
- R, ressort ; D, dash-pot.
- Fig. 5. — Réalisation d’un microphone M à caoutchouc :
- A, masse d’argent ; C, .pastille ; s, surface de contact avec la membrane m ; B, boîtier ; V m, tension modulée.
- Dans les microphones, on place une ou deux pastilles en contact avec le centre de la membrane, dans un boîtier.
- On peut réaliser un microphone à haute impédance pour emploi avec amplificateur à lampes ou un microphone à basse impédance pour la téléphonie (fig. 5).
- Les microphones à haute impédance peuvent concurrencer les microphones classiques, type « public adress », en raison de leurs prix réduits.
- Pour les microphones à basse impédance, il y a des difficultés de réalisation, du fait que l’énergie dissipée échauffe l’appareil et influe sur sa stabilité. Il faut alors
- développer des résistances de contact à base de silicones, pouvant supporter une température élevée.
- Pour les pick-up, on monte une tête de pick-up symétrique avec deux pastilles (fig. 6) dans un pont de Wheatstone, avec une résistance du même ordre de grandeur. La pression de l’aiguille est transmise par une pièce d’argent aux deux pastilles. La tension recueillie, considérable, permet de moduler le dernier étage d’un amplificateur; l’appareil peut être utilisé directement en push-pull, éliminant l’emploi du blindage et supprimant la distorsion des harmoniques pairs. Le prix de revient reste toujours faible par rapport à celui des autres pick-up. On peut ainsi actionner directement un haut-parleur avec 100 mW, d’où la réalisation de microélectrophones industriels.
- On peut aussi envisager l’application des pastilles de caoutchouc à la régulation de vitesse et de tension.
- Pour la régulation de vitesse des machines, on emploie deux pastilles de 3o mm de diamètre montées en parallèle. La force centrifuge développe une- pression qu’on applique sur les électrodes de métal. La puissance dissipée est de l’ordre de quelques watts et les résultats sont satisfaisants.
- La régulation de tension est appliquée à l’excitation des dynamos. La puissance dissipée est de l’ordre de 20 à 3o w. On utilise des caoutchoucs silicones résistant à des températures supérieures à ioo° C.
- Pour les investigations et mesures, on peut envisager 1 a réalisation d’appareils statiques utilisant des variations lentes de longueur ou de pression et d’appareils dynamiques utilisant les vibrations. Certes, la résistance de contact n’est pas stable, mais la sensibilité est excellente.
- Le caoutchouc électronique peut donc être appliqué aux palpeurs pour calibres, butées de machines à arrêter à une cote précise, capteurs de vibrations simples et efficaces. Le montage est le même que celui de la tête de pick-up, une masselote remplaçant l’aiguille. En outre, cette application dispense d’u n amplificateur onéreüx.
- Fig. 6.
- Réalisation d’un lecteur de son.
- A, aiguille ; M, masse d’argent ; A.,Aa, armatures ; V„M, V m2,tensions modulées.
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- On arrive ainsi, pour la modulation électro-acoustique, à des solutions rationnelles et très économiques. En outre, les résultats actuels sont susceptibles d’améliorations grâce aux progrès réalisés dans le caoutchouc électronique.
- Le signal est proportionnel à l’amplitude si la résistance d’amortissement est faible; sinon, la courbe de réponse est analogue à celle d’un pick-up magnétique, car la modulation dépend de la vitesse. La limite de fréquence est de l’ordre de 4 ooo à 4 5oo Iiz. On peut cependant atteindre une réponse non linéaire pour des fréquences de io à 20 kHz, mais en général on n’atteint pas le domaine des ultrasons.
- Le phénomène présente une similitude avec la piézo-électri-cité, mais n’est pas réversible. Il est donc difficile de faire fonctionner un microphone en haut-parleur, l’appareil se comporte comme une vanne, non comme un générateur, et l’on peut en extraire plus de puissance. Il y a une certaine analogie avec les semi-conducteurs et l’on peut penser que le fonctionnement est imputable aux charges électrostatiques.
- Il est possible de déceler de très faibles variations de pression, mais la pression doit rester elle-même faible, de l’ordre de 5o g/cm3. Il ne s’agit pas d’appliquer des tonnes.
- On peut arriver à stabiliser la résistance en orientant les molécules. Le caoutchouc flue dans les creux de la surface des électrodes. Cette opération, qui demande quelques mois avec des électrodes quelconques, peut être réalisée en quelques heures avec des surfaces parfaitement polies.
- En ce qui concerne la nature des électrodes, on évite l’aluminium trop oxydable et on lui préfère l’argent, dont les oxydes et sulfures sont conducteurs.
- Telles sont les nouveautés et les promesses du caoutchouc électronique qui ne tardera pas à apparaître dans de multiples appareils d’électro-acoustique et d’électronique dont il modifiera les montages en raison de ses qualités et de son prix.
- Michel Adam.
- Ingénieur E. S. E.
- LA GUYANE FRANÇAISE
- O
- II. — LES POPULATIONS
- On estime très approximativement à quelques dizaines de milliers le nombre des Indiens qui peuplaient la Guyane française dans les débuts de la colonisation. Ceux-ci se
- Figr. 1. — Émerillon du Bas Camopi s’apprêtant à faire un panier.
- (Photo E. Aubert de la Rüe).
- sont progressivement éteints et leurs représentants actuels ne sont plus que quelques centaines formant de petits groupes dispersés. A cette population primitive autochtone s’est substituée en moins de trois cents ans une population nouvelle que le dernier recensement, celui de 1946, évaluait à près de 29 000 habitants, formée d’éléments très hétérogènes. Dans une intéressante étude sur les aspects démographiques de la Guyane française, E. Abonnenc (1) montre comment les divers essais de colonisation, qui d’ailleurs échouèrent tous, ont eu pour résultats d’introduire dans le pays des Européens, des esclaves africains, de la main-d’œvre asiatique, représentée par des Hindous, des Annamites et des Chinois. Ces derniers forment également un contingent important parmi les commerçants. Il en est de même des Libanais, qui ont fait souche en certains points, comme à Mana. On ne peut passer sous silence l’élément pénal, représenté par l’introduction de près de 72 000 condamnés de i852 à 1989. Il en reste à peine quelques centaines aujourd’hui, encore en cours de peine ou libérés et qui se sont établis dans le pays, comme l’ont fait notamment certains Nord-Africains.
- Issue du métissage de ces éléments très divers, l’actuelle population de la Guyane, chez laquelle le noir est largement dominant, se désigne elle-même du nom de « créole ». C’est là un aimable euphémisme, car il n’y a pas en Guyane de « Créoles *> au sens propre du terme, comme à la Martinique ou à la Réunion. On ne peut faire entrer en effet en ligne de compte les enfants de fonctionnaires européens, ceux-ci étant à^peine quelques centaines et ne représentant qu’un élément passagër.
- Près des quatre cinquièmes de la population guyanaise se trouvent concentrés dans la région côtière. Cayenne, le chef-lieu du département, avec ses 12 000 habitants, accapare environ la moitié de cette population côtière, le reste étant réparti entre une quinzaine de communes espacées entre l’estuaire de l’Oyapock et celui du Maroni. En dehors de Saint-Laurent, réunissant actuellement près de 2 000 habitants, création de l’Administration pénitentiaire, bien tracé et pourvu d’habitations convenablement construites, les petites agglomérations de la zone littorale, telles Mana, Iracoubo, Sinnamary, Kourou,
- 1. Aspects démographiques de la Guyane française. Publications de l’Institut Pasteur de Cayenne (oct. 1948-janv. 1949).
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- Tonnégrande, Roura et Saint-Georges, sont de misérables bourgades, défiant les lois les plus élémentaires de l’hygiène.
- A côté de cette population dite créole, de nationalité française et jouissant des droits civiques, comptant 25 ooo habitants sur les quelque 3o ooo qui peuplent la Guyane, nous trouvons, inégalement répartis à travers l’ensemble du département, mais principalement dans l’intérieur, quelques milliers d’individus de diverses origines et soumis à des statuts différents. Ce sont pour la majorité quelques milliers de Noirs, originaires des Antilles britanniques, formant la masse principale des chercheurs d’or. Les Nègres dits réfugiés ou marrons sont au nombre de i 5oo à 2 ooo, surtout nombreux dans le bassin du Maroni. Enfin les Amérindiens appartenant aux groupes caribe et tupi-guarani, sont environ 700.
- Les chercheurs d’or. — Dispersés de façon très irrégulière à travers la partie moyenne de la Guyane, plus spécialement le long du Camopi et de ses affluents, dans le bassin de l’Approuague, la haute Mana et dans le bassin de l’Inini, tributaire du Maroni, les chercheurs d’or sont des noirs et mulâtres provenant pour la plupart des Antilles britanniques, plus spécialement de Sainte-Lucie et de la Dominique. Un petit nombre de Guadeloupéens et de Martiniquais, ainsi que de rares Guyanais participent également à la recherche de l’or. L’élément féminin est assez largement représenté sur les placers (fig. 2). Quelques femmes s’occupent sur les chantiers, mais la plupart tiennent un commerce, vendant aux mineurs les denrées essentielles contre de la poudre d’or et à des prix doubles de ceux de la côte. .
- Depuis des générations ces Antillais viennent tenter leur chance dans la forêt guyanaise, attirés par le mirage de l’or. Il n’est pas niable que certains y ont fait de belles découvertes, mais les plus nombreux, aujourd’hui surtout où les allu-vions les plus riches étant exploitées depuis bientôt cent ans, sont très appauvries, mènent une existence fort misérable. Beaucoup remuent des mètres cubes de terre, dans les conditions les plus pénibles, pour n’obtenir finalement que quelques grammes d’or qui suffisent à peine à payer leur subsistance. Les cimetières qui voisinent avec les plus petites agglomérations de mineurs témoignent de l’insuccès de nombreux prospecteurs, toujours soutenus par la perspective d’une découverte exceptionnelle et voués à finir leurs jours dans cette forêt qu’ils n’ont plus les moyens de quitter.
- Les villages de mineurs sont habituellement établis le long des cours d’eau, donc directement accessibles en pirogue, les plus éloignés de la côte s’en trouvant normalement à une quinzaine de jours à l’époque où le niveau des eaux est le plus propice à la navigation fluviale. Cette durée s’entend pour des pirogues ne marchant pas au moteur, cas habituel de celles assurant le trafic des placers. Quelques villages sont pourtant assez écartés des rivières et l’on ne peut les atteindre que par des marches plus ou moins prolongées en forêt. Un méchant sentier, qui n’est plus qu’une longue succession de bourbiers à l’époque des pluies, interrompu par des criques continuelles qu’il faut traverser sur des troncs d’arbre glissants, conduit à des villages isolés en forêt depuis le dégrad, point de débarquement où l’on quitte fa rivière. Mais les chantiers en exploitation sont souvent eux-mêmes distants de plusieurs heures de marche du village, se trouvant dans ce que l’on appelle les « fonds ». Les mineurs, parfois très solitaires, disposent là d’un campement sommaire, et ne reviennent au village que le samedi soir pour 24 heures afin de se réapprovisionner. Certains chantiers, situés sur des criques lointaines,
- Fig. 2 à 4. — En haut : Dans les placers de l'I ni pi (Moyen Camopi). Femme de l’île Saint-Lucie et ses enfants. — A u milieu, : Petit Inini. Les tatouages d’une femme youca. .. En bas : Dans le Haut Ouaqui.
- Enfants de pêcheurs Youcas.
- (PhotOS E. A.XJEERT DE LA RÜE).
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- ne sont accessibles qu’en petites pirogues, à plusieurs heures du village le plus proche.
- Les villages des régions aurifères ne sont bien souvent que des ramassis sordides de cases construites sans ordre, plus ou moins envahis par la brousse, bien qu’on en rencontre pourtant occasionnellement de bien tenus, égayés de fleurs et situés dans des espaces largement déboisés. Ils ne sont soumis à aucune organisation municipale ou autre. Le cas de Saül, dans la région de Souvenir, au centre de la Guyane, création du Père Didier qui depuis des années s’efforce d’améliorer les conditions de vie des orpailleurs, est une exception. Le type habituel d’habitation choisi par les mineurs est assez judicieux, ses éléments étant empruntés à la forêt voisine. Souvent bâties sur pilotis pour les préserver de l’humidité du sol, leurs cases sont faites de gaulettes ou lattes entrecroisées, dont les meilleures sont fournies par le tronc d’un arbre dit « maman vaoué ». De forme rectangulaire, ces cases possèdent généralement un plancher et sont couvertes d’une toiture de palmes (fig. 7).
- La plupart de ces petites agglomérations ont un caractère temporaire et sont abandonnées dès que les alluvions des. alentours sont épuisées. La forêt n’est pas longue alors à reprendre possession des endroits qui lui ont été momentanément ravis. Seuls quelques manguiers, parfois un limonier ou un cocotier, signalent pendant un certain temps l’emplacement de ces anciens centres environnés de tranchées, d’excavations et d’amoncellements de déblais.
- On note aujourd’hui un recul marqué des chantiers aurifères, les exploitations les .plus méridionales, notamment celles du Tampoc et du Ouaqui étant désertées au profit de districts plus septentrionaux.
- Certains Antillais de Sainte-Lucie ont fait preuve d’initiatives heureuses en délaissant l’or, d’un rendement trop aléatoire, pour se consacrer aux cultures qu’ils pratiquent sur une assez grande échelle, comme je l’ai vu faire avec succès à Cambrouze sur le Petit Inini, tandis que d’autres, dans la même vallée comme sur la haute Mana, ont aménagé quelques prairies artificielles et tentent d’élever des bovins.
- Les tribus nègres de l’intérieur. — A côté des
- « Créoles » des communes côtières bénéficiant de tous les droits politiques et des Noirs antillais britanniques des placers ayant le statut d’étrangers, la troisième catégorie d’Africains représentés en Guyane sont les Nègres réfugiés, éléments travailleurs et particulièrement intéressants. Ce sont les descendants des Nègres marrons évadés des plantations de la Guyane hollandaise au xvme siècle et qui se réfugièrent alors dans les parages du Maroni où leurs chefs fondèrent, après les avoir regroupés, diverses communautés demeurées très primitives et indépendantes. Malgré l’origine disparate des éléments qui les constituèrent, ces tribus, exemptes de métissages, sont devenues très homogènes et font revivre dans la forêt sud-américaine les coutumes, les traditions et certaines croyances particulières à la brousse africaine. Leur langue, commune à toutes, est devenue le laki-taki, formé surtout de mots anglais, avec quelques vocables hollandais, déformés et assemblés suivant la syntaxe africaine.
- Le groupement principal est celui des Youcas ou Bosch, dont le « grand pays » où réside leur « grand Man » est le Tapa-nahony, puissant affluent de gauche du Maroni. E. Abonnenc estimait il y a quelques années le nombre des Youcas établis sur l’une ou l’autre rive du Maroni à x 820 individus. En pleine expansion démographique, cette tribu doit en compter
- Fig. 5 à 7. •— En haut et au milieu : Deux types de cases bonis du Lama. Ces cases sont très semblables à celles construites par les Nègres Youcas et Saramacas. — En bas : Un village de Nègres antillais chercheurs d’or dans le bassin du Camopi.
- (Photos E. Atjbert de la R.üe).
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- Fig. 8. — Jeunes Oyampi d’Alicoto sur l’Oyapock.
- C:lui de droite porte autour de la tète une couronne en plumes de toucan et de longues plumes rouges d’ara ornent leurs bras.'
- Fig. 9. — Oyampi du Haut Oyapock sur la piste allant en Amazonie à travers les Tumuc-Humac.
- Leuis cheveux ne sont pas raides, mais ondulés.
- (l’kolo E. AUBERT de la Rüe).
- (Photo E. Aubert de; la Rüe).
- actuellement i ooo dans celte seule région. Protégés hollandais, les Youcas ont tendance à fréquenter de plus en plus les tributaires français du fleuve, où ils se rendent en expéditions de pêche et entreprennent çà et là quelques cultures. Quelques-uns se livrent également à la recherche de l’or. Ils ne se déplacent jamais sans leurs femmes (fig. 3) et leurs enfants (fig. 4). Leur principal rôle est d’assurer les transports sur l'e Maroni et de ravitailler les placers situés le long des affluents français du fleuve.
- Les Paramacas sont une autre communauté nègre installée sur le Bas Maroni, dans la région de Langa Tabiki. Au nombre d’environ goo, ce sont également des protégés hollandais, se livrant principalement à des occupations agricoles et ne faisant guère de canotage sur le fleuve.
- La tribu des Bonis, numériquement peu importante car ils ne sont guère que 600 et n’augmentent pas, est d’obédience française. Le pays boni succède à l’amont au territoire des Youcas. Débutant au pied du saut d’Abounasonga, il correspond au cours moyen du
- Maroni, qui porte ici le nom de Lava et se poursuit jusqu’au pied des grands rapides de l’Itany où commence le domaine
- des Indiens ouayana. Leur chef ou « grand Man » habite Boniville, un de leurs principaux villages du côté français, mais le tiers d’entre eux sont cependant installés sur la rive hollandaise du Lawa. Ce sont d’admirables piroguiers q u i connaissent parfaitement les moindres embûches du Maroni. Ils se considèrent comme l’élite du fleuve et ont d’eux la meilleure opinion. Ils manifestent peu de sympathie pour leurs voisins les Youcas avec lesquels ils ont été longtemps en guerre autrefois. Les Européens qui ont à circuler sur le Maroni préfèrent cependant souvent ces derniers, plus primitifs et plus souples, ainsi que moins exigeants. Je n’ai eu personnellement qu’à me féliciter des rapports que j’ai eus avec les Bonis au cours des cinq mois de voyage faits avec eux sur le Haut Maroni et ne me souviens pas avoir rencontré souvent des compagnons de route aussi prévenants et serviables, sans parler de leur adresse incroyable pour franchir les rapides.
- Figr. 10. — Jeunes enfants oyampi de l’Oyapock ayant un type mongolique très accusé (Photo E. Aubert de la Rüe).
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- Types indigènes de la
- Guyane
- PLANCHE I
- Fig. 1. — Jeune fille Boni du Lau'a chauffant sur une platine de foule la farine île manioc destinée à la fabrication du couac, l’aliment de buse pur excellence de toutes les populations indii/ènes noires et indiennes îles (iujianes.
- Fig. 2. — C'est pendant la saison sèche., lorsque la décrue des ricièrcs laisse apparaître. sur leurs rires des bancs de sable, que. les femelles des itjuanes vont pondre leurs œufs dans le sable chaud. Chaque femelle enfouit dans le même trou plusieurs dizaines d’œufs, très appréciés des Indiens qui, les recherchent activement. Ceux-ci. les manr/ent de préférence, après les avoir [ait bouillir et fumer.
- (Photos 13. Aojiiîiir nie j.a Riii;).
- (M NATURE, 1951).
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- Fig. 1. — Le chef indien lloucoingenne du village. d’Alo)lié, sur Vltuni/, paré de sa. coiffure de jdumes.
- Fig. 2. — Le ehej lUiucougenne du village de Yénamalé, sur l'Ilani/, 1res fier de ses beaux cheveux ondulés. Fig. 3. — Jeune femme Boni du. Luira, avec la coiffure caractéristique. de sa. tribu.
- Fig. 4. — Vn des derniers Indiens Emorillons virant encore
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- Fig. 5. Fig. 6. Fig. 7. Fig. 8.
- — Doux jillalIra Roucouyennes de l’Jlany.
- —• Type d’Indien Ronronyenne du rillaye de Yénarnalé (llany).
- — Fillette Rourouyenne du rillaye de Kaicalop (llany).
- — Aïeiray, l’un des jeunes Indiens Roucouyennes qui aceompnyna la-
- mission F. Aubert de la Jiiie jusiju’aux Tnmiic Humai:.
- (Photos E. Ai;iii:nr df. la Riiu).
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- PLANCHE IV
- Fig. 1. _ Fournie Houcont/onne de Vltamj,
- Fig. 2. — Jj\^ Indien fi accordent les pins c/rands soins à leur c heeelure, mats mahjré cela les poux s'ij trouvent fort à Vaise. Des scènes comme celle-ci sonl dunr [rtufuenles chez les Roucouijennos.
- (Photos K. Ai mcnr df i.a Hmk).
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- Fi g. 11. — Jeune femme Émerillon du Tampoc. Fig. 12. — Enfants roucouyennes d’Aloïké sur l’Itany.
- (Photo E. A.UBERT DE LA RÜE). (Photo E. A.UBERT DE LA RÜE).
- Comme les Youcas, les Bonis sont polygames et réfractaires à 1 influence des missions, mais ils croient à un être suprême « Massa Gadou » dont ils cherchent à se concilier les faveurs. Leur culte est d’ailleurs tout empreint de fétichisme. Les superstitions ont une large place dans leur existence et leur imagination se plaît à peupler d’êtres et d’animaux fantastiques, de « tigres » monstrueux et terrifiants en particulier, certaines rivières et régions désertes où ils redoutent de s’aventurer. Leurs craintes sont communicatives et je les ai vus influencer même les Indiens qui nous accompagnaient et qui, normalement, n’appréhendent pas de circuler en forêt à condition d’être à plusieurs. Ces terreurs s’accompagnent chez certains Bonis de véritables crises de guita, où leur personnalité se dédouble et pendant lesquelles ils se frappent la poitrine et poussent des hurlements impressionnants, persuadés alors d’être possédés par des esprits.
- Vainqueurs autrefois des Indiens ouayanas ou roucouyennes, les Bonis sont aujourd’hui en très bons termes avec eux et ceux-ci les autorisent à pénétrer dans l’Itany, droit qui est refusé aux Youcas.
- Les cases bonis, de section triangulaire, sont construites en planches et leur toit descend jusqu’à terre (fig. 5 et G). Elles sont disposées sans aucun ordre et comme il est d’usage de laisser indéfiniment subsister les cases abandonnées, leurs villages, qui ne manquent cependant pas de pittoresque, ont une allure négligée. Ils sont plantés de divers palmiers tels que comous, maripas, aouaras et cocotiers. Pêcheurs et chasseurs, les Bonis accordent cej>endant une pïace importante aux cultures et établissent souvent leurs plantations fort loin de leurs villages, dans le haut du Lawà où ils disposent de campements temporaires. Les produits de leurs cultures sont variés, comprenant notamment le riz de montagne, l’igname, le manioc, le maïs, l’arachide, la canne à sucre et de nombreuses variétés de bananes. Comme chez toutes les populations amazoniennes, le couac, sorte de semoule de manioc (Pl. I, fig. i) et la cassave, large galette faite de farine-^de-manioc, entrent pour une très large part dans leur alimentation. Ces
- produits possèdent l’inestimable avantage de se conserver à peu près indéfiniment, ce qui est précieux lorsqu’on voyage sous un climat aussi humide que celui de la Guyane.
- Les Bonis ignorent l’oisiveté et le soir, après une rude journée de canotage, une fois baignés, ce qu’ils n’omettent jamais de faire même s’ils ont passé durant la journée une bonne partie du temps dans l’eau à hisser les pirogues dans les rapides, ils se mettent à travailler le bois. Même les objets les plus utilitaires, qu’il s’agisse de cuillers, de peignes, de pagaies, habilement sculptés par eux, sont décorés de motifs exclusivement géométriques où n’entrent d’ailleurs que des lignes courbes. Ce style, exécuté avec goût, n’évoquant rien d’africain, les Bonis le partagent avec les autres peuplades nègres voisines.
- Parmi ces dernières, il en est une dont il n’a pas encore été question, c’est celle des Saramacas, fixée dans l’intérieur du Surinam et que l’on rencontre principalement comme piroguiers le long de certains fleuves guyanais, comme la Mans, le Sinnamary, l’Approuague et l’Oyapock. Ils sont en tout quelques centaines émigi'és en Guyane, dont deux cents sur ce dernier fleuve où réside, à Tampac, dans la zone de l’estuaire, le représentant en territoire français du grand Man des Saramacas. Ils n’ont jamais leurs femmes avec eux et restent rarement plus de deux ans sans retourner dans leur pays. Outre les transports fluviaux, ils pratiquent l’exploitation forestière pour les besoins locaux et fabriquent des pirogues qui sont parmi les plus grandes employées en Guyane.
- II. Coudreau estimait à une cinquantaine les différentes tribus indiennes qui occupèrent jadis le territoire de la Guyane. Beaucoup étaient évidemment apparentées et ne représentaient que des « nations » numériquement peu importantes. On trouve dans les récits des anciens voyageurs, de certains d’entre eux notamment, des renseignements fort intéressants sur la répartition des Indiens, leurs coutumes et les relations qu’ils avaient avec les Européens. S’appuyant sur cette documentation, le Dr A. Sausse qui accompagnait les récentes missions de l’Institut Géographique National conduites par M. J. Hurault, vient
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- de consacrer un beau travail d’ensemble aux Amérindiens de la Guyane, s’étendant plus spécialement sur les Ouayana, ou Roucouvennes qu’il a personnellement étudiés (x). Les causes de la disparition de ces premiers occupants du pays sont soigneusement examinées et l’auteur en conclut que ce sont principalement les germes de maladies introduits fortuitement par les colons européens, auxquels leur organisme n’était pas habitué, qui décimèrent avec une telle rapidité les Indiens. Contrairement à ce qui s’est passé dans tant d”autres contrées du Nouveau Monde et en dehors de quelques fâcheux et tristes exploits commis envers certaines tribus côtières par les nouveaux arrivants dans les débuts de la colonisation, on peut affirmer que jamais les Français en Guyane ne cherchèrent à détruire systématiquement les Indiens ni à les réduire en escla-A'age. Indirectement leur présence n’en a pas moins été funeste à ceux-ci.
- La plupart des voyageurs s’accordent à reconnaître que les Indiens sont l’élément humain le plus intéressant et sympathique de Ja Guyane. Totalement abandonnés à eux-mêmes, exploités par les douaniers noirs, heureusement retirés depuis peu, qui étaient chargés de contrôler le trafic de l’or sur les rivières, la nouvelle administration préfectorale, sous l’impulsion de M. R. Vignon, s’est émue de leur sort et se préoccupe de leur assurer les soins médicaux les plus indispensables. C’est la tâche que s’efforcent de réaliser le Dr de Fautereau-Vassel et son adjoint M. Carpentier, chargés par la préfecture de Cayenne de la protection des Indiens. Peut-être parviendra t-on ainsi à préserver ceux qui subsistent encore, surtout si l’on prend soin en ce qui concerne ceux de l’intérieur, de les maintenir dans un isolement relatif, leur épargnant des contacts inopportuns avec la population des placers et les visites risquant de devenir trop fréquentes de prétendus explorateurs.
- On peut évaluer à 700 environ le nombre des Indiens vivant aujourd’hui en Guyane française, appartenant à six groupes distincts, répartis dans des régions fort différentes du pays. Ce total se décompose à peu près de la façon suivante :
- Galibis ................................. 350
- I’alicours .............................. 100
- Roucouyennes ............................ 100
- Oyampis .................................. 68
- Émérillons ............................... 40
- Àrawaks .................................. 20
- Comme la plupart de ces Indiens habitent les frontières du département, des fluctuations peuvent se produire d’une année à l’autre, des groupes passant au Brésil, d’autres venant du Surinam en Guyane, comme cela vient encore d’avoir lieu très récemment. Les diverses tribus représentées appartiennent au point de vue ethnique à deux grands groupes. Les Oyampis et les Emérillons sont du groupe tupi-guarani, originaire de l’Amazonie, tandis que les autres sont d’origine caribe. Si dans le passé certaines tribus étaient hostiles et en guerre les unes avec les autres, comme le furent notamment les Oyampis et les Roucouyennes, toute animosité a depuis longtemps cessé et il n’existe en somme qu’assez peu de rapports entre les divers groupements. J’ai cependant noté de rares mariages entre tribus difféi’entes. C’est, ainsi qu’un Roucouyenne vit avec une femme Oyampi, et un autre avec une Ëmerillon. De rares familles oyampi et émerillon sont également alliées.
- Ces Indiens n’habitent pas nécessairement aujourd’hui là où vivaient leurs ancêtres et même de nos jours leurs villages
- 1. Dr A. Sausse. Populations primitives du Maroni, Guyane Française. Édition Institut Géographique National, 1951, 135 p.
- Fig. 13 à 15. — En haut : Case oyampi des Tumuc-Humac orienta-les, construite sur pilotis. Noter le tronc muni d’encoches servant d’escalier. — Au milieu : Case rocouyenne d’Aloïké sur l’Itany. — En bas : Case émerillon de l’îlot Moula, Moyen Oyapock.
- (Photos E. Aubert de la Rüe).
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- Fig. 16.
- demeurent rarement très longtemps au même point. Il est d’usage de les abandonner lorsque plusieurs décès s’y sont produits pour les reconstruire à peu de distance.
- Parmi les Indiens de la côte, les Galibis sont les plus nombreux, fixés principalement sur la Basse Mana à Couachy et Aouara, de même qu’aux Grosses Roches près d’Iracoubo. Ils sont dans une large mesure « créolisés », pour employer une expression locale signifiant qu’ils ont perdu certaines de leurs caractéristiques, non pas tant au point de vue ethnique, car ils sont demeurés purs, mais du point de vue culturel, au contact des populations noires de la côte au contact desquelles ils vivent. Tel est également le cas des Palicours habitant l’estuaire de l’Oya-pock et' le Ouanary. Parmi ces derniers pourtant on remarque
- chez certains individus des signes manifestes de métissage avec des Nègres.
- Un petit nombre d’Arawaks évolués, provenant du Surinam, se sont récemment établis sur la rive droite du Maroni, à côté de Saint-Laurent et à proximité de Saint-Louis.
- Les Indiens de l’intérieur sont demeurés beaucoup plus primitifs. Paisibles et accueillants, on peut se rendre chez eux en toute sécurité.
- Les Roucouyennes ont pour domaine l’Itany, le bras principal du Haut Maroni. Une succession de sauts et de rapides impressionnants, s’étageant sur plusieurs kilomètres, défend l’accès de leur territoire. C’est parmi cette section tumultueuse du fleuve et aussitôt en amont que se trouvent les quatre villages roucouyennes de la Guyane. D’autres groupements de la même tribu, avec lesquels ils sont en rapport, sont situés sur le Tapanahony en Surinam et sur le versant brésilien des Tumuc-IIumac. Ces villages sont Aloïké, Malavate, Yénamalé et Tiliwé, portant chacun le nom de leur chef respectif. Deux de ces villages, dont celui de Malavate où réside Toanké, le grand Man des Ouayana ou Roucouyennes et Yénamalé, le plus important, fondé il y a un an par une cinquantaine d’indiens qui habitaient auparavant le long de l’Oulémari, en territoire hollandais, sont sur la rive française de l’Itany, les deux autres étant construits sur des îlots. Assez bien ordonnés, ils présentent tous à peu près la même disposition, les cases (fig. i5) construites en palmes, sont disposées en demi-cercle, face au fleuve. Au centre se trouve la case commune, ouverte à tous.
- Groupe de canots youcas amarrés devant un degrad du Petit Inini.
- (Photo E. Â.UBERT DE LA RÜe).
- toute heure de la journée, peignant inlassablement leur superbe chevelure noire, souvent ondulée (PL II, fig. 2) dont ils sont très fiers, à moins qu’à l’aide d’un couteau ils ne s’épilent consciencieusement le visage, cils et sourcils compris, afin d’ê t r e parfaitement glabres. Pendant ce temps, leurs épouses, car ils en ont généralement plusieurs et de tout âge, épluchent o u râpent 1 e manioc destiné à préparer 1 a cassave, filent du coton, ou confectionnent des poteries.
- L’Ouayana est normalement d’un brun cuivré, mais l’effet du soleil se fait sentir sur sa peau, comme je l’ai constaté chez ceux qui m’accompagnaient. Après quelques mois de voyage en pirogue, constamment exposés au soleil implacable de la saison sèche, la différence de coloration entre leur cou et le haut de leurs épaules, partie protégée par leur opulente chevelure, demeurée claire, contrastait fortement avec le reste de leur corps qui avait beaucoup foncé. Le surnom de Roucouyenne donné autrefois à ces Indiens vient de ce que leur couleur véritable est généralement dissimulée par la teinte rouge du roucou dont ils s’enduisent le corps et le visage, les hommes aussi bien que les femmes. Les uns et les autres ignorent les tatouages, mais ils se fardent volontiers à l’aide de roucou concentré ou d’autres couleurs végétales d’un bleu noirâtre, dessinant divers motifs sur leur visage (PI. III, fig. 6).
- Les Émerillons, les plus instables des Indiens guyanais, errent constamment d’une rivière à l’autre, passant du bassin de l’Oya-pock à celui du Maroni. Certains fréquentaient également l’Ap-prouague il n’y a pas très longtemps encore. En ce moment, les Émerillons sont partagés en trois groupes. Sur le Tampoc, où ils avaient encore plusieurs villages il y a une vingtaine d’années, ne reste plus actuellement qu’une seule famille (fig. n). Le second groupe est installé au saut Monbin sur le Bas Camopi et le troisième a suivi le chef de la tribu, du nom de Caïman, qui s’est fixé il y a peu d’années sur la rive brésilienne de l’Oyapock, au confluent du Maroupi. Il y a de beaux types parmi les Émerillons, aux traits fins (PL II, fig. 4), mais l’ensemble de cette tribu est dans un état physique pitoyable.
- Les Oyampis sont établis le long du cours supérieur de l’Oya-pock, entre le confluent du Camopi et la région des sources, dans les Tumuc-IIumac orientales, dispersés par petits groupes sur une distance de près de 200 km.
- Les Roucouyennes, dont beaucoup savent quelques mots de français, m’ont produit l’impression d’être les plus ouverts et les plus riants des Indiens de l’intérieur. Habitués à recevoir des cadeaux des Européens qui leur rendent visite, ils sont devenus assez exigeants à cet égard et très quémandeurs. Si l’on ne résistait à leurs demandes on serait vite dépouillé de tout le contenu de ses bagages.
- La pêche, la chasse et le défrichement des plantations sont les principales occupations des hommes. Elles leur laissent de longs loisirs qu’ils emploient à confectionner leurs flèches, ce qui est tout un art, ou de délicates parures de plumes dont ils aiment à se parer (PL II, fig. 1). Mais, nonchalants et désinvoltes, on les voit très souvent allongés dans leur hamac, à
- Pour atteindre Alicoto, le plus gros village oyampi, groupant une trentaine d’indiens, il faut franchir le saut Coumalaoua puissant et dangereux. C’et là que réside le tamouchi Pilaoui, chef dé la tribu, plus connu de l’administration française sous le nom de « Capitaine Eugène ». Les Oyampis, plus impassibles et taciturnes que les Roucouyennes, sauf les jours de fête où l’absorption de grandes quantités de cachiri, boisson fermentée à base de manioc, les rend momentanément loquaces, rappellent physiquement beaucoup ces derniers. Il y a parmi eux, chez les hommes principalement, des types humains très remarquables (fig. 8 et 9). Ils ont également pour principe de s’épiler complètement le visage et de porter les cheveux longs. L’usage du roucou est d’ailleurs aussi répandu
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- chez eux. Les enfants, comme on peut également le noter chez les Roucouyennes, ont un type mongolique souvent assez accusé (fig. io), mais que l’on retrouve très rarement chez l’adulte. Hommes et femmes ont des traits fins et si l’on tente un rapprochement avec d’autres races, on constate que plusieurs d’entre eux ressemblent étonnamment à des Européens, bien qu’ils soient exempts de tout métissage.
- Les Oyampis ont un goût très prononcé pour la parure et font un large usage de plumes, appréciant les perles de verroterie comme moyen d’échange, à condition qu’elles soient rouges.
- Les habitations de ces Indiens sont d’un type particulier, que l’on retrouve d’ailleurs chez les Ëmerillons. Gracieuses et habilement construites, de forme ogivale, elles sont perchées sur de hauts pilotis, coiffées d’une haute toiture de palmes et privées pour la plupart de cloisons latérales. Un tronc d’arbre muni d’encoches (flg. i3) tient lieu d’escalier pour y monter. Des hamacs sont accrochés aux poteaux et le mobilier, très sommaire, se limite à de petits sièges de bois grossièrement sculptés et à des paniers de vannerie, de toutes formes et de toutes dimensions, faits avec le plus grand soin, dans lesquels ils rangent le peu de choses qu’ils possèdent.
- Des chiens hargneux, bien nourris, spécialement dressés pour
- la chasse aux pécaris, abondent dans les .villages oyampis où sont également représentés, patiemment apprivoisés, la plupart des animaux sauvages de la forêt voisine. On aurait tort de croire que ces Indiens primitifs, de même d’ailleurs que les Ëmerillons et les Roucouyennes, ne vivent que de cueillette, de chasse et de pêche. Ce sont tous des cultivateurs et les productions de leurs plantations, dont j’ai plus d’une fois pu admirer l’extension et la diversité, leur assurent une alimentation variée.
- Cet aperçu, s’il fait resosrtir le caractère hétérogène et pittoresque de la population de la Guyane d’aujourd’hui, montre également combien celle-ci est réduite. Quelque trente mille habitants pour un territoire de près de 90 000 km2, c’est là un chiffre dérisoire, notoirement insuffisant pour permettre la mise en valeur méthodique du pays, très défavorisé sous le rapport de la main-d’œuvre en comparaison avec les Guyanes voisines dont les productions agricoles sont prospères. Si minime que soit sa population, la Guyane française ne parvient pas à la nourrir, la majorité de ses habitants, ceux de la côte en particulier, manifestant la plus grande aversion pour l’agriculture.
- E. Aubert de la Rüe.
- Pour saumoner les Truites.
- On sait que certains Salmonidés tels que le Saumon (Salmo salar), le Saumon de fontaine (Salvelinus fontinalis) présentent toujours une chair rose. Par contre, les Truites d’Europe (Sal-mojario) ont une chair tantôt rose et tantôt blanche; celles qu’on pêche en mer ou dans les lacs sont toutes rosées, plus ou moins saumonées, celles des rivières et des ruisseaux sont pour la plupart à chair blanche.
- Dans les établissements de pisciculture, les Salmonidés qu’on élève à partir de l’œuf, au moyen de nourriture artificielle, ont tous la chair blanche.
- Les Truites saumonées sont beaucoup plus estimées ; leur chair est plus fine, plus onctueuse, d’un goût plus apprécié et leur valeur marchande est plus grande.
- On attribue la coloration rose à l’alimentation; ce seraient les pigments caroténoïdes des crustacés planctoniques : daphnies,
- gammares, crevettes, jeunes écrevisses, qui passeraient dans la graisse interstitielle des muscles et les coloreraient.
- L’idée est donc venue à M. Pierre Besse d’introduire dans la nourriture artificielle des Salmonidés d’élevage des pigments de crustacés et il a choisi les carapaces de Homard cuit, non débarrassés de leur membrane interne hypodermique. Il les a pulvérisées et traitées par le chloroforme qui entraîne les graisses et les pigments; après avoir évaporé le solvant, il reste une matière grasse, rouge, qu’on mélange à la pâtée de viande hachée. Il a expérimenté sur des Saumons de fontaine adultes qui se sont tous saumonés et ont acquis un goût beaucoup plus fin en quatre mois, et sur des Truites arc-en-ciel (Salmo irideus) dont la chair s’est très peu rosée. Il continue ces intéressantes expériences dont il vient de rendre compte dans les Comptes rendus de VAcadémie des Sciences.
- LE CHANT DU CYGNE
- La mort du cygne, beau sujet de musique et de ballet; le chant du cygne, image poétique, pleine de mélancolie. Mais le cygne chante-t-il et danse-t-il quand il va mourir ?
- Nul n’en avait parlé jusqu’ici et il semblait que c’était un mythe qu’on répète ou qu’on figure, sans plus.
- Mais voici que Natural Hisiory, le magnifique magazine du Muséum d’histoire naturelle de Nerv-York, pose la question et y répond avec précision.
- Un de ses lecteurs lui ayant demandé ce qu’il en faut penser et si la légende s’appuie sur « un grain de vérité », le Docteur John T. Zimmer, de la Section d’ornithologie du Muséum, cite et commente une observation de Daniel G. Elliot qu’il considère comme sûre, bien qu’exceptionnelle.
- Elliot affirme qu’il a entendu le chant du cygne mourant une fois, dans le Currituck Sound. Il s’agissait d’un cygne qui, atteint d’une balle, fut mortellement blessé alors qu’il volait.
- Il descendit lentement et se posa sur l’eau en chantant. Son chant était musical et plaintif et résonnait par moments comme un accord d’octaves. Une enquête auprès de chasseurs révéla que quelques-uns avaient entendu des sons émis par des cygnes qu’ils venaient de toucher.
- Le Docteur Zimmer ne met, pas en doute l’observation de Daniel Elliot et cherche à l’expliquer. La trachée du cygne est fortement contournée et forme un tube comparable "à une trompette. Il est possible qu’un projectile atteignant les voies respiratoires diminue la force du courant d’air ou brise le. syrinx, la « boîte à sons ». provoquant un chant mélodieux.
- Malgré la valeur d’une telle explication on peut encore préférer des témoignages directs, demander des observations et des expériences. Qui se mettra à l’écoute, notera ou enregistrera la mélodie, cherchera à provoquer des variations ? Beau sujet pour un naturaliste musicien !
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- LANCEMENT DES NAVIRES SUR BILLES
- La mise à l’eau des navires, à l’achèvement de leur construction, pose un problème qui n’a jamais été résolu de façon complètement satisfaisante. Ces masses énormes doivent être lancées, ou plutôt « lâchées » sur une glissière inclinée, la cale de construction, ce qui occasionne des frais énormes, pouvant atteindre plusieurs millions rien que pour le suif de graissage, et ne va pas sans danger, car si le navire se coince et ne peut être dégagé, il doit être démoli.
- En outre, la sujétion de construire le bâtiment incliné de 4 à 5 pour xoo sur l’horizontale soulève des multitudes de difficultés techniques. Des constructions en cale sèche, c’est-à-dire dans un bassin vide, ont été exécutées en divers pays et un grand chantier français a construit avant-guerre une forme-écluse de ce type, permettant de mettre à flot des bâtiments très importants par simple introduction d’eau dans la forme. Malheureusement, cette solution est extrêmement onéreuse, du fait de l’occupation prolongée de la forme, et il est peu probable qu’elle tende à se généraliser.
- Les Japonais, qui manquent presque totalement de corps gras, ont mis au point une méthode hardie de lancement sur billes géantes... Disons tout de suite que ces sphères d’acier, assez grossièrement usinées, sont capables de supporter individuellement 5o t et qu’on en emploie plus de 3 ooo pour un poids total à lancer de 6 ooo t ! C’est dire que la marge de sécurité est considérable (1).
- 1. Shipbuilding and Shipping Record, 8 mars 1951 et Bulletin technique du Bureau Veritas, juin 1951. Nous devons à la courtoisie du Bureau Veritas les photographies qui illustrent cet article.
- Suivant l’usage, la coque du navire est posée sur un énorme berceau en charpente, dont la base forme patins. Mais au lieu que les patins reposent directement — ou du moins par l’intermédiaire d’une mince couche de suif — sur les coulisses fixes de la cale, deux ou trois rangées de billes se trouvent interposées sous chaque patin. Ces billes roulent sur des tôles de 18 mm d’épaisseur; l’épaisseur de ce chemin de roulement est doublée au point critique où le berceau bascule en s’appuyant sur son arrière (extrémité située du côté proue) du fait que la poupe pénètre dans l’eau et commence à flotter.
- Les billes ont 90 mm de diamètre et sont simplement tournées dans des barres d’acier à haute teneur en chrome. Elles ne risquent pas de rouiller. Leur « tolérance », assez gros-
- San Pedro Maru Sakura Varna
- Longueur entre perpendiculaires (m). iG3 1.35 133
- — du berceau (m) . i44,3 109,2 109,2
- Pente de la cale 1/ao,5 1/20,5 I/20,5
- Largeur des coulisses (m). 0,9 0,9 0,9
- Poids total de lancement (t) . 6 234 3 730 3 770
- Charge moyenne par bille au départ (t). Pression sur le brion pendant le pivo- 2,2 1,72 i,?4
- tement (t) 1 8n 94o 900
- Nombre de billes utilisées .... 3 4 02 2 616 2 GiG
- Vitesse maximum de lancement (m/s). 11,61 10,6 xi,4o
- Fig. 1. — Lancement d’un navire sur billes. Fig. 2. — Un châssis de douze billes.
- A.u premier plan, un groupe de billes sur les chemins de roulement On aperçoit en dessous les chemins de roulement en tôle de 18 mm.
- de la cale.
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- Serceau Tôle 18 mm
- -Guide 'Tôle 18 mm
- "Châssis
- WOmm
- Section
- 250mrg. t 500mm ^.pOmm
- châssis
- à bilfes
- Berceau
- Fig. 3. — Disposition des billes entre les patins du berceau portant le navire et les chemins de roulement de la cale.
- sière, est de + o,oo3. Des essais précis ont prouvé qu’elles pouvaient supporter 5o t sans déformation appréciable.
- Ces billes sont conduites par des guides latéraux, qui sont des carrés d’acier de 25 mm, chanfreinés à 45°. Le coefficient de frottement sur les tôles formant le fond du chemin de roulement se trouve abaissé, par l’interposition des billes, à 0,026, c’est-à-dire qu’il faut appliquer une force de 25 kg par tonne de navire et de berceau, pour faire avancer l’ensemble. Détail important, ce coefficient n'est pas plus grand au départ qu'en mouvement, ce qui dispense d’installer des vérins de poussée pour déclencher le lancement.
- Le berceau, naturellement, avance deux fois plus vite que les billes. Il est donc nécessaire d’installer, sur tout le chemin à
- parcourir, des châssis garnis de billes. Ces châssis, réalisés en tôle, présentent douze logements où les billes sont réparties en trois rangées de 4, les tôles maintenant leur espacement.
- Il semble que tous les apparaux de lancement puissent servir de nombreuses' fois. Le prix de revient des billes et des chemins de roulement est d’environ 2 5oo 000 yens, soit à peu près 2 5oo 000 francs, tandis que le suif nécessaire pour un seul lancement coûte environ 800 000 yens. Le dispositif à billes serait donc payé en trois lancements. Le tableau ci-dessus réunit les caractéristiques de trois lancements effectués avec succès au Japon par le système à billes.
- Pierre Devaux.
- LA VIE DANS LES MERS A 10000 m DE PROFONDEUR
- LE VOYAGE AUTOUR DU MONDE DE LA FRÉGATE DANOISE « GALATHEA »
- Depuis la fin des hostilités, les expéditions océanographiques reprennent peu à peu à travers le monde. Elles continuent les études antérieures interrompues et abordent d’autres problèmes, avec des moyens techniques nouveaux dont beaucoup sont nés en ces dix dernières années, souvent du fait même de la guerre. Les océans recommencent à être parcourus par des navires scientifiques dont on suit passionnément les exploits et les découvertes.
- Malgré les destructions qui ont provoqué partout une pénurie de tonnage, malgré le coût de plus en plus élevé des voyages maritimes, beaucoup d’états organisent ou favorisent des recherches océanographiques, dont ils attendent toutes sortes de renseignements et de directives pour leur politique prochaine. Depuis le débarquement de Normandie et l’écroulement du
- mur de l’Atlantique, le dogme de l’impossibilité des invasions par mer a vécu, et comme le disait récemment un hydrographe, on demande maintenant d’ajouter aux cartes marines indiquant les routes navigables d’autres cartes côtières fournissant toutes les données pour des échouages, selon le temps et la marée.
- La lutte sous-marine et la défense du littoral ont conduit à développer les plongées dont les techniques sont devenues si sûres qu’on a vu naître un sport nouveau actuellement en pleine vogue.
- Les soucis du ravitaillement en nourriture attirent de plus en plus l’attention sur les animaux marins comestibles, depuis les baleines, grande source de matières grasses, jusqu’aux poissons dont les bancs fournissent un aliment comparable à la
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- viande. L’abondance des pêches dépend des conditions physiques du milieu et des concentrations de chaque espèce, qu’on s’applique partout à déterminer exactement.
- Le développement de l’aviation a changé les routes du monde et notamment favorisé les voyages transpolaires qui ont conduit à des aménagements des côtes arctiques. L’aviation transatlantique est devenue si active qu’elle a incité à créer tout un réseau international de stations permanentes auquel la France participe par ses frégates météorologiques.
- Enfin, les progrès des radiocommunications ont abouti à rendre possible la navigation sans visibilité, par le radar et les systèmes d’ondes aériennes dirigées, tandis que l’exploration sous-marine s’est enrichie des techniques sonores, ultra-sonores et asdic qui facilitent les sondages et l’écoute sous l’eau.
- A cela, il faut encore ajouter l’intérêt croissant porté à l’Antactique et à l’Océan Austral que de nombreux navires parcourent chaque été, les prospections et les exploitations de pétrole sous-marines, près des côtes, sans parler des développements de l’étude des sédiments aux points de vue les plus divers : leur vitesse de formation, leurs déplacements, leur composition et leur évolution.
- L’océanographie, carrefour de très nombreuses sciences, utilise toutes les techniques qui voient le jour. Elle s’en sert pour de nouvelles applications, non seulement aux problèmes pratiques, nationaux, vitaux, de la défense et de l’économie du globe, mais aussi à l’explication des grands phénomènes de la surface terrestre : formes et déformations de la terre, circulation de l’atmosphère et de l’hydrosphère, constitution des fonds, etc. Elle emprunte à la météorologie ses moyens de prospection et ses idées sur les mouvements des fluides; elle demande à la radioactivité de dater les fonds qu’elle sonde; elle cherche dans les isotopes des moyens de suivre les cycles de chaque élément de matière; elle se sert des ondes pour enregistrer toutes les discontinuités.
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- A cet immense effort de recherches, chaque pays participe inégalement.
- Les Etats-Unis ont dû pendant la guerre traverser tout le Pacifique, combattre de mer en mer, d’île en île et ils ont ainsi appris à connaître cet océan sous tous ses aspects. Depuis, ils ont dû parcourir, et les Canadiens autant qu’eux, tout l’extrême nord de leur continent. Ils ont aussi débarqué dans l’Antarctique qu’ils ont survolé à peu près totalement.
- Les Anglais se sont partagés entre leurs mers bordières et leui’s îles australes, soucieux entre autres de leur ravitaillement.
- Les Allemands, disparus pour un temps des mers, commencent à reprendre modestement leurs travaux.
- Des Russes, on ne sait rien dire, mais tout au moins leurs activités arctiques ne sont pas douteuses et s’amplifient.
- L'a France, appauvrie, essaie d’apporter sa part. Grâce à 1 ’Elie Monnier, elle a bien mis au point les techniques des plongées sous-marines; ses frégates météorologiques montent la garde au large du Portugal, elles y accumulent données météorologiques et accessoirement océanographiques ; le Commandant Charcot a par trois fois navigué jusqu’à la Terre Adélie, multipliant sur ses routes les observations aériennes et hydrographiques. Elle a encore à la mer quelques autres bâtiments de recherches, mais ne peut guère envisager actuellement de longues et -coûteuses expéditions.
- Les Scandinaves ont de tout temps été de grands navigateurs. Dès la fin de cette guerre, ils ont repris leurs traditions. La Norvège a recommencé les études de pêches au large de ses côtes. La Suède, avec VAlbatross de Pettersson, vient d’accomplir un sensationnel voyage autour du globe au cours duquel ont été prélevés dans toutes les mers du monde des sédiments dont l’étude au laboratoire est en cours. Enfin, le Danemark,
- depuis longtemps siège du Conseil international pour l’exploration de la mer, où Johs Schmidt avait acquis une renommée mondiale par ses multiples expéditions à bord du Thor et du Dana, dans l’Atlantique puis autour du monde, notamment à la recherche des extraordinaires migrations des anguilles, a armé un nouveau navire, la Galathea pour faire dans toutes les mers des pêches aux grandes profondeurs, en vue de connaître jusqu’où la vie peut se manifester.
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- La Galathea est une frégate de la marine royale danoise, spécialement équipée pour cette expédition. C’est un navire de 80 m de long, déplaçant i 63o t, mû par deux turbines Parsons, ayant une vitesse maximum de 16 noeuds. On l’a pourvu d’un radar, d’un dispositif Loran, d’un sondeur par écho pour grandes profondeurs, d’un frigorifique, d’un treuil avec 16 ooo m de câble, de dragues, de bennes preneuses de fonds, et aussi d’un globe en métaux non magnétiques,. capable de résister à i ooo atmosphères de pression, enfermant des instruments de mesure du magnétisme. Le chef scientifique de l’expédition est le Dr Anton Fr. Bruun, de l’Université de Copenhague, élève du Dr Johs Schmidt. L’état-major scientifique compte 12 à i4 personnes dont plusieurs océanographes étrangers. C’est ainsi que le Dr Zo Bell, de la Scripps Institution des États-Unis, spécialiste de la bactériologie marine, a déjà recueilli à bord des microbes provenant de la fosse des Philippines, par plus de io ooo m, dont certains semblent avoir des activités qui ne seraient pas sans liaison avec la genèse des pétroles; le Dr Kullenberg, de Gotheborg (Suède), à qui l’on doit les carottiers de VAlbatross, a appliqué aux plus grands fonds les méthodes acoustiques de la géophysique et prélevé de grandes épaisseurs de sédiments; le Dr Davies, de la Division des Pêcheries du Cap, a collaboré a la vaine recherche d’un poisson extraordinaire, Latimeria, trouvé une seule fois en 1909 sur la côte orientale d’Afrique; des zoologistes de l’Inde, du Siam, des Philippines, ont participé à certaines opérations.
- L’activité de l’expédition est centrée sur l’étude des êtres vivants des plus grandes profondeurs. Pour cela, la bobine du treuil est équipée du plus long et du plus robuste filin qu’on ait jamais réalisé; son diamètre, croissant selon la longueur déroulée, va de 2 à 22 mm, sa résistance à la rupture de 7 à 34 t. Il a servi jusqu’aux plus grands fonds, connus, plus de 10 3oo m dans la fosse des Philippines. Il y a descendu aussi bien le carottier de Kullenberg que la benne preneuse de Petersen, et les a remontés sans incidents. C’est ainsi que l’on a obtenu des bactéries vivantes des plus grands fonds. La benne Petersen qui mord le fonds et en se fermant en emprisonne une surface déterminée toujours la même permet des comptages comparatifs ; Spârck a déjà fait connaître les premiers résultats obtenus au large de la côte occidentale d’Afrique jusqu’à 3 782 m; depuis, la benne Petersen a dépassé 10 3oo m et l’on a eu la surprise d’y trouver des Holothuries, des Actinies, des Echiurides, des Amphipodes qui montrent que la mer est habitée jusqu’en ses abysses. L’étude des espèces nouvelles recueillies est déjà en cours.
- Rappelons encore que le Dr Nielsen a entrepris, au moyen du compteur de Geiger, la mesure du carbone radioactif introduit dans l’eau et fixé par le plancton, en vue d’aborder l’étude des échanges nutritifs et de la productivité des mers, dont j’ai déjà signalé l’intérêt dans La Nature (n° 3x95, 1 g51, p. 206).
- La Galathea, partie de Copenhague le i5 octobre 1960, a fait d’abord escale à Plymouth, puis a parcouru l’Atlantique à l’ouest de l’Afrique jusqu’au Cap. Après avoir séjourné au large du Natal à la recherche du Latimeria, elle a traversé l’Océan Indien jusqu’à Ceylan, puis a atteint les Philippines à l’est desquelles se trouve la plus profonde fosse du monde,
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- celle de Mindanao. Elle doit encore parcourir le Pacifique central jusqu’à Panama avant de rejoindre l’Europe l’an prochain, en octobre.
- On ne peut qu’admirer — avec un peu d’envie — l’effort actuel des Danois pour continuer leurs traditionnelles activités scientifiques, particulièrement sur les mers, et regretter que nous ne puissions participer plus et mieux aux recherches nouvelles qui transforment une fois de plus nos connaissances et nos idées sur le milieu océanique.
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- Je désirerais profiter de cette expédition de la Galathea pour rappeler certains points de la découverte progressive des mers. J’ai déjà essayé de l’esquisser il y a quelques années, dans un petit livre (1), mais il devient permis d’y ajouter quelques détails plus récents.
- Longtemps on ne connut des mers que ce qu’on en voyait, les côtes et la surface où l’on naviguait. Les sondages s’arrêtaient à quelques brasses. Pour la plupart des Anciens, la Terre était plate; la Méditerranée seule comptait, entourée de terres mal définies que bordait un anneau d’eau, le fleuve Océan. Ce n’est guère qu’au xv6 siècle qu’on acquit la certitude d’un monde beaucoup plus étendu, les côtes d’Afrique découvertes progressivement par les Portugais jusqu’à l’Océan Indien où l’on retrouvait Arabes et Chinois, l’Atlantique traversé par Christophe Colomb, en attendant le premier tour du monde de Magellan. Les eaux arctiques, fréquentées par les Scandinaves, puis les Russes., ne révélèrent leurs mystères qu’au xix6 siècle; l’Anlarctique ne fut aperçu par Cook qu’en 1773. Les pôles eurent leurs premiers visiteurs seulement au début de ce siècle. Aujourd’hui ia forme de la Terre est déterminée par de nombreuses mesures; toutes les terres, toutes les mers ont été vues; toutes les côtes ou presque ont été survolées et photographiées; il ne reste plus d’îles ou de terres de quelque étendue à découvrir; la géographie de surface est fixée; les cartes ont été complétées peu à peu; il n’y a plus à discuter que des formes des rivages, de leur origine et de leur évolution.
- Les fonds des océans sont loin d’être aussi parfaitement connus. Cela tient aux difficultés des sondages au fil, les seuls qu’on savait pratiquer avant la guerre de 191/b Pour exécuter un sondage, il fallait réunir les conditions suivantes : un beau temps calme; un navire immobile, stoppé durant un long temps pour les manœuvres; un plomb de sonde très lourd à la descente, délesté avant la remontée; un fil de sonde aussi léger, résistant et rectiligne que possible. Les anciennes lignes de sonde en chanvre étaient si grosses, si lourdes, si rugueuses et si déformables dans l’eau qu’on n’opérait guère que par petits fonds. Magellan qui le premier voulut sonder dans le Pacifique, après avoir noué bout à bout tous les filins de son navire pour atteindre 700 m, ne toucha pas le fond et en fut étonné. Plus tard, d’autres filèrent 10 ou i5 km de ligne sans sentir le fond et annoncèrent des profondeurs excessives. Ce n’est qu’après l’expédition du Challenger qu’on employa un fil d’acier enroulé sur une bobine et une machine à sonder à rotation rapide, à amortisseurs de chocs et de roulis. Malgré tout, les sondages au delà de 1 000 m restaient laborieux et très peu nombreux et la configuration du fond des océans demeurait inconnue. Les sondages au son, exécutables en marche, ont résolu le problème et tous les grands navires étant maintenant pourvus d’appareils enregistreurs continus, les renseignements s’accumulent rapidement; leur dépouillement donne une image de plus en plus précise et détaillée du fond de toutes les mers. Le premier sondage au son qui indiqua plus de xô 000 m fut obtenu par VEmden en 1927 dans le Pacifique, à l’est des Philippines.
- 1. R. Legendre. La découverte des mers. Collection « Que sais-je P ». Presses Universitaires de France, Paris, 1948.
- C’est dans cette fosse que la Galathea vient de récolter des fonds peuplés d’animaux. On imagine les difficultés d’une telle pêche, l’outillage et les manœuvres qu’elle nécessite.
- La possibilité de vivre aux grandes profondeurs a été longtemps niée ou discutée. L’argument des fortes pressions, souvent mis en avant, n’a que peu de valeur pour des animaux sans poumons ni vessie natatoire, n’enfermant pas de gaz compressibles. Mais bien d’autres conditions du milieu sont défavorables. Les eaux profondes des océans sont froides, leur température est- voisine de o°. La tension d’oxygène dissous est faible, la grande source de cet élément étant l’assimilation chlorophyllienne des algues, possible seulement à la lumière, près de la sui’face; plus bas, le phytoplancton ne pénètre pas, l’oxygène diminue ou même en certaines régions disparaît sur le fond tandis, que se forme de l’hydrogène sulfuré abiotique par des fermentations anaérobies. La nourriture est rare et n’est plus guère formée que de cadavres et de débris en décomposition descendant lentement des couches supérieures ; sur les fonds, les l’ares êtres qui persistent doivent se contenter d’ingérer des boues qui se déposent, sédiments en formation.
- Il est difficile de juger des profondeurs exactes d’où proviennent les animaux qu’on capture dans des engins remontés ouverls. C’est ainsi qu’on a souvent considéré comme abyssaux des êtres pris dans des filets descendus à plusieurs milliers de mètres, bien qu’ils aient pu être recueillis à des profondeurs moindres pendant la remontée. Rappellerai-je que j’ai trouvé dans des estomacs de germons pêchés à la ligne en surface de nombreuses espèces souvent indiquées comme se tenant en profondeur. Enfin, on sait maintenant que beaucoup d’animaux planctoniques effectuent chaque jour de très grands déplacements verticaux de la surface aux zones obscures où la lumière ne les atteint plus. On réalise depuis peu seulement des engins s’ouvrant et se fermant à des profondeurs déterminées, qui donnent l’assurance du niveau où l’on fait des captures. Sur les fonds, la cei’tilude est plus grande quand on emploie des dragues, des bennes se fermant sur le sol ou qu’on remonte des objets portant des animaux fixés.
- Ce n’est qu’au xvme siècle qu’on commença à draguer; en x779, O. J. Müller descendit une drague à huîtres jusqu’à 5o m. En 1818, John Ross remonta de 1 83o m sous son plomb de sonde une vase contenant des animaux vivants. En i835, Michael Sars dragua jusqu’à 600 m, mais peu après Forbes soutenait encore que la vie s’arrêtait sur les fonds vers 5oo m. Les discussions continèrent jusqu’à ce que Milne-Edwards eût reconnu en 1860, sur un fragment du câble sous-marin rompu entre la Sardaigne et l’Algérie et remonté de 2 000 m une huître, deux Pecten et des polypiers fixés. Depuis, les recherches ont continué de plus en plus bas et on a trouvé des êtres vivants jusqu’à 7 000 m,. La Galathea, par ses récoltes dans la fosse des Philippines, au delà de 10 000 m, a définitivement résolu la question : la vie reste possible jusque sur les plus grands fonds; et si ceux-ci sont très faiblement peuplés, comparés aux zones peu profondes, ils n’en offrent pas moins un champ nouveau d’explorations zoologiques où les nouveautés et les surprises ne manqueront pas.
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- Telles sont les multiples raisons de l’intérêt qu’on doit porter à la ci’oisière actuelle de la Galathea. Il reste à lui souhaiter une heureuse fin de voyage et à attendre impatiemment son retour, puis l’étude et la publication de ses découvertes.
- René Legendre, Professeur honoraire à l’Institut océanographique.
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- LES DERNIERS TERRITOIRES RATTACHÉS A LA FRANCE
- LA HAUTE-ROYA
- La Haute-Roya est une région s’étendant vers le nord-est de Nice. Cette contrée, d’une superficie relativement faible, comprend — géographiquement — le cours supérieur de la Roya et de ses affluents entre Breil, Fontan, Saint-Dalmas et Tende. Certains territoires essentiellement montagneux et parsemés de lacs, situés au nord de la Haute-Vésubie et à l’est de la Haute-Tinée, sont également rattachés à la région de Tende qui, depuis 1860, aurait dû appartenir à notre patrimoine national (fig. 1). En effet lorsque, en mars 1860, la Savoie et le Comté de Nice furent annexés à la France par le traité de Turin, le ministre italien Cavour obtint de l’empereur Napoléon III de garder les terres du versant français des Alpes-Maritimes avoisinant la haute vallée de la Roya, où le roi d e Sardaigne Victor - Emma-nu e 1 II aimait pratiquer la chasse au chamois, et cela, principalement dans le massif du Mercantour qui s’élève, au nord de Saint-Martin-Vésubie, à 2 775 m d’altitude environ.
- On sait que le chamois se rencontre assez fréquemment dans les montagnes des hautes Aillées de nos Alpes de Provence.
- Voici seulement quatre ans que le traité de paix avec l’Italie, signé à Paris le 10 février 1947 et ratifié le i5 septembre de la même année, permit à la France de rattacher à ses provinces méridionales les territoires des hautes vallées de la Roya, de la Vésubie et de la Tinée, considérés durant de si longues années comme annexés à l’Italie. La nomrelIe frontière fut fixée sur la ligne de partage des eaux.
- Par le plébiscite du 12 octobre 1947, les populations de Tende et de La Brigue exprimèrent en toute liberté leur volonté de rattachement à la France par 2 385 voix de majorité. Aussitôt les résultats officiellement publiés, les « Tendasques » ne manquèrent point de pavoiser aux couleurs françaises les principales artères de leur vieux bourg, notamment la place Vincent Auriol et l’ave-, nue Georges Bidault qui venaient d’être « baptisées » en hommage à ceux qui contribuèrent au rattachement de ces communes.
- Notons que la Haute-Roya proprement dite ne compte que 5 communes : Breil-sur-Roya, Saorge, Fontan, La Brigue et Tende; seules, en 1860, ces deux dernières étaient restées à l’Italie.
- Sur le plan économique, ce sont surtout des usines hydroélectriques qui font la richesse de la contrée; il s’y ajoute des exploitations forestières.
- Nous ne nous étendrons pas sur les localités qui sont françaises depuis l’annexion du Comté de Nice.
- Nous partirons de Breil-sur-Roya, chef-lieu de canton du département des Alpes-Maritimes qui est également celui des localités rattachées (fig. 2).
- Breil est un gros bourg pittoresque de 1 4oo habitants environ qui s’allonge au long de la Roya, au pied de la tour Crivella, à une altitude Avariant de 286 à 3io m. Une route de 66 km y conduit de Nice, par l’Escarène, le col de Braus (1002 m), Sos-pel et le col de Brouis (880 m) ; c’est la « Nationale 204 ». De Menton, par le col de Castillon (771 m) et Sospel, on ne compte que 44 km (N. 566 et 204). Enfin, de Vintimille, en remontant la vallée de la Roya à travers des gorges sinueuses, il y a 25 km dont 6,5 seulement, entre la nouvelle frontière et Breil, sont en territoire français. Par la voie ferrée, Nice et Breil ne sont distants que de 44 km. Par le rail, il n’y a que xi km entre Sospel et Breil alors que par la route, on n’en compte pas moins
- de 23. Le chemin de fer de Nice à Breil traverse successivement les vallées du Paillon, de la Bévera et. de la Roya ; la ligne comporte de nombreux ouvrages d’art dont les principaux sont le tunnel de Cara-bacel, de 661 m, entre les gares de Nice-Ville et de Nice-Saint-Roch; le viaduc d’Erbos-siera, avec une arche principale de 36 m d’ouverture; le tunnel de Santa-Augusta, d e 752 m; le viaduc de l’Escarène, de 4o m de hauteur, avec ses xi arches de i5 m; le souterrain du col de Braus, d’une longueur de 5 939 m, dans lequel la voie pénètre en quittant la station de Touët-de-l’Escarène; viennent ensuite, le curieux viaduc de la Bévera, puis, le souterrain du Mont-Grazian, long de 3 387 m, qui, avant le rattachement, se trouvait en territoire italien. Avant Breil, on traverse le tunnel de Caranca, long de 916 m. De Breil, qui était gare internationale avant-guerre, une ligne italienne de 23 km descendait la vallée de la Roya jusqu’à Vintimille.
- La ligne Nice-Bi’eil-Coni (Cuneo en italien), longue de 123 km, ne comportait pas moins de deux cents ouvrages d’art d’une certaine importance dont io5 tunnels (d’une longueur totale de 60 km) et 85 ponts ou xdaducs dépassant 10 m d’ouverture (longueur totale : 6 5oo m), sans parler de nombreux murs de soutènemeixt et ouvrages annexes. Par suite des événements de guerre, la plupart des ouvrages d’art entre Breil et ViéArola sont détruits. Leur reconstruction entraînerait des dépenses considérables et n’est pas encore envisagée. La ligne n’est donc plus exploitée entre Breil et Limone-Piémont (Italie), sur 56 km. Le souterrain du col de Tende qui passe sous la chaîne frontière n’a subi aucun dommage; d’une longueur de 8 098 m et ayant son point culminant à la cote 1 o4o, il compte parmi les grands tunnels transalpins.
- D’autres ouvrages d’art seraient à remettre en état : le pont de Saorge qui franchissait, à 60 m de hauteur, par une arche de 4o m d’ouverture, le torrent de fa Roya; après la gare de Fontan-Saox’ge, le viaduc de Scarassoui (fig. 3) qui enjambait le
- Fig. 1.
- Les territoires de la Haute-Roya récemment rattachés à la France
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- même torrent à une hauteur de 52 m et dont l’arche principale, de 48 m d’ouverture, est également détruite; à l’issue de ce viaduc, le souterrain hélicoïdal de Berghe qui, sur i 885 m, s’élève de 35 m et présente des éboulements; après Saint-Dal-mas-de-Tende, un tunnel hélicoïdal de i 807 m; le tunnel de La Brigue, de 1 584 m, et, entre Tende et Viévola, un autre souterrain hélicoïdal et deux autres tunnels séparés par un viaduc franchissant route et torrent. Seuls, avant la gare de La Brigue, un pont sur la Levense, affluent de la Roya, et le viaduc sur la Roy a même, près de la gare de Tende, sont intacts. Le pont sur la Levense a été rétabli, avant la cession à la France, par les autorités italiennes. En résumé, c’est entre Breil et Viévola, sur un parcours de 36 km, que la voie ferrée est la plus endommagée.
- De Breil à Tende, la route est longue de 21 km; elle est dominée par des montagnes de 1 600 m environ. A 2 km de Breil, au hameau de la Giandola, la route nationale 2o4 venant de Nice rejoint celle de Vintimille. Remontant continuellement la vallée de la Roya, elle pénètre bientôt dans les gorges de Saorge dont le village de même nom, de 56o habitants, apparaît très curieusement « perché » à 520 m d’altitude au-dessus de pentes abruptes couvertes d’oliviers; ses maisons étagées, ses trois églises, les hautes falaises qui bordent la route et le torrent, en font un site austère. On .traverse Fontan (434 m; 74o habitants), qui était avant 1947 le dernier village français de la vallée, relié à Saorge par une route carrossable de 2,5 km. Fontan montre une usine hydro-électrique et, à la sortie du bourg, l'ancien bureau de la douane. Peu après, la route passe sous le viaduc de Scarassoui et, taillée à flanc de rocher, se poursuit à travers les grandioses goi'ges de Berghe, abruptes et sauvages, qui constituent l’un des plus beaux défilés des Alpes.
- D’énormes roches barrent, çà et là, le torrent de la Roya.
- C’est au milieu de ces gorges étroites, à 3 km de Fontan et à la cote 525, en un point où se trouvent un barrage et ûne usine hydro-électrique (italienne jusqu’en 1947), que passait l’ancienne frontière de 1860. Depuis le rattachement, les populations de Tende et de La Brigue ont fait apposer, pour exprimer leur satisfaction, un écriteau commémorant en termes reconnaissants, le « retour » à la France de ces communes qui, de cœur, étaient restées françaises.
- Après Berghe, la route continue de s’élever. A la sortie des gorges, après avoir dépassé le chemin muletier du hameau de Granilé (à 1,2 km environ), deux ponts de la voie ferrée et une importante centrale hydro-électrique, aujourd’hui sous le contrôle de l’Électricité de France (fig. 4), la vallée s’élargit quel-
- Fig. 3. — Le viaduc de Scarassoui, sur la ligne de Nice à Coni, haut de 52 m, dont la grande arche a été détruite pendant la guerre.
- En avant, la Roya à la sortie du défilé de Berghe.
- (Collection du Syndicat d’initiatives de Tende et de la Haute-Roya).
- que peu. On pénètre alors dans le petit bassin verdoyant de Saint-Dalmas-de-Tende.
- Saint-Dalmas, à 696 m d’altitude (fig. 5), est un riant hameau d’une certaine importance, comptant 520 habitants et dépendant de la commune de Tende. Comme à Fontan, sa rue principale s’allonge au long de la route nationale. Sa gare, que ne dessert plus aucun train, est animée pendant l’été par une colonie de vacances de la S.N.C.F. A 4,5 km de l’ancienne frontière, cerné de bois de châtaigniers, Saint-Dalmas possède quelques ressources hôtelières et un établissement hydrothérapique situé non loin d’un ancien monastère. C’est un centre d’excursions; les touristes séjournant dans la contrée ne devront pas manquer de remonter vers l’ouest par un bon chemin muletier qui serpente tout au long d’un torrent dans une région de montagnes dont l’altitude varie de 1 800 à 2 200 et 2 700 m. Ce chemin, entretenu en partie par l’E.D.F., permet d’atteindre, en première étape, le lac des Mesches, au confluent de deux tori’enls (petite usine électrique avec barrage et refuge du Club Alpin Français; téléphérique en projet) d’où un chemin monte, vers le nord-ouest, jusqu’au hameau de Casterine (deux auberges), au pied du Mont Chagiole (2 293 m). En prenant le chemin qui conduit au hameau montagnard de la Minière, puis, au sud du Mont Bego, qui se dresse, aride et abrupt, à 2 8~3 m, on parvient, à l’est de la cîme du Diable (2 687 m), aux lacs des Merveilles (6 h de marche; refuge du C.A.F.), à l’extrémité de la vallée de même nom. Dans les parages immédiats de ces lacs et surtout vers le Mont Bego où l’on peut remarquer près de 1 200 bas-reliefs préhistoriques gravés dans le roc, des figures ou signes taillés sur les rochers apparaissent un peu partout. Il en existerait plus de i5 000 dans cette contrée. Selon des archéologues, ces entailles auraient été pratiquées par d’anciennes peuplades ligures à l’âge du bronze et au début de l’âge du fer. Lin sentier muletier monte vers le Mont Bego et un autre vers la Haute-Yésubie. Cette belle région alpestre est arrosée par de nombreux torrents. En haut de St-Dalmas, une route se greffant sur la « Nationale 204 », traverse la Roya sur un beau pont de pierre — reconstruit par les Italiens — et s’engage dans le vallon de la Levense dont elle remonte le cours en passant sous un pont de l’ancienne ligne Nice-Coni et devant les bâtiments désaffectés de la gare de la Brigue qui desservait autrefois la localité appelée aujourd’hui La Brigue-de-Nice. Celle commune (765-
- Fig. 2. — Breil-sur-Roy a (Alpes-Maritimes).
- Au premier plan, la gare.
- (Photo communiquée par le Syndicat d’initiatives de Breil).
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- 780 m), à 2,5 km seulement de Saint-Dalmas, compte un millier d’âmes (les Brigasques) ; c’est un bourg très ancien, aux ruelles étroites et tortueuses et aux maisons pressées. L’église paroissiale, de style roman avec des influences ogivales date du début du xvie siècle; un beau clocher lombard et un petit campanile l’agrémentent. Une antique tour sarrasine forme toile de fond avec un écran de montagnes que dominent vers la frontière les Monts Bertrand (2 48i m) et Saccarello (2 200 m).
- La route continue sur quelque 5 km jusqu’au lrameau de Morignol qjui s’élève à 980 m d’altitude, sur les contreforts du Mont Bertrand, dans un beau site de montagnes, agrémenté de torrents, de forets de sapins et de châtaigneraies. À mi-route, au lieu-dit « Pianesse », lin chèmin de chars conduit à Notre-Dame-des-Fontaines (889 m), sanctuaire renfermant de jolies fresques de 1492, dans un site boisé, près de fontaines intermittentes d’où un sentier conduit à l’est au Mont Saccarello.
- Reprenant la N. 204, on remonte sur 4 km la vallée de la Roya, élargie et tapissée de prairies et on atteint Tende (8i5 m).
- Tende est une petite ville très ancienne de 2 5oo habitants environ (fig. 6) qui s’étage pittoresquement au flanc d’une colline que couronnent les ruines (vestiges peu importants) de l’ancien château des Lascaris, près d’une vieille tour (avec horloge) qui domine.
- Le château des Lascaris, appelé aussi communément « Château Béatrice », date de la fin du xme siècle. Il n’en reste plus qu’un vestige haut de 20 m. Ce château devait être une « sentinelle » vigilante, commandant cette haute vallée mais, le
- Fig. 4. — La centrale hydroélectrique de Saint-Dalmas, exploitée * maintenant par VE. D. F.
- (Collection du S. I. de Tende et de la Haute-Roya).
- Fig. 5. — Saint-Dalmas-de-Tende. Le bourg et la gare.
- (Collection du S. I. de Tende et de la Haute-Roya).
- 26 mars 1692, le chevalier de la Fare donna ordre de le démanteler dans un délai de quinze jours.
- Tende a conservé cei’taines vieilles coutumes. C’est ainsi qu’en dehors de quelques fêtes locales ou folkloriques, on y célèbre la foire des Bergers et la Saint-Éloi, patron des Muletiers, donne lieu chaque année à une cavalcade de mulets qui, revêtus des plus beaux atours, vont en procession se faire bénir.
- Le vieux Tende est un labyrinthe de rues grossièrement pavées, très étroites et en plan incliné. Les maisons, couvertes d’ardoises, obscures et blotties les unes contre les autres, s’épaulent et s’accrochent en amphithéâtre à la colline sur laquelle elles sont bâties. Deux portes du Moyen Age et une église du xme siècle, en marbre de la Roya, avec un portail Renaissance, sont, avec les ruines du château, les principales curiosités du vieux bourg. La ville basse (fig: 7) est plus moderne. Cinq hameaux se rattachent à Tende- : Granilé, qui précède Saint-Dalmas; La Pia, sur le torrent du Freddo, affluent de la Roya; Viévola, à 5 km vers le nord, sur la route du col de Tende; Casterine, à l’ouest, au cœur des montagnes, entouré de bois de mélèzes; enfin, au sud, Saint-Dalmas même qui n’est que hameau bien que possédant église, poste et écoles.
- De Tende, on peut effectuer diverses excursions. Vers le nord-est, 12 km de sentiers conduisent au Mont Marguareis qui s’élève à la nouvelle frontière, à 2 C5i m d’altitude; du sommet se découvre un panorama splendide vers tous les horizons.
- Vers le nord, à 5 km, la route internationale conduit au hameau de Viévola ou Viève (997 m; 200 habitants environ), puis s’élève par des lacets serrés, dans un beau décor de montagnes et à travers des gorges, jusqu’à la cote 1 279 qui marque l’entrée du tunnel routier du col de Tende, long de 3 36o m. Le tunnel débouche à la cote x 32i, en territoire italien, dans la vallée du Vermenagna. C’est la route n° 20 qui se dirige vers Coni et Turin. Par une série de lacets, on peut redescendre jusqu’à la petite cité piémontaise de Limone (1 009 m), station climatique et centre de sports d’hiver assez bien aménagé; la façade de son église du xu° siècle est décorée de jolies fresques du xv®.
- Du col de Tende, à 1 870 m, une route italienne (réglementée) descend, sur le versant opposé, dans la vallée du Vermenagna. Une cime voisine s’élève à 1 908 m. Du sommet du col, les alpinistes atteindront, sans difficulté, la pointe de l’Abisso (2 755 m), vers l’ouest, d’où l’on découvre un panorama merveilleux sur la plaine du Piémont et sur une partie de la chaîne des Alpes que le Viso couronne avec majesté de ses 3 841 m.
- Par le sentier muletier descendant du col, on peut atteindre les bois de mélèzes environnant le hameau alpin de Casterine
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- Fig. 6. — Tende. Vue de la vieille ville, Vers le col de Tende.
- (Collection du S. I. de Tende et de la Haute-Roya).
- ou, en direction du Mont Clapier (3,o45 m), les lacs de Val-masque (2 221 m; refuge du C.A.F.), Inférieur, Supérieur, des Agneaux (ou de l’Agnel), etc. Le massif du Grand-Capelet se dresse, p. 2 904 m d’altitude, entre ceux du Mont Clapier et de la cime du Diable. C’est là le cœur de la « Suisse niçoise ».
- Plus loin, vers la Haute-Vésubie, on trouverait les hautes vallées de la Gordolasque, de Fenestre, de la Vésubie et du Boréon dont le hameau de même nom se situe près d’une jolie cascade et non loin d’un refuge.
- L’attrait de ces hautes régions est grand avec leurs cascades, leurs lacs alpins, leurs forêts de pins et de mélèzes et leurs sommets dé 2 3oo à 2 900 m que fréquentent les chamois.
- Au nord, sur la nouvelle frontière, la cime des Gelas et celle de l’Agnel atteignent 3 i43 et 2 927 m. Ce sont des sites d’une beauté incomparable; malheureusement, toutes les excursions exigent plusieurs heures de marche par des sentiers muletiers plus ou moins pénibles, dans une contrée dépourvue de ressources, ce qui rend difficile le camping. Heureusement, le C.A.F. y a installé plusieurs refuges.
- Plus à l’ouest, d’autres territoires ont été également rattachés à la France : ceux avoisinant, au nord du Boréon, le massif du Mercantour, centre de chasse au chamois; vers la Haute-Tinée,-la région du lac Nègre et du pic Giegu (2 go3 m) ; quelques vacheries vers des alpages élevés et le hameau de Molières, arrosé par le torrent de même nom, qui dépend aujourd’hui de la commune de Valdeblore, entre Saint-Martin-Vésubie et Saint-Sauveur-sur-Tinée. Le hameau de Molières est à 4 km âu nord du col Ferrière (2 5oo m). Enfin, en direction d'Isola et de Saint-Élienne-de-Tinéé, les massifs du San-Salvatore (2 716 m), de Crosillias (2 468 m), de Bognosa (2 698 m) et de l’Autaret .(2 7C2 m) ainsi que le haut vallon du torrent de Castiglione, conduisent aux crêtes de la nouvelle frontière.
- Pour les fervents dii ski, la h.aute région de la Roya, vers Mori-gnol, La Pia et le col .de Tende, ainsi que celles de la Vésubie dans sa partie septentrionale, et de la Tinée, au-dessus d’Isola, présentent un enneigement suffisant. Le ski peut également se pratiquer dans le vallon de la Minière, à l’ouest de Saint-Dalmas.
- Ces hautes régions, avec leurs torrents et leurs montagnes, sont particulièrement indiquées pour la pêche à la truite et la chasse au chamois. Et, dans l’ensemble, toute cette admirable contrée bénéficie de la doucèur du climat méditerranéen; même en hiver, la température y est beaucoup moins rigoureuse que dans la plupart des autres régions montagneuses/
- Avant 1947, la France ne contrôlait que le cours moyen de la Roya, sur 12 km environ, entre Breil et le défilé de Berghe
- au-dessus de Fontan. Aujourd’hui, la vallée lui appartient sur plus de 45 km depuis la source jusqu’à la frontière sud, non loin du hameau italien de Fanghetto. La Roya se jette dans la Méditerranée, à Vintimille, après un cours d’une soixantaine de kilomètres. Dans la basse vallée de la Roya, le hameau de Piène, de faible importance, sur les pentes nord-est du Mont Grazian (861 m), a été aussi rattaché à la France avec les parcelles voisines de territoire qui s’étendent, vers le sud-est, à 2.5 km environ jusque près du hameau italien de Fanghetto. Piène, à 4 km de Breil, se trouve dans de pittoresques et étroites gorges; une usine hydro-électrique précède quelque peu l’ancienne halte de la voie ferrée Breil-Airole-Vintimille qui était exploitée par les chemins de fer italiens.
- Pour résumer cette étude sommaire, voici quelques précisions géographiques.
- Au nord-ouest, la nouvelle frontière se sépare de l’ancienne vers Saint-Etienne-de-Tinée, à Colla-Longa (altitude : 2 748 m), puis elle suit la ligne de partage des eaux par le Mont Clapier (3 o45 m),i la pointe de l’Abisso (2 755 m), le col de Tende (1 870 m) et le Mont Marguareis (2 65i m) ; ensuite, descendant vers le sud par le Mont Bertrand (2 48i m), le Mont Sac-carello (2 200 m), les Monts Vacchi et Pietravecchia (2 o4o m) et le Mont Lega (1 565 m), elle atteint un point situé approximativement à 100 m de l’ancienne frontière, vers la cote 1 56o, près du col de Pegairol, à 5 km environ au nord-est de Breil -sur-Rova; de là, en direction du sud-ouest, elle devient parallèle à F’ancienne frontière qu’elle rejoint au sud-ouest de Piène, sur la Bevera.
- La région de la LIaute-Roya est encore assez peu fréquentée. Cependant, sa desserte est aujourd’hui assurée, non seulement par de nombreux services touristiques d’autocars au départ de Cannes, de Nice, de Monaco et de Menton, mais également par la voie ferrée S.N.C.F. de Nice-Ville à Breil-sur-Roya (44 km) que prolongent des services quotidiens réguliers d’autobus reliant, dans les deux sens, la gare de Breil à Tende et au col de Tende (frontière) en correspondance avec un service italien vers Limone et Coni. Enfin, un service omnibus entre Breil et Tende (gare) dessert les localités de Saorge et de La Brigue en dehors de la route nationale. Il serait souhaitable que l’administration des Ponts et Chaussées envisage la construction d’une route carrossable entre la Haute-Roya et la Haute-Vésubie, ce qui faciliterait considérablement le tourisme en ces magnifiques vallées alpestres.
- André Gallet.
- Fig. 7. — Tende. Le viaduc de la voie ferrée S.N.C.F. Nice-Coni, actuellement fermée au trafic.
- (Collection du S. I. de Tende et de la Haute-Roya).
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- CHAMPOLLION L’ÉGYPTOLOGUE (1790-1832)
- « Il a jeté un bon coup de pioche dans le filon égyptien ». (Sylvestre de Sacy) .
- Au cours de la campagne de Bonaparte en Égypte, à la fin du xvme siècle, un commandant d’artillerie, Boussard, découvrit à Rosette (en arabe Rachid, localité voisiné d’Aboukir), un fragment de stèle, de forme triangulaire, en basalte noir, qu’on appelle « la Pierre de Rosette ». On y remarquait trois inscriptions : l’une en signes hiéroglyphiques, la deuxième en caractères hiératiques et la dernière en lel- ............
- très gréco-coptes. ' ' "
- La stèle, trouvée en 1799 " _
- (l’année où Kléber créa la _ -
- Légion Copte) remontait à 193 * - - : .
- avant J.-C. Elle est conservée . 7
- au British Muséum. Le texte est celui d’un décret rendu par les prêtres égyptiens en l’honneur de Ptolémée Epiphane, fait à retenir.
- Malheureusement, la pierre était brisée, par endroits, en sorte qu’un tiers de la partie hiéroglyphique manquait.
- De nombreux savants tentèrent de deviner ces énigmes vers l’époque de cette trouvaille : Akerblad et Y o u n g n’obtinrent que des résultats fort incomplets.
- A Champollion étaient réservés l’honneur et le mérite de déchiffrer, définitivement e t complètement, les hiéroglyphes.
- Avant de présenter le savant, et d’exposer ses magnifiques travaux, il sera peut-être opportun de dire quelques mots de ses devanciers, comme aussi des continuateurs qui ont poursuivi l’œuvre du maître.
- Les Grecs croyaient, à tort d’ailleurs, que ces signes mystérieux étaient uniquement employés pour des écrits religieux, d’où le nom qu’ils leur donnèrent : iéros, sacré; gluphè, gravure. Les hiéroglyphes peuvent être considérés, de quelque manière, comme des rébus : ainsi le signe 5 donne bien l’idée du nombre cinq, mais il correspondait au sens des mots sain, saint, sein, seing, ceint.
- Cette sorte d’écriture fut abandonnée lorsque le christianisme commença à pénétrer dans la terre des Pharaons. Le dialecte vulgaire ou démotique, parlé par le peuple suivant l’étymologie du terme, reçut, en même temps des modifications assez profondes, consistant principalement dans l’introduction du vocabulaire hellénique et les lettres grecques furent généralement substituées aux lettres anciennes de cette, langue régénérée ; on garda, toutefois, certains caractères nécessaires pour rendre les sons de la langue primitive.
- (Notons, en passant, que les Arabes appelaient l’écriture hiéroglyphique « l’écriture des oiseaux », à cause de la forme d’un grand nombre de. ces signes).
- Fig. 1.
- Le désir et le besoin de traduire ces inscriptions égyptiennes attirèrent bien des chercheurs. Au xvn6 siècle, le savant jésuite Kircher (à qui l’on doit, entre autres, la lanterne magique) étudia, le premier, la langue copte. Puis, Jablonski signala les profondes affinités qui rapprochent le copte moderne de l’ancien égyptien. En 1797, le Danois Zoéga avança que le nombre - des signes hiéroglyphi-ques, assez restreint, devait ) : .* être environ de 800. C’était un
- petit encouragement pour les ; . ! savants...
- Enfin parut Champollion.
- " Nombreux furent et sont
- encore ceux qui veulent continuer le savant orientaliste.
- On doit se borner à en citer quelques-uns, tels Rossellini, Lepsius, Bunsen, de Rougé, et, surtout Prisse d’Avesries : ce dernier a découvert le fameux Pta-IIo-Tep, en 1847, dans le cimetière d e Thèbes, estimé âgé de 6000 ans, et qui est, vraisemblablement, le plus ancien papyrus connu.
- Plus voisins de notre temps, voici Mariette qui découvrit, en i84i, le Serapeum de Memphis et commença le déblaie-ment du grand Sphinx, et enfin un savant de notre génération, Maspero, qui mit à jour les Notices manuscrites de Champollion.
- Jean - François Champollion naquit à Figeac, en 1790, de parents dauphinois. Son premier instituteur fut son frère, de douze ans son aîné, Jean-Jacques, dit Champollion-Fi-geac (1778-1867), archéologue distingué, professeur à l’École des .Charles, conservateur à la Bibliothèque nationale.
- Au lycée de Grenoble, l’élève montra un goût très prononcé pour les études classiques. A neuf ans, les narrations d’Homère et de Virgile le passionnaient, comme tant d’autres, à cet âge, ne rêvent que contes de fées. Il lisait et relisait les Vies de Plutarque. Ses moments libres, il les passait toujours dans la bibliothèque de son frère, où il fallait l’appeler, à maintes reprises, pour l’en arracher.
- Cette ferveur pour l’antiquité, ce mystérieux appel de l’Orient le poussèrent vers l’étude des langues de ces lointains pays, l’hébreu, le syriaque, et surtout le copte. Venu à Paris, il y suivit les cours des langues orientales et ceux du Collège de France.
- En 1809, Champollion fut nommé professeur adjoint au lycée de Grenoble. Les circonstances allaient le servir.
- Le préfet de l’Isère était alors le savant mathématicien Fou-rier, qui avait pris part à l’expédition d’Égypte. Il entra en relations avec le jeune maître de conférences. Les récits de Fourier
- Champollion ( 1790-1832).
- (Photo Giraudon'j
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- sur l’art, les monuments, la civilisation de ce pays enthousiasmèrent Champollion, et c’est de ces entretiens que naquit une vocation constante, inébranlable, qui le lança dans une carrière où il devait goûter, pleinement, les plus hautes satisfactions et toutes les jouissances intellectuelles du savant.
- Il lui importait d’abord d’approfondir ses connaissances linguistiques, surtout en ce qui concernait le copte. Le hasard lui mit entre les mains un ouvrage qui vint heureusement compléter son savoir, déjà assez avancé, sur cet idiome, et qui lui révéla certains rapprochements entre le copte et l’égyptien. Il rejoignait ainsi Kircher et Jablonski.
- En 1807, Champollion présenta à l’Académie de Grenoble un mémoire sur la nomenclature copte des lieux de cette contrée, travail dans lequel il recherchait l’origine et la synonymie des dénominations données à ces localités par les auteurs grecs et latins.
- Cependant', l’heure de porter les armes allait sonner pour le professeur. Foürier exposa à l’Empereur combien les travaux de Champollion présentaient d’intérêt pour la France et son renom intellectuel; il plaida sa cause et Napoléon accorda un sursis; en réalité, il l’exempta de la conscription.
- Vers cette époque, Drovétti, consul général de France au Caire, avait rassemblé des collections de souvenirs égyptiens de très grande valeur et les avait expédiées en Europe. Par malheur, elles échappèrent à notre pays. Elles avaient été acquises par la Cour de Sardaigne et placées à Turin.
- A l’instigation du duc de Blacas, Louis XVIII envoya Champollion en Italie pour étudier ces richesses. Il y resta de longs mois, et, pendant son absence, parut un décret qui lui accordait la Légion d'Honneur.
- Le savant fut assez heureux pour obtenir la cession de la collection Sait. Il fut, à cette occasion, nommé conservateur de ces reliques de la vallée du Nil (Sait, voyageur anglais, avait, lui aussi, travaillé au déchiffrement des hiéroglyphes; on lui doit la trouvaille de la célèbre inscription d’Axoum).
- Ainsi, peu à peu, les vœux de Champollion se voyaient exaucés. Il n’avait plus qu’un rêve, le rêve de son existence entière, voir l’Égypte !
- En 1828, ce rêve devint réalité. Une mission scientifique lui fut confiée. Il débarqua à Alexandrie le 18 août et reçut un accueil des. plus favorables de Méhemet-Ali, quand le souverain apprit qu’il ne s’agissait que de fouilles archéologiques et que, par suite, la mission était dépourvue de tout caractère politique. Peu de semaines plus tard, une délégation italienne, conduite par le duc de Toscane, vint suivre les travaux de l’explorateur français.
- Quand il mit le pied sur la terre des Pharaons, la joie de Champollion, son enthousiasme ne connurent plus de bornes. Il écrivait à son frère : « J’ai pu boire dé l’eau fraîche à discrétion, et cette eau-là est de l’eau du Nil!... ».
- Les Lettres écrites d’Egypte et de Nubie à Champollion-Figeac, réunies en volume en i833, ne sont que joie, exubérance parfois, et révèlent la plénitude de ses satisfactions.
- Au retour en France, en mars i83o, après un séjour de près de deux ans au pays des Pharaons, il fut élu à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Puis il monta dans une chaire d’orientalisme, créée pour lui au Collège de France.
- Il ne devait pas survivre longtemps à cès hautes distinctions. Sa santé s’était gravement altérée à la suite de veilles prolongées, épuisantes, consacrées à des recherches très ardues, et le sévère climat des plaines brûlantes de Thèbes avait ébranlé une constitution soumise à des efforts ininterrompus. Il mourut à 42 ans. Sa veuve reçut une pension de trois mille livres.
- Sa ville natale lui éleva un monument (1). Le musée du Lou-
- 1. A. l’extrémité de la place de la Raison, en bordure du quai du Cellé, on voit la pyramide de Champollion, sur laquelle on distingue divers signes hiéroglyphiques.
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- Fig. 2. — Un fragment de la pierre de Rosette qui a servi à Champollion à déchiffrer les hiéroglyphes.
- (Photo Giratjdon).
- vre possède son portrait et son buste. Une statue de marbre le représentant debout sur des fragments de colonnes pharaoniques, orne le vestibule du Collège de France, à l’entrée de la salle où il professait.
- Champollion demeure, sans conteste, le véritable « déchiffreur des hiéroglyphes ».
- Comment parvint-il à ces magnifiques résultats ?
- A priori, il semble possible de retrouver la clef d’un texte quand on a la chance d’en posséder de longs fragments. Mais, ici, pour la Pierre de Rosette, la difficulté tenait à ce fait qu’on n’avait qu’un tiers environ de l’inscription en hiéroglyphes.
- Il avait étudié, longuement, avec une patience s’appuyant sur une perspicacité étonnante, les trois inscriptions. Dans un mémoire présenté à l’Académie en 1822, Champollion avait insisté sur l’existence parallèle des trois écritures égyptiennes : l’hiéroglyphique, l’hiératique et la démotique en caractères gréco-coptes. Une concordance semblait fort plausible, probable même.
- Ses investigations, qui allaient de progrès en progrès, se poursuivaient sans répit à Paris, comme elles s’étaient manifestées à Turin.
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- En septembre 1822, il écrivit sa fameuse Lettre à Monsieur Dacier sur les hiéroglyphes phonétiques. Cet opuscule révélait ses découvertes sur l’alphabet hiéroglyphique et il donnait la traduction'de plusieurs noms de rois et de reines. Joseph Bon, baron Dacier, ami de Champollion, était un helléniste estimé, traducteur et commentateur de Xénophon, membre de l’Académie française.
- D’ailleurs, plusieurs années auparavant, Champollion avait déclaré « qu’il concevait l’espérance flatteuse » (illusoire peut-être) qu’on retrouverait, enfin, dans ces tableaux où l’Égypte n’a peint que des objets matériels, les sons, la langue et les expressions de la pensée ». Et cette prophétie, expliquait son frère, il l’a lui-même accomplie après de longues années d’efforts tenaces.
- « Dans les trois écritures de la Pierre de Rosette, a dit encore Sylvestre de Sacy, Champollion avait reconnu que l’hiératique est une tachygraphie de l’hiéroglyphique et la démotique une abréviation de l’hiératique; la comparaison de ces textes allait lui ouvrir la voie de la certitude. Il avait, dès lors, saisi le fil conducteur qui dirigerait ses pas ».
- La langue copte moderne lui facilitait singulièrement la compréhension de l’idiome gréco-copte et la profonde connaissance qu’il en avait acquise devait le mener au succès. Par là, il remonta aux signes hiéroglyphiques et, avec raison (on savait que la stèle avait été érigée en l’honneur de Ptolémée), il pensa que certains noms de rois, ou d’autres mots, devaient figurer dans ces graffiti égyptiens, tels que Ptolémée, Cléopâtre, Memphis, prêtre, Nil, Alexandre.
- Loin de dédaigner les travaux et découvertes de ses devanciers, Champollion mettait à profit leurs trouvailles, et tenait compte de leurs hypothèses, il dépassait leurs intuitions.
- Akerblad et surtout Young avaient émis cette idée que les noms entourés d’un cartouche, indiquaient des noms de souverains. Champollion fit sienne cette supposition et la confirma. Dr, sur la Pierre de Rosette on ne remarquait qu’un seul
- nom avec encadrement. Ne serait-ce pas celui de Ptolémée ?
- Les choses en étaient là lorsque, au cours de son exploration aux bords du Nil, Champollion se rendit à l’xle de Philœ (chère à Loti). Là encore, il distingua, sur une colonne, un nom entouré d’un cartouche. Or, on savait que ce monument avait été élevé par les prêtres à Ptolémée et à sa sœur Cléopâtre. Et, trouvaille heureuse, le savant observa que les deux noms de Ptolémée et de Cléopâtre contenaient quatre lettres communes PTOL.
- Profonde remarque qui apportait un progrès nouveau à la science des hiéroglyphes. Comme d’autre part, le sens des trois inscriptions était vraisemblablement le même, Champollion par-Arint peu à peu à déchiffrer les hiéroglyphes.
- Le retentissement de cette découverte fut immense en Europe. En France, il avait appelé et retenu hautement l’attention des savants, des lettrés, du grand public. Comme il arrive souvent, Champollion fut assez vivement discuté, attaqué même. Sa méthode était traitée d’illusoire. Plus heureux que d’autres découvreurs ou inventeurs de son temps, Champollion fut soutenu énergiquement par Louis XVIII et il vit sa route libre d’embûches.
- Il composa un alphabet, une grammaire et un dictionnaire des hiéroglyphes qui parurent après sa mort, de i836 à i84i, grâce aux soins pieux de son aîné Champollion-Figeac.
- Ces livres sont restés les guides de tous les égyptologues. Son alphabet est si complet qu’aujourd’hui encore on ne trouve rien à y changer, et que les savants arrivent à lire l’égyptien sans trop de difficultés.
- Quelques jours avant sa mort, sentant sa fin prochaine, Champollion, qui avait mis le meilleur de ses connaissances dans ses ouvrages confia à son frère le manuscrit du Dictionnaire égyptien, en lui disant :
- « Voilà, j’espère, ma carte de visite à la postérité ».
- Amédée Fayol.
- POUR « COLLER » LE SPHINX...
- Dans un précédent numéro de La Nature, j’avais évoqué quelques problèmes-pièges appelant souvent une solution originale ou déconcertante (x). On peut classer dans cette catégorie des questions concernant des chiffres très simples, telles que :
- comment obtenir 100 avec quatre 9 ? La solution est 99 +
- 9
- 9 '
- Charles-Ange Laisant, qui fut meilleur polytechnicien que politicien, demandait à ses amis quel était le plus grand nombre qu’on pût représenter avec trois 9. La plupart des souffre-douleur ès-devinettes répondent 999 avec le cruel soupçon d’une erreur humiliante. Il est malheureusement aussi impossible d’apprendre par cœur le résultat que de le calculer, car il comporte 369 693 100 chiffres... (Comparons ce nombre avec 1 mil-
- liard qui s’écrit avec 10 chiffres). C’est en effet 9
- 9
- 9
- soit
- 9 puissance 9, exposant 9, ou encore g387.42o.489? c’est-à-dire 9 multiplié 387 420 488 fois par 9, opération qui mettrait sans doute en défaut la machine à calculer électronique.
- Parfois des questions très familières se révèlent autant de « colles » décourageantes.
- 1. Voir La Nature, n° 3192, avril 1951, p. 127.
- Quelle est la vitesse de pousse de la barbe ? Deux centièmes de millimètre par heure.
- Peut-on voir la nuit la flamme d’une bougie située à 25 km ? Oui, car la limite semble être 27 km.
- Combien une lampe de xoo W émet-elle d’électrons par seconde ? Six milliards de milliards.
- Quelle est la température de la surface du Soleil P Six mille cinq cents degrés. Et celle du centre des étoiles P Quarante, millions de degrés.
- Est-il possible qu’un moteur d’auto tourne quatre fois plus vite que les roues (ou la moyenne des rotations des roues) en prise directe ? Non, à part le cas de patinage de l’embrayage,, car le rapport de démultiplication du différentiel n’est jamais-égal à une fraction dont les constituants soient exactement divisibles entre eux. On aura, par exemple, io/4i ou g/4o, mais-jamais io/4o, afin que chaque dent du pignon d’attaque engrène successivement avec chaque dent de la couronne.
- Désirez-vous faire un peu de sorcellerie P Avec un morceau fin de savon, faites tracer en secret par un ami discret le chiffre 1 089 sur votre front. Proposez à un « cobaye » de faire les opérations suivantes à votre insu : choisir un nombre de trois chiffres différents et ne comportant pas de zéro; retourner le nombre et effectuer la soustraction possible. S’il a choisi I24r
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- il obtiendra 4ai — 124 = 297. Il devra ensuite retourner cette différence et l’ajouter à la différence, c’est-à-dire additionner .792 et 297, ce qui donne 1 089. Fermez alors les yeux pour mieux vous concentrer et faites saupoudrer votre front avec de la cendre de cigarette ou de bois, et l’on verra apparaître comme un stigmate le résultat 1 089, car la cendre adhère sur le tracé du savon. Il s’agit, bien entendu, d’un résultat constant, ce qu’on démontre facilement par l’algèbre.
- Ai-je trouvé (ou réinventé) une question bien simple ? Un enfant a mangé un morceau de la tarte cachée. Il confesse qu’il a mangé la moitié de ce qui reste. Au fait, que signifie cet aveu? Les amis pressés répondent : « Il a mangé la moitié... Non ?... Alors le quart ». Pas de chance, car la solution est entre les deux hypothèses. C’est le tiers, car la moitié d’un reste est le tiers du tout.
- Le Parlement d’incurie, pays situé, comme chacun sait, dans la Lune, est élu uniquement par les idiots des deux sexes qui représentent 5 pour 100 de la population. Aux dernières élections, il y eut 2 pour 100 d’abstentions, et l’on n’enregistra que 7 664 voix masculines et 2 632 voix féminines, ce qui mit en évidence le maximum possible d’idiotes de ce curieux pays :
- 7 664 + 2 632 = 10 296
- 10.296 x 100
- Votants : Population
- Idiots hommes et femmes
- 3
- 343.200 x 5
- = 343 200
- = 17.160
- 7 664 = 9 4g6 idiotes.
- constitués par 7 664 idiots et 17 160
- Ce système électoral permet à l’Incurie d’avoir un Parlement comptant 90 pour 100 de Fous, 85 pour 100 d’Escrocs, 80 pour xoo de Crétins et 75 pour 100 de Gâteux. La Ligue des Planètes Désunies a voulu connaître le pourcentage de représentants à la fois Fous, Escrocs, Crétins et Gâteux, groupés dans le parti F.E.C.G. Et voici ce que cela a donné (fig. 1).
- FEC0 1^.
- - -X- -
- Fig. 1. — Au Parlement d’incurie.
- 10 pour 100 ne sont pas Fous. S’ils sont Escrocs, il y a un « dépassement » de 75 pour 100 de Fous-Escrocs. Entre ceux-ci et les Crétins, il y a un dépassement de 80 — 25 = 55 pour xoo de Fous-Escrocs-Crétins. Le dépassement de ces derniers avec 75 pour 100 de Gâteux donne 75 — 45 = 3o pour 100 d’hommes politiques dans la Lune appartenant au parti F.E.C.G....
- Pour nous remettre de cette constatation navrante, terminons pour aujourd’hui cette incursion dans les énigmes par un casse-tête d’un humour très britannique. Appelons-le : Singeries!...
- Une corde à cheval sur une poulie. D’un côté, un poids, et de l’autre un singe de même poids que le poids. La corde pèse 5 kg au mètre. L’âge du singe et celui de sa mère additionnés donnent 4 ans. Le nombre désignant l’âge du singe est le même que celui du poids de sa mère.
- Elle a deux fois l’âge qu’avait le singe, quand elle avait la moitié de l’âge qu’aura le singe quand il aura trois fois l’âge qu’elle avait, quand elle avait trois fois l’âge du singe! En additionnant le poids du poids et le poids de la corde, on obtient dix fois la moitié de la différence entre le poids du poids plus le poids du poids et le poids du singe.
- Quelle est la longueur de la corde ?
- Quand la mère avait 3 fois l’âge du singe, leurs âges étaient 3N et X (Différence ; 2X).
- Quand le singe aura 3 fois l’âge qu’avait sa mère, l’âge du singe sera 9X. Pour la mère, la moitié de cet âge est 4,5X et celui du singe 2,5X.
- 2 x 2,5X = 5X, soit l’âge de la mère au moment du problème. Le singe a : 5X — 2X = 3X.
- 5X + 3X = 8X d’où X = o,5.
- 5X = 2,5 = 2,5 kg = Poids du singe.
- Poids du singe = Poids du poids = 2,5 kg + Poids de la corde = 10x
- = 2,5 kg. 2,5-{-2,5-
- -2,0
- = 12,5 kg
- Poids de la corde : 12,5 — 2,5 = 10 kg.
- Longueur de la corde : g- = 2 m.
- Si le Sphinx avait proposé ce problème à Œdipe, au lieu de l’innocente devinette qu’on connaît, cet exceptionnel Béotien eût été incontinent dévoré, ce qui nous aurait privé des oeuvres de MM. Cinéthon, Sophocle, Sénèque, Corneille, Voltaire, Ingres, entre autres.
- Jacques Henri-Robert, Ingénieur Civil.
- LE CIEL EN DÉCEMBRE 1951
- SOLEIL : du 1er-au 22 sa déclinaison décroît de — 21°44' à
- — 23°27', puis croît jusqu’à — 23°9' le 31 ; la durée du jour passe de 8*32® le 1er à 8*11® le 22 et à 8*15® le 31 ; Solstice d’hiver le 22 à 16*0®13 ; diamètre apparent le 1er : 32'29",6, le 31 : 32'35",0.
- — LUNE : Phases : P. Q. le 5 à 16*20®, P. L. le 13 à 9*30®, D. Q. le 21 à 14*37®, N. L. le 28 à 11*43® ; apogée le 16 à 3*, diam. app. 29'26" ; périgée le 28 à 23*, diam. app. 33'28". Principales conjonctions : avec Jupiter le 7 à 10*26®, à 4°26' S. ; avec Uranus le 15 à 5*24®, à 3*32' S. ; avec Saturne le 22 à 23*27®, à 6°23' N. ; avec Mars le 23 à 2*37®, à 5°50' N., et avec Neptune à 12*26®, à 6°1' N. ; avec Vénus le 25 à 13*48®, à 7°44' N. ; avec Mercure le 27 à 5*35®, à 7°S6' N. Principales occultations : de 30 Capricorne (5®,3) le 3, immersion à 18*25®,9 ; de x Gémeaux (3®,7) le 16, immersion à 2*42®,3, émersion à 3*8®,0. —• PLANÈTES : Mercure, inobservable, en conjonction inf. avec le Soleil le ‘17 ; Vénus, astre du matin, se lève le 15 4*2® avant le Soleil, diam. app. 18",4 ; Mars, dans la Vierge, observable le matin, se lève le 15 à 1*15®, diam. app. 5",5, en conjonction avec Saturne le 19 à 13*, à 0°40' S. ; Jupiter, dans les Poissons, visible le soir, se couche le 15 à 0*45®, diam. pol. app. 39",6 ; Saturne, dans la Vierge, visible le matin, se lève le 15 à 1*23®,
- diam. pol. app. 15",1, anneau : gr. axe 38",0, petit axe 6",1 ; Uranus, dans les Gémeaux, observable toute la nuit, se lève le 27 à 16*20®, position 6*54® et + 23°16', diam. app. 3",8 ; Neptune, dans la Vierge, visible le matin, se lève le 27 à; 1*22®, position 13*22“ et — 6*52', diam. app. 2",4. — ETOILES FILANTES : Géminides, du 9 au 12, radiant vers a Gémeaux. — ETOILES VARIABLES : Minima observables d’Algol (2®,2-3®,5), le 8 à 4*,9, le 11 à 1*,7, le 13 à 22*,5, le 16 à 19*1, le 19 à 16*,1, le 31 à 3*,4 ; minima de (3 Lyre (3®,4-4®,3), le 7 à 11*,4, le 20 à 9*,7. — ETOILE POLAIRE : Passage sup. au méridien de Paris : le 7 à 20*38®2S, le 17 à 19*5S®353, le 27 à 19*19®6S. .
- Phénomènes remarquables. — Observer : les étoiles filantes Géminides, maximum le 12 ; l’occultation de x Gémeaux le 16 au matin (se servir d’une jumelle), âge de la Lune 17^,2 ; le rapprochement de Mars et de Saturne le 19 avant l’aube.
- (Heures données en Temps universel ; tenir compte des modifications introduites par l’heure en usage).
- G. Fournier.
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- LES LIVRES NOUVEAUX
- The origin o£ the Earth, par AV. M. Smart.
- 1 vol. in-8°, 239 p., 40 fig.,. 8 pl., Cambridge University Press, 1951. Prix. : relié, 12 sh; 6 d. Professeur d’astronomie, l’auteur a fait à des soldats sur l’origine de la Terre des conférences qu’il a groupées pour répondre aux trois questions : d’où ? quand ? comment ? Rassemblant tout ce qu’on sait des aspects atomiques.et cosmiques du monde, distinguant les données certaines et les intuitions, il répond tantôt par des faits et tantôt par des théories, sans se leurrer d’hypothèses et de spéculations philosophiques. Le lecteur est sensible à tant de sagesse et de savoir.
- De la loupe au microscope électronique, par Jean Terrien. 1 vol. in-16, 127 p., 41 fig. Collection « Que sais-je ? ». Presses universitaires de France, Paris, 1951.
- L’œil, la loupe, le microscope, les corrections des objectifs, l’emploi des lumières monochromatiques et de • l’ultra-violet, le contraste de phase, et pour finir le microscope électronique ont fourni des images de plus en plus précises; à des grossissements croissants, des aspects \i-suels du monde extérieur. L’auteur explique les stades de cette course vers l’infîniment petit.
- An introduction to électron optics, par
- L. Jacob. 1 vol. in-8°, 150 p., 48 fig.
- Methuen, Londres, 1951. Prix : relié, 8 sh. 6 d.
- Après avoir rappelé les principes, l’auteur étudie le champ électrostatique, l’équation des trajectoires, les lentilles électrostatiques et magnétiques, les propriétés des faisceaux électroniques, ce qu’il faut savoir pour comprendre les applications récentes en ce nouveau domaine.
- Utilisation du tube électronique dans les appareils récepteurs et amplificateurs,
- par B. G. Dammers, J. Haantjes, J. Otte et H. van ScnuTELEN. 1 vol. in~8% 447 p., 256 fig. Dunod, Paris, 1950. Prix : relié, 1 860 francs.
- Ce quatrième tome de la bibliothèque technique Philips est l’œuvre d’ingénieurs spécialisés de grande expérience. Il traite des principaux problèmes soulevés par l’emploi des tubes électroniques dans les récepteurs, et plus particulièrement dans l’amplification haute et moyenne fréquence, le changement de fréquence, la détermination de la courbe padding, les distorsions et les perturbations dues à la caractéristique des tubes récepteurs, la détection. La présentation est impeccable. Le texte, tout en faisant appel aux mathématiques, est sans aridité ; des commentaires et des résultats d’expériences suivent les développements théoriques ; ce travail sera très apprécié des ingénieurs qui, dans les industries les plus variées, sont maintenant chargés de régler et commander les mécanismes par des dispositifs électroniques.
- Bibliography of électron microscopy, par V, E. Cosslett. 1 vol. in-8°, 350 p. Arnold et C‘% Londres, 1951. Prix : 40 shillings. Ouvrage de documentation donnant de nombreux extraits d’articles scientifiques et techniques parus dans les périodiques mondiaux, classés alphabétiquement par noms d’auteurs.
- Technique des mesures à Raide' des jauges de contraintes, par J. J. Koch, R. G. Boiten, A. L. Biermasz, G. P. Roszbagh, G. AV. Van Santen. 1 vol. in-8% 104 p., 68 fig. Dunod, Paris, 1951. Prix : relié, 600 francs. L’électronique a apporté dans le domaine mécanique des solutions précises et rapides notamment pour le contrôle des matériaux, l’appréciation et la mesure des contraintes qui apparaissent dans une construction ou une machine et pour les hypothèses de rupture. La technique des mesures à l’aide des jauges de contraintes a des applications très diverses et a rendu de grands services, notamment en construction aéronautique. Cet ouvrage de la bibliothèque technique Philips, rédigé par cinq spécialistes expérimentés, expose toute la technique des jauges à fil résistant.
- s
- Cours de mécanique, par G. Cornet. 1 vol. in-8°, 192 p., 110 fig. Gauthier-Villars, Paris,
- 1951. Prix : 800 francs.
- *
- Ouvrage conforme aux programmes de 1949 des examens de la marine marchande (long
- cours) traitant de la cinématique, de la statique, de la dynamique et des machines, exposés de façon élémentaire. Des chapitres annexes font appel à des notions plus élevées ou interviennent d’une façon simple dans la théorie des vecteurs et les éléments de calcul différentiel et intégral, par exemple en mécanique analytique, dans l’étude de l’accélération complémentaire et des phénomènes gyroscopiques.
- Les machines frigorifiques, par G. Vassogne. 1 vol. in-8°, 332 p., 94 fig. Béranger, Paris, 1951. Prix : relié, 2 400 francs.
- Cette 3e édition, revue et augmentée, est rédigée dans un but pratique et ne fait appel qu’à des connaissances élémentaires. Elle analyse et décrit le fonctionnement des installations industrielles de production du froid, étudie les moyens d’en tirer le meilleur parti et donne en annexe de nombreuses tables mimétiques et des diagrammes.
- La reproduction des couleurs, par J. Dotjr-gnon et P. Kowaliskx. 1 vol. in-16, 128 p., 52 fig. Collection « Que sais-je ? ». Presses universitaires de Prance, Paris, 1951.
- Tous les procédés de reproduction des couleurs mis en œuvre actuellement en photographie et cinématographie sont basés non seulement sur les lois de l’optique, mais aussi sur la théorie de la invariance des couleurs. Les auteurs exposent d’abord les principes théoriques, puis les procédés de reproduction des couleurs : sélection trichrome, synthèse trichrome, synthèse additive, synthèse soustractive, correction par masques, puis jettent un coup d’œil d’ensemble sur les procédés de l’avenir.
- Die Casting, par H. II. Doehler. 1 vol. in-8°, 502 p., 280 fig. Mac Graw-Hill, Londres et New-York, 1951. Prix : relié, 64 shillings.
- Cet ouvrage très complet étudie la technique et les matériaux du moulage. Il souligne le développement des machines à mouler, passe en revue les aciers et alliages divers utilisés pour l’obtention d’objets moulés, l’usinage et le finissage des pièces, leur contrôle, etc. Il compare les produits ainsi obtenus avec ceux réalisés par d’autres techniques. C’est un traité fondamental sur un sujet dont le développement a joué un rôle certain dans l’expansion de l’économie industrielle des États-Unis.
- La forêt dense, par R. Schnell. 1 vol. in-80, 330 p., 13 fig., 16 pl. Lechevalier, Paris, 1951. Prix : 3 000 francs.
- Premier volume d’une nouvelle série de « Manuels ouest-africains », présentée par M. Monod, directeur de l’Institut français d’Afrique noire, voici une excellente introduction à l’étude botanique de la région forestière d’Afrique occidentale. L’auteur qui la connaît bien, décrit sa structure et sa biologie ; il présente ses types de plaines et de montagnes, l’enchevêtrement des arbres, des lianes, des épiphytes, du sous-bois, les sols et le climat ; il montre son recul devant les feux de brousse, les défrichements, les exploitations de bois et son remplacement par une forêt secondaire tout autre. Ce tableau d’ensemble est suivi de tables des différentes familles végétales, de clés pour déterminer les espèces, d’une liste des principaux arbres et arbustes, avec leur figuration, leurs noms scientifiques et indigènes. Géographes, botanistes, forestiers, agriculteurs, administrateurs et exploitants y trouveront la base scientifique de ce qu’il leur faut connaître.
- Les hases écologiques de la régénération de la végétation des zones arides. 1 vol. in-8°, 149 p., fig. Union internationale des sciences biologiques, 57, rue Cuvier, Paris, 1951.
- Dans un colloque. tenu à Stockholm l’an dernier, des spécialistes de divers pays examinèrent cette question d’importance biologique et sociale. La « saharisation » progressive de nombreuses terres tient à des erreurs d’exploitation du sol : défrichements par le feu, déforestation, cultures épuisantes de mil et d’arachides, élevage -pastoral, qui transforment la savane et la steppe en déserts. Plus d’un quart des terres sont ainsi devenues improductives: Leur régénération, leur aménagement sont d’intérêt .mondial. Cette œuvre immense fut envisagée sous ses multiples aspects.
- L’évolution biologique, par Lucien Guénot, avec la collaboration d’Andrée Tétry. 1 vol. in-8, 592 p., 197 fig. Masson et C‘% Paris, 1951. Prix : 2 500 francs.
- Membre de l’Institut, professeur à la Faculté des Sciences de Nancy, Cuénot a été un des biologistes les plus savants, les plus actifs, les plus originaux de notre génération. Il a lu et médité les théories, observé les. animaux et les milieux les plus divers et peu à peu il a séparé ce qu’il considérait comme des faits de ce qui le troublait comme des incertitudes. Apres avoir abordé l’étude de très nombreux aspects, discuté de l’origine des espèces, de l’évolution, de l’hérédité, il a enfin écrit cette Somme de son enseignement et de son expérience, ce testament scientifique riche, dense, précis, qui aborde successivement toutes les questions fondamentales : l’origine de la vie, les règles et les facteurs cellulaires de la transmission des caractères, la sélection, l’adaptation. Cela l’amène à découvrir dans le déterminisme des incertitudes dont La Nature a récemment rappelé quelques exemples, à se poser la question de causalité, à opposer hasard et finalité, à terminer par une profession cle foi panthéiste. C’est un livre à lire, à relire et à méditer.
- Destructive and useful Insects, par C. L. Met-
- calf et W. P. Flint. 3° édition. 1 Arol. in-8°, 1071 p., 584 fig. Mc Graw-Hill, Londrse, 1951. Prix : relié, 80 shillings.
- Ce qu’il y a de meilleur et de pire : des insectes donnent le miel, la soie, la laque, fécondent les fleurs, détruisent des parasites ; d’autres attaquent les grains, les graines, les légumes, les fruits, le coton, le tabac, les bois, la laine, les parasites transmettent à l’homme et aux animaux les pires maladies. Ils sont si nombreux, si actifs qu’il s’est créé une entomologie économique pour étudier leurs effets, les moyens de les élever et surtout de les cam-battre. Ce livre était un classique de la question, .mais il n’était plus à jour, tant de progrès ont été faits en ces dernières années : plus de. 150 substances chimiques nouvelles, des techniques de lutte allant jusqu'à l’avion. Cette nouvelle édition, revue par R. L. Metcalf est une mise au point très complète, basée surtout sur l’expérience américaine. Elle décrit tous les môyens de lutte contre plus de 500 espèces particulièrement redoutables.
- Atlas des Diptères de France, Belgique,
- Suisse, par E. Séguy. 2 vol. in-16, 175 p., 84 fig., 11 pl. en couleurs et 185 p., 91 fig., 12 pl. en couleurs. Nouvel atlas d’entomologie. Boubée, Paris, 1951. Prix : chacun, 750 francs.
- Très réussie dans tous ses volumes parus jusqu’ici, la collection d’Atlas d’entomologie vient de s’enrichir de deux nouvelles unités dont le texte, les dessins et les planches en couleurs sont dus au sous-directeur du laboratoire d’entomologie du Muséum, grand spécialiste des mouches, moustiques et puces. 11 traite ici de leur identification, de leur classement, si difficile pour le non-spécialiste et cependant si, nécessaire pour le médecin ; il les simplifie et les facilite par ses aquarelles exactes et vivantes ; et il y ajoute tout ce qu’on sait de leur vie, de leur reproduction, de leurs larves, de la manière de les capturer et observer. Les amateurs d'insectes “autant que les parasitologues et les hygiénistes lui sauront gré de les guider si parfaitement.
- The biochemistry of Fish. Biochemical Society Symposia, n° 6, 1 vol. in-8°, 105 p., fig. Cambridge University Press, 1951. Prix : 12 shillings.
- Presque en même temps qu’en France, un symposium s’est tenu à Liverpool où furent examinés les divers aspects de la chimie des poissons : protéines, amines, graisses, caroté-noïdes, sels biliaires, en vue de juger de la valeur économique des pêches et des meilleures utilisations des produits. Une série de rapports présenta l’état actuel des recherches de laboratoire et leur importance pratique fut évoquée, jusqu’aux problèmes passionnants des huiles de sélaciens riches en hydrocarbures, des vitamines A et D abondantes dans les foies et à l'équilibre qu’on doit maintenir entre la productivité des mers et les pêches.
- Le gérant : G. Masson. — masson et cie, éditeurs, paris. — dépôt légal : 4e trimestre 1951, n° i3i4« — Imprimé en France.
- BARNÉOUD FRÈRES ET Cie, IMPRIMEURS (3lo566), LAVAL, N° — ix-105l.
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- N° 3200
- Décembre 1951
- LA CONSTITUTION DE LA MATIÈRE
- LES IDÉES ACTUELLES SUR LA MATIÈRE
- , Ci
- |pement ate der-lolution rise sur noire
- Ceux qui ont eu le privilège de s,üivrgf2;.le
- prodigieux de nos connaissances [ à,u cou^des s' nières années auront assisté à ' une véritable: scientifique. Elle a considérablement accru nb'fre^œ’ le monde physique, mais aussi profôfiâépnçni^ manière même de penser; c’est grâce à elfe't|ii^eg5«s avons pu acquérir une première idée quantitative de" Ta structure du monde, aussi bien à l’échelle astronomique qu’à l’échelle atomique.
- Grâce aux progrès de la chimie organique et de la connaissance plus complète de l’état gazeux, le xixe siècle avait imposé l’acceptation presque unanime des théories atomiques et. achevé la codification des lois du hasard, au moins dans les systèmes finement dispersés. Seuls, les thermo-dynamiciens purs, rendus trop confiants par le succès de leurs théories si générales, restaient indifférents aux problèmes de constitution et regardaient tout au plus J a notion de molécule ou d’atome comme un moyen commode de représentation des compositions et de présentation imagée des formules tirées de leurs lois.
- Mais une analyse subtile et divinatoire des fonctions avait conduit la chimie, et principalement la chimie organique, à développer des formules de constitution, mettant en évidence des atomes ou des groupements d’atomes relativement indépendants, dont les positions relatives avaient été qualitativement fixées.
- Par l’étude du pouvoir rotatoire, Le Bel et Yan’t Hoff avaient pu mettre en évidence certains éléments de symétrie ou de dissymétrie moléculaire qui achevaient de préciser la distribution des atomes ou des radicaux dans l’espace.
- Seule la chimie minérale, à l’exception de la chimie des complexes, manquait encore de données suffisantes pour généraliser à son usage les résultats précédents, et la minéralogie cherchait encore l’idée fondamentale qui put fournir à ses espèces si. complexes des modèles analogues à ceux des organiciens.
- La discontinuité des structures paraissait encore n’être concevable qu’en ce qui concerne la matière; les atomes, éléments ultimes de cette discontinuité, malgré le grand nombre d’attributs qui les caractérisaient, n’avaient livré aucun secret d’une organisation intime cependant nécessaire. L’atome restait donc l’invariant insécable du début de la chimie moderne et continuait à justifier le nom qu’il avait alors reçu.
- Fig. 1. — AT. Membre de
- La découverte de la radioactivité par Becquerel (1896) et l’isolement en 1898 des premiers éléments radioactifs par Pierre et Marie Curie furent le point de départ de la révolution scientifique dont nous avons parlé. Ces découvertes sensationnelles révélaient l’instabilité naturelle de certains atomes lourds et par suite leur structure complexe, dont de nombreux constituants ou produits de leur évolution furent bientôt caractérisés : hélium chargé positivement ou rayons a, éléments radio-actifs plus légers, plomb, etc. En même temps furent observées l’émission” de charges négatives sans support matériel (électrons) et la production de rayonnements de haute fréquence (rayons y).
- L’identification des charges négatives avec celles qui constituent les rayons cathodiques (J. Perrin) introduisit la notion d’un nouvel élément constant de discontinuité : l’atome d’électricité négative ou électron.
- En même temps que commençait à se préciser la structure discontinue de l’atome, Planck, dès 1900, montrait que les lois expérimentales du rayonnement entraînaient l’impossibilité d’une transmission continue d’énergie par l’intermédiaire d’une radiation.
- Une source rayonnante ou un corps absorbant voyaient donc leur énergie diminuer ou croître par sauts constants, fonctions de la fréquence, c’est-à-dire par perte ou par gains d’un nombre entier de grains d’énergie, appelés quanta d’énergie ou photons.
- Une nouvelle discontinuité était mise en évidence, d’une nature plus complexe que l’atome matériel, puisqu’elle dépendait de la fréquence associée.
- Plus tard enfin, Einstein devait achever le cycle de ces divinations sensationnelles en démontrant l’équivalence de la masse et de l’énergie, et l’expérience vérifia bientôt la possibilité de leur transformation réciproque.
- Ainsi donc, une source lumineuse isolée perd sans cesse une partie définie de sa masse, du seul fait de son rayonnement autour d’elle; de même, la transmutation spontanée d’un système avec perte de masse libère une quantité d’énergie qui peut se retrouver à l’état calorifique et radiant.
- L’énormité de l’équivalent énergétique de la masse (9.1020), bien supérieur à l’équivalent mécanique de la calorie (4,i8.io7), est la raison des effets terrifiants de la bombe atomique.
- Paul Pascal, l’Institut.
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- A gauche :
- 02, F„, Cl2, Br2, I2 oxygène, fluor, chlore, brome, iode.
- Fig. 2. — Modèles de molécules grossies 40 millions de fois.
- Au centre :
- h2o, nh3, ch4, h2c = ch2, HG = CH
- eau, ammoniac, méthane, éthylène, acétylène.
- (HOk /H
- H-^C - C^-H H' \H
- Alcool
- A droite :
- Acide acétique
- iHO) - CotR — Cl Parachlorophénol
- C’est en 1909 que Rutherford démontra la nécessité de reculer encore les limites de la discontinuité matérielle. L’atome lui apparut en effet comme constitué par une particule très petite, chargée positivement et dans laquelle se concentre la presque totalité de la masse. Celte particule est le noyau, autour duquel se meuvent des électrons en quantité suffisante pour compenser la charge du noyau et qui se concentrent par groupes de 2, 8, 18, 32... au voisinage de zones concentriques dites couches K, L. M... L’ensemble peut, en première approximation, être considéré comme contenu cà l’intérieur d’une sphère dont le rayon est de l’ordre de o,5 à 2.io~8 cm (un demi à deux cent-millionièmes de centimètre).
- Noiis commençons à entrevoir dans le noyau toute une nouvelle organisation discontinue qui doit trouver sa place dans une sphère minuscule, dont le rayon ne dépasse pas io~12 cm (un frillionième de centimètre; et peut descendre à x,5.io~13 cm (i5 cent-trillionièmes de centimètre) dans le cas de l’hélium. Dans l’atome, par conséquent, le noyau occupe relativement moins de place que le soleil dans tout le système solaire. Nous touchons ainsi au terme actuel du discontinu matériel connaissable, et nous sommes dans l’impossibilité de nous représenter exactement l’extrême petitesse des éléments constitutifs du monde, matériel. Pour en avoir une idée grossière, disons simplement que s’il nous était donné de percevoir un noyau d’atome
- de fer .sçms les apparences d’un très petit pois, l’espace occupé par les électrons qui l’entourent serait supérieur à celui des plus gros gazomètres de l’usine d’Àiibervilliers.
- De même, le corps humain contient environ io27 atomes; leurs noyaux ont un volume total voisin de io~10 cm3 (un dix-milliardième de centimètre cube), ce qui fait environ un tiers de centimètre cube pour l’humanité tout entière, et ils pèsent au total près de 200 millions de tonnes!
- L’apparence humoristique de pareils calculs s’atténue quand on songe que Sirius est en réalité une étoile double et que son compagnon, dont le volume est à peine 3o fois celui de la Terre, possède une masse 3oo 000 fois1 plus grande, comme l’a montré Adams en 19x4. La masse spécifique de la petite étoile est donc 60 000 fois environ celle de l’eau et sa matière qui remplirait une boîte d’allumettes pèserait près de trois tonnes. Dans ce cas les atomes constitutifs, dépouillés "de leurs électrons par la haute température de l’astre, sont réduits à leurs noyaux que la gravité a rapprochés, jusqu’au moment où leur répulsion électrostatique a stoppé la condensation de la matière.
- Remontons maintenant de l’atome à la molécule pour dire comment on peut y préciser la place de ces atomes mêmes.
- L’identification des rayons X avec une radiation de très courte longueur d’onde donna à von Laue l’idée d’utiliser leur diffraction par le réseau des atomes d’un cristal, plus tard par ceux
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- des molécules moins coordonnées des liquides et des gaz, pour en fixer la distribution spatiale.
- Les Braggs, père et fils, suivis par un nombre impressionnant d’émules, furent ceux qui développèrent l’idée de von Laue avec le maximum de succès et, malgré la difficulté du travail, nous sommes maintenant en possession de documents d’une précision croissante fixant souvent à un millième d’angstrôm près (i angstrom = io~s cm) la position respective des atomes dans les cristaux des composés les plus complexes.
- Parmi les résultats les plus remarquables de tous ces efforts, citons la démonstration de la préexistence des- ions dans les cristaux d’électrolytes, la vérification des présomptions des orga-niciens relatives aux structures des molécules les plus compliquées, la démonstration directe de l’existence des cycles les plus divers, la différenciation des liaisons simples ou multiples, la vérification du rôle de la dissymétrie moléculaire dans l’apparition du pouvoir rotatoire, tant en chimie organique qu’en chimie des complexes; enfin et surtout, la détermination des distances interatomiques, le contrôle de la planéité ou du manque de planéité des molécules qui joue un rôle si important en matière de résonance.
- Nous savons par exemple que, dans les composés aliphatiques, les atomes de carbone sont maintenus à des distances de i,54, i,34 ou 1,20 angstrôms en moyenne, suivant que les liaisons sont du type simple, éthylénique ou acétylénique ; que la molécule du benzène comporte bien un cycle hexagonal régulier, à symétrie sénaire, incompatible avec la formule à doubles liaisons de Kékiilé, les distances entre carbones étant toutes égales à 1,39 angstrom, valeur intermédiaire entre celles qui caractérisent les liaisons simples et doubles, etc.
- Ces indications précieuses se recoupent d’ailleurs avec celles que fournit l’étude de 1 Absorption de l’infra-rouge ou l’étude de l’effet Raman. Ces méthodes apportent en outre de nouvelles données relatives à la symétrie de la molécule ou aux forces qui s’exercent entre les atomes qui la constituent.
- Nous avons donc à notre disposition l’essentiel de ce qu’il faut pour préfigurer une molécule, pour déterminer la distance qui sépare deux atomes ou deux groupes d’atomes et pour prévoir certaines des réactions possibles. Et l’on trouve même dans le commerce des modèles d’un jeu de « méccano » nouveau, permettant de réaliser les structures les plus diverses à une échelle agrandie, pour le plus grand bien de l’enseignement et de la recherche.
- Les chapitres qui vont suivre préciseront le détail des méthodes et des faits qui viennent d’être très rapidement esquissés; mais il n’est pas inutile de revenir sur le bouleversement qu’a subi l’ancienne conception de la nature des choses devant la concordance convaincante des données nouvelles de la Science.
- Comme nous venons de le voir, ce qui nous apparaissait jadis comme compact n’est en réalité qu’un assemblage prodigieusement lacunaire de noyaux minuscules où se réfugie pratiquement toute la masse dans un état de condensation inconcevable. Mais tout ce qui possède une réalité matérielle est aussi, à toutes les échelles de grandeur, caractérisé par une localisation poussée au delà des limites du saisissable, de sorte que le continu matériel n’apparaît plus que comme une fiction de l’esprit ou comme le résultat de l’insuffisance de nos moyens d’information.
- Ainsi, à l’échelle de l’univers, les nébuleuses n’occupent que le (io~40)tème de l’espace total; à l’échelle de la nébuleuse ou de l’amas globulaire, l’étoile n’en remplit que la (io-30)ième partie; à l’échelle de l’atome, le noyau se contente du (io“15)ième de son domaine. Il n’y a partout que champs de forces déserts, animés seulement par le passage quasi instantané de rayonnements presque immatériels et, par endroits, des points isolés de concentration d’une matière ultra-condensée, associée à des charges électriques positives et retenant à son voisinage des essaims d’électrons en mouvement rapide.
- Paul Pascal ,
- Membre de l’Institut, Professeur honoraire à la Sorbonne.
- L'ÉVOLUTION DES IDÉES
- SUR LA CONSTITUTION DE LA MATIÈRE
- Science de la matière ou l’observation, l’expérimentation et le travail théorique d’interprétation et d’explication jouent des rôles complémentaires, la chimie est restée pendant très longtemps dans un état très peu évolué; seule, la grande révolution introduite par Lavoisier à la fin du xviii0 siècle permit de clarifier les conceptions de base et d’interpréter peu à peu les faits d’observation et d’expérimentation sans cesse plus divers. Ce retard si important est dû à la complexité et à l’imperfection des données expérimentales recueillies par les premiers chimistes. La matière apparaît en effet sous des apparences très variées, qu’il s’agisse de minéraux, de corps organiques ou de produits obtenus par voie de réaction. De plus, pour juger équitablement de l’effort des savants des siècles passés, il faut penser qu’avant la fin du xviii® siècle, les concepts modernes de corps pur et d’élément n’avaient pas été précisés et que les chimistes ne disposaient d’aucune espèce chimique parfaitement définie. De ce fait, toutes les expériences qu’ils entreprenaient étaient de nature très complexe; le manque de précision des mesures et le fait que les gaz obtenus étaient négligés compliquaient l’interprétation et empêchaient la constitution d’une théorie claire, générale et fondée sur des faits positifs.
- Aussi les théories actuelles sur la constitution de la matière sont-elles d’origine très récente : les principes de la théorie
- atomique moderne n’ont été posés qu’au début du xixe siècle par le chimiste anglais John Dalton et ses fondements n’ont été assurés que par la création, au xxe siècle, de la chimie physique, de la physique atomique et de la physique nucléaire.
- I. — Les débuts de la chimie.
- Les premières idées relatives à la constitution de la matière remontent certainement à la préhistoire. L’observation des corps et des phénomènes naturels, les premières expérimentations consécutives à la découverte du feu fournirent à l’homme des moyens d’action et entraînèrent la naissance de techniques nouvelles : cuisson des aliments, fabrication d’ustensiles en terre cuite et en poterie, teinture, métallurgie. Cette chimie, très primitive, était essentiellement un assemblage de recettes empiriques sans cesse améliorées; cependant elle engloba très tôt un ensemble d’idées abstraites, d’inspiration plus ou moins magique, liées - à la croyance en un univers constitué par un conglomérat d’entités mystérieuses aux vertus magiques, bienfaisantes ou mauvaises.
- Les premiers renseignements que nous possédons à , ce sujet proviennent des civilisations babylonienne et égyptienne, déjà
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- très évoluées; encore sont-ils très fragmentaires et très difficiles à interpréter. Si le niveau élevé atteint par fa métallurgie, la technique de la poterie et de la céramique, l’industrie des tissus et du papyrus, la fabrication des remèdes prouve déjà l’existence d’un solide fonds de recettes empiriques de chimie 'appliquée, il semble que les conceptions relatives à la constitution de la matière soient encore d’inspiration peu scientifique et que les idées magiques y jouent un rôle essentiel. Toutefois les vues d’ensemble paraissent plus claires et plus systématiques que celles des civilisations antérieures et deux courants semblent en être issus, l’un menant aux conceptions beaucoup plus posi-
- Fig. 1. — Figure du XVF siècle (Janus Lacinius : Pretiosa Margarita...., Venise, 1557) symbolisant la théorie des quatre éléments d’Aristote. En bas, récipients utilisés par les alchimistes.
- tives et plus rationnelles des philosophes grecs, l’autre qui, par l’intermédiaire des magiciens d’Ëgypte et du Proche-Orient, conduit à l’essor que connut l’alchimie aux premiers siècles de notre ère jusqu’à la Renaissance.
- H. — Les théories des philosophes grecs.
- C’est sur les côtes d’Asie Mineure, en Ionie, qu’apparaissent aux alentours du vie siècle avant notre ère, les premières tentatives systématiques d’interprétation des phénomènes naturels et que naissent en particulier les premières conceptions relatives à la constitution de la matière. Basées sur un ensemble de données très fragmentaires et très imparfaites, celles-ci sont
- des hypothèses invérifiables dont la seule valeur réside en leur cohérence et en leur liaison avec une philosophie très évoluée qui écarte toute intervention surnaturelle ou mystique.
- Le rôle essentiel joué par l’eau sous ses différents états, par l’air, le feu et la terre apparut aux yeux des premiers penseurs-grecs, les « physiologues », comme un fait primordial ; ils imaginèrent que ces quatre formes sous lesquelles la matière leur apparaissait n’étaient que des apparences différentes d’un élément unique, constituant tout l’univers, et en qui tout pouvait se redissoudre. Les théories qui furent successivement élaborées diffèrent entre elles par le choix de cet élément ét par les propriétés qui lui étaient attribuées.
- Les premières théories. — Constatant que « l’humide » est partout où existe la vie, Thalès de Milet choisit l’eau comme élément primordial, tandis que pour Anaximandre, les différents éléments pouvant së transmuer parfaitement les uns dans les autres, l’élément primordial, susceptible de toutes les transformations, est en somme indéterminé.
- Anaximène rejette cette hypothèse et fait jouer à l’air le rôle d’élément primordial; il donne en même temps quelques indications sur le mécanisme de transformation des substances, qu’il explique par des processus de raréfaction et de condensation, accompagnés de production de chaleur ou de froid, mais ne précise pas le lien de causalité qui unit les différents aspects d’une même transformation. Dans la lignée de ces physiologues, Héraclite d’Éphèse fait jouer le rôle d’élément primordial au feu, corps mobile entre tous.
- Avec Parménide disparaissent les hypothèses sur la transmutabilité parfaite entre les diverses substances; les transformations des corps ne sont pour lui qu’une apparence et les modifications que décèlent nos sens ne sont dues qu’à des regroupements différents, des changements de place ou de forme d’une réalité permanente, d’un « être » éternel et immuable, point de vue qui se rapproche de notre conception moderne suivant laquelle toute transformation de la matière est due à des déplacements et à des regroupements de molécules, d’atomes ou de constituants atomiques.
- Les synthèses du Ve siècle. — Ces théories, éprises par les philosophes grecs du vie siècle avant notre ère ou de la première moitié du v® siècle, ne sont, il faut le noter, que des spéculations de l’esprit qui ne s’appuient sur l’observation et l’expérience que d’une façon très lointaine; mais elles ont le grand mérite de tenter une explication rationaliste des phénomènes naturels. D’ailleurs, dès le demi-siècle suivant, elles se trouvent reprises, modifiées et incorporées dans des essais de synthèse beaucoup plus vastes et plus ambitieux : ceux d’Anaxagore, d’Empédocle et de Démocrite, qui, tout en possédant la même fragilité, la même absence d’un solide soubassement concret, tenteront d’esquisser une vue d’ensemble de l’univers. Dans ces nouveaux systèmes, la nature de la matière ne joue plus le rôle unique, ses transmutations ne sont plus admises d’une façon aussi générale, le problème de sa structure apparaît en même temps que l’on imagine des forces destinées à expliquer les mouvements de corpuscules entraînant les transformations observées.
- Esprit très imaginatif, penseur profond, médecin au légendaire pouvoir magique, Empédocle admet que toutes les substances sont formées par la combinaison des quatre éléments ou a racines » (eau, terre, air, feu) dont le rôle fondamental avait été admis jusqu’alors de façon diverse ; le nombre de ces éléments est aussi celui des quatre polyèdres réguliers connus des Pythagoriciens et celui des humeurs qui étaient supposées régir l’état de santé. Deux fluides mobiles, qu’il appelle l’amour et la haine, règlent les actions mutuelles de ces quatre éléments. Empédocle définit aussi, mais d’une façon assez vague, la composition de certaines substances et étend à d’autres domaines sa conception des fluides contraires.
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- Esprit plus austère, Anaxagore développa des conceptions plus rationalistes, dont certaines furent parfois jugées subversives. Niant la transmutabilité parfaite entre états divers de la matière, il admet l’existence initiale des différentes substances sous forme de particules extrêmement petites qui coexistent en grand nombre en un même point de l’espace, les caractères propres d’une substance apparaissant en tout point où existent un nombre suffisant de ces particules. Démocrite considère que la cause des déplacements de ces particules est d’origine mécaniste, et c’est bien à tort que certains de ses commentateurs ont cru déceler chez lui des vues spiritualistes.
- Créée par Leucippe, une nouvelle grande théorie de la matière nous est surtout connue par l’intermédiaire de Démocrite d’Abdère. .Pour cette école, dite atomiste, les substances sont formées par la réunion de particules extrêmement petites, indivisibles, les atomes, tous formés de la même matière et séparés les uns des autres par des espaces vides qui fixent leurs contours, extérieurs. Ces atomes sont de formes différentes et leur état continuel de chute les groupe en assemblages sans cesse différents; la matière primordiale se trouve ainsi modelée par trois facteurs qui déterminent ses propriétés apparentes : la forme, l’ordre et la position de ses particules. Ce mouvement d’entraînement des atomes qui modifie les propriétés et l’apparence des substances ne peut être créé que par une cause matérielle. Ce caractère rationaliste de la théorie atomiste explique, que, malgré son absence de tout support expérimental ou concret, cette conception fut, à plusieurs reprises, considérée comme l’unique voie permettant d’atteindre à une connaissance positive. Aussi la retrouverons-nous à diverses époques, plus ou moins modifiée; repensée et refondue par Dalton, mise au point par les chimistes du xixe siècle, elle ' finira d’ailleurs par s’imposer, sous une forme, il est vrai, beaucoup plus rationnelle et plus convaincante.
- Les conceptions d’Aristote. — Avec Aristote, les théories antérieures se trouvent revues et coordonnées en un système très cohérent qui tint une place essentielle dans les conceptions des chimistes jusqu’au xvme siècle. Reprenant la théorie des quatre éléments d’Empédocle, Aristote y introduit des modifications considérables. Il admet l’existence initiale d’une matière virtuelle unique, qui ne se réalise concrètement en l’un des quatre éléments que sous l’action d’un couple de qualités fondamentales qui lui donne son apparence et sa forme. Ces qualités étant au nombre de quatre (chaud, froid, sec, humide) et deux des combinaisons théoriques (chaud-froid, sec-humide) étant contradictoires, il demeure quatre couples possibles, dont l’action permet de réaliser les différents éléments suivant le schéma suivant :
- chaud -> air <- humide
- 1 •
- feu eau
- t t
- sec -> terre -t- froid
- En opposition avec les théories d’Empédocle, l’action de ces couples permet de concevoir la transmutation de chaque élément en l’un ou l’autre des éléments voisins, par simple substitution d’une qualité à son contraire, et, en deux étapes, la transmutation d’un élément en l’élément opposé. Ainsi réapparaît la doctrine de l’unité de la matière et l’hypothèse de la transmutabilité parfaite des divers éléments, et, par conséquent, des diverses substances. L’hypothèse d’un élément qui, existant en puissance, ne se réalise concrètement que par l’action de facteurs déterminants est tout à fait dans l’esprit de l’ensemble de la doctrine d’Aristote.
- En dehors de ces transmutations qu’il considère comme assez exceptionnelles, Aristote distingue trois catégories de transformations, correspondant à différents types de séparation
- et de regroupement et voisines de nos concepts modernes de mélanges, de solutions et de combinaisons chimiques.
- Pour rétablir l’harmonie entre le nombre des éléments et celui des polyèdres réguliers, que la découverte du cinquième polyèdre régulier convexe avait provisoirement rompue, Aristote imagine un cinquième élément qui, au lieu d’être mêlé dans notre monde aux quatre premiers et soumis à leurs diverses transformations, constitue, immuable et éternel, la matière des corps célestes. Il admet d’ailleurs que les quatre éléments de notre monde ont également chacun leur lieu naturel particulier; mais les influences célestes qui se propagent jusqu’à la limite des deux mondes déplacent ces éléments, introduisant
- Fig. 2. — La Chrysopée de Cléopâtre (Biblioteca de San Marco de Venise, Man. grec N. 299, fol. 118 v : fin du xe siècle), d’après Berthelot, Collection des anciens alchimistes grecs.
- Cette représentation alchimique contient divers symboles mystiques et la figuration d’un alambic à deux bras reposant sur un matras, placé sur un fourneau allumé. C’est la reproduction de figures beaucoup plus anciennes.
- des perturbations et des mélanges et chaque élément éloigné par ces forces de son lieu naturel tend à y revenir. De deux types, ces émanations célestes régissent en fait l’ensemble des transformations qui se déroulent à la surface de notre globe, car elles sont à l’origine des phénomènes dits météorologiques qui comprennent, en plus des divers phénomènes rangés aujourd’hui sous ce vocable, certains phénomènes célestes et d’autres relevant de la géographie physique ou de la géologie. Toute cette théorie est régie par un finalisme général qui oriente l’ensemble des phénomènes.
- Liée à une théorie générale de la nature et des causes de tous les phénomènes, la conception de la matière d’Aristote marque un progrès assez net sur ses devancières, tant par sa cohérence que par le rôle fondamental qui y est dévolu, en principe du moins, à l’observation et aux données sensorielles. Certes, comme nous le verrons, elle a entravé la naissance
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- Fig. 3. — Représentation d’un « Athanor » en fonctionnement, avec deux récipients en verre (J. Lacimus, Prœciosa a c nobilissima artis chimiœ, ..., Nuremberg, 1554).
- et le progrès de la science moderne; mais ceci découle surtout de l’inlerprétalion dogmatique et souvent erronée qu’en ont faite les aristotéliciens du Moyen Age et de la Renaissance.
- Le déclin. — Après Aristote, le progrès dans la mise au point des diverses théories de base de la science s’interrompt et, rapidement, on assiste à un net phénomène de régression. Il faut cependant signaler l’effort de Straton qui, au début du me siècle avant notre ère, insiste, à la suite de Théophraste, continuateur direct d’Aristote, sur l’importance de l’expérimentation et la nécessité d’écarter les considérations métaphysiques, principes qui malheureusement ne seront compris, ni par les autres savants de l’Antiquité, ni par les commentateurs du Moyen Age. Straton amorce aussi une synthèse entre les conceptions de Démocrite et d’Aristote en réintroduisant les espaces vides périatomiques pour expliquer des variations de volumes des différents corps sous l’effet des variations de température. Cette conception sera reprise ultérieurement par le mécanicien alexandrin Ctésibius qui y cherchera l’explication de nombreux phénomènes.
- S’ils admettent l’existence des quatre éléments d’Aristote, les stoïciens font intervenir dans les transformations de la matière l’influence d’un fluide rationnel issu de la divinité et celle, encore plus vague, d’une sympathie unissant les diverses parties de l’univers, conceptions dont l’influence fut très néfaste au progrès de la science.
- D’essence matérialiste, la physique des épicuriens dérive de la conception atomiste de Démocrite, la variété des transfor-
- mations subies par les substances étant attribuée à une déviation subie par les atomes dans leur chute. Lucrèce rendit un nouvel éclat à ces conceptions en les réprenant dans son De rerum txalura et le vif succès que connut cette théorie à la Renaissance est essentiellement dû à son influence.
- Malgré leur caractère purement spéculatif, les conceptions des physiologues grecs et de leurs successeurs des v® et ive siècles, avaient le grand mérite d’éliminer tout recours aux influences surnaturelles et par l’accent de plus en plus vigoureux mis sur l’observation et l’expérience, cet effort aurait pu préluder à la création de théories purement rationnelles. Mais au contraire, en insistant sur le caractère uniquement spéculatif de ces systèmes et en leur adjoignant de nouveaux éléments extra-scientifiques, les derniers philosophes grecs compromirent l’apport de leurs prédécesseurs. Ils préparèrent ainsi le recul si net dans la conception de la science de la matière qui, se manifestant dès le ier siècle, par le renouveau de succès de l’alchimie, se maintiendra jusqu’au xvii® siècle, empêchant tout progrès scientifique de quelque ampleur dans ce domaine.
- III. — L'alchimie.
- Ses fondements. — Nous avons vu que les idées mystiques et magiques ont imprégné les premières conceptions relatives à la chimie. Les métaux ont tenu un rôle de choix dans ces spéculations. Une hiérarchie fut établie entre eux et, tant à cause de son éclat naturel, de sa résistance aux différents agents chimiques, que de- sa rareté, l’or fut considéré comme le plus noble, le roi des métaux; la possession de ce métal précieux, réservé à la fabrication des objets sacrés, des ornements et des monnaies, devint le signe de la puissance matérielle et de la richesse.
- La tentation de contrefaire un tel symbole est certainement apparue très tôt.' Si leur moindre résistance à divers agents chimiques permettait de reconnaître des corps naturels ou alliages ayant l’apparence de l’or, cependant rien ne prouvait, a priori que la perfection fut inaccessible. D’ailleurs, les moyens analytiques étaient très rudimentaires, et la conception moderne d’élément, ne date que de la fin du xvme siècle. L’orfèvrerie fut bientôt réservée à des confréries fermées qui, pour éviter de faire connaître leurs méthodes au non. initiés, dissimulaient la simplicité relative de celles-ci et leur peu de résultats sous des formules obscures et d’apparence magique. Ainsi naquit l’alcliimie, interprétation magique ou allégoriqué de techniques chimiques dont le caractère élémentaire était masqué par une complexité artificielle de recettes faisant intervenir des forces mystérieuses, des ingrédients bizarres et des incantations magiques. L’interveiition plus ou moins obscure de divinités mystérieuses ou de forces occultes dans ce domaine étonait d’autant moins que les religions déifiaient de nombreux éléments naturels. Les objectifs essentiels de l’alchimie étaient de réaliser la transmutation des diverses substances, spécialement des métaux inférieurs, en or et de préparer des drogues merveilleuses douées du pouvoir de guérir les différentes maladies et de prolonger la vie.
- Ses débuts. — Notre connaissance des débuts de l’alchimie est encore très vague et très fragmentaire. Cependant, on admet généralement qu’elle s’est développée, en même temps que l’astrologie et diverses sciences occultes, parmi les civilisations du Proche-Orient dont les croyances se prêtaient à cette intervention constante de facteurs magiques et surnaturels.
- Il est difficile également de fixer les circonstances de son entrée dans le monde hellénique; peut-être son apparition date-t-elle des débuts de fa civilisation ionienne et la croyance en la transmutation que nous avons retrouvée dans la plupart des
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- Fig. 4. — Le laboratoire alchimique de P. Breughel (1558).
- doctrines des philosophes grecs n’en est-elle que le reflet spiritualisé. Le contact plus intime avec les anciennes civilisations orientales qui s’opéra lors des conquêtes d’Alexandre et de la floraison de la science hellène à Alexandrie influença d’autant plus les esprits dans un sens favorable à l’alchimie que le caractère mystérieux de ses recettes s’accordait de mieux en mieux avec le climat d’ensemble moins rationaliste. Aux alentours du premier siècle de notre ère, un intense brassage s’opère entre les tendances les plus spéculatives des théories des philosophes et les diverses l’eligions, orientales, grecque, romaine, judaïque et chrétienne, tandis que de nouvelles sectes de caractère mystique aparaissent de toutes parts. Pline, dans son Histoire Naturelle, montre la puissance que prennent les idées alchimiques qu’il s’efforce de combattre. Le déclin des études scientifiques et de la foi rationaliste favorise les progrès de toutes les pseudo-sciences. Lié à la fois avec le christianisme primitif et avec diverses religions, le gnosticisme se prêle en particulier à toutes les spéculations magiques, astrologiques et alchimiques. Il introduit une conception de la matière beaucoup moins scientifique que ne l’étaient celles des philosophes grecs : la matière est réalisée par les cons qui proviennent de Dieu et dont l’ensemble forme le pléroma. Le retour final de ces éons en Dieu constitue la Rédemption universelle.
- A la philosophie naturaliste et cosmologique grecque succède une théosophie nouvelle qui renforce les vagues aspirations platoniciennes à un monde supérieur tout en demeurant sous l’influence païenne et en rejetant le principe d’une religion révélée. Ainsi, en restant dans la tendance générale des savants des époques antérieures, les philosophes néopythagoriciens des
- deux premiers siècles introduisent-ils une floraison d’idées métaphysiques et mystiques au sein de la philosophie et des sciences, tandis que les néoplatoniciens s’égarent encore plus, en accordant un crédit total à toutes les superstitions orientales : alchimie, mystique des nombres, astrologie, etc.
- Quant aux Pères de l’Église, leur position à l’égard, de la science tarde assez longtemps à se préciser. Dans leur préoccupation de combattre toutes les traces de l’esprit païen, ils s’opposent à certains aspects de la science antique, tout en acceptant certains autres. C’est ainsi qu’au ive siècle, revenant sur la position, beaucoup plus opposée, des premiers Pères de l’Église, Saint Basile accepte l’existence des quatre éléments et. des quatre qualités d’Aristote, mais met en doute l’existence du cinquième élément. Si leur intérêt pour la science n’est que secondaire et si, en voulant concilier l’enseignement de la science antique avec les vérités révélées, en particulier avec la Genèse, les Pères de l’Église interprètent très librement les écrits des philosophes, du moins ne les dédaignent-ils pas autant que certains de leurs contemporains et s’efforcent-ils de créer une science d’inspiration chrétienne.
- Au vie siècle, Philipon introduit un nouveau point de vue, en s’efforçant d’utiliser la logique d’Aristote pour défendre ses convictions chrétiennes ; cette attitude assez paradoxale sera celle de nombreux juifs et musulmans et elle sera adoptée par la plupart des docteurs chrétiens du Moyen Age.
- Cette conception éclectique qui, tout en rejetant des véritables théories d’Aristote tout ce qui semble contraire au dogme, utilise leur fondement pour confirmer ce dernier, ne pouvait mener à un progrès rapide de la science. Rn effet, elle s’opposait à la naissance d’un véritable esprit scientifique,
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- et conduisait à admettre toutes les idées qui n’étaient pas directement opposées à la. conception actuelle du dogme et de la logique d’Aristote. Tout fait nouveau, toute idée nouvelle se trouvait ainsi jugé, non d’un point de vue rationnel, mais simplement en fonction de deux dogmes dont l’interprétation ouvrait la voie à des discussions indéfinies.
- Son évolution et sa doctrine. — Toujours est-il que l’alchimie connut un succès vivace jusqu’à la Renaissance. La transmutation des métaux et la préparation de l’or en étaient le problème essentiel, mais ce grand œuvre comprenait aussi la préparation d’ingrédients servant à la guérison des maladies et à la lutte contre divers fléaux. Dans cette recherche, la méthode expérimentale ne joue qu’un rôle tout à fait secondaire; le secrèt supposé a été révélé par Dieu ou par une puissance surnaturelle à des êtres mythiques, considérés comme les fondateurs de l’alchimie; et ce secret, destiné à de rares initiés, réside en d’obscurs écrits qu’il suffît de savoir interpréter. Les premiers dépositaires du secret sont tantôt d’anciens savants, comme Démocrite, tantôt des sortes de demi-dieux comme Hermès Trismégiste,. Isis, Moïse, Marie la juive, Comarius ou Cléopâtre. Ainsi, l’art de l’alchimiste •consiste-t-il essentiellement à interpréter d’obscurs et fantaisistes écrits où les recettes se trouvent dissimulées sous des formules allégoriques, les choses étant dotées de noms conventionnels, intelligibles aux seuls adeptes. Certes, plusieurs de ces écrits renferment d’intéressantes indications sur certains faits expérimentaux, mais la plupart d’entre eux n’ont aucune valeur scientifique. Ils ont eu la grande responsabilité, non seulement d’empêcher pendant de longs siècles tout progrès véritable de la chimie, mais encore d’introduire dans ses conceptions fondamentales un état d’esprit profondément antiscientifique, ouvrant la voie aux fabulations les plus étranges. Cultivée de façon très attentive par les Arabes, l’alchimie ne les détourna pas cependant de faire une moisson assez riche de faits expérimentaux dont malheureusement l’interprétation ne pouvait être tentée d’une façon réellement efficace. Pendant tout le Moyen Age elle continua à être réservée à des écoles d’initiés qui, pour convaincre le public de leurs faux exploits, compliquèrent à souhait les conceptions fondamentales relatives à la constitution de la matière, liant les métaux aux planètes ou aux nombres, multipliant leurs textes obscurs, et lançant le bruit de la réussite de leurs entreprises. Il serait très difficile et vain de vouloir dresser un tableau de Dévolution des conceptions alchimiques relatives à la constitution de la matière.
- Le principe de la doctrine alchimiste est clairement résumé par Rassenfosse et Guében (1) : « La matière est unique et vivante; un métal comme une plante est en voie d’évolution incessante. 11 existe une identité remarquable entre les animaux, les plantes et les métaux (minerais). Ceux-ci possèdent comme ceux-là une vie propre, mais ralentie. Ils naissent, dans le sol, de la renconlre de deux semences ou principes opposés. D’abord imparfaits, ils passent par une série d’états différents et s’élèvent vers la perfection. Celle-ci se manifeste par la résistance aux causes extérieures d’altération. L’or résiste à la chaleur, à l’humidité, aux agents chimiques usuels; le fer, le plomb, le cuivre au contraire s’altèrent facilement.
- Sous l’action des astres (2), les métaux vils deviennent métaux purs; mais ce travail, qui s’effectue au sein de la terre, est très lent. L’alchimiste cherchera dans son laboratoire à réduire le laps de temps nécessaire à ces transformations. Il peut encore donner comme définition de son art : « par la résolution des mixtes, séparer le pur de l’impur ».
- Dans ces théories, les éléments d’Aristote sont mêlés à toutes ces conceptions magiques et astrologiques qui se trouvent complétées par l’intervention de principes ou de qualités nouvelles qui obscurcissent encore l’ensemble. L’idée essentielle qui se développe au cours du Moyen Age est la croyance en l’existence de la a pierre philosophale », sorte de catalyseur merveilleux permettant de transformer le métal vil en or et qui se prépare par « combinaison (mariage philosophique) à haute température de deux» corps purifiés. par le bain », dans un ballon scellé (œuf philosophique) chauffé pendant de longues heures sur un fourneau (Athanor). Jusqu’au xvm® siècle différents chimistes crurent, ou firent croire, qu’ils avaient le secret de la pierre philosophale; cette superstition entraîna, avec le recul de la science, des excès regrettables et encouragea le développement des autres pseudo-sciences.
- Avant de quitter cette alchimie, dont le seul mérite est d’avoir permis la mise au point de diverses, techniques et élargi l’ensemble des faits expérimentaux, citons quelques passages caractéristiques d’écrits de ses adeptes :
- 1. Des alchimistes aux briseurs d’or, Paris-Liège, 1936, pp. 36-37.
- 2. « Le soleil marque l’or ; le vif-argent Mercure Ce qu’est Saturne au plomb, Vénus est à l’airain La lune de l’argent,- Jupiter de l’étain,
- Et Mars du fer sont la figure. »
- (Bibl. Arsenal, Man. S. et A. n° 152).
- Fig. S. — Figures allégoriques symbolisant deux procédés de préparation de la pierre philosophale
- (Basilius Valentinus, Tractat von dem grossen Stein der Uhrhalten, ..., 1626).
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- « De la terre adamique, extrais d’abord le mercure des sages, qui constitue la quintessence.de la métallité. Au mercure des sages, allie l’or philosophique et chauffe, durant une lune, dans un four qui a la forme d’un œuf. Tu obtiens de la sorte la tête de corbeau qui, après quelques jours, blanchit et se transforme en cygne blanc... Patiente encore et appelle l’esprit du feu. Le cygne blanc devient rouge, puis jaune : tu possèdes la pierre philosophale ».
- « Prends le sang du crapaud, l’œil de la lune par le tiers de sa course, mets sur elle la figure qui est encore vivante sous les pieds du pendu. Prends le sang de la femme, les larmes de l’homme, l’arsenic, l’argent mobile, le sel de la mer. Prends « La Substance » et une autre. Tu sais tout » (1).
- « Ce n’est... ni le plomb, ni l’étain, ni le fer, ni le cuivre, ni même le vif-argent que l’on change en or; mais c’est le mercure du plomb, le mercure du fer, le mercure de l’étain, le mercure du ciiivre et le mercure du vif-argent. Et que tous ces mercures ne sont qu’une même espèce de matière que la nature a formée pour en faire de l’or ».
- Ainsi, sous un fatras mystique et allégorique se retrouve l’antique croyance en l’unité et en la parfaite transmutabilité de la matière, qui a pu paraître dénuée de tout support aux savants de certaines époques, mais que les travaux des physiciens modernes ont réhabilitée sous une forme à peine différente.
- Paracelse et les « iatrochimistes ». — Au début du xvie siècle, alors que se développe, parallèlement aux recherches des alchimistes, une chimie appliquée de plus en plus puissante, un assaut direct et efficace est tenté contre la méthode et les buts de l’alchimie par Paracelse (i493-i542). Ce personnage très curieux critique à la fois les conceptions des anciens, plus ou moins déformées par les scholastiques, et les buts et les méthodes de l’alchimie. Il proclame l’autorité absolue de l’expérience et donne comme but à l’alchimie la recherche de moyens pour guérir les maladies et prolonger la vie. Considérant que le corps humain est-un composé chimique dont les maladies sont des altérations, il affirme que ces dernières doivent être combattues par voie chimique. Il établit dans ce but un parallélisme entre les astres, les métaux, les différentes parties du corps humain et leurs maladies et propose d’opposer à ces dernières des remèdes appropriés, préparés par les procédés alchimiques à partir des principes actifs des végétaux et des minéraux. Il établit en même temps une nouvelle conception de la matière, admettant la décomposition de tout corps analysable en trois principes « spagyriques » : soufre, mercure et sel. « Ce qui brûle est le soufre. Tout ce qui entre en combustion est soufre. Tout ce qui s’élève en fumée est mercure. Rien n’est sublimé, hormis le mercure; ce qui se résout en cendres est le sel ». Ces trois principes n’ont évidemment que le nom de commun avec les corps simples que nous connaissons. Ainsi, après avoir critiqué les anciennes doctrines, Paracelse en échafaude-t-il une nouvelle, ni plus concrète, ni plus cohérente. Les continuateurs de Paracelse, les « iatrochimistes », enrichirent la pharmacopée de nombreuses substances nouvelles. Insistant sur le rôle de l’expérience, ils s’efforcent de travailler avec soin, de discerner la pureté de leurs préparations et posent les premières bases de l’analyse chimique. Le plus célèbre d’entre eux est Jean-Baptiste Van Helmont qui considère que l’eau est l’élément primordial que l’on peut transformer en une substance quelconque grâce à une liqueur merveilleuse 1’ « alcaest », dont il évite de donner la recette. Mais au bout d’un siècle, ces théories sont en pleine décadence; tout en utilisant l’apport expérimental des iatrochimistes, la chimie cherche à se libérer de la contrainte médicale, à se rapprocher de la physique et en renonçant à ses ambitions démesurées, tente de se constituer en science autonome.
- 1. Rassenfosse et Guében, op. cit., pp. 44-46.
- IV. — Le renouveau des conceptions théoriques.
- I. Les théories atomistes et mécanistes.
- Au xvne siècle apparaissent, les premiers signes sérieux d’une rénovation des théories de la matière. Le scepticisme croissant à l’égard des conceptions des alchimistes et des iatrochimistes porte à accepter des théories d’apparence plus scientifique et plus rationnelle. Dès le début du siècle, les partisans d’une chimie expérimentale se rencontrent, dans leur opposition aux conceptions antiscientifiques, avec les nouveaux atomistes. De ces derniers, disciples de Démocrite, d’Ëpicure et de Lucrèce dont les théories ont été remises à la mode depuis peu, Gassendi est le représentant le plus éminent. Attribuant une nature corpusculaire tant aux corps matériels qu’aux agents qui déterminent nos sensations, cette philosophie, conçue en dehors de toute préoccupation chimique, influença cependant de nombreux savants qui s’efforcèrent de réduire les phénomènes chimiques à des actions mécaniques de corpuscules très petits. L’invention du microscope et les nombreuses découvertes faites à l’aide de cet instrument amenèrent tout d’abord Bellini et Leewenhoek à décrire les molécules infiniment petites de-
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- Fig. 6. — Figures allégoriques représentant l’amalgamation de l’or. Ce dernier est figuré par le roi sur son trône, tandis que le mercure est représenté par son fils indigne qui le transperce de son épée
- (J. Lacinius, Pretiosa Margarita, ..., Venise, 1557).
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- divers corps. Le développement de la science expérimentale et la croyance en la possibilité d’atteindre les réalités du monde matériel encouragèrent de nombreux chimistes à poursuive dans cette voie. L'a méthode et la doctrine cartésiennes s’accordaient sur divers points avec cette théorie. Pour Descartes, la matière est confondue avec l’espace qu’elle occupe; les différences que nos sens observent entre les différents corps sont dues presque uniquement à la disposition différente des molécules qui les constituent. Mais le vide n’existe pas; la matière le remplit tout entier car autour des particules visibles se meuvent des particules beaucoup plus petites de matière subtile. Descartes associe d’ailleurs à sa conception, une théorie tourbillonnaire de la création du monde qu’il présente comme une fiction vraisemblable. De telles conceptions avaient le mérite d’éliminer toutes les qualités occultes et d’introduire des théories mécanistes, mais elles possédaient le grave défaut d’être purement théoriques et d’éloigner le chimiste de l’expérimentation.
- En fait, les chimistes de la fin du xvn® siècle réussirent à faire une synthèse des conceptions atomistes et cartésiennes, tout en conférant à l’expérience une place centrale. Robert Boyle en est le représentant le plus éminent; il fit une critique très mordante des anciennes doctrines, précisa d’une façon presque moderne la notion de corps simple, adopta la méthode expérimentale et la philosophie corpusculaire tout en croyant à l’unité de la matière. En France, Lémery réalisa une oeuvre analogue, inspirée des mêmes idées. Le succès considérable de ses traités et de son cours oral contribua dans une large mesure à diffuser dans toute l’Europe la conception de la chimie comme science expérimentale de principe mécaniste. On ne peut mieux expliquer la nature d’un corps, écrit-il « qu’en attribuant aux parties qui le composent des ligures qui répondent à tous les effets qu’il produit ». Mais ce nouvel et brillant essor de la théorie atomiste ne devait pas être de
- très longue durée car dès la fin du xvn6 siècle se préparaient les bases d’une nouvelle théorie.
- 2- La théorie du phlogistique.
- Malgré le succès de la conception atomiste, l’influence des anciennes doctrines demeurait vivace et, en Allemagne, des chimistes s’efforcèrent de concilier celles-ci avec les nouvelles théories mécanistes. Ainsi, Beccher tire argument du silence de la Bible au sujet de leur origine pour conclure que les minéraux dérivent des êtres vivants. Il affirme aussi qu’au début, la terre et l’eau furent seules différenciées et que les autres corps en dérivent donc, quoique la terre contienne les trois principes de Paracelse.
- Un disciple de Beccher, G.-E. Stahl conçut une nouvelle théorie de la matière qui fut adoptée par la plupart des chimistes du xvme siècle, avant la grande réfortne de Lavoisier. Stahl accepte les quatre éléments d’Aristote, non comme principes de tous les corps, mais comme instruments des transformations matérielles. Il admet de même le principe de la théorie atomiste, mais repousse la possibilité d’atteindre à la connaissance de l’atome ainsi que la doctrine de l’unité de la matière.
- Comme le montre H. Metzger, l’élément de Stahl « est un principe porteur de qualités et ce n’est pas en l’isolant, mais en étudiant les propriétés qu’il impose aux complexes dans lesquels il est dissimulé, que nous parvenons à deviner sa présence ». La première terre, vitrifiable, « forme la masse de presque toutes les matières et le feu la réduit en verre », la deuxième, sulfureuse, donne aux corps la faculté de brûler, la troisième, mercurielle, cause la grande densité des corps et confère aux animaux et végétaux leurs propriétés spéciales. De plus Stahl croit que l’attraction entre atomes de même espèce explique la plupart des phénomènes chimiques, en particulier, la formation des divers sels. La caractéristique la plus importante de sa théorie est le rôle important qu’elle attribue à la deuxième terre de Beccher, désignée sous le nom dnqihlogis-tique ou phlogiston. Réfutant les théories anciennes qui font de cet élément, soit une simple notion métaphysique, soit un soufre grossier, Stahl le considère comme une terre concrète et sèche dont le chimiste peut étudier les propriétés sans l’isoler. Sa théorie part de l’observation de la similitude existant entre calcination et combustion : pour Stahl tout corps combustible est formé d’une partie non combustible (cendre ou terre) et d’un principe combustible, le phlogistique. Si l’on chauffe un tel corps, le phlogistique s’échappe et la cendre reste; le phlogistique n’est perceptible qu’à ce moment sous forme de feu, de lumière et de chaleur. Expliquant l’oxydation du zinc chauffé, . sous une forme équivalente à l’égalité :
- zinc = chaux de zinc
- \ + phlogiston f,
- Stahl considère à tort le métal comme un corps composé et
- pjg. 7. __ Figures allégoriques représentant les éléments d’Aristote, les principes de Paracelse et les
- principaux symboles alchimiques (Basilics Valentinus, Tractat von dem grossen Stein der ühralten, ..., 1626).
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- son oxyde comme un corps simple. Cette erreur est due à l’ignorance du rôle joué par les gaz et des caractéristiques pondérales de la réaction. Le principe « feu » d’Aristote est redevenu matière et il le restera jusqu’à la fin du siècle, sous le nom de phlogistique, puis, après Lavoisier, sous le nom de calorique, il devient pendant quelques décades une matière sans masse.
- Malgré son caractère profondément erroné, cette théorie n’empêchera pas les alchimistes d’expérimenter et de recueillir une ample moisson de faits nouveaux. Stahl et ses disciples doivent faire des prodiges d’imagination pour maintenir leur théorie contre les expériences et les arguments qui leur sont opposés ; aussi les propriétés attribuées au phlogistique se compliquent-elles à mesure pour s’adapter aux faits expérimentaux mis en lumière. Si les combustions s’arrêtent rapidement en atmosphère confinée, c’est que le phlogistique a besoin de beaucoup d’espace pour s’échapper. A mesure que les pesées deviennent plus précises, l’interprétation devient encore plus délicate; Guyton de Morveau n’expliquera-t-il pas l’augmentation de masse d’un métal qui s’oxyde en attribuant au phlogistique une masse négative.
- Mais les recherches et les découvertes se multiplient, spécialement dans le domaine de la chimie pneumatique, c’est-à-dire de l’étude des gaz, ou « fluides aériformes », et c’est là que se constituent les éléments qui vont bientôt permettre à Lavoisier de remplacer la théorie stahlienne par sa chimie nouvelle. Black isole et étudie le gaz carbonique, l’identifie dans la composition du calcaire et montre son rôle dans la neutralisation des bases ; il détruit ainsi la théorie de Meyer qui considérait la chaux comme une combinaison de calcaire avec un principe mystérieux dénommé « acidum pingue ». La méthode pondérale de sa démonstration est d’ailleurs celle qui amènera Lavoisier à ruiner la théorie du phlogistique. Introduisant dans ses recherches les méthodes quantitatives des physiciens, Cavendish découvre et étudie l’hydrogène et fait la première synthèse de l’eau. Priestley et Scheele découvrent l’oxygène indépendamment l’un de l’autre et Lavoisier montre que c’est ce corps qui, se combinant aux métaux lors de leur calcination, augmente leur masse. L’air atmosphérique est également analysé, L’azote et le chlore découverts. Tous ces gaz semblent se rapprocher plus ou moins de l’hypothétique phlogistique; l’azote devient l’air phlogistiqué, l’oxygène, l’air déphlogistiqué, l’hydrogène, dénommé air inflammable, est identifié par certains avec le phlogistique lui-même. En effet, suivant la théorie, un métal est formé par la combinaison du phlogistique avec sa chaux; or, l’hydrogène permet de préparer un métal par simple action sur sa chaux. Mais les difficultés théoriques augmentent par cette assimilation à l’hydrogène car, s’il était relativement facile d’ajouter constamment de nouvelles propriétés à un élément mystérieux et insaisissable, le fait devient beaucoup plus délicat si l’élément devient un corps réel que l’on peut étudier directement. En fait, la théorie stahlienne n’était acceptable qu’à une époque où les mesures étaient faites de façon imprécise et où les gaz étaient négligés dans les réactions.
- V. —- La genèse des théories modernes.
- La chimie nouvelle de Lavoisier. — Depuis 1772, Lavoisier semble avoir clairement senti la nécessité de remplacer la théorie du phlogistique par une chimie nouvelle qu’il échafaude avec méthode et opiniâtreté avant d’en proclamer les principes. Il a d’abord montré la vraie nature des phénomènes de combustion et d’oxydation et précisé divers autres phénomènes. Mais c’est après avoir réalisé la synthèse de l’eau, en même temps que Cavendish et Monge, et opéré son analyse qu’il se décide à lancer l’offensive brutale contre les anciennes théories, détruisant d’abord la croyance millénaire en la nature élémentaire de l’eau. Ce qui lui permet de lancer cette idée si révolutionnaire, c’est qu’elle vient à l’appui de sa théorie
- qu’il développe alors. Si d’autres explications apparemment plus confuses qui lui furent opposées purent être maintenues pendant plusieurs années, cela tient en partie à la force de la routine, mais aussi à ce que, pour un chimiste de cette époque, une qualité aussi nette que la combustibilité devait être liée à un support concret ; or la théorie de Stahl donnait ce support, tandis que l’explication de Lavoisier, ramenait la combustion au rang d’une réaction ordinaire. A l’exemple de Boer-haave, Lavoisier lui-même jugea nécessaire de donner une existence matérielle au calorique, c’est-à-dirè à la chaleur qu’il imagine sans masse, partie intégrante des divers corps.
- Peu après que Lavoisier eût proclamé sa nouvelle doctrine
- Fig. 8. — Figures montrant la persistance des représentations allégoriques des réactions chimiques au début du XVIIP siècle (J.-C. Barc-kausen, Elementa chimice, ..., Lyon, 1718).
- et persuadé les chimistes qui travaillaient dans son sillage, un nouveau progrès fut réalisé par l’édification d’une nouvelle nomenclature. Guyton de Morveau avait entrepris cette réforme, si nécessaire, sous l’angle de l’ancienne doctrine, mais ayant été converti à la nouvelle théorie lors d’un séjour à Paris, il refondit entièrement son travail, seco’ndé par les chimistes parisiens qui voulurent faire de cette nomenclature nouvelle un manifeste en faveur de la chimie de Lavoisier. En fait, malgré diverses erreurs dans la composition de certains corps, cet essai, premier effort sérieux et rationnel, qui donnait un nom à tous les corps considérés comme simples et s’efforçait d’interpréter méthodiquement la structure des corps composés, continue dans ses grandes lignes à être suivi aujourd’hui.
- Plusieurs grands principes, plus ou moins pressentis par des chimistes du xvin® siècle, furent clairement mis en lumière par Lavoisier, en particulier, les lois de la conservation de la
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- matière et des éléments et la notion moderne de corps simple, remplaçant l’antique et obscure conception d’élément. Si « nous attachons au nom d’éléments ou de principes des corps, écrit LaAroisier, l’idée du dernier terme auquel parvient l’analyse, toutes les substances que nous n’avons pu encore décomposer par aucun moyen sont pour nous des éléments; non pas que nous puissions assurer que ces corps que nous regardons comme simples, ne soient pas eux-mêmes composés de deux ou même d’un plus grand nombre de principes, mais puisque ces principes ne se séparent jamais, ou plutôt puisque nous n’avons aucun moyen de les séparer, ils agissent à notre égard à la manière des corps simples, et nous ne devons les supposer composés qu’au moment où l’expérience et l’observation nous en auront fourni la preuve ». Une telle définition montre la méthode et la prudence avec lesquelles opère Lavoisier. Sa théorie est certes loin d’être parfaite, puisqu’elle suppose en particulier que tout gaz est formé de deux corps simples, l’un, le calorique, commun à tous et qui leur impose l’état aériforme, l’autre, caractéristique de chacun d’eux. Mais de telles imperfections n’empêchaient pas cette conception d’être en sérieux progrès sur ses devancières et d’ouvrir la voie à la nouvelle chimie.
- La notion d’affinité. — Le succès de la théorie newtonienne de la gravitation universelle avait permis à Geoffroy de réintroduire en 1718 la notion d’attraction entre corps, si âprement combattue par les savants du siècle précédent, comme étant une qualité occulte, reste des erreurs du Moyen Age. Mais, pour ne pas choquer outre mesure les cartésiens, il le fit sous la forme d’une table des affinités, simple recueil de règles expérimentales, qui préparait utilement le travail du xix® siècle. dans cette voie. Peu à peu sous l’influence conjuguée de Newton et de Stahl, ces notions apparaissent d’une façon plus nette. En 1782, Boerhaave explique la plupart des faits connus par une théorie des affinités, inspirée de Newton et assez différente de la conception des disciples de Stahl. Au cours du siècle, la théorie se précise et s’affirme et, en 1783, Bergman donne une vue d’ensemble de ce vaste sujet, suivi d’ailleurs par de nombreux autres chimistes. Dans son Essai de statique chimique de i8o3, Berthollet introduit un certain nombre de notions nouvelles, en particulier, ses lois bien connues, première incursion dans le domaine des équilibres chimiques. L’étude de l’électrolyse, les travaux de thermodynamique et de thermochimie, l’étude des relations équilibrées, la découverte de la loi d’action de masses permettront enfin de comprendre, à la fin du xixe siècle, la notion d’affinité chimique qu’après un moment d’espoir, les chimistes de la première partie du xixe siècle s’étaient presque résignés à ne pouvoir éclaircir. La création de la chimie physique au xx® siècle permit de reprendre cette théorie sous un angle nouveau.
- La théorie atomique. — Divers chimistes du xvm® siècle s’étaient intéressés à la détermination des poids d’alcalis nécessaires à la neutralisation d’un poids déterminé d’acide. Les Allemands Wenzel et Bichter avaient réussi à interpréter ces faits expérimentaux grâce à leur loi des équivalents. En 1801, Proust donna sa loi des proportions définies, qui précise que les actions entre deux corps sont définies exactement en proportions pondérales et il réussit à la faire triompher de l’opposition de Berthollet. En i8o3, le chimiste anglais John Dalton compléta cet ensemble par sa loi des proportions multiples qui étudie les rapports entre les composants de corps formés des mêmes constituants.
- Cette loi a une grande importance théorique, et sa découverte devait mener à la mise en lumière d’une théorie renouvelée de Démocrite, la structure atomique de la matière, que Dalton mit à la base de sa loi. Il définit cette structure d’une façon plus rationnelle et plus précise que ses devanciers, en attribuant aux atomes de chaque corps simple une figure et un poids caractéristiques. Des atomes d’éléments différents pou-
- vant s’unir pour former un atome de corps composé, la tâche essentielle du chimiste est de déterminer les caractères dès atomes de corps simples et la structure des atomes de corps composés. Dalton s’efforça de déterminer les nombres proportionnels aux divers poids atomiques en partant dé la base conventionnelle H = 1.
- Sans se rallier à l’hypothèse atomique, certains savants adoptèrent ces poids atomiques, qu’ils appelèrent équivalents ou nombres proportionnels.
- Dalton avait introduit de nouveaux symboles pour représenter les corps simples, à la place des antiques figures des alchimistes; il put ainsi schématiser la structure des corps composés. Berzélius préféra représenter chaque corps simple par l’initiale de son nom ; il introduisit ainsi la notation moderne, si commode et si précise. Pendant ce temps les découvertes de nouveaux corps simples se multipliaient ; grâce à l’électrolyse, Davy prépara le potassium et. le sodium, mais leur nature de corps simples ne fut reconnue qu’après de longues discussions, la parenté entre leurs sels et les sels ammoniacaux créant de nombi'eux malentendus. Davy démontra aussi la nature d’élément simple du chlore, jusqu’alors désigné sous le nom d’acide muriatique oxygéné ; la découverte de l’iode confirma cette conception et permit d’établir la structure des hydracides.
- En 1808, Gay-Lussac établit la simplicité des rapports volumétriques entre différents gaz se combinant entre eux. Quelques années plus tard, Avogadro interpréta cette loi grâce à sa célèbre hypothèse : « Le nombre des molécules intégrantes dans des gaz quelconques est toujours le même à volume égal ou est proportionnel aux volumes ». Il désigne par molécule intégrante, ce que nous appelons aujoui’d’hui molécule, réservant ce dernier terme à l’atome moderne. Les recherches de Dulong et Petit sur la chaleur spécifique des divers éléments, les travaux de Mitscherlich sur l’isomorphisme permirent de déterminer certains poids atomiques et de déceler la structure de divers corps composés.
- Sans pouvoir entrer dans le détail, il faut signaler que la création de la chimie organique et les innombrables travaux et discussions qui suivirent jouèrent un rôle essentiel dans le succès de la théorie atomique. La mise au point des diverses théories et des nombreuses lois qui forment l’ossature de cette nouvelle science mirent en effet cette théorie au premier plan et permirent de la préciser, en même temps que d’autres importantes notions, comme celle de valence.
- Les discussions entre atomistes et équivalentistes se prolongèrent tout au long du xix® siècle; mais les atomistes réussirent à.triompher et à imposer leur point de vue et leur façon d’écrire les formules des corps composés, par exemple H20, au lieu de HO pour l’eau, et KOH, au lieu de KO, pour la potasse. En i856, le chimiste italien Cannizaro exposa, pour la première fois, la théorie atomique d’une façon claire et quasi définitive.
- Le problème de l’unité de la matière. — Ce problème si important qui avait été l’un des thèmes principaux de discussion au cours de l’Antiquité grecque, du Moyen Age, et même des xvu® et xvme siècles, semblait devenu presque sans objet au début du xix® siècle, car la plupart des chimistés considéraient alors les corps simples comme des êtres primitifs sans aucune relation entre eux. Mais ce problème, si important du point de vue philosophique, revint bientôt à la mode; Dalton remarqua que les poids atomiques de la plupart des corps simples sont des multiples du poids atomique de l’hydrogène; en i8o5, un disciple de Dalton, Prout supposa que les atomes de ces corps étaient formés par l’accolement d’atomes d’hydrogène., théorie que Stas infirma en montrant que ces rapports n’étaient pas entiers. .
- D’autres recherches menèrent à des résultats plus satisfaisants. Les corps simples avaient été classés depuis longtemps en métaux et en corps non métalliques, dénommés métalloïdes par Berzélius. Tandis qu’on distingua diverses familles de
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- métaux : alcalins, alcalino-terreux, etc., J.-B. Dumas introduisit une classification analogue parmi les métalloïdes, en se basant uniquement sur des similitudes de propriétés et sans insister pour une explication théorique. Divers chimistes tentèrent des essais plus ou moins concluants pour interpréter la périodicité, apparemment assez complexe, qui apparaît dans les propriétés des divers corps simples en fonction de leurs poids atomiques. Ce fut le savant russe Mendeleeff qui triompha en établissant en 1869 son célèbre tableau, où il ordonne les éléments d’après leurs poids atomiques de telle façon que les éléments analogues se placent en colonnes verticales, les propriétés diverses des différents corps d’une même ligne horizontale évoluant de façon continue. Ce tableau montra sa pleine valeur en permettant de prévoir l’existence et les propriétés de plusieurs corps simples alors inconnus.
- Si Mendeleeff se garda d’interprétations aventureuses, de nombreux chimistes s’efforcèrent d’y trouver les bases d’une théorie unitaire de la matière. L’histoire de l’interprétation définitive de ce tableau est en fait celle de la physique atomique que nous n’aborderons pas dans cette brève étude. Seules, les découvertes si nombreuses et si rapides faites dans ce
- domaine depuis Ta fin du xixp siècle et les théories de plus en plus complexes qui ont vu le jour depuis cette époque, ont permis de comprendre d’une façon assez claire les fondements véritables d’une théorie qui, de purement spéculative qu’elle était à ses débuts, plusieurs siècles avant notre ère, est devenue, au cours de ces dernières décades, l’une des bases les plus sûres de notre connaissance du monde concret.
- René Taxon.
- Bibliographie
- Brunet et Mieli. — Histoire des sciences. Antiquité. Paris, 1935.
- Tannery. — Pour l’histoire de la science hellène. 2‘ éd., Paris, 1930.
- II. Metzger. — La Chimie. Paris, 1930.
- — Les doctrines chimiques en France... Paris, 1923.
- —• Newton, Stahl, Boerhaave et la doctrine chimique. ï>aris, 1930. Rassenfosse et Guében. — Des alchimistes aux briseurs d’atomes. Paris, 1936.
- Bertiielot. •— Origines de l’Alchimie. Paris, 1885.
- M. Daumas. — L’acte chimique. Bruxelles, 1946.
- — Lavoisier. 2° éd., Paris, 1950.
- Delacre. — Histoire de la chimie. Paris, 1924.
- A. Kirrmann. — La chimie d’hier et d’aujourd’hui. Paris, 1928.
- CONSTITUTION DES ATOMES ET DES MOLÉCULES
- Le problème de la constitution des atomes et des molécules est fondamental dans la science contemporaine. Le but n’est pas de saisir une insaisissable nature des choses, mais de coordonner le plus possible de propriétés de la matière, physiques, chimiques et même biologiques, par l’intermédiaire de considérations de structure. Il n’existe sans doute pas de question où la collaboration des physiciens et des chimistes se soit avérée plus indispensable et plus féconde. Ce sont les chimistes surtout qui ont fait sortir les concepts d’atomes et de molécules du domaine des abstractions philosophiques pour les relier à des faits concrets ; ce sont les physiciens qui ont réussi à en faire une réalité presque tangible, du jour où il leur fut possible de dénombrer les molécules.
- C’est dans sa molécule que réside l’individualité de tout corps chimique; la molécule c’est l’individu chimique. Connaître cet individu chimique, les façons dont il se comporte quand on le met en présence d’autres individus chimiques, ce serait savoir rendre compte de toutes les propriétés des corps. L’individu chimique est inséparable des individus physiques dont l’existence s’est imposée depuis que le discontinu s’est étendu de la chimie à la physique, longtemps l’apanage du continu. L’individu d’électricité est l’électron, celui de lumière le photon; citons encore les protons et les neutrons. Électrons, protons et neutrons se retrouvent comme constituants des atomes et des molécules, dont les transformations peuvent s’accompagner de la production ou de la consommation de photons.
- Les molécules sont faites d’atomes. L’étude de la constitution des atomes précède nécessairement l’étude de la constitution des molécules.
- Tous les éléments reconnus par les chimistes sont susceptibles d’exister à l’état d’atomes.
- Il y a autant de types d’atomes que d’éléments. Le nombre des éléments connus est aujourd'hui exactement de 100, depuis la découverte du plus récent d’entre eux qui a justement reçu le nojn de centurium. Cet élément a le numéro 100, non parce qu’il est le centième dont on ait établi l’existence, mais parc? que tel est son rang dans la classification que les chi-
- mistes ont dressée des éléments. Ce numéro d'ordre est le numéro ou nombre atomique. Il ne présente aucun élément d’arbitraire; c’est une constante caractéristique dont la valeur peut être déterminée expérimentalement sans aucune ambiguïté. Ici encore se manifeste l’heureuse collaboration des physiciens et des chimistes; ce sont les chimistes qui, avec Mendeleev, ont proposé la classification hiérarchique des éléments, sur la base d’une périodicité de leurs propriétés chimiques; ce sont les physiciens qui ont donné à la place occupée dans cette classification une signification concrète et fourni le moyen de la connaître. Ce problème est inséparable de celui de la constitution même des atomes.
- Constitution des atomes.
- Chaque atome comprend deux parties distinctes, le noyau et l’enveloppe électronique. Le noyau est porteur d’électricité positive; sa charge électrique est égale en valeur absolue à celle de l’ensemble des électrons qui l’entourent, de sorte qu’au total l’atome est électriquement neutre. Le nombre des électrons présents autour du noyau est précisément le numéro atomique de l’élément; c’est donc aussi la quantité de charge élémentaire positive du noyau. C’est la constante fondamentale des atomes : leurs propriétés chimiques en découlent.
- La masse de l’enveloppe électronique est petite à côté de celle des noyaux; la masse de l’électron est en effet un peu plus de 1 800 fois plus petite que celle du plus léger des noyaux, celui de l’atome d’hydrogène ou proton. Mais, si la masse des atomes est essentiellement concentrée dans leur noyau, le noyau par contre occupe une place considérablement plus petite que l’enveloppe électronique, de sorte que les dimensions des noyaux sont négligeables à côté des dimensions des atomes.
- Les noyaux sont constitués de protons et de neutrons. Protons et neutrons ont mêmes masses, mais les protons sont porteurs d’une charge électrique positive égale en valeur absolue à celle des électrons, tandis que les neutrons sont électrique-
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- ment neutres. Le nombre des protons présents dans un noyau est égal au numéro atomique de l’élément, mais le nombre des neutrons peut être variable; ainsi, pour un numéro atomique donné, la masse n’est pas nécessairement déterminée. Les atomes de même numéro atomique, mais de masses différentes, correspondent à ce qu’on appelle des isotopes. Certains édifices nucléaires sont instables et évoluent spontanément plus ou moins vite; ils présentent les phénomènes de transmutation naturelle et de radioactivité. Les noyaux stables peuvent subir des transformations quand on les soumet à des agents particulièrement énergiques ; ce sont là des phénomènes de transmutation artificielle. Cependant les noyaux demeurent intangibles dans toutes les réactions chimiques usuelles et c’est l’enveloppe électronique seule qui conditionne les propriétés chimiques; les isotopes ont même propriétés chimiques. Nous laisserons de côté ce qui concerne les phénomènes nucléaires, parce qu’ils ne touchent pas à la constitution des molécules, nous nous intéresserons plus spécialement à l’enveloppe électronique.
- Les électrons d’un atome se déplacent autour du noyau en effectuant des mouvements que, conformément aux idées de Bohr et de Sommerfeld, on a d’abord assimilés aux déplacements des planètes autour du soleil. L’homme de science doit souvent avoir recours à des images et raisonner par analogies quand il aborde l’étude de phénomènes nouveaux, qu’il essaie de rattacher à ceux qui lui sont devenus plus familiers. Dans les premiers tâtons pour s’orienter dans le monde atomique, c’est le monde cosmique qui fut choisi pour comparaison. Si des lois nouvelles furent par la suite découvertes, il reste que l’image planétaire aide encore à décrire l’univers atomique, dont les idées actuelles ne permettent qu’une représentation très floue.
- Les électrons ne décrivent pas autour du noyau des orbites quelconques, mais leurs mouvements sont déterminés, en première approximation, par un certain nombre de paramètres, dits nombres quantiques. Le premier définissait, dans l’image planétaire, la distance minimum de l’orbite au noyau, le second la forme de cette orbite, par exemple circulaire ou elliptique, le troisième les changements subis sous l’action de forces extérieures, électriques ou magnétiques. Tout comme la terre tourne sur elle-même au cours de sa rotation autour du soleil, les électrons pivoteraient sur eux-mêmes, soit dans un sens soit dans l’autre, c’est-à-dire de la droite vers la gauche ou de la gauche vers la droite; le quatrième nombre quantique, dit spin, caractérise ce dernier mouvement.
- Les quatre nombres quantiques ne peuvent prendre des valeurs quelconques, ils doivent obéir à des lois arithmétiques. La valeur du premier nombre quantique, x, 2, 3, 4, 5, 6, 7, ..., définit le rang de la couche dans laquelle se situe l’électron; elle est dite respectivement K, L, M. N, O, P, Q, ..., les couches étant d’autant plus éloignées du noyau que leur rang est plus élevé. Le second nombre quantiqüe est lui aussi un nombre entier, mais nécessairement inférieur au premier et pouvant prendre la valeur zéro; il définit ce qu’on appelle le niveau; l’électron est désigné par s si le second nombre a pour valeur zéro, par p pour la valeur 1, par d pour la valeur 3, par / pour la valeur 3, etc... Le troisième nombre quantique définit ce qu’on convient en général d’appeler l’orbite; c’est tin entier, positif ou négatif, éventuellement nul, dont la valeur absolue ne peut dépasser celle du second nombre quan-" tique. Le quatrième nombre quantique ne peut prendre que les valeurs 1/2 et — 1/2, selon que l’électron pivote dans un sens ou dans l’autre. L’ensemble des quatre nombres quantiques sert à définir le mouvement de. chaque électron, ou ce qu’on appelle son état.
- Deux électrons d’un même atome ne peuvent avoir des mouvements en tous points identiques, se trouver dans le même état, de telle sorte qu’il ne peut correspondre à un jeu donné des valeurs des quati’e nombres quantiques qu’un seul électron
- de l’enveloppe électronique. C’est là le principe de Pauli. Ce principe restrictif a pour conséquence que le nombre de? électrons présents dans une couche donnée est nécessairement limité. Il ne peut y avoir que deux électrons dans la couche K, savoir deux électrons s, notés 1s. Il ne peut y avoir que 8 électrons dans la couche L, savoir deux électrons s notés 2s et six électrons p notés 2p. Il ne peut y avoir que 18 électrons dans la couche M, savoir deux électrons s notés 3s, six électrons p notes 3p, dix électrons d notés 3d. Il ne peut y avoir que 32 électrons dans la couche N, savoir deux électrons s notés 4s, six électrons p notés 4p, dix électrods d notés 4d, quatorze électrons / notés 4/. De façon générale, il ne peut y avoir, dans la couche de rang n, un nombre d’électrons supérieur à 2n2. Sur une orbite donnée, définie par les valeurs des trois premiers nombres quantiques, il ne peut donc exister que deux électrons; si tous deux sont présents effectivement, ils sont dits appariés; s’il n’y en a qu’un seul, il est dit non apparié ou célibataire.
- Tous ces résultats ont été en fait imposés par l’étude des propriétés spectrales des atomes. Un atome peut en effet exister sous différents états, qu’on peut caractériser par unie répartition déterminée de ses électrons entre les différents états électroniques, et auxquels on peut faire correspondre une certaine valeur d’énergie. L’état le plus stable est celui d’énergie la plus faible ; il est dit état normal ou fondamental. Il peut y avoir passage d’un certain état à un état d’énergie plus grande par absorption d’un photon, à un état d’énergie plus petite par émission d’un photon ; l’énergie du photon absorbé ou émis est égale chaque fois à la différence d’énergie entre les deux états. Les énergies de ces photons ont des valeurs telles qu’ils correspondent à des radiations susceptibles de se trouver dans les parties les plus variables de l’immense domaine spectral, partie visible, infra-rouge, ultra-violet, rayons X. Des relations ont été établies entre les fréquences ou les longueurs d’onde des radiations spectrales et les états électroniques. Ce sont en particulier les déplacements des électrons des couches les plus internes qui sont responsables des spectres de rayons X des éléments pas trop légers; l’étude de cés spectres par Mose-ley lui permit de reconnaître qu’ils étaient en relation directe avec le numéro atomique et d’en fixer la valeur. Les spectres de rayons X sont une propriété atomique, en ce sens qu’ils se retrouvent à peu près inchangés quand les atomes sont engagés dans des molécules; c’est la preuve que les électrons des couches les plus internes ne participent pas ou guère aux liaisons entre les atomes. Il en va tout autrement pour les électrons des couches externes dont les déplacements intéressent des radiations de la partie visible du spectre ou des régions limitrophes, de telle sorte qu’il existe des relations étroites entre les propriétés chimiques et les spectres visible, ultra-violet ou infra-rouge. Le malheur est que ces spectres soient extraordinairement complexes et ce fut précisément le gros succès de la théorie de Bohr d’avoir réussi à interpréter le spectre de l’atome d’hydrogène.
- L’atome d’hydrogène est le plus simple de tous, puisqu’il ne renferme cpi’un électron. Cet électron est situé dans la couche K quand l’atome d’hydrogène est dans son état normal. Par apport d’énergie, l’électron peut se trouver rejeté dans des couches plus externes et l’atome porté dans un état dit excité. Le retour de l’électron des couches les plus externes à une couche plus interne s’accompagne de l’émission de radiations, dont la théorie de Bohr permit précisément de retrouver les fréquences avec une étonnante précision.
- Le cas des autres atomes est plus difficile. On a néanmoins réussi, au moins en première approximation, à répartir les électrons entre les couches successives et les différents niveaux. Les niveaux se garnissent les uns après les autres, suivant un ordre assez bien déterminé, conformément aux stabilités respectives. Leur classification est à peu près la suivante :
- is 2s 2p 3s 3p 4s 3d 4p 5s 4d 5p 6s 4/ 5d 6p 7s.
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- En principe, si l’on suit la distribution des divers électrons au fur et à mesure que croît le numéro atomique de l’élément, un niveau n’apparaît que lorsque celui qui le précède dans le classement ci-dessus a été rempli. En fait, il y a peu de différence entre les énergies de certains niveaux, par exemple entre les niveaux 4s et 3d ou 5s et 4d, de sorte que certains niveaux peuvent commencer à se garnir avant que les précédents aient été remplis.
- On connaît maintenant, dans la très grande majorité des cas, les répartitions des électrons, ce qu’on appelle la constitution électronique des atomes dans leur état normal. La filiation de ces structures a permis de rendre compte des particularités essentielles de la classification périodique des éléments.
- La classification périodique des éléments.
- On trouvera plus loin (p. 36g), la classification périodique des éléments. Les éléments y sont alignés en rangées et en colonnes. Chaque case comporte, en plus du nom de l’élément, le symbole chimique, le numéro atomique, le diamètre de l’atome assimilé à une sphère, enfin les nombres des électrons présents dans les couches successives, à l’état normal.
- Les deux premiers éléments sont l’hydrogène et l’hélium, de numéros atomiques i et 2, renfermant respectivement dans la couche K un ou deux électrons s. On les a fait précéder, avec le numéro zéro, du neutron qu’on peut considérer, si l’on veut, comme un atome de charge nucléaire nulle et par suite exempt d’électron.
- La couche K se ti’ouvant ainsi saturée, on garnit alors la couche L, introduisant d’abord les deux électrons s puis les six électrons p; on obtient ainsi les huit éléments des numéros B à 10, du lithium au néon, constituant la première rangée de la classification périodique. Il en va de même pour les électrons s et p de la couche M et l’on a de même les huit éléments de la deuxième rangée, dés numéros 11 à 18, du sodium à l’argon.
- Les électrons 4s de la couche N apparaissent avant les électrons 3d de la couche M et l’on rencontre ainsi le potassium et le calcium, de numéros 19 et 20. A l’introduction des électrons 3d, au nombre de dix, correspondent les dix éléments des numéros 21 à 3o, du scandium au zinc, qui constituent ce qu’on appelle la première série d’éléments de transition; en vérité, un électron 4s peut disparaître pour devenir 3d, comme c’est le cas pour le chrome et pour .le cuivre. Puis vient le tour des électrons 4p et l’on retrouve six éléments dits normaux, des numéros 3i à 36, du gallium au krypton. Cela fait, au total, un troisième groupe de dix-huit éléments, comprenant huit éléments normaux (19, 20, 3i, 32, 33, 34, 35, 36) et dix éléments de ti'ansition. Les choses se reproduisent de la même manière pour les dix-huit éléments suivants qui constituent un quatrième groupe de huit éléments normaux (37, 38, 49, 5o, 5i, 52, 53, 54) et des dix éléments de la deuxième série de transition (numéros 3p à 48), les électrons 5s apparaissant avec les deux premiers éléments normaux, les électrons 4d avec la deuxième série de transition, les électrons 5p avec les six derniers éléments normaux.
- Le cinquième groupe, qui 'vient ensuite, comporte trente-deux éléments. Les électrons 6s de la couche P apparaissent avec les éléments 55 et 56, le césium et le baryum. Le premier électron 5d se manifeste avec le lanthane (numéro 57); c’est alors seulement que vient le tour des quatorze éléments 4/ avec les quatorze éléments appartenant à ce qu’on appelle le groupe des terres rares ou lanthanides, des numéros 58 à 71, du cérium au lutécium; en fait l’électron 5d peut manquer et être remplacé par un électron 4/. Le niveau 5d, qui ne renfermait encore qu’un électron, se complète alors et c’est une troisième série d’éléments de transition, comprenant les éléments des numéros 72 à 80, de l’hafnium au mercure. On en arrive
- enfin aux électrons 6p avec les six éléments des numéros 8r à 86, du thallium au radon. Le cinquième groupe comprend donc au total huit éléments normaux (55, 56, 81, 82, 83, 84, 85, 86), dix éléments de la troisième série de transition (57, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80), quatorze éléments du groupe des terres rares. Pour des raisons de commodité, les lanthanides ont été représentés à part dans le Tableau.
- Le sixième groupe comprendrait lui aussi peut-être" trente-deux éléments, si la liste ne s’arrêtait actuellement au numéro 100. Il est possible que s’y reproduise ce qui se passe pour le cinquième groupe, c’est-à-dire qu’il comprenne d’abord deux éléments normaux, le francium et le radium, de numéros 87 et 88, que l’élément suivant, l’actinium, de numéro 89, joue un rôle analogue à celui du lanthane, c’est-à-dire qu’il précède une nouvelle série d’éléments, les actinides, faisant pendant au groupe des terres rares, mais la question est encore controversée. Tout comme les lanthanides, les actinides ont été portés à part dans le Tableau.
- Ainsi est illustrée la filiation des éléments. On peut en vérité faire figurer de diverses manières les différents groupes ; nous avons adopté le mode de représentation le plus classique, avec neuf colonnes. Chacune des colonnes I à VII est subdivisée en deux parties a et b. Dans la colonne la on trouve tous les éléments pour lesquels apparaît un électron s dans une nouvelle couche externe; ce sont les éléments dits alcalins. Dans la colonne lia on trouve de même tous les éléments pour lesquels apparaît le deuxième électron s; ce sont les éléments dits alca-lino-terreux. De façon plus générale, on trouve dans les colonnes la, Ha, Ilia, IVa, Va, Via, Vlla et 0 les éléments normaux de chacun des différents groupes et, dans les colonnes 1b, lit», IIIf?, IV5, V5, VI5, VII5 et VIII les éléments de chaque série de transition. La colonne VIII réunit trois éléments successifs constituant une triade.
- Aux mêmes types de configurations électroniques externes correspondent des analogies plus ou moins nettes de propriétés chimiques. Les éléments chimiquement analogues sont le plus souvent situés les uns au-dessous des autres, comme c’est le cas pour la famille des métaux alcalins de la colonne la, ou pour les métaux àlcalino-terreux de la colonne lia, ou pour la famille des halogènes de la colonne Vlla, ou pour les éléments dits gaz rares ou inertes, parce que exempts de propriétés chimiques, de la colonne 0. Des analogies se retrouvent aussi dans les colonnes b, par exemple, dans la colonne 15, entre le cuivre, l’argent et l'or. Des analogies chimiques peuvent également se rencontrer entre éléments situés les uns à la suite des autres, comme cela est particulièrement net pour les lanthanides ou pour les éléments appartenant aux triades.
- C’est un fait fondamental que la considération de la structure électronique des atomes ait permis de justifier la périodicité des propriétés des éléments, reconnue par les chimistes, et de donner une base théorique à la classification de Mendeleev. La périodicité se retrouve d’ailleurs pour un grand nombre de propriétés physiques, en particulier pour les volumes moyens occupés par les atomes, déterminés à partir de l’espace occupé , à l’état solide, aux basses températures, par une quantité de corps simple égale à sa masse atomique, ou par d’autres méthodes. Ils sont le reflet de la structure de l’enveloppe électronique. Le volume croît brusquement quand apparaît une nouvelle couche; ainsi le sodium, le potassium, le rubidium, le césium ont des volumes atomiques très supérieurs à ceux des éléments inertes qui les précèdent et aussi à ceux des éléments alcalino-terreux qui leur font suite; ces derniers ont des volumes moindres, car, par suite de l’augmentation de la charge positive du noyau, les électrons, plus fortement attirés, ont davantage tendance à s’en rapprocher. On a exprimé, dans le Tableau, la dimension des atomes par leur diamètre, évalué en unités angstrom (A = io-8 cm), calculé à partir du volume atomique moyen en admettant l’atome assimilable à une sphère.
- (lire la suite, page 370).
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- TABLEAU
- DE LA CLASSIFICATION PÉRIODIQUE DES ÉLÉMENTS
- Lorsque le nombre des éléments connus est devenu suffisamment grand, les chimistes n’ont pas été sans remarquer qu’ils formaient des groupes de propriétés analogues ou encore que, s’ils étaient rangés par ordre de poids atomiques croissants, des propriétés comparables se manifesteraient d’une manière à peu près périodique.
- C’est le chimiste russe Mendeleieff qui, en 1869, après les tentatives de Chancourtois en France et de Lothar Meyer en Allemagne, réalisa la classification périodique des éléments qui est encore bien souvent désignée par son nom. En rangeant par ordre de poids atomiques croissants les 63 éléments alors connus et en ménageant des cases vides pour 24 éléments alors hypothétiques, Mendeleieff put dresser un tableau à double entrée où se placent dans une même colonne verticale des éléments de propriétés semblables, tandis que les éléments d’une même ligne correspondent à des oxydes renfermant une quantité croissante .d’oxygène. Malgré les critiques dont elle fut l’objet, la classification périodique de Mendeleieff s’affirma lorsque de nouveaux éléments découverts successivement vinrent se placer dans les cases laissées vides intentionnellement par Mendeleieff et lorsque les gaz rares de l’air, qu’il n’avait pas prévus, trouvèrent leur place naturelle dans une colonne supplémentaire de la classification.
- Il subsistait toutefois quelques inversions d’éléments gênantes qui disparurent lorsque les progrès dans la connaissance des structures atomiques conduisirent à substituer à l’ordre des poids atomiques croissants, celui des numéros (ou nombres^ atomiques ci’oissants; c’est-à-dire lorsque lés éléments furent rangés suivant le nombre total de leurs électrons gravitant autour du noyau sur les couches successives K, L, M, N, O, P, Q, nombre qui varie d’une unité de l’un au suivant. Cet ordre est, à peu de choses près, celui des poids atomiques croissants, ce qui explique le succès de Mendeleieff, mais il ^supprime quelques iri’égularités (A, K; I, Fe; Ni, Co) dont Mendeleieff, avec une magnifique prescience, n’avait pas tenu compte pour pouvoir placer les éléments de mêmes propriétés dans une même colonne.
- En passant d’un élément au suivant dans une même ligne, la couche électronique externe, ou la couche sous-jacente, s’enrichit chaque fois d’une unité, si bien que les éléments d’une même colonne ont des cortèges électroniques externes identiques, ce qui explique leurs similitudes de propriétés. On remar-
- quera que les groupes verticaux se divisent en deux sous-groupes formant deux colonnes, du fait que les périodes horizontales se répartissent en deux lignes, à partir de la troisième, suivant que l’apport d’un électron d’un élément au suivant s’effectue sur la couche externe ou sur la couche sous-jacente.
- La physique -moderne a définitivement validé le système périodique des éléments. Plusieurs modes de représentation sont évidemment possibles. Le tableau ci-contre est du type Mendeleieff, révisé et mis à jour d’après les renseignements les plus récents. .
- La disposition des éléments dans ce type de tableau oblige à en sortir deux groupes particuliers, les lanlhanides et les actinides. Chacun de ces groupes se compose d’éléments différant les uns des autres par le taux de remplissage d’une couche électronique déjà profonde, ce qui influe relativement peu sur leurs propriétés physiques et chimiques; aussi chacun de ces groupes se place-t-il dans une seule case de classification périodique. Il subsiste d’ailleurs encore des incertitudes pour la classification des atomes les plus lourds, à partir de l’actinium. Elles tiennent à*1 ce que la disti'ibution des électrons entre les couches O et P 11’est pas exactement connue. On a pris l’habitude de faire commencer le deuxième groupe à l’actinium. Mais certains spécialistes, en France notamment M. Grégoire, se référant aux propriétés chimiques, continuent la suite normale des éléments de la 70 période avec l’actinium, le thorium et le protactinium, et ne donnent un caractère analogue qu’aux éléments venant ensuite, dénommés transuraniens.
- Dans chaque case du tableau sont portés :
- i° Le symbole de l’élément;
- 20 Son poids atomique;
- 3° Son numéro atomique;
- 4° Le diamètre de l’atome en Angslroms;
- 5° La composition des couches' électroniques successives. Les traits maigres se rapportent aux couches qui comportent leur nombre maximum d’électrons et sont dites complètes ou saturées. Les traits gras ont été utilisés pour les couches dites non-saturées et qui peuvent s’enrichir en électrons en passant aux éléments de numéros atomiques supérieurs.
- Le neutron qui figure au début de la classification périodique ne comporte pas de couche électronique : c’est l’élément de numéro atomique zéro.
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- a
- S
- -s
- I 11 III IV V VI VII u
- a b a b a b a b a b a b a b
- VIII
- 0
- Nn Neutron [jH
- ES
- 0
- 0
- H Hydrogène H ou
- 1.0088
- 1,0080
- 3.0
- Li
- 6.940
- Lithium \3
- X 1 X2
- 3.14
- |-|a Hélium
- X2 ,
- TE
- Re Béryllium [4
- C X, 2
- 9,02 2.25
- Bore
- SL 3 X.2
- B
- %
- 10.82
- 6lCarboneÇ
- 1,54
- Ï4~| Silicium
- ~7~| Azote jÿj
- 12,010
- 1,06"
- 14,008
- X 6 X 2
- 8j Oxygène Q
- 16,0000
- 16] Soufre §
- «___w
- 2,12__________32,066
- Chrome I|4
- Vl JITi 1
- .Ab 13 X 8
- ~9~[ Fluor P
- 136
- 17} Chlore Q
- 1,94
- MnMan?:
- 19.00
- 4.003
- Ne Nlr 0°
- 20,183
- Na Sodium
- jW,1 X 8 3G2
- 22,997
- nu
- 3,64
- Mn Magnésium []2
- 13 j Aluminium AI
- 0,r“ JW-3
- 2,63
- 2697
- Argon fïô"
- JVC2
- Tü
- 39,944 3.83
- y Potassium |19~
- ,x jvi
- 4,77
- 39,096
- 40,08
- 3,94
- Sc Scandium
- .Jlf 2 „H3
- 21
- 45.10
- 3,21
- .01 2,58
- 54.93
- Fe
- 0
- 55,85
- Fer
- }f 2 J/ML X 8 X2
- Brome
- 2,53
- Nickel
- .J/ 2
- 58,69 2,50
- 29} Cuivre Qu
- 2,556
- 3ÜT
- 63,542
- Zinc
- Jf 7 JA.Î8 X 8 3C2
- Zn
- 2,754
- 65,377
- 5Ï~l Gallium
- Jf3 JW. 1S X 8 X 2
- Ga
- %
- 69,72
- 32}
- Germé ni
- . 7T4
- 1 Ge
- 2,794 • 72,60
- 2,51
- 74.91
- 34] Sélénium gg
- %
- fofp Molybdène |42
- 35}
- JT 7 JVb 18 X 8 X 2
- Br
- 2,26'
- Te Technecium
- Kr Kr-YPton IM
- ^ Jf 8 1
- 0^
- Ruthénium
- SJ Palladium [46
- ru ©o_ —
- 0^
- Rb Rubidium |57l
- o 1
- 85,48''"
- 5,03
- Sr Strontium |581
- 87.63
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- JT 8 J/L 18 X 8 X 2
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- 88,92^
- 02 Jf. 9 • J/l 18 X 8 X 2
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- L’atome en mécanique ondulatoire.
- La conception planétaire dérivait de la supposition que les électrons étaient des particules nettement délimitées, comme celles qu’on a l’habitude de considérer en mécanique classique. Mais les électrons et, de façon plus générale, les particules élémentaires n’obéissent pas aux lois de la mécanique classique, mais à une mécanique nouvelle, la mécanique ondulatoire. Tout se passe en effet comme si, aux particules élémentaires en mouvement, il fallait associer une onde. La mécanique ondulatoire fut créée par Louis de Broglie pour essayer de faire cesser un conflit entre la théorie ondulatoire de la lumière et la théorie corpusculaire, en considérant comme inséparables le coi’puscule de lumière ou photon et l’onde lumineuse. Louis de Broglie étendit ce résultat à tous les corpuscules, et la découverte expérimentale de la diffraction des électrons vint confirmer la validité de cette généralisation. Le problème de l’atome dut donc être repris en associant une onde aux électrons en mouvement dans les atomes.
- La mécanique ondulatoire a permis de poser mathématiquement le problème de l’atome, de le mettre en équation et de le résoudre entièrement dans le cas de l’hydrogène. Le résultat primordial est que les calculs conduisirent à retrouver les nombres quantiques, introduits jusqu’alors de façon empirique, de retrouver aussi les valeurs qui leur sont imposées. L’édification de l’atome de Bohr-Sommerfeld reposait sur des hypothèses disparates et des choix arbitraires; l’introduction des nombres quantiques devint une conséquence nécessaire de la nouvelle mécanique et reçut par elle sa justification. De même, en effet, que, pour une corde vibrante fixée à ses deux extrémités, il n’existe d’ondes stationnaires que pour des vibrations de fréquences bien déterminées, définies par des conditions arithmétiques, de même, pour le système d’un corpuscule et de son onde, les seuls états stables possibles sont ceux qui vérifient certaines conditions faisant intervenir des nombres entiers ou
- demi-entiers.
- Mais, si les hypothèses empiriques qui avaient présidé initialement à l’édification des atomes se trouvèrent clarifiées puis confirmées grâce à la mécanique ondulatoire, il fallut revenir sur la représentation que l’on se faisait des trajectoires électroniques, renoncer à la comparaison avec les orbites planétaires. C’est en effet une conséquence de la mécanique ondulatoire qu’on ne puisse tout à la fois connaître exactement le mouvement et la position d’une particule, en vertu de ce qu’on appelle les relations d’incertitude de Hei-senberg. On ne peut donc plus dire o ù s e trouve exactement par rapport au noyau l’unique électron d e l’atome d’hydrogène dans son état normal, quelle est sa trajectoire ni quelle est sa vitesse. L’électron pourrait en fait se trouver n’importe où, mais il existe une certaine probabilité de le localiser à un instant quelconque en un lieu déterminé; cette probabilité dépend de la distance au noyau et l’on peut déterminer une certaine valeur de cette distance pour laquelle on a plus de chance de rencontrer l’électron qu’à tout autre. Cette distance privilégiée, d’environ o,5 unité angstrôm ou un vingt-millionième de millimètre, est précisément la distance qu’avait trouvée Bohr en assignant à l’électron une orbite circulaire bien déterminée. De même la vitesse de l’électron est
- Fig. 1.
- Probabilité do présence de
- l’électron de l’atome d’hydrogène.
- variable, mais son énergie cinétique a en moyenne la valeur qu’avait calculée Bohr. On retrouve donc, avec un sens modifié, des données anciennes et l’atome doit être décrit comme consistant en un noyau entouré d’un corpuscule d’électricité négative dont la probabilité de présence en un lieu donné de l’espace est une fonction connue de la distance au noyau ; cette fonction est représentée sur la courbe de la figure i. La probabilité de présence ne dépendant que de la distance au noyau, on dit que la symétrie de l’électron est sphérique.
- Le cas des autres atomes est plus complexe et ne peut être résolu que par des approximations plus ou moins légitimes. Ce n’est que de façon approchée qu’on peut parler d’électrons s, p, d, etc.. On établit que tous les électrons s sont à symétrie sphérique. Par contre, les électrons p sont à symétrie axiale, la probabilité de présence de l’électron dépendant de la distance à certains axes. La théorie conduit à faire choix de trois axes rectangulaires passant par le centre de gravité du noyau, axe des x, axe des y, axe des z. Le choix de l’un au moins d’entre eux, par exemple l’axe des z, ne se trouve déterminé que si l’atome n’est pas isolé, mais est soumis à l’action de forces, ce qui est toujours le cas lorsque d’autres atomes sont présents. Les électrons p sont notés px, py, pz selon l’axe de symétrie de leur probabilité de distribution; sur les six électrons p qui peuvent être présents dans une couche on compte donc deux électrons pœ,. deux électrons py et deux électrons pz> deux à deux appariés, c’est-à-dire avec des spins deux à deux opposés. La probabilité de présence d’un électron p est plus grande le long de son axe que suivant toute autre direction.
- Pour la répartition des électrons d’un même niveau entre les différentes orbites, on est conduit à penser que les électrons ne commencent pas par s’apparier, mais qu’ils tendent à occuper le plus grand nombre d’orbites possible. Ainsi, sur les trois électrons de la couche externe des atomes normaux d’azote ou de phosphore, on compte un électron px, un électron py et un électron pz, tous trois non appariés. De même, dans l’atome d’oxygène, les deux électrons p externes occupent des orbites différentes. Remarquons ici qu’on peut continuer à parler de couche, de niveau, d’orbite et d’état des électrons, bien que la signification des nombres quantiques ait changé.
- La liaison chimique.
- L’élude de la structure des molécules fut faite au début uniquement "par les chimistes qui s’efforçaient de relier la constitution des corps à leurs propriétés. Dans leurs formules structurales développées ils représentaient les liaisons entre atomes par un trait unissant les symboles des deux éléments chimiques. Le nombre de liaisons qu’un atome est capable de nouer avec d’autres atomes est connu sous le nom de valence et l’on put attribuer aux différents éléments des valences déterminées. Donnons, à titre d’exemple, des formules développées très simples, celles du chlorure de sodium, de l’eau, de l’ammoniac, au tétrachlorure de carbone et de l’alcool éthylique :
- H Cl
- Cl —Na H-O-H N Cl — C —Cl
- H H Cl
- H H
- Ii — (1 — C — O — H
- I I
- H H
- Elles illustrent la monovalence de l’hydrogène, du chlore et du sodium, la bivalence de l’oxygène, la trivalence de l’azote, la tétravalence du carbone. Les chimistes purent aller plus loin dans leurs représentations et considérer les liaisons comme susceptibles d’orientation dans l’espace; c’est ainsi que van’t Hoff et Le Bel admirent la disposition dite tétraédrique des quatre liaisons du carbone, chaque atome occupant le centre d’un tétraèdre régulier et les quatre atomes auxquels il est lié les quatre sommets. Toutes ces connaissances n’étaient que qualitatives et la nature de la liaison chimique était inconnue.
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- A la suite de la découverte de la structure électronique des atomes, des essais furent tentés pour développer une théorie de la liaison chimique et de la valence. Les travaux de Kossel et ceux de LeAvis, antérieurs à la mécanique ondulatoire, conduisirent à distinguer deux types de liaisons chimiques, la liaison par électrovalence et la liaison par covalence. Le point de départ fut que les gaz rares, dont l’inertie chimique est pratiquement totale, sont constitués d’atomes dont la couche électronique externe comprend huit électrons, sauf l’hélium qui n’en peut posséder que deux. La stabilité chimique apparut liée à cette configuration dite d’octet, ou exceptionnellement de doublet.
- Kossel imagina que, dans les liaisons chimiques les plus simples, les atomes pourraient perdre ou fixer des électrons, de telle sorte que leur couche externe adopte la configuration d’octet des gaz rares (ou éventuellement de doublet). Ainsi, dans la molécule de chlorure de sodium, l’atome de sodium aurait perdu l’unique électron de la couche M, de telle sorte que la couche externe deviendrait la couche L avec huit électrons, et inversement l’atome de chlore, dont la couche externe M comporte 7 électrons, aurait fixé l’électron cédé par l’atome de sodium, de telle sorte que sa couche externe se saturerait elle aussi à 8 électrons. La perte d’un électron par l’atome de sodium le rend porteur d’une charge élémentaire positive et le transforme en ion positif ou cation, dont le noyau est identique à celui de l’atome, mais dont l’enveloppe électronique comporte un électron de moins; c’est le cation sodium. De même la capture d’un électron par l’atome de chlore le rend porteur d’une charge élémentaire négative et le transforme en ion négatif ou anion, dont le noyau est identique à celui de l’atome, mais dont l’enveloppe électronique comporte un électron de plus; c’est l’anion chlorhydrique. Des forces d’attraction électrique doivent rapprocher l’un de l’autre le cation sodium et l’anion chlorhydrique et assurer la possibilité d’existence de la molécule de chlorure de sodium. Ainsi, d’après Kossel, les molécules auraient toutes été constituées d’ions maintenus solidaires grâce aux forces d’attraction électrostatiques.
- Cette théorie permit de justifier aisément la valence des éléments et de la mesurer, l’électrovalence positive par le nombre d’électrons cédés, l’électrovalence négative par le nombre d’électrons fixés. Un même élément peut posséder à la fois des valences positives et des valences négatives; la considération de l’octet permit de justifier aisément une règle expérimentale reconnue par Abegg, suivant laquelle la somme de la valence positive maximum et de la valence négative minimum d’un même élément est égale à huit. Ainsi l’atome d’azote a une valence négative égale à 3 dans la molécule d’ammoniac NH3 et une valence positive égale à 5 dans la molécule d’anhydride azotique N20s ; il peut adopter une configuration de gaz rare en fixant trois électrons ou en en perdant cinq.
- On put encore justifier, mais moyennant des retouches, les valences positives variables de certains éléments. Le cas le plus simple élait celui des éléments qui possèdent deux valences différant de deux unités; par exemple, le phosphore est trivalent dans la molécule de trichlorure de phosphore PC13 et pentava-lent dans la molécule de pentachlorure PCS- Dans cette dernière molécule, l’atome de phosphore céderait les cinq électrons de sa couche externe M à chacun des atomes de chlore; dans la molécule PC13, il n’aurait cédé que trois électrons, les trois électrons p, pour conserver ses deux électrons s, avec une configuration de couche externe s’apparentant, si l’on veut, à celle de l’hélium. Un cas plus complexe était celui des éléments de transition, pour lesquels on connaît souvent plusieurs électrovalences positives, ne différant entre elles éventuellement que d’une unité; ainsi le cuivre est monovalent par le cation cuivreux et divalent par le cation cuivrique; on admit que la couche externe pouvait comprendre, en plus de deux électrons s et de six électrons p, des électrons d en nombre éventuellement variable, pas nécessairement égal à io ; ainsi la couche externe de l’ion cuivreux
- comporterait deux électrons s, six électrons p et dix électrons d, tandis que la couche externe de l’ion cuivrique comporterait deux électrons s, six électrons p et seulement neuf électrons d.
- Ainsi s’édifia la théorie électrostatique de la valence. La théorie de Kossel remporta des succès, rendit d’appréciables services, mais se heurta en fin de compte à d’insurmontables difficultés. En effet la production d’un ion positif à partir d’un atome exige qu’on fournisse de l’énergie et les énergies d’ionisation, qui peuvent être déduites en particulier des études spectrales, sont souvent considérables. Il est vrai que, inversement, la fixation d’électrons par un atome peut libérer de l’énergie, des atomes, comme celui de chlore, présentant de l’affinité pour les électrons. Mais on reconnut qu’il n’arrivait qu’excep-tionnellement que l’affinité électronique l’emportât sur l’énergie d’ionisation, de sorte que de l’énergie manquait au bilan. Sans doute l’union des ions libère elle-même de l’énergie, mais, en définitive, la production d’ions à partir d’atomes pour créer des édifices stables d’anions et de cations ne peut se produire que dans des cas très spéciaux, par exemple dans les cristaux dits ioniques; ainsi un cristal de chlorure de sodium est fait de la juxtaposition de cations sodium et d’anions chlorhydriques ; de même une solution aqueuse de chlorure de sodium comprend essentiellement des ions. Mais il est exceptionnel que des molécules, comme celles que l’on rencontre dans les corps à l’état gazeux, puissent être vraiment considérées, ainsi que Kossel l’imaginait, par des associations ioniques. La liaison chimique était donc nécessairement autre chose et, à la théorie de Kossel, s’opposa la théorie de Lewis.
- L’idée originale de Lewis fut que deux atomes peuvent se lier par la mise en commun de deux électrons. C’est cette paire d’électrons ou doublet électronique qui concrétisait la liaison-chimique que les chimistes avaient pris l’habitude de symboliser par un trait. Lewis admettait de plus que cette mise en commun s’effectuait de telle manière que l’enveloppe électronique externe de chacun des atomes liés prenne une configuration d’atome de gaz rare, comportant en conséquence un ensemble périphérique de huit électrons ou octet, éventuellement de deux quand la configuration est celle de l’hélium, comme c’est le cas en particulier pour l’hydrogène. C’est ainsi que les structures électroniques des molécules d’eau et de tétrachlorure de cai'bone seraient :
- : €1 :
- H : 0 : II : Cl : G : Cl : Cl:
- compte tenu seulement des électrons des couches externes.
- Ainsi la covalence d’un élément correspond au nombre de paires d’électrons que l’atome peut avoir en commun avec d’autres atomes, un pour l’hydrogène, deux pour l’oxygène, trois pour l’azote, quatre pour le carbone; rien ne s’oppose à ce que deux atomes aient en commun plusieurs paires d’électrons. Si chaque atome apporte un électron au doublet mis en commun, la valence d’un élément doit correspondre au nombre d’électrons non appariés présents dans l’atome qui se lie. Il est effectivement de un dans l’atome d’hydrogène, de deux dans l’atome d’oxygène, de trois dans l’atome d’azote. Il n’est que de deux dans l’atome de carbone, tout au moins dans son état normal, mais on connaît un état excité de l’atome de carbone qui renferme bien quatre électrons non appariés, un électron s, un électron px, un électron pu et un électron pz. La considération des états excités des atomes peut d’ailleurs aussi permettre de justifier la valence variable de certains éléments. Il peut arriver que la paire d’électrons mise en commun soit fournie par un seul des atomes ; on parle alors de liaison semi-polaire ou encore de coordinence; ces liaisons interviennent en particulier dans ce qu’on appelle des complexes, tels que le ferrocyanure de potassium.
- Au total la théorie de Lewis se distingue de la théorie de
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- Kossel en ce qu’elle justifie la liaison chirnique par la mise en commun d’électrons et non par la cession d’électrons d’un atome à l’autre avec production d’ions. E,n vérité, il semble bien qu’il faille envisager des cas intermédiaires entre les deux possibilités extrêmes du partage total des électrons de liaison entre les atomes ou de leur échange total. On doit penser que, le plus souvent, la paire d’électrons qui lie deux atomes appartient davantage à un atome qu’à l’autre. On dit alors que la liaison est polarisée et cette polarisation des liaisons peut se traduire par l’apparition dans les molécules de moments électriques dipolaires permanents. Ainsi, de la façon la plus générale, toute liaison dans une molécule pourrait être considérée comme une superposition d’une liaison de covalence pure parfaitement symétrique et d’une liaison d’électrovalence pure totalement dissymétrique. On a précisément essayé de chiffrer le taux de caractère ionique des molécules en utilisant les moments électriques; par exemple, dans la molécule du gaz chlorhydrique, le taux de caractère ionique serait de 17 pour 100.
- La molécule en mécanique ondulatoire.
- Il restait à donner une base théorique à toutes ces considérations sur la structure des molécules, en particulier à la liaison chimique par paire d’électrons. La mécanique ondulatoire a permis d’aborder le problème de la molécule tout comme celui de l’atome.
- La première molécule étudiée de façon théorique fut celle d’hydrogène, par Héiller et London en 1927. C’est la plus simple des molécules biatomiques, puisqu’elle ne renferme que deux électrons en plus des deux noyaux. Mais le problème
- Dïstan ce
- Fig. 2. •— Probabilité de présence des deux électrons de la molécule
- d’hydrogène.
- Courbe en traits pleins : les spins des électrons sont de signes opposés. Courbe en traits ponctués : les spins des électrons sont de môme signe.
- (Les positions des noyaux sont figurées en a et b).
- mathématique posé par l’application de la mécanique ondulatoire est cependant déjà si difficile qu’il ne peut être résolu. Faute de mieux, il a fallu avoir recours à des méthodes d’approximation. On commence par supposer qu’on part de deux atomes d’hydrogène dans leur état normal et suffisamment éloignés l’un de l’autre; chacun des électrons est donc au départ affecté à chacun des deux atomes, c’est-à-dire relié à chacun des deux noyaux. On rapproche alors progressivement les deux atomes ; la méthode d’approximation utilisée est telle que tout se passe comme si apparaissait un phénomène nouveau, l’échange continuel ou chevauchement des électrons entre les deux noyaux. On aboutit finalement à deux solutions approchées du problème, selon que les spins des deux électrons sont de même signe ou sont de signes opposés. Si les spins sont de même signe, on trouve que les électrons ont toute chance de se trouver rejetés en dehors de l’espace compris entre les deux noyaux et qu’il doit y avoir répulsion permanente entre les deux atomes; de la sorte aucune molécule stable n’est possible. Si les spins sont de signes opposés, les calculs montrent que les électrons, ont la plus grande chance de se trouver entre
- les deux noyaux et l’on justifie l’existence d’une molécule d’hydrogène stable. On a représenté sur les courbes de la figure 2 les probabilités de présence des électrons dans tout plan passant par les centres de gravité des deux noyaux, suivant que les spins des électrons sont ou non de même signe. Les calculs ont aussi permis d’évaluer la distance entre les deux noyaux de la molécule d’hydrogène et aussi l’énergie qui lie les deux atomes ; si les valeurs trouvées diffèrent assez notablement de celles déduites de l’étude du spectre de la molécule d’hydrogène, des méthodes d’approximation plus précises ont permis de retrouver presque exactement les données expérimentales.
- La théorie conduit donc à une image assez précise de la liaison entre les deux atomes d’hydrogène, qui partagent en quelque sorte leurs deux électrons appariés, de telle sorte qu’on retrouve ainsi le doublet électronique de Lewis. Le résultat peut être étendu au cas d’autres atomes; la possibilité d’échange de deux électrons n’admet aucune restriction, dès l’instant que les deux atomes possèdent bien chacun un électron non apparié.
- La méthode d’approximation est ainsi faite que la molécule apparaît dans une certaine mesure comme le résultat de Ma superposition de deux structures se distinguant par le fait qu’on affecte à l’un ou l’autre des deux atomes l’un ou l’autre des deux électrons. On dit que la molécule est en état de résonance entre les deux structures, évidemment indiscernables puisqu’elles ne diffèrent que par l’échange des deux électrons. Mais il ne faut pas perdre de vue que c’est arbitrairement qu’on a attribué au départ l’un des électrons à l’un des atomes, l’autre électron à l’autre atome. Si l’on avait su résoudre véritablement le problème mathématique posé dans le cas de la molécule d’hydrogène, on n’aurait rien retrouvé de ce phénomène dit de résonance, mais seulement une appartenance collective des deux électrons à l’ensemble de l’édifice moléculaire.
- La preuve en est fournie par l’exemple d’une molécule pour laquelle on a su résoudre en toute rigueur l’équation posée par l’application de la mécanique ondulatoire. C’est l’ion moléculaire hydrogène, dont l’existence a été établie par les méthodes spectrales; dérivant de la molécule d’hydrogène ayant perdu un électron, il ne renferme qu’un seul électron en plus des deux noyaux d’hydrogène ou protons. Le calcul permet de retrouver exactement l’énergie de liaison et la distance entre noyaux que l’on déduit de l’étude du spectre. Si l’on savait résoudre de même tous les problèmes moléculaires, on serait en mesure de calculer exactement la structure de toutes les molécules. En revanche, on a traité aussi le cas de l’ion moléculaire hydrogène par une méthode d’approximation, connue sous le nom de méthode des orbites moléculaires, différente de la méthode dite des doublets électroniques appliquée par Ileiller et London à la molécule d’hydrogène. On retrouve dans cette méthode d’approximation le phénomène d’échange ou de chevauchement, l’unique électron pouvant être attribué à l’un ou l’autre des deux noyaux, alors que rien d’analogue ne se rencontre dans la méthode de résolution véritable, seule correcte mathématiquement. On saisit ainsi tout ce que le phénomène de résonance comporte d’arbitraire, puisqu’il est lié à la méthode d’approximation à laquelle on est contraint de faire appel.
- Le cas de l’ion moléculaire hydrogène présente aussi l’intérêt de montrer qu’une liaison stable entre atomes peut éventuellement être créée par la mise en commun entre deux atomes non de deux mais d’un seul électron. On connaît cependant peu de molécules dans lesquelles les liaisons entre atomes s’établissent par mise en commun d’un seul électron. La possibilité de mise en commun de trois électrons ne doit pas non plus être exclue, mais la liaison par doublet électronique demeure le cas de beaucoup le plus général.
- Si l’on applique à la molécule d’hydrogène la méthode dite des orbites moléculaires, on n’aboutit pas tout à fait aux mêmes résultats que par la méthode des doublets électroniques. Tout se passe comme si l’on devait faire entrer aussi en considération des structures où les deux électrons seraient affectés au
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- même noyau, c’est-à-dire qui comportent à la fois un atome d’hydrogène ayant perdu un électron ou cation hydrogène et un atome d’hydrogène ayant capté un électron ou anion hydrogène. Cette seconde méthode d’approximation tient donc compte de structures ioniques négligées par la première. La contribution de la structure ionique est assurément faible dans le cas de la molécule d’hydrogène, et Pauling l’a évaluée à environ 2 pour cent, mais, elle peut être beaucoup plus importante si les atomes liés sont différents, comme c’est le cas pour les molécules du gaz chlorhydrique. C’est un résultat intéressant que la théorie conduise à considérer que les liaisons chimiques par paire d’électrons présentent tout à la fois le caractère des liaisons de covalence de Lewis et des liaisons d’électrovalence de Kossel.
- On voit ainsi quel apport fondamental a permis l’application de la mécanique ondulatoire au problème de la molécule. On ne connaissait pas auparavant de force physique capable de rendre compte des unions interatomiques, puisque les seules forces d’attraction électrostatiques ne s’avéraient le plus souvent pas suffisantes. La nature ondulatoire des électrons a seule permis de justifier la possibilité d’existence d’édifices moléculaires,stables, et c’est là une acquisition d’une très haute valeur, même s’il n’est pas aisé de donner une représentation physique simple des modalités de l’union des atomes.
- La constitution des molécules.
- Si l’on ne peut résoudre de façon purement théorique tous les problèmes posés par la constitution des molécules, des renseignements aussi précieux que nombreux peuvent être atteints sur les structures moléculaires au moyen de diverses méthodes expérimentales, maintenant bien établies et qu’on peut classer comme suit :
- i° méthodes basées sur l’étude de la diffraction des rayons X et des électrons;
- 2° méthodes spectrales, incluant aussi bien l’étude des spectres d’absorption, ultra-violets, visibles et infra-rouges que celle de ce qu’on appelle les spectres Raman;
- 3° méthodes électriques, basées sur l’étude de la polarisation des molécules ;
- 4° méthodes magnétiques, basées sur la détermination des propriétés diamagnétiques ou paramagnétiques des corps.
- L’ensemble de ces méthodes a permis de préciser tout à la fois les formes des molécules, c’est-à-dire les dispositions spa-" tiales des noyaux et les distances qui les séparent, les distributions électroniques et la présence des électrons non appariés, les caractéristiques des mouvements internes des molécules, mouvements d’ensemble de rotation, mouvements de vibration des atomes les uns par rapport aux autres. On trouvera dans les articles qui vont suivre des indications sur ces méthodes et leurs résultats, mais il nous reste à montrer quels enseignements complémentaires les théories quantiques ont encore fournis sur la constitution des molécules.
- La théorie de Ileitler et London ayant conduit à attribuer la liaison chimique à la mise en commun d’électrons entre atomes possédant des électrons non appariés, Slater et Pauling ont montré que la considération des distributions spatiales des probabilités de présence ou densités électroniques permettait de déduire une théorie de l’orientation des liaisons. Ici intervient le caractère de symétrie de ces distributions, sphérique pour les électrons s, axiale pour les électrons p. Les liaisons tendant à se faire dans les directions de probabilités de présence maximum, on doit prévoir que, si un même atome est susceptible de se lier à plusieurs atomes au moyen d’électrons p, les liaisons se formeront approximativement à angle droit. Ainsi, dans' la molécule d’eau, les deux électrons non appariés de l’atome d’oxygène sont des électrons p; les deux liaisons devraient donc être à 90° l’une par rapport à l’autre; effecti-
- vement les études expérimentales de structure conduisent à admettre que les trois atomes ne sont pas situés en ligne droite, mais occupent les sommets d’un triangle tel que l’angle formé par les liaisons de l’oxygène soit de io4°3i/; l’écart d’environ i5° peut être attribué au caractère ionique partiel de la liaison hydrogène-oxygène, que Pauling évalue à 39 pour cent; les atomes d’hydrogène portant une certaine charge positive doivent se repousser l’un l’autre, ce qui tend à augmenter l’angle de valence. De même, dans le cas de l’ammoniac, l’atome d’azote se liant par des électrons p, les trois liaisons devraient être à angle droit, la molécule devrait avoir une forme pyramidale; ce modèle se rapproche effectivement beaucoup de la réalité, mais l’angle valenciel trouvé est de xo8° et l’écart peut être attribué ici encore au caractère ionique partiel des liaisons.
- Le cas du carbone s’est révélé plus difficile. Nous avons vu que, pour justifier sa tétravalence, il avait fallu invoquer un état excité dont les électrons non appariés étaient un électron s et trois électrons p. Les liaisons par électrons p auraient dû être à angle droit et la liaison s différente; il est clair que cela ne ressemble en rien au modèle tétraédrique, suivant lequel les quatre liaisons du carbone sont équivalentes et dirigées du centre vers les sommets d’un tétraèdre régulier. Le désaccord a été attribué à la non-légitimité de certaines approximations et la théorie a été retouchée en introduisant ce qu’on a appelé l’hybridation des liaisons. Par la recherche de liaisons dont l’énergie soit la plus grande possible, on a été conduit à substituer aux liaisons précédemment envisagées quatre nouvelles liaisons qui se sont révélées identiques et correspondant à la représentation tétraédrique. La théorie de l’hybridation a conduit de même à procéder à d’autres retouches pour retrouver les caractéristiques des liaisons du carbone doublement lié à un autre atome de carbone, de ce qu’on appelle la liaison éthylé-nique qu’on rencontre dans des carbures comme l’éthylène. La théorie de l’hybridation a été étendue encore à d’autres types de liaison comme celles qu’on rencontre dans les complexes dérivés des éléments de transition. .
- Ces difficultés résultent du fait qu’on ne peut transposer purement et simplement les connaissances sur la structure électronique des atomes pour préjuger de leur comportement une fois qu’ils sont engagés dans des molécules. Par l’application de la méthode des orbites moléculaires, on s’est efforcé de pressentir ce que deviennent les électrons de deux atomes isolés quand ils entrent en combinaison. Si l’état des électrons des couches internes peut être décrit sensiblement de la même manière, il n’en est plus de même pour les électrons des couches externes qu’on ne peut plus définir au moyen des quatre nombres quantiques atomiques. On s’est efforcé de définir des orbites nouvelles, de répartir les électrons entre ces nouvelles orbites, d’établir des corrélations avec les orbites que les électrons occupaient dans les atomes. On a réussi à définir un nouveau nombre quantique tel que l’électron est dit <x s’il est égal à zéro, tc s’il est égal à 1, e? s’il est égal à 2, etc... Les liaisons par électrons a et les liaisons par électrons rr peuvent présenter des caractères très distincts. Un exemple particulièrement suggestif est fourni par la double liaison éthylénique; les atomes de carbone y sont liés une fois par électrons c, une fois par électrons 7r. Tandis que les électrons ? admettent pour axe de symétrie la ligne qui joint les centres de gravité des deux noyaux de carbone et ont la plus grande chance de se trouver auprès de lui, les électrons 7ï ont leurs, axes de symétrie perpendiculaires au plan de la molécule sans avoir aucune chance de se trouver dans ce plan; les électrons rc qui ont des axes de symétrie parallèles ont beaucoup moins de chance de s’interpénétrer que les deux électrons cr dont l’axe est commun; il en résulte que la liaison par électrons tc est beaucoup moins forte que la liaison par électrons ar ; bien loin de renforcer l’union entre les deux atomes de carbone, elle provoque une vulnérabilité de la double liaison éthylénique bien ponnue des chimistes.
- Un autre aspect des théories quantiques concerne le phéno-
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- mène dit de mésomérie en relation avec le phénomène de résonance. Nous n’avons envisagé encore que les cas de résonance entre des structures indiscernables parce que ne différant que par un échange d’électrons. On doit admettre aussi la possibilité de résonance entre des structures dans lesquelles les liaisons sont différemment réparties; il y a alors mésomérie. Les chimistes doivent renoncer dans de tels cas à attribuer au composé considéré une formule structurale avec des liaisons bien définies. C’est faute de pouvoir décrire exactement la structure qu’on recourt à des approximations en faisant appel à plusieurs formules structurales distinctes qui servent de base à la discussion. Citons l’exemple particulièrement discuté de la molécule de benzène, pour laquelle on peut envi-sager les formules structurales suivantes, dans lesquelles les traits simples figurent une liaison simple et les traits doubles une liaison double.
- Les deux premières structures correspondent à ce qu’on appelle la formule de Kékulé, les trois autres à la formule de Dewar. La méthode des doublets électroniques conduit à évaluer la contribution de chacune des structures de Kékulé à 09,5 pour cent, la contribution dé chacune des structures de Dewar à 7 pour cent ; la méthode des orbites moléculaires conduit à envisager aussi la contribution de structures ionisées. En fait il résulte des études de structure que la molécule de benzène, est plane et que les six atomes de carbone constituent les six sommets d’un hexagone régulier; ces atomes sont liés chacun à un atome d’hydrogène. Étendant au benzène les résultats concernant l’éthylène, on peut penser que les atomes de carbone sont liés entre eux deux à deux par une liaison simple au moyen d’électrons 0; il reste sis électrons tt, qui n’ont aucune chance de se trouver dans le plan de la molécule, que rien ne permet d’attribuer à un atome de carbone plutôt qu’à un autre; c’est pour des raisons de commodité qu’on définit la molécule de benzène par la superposition de diverses formules structurales. Ainsi le concept de mésomérie comporte quelque chose d’arbitraire, car ce n’est pas une chose nécessaire que certaines structures soient adoptées comme base de discus-
- sion. Il 11’en est pas moins vrai que les nouvelles représentations apportées par la considération de la mésomérie constituent un progrès par rapport aux modèles précédemment proposés. La notion de mésomérie s’est révélée féconde en ce qu’on a pu lui rattacher tout un ensemble de caractères soit d’ordre physique soit d’ordre chimique; c’est ainsi que la mésomérie s’accompagne d’une stabilité moléculaire plus grande que celle qu’on serait conduit à envisager en l’absence de ce phénomène.
- Nous nous en sommes tenus, dans tout ce qui précède, à des représentations d’ordre en quelque sorte statique de la constitution des molécules. En réalité tout y est agitation et changement et c’est à ces transformations incessantes que se relie essentiellement la réactivité chimique; sous l’action de leurs évolutions internes, les molécules peuvent passer par des états transitoires éminemment réactifs et meme se dissocier. Deux molécules en présence peuvent elles-mêmes s’associer en des édifices plus complexes qui constituent de véritables états de transition d’où peuvent naître des molécules nouvelles. La mécanique ondulatoire a permis d’aborder ce problème si fondamental et des résultats sont déjà acquis. Mais la question de la réactivité chimique nécessiterait à elle seule une autre étude.
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- Cela ne fait encore guère qu’un quart de siècle que la théorie a permis de s’attaquer, grâce, à la mécanique ondulatoire, au problème de la constitution des atomes et des molécules; elle a apporté déjà maintes contributions précieuses à l’intelligence des faits chimiques. On est loin encore, sans doute, comme certains physiciens en ont caressé l’espoir, de faire tenir tous les faits chimiques dans un système d’équations et de ramener la chimie à n’être qu’un chapitre de la physique mathématique. La situation se présente un peu comme pour cet automate de Torrès Quevedo qui savait jouer des coups d’échecs du type le plus simple; on pourrait imaginer des machines d’une complication extrême qui résoudraient des problèmes d’échecs plus difficiles et, de proche en proche, sauraient conduire en les gagnant toutes les parties possibles. De même ces sortes de robots que constituent les atomes et les molécules créés par les théories ne savent encore reproduire, c’est-à-dire interpréter, qu’un nombre limité de faits simples; mais c’est un jeu passionnant que de tenter de perfectionner toujours nos représentations dans le but de coordonner un nombre sans cesse èroissant. de faits.
- Guy Emschwiller,
- Professeur à l'École supérieure de Physique et de Chimie de Paris.
- Fig. 3.
- A. Structures de Kékulé. B. Structures de Dewar (Chaque sommet de l’hexagone symbolise un atome de carbone lié à un atome d’hydrogène).
- LES MÉTHODES D'ÉTUDE
- DE LA STRUCTURE DE LA MATIÈRE
- La détermination de la structure de la matière est un problème qui, depuis fort longtemps, préoccupe les savants, mais dont la solution, encore fragmentaire d’ailleurs, n’a pu être trouvée que dans le demi-siècle qui vient de s’achever, et il est bien facile de comprendre pourquoi. La considération de phénomènes simples, tels que la diffusion, avait pu conduire à l’idée d’une structure discontinue; les efforts persévérants des cristallographes et des chimistes avaient pu servir de base à l’étaiblissement de la théorie atomique et conduire à des « formules de structure » rendant compte de la plus grande partie
- des propriétés chimiques des corps; la théorie cinétique des gaz avait pu donner l’ordre de grandeur des distances inter-atomiques; c’étaient là des renseignements, importants certes, mais insuffisants pour déterminer, de façon précise, l’arrangement réel des atomes les uns par rapport aux autres, leurs distances mutuelles précises, la façon dont ils sont liés les uns aux autres. C’est qu’en effet pour déterminer tout cela, il faut pouvoir agir sur les molécules individuellement, ce que ne peut faire la théorie cinétique, et sans attenter à leur intégrité, ce que ne peut faire la chimie. Il fallait donc faire appel à des
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- méthodes purement physiques, et plus particulièrement à des méthodes électriques (ou optiques, les radiations lumineuses n’étant que des ondes électromagnétiques) puisque, en dernière analyse, la matière se réduit à des particules électrisées.
- Mais si, en principe, toute mesure d’une grandeur électrique ou magnétique peut donner des renseignements utiles sur la structure de la matière, il est clair que seront particulièrement indiqués les phénomènes mettant en jeu des « longueurs » de l’ordre des distances interatomiques ou des « énergies 3) de l’ordre de celles qui permettent une modification assez minime de l’état d’une seule molécule. Ce sont donc les radiations électromagnétiques, la « lumière )>, tant visible qu’invisible, qui donneront les meilleurs résultats : par leur « longueur d’onde », elles nous donnent un étalon de longueur qui, avec les rayons X, est précisément de l’ordre de grandeur voulu, et par leur fréquence (qui, multipliée par la constante de Planck, représente leur énergie), une grandeur énergétique convenable.
- Notre étude va donc comporter essentiellement deux parties distinctes. Dans la première, où l’étalon de longueur jouera le rôle primordial, nous étudierons la diffraction des rayons X (x), une seule longueur d’onde étant le plus souvent mise en jeu. Dans la seconde, qui sera en somme une étude énergétique, nous nous attacherons à tout l’ensemble des longueurs d’onde, et par suite des fréquences, qui peuvent jouer un rôle dans les mouvements moléculaires, nous ferons de la spectroscopie.
- I. — Diffraction des rayons X.
- Lorsqu’un faisceau de rayons X tombe sur un atome par exemple, les électrons de cet atome sont mis en mouvement « forcé » avec une fréquence égale à celle du rayonnement qui excite ce mouvement; il en résulte évidemment une diminution de l’énergie du rayonnement excitateur; dans leur mouvement, les électrons réémettent une oiide de même fréquence, mais ce rayonnement secondaire se propage dans toutes les directions au lieu d’avoir, comme le rayonnement primaire, une direction bien déterminée. Il y a en somme diffusion des rayons X, phénomène en tous points analogue à celui qu’on observe avec la lumière vsible : on sait que c’est à elle par exemple qu’on doit de « voir » un rayon lumineux se propageant dans une pièce obscure, car, en réalité, on ne « voit » que la lumière diffusée latéralement par les poussières de l’air. On conçoit d’ailleurs aisément que l’intensité de celte diffu sion par un atome dépende essentiellement du nombre d’électrons de cet atome, c’est-à-dire de son numéro atomique. En principe, les noyaux atomiques, qui sont aussi électrisés, participent à cette diffusion; mais leur masse beaucoup plus grande que celle des électrons rend l’amplitude de leurs mouvements beaucoup plus faible et par suite l’intensité de la diffusion inobservable. C’est pourquoi un ion hydrogène, réduit à un proton sans électrons planétaires, ne diffusera pratiquement rien.
- Imaginons maintenant qu’au lieu de considérer un seul atome, nous prenions comme substance diffusante un ensemble d’atomes- régulièrement empilés les uns au-dessus des autres, comme le sont ceux qui constituent un édifice cristallin. La régularité dans l’arrangement des particules doit se traduire, par une certaine régularité dans les phénomènes observés, et, conformément au principe de symétrie de Pierre Curie, ces phénomènes doivent présenter une symétrie compatible avec celle de l’empilement. La théorie est calquée sur celle, bien connue, de la diffraction de la lumière en optique. Chaque particule est en somme le centre d’une onde sphérique diffusée et, suivant le principe de Huyghens, on observera une onde unique, enveloppe des ondes sphériques émises par chacune des particules; l’intensité de cette onde-enveloppe sera généralement très
- 1. La diffraction des électrons peut rendre des services très semblables à celle des rayons X.
- petite sauf dans des cas bien déterminés. En ne considérant tout d’abord que les atomes qui se trouvent dans un même plan réticulaire, on montre aisément que cette intensité ne prend de valeur notable que pour une direction correspondant à une réflexion régulière sur ce plan réticulaire. Mais il y a plus : la réflexion se produisant sur un grand nombre de plans réticulaires parallèles, régulièrement espacés, les diverses ondes ainsi réfléchies se détruiront par interférence si la différence de marche entre rayons réfléchis sur deux plans contigus n’est pas égal à un nombre entier de fois la longueur d’onde. Ce résultat est exprimé par la formule fondamentale suivante, dite « formule de Bragg » :
- nX = 2d sin 9
- dans laquelle X est la longueur d’onde des rayons X diffractés, d la distance réticulaire (distance entre deux plans réticulaires contigus), Q l’angle du rayon incident avec le plan réticulaire et n un nombre entier. Incidemment, cette formule montre que, pour obtenir une diffraction importante, il est nécessaire que X soit inférieur à 2d, c’est-à-dire de l’ordre des distances atomiques, comme nous l’avons dit en débutant. On utilise habituellement "cette loi de trois façons différentes que nous allons décrire successivement.
- Méthode de Laue. — Supposons qu’on fasse arriver, sur un cristal de petites dimensions, un pinceau très délié de rayons X comprenant des radiations de toutes fréquences tel qu’en fournit le fond continu d’un tube Coolidge par exemple et que nous pourrons appeler, par analogie avec la lumière visi-
- Fig.
- 1.
- Diffraction de rayons X de substance fibreuse (cellulose native).
- (Legrand)
- ble, un pinceau de lumière blanche; ne considérant, pour un instant, qu’une famille bien déteraiinée de plans réticulaires parallèles, il est bien clair que dans toute la gamme de longueurs d’onde que le pinceau de lumière blanche met à notre disposition, il y en aura toujours au moins une pour laquelle la loi de Bragg sera satisfaite et qui, par suite, sera réfléchie sélectivement par la famille de plans réticulaires considérés. Sans qu’il soit besoin d’insister, on voit que, à côté d’un faisceau très intense provenant de la partie du rayonnement incident qui a traversé le cristal sans subir la diffraction, donc sans subir de déviation, on observera toute une série de pinceaux divergents provenant de la réflexion sur les diverses familles de plans réticulaires du cristal, chaque famille ayant donné naissance à un ou plusieurs de ces pinceaux divergents. Si on a pris soin de disposer, au delà du cristal et perpendiculairement à la direction du faisceau incident, une plaque photo-
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- PËMH
- Fig. 2. — Carbure de silicium hexagonal, cristal unique
- (Cliché de Laüe). (J. J. Trillat).
- graphique, chacun de ces pinceaux divergents va impressionner la plaque et, après développement, on observera une sérié de taches noires, chacune d’elles étant la trace, sur le plan de la plaque, de l’un des rayons réfléchis.
- Quels renseignements un tel diagramme est-il susceptible de nous fournir ? La longueur d’onde de la radiation diffractée par une famille donnée de plans réticulaires étant inconnue, ainsi que l’intensité de cette radiation dans le faisceau de lumière blanche incident, il est clair que nous ne pouvons songer à obtenir des résultats quantitatifs relativement aux distances réticulaires par exemple. Mais supposons, pour fixer les idées, que le cristal employé possède un axe ternaire ayant même direction que le faisceau incident : cela veut dire, d’après la définition même des axes de symétrie, que si l’on fait tour-
- ner le cristal d’un angle égal à
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- i2o° autour de la direc-
- tion de cet axe, un atome d’une espèce bien déterminée viendra prendre exactement la place d’un autre atome de la même espèce; si par exemple le cristal appartient au système cubique simple, le réseau cristallin étant alors constitué par l’empilement régulier de cubes égaux dont chaque sommet est
- Fig. 3. — Diffraction d’êlecttons de fer et d’oxyde de fer.
- (J. J. Trillat).
- occupé par un atome, tous de même espèce, la rotation de i2o° autour d’une diagonale d’un cube ramènera le réseau e n coïncidence parfaite avec lui-même; rien ne devra distinguer la nouvelle disposition des atomes de la précédente. Il est alors bien clair que rien non plus ne devra distinguer de la précédente l’image de diffrac-tion que l’on pourra obtenir sur une plaque photographique. C’est dire que le diagramme devra, lui aussi posséder la symétrie ternaire.
- Nous ne pouvons natu-
- rellement pas insister sur la façon pratique d’opérer, mais on conçoit sans, difficultés qu’avec quelques tâtonnements, et en s’aidant d’ailleurs, pour les réduire, des renseignements que fournit l'étude cristallographique habituelle, on puisse déterminer ainsi sans, ambiguïté, la nature et la disposition, au sein du cristal, des divers axes de symétrie.
- Cette méthode présente d’ailleurs, outre son intérêt cristallographique évident, un intérêt historique de premier ordre : elle a été effectuée pour la première fois en 1912 par Friedrich et Knipping, d’après la théorie de von Laue, pour montrer l’analogie entre les rayons X et la lumière, c’est-à-dire pour mettre en évidence le caractère ondulatoire des rayons X, caractère dont on n’avait encore aucune preuve indiscutable à cette époque. C’est pour cette raison que la méthode que nous venons d’examiner porte couramment le nom de « méthode de Laue ».
- Méthode de Debye et Scherrer. — Pour obtenir des résultats d’ordre quantitatif, c’est-à-dire pour déterminer, en valeur absolue, les distances réticulaires, il serait nécessaire d’employer des rayons X ayant une longueur d’onde bien déterminée, d’employer un faisceau « monochromatique », Mais il n’y aura alors, si on utilise le dispositif de Laue, qu’un très petit nombre de familles de plans réticulaires qui puisse diffrac-ter les rayons X avec une intensité notable, car il sera exceptionnel que la relation de Bragg soit remplie. On peut tourner la difficulté en utilisant, au lieu d’un cristal unique, dont l’orientation est par suite bien déterminée, une multitude de petits cristaux disposés au hasard’ les uns par rapport aux autres : c’est là une condition bien facile à réaliser car il suffit évidemment d’utiliser une poudre cristalline obtenue par broyage de cristaux plus gros. Dans ces conditions, et pour une longueur d’onde de rayons X donnée, il y aura toujours un certain nombre de microcristaux qui auront l’orientation convenable pour qu’une famille quelconque de plans réticulaires puisse diffracter la lumière incidente. On obtiendra donc là encore un grand nombre de faisceaux divergents dus à la diffraction, mais ces faisceaux se disposeront comme les génératrices d’un certain nombre de cônes dont les angles au sommet sont déterminés par la relation de Bragg. En disposant, là encore, une plaque photographique perpendiculaire au faisceau incident, on observera, après développement, toute une série de cercles concentriques, chacun d’eux provenant de la réflexion sélective sur une famille déterminée de plans réticulaires. La mesure des rayons de ces cercles permet évidemment la détermination des angles au sommet, c’est-à-dire des angles 9 de la formule de Bragg. Comme on connaît d’autre part la longueur d’ondé X, on peut en déduire les diverses distances réticulaires.
- On modifie généralement un peu la méthode en utilisant non pas une plaque photographique, mais un film assez étroit, ce qui revient à n’obtenir qu’une portion de chacun des cercles de la théorie précédente : on observe alors un « diagramme de poudres » constitué par des raies sensiblement parallèles et légèrement courbées, qui peut évidemment permettre, aussi bien qu’un ensemble de cercles, la détermination des distances réticulaires.
- On remarquera que cette méthode, si elle donne les valeurs des distances réticulaires, ne fournit, au moins directement, aucun renseignement sur la symétrie cristalline, contrairement à la méthode de Laue; ce n’est que par des calculs assez laborieux, que l’on peut, dans certains cas, déterminer la nature du réseau qui a donné naissance à un diagramme de poudre déterminé. Mais on remarquera aussi que chacune des deux méthodes pallie, au moins partiellement, les défaillances de l’autre.
- On remarquera aussi que la méthode des poudres est toujours applicable, mais qu’il n’en est pas de même de la méthode de Laue, car si on peut toujours, par broyage, transformer
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- Fig. 4. — Poudre de magnésium (Cliché Debye et Scherrer).
- (J. J. Trillat).
- un cristal unique en poudre, il n’est pas toujours possible d’obtenir un cristal unique de dimensions suffisantes (de l’ordre du millimètre par exemple) pour utiliser la méthode de Laue. C’est généralement ce qui se passe avec les métaux, un fragment de métal étant généralement, surtout si le métal est recuit, constitué par la juxtaposition désordonnée d’une multitude de micro-cristaux. Mais il arrive généralement que, lors des traitements mécaniques que l’on fait subir à un métal (tréfilage ou laminage par exemple), ces microcristaux tendent à s’orienter les uns par rapport aux autres : une rangée bien déterminée du réseau cristallin tendra par exemple à se placer dans la direction de tréfilage. Les cercles de diffraction que l’on pourra obtenir ne seront alors pas complets et on n’observera qu’un système de taches dont, la symétrie reflétera fidèlement celle des cristaux autour de la direction d’étirement.
- Ce sont des diagrammes analogues (diagrammes de fibres) que l’on peut observer en employant des corps fibreux comme la cellulose; on admet que ces substances sont constituées par de très petits cristaux (cristallïtes) disposés en file dans le sens de la fibre.
- Là encore, naturellement, la mesure des rayons des anneaux (tronqués) que l’on observe permet la détermination des distances réticulaires.
- Méthode du cristal tournant. — Dans cette méthode, imaginée par Bragg, on utilise, comme dans la méthode de Debye et Scherrer une lumière monochromatique, mais en employant un cristal unique. Nous avons déjà dit que, si l’orientation de ce cristal est quelconque, on n’observera pas de diffraction très importante; mais si on fait varier cette orientation d’une façon continue, il y aura toujours certains inlerval-des de temps pendant lesquels la relation de Bragg sera réalisée d’une façon suffisamment approchée pour qu’une plaque photographique puisse être impressionnée. On réalise cela le plus simplement possible en faisant tourner le cristal autour d’un axe que, pour plus de simplicité, on choisira normal à la direction du pinceau incident de rayons X; cela pourra se faire en fixant le cristal sur un plateau horizontal animé d’un mouvement de rotation alternatif (obtenu au moyen d’une came commandée par un moteur) autour d’un axe vertical. On obtiendra encore un cliché constitué par un certain nombre de taches noires dont la position est en relation avec la structure du cristal examiné,
- Structure des halogénures alcalins. — Pour bien comprendre la nature; des renseignements que l’on obtient ainsi, nous allons examiner, avec quelques détails, un cas particulier très simple, -.en voyant comment on peut, avec Bragg, déterminer la structure des chlorures de sodium et de potassium.
- On sait que ces deux corps cristallisent dans le système cubique; d’autre part, l’étude, purement géométrique des réseaux cristallins, telle qu’elle avait été faite, depuis déjà longtemps, par Bravais, Schônflies et Fedorow pour ne citer que les plus importants des savants qui se sont occupés de la question, montre qu’il ne peut exister que trois types de réseaux cubiques : le réseau cubique simple dans lequel les sommets des cubes dont l’empilement constitue le réseau sont seuls occupés par des particules matérielles identiques, le réseau cubique centré dans lequel, outre les sommets, le centre du cube est aussi occupé, enfin le réseau cubique à faces centrées dans lequel sont occupés les sommets et les centres des six faces du cube. Notons d’ailleurs que, s’il existe plusieurs espèces de particules matérielles (atomes de chlore et atomes de sodium par exemple), chacune de ces espèces doit être disposée selon un des types précédents, le même pour chacune des. espèces, l’assemblage cristallin total résultant de l’imbriquement de ces divers réseaux les uns dans les autres. Pour connaître la structure du chlorure de sodium, il nous faut donc savoir :
- i° Quel est le type de réseau réalisé;
- 2° Quelle est la disposition relative des réseaux de chlore et de sodium ;
- 3° Quelles sont les dimensions de ces réseaux.
- Les clichés de diffraction de rayons X sont bien d’accord pour attribuer aux deux chlorures de sodium et de potassium un réseau cubique, comme il fallait s’y attendre, mais alors que le chlorure de sodium semble appartenir au type à faces centrées, le chlorure de potassium semble appartenir au type cubique simple, avec d’ailleurs une arête du cube sensiblement égale à la moitié de celle qui convient au chlorure de sodium. C’est là un résultat qui n’est aucunement satisfaisant si l’on songe à la grande similitude, tant chimique que cristallographique des deux chlorures. Mais souvenons-nous que l'intensité de la radiation diffusée par un atome est essentiellement déterminée par le nombre d’électrons de cet atome, c’est-à-dire par son numéro atomique; or, si les numéros atomiques du chlore (17) et du sodium (ti) sont nettement différents, il n’en est pas de même de ceux du chlore et du potassium (19) ; et si nous admettons, comme' on a d’excellentes raisons de le croire, que les particules constitutives du cristal sont, non pas les atomes mais les ions, l’ion chlore et l’ion potassium comportent le même nombre, 18, d’électrons : ces deux ions doivent donc diffuser les rayons X de la même façon et doivent apparaître comme pratiquement indiscernables, vis-à-vis de la diffraction. Les résultats expérimentaux s’interprètent alors de la façon la plus heureuse en admettant que, tant
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- Fig. 5. — Cristal tournant de morphine mono-hydratée.
- (Lab. de minéralogie. Sorbonne, Paris)
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- pour le chlorure de sodium que pour celui de potassium, les ions chlore sont disposés suivant un réseau cubique à faces centrées, comme l’expérience .l’indique pour le chlorure de sodium, et les ions du métal suivant un réseau semblable, mais imbriqué dans le précédent de telle façon que l’un de ses sommets soit placé au centre du cube précédent. On voit aisément que les autres ions métalliques viennent alors se placer au milieu des différentes arêtes, ce qui fait que, à la nature près des différentes particules, le réseau apparaît comme cubique simple d’arête moitié.
- Naturellement, en ce qui concerne le chlorure de sodium dont les ions constitutifs ont un pouvoir diffusant très différent, c’est la structure réelle, en cube à faces centrées, que les diagrammes de diffraction mettent en évidence. Mais pour le chlo-
- rure de potassium, l’aspect de ces diagrammes doit être celui qui correspond à un réseau cubique simple d’arête moitié, comme l’indique l’expérience. '
- Nous avons donc ainsi résolu complètement le problème posé
- car il est bien clair que la valeur absolue de l’arête de la maille cristalline sera donnée par la mesure de l’angle de Bragg 0 correspondant à une famille quelconque d e plans réticulaires.
- Fig. 6. — Diffraction d’électrons de
- cristal unique de chlorure de sodium.
- (J. J. Trilrat).
- Emploi des in= tensités. — Dans tout c e qui précède, nous n’avons utilisé que les valeurs des angles de diffraction; il est bien évident que l’on doit espérer obte-n i r des renseignements complémentaires en utilisant aussi les intensités des rayons diffractés, intensités qui peuvent se mesurer soit par le noircissement des taches -de diffraction sur les clichés, soit en remplaçant la plaque photographique par une chambre d'ionisation; rappelons en deux mots que les rayons X ont la propriété d’ioniser les gaz qu’ils traversent, ce qui rend ceux-ci conducteurs de l’électricité, et d’autant plus que le faisceau ionisant est plus intense. Il en résulte la possibilité de mesurer l’intensité d’un faisceau diffracté en recevant celui-ci dans une chambre contenant un gaz (de poids moléculaire généralement élevé pour qu’il soit plus ionisable) et soumis à un champ électrique et en mesurant l’intensité du courant qui passe dans cette chambre.
- L’interprétation des résultats des mesures est assez délicate et nous ne pouvons guère qu’esquisser la façon de s’y prendre. Nous avons dit que l’intensité du rayonnement diffusé par un atome dépend essentiellement du nombre d’électrons de cet atome; d’une façon plus générale, nous pouvons dire de même que l’intensité du rayonnement diffusé par un petit clément de Arolume dépend du nombre d’électrons présents dans cet élément, c’est-à-dire du produit du volume de l’élément par la densité électronique : là où il n’y a pas d’électrons, la diffusion est nulle, là où il y en a beaucoup, la diffusion est impoi’-tante. Or un réseau cristallin est périodique puisque, lorsqu’on passe d’une maille cristalline à la suivante, les atomes se retrouvent à la même distance les uns des autres. Les mathématiciens montrent alors que toute grandeur caractéristique du milieu, et en particulier la densité électronique, peut s’exprimer par une somme de termes, en nombre théoriquement infini, chacun de ces termes se présentant comme le produit d’une
- constante A, différente pour chaque terme, par une fonction périodique des coordonnées du point où l’on veut connaître la grandeur en question : c’est ce qu’on appelle représenter cette grandeur par un développement en série de Fourier. Pour faire bien comprendre ce qu’est un tel développement, prenons un exemple tiré d’une branche tout à fait différente de la physique en supposant qu’on veuille approfondir ce qui se passe quand on frappe sur une corde de piano. Au moment du choc, la corde prend une forme qui n’est plus rigoureusement rectiligne, mais est constituée par deux droites formant un angle très obtus obtenues en joignant chacun des deux points d’attache de la corde au point, légèrement déplacé, où le marteau a frappé la corde ; celle-ci se met alors à. vibrer et on peut analyser le mouvement d’un point quelconque de la corde en représentant sa position, au cours du temps, par une série de Fourier comportant toute une suite de termes périodiques, chacun de ces termes ayant une fréquence correspondant à chacun des harmoniques dont la juxtaposition fournit le son résultant entendu; chacun des termes de la série de Fourier comporte une fonction périodique (sinus et cosinus) du temps et un facteur constant caractéristique de l’intensité de l’harmonique correspondant.
- De même, dans le cas des cristaux, la densité électronique peut se développer en série de Fourier, mais il y a ici trois vai'iables, les trois coordonnées d’espace, au lieu d’une seule, le temps. Ce qui est remarquable, c’est que la théorie de la diffusion montre que chaque tache de diffraction, sur un cliché, permet par son intensité d’obtenir des renseignements sur un des coefficients de la série de Fourier représentant la densité électronique, ou plus précisément sur deux coefficients de cette sérielles deux termes correspondants ne se distinguant qu’en ce qu’un sinus a été remplacé par un cosinus. S’il n’y avait pas cette ambiguïté, la mesure des intensités de diffraction permettrait de déterminer les coefficients de la série de Fourier et par suite de calculer la densité électronique en chaque point du réseau cristallin, c’est-à-dire en définitive de connaître le nombre d’électrons en chaque point.
- On ne peut malheureusement pas aller aussi loin, mais on conçoit sans peine que l’on puisse tout de même, par des tâtonnements judicieux, arriver à connaître sinon de façon absolument certaine, du moins avec une bonne approximation, la valeur de la densité électronique en chaque point; on est guidé en particulier, dans ces tâtonnements, par la condition que la densité électronique ne doit jamais être négative. On peut alors tracer des courbes représentant la densité électronique en fonction de la distance dans une direction déterminée, ou tracer de véritables cartes (en courbes de niveau) représentant cette densité dans un plan réticulaire donné : c’est ce qu’on appelle un diagramme de Patterson. Là où, sur de telles cartes, on constate un maximum, on peut affirmer qu’il doit y avoir un atome et le numéro atomique det cet atome est d’autant plus élevé que la densité électronique est plus grande.
- Diffraction par les substances amorphes. — Du point de vue de la diffusion des rayons X, les substances amorphes, et en particulier les liquides et les gaz, sont en quelque mesure assimilables à des poudres cristallines, les molécules pouvant avoir des orientations absolument quelconques. Mais les molécules sont trop petites et comportent trop peu d’atomes pour que les clichés qu’on peut obtenir présentent la netteté d’un diagramme de poudres; on n’observe avec elles qu’un ou deux halos, assez diffus, concentriques à la tache fournie par la partie du faisceau incident qui n’a pas subi de déviation. On a pu, néanmoins, de la mesure des intensités diffractées suivant les diverses directions, obtenir des renseignements intéressants sur la structure des, molécules diffusantes : c’est ainsi par exemple qu’on a pu montrer l’existence de deux composés de formule CII2C1 — CH2C1 ne se distinguant que par la posi-
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- tion relative des atomes de chlore et existant tous deux dans le composé de même formule, le dichloréthylène, que l’on peut préparer. On peut, si l’on veut, leur attribuer les formules :
- cix
- H-H '
- C — C
- ci ck
- H et H-H H''
- C
- H
- H
- Cl
- le premier étant qualifié cis, le second trans.
- Le microscope à rayons X. — Les rayons X étant des radiations de tous points semblables à la lupiière visible, il aurait été agréable de pouvoir réaliser des instruments d’optique semblables par exemple au microscope; le pouvoir séparateur du microscope étant, comme l’enseigne l’optique, du même ordre de grandeur que la longueur d’onde, on aurait pu séparer, dans un tel instrument, deux points situés à une distance de quelques dix millionièmes de millimètre, c’est-à-dire à une distance de l’ordre de grandeur de celle qui sépare deux atomes voisins dans une molécule, donc voir les atomes ! Cet espoir paraissait malheureusement fallacieux parce que l’indice de réfraction des substances pour les rayons X est tellement voisin de l’unité que la construction de lentilles s’avérait impossible; d’ailleurs la matière même de ces lentilles aurait diffracté les rayons X, ce qui aurait empêché toute vision convenable. Et cependant, mais en utilisant un moyen détourné, on a pu récemment réaliser cet espoir, tout chimérique qu’il parût au premier abord.
- Pour comprendre, au moins grossièrement, comment on y est arrivé, il faut se souvenir qu’un microscope comporte deux parties, l’objectif qui donne, de l’objet, un véritable cliché de diffraction, et un oculaire qui rétablit l’image proprement dite. Au lieu d’utiliser ces deux parties simultanément, on .peut concevoir qu’on photographie ce que donne l’objectif et qu’on examine ensuite ce cliché à travers l’oculaire en l’éclairant avec de la lumière ayant la même longueur d’onde que celle qui a servi à le former : le résultat doit être le même que lors de l’observation directe avec objectif et oculaire réunis, ce que l’expérience confirme. Mais si, pour examiner l’image de diffraction dans l’oculaire, on l’éclaire avec de la lumière ayant une autre longueur d’onde que la lumière primitive, disons par exemple une longueur d’onde double, tout se passera comme si on avait formé l’image de diffraction avec cette nouvelle longueur d’onde mais en utilisant un objet deux fois plus grand; on aura donc doublé la grandeur de l’image définitive.
- Sans qu’il nous soit possible de décrire la méthode expérimentale employée, d’ailleurs très délicate, on conçoit que l’on puisse former un cliché de diffraction au moyen de rayons X monochromatiques, puis d’examiner ce cliché à travers un oculaire convenable en l’éclairant avec de la lumière visible, dont la longueur d’onde soit par exemple mille fois plus grande que celle des rayons X; on obtiendra une image définitive mille fois plus grande que celle que l’on aurait pu obtenir directement. C’est dire que le grossissement définitif peut atteindre plusieurs millions, et permettre ainsi de séparer des points dont la distance est de l’ordre des distances inter-atomiques. C’est ainsi qu’en opérant sur de la pyrite FeS2, on a pu obtenir des clichés sur lesquels les points représentant les atomes de fer et de soufre sont nettement visibles.
- Spectroscopie.
- Nous allons maintenant étudier les interactions entre le rayonnement et la matière en examinant ce qui se passe lorsque le rayonnement ne se contente pas de mettre en mouvement forcé les particules électrisées qui composent la matière, mais réagit sur elles de façon plus profonde en modifiant leur état énergétique. On pourra, en général, opérer de deux façons différentes :
- La lumière peut être absorbée par la matière en fournissant de l’énergie à celle-ci. On peut se - représenter assez simplement ce phénomène d'absorption de la façon suivante. La lumière étant constituée de grains extrêmement ténus (photons) animés d’une vitesse égale à celle de la lumière, possédant une énergie égale au produit d’une constante universelle (constante de Planck, h = 6,62.io~27) par la fréquence f du rayonnement, l’absorption de la lumière se produit lorsqu'un tel photon, rencontrant une molécule, disparaît en cédant son énergie hf à la molécule ou bien est transformé en un autre photon d’énergie hf1 plus petite (correspondant par conséquent . à une fréquence f inférieure à la fréquence initiale) et eu cédant l’énergie h(f — f) à la molécule. On dit plus précisément qu’il y a absorption dans le premier cas, le second correspondant à une diffusion (car le nouveau photon peut se déplacer dans une direction quelconque) avec changement de fréquence.
- 2ü 'En plaçant la matière dans des conditions convenables (flamme ou arc électrique par exemple) on peut l’obliger à émettre de la lumière, c’est-à-dire à émettre un photon ayant une fréquence / telle que le produit hf soit égal à. l’énergie perdue par la molécule.
- Or, toute molécule n’est en général susceptible d’exister' que sous des états bien déterminés, correspondant à des énergies iv1} w2, u1.,, ..., bien déterminées également. Il ne pourra donc y avoir émission que si la molécule passe d’un état correspondant à l’énergie w2 par exemple à un état correspondant à une énergie plus faible w1 et la fréquence f du rayonnement émis sera telle que :
- iv2 — w1 = hf.
- Mais, réciproquement, l’absorption d’une lumière de fréquence / ne pourra se produire qui si le phénomène correspondant est le passage de la molécule d’un état d’énergie w1 à un état d’énergie supérieure w2 et la fréquence f du rayonnement absorbé sera telle que :
- w2 — wx = hf.
- C’est, dire que les diverses fréquences absorbées sont les mêmes que les fréquences que la molécule peut émettre. Cela montre qu’on peut étudier indifféremment l’émission ou l’absorption selon que c’est plus commode; les renseignements qu’on peut obtenir des deux phénomènes sont les mêmes puisqu’en définitive on n’observe que les fréquences.
- Dans le cas de la diffusion avec changement de fréquence le résultat est un peu différent, mais on voit facilement que si un rayonnement de fréquence f est transformé en un rayonnement de fréquence /1 avec passage de la molécule d’un état d’énergie w1 à un état d’énergie w2, on aura :
- iu2 — iu1 = h(j — f).
- En général, dans ce phénomène (qu’on appelle couramment effet Raman), la molécule absorbe de l’énergie, w2 est supérieur à rcq et f à f1 ; mais il arrive, quoique beaucoup plus rarement, que la molécule cède de l’énergie au rayonnement, auquel cas la fréquence du rayonnement diffusé est supérieure à celle du rayonnement incident.
- Ceci posé on conçoit que, de la détermination des nombreuses fréquences qui peuvent être absorbées ou émises par une substance donnée, on puisse déduire les énergies de passage des différents états possibles de la matière des uns aux autres. Le problème que l’on devra résoudre sera de déterminer à quel passage correspond une fréquence donnée et à en déduire, théoriquement, des renseignements sur la structure des molécules.
- Les divers états énergétiques possibles d’une molécule. — Abstraction faite des mouvements de translation, on peut agir sur une molécule de plusieurs façons :
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- i° On peut modifier son état de rotation d’ensemble autour de soii centre de gravité. La mécanique classique montre que l’énergie (purement cinétique) correspondante est, en général, la somme de trois termes provenant des rotations possibles autour de trois axes, trirectangulaires, qui sont ses axes d’inertie principaux; chacun de ces termes est égal au demi-produit du moment d’inertie correspondant par le carré de la vitesse angulaire de rotation; rappelons en passant qu’on appelle moment d’inertie d’un système matériel par rapport à un axe la somme des produits des masses des différents points matériels constituant ce système par le carré de sa distance à l’axe considéré.
- En considérant par exemple une molécule diatomique, constituée par deux atomes qu’on assimilera en première approximation à deux points matériels, ses axes d’inertie sont, d’une part la droite qui joint les deux atomes, d’autre part deux axes quelconques (mais rectangulaires entre eux) situés dans le plan normal au premier passant par le centre de gravité de la molécule. Le moment d’inertie correspondant au premier axe est nul puisque les distances le sont; les deux autres sont égaux entre eux et il est aisé de voir que, de leur valeur commune, on pourrait déduire la distance séparant les deux atomes puisqu’on connaît leur masse.
- Dans le cas particulier des molécules diatomiques, la théorie des quanta ajoute, au résultat précédent, que seuls sont réalisables des états pour lesquels l’énergie cinétique de rotation a des valeurs représentées par la formule :
- /ï2
- w — n(n-\- i)g^|
- où h est la constante de Planck, I le moment d’inertie, et n un nombre entier :
- n = o, x, 2, ...
- 2° Les atomes constitutifs de la molécule, n’étant pas liés l’un à l’autre d’une façon rigide, peuvent aussi se déplacer l’un par rapport à l’autre. Ils exécutent alors des mouvements de vibration d’amplitude généralement faible et dont la fréquence est déterminée par les forces de liaison entre atomes. Dans le cas d’une molécule diatomique, il n’existe manifestement qu’une seule espèce de vibrations possible, celle-ci s’effectuant suivant la ligne qui joint les deux atomes. L’énergie d’un tel mouvement, somme de l’énergie cinétique et de l’énergie potentielle, reste constante; en mécanique classique, elle peut avoir une valeur quelconque, mais là encore, la théorie des quanta impose une limitation aux valeurs possibles. Si v est la fréquence du mouvement périodique, l’énergie doit être donnée par la formule :
- n étant encore un nombre entier. Les variations possibles d’énergie lorsqu’une molécule passe d’un état à un autre sont donc nécessairement multiples entiers du produit hv de la fréquence par la constante de Planck.
- Notons simplement que, si les amplitudes deviennent un peu grandes, l’expression précédente n’est plus suffisamment exacte, le mouvement n’étant plus alors purement sinusoïdal, ou, comme l’on dit, plus harmonique. On doit ajouter un terme dit d’anharmonicité, et on doit écrire :
- où D représente l’énergie nécessaire pour séparer complètement les deux atomes, c’est-à-dire 1 ’énergie de dissociation de la molécule. Il est bien normal d’ailleurs que cette énergie doive intervenir car, lorsque l’amplitude du mouvement vibratoire devient suffisante, les deux atomes doivent évidemment
- échapper à leur attraction mutuelle et par suite se séparer, la molécule n’existant donc plus. On voit facilement, sur la formule précédente, que les niveaux d’énergie ne sont alors plus équidistants comme dans le cas des mouvements de faible amplitude, mais se rapprochent de plus en plus les uns des autres et que l’énergie de vibration est nécessairement inférieure ou au plus égale à l’énergie de dissociation D.
- 3° Il est enfin possible de modifier l’état énergétique d’une molécule en modifiant l’état de mouvement des électrons constituant ses différents atomes. Les valeurs possibles des énergies correspondantes sont très compliquées à exprimer; rappelons seulement que, pour un atome d’hydrogène, on doit avoir, d’après la mécanique quantique :
- ait*/» b4
- formule dans laquelle m est la masse de l’électron, e sa charge électrique, n un nombre entier.
- D’une façon générale, les énergies de rotation sont beaucoup plus petites que les énergies de vibration, lesquelles sont, à leur tour, beaucoup plus petites que les énergies électroniques.
- Le spectre de rotation pure. — Imaginons alors qu'on éclaire une substance avec des radiations infra-rouges de grande longueur d’onde, une fraction de millimètre par exemple. Certaines fréquences pourront être absorbées, mais chaque quantum hf étant beaucoup plus petit que celui qui correspond au plus petit saut hy de vibration, seuls les états de rotation pourront être modifiés. On observera donc un spectre d’absorption dit de rotation pure, comportant des fréquences directement liées au moment d’inertie de la molécule, comme nous l’avons expliqué ci.-dessus. Il sera donc aisé, de l’observation de ce spectre, de déduire la valeur de la distance entre les atomes, tout au moins dans le cas des molécules diatomiques.
- Mais de tels spectres sont difficiles à observer expérimentalement. De plus, il ne suffit pas, en général, que deux états énergétiques d’une molécule soient possibles pour que le passage de l’un à l’autre le soit : il existe en général d’autres conditions que l’on désigne sous le nom de règles de sélection. Dans le cas du spectre de rotation pure, il existe une telle règle : pour que l’absorption soit possible, il faut que la molécule possède un moment électrique permanent. Il en résulte que, dans beaucoup de cas, ce spectre sera inexistant; si on peut l’observer pour le gaz chlorhydrique, on ne le peut pas pour l’hydrogène, l’azote ou l’acétylène par exemple. Fort heureusement, nous allons voir bientôt que l’on peut obtenir d’autre façon les mêmes renseignements que fournirait ce spectre de rotation pure.
- Le spectre de vibration. — Si, au lieu de radiations infra-rouges de grande longueur d’onde, on emploie encore l’infra-rouge mais de longueur d’onde beaucoup plus petite, de l’ordre de quelques millièmes de millimètre (ou micron), on dispose d’une énergie suffisante non seulement pour modifier les états de rotation, mais aussi les états de vibration des molécules.
- Examinons ce qui se passe, tout d’abord dans le cas où la molécule absorbante est seulement diatomique. Si les mouvements étaient rigoureusement harmoniques, et en supposant que le mouvement de rotation ne soit pas modifié, on devrait observer, comme il résulte des formules que nous avons données précédemment, des raies d’absorption dont les fréquences sont les multiples entiers de la fréquence de vibration de la molécule; il y a même plus, car la théorie des quanta impose une règle de sélection : le nombre entier ne peut varier que d’une unité; il en résulte qu’on ne devrait en réalité observer qu’une seule raie dont la fréquence nous donnerait immédiatement la fréquence de vibration moléculaire. Les mouvements n’étant pas rigoureusement harmoniques, cette dernière
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- règle de sélection n’existe plus et on peut seulement dire que l'intensité de l’absorption est plus grande lorsque le nombre entier qui caractérise le niveau d’énergie varie d’une unité que lorsqu’il varie de plus de un. Le spectre observé comportera donc plusieurs fréquences qui ne seront pas multiples entiers d’une même fréquence fondamentale, mais seulement voisines de tels multiples.
- En réalité, outre une modification de l’état de vibration, l’absorption causera souvent une modification simultanée de l’état de rotation. Appelons w1 — w2 la variation d’énergie accompagnant le changement d’état de vibration et u\ — ir'2 celle qui accompagne le changement d’état de rotation. Chacun de ces changements serait produit, isolément, par l’absorption de lumière de fréquence et /' telles que :
- w i — w 2 — hfi w\ — w% — hj\.
- Les deux changements ayant lieu simultanément, la variation totale d’énergie est «q + wj — «>2—ro' et sera produite par l’absorption d’une fréquence / telle que :
- hf — W\ -|- £i>.j — Uh — W-2,
- d’où :
- /—A ~K/i-
- La fréquence observée sera la somme d’une fréquence de vibration et d’une fréquence de rotation; ces dernières étant beaucoup plus faibles que les premières, la fréquence f sera en général très peu différente de. la fréquence /x correspondant à la seule vibration; mais comme les fréquences de rotation sont assez nombreuses, il y aura en somme toute une série de fréquences absorbées voisines de f1, ce qui se traduira seulement par un élargissement de la raie observable : au lieu d’une raie assez fine on observera une bande assez large, la fréquence /j de vibration correspondant au maximum d’absorption.
- Lorsque la molécule absorbante comporte plus de deux atomes, le spectre observé est encore plus complexe. Nous savons, en effet qu’alors il n’existe pas seulement une fréquence de vibration de la molécule, mais tout un ensemble de telles fréquences. Nous pouvons répéter, pour chacune d’elles, les raisonnements que nous venons de faire pour une seule et nous attendre par conséquent à observer un spectre qui serait la juxtaposition de plusieurs spectres simples, chacun d’eux correspondant à une seule fréquence de vibration de la molécule. Mais cela ne correspond pas encore à la réalité, car l’absorption d’une seule fréquence lumineuse peut aussi provoquer une modification simultanée de plusieurs étals de vibration. Nous pouvons facilement prévoir, en raisonnant comme ci-dessus, que si on peut observer une fréquence /x et une fréquence /2 correspondant à deux étals de vibration distincts, on pourra aussi observer une fréquence / qui soit la somme + /2 : c’est ce qu’on appelle une raie de combinaison.
- En réunissant les résultats précédents, on voit qu’un spectre de vibration, observable dans l’infra-rouge proche, est quelque chose d’assez compliqué : il est constitué d’un certain nombre de bandes dont les maxima correspondent à des fréquences qui sont, ou bien approximativement les harmoniques de fréquences fondamentales (égales aux fréquences de vibration de la molécule), ou bien des combinaisons de ces fréquences. Si on remarque que, pour une molécule comportant N atomes il y a en général 3 N — 6 modes de vibration possibles (x), ce nombre étant porté à 3N— 5 lorsque la molécule est rec-
- 1. Ce nombre peut être réduit lorsque la molécule possède certains éléments de symétrie qui obligent plusieurs fréquences à être égales entre elles. C’est ainsi que l’acétylène CaH3 ne possède pas six fréquences fondamentales mais seulement cinq.
- tiligne (cas de C02 et CSH2 par exemple), on voit combien l’interprétation d’un tel spectre pourra être délicate, car il faudra, par tâtonnements, chercher à donner aux fréquences fondamentales, des valeurs telles que, par leurs combinaisons, elles puissent redonner le spectre intégral.
- On doit d’ailleurs remarquer qu’il existe en outre des règles de sélection, que nous ne pouvons songer à exposer ici, mais qui ont pour effet d’interdire l’existence de certaines bandes correspondant à des fréquences fondamentales et à leurs harmoniques. Mais ces règles de sélection n’empêchent pas ces fréquences interdites d’apparaître en combinaison avec d’autres fréquences non interdites, ce qui ne simplifie évidemment pas le travail d’identification dont nous venons de parler.
- Le spectre Raman. — La détermination des fréquences de vibration moléculaire peut se faire d’une autre façon, un peu détournée, en utilisant le phénomène de diffusion avec changement de fréquence, ou effet Raman, dont nous avons déjà parlé. Éclairons la substance avec une lumièi’e monochromatique quelconque, par exemple la lumière provenant d’une lampe à vapeur de mercure; mais au lieu de placer un spec-troscope (ou plutôt un spectrographe) dans le prolongement de la lumière incidente, plaçons-le latéralement, à go° par exemple. Si l’intensité de la radiation incidente est assez grande, il y aura une diffusion assez notable pour impressionner la plaque photographique. Qu’observerons-nous après développement ? Une partie de la lumière diffusée l’aura été normalement, sans changement de fréquence; nous devrons donc avoir une raie placée à l’endroit où la lumière incidente aurait impressionné la plaque si le spectrographe avait été placé dans le prolongement du faisceau incident. De plus, nous avons dit que, si la molécule pouvait passer d’un état d’énergie uq à un état d’énergie w2, il pourrait y avoir diffusion d’une lumière de fréquence f reliée à la fréquence / du rayonnement primaire / par la relation :
- iv2 — w1 = h(j — f).
- Si le changement d’état correspond à un changement d’état de vibration de fréquence v, on aura donc :
- hv = h(J-fi).
- ou :
- /'= / —v.
- La fréquence du rayonnement diffusé sera plus petite que celle du rayonnement incident et le changement de fréquence sera égal à la fréquence de vibration de la molécule. On aura donc, sur la plaque photographique, toute une série de raies situées d’un même côté de la raie diffusée normalement, et les différences de fréquences avec la raie excitatrice nous donneront les mêmes renseignements que le spectre de vibration, observable, comme nous venons de le voir, dans l’iinfra-rouge proche. En idéalité, il n’en est pas tout à fait ainsi car là encore, il existe des règles de sélection, et ces règles ne sont pas les mêmes que pour l’absorption. Il en résulte que certaines raies peuvent être actives en effet Raman et inactives en absorption ou réciproquement ; d’autres seront actives dans les deux phénomènes. S’il n’en avait pas été ainsi, on aurait pu penser que l’observation du spectre Raman dispenserait de l’observation du spectre infra-rouge, ce qui aurait pu avoir un assez gros avantage, le spectre Raman s’inscrivant sur une plaque photographique que l’on peut ensuite étudier à loisir, tandis qù’un spectre infra-rouge ne peut être observé qu’en utilisant des appareils spéciaux, piles thermo-électriques ou bolomètres par exemple, que l’on promène le long du spectre en notant, à chaque position, l’intensité de la lumière absorbée. La différence des règles de sélection fait qu’en réalité les deux espèces de spectres sont en quelque sorte complé-
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- mentaires, et que l’étude simultanée des deux sera en général très instructive.
- , Nous avons signalé déjà que la diffusion peut aussi se produire avec diminution de l’énergie de la molécule; nous pouvons donc nous attendre, et l’expérience le confirme, à obtenir, dans un spectre Raman, non seulement les raies correspondant à une diminution de fréquence, mais les raies, symétriques des précédentes, correspondant à une augmentation de la fréquence; les premières sont appelées raies « Stokes », les secondes « anlistokes », parce que les premières obéissent à une loi énoncée autrefois par Stokes suivant laquelle la lumière émise par fluorescence d’une substance devait avoir une fréquence plus faible que celle du rayonnement excitateur. Mais si les raies antistokes existent, leur intensité est beaucoup plus faible que celle des raies stokes et cela se comprend aisément. Si en effet une molécule dans son état fondamental, c’est-à-dire dans l’état de plus faible énergie, peut toujours absorber de l’énergie, elle ne peut en céder; seules les molécules qui ont été préalablement excitées, par exemple par agitation thermique (chocs des molécules les unes sur les autres) sont susceptibles de perdre de l’énergie et il est clair que ces molécules excitées sont infiniment moins nombreuses que les molécules non excitées.
- En résumé, on voit que l’étude détaillée des spectres d’absorption dans l’infra-rouge et des spectres Raman permettra, dans la grande majorité des cas, de déterminer toutes les fréquences de vibration d’une molécule; lorsque celle-ci est suffisamment simple, c’est-à-dire comporte un petit nombre d’atomes, ou si elle est suffisamment symétrique, on pourra remonter, par le calcul, des fréquences de vibration à la grandeur des forces qui s’exercent entre atomes, c’est-à-dire en somme aux forces de liaison. Mais dans tous les cas, on pourra en général obtenir directement certains résultats. L’expérience montre en effet que l’existence, dans une molécule, de certains groupements fonctionnels se traduit par l’existence de fréquences de vibration sensiblement fixes, ou tout au moins voisines d’une valeur fixe. C’est ainsi que toutes les molécules possédant, dans leur formule chimique, une double liaison présentent une fréquence de vibration voisine de i 200 cm"1 (la fréquence est ici mesurée, comme on le fait communément, par le nombre d'ondes, c’est-à-dire par l’inverse de la longueur d’onde exprimée en centimètres; la fréquence proprement dite est égale au produit du nombre d’ondes par la vitesse de la lumière), de même une triple liaison est décelée par l’existence d’une fréquence de vibration située aux environs de 2 000 cm-1. Par exemple, l’éthylène C3H4 qui comporte une double liaison, présente une fréquence égale à 1 342 cm-1 et l’anhydride carbonique C02, qui en comporte deux, a. une fréquence à x 286 cm-1;" l’acétylène C3H2, avec une triple liaison, a une fréquence à 1 974 cm-1. Il est remarquable que l’oxyde de carbone CO a une fréquence à 2 i4o cm-1, c’est-à-dire très différente de celle qui correspondrait à une double liaison, mais voisine de celle qui correspond à une triple liaison; ce fait a incité certains chimistes à admettre que, dans l’oxyde de carbone, les deux atomes sont réunis par une triple liaison et non par une double liaison comme on l’écrit généralement.'
- Nous voyons donc à quel point les spectres de vibration pourront être précieux aux chimistes et aux physicochimistes. Si ce n’est que dans des cas favorables que l’on peut en déduire la grandeur des forces de liaison, ils permettent toujours de décider de l’existence ou non de groupements fonctionnels présumés, ce qui peut être particulièrement précieux dans les cas de tautomérie. Certains corps, par exemple, peuvent exister, d’après la chimie, soit sous forme de cétone, possédant le groupement fonctionnel — CO —, soit sous forme à'énol, possédant à la fois le groupement alcool —OH et une double liaison éthylénique. L’examen des spectres de vibration permettra de décider laquelle des deux formes est prépondé-
- rante. De plus, naturellement, un spectre d’absorption infrarouge ou un spectre Raman sont caractéristiques d’un corps-donné et peuvent servir à son identification et à la détection d’impuretés éventuelles.
- Les spectres électroniques. — En utilisant non plus des radiations infra-rouges, mais des radiations de plus courtes longueurs d’ondes, se trouvant dans le spectre visible ou-dans le spectre ultra-violet, ce qui permet d’employer directement le spectrographe à plaque photographique, on peut encore aller plus loin et fournir suffisamment d’énergie pour modifier l’état électronique des molécules. Mais dans ce cas, et suivant une remarque déjà faite, il ne sera pas nécessaire-d’opérer par absorption : on pourra exciter des molécules par des moyens divers (arc électrique ou étincelle électrique par exemple) et étudier la lumière émise par ces molécules excitées lorsqu’elles reviennent spontanément à un état d’énergie inférieure. On pourra même obtenir l’excitation en faisant, absorber à la substance une lumière de grande fréquence et étudier ensuite la lumière réémise, c’est-à-dire étudier le spectre dit de fluorescence. Il est clair en effet que si une molécule, dont l’énergie dans l’état fondamental est w1} est susceptible d’exister sous des états d’énergie w2, w3, to4, ..., wn, ..., et si l’absorption d’une lumière de fréquence suffisamment grande la fait passer de l’état fondamental à l’état d’énergie u>4 par exemple, son retour à l’état initial pourra se faire de plusieurs façons : il pourra y avoir émission de lumière correspondant à wé — w1, phénomène inverse de l’absorption, mais le retour pourra aussi se faire par paliers, avec émission, successive de lumières correspondant à wé — w3, w3 — w2r w2 — Wj_ ou encore iv4 — w2, iv2 — w1, ou iv4 — io3, w3 — uq. On pourra donc obtenir, après absorption, l’émission d’un spectre identique au spectre d’arc ou seulement à une portion de ce spectre. Dans l’exemple précédent en effet, on n’observera jamais la lumière correspondant au passage iv5 — w4 tandis-qu’on l’observera dans le spectre d’émission proprement dit.
- Quel aspect va présenter un spectre électronique ? Sans qu’il soit nécessaire de reprendre des raisonnements déjà faits dans le cas des spectres infra-rouges, on comprend qu’à un changement déterminé de l’état électronique de la molécule puisse être associé un quelconque des changements d’états de vibrations et un quelconque des changements d’état de rotation. A chaque changement dans l’état électronique va donc correspondre-tout un système de bandes, chacune caractérisée par un changement déterminé de l’état de vibration. De plus, si on emploie un spectrographe suffisamment dispersif, on s’apercevra que chaque bande est constituée par un ensemble de raies fines, rapprochées les unes des autres, chacune étant cai’actéristique d’un changement détermint de l’état de rotation. Le dépouillement complet d’un tel spectre va donc mettre à notre disposition un nombre considérable, pouvant atteindre plusieurs milliers, de-valeurs de fréquences caractéristiques. Nous ne pouvons naturellement pas entrer dans le détail des opérations à effectuer pour tirer tous les renseignements possibles d’une telle accumulation de données expérimentales, mais on conçoit aisément que, de la position moyenne des diverses bandes constituant un système, on puisse tirer des renseignements sur les états de vibration de la molécule, tout comme avec un spectre infra-rouge ou un spectre Raman. Mais il ne faudrait pas croire que l’étude de ceux-ci dispense de l’étude des spectres électroniques. Dans le cas de l’infra-rouge en effet, toutes les molécules absorbantes sont, électroniquement, dans leur état fondamental, alors qu’il n’en est pas de même dans les spectres d’émission ultra-violets par exemple.
- De plus, lorsque l’on a affaire à un spectre résoluble, c’est-à-dire lorsqu’on peut séparer les raies fines dont la juxtaposition donne une bande, on peut tirer des résultats expérimentaux les mêmes renseignements que ceux que fournirait l’étude du spectre de rotation pure dont nous savons combien il est
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- difficile à observer. Dans le cas des molécules diatomiques en particulier, on pourra déduire, de l’examen de ces bandes, dites de rotation-vibration, la valeur des moments d’inertie tant dans l’état fondamental que dans les états excités, et par suite la valeur des distances atomiques. D’ailleurs, même lorsque les molécules sont trop compliquées et que les bandes ne sont pas résolubles, la position des maxima d’intensité des bandes d’absorption, et aussi la forme des courbes d’absorption, pourront souvent donner des renseignements importants sur les structures moléculaires en permettant la comparaison avec d’autres corps plus simples ou mieux étudiés.
- Dans le cas des molécules simples, ne comportant que peu cl’atomes, et surtout dans le cas des molécules diatomiques, il sera souvent possible, étant donnée la précision des pointés sur une plaque photographique, de déterminer d’une façon précise l’anharmonicité d’une vibration et par suite, en utilisant en particulier la formule que nous avons donnée plus haut, de déterminer l’énergie de dissociation d’une molécule. Ce dernier résultat peut être recoupé de façon heureuse par deux autres phénomènes. Tout d’abord nous , avons dit déjà que, à cause de l’anharmonicité, l’énergie de vibration ne pouvait dépasser l’énergie de dissociation D; les diverses bandes constituant un système tendront donc à se rapprocher les unes des autres et, de cet aspect, on pourra déduire une valeur de l’énergie de dissociation.
- De plus, du fait en particulier de l’agitation thermique, qui agit sur les états de rotation, les bandes peuvent changer d’aspect lorsque la température s’élève : elles peuvent devenir moins nettes, les raies de rotation devenant floues. 11 y a, comme a dit V. Henri qui a découvert le phénomène, prédissociation, la molécule tendant à se dissocier en atomes ou radicaux par suite de l’agitation thermique. Et l’on conçoit aisément que l’étude de la prédissociation, c’est-à-dire en somme de la modification des spectres avec la température, puisse fournir une valeur approximative, trop faible d’ailleurs, de l’énergie de dissociation.
- Signalons enfin un autre ordre de phénomènes qu’on peut observer, c’est l’effet d’isotopie. Les moments d’inertie, comme
- les fréquences de vibration, sont sous la dépendance étroite de la masse des atomes constituant la molécule. Or nous savons qu’un même élément peut exister sous plusieurs formes isotopiques : il suffit de rappeler l’existence de l’hydrogène ordinaire Ii et du deutérium, ou hydrogène lourd D dont le numéro atomique est un comme pour l’hydrogène, mais le nombre de masse double de celui de l’hydrogène. Si donc on remplace, par exemple dans une molécule organique, de l’hydrogène par du deutérium, les moments d’inertie et les fréquences de vibration doivent varier; il en résulte que les spectres, bien que très semblables, seront légèrement décalés l’un par rapport à l’autre. Il en résulte un moyen très sensible pour mettre en évidence l’existence des isotopes, et même pour déterminer les poids atomiques de ces isotopes avec une précision allant jusqu’à — .
- C’est ainsi que cet effet d’isotopie a permis de mettre pour la première fois en évidence l’existence des isotopes 13C, 1SN, 170 par exemple.
- Conclusion. — L'a détermination complète de (a structure d’une molécule est donc, comme on a pu s’en rendre compte, un problème très difficile; on ne peut le résoudre que dans des cas favorables en étudiant simultanément toutes les espèces de spectres : infra-rouge et Raman, absorption et émission dans le visible ou l’ultra-violet, fluorescence, ainsi que la modification thermique des spectres ultra-violets. Il arrivera même souvent que l’interprétation de ces spectres laissera encore le choix entre deux solutions possibles du problème; il faudra dans ce cas, pour lever l’indétermination, s’adresser à d’autres méthodes, comme les mesures de moments électriques par exemple. Il est cependant hors de doute que les méthodes spectrales sont parmi les plus puissantes parmi toutes celles qui ont permis d’aborder la solution du problème.
- G. Allard,
- Chef de travaux à l’École Nationale Supérieure de Chimie de Paris.
- LE CIEL EN JANVIER 1952
- SOLEIL : du Ier au 31 janvier sa déclinaison croît de — 23°4' à — 17°36' ; la durée du jour passe de 8*16m le lor à QMS1*1 le 31 ; diamètre apparent le 1er = 32'35",0, le 31 = 32',31",4 ; périgée le 4 à 21*. — LIJNE : Phases : P. Q. le 4 à 4*42“, P. L. le 12 à 4h55m, D. Q. le 20 à 6h9m, N. L. le 26 à 22h26m; apogée le 12 à 6h ; périgée le 26 à 12*. Principales conjonctions : avec Jupiter le 3 à 20*, à 4°43' S. ; avec ITranus le 11 à 9*, à 3°34' S. ; avec Saturne le 19 à 9h, à 6°49' et avec Neptune à 21*, à 6°18' N. ; avec Mars le 20 à 12*, à 6°55' N. ; avec Vénus le 24 à 7* à 6°i3' N. ; avec Mercure le 25 à 12*, à 2°48' N. ; avec Jupiter le 31 à 12h, à 5°6' S. Principales occultations : de 18 Taureau (5m,6) le 7, immersion à 20*23m,3 et de 21 Taureau (5m,8), immersion à 20*57m,2; de + Lion (5m,6) le 14, émersion à 20*30m,2 ; de 79 Lion le 17, émersion à..5*lm,3 ; de 293 B Verseau (5m,6),
- immersion à 18*43“ ,3. — PLANETES : Mercure, visible le matin au début du mois, plus gr. élongation le 6 à 13*, à 22°58' W du Soleil ; Vénus, astre du matin, se lève le 1er à 4*17m, soit 3*29m avant le Soleil, diam. app. 16",2 ; Mars, dans la Vierge, visible le matin, se lève le 13 à 0*42“, diam. app. G",5 ; Jupiter, dans les Poissons, visible le soir, se couche le 13 à 23*3m, diam. polaire app. 36",0. ; Saturne, dans la Vierge, observable le matin, se lève le 13 à 23*23m, diam. polaire app. 15",8 ; anneau : grand
- axe 39",0, petit axe 6",5 ; TJranus, dans les Gémeaux, observable toute la nuit, en opposition avec le Soleil le 3, position le 1er : G*53m et + 23°17', diam. app. 3",8 ; Neptune, dans la Vierge,
- visible le matin, se lève le lerà l*2m, position 135l22m et — 6°33',
- diam. app. 2",4. — ÉTOILES PILANTES : Bootides le 2, radiant vers (â Bouvier, rapides, longues. — ÉTOILES VARIABLES : Minima observables d'Algol (2m,2~3m,5) : le 3 à 0*,2, le 5 à 21*,0, le 8 à 17* S, le 20 à 5*,0, le 23 à 1*,S, le 25 à 22*,6, le 28 à 19*,4 ; minima de fl Lyre (3m,4-4m,3) : le 2 à Sh,0, le 15 à 6*,3, le 28 à 4*,6. — ÉTOILE POLAIRE : Passage sup. au méridien de Paris : le 1er à 18*59m19s, le 11 à 18*19m49s, le 21 à
- 17*40">18s ; passage inf. le 31 à 5h2m44s.
- Phénomènes remarquables. — La lumière cendrée de la Lune, le soir, au début du mois et à la fin ; la lumière zodiacale le soir, après le crépuscule, à l’ouest, à partir du 18 ; rechercher ITranus à l’aide d’une jumelle, au N.-W. de l’étoile Ç Gémeaux, opposition le 3.
- (Heures données en Temps universel ; tenir compte des modifications introduites par l’heure en usage).
- G. Fournier.
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- Étude morphologique détaillée des restes osseux de Négritos (pygmées d’Asie) qui sont conservés au Musée de l’Homme à Paris.
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- LA NATURE
- SOIXANTE-DIX-NEUVIÈME ANNÉE — Ï95J
- INDEX ALPHABÉTIQUE
- A
- Abeilles : « gratte-ciel » pour, 122.
- — laborieuses, 270.
- Abkaik-Siclon : mise en service du pipeline, 47.
- Acide undécylénique en dermatologie, 215. Actualités et informations, C 1, G 33, C 63, C 97, G 129, C 161, G 193, G 223, C 237, C. 289, C. 321, C. 333. Aérodynamique : grande soufflerie de Modane, 271.
- Agriculture et chimie nucléaire, 274.
- — : motorisation, 317.
- Air : Cours en 1’, 14.
- Alsace : progrès dans les mines de potasse, 139.
- Analyse spectrale, 198.
- Antibiotique nouveau : terramycine, 439. Antilles néerlandaises, 4.
- Arbres fruitiers : anomalies dans la culture, 13.
- Archéologie sous-marine, 91.
- Archiane : cirque et claps de Luc (Drôme), 276.
- Armoise, conquérante d’espace, 134. Arsonval (d’) à 19 ans, 310.
- Assam : tremblement de terre, 84. Astronomie : bulletin, 29, 63, 94, 128, 139, 192, 224, 236, 288, 319, 331, 383. Atmosphère du soleil, 289.
- Atomes et moiétcules : constitution, 363. Automobile : construction française, 284.
- — à turbine à gaz : course future, 149. Aviation civile mondiale, 203.
- — et prophylaxie, 9.
- Avion : bœuf, 309.
- — crevettes, 268.
- Avions militaires : les deux plus gros, 129. ------français au XIXe salon de l’aéronautique, 161.
- B
- Banc d’essais français pour vitesses supersoniques, 60.
- Barbituriques hypnotiques, 269. Bergbüchlein : plus ancien livre sur les gîtes minéraux, 187.
- Bétail , : engraissement sur pied, 83.
- Billes : lancement des navires, 340.
- Bœuf vole, 309.
- Bois : industries, 313.
- Bombe à hydrogène : faisons le point, 133.
- Bornéo : pétroles, 136.
- Bretagne : évolution du relief intérieur et côtier, 170.
- C
- Calcul mécanique et structure de la pensée, 65.
- Canada : passage du Nord-Ouest, 183, 194.
- — : pétroles, 219.
- Canal de Saint-Maurice : comblement, 221. Canalisations plastiques rigides, 99. Caoutchouc électronique, 330.
- — naturels et artificiels, 86.
- ---: importance croissante, 39.
- — synthétique à base d’essence de térébenthine, 182.
- Carbures de métaux durs, 23'.
- —• —• — : emplois et avenir, 201. Céramiques au iitanate de baryum, 133. Champollion, 348.
- Chant du cygne, 339.
- Chauve-souris : vol nocturne, 203.
- Chimie : Prix Nobel 1930, 4.
- — nucléaire et agriculture, 274.
- Chlorure de polyvinyle : textiles, 78. Cinéma : cinquante ans, 12.
- Claps de Luc et cirque d’Archiane (Drôme), 276.
- Classification périodique des éléments, 368. Collage des métaux, 241.
- Combustibles : gazéification souterraine, 273.
- Constitution de la matière : évolution des idées, 333.
- Cosmétiques et capillaires : réglementation des produits, 132.
- Couche diffusante profonde : la D. S. L. ou, 283.
- Course d’automobiles à turbine à gaz, 14,9. Crevettes en avion, 268.
- Cristaux de quartz : obtention de grands, 263.
- Culture d’arbres fruitiers : anomalies, 13. Cygne : Chant du, 339.
- D
- Davy : Sir Humphry, 286.
- Déchets de poires, excellent combustible, 133.
- — radioactifs : comment se débarrasser, 126.
- Dérapage : lutte, 118.
- Dermatologie : acide undécylénique, 215. Diapasons : étalonnage, 294.
- Disques phonographiques à microsillons, 125.
- Donzère-Mondragon : conquête du Rhône, 237, 279.
- E
- Eau potable, o.
- — : approvisionnement des villes, 229. « Eciton », fourmis américaines, 235. Éclairage : sources modernes, 266, 299. Élastomères : polyfluoroprèncs, 100. Éléments : classification périodique, 368. Élevage français : importance, 109.
- Encres fluorescentes : publicité, 61. Engraissement du bétail sur pied, 85.
- F
- Fil chaud : mesures de températures, 312. Fleurs : la plus petite plante à, 285.
- Forêt de Tronçais, 216.
- Forge : pièces géantes de marine, 324. Fourmis américaines : les « Eciton », 235.
- G
- Galaxies lointaines : rougissement, 1. Gazéification souterraine des combustibles, 275.
- Nota. — Les numéros de pages précédés de la lettre C renvoient aux pages de couverture en regard de ces numéros.
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- Génissiat : conquête du Rhône, 208.
- Germons : vie errante, 137.
- Gironde en péril, 106.
- Gîtes minéraux : plus ancien livre, 187.
- Glace frigorifique, glace naturelle, 293.
- Grand-Nord canadien : lre traversée du « Passage Nord-Ouest », 183, 194.
- Grisou : captage, 234.
- Grotte intéressante : Médous, 237. v— ornée de Lascaux, 79.
- Guyane française, 302, 332.
- H
- Haute-Roya : derniers territoires rattachés à la France, 344.
- Hélicoptères : progrès et déAuloppements, 165.
- Hibernation chez les oiseaux, 323.
- Ilomoptères : les Membracides, 264.
- Horlogères : nouveautés, 140.
- Huile de ricin : matière première de l’industrie chimique, 46.
- Humidité du sol : contrôle, 143.
- Hypnotiques barbituriques, 269.
- I
- Icare et les petites planètes, 131.
- Ile : naissance, 19.
- Iles australes françaises : intérêt scientifique et économique, 111.
- Inaudi et ses émules, 93, 134.
- Industrie textile : innovation, 126.
- Insectes homoptères : les Membracides, 264.
- Isotopes radioactifs au service de la conservation du sol, 293.
- Isotope radioactif “C datant le passé, 168.
- ------- pour l’étude de la productivité de
- la mer, 206.
- J
- Journées internationales d’analyse et essais, 19.
- K
- Kerguelen : archipel, 144.
- L
- Laboratoire : apports à la médecine, 329.
- Laine : production mondiale, 136.
- — : qu’est-ce que la ? 10.
- Lampes germicides, 76.
- Lancement des navirçs sur billes,. 340.
- Lascaux : grotte ornée, 79.
- Lépidoptères, 176.
- Lithium, 121.
- Livres nouveaux, 30, 64, 94, 128, 160, 192, 224, 266, 288, 319, 362.
- M
- Machine à graver, 220.
- Mangrove, forêt maritime des côtes tropicales, 321. ’
- Manipulations et outils microscopiques, 97.
- Marine : pièces de forge géantes, 324.
- Maroc : développement de la pêche, 52.
- Mathématiques : récréations, 26, 62, 127, 25-5.
- Matière : constitution, 355.
- — : idées actuelles, 353.
- Médecine : apports du laboratoire, 329.
- — : Prix Nobel 1950, 4.
- Médous, grotte intéressante, 257. Membracides : étranges insectes homoptères, 264.
- Mers : vie à 10 000 ni de profondeur, 341. Mer : productivité étudiée par un isotope radioactif du carbone, 206.
- Métaux : collage, 241.
- Métrologie électronique, 252.
- Microbiologie et conservation des vins, 285.
- Micromanipulations, 97.
- Microscope à rayons X, C 65.
- Mines de potasse d’Alsace : progrès techniques, 139.
- Modano : grande soufflerie aérodynamique, 271.
- Molécules et atomes : constitution, 365. Mollusques perceurs, 29S.
- Mondes disparus, 72.
- Motorisation en agriculture, 317.
- Musc, 38.
- N
- Navires : lancement sur billes, 340. Nouvelle-Calédonie, 245.
- O
- OEuf de poule : forme géométrique P 27. Oiseaux : cas d’hibernation, 323.
- — des Sept-Iles, 225.
- Ondes très courtes : utilisation des tubes à vide, 82.
- Ormuz : île, 33.
- Outils microscopiques : manipulations, 97.
- P
- Passage du Nord-Ouest, 183, 194.
- Pêche à la main en Europe, 43.
- — au Maroc : développement, 52. Pétroles de l’Alberta (Canada), 219.
- — du Bornéo britannique, 156.
- — en Extrême-Orient, 65.
- Pétrolière en France : situation, 77. Phoque moine sur les côtes de Provence,
- 174.
- — premiers jours, 156.
- — tropicaux : à propos des, 9. Physique : Prix Nobel 1905, 4.
- — nucléaire : projet d’un centre européen, 233.
- Pipe-line Ablcaik-Sidon : mise en service, 47.
- — de Paris, 202. .
- Planètes : petites, 131.
- Plante à fleurs la plus petite, 285.
- Pluie calme la mer, 25.
- Poisson à signaux électriques, 105.
- — : vessie natatoire, 27S. Polyfluoroprènes,. nouveaux élastomères,
- 100.
- Polyvinyle : tissus, 78.
- Potasse : mines d’Alsace, 139.
- Prédateurs : étranges, 83.
- Prix Nobel 1950 (Médecine, Chimie, Physique), 4.
- Productivité de la mer étudiée par un isotope radioactif du carbone, 206.
- Produits réfractaires, 48.
- Profondeurs de la mer : vie, 341.
- Prophylaxie et aviation, 9.
- Protection de la Nature, 53.
- Publicité par encres fluorescentes, 61.
- Q
- Quartz : obtention de grands cristaux, 263.
- Questions attendant réponses, 116.
- R
- Radio-carbone 1JC date le passé, 168.
- Rail et route, 186.
- Rayons cosmiques : sont-ils d’origine solaire ? 218.
- Relief intérieur et côtier de la Bretagne : évolution, 170.
- Remorque de 100 tonnes, 150.
- Ricin : huile, matière première de l’industrie chimique, 45.
- Rhône : conquête :
- I. Le Haut-Rhône. Génissiat, 208.
- IL Le Bas-Rhône. Donzère-Mondragon, 237.
- III. Donzère-Mondragon. Le très Bas-Rhône, 279.
- Robot distributeur de billets, 71.
- — pour toilette des usines, 22.
- Route et rail, 186.
- S
- Salon de l’Aéronautique : avions français, 161.
- Sept-Iles : 100 000 oiseaux, 225.
- Sol : contrôle de l’humidité, 143.
- — : isotopes radioactifs au service de la conservation, 293.
- Soleil : à propos, 251 — : atmosphère, 289.
- Soufflerie aérodynamique de Modane, 271. Soufflot, 28.
- Structure de la matière : méthodes d’étude, 374.
- Système métrique en Égypte, 100.
- — : progrès, 110.
- T
- Tamise : conditionnement par, 234. Télévision en couleurs, 101.
- — au service de la productivité, 92. Températures : mesures par fil chaud, 312. Temps légal dans Union Française, 14. Termites : contre les, 228.
- Terramycine : nouvel antibiotique, 139. Terre Adélie : deuxième débarquement,
- '' 44.
- Territoires rattachés à la France : la Haute-Roya, 344.
- Textiles en chlorure de polyvinyle, 7S.
- — : innovation dans l’industrie, 126. Titanate de baryum : céramiques, 133. Todas des Monts Nilgiri, 295.
- Transport des vins, 20, 123.
- Tremblement de terre d’Assam, 84. fronçais : forêt, 216.
- Truites : pour les saumoner, 339.
- Tubes à vide pour ondes très courtes : utilisation, 82, 157.
- Turbine à gaz : future course d’automobiles, 149.
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- V
- Verre transparent à l’I. R., 236.
- Vessie natatoire d’un poisson, 278.
- Villes : approvisionnement en eau, 229. Vins : microbiologie et conservation, 285.
- Vins : transport, 20.
- Vitesses supersoniques : banc d’essais français, 60.
- Vitrail : histoire, techniques, lo.
- --------; vitraux anciens et modernes,
- X
- Xénon anesthésique, 260.
- Z
- Zuiderzee : musée, 59.
- 56.
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- LISTE DES AUTEURS
- PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE
- Abdalian (Professeur S.). — L’ile d’Ormuz, 33.
- Adam (Michel). — Le caoutchouc électronique, 330.
- Allard (G.). — Les méthodes d’étude de la structure de la matière, 374.
- Antiioine (Roger). — L’importance croissante du caoutchouc naturel, 39. — Faisons le point à propos de la bombe à hydrogène,
- 135.
- Appell (Mme F.)'. — La publicité et les encres fluorescentes, 01.
- Aubert de la Rüe. — Les îles australes françaises : I. Leur intérêt scientifique et économique, 111. — II. L’archipel de Kerguelen, 144. — La Guyane française : I. Caractères physiques, 302. — II. Les populations, 332.
- B. (A.). — La situation pétrolière en France, 77: — Questions attendant réponses, 110. — Rail et route, ISO. — La D. S. L. ou couche diffusante profonde, 283.
- Bally (J.). — Le transport des A-ins, 20.
- Barruel (P.). — Le A'ol nocturne des cham-es-souris, 203. — Un cas d’hibernation chez les oiseaux, 323.
- Bertrand (Louis). — L’œuf de poule possède-t-il une forme géométrique ? 27.
- Besnier (Ch.). — Produits et sommes des carrés de 3, 4, ... n nombres consécutifs, 20.
- Blin (Henri). — Anomalies dans la culture des arbres fruitiers, 13.
- — La microbiologie et la conservation des vins, 285.
- Bouquero (L.). — Le phoque moine sur les côtes de Provence, 174.
- Bourgogne (Jean). — Les lépidoptères, 175.
- Boyer (Jacques). — Banc d’essais français pour vitesses supersoniques, 00. — « Gratte-ciel » pour abeilles, 122. — Les pétroles de l’Alberta, 219. — La grande soufflerie aérodynamique de Modanc, 271.
- Breton (A.). — Une remorque de 100 tonnes, 150.
- Broyer (Ch.). — Le comblement du canal de Saint-Maurice (Seine), 221. — Le cirque d’Archiane et le claps de Luc (Drôme), 270.
- C. (D.). — Le tremblement de terre d’Assam, 84.
- Caullery (Maurice). — La protection de la nature, problème pratique, primordial et urgent, 53.
- Ciiauvois (Docteur L.). — D’Arsonval à 19 ans, 310.
- Claude (Daniel). — L’importance de l’élevage français, 109. — Chimie nucléaire et agriculture, 274. — La motorisation en agriculture, 317.
- Combrisson (J.). — L’utilisation de tubes à vide dans le domaine des ondes très courtes, 82. — Nouveaux disques phonographiques à microsillons, 125. — Les céramiques au titanate de baryum, 133. — Tubes à Aude pour ondes très courtes, 157. — L’étalonnage des diapasons, 294.
- Cramer (M.). — Les hypnotiques barbituriques, 2G9.
- Delbord (Y.). — La télévision en couleurs, 101.
- Devaux (Pierre). — Calcul mécanique et structure de la pensée, 05.
- — La’ lutte contre le dérapage, 118. — Nouveautés horlogères, 140. •— La conquête du Rhône : I. Le Ilaut-Rhône. Génissiat, 208.
- — II. Le Bas-Rhône. Donzère-Mondragon, 237. — III. Donzère-Mondragon.-Le très Bas-Rhône, 279. — Les pièces de forge géantes dans la marine, 324. — Lancement des navires sur billes, 340.
- Emschvviller (Guy). — Constitution des atomes et des molécules, 305.
- Fayol (Amédée). — J.-G. Soufflot, architecte du Panthéon, 2S. — Sir Humphry Davy, 280. — Champollion, l’égyptologue, 348.
- Fournier (G.). — Le ciel en février 1951, 29. — Le ciel en mars 1951, 03. — Le ciel en avril 1951, 94. — Le ciel en mai 1951, 128.
- — Icare et les petites planètes, 131. — Le ciel en juin 1951, 159.
- — Le ciel en juillet 1951, 192, — Le ciel en août 1951, 224. — Le ciel en septembre 1951, 250. •— Le ciel en octobre 1951, 288.
- — Le ciel en novembre 1951, 319. — Le ciel en décembre 1951, 351. — Le ciel en janvier 1952, 383.
- Gai.i.et (André). — Les derniers territoires rattachés à la France : La Ilaute-Roya, 344.
- Gauroy (Pierre). — Le Grand-Nord canadien : première traversée du passage du Nord-Ouest, 183, 193.
- GiLvtn (G.). — Caoutchoucs naturels et artificiels, 80. — ün nouveau caoutchouc synthétique à base d’essence de térébenthine, 182. Gillot (Frédéric). — L’analyse spectrale, 198.
- Gudger (E. \Y.). — La pêche à la main en Europe, 43.
- Guelpa (P. M.). — Le plus ancien livre sur les gîtes minéraux :
- le « Bergbüchlein », 187.
- Guérin (IL). — Les industries du bois, 313.
- Gutlciier (André). — L’évolution du relief intérieur et côtier de la Bretagne, 170.
- Henri-Robert (Jacques). — Dans le répertoire du sphinx, 127. — Mensonge d’une nuit d’été, 255. — Pour « coller » le sphinx, 350. Henry (Paul-Edmond). — L’eau potable, 5. — L’approvisionnement en eau des villes, 229.
- Hubert (Constant). — Remarquables propriétés des puissances de o et de 10, 02. — Jacques Inaudi et ses émules, 93.
- I. NY. S. — Qu’est-cc que la laine ? 10.
- Jarlan (Henri). — Sources modernes d’éclairage, 200, 299.
- Joly (R. de). — Une grotte intéressante : Médous, 257.
- L. (E.). — La vessie natatoire des poissons, 278.
- Laborderie (Fernand de). — Les deux plus gros avions militaires du monde, 129. — Les avions militaires français au XIXe salon de l’aéronautique, 101.
- Lamé (Colonel Maurice). — Progrès et développements nouveaux des hélicoptères, 105.
- Lami (M.). — La forêt de Tronçais, 210.
- Le Clech (Albert). — Les 100 000 oiseaux des Sept-Iles, 225.
- Le Danois (E.). — La vie errante des germons, 137.
- Legendre (R.). — La productivité de la mer étudiée par un isotope radioactif du carbone, 200. — La vie dans les mers à 10 000 m de profondeur, 341.
- Letort (Y.). •— Les produits réfractaires, 4S.
- M. (R.). — La prophylaxie et l’aviation, 9. — La réglementation ’ des produits cosmétiques et capillaires, 152. — Le radiocar-
- bone 1JC date le passé, 108. — Le xénon anesthésique, 200.
- Merle (René). — Manipulations et outils microscopiques, 97. — Les « Eciton », fourmis américaines, 235. — D’étranges insectes liomoptères : les memhracides, 204.
- Meynis de Paulin (J.). — Le collage des métaux, 241.
- Millot (Professeur J.). — Les todas des Monts Nilgiri, 295. Monsaingeon (D.). — Histoire technique du vitrail, 15, 50.
- Moreau (Henri). — Métrologie électronique, 252.
- Nogier (Docteur Th.). — A propos de Jacques Inaudi, 134.
- P. (L.). — Le lithium, 121. — Le captage du grisou, 234.
- Pascal (Paul). — Les idées actuelles sur la matière, 353. Perruche (Lucien). — Les carbures de métaux durs, 23, 201. — Les apports du laboratoire à la médecine, 329.
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- Petit (J.). — L’huile de ricin, matière première de l’industrie chimique, 45.
- Piveteau (Jean). — Images de mondes disparus, 72.
- Roche (Jean). — La grotte ornée de Lascaux, 79.
- Rousseau (Pierre). — L’atmosphère du soleil, 289.
- Routi-iier (Pierre). — La Nouvelle-Calédonie, 245.
- Sabrié (R.). — L’acide undécylénique en dermatologie, 215.
- Schnell (R.). — La mangrove, forêt maritime des côtes tropicales, 321.
- Taton (René). — L’évolution des idées sur la constitution de la matière, 355.
- Vaucouleurs (G. de). — Le rougissement des galaxies lointaines, 1. Vergkaud (Henri). — L’armoise, conquérante d’espace, 151.
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- TABLE DES MATIÈRES
- I. — MATHÉMATIQUES ET ASTRONOMIE
- Le rougissement des galaxies lointaines (G. de Vaucouleurs). 1
- Produits et sommes des carrés de 3, 4, ... n nombres consécutifs (Ch. Besnier).................................... 27
- L’œuf de poule possède-t-il une. forme géométrique ? (Louis
- Bertrand)............................................... 27
- Remarquables propriétés des puissances de 5 et de 10 (Constant Hubert)............................................ 63
- Calcul mécanique et structure de la pensée (Pierre Devaux). Go
- Système métrique en Egypte................................100
- Progrès du système métrique...............................110
- Dans le répertoire du Sphinx (Jacques Henri-Robert) . . . 127
- Icare et les petites planètes (G. Fournier)............131
- Mensonge d’une nuit d’été (Jacques Henri-Robert) .... 233
- Pour coller le sphinx (.Jacques Henri-Robert).............330
- L’atmosphère du Soleil (Pierre Rousseau)..................289
- Bulletin astronomique :
- Le ciel en chaque mois de l'année (G. Fournier), 29, 63, 94,
- 128, 139, 192, 224, 236, 288, 319, 331
- II. — SCIENCES PHYSIQUES 1. Physique.
- Microscope à rayons X................................
- Comment se débarrasser des déchets radioactifs ? . .
- Tubes à vide pour ondes très courtes (J. Combrisson).
- L’analyse spectrale (Frédédic Gillot)................
- Projet d’un centre européen de physique nucléaire. .
- Métrologie électronique (Henri Moreau)................
- Obtention des grands cristaux de quartz..............
- L’étalonnage des diapasons (J. Combrisson)...........
- Nouvelle mesure des températures par fil chaud . . .
- Les idées actuelles sur la matière (Paul Pascal). . . .
- L’évolution des idées sur la constitution de la matière (René T
- ’aton).
- C 63 126 137 198 233 232 263 294 312 333
- 333
- 363
- 368
- 374
- Constitution des atomes et des molécules (Guy Emsciiwillee) Tableau de la classification périodique des éléments . . . Les méthodes d’étude de la structure de la matière (G. Allard) ......................................................
- 2. Chimie.
- Qu’est-ce que la laine ? (I. W. S.)............................ 10
- Les journées internationales de l’analyse et des essais. . . 19 Les carbures de métaux durs (Lucien Perruche) ... 23, 261
- Le musc........................................................ 38
- L’huile de ricin, matière première de l’industrie chimique
- (J. Petit).................................................... 43
- Les textiles en chlorure de polyvinyle.......................... 78
- Les polyfluoroprènes, nouveaux élastomères......................100
- Le lithium (L. P.)..............................................121
- Faisons le point à propos de la bombe à hydrogène (R. An-thoine)...................................................... 133
- Le radio-carbone 1JC date le passé (R M.). .
- Fn nouveau caoutchouc synthétique (G. Génin) Les hypnotiques barbituriques (M. Cramer) . .
- Le caoutchouc électronique (Michel Adam). .
- III. — SCIENCES NATURELLES
- 1. Géologie.
- Images de mondes disparus (Jean Piveteau). Le plus ancien livre sur les gîtes minéraux lein » (P. M. Guelpa)...................
- 168
- 182
- 269
- 330
- le « bergbüch-
- 2. Physique du globe.
- Naissance d’une île.....................................
- La pluie calme la mer......................-............
- L’évolution du relief intérieur et côtier de la Bretagne (André
- Guilciier)............................................
- La productivité de la mer (R. Legendre). ..............
- Les rayons cosmiques sont-ils d’origine solaire ? . . . .
- Les isotopes radioactifs au service de la conservation du sol
- 72
- 187
- 19
- 25
- 170
- 206
- 218
- 293
- 3. Zoologie. — Biologie.
- A propos des phoques tropicaux................................. 9
- La pêche à la main en Europe (E. W. Gudger). . . . ; . 43
- Etranges prédateurs........................................... 83
- Pour connaître l’engraissement du bétail sur pied .... 85-
- Un poisson à signaux électriques..............................103
- L’importance de l’élevage français (Daniel Claude). .• . . 109
- « Gratte-ciel » pour abeilles (Jacques Boyer)..............122
- La vie errante des germons (Ed. Le Danois).................137
- - Les premiers jours d’un phoque....................... 156
- Le phoque moine sur les côtes de Provence (L. Bouquero). 174
- Les lépidoptères (Jean Bourgogne)........................... 175
- Le vol nocturne des chauves-souris (P. Barruel)............203
- Les 100 000 oiseaux des sept-îles (Albert Le Clecii) .... 225
- Contre les termites.......................................... 228
- Les « eciton », fourmis américaines (René Merle) .... 235
- D’étranges insectes Ilomoptères : Les membracides (René
- Merle)......................................................264
- La vessie natatoire des poissons (E. L.)...................278
- Les mollusques perceurs ..................................... 298
- Un cas d’hibernation chez les oiseaux (P. Barruel). . . . 323
- Pour saumoner les truites................................... 339
- Le chant du cygne.............................................339
- 4. Botanique. — Agriculture.
- Anomalies dans la culture des arbres fruitiers (Henri Blin). 13 L’armoise, conquérante d’espace (Henri Yergnaud) .... 156
- La Jjorêt de Tronçais (M. Lami)............................. 216
- Chimie nucléaire et agriculture (Daniel Claude)...............274
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- La microbiologie et la conservation des vins (Henri Blin).
- La plus petite plante à fleurs...........................
- La motorisation en agriculture (Daniel Claude) . . . . .
- IV. — GÉOGRAPHIE. — ETHNOGRAPHIE. ARCHÉOLOGIE
- Les Antilles néerlandaises...............................
- Le temps légal dans l’Union française....................
- L’île d’Ormuz dans le Golfe Persique (S. Abdalian) ....
- Deuxième débarquement à la Terre Adélie..................
- Le développement de la pêche au Maroc....................
- La protection de la nature, problème primordial et urgent
- (M. Caullery) ........................................
- Le Musée du Zuyderzée....................................
- Une merveille de l’art préhistorique : La grotte ornée de
- Lascaux (Jean Roche)..................................
- Le tremblement de terre d’Assam (D. C.)..................
- Archéologie sous-marine..................................
- La Gironde en péril......................................
- Les îles australes françaises. L’archipel de Kerguelen (E. Aubert de la Rue).....................................111,
- Le Grand-Nord canadien : la première traversée du passage du
- Nord-Ouest (Pierre Gauroy).......................183,
- La Nouvelle-Calédonie (Pierre Routiiier).................
- Une grotte intéressante : Médous (R. de Joly)............
- Le cirque d’Archiane et le Claps de Luc (Drôme) (Ch. Broyer) Les todas des Monts Nilgiri (Professeur J. Millot).......
- La Guyane française. I. Caractères physiques. — II. Les populations (E. Aubert de la Rüe)..................... 302,
- La mangrove, forêt maritime des côtes tropicales (R. Sciinell) La vie dans les mers à 10 000 m de profondeur (René Legendre).............................. ..............................:
- Les derniers territoires rattachés à la France : La Ilaute-Roya (André Gallet). . .................................
- V. — HYGIÈNE. — MÉDECINE
- L’eau potable (Paul-Edmond Henry)........................
- La prophylaxie et l’aviation (R. M.).....................
- A propos des lampes germicides...........................
- Un nouvel antibiotique : la terramycine..................
- La réglementation des produits cosmétiques et capillaires
- (R. M.)...............................................
- L'acide undécylénique en dermatologie (R. Sabrié)........
- Le xénon anesthésique (R. M.)............................
- Les apports du laboratoire à la médecine (Lucien Perruche).
- VI. — SCIENCES APPLIQUÉES
- 1. Mécanique. — Industrie.
- Histoire technique du vitrail. II. Les techniques. III. Vitraux anciens et vitraux modernes (D. Monsaingeon) . . . 15,
- Un robot pour la toilette des usines.....................
- L’importance croissante du caoutchouc naturel (Roger An-
- thoine)..................................................
- Mise en service du pipe-line Abkaïk-Sidon . .............
- Les produits réfractaires (Y. Letort)....................
- Le pétrole en Extrême-Orient.............................
- La publicité et les encres fluorescentes (Mme F. Appell). . . Robot distributeur de billets aux voyageurs pressés . . . . La situation pétrolière en France (A. B.) .
- Caoutchoucs naturels et artificiels (G. Génin)...........
- Manipulations et outils microscopiques...................
- Canalisations plastiques rigides.........................
- Innovations dans l’industrie textile.....................
- Production mondiale de la laine..........................
- Les progrès techniques dans les mines de potasse d’Alsace.
- Nouveautés horlogères (Pierre Devaux)......................
- Le pétrole du Bornéo britannique.........................
- Le pipe-line de Paris.............................................202
- Les pétroles, de l’Alberta (Jacques Boyer)....................219
- Nouvelle machine à graver........................................ 220
- Le captage du grisou (LP.)........................................234
- Conditionnement par la Tamise.....................................234
- Le collage des métaux (J. Meynis de Paulin)...................241
- La gazéification souterraine des combustibles.....................275
- Les industries du bois (II. Guérin)...........................313
- 2. Télévision. — T. S. F.
- La télévision au service de la productivité................. 92
- La télévision en couleurs (Y. Delbord) . : ................101
- Nouveaux disques phonographiques à microsillons (J. Coji-brisson).......................................................125
- 3. Électricité.
- L’utilisation de tubes à vide dans le domaine des ondes très
- courtes (J. Combrisson)..................................... 82
- Les céramiques au titanate de baryum (J. Combrisson). . . 133
- Sources modernes d’éclairage (Henri Jarlan) .... 266, 299
- 4. Travaux publics. — Art de l’ingénieur.
- Banc d’essais français pour vitesses supersoniques (Jacques
- Boyer)................................................. 60
- La lutte contre le dérapage (Pierre Devaux)...............118
- Le comblement du canal de Saint-Maurice (Seine) (Ch. Broyer) 221 L’approvisionnement en eau des villes (Edmond-Paul Henry). 229 La conquête du Rhône. I. Génissiat. II. Donzère-Mondragon.
- III, Donzère-Mondragon. Le très Bas-Rhône (Pierre Devaux)
- 208, ,237, 279
- La grande soufflerie aérodynamique de Modane (Jacques
- Boyer)................................................271
- 5. Transports.
- Le transport des vins (J. Bally)......................... 20
- A propos du transport des vins...........................123'
- Future course d’automobiles à turbine à gaz . . . . . . 149
- Une remorque de 100 tonnes (A. Breton)...................150
- Rail et route (A. B.)....................................186
- La construction automobile française.....................284
- 6. Aviation.
- Les deux plus gros avions militaires (Fernand de Laborderie). 129 Les avions militaires français au XIXe salon de l’aéronautique (Fernand de Laborderie)...............................161
- Progrès et développements des hélicoptères. (Maurice Lamé). 165
- L’aviation civile mondiale..................................205
- Des crevettes en avion......................................268
- Le bœuf vole................................................309
- 7. Marine.
- La D. S. L. ou couche diffusante profonde (A. B.).........283
- Les pièces de forge géantes dans la marine (Pierre Devaux). 324 Lancement des navires sur billes (Pierre Devaux) .... 340
- VII. — HISTOIRE DES SCIENCES
- Les prix Nobel pour 1950, de médecine, de chimie et de
- physique *. . . ........................................ 4
- Jacques-Germain Soufflot, architecte du Panthéon (1713-1810)
- (Amédée Fayol)........................................ 28
- Jacques Inaudi et ses émules (Constant Hubert) . . . . . 93
- A propos de Jacques Inaudi (Docteur Th. Nogier)..........134
- 2S5
- 2S5
- 317
- 4
- 14
- 33
- 44
- 52
- 53
- 59
- 79
- Si
- 91
- 100
- 144
- 193
- 245
- 257
- 276
- 295
- 332
- 321
- 341
- 344
- 5
- 9
- 76
- 139
- 152
- 214
- 260
- 329
- 56
- 22
- 39
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- Sir Humphry Davy (1778-1829) (Amédie Fayol)........................286
- D’Arsonval à 19 ans (Docteur L. Ciiauvois).................310
- Champollion, l’égyptologue (Amédée Fayol) .................348
- VIII. — VARIA
- Actualités et informations, C 1, C 33, C 63, C 97, C 129,
- C 161, C 193, C 223, C 237, C 289, C 321, C 333 . Les livres nouveaux, 30, 64, 94, 128, 160, 192, 224, 236, 288,
- 319, 332
- Cinquante ans de cinéma . •............................. 12
- Cours en l’air . ....................................... 14
- Les déchets de poires fournissent un excellent combustible. 133
- Questions attendant réponses (A. B.)............................116
- Glace frigorifique et glace naturelle...........................293
- IX. — PLANCHES HORS-TEXTE
- Histoire technique du vitrail : quatre planches dont deux
- en couleurs.......................................... . 16
- La grotte ornée de Lascaux : quatre planches........... 80
- Les îles australes françaises : quatre planches........144
- Les lépidoptères : quatre planches dont deux en couleurs. . 176
- La Guyane Française : huit planches................ 304, 336
- SUPPLÉMENT AU No 3200 (DÉCEMBRE 4931).
- Le gérant : G. Masson. — masson et cie, éditeurs, paris. — dépôt légal : 4e trimestre 1951, n° i3i4. — Imprimé en France BARNÉOUD FRÈRES ET Cie, IMPRIMEURS (3lo566), LAVAL, N° 246o. — I2-ig5l.
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