La Nature
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- LA NATURE
- REVUE DES SCIENCES
- ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L’INDUSTRIE
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- ET'DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L’INDUSTRIE
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- 8* ANNÉE. — N» 5G0.
- 5 JUIN 1880
- LA NATURE
- REVUE DES SCIENCES
- ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L’INDUSTRIE
- ORGANISATION DES ÉTUDES
- DES ÉLÈVES ASTRONOMES
- L’État vient de décréter la création de trois observatoires à Lyon, Besançon et Bordeaux.
- Un généreux protecteur des sciences, M. Bischoffs-heini, donne le premier exemple en France d’une de ces splendides et libérales fondations particulières qui ont si puissamment contribué aux progrès tle l’astronomie aux Etats-Unis et en Angleterre. 11 consacre un million et demi ou deux millions à la création et à la dotation d’un observatoire de premier ordre à Nice, dans les plus belles conditions climatologiques de France, et qui sera pourvu des instruments les plus parfaits qu’on puisse construire actuellement.
- L’Observatoire de Paris complète aujourd’hui son matériel scientilique par la construction et l’installation de puissants instruments d’optique comme en possèdent déjà plusieurs observatoires étrangers.
- Au moment où l’on s’occupe ainsi de créer de nouveaux observatoires et de rendre aux travaux astronomiques en France toute l’activité qu’ils avaient autrefois, afin de nous maintenir au niveau des grands et récents progrès accomplis à l’étranger, sinon de reprendre le premier rang, il était indispensable de remédier à la difficulté où l’on se trouve actuellement de recruter convenablement le personnel de nos observatoires, et de créer pour cela une École d’astronomie pratique.
- Tous ces grands et généreux sacrifices accomplis pour la science seraient en effet inutiles et perdus si l’on ne se préoccupait pas de préparer un personnel nombreux, instruit et exercé, qui devra donner la vie à ces établissements et qui nous manque aujourd’hui.
- Jusqu’à ce jour, le recrutement des observatoires s’est fait de la façon la plus irrégulière et sans le 8a anaée. — î• semestféT "
- secours d’aucune école spéciale, comme il en existe pour toutes les autres carrières scientifiques. Les candidats qui se présentaient n’avaient souvent ni les connaissances théoriques ni le dévouement scientifique et les aptitudes spéciales nécessaires pour remplir avec succès une carrière aussi difficile.
- A l’Observatoire de Paris, où le personnel est plus nombreux et le matériel d’instruments plus complet, il était encore possible de leur donner une certaine instruction pratique ; cela ne pouvait d’ailleurs se faire qu’aux dépens du service ordinaire et à l’aide de la bonne volonté des fonctionnaires plus anciens, pour lesquels c’était un surcroît de travail non prévu par les règlements.
- Mais, dans les observatoires de province, cette éducation est plus difficile, sinon impossible, car il arrive malheureusement assez souvent que, par suite de dotation insuffisante, c’est le professeur d’astronomie de la Faculté locale qui est en même temps directeur de l’observatoire, et, par suite du cumul de ces deux fonctions, il ne lui est possible de donner à chacune d’elles qu’une partie de son temps. D’ailleurs il pourrait arriver quelquefois que ce directeur, excellent professeur de mathématiques et de mécanique céleste, ne fût pas suffisamment initié à la pratique des observations si délicates de l’astronomie, qui exigent tant d’expérience et d’habileté. Enfin, le matériel de ces observatoires était resté, jusque dans ces dernières années, dans un état d’infériorité regrettable, qui ne devait guère inspirer de zèle aux observateurs.
- 11 n’existait donc en réalité, depuis longtemps, qu’un observatoire bien organisé en France, et l’astronomie s’y trouvait ainsi concentrée sous l’autorité d’un seul directeur; il semble inutile de faire ressortir combien l’initiative personnelle, si indispensable dans toutes les recherches scientifiques, devait se trouver souvent paralysée, et l’on comprend facilement que, dans de telles conditions, il ne se soit formé depuis longtemps qu’un trop petit nombre d’astronomes observateurs; c’est évidemment à cette
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- cause qu’il faut attribuer le ralentissement de nos travaux astronomiques et le faible contingent que nous avons apporté aux découvertes récentes.
- Cette lacune était d’autant plus regrettable que nous n’avons jamais manqué de grands géomètres pour faire progresser la science si ardue de la mécanique céleste ; dans cette branche de l’astronomie, avec les travaux et les noms si illustres des Laplace et des Le Verrier, nous nous sommes maintenus jusqu’à ce jour au premier rang des nations les plus avancées.
- Il devenait donc urgent de créer au plus tôt une École supérieure d’astronomie pratique, et c’est à l’Observatoire de Paris qu’il était possible de le faire dans les conditions les plus favorables, en plaçant les jeunes candidats sous la direction de nos savants les plus distingués et de nos plus habiles praticiens, aidés par les précieuses ressources qu’offrent encore le Collège de France et la Sorbonne.
- Mais il était nécessaire d’organiser officiellement ces études pour ne pas les laisser soumises aux exigences des autres services et à la bonne volonté de chacun; c’est dans ce but qu’a été promulgué l’arrêté ministériel, en date du ol octobre 1879.
- En choisissant quelques jeunes gens parmi les candidats les plus instruits ayant fait preuve d’intelligence et de persévérance dans le travail, se montrant le mieux doués pour le culte élevé et désintéressé de la science, on doit espérer qu’après les avoir fait passer deux années dans un laboratoire scientifique aussi puissamment organisé que celui où ils se trouveront, on aura formé d’habiles astronomes, pleins d'ardeur, qui sauront utiliser le magnifique matériel aujourd’hui en cours d’exécution et qui honoreront un jour le pays par leurs, travaux et leurs découvertes.
- Les études devront donc être dirigées de manière à former surtout d’excellents astronomes observateurs pour les différentes branches de l’astronomie et capables en même temps d’entreprendre tous les calculs relatifs aux observations et à l’application usuelle des théories de la mécanique céleste. Ils devront en outre être suffisamment exercés aux manipulations de physique et de chimie pour pouvoir se livrer, s’ils le désirent, à toutes les recherches d'astronomie physique, sans être arrêtés par l’ignorance de connaissances accessoires devenues indispensables pour l’étude des phénomènes si complexes de cette science nouvelle. Ils devront également s’initier à la construction des instruments d’astronomie et d’optique en visitant les ateliers de nos principaux artistes, Eichens, Bréguet, Brunner, tieil-, etc., car il faut qu’un astronome connaisse parfaitement les instruments dont il se sert, soit afin de pouvoir les perfectionner un jour, soit pour diriger des réparations devenues nécessaires, quand il n’a pas à sa disposition d’ouvriers suffisamment habiles.
- La durée des études sera de deux années.
- La première année sera principalement consacrée à l’étude théorique et pratique du service méridien, base fondamentale de l’astronomie d’observation, et à l’usage des instruments portatifs, y compris les instruments à réflexion, car il faut que tout astronome, dans un observatoire, sont capable d’enseigner l’usage des instruments de voyage et les méthodes d’observations aux explorateurs si nombreux aujourd’hui qui, au moment de leur départ, viennent demander des conseils et une instruction préparatoire pour la détermination des latitudes et longitudes en cours de voyage.
- La seconde année sera consacrée aux services des équatoriaux et de l’astronomie physique.
- La première moitié de chaque année sera employée en conférences, études et exercices; pendant la seconde moitié, les élèves feront le service régulier d’observations en concurrence avec les fonctionnaires.
- Les conférences seront faites de la manière suivante :
- Pendant la première année : théorie du service méridien, par M. Lœwy, sous-directeur; pratique des observations méridiennes, par M. Périgaud ; calculs d’astronomie sphérique, par M. Caillot, chef du Bureau des calculs ; usage des instruments portatifs, par M. Mouchez.
- Pendant la seconde année : astronomie physique, équatoriaux et physique du globe, par M. Wolf; mécanique céleste appliquée, par M. Tisserand.
- Nous sommes en outre assurés du concours dévoué de MM. Jamin et Desains, les éminents professeurs de la Sorbonne, qui ouvriront à nos jeunes astronomes leurs laboratoires de physique et les dirigeront dans les études et le maniement des instruments et les expériences diverses qui pourront les intéresser et faciliter leurs travaux en astronomie physique.
- M. Mascart, directeur du Bureau central météorologique, les mettra également au courant des récents progrès accomplis dans la science et le service météorologiques.
- Les travaux et conférences seront organisés de manière à permettre aux élèves de suivre les autres cours du Collège de France et de la Sorbonne ayant quelque rapport direct avec l’astronomie ou pouvant leur être utiles pour l’obtention de diplômes universitaires.
- E. Mouchez,
- Contre-amiral, directeur de l’Observatoire.
- LES LABORATOIRES SCIENTIFIQUES
- A L’ÉTRANGER
- On sait qu’il existe à l’étranger des laboratoires scientifiques dont l’installation matérielle ne laisse pour ainsi dire rien à désirer. Au moment où l’on songe, en France, à en créer de nouveaux, où l’on
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- LA A ATI! |{ E.
- espère en tout cas améliorer les dispositions de ceux qui existent, il ne sera peut-être pas inutile de donner une idée de l’organisation des laboratoires les plus récemment construits et les mieux installés. Je choisirai, parmi ceux que j’ai eu l’occasion de visiter en Autriche, Danemark, Hongrie, Suède, Norvège et Allemagne, ceux qui, dans chaque science (chimie, physiologie, physique, chimie physiologique, botanique, etc.), m’ont paru présenter les meilleures dispositions. Tous sont de construction récente, ou même en voie de construction.
- I. Laboratoire de chimie. — Il y a deux ans seulement que l’Institut de chimie de Graz (Stvrie) a été terminé. C’est le plus récent des grands laboratoires de chimie de l’Europe. Mais comme il a été presque complètement construit sur les plans de celui de Pesth, sauf de très légères modifications, il me suffira de parler de ce dernier, que j’ai visité plus complètement, grâce à l’accueil bienveillant deM. deThann. Les principaux laboratoires de chimie allemands ont été construits à Giessen, sur l’initiative de Liehig, puis à Breslau, Halle, Gœttinge, "Wiesbade, Carlsruhe, Stuttgart, Heidelberg, Munich, Greifswald, Bonn, Berlin et Leipzig. Parmi les laboratoires de chimie dont la construction a été établie d’après plusieurs des précédents, on peut citer encore ceux de Copenhague en Danemark, de Zurich en Suisse et de Vienne en Autriche.
- I/Institut chimique de Buda-Pesth a été construit de 1868 à 1871 sur les indications du professeur de Thann,qui avait visité auparavant les principaux laboratoires d’Allemagne, d’Angleterre et de France. Il a été élevé non loin du musée, sur le Landstrasse. Il a coûté 555 201 florins1. C’est un des plus importants bâtiments parmi ceux construits depuis 1867 jusqu’à aujourd’hui, pendant cette période du développement rapide de l’Université hongroise. On a cherché à édifier un institut qui, sans être comme celui de Leipzig un bâtiment colossal (ce qui présente bien des inconvénients), permette cependant tout l’emplacement nécessaire pour 500 auditeurs des leçons de chimie expérimentale, 70 élèves suivant à la fois les exercices pratiques; 20 autres, après avoir terminé leurs études générales, peuvent se livrer à des recherches personnelles.
- Du côté de la façade qui est tournée vers l’Est se trouve l’escalier d’entrée, qui mène en face dans la salle de cours. A gauche, du côté nord, sont situés les laboratoires d’enseignement et de recherches avec une bibliothèque des ouvrages de chimie. A droite, du côté sud, sont des collections de produits chimiques, les appartements du directeur, les logements des assistants et des garçons de laboratoire. Dans le sous-sol sont les magasins de verrerie, quelques salles pouvant servir de laboratoires et enfin les appareils de chauffage et de ventilation.
- La figure 1 représente le plan du premier étage
- 1 Le florin vaut 2 fr. 50.
- et pourra donner une idée très exacte de la distribution des différentes salles. La figure 5 donne une coupe qui montre la disposition en hauteur des différentes parties du laboratoire. Cette coupe fait très bien comprendre le système de ventilation générale, qui est admirablement organisé dans toutes les chambres du bâtiment. Cette ventilation se fait, en hiver, au moyen du chauffage à vapeur d’eau employé pour distribuer la chaleur dans toutes les parties de l’Institut de chimie. En été, il est obtenu au moyen d’un foyer spécial (h).
- L’entrée de l’air froid se fait en v, w, x, y (fig. 5)‘. Les canaux de ventilation sont représentés en m, n, o, c, l. Les tubes de ventilation de la salle de cours sont en p, q, //, q'. L’air vicié sort parle tuyau ik; autour de la cheminée rs sont des trappes qui peuvent se fermer ou s’ouvrir lorsqu’on passe du système dé ventilation d’hiver à celui d’été ou réciproquement.
- Dans cette même coupe, on voit le laboratoire du directeur (a), une salle de travail pratique (f), une terrasse (d) pour les opérations chimiques à l’air libre, une salle de conférences (t). En c' se trouve la chambre des chauffeurs, en x' un plateau situé sur une terrasse, pour les observations spectroscopiques à l’air libre.
- Sur la figure 1, on peut voir un certain nombre de salles dont plusieurs sont aussi représentées dans la coupe. A est l’entrée, B le vestibule, C l’escalier, 1) la salle de cours {auditorium), qui peut contenir 500 auditeurs. Les bancs sont disposés dans cette salle de façon à ce que chaque élève, à quelque place qu’il soit, puisse très bien voir le tableau, l’écran à projection et la table d’expérience. Une courbe située dans un plan perpendiculaire au tableau de démonstration rencontre les hauts des dossiers qui sont situés sur une courbe calculée dans ce but. Derrière la salle de cours, se trouve en G une salle destinée à la préparation des expériences du cours. L’appareil à projections est en II; J est une chambre où se tient le professeur avant ou après la leçon. F est une salle pour la fabrication des appareils ou les travaux mécaniques. En L se trouve une collection de produits chimiques et de préparations. M est une terrasse. Dans la figure 5, on voit la salle du gazomètre à oxygène, et en N la salle de la batterie électrique.
- Quelques détails sont aussi à noter. Entre toutes les fenêtres, dans les salles de travail, se trouvent disposées des armoires qu’on peut fermer par une trappe. C’est là qu’on opère les réactions dans lesquelles il se dégage des gaz nuisibles à la santé ou pouvant troubler d’autres réactions chimiques, tels que le chlore, l’acide sulfhydrique, l’acide sulfureux. La partie supérieure de ces sortes d’armoires communique avec un tuyau à l’intérieur duquel se trouve un bec de gaz qu’on allume lorsqu’on fait une opération. Les vapeurs nuisibles produites sont ainsi entraînées dans le système de canaux ventilateurs et sortent avec l’air vicié par la grande che-
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- minée du laboratoire. J’ai aussi remarqué dans le laboratoire d’enseignement, de place en place, des cuvettes où l’on jette les produits dont on ne se
- sert plus; elle sont d’une forme telle qu’aucune éclaboussure ne puisse rejaillir au dehors.
- Le laboratoire de chimie de Buda-Pesth n’a ac-
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- Ethell® en Mètres
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- Fig. 1. Plan du grand laboratoire de chimie de Cuda-Peslh.
- tuellement que 5000 florins de crédit annuel. Ce ncmcnt augmenté. Ajoutons que chaque élève paye . crédit était bien moindre autrefois; il sera ccrtai- un florin par semestre et par heure de cours suivi
- Fig. 2. L’Institut de physiologie de Buda-Pesth.
- en une semaine pour suivre les cours de chimie. 11 paye une rétribution analogue (qui peut être double pour certaines manipulations) pour suivre les exercices pratiques. C’est le système des Collegien-
- gelder. Sur ces fonds, versés par les élèves, 5 p. 100 reviennent à l’État; le reste s’ajoute au traitement fixe du professeur; cette augmentation de revenu est ainsi proportionnelle au nombre d’auditeurs. Pour
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- la chimie, le professeur voit ainsi son traitement presque triplé par les Collegiengelder. Le directeur du laboratoire est logé, il a un traitement fixe de
- 2500 florins, augmenté de 500 florins tous les dix ans.
- Chaque élève suivant les exercices pratiques dé-
- pose une caution de 20 florins pour le cas où il exercices pratiques des laboratoires d’enseignement briserait les appareils mis à sa disposition. Les sont suivis par un grand nombre des élèves de la
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- Lchellfc er» Métrés
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- Fig. 4. Coupe dej’lnstitut de physiologie de Buda-Pesth.
- Faculté de philosophie, par ceux de l’École normale, des élèves de la Faculté de médecine; une centaine d’étudiants en pharmacie suivent des manipulations plus élémentaires ou plus pratiques. Une dizaine d’élèves sortis de l’Université se livrent à des tra-
- vaux personnels dans les laboratoirs de recherches ; il y a place pour vingt.
- II. Laboratoire de physiologie. — L’immense Institut de physiologie de Leipsig du docteur Ludwig ne peut pas être considéré comme un modèle
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- de laboratoire. Il est peu probable qu’on en construise avant longtemps un autre dans de telles proportions. L’Institut de physiologie qu’on a édifié à Buda-Pesth avec les conseils du docteur Ludwig, sous la direction du professeur Jendrassik, par l’architecte Szkalnitzki, renferme tous les perfectionnements qu’on rencontre dans celui de Leipzig, mais sous une forme et dans des proportions qu’il serait plus facile de réaliser. M. le professeur Jendrassik a bien voulu m’en faire visiter en détail toutes les parties ; je vais résumer en quelques lignes l’organisation générale de ce bel Institut physiologique.
- Il a été construit de 1875 à 1876 et a coûté 415500 florins. C’est un grand bâtiment carré, dont la figure 2 représente l’un des côtés. 11 est, comme le laboratoire de chimie, isolé complètement au milieu d’un jardin, ce qui permet d’avoir beaucoup de jour dans toutes les salles. On peut, par la coupe (fig. 4), se rendre compte de la disposition générale des différentes parties de la construction. A est un corridor, B le vestibule, C l’escalier qui conduit à la salle de cours. Cette salle de cours est figurée en D ; elle peut contenir deux cents élèves. En E se trouve la chambre destinée aux préparations du cours. Un système de rails et de plaques tournantes très simple et fort bien combiné permet d’apporter immédiatement sous les yeux des élèves une expérience en train dans la salle de préparation. Dans plusieurs cas, comme celui des vivisections, cette disposition rend possible de montrer à un auditoire certaines expériences importantes qui ne pourraient se préparer dans la salle sous les yeux des élèves sans détourner leur attention de la suite du cours. On a adopté pour la salle de cours tous les perfectionnements qui peuvent aider à la facilité de l’exposition. Pour le cas où l’on fait des projections, les fenêtres peuvent être fermées par des trappes. Pour fermer chaque fenêtre isolément, le préparateur n’a qu’à tourner des boutons placés derrière la table d’expériences. Il en est de même pour allumer le gaz qui éclaire la salle. Grâce à une bobine d’induction, le professeur peut de sa place allumer les becs de gaz en touchant un bouton d’un commutateur ; il peut même allumer ceux qu’il veut, dans la proportion nécessaire au but qu’il se propose.
- Toute cette organisation matérielle est simple et commode. Je l’ai vue fonctionner sous mes yeux et j’ai pu juger des services qu’elle peut rendre à l’enseignement. On est étonné de suivre un cours où les projections se font ainsi avec rapidité sans troubler ou interrompre la parole du professeur; on songe malgré soi aux deux amphithéâtres des sciences à la Sorbonne, où les projections sont impossibles à faire comme dans celui des sciences naturelles, ou difficiles et forcément mal organisées comme à l’amphithéâtre de chimie et de physique.
- Dans la coupe (fig. 4), F est la salle consacrée au travail mécanique pour la réparation ou la confec-
- tion des appareils, G la chambre renfermant les batteries électriques, II, I, J des magasins, K, L des salles de travail pour les expériences, M une chambre de logement.
- Il existe, outre les salles qu’on peut voir dans cette coupe : un laboratoire de chimie, un laboratoire de physiologie des mouvements, où j’ai vu plusieurs des appareils de M. Marey, une chambre obscure pour les recherches optiques, une chambre pour les vivisections, un laboratoire pour les préparations à injections, une seconde salle de cours, une bibliothèque et une salle de lecture, où malheureusement le nombre des volumes est encore insuffisant, un laboratoire pour les analyses de gaz, une grande salle pour l’enseignement des études microscopiques ; une salle de collections, enfin un local près du jardin pour conserver les animaux vivants, avec un bassin pour les animaux aquatiques.
- En somme, cet Institut de physiologie est admirablement bien disposé, et je ne vois pas quelles critiques on pourrait lui faire, autres que celles portant sur des détails peu importants.
- Gaston Bonnier.
- SOCIÉTÉS SAVANTES
- Société géologique de France. — Séance du 5 mai 1880. — Présidence de M. de Lapparent. — M. Emm. Dagincourt communique la découverte qu’il a faite d’une couche à poissons à la base du lias supérieur de Saint-Amand (Cher). Ce calcaire à poissons est l’analogue, dans le Berry, des miches de Curcy et des schistes deBoll. — M. Nivoit adresse une note sur la présence de l’acide phosphorique dans les roches anciennes et dans les couches liasiques des Ardennes. Les roches cristallisées, hyalophyres, diorites, etc., contiennent de 0,160 h 0,294 p. 100 d’acide phosphorique. Les phylla-des n’en renferment que de 0,002 à 0,09 p. 100. Aussi les terres provenant de la désagrégation de ces roches sont-elles très pauvres en phosphore. Le lias contient des concentrations noduleuses de phosphates de chaux à divers niveaux : 1° dans les grès calcaires à Montlivaullia, d’Aiglemont et de Floing ; 2° dans le calcaire sableux à Gryphæa cymbium; 3° dans le calcaire marneux à Be-lemnites clavatus;A° dans le calcaire ferrugineux. La teneur de ces nodules en acide phosphorique varie entre 9 et 20 p. 100. Mais aucun de ces gisements ne se présente, jusqu’ici, dans des conditions qui le rendent avantageusement exploitable. — M. de Lapparent annonce que M. Maurice Gourdon a trouvé, entre le sommet du Pic du Gar et celui du Pic du Prat-Dessus, auprès de Saint-Béat, des fossiles qui indiquent avec certitude le terrain crétacé inférieur. Ce sont des Ammonites voisines des A. neocomiensis, une Pitcatute et un Oursin aplati dont les caractères sont ceux d’un Toxasler.
- Société française de physique. — Séance du 7 mai 1880. — Présidence de M. Mascart. — M. Léchât expose à la Société les recherches dont nous avons rendu compte dans notre livraison du 17 avril 1880 (p. 307), sur les vibrations à la surface des liquides.
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- — M. Ogier a combiné l’acide chlorhydrique avec l'hydrogène phosphoré soit à l’aide du froid, soit à l’aide de la pression dans l’appareil Caillelet. A 20 degrés, la combinaison est liquide ; au-dessous de cette température, elle est cristallisée. La détente brusque détermine la combinaison sous forme de flocons. L’expérience est projetée sur un écran. — M. Boutv communique à la Société ses recherches sur le phénomène Peltier au contact des métaux et des liquides. Le phénomène Peltier étant l’inverse du phénomène thermo-électrique.
- M. Bouty a commencé par mesurer les forces thermoélectriques à l’aide d’une méthode d’opposition analogue à celle de Poggendorff ; afin d’éviter tout courant, le galvanomètre était remplacé par un électromètre de M. Lipp-mann. Dans le cas du cuivre et du sulfate de cuivre, et | jusqu’à 60 degrés, il y a proportionnalité entre la différence de température et la force électro-motrice. Les expériences ont donné un résultat remarquable, que la force électro-motrice est indépendante de l’acide du sel. Elle est la même pour le zinc amalgamé et le cuivre ; elle est différente pour d’autres métaux. Le phénomène thermo-électrique fournit un réactif très sensible de la présence du sexquioxyde de fer dans une dissolution. — Le phénomène Peltier a été mesuré à l’aide de thermomètres métallisés, dont les indications lues en degrés étaient converties en calories à l’aide d’expériences préliminaires faites avec une spirale chauffée par un courant. Le courant qui produit le phénomène Peltier doit être assez faible pour que l’effet Joule ne masque pas le phénomène principal. La valeur trouvée expérimentalement pour l’effet Peltier est voisine de celle qui est donnée par le calcul effectué à l’aide des unités absolues. A la diminution de l’effet thermo-électrique, présenté par le chlorure de zinc de concentration croissante, correspond, comme le veut la théorie, une valeur de l’effet Peltier qui s’annule pour les fortes concentrations. L’expérience Peltier est exécutée devant la Société avec le chlorure de zinc. — M. Bertin montre une pince à tourmaline munie d’une lentille d’éclairement et d’une lunette qui en font un microscope polarisant portatif et commode.
- Société chimique de Paris. — Séance du 14 mai 1880. —_ Présidence de M. Friedel. — M. Prunier entretient la Société des recherches faites par lui en collaboration avec M. E. Varenne sur les carbures d’hydrogène incomplets extraits des pétroles d’Amérique. Leurs études ont porté sur les cokes qui restent après la distillation des parties volatiles : ces cokes leur ont été fournis par M. Deutsch. Par le sulfure de carbone, on peut en extraire des corps fluorescents oxygénés ; il ' reste un charbon insoluble renfermant 97-98 pour 100 de carbone. Le produit qui avait été dissous par le sulfure de carbone étant repris successivement par l’alcool, l’éther et l’acide acétique cristallisable bouillants, laisse une substance G14Hâ (G —6, H = l). Par une distillation fraction, née, ils sont parvenus à obtenir un produit restant au-dessus de 450° et renfermant environ 98 pour 100 de carbone (C16II2). — M. Gautier adresse une note destinée à rappeler les nombres qu’il a obtenus dans les déterminations des constantes relatives à l’acitonitrile.—MM. Gri-maux et Adam ont obtenu, par l’action de l’acide cyanhydrique sur la dichloracétone symétrique, un acide C.IUC1 — COU(CO*H) —CII2G1. Get acide réagit facilement snr le cyanure de potassium, pour donner la cyanhydrinc ' correspondante, que les auteurs s’occupent à transformer en un acide. — M. A. Bertrand annonce qu’il a préparé des combinaisons cristallisées du chlorure de titane avec le
- protochlorure de phosphore et avec l’éther. 11 a reconnu que par l’action de l’iodure d’éthyle sur l’azotate d’argent en présence de l’alcool, on n’obtient pas d’azotate d’éthyle, mais de l’azotite d’éthyle et de l'aldéhyde. — MM. Pabst et Girard indiquent les produits que l’on obtient par l’action des chlorures de carbone, de silicium, d’étain, d’antimoine sur l’aniline pure. — M. Personne présente un travail de M. Caries sur le vin de Bordeaux. — M. Janriettaz offre à la Société deux notes publiées par lui dans le Bulletin de la Société minéralogique, relatives à l’action de la lumière polarisée sur l’alun. — M. Cotton envoie une note sur la présence de la lévulose dans les urines. MM. Personne et Henninger présentent quelques observations sur le même sujet. — M. Girard dit que le sucre de raisins secs renferme parfois un corps qui réduit la liqueur cupropotassique et qui n’agit pas sur la lumière polarisée. — M. Girard présente une note de M. Roques sur la perforation des réservoirs en zinc et sur l’attaque des tuyaux de plomb par les eaux.— MM. Friedel et Balsohn décrivent deux amines qu’ils ont obtenues par l’action de l’ammoniaque aqueuse sur le diphénylméthane mono-bromé.
- Société botanique de France. — Séance du 27 mai 1880. — M. Van Tieghem rend compte de ses observations sur le mode d’agrégation et d’association des Bactéries ; il en conclut que la cellule ne doit pas être considérée comme une unité vivante irréductible, et croit pouvoir légitimement étendre à toute cellule végétale cette conclusion que les récentes découvertes de M. Hanstein et de M. Baranieski, sur la division du noyau, paraissent confirmer en tous points. — M. L. Olivier, à l’occasion d’un travail récemment publié en Allemagne, a étudié la structure de la racine des crassulacées ; contrairement à ce que pense l’auteur allemand, cette racine présente la structure normale de la racine des dicotylédones à accroissement secondaire limité. — M. Cornu présente, au nom de M. Ch. Brongniart et au sien, une liste de plantes cryptogames et phanérogames rares aux environs de Paris, qui ont été recueillies par eux à Gisors. — Le secrétaire donne lecture : d’une communication du Frère Géribaud-Joseph, qui envoie à la Société la description d’une nouvelle espèce de Mentha, la seule du groupe Gentilis qui soit connue jusqu’ici en France ; il lui donne le nom de Mentha cantalica, —d’une lettre de M. A. Lejolis (do Cherbourg), relative à la spécification des Ulex.
- LA PHYSIQUE SANS APPAREILS1
- Il y a quelques semaines, je passais dans le quartier de l’Observatoire, et je vis un grand nombre de passants arrêtés autour d’un physicien en plein air qui, après avoir fait quelques tours de gobelets, exécuta la curieuse expérience que je vais décrire. Il prenait un manche à balai et le posait horizontalement sur deux bandelettes annulaires de papier. Il priait deux enfants de tenir ces bandelettes par l’intermédiaire de deux rasoirs, de manière à ce qu’elles reposassent sur le coupant. Cela fait, l’opérateur prenait un bâton solide et, de toutes ses forces, il frappait le manche à balai vers son milieu; celui-ci volait en éclats, sans que
- 1 Voy. table des matières du précédent volume.
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- LA NATURE.
- les deux bandelettes de papier qui lui servaient de support aient été en aucune façon déchirées, sans même que les rasoirs les aient coupées. Un peintre de mes amis, M. M..., m’a enseigné à faire cette expérience comme le représente la figure 1. On enfonce une aiguille à chaque extrémité du manche à balai, on pose celui-ci sur deux verres ayant chacun une chaise pour support; les aiguilles seules doivent être en contact avec les verres. Si on frappe violemment le manche à balai avec un autre bâton solide, on le brise, et les verres restent intacts. L’expérience réussit d’autant mieux que l’action est plus énergique. Elle s’explique par la
- résistance de l’inertie du manche à balai. Le choc étant donné brusquement, l’impulsion n’a pas le temps de se communiquer des molécules directement atteintes aux molécules voisines; les premières se séparent avant que le mouvement ait pu se transmettre jusqu’aux verres servant de support par l’intermédiaire de deux tiges élastiques.
- L’expérience représentée figure 2 est de même nature. Une houle de bois (la boule d’un bilboquet convient parfaitement) est suspendue au plafond par un fil peu résistant; un fil semblable est fixé à la partie inférieure de la boule. Si l’on tire très fort le fil inférieur, il se cassera comme l’indique
- la figure; le mouvement qui lui est communiqué n’a pas eu le temps de se propager dans la masse sphérique; si l’on tire au contraire en appuyant peu à peu et sans choc, c’est le fil supérieur qui se rompra, parce que dans ce cas il supporte le poids de la masse sphérique.
- On peut multiplier les exemples du même phénomène : une balle de plomb lancée avec un fusil contre un carreau y fait un trou rond, tandis que si elle était jetée avec la main, c’est-à-dire avec beaucoup moins de force, elle le ferait voler en éclats, etc.
- 11 n’est pas inutile de faire observer que les liquides et les gaz animés de mouvements rapides peuvent exercer des actions semblables. En soufflant avec beaucoup d’énergie dans un verre à bordeaux,
- contenant un œuf dur, on arrive à faire sauter cet œuf en dehors du verre (fig. 5). Avec de l’adresse et de la force des poumons, il n’est pas impossible de le faire ainsi passer d’un verre dans un autre placé à côté.
- Nos lecteurs comprendront que nous ne saurions nous étendre longuement sur ces sortes d’expériences, car on nous accuserait, à juste titre, de consacrer trop de place à des choses futiles. Cependant les nombreux encouragements que nous avons reçus de la part de personnes s’intéressant à l’instruction primaire, et aux moyens de la faciliter, nous ont excité à multiplier nos démonstrations à l’aide d’objets usuels.
- Après la physique mécanique, on pourrait aborder la chaleur, et trouver à exécuter facilement
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- sans appareils un grand nombre d’expériences sur la dilatation, sur la conductibilité, etc. Veut-on
- Fig. 2. Deuxième expérience sur le même sujet.
- line sur une masse de métal poli, de manière que le contact .soit bien établi. On place sur la mousse-
- mettre en évidence le grand pouvoir conducteur des métaux, on applique une fine toile de mousse-
- 1ig. 5. Action de l'air animé d’un mouvement rapide.
- line une braise incandescente, dont on excite la combustion par le souffle; la mousseline n’est nul-
- Fig. 4. Fusion de l’étain dans une carte à jouer. Fig. 5. Expérience sur la regélation de la glace.
- lement brûlée, la chaleur est entièrement absorbée la disséminer dans sa massé. La figure 4 représente par le métal, qui l’enlève à travers le tissu pour une expérience analogue; elle consiste à faire
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- LA NATURE.
- fondre de l’étain dans nne carte à jouer chauffée sur la flamme d’une lampe à esprit-de-vin. On arrive à déterminer la fusion du métal sans brûler le carton.
- La figure 5 donne la disposition d’une remarquable expérience fort peu connue, sur la regélation de la glace. On pose un bloc de glace sur le bord de deux chaises de fer, ou de tout autre support, on l’entoure d’un fil de fer, auquel on suspend un poids de 5 kilogrammes. Le fil de fer pénètre peu à peu dans la masse du bloc de glace; après une heure environ, il Ta traversé tout entier, le poids tombe à terre avec le fil de fer.
- Qu’arrive-t-il du bloc de glace? Vous supposez sans doute qu’il est coupé en deux, fin aucune façon, il est intact, en un seul morceau, comme auparavant. A mesure que le fil de fer a pénétré dans la masse, la fente qu’il a ouverte s’est refermée par la regélation.
- !, Gaston Tissandier.
- — La suite prochainement. —
- , RÉUNION GÉNÉRALE
- DES
- SOCIÉTÉS SAVANTES DES DÉPARTEMENTS
- A LA SORBONNE (AVRIL 1880)
- (Suite et fin1).
- SCIENCES NATURELLES
- Évaporation de Veau et transpiration des plantes. — M. Masure, déjà Société d’horticulture du Loiret/ a fait, du 6 août au 15 novembre de l’année dernière, trois fois par jour, au lever du soleil, à midi et \ coucher du soleil, des observations consistant à peser exactement des vases cylindriques en faïence de même dimension, contenant le premier de l’eau, le second de la terre, le troisième de la terre portant des plantes en bon état de végétation, afin de déterminer les pertes de poids de ces vases pendant les périodes indiquées. Les observations de température, de pression et d’état hygrométrique étaient faites comparativement.
- L’influence de la terre sur l’évaporation est double. Physiquement sa surface meuble présente à l’évaporation une étendue plus grande et par conséquent la favorise. Cette influence physique prédomine quand la terre est très mouillée1.’ Chimiquement, la terre doit à son humus 'et a! ses sèls d’être hygroscopique et par suite de retenir une partie de l’eau qu’elle possède et d’attirer et de condenser'de la vapeur d’eau atmosphérique. Ce double effet se produit surtout quand la terre est assez sèche à sa surface et ‘il l’emporte; le ])lus souvent, -sur l’influence physique, de sorte qu’en général la terre perd moins par évaporation que l’eau pour Ta même surface. ,
- M. Masiire a cherché à représenter par une formule algébrique les lois de l’évaporation de l’eau seule, puis il a pu aborder l’observation de la transpiration des plantes. Ici la formule devenait beaucoup trop complexe à établir,
- * Voy. table des matières du volume précédent.
- parce que cette transpiration est avant tout un des actes de la végétation. Il résulte des expériences faites avec huit pieds d’immortelle que la transpiration des plantes dépend d’abord des mêmes influences de température, d’état hygrométrique, de surface, d’agitation de l’air, etc., (pie l’évaporation de l’eau. Elle dépend en outre de l’activité de la végétation ; ainsi, avec le type de plantes mises en expérience, tandis que l’évaporation physique a été à son maximum vers le milieu d’août, c’est dans les premiers jours de septembre, lors du ' développement le plus rapide des Immortelles,“que la transpiration a été la plus grande. D’après l’activité très inégale de la végétation au matin, au soir et pendant la nuit, M. Masure recommande l’arrosage des plantes le matin plutôt que le soir, surtout en prenant l’habitude d’arroser les jardins dès le lever du soleil et plutôt avant qu’après.
- L’hydarthrose du genou. — On sait combien sont fréquentes, longues et trop souvent graves ces affections du genou causées par l’épanchement de la synovie de la capsule articulaire, M. le docteur Paquet, de Lille, a indiqué une méthode de traitement de l’hydarthrose chronique par l’immobilisation et l’électricité, fi se sert des courants induits, qui resserrent les vaisseaux de la synoviale; en outre le volume des muscles de la cuisse diminue'rapidement par atrophie lors de l’hydarthrose et les courants électriques s’opposent à cet amaigrissement. Dans vingt-deux cas observés, le docteur Paquet a obtenu la guérison, dans une période de 15 à 25 jours, en 8 à 15 séances de passage du courant pendant 15 minutes. Entre les séances, l’immobilisation du membre lésé est réalisée au moyen d’une gouttière moulée de gutta-percha dans laquelle on le place. La marche reste possible pendant le traitement, mais la gouttière se garde au lit, de peur des mouvements inconscients.
- La névrotomie optico-ciliaire. — On sait que lorsqu’un des deux yeux est détruit par un accident ou une maladie, l’autre œil peut se trouver atteint sympathiquement en raison des entrecroisements nerveux, et qu’on est amené à enlever complètement le globe de l’œil altéré pour sauver l’autre, comme nous en avons un exemple dans un de nos hommes politiques les plus éminents, La chirurgie moderne a imaginé une nouvelle opération, la névrotomie optico-ciliaire, ou section des nerfs ciliaires, pour remplacer l’énucléation du globe oculaire lors d’une ophtalmie sympathique imminente ou déjà en voie d’évolution. Le docteur Àrmaignac, de Bordeaux, après avoir donné une “analyse succincte des observations publiées jusqu’à ce jour, conclut en disant que la nouvelle opération, aussi séduisante qu’elle paraisse, ne lui semble pas devoir rester dans la pratique, à cause de l’incertitude de ses résultats et des accidents redoutables qui peuvent en être la conséquence.
- À l’appui de son opinion, l’auteur rapporte un fait personnel dans lequel l’énervation du globe oculaire, bien qu’ay t été pratiquée facilement et en s’entourant de toutes les précautions de la méthode de Lister la plus rigoureuse, a été suivie de phlegmon de l’orbite avec fonte purulente de l’œil et soudure totale de la paupière inférieure, excluant même la possibilité d’adapter au malade un œil artificiel, comme on le fait souvent après l’énucléation. Les médecins, dit en terminant M. Armaignac, ne doivent pas se borner à publier les cas heureux de leur pratique ; il est surtout de leur devoir de fournir à la statistique des éléments dépourvus de tout intérêt personnel, afin que la science et la pratique {missent s’ap-
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- LA NATURE.
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- puyer sur une observation absolument certaine et impartiale.
- L'arsenic dans le cerveau. — On sait que le phosphore existe en assez forte proportion dans la matière nerveuse de l’encéphale, emmagasiné à l’état d’acide phosphorique dans la lécithine, composé ammoniacal très complexe. MM. II. Caillot de Poney et C. Livron, professeurs à l’École de médecine de Marseille, ont reconnu que, dans les cas d’empoisonnement par l’acide arsénieux, le cerveau s’ar-senise au lieu de se phosphorev. On sait en chimie que l’arsenic est un corps de la même série naturelle que le phosphore. Leurs expériences ont été faites avec des cobayes et des chiens. Le remplacement du phosphore par l’arsenic se fait dans la lécithine, qui se transforme en matière albuminoïde insoluble. Dans l’empoisonnement aigu, la lécithine arséniée n’a plus le temps de prendre part aux réactions physiologiques et d’être éliminée et l’animal meurt sous l’influence locale du poison et sans variation sensible du phosphore normal de la matière nerveuse. 11 en est autrement si les animaux sont soumis à des empoisonnements lents ou chroniques. Le remplacement se fait alors lentement ; la lécithine arséniée se forme et agit comme la lécithine ordinaire. En se transformant, elle passe à l’état de matière albuminoïde insoluble, dans laquelle l’arsenic tend à remplacer de plus en plus le phosphore, dont la quantité diminue progressivement. On a pu constater une disparition de 88 p. 100 d’acide phosphorique, sa quantité restante n’étant plus que de 12 pour 100, tandis que, dans un empoisonnement aigu, il en reste enco:e 96 pour 100.
- Des communications importantes de botanique appliquée, de géographie, d’hygiène et de statistique médicale ont été présentées par MM. de la Boulaye, Mac-Carthy, docteur Paul Fabre, de Commentry, docteur Quintin, Luton, de Reims, docteur Maurin, de Marseille, docteur Caradec fils, de Brest. Elles formeront l’objet d’articles séparés dans le second semestre de 1880.
- Maurice Girard.
- MOIS MÉTÉOROLOGIQUE AUX ÉTATS-UNIS
- FÉVRIER 1880
- La distribution des températures sur l'Amérique du Nord est, ce mois-ci encore, le fait météorologique le plus intéressant à signaler. Depuis l’automne dernier, les températures moyennes mensuelles se tiennent constamment au-dessus de la normale dans la plus grande partie des États-Unis; cette situation exceptionnelle s’est encore accentuée en février. C’est principalement vers la région orientale que le phénomène est le plus marqué; dans quelques États de l’Atlantique, le thermomètre s’est élevé à un degré qu’on n’avait pas encore observé jusqu’ici à cette époque de l’année, et les stations maritimes du Canada accusent un excès moyen de 8 degrés sur la normale. L’excès diminue progressivement vers l’Ouest jusqu’à la région des plateaux, et à partir des Montagnes Rocheuses jusqu’à la côte du Pacifique, les températures sont de 2 à 3 degrés inférieures à la moyenne normale.
- La pluie tombée pendant ce mois diffère également des conditions ordinaires de sa distribution. On trouve le maximum (220 millimètres) sur le Tennessee; autour de
- ce point les hauteurs d’eau tombée diminuent dans toutes les directions; elles sont relativement faibles sur les États de l’Atlantique, et principalement dans le pays compris entre les plateaux et la côte du Pacifique. En Californie la pluie recueillie est de moitié inférieure à la quantité qui y tombe habituellement en cette saison.
- Quinze dépressions barométriques ont traversé l’Amérique du Nord pendant ce mois; sur ce nombre, quatre sont venues du Pacifique, et après avoir suivi la limite nord des États-Unis, ont gagné l’Atlantique par la vallée du Saint-Laurent; une seule, qui a amené des pluies considérables dans le Texas, est originaire du golfe du Mexique ; la plupart des autres ont été observées d’abord entre les Montagnes Rocheuses et le Mississipi ; toutes disparaissent dans la portion nord de la côte Atlantique.
- Les cartes publiées par le Signal Office dans hMonihly Weather Review, complétées par les observations faites à la mer sur cent dix navires environ, montrent qu’une faible proportion des tempêtes d’Amérique arrivent réellement jusqu’à nous en conservant leur identité : les unes sont rejetées vers le Nord dans des régions inaccessibles à l’observation, d’autres se transforment ou s’éteignent sur l’Océan. Les bourrasques ressenties sur nos côtes pendant le mois de février se sont formées sur l’Océan ou sont venues par la mer du Nord; d’après la carte de leurs trajectoires, on voit en effet qu’aucune d’elles n’avait fait la traversée de l’Atlantique.
- Th. Moureaux.
- PAYS ORIGINAIRES '
- DES VÉGÉTAUX ALIMENTAIRES
- D’après un journal américain, le chou est originaire de Sibérie ; le céleri provient d’Allemagne ; la pomme de terre a pris naissance au Pérou; l’oignon, en Égypte; le tabac est indigène de l’Amérique du Sud ; le millet a été découvert pour la première fois dans l’Inde ; le citron est originaire d’Asie ; l’avoine provient de l’Afrique septentrionale; le seigle, de la Sibérie; le persil est spontané en Sardaigne ; le panais en Arabie ; le soleil (et probablement le topinambour) a été apporté du Pérou; l’épinard vient d’Arabie ; le marronnier, du Thibet ; le coing est originaire de Pile de Crète; la poire est indigène de l’Égypte, et le raifort provient de l’Europe méridionale.
- [English Mechanic.)
- MOTEURS DE PETITE PUISSANCE
- LE MOTEUR TYSON
- 11 suffit d’examiner les conditions multiples auxquelles doivent satisfaire les petits moteurs domestiques pour se rendre compte des difficultés que rencontre la solution complète du problème. On peut même, à ce point de vue, faire la remarque que les solutions sont d’autant plus nombreuses que le problème présente plus de difficultés. Il va sans dire que toutes ces solutions ne sont qu’approchées et que le moteur type reste à trouver; mais il n’est pas sans intérêt d’examiner les différentes solutions, surtout lorsqu’elles se présentent avec un certain cachet d’originalité.
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- LA NATURE.
- Nous avons déjà souvent parlé, à diverses reprises, dans le journal la Nature, de ces intéressants petits appareils. Les moteurs Otto et Langen, Bischop, Lenoir, Otto, voilà pour les moteurs à gaz ; Durfort et Schmid, pour les appareils hydrauliques. Nous décrirons prochainement les moteurs à air chaud de MM. Hock et Rider. Le moteur Tyson, que nous reproduisons aujourd’hui, d’après
- Fig. 1. Moteur Tyson appliqué à une machine à couche.
- petites scies à bois, à la manœuvre des punkhas ou I appareils de ventilation employés dans les pays | chauds (fig. 2), à la fabrication de la glace par l’appareil Vincent ou Carré, et en général à tous les mécanismes légers d’un usage domestique. U est à cet effet disposé tantôt sur une console (fig. 1), tantôt sur un trépied (fig. 2).
- Le modèle que nous reproduisons a une puissance de 1000 pieds livres (fool pounds) par minute, ce qui correspond à 140 kilogrammètres par minute, ou 2,3 kilogrammètres par seconde, c’est-à-dire un travail plus que suffisant pour faire marcher une foule d’appareils qui n’exigent souvent qu’une puissance moindre. L’inventeur étudie des modèles de plus grande puissance et de dispositions semblables.
- Le moteur Tyson n’est autre chose qu’un moteur à vapeur chauffé au gaz, au pétrole ou à la
- le Scientific American, est un petit moteur à vapeur fonctionnant dans des conditions spéciales; il paraît assez simple de construction, malgré le nombre et la délicatesse apparente de ses organes, peu encombrant, sans danger, car il est inexplosible, et enfin d’une manœuvre assez facile. Grâce à ces qualités multiples, il peut s’appliquer aux machines à coudre (fig. 1), aux tours, aux
- Fig. 2. Moteur Tyson appliqué à un punkhas ou ventilateur.
- gazoline pour le petit modèle, et au coke pour les modèles plus grands. Le diagramme de la figure 3 suffit à faire comprendre le fonctionnement de l’appareil.
- La chaudière (fig. 4) se compose d’un long tube roulé en serpentin, formant par sa disposition même une double circulation pour les gaz chauds de la combustion. L’air destiné à la combustion vient par la partie supérieure de l’appareil, en léchant la surface extérieure de la chaudière; il arrive déjà chaud en L, où il se charge de vapeur de pétrole, ou bien il se mélange au gaz si le chauffage est au gaz; les gaz de la combustion montent en LA, descendent dans la couronne formée par les parois de la chaudière et le serpentin, et s’échappent enfin par la cheminée représentée sur la gauche de la figure 4.
- Le volume d’eau chauffé est insignifiant, puis-
- Machine
- Générateur
- Pompe
- * R «générâteCjur
- Fig. 5. Diagramme du moteur Tyson.
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- LA NAT UHE.
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- qu’il n'est représenté que par la capacité du serpentin. La chaudière de M. Tyson réalise, comme les chaudières Fie 1 d et Beileville, les deux conditions suivantes : 1° multiplier la surface de chauffe en la disposant dans un volume restreint; 2° augmenter l’activité de cette surface de chauffe par le renouvellement rapide des couches d’eau en contact avec elle, tout en évitant la formation des dépôts. Mais la disposition nouvelle et originale du moteur Tyson réside surtout dans l'alimentation de la chaudière.
- Au moment de la mise en marche, la chambre d’air (fig. 5) est à peu près remplie d’eau. La pompe à air, mise d’abord en mouvement par une
- Fig. 4, Chaudière du moteur Tyson.
- par le fonctionnement même du- moteur. En cas d’arrêt, la vapeur formée dans le serpentin refoule l’eau dans la chambre à air, le tirage ne s’effectue plus et il n’y a plus alors de production de vapeur; il en résulte que le tirage produit par l’échappement de la vapeur cesse complètement et que la combustion, perdant de son activité, ne sert plus qu’à entretenir la chaudière à une température modérée.
- En remettant en marche, la circulation de la vapeur recommence; le tirage s’active et le fonctionnement continue jusqu’à un nouvel arrêt produit par un simple robinet. Il n’y a ni manomètre, ni appareil de niveau d’eau, ni soupape de sûreté; la chaudière est inexplosible *, dans le sens qu’on 1 Voici ce qu’il faut entendre par le mot chaudière inex~
- manivelle, crée dans cette chambre d’air une certaine pression, entretenue ensuite par le fonctionnement même de la machine : l’eau est refoulée dans le générateur, où elle se vaporise; la vapeur arrive dans le moteur, où elle produit son effet, puis vient se condenser dans un réservoir inférieur en forme de vase, après avoir traversé un régénérateur ou échangeur de température. Ce régénérateur n’est autre chose que le commencement du serpentin sortant de la chambre à air pour se rendre à la chaudière. Une partie de la vapeur seulement est condensée, l’autre partie s’échappe dans la cheminée pour activer le tirage (fig. 3 et 5).
- La chaudière est alimentée automatiquement
- Fig. 5. Méianisme du même appareil.
- attribue généralement à ce mot, c'est-à-dire que le volume d’eau chaude et de vapeur étant insignifiants, l’explosion de la chaudière, si elle se produisait, ne présenterait aucun danger.
- Le moteur est du type oscillant (fig. 4) ; la chaudière, la cheminée, la pompe d’alimentation, la
- plosible. Il n’existe pas, à proprement parler, de chaudière inexplosible, mais, dans la pratique, on donne ce nom à tous les appareils à vapeur dans lesquels la quantité d’eau chaude et de vapeur sous pression présente un volume très petit, Dans ces conditions, si, pour une cause quelconque, il se produit une déchirure dans une paroi insuffisamment résistante, la masse de vapeur qui se répandra s’échappera comme par une fuite; comme le volume à laisser échapper est très petit, la pression baisse aussitôt, et met la chaudière à l’abri de l’explosion. Lorsqu’au contraire le volume de l’eau chauffée sous pression est considérable, la première déchirure rompt l’équi-
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- LA NATURE.
- distribution, le cylindre, l’arbre et la poulie-volant sont très ingénieusement groupés au-dessus du réservoir d’eau condensée, ce qui donne à l’appareil des dimensions très restreintes.
- Espérons que ce moteur ingénieux — plus heureux que beaucoup d’autres inventions américaines moins modestes — fera bientôt son apparition en France, où nous pourrons alors l’examiner plus en détail, si toutefois les règlements sur les appareils à vapeur permettent l’introduction et l’emploi d’un générateur dont la seule sécurité consiste à ne pas employer un seul des moyens que ces règlements imposent pour la garantir.
- Nous nous rappelons qu’en 1872 M. Fontaine avait aussi imaginé un petit moteur à vapeur, qui ligura à l’Exposition de \ienne en 1873 et à l’Exposition universelle de 1878, mais les règlements furent sinon le seul, du moins le principal obstacle aux applications que devait recevoir cet appareil, dont notre Conservatoire des Arts et Métiers possède encore un modèle.
- M. Fontaine, comme M. Tyson, par un dispositif très ingénieux, empêchait les explosions de sa chaudière, chauffée au gaz, dont la pression réglait l’arrivée et qui, en cas de dérangement, obstruait complètement le tuyau et par suite éteignait le
- gaz-
- Toutes ces précautions n’ont pu soustraire le moteur Fontaine à l’interdiction administrative : l’avenir nous apprendra si les dispositions particulières du moteur Tyson lui ont permis d’échapper aux rigueurs du règlement; s’il présente toutes les qualités que notre confrère américain lui attribue, son succès en France est assuré et le champ de ses applications sans limites. * -
- E. H.
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- CORRESPONDANCE
- CURIEUSE SOURCE INTERMITTENTE DANS UE CENTRE-AMÉRIQUE
- Guatemala, le 14 avril 1880.
- Mon cher ami,
- Je vous envoie ci-joint deux journaux du Salvador contenant sur le nouveau volcan de la lagune d’ilopango des détails fort intéressants1. Aussitôt que j’apprendrai quelque chose de nouveau concernant ce curieux phéno-
- libre de la chaudière, et comme il n’y a pas d’abaissement rapide de la pression, l’eau chaude fournissant toujours de la vapeur nouvelle, la chaudière, dont l’équilibre est rompu, ne peut résister à la pression initiale, et il se produit des déchirures ultérieures qui se traduisent par des projections à de grandes distances de pièces de fer qui étonnent par leurs dimensions; en même temps, l’eau chaude, amenée brusquement à une pression moindre, se vaporise presque instantanément, en créant une atmosphère à la température de 80 à 90° degrés tout autour de la chaudière. Dans les chaudières dites incxplosiblcs, l’explosion n’a lieu qu’en détail, comme le dit fort justement M. Poillon.
- 1 Ces détails confirment ceux que nous avons publiés dans notre numéro du 1er mai 1880, p. 557.
- mène, je m’empresserai de vous le communiquer dans l’intérêt des lecteurs de la Nature. En attendant, voici un autre phénomène qu’on vient de me signaler dans cette même République.
- A 15 kilomètres delà capitale, près d’un bourg nommé Nejapa, sur les dernières pentes du volcan de San Salvador, se trouve une source connue dans le pays sous le nom de Rio liuido (rivière fugitive), qui, pendant sept années consécutives, produit assez d’eau pour former une véritable rivière. Les eaux de cette source sont cristallines, salubres et excellentes, assure-t-on, dans le cas de certaines maladies, telles que la lèpre, et pour réparer les forces affaiblies par le climat. Dès que ces sept années sont achevées, à une heure fixe, ces mêmes eaux disparaissent, la source cesse de couler, et le lit de la rivière, tout à fait à sec, ne présente plus que du sable et de la poussière. Les périodes d’intermittence sont ainsi réparties : de 1866 à 1875, période d’écoidcment ; de 1873 à 1880, période de tarissement. Au mois de janvier de cette année la source a recommencé à couler.
- Ce phénomène sans doute n’est pas nouveau, et la science depuis longtemps en a donné l’explication, mais je ne crois pas qu’il existe beaucoup de sources dont la période d’intermittence soit aussi longue et aussi régulière que celle de la source de Nejapa.
- Tout à vous.
- P. DE T[HERSANT,
- Chargé d’affaires de France au Centre-Amérique.
- SUR L’ORIGINE DES TREMBLEMENTS DE TERRE Paris, le 26 mai 1880.
- Monsieur le Rédacteur,
- Un article fort intéressant de M. Ilciiii sur les tremblements de terre, publié dans votre numéro du 15 mai, rappelle que « l’on croit constater une fréquence plus grande de tremblements de terre (et par conséquent un mouvement intérieur plus fort) aux syzygies et au périgée ».
- C’est précisément à ces époques que les marées sont les plus foi’tes. Or, parmi les objections faites autrefois aux partisans de la liquidité du noyau central de la terre, se trouve celle-ci, que, si cette masse liquide existe, elle doit être sujette à l’attraction de la lune et du soleil, et soulever dans ses mouvements l’écorce terrestre.
- Cette fréquence des tremblements de terre aux époques indiquées coïncidant avec les plus grandes marées ne serait—elle réellement pas 1 effet de cette cause ? Ne peut-on voir là une des causes multiples, je crois, des tremblements de terre, et réfuter, en même temps, l’objection posée, si je ne me ti’ompe, par II. Davy ?
- Je ne sais si cette idée a déjà été émise, mais, telle qu’elle est, je crois quelle mérite d’être examinée.
- Agréez, etc.
- Louis Baret,
- Élève de l’École pratique des hautes études, licencié ès sciences.
- CHRONIQUE
- Statistique de la consommation du sucre. —
- M. Ch. Bivort, directeur du Bulletin des Halles, vient de publier une intéressante Étude sur la législation des sucres, dans les différents pays d'Europe et aux États-
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- LÀ NATURK.
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- Unis. Nous empruntons à ce travail une curieuse statistique sur la consommation moyenne du sucre dans les principaux pays. Le pays qui consomme le plus de sucre est la Grande-Bretagne, 900 000 tonnes par an, ce qui correspond à 29 kilog. 350 par tête d’habitant. La France consomme annuellement 265 000 tonnes ou 7 kilog. 550 par tête; l’Allemagne 280 000 tonnes ou 6 kilog. 500 par tête; la Russie 250 000 tonnes ou 3 kilog. 090 par tête ; l’Autriche-IIongrie 200 000 tonnes ou 5 kilog. 550 ; l’Italie 90 000 tonnes ou 3 kilog. 250. — Le pays qui consomme le moins de sucre en Europe est la Turquie; 25 000 tonnes par an, soit 1 kilog. 080 par habitant. Les États-Unis du Nord consomment 800 000 tonnes de sucre par an, ou 16 kilog. 660 par habitant. Le total de la consommation en Europe est de 2 233 000 tonnes, ce qui correspond à 7 kilog. 300 par tête.
- Une singulière statistique. — Un statisticien anglais a récemment compté le nombre de mots que les principaux hommes d’État ont employés dans leurs discours pendant les sept dernières années, et des frais que la transmission télégraphique de ces mots a occasionnés aux journaux. M. Gladstone a prononcé 54 discours composés de 215 000 mots, et la transmission télégraphique a coûté environ 25 000 fr.M. Bright vient ensuite. Il a prononcé 24 discours, c’est-à-dire 129 500 mots, et a occasionné 17 500 fr. de frais télégraphiques aux journaux. Lord Beaconsfield a fait aussi 24 discours, mais n’a prononcé que 40 000 mois, dont la transmission a coûté 5000 fr. Lord Ilartington a prononcé un discours de plus que lord Beaconsfield et M. Bright, mais il a employé moins de mots. Viennent ensuite, au point de vue des frais télégraphiques, M M. Stafford Northcote et Forster, puis lord Sandon et M. Smith.
- Le graphite dans la Nouvelle-Zélande. — On
- vient de faire à la Nouvelle-Zélande, dans l’intérieur de la province Wellington, la découverte d’un banc de graphite; on croit qu’il en existe dans les environs d’autres dépôts considérables, d’une qualité très pure et très compacte. Un correspondant du journal Colonies and India annonce qu’on en a examiné avec soin des échantillons au Colonial Laboratory et qu’on les a trouvés de qualité égale à celles des meilleures plombagines qui ont fait la richesse du Cumberland. Celte découverte est d’autant plus importante que la présence des graphites indique l’existence de charbons d’une qualité supérieure à ceux qu’on a trouvés dans la Nouvelle-Zélande.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 31 mai 1880. — présidence de M. Becquerel.
- Composition de l’atmosphère. — On sait que très récemment, M. Reiset, en exposant une méthode nouvelle propre au dosage de l’acide carbonique atmosphérique, s’est élevé contre les résultats publiés par l’Observatoire de Montsouris. Aujourd'hui M. Marié-Davy, directeur de cet établissement, répond par l’exposé détaillé des méthodes qu’il emploie. La question est trop grave pour qu’on ne fasse pas appel à toutes les lumières ; mais la discussion place en outre l’Académie dans une situation toute particulière. En effet, les Comptes rendus donnent depuis longtemps une Luge publicité aux observations de Montsouris, qui en reçoivent aux yeux du public une
- sorte de caractère olïiciel; il serait déplorable pour l’Académie d’avoir à constater qu’elles ne sont pas exactes. Toutefois les secrétaires perpétuels ne sont pas de l’avis de M. Berthelot, qui voudrait que le seul fait de la discussion entraînât la suppression de la publicité accordée aux observations. Ils veulent seulement qu’une Commission juge avec soin les pièces du procès, pour prendre ensuite telle décision qui paraîtra convenable.
- Le Soja hispida. — Plusieurs analyses du Soja hispida n’avaient fourni à M. Pcllet que 3 p. 100 de matières sucrées et amylacées ; mais il paraît que ce chimiste s’était trompé. En effet, les dosages do M. Albert Levallois, préparateur à l’Institut national agronomique, prouvent que la légumineuse chinoise abandonne à l’alcool de 9 à H p. 100 d’une substance qui acquiert, à la suite de l’ébullition en présence des acides étendus, la propriété de réduire la liqueur de Fehling, et qui alors est dextrogyre à la manière du glucose. L’auteur annonce qu’il poursuit ses études, sur lesquelles nous aurons par conséquent l’occasion de revenir.
- Liquide antiseptique. — Une table, dans la salle des Pas-Perdus, est couverte de substances animales rendues imputrescibles par un liquide composé par M. Pennés. La base de ce liquide est l’acide acétique, dans lequel on a dissous de l’acide salicylique, de l’acétate d’alumine, de l’esprit d’eucalyptus, de verveine et de lavande. Les tissus plongés dans cette mixture conservent leur couleur et tous leurs caractères extérieurs, et, ce qui est beaucoup plus important, l’élasticité même qu’ils ont pendant la vie.
- Hydrate nouveau. — Un fabricant de produits chimiques de Clermont-Ferrand, M. Kessler, a eu cet hiver l’occasion de préparer une grande quantité d’acide hydro-fluosilicique. Dans ce but, il a fait usage d’un procédé nouveau, qui consiste à faire arriver du fluorure de silicium dans de l’acide fluorhydrique. Or, les appareils ayant été soumis aux froids rigoureux dont nous avons toiis gardé le souvenir, ils se remplirent de beaux cristaux remarquables par leur extrême dureté et dont la composition est exactement celle d’un hydrate d’acide hydrofluo-silicique. M. Kessler a fait de ces cristaux une étude complète, et il a reconnu qu’ils appartiennent au cinquième système.
- Élection. — M. le général Morin est désormais remplacé, et le vide qu’il avait laissé par sa mort, dans la section de mécanique, est comblé. La section présentait : en première ligne, M. Bresse; en deuxième ligne, exœquo et par ordre alphabétique, MM. Boussinesque et Maurice Lévy, en troisième ligne, M. Hatton de la Goupillère, et en quatrième ligne, M. Sai’rau. Le nombre des votants étant de 56, M. Bresse est élu par 32 voix contre 22 données à M. Lévy et 2 à M. Boussinesque.
- Stanislas Meunier.
- TOURNIQUET ÉLECTRIQUE
- DE MM. DE FONVIELLE ET LONTIN
- Ge petit appareil, présenté à l’Académie des sciences dans sa séance du 5 avril, se compose d’un cadre galvanométrique (fig. 1) dans lequel se trouve un petit
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- disque en fer doux pouvant tourner sur un pivot qui le supporte. En disposant un aimant en fer à cheval au-dessus de cet appareil, de façon que ses extrémités polaires se trouvent aux extrémités du cadre, si on envoie dans le fil du multiplicateur le courant d’induction fourni par une petite bobine d’induction, le disque se met à tourner rapidement dans un sens parfaitement déterminé, dépendant de la position des pôles de l’aimant et du sens des courants induits dans le fil du cadre galvanomé-trique. Lorsque l’aimant est en travers, il n’y a plus de rotation. MM. Jamin et du Moncel ont très simplement expliqué le phénomène. On sait que le courant induit de rupture est toujours plus puissant que le courant induit de fermeture.
- Le disque de 1er doux, polarisé par l’aimant extérieur, se comporte comme une aiguille aimantée placée dans un cadre galvano-mélrique et prend son mouvement sous l’action d’une série d’impulsions élémentaires, les pôles restant fixes dans l’espace, bien que le disque de fer doux se déplace par sa rotation. Le courant de fermeture agit en sens inverse du courant de rupture, mais comme son intensité est beaucoup moindre , le disque se meut sous l’action différentielle des deux courants. Chaque courant de fermeture produit une impulsion nouvelle sur le disque, puisque les pôles se trouvent toujours dans le prolongement de l’aimant fixe. Le même mouvement de rotation se produit avec le courant direct de la pile interrompu avec assez de rapidité. Dans ce cas, la vitesse de rotation est moins grande, mais il faut attribuer ce fait à ce que les impulsions élémentaires ne se produisent pas assez rapidement, et que, d’autre part, la résistance du cadre galvanotnétrique n’est pas appropriée à la bonne utilisation du courant direct. Le mouvement s’accentue lorsqu’on envoie le courant de la pile en le faisant traverser l’inducteur de la bobine et le trembleur, car il se produit alors une série d’impulsions
- élémentaires assez rapprochées pour communiquer au disque une certaine vitesse de rotation.
- En disposant deux cadres en tension (fig. 2) sur le circuit du fil induit de la bobine, on peut faire tourner un mobile dans chaque cadre, mais en retirant le mobile de l’un des cadres , celui qu’on laisse dans l’autre prend une vitesse accélérée. On n’a qu’à
- se reporter aux réactions bien connues des aimants et des courants pour s’expliquer ce phénomène, qui parait un peu trop étonner M. de Fon-vielle dans le numéro de l'Électricité du 5 mai 1880.
- Le mouvement de rotation se produit avec des mobiles de fer doux de formes diverses, aiguilles, étoiles, disques pleins, fendus ou annulaires, bandes roulées en spirales comme un ressort de montre, etc.
- En supprimant l’aimant fixe, le phénomène se produit sous l'action du magnétisme terrestre, bien qu’à un moindre degré.
- Le fait de l’arrêt produit en mettant l'aimant en croix avec les spires du galvanomètre prouve bien l’exactitude de la théorie de M. Jamin, car, dans ce cas, le disque
- placé à l’intérieur du cadre galvanomé-trique forme, sous l’influence de l’aimant en fer à cheval extérieur, un véritable barreau aimanté placé en croix avec le courant, et, par suite, ne pouvant prendre aucun mouvement sous son action.
- L’appareil de MM. Lontin et de Fon-vielle constitue une forme nouvelle et originale de démonstration des lois qui régissent l’action des aimants et des courants, et, à ce titre, pourra trouver sa place dans les cabinets de physique à côté des appareils analogues de Rilchie, Rarlow, Faraday, etc.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier.
- 16 826. — Imprimerie A. Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.
- Fig. 2. Disposition de deux tourniquets montés en tension sur le circuit induit d’une bobine de Ruhnikorff.
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- UN NOUYEAU PLANÉTAIRE
- Les anciens planétaires construits dans le but de faire comprendre de visu au public la disposition du système solaire et les révolutions des planètes
- autour du Soleil, étaient d’un mécanisme quelque peu grossier et de nature à dérouter l’élève par l’enchevêtrement trop visible des tringles et des fils métalliques destinés à donner une idée des mouvements astronomiques.
- M. N. Perini, savant astronome italien depuis
- Le planétaire de M. Perini.
- longtemps fixé à Londres, a imaginé un nouveau planétaire, exempt de la plupart des défauts que présentaient les appareils antérieurs du même genre. Un dôme circulaire est élevé sur douze piliers en bois et forme une salle de disposition spéciale. On se baisse pour entrer dans ce kiosque. Quand on y est installé, en regardant le plafond, on aperçoit 8° année. — 2® semestre.
- une voûte d’un bleu foncé, parsemée d’étoiles. Les principales constellations de l’hémisphère boréal sont à leur place habituelle et, autour de la base de la voûte-, on lit les noms des signes du zodiaque. Suspendu au haut de la voûte par un tube étroit est un globe opalin, intérieurement éclairé au gaz; il représente le Soleil. Les planètes sont suspendues à
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- des fils presque invisibles autour du Soleil ; ces planètes sont figurées dans des proportions et à des distances relatives aussi exactes que possible; chacune a son inclinaison spéciale par rapport au plan de son orbite. Les différents satellites sont à leur place et Saturne a ses deux anneaux.
- M. Perini, en tournant une clef, met tout le système solaire en mouvement, lentement ou rapidement, comme il lui plaît. Le Soleil tourne sur son axe; les planètes accomplissent leur révolution autour du Soleil, chacune dans son orbite elliptique, tracée circulairement sur les parois intérieures de la voûte. Cette voûte, haute de 5 mètres, a o mètres environ de diamètre à sa base. Par d’ingénieux rouages, la Terre, grosse comme une noix, tourne sur son axe, toujours dirigée vers la même région du ciel. De la même manière, la Lune évolue autour de la Terre. Tout le mécanisme fonctionne dans la chambre placée au-dessus de la voûte; des ressorts d’horlogerie font mouvoir l’ensemble. C’est par une méthode très originale que l’inventeur imprime aux jilanètes leur mouvement elliptique; on n’entend pas le moindre bruit, et le mécanisme Perini fonctionne dans le calme solennel qui caractérise les mouvements des corps célestes.
- M. Perini, auquel son enthousiasme pour la mécanique a seul inspiré cette œuvre, y a travaillé nuit et jour l’espace de sept ans et y a dépensé 700 livres sterlings (17 500 francs). La ferre, à elle seule, lui a coûté 40 livres (1000 francs). On peut imiter son planétaire en lui donnant toutes les dimensions voulues, depuis la hauteur du dôme de Saint-Paul de Londres jusqu’aux proportions exiguës d’un mécanisme approprié à l’instruction primaire ou secondaire. L’appareil Perini est actuellement exposé à Londres1.
- SOCIÉTÉS SAVANTES
- Société française de physique. — Séance du 21 mai 1880. — M. Bouty décrit, au nom de M. Righi, une expérience présentant un cas de magnétisme rémanent de sens contraire au magnétisme temporaire. Ce phénomène se présente avec un barreau d’acier dur de 5 centimètres de longueur sur 3 de diamètre, aimanté dans une bobine de 5 centimètres de diamètre, par le courant de trois éléments Bunsen. — M. Mascart décrit divers dispositifs employés pour obtenir avec l’électro-mètre de Thomson l’inscription des résultats. Lorsqu’une des paires de quadrants communique avec le sol et l’autre avec le collecteur de l’électricité atmosphérique, les déviations ne sont pas exactement proportionnelles au potentiel des quadrants chargés. On peut rendre le mouvement du crayon inscripteur proportionnel au potentiel et non à la déviation, en enroulant le fil qui le conduit sur une roue en spirale. Pour les observations photographiques, on arrive au même résultat en recevant le rayon réfléchi par le miroir de l’appareil sur une lentille cylindrique dont une moitié est divergente, l’autre conver-
- * D’après Sahlre, de Londres, et The Graphie.
- gente. — M. Confier cite des expériences faites par lui, d’où il résulte que le coefficient de dilatation d’un métal reste le même quand le métal est comprimé ou étiré. —
- M. Bouty rappelle que le même fait peut se conclure de ses expériences sur les thermomètres métallisés. — M. Pellat annonce qu’en employant dans ses expériences sur la force électromotrice de contact des métaux, deux lames du même métal à une température différente, on observe une force électromotrice de contact très grande par rapport à la force thermo-électrique développée. — M. Hospitalier compare les différents modes de montage employés pour exciter l’inducteur des machines à lumière électrique ; le plus avantageux de beaucoup est le montage Wheastone, dans lequel l’inducteur est placé en dérivation dans le circuit. M. Siemens a fait des expériences concluantes à ce sujet. — M. Bertin donne la théorie des miroirs japonais dits miroirs magiques. 11 montre que des miroirs pouvant donner des images virtuelles très suffisantes, réfléchissent la lumière d’une façon très irrégulière. Par une élévation de température, les parties les plus minces changent de courbure et donnent des parties sombres ou plus éclairées, dans l’image réfléchie. Un miroir japonais, dit magique, qui ne donne à froid que des images imparfaites, en donne de très bonnes par une élévation de température. Un miroir coulé sur le précédent et poli donne une image blanche à la température ordinaire, et devient un miroir magique quand on le chauffe. Ces expériences sont faites par M. Duboscq et viennent confirmer une théorie donnée il y a quelques années par M. Govi. Une compression exercée à l’aide d’une pompe foulante sur la face postérieure des miroirs fait également apparaitre dans l’image réfléchie les accidents de cette face postérieure.
- Société géologique de France. — Séance du 24 mai 1880.—Présidence de M. de Lapparent.— M. Cot-teau présente, de la part de M. de Mortillet, le Programme du Congrès international d'anthropologie et d'archéologie préhistoriques. Ce Congrès se réunira, cette année, du 20 au 29 septembre, à Lisbonne (Portugal). M. Cot-teau présente, au nom de )I. Pérou, deM. Gauthier et au sien, le sixième fascicule des Échinides de l'Algérie, relatif à l’étage turonien. Il donne, d’après M.Peron, quelques détails sur cet étage, son extension en Algérie et les différentes couches dont il se compose.— M. Hébert communique une lettre de M. Caraven Cachin, annonçant la découverte d’un fragment de crâne du Crocodilus Rollinati dans les grès éocènes du Tarn. On sait que les dents de cette espèce se retrouvent non seulement dans le bassin de Paris, mais encore près d’Argenton, ainsi que dans les grès de Sicardens et les sables de Yielmur, où elles sont associées aux Palæoterium et aux Lophiodon. — Le secrétaire donne lecture d’une note de M. de Lacvi-vier, sur le crétacé supérieur du département de l’Ariège.
- LES ORIGINES ET LE DÉVELOPPEMENT
- DE Li VIE 1 LES CORALLIAIUES
- Chez quelques espèces d’Àctiniaires, chez les Tha-lassianthus par exemple, où les tentacules prennent
- un développement tout à fait remarquable* se divi—
- 1 Voy. Table des matières du précédent volume.
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- sent, se découpent de mille manières et forment ainsi les plus élégantes arborescences. On ne peut se défendre, à leur aspect, de l’impression que chacun d’eux est une individualité distincte et que le Thalassianthus est une colonie formée de leur assemblage.
- Parmi les Madréporaïres, les espèces vivant solitaires sont plus rares; on en connaît cependant un certain nombre, et l’on trouve sur nos côtes, entre autres, la Cariophyllia Smithi et la Balanophyllia verrucaria, Pallas, que l’on peut conserver des années entières vivantes dans un simple llacon d’eau de mer, sans qu’on ait besoin ni de renouveler leur eau, ni de pourvoir à leur alimentation1. La plupart des Madréporaires forment de volumineuses colonies dans lesquelles les individus sont tantôt presque complètement isolés, comme dans les Mussa, lesOctt/ma,les Dendrophyllici, tantôt pressés les uns contre les autres, au point que l’ouverture de leur calice perd sa forme circulaire pour prendre un contour polygonal, comme dans les Astroïdes ou les Porites, tantôt enlîn tellement confondus qu’il est absolument impossible de dire où commence et où finit chacun d’eux. Les individus, chez les Cœ-loria, les Diploria, les Dendrogyra (lig. 1), les Méandrines, se fusionnent ainsi latéralement, de manière à former à la surface du polypier de longues et tortueuses galeries dans lesquelles rien ne peut indiquer la part qu’il faut faire à chacun des composants. Chez les llerpetholitha, les Ilalomitra et quelques autres genres, la colonie peut devenir libre : elle prend alors une forme nettement déterminée, celle d’une sorte de ver allongé dans le premier cas, d’un bonnet conique dans le second, de là son nom grec, qui signifie mitre de mer; les individus sont là à peine distincts rien ne vient les limiter extérieurement; de sorte que ces colonies reprennent à très peu près l’apparence des individus simples du même groupe, tels que les Fongies2: nouvel et frappant exemple de la tendance des colonies devenues libres à passer à l’état d’individus. Particularité remarquable, c’est avec la forme simple primitive d’où elle dérive que la colonie présente dans le cas actuel une réelle ressemblance; la nature semble donc ici revenir sur ses pas et ramener par un long détour l'individu complexe à la forme que présentait déjà l’individu simple.
- Malgré les nombreuses variations que nous venons de signaler dans l’apparence extérieure et dans la constitution de leur polypier, les Polypes coral-
- 1 Je conserve vivant dans ces conditions, depuis plus de --Luit mois, dans mon cabinet du Muséum, à Paris, plusieurs
- Balanophyllies, qui m’ont été expédiées du laboratoire de zoologie expérimentale fondé à Itoscoff (Finistère) par M. de Lacaze-Dutbiers. Le savant professeur de la Sorbonne a pu conserver dans des conditions analogues des Caryophyllies plus de trois ans.
- 2 Ces dernières sont ainsi nommées parce qu’elles rappellent tout à fait un chapeau de champignon du genre agaric qui serait privé de son pédoncule.
- liaires présentent une grande uniformité de structure. Au centre de la couronne, le plus souvent multiple de leurs tentacules, s’ouvre la bouche1, ordinairement elliptique et capable de s’élargir démesurément ou de se réduire à un orilîce à peine visible. Cette bouche conduit dans une sorte de cylindre, tantôt largement ouvert par le bas, tantôt susceptible de se fermer complètement, qui pend dans la cavité du corps du Polype; les uns ont considéré ce cylindre comme un rudiment d’estomac, les autres comme un œsophage; il n’y a pas d’inconvénient à lui conserver le nom de sac stomacal. Entre la paroi externe du sac stomacal et la paroi interne de la cavité générale, il existe nécessairement un espace vide annulaire; cet espace correspond à la zone occupée extérieurement par les tentacules, qui sont creux et peuvent d’ordinaire, quand l’animal se contracte, rentrer dans son intérieur en se retournant comme des doigts de gant. Quand les tentacules sont épanouis, leur cavité communique largement avec l’espace annulaire dont nous venons de parler, et peut, en conséquence, être considérée comme un prolongement vers l’extérieur de la cavité générale du Polype. Cette dernière est du reste divisée, surtout son pourtour, en cavités secondaires dont chacune correspond exactement à un tentacule.
- Voici comment cette division est obtenue :
- Entre deux tentacules contigus, au-dessous de la membrane qui forme à l’intérieur de la couronne tentaculaire comme un plancher au centre duquel serait située la bouche, naît toujours une cloison verticale qui descend jusqu’à la partie inférieure de la cavité générale, s’accole intérieurement au sac stomacal dans une étendue plus ou moins grande de sa longueur, et devient libre quand elle a dépassé ce sac. Il suit de là que l’espace annulaire qui sépare le sac stomacal de la paroi du corps est divisé en autant de loges sans communication entre elles que le Polype a de tentacules. Au-dessous du sac stomacal, le bord interne des cloisons qui séparent ces loges devenant libre, toutes les loges communiquent largement sur tout le reste de leur longueur avec un espace central que l’on considère comme la cavité viscérale du Polype. Un corps que l’on essayerait de faire entrer dans cette cavité par l’extrémité coupée de l’un des tentacules, ne pourrait donc y arriver qu’après avoir dépassé le sac stomacal. De même un corps suffisamment petit entré par la bouche ne pourrait pénétrer dans la cavité des tentacules qu’après avoir traversé le sac stomacal; il s’engagerait alors dans la loge, béante sur toute sa longueur, qui lui correspond et remonterait ainsi jusqu’au sommet du tentacule.
- Dans les colonies les plus simples de Polypes hy-draires, les cavités générales des différents individus communiquent directement ensemble, de sorte que les matières alimentaires passent avec la plus
- 1 Voir dans l’article précédent la figure de la Gerardia fig. 5, n“ 2, C (n° 362 du 8 mai 1880, p. 337),
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- grande facilité de l’une à l’autre, comme nous l’avons vu dans les petites colonies d’Hydres d’eau douce. Quand la colonie se complique, quand les différents individus, au lieu d’être simplement greffés les uns sur les autres, semblent émerger d’une masse charnue commune, dont les diverses parties ne peuvent être attribuées à un individu plutôt qu’à un autre, les prolongements des cavités générales, dans cette masse, peuvent se ramifier et s’anastomoser entre elles de manière à constituer une sorte de réseau vasculaire plus ou moins complexe. C’est ce que l’on observe souvent chez les Siphonophores, et c’est aussi le mode de communication que l’on observe chez les Co-ralliaires entre les divers individus d’une même colonie.
- Dans son admirable ouvrage sur le Corail1, M. de Lacaze-Duthiers a fait connaître en détail le système de vaisseaux qui parcourt les ramifications diverses d’une branche de Corail.
- Les uns (fig. 2, n° 2, b), directement en contact avec l’axe calcaire, sur lequel ils laissent leur empreinte sous forme de stries à peu près régulières, sont parallèles et communiquent entre eux de loin en loin par de courtes et minces branches latérales ; ils communiquent aussi avec un réseau vasculaire irrégulier, mais à mailles serrées qui est plus superficiel et envoie vers chaque Polype un certain nombre de branches, plus fines que les autres, qui viennent s’ouvrir directement dans la cavité viscérale.
- Ainsi les matières alimentaires élaborées par tous les individus passent directement dans le système vasculaire commun et sont également réparties dans toutes les régions de la colonie : c’est le communisme dans toute l’acception du mot.
- Les Gerardia sont particulièrement remarquables en ce que les communications du Polype avec l’appareil vasculaire commun s’établissent avec une régularité parfaite2. Les cloisons qui séparent les loges se prolongent en côtes légèrement saillantes sur le plancher inférieur de la cavité viscérale et se réunissent au centre de ce plancher de manière à le découper en secteurs rayonnants;
- 1 Hibioire naturelle du Corail. J.-B. Baillcre, 1864.
- 2 Voir la figure dans le précédent article.
- du fond de chaque loge, c’est-à-dire de l’espèce de cul-de-sac qui correspond à l’union de sa paroi extérieure avec le secteur correspondant du plancher, part un vaisseau unique qui vient s'ouvrir dans le réseau commun. Il suit de là que si l’on considère chaque loge comme le prolongement du tentacule qui la surmonte, le canal qui suit la loge peut être à son tour considéré lui-même comme un prolongement de ce même tentacule, et l’on est par conséquent en droit de dire que chaque tentacule, communiquant avec le réseau commun, par un canal qui lui est propre, se greffe directement sur ce réseau. (Test là un fait d’une certaine importance et que nous aurons à invoquer par la suite.
- A part la trace des vaisseaux et quelques cavités ou calices indiquant la place des Polypes, le polypier des Alcyonnaires garde rarement la trace du Polype; au contraire, chez les Madréporaires, chaque Polype marque profondément son empreinte sur le polypier; sa place est indiquée par un calice plus ou moins profond (voir dans l’article précédent le polypier de YAstroïdes ca-lycularis et les figures 1, 2 et 3 de celui-ci), divisé par tout un système de lames calcaires ^en chambres rayonnantes, qui rappellent les loges rayonnantes du Polype; cependant les loges du Polype ne correspondent nullement aux chambres du polypier. Chaque chambre de celui-ci est à cheval sur deux loges de celui-là et inversement.
- De cette description, il résulte en toute évidence qu’entre l’organisation si simple de la plupart des Hvdraires et l’organisation si complexe des Coral-liaires, les différences sont aussi nombreuses que profondes. Les uns et les autres n’ont qu’un seul orifice pour l’entrée et la sortie des matières alimentaires, mais cet orifice conduit dans des cavités construites d’une façon absolument différente, très simple chez les Hydraires, très complexe chez les Coralliaires. On a bien signalé sur les parois de la cavité digestive de certains Hydraires, des Scyphis-tons, notamment, des cordons longitudinaux qu’on serait tenté de comparer, avec les cloisons de la cavité viscérale des Coralliaires; mais ce sont là de simples cordons cellulaires qui n’ont pas de
- Fig. l.
- Coralliaires. — Dendrotjyra cylindrus, Ehrenberg (demi-grandeur).
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- rapport, comme les cloisons de ces derniers, avec la génération sexuée, ne présentent jamais leur arrangement régulier et n’offrent surtout jamais leur étroite relation avec les tentacules. Les tentacules même ne peuvent être comparés dans les deux cas. Souvent, chez les Hydraires, ils naissent d’une façon tout à fait irrégulière; alors même qu’ils affectent une disposition en couronne, cette couronne n’offre rien d’absolument typique; le nombre des tentacules qui la composent peut varier, ces tentacules peuvent même se déplacer sans que rien autre chose soit modifié dans l’économie de l’animal ; le tentacule de l’Hydre n’est lui-même souvent qu’un simple cordon de cellules, une simple prolifération très localisée de la paroi du corps de l’animal. Chez le Coralliaire, c’est au contraire une des parties essentielles du corps, une des parties qui dominent l’organisation tout entière de l’animal, une des parties qui déterminent la forme même du polypier.
- Aussi voit-on les tentacules se grouper toujours suivant des règles absolument fixes, affecter dans toute l’étendue de la classe une disposition absolument constante qui contraste de la façon la plus complète avec l’extrême variabilité que présente d’un genre à l’autre, et souvent dans une même espèce, la disposition des tentacules des Polypes hydraires.
- Ainsi ces tentacules, ces espèces de pieds multiples qui ont valu aux animaux de ces deux classes ce même nom de Polypes, ces tentacules, dis-je, sont des productions d’ordre absolument différent. Tout nous avertit qu’ils ont chez les Coralliaires une importance morphologique de premier ordre, que rien ne saurait faire pressentir dans le groupe pourtant si varié des Polypes hydraires.
- Les Coralliaires, plus complexes et plus élevés en apparence que les Polypes hydraires, sont loin d’avoir leur perfectibilité. Même lorsqu’ils se détachent du sol pour vivre à l’état de liberté, ils ne présentent jamais d’organes aussi nombreux que ceux de
- certaines Méduses. Ils ne présentent plus cette mobilité de forme, cette faculté d’adaptation dont sont susceptibles les organismes simples, et qui frappe d’étonnement quand on étud e la classe des Polypes hydraires. La constance relative de leur forme dans toute l’étendue de la classe témoigne, comme leur complexité, que ces êtres qui ne sont arrivés à leur état actuel qu’après une longue élaboration, après des modifications lentement accumulées, et fixées aujourd’hui d’une manière définitive.
- Ils semblent protégés contre toute transformation par l’ef -fort même qu’ils ont coûté.
- Et cependant rien, jusqu’à ces dernières années, rien ne pouvait faire supposer commentées organismes si admirablement réguliers dans toutes leurs parties avaient pris naissance. Bien que tous les naturalistes fussent persuadés que les Coralliaires n’étaient pas sans quelque parenté avec les Hydres, on les plaçait dans leur voisinage, plutôt par instinct, par habitude, qu’en raison de ressemblances qu’il eût été difficile de préciser et qui n’étaient du reste que superficielles. Le problème nous paraît aujourd'hui résolu, grâce aux documents recueillis sur les Millépores (fig. 2, n° 1) et les animaux voisins durant l’expédition de draguages du navire The Challenger, par l’un des naturalistes de l’expédition, M. Mo-seley, et si les pages qui précèdent ont pu paraître à plus d’un lecteur surchargées de détails, c’est que nous avons tenu à montrer avec quelle netteté chacun de ces détails si variés trouvera son explication quand nous aurons fait connaître le procédé simple qui a permis aux colonies de Polypes hydraires de se transformer en colonies de Coralliaires.
- Edmond Perrier,
- Professeur administrateur du Muséum d’Histoire naturelle de Paris;
- — La suite prochainement. —
- Fig. 2.
- Coralliaires. — 1. Millepore (esp. indét., d'après Moseley). g, gastro zoïde; d, dactylozoïdes. — 2. Corail rouge, a, l’axe calcaire de couleur rouge employé en bijouterie ; b, les vaisseaux ; c, coupe transversale d’un Polype ; d, coupe longitudinale d’un Polype rétracté ; e, coupe L longitudinale d’un Polype épanoui.
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- LA NA TLU K.
- LE SERVICE MÉTÉOROLOGIQUE
- INTERNATIONAL
- LU « SIGNAL SERVICE )) DES ÉTATS-UNIS
- Dans les deux notices que nous avons consacrées ici-même1 au Signal Service des États-Unis, nous avons envisagé les travaux météorologiques de cet établissement au seul point de vue des intérêts maritimes, agricoles et commerciaux du pays. Les résultats obtenus dès le début sous l’énergique impulsion de M. le général Albert J. Myer, commandant du Corps des Signaux, ont démontré la nécessité d’étudier une plus grande portion de l'atmosphère, d’étendre le réseau au delà des limites du continent américain et d’embrasser peu à peu toute la surface de l’hémisphère nord, sinon celle du globe entier. Les indications relatives à l'organisation de celte vaste entreprise internationale, au but poursuivi, aux progrès déjà réalisés, ont été publiées dans les Rapports annuels de M. le général Myer, qui en a donné un extrait dans la Nature2; nous les résumerons brièvement.
- Au Congrès international de Météorologie tenu à Vienne en 1873, M. le général Myer soumit la proposition suivante, qui lut adoptée à l’unanimité : « Il est désirable que l’on recueille chaque jour et simultanément en autant de points que ce sera possible par toute la terre, en vue d’un échange, au moins une observation d’un type uniforme et d’un caractère tel qu’elle puisse être appropriée à la construction de cartes synoptiques. » L’adoption de cette proposition par les savants les plus autorisés assurait implicitement l’extension, sur l’ancien continent, du réseau inauguré par le Signal Service en 1870 et limité jusqu’en 1S73 aux États-Unis de l’Amérique du Nord. Effectivement peu de temps après le Congrès, les directeurs des services météorologiques des différents pays organisèrent, sur la demande du Signal Office, un plan d’échange d’observations simultanées, laites conformément au système qui fonctionnait aux États-Unis. D’après ce système, tous les observateurs sont à l’œuvre au même moment physique, en sorte qu’ils saisissent pour ainsi dire l’état général de l’atmosphère à un instant déterminé. Dans la combinaison adoptée, l’Amérique s’est réservé la partie la plus difficile de la tâche : l’observation est faite partout au moment qui correspond à 7 h. 35 m. du matin, temps moyen de Washington, en sorte qu’elle tombe la nuit sur une grande partie des États-Unis; elle a lieu à midi 43 minutes à Londres, midi 53 minutes à Paris, 1 h. 33 m. à Rome, 2 h. 44 m. à Saint-Pétersbourg, 6 h. 36 m. à Calcutta, 10 h. 2 m. à Yedo (Japon). Le concours empressé qu’ont apporté à cette œuvre internationale les différents peuples civilisés du
- 1 Voy. la Nature, 1878, 2- semestre, p. 387, et 1879, 1er semestre, p. 257.
- a Ibid., 1879, 2* semestre, p. 94.
- monde a favorisé l’extension rapide du réseau sur les continents, mais on conçoit que le but proposé ne pourrait être atteint sans la collaboration effective des marines des différentes nations. La coopération de la marine des États-Unis a été acquise presque dès le début ; de leur côté, les grandes lignes de steamers qui font les traversées de l’Atlantique et du Pacifique ont prescrit sur tous leurs bâtiments une observation simultanée à 7 h. 35 m. du matin, temps de Washington.
- Toutes ces observations sont centralisées au Signal Office. Depuis le 1er juillet 1875, elles sont insérées in extenso dans le Bulletin of interna•> tional meteorological observations. Ce recueil, qui ne contient pas moins de 16 pages de texte in-i° pour chaque jour, est publié aux frais des États-Unis et envoyé gratuitement, en franchise, à tous les collaborateurs. Les numéros parus depuis le 1er juillet 1878 sont en outre accompagnés chacun d’une carte synoptique représentant les phénomènes météorologiques constatés au même moment physique dans environ 500 stations, disséminées sur l’immense surface de l’hémisphère nord. La répartition de ces stations est nécessairement fort irrégulière : elles sont très nombreuses en Europe ; plus distancées sur l’Amérique, elles le deviennent davantage sur l’Atlantique, et sont plus rares encore en Asie et sur l’océan Pacifique. Nous donnons en supplément, à titre de spécimen, la carte du 25, jan-1878, telle qu’elle a été publiée au bureau du Chief Signal Officer ; cette carte, construite d’après les observations simultanées faites ce jour-là sur le réseau international, a été tirée à Washington, et pour en faciliter l’étude, les données qui y sont figurées sont exprimées en mesures anglaises et françaises. Les lignes noires sont les isobares, les lignes rouges représentent les isothermes; les unes et les autres sont interrompues sur les régions où les postes d’observation sont trop peu nombreux pour qu’il ait été possible d’assurer un tracé exact des courbes. Les centres de dépressions barométriques ou de tempêtes y sont désignés par le mot loiv ou par ses comparatifs, lower, lowest; on en distingue un sur les Pays-Bas et le sud de la Norvège ; un deuxième, le plus considérable, au sud du Groënland ; deux sur le continent américain, et un cinquième sur le Pacifique ; on voit au contraire des zones de hautes pressions (high, higher, highest) au sud du Japon, sur l’Asie centrale et sur l’océan Atlantique vers le 40e parallèle. On remarquera que le minimum de température correspond au maximum de pression; en Sibérie le baromètre est au-dessus de 782 millimètres avec un froid de 30 degrés centigrades. Nous avons dit que de semblables cartes sont publiées pour chaque jour; leur collection offre ainsi aux météorologistes une série de vues à vol d’oiseau de l’océan aérien ; elles sont une représentation exacte et pour ainsi dire vivante des différents phénomènes physiques co-existant au moment de l’observation, présentent dans leur en-
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- semble une histoire fidèle, saisissante de l’atmosphère et de ses perturbations, et constituent des documents précieux pour l’étude de la propagation des bourrasques à la surface du globe. Nous compléterons ces indications sommaires par l’analyse d’une étude très intéressante que vient de publier M. le professeur Thompson B. Maury, dans The popular Science monthly, de New-York, sur l’historique, les méthodes et l’utilité du service météorologique international.
- Avant la création des différents services nationaux, les observateurs avaient nécessairement peu de relations entre eux, les observations étaient faites avec des instruments plus ou moins précis, à des heures différentes, suivant le caprice ou les nécessités de chacun, et selon le but particulier pour lequel elles étaient entreprises, en sorte que les documents accumulés, même les plus importants, perdent, au point de vue qui nous occupe, une grande partie de leur valeur, non seulement par le défaut d'uniformité dans les méthodes, mais surtout par le défaut d’uniformité dans les heures d’observations. Ajoutons à cela que deux immenses masses d’eau, jusque-là dépourvues de points d’observations systématiques, séparent l’un de l’autre l’ancien et le nouveau continents, et l’on se fera une idée de la difficulté de comparer utilement entre eux les matériaux recueillis ; dans ces conditions il était très difficile de traiter certaines questions de météorologie générale, notamment celle de la translation des bourrasques. On a étudié depuis, il est vrai, les caractères principaux des dépressions barométriques, mais ces tourbillons atmosphériques ne sont que des accidents qui se produisent au sein de la grande masse aérienne, et aujourd’hui encore les météorologistes sont divisés sur la question de savoir si les dépressions d’Amérique traversent l’Atlantique et atteignent réellement l’Europe occidentale.
- U devenait donc indispensable d’agrandir le champ d’études ; pour atteindre le but poursuivi, il faut en effet considérer l’atmosphère comme un tout dont les diverses parties sont complexes et dépendantes les unes des autres. Les forces naturelles ne connaissent pas nos frontières nationales, et si l’on veut que la science parvienne à prémunir l’homme contre leurs redoutables effets, ce n’est pas trop de la collaboration effective de toutes les nations civilisées, de toutes les marines du globe.
- . Examinons avec M. Th. B. Maury les applications les plus importantes du service météorologique international. Indépendamment de la navigation et de l’agriculture, il n’est guère de professions, d’exploitations commerciales ou industrielles qui ne puissent, à un moment donné, avoir intérêt à connaître les probabilités du temps à venir; il serait donc oiseux de démontrer l’utilité des résultats qu’on se propose de déduire de la méthode raisonnée des observations simultanées. La formation, le développement, la disparition des bourrasques,
- leur propagation d’un continent à l’autre, leur vitesse, leur direction; la vérification de la loi des tempêtes ; la détermination des conditions moyennes des divers éléments météorologiques autour du globe aux divers parallèles et pendant les différentes périodes de l’année; la mesure et la distribution de la pluie ou de la neige; les lois des grandes vagues de chaleur ou de froid, et peut-être la prévision du caractère général des saisons : tels sont les premiers problèmes que les cartes simultanées sont appelées à simplifier ou à résoudre.
- Parmi ces problèmes, aucun ne se pose plus impérieusement et ne demande une solution plus prompte que celui de la propagation des grands tourbillons atmosphériques sur les océans. Le savant professeur Loomis, qui poursuit avec tant d’auto-nlé une étude approfondie des observations et des cartes publiées par le Signal Office, a mis hors de doute ce fait qu’un assez grand nombre des bourrasques d’Amérique arrivent toutes formées du Pacifique; elles franchissent les Montagnes Rocheuses et s’étalent sur une portion plus ou moins grande des États-Unis, qu’elles traversent fréquemment dans toute leur étendue. 11 serait important de s’assurer si elles se forment sur l’océan Pacifique où elles peuvent effectivement rencontrer les conditions favorables à leur développement, ou bien si elles viennent de l’Asie orientale. Lorsque les ouragans des Antilles atteignent les Etats voisins de l’Atlantique, leurs ravages ne s’étendent le plus souvent que sur une zone limitée, tandis qu’un grand nombre des cyclones qui envahissent le continent par la côte du Pacifique exercent leur action ou dépensent leur force vive sur des portions considérables du pays. La connaissance exacte des caractères de ces grandes perturbations, et aussi des zones de hautes pressions qui s’établissent en certaines régions, sont donc de la plus haute importance pour les Américains, puisque ces phénomènes commandent le temps au nord du 35° parallèle. La nécessité s’impose pour le Signal Service de couvrir le Pacifique nord de nombreuses stations-flottantes, dont les observations puissent compléter celles du réseau continental. La prévision pour la Californie et les États du Nord-Ouest ne pourra en effet être assurée que lorsque des observations faites sur le Pacifique auront permis de déterminer les particularités des tourbillons qui atteignent la côte occidental de l’Amérique du Nord.
- L’étude des bourrasques de l’Atlantique n’est pas moins importante pour les nations de l’Europe occidentale. On sait que la plupart de nos tempêtes viennent de l’Ouest; e’est donc vers l’Océan que le météorologiste, en France et en Angleterre surtout, jette un regard attentif, afin de ne pas se laisser surprendre par les mauvais temps; malheureusement nous ne pouvons en France prévoir l’arrivée des grandes dépressions de l’Océan que lorsque déjà certains signes particuliers, qui caractérisent leur approche, sont observés en Irlande ou en Écosse, où
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- sont établis les postes avancés du réseau européen. On a cherché à remédier à notre situation défavorable à l’est d’une immense étendue d’eau, et en 4869 l’amirauté anglaise permit de mettre un navire de l’État, le Brisk, au mouillage à l’entrée de la Manche ; ce bâtiment était relié avec Londres par un câble sous-marin, mais l’expérience n’a pas donné les résultats qu’on en attendait ; entre autres difficultés, celle d’assurer une communication électrique régulière entre le bâtiment et la terre ferme a dû faire renoncer à cette tentative, dont l’abandon pourrait bien n’êlre pas définitif. Quoi qu’il en soit, c’est au moyen des cartes simultanées que l’on arrivera à déterminer, pour chaque saison, les routes suivies de préférence par les dépressions barométriques qui nous arrivent de l’océan Atlantique, et lorsque les diverses circonstances de ces perturbations seront mieux connues, il sera sans doute possible de formuler pour l’Europe des règles à l’aide desquelles on puisse donner plus d’assurance aux avertissements aux ports et à l’agriculture. La carte (fig. 4) construite d’après les observations simultanées faites le 9 février 4878, montre un centre de dépression se dirigeant à travers l’Océan vers les lies Britanniques.
- Habituellement leur trajectoire se relève davantage vers le Nord, et il arrive très fréquemment que les bourrasques gagnent les régions polaires sans que leur action s’étende jusqu’aux côtes de France.
- Les importants travaux de Reid, Redfield, Pid-dington, Espy...., ont conduit à l’établissement de la « loi des tempêtes », dont la base est inattaquable, mais dont certaines conditions ne sont pas encore .nettement définies. Lorsque les observations simultanées seront suffisamment multipliées sur les océans, leur discussion conduira à vérifier cette loi, ainsi que les règles de manoeuvre que les capitaines de navires doivent observer pour éviter le cyclone, ou pour s’en dégager lorsqu’ils sont déjà entraînés dans son cercle d’action. S’il est vrai que les différentes hypothèses qui ont servi à établir ces règles sont des approximations très voisines de la réalité, aucune ne rend compte de tous les phénomènes observés. La théorie des tempêtes circulaires, basée sur la rotation des vents en cercles concentriques autour d’un point central, a été mise en échec par l’observation ; il en est de même de la
- théorie des tempêtes centripètes ou d’aspiration, d’après laquelle on admet que les vents soufflent selon le rayon du tourbillon, de la circonférence vers le centre; enfin une troisième hypothèse, intermédiaire entre les deux précédentes, suppose que les vents soufflent en spirale autour du centre. Cette dernière théorie concilie sans doute quelques-uns des faits non expliqués par les deux premières, mais elle n’est pas non plus l’expression absolue de la vérité. D’ailleurs les règles rédigées spécialement pour l’usage des navigateurs ont été formulées en admettant des isobares circulaires (voir fig. 2), alors que les cartes déjà publiées montrent que les courbes d’égale pression affectent généralement, aussi bien sur mer que sur terre, la forme d’ellipses plus ou moins allongées. L’océan Atlantique nord est fertile en bourrasques; sillonné en sens divers par les navires de toutes les nations, il présente le
- champ de recherches le plus fécond et le mieux approprié qu’il soit possible d’espérer. Lorsque tous les vaisseaux qui traversent cet océan seront devenus autant d’observatoires flottants , munis de bons instruments comparés, où des observations simultanées seront faites régulièrement pour être publiées, un grand pas sera fait vers la solution de ces questions d’une importance capitale. Les navigateurs seront les premiers à profiter du résultat de ces recherches ; aussi les armateurs et les capitaines des différentes marines s’empressent d’apporter leur concours à une oeuvre qui s’est donné la mission d’augmenter leur sécurité personnelle et de servir leurs intérêts. Tous les travaux qui seront entrepris dans cette voie, pour le plus grand bien de l’humanité, doivent être soutenus et encouragés, car lorsque les règles de manœuvre pourront être appliquées avec certitude dans tous les cas, les capitaines, mieux armés, lutteront avec plus d’efficacité, en cas de danger, contre le torrent aérien qui tend à les étreindre.
- L’intensité des tempêtes est variable suivant les circonstances, les saisons, les lieux. Dans les ouragans des Antilles, par exemple, la force du vent atteint une violence dont les tempêtes de nos régions ne peuvent donner aucune idée. Pendant l’ouragan qui, au mois d’août dernier, a ravagé la côte orientale des États-Unis, le vent
- Fig. 1. Centre de dépression, ou bourrasque, traversant l’Atlantique, de l’Amérique en Europe (d’après la carte internationale du 9 février 1878).
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- Fig. 2. Manœuvres à exécuter par les navires sur les différents points du pourtour d’un cyclone. Les lignes ponctuées Aa, Bb, Ce, \)d, Ee, montrent les routes à suivre pour échapper au danger. La grande flèche indique la direction du mouvement de translation du cyclone; les petites flèches, la direction du vent de terre autour du centre.
- soufflait avec une vitesse de 250 à 270 kilomètres à l’heure. M. Elliott, en discutant les deux cyclones d’octobre 1870 dans le golfe de Bengale, donne incidemment une idée des forces énormes mises en jeu dans les cyclones de ces régions. L’évaporation diurne observée pendant le mois d’octobre dans les différentes stations du Bengale donne une moyenne de 50 millimètres ; or la quantité de chaleur nécessaire à ce changement d’état sur une zone aussi étendue que le golfe du Bengale, est considérable. « Grossièrement évaluée, elle est égale au travail permanent produit par 800 000 machines à vapeur de la
- force de 1000 chevaux. » Ces chiffres, qui paraissent fabuleux, ne sont rien auprès des nombres qu’il faudrait employer pour représenter la force vive développée dans les cyclones. Pendant le passage d’un tourbillon au-dessus d'une surface liquide de grande étendue, la vapeur qui s’est lentement accumulée pendant plusieurs jours dans les régions inférieures de l’atmosphère peut, sous certaines influences, se condenser rapidement; elle tombe alors sous forme de pluies torrentielles ; sur la côte de l’Inde on a recueilli jusqu’à 500 millimètres d’eau tombée pendant une seule nuit. Mais admettons que la pluie totale d’une journée dans la région soumise à l’action du cyclone soit seulement de 75 millimètres, ce qui n’est pas exagéré,
- on voit, d’après le calcul de M. Elliott, que la force mécanique nécessaire à l’évaporation est encore
- bien inférieure à celle résultant de la condensation qui peut se produire dans le même temps. Cette dernière force est donc un des plus puissants et des plus redoutables agents de développement des cyclones dans les régions intertropi-cales, où ils ont fréquemment, d’après Piddington, un diamètre de 500 à 600 kilomètres, et souvent davantage.
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- Fig. 3. Différents aspects [du ciel autour du centre d’une bourrasque. A, centre du tourbillon; la flèche indique la direction de son mouvement de translation.
- Dans les régions polaires, les cyclones sont encore plus étendus, et M. Bu-chan a établi que leur diamètre, rarement moindre que 900 kilomètres, atteint dans certains cas une longueur deux et trois fois plus grande. Ces faits montrent assez la nécessité impérieuse
- __________________ de poursuivre et
- d’étendre les recherches internationales, afin d’accumuler les matériaux dont la discussion pourra conduire à la découverte et à la définition des lois encore ignorées qui président aux grands mouvements de l’atmosphère.
- Parmi les phénomènes dont l’observation, recommandée par le Signal Office, peut être mise à profit pour la prévision des tempêtes, il faut citer la forme et la direction des nuages supérieurs et inférieurs. Jusque vers le milieu du dix-septième siècle, époque à laquelle Torricelli imagina le baromètre, l’observation des nuages était le seul indice qui pût servir à la prédiction du temps ;
- D-ÉTë«
- Saches
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- L A NAT U R E.
- malgré leurs formes variées, les nuages peuvent en effet être ramenés à quelques types principaux, que les marins savent paifaitement reconnaître et interpréter. .Malgré l’usage des instruments précis utilisés à la mesure des divers éléments météorologiques. l’observation de l’état du ciel n’a rien perdu de sa valeur première, ainsi que le montre la tigure 3, gravée d’après un dessin de M. Ley. Plusieurs jours avant l’arrivée d’une bourrasque, et avant que le baromètre ait commencé à baisser d’une manière sensible, on voit apparaître dans le ciel, en longues bandes parallèles, ces nuages fins, déliés, que l’on appelle des cirrus; ces nuages, premiers avant-coureurs des mauvais temps, sont formes de petites aiguilles de glace flottant à des hauteurs considérables, qui atteignent et dépassent souvent 10 000 et 12 000 mètres. Peu .à peu, le ciel prend un aspect blanchâtre, laiteux, favorable à la formation des halos ; puis viennent ensuite les cirro-cumulus, ou, comme on dit vulgairement, le ciel pommelé. Ces nuages augmentent en volume, se transforment en cumulus d’abord isolés, dans les éclaircies desquels on aperçoit par intervalles les cirrus des couches supérieures ; les cumulus s’abaissent de plus en plus, l’horizon se couvre de cumulo-nimbus et la pluie ne tarde pas à tomber. Cette succession d’aspects divers s’observe dans la portion antérieure des bourrasques ; lorsque le centre est passé et que le baromètre commence à remonter, le ciel s’éclaircit par instants, et les alternatives de nuages et de ciel pur, les averses, les giboulées...., sont les phénomènes qui se produisent dans la partie postérieure.
- Le résultat le plus important et le plus populaire qui puisse être obtenu à l’aide des travaux du réseau international serait sans contredit l’annonce du caractère dominant des saisons ; on peut dire que chacun de nous est plus ou moins directement intéressé à savoir si l’hiver prochain sera doux ou rigoureux, si l’été sera humide ou sec. La science arrivera-t-elle à formuler des prévisions à longue échéance?On a quelque raison de répondre affirmativement, au moins dans une certaine mesure; mais il faudra d’abord que le réseau soit complété, principalement par les observations faites à bord des bâtiments qui sillonnent les océans. Remarquons dès aujourd’hui que les pluies persistantes de l’été dernier, si funestes aux récoltes en France et en Angleterre, avaient été précédées par de basses températures pendant tout le printemps, principalement sur les Iles Britanniques. Au commencement du mois de mai, le sol de la Grande-Bretagne et des pays limitrophes, ainsi refroidi d’une manière anormale, était donc préparé à agir comme un puissant condensateur des vapeurs amenées de l’Atlantique par les vents de Sud-Ouest ou contre-alizés, qui régnent principalement en été dans ces régions. D’un autre côté, la distribution de la pression atmosphérique sur cette portion de l’Europe était plus significative encore. Alors que ces
- températures basses persistaient pendant tout le mois d’avril sur les Iles Britanniques, la pression était plus élevée en Islande que sur les contrées occidentales de l’Europe. La relation de ces deux phénomènes a été indiquée depuis longtemps par M. Buchan : « Lorsque de faibles pressions régnent sur la Norvège et les pays limitrophes de la mer Baltique et que le baromètre est élevé en Islande, l’Ecosse se trouve placée sous l’influence du courant polaire qui résulte nécessairement de cette distribution de pression. » Dans ces conditions, l’été froid et humide de 1879 était presque inévitable. Les cartes simultanées publiées ultérieurement par le Signal Office montrent en effet qu’avec l’ensemble des observations et en tenant compte de l’expérience acquise, on aurait peut-être pu formuler une prévision avec de grandes chances de succès. Par des considérations analogues, si les observations centralisées à Washington pour le mois d’août dernier avaient pu être complétées à temps par celles de la Nouvelle-Bretagne, il aurait été possible de prévoir et d’annoncer les chaleurs persistantes de l’automne de 1879 sur la partie orientale des États-Unis.
- Nous avons passé en revue, d’après M. Thompson B. Maury, quelques-unes des premières applications pratiques qu’on pourra, sans témérité, demander au système des observations simultanées. Mais, nous le répétons, ces résultats si précieux se feront sans doute attendre encore, jusqu’à ce que l’armée des observateurs ait pris possession de la surface entière du globe et que la discussion puisse comprendre l’ensemble de l’océan aérien.
- Il est juste d’ajouter que le mérite d’avoir organisé les observations simultanées, et d’avoir provoqué et réalisé l’extension progressive du réseau sur la plus grande partie de l’hémisphère nord et en quelques points au sud de l’équateur, doit être rapporté à M. le général Myer, secondé dans cette tâche laborieuse par les directeurs des Bureaux météorologiques établis dans les différentes contrées civilisées du monde.
- Th. Moureaux.
- MIROIRS MAGIQUES
- CHINOIS ET JAPONAIS
- Ces miroirs singuliers, qui ont la propriété de réfléchir dans de certaines conditions l’image des sculptures en saillie sur leur face postérieure, ont été dans ces derniers temps l’objet d’études intéressantes dont nos lecteurs ont eu le résumé ici même1. Dans la dernière séance de la Société de physique, M. Bertin a confirmé les explications qui avaient été données de ce curieux phénomène (voy.
- 1 Voy. la Nature, n° 361 du 1er mai 1880, p. 344.
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- LÀ NAITRE.
- p. 18), et il a rappelé que M. Govi avait, il y a quelques années, trouvé la véritable théorie des miroirs magiques de l'Extrême Orient.
- Nous croyons utile de compléter ces documents en rappelant les noms d’expérimentateurs habiles qui sont arrivés à des résultats identiques depuis plus de trente ans, et qui ont su confectionner artificiellement des miroirs chinois à cette époque déjà ancienne.
- C’est en 1847 que l’Académie des sciences de Paris s’est préoccupée de l’étude des miroirs magiques. Dans les Comptes rendus de cette année, M. Stanislas Julien a publié une longue note sur ces miroirs, d’après les livres chinois. L’éminent linguiste décrit toutes les propriétés de ces instruments. Voici notamment ce qu’il cite de l’encyclopédie intitulée Ke-tchi-King-youen, liv. LYL fol. 6 et suiv. :
- « Si l’on reçoit les rayons du soleil sur la surface jmlie d’un de ces miroirs, les caractères ou les fleurs en relief qui existent sur le revers se reproduisent fidèlement dans l’image reflétée du disque. »
- Dans la même séance du 7 juin 1847, un miroir magique a été présenté à l’Académie par M. Séguicr. Ce miroir appartenait à M. le comte de La Grange.
- « En cherchant, dit M. Séguier, si notre industrie n’offre rien de semblable à ce que les Chinois obtiennent par l’emploi de métal à des degrés d’alliage différents, nous trouvons que dans la confection des cylindres à imprimer les étoffes, il arrive souvent que la trace des dessins frappés au mouton subsiste encore lorsque le cylindre a été réduit de diamètre, en ramenant sur un même plan toutes les parties du cylindre pour faire disparaître le creux du dessin. Un effet analogue se fait aussi remarquer lorsque l’on abat le relief d’une pièce de monnaie ou d’une médaille et que l’on polit le métal. La différence des densités qui subsiste entre les diverses parties différemment comprimées pendant la frappe, laisse apercevoir très nettement les contours d’un relief qui n’existe plus1. »
- Six ans plus tard, dans la séance de l’Académie des sciences du 1er avril 1853, on est encore revenu sur les miroirs magiques. Biot a pi'ésenté, au nom de M. Maillard, une note sur la fabrication de ces miroirs. M. Maillard, dans ce travail, annonça que M. Lerebours avait pu fabriquer, sur ses indications, un miroir magique : « Cet habile opticien, dit
- 1 Le 21 juin 1847, l’Académie des sciences recevait une autre communication au sujet des miroirs magiques. Nous la reproduisons ici pour compléter nos documents historiques. Cette communication, due à M. Person; est ainsi formulée : « M. Pion, officier de la marine royale, m’ayant confié un miroir magique chinois, j’ai reconnu que les figures du revers étaient visibles dans l’image réfléchie au soleil, par la raison que la surface réfléchissante était plane vis-à-vis ces figures et convexe vis-à-vis le reste. Les rayons réfléchis sur les parties convexes divergent et ne donnent qu’une image affaiblie ; au contraire, les rayons réfléchis sur les parties planes gardent leur parallélisme et donnent une image dont l’intensité tranche sur le reste. »
- M. Maillard, a fait prendre une plaque de métal argenté, puis après y avoir fait graver derrière deux croissants opposés, et y avoir collé un carré de papier pour former épaisseur, il a fait poser cette plaque au tour sur un mandrin convexe, et lui a fait donner sa courbure en passant vivement un brunissoir sur le côté brillant; après le polissage, l’effet attendu s’est produit ; si l’on expose au soleil le miroir en plaqué d’argent, on voit sur l’écran opposé les deux croissants,qui se dessinent en noir, et les bords du carré de papier,qui se dessinent en blanc. »
- L’échantillon de miroir magique fabriqué par MM. Lerebours et Maillard a été exposé au soleil, en présence de plusieurs membres de l’Académie, et il a produit tous les effets annoncés.
- On voit que les miroirs magiques de l’Extrême Orient ont été autrefois très complètement étudiés, et qu’il est facile de reproduire à volonté la propriété qu’ils possèdent, en suivant les indications données dès 1853 par MM. Maillard et Lerebours.
- Gaston Tissandier.
- LES OISEAUX EMPAILLÉS
- DU MUSÉUM D’HISTOIRE NATURELLE DE LONDRES
- Une innovation très appréciée par le public vient d’avoir lieu dans la galerie zoologique du British Muséum. Dans les nouvelles vitrines, les oiseaux empaillés sont placés dans leur milieu nalurel au lieu d'ê!re rangés, suivant le mode ordinaire, à côté les uns des autres. Ainsi deux grèbes à crête, du comté de Leicester, avec leur petit dans l'eau, sont placés près d’un marais entre des roseaux et des myosotis. Un râle et ses petits sont au milieu de blés et de pavots. La poule d'eau est dans un étang, au milieu des roseaux et des fleurs, et sur une branche, tout auprès, est perché un martin-pêcheur, deux goélands des Hébrides, avec un nid et deux petits, sont entourés de mousse, de bruyère et de pierres couvertes de lichen.
- On y voit une collection intéressante de knots (famille des bécasses), du 82® degré 23 min. Nord, rapportés par le capitaine Fielden, de YAlert. Quoique ces oiseaux soient communs dans le sud de l’Angleterre au moment de leur migration d’automne, on ignorait dans quelle région septentrionale a lieu leur couvée. On ne l’a appris qu’en juillet 1876, par l’expédition de YAlert.
- Un couple de foulques, d’Avington, dans le Hampshire, sont représentés avec un nid et un petit qui vient de naître, pour montrer la différence de couleurs avec l’oiseau adulte. On voit des linottes avec leur nid dans des bruyères en fleur ; un faisan est monté au milieu des riches couleurs des campanules bleues, des primevères, des églantiers, des fougères, sur un tapis de feuilles mortes. On remarque des oiseaux des îles Fidji ; ce sont les descendants de poules d’Europe abandonnées il y a plus d’un siècle dans ce pays et qui sont à peu près revenues au type ordinaire des poules des jungles.
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- DES LANGUES CELTIQUES
- On divise les langues celtiques en deux groupes bien distincts : les langues bretonnes et les langues gaéliques. Les langues gaéliques sont au nombre de trois, ce sont: l'irlandais, Verse (langue de l’Ecosse) et le mannois, dialecte de Elle de Man ; ces trois langues se ressemblent beaucoup. Quant aux langues bretonnes, elles ont été naguère au nombre de quatre; mais, sur le nombre, deux sont mortes. A ce groupe appartiennent le gallois ou langue du pays de Galles; le comique ou langue de Cornouailles, éteinte depuis un siècle ; le breton fran-
- çais ou armoricain, et le gaulois, langue de nos ancêtres, dont il ne reste que quelques mots.
- Il n’y a donc que cinq langues celtiques qui soient encore parlées aujourd’hui, et, sans être grand prophète, on peut annoncer qu’elles disparaîtront assez rapidement.
- M. Broca a toutefois démontré que la limite du breton français n’a pas reculé depuis Louis XIV. Cela ne veut pas dire que le nombre des Bretons breton-nants n’ait pas diminué relativement à la population, ce qui ne paraît pas probable; mais le territoire sur lequel on est susceptible de parler breton et de le comprendre est resté le même.
- Les autre? langues celtiques sont toutes les quatre parlées en Grande-Bretagne. Elles ont été
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- Carte linguistique de l’Irlande en 1851.
- l’objet d’un travail très remarquable publié dans le Journal de la Société de statistique de Londres, par M. Ravenstein, auquel nous empruntons les cartes qui accompagnent cet article.
- Sur le nombre des personnes parlant irlandais, on possède les renseignements assez précis que donne le recensement. Mais, sur la force d’expansion des trois autres langues (erse et mannois d’une part, et gallois de l’autre), on n’avait presque pas de renseignements. M. Ravenstein en a obtenu par un procédé qui fait à la fois l’éloge de sa patience et celui de l’obligeance de ses correspondants. Il a envoyé plus de 1200 circulaires dans tous les villages où il pensait qu’on parlait ou qu’on pouvait parler une langue celtique, et presque toujours on lui a répondu, en lui indiquant autant que possible le nombre approximatif de ceux qui ne parlent que celtique, de ceux qui ne parlent qu’anglais, et de
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- Carte linguistique de l’Irlande en 1871.
- ceux qui parlent à la fois les deux langues. Ce dernier nombre constituait le plus souvent la majorité.
- C’est par ce procédé qu’ont été dressées les cartes d’Ecosse et de Galles que nous présentons à nos lecteurs.
- Pour l’irlandais, il existe des chiffres plus authentiques, car le census, qui, en Angleterre, est extrêmement soigné, distingue pour ce royaume la langue de tous les habitants. Comme cette distinction se fait depuis 1851, l’auteur a pu comparer les résultats relevés à vingt ans d’intervalle. Il a constaté ainsi une singulière décroissance de la langue irlandaise. Nos cartes indiquent déjà qu’il n’en est pas en Irlande comme dans notre Bretagne, et que le domaine de l’irlandais diminue avec assez de rapidité.
- Mais cette notion, quoique importante, ne donne
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- LA NATURE.
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- qu’une idée insuffisante des pertes que cette langue a faites1. La population capable de la parler a diminué presque de moitié.
- Il faut noter, de plus, que le territoire où cctle langue est encore usitée est le plus sauvage de l’Irlande, et quoiqu’il soit encore très peuplé (à peu près encore autant que la France, à étendue égale), il l’est moins que la partie orientale de l’ïle, qui est la plus fertile et la plus industrieuse.
- Il est vrai de dire que la population totale de l’Irlande diminue. C’est peut-être le seul pays de l’Europe où cette décroissance se constate d’une façon aussi générale. La population française n’augmente guère assurément, et même elle diminue en quelques départements; mais elle ne présente pas
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- Carte linguistique de l'Ecosse.
- leur patrie, ils cherchent en partie à fuir le joug anglais.
- On pouvait se demander, d’après cela, si là n’était pas le secret de la diminution du nombre des Irlandais irlandisants, puisque c’est à ceux qui restent fidèles à cette vieille langue qu’on pouvait attribuer un culte plus grand pour l’ancienne nationalité irlandaise. Mais il n’en est probablement pas ainsi, car ce sont justement les contrées où l’irlandais est encore parlé qui fournissent le moins d’é-migrants proportionnellement à la population. C’est
- 1 Le territoire dans lequel au moins 25 p/100 de la population parle irlandais, était de 15 700 milles carrés en 1851, et de 10 500 en 1871. Mais la population parlant irlandais (ou les deux langues à la fois) a diminué plus encore : 1 524 000 en 1851 et 818000 en 1871. La population totale de l’Irlande diminue aussi, grâce à son énorme émigration : 6 574 500 en 1851, et 5412 400 en 1871.
- l’affaiblissement constant qu’on remarque en Irlande depuis une trentaine d’années environ. Ce n’est pas, comme en France, faute de naissances que les Irlandais voient leur nombre décroître : c’est parce qu’ils s’en vont par masses en'Amérique. Rien ne peut donner idée d’une telle émigration : les Anglais, qui passent avec raison pour le plus voyageur et le plus colonisateur de tous les peuples, émigrent dans la proportion de 3 pour 1000 et par an. Mais en Irlande, c’est bien autre chose : on compte jusqu’à 16 émigrants par an sur 1000 habitants.
- M. Bertillon père a remarqué que les Irlandais ne vont pas dans les colonies anglaises; sur 10, il y en a près de 9 (exactement 88 pour 100) qui vont aux États-Unis1. Ainsi, il semble qu’en fuyant
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- Carte linguistique du pays de Galles.
- de Leinster et d’UIster, provinces où l’anglais est seul parlé, que sortent la plupart de ceux qui vont chercher fortune ailleurs. D’après M. Ravenstein, l’émigration jouerait pourtant un rôle dans la diffusion de la langue anglaise en Irlande, car les colons qui partent des provinces anglaises laissent une place vide, et cette place serait prise, d’après lui, par des Irlandais des provinces de l’Ouest. Naturellement, dès qu’ils sont plongés dans ce milieu anglais, ils oublient vite leur patois natal.
- Un coup d’oeil sur nos cartes d’Écosse et de Galles montre que les langues erse et galloise sont moins clair-semées dans ces deux pays que ne l’est l’irlandais en Irlande. Elles se défendent mieux aussi
- 1 Beaucoup de colons anglais et écosssais vont aussi aux États-Unis; mais la proportion est moindre : elle constitue un peu plus de la moitié.
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- LA NATURE.
- contre l’intrusion de l’anglais, et le gallois, qui a des journaux et une certaine littérature locale, promet d’offrir une assez longue résistance.
- Jacques Bertillon.
- BIBLIOGRAPHIE
- La Phylographie ou l'Art de décrire les végétaux considérés sous différents points de vue, par àlph. de Can-dollp, 1 vol. in-8°. Paris, G. Masson, 1880.
- Le livre dont nous annonçons sous ce titre la publication, est un ouvrage d’une haute importance, écrit et conçu de main de maître. Comme le dit l’auteur, « l’art de décrire est basé sur celui d’observer, de comparer et de classer sous des noms réguliers les faits ou les phénomènes. Plus les observations augmentent de nombre et de précision, plus il faut de méthode pour bien décrire, et à leur tour les bonnes méthodes de description facilitent les recherches dans les livres, montrent des lacunes à combler et suscitent quelquefois des idées générales ».
- La Marine à l'Exposition universelle de \878, ouvrage publié par ordre de M. le ministre de la marine et des colonies, 2 vol. in-8°, avec un atlas in-folio de 159 planches. Paris, Gauthier-Villars et J. Hetzel et Cie, 1879.
- Ce magnifique ouvrage comprend la description de tout ce qui s’adresse à l’art naval : types de navires et leur installation, mâture, voilure, gréement, ventilateurs, pompes, machines à vapeur, artillerie, matière première, outillage des chantiers. On comprend par cette énumération succincte, combien il doit être utile à tous les ingénieurs.
- Les Bains d'Europe, guide descriptif et médical des eaux d’Allemagne, d’Angleterre, de Belgique, d’Espagne, de France, d’Italie et de Suisse, par Ad. Joanne et A. Le Pileur, 2e édition, avec une carte des bains (TEu-rope. Paris, Hachette et Cie, 1880.
- La collection des Guides Joanne n’a plus besoin d’être ni recommandée ni signalée. M. Joanne, en la publiant au prix d’une existence consacrée tout entière à ce travail immense, a mérité la reconnaissance des voyageurs de tous les pays. Le livre des Bains d'Europe fait partie de cette collection. Complet et concis tout à la fois, il est appelé a rendre de grands services aux médecins, aux malades et aux touristes, c’est-à-dire à tout le monde.
- Le Premier Aérostat monté, par Giroud de Villette,
- 1 vol. in— 18 illustré. Paris, Auguste Ghio, 1880.
- On sait que Pilàtre de Rozier et le marquis d’Arlandes exécutèrent la première ascension en ballon libre le 21 novembre 1785. Pilàtre de Rozier, avant de se lancer en ballon libre, exécuta dans le jardin de M. de Réveillon, au faubourg Saint-Antoine, une ascension captive à faible hauteur. L’aéronaute, retenu par des cordes, était dans la nacelle avec Giroud de Villette, un des ancêtres de l’auteur. C’est au sujet de cette expérience que ce dernier publie le livre que nous annonçons. On y trouve un grand nombre de détails curieux, mais il y est assurément donné trop d’importance au compagnon de quelques instants de Pilàtre de Rozier. Le livre aurait dù s’appeler le Premier Aérostat captif.
- L’Année médicale, 2’ année, 1879, Bésumé des progrès réalisés dans les sciences médicales, publié sous la direc-
- tion du docteur Bourneville, I vol. in 18. Paris, E.Plon et Cie, 1880.
- Le Phylloxéra, par Maurice Girard, 1 vol. in-52, avec gravures et carte, troisième édition. Paris, Hachette et Cie, 1880.
- Annuaire de l’Académie royale de Belgique, 46* année, 1 vol. in—18, Bruxelles, chez Ilavez, 1880.
- Désinfection des véhicules par l'acide sulfureux anhydre, par le docteur Y. Fatio, 1 broch. in-8°. Genève, 1880.
- Nouveau Manuel complet du Relieur en tous genres, par M. Seb. Lenoiimand, nouvelle édition, par M. Maigne,
- 1 vol. de la librairie encyclopédique Roret, Paris, 1879.
- Mer Rouge et Abyssinie, par M. Denis de Rivoyhe. 1 vol. in—18. Paris, E. Plon et Cie, 1880.
- CHRONIQUE
- Un vieux château tombé à la mer. — Un fait géologique très curieux vient de s’accomplir en Sicile. Dans la matinée du 20 mai dernier, la moitié d’un vieux château situé au bord de la mer, entre Catane et Aci-reale, s’est écroulée par suite de l’altération d’un énorme rocher volcanique qui lui servait de support. Ce rocher a environ 50 mètres de hauteur, 80 mètres de circonférence ; sa forme est à peu près cylindrique. Il est placé sur une couche de lave beaucoup plus ancienne, qui forme un promontoire à fleur d’eau et s’avance vers la haute mer jusqu’à une centaine de mètres. Le rocher est dans un tel état de désagrégation, que les morceaux s’en détachent à la main. Cet effet semble dù à la suroxydation du fer qu’il renferme abondamment et à l’action de l’acide carbonique sur les matières calcaires qu’il contient. Le château dont il est question remonte à une antiquité très reculée. Toutefois ses murs étaient parfaitement conservés et on pouvait le visiter dans toutes ses parties. Une demi-heure avant la chute de la partie orientale, où il y avait une grande terrasse, une famille de touristes s’y était installée pour observer les ilôts des Cyclopes, qui s’élèvent à peu de distance.
- V. Tedeschi di Ercole.
- Les oranges aux États-Unis. — La culture des oranges s’étend de plus en plus aux Etats-Unis, particulièrement dans la presqu’île de la Floride. La dernière récolte a été la plus abondante que.l’on ait vue, et cette année on calcule qu’on pourra recueillir jusqu’à 25 millions d’oranges dans le seul comté de Putnam. Pour transporter tous ces fruits, il faudrait un train de dix cars faisant un voyage par jour pendant trois mois.
- Production probable des rails en Europe. —
- On estime que la production des rails d’acier en Grande-Bretagne atteindra en 1880 le chiffre de 775 000 à 800 000 tonnes. On espère que l’Allemagne, qui en avait produit, 400 000 en 1878, dépassera considérablement ce chiffre, cette année, grâce à la reprise du travail. La production probable de cet article en France est évaluée à 275 000 tonnes; celle de la Belgique à 150 000, celle de l’Autriche-Hongrie à 250 000, et celles de la Suède et de la Russie à 150 000. Ce qui donne comme total général pour l’Europe entière 2 250 000 tonnes environ.
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- La douzième réunion des naturalistes et médecins Scandinaves aura lieu à Stockholm du 7 au 14 juillet prochain.
- — La nouvelle Compagnie générale d’éclairage électrique a donné, le 10 juin, une soirée d’expériences faites parle procédé Jamin. Un grand nombre de notabilités scientifiques assistait à cette séance. M. Jamin a précédemment publié dans la Nature la description de ses procédés; nous y renvoyons le lecteur (n° 529 du 20 septembre 1879, p. 259), non sans ajouter que la nouvelle lampe ne nous parait offrir aucun progrès important. Nous y reviendrons prochainement.
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 7 juin 1880. — Présidence de M. Becquerel.
- Les archives de l'Académie. — On se rappelle que M. Dubrunfaut a récemment restitué aux archives de l'Académie une nombreuse série de pièces qui en avaient été distraites par des mains infidèles, et que le hasard des ventes publiques lui avaient fait retrouver. 11 adresse un complément de deux cent vingt pièces, où l’on signale des lettres de Descartes, d’Ampère, de Cauchy ; des Mémoires de Gay-Lussae, de Seguin, de Victor Régnault ; des Rapports de Vic-d’Azyr, de d’Alembert, etc. Le secrétaire perpétuel, en exprimant la gratitude de l’Académie envers M. Dubrunfaut, espère que son exemple sera suivi par les autres personnes qui peuvent avoir chez elles des écrits provenant de la même source et que, par conséquent, elles détiennent indûment.
- A propos du phylloxéra. — D’après M. Boiteau, délégué de l’Académie, les vignes des environs de Libourne se présentent cette année dans des conditions bien meilleures qu’on n’aurait osé l’espérer. Le phylloxéra n’a pas prospéré comme précédemment et la confiance dans les insecticides renaît chez les vignerons : il n’en faut pour preuve que la formation des syndicats de protection et des comités de vigilance, ainsi que le vote par les Conseils municipaux de sommes considérables pour opérer la destruction du fléau. L’auteur assure que le traitement au sulfure de carbone et au sulfocarbonate de potasse a eu sur la vigne les résultats les plus remarquables au point de vue de la vigueur du végétal : celui-ci, dans certaines localités, est plus prospère maintenant qu’avant l’invasion du parasite. Peut-être faut-il attribuer ce résultat au soufre assimilé par la vigne.
- Élude sur le chrome. — En faisant passer du chlore sur de l’oxyde de chrome, M. Moissant a obtenu l’acide chlorochromique, découvert, comme on sait, par M. Pe-ligot à l’aide d’un mode opératoire tout différent.
- La narcolepsie. — Tel est le nom donné par M. le docteur Gélineau à une névrose caractérisée par un besoin de dormir impérieux, subit et de courte durée, se reproduisant à des intervalles plus ou moins rapprochés. L’auteur en cite un exemple survenu chez un adulte qui, tout en donnant la nuit du sommeil physiologique, a pendant le jour de trente à deux cents accès de sommeil maladif, que redouble la moindre émotion, et au sortir desquels il est dispos et prêt au travail. M. Gélineau prouve qu’on fie peut confondre la narcolepsie avec l’épilepsie, la khé-
- nophobie, ni le vertige, pas plus qu’avec les variétés du sommeil maladif décrites par les anciens, le nélavan et la sonmose du docteur Nicolas, qui a examiné ce malade.
- Effets physiologiques de l'érylhrophléine. — Dans un mémoire présenté par M. Vulpian au nom de MM. G. Sée et Bochefontaine, ces deux physiologistes décrivent avec détails les désordres déterminés chez des chiens par des injections hypodermiques . d’érythrophléine. On sait que cette substance, découverte en 1876 par MM. N. Gallois et E. Hardy, est le principe actif de YErylhrophleum guineense, de la famille des légumineuses ; c’est un alcaloïde auquel ces chimistes ont reconnu expérimentalement un pouvoir toxique considérable et une action remarquable sur le cœur. Or, MM. Sée et Bochefontaine reconnaissent que le nouveau poison agit non seulement sur le cœur, mais encore sur l’appareil respiratoire, et cette double action sur ces appareils si importants, les conduit à en faire l’application à la clinique et plus particulièrement au traitement des affections cardiaques et pulmonaires.
- Nécrologie. — On annonce la mort, le 20 mai dernier, de M. Miller, correspondant de la section de minéralogie. Le défunt avait soixante-dix-neuf ans.
- Élection. — La section de chimie avait à remplir la place de coivespondant vacante par le décès de M. Favre. Elle avait présenté : en première ligne, M. Chancel (de Montpellier) ; en seconde ligne, M. Reboul (de Marseille) ; en troisième ligne, ex æquo et par ordre alphabétique, MM. Dittc (de Caen), Houzeau (de Rouen) et Isambert (de Poitiers). Les votants étant au nombre de 45, M. Chancel est nommé par 41 suffrages, MM. Reboul et llouzeau ont chacun 1 voix.
- La maladie du Saint-Gothard.— M. Perrochitto signale l’apparition d’une nouvelle entité morbide qui s’est attaquée aux ouvriers employés au percement du tunnel du Saint-Gothard. Elle consiste dans le développement d’an-guillules, d’ankylostomes et d’autres vers jusqu’ici très rares et qui chez ces malades sont au contraire très communs.
- Stanislas Meunier.
- LE PR0FIL0GRAPHE
- DE M. DUMOULIN
- Cet appareil, qui permet de relever mécaniquement le profil d’un terrain, se compose d’un petit chariot supporté par deux roues, dont les plans de mouvement se confondent et peuvent à volonté être rendus invariables, afin que, dans la généralité des cas, la macl fine ne puisse dévier de la ligne droite; ce chariot porte la machine proprement dite, recouverte d’une tablette sur laquelle se développe, parallèlement à sa longueur, une feuille de papier destinée à recevoir la figure même, à une échelle donnée, du profil parcouru. Cette figure est tracée par un style ou crayon mobile disposé sur la planchette, et se mouvant perpendiculairement au papier. Le mouvement est imprimé à l’ensemble du système par Lune des roues du chariot, celle de
- drrière, au moyen d’une chaîne Galle.
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- LA NATURE.
- Cette roue fait l’office de chaîneur et mesure le chemin parouru, en développant par contact sa circonférence sur le terrain à niveler.
- Sous la machine est librement suspendue une tige de fer, armée à son extrémité inférieure d’une grosse sphère de métal, faisant l’office de pendule; soit que le chariot monte ou descende, soit qu’il chemine en plaine, le pendule conserve toujours sa direction verticale, c’est donc la machine seule qui s’incline et ces inclinaisons alternatives et variables produisent, par rapport au pendule, des déplacements angulaires tantôt positifs, tantôt négatifs, suivant que la machine monte ou descend.
- Ce sont ces oscillations angulaires, convenable-
- ment recueillies au moyen d’organes spéciaux de transmission, qui déterminent la loi trigonomé-trique des mouvements réciproquement perpendiculaires du papier et du crayon ou style. La trace de ce dernier est donc une résultante, c’est-à-dire que le papier marchant toujours positivement, et d’un mouvement constamment proportionnel aux cosinus des angles faits par le pendule avec la normale au terrain parcouru, et le crayon montant ou descendant, de son côté, perpendiculairement au mouvement du papier, de quantités toujours proportionnelles aux sinus de ces mêmes angles, la trace résultante n’est autre que le profil lui-même.
- L’appareil donne non seulement la représentation
- graphique du profil parcouru, tracé à l’échelle de 1/5000 pour les longueurs horizontales et 1/500 pour les hauteurs verticales, mais encore il fournit, au moyen de trois compteurs, les cotes en valeurs numériques du chemin développé par la roue chaî-neuse, celles des longueurs horizontales ou abcisses correspondantes, et enfin celles des ordonnées ou hauteurs verticales.
- La manœuvre du profilographe est très simple : un homme traîne le chariot sur la ligne du profil à relever; l’opérateur ou niveleur qui l’accompagne s’arrête à chaque piquet au point à déterminer, lit sur l’un des compteurs la cote de longueur et l’inscrit, trace une ligne verticale et y annote la cote de nivellement lue sur le deuxième compteur.
- D’après la description sommaire qui précède, il est facile d’apprécier les avantages économiques de cet appareil de nivellement sur ceux employés jusqu’à ce jour, surtout en opérant sur les routes existantes, ainsi qu’on se propose de le faire dans le nivellement général de la France, projeté par l’administration. Au point de vue scientifique, cet appareil peut être considéré comme une véritable machine à intégrer, car il réalise cinématiquement la solution du triangle rectangle1.
- 1 Communication faite à la Société d'encouragement.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissanmer.
- Imprimerie A. Lahure, rue de Fieurus, 9, à Paris.
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- N° 568. — 19 JUIN 1 880.
- LA NATUKE.
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- LENTILLE A FOYER VARIABLE
- DU DOCTEUR CUSCO
- L’œil, en tant qu’instrument optique, est un appareil convergent donnant sur une membrane sensible, la rétine, une image réelle des objets extérieurs. À cet égard, il ne diffère pas d'une chambre obscure, et la comparaison que l’on fait habituellement est suffisante tant que l’on s’en tient à une grossière approximation. Mais, en étudiant la question de plus près, on reconnaît une supériorité de l’organe naturel sur les instruments fabriqués par la main de l'homme : la chambre noire ne peut donner d’images nettes d’objets situés
- I à des distances différentes qu’à la condition de déplacer, entre certaines limites, la lentille ou objectif par rapport à l’écran où se produisent les images (ou inversement). Pour l’œil, l’image rétinienne reste nette et précise, malgré les variations de distances, au moins entre certaines limites également, sans qu’il y ait aucun changement dans la largeur du diamètre antéro-postérieur de l’œil. Cette propriété précieuse est due au cristallin, qui, sous certaines influences que nous n’avons pas à étudier ici, peut changer de forme et produit alors des déviations plus ou moins considérables des faisceaux lumineux.
- Les modifications éprouvées par le cristallin ont été observées et mesurées, et l’on sait d’une ma-
- Lcntille à distance focale variable du docteur Cusco.
- nière certaine que lorsque l’œil s'accommode, la lentille cristallinienne augmente d’épaisseur quelque peu, que les surfaces antérieure et postérieure augmentent de courbure, deviennent plus convexes, la variation étant faible pour la surface antérieure et beaucoup plus considérable pour la surface postérieure. Par suite de ces changements, la lentille devient plus convergente, ou, si l’on veut, sa distance focale diminue, c’est-à-dire encore que pour un objet placé en une position déterminée, l’image réelle formée par la lentille se rapproche de celle-ci.
- Jusqu’à présent on n’avait pas pu construire d’instruments susceptibles de varier de forme d’une manière continue, de façon à obtenir des distances focales variables; M. le docteur Cusco, chirurgien des hôpitaux, qui s’est beaucoup occupé d’ophthal-mologie, et qui l’un des premiers en France a introduit dans un service hospitalier les notions scien- j 8e année. — 2° semestre.
- tifiques qui s’y rapportent, s’est posé ce problème qu’il est parvenu à résoudre d’une manière simple et élégante. Son appareil est basé sur l’élasticité du verre et sur la propriété que possède cette substance de se déformer régulièrement lorsqu’elle subit une pression en un point, ou sur toute sa surface, la lame considérée s’appuyant sur un cadre rigide suivant une ligne déterminée.
- La lentille à distance focale variable1 est composée par un cadre cylindrique constituant une bague d’une certaine épaisseur, sur les deux bases de laquelle s’appliquent deux lames de verre serrées par un joint étanche, de manière à constituer une cavité close qui communique avec un pied formé d’une tige creuse ; la figure ci-dessus
- 1 Cette lentille a été construite par M. Laurent, sur les indications du docteur Cusco.
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- LA NATURE.
- représente deux lentilles semblables montées sur un même pied : nous en considérerons une seulement. Chaque lentille, d’ailleurs, porte un rrfbinet qui permet de l’isoler absolument. La lentille est alors remplie complètement d’un liquide transparent, de l’eau par exemple,'et, par l’intermédiaire du pied creux et d’un tube de caoutchouc, elle est mise en rapport avec un appareil quelconque destiné à comprimer l’eau, mais faiblement; on pourrait se contenter d’un réservoir rempli de liquide que l’on éléverait ou que l’on descendrait à volonté : il est plus commode de se servir d’une poire en caoutchouc. On peut alors combiner les deux actions, la compression directe, en agissant sur la poire, et celle que l’on peut, obtenir en déplaçant cette poire en hauteur.
- Si, de plus, on veut faire* quelques expériences précises, effectuer quelques mesures, il faut pouvoir mesurer la pression du liquide : on y arrive aisément en mettant, par une autre tubulure du pied, l’instrument en communication avec un manomètre à siphon, qui, suivant les cas, pourra être à eau ou à mercure.
- Ceci posé, il est jfacjle de se rendre compte du mode de fonctionnement de l’appareil : lorsque le manomètre sera au zéro, la pression du liquide de la lentille sera égale à la pression extérieure ; les lames de glace ne subissant aucune action, resteront planes, et l’on aura seulement une lame réfringente à faces parallèles, lame qui, comme on le sait, ne produira aucun changement sur le degré de convergence ou de divergence des faisceaux lumineux qui la traverseront. Si donc, à l’aide d’une autre, lentille, on a produit sur un écran l’image réelle d’un objet lumineux, on pourra interposer la lentille à foyer variable sans troubler la netteté de l’image. Mais si l’on vient à comprimer la poire de caoutchouc, la pression se transmettra à l’eau contenue dans la lentille et, sous l’influence de cette pression, les lames de verre se bomberont, transformant ainsi la lame à faces par allèles en une lentille biconvexe : on s’apercevra immédiatement de cet effet en disposant l’expérience précédemment indiquée, et observant que l’image obtenue sur l’écran a cessé d’être nette et que pour retrouver la netteté de cette image lumineuse il faut rapprocher l’écran, ce qui dénote une augmentation de la puissance convergente. La variation de cette puissance se fait d’ailleurs par degrés insensibles, et on la fait varier aussi lentement qu’on le veut en agissant progressivement sur la poire; on reconnaît même la sensibilité de l’instrument en observant que le déplacement vertical de la poire, déplacement qui correspond à une faible variation de pression, se traduit immédiatement par un changement dans la distance focale.
- On peut d’ailleurs compléter les expériences d’une manière qui, pour n’être pas imprévue, n’est pas moins intéressante : le manomètre étant ramené au zéro, c’est-à-dire les lames de verre étant rame-
- nées au parallélisme, abaissons la poire au-dessus du niveau qu’elle occupe et par conséquent produisons une dépression dans l’intérieur de l’appareil : dès lors la pression atmosphérique extérieure deviendra prépondérante et les lames seront refoulées à l’intérieur, présentant au dehors des surfaces concaves ; on aura alors produit une lentille divergente et on le vérifiera en remarquant que les images réelles obtenues par une autre lentille sont éloignées par l’interposition de l'appareil que l’on étudie.
- La lentille du docteur Uusco constitue donc un appareil qui, d’une manière continue, peut passer de l’état de lentille divergente à l’état de lentille convergente, en prenant intermédiairement la forme d'une lame à faces parallèles.
- Si l’on veut, utiliser cet appareil à des mesures, il faut le graduer, c’est-à-dire qu’il faut savoir dans quelles conditions il convient de se placer pour obtenir une lentille d’une puissance déterminée. La graduation doit être faite spécialement pour chaque modèle, car l’épaisseur du verre employé, sa nature, la manière même dont les lames sont encastrées, modifient l’action de la pression. 11 faut donc déterminer directement, soit la distance focale, soit la puissance évaluée en dioptries, qui correspond à une pression donnée évaluée au manomètre. C’est, cette détermination que représente la figure. Dans une chambre obscure, une lampe recouverte d’un manchon opaque percé d’une fente envoie un faisceau de lumière sur un écran en verre dépoli, sur lequel sont tracées dès figures quelconques, une ligne divisée en parties égales, par exemple. Un autre écran identique est mobile sur une planchette graduée, sur laquelle on place également la lunette à foyer variable. Gelle-ci étant au zéro du mano-nomètre, on lui adjoint une lentille de puissance connue qui donne une image réelle sur le second écran : on déplace alors la lentille et ce second écran de petites quantités, mais de manière que la lentille soit toujours au milieu de la distance qui sépare les deux écrans, et l’on fait varier peu à peu la pression jusqu’à ce que l’on ait sur le second écran une image réelle qui soit nette et égale à l’objet, ce dont on s’assure facilement à l’aide des divisions ; on sait alors que la distance des deux écrans est égale à quatre fois la distance focale. Celle-ci dépend à la fois et de la lentille à eau et de la lentille fixe qui lui a été adjointe ; mais comme on connaît à l’avance l'influence de celle-ci, on détermine facilement l’influence de la lentille à eau, sa puissance. On peut ainsi, de proche en proche, obtenir un tableau comprenant, pour l'appareil étudié, les distances focales correspondant à chaque pression.
- Nous n’avons pas la prétention d’indiquer tous les usages auxquels cet ingénieux appareil pourra être utilisé. Mais sans parler des applications que M. le docteur Cusco se propose d’obtenir par des modifications de l’instrument, nous signa-
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- levons quelques services qu’il peut rendre dans diverses circonstances. Dans les cours de physique pure, il permettra de faire mieux comprendre l’in-iluence des courbures des faces en les changeant d’une manière continue; on pourra montrer directement l’achromatisme d’une lentille donnée, aussi nettement qu’on met en évidence ordinairement l’achromatisme d’un prisme de verre par un prisme d’eau à angle variable. Dans les cours spéciaux, la théorie de la vision pourra être mieux expliquée en ce qui concerne l’accommodation, que la lentille variable permet de reproduire exactement ; on pourra montrer sur une grande échelle les images de Sanson et de Purkinje, dont l’étude sur l’œil a une si grande importance dans un grand nombre de cas, etc. D’autre part, et ce ne sera pas là sans doute le moindre intérêt de cet appareil, il permettra de faire des recherches précises sur l’accommodation ; il sera possible de déterminer sa puissance pour un œil donné, plus aisément qu’on ne le fait maintenant; mais surtout, il permettra d’évaluer la durée des phénomènes d’accommodation, ce dont on ne s’est guère préoccupé jusqu’à présent, ainsi que les variations de cette fonction. 11 y a là un champ nouveau ouvert aux chercheurs, et nous pensons que la lentille à loyer variable du docteur Cusco contribuera pour une part importante aux découvertes qui seront faites dans cette voie.
- G. M. Gariel.
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- LES TREMBLEMENTS DE TERRE
- ET LEUR ÉTUDE SCIENTIFIQUE 1
- Il y a longtemps qu’on se demande quelle est la cause des tremblements de terre. Souvent le problème a semblé résolu, souvent on a donné des théories plus ou moins ingénieuses et plus ou moins satisfaisantes pour l’époque; on a tenu les tremblements de terre pour l’effet des fluctuations des vapeurs, pour des tentatives d’éruptions volcaniques, pour des orages souterrains, pour des écroulements de cavités internes, pour l’effet des marées du noyau central de la terre, etc., etc. Ce n’est que récemment que l’on est arrivé à l’idée très juste que les tremblements de terre sont des manifestations de causes très diverses.
- Si nous voulons connaître la cause d’un tremblement de terre, il nous faut avant tout en déterminer le point de départ, ce que nous appellerons le foyer '1. Gela a été le travail des quinze dernières années île localiser le foyer de quelques tremblements de terre, leur position, leur profondeur et leurs rapports avec la structure locale des couches terrestres.
- 1 Suite. Yov. n° 564 du 22 mai 1880, p. 591.
- - La carte ci-coutrc (lig. 1) est reproduite d’après M. Élisée Reclus, au sujet du tremblement de terre du 14 septembre 1866. (Note de la Rédaction.)
- Jusqu’à présent trois méthodes ont été emplovécs pour arriver à cette détermination.
- 1° Détermination du foyer par l'étude de l'intensité des secousses. — Il est évident que l’intensité de la secousse est normalement plus forte près du foyer que plus loin. Mesurons l’intensité de la commotion à l’aide d’instruments appropriés, ou simplement réunissons les documents qui nous parlent des effets extérieurs des tremblements de terre, et nous arriverons à déterminer le point où la secousse a été la plus forte. Traçons par exemple sur une carte une ligne qui enceindra la surface sur laquelle les murs maçonnés ont été renversés ou fendus; une seconde ligne qui entourera la surface où des meubles ont été déplacés ; une troisième ligne enfin, celle où la secousse a simplement été perçue. Ou bien encore recherchons les points où-la secousse a présenté le caractère d’une commotion et ceux où l’on a parlé d’un mouvement ondulatoire. Ou bien encore réunissons les points où une, où deux, où trois secousses ont été distinguées. Toutes ces lignes entoureront d’une manière plus ou moins exacte le foyer du tremblement de terre et permettront de le localiser ; en outre, la forme même de ces lignes d’enceintes concentriques fera connaître la forme du foyer. Ajoutons, cette forme prouvera que rarement le foyer d’un tremblement de terre est un point unique ; le plus souvent c’est une ligne ou plutôt une surface. Ces lignes concentriques seront, cela va de soi, bien plus exactes, si, au lieu d’être tracées d’après des rapports peut-être insuffisants, elles ont pour base l’observation précise d’instruments comparables entre eux.
- -)o Détermination du foyer par V étude de la direction de la secousse. — La secousse se propage, à partir du foyer, dans une direction centrifuge dans tous les sens; il en résulte que, si dans quelques localités situées autour du foyer nous avons des observations un peu précises sur la direction de la secousse, nous n’avons qu’à porter ces directions sur une carte et le point de rencontre de ces lignes nous indiquera le foyer du tremblement de terre. L’application du procédé n’est cependant pas toujours aussi simple. Souvent on a de la peine à discerner si ce que l’on a senti est l’effet d’une vibration du sol par suite d’un choc qui s’est propagé centrifugément, ou bien si ce n’est pas le résultat d’un déplacement durable du sol sur lequel nous reposons. Si nous avons affaire à ce dernier cas, la direction de la secousse ne peut évidemment nous servir en rien pour déterminer le foyer du tremblement de terre. Aussi a-t-on reconnu que, dans cette méthode, il y a profit à n’employer que les directions observées assez loin du foyer, et non celles qui lui sont trop rapprochées. Une seconde difficulté de cette méthode, c’est que les observations faites dans les habitations sont souvent faussées par l’orientation des murs, qui peuvent modifier d’une manière sensible la direction de la secoussCi Du reste, nous n’arrivons le plus souvent
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- à déterminer que l’angle formé par la direction de la secousse avec la méridienne; quant à la question de savoir si le choc a eu lieu dans un sens ou dans l’autre, du N. E. au S. ()., par exemple, ou du S. 0. au N. E., elle est fort difficile à résoudre même si l’on a les indications d’instruments spéciaux ; on n’y arrive le plus souvent que par la comparaison des observations analogues, faites sur les différents districts de la surface ébranlée. En effet, ni l’étude de nos sensations, ni l’étude des tracés des instruments enregistreurs 11e peuvent nous dire si la commotion que nous ressentons est due à la mise subite en mouvement du sol, ou au retour subit au repos après un mouvement qui avait commencé progressivement; les deux phénomènes opposés produiraient sur nous et sur les instruments les mêmes impressions. Dans certains cas cette étude de la direction de la secousse a fourni des données précieuses pour la détermination du foyer et pour la constatation des déplacements consécutifs des couches du sol ; dans d’autres cas les résultats ont été purement négatifs. Dans un paragraphe suivant nous donnerons quelques détails sur l’étude de la direction de la secousse par les impressions de l’observateur et par les effets mécaniques du choc.
- 5° Détermination du foyer par l'étude du temps. — il est évident que, dans un tremblement de terre, l’ébranlement du sol commence dans le foyer même et qu’il se propage successivement à distance. Réunissons sur une carte, par des lignes, tous les points où le tremblement de terre a été perçu en même temps, ces lignes seront concentriques et permettront de déterminer le point et la forme du loyer de la secousse. Cette méthode est théoriquement la meilleure; mais en pratique elle est fort difficile à utiliser. En effet, même les pendules des stations télégraphiques, ce qu’il y a de mieux réglé dans l’ensemble du pays, ont à peine une exactitude de marche suffisante. La secousse du tremblement de terre se propage avec une vitesse de 400 à 500 mètres par seconde ; entre deux localités qui sont à 40 kilomètres de distance, la différence du
- temps, où la secousse est perçue, peut s'élever à environ une minute et demie. On voit par ce chiffre la difficulté d’une pareille étude et l’attention qui doit présider à sa mise en œuvre.
- La détermination de l’instant de la secousse a encore été utilisée de la manière suivante pour calculer la profondeur du foyer au-dessous de la surface du sol. Le moment où le tremblement de terre est perçu est d’autant plus retardé que le lieu d’observation est plus éloigné du foyer de la secousse; mais la valeur de ce retard, très faible pour les points qui sont situés directement ou presque directement au-dessus du foyer, augmente sensiblement à mesure (pic l’on s’éloigne du centre du tremblement de terre; ce retard finit à une certaine distance par être égal à la vitesse de transmission d’un ébranlement dans les couches de la terre. D’après cette donnée, dont il serait facile de démontrer la justesse, on arrive à calculer la profondeur du foyer de la secousse ; les chiffres, que l’on a obtenus jusqu’à présent par des calculs de cet ordre, indiquent une profondeur de 7000 à 55 000 mètres. Mais ces calculs sont encore sujets à de graves erreurs. Ils sont en particulier basés sur la supposition (pie le foyer est un point unique, tandis qu’il a souvent une très grande étendue, qu’il est même souvent développé suivant une surface fortement inclinée; ces calculs supposent aussi que la vitesse de transmission de la secousse est la même à toutes les profondeurs et dans toutes les ro-1 ches, ce qui n’est pas exact. D’autres auteurs ont 1 essayé de déterminer la profondeur du foyer en 1 étudiant la direction des fissures ou lézardes dessinées sur des murs verticaux. Pour ce qui me con-! cerne, je suis convaincu que les foyers de tremble-| ment de terre sont en général situés à une profondeur I beaucoup moindre que celles (pie nous venons de citer. Je me fonde sur le fait que les couches profondes sont trop ductiles par suite de la pression qu’elles ont à supporter, pour pouvoir subir les ruptures violentes qui causent les tremblements de terre; les couches superficielles seules sont assez
- Fig. 1. Carte du tremblement de terre du 14 septcmbre'M8(}6, ressentiidans une grande partie de la France.
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- fragiles et assez cassantes. C’est là qu’il faut chercher l’explication du fait que les tremblements de terre sont en général très faibles dans la profondeur des puits de mines.
- Les quelques essais de détermination du foyer des tremblements de terre, que l’on a tentés jusqu’à présent en Italie et dans les Alpes, ont une grande valeur pour la recherche des causes du phénomène. U a été démontré premièrement, que les foyers se rencontrent constamment dans des régions où les couches du sol sont disloquées et qu’ils coïncident avec des lignes de dislocation, c’est-à-dire avec des lignes suivant lesquelles la croûte terrestre avait été, déjà aupara -vant, rompue et déplacée. En second lieu on a reconnu (pie si, dans une même région,
- rie de tremblements de terre se succèdent, le foyer des secousses se déplace progressivement et qu’il avance en suivant la ligne de dislocation.
- Tantôt cette ligne de dislocation est une ligne de plissement , c’est-à-dire qu’elle est parallèle à la chaîne des montagnes; dans ce cas la surface ébranlée est une zone qui longe la chaîne, et les foyers des tremblements de terre successifs avancent parallèlement à celle-ci. Tantôt la ligne de dislocation traverse directement les chaînes des montagnes ; cela a lieu lorsque les couches ont été déplacées horizontalement et (pie les couches et même les chaînes rompues ne coïncident plus ensemble. Dans ce cas, l’aire ou les aires successives des tremblements de terre coupent transversalement les chaînes de montagnes. Les premiers sont
- les tremblements de terre longitudinaux; ces derniers sont les transversaux. Les observations modernes semblent donc avoir prouvé des relations entre les tremblements de terre et certaines dislocations et certains plissements des couches terrestres, dislocations et plissements qui sont les causes de la formation (les chaînes de montagnes. -Un fait qui vient à l'appui de ces vues, c’est la fréquence plus grande des tremblements de terre
- dans les régions du globe où les montagnes sont de toute nouvelle formation ; c’est ainsi que, sur quelques - unes des côtes qui sont les plus affligées par les tremblements de terre , nous constatons des soulèvements saccadés et successifs, dont la valeur totale est parfois très importante. C’est ainsi encore, que parfois à la suite de violents tremblements de terre on a reconnu l’ouverture de fissures parallèles aux chaînes des montagnes ; on a même vu des déplacements, ou verticaux, ou horizontaux, dans les couches des deux côtés de ces lignes de fissures (Polistena et
- Catanzaro en Calabre).
- En réunissant toutes ces observations, nous arrivons à conclure avec une grande probabilité que le tremblement de terre est un des phénomènes de la formation des montagnes; il se développe dans la croûte terrestre des tensions qui amènent des ruptures violentes, des déplacements, des glissements et comme conséquence de ces mouvements un ébranlement du sol perceptible à une plus ou moins grande distance. J’ajouterai que d’autres faits nous prouvent le développement progressif,
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- lent, mais souvent saccadé des fentes et dislocations de la croûte terrestre ; ce sont par exemple la structure des fdons métalliques, la valeur relative du déplacement des couches plus anciennes et plus modernes des deux côtés d’une ligne de dislocation, la valeur relative du déplacement, dans la môme fissure ou dans différentes tissures de la même montagne, etc. L’apparition de nouvelles secousses le lonc d’une ancienne lisme de dislocation est un signe d’un développement ultérieur de celle-ci.
- La circonférence de la terre a été autrefois plus considérable qu’à présent (environ de un pour cent, Ileim) ; cela ressort d’une manière évidente de la structure des chaînes de montagnes. La couche extérieure du globe a dû s’affaisser à mesure que le noyau se rétrécissait; il en est résulté une compression latérale qui a déterminé successivement tous ces plissements et tous ces déplacements gigantesques, que nous constatons dans la croûte terrestre. L’existence actuelle des tremblements de terre nous prouve que le travail de rétrécissement de la croûte terrestre se poursuit lentement et constamment, et qu’il occasionne encore continuellement des éboulements, des glissements et des ébranlements dans les couches profondes.
- Telles sont les conclusions auxquelles sont arrivés la plupart des géologues qui ont travaillé la question des tremblements de terre pendant les dix dernières années. Cependant les preuves à l’appui de ces points de vue ne sont pas encore assez décisives pour que l’on ait mis définitivement de côté les anciennes théories, quelque extrêmes que soient certaines d’entre elles. On est encore loin d’être au clair et d’accord sur tous les points. Gardons-nous donc de généraliser trop hâtivement et trop hardiment! Le nombre des tremblements de terre suffisamment étudiés est encore trop restreint. Tou--tefois en résumant aussi prudemment que possible l’état actuel de nos connaissances sur la question, nous admettrons que les tremblements de terre n’ont pas tous la même origine et qu’il y a lieu de distinguer.
- 1° Les tremblements de terre volcaniques qui précèdent les éruptions des volcans; leur centre c’est le volcan ; ils sont causés par l’effort graduel des masses de l’éruption et spécialement des vapeurs qui s’échappent de la lave en ébulition. Ces tremblements de terre ne se font pas sentir à de grandes distances.
- 2° Les tremblements de terre d'effondrement, causés par l’écroulement de cavernes souterraines ; ces secousses sont peu violentes et purement locales.
- o° Les tremblements de terre de dislocation, dont nous venons d’exposer le mécanisme ; ce sont les plus nombreux et à cette classe appartiennent la grande majorité de ceux qu’on ressent dans nos contrées.
- Les marées d’un noyau liquide au centre de la terre peuvent peut-être avoir une influence sur le
- moment de l’apparition des tremblements de terre, surtout dans les régions équatoriales; mais elles ne sauraient être la cause première et déterminante des tremblements de terre, comme plusieurs le croient sans preuves suffisantes. Ce n’est qu’après l’établissement d’une statistique très complète et très parfaite des tremblements de terre que l’on pourra juger de l’effet sur ce phénomène, de la position de la terre, de la pression barométrique, des saisons, etc.
- En somme, nous pouvons dire que nous avons un aperçu de la théorie des tremblements de terre, mais toutes les conclusions demandent une vérification. 11 est par suite essentiel avant tout de déterminer avec précision le plus grand nombre possible de foyers de tremblements de terre, et en second lieu d’établir une statistique aussi exacte que possible de cet ordre de faits naturels.
- En outre des connaissances déjà acquises sur le phénomène, il y a une foule de nouvelles questions qui se posent et qui se développent à mesure que l’étude est plus avancée ; j’en citerai comme exemple quelques-unes : a Nous ne sommes pas en état de comprendre et d’expliquer la nature du mouvement du sol pendant un tremblement de terre très violent. Ce mouvement se présente à nous comme celui d’un liquide en ébullition, comme de violents coups frappés par en bas, etc. b La théorie exige pour chaque tremblement de terre de dislocation qu’il y ait un déplacement réel des couches terrestres; ce déplacement peut-il être constaté et mesuré directement? c Ce n’est que dans des cas exceptionnels que nous arrivons à distinguer les points où il y eu déplacement durable des couches terrestres, et ceux où il y a eu simplement transmission d’un ébranlement; cette distinction devrait cependant toujours être faite et la limite de chaque espèce de mouvement être tracée exactement. Cela ne sera possible que par l’emploi d’instruments bien appopriés ; peut-être cependant y arriverait-on par une critique intelligente des rapports et des observations recueillis sur la région ébranlée, d Comment distinguer les différentes classes de tremblements de terre par la nature du mouvement? e N’y a-t-il pas d’autres méthodes que celles que nous avons citées pour la détermination exacte du foyer de la secousse et spécialement de la profondeur de ce foyer, etc. etc. ?
- 11 reste encore, comme on le voit, un vaste champ ouvert à l’observation et à la théorie; ces deux modes d’investigation devant toujours s’appuyer l’un l’autre et se féconder mutuellement.
- Il est évident que plusieurs de ces problèmes ne pourront être résolus que par des spécialistes et par les études prolongées d’hommes du métier ; mais à côté de ces travaux nous avons besoin que l’on recueille le plus grand nombre possible d’observations prises dans tous les recoins des districts ébranlés. C’est pour cette partie de la tâche que nous nous adressons à tous les amis de la science, et c’est
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- LA NA T URL.
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- pur leur concours que nous arriverons à la solution de ces difficiles questions. Le chapitre suivant leur indiquera de quelle manière ils pourront four nir l’assistance demandée.
- Albert ÏIeim,
- Professeur à Zurich.
- — La suite prochainement. —
- LA. NOUVELLE BOUGIE ÉLECTRIQUE
- ITE M. JAMIN
- Un appareil, si simple qu’il soit, n’arrive pas toujours immédiatement dans la pratique ; nous n’en prendrons pour preuve que le dernier modèle de la bougie Jamin. Nous en parlerons aujourd’hui à nos lecteurs pour compléter l'historique d’un appareil qui, après un an d’études et de perfectionnements, ne répond pas encore, il faut bien l’avouer, aux espérances qu’il avait fait naître. Nul cependant n’était mieux préparé à ces travaux que M. Jamin ; par sa haute position scientifique et les travaux qu’il avait pu suivre de près, en qualité d’ingénieur-conseil de la Société Jablochkoff, le savant académicien possédait à fond cette partie si intéressante de la science électrique.
- La première bougie de M. Jamin, présentée à l’Académie des sciences le 28 avril 1879, a été décrite dans le numéro de la Nature du 10 mai de la même année. Dans une lettre adressée à notre directeur et publiée dans le numéro du 20 septembre 1879, M. Jamin a décrit un second système, déjà très différent du premier. Enfin, l’appareil présenté à l’Académie le 51 mai 1880 et expérimenté le 3 juin dans le laboratoire de la Compagnie générale d’éclairage électrique, est un troisième modèle de la lampe Jamin, qui, tout en constituant un progrès sensible sur l’appareil primitif, ne répond cependant que très médiocrement aux séduisantes promesses du programme.
- Nos lecteurs sont assez familiarisés avec les différents procédés d’éclairage électrique pour comprendre sans figure en quoi consistent les perfectionnements nouveaux de l’appareil.
- La nouvelle bougie Jamin se compose d’un cadre directeur formé de quarante spires de fil de cuivre isolé, à l’intérieur duquel sont placées trois bougies de 55 centimètres de longueur environ et devant fournir, par leur allumage successif, un éclairage total de six heures. Ces trois bougies, formées chacune de deux charbons de 4 millimètres de diamètre, sont disposées parallèlement, et la tête en bas, dans le plan du cadre directeur : les charbons de. gauche de chaque bougie sont immobiles, les charbons de droite sont fixés sur un support mobile. Au repos, ils sont légèrement inclinés sur les charbons fixes et les touchent par leurs pointes. La partie supérieure du cadre directeur est embrassée par une lame de fer doux recourbée en U ; le passage du courant la transforme en électro-aimant, elle attire une palette qui, par une combinaison de leviers, fait basculer légèrement les trois charbons de droite fixés sur le même support. Le courant traverse le cadre directeur, les bougies fixes, les extrémités en contact, les bougies mobiles, et retourne à la machine ou à la lampe suivante.
- Au moment de l’allumage, le courant passe par les trois bougies à la fois, mais il n’en allume qu’une seule, la moins résistante ; l’électro-aimant produit l’écart
- voulu et maintient les bougies parallèlement. Si le courant cesse de passer, l’électro-aimant devient inerte, lâche son armature ; les bougies mobiles s’inclinent, viennent toucher les bougies fixes et l’appareil est prêt pour un nouveau rallumage.
- Lorsqu’une des bougies est usée, l’arc voltaïque brûle un petit crochet de laiton qui maintenait en place le charbon mobile : ce charbon, sollicité par un ressort, oscille autour d’un axe horizontal placé à l’extrémité du support ; l’éloignement du charbon mobile éteint l’arc, l’électro aimant devient inerte, les bougies restant se remettent en contact, et il se produit l’allumage automatique d’une autre bougie.
- Quand toutes les bougies sont brûlées ou qu’il survient un accident à l’une des lampes, un appareil que M. Jamin ne décrit pas, et qu’il nous a été impossible de voir, permet de supprimer la lampe malade ou usée et de la remplacer par une résistance égale. C’est un parachute ou appareil de sûreté.
- Nous cherchons en vain les nouveautés de cette lampe, sous réserve du cadre directeur, dont nous parlerons tout à l’heure.
- MM. Wilde et Rapieff ont fait, bien avant M. Jamin, une bougie à allumage et rallumage automatique. On trouvera une description complète de la bougie Wilde dans le numéro de la Nature du 9 août 1879, et en les comparant, il sera facile de constater l’identité des deux procédés. Nous avons vu fonctionner la bougie Wilde à Londres, au moment même où nous l’avons décrite, tête en bas, comme la bougie Jamin. Le fonctionnement en était aussi bon, mais les charbons s’usaient seulement un peu plus vite que dans la position normale, tête en l’air. A ce moment, sur la foi des comptes rendus, nous avions indiqué l’alliance possible du cadre directeur de la bougie Jamin et de l’allumage automatique de M. Wilde, mais les expériences du 5 juin nous ont convaincu de l’inutilité du cadre directeur, qui constitue la seule nouveauté, la seule personnalité de la bougie Jamin.
- En admettant même que le cadre directeur maintienne l’arc aux pointes au lieu de le laisser se produire entre les pointes mêmes, cet avantage est plus que compensé par l’effet, disgracieux qu’il produit et la bande d’ombre qu’il projette tout autour de lui; l’avantage de brûler tète en bas disparaît donc en partie, puisque le point lumineux n’est, pas complètement dégagé : ce cadre, directeur introduit aussi dans le circuit une résistance électrique trop importante pour être sans influence sur le rendement.
- Le parachute a déjà été réalisé, dès 1878, par M. Rapieff, sous le nom de safety-apparatus; par M. Siemens, vers la même époque, et plus récemment par M.Reynier, pour ses lampes à incandescence.
- Le système du petit crochet de laiton brûlé par l’arc a déjà été essayé sans succès et ne donnera pas, dans la pratique, les résultats qu’on en attend. En effet, si l’on veut faire avec cet appareil un éclairage des rues, le mécanisme, même très simplifié, serait encore trop compliqué et trop délicat. L’ajustage de ces petits crochets, qui doit se faire sur place, au haut d’un candélabre, constitue une difficulté sérieuse; le parallélismé des charbons dépend de cet ajustage, qui doit être assez précis.
- Si on veut appliquer l’appareil à l’éclairage domestique, laissons la parole à M. Jamin, qui signalera lui-même, mieux que nous ne saurions le faire, l’inconvénient de son procédé :
- « ... C’est ce charbon désagrégé, repoussé par le cir-
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- cuit directeur, qui prend feu dans l’air et produit la flamme. J’ajouterai que, dans ce cas, la répulsion exercée périodiquement sur la flamme, renforce le son de la machine jusqu’à rendre gênant le brûleur dans un appartement : mais c’est le vrai brûleur des rues, où le bruit n’a pas d’inconvénients. »
- Les expériences du 3 juin ne nous ont pas permis de connaître exactement l’intensité du bruit émis par les lampes, car le ronflement des machines, tournant à des vitesses exagérées, ne permettait que très difficilement de s’entendre. L’appareil banni des rues par sa délicatesse, banni des appartements par son bruit, n’a plus, à notre point de vue, qu’un champ d’applications bien restreint.
- La tension excessive des courants n’est pas non plus un petit inconvénient. Les courants de haute tension présentent des difficultés très grandes pour l’isolement des fils, et constituent une source permanente de danger. 11 y a déjà eu deux hommes tués par des courants de tension moindre, et nous ne saurions trop protester contre cette tendance de nature à enlever à l’électricité une de ses qualités les plus précieuses, Y absence complète de danger.d'est grâce à ces tensions'excessives, et, nous le répétons, inadmissibles en pratique, que l’on a pu obtenir, dans une expérience de laboratoire, un éclairage à grande distance par des fils de faible section. Cette énorme tension a été obtenue en forçant la vitesse et la puissance normales des machines. Malgré tout, les résultats n’ont pas été conformes au programme. Les lampes annoncées comme devant fournir cinquante becs Carcel en ont donné vingt-cinq au plus, à la condition de ne pas se placer dans le plan du cadre directeur.
- Les expériences n’ont duré chacune que quelques minutes ; la crainte de chauffer démesurément les machines devait bien être pour quelque chose dans la courte durée de ces expériences.
- En résumé, la victoire de la Compagnie générale d’éclairage électrique n’est qu’apparente, et les expériences du 3 juin, faites beaucoup plus en vue d’éblouir que d’éclairer, n’ont rien prouvé et rien appris.
- La lumière électrique a remporté assez de succès depuis quelques années pour que nous reconnaissions sans peine un insuccès, suivi bientôt, nous l’espérons du moins, d’une revanche éclatante. Si les trois premières lampes de M. Jamin n’ont pas fourni jusqu’ici les résultats qu’on en pouvait attendre, elles ont du moins préparé le terrain pour de nouvelles recherches et de nouveaux progrès : nous serons les premiers à les reconnaître et à les enregistrer.
- E. Hospitalier.
- L'ARCHITECTURE DES OISEAUX1
- LE NID DE L’OXYPOGON DE GUÉRIN
- Lorsque je commençais à m’occuper d’histoire naturelle, je supposais que tous les Oiseaux-Mouches étaient dignes de leur nom ; je voyais ces mignonnes créatures, à peine plus grosses que nos mouches bleues, nos volucelles et nos éristales, tournoyer d’un vol rapide et bourdonnant autour des fleurs éclatantes, pénétrer dans les corolles profondes et s’enivrer du nectar parfumé. Mais depuis lors mes idées à cet égard se sont bien modifiées ;
- * Voy. Table des matières du volume précédent.
- en examinant les magnifiques collections conservées dans nos établissements publics, j’ai reconnu que cette famille des Trocbilidés, si richement dotée par la nature, renfermait des espèces surpassant en grandeur le roitelet et le troglodyte et comparables aux fauvettes de nos jardins; en lisant les récits des voyageurs, j’ai appris que les Oiseaux-Mouches ne se nourrissent pas, comme les dieux, de nectar et d’ambroisie, mais qu’ils dévorent de menus insectes ; qu’ils n’habitent pas tous les forêts tropicales, mais que certains d’entre eux s’avancent jusqu’en Californie ou remontent dans les Andes du Pérou et de la Colombie jusqu’à la limite des neiges perpétuelles.
- Parmi ces habitantsdes régions alpines du Nouveau Monde, se trouvent précisément les dqux Colibris que M. Giacomelli a pris pour modèles. Comme on peut en juger par la figure ci-jointe, ces oiseaux, qui sont représentés de grandeur naturelle, n’ont pas, à beaucoup près, des formes aussi délicates que la plupart des Trocbilidés; leur tête paraît même assez grosse et quelque peu enfoncée dans les épaules, mais cela tient principalement au développement des plumes, qui, en dessus, constituent une huppe dépassant l’occiput et qui au-dessous du bec s’allongent considérablement et descendent jusque sur la poitrine. Cette coiffure bizarre, ces longs cheveux fièrement rejetés en arrière et cette barbiche pointue donnent à ces Colibris une physionomie méphistophélique et leur ont valu, de la part des naturalistes, le nom assez peu harmonieux d’Oxypogon1. 11 y a deux espèces d’Oxypogons : l’Oxypogon de Guérin {Ox. Guerini), qui a pour patrie la Nouvelle-Grenade, et l’Oxvpogon de Linden {Ox. Limlnï), qui habite le Vénézuéla. Ces deux espèces se ressemblent singulièrement du reste par le port, par les allures et par la livrée dont elles sont revêtues; toutes deux ont les ailes longues, la queue ample et légèrement fourchue, les pattes dénudées dans toute leur portion inférieure, le bec plus court que la tète, absolument rectiligne et pointu comme une alêne : toutes deux sont coiffées de la même façon et portent un habit d’un vert bronzé; mais l’Oxypogon de Guérin, celui qui a été dessiné par M. Giacomelli, a les côtés de la tète d’un brun velouté tirant au noir, le milieu de la huppe marqué d’une bande étroite d’un blanc jaunâtre, qui se partage en deux dans la région frontale, la barbiche formée partie de plumes blanches et partie de plumes d'un vert émeraude, à reflets métalliques, les pennes caudales ornées d’une raie blanche le long de leur tige, tandis que l’Oxv-pogon de Linden a les joues et les tempes d’un noir plus franc, la raie sur le sommet de la tète et la barbiche d’un blanc pur, les pennes caudales d’une teinte uniforme, que l’on peut comparer à la couleur du bronze florentin.
- C’est en 1842 que M. Linden a découvert l’espèce
- * De pointu, et ttw/ov, barbe.
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- Nid de l’Oxypogon de Guérin (Oxypogon Guenm), grandeur naturelle. — Composition inédite de Giaeomelli
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- IjA NATIJBE.
- qui porte son nom, dans la Sierra Nevada de Me-rida, sur les crêtes des Cordillères orientales de la Colombie, à 12 ou 15 000 pieds au-dessus du niveau de la mer. Depuis lors Y Oxypogon Lindeni a été retrouvé par plusieurs voyageurs et entre autres par MM. Frank et Schlim et par M. Gœring, dans ces vastes solitudes qu’on appelle les paramos de la Sierra. Surplombant des vallées fertiles où croissent les bananiers, les quinquinas et les passiflores, ces paramos présentent un aspect désolé. Leur sol crevassé nourrit à peine une végétation rabougrie ; le tapis émaillé de fleurs qui recouvrait les pentes • de la montagne, jusqu’à 2 ou 3000 mètres d’altitude, est ici remplacé par de rares graminées, des avoines, des agrostides, au milieu desquels s’élèvent quelques arbustes au tronc charbonneux, aux feuilles coriaces et luisantes. Ces arbustes, ce sont des Myrtes, des Lauriers, des Espeletias arborescentes et des Béjarias, dont les fleurs roses attirent de menus insectes. Doués d’une constitution robuste, les Oxypogons supportent aisément les rigueurs d’un climat glacé, mais au contact de cette rude nature, leur humeur paraît s’être assombrie; ils n’ont pas la gaieté pétulante, les bourdonnements joyeux de leurs frères de la plaine; leur vol rapide n’est jamais de longue durée, et quand ils se tiennent perchés sur une branche ou lorsqu’ils prennent leur essor, ils font entendre fréquemment un petit cri plaintif
- L’Oxypogon de Guérin vit à la Nouvelle-Grenade dans des conditions exactement semblables. Il construit son nid à l’enfourchure d’une branche et lui donne la forme d’une coupe » dont les parois sont formées de mousses et de lichens artistement entrelacés.
- E. OuSTAI.ET.
- MISSIONS SCIENTIFIQUES FRANÇAISES
- A SUMATRA (
- Les cartes les plus récentes de la grande île de Sumatra présentent dans les régions centrales des surfaces considérables absolument inconnues. Le pays des fameux Battas n’est que bien incomplètement exploré, et entre ses limites septentrionales et le Craton d’Atchin, dont la conquête hollandaise vient de forcer les portes, les noms d'Alas et de Oïdou Gayo étaient jusqu’à ces derniers temps les seuls que les géographes aient inscrits dans un vaste espace vide.
- La destruction de l’empire d’Atchin, ou plutôt Atjeh, ayant placé, en 1874, sous la domination néerlandaise les côtes toutes entières de Sumatra, l’accès des régions inconnues de l’intérieur est devenu relativement plus facile. Aussi les expéditions se sont-elles multipliées, et la géographie des logions centrales de l’île a-t-elle fait de notables progrès dans ces dernières années.
- Nous avons vu successivement Schouw-Santvoort,
- enlevé depuis-lors à ses études par une mort presque subite, passer de Padang à Djambi et terminer par le Palembang sa brillante traversée de l’île; MM. Veth, Snelleman et Yan Hasselt parcourir les districts du Padang supérieur, etc., etc.
- Nos compatriotes, établis provisoirement à Delli, sur la côte nord-est, dans un but de colonisation, n’ont point tardé à prendre une part active à cette lutte contre l’inconnu, et les Sociétés françaises de géographie ont tour à tour applaudi, en 1878 et 1879, aux succès de M. le docteur Bück et de M. l’ingénieur Wallon. Le premier de ces explorateurs avait pénétré de Delli au lac Tobah, dont il faisait connaître en partie l’hydrographie, jusqu’alors assez mal comprise ; le second recueillait des renseignements positifs sur un autre lac bien plus important, appelé Poutchout-Laout (la mer de Poutchout), et sur le peuple sauvage des Gayoes ou Gaious, qui en habite les rives. Une carte à grande échelle, impriméd l’an dernier dans les Annales de l'Extrême Orient, résumait les découvertes de M. Wallon.
- Encouragé par les résultats de son premier voyage à Sumatra, cet ingénieur solliqita du ministère de l’instruction publique une mission qui lui fut accordée vers la lin de l’année dernière. Il s’embarquait le 20 novembre à bord; de Y Annamite, gagnait Singapour, Batavia et Atjeh ou Atehin, et muni de toutes les ressources nécessaires, se rendait à Ana-laboe, sur la côte orientale, pour aborder de là la région des lacs inconnus.
- Le télégraphe est venu nous apprendre, il y a quelques semaines, la mort tragique du courageux voyageur, et une lettre que nous venons de recevoir d’Atjeh en donne un récit circonstancié.
- Cette lettre, dont nous reproduisons les principaux passages, émane d’un ingénieur civil, M. de la Croix, élève du-Muséum de Paris, chargé lui aussi d’une mission scientifique à Sumatra ; elle est datée d’Atjeh, 2 avril 1880.
- « A notre; arrivée ici, dit M. de la Croix, nous avons reçu la triste nouvelle de la mort de Wallon et Guillaume, missionnaires à Sumatra comme nous. Ils ont été assassinés par les indigènes près d’Ana-lahoe, à t peu de distance d’ici. Leur compagnon (M. Courret) avait été retenu, heureusement pour lui, par une indisposition, et était resté à Analaboe. Il est encore difficile de savoir comment les choses sç^ont passées. Voici ice que nous a raconté une personne qui arrive à l’instant de ces parages et qui a vu le survivant de cette triste expédition.
- .«.Ces messieurs avaient formé le projet d’explorer la région de Vaïla (Huela), au nord d’Analaboe. Le résident hollandais de cette dernière localité et plusieurs rajahs indigènes avaient fait leur possible pour les en dissuader, en leur exposant le danger qu’il y avait à circuler dans un pays peu soumis encore et gouverné par un rajah ennemi des Européens. Ce rajah, très superstitieux comme tous les Atchinois, se figure que les Européens jettent des
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- LA NATURE.
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- sorts (ontongs) sur le pays au moyen de leurs instruments, lunettes, etc. Malgré ces représentations très sages, Wallon et Guillaume partirent avec un guide, laissant derrière eux leur compagnon malade. Ils louèrent un sampang et remontèrent la rivière sur laquelle se trouve précisément le village du rajah dont ils devaient se défier. Arrivé près du Kampong, le guide alla prévenir de l’arrivée des deux voyageurs irançais et demander l’hospitalité pour eux. Mais le rajah entra dans une violente lureur et s’écria : « Je ne veux pas recevoir ces gens-la. Qu’ils soient Français ou Hollandais, ces Européens viennent ici jeter des ontongs sur le pays, les hommes et les animaux. Je n’en veux plus! je
- n’en veux plus!.....» Et aussitôt descendant à la
- rivière, il massacra les deux infortunés.
- « C’est tout ce que l’on sait jusqu’à présent de cet événement déplorable. Le général a déjà envové quelqu’un pour faire une enquête et réclamer les corps et les bagages des voyageurs. Il doit lui-même partir dans deux jours (4 avril), à la tête de cinq cents hommes, pour faire bonne justice de ces misérables. Il nous a fort gracieusement accordé l’autorisation de l’accompagner dans son expédition. C’est une bonne fortune pour nous, car il est très difficile, sinon impossible, de circuler sans escorte dans tout ce pays, et nous sommes sûrs d’en rapporter, dans les conditions où nous allons nous trouver, des choses intéressantes. »
- La région où MM. de la Croix et de Saint-Pol-Lias vont pénétrer, à la suite des troupes hollandaises, est presque complètement inconnue. Plusieurs rivières importantes la sillonnent : la Pangha, le Tenom, la Iluela et l’Analaboe ; ces dernières paraissent devoir verser dans l’océan Indien le trop plein des eaux de la mer intérieure signalée par Wallon. L’Analaboe passerait, à quelque distance de sa sortie du Poutchout-Laout, au voisinage de grottes immenses , dont l’exploration ne saurait manquer d’offrir un grand intérêt,. Les forêts vierges qui couvrent toute la région au nord-ouest du lac abritent une faune des plus riches, enfin les Orangs Gayoes, qui en peuplent les rivages, sont une des populations les plus curieuses qu’il soit donné à l’ethnologiste d’observer.
- Espérons que nos voyageurs, plus heureux que leurs infortunés devanciers, pourront se maintenir assez longtemps au milieu de cette contrée, vierge de toute exploration scientifique, pour nous en rapporter des documents qui viennent combler la lacune la plus importante que présente aujourd’hui l’histoire naturelle de l’archipel Indien.
- E. T. Hamy.
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- SOCIÉTÉS SAVANTES
- Société chimique de Paris. — Séance du 28 mai 1880. — Présidence de M. Friedel. — M. Gauthier entretient la Société de ses recherches sur
- les isomères de la phloroglucine.— M. Bourgoin indique un procédé de préparation de l’acide malonique donnant de très bons rendements. — M.le Dr Tiercelin décrit les nouvelles méthodes et les appareils dont il se sert pour la combustion des fucus en vue de l’extraction de l’iode. — M. Gri-maux rend compte, en son nom et en celui de M. Adam, des recherches qui les ont amenés à la synthèse de l’acide citrique. — M. foison, en collaboration avec M. Guéret, fait connaître un procédé de fabrication de l’acide phos-phorique devant servir à enrichir les hyperphosphates, procédé dans lequel on dissout les phosphates dans l’acide chlorhydrique.— M. Francesco Mauro annonce qu’il s’occupe de l’étude des boromolybdates, analogues aux boro-tungstates de M. Klein. — M. Chastaing a étudié les combinaisons de. l’uranium avec les pyrophosphates et les métaphosphates alcalins. — M. Esbach envoie deux mémoires, le premier intitulé : Urée, sucre et hypobromite de soude ; le second : Dosage du sucre contenu dans le lait.
- LES PROGRÈS
- DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, A PARIS
- 11 y a quelques mois, à propos des agrandissements prochains de la Bibliothèque nationale, qui sera bientôt, nous l’espérons, isolée et mise à l’abri des dangers de voisinage dont elle est constamment menacée, nous avons dressé le tableau de ses divers services1; nous avons montré la rapidité de leur développement et les nécessités nouvelles auxquelles
- ANNÉES SALLE DE Lecteurs. TRAVAIL Volumes communiqués. SALLE P Lecteurs. ÜBLIQUE Volumes communiques.
- 1868 23.675 77.713 16.890 33.940
- 1869 46.536 171.712 54.472 57.583
- 1870 50 077 109.333 27.570 48.284
- 1871 20.143 68.664 24.235 41.001
- 1872 59.303 142.475 35.538 55.041
- 1875 44.391) 161.677 48.165 76.139
- 1874 49.804 171.850 52.708 83.452
- 1875 51.564 187.165 51.000 80.227
- 1876 53.256 174.707 53.181 79.674
- 1877 55.464 186.947 58.877 89.108
- 1878 54.008 185.966 58.961 88.155
- 1879 65.391 221.840 61.380 88.169
- Statistique du département des Imprimés, de 1868 à 1879.
- se trouve obligée de pourvoir l’Administration de ce riche dépôt.
- Mais la Bibliothèque nationale, on le sait, n’est pas seulement un dépôt; ses collections n’ont pas seulement pour but l’accumulation et la conservation des millions de volumes imprimés, de manuscrits, de cartes et plans, d’estampes, de monnaies, médailles, pierres gravées, antiques, etc., légués par le passé et sans cesse augmentés d’acquisitions nouvelles, de dons, etc., etc.
- 1 Voy. la Nature du 25 octobre 1879, p. 329 : Les Agrandissements de la Bibliothèque nationale, à Paris.
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- LA NATURE.
- Tous ces matériaux divers doivent être mis libéralement à la disposition des hommes d’étude ou même, parfois, des simples curieux. Chacun des départements comporte une salle de travail où sont communiqués, dans certaines conditions, variables selon leur nature, les documents dont est formé chaque fonds.
- Le public qui fiéquente ces salles diffère, nécessairement, et comme composition et comme nombre.
- Tandis que le Cabinet des Médailles et Antiques ne reçoit chaque jour que quelques travailleurs à peine, quelques érudits seulement, deux, trois, rarement plus, en moyenne, les Estampes ont à satisfaire déjà une clientèle un peu plus nombreuse, quinze ou vingt personnes par jour, artistes peintres, graveurs, dessinateurs indus -triels, historiens, acteurs ou auteurs dramatiques, à la recherche de portraits et de costumes, architectes et meme modistes ou couturières, en quête de combinaisons nouvelles, habiles à imaginer du neuf en étudiant le passé.
- La Section géographique, avec son installation incommode, depuis tant d’années provisoire , accueille peut-être,chaque jour, une moyenne de six à huit ou dix personnes ; aucune d’elles n’oublie l’inépuisable obligeance et l’empressement que mettent à faciliter les recherches des travailleurs, l’excellent bibliothécaire, M. E. Cor-tambert, aidé depuis longtemps de deux collaborateurs instruits et dévoués, MM. Richard Cortam-bert et Marchais.
- Voisin de cette section, le département des Manuscrits a vu, depuis quelques années surtout, sa salle d’étude devenir un peu exiguè pour le nombre croissant de travailleurs qui la fréquentent. D’abord, en effet, les historiens et même les écrivains simplement littéraires ont recours de plus en plus aux source^ originales, aux recueils de pièces manuscrites; en outre, on voit encore le département fournir de précieux documents aux artistes, et mettre libéralement à la disposition des dessinateurs et des peintres les merveilleuses minia-
- tures et les splendides enluminures du moyen
- âge- _
- Dirigé par un homme d’une vaste et solide érudition, M. Michelant, le département des Manuscrits est divisé, par langue, en un certain nombre de fonds, comportant au total environ 100 000 volumes ou recueils.
- Mais c’est le département des Imprimés qui forme la section de beaucoup la plus importante de la Bibliothèque nationale. C’est sur l’amélioration de ses divers services que se sont particulièrement concentrées, depuis plusieurs années, l’attention et l’infatigable sollicitude du directeur actuel de la
- Bibliothèque, M. Léopold Delisle, de l’Institut. Il a Lrouyé heureusement, pour seconder ses idées de progrès et même provoquer, souvent, des mesures utiles et libérales , un auxiliaire aussi actif qu’éclairé dans le conservateur sous-directeur des Imprimés, M. 0. Thierry, dont les habitués de cette grande section ont tous eu à éprouver l’extrême complaisance, unie à de vastes connaissances bibliographiques.
- Ce département comprend deux salles, où le public est admis dans des conditions légèrement différentes.
- Dans l’une, la Salle de travail, dont l’entrée est rue Richelieu, on ne peut avoir accès qu’a près avoir demandé et obtenu, de l’Administration, une carte personnelle, après certaines justifications fixées par un règlement ministériel. Elle n’est pas ouverte le dimanche ni les jours fériés.
- L’autre est accessible à tous, sans condition aucune, et reste ouverte même le dimanche : c’est la Salle publique de lecture de la rue Colbert, 5.
- Pour donner une idée de l’importance croissante des services du département des Imprimés, nous avons résumé, dans un tableau, la statistique du mouvement des lecteurs et de la communication des livres dans ces deux salles, depuis le mois de juin 1868, date de la mise en vigueur de l’organisation actuelle (voy. le tableau page 45).
- On peut faire, au sujet de ce tableau, plusieurs remarques intéressantes.
- 18711 1872
- 1868
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- Lecteurs.
- Volumes
- Fig. 1. — Mouvement des lecteurs et des volumes de 18t8 à 1879. (Departement des Imprimés.)
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- LA NATüUE.
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- D’abord' il e>t assez curieux de constater que, malgré l’exiguilé de la Salle publique de la rue Colbert, le nombre des lecteurs qui la fréquentent est généralement plus considérable que dans la Salle de travail, mieux aménagée et contenant une plus grande quantité de places.
- Par contre, comme le public qui peut avoir accès dans la salle réservée de la rue Richelieu est surtout composé, non pas de simples lecteurs, mais de travailleurs, de personnes venant là faire des recherches, le nombre des volumes communiqués}7 est plus considérable que dans l'autre salle, parce que chaque personne en demande en moyenne une plus
- grande quantité, — soit par exemple, en 1879, 3,55 volumes par lecteur dans la Salle de travail, contre 1,44 volume par lecteur dans la Salle Colbert.
- On voit également que la progression est constante et assez rapide dans l’une et l’autre salle.
- Après avoir subi un mouvement de recul en 1870, 1871 et 1872, le nombre des lecteurs et des volumes, qui était, pour le département des Imprimés tout entier, les deux salles réunies, de 80 808 lecteurs et 229 095 volumes en 1869, a atteint en 1879, au bout de dix ans seulement, le chiffre de 124 771 lecteurs et 310 009 volumes communiqués.
- Le tableau graphique ci-contre indique, du reste,
- 1879
- 1877
- 1876
- Lecteurs
- Fig. 2. Moyennes quotidiennes des lecteurs et des volumes pendant les divers mois des années 1876-1879.
- (.Département, des Imprimés.)
- d’une manière frappante pour les yeux, l'importance et la rapidité de ce mouvement ascensionnel (fig. 1).
- Comme tout le monde le sait, les bibliothèques, ainsi que tous les établissements du même genre, sont beaucoup moins fréquentées l’été que l’hiver, pour une foule de raisons bien connues. Le tableau ci-dessus indique les variations subies, pendant les différents mois de plusieurs années consécutives, par les chiffres représentant la moyenne quotidienne des lecteurs et des volumes pour l’ensemble du département des Imprimés, c’est-à-dire les deux salles réunies (fig. 2).
- On peut y remarquer que, si le maximum et le minimum y varient nécessairement d’un exercice à l’autre, les courbes sont sensiblement pareilles dans
- les différentes années : les maxima s’observent en février, mars, novembre, et les minima en août, juin ou juillet. Nous aurions à faire, à ce sujet, quelques observations fort curieuses, sur la composition du public qui fréquente les diverses parties de la Bibliothèque nationale, sur les profes-iovs qui y dominent, ses moeurs, ses habitudes; il y aurait, en un mot, à écrire toute une physiologie pleine de bizarreries et d’imprévus, mais cet article est déjà bien long, et il nous faut remettre à une autre étude ce côté pittoresque de la question.
- Bornons-nous à ajouter que l’expropriation des maisons de la rue Vivienne, nécessaire pour l’isolement de nos riches dépôts, semble désormais un fait acquis, et que, dans quelques années sans doute, s’élèvera, sur leur emplacement, une ma-
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- 4(i
- LA N A T U R K.
- gniflque salle de lecture publique, ouverte même le soir, et qui donnera ample satisfaction aux réclamations légitimes et aux besoins du monde des lettres et des sciences.
- En attendant, le projet de budget pour les dépenses du ministère de l’Instruction publique en 1881, comporte uue légère augmentation pour les traitements du personnel de la Bibliothèque nationale, dont le nombre n’a pas varié depuis douze ans, tandis que l’importance des services, ainsi que nous l’avons montré tout à l’heure, s’est accrue, dans le même temps, de près de 50 p. 100.
- C’est là une mesure trop juste pour que les Chambres ne s’y associent pas volontiers, en améliorant des situations peu en rapport avec l’instruction professionnelle des fonctionnaires de ce grand établissement scientifique et avec les services qu’ils rendent chaque jour à l’érudition.
- Chaules Letort.
- CORRESPONDANCE
- SUR UN BATON CASSÉ AU-DESSUS DE DEUX VERRES Audincourt (Doubs), 7 juin 1880.
- Monsieur,
- L’expérience de la rupture d’un bâton appuyé sur deux verres (n° 566 du 5 juin 1880, p. 8) est déjà fort ancienne ; pennettez-moi de vous transcrire ici un passage de Rabelais où elle est fort bien décrite (Pantagruel, liv. II, chap. xxvii) :
- « En ceste même heure Panurge print deux verres qui la estoyent tous deux d’une grandeur, et les emplit d’eaue tant qu’ilz en purent tenir et en mit l’ung sur une esca-belle et l’aultre sur une aultre les esloignant a part par la distance de cinq piedz, puis print le fust d’une javeline de la grandeur de cinq piedz et deiny et le meit dessus les deux verres en sorte que les deux bouts du fust tou-choyent justement les bords des verres. Cela faict, prist un gros pau (pieu) et dist a Pantagruel et aux aultres : Messieurs, considérez comment nous aurons victoire facilement de nos ennemis. Car ainsi comme ji romprai ce fust ici dessus les verres, sans que les verres soyent en rien rempuz ni brizez, encores, qui plus est sans qu’une seule goutte d’eaue en sorte dehors, tout ainsi nous romprons la teste a nos Dipsodes, sans que nul de nous soit blessé et sans perte aucune de nos besoignes. Mais affin que ne pensiez qu’il y ait enchantement, tenez, dist il a Eusthenes, frappez de ce pau tant que pourrez au myllieu. Ce que feit Eusthenes, et le fust rompit en deux pièces tout net sans qu’une goutte d’eaue toinbast des verres. Puis dist : J’en scay bien d’aultres, allons seulle-ment en asseurance! »
- N’est-ce pas joli?
- Votre bien dévoué serviteur,
- V. SlRCüL'LON.
- 1,A PHYSIQUE SANS APPAREILS Cher monsieur,
- Quand il y a quelque temps que l’on vient de dégorger un syphon d’eau de Seltz, et que l’équilibre de tension est
- près de s’établir entre le gaz dégagé et le gaz dissous, l’on voit s’élever du fond de l’appareil des traînées verticales de bulles, deux, trois, quelquefois une seule, qui présentent une figuration très nette de la loi d’ascension des bulles, c’est-à-dire (en négligeant l’accroissement de ces mêmes bulles le long de leur trajet) une représentation inverse de la loi des espaces dans la chute des corps. Les bulles, en effet, se détachent de leurs points d’élection avec un véritable isochronisme, et comme les intervalles varient d’une file à l’autre, on a sous les veux des représentations multiples de cette terrible loi des espaces dont la machine d’Atwood a fait un épouvantail aux commençants. Je pense qu’on pourrait même, en comptant pour chaque file, le nombre de bulles qui se détachent en une seconde, et le nombre que contient, à un instant donné, toute la traînée, pousser la vérification [tins loin : mais je dois avouer que je ne l’ai pas fait moi-même.
- Dans un syphon, le grossissement apparent du tube immergé présente un exemple très net de réfraction par surface courbe.
- Veuillez agréer, etc.
- A. Guébhvrd.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 14 juin 1880. — Présidence de M. Becqueiiei..
- Résistance au sang-de-rate.— On sait quels ravages le sang-de-rate exerce parmi les moutons généralement élevés en Europe. Or, il résulte des expériences de M. Chauveau que les moutons algériens opposent au contraire à la maladie une résistance presque invincible. Le savant expérimentateur de Lyon a soumis quarante-cinq moutons à des inoculations réitérées : trente-neuf n’en ont éprouvé aucun accident. Sur les autres, qui ont été plus ou moins impressionnés, un seul a succombé.
- Proportioîi d'acide carbonique contenu dans l'atmosphère.—En général les divers savants qui se sont occupés de doser l’acide carbonique de l’air, ont considéré le nombre qu’ils obtenaient comme susceptible de variations très* larges, suivant les circonstances. M. Scldœsing pense, au contraire, que ce nombre doit être absolument constant. Partant des considérations auxquelles ont donné lieu les études relatives à la dissociation, le directeur de l’École des tabacs pose en principe qu’il y a un rapport nécessaire entre la quantité de bicarbonate de chaux dissous dans l’eau de la mer et la proportion d’acide carbonique mélangé à l’atmosphère. Si cette dernière vient à diminuer, une certaine quantité de gaz carboné se dégage immédiatement de l’Océan; si elle augmente, une nouvelle quantité de bicarbonate se dissout. Si ces vues ingénieuses sont aussi fondées qu’il parait à la première vue, on voit que le rôle régulateur de la mer^déjà. constaté pour la quantité de vapeur d’eau et d’ammoniaque suspendues dans l’air, s’étendrait à l’acide carbonique, et tout le monde appréciera la grandeur de ce résultat.
- Constitution des régions profondes de la terre. — J’ai fait voir dans un mémoire précédent que l’Académie a fait figurer dans le Recueil des savants étrangers, que les minéraux silicatés magnésiens se présentent comme résultant de la condensation de vapeurs spéciales. Il eu résulte cette notion toute nouvelle que les roches vraiment primitives ne sont pas, comme on l’a dit généralement, les
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- LA NATÜHE.
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- assises granitiques, mais bien les substances magnésiennes situées au-dessous et qui ne nous parviennent qu’à la laveur de certaines éruptions. Ceci nous met à même de résoudre une difficulté qui a souvent arrêté les personnes préoccupées de reconstituer théoriquement la géologie profonde et par conséquent occulte du globe. Dans les travaux de ce genre, le caractère sur lequel on s’appuie exclusivement d'ordinaire pour déterminer l’ordre de superposition des masses profondes, c’est, la densité relative de ces masses, de telle sorte que l’on s’accorde pour supposer que les roches péridotiques, qui pèsent 5,3 à 5,5, gisent normalement au-dessous des laves pyroxéniques et des basaltes, dont le poids spécifique n’est que 2,9 à 5. Mais quand on examine les choses de près, on constate de toutes parts que les basaltes et les laves volcaniques ont arraché dans leur trajet ascensionnel des blocs de roches péridotiques, et même, comme on le rencontre dans plusieurs localités du Groenland, des masses de fer métallique. Comment concilier ces deux faits d’apparence si contradictoires? Jusqu’ici on n’a même pas essayé de le faire; au contraire, mes recherches sur la synthèse des minéraux et des roches primitives avaient pu mettre à même de prévoir le fait dont il s’agit, puisqu’à la considération unique des densités, elles substituent un ensemble de points de vue où les propriétés chimiques de chaque substance jouent le principal rôle. Alors apparait la nécessité du gisement des roches basiques alumineuses au-dessous du revêtement magnésien, et cette situation relative rend compte de l’âge d’éruption et par conséquent de constitution de chacune des roches profondes.
- Les météorites d'Emmet County. — En poursuivant ses études sur les météorites d’Emmet County (Iowa), M. Lawrence Smith en a isolé un nouveau minéral, qu’il propose d’appeler Peckhamite, en l’honneur d’un savant américain, et dont il a fait l’analyse. C’est un silicate dont la constitution serait reproduite par l’union de 2 atomes d’enstatite avec 1 atome de péridot. Sa densité est égale à 3,23 ; sa couleur est le jaune verdâtre, avec un éclat gras et opalescent.
- En même temps, M. Smith annonce que la chute de gros blocs déjà signalée a été accompagnée d’une grêle de petits nodules métalliques. Des centaines de personnes, hommes, femmes et enfants, ayant fait pendant un temps leur spécialité de la recherche de ces grenailles, on en a réuni finalement plus de 5 000. Les plus grosses pèsent 500 grammes; la plupart sont beaucoup plus petites, et il en est plus d’une dont les dimensions sont celles d’un pois. Ces grenailles, dont un exemplaire est déposé au Muséum, ressemblent intimement par l’aspect extérieur à des pépites de platine natif.
- il/. Gaugain. — Un physicien dont le nom restera , attaché à de persévérants travaux sur l’électricité, M. Gaugain, vient de mourir. Nombre de fois lauréat de l’Académie, il recevait régulièrement le prix Gegner depuis plusieurs années, et cette petite rente a adouci un peu sa situation très difficile.
- Election. — Ayant à nommer un correspondant dans la section de chimie, en remplacement de M. Zinin (de Pétersbourg), l’Académie désigne M. Stass (de Bruxelles), par 40 suffrages sur 45 votants. Les autres voix s’éparpillent sur MM. Melsens, Kékulé, Caunizzaro et Bayer.
- Stanislas Meunier.
- MÉTÉOROLOGIE DE MAI 1880
- Première décade. — Le régime eyelunique domine sur le bassin méditerranéen, tandis que la pression est élevée sur l’ouest et le nord de l’Europe. La carte que l’on peut considérer comme type de cette période est celle du 8. Elle nous montre l’existence dans les parages de la mer Tyrrhé-nienne d’un cyclone important, dont le centre se trouve au sud de Florence (746mm). Ce cyclone a suivi la marche normale de l’Ouest à l’Est. Nous le voyons en effet dès le 5 vers Gibraltar, le 6 dans le golfe du Lion, le 7 en Corse, le 8 vers Florence, le 9 près de Venise, le 10 en Hongrie et le 11 en Crimée. 11 est d’abord de 5e ordre, puis se creuse et devient de 4e ordre le 8, pour perdre de son importance les jours suivants. Il a mis 6 jours à parcourir sa trajectoire Espagne-Corse-Hongrie-Crimée, et partout son passage a été accompagné de pluies et de tempêtes. En passant sur les Pyrénées , il a amené d’abondantes neiges, qui ont fourni jusqu’à 122n,m d’eau au Pic-du-Midi le 7, et 25nim le 8. En Algérie, les pluies ont été copieuses et les orages nombreux. — Pendant ce temps, les vents d’entre Nord et Est dominaient sur tout le versant océanien de la France, et le temps sec s’accusait de plus en plus, avec températures basses. Le thermomètre descendait le 8 à 0°,5, minimum du mois, au parc Saint-Maur. Le minimum du mois arrivait le lendemain à Bouleaux et à Avignon, il était de 5°,2 à Bordeaux et de 6° à Avignon.
- Deuxième décade — Pendant la deuxième décade la situation est analogue. Les dépressions venues soit des parages de Madère, soit du Sahara algérien, se localisent encore sur la Méditerranée pour se diriger ensuite vers la Hongrie ou la mer Noire ; les vents d’entre Nord et Est dominent sur la France ; les pluies sont torrentielles du 11 au 12 vers Perpignan, et dans cette ville 140m‘u d’eau forment le total de ces deux jours. — Sur le reste de la France, les vents polaires continuent à dominer, le temps est sec, froid généralement. Un réchauffement se produit cependant du 15 au 16, sous l’influence de basses pressions qui arrivent par le nord-ouest de l’Espagne.
- Troisième décade. — Pendant la troisième décade, un retour momentané des vents vers le Sud-Ouest a lieu du samedi 22 au vendredi 28, et une hausse thermométrique générale se produit sous cette influence. Le maximum de température du mois s’est présenté pendant cette décade : il a été de 52°,2 le 26 à Saint-Maur, de 52°,6 le même jour à Bordeaux et de 29°,7 le lendemain à Avignon. Mais le temps reste au sec dans le Nord et les vents de Nord-Est reprennent à partir du 29.
- A Paris (Saint-Maur), d’après M. Ilenou, les moyennes ont été pour le baromètre réduit au niveau de la mer sensiblement 765uim ; pour les températures minima 7°, 1 et pour les maxima 20°
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- LA A A TU KL.
- CARTES QUOTIDIENNES DU TEMPS EN MAI 1880 D’après le Bureau central météorologique de France (Réduction 1/8).
- Lundi 10
- Jeudi 13
- Vendredi IV
- Samedi 13
- Mercredi 26
- Jeudi 22
- Vendredi 28
- Samedi 23
- Di manche 30
- la moyenne générale 15°.52 est de 0°,3 au-dessus de la normale pour la campagne.
- A Bordeaux, M. Rayot a constaté les moyennes suivantes : 9d pour les mi-hima et 22°,7 pour les maxima. A Avignon, M. Giraud a trouvé de son côté 10°,6 pour les minirna et 22°,5 pour les maxima, moyenne 16°,5, égale à la normale des sept dernières années.
- On voit, en résumé, que pour la région nord de la France, ce mois a été très clair, très sec, à
- température sensiblement normale et à pression barométrique élevée. Depuis l’an 1688, où l’on a commencé les observations de pluie à l’Observatoire de Paris, jamais une sécheresse pareille n’avait été constatée. On a bien recueilli en 1726 seulement 4nuu,7, et 6mtll,8 en 1753, tandis-qu’en 1880 il est tombé à peine lm,!> d’eau. E. Fron.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandieu. Imprimerie A. Lalnfre, rue de Fleurir?, 9, à Paris.
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- N* 569.
- 26 JUIN 1880.
- LA NATURE.
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- L’ANESTHÉSIE CHIRURGICALE1
- Depuis Uumphry Davy, le protoxyde d’azote était complètement oublié, et semblait ne devoir jamais figurer que dans l’histoire de l’anesthésie, lorsque des dentistes américains eurent l’idée de s’en servir pour déterminer une anesthésie de courte durée, celle que nécessite l’extraction d’une dent.
- Le patient étant assis sur un fauteuil spécial, on lui applique sur la figure une sorte de muselière en caoutchouc communiquant par un tube avec le réservoir qui renferme le protoxyde d’azote. Le gaz étant complètement inodore, on le respire sans répugnance. Ail bout de 10 à 15 secondes, ses effets se font sentir; le malade perd peu à peu connaissance et, en général, au bout d’une minute, sans avoir traversé de période d’excitation, il perd la sensibilité. On ôte le masque, et l’anesthésie dure de cinq à dix secondes, dont on profite pour opérer ;
- puis, en quelques instants, l’opéré retrouve rapidement la sensibilité et le mouvement, et s’en va sans éprouver le moindre malaise.
- En présence des avantages de ce mode d’anesthésie sur l’éther et le chloroforme, on a songé immédiatement à l’employer dans la pratique chirurgicale. Mais, lorsqu’on observe le patient soumis à l’inhalation du protoxyde d’azote, on le voit changer de couleur, bleuir, et prendre des teintes de plus en plus violacées; que se passe-t-il donc? Le patient asphyxie. Si l’on continuait à lui faire respirer le protoxyde d’azote, au bout de 4 à 5 minutes, il serait mort.
- Se fondant sur l’observation de ces faits, on a prétendu que le protoxyde d’azote anesthésiait parce qu’il produisait l’asphyxie. On paraissait ainsi méconnaître les propriétés anesthésiques du protoxyde d’azote, et mettre l’anesthésie sur le compte de l’asphyxie. C’est une grave erreur. En effet, on a beau empêcher quelqu’un de respirer, on le verra se dé-
- Cloche aorothérapique du docteur Fontaine, pour la respiration du protoxyde d’azote par la méthode de M. Paul Bert.
- battre, étouffer, présenter les phénomènes de l’asphyxie; mais qu’on interroge sa sensibilité, et l’on verra qu’il sent parfaitement jusqu’au moment où la syncope se déclare, et alors l’asphyxie est déjà avancée. Pourquoi alors celui qui respire du protoxyde d’azote présente-t-il les caractères de l’asphyxie? C’est que le protoxyde d’azote est un gaz impropre à la respiration. Ce gaz ne contenant pas d’oxygène libre, la fonction la plus importante de la respiration, l’oxygénation du sang, ne peut s’accomplir. L’asphyxie se produit donc, non pas par l’action du protoxyde d’azote, mais simplement par le manque d’oxygène. Le protoxyde exerce deux actions complètement indépendantes l’une de l’autre : l’anesthésie et l’asphyxie.
- Le problème se posait dans ces termes : l’action anesthésique du protoxyde d’azote étant reconnue, il s’agissait de produire cette action en empêchant l’asphyxie. Or, l’asphyxie étant déterminée par le manque d’oxygène, on fut naturellement amené à
- 1 Voy. n° 358 du 10 avril 1880, p, 294.
- 8° année. — 2e semestre.
- ajouter au protoxyde d’azote une certaine quantité d’oxvgène. Mais les prévisions ne se réalisèrent pas. On pouvait respirer impunément le mélange, c’est-à-dire sans danger d’asphyxie, mais on n’obtenait plus d’anesthésie.
- Pour déterminer l’anesthésie, il fallait que le protoxyde d’azote fût complètement pur.
- En Angleterre, on a utilisé le protoxyde d’azote pur pour les opérations chirurgicales d’une manière très ingénieuse. On commence par faire respirer au malade du protoxyde d’azote; puis, dès que l’anesthésie est obtenue, on ferme le robinet du tube qui amène le gaz, et on entretient l’anesthésie en faisant respirer au malade de l’air chargé d’éther. Cette combinaison des deux modes d’anesthésie, qui a le grand avantage de supprimer la période d’excitation, a eu de très bons résultats, On en a fait quelques essais à Paris; mais M. Paul Bert ayant démontré que le mélange d’éther et de protoxyde d’azote est un des mélanges les plus détonants, on a abandonné cette méthode.
- Le protoxyde d’azote semblait donc ne devoir
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- LA NATURE.
- jamais donner de résultats satisfaisants pour la chirurgie, lorsque M. Paul Bert, par ses travaux récents, lit disparaître toutes les difficultés, en écartant toute menace d’asphyxie, et il fit entrer définitivement le protoxyde d’azote dans la pratique chirurgicale. '
- Le 11 novembre 1878, M. Paul Bert rapportait devant l’Académie des sciences le résultat de ces expériences :
- « Le fait que le protoxyde d’azote doit être administré pur signifie que la tension de ce gaz doit, pour qu’il en pénètre une quantité suffisante dans l’organisme, être égale à une atmosphère. Sous la pression normale il faut, pour l’obtenir, que le gaz soit à la proportion de 100 pour 100. Mais, si nous supposons le malade placé dans un appareil où la pression soit poussée à deux atmosphères, on pourra le soumettre à la tension voulue en lui faisant respirer un mélange de 50 pour 100 de protoxyde d’azote et 50 pour 100 d’air; on devra donc obtenir de la sorte l’anesthésie, tout en maintenant dans le sang la quantité normale d’oxygène, et par suite en conservant les conditions normales de la respiration. »
- Les expériences que M. Paul Bert fit sur des chiens donnèrent les résultats les plus satisfaisants; c’est alors que deux chirurgiens des hôpitaux de Paris, M. Léon Labbé, à l’hôpital Lariboisière, et M. Péan, à l’hôpital Saint-Louis, firent sur l’homme des expériences qui furent couronnées du plus grand succès. Sur les indications de M. Paul Bert, M. le docteur Fontaine, directeur d’un établissement aérothé-rapique, a fait construire une cloche d’une capacité de 30 mètres' cubes, ayant 3 mètres de long sur 2 de large, pouvant contenir dix à douze personnes, dans laquelle s’enferment le malade, le chirurgien et ses aides. Une cloche ou tout autre appareil remplissant les mêmes conditions est indispensable pour opérer. En effet, le mélange de protoxyde et d’oxygène, pour produire l’anesthésie, doit être introduit dans l’organisme sous pression. Or, il’ est impossible de faire respirer à un individu des gaz dont la pression est supérieure à la pression atmosphérique, lorsque lui-même est à la pression normale. L’inégalité de pression le ferait gonfler et éclater.
- Il faut donc que l’opéré se trouve dans un milieu dont la pression soit égale à celle du gaz qu’il respire. L’opéré ne pouvant être isolé de l’opérateur et de ses aides, on ne pouvait réaliser ce principe qu’en mettant malade et opérateurs sous pression.
- La cloche est construite solidement, comme une chaudière, afin de pouvoir résister aux hautes pressions. Le jour pénètre à travers des glaces épaisses. Après s’être enfermé dans la cloche, on ouvre un robinet communiquant avec une pompe; un manomètre indique les variations de la pression. Le zéro du manomètre correspond au 76 du baromètre, pression normale de l’air libre. Sous la table d’opération se trouve un sac renfermant le mélange de
- protoxyde d’azote et d’oxygène; un tuyau qu’on peut fermer par .un robinet communique avec un masque qui s’applique exactement sur la figure du malade. Dès que le manomètre marque 20 à 25 degrés, on ouvre le robinet du masque, et le malade respire le mélange. Après quelques secondes, Je malade est devenu complètement insensible, et l’opération peut se faire sans qu’il ressente la moindre douleur. Aussitôt l’opération terminée, on ôte le masque et le malade s’éveille presque instantanément.
- Dans les opérations de courte durée, l’air n’ayant pas le temps de se vicier, il n’y a pas d’inconvénient à ne pas le renouveler; mais, dans les opérations longues, les huit ou dix personnes enfermées dans ce petit espace rendraient bientôt l’air irrespirable et risqueraient d’être asphyxiées, si une disposition de l’appareil ne permettait de renouveler continuellement l’air de la cloche, tout en y maintenant une pression constante. Dans ce but, dès que la pression est suffisante pour opérer, on ouvre une soupape, tandis que la pompe continue à envoyer de l’air dans la cloche, de sorte que tout l’air qui pénètre au delà d’une certaine pression chasse de la cloche une quantité d’air équivalente.
- Le séjour des opérateurs dans l’air comprimé est sans inconvénient; quelques personnes éprouvent des bourdonnements d’oreilles, tandis que d’autres se plaignent d’une légère douleur à l’oreille, ce qui tient à l’inégalité de pression des deux côtés de la membrane du tympan; on évite facilement ce désagrément par des mouvements de déglutition répétés.
- Ce mode d’anesthésie présente de grands avantages sur l’éther et le chloroforme; au bout d’une ou de deux minutes, sans période d’excitation, l’anesthésie est complète; pendant tout le temps,le pouls et la respiration sont très réguliers; quand on ôte le masque, au bout d’une minute l’opéré se réveille, et au lieu de l’état de prostration que l’on observe dans la chloroformisation, le malade est gai, s’en va à pied quand son état le permet, et demande à manger. Quelquefois on constate de la contracture dans les membres; M. Paul Bert s’est assuré qu’elle tient à ce que le protoxyde d’azote n’est pas sous une tension suffisante. Il suffit, pour la faire disparaître, d’augmenter la pression dans la cloche, ce qui s’obtient instantanément par le jeu d’un robinet.
- Un des avantages de ce procédé, c’est de pouvoir doser la quantité de protoxyde; il suffit en effet d’augmenter ou de diminuer la pression pour faire varier la quantité de gaz dissoute dans le sang, tandis qu’avec l’éther et le chloroforme on se sert de compresses chargées de chloroforme ou d’éponges imbibées d’éther, qu’on place sous le nez du malade, qui en absorbe des quantités fort variables suivant le degré d’imprégnation du véhicule et sa distance des voies respiratoires, deux conditions toujours irrégulières dans la pratique.
- Le chloroforme et l’éther dissolvent les matières grasses et réciproquement se dissolvent en elles. Il
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- en résulte qu’ils se fixent dans l’organisme, d’où ils ne s’échappent qu’après un temps plus ou moins long, c’est ce qui explique que l’haleinedes malades anesthésiés conserve souvent pendant plusieurs jours l’odeur des agents employés à les anesthésier. De là les dangers qu’ils présentent; car lorsqu’un accident survient, en éloignant la compresse et en faisant la respiration artificielle, on n’obtient pas immédiatement l’élimination de la substance qui agit d’une façon toxique. Le protoxyde d’azote, au contraire, simplement dissous dans le sang, où il ne contracte aucune combinaison chimique, s’élimine presque instantanément dès les premières respirations à l’air libre.
- Une seule objection se présente ; c’est la nécessité d’avoir une cloche. Dans les hôpitaux, on peut construire une chambre en tôle assez vaste pour contenir une centaine de personnes ; la pompe serait mise en mouvement par la machine à vapeur de l’hôpital. Dans les villes et à la campagne, il faut se servir d’uné cloche parfaitement mobile et facilement transportable, analogue à celle de M. le docteur Fontaine. Indépendamment de cet inconvénient du transport de la cloche, ce mode d’anesthésie présente des avantages incontestables :
- 1° L’absence de période d’excitation initiale, souvent si pénible et parfois dangereuse; 2° la tranquillité absolue du malade pendant toute la durée du sommeil anesthésique; 5° la tranquillité du chirurgien, assuré que le dosage de l’agent anesthésique ne peut changer pendant l’opération ; 4° le retour presque instantané à la sensibilité • complète, même après soixante-quatre minutes d’anesthésie ; 5° l’absence presque générale des malaises, nausées, vomissements, si fréquents, si fatigants et parfois si durables chez les opérés soumis au chloroforme ou à l’éther; 6° l’innocuité remarquable du mélange de protoxyde d’azote et d’oxygène.
- Tels sont les avantages du procédé d’anesthésie découvert par M. Paul Bert, et d’après les excellents résultats qu’il a donnés jusqu’à ce jour, tout porte à croire que ce mode d’anesthésie pourra remplacer un jour, dans la pratique chirurgicale, l’éther et le chloroforme.
- Maurice Springer.
- LES RUCHES D’ABEILLES
- ET LES RAFFINERIES DE SUCRE
- Le Conseil d’hygiène a été récemment appelé à se prononcer sur une question assez singulière. 11 existe à Paris, notamment dans les treizième, dix-neuvième et vingtième arrondissements, des dépôts de ruches d’abeilles qui, sans grande importance à l’origine, ont fini par prendre une extension considérable. Certains dépôts ne comptent pas moins de cent vingt à cent cinquante ruches ; or, une ruche qui est en pleine activité
- contient jusqu’à quarante mille ouvrières, ce qui, pour chaque dépôt, ne donne pas moins de plusieurs millions d’abeilles. On a lieu de s’étonner de voir établis dans une ville, des dépôts aussi importants; en général, quand on installe des ruches d’abeilles, c’est à proximité des jardins, des parterres, où les insectes peuvent trouvera butiner à leur aise. Quand l’installation se fait sur une vaste échelle, on prend même le soin de préparer dans les alentours de la ruche des plants de fleurs pour fournir aux abeilles ce qui leur est nécessaire pour leur nourriture et leur travail.
- Ces conditions ne se trouvent guère réalisées à Paris, au milieu de ces quartiers industriels; mais, soit hasard, soit calcul, on peut voir que la plupart des dépôts de ruches se trouvent au voisinage de grands établissements de raffinerie, de produits alimentaires sucrés; les abeilles n’ont que l’embarras du choix pour vivre dans l’abondance. 11 n’est pas nécessaire, comme on le croit, que l’abeille se nourrisse exclusivement du suc des fleurs ; le sucre ordinaire peut lui suffire, non seulement pour sa nourriture, mais aussi pour la construction de ses gâteaux de miel. Les travaux de Dumas et de Milne-Edwards ont mis ce fait absolument hors de doute Les abeilles trouvent donc dans les raffineries ou autres établissements analogues tout ce qui leur est nécessaire, et elles ne se font pas scrupule d’y puiser largement. C’est par milliers qu’elles pénètrent dans ces usines ; le rapport de M. Delpech, qui a été chargé de faire une enquête à ce sujet, contient le relevé de faits extrêmement démonstratifs et qui expliquent les plaintes répétées d’un très grand nombre d’industriels. Les ateliers de raffineurs sont envahis l’été par de telles quantités d’abeilles qu’on les ramasse à la pelle; des terrines de sirop sont complètement absorbées en un court espace de temps. Un des grands raffineurs du treizième arrondissement n’évalue pas à moins de 25 mille francs par an le préjudice causé par les abeilles. L’estimation semble bien un peu élevée, mais les réclamations ont été si générales que l’on doit admettre la réalité de dégâts notables. Toutes les précautions pour éviter cette invasion d’abeilles sont prises en pure perte ; pour résister à la chaleur des fourneaux, de la vapeur dégagée par la cuisson des sirops, on est obligé d’ouvrir largement les croisées et de donner ainsi passage à ces bandes de pillards. Si petites au surplus que soient les ouvertures extérieures, les abeilles trouvent toujours le moyen de pénétrer dans les laboratoires ; c’est en vain qu’on multiplie les moyens de destruction. Chez M. Say, raffineur, on les détruit en les prenant dans des pièges ou cages à mouches en toile métallique placés près des fenêtres. Ces cages sont au nombre de soixante environ, et la masse d’abeilles recueillie dans ces appareils représente environ un décalitre par jour. Dans d’autres ateliers, dit M. Acart, auquel nous empruntons ces documents, on badigeonne d’une épaisse couche d’huile les châssis extérieurs et les vitres des croisées ; l’insecte vient s’engluer et peut être facilement recueilli et détruit. Mais en dépit de tout, les ateliers en sont infestés.
- Comme le dit le savant rapporteur, il y a une question de mesure : une ruche isolée n’offre pas grand inconvénient ; mais des centaines de ruches constituent une industrie gênante et dangereuse pour les voisins. La préfecture de police n’avait jusqu’ici à sa disposition aucun règlement qui permit de faire droit aux réclamations; l’avis motivé du Conseil permettra de prendre désormais les mesures nécessaires.
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- LA NATUHE.
- PLANS INCLINÉS AUTOMOTEURS !
- DES MENES DE LA. GRAND’COMBE (g.VHd) J
- !
- Nous croyons devoir signaler à nos lecteurs Fin- j génieuse application que la Compagnie des mines de la Grand’Combe a laite des plans inclinés pour obtenir une circulation complètement automatique des wagons vides ou chargés de charbon tant à la surface du sol qu’à l’intérieur des mines.
- La division de Champclauzon, sur laquelle est établie cette curieuse installation, unique en son genre, occupe le flanc de collines abruptes formant les contre-forts des monts Cévennes. Les couches de bouille affleurent en différents points, et les galeries d’exploitation par où se font l’entrée et la sortie
- des wagons débouchent à la surface à des hauteurs parfois assez considérables au-dessus du fond de la vallée. La voie ferrée de Clermont à Nîmes, une des plus remarquables du réseau de la Compagnie de Lyon, en raison des pays accidentés qu’elle traverse, des hardis travaux d’art, ponts ou tunnels, qu’elle présente en si grand nombre, suit, dans cette région, presque exactement le cours du Gardon, qui sc jette plus loin dans le Gard.
- Les ateliers de la Compagnie de la Grand’Combe pour le lavage du charbon, l’agglomération et la préparation des briquettes, sont installés dans le bas de la vallée, sur le cours du Gardon, dont ils empruntent les eaux, et ils sont rattachés aux quais d’expédition, reliés eux-mêmes à la voie ferrée. Dans ces conditions, les wagons chargés de houille qui
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- Galeries principales de l'Exploitation. Échelle en Mètres.
- Grave par E.Moritu*
- • E.Moritu*
- Fig. 1. Carte (les deux plans inclinés de Champclauzon et du roulage extérieur des mines de la Grand’Combe (Gard).
- arrivent à la surface sur le liane de la colline doivent aller en descendant pour arriver dans les ateliers ou sur les quais, tandis que les wagons vides doivent monter, au contraire, pour retourner dans les galeries de la mine.
- On est arrivé, grâce à la disposition que nous allons décrire, à effectuer automatiquement tout ce roulage, de sorte que les wagons pleins descendent d’eux-mèmes sans avoir besoin d’aucune force motrice, et le travail qu’ils effectuent ainsi est utilisé pour remonter les wagons vides à un niveau plus élevé. En outre, ces derniers wagons pénètrent alors dans la mine, en suivant des galeries qui vont en descendant depuis l’orifice d’accès jusque dans les tailles ; ils arrivent donc automatiquement dans les chantiers d’abattage, où ils se remplissent de charbon; ils descendent dans les mêmes conditions jusqu’à l’orifice de sortie, reprennent le circuit que
- nous venons de décrire, après avoir effectué automatiquement ün parcours supérieur à 10 kilomètres.
- Nous avons représenté sur la figure 1 l’ensemble de ce réseau avec les deux plans bisautomoteurs qui forment l’organe essentiel du système. En suivant le tracé indiqué parles llèehes, on voit que les wagons pleins qui sortent des galeries dé Champclauzon en face des ateliers à la côte 392, effectuent le trajet marqué Sur la figure 1, en passant aux côtés 392, 559, 557 et 220, pour se rendre en descendant aux ateliers de lavage de La Pise, par exemple. Ils suivent d’abord la voie ferrée 392-337, qui présente une pente moyenne de 0,n,014 sur une longueur de 3597 mètres, et renferme plusieurs travaux d’art assez importants, deux grands viaducs et un tunnel de 500 mètres de longueur. Les wagons arrivent ensuite au plan du Puech à la côte 337,
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- LA NATURE.
- et descendent à la côte 220. L’effort moteur qu'ils développent alors est utilisé pour faire monter un nombre égal de wagons vides, non seulement jusqu’au point de départ, mais même à un niveau plus élevé, jusqu'au sommet du plan à la côte 454. Arrivés là, les wagons vides retournent à Champclauzon en descendant une pente moyenne de 0®,025 par la voie DBA, qui suit comme la première le flanc de la colline et présente aussi des travaux d’art importants ; ils remontent le plan incliné de Champclauzon sous l’action de la seule machine motrice employée dans tout le réseau, ils arrivent à la côte 558, d’où ils prennent une autre voie, qui les conduit automatiquement devant les carrières
- à remblai, les ramène dans la mine et jusque dans les tailles sans aucune dépense de force motrice.
- Les plans bisautomoteurs sont disposés de la manière suivante : au sommet du plan de la Levade (fig. 2), par exemple, en A, est installé une sorte de treuil sur lequel est enroulé un premier câble à deux bouts, qui sert à effectuer la traction seulement sur la travée inférieure en contrebas du palier P. Un second câble est enroulé sur un autre treuil solidaire avec le premier, mais dont le rayon est modifié dans le rapport des longueurs des deux travées, de telle sorte que lorsque le premier câble parcourt la travée inférieure en faisant tourner le treuil d’une
- If . Plan incliné inférieur. Parcours SZV%o,Rampem>renne 0,27par mètre.,
- u—Plan incline suprParcours 27QmRampeO. 27 pmPohcrhornontat 281’ooi
- VUE DE PROFIL
- Lfÿne de comparais
- VUE EN PLAN
- JIII fl Mb I I
- IH II
- Fig. 2. Plan incliné bisaufomofeur de la Levade aux mines de la Grand’Combe (Gard).
- longueur égale, le second se déroule de la longueur PP7 dans le même temps. Les wagons pleins qui arrivent au point P sont attachés à l’une des extrémités du premier câble et forment un train composé habituellement de quatre wagons ; ils descendent en tirant à eux le câble et en déroulant le treuil, l’autre extrémité du câble qui occupait le bas du palier remonte alors jusqu’en P, en entraînant avec elle un train de quatre wagons vides. D’autre part, les deux brins du second câble exécutent le même mouvement sur la travée supérieure du plan. Cinq wagons vides laissés au point P, à la suite du précédent voyage, sont accrochés à l’extrémité du brin montant et vont avec lui jusqu’au sommet P7, tandis qu’un wagon vide partant de ce point retourne au palier P et y conduit avec lui le brin descendant.
- Ce cinquième wagon joue seulement, comme on Je voit, le rôle d’un contrepoids. De cette manière, quand les wagons pleins s’arrêtent au bas du plan, cinq wagons vides sont arrivés en P, quatre en montant et un en descendant; cinq autres sont arrivés au sommet P7, et tout se retrouve prêt pour un nouveau voyage. On peut donc considérer, qu’à chaque manœuvre les wagons pleins qui occupaient le palier P se trouvent remplacés par un nombre égal de wagons vides amenés au sommet du plan.
- 11 est bien évident qu’un pareil système ne pourrait pas fonctionner à toutes les hauteurs sans exiger de force motrice; mais, d’autre part, il est facile de se convaincre qu’on peut y avoir recours tant que le rapport de la hauteur de la partie supérieure PP7
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- LA NATURE.
- du plan à celle de la partie inférieure n’at-leint pas celui du poids utile au poids mort, conditions qui se trouvent réalisées à la Grand’Combe (le poids d’un wagon vide est de 540 kilogrammes et celui du charbon qu’il contient 960 kilogrammes) .
- La durée d’un voyage sur le plan du Puecli est de dix minutes en moyenne, de sorte qu’il peut descendre 25 000 kilogrammes de charbon par heure environ.
- Le plan du Puech est installé dans des conditions analogues à celui de la Levade, et la manœuvre est absolument identique; la longueur de ce dernier atteint H08m,94; l’effort moteur est un peu plus considérable que sur le plan du Puech, de sorte que la Compagnie s'en sert également pour monter les grosses pièces en même temps que les marchandises pour l’usage des habitants de Champclauzon ; ceux-ci ne pourraient guère, d’ailleurs, les transporter autrement, en l’absence de tout chemin praticable aux voitures.
- L. Bâclé,
- Ancien élève de l’École l'olytechnique.
- LA. LAMPE ÉLECTRIQUE D’EDISON
- M. le professeur Henry Morton, du Slevens Insti-tute of technology de Hoboken (N. J.), a fait, avec MM. À. M. Mayer et B. F. Thomas, une série d’expériences très précises et très concluantes sur la lampe d’Edison, et voici le résumé des résultats auxquels il est arrivé.
- La lampe en fer à cheval d’Edison a une très grande résistance, variant de 114 ohms, lorsque la lampe est froide, à 75 ohms lorsqu’elle est chaude et éclairante. Pour traverser une aussi grande résistance, il va sans dire que le courant doit posséder une grande tension, soit de 75 à 90 volt., l’intensité du courant varie alors de 0,905 à 1,047 xvebers.
- Pour parler un langage moins scientifique, la lampe Edison exige pour fonctionner une grande tension ou pression électrique, en même temps qu’un assez grand volume, une assez grande quantité d’électricité.
- Cette dépense d’électricité peut se traduire en kilo-grammètres ou en calories par la fornr.d1 de Joule.
- M. Morton a trouvé que le rendement lumineux, c’est-à-dire le nombre de bougies produites dans une lampe Edison augmente très vite avec l’intensité du courant; il faut cependant s’arrêter à une certaine limite compatible avec la conservation du charbon de papier, dont la résistance à la chaleur n’est pas aussi illimitée que le prétendait Edison, puisque sur les deux cents lampes construites à Menlo-Park, il n’en restait plus, au bout de deux mois, que deux en état de fonctionner.
- En prenant la lampe dans les conditions les plus favorables, voici les chiffres trouvés par M. Morton :
- Le charbon avait une résistance de 74,5 ohms et était traversé par un courant de 1,079 webers, ce qui correspond à une puissance de 0,116 chevaux dépensés en électricité par chaque lampe. La puissance lumineuse maximum était, dans ces conditions, de 20,6 candies (il faut 9,5 candies pour un bec Carcel). Le diagramme ci-contre montre comment varie l’intensité lumineuse en tournant autour de la lampe.
- Si l’on est placé en face du petit fer à cheval, la puis-
- sance lumineuse est 20,6, à 40° elle n’est plus que de 14,3, et si l’on se place de champ, elle tombe à 6,7 candies.
- En faisant la moyenne de dix mesures faites de 10 en 10 degrés, M. Morton a trouvé que la puissance lumineuse était de 14,26 candies, soit 69 pour 100 du maximum.
- 11 résulte de ces quelques chiffres qu’un cheval de force transformé intégralement en électricité et utilisé entièrement dans les lampes Edison, sans aucune perte par les conducteurs, la résistance de la machine, les frottements, etc., pourrait produire 120 candies, mais, si l’on suppose une perte de 40 pour 100, perte que les meilleures machines n’ont pu éviter jusqu’ici, on trouve qu’un cheval-vapeur dépensé sur l’arbre de la machine permet d’alimenter cinq lampes donnant chacune 14,26 candies, soit, en mesures françaises, huit becs Carcel par cheval-vapeur, répartis en cinq foyers.
- Malgré les avantages évidents de la division de la lumière, ces chiffres condamnent la lampe Edison, car le moindre régulateur donne vingt fois plus de lumière à puissance égale, et les lampes Reynier ou Werdennann fournissent, dans les plus mauvaises conditions, six à huit
- Diagramme des intensités lumineuses de la lampe d’Edison
- (le cercle représente l’intensité moyenne).
- fois plus de lumière que la lampe Edison dans les conditions les plus favorables.
- Il faut attribuer ce faible rendement à une erreur capitale de principe qui indiquait à l’avance des chiffres analogues à ceux que nous venons de citer.
- Quel que soit le système d’éclairage électrique employé, arc voltaïque, bougie ou incandescence, on s’attache à concentrer en' un point le plus petit possible la plus grande quantité de chaleur possible, pour élever très haut la température en ce point, puisque la lumière émise par un corps chaud augmente très vite avec la température. M. Edison a fait tout le contraire; il a donné un grand développement à la partie incandescente, donnant ainsi plus de surface de rayonnement lumineux, mais en même temps une plus grande surface de refroidissement.
- Cela explique pourquoi le rendement lumineux est si faible, puisque la température ne peut s’élever à un certain degré qu’à la condition de compenser le refroidissement du charbon par une grande quantité d’électricité, et pourquoi, d’autre part, le charbon de M. Edison a pu durer quelque temps sans se détériorer, sa température étant relativement peu élevée.
- Les expériences de M. Morton justifient pleinement les réserves que nous avions faites en décrivant la lampe électrique d’Edison.
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- LA NATURE.
- LES TEMPÊTES
- DK l’atlantique SEPTENTRIONAL ET LA PRÉVISION DU TEMPS EN EUROPE
- M. Hoffmeyer, le savant directeur de l’Institut météorologique danois, vient de publier un mémoire très intéressant où il examine la possibilité de prévoir le temps à plus longue échéance à l’aide d’un réseau télégraphique convenablement disposé.
- Tout d’abord l’auteur rappelle que dans notre hémisphère en général, et en particulier sur les régions que nous avons été à même d’étudier plus complètement, les dépressions se meuvent de l’Ouest à l’Est. Ce fait, combiné avec la loi de rotation du vent de Buys Ballot et quelques remarques empiriques variables avec les régions, a permis d’établir les services de prévision du temps en Europe. Ces services, comme on le sait, basent surtout leurs avis sur les observations des stations situées à l’Ouest, et qui reçoivent les premières l’atteinte des perturbations. Dans l’état actuel de la météorologie, la prévision se borne à une alerte convenablement interprétée.
- Les essais d’avertissements tentés en Amérique par le New-York Herald semblent fondés sur une autre méthode : sur le prolongement de la trajectoire des dépressions et l’extension à l’Europe des caractères offerts par ces météores en Amérique. Un des côtés faibles de ce service, c’est qu’il est obligé de s’appuyer sur des présomptions théoriques, alors que jusqu’ici aucune règle scientifique ne permet de définir la marche et les caractères à venir d’une dépression, en prenant pour point de départ sa manière d'être pendant un certain temps.
- Pour étudier la possibilité des avertissements à longue échéance, M. Hoffmeyer s’est livré à l’étude des trajectoires et de l’intensité des dépressions pendant une période de vingt et un mois (de septembre à novembre 1875 et de décembre 1874 à mars 1876), où ses cartes synoptiques étaient appuyées sur des documents nombreux, afin d’éviter autant que possible les incertitudes dans le tracé des isobares en mer.
- Les 285 minima barométriques observés entre 10 degrés à l’Est et 60 degrés à l’Ouest de Greenwich peuvent être subdivisés de la manière suivante : A, 25, soit 8 p. 100, font leur première apparition dans la baie de Baffin ou le détroit de Davis, provenant vraisemblablement, pour la plupart, des régions arctiques de l’Amérique. — B, 126, soit 44 p. 100, arrivent en traversant les États-Unis de l’Amérique du Nord et le Canada (voir carte 1).— G, 25, soit 9 p. 100, apparaissent entre Terre-Neuve et les Açores, et viennent probablement des régions tropicales de l’océan Atlantique. —D, 106, soit 57 p. 100, se forment en plein Océan, par une segmentation des perturbations déjà existantes, et sont en conséquence désignés sous le nom de mi-
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- nima partiels ou secondaires. — E, 5, soit 2 p. 100, semblent s’être produits au large. !
- Nous voyons donc que 61 p. 100 du nombre total des dépressions sur l’océan Atlantique viennent de l’Amérique, tandis que 59 p. 1 00, soient D et E, se forment en pleine mer. Sur ces 61 p. 100, 44 p. 100 seulement peuvent être observées aux États-Unis ou au Canada (les autres passant par l’Amérique arctique). Si maintenant nous cherchons combien de ces perturbations atteignent l’Europe, nous trouverons que la moitié environ, ou 145 sur 288. dépassent le 10e degré à l’Ouest du méridien de Greenwich, savoir : A ou 17 minima arctiques soit 12 p. 100; B ou 68 minima de l’Amérique du • Nord soit 47 p 100; C ou 9 minima intertropicaux, soit 5 p. 100; D ou 48 minima partiels, soit 55 p. 100; E ou 4 minima de formation spontanée, soit 5
- p. 100.
- Il résulte de là que sur 100 dépressions qui at-gnent l’Europe, 47 p. 100 seulement ont pu être observées en Amérique, d’où en supposant (ce qui n’est point), que toute dépression qui a passé sur les États-Unis ou le Canada affecte nos côtes, ces régions ne pourraient même pas nous prévenir de l’arrivée de la moitié de nos tempêtes.
- Une autre difficulté se présente pour la prévision des tempêtes par les Américains, c’est que les caractères de ces phénomènes ne sont pas les mêmes aux États-Unis et en Europe.
- On voit sur les cartes du Signal Service que les dépressions sont généralement précédées et suivies d’aires de hautes pressions. Ces aires émigrent de préférence vers l'Est, à l’instar des pressions faibles, tandis qu’au contraire, sur l'océan Atlantique et l'Europe, elles montrent une tendance marquée à se maintenir stationnaires dans les mêmes régions pendant un temps plus ou moins considérable. Ce fait a une grande importance, dit M. Hoffmeyer, parce que les hautes pressions ne paraissent pas exercer en Amérique une influence notable sur le cours des dépressions et qu’elles cèdent et se déplacent dans le sens de l’Est au fur et à mesure que les perturbations pénètrent en avant dans cette direction. « Les anticyclones dont le berceau est l’océan Atlantique ou l’Europe jouent au contraire un rôle beaucoup plus important, car ils s’opposent carrément au progrès des perturbations dans certains sens et les forcent à faire un détour plus ou moins grand pour parvenir à l’Est. » C’est pourquoi les dépressions gardent sur le continent américain une beaucoup plus grande individualité; à partir de Terre-Neuve, les aires de hautes pressions disparaissent, et les minima, n’étant plus séparés que par des arêtes de forte pression, peuvent se confondre et se segmenter, comme cela arrive fréquemment en Europe.
- Les minima secondaires ainsi formés affectent souvent nos côtes d’une manière assez grave; on les rencontre sur l’Atlantique dans toutes les phases de, leur existence « d’abord comme de légères protuhérances
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- LA NATURE.
- des isobares qui entourent le minimum principal, puis affectant des dimensions plus considérables et présentant une forme plus arrondie, jusqu’à ce que finalement elles constituent un système d’isobares fermées et indépendantes, entourées de vents qui forment le cercle de rotation complet ».
- M. Hoffmeyer ayant montré que la moitié seulement des dépressions qui atteignent nos côtes a traversé l’Amérique, et que la trajectoire des bourrasques est profondément modifiée par les conditions que le météore rencontre (voir carte 2), arrive aux conclusions suivantes :
- « Dans le but de se prémunir autant que possible en Europe contre des surprises venant de l’océan Atlantique, on doit chercher à se procurer les éclaircissements nécessaires sur les conditions actuelles du temps sur cette mer, après quoi il faut combiner ces connaissances avec les renseignements reçus d’Amérique ou, en d’autres termes, on doit tâcher
- i.... Trajectoire des
- dépressions
- Les chiffrespiedsprit des Wÿirtftrw indiquent combien de dépressions ont sutn cette route pendent le période
- Carte n° i, indiquant les routes suivies par diverses dépressions venues des Etats-Unis et du Groenland.
- succès. M. Hoffmeyer prouve la vérité de cette assertion en montrant que la trajectoire des tempêtes passe généralement assez près d’un des groupes de stations pour révéler l’existence et l’intensité de la dépression.
- Après cette analyse, l’auteur se livre à une sorte de synthèse. Pour cela, il a prié le Meteorological Office de lui communiquer la position de quatre navires ayant navigué sur l'Atlantique en 1878, puis, en se basant sur des cartes construites à l’aide des stations terrestres, il a défini jour par jour le temps éprouvé par les navires. Ce travail accompli, M. Hoffmeyer a demandé au Meteorological Office copie des notes météorologiques des quatre navires, et a placé le temps observé en regard du temps prévu, comme dans l’exemple ci-dessous.
- Temps prévu. — January, 18-19. Bar. rising : wiiul varing from. S.W.to W. and N.W. strong.— Temps observé. — Bar first rising, then falling : wind from S.W., W. and N.W., strong to fresh.
- L’ensemble des prévisions est bien vérifié et
- d'établir pour la part de l'océan Atlantique un service du temps régulier et basé sur l'état de choses actuellement existant. »
- Pour atteindre ce but, il e t nécessaire de mettre en communication télégraphique avec l’Europe les îles Feroë, l’Islande, le Groënland méridional ainsi que les Açores, et en même temps, les Bermudes avec l’Amérique du Nord. Cela fait, il sera possible, en réunissant les dépêches de ces stations, celles de l’Amérique et celles du service journalier de la piévision en Europe, de dresser une carte quotidienne indiquant les traits généraux du temps sur la surface totale de l’océan Atlantique septentrional.
- Cette représentation graphique de 1 état du temps servira, étant données les règles empiriques déduites de l’étude des phénomènes et de leur succession sur l’Atlantique, à formuler les prévisions plus longtemps à l’avance et avec grande chance de
- -i Trajectoire des
- dépression»
- _ Points dev&nt être relié» télégraphiquement
- Carie n° 2, montrant l’effet des conditions atmosphériques préexistantes sur la marche des dépressions.
- montre que le réseau de stations proposé suffit pour donner les caractères généraux du temps sur l'Atlantique.
- M. Hoffmeyer insiste, en terminant, sur les résultats qui seraient obtenus, au point de vue de la prévision, et même dans l’intérêt de la navigation, par l’organisation de ce réseau.
- L’auteur voit bien les difficultés qui pourront entraver la pose du cable télégraphique, parce qu’aucune des lignes à créer ne pourra être entretenue par des motifs commerciaux, mais la dépense nécessaire serait compensée par les avantages que l’Europe entière retirerait de la prévision presque certaine des perturbations de quelque importance.
- Du reste, ce qui paraît difficile à réaliser aujourd’hui devient facile demain; c’est ce qui caractérise notre temps de progrès et permet de bien augurer du projet de M. le capitaine Hoffmeyer.
- IL S.
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- LA NATUHK.
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- LES MOULINS DES GLACIERS
- Je garderai toujours uu souvenir charmant de l’excursion où, pour la première fois, je me trouvai en présence des Moulins de la mer de Glace. Nous venions du Montanvers et nous voulions, après avoir touché la moraine au pied du Tacul, retourner à Chamonix par le Mauvais-Pas et le Chapeau. L’eau limpide ruisselait de tous côtés en (lots cris-
- tallins qui tombaient, avec un bruit charmant de cascade, dans d’innombrables crevasses aux parois d’azur. La chaleur du soleil d’août s’ajoutait à la fraîcheur de la glace pour nous convier à un repos durant lequel nous pûmes examiner en détail les curieux accidenta que nos lecteurs ont maintenant sous les yeux.
- Les moulins, comme on voit, sont des cavités profondes creusées verticalement dans la glace et dans lesquelles se précipitent des ruisseaux d’eau
- Un moulin de la mer de Glace (dessiu d'après nature par M. Albert Tissandier).
- glacée. U suffit d’un coup d’œil pour s’assurer que c’est à l’eau elle-même qu’on doit attribuer la formation des moulins ; en tombant dans une fracture du glacier, elle en corrode les bords et arrondit la paroi sur laquelle elle coule. Lorsque plus tard cette fracture se referme, le sillon demi-circulaire formé d’un côté se conserve, et en même temps, si l’ouverture est insuffisante pour débiter la totalité de l’eau, la paroi opposée se corrode à son tour et la cavité dans laquelle les eaux continuent à s’engouffrer devient un trou cylindrique ou aplati, à section circulaire ou elliptique. Leur diamètre est sensiblement uniforme, mais dans cer-
- tains cas, il offre^ des variations produites par les érosions de l’eau renvoyée d’une paroi contre l’autre et de matériaux qu’elle charrie et entraîne dans ces gouffres ordinairement très profonds. Quand une nouvelle crevasse vient à s’ouvrir à l’amont d’un pareil puits, le ruisseau trouvant une nouvelle voie d’écoulement, le puits se trouve à sec et persiste jusqu’à ce que ses parois se soient rapprochées par le mouvement continuel de dilatation, qui cesse d’être neutralisé par le passage et l’action érosive de l’eau, souvent aussi des pierres d’un trop fort calibre tombent dans ces trous, s’arrêtent à une certaine profondeur, retiennent les menus graviers et
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- LÀ NATURE,
- forment des barrages qui s’opposent à l'écoulement. Aussi voit-on des puits, soit en activité, soit sans eau et entièrement vides, soit remplis jusqu’à leurs bords.
- Un fait à noter à l’égard des moulins, c’est qu’ils ne restent point immobiles; on n’en saurait douter depuis l’époque où Agassiz en fit comprendre deux dans le réseau trigonométrique établi par M. Wild sur le glacier de l’Àar. Au bout de quatre ans, ils avaient parcouru 500 mètres en aval de leur emplacement primitif, c’est-à-dire qu’ils avaient cheminé avec la même vitesse que les blocs de la moraine médiane près de laquelle ils existaient.
- Cependant, en règle générale, dans les parages où nous voyons des moulins, nous les retrouvons chaque année, mais tous ne sont pas ouverts et, par conséquent, l’eau ne peut pas s’y engouffrer. Il y en a qui fonctionnent comme puits pendant plusieurs années, mais le plus grand nombre se ferme en hiver ; l’eau qui s’y jette en petite quantité pendant l’arrière-saison se gèle aux parois, obstrue le passage, le puits se remplit d’eau et toute la masse se gèle.
- On peut dire que, sauf exception, un puits est en activité une année : un nouveau puits s’ouvre l’année suivante, à peu près à la même place que celui qui l’a précédé.
- 11 faut attribuer à l’existence même des moulins l’action spéciale de l’eau des glaciers sur les roches constituantes du fond. Cette eau, chargée de sable et de galets, venant, grâce à la conduite verticale des moulins, frapper les roches à peu près perpendiculairement et longtemps à la même place, y creuse des cavités circulaires ou des canaux sinueux à rebords arrondis, semblables à ceux que nous avons décrits, il y a quelques années, dans ce même Recueil, sous le nom de Marmites des géants. On se rappelle que celles-ci constituent l’une des preuves les plus fortes du développement antique des glaciers dans certaines régions d’où ils ont complètement disparu maintenant.
- On nous saura gré de reproduire ici le récit de l’excursion faite par Agassiz dans la profondeur d’un moulin du glacier de l’Aar ; le nom de l’illustre auteur et la probabilité qu’on ne recommencera pas de sitôt une entreprise aussi téméraire, justifieront amplement cette citation :
- « Les guides, dit Agassiz, fixèrent au bout de la corde une planche qui devait me servir de siège, puis ils m’attachèrent à cette même corde au moyen d’une courroie qu’ils me passèrent sous les bras, de manière à me laisser les mains libres. Pour me garantir contre l’eau qui n’avait pu être détournée complètement, ils me couvrirent les épaules d’une peau de chèvre et me mirent une casquette de peau de marmotte sur la tête. Ainsi accoutré, je descendis, muni d’un marteau et d’un bâton. Mon ami Escher de la Linth devait diriger la descente ; il se coucha à cette fin sur le ventre, l’oreille penchée
- au bord du précipice, afin de mieux entendre mes ordres. Il fut convenu que si je ne demandais pas à remonter, on me laisserait descendre aussi longtemps que M. Escher entendrait ma voix J’arrivai sans obstacle jusqu’à une profondeur de 25 mètreâ, observant avec intérêt la structure lamellaire du glacier et les petits glaçons qui étaient suspendus de tous côtés aux parois du puits. Ces glaçons avaient de 5 à 15 centimètres de longueur et quel ques millimètres seulement de diamètre ; ils étaient arqués comme des agrafes implantées dans la paroi et résultaient bien évidemment d’un suintement de l’eau à travers la glace, car s’ils eussent été le résultat de l’eau de la surface du glacier, ils n’auraient été ni aussi uniformes ni aussi également répartis sur toutes les parois. Ceux qui provenaient réellement de la cascade supérieure étaient beaucoup plus grands, accolés contre le mur de glace et, de plus, limités à l’une des faces du couloir. Il me sembla que les bandes déglacé bleue devenaient insensiblement plus larges à mesure que je descendais, elles étaient en même temps moins tranchées et contrastaient aussi moins nettement avec les glaçons ou bandes de glace blanche. Je rencontrai à environ 25 mètres une cloison de glace qui divisait le puits en deux compartiments; j’essayai d’entrer dans le plus large, mais je ne pus pénétrer à plus de dm,50 à 2 mètres, parce que le couloir se divisait en plusieurs canaux étroits. Je me fis remonter, et, manœuvrant de manière à faire dévier la corde de la ligne verticale, je m’engageai dans l’autre compartiment. Je m’étais aperçu, en descendant, qu’il y avait de l’eau au fond du trou, mais je la croyais à une bien plus grande profondeur; et, comme mon attention était surtout dirigée sur les bandes verticales, et que je suivais toujours îles yeux, grâce à la lumière que réfléchissaient les parois brillantes de la glace, je fus très surpris lorsque, tout à coup, je me sentis les pieds dans l’eau. J’ordonnai qu’on me remontât, mais l’ordre fut mal compris, et, au lieu de me remonter, on me laissait toujours lentement descendre. Je poussai alors un cri de détresse qui fut entendu, et l’on me retira avant que je ne fusse dans le cas de nager. Il me semblait que, de ma vie, je n’avais rencontré d’eau aussi froide; à sa surface flottaient des fragments de glace, sans doute des débris de glaçons. Les parois du puits étaient âpres au toucher, ce qui provenait sans doute des fissures capillaires. Lorsque j’arrivai à la surface, mes amis m’avouèrent qu’ils avaient eu un moment de rude angoisse en m’entendant crier du fond du puits ; ils avaient eu toutes les peines possibles à me retirer, bien qu’ils lussent au nombre de huit. J’avais moi-même peu réfléchi au danger de ma position, et il est certain que si je l’avais cornu, je ne m’y serais pas exposé ; car il eut suffi que le choc de la corde eût détaché l’un des gros glaçons collés contre les parois du gouffre pour que ma perte fût certaine. Aussi je ne conseille à quiconque ne serait
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- LÀ NATURE.
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- pas guidé par un puissant intérêt scientifique de répéter une pareille expérience sans les précautions les plus minulieuses. »
- On ne peut étudier les moulins et autres cavités des glaciers sans être frappé de leur étroite analogie avec les cavernc-s qui perforent en tous sens la masse des roches proprement dites. La glace renferme en grand nombre de ces antres, qui, dans les calcaires, ont été si souvent habités par les hommes et par les animaux quaternaires. C'est ainsi, entre beaucoup d’exemples, qu’un jour du mois d’août 4841, les ouvriers occupés à forer un trou dans le glacier de l’Aar virent le perçoir s’échapper tout à coup de leurs mains : ils étaient alors à la profondeur de 50 mètres. En même temps, on vit arriver à la surface une grande quantité de bulles d’air. L’eau cependant ne s’écoula pas du trou, d’où il faut conclure que la cavité rencontrée par le perçoir était une cavité fermée.
- Les faits de ce genre s’ajoutent à ceux qui conduisent les géologues à considérer l’eau sous toutes ses formes comme une roche véritable, tout à fait comparable aux autres.
- Stanislas Meunier.
- BOITES PHARMACEUTIQUES DE SECOURS
- ET PHARMACIES PORTATIVES
- Dans une circulaire récente adressée à tous les préfets, M. le Ministre de l’Intérieur vient de recommander l’usage d’une boîte pharmaceutique de secours dans toutes les communes où il n’existe pas de pharmaciens. Cette boite de secours est destinée à mettre à la disposition des habitants et des médecins qui se trouveraient pris au dépourvu, un dépôt de médicaments d’usage le plus commun. Elle se compose de deux compartiments : l’un, réservé exclusivement au médecin, renferme 125 gr. de solution caustique d’acide phénique au 1/10, d’ammoniaque liquide, de chloroforme pur, d’éther sulfurique à 62°, d’extrait de saturne, de laudanum de Sydenham, de perchlorure de ! r à 20°, de teinture de quinquina; calomel, 10 paquets de 50 centigr. ; émétique, 10 paquets de 10 centigr.; ipéca, 10 paquets de’50 centigr.; kermès, 10 paquets de 25 centigr.; sulfate de quinine, flacon de 30 gr.; nitrate d’argent; une sonde.
- Le second compartiment renferme des objets laissés à la disposition du public, c’est-à-dire 250 gr. d’alcool camphré, 125 gr. de collodion médicinal, 250 gr. de glycérine pure, 500 gr. de sulfate de soude, 125 gr. de sous-nitrate de bismuth, 250 gr. d’alcool à brûler pour lampes, 12 aiguilles à suture assorties, amadou, attelles assorties, 100 mètres de bandes assorties, 2 kilogr. de compresses assorties, ciseaux, épingles, fil et cire, lampe à alcool, mortier et pilon, 2 pinceaux, porte-nitrate garni de nitrate d’argent, sinapisme façon Rigollot, un rouleau de sparadrap diachylon, trébuchet et ses poids, verre gradué pour les liquides, 3 ventouses en caoutchouc, 2 cautères, garrot, ouate en grande quantité, éponges dans un flacon.
- La composition de ces boites est la meilleure démons-
- tration de leur utilité; nous ajouterons qu’elles doivent être placées en mains sûres, chez l’instituteur de la commune, par exemple, et que pour ne pas contrevenir aux lois qui régissent l’exercice de la pharmacie, l’usage des objets qu’elle contient doit être absolument gratuit. C’est la porte fermée aux abus qu’aurait pu amener l’usage de ces boites de secours.
- La circulaire ministérielle que nous venons de signaler n’est que l’extension de l’usage des pharmacies portatives connues depuis longtemps des personnes qui voyagent ou habitent à la campagne dans des endroits plus ou moins isolés. Ces pharmacies portatives, que l’on peut.se procurer chez tous les pharmaciens, sont de grandeur variable suivant l’importance qu’on veut leur donner; elles sont toujours accompagnées d’une instruction très précise; nuis en donnerons une idée aux lecteurs en décrivant les deux modèles extrêmes construits par M. E. Conor.
- Le premier et plus petit modèle, très recherché du public pour sa commodité et son élégance, renferme G flacons soigneusement bouchés et étiquetés, 1 porte-nitrate, 1 paire de ciseaux, 1 lancette, 1 pince à échardes,
- 1 bande de linge avec de la charpie-tissu, 1 pièce de baudruche adhésive, des rondelles pour cors, du fil et des épingles.
- Le plus grand modèle se compose d’une boîte élégante en acajou massif, à portes et à développements à charnières, fermant à clef, avec double serrure, case à linge et charpie sous les flacons, tiroir à compartiments contenant une série de flacons étiquetés, avec capuchons en gomme et destinés à contenir les principaux médicaments liquides ou en poudre.
- La boite renferme en outre les objets contenus dans la boite précédente et, de plus, 8 boites carrées, étiquetées pour médicaments divers, 2 étuis pour sparadrap, bau-bruche, thapsia, 2 étuis pour sinapismes et cataplasmes,
- 1 bistouri, 1 lampe à alcool avec réchaud, 1 verre dosimétrique, 1 compte-gouttes, 1 spatule à grains, en os, de la charpie, des bandes, des compresses, de l’ouate, de l’amadou. Quant aux médicaments à mettre dans les flacons, ce sont, parmi les plus importants, ceux dont nous avons donné plus haut le détail à propos des boites de secours. Dr Z.
- BIBLIOGRAPHIE
- Botanique cryptogamique pharmaco-médicale, par le docteur L. Marchand, 1 vol. in-8°. Paris, Doin, 1880.
- L’auteur s’est appliqué dans ce manuel, conçu sur un plan tout à fait neuf, à résumer l’état actuel des connaissances en cryptogamie, cette vaste branche de la botanique, en honneur de nos jours, et dont les matériaux, épars et publiés dans toutes les langues, sont si difficiles à réunir. Ce livre, comme l’annonce son auteur, est écrit pour les élèves qui suivent le cours qu’il fait à l’École de pharmacie, c’est-à-dire qu’avant tout il est élémentaire. 'Mais cependant les points qui touchent à la médecine, à la pharmacie et à la nosologie végétale y sont traités plus particulièrement. C’est ainsi que les opinions diverses des savants spéciaux qui se sont occupés des questions de pathologie les plus graves, dans ces dernières années, et qui semblent être du domaine de la cryptogamie, ont été l’objet de tous les soins de M. -Marchand. r
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- LA NAT ï 151 .
- ËLEYÀGE DES ANIMAUX
- DE BASSE-COUB
- Un grand nombre de personnes s’occupent de l’élevage des animaux de basse-cour, aussi des documents précis publiés à ce sujet peuvent être considérés comme très utiles et 1res importants. C’est ce que vient de faire un propriétaire émérite, M. E. Lemoine, à Crosne (Seine-et-Oise), qui a réuni dans un remarquable petit volume le résultat de sa longue expérience1. Nous emprunterons à cet ouvrage des extraits qui seront de nature à en faire connaître tout le mérite, et qui formeront en même temps une monographie sur l’élevage des poussins.
- Quelques mots d’abord sur la belle installation de M. E. Lemoine.
- « La situation exceptionnelle de ma propriété, dit l'auteur, au bord de la jolie rivière l’Yerres, qui forme une île à l’une des extrémités de mon parc, l’emplacement que j’ai à ma disposition, m’ont permis de réaliser un élevage d’un genre tout nouveau, qui m’a coûté beaucoup de peine, mais qui m’a donné de magnifiques résultats. J’avais vainement cherché des installations convenables pour la volaille, et les quelques sujets remarquables que j’avais rencontrés étaient logés dans des poulaillers mal tenus, presque tous relégués dans des endroits abandonnés, humides la plupart et tous malpropres. Convaincu que je pourrais réussir avec beaucoup de soins et de propreté, en 1872, j’ai créé mon
- Fig. 1. Poulailler en ciment de Portland.
- élevage et je l’ai installé dans mon île. Après plusieurs années d’expérience, je suis arrivé à cette conclusion, qu’avec cent sujets on doit réussir, toujours bien réussir, mais qu’il est très difficile d’en élever deux ou trois mille. Craignant l’agglomération, voulant toujours éviter les épidémies et la contagion, car plus le nombre des élèves est grand et plus les maladies sont à redouter, j’ai échelonné mes quatre-vingt-cinq parquets sur un parcours de plus de 1000 mètres. Pour bien agir, il m’a fallu comprendre tout ce que réclament les diverses variétés d’oiseaux de basse-cour. Je les ai donc étudiés, observés, et je me suis efforcé de leur procurer ce qu’ils aiment. Aussi mes reproducteurs trouvent-ils dans leurs parquets, d’une superficie de 80 à 500 mètres carrés, tout ce qu’ils recherchent en
- 1 Élevage des animaux de basse-cour, par E. Lemoine, dessins par Allongé, 1 vol. in-18. Paris, G. Masson, 1880.
- liberté : verdure, insectes et gravier Chaque basse-cour a son jardin, composé de pelouse, arbustes, arbres fruitiers et allées sablées. Les arbustes ont le double avantage d’abriter les animaux et d’absorber leur fiente ; le sable leur est indispensable : soit pour se poudrer, soit pour faciliter la digestion.
- « J’ai plusieurs genres de poulaillers : ceux que j’ai établis en 1876 sont parfaits sous tous les rapports. Ils sont tiès simples, construits entièrement en ciment Portland (fig. 1). Us servent pour deux basses-cours. »
- Voici maintenant quelques recommandations données par l’auteur sur l’élevage des poussins.
- « Les poussins, dit M. Lemoine, qui éclosent les premiers proviennent des œufs qui ont été pondus le jour ou la veille de la mise en incubation; ils restent parfaitement douze, quinze heures sous les couveuses. Aux mois de février, mars, avril,
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- LA NATURE.
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- mères et poussins sont portés dans un bâtiment exposé au Sud-Est, couvert en chaume, ayant dix-huit compartiments de lni,50 sur 1 mètre de large. Dans l’intérieur règne un corridor pour le service; sur le devant existent de petites portes avec des lames de bois qui permettent aux poussins seulement de sortir; à l’intérieur, une barrière, encore en lames de bois, protège un endroit réservé aux poussins pour leur nourriture spéciale. Sur le devant de ce bâtiment, au dessus des petites portes, il y a une partie vitrée qui donne une grande lumière et procure une très bonne température. Mais cette chaleur, si bienfaisante au printemps, deviendrait nuisible plus tard. Alors, aux mois de mai, juillet juillet, les mères et leurs poussins sont portés dans des boîtes à élevage (fig. 2), que je dissémine
- dans un petit bois, sous de grands arbres, où les poussins peuvent se développer facilement sans craindre l’ardeur des rayons du soleil. Rien n’est plus amusant que la promenade sous bois, quand on voit courir tous ces poussins vigoureux à la recherche des vers et des insectes.
- « Les boites à élevage sont mobiles ; tous les ans on les change de place, et, toujours dans la crainte des épidémies et do la vermine, je les fais badigeonner à la chaux.
- « On doit avoir l’oreille attentive quand on a des poussins; leurs piaulements indiquent une souffrance, un froid ou le besoin de manger. Toutefois, il ne faut pas s’approcher inutilement des mères, pendant les huit premiers jours, car chaque fois qu’elles entendent du bruit elles se figurent qu’on
- leur apporte à manger, elles se lèvent et empêchent les petits de prendre le repos dont ils ont grand besoin. Un bon élevage ne doit pas se faire dans une cour où le passage des voitures, des autres animaux vient effrayer o i écraser ces jolis petits poussins; il doit être installé dans un verger, où les couveuses peuvent au besoin conduire tranquillement leurs couvées. L’élevage dans un verger a aussi un avantage au point de vue de l’arboriculture, toutes ces petites familles y dévorent les insectes et y laissent un très bon engrais. L’élevage des poussins réclame des soins continuels, une surveillance très active; la propreté la plus recherchée est une condition indispensable pour une bonne réussite.
- « Je laisse donc les poussins sous la conduite de leurs mères et les reprends à l’adolescence. Pour que les poulets se développent parfaitement bien,
- chose très importante, il faut d’abord^ qu’ils aient un très bon estomac, et pour cela, il leur faut un grand parcours et une nourriture très abondante, l’exercice facilitant la digestion. De cette façon leur croissance s’accomplit très bien. Mais il vient un moment, un âge, où les cochelets, dont on a favorisé l’ardeur par les bonnes conditions d’élevage, veulent prouver à leurs compagnes qu’ils ne sont plus des cochelets : c’est alors qu’il est important de faire une séparation, de mettre d’un côté les futurs coqs et de l’autre les poulettes, car il est certain qu’un accouplement trop précoce arrête la croissance des adolescents. »
- Le livre de M. E. Lemoine est illustré de remarquables dessins de M. Allongé, comme le témoignent les deux spécimens que nous publions ci-dessus.
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- LA NATURE
- SOCIÉTÉS SAVANTES
- Société française de physique. — Séance du A juin 1880. — Présidence de M. Mascart. — M. Carpentier présente un frein funiculaire formé d’une corde embrassant un arc plus ou moins grand de la poulie dont on veut évaluer le travail; cette corde est tendue par deux poids inégaux dont la différence est égale au frottement développé. Cet appareil n’exige pas, comme le frein de Prony, un réglage fait à la main. Le réglage a lieu à l’aide d’une poulie folle qui porte le brin le moins tendu et qui, entraîné par le frottement quand celui-ci augmente, diminue convenablement l’arc de frottement. — M. Cornu expose quelques-uns des résultats auxquels ont conduit ses recherches sur le spectre ultra-violet. Les discordances énormes entre les diverses évaluations de la tempérance du soleil lui ont paru provenir de ce que l’on n’a pas toujours assez tenu compte dans les raisonnements de l’hétérogénéité des rayons émis par la source incandescente. 11 a étudié la partie ultra-violette, dont l’étendue croît, comme on sait, avec la température. L’atmosphère limite toutefois la longueur du spectre des rayons qui nous parviennent proportionnellement au logarithme du sinus de la hauteur du soleil. Et cette limitation du côté de l’ultra-violet est si brusque, que l’application de ce moyen à la mesure, à l’évaluation de la température solaire, devient impossible. En revanche, M. Cornu a pu mettre en évidence, par une expérience directe, l’absorption par l’air de l’extrémité ( de la raie 52) du spectre formé par l’aluminium dans l’étincelle électrique; l’air renfermé dans un tube de 4 mètres, où l’on peut faire le vide, supprime plusieurs des raies extrêmes. L’observation se faisait à l’aide du verre d’urane. En prenant des épreuves sur le Rifelberg, à 2600 mètres, M. Cornu n’a trouvé qu’une extension insignifiante dans la longueur du spectre. Le point de rosée étant au-dessous, l’humidité de l’air ne devait guère jouer de rôle à 1910 mètres, plus has le spectre était de très peu plus court. La loi du logarithme sinus des hauteurs vérifiées expérimentalement par l’auteur, conduit à cette conséquence que l’absorption est proportionnelle à la masse d’air traversée, cette absorption est donc due à un élément uniformément réparti dans l’atmosphère ; cet élément n’est ni l’eau, ni la poussière, dont la proportion diminue rapidement avec l’altitude.
- Société géologique de Fiance. — Séance du S juin 1880. — Présidence de M. de Lapparent. — M. Cazalis de Fondoucc présente des observations sur les cailloux roulés de la vallée du Rhône. Sur les hauteurs, ces cailloux sont arrondis comme ceux du diluvium ; dans la plaine, ils offrent au contraire des facettes d’usure produites sans doute par l'action du sahle mis en mouvement par le vent. — M. Daubrée signale des ammonites apportées du Sahara par M. Rolland, et présentant des traces d’érosions semblables, sur une face ou sur les deux, suivant la partie qui a été soumise à l’action du sable. — M. Choffat présente le premier fascicule de ses Études sur les terrains jurassiques du Portugal; ce travail est intitulé : Le Lias et le Dogger au nord du Tage.
- — M. Daubrée présente une étude intitulée Descartes, l'un des créateurs de la cosmologie et de la géologie. L'auteur y a fait ressortir les vues profondes et hardies émises par le grand philosophe, et qui, après plus d’un siècle de discussion, ont reçu d’éclatantes confirmations.
- — M. Daubrée a étudié le réseau de cassures ou diaclases
- qui coupent les terrains stratifiés des environs de Paris. — M. Tardy envoie une étude sur les argiles à meulières de Montmorency. Il distingue, au-dessus des sables de Fontainebleau, d’abord une couche mince de grès ferrugineux, surmontée d’une zone argileuse noirâtre, puis une assise de calcaire siliceux avec argiles jaunes en stratification horizontale, enfin l’argile de couleurs vives, marbrée de rouge et de bleu, avec blocs anguleux, non alignés, de meulières. M. Tardy attribue à ce dernier dépôt une origine diluvienne, tout en le rapportant à une époque antérieure à l’époque quaternaire.— M. N. de Mercey envoie une Note sur le quaternaire ancien dans le nord de la France.
- Société botanique de France. — Séance du 11 juin. — M. Van Tieghem signale les différences qui existent entre les Oscillariées et les Raetériacées. 11 existe des Oscillaires blanches et des Bactéries vertes ; mais les spores des Bactéries se forment à l’intérieur des cellules tandis que celles des Oscillaires sont des cellules durables se transformant entièrement en spores. En outre, quand les Bactéries ont de la chlorophylle, ce n’est pas la matière bleuâtre des Oscillariées, mais de la chlorophylle pure. — M. Cornu a vérifié plusieurs alternances de formes décrites par les auteurs chez les champignons. Le Peri-dermium pini et le Choreosporium senecionis ; YŒcidium du Rhamnus et la Puccinia coronata de l’avoine. — M. Prillieux a pu faire germer les spores de 1 ’Urocystis de la violette. — M. Patouillard signale une nouvelle variété de tilleul bractéolé. — M. Malinvaud présente des fraises monstrueuses par ramification du gynophore en 4-7 rameaux.
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- CHRONIQUE
- La mortalité par la foudre. — Des orages d’une grande intensité ont éclaté sur différents points de la France, du 10 au 19 de ce mois. Voici quels sont les principaux sinistres qui ont été causés par la foudre. Dans le département de la Haute-Garonne, le tonnerre est tombé sur la métairie de Gaillard ; le propriétaire et sa fille ont été renversés, un domestique frappé en même temps a été tué sur le coup. Dans l’Ariège la foudre a frappé de mort le receveur-buraliste à Limbrassac. Au village de Vedrenne, commune d’Egletons (Cher), la foudre, pénétrant dans une maison isolée, a grièvement brûlé un enfant de quatre ans. Une partie de la maison a été la proie des flammes. Les communes du département de l’Yonne qui ont le plus souffert sont : Saint-Léger, Vauban, Guillon, Bussières, Beauvilliers, Sully, Cussy-les-Forges, Savigny-en-Terre-Plaine, Sauvigny-le-Beuréal. A Cussy-les-Forges, une jument a été tuée. Les dégâts ont été considérables dans la Côte-d’Or. Des bestiaux ont été tués; des quantités de lièvres et de perdrix ont été trouvés morts sur les routes. Dans les Vosges, à Éloyes, la tourmente s’est abattue sur l’usine de Seur-le-Pont ; toitures, vitres, ont été brisées. Une caserne a été presque entièrement détruite, une muraille couchée par terre, un hangar effondré. On évalue les pertes à 30 000 francs.
- Géants et nains. — L’établissement de l’Aquarium de Londres présente actuellement au public trois hommes vraiment extraordinaires au point de vue anthropologique. Les deux premiers, Chang, marchand de thé à Péking, et Brustad, Norvégien, sont des géants; le troisième, Che-
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- LA MT U UE.
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- Mali est un nain chinois, « le plus petit des hommes ». Chang mesure 2m,50 de haut et pèse 94 kilogrammes. 11 a trente-trois ans. Brustad mesure 2™,43. 11 est âgé de trente-cinq ans et jouit d’une force musculaire considérable. Le nain Chc-Mah se dit âgé de quarante-deux ans, et il n'a que 50 cent. 50 de hauteur.
- delà du Rio Xingu. Dans la région du Parana et de Sâo Paulo, on a une grande formation dévonienne reposant horizontalement sur une série puissante de roches disloquées cambriennes. Enfin, M. Derby est porté à regarder 1 es bassins de houille de Santa Catharina comme étant dévoniens ou de l'âge du carbonifère le plus inférieur.
- ACADEMIE DES SCIENCES
- Séance du 21 juin 1880. — Présidence de M. Becquerel.
- Vitesse des boulets de canon.— M. le lieutenant-colonel d’artillerie Sebert s’est proposé de mesurer, à l’aide d’un appareil enregistreur spécial, la vitesse des boulets pendant qu’ils parcourent la longueur de la pièce ou pendant qu’ils pénètrent dans le sable où ils s’enfouissent en arrivant au but. Le principe de la méthode est des plus remarquables, et tout le monde sera frappé du succès obtenu par l’auteur. Le boulet, qui est cylindrique, est creux, et dans son axe se trouve une tige d’acier, le long de laquelle peut se mouvoir librement un curseur. Ce curseur, en forme de bague, porte un diapason muni d’un style qui est en contact avec la tige d’acier. Le curseur étant au moment du tir placé à l’avant du boulet, il reste, grâce à l'inertie, sensiblement immobile, pendant que la tige d’acier se déplace de toute sa propre longueur ; en même temps le diapason se met à vibrer, et il trace une courbe sur la tige qui passe devant lui. Connaissant le son rendu par le diapason, on a tout ce qu’il faut pour calculer la vitesse du boulet. La même disposition donne, par une seconde courbe, la vitesse à l’arrivée.
- Exploration géologique au Brésil. — Par l’intermédiaire du savant M. Jules Marcou, M. Orville Derby nous tient au courant des résultats qu’il a obtenus en explorant, au point de vue géologique, l'intérieur du Brésil. Ce jeune observateur, « plein d’enthousiasme, de talent et de connaissances », selon l'expression de M. Marcou, vient de revenir à ltio-Janeiro après une exploration de six mois dans le bassin du Rio Sâo Francisco. Dans une formation gneissique, il a découvert, en remontant le fleuve, près de Paulo-Àlfonso, des exemplaires à'Eozoon. Plus haut s’est présentée une série puissante de grès contenant des fossiles crétacés ; mais avant d’arriver à Joazerio, on revoit le gneiss avec des micaschistes et des itacolumites. Entre Joazerio et Chique-Chique existe un plateau élevé de roches stratifiées horizontales, d’un âge inconnu, que M. Derby est porté à regarder comme crétacées. Dans la l’égion des vallées des rivières Sâo Francisco et das Uelbas, un calcaire silurien fournit des Chæ-tetes et des Favosites. Par-dessous, en discordance de stratification, et formant les flancs de la chaîne de montagnes qui part des sources des Rios Doce et Jequetin-honha et s’étend jusqu’au nord de Jacobina, on a la grande formation d’itacolumites et de schistes diamantifères, dont l’âge parait en conséquence cambrien. Durant les années précédentes, de 1870 à 1878, M. Derby a tracé des bandes parallèles de roches des époques du silurien supérieur, du dévonien et du carbonifère, qui s’étendent à la base du grand massif de roches cristallines métamorphiques au nord de l’Amazone, depuis les bords de la rivière Uatama jusqu’au Rio Maraca, près de Mazagao, à l’est du Rio Jari. Sur le côté sud de la vallée de l’Amazone, on n’a encore reconnu que le terrain carbonifère s’étendant depuis le fleuve Madeira jusque et même au
- Géologie du canton de Genève. — La littérature géologique vient de recevoir un enrichissement important : il s’agit de la Carte géologique du canton de Genève, publiée par M. Alphonse Favre, correspondant de l’Académie, avec un texte explicatif en deux volumes. Quoiqu’il s’agisse d’une monographie très locale au double point de vue géographique et stratigraphique, cependant l’auteur a su traiter son sujet d'une manière si supérieure, que les généralités de la science, prises sous leur aspect le plus philosophique, y sont directement intéressées. Les terrains du canton de Genève appartiennent presque sans exception aux formations quaternaires ; or l’histoire de ce terrain ne peut être faite par un maître tel que M. Alphonse Favre, sans qu'elle ne conduise presque immédiatement aux considérations les plus importantes : la question de la délimitation relative des terrains superposés, des modifications successives que subissent dans le cours des temps les conditions de la surface, de la durée des périodes géologiques, du mécanisme enfin des actions qui s'exercent dans l'écorce terrestre. Un des points traités avec le plus d’autorité est l’étude du terrain glaciaire, qui a laissé dans le canton et dans Genève même de si éloquents vestiges. Nous ne pouvons ici que toucher ce grand sujet; mais nous analyserons prochainement le beau livre de M. Favre, au profit des lecteurs de la Nature.
- Stanislas Meunier.
- ALLUMEUR AUTOMATIQUE
- De Lumière éleelrique
- SYSTÈME REYNIER
- L’important problème du fractionnement de la lumière électrique, en partie résolu par divers systèmes de lampes à arc voltaïque ou à incandescence, comporte une difficulté accessoire à laquelle on n’a peut-être pas apporté une suffisante attention : c’est la solidarité établie entre les foyers multiples illuminés par une source électrique commune. L’allumage ou l’extinction individuelle d’une lampe influe nécessairement sur tous les autres brûleurs, et cette influence est différente selon le mode de groupement des foyers.
- Si les lampes sont assemblées en dérivation, l’extinction de l’une d’elles n’occasionne qu’un accroissement de l’intensité lumineuse des autres appareils ; mais quand les foyers sont réunis en tension, c’est-à-dire distribués sur une ligne unique, la suppression d’un seul foyer cause l’extinction de tous les autres. On est alors dans l’obscurité, sans savoir le plus souvent quel foyer est en défaut. Il est inutile d’insister sur la gravité d’un pareil accident, dont la fréquence sera proportionnelle au nombre de foyers.
- M. Émile Heynier, qui met habituellement huit
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- LA NATURE.
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- à douze lampes de son système en tension sur le courant de la machine Gramme ordinaire, a dû se préoccuper de cette difficulté, et il parait l’avoir résolue d’une manière satisfaisante au moyen d’un très ingénieux relai automatique appelé allumeur.
- Le conducteur principal, C, G (fig. 1), au lieu de revenir se relier directement aux deux bornes de la lampe, vient se fixer sur l’allumeur, où il se dé-
- Fig. 1. Figure schématique de l'allumeur do M. Iteynicr.
- rive en deux circuits d’égale résistance, savoir la lampe L et une spirale de maillechort R. La dérivation qui passe par la lampe, magnétise un électro-aimant, dont la fonction est de rompre, au moyen d'un levier, la dérivation de maillechort, laquelle est refermée automatiquement par le même levier, quand l’électro est démagnétisé.
- La figure 2 représente l’allumeur sous sa forme
- tig. 2. Aspect de l’appareil.
- la plus récente : C, C, sont les fils de ligne; L, L, les conducteurs aboutissant à la lampe; R, R, les attaches de la résistance.
- La figure 3 montre trois foyers L^
- L't, L"t, assèmhlés en tension, et respectivement commandés par les allumeurs M, chacune des trois lampes est individuellement doublée par une résistance (ou une seconde lampe) L2,
- T / 11/
- ^2 » Li 2 •
- Les choses étant disposées comme nous l’avons dit, voici comment fonctionne le système dans tous les cas qui peuvent se présenter :
- 1° Les lampes étant toutes garnies de charbon, on ferme le circuit : le courant se partage, pendant un instant, entre les résistances de maillechort et les lampes; mais aussitôt les électros sont magnétisés et ouvrent toutes les dérivations des résistances, et les lampes seules restent dans le circuit;
- 2U Au moment où l'on allume, une ou plusieurs lampes manquent de charbon : les allumeur s des lampes garnies fonctionnent comme il vient d’être
- dit; ceux des lampes non garhies restent fermés sur les résistances, lesquelles remplacent les lampes
- éteintes, sans modifier l’intensité du courant, ni, par conséquent, le pouvoir éclairant des lampes allumées ;
- 3° Une lampe qui fonctionnait s'arrête parce quelle manque de charbon, ou par suite d'un accident quelconque : l’allumeur qui la commande ferme le circuit de la résistance , et les autres foyers ne sont pas impressionnés ;
- 4° Pendant la marche des autres foyers, on regarnit une lampe qui manquait de charbon : le courant se partage pendant un instant entre la lampe regarnie et la résistance de son allumeur, dont l’électro, aussitôt magnétisé, ouvre la dérivation de la résistance, laissant la lampe £eule dans le circuit.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissax&ier.
- Imprimerie A. Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.
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- N* 57 0. - 5 JUILLET 1 880.
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- GRIL HYDRAULIQUE
- DE M\I. CLARK ET STAKFIELD
- . Les figures ci-jointes représentent les dispositions du gril hydraulique imaginé par MM. Clark et Stanfield, de Westminster. Son emploi convient surtout aux fleuves à marée et aux ports oii la différence de niveau de la basse à la liante mer est considérable; en outre on peut s’en servir dans, les bassins à flot, à condition toutefois que l'appareil ait été construit avant l’introduction de l’eau dans le bassin.
- Les inventeurs estiment que, dans les cas précités, la construction d’une forme de radoub de leur système coûterait environ la moitié du prix d’un
- bassin de carénage ordinaire. Dans les eaux profondes, la dépense serait un peu plus forte, mais tandis que les docks flottants exigent o mètres à 4m,oO d’eau au-dessous du fond des navires à caréner, le gril n’exige que 60 centimètres environ de fond supplémentaire, ce qui est avantageux quand on n’a à sa disposition qu’un emplacement où la profondeur d’eau est peu considérable.
- Les figures montrent les dispositions adoptées; le batiment est soulevé par une série de presses hydrauliques noyées dans le terrain sous le milieu du gril et la quille du navire. D’autres presses hydrauliques sont installées sous les côtés pour assurer la stabilité transversale de l’appareil. Les presses sont en trois groupes égaux; l’un d’eux supporte le tiers de la longueur du batiment, les deux autres sou-
- tiennent les deux autres tiers, 1 un d eux actionnant le côté de bâbord, tandis que l’autre actionne le côté de tribord. Le bâtiment, par ce groupement, peut être maintenu horizontal, ou bien sa quille peut avoir l’inclinaison que l’on veut. Le gril est une forte poutre en fer placée directement sous la quille du navire avec des traverses de chaque bord pour porter la plate-forme de travail. A quelques-unes. des traverses centrales sont fixées des ventrières qui servent à étayer le batiment quand il repose sur les tins. La surface inférieure du gril soutient une série de supports métalliques qui ordinairement sont relevés horizontalement. Quand le gril fonctionne, ils peuvent prendre une position verticale, et portant sur le fond d’un côté et sur les têtes des presses de l’autre, ils épontillent tout l’appareil. Ces supports sont d’une longueur assez grande; les uns agissent dans le sens longitudinal, 8e année. — 2e «emeslre.
- les autres dans le sens transversal, de telle sorte que quand ils supportent le gril et le navire, l’appareil ne peut se déplacer dans aucune direction.
- Pour se servir du dock, le gril et les presses sont à leur point de course le plus bas ; le navire est amené à marée haute et amarré en partie, de façon à ce que sa quille soit juste sur la pièce principale de l’appareil. Quand la mer commence à baisser, les presses sont mises en action, et la machine soulève jusqu’à ce que le gril soit au-dessus de la marque de haute mer. On laisse tomber verticalement les supports-épontilles, et on amène le gril de quelques centimètres, afin que le poids de la masse porte entièrement sur les supports. On peut alors laisser descendre les pistons des presses. La manœuvre des supports est des plus faciles : au moyen de chaînes et de vérins, ils arrivent tous en même temps à leurs postes.
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- LA NATURE.
- Dans ses mouvements, le gril glisse entre de fortes colonnes en fonte avec guides. 11 n’y a rien de particulier à signaler dans le système des tuyautages, des pompes, etc., etc., qui est semblable à celui dont on se sert d’ordinaire dans les appareils hydrauliques.
- Les avantages de ce système consistent dans l’économie réalisée sur les dépenses de premier établissement et dans l’emploi d’un matériel d’un poids moins grand. Un point important à signaler, c’est qu’au moyen d’un système de valves automatiques, le gril reste toujours parfaitement horizontal, et il est impossible de soulever ou d’abaisser une des parties du gril sans imprimer le même mouvement aux autres.
- La ligure I est une coupe transversale, la ligure 2 une coupe longitudinale, et la figure 3 le plan du dock installé sur une des rives d’une rivière à marée. L. R.
- L’ALCOOL ET LA STRYCHNINE
- M. le docteur Luton, professeur de clinique médicale à Reims, s’est fortement préoccupé des progrès constants de -^alcoolisme, qu’il a pu observer parfaitement dans une grande ville industrielle et vinicole. Le remède conseillé par lui contre cette affection est la noix vomique, ou mieux la strychnine, qui en est l’alcaloïde, abstraction faite des doses et des moyens d’administration. En 1873, il a fait connaître l'emploi de cette substance comme remède, dans l’ordre pathologique, contre les formes cliniques de l’alcoolisme, particulièrement contre le delirium tremens, avec ou sans détermination locale, comme la pneumonie, même gangréneuse, la gastro-entérite, le traumatisme, etc.
- Actuellement, M. Luton cherche à appliquer le même remède, à titre préventif, contre les formes latentes de l’alcoolisme et contre l’imminence de ses attaques. Les buveurs inconscients de la classe aisée, ayant aisément et continuellement de bons vins à leur disposition, sont victimes d’un alcoolisme latent et ignoré. Il y a aussi un alcoolisme d’occasion, dû parfois à un changement de climat, comme l’usage de l’absinthe, si usitée dans les pays chauds pour combattre l’atonie du tube digestif, et que l’on continue à boire en Europe, de la liqueur de la Chartreuse, de l’eau de mélisse des Carmes, de l’éther, dont l’emploi s’étend de plus en plus en Angleterre. Enfin, il existe un alcoolisme très fréquent et qu’on peut appeler professionnel, celui des marchands de vin obligés de boire avec leurs clients, des distillateurs, des dégustateurs et surtout des ouvriers cavistes, qu’on sature de vin commun pour leur ôter l’envie de voler le bon vin dans les caves, et qui arrivent rapidement au delirium tremens. Ces personnes doivent se soumettre d’elles-mêmes, et les derniers par ordre même de leurs patrons, à un traitement antidotique, ainsi à une boisson à la strychnine. Cette substance pourrait être mêlée aisément aux liqueurs amères, comme le bitter, le curaçao, le vermouth, et cette liqueur strychnique devrait suivre l’ingestion des autres liqueurs. Ces boissons stry-chniques seraient autorisées par une loi, et leur usage fortement recommandé à tous ceux qui sont sur la voie de l’alcoolisme. La pharmacie actuelle emploie les granules strychniques. M. G.
- CURIEUX EFFETS DE LA FOUDRE
- OBSEUVÉS EN SUISSE PENDANT L’ORAGE DU 17 JUIN 1880
- On nous écrit de Montreux, à la date du 19 juin :
- Jeudi 17, dans l’après-midi, un orage intense se développait sur les cimes qui séparent Montreux de Fribourg; des coups de tonnerre très rapprochés frappaient les crêtes des Avants et de L’Alliaz, mais la pluie n’avait pas atteint les bords du lac, lorsqu’une effroyable détonation ébranla les maisons de Clarens et de Tavel.
- La foudre était tombée sur le pré voisin du cimetière de Clarens et avait brisé un magnifique cerisier dont le tronc mesure à peu près un mètre de circonférence. A peu de distance, plusieurs personnes travaillaient dans les vignes ; une petite fille ramassait des cerises ; sa mère l’ayant rappelée, elle se trouvait à trente pas de l’arbre. Tout à coup elle est comme enveloppée de feu. Un homme revenait au travail; il devait passer sous l’arbre, mais il s’arrête un moment pour allumer sa pipe ; la foudre tombe à vingt pas ; il entend une détonation comme un coup de pistolet tiré derrière son dos, et reçoit sur la tête un choc pareil à celui d’une baguette de fer. Les personnes qui se trouvaient dans les vignes sont restées longtemps immobiles de frayeur avant de prendre la fuite.
- Sur le cimetière de Clarens, des phénomènes étranges se sont manifestés. Six personnes séparées en trois groupes, placées à deux cent cinquante pas de l'arbre brisé, ont été enveloppées dans une vapeur lumineuse ; une seule, tournée du côté du Chatelard a vu une colonne de feu descendre sur le Verger ; des étincelles électriques jaillissaient des doigts d’une jeune fille, tandis que la mère entendait un crépitement autour des barreaux pointus d’une grille tumulaire. Celui qui écrit ces lignes portait sur l’épaule une canne ferrée, et sa compagne tenait un parasol; ils ont reçu sur le visage et sur les mains une grêle invisible, semblable à une chute de gravier, et les articulations des bras ont longtemps conservé les douleurs que fait éprouver l'étincelle de la bouteille de Leyde.
- Mai$ voici la circonstance la plus bizarre :
- Nous étions, comme je l’ai dit, à deux cent cinquante pas de l’arbre foudroyé. Nous avons vu la colonne de feu et nous n’avons pas entendu la détonation qui a ébranlé l’atmosphère, de Chillon à Vevey ; seul le jardinier du cimetière a perçu un coup sec mais peu violent.
- L’arbre, déchiré par de profondes fissures, était debout, et le propriétaire espérait le conserver. Mais l’orage de la nuit l’a renversé ; il présente des ravages intérieurs qui doivent être étudiés par nos professeurs de physique ; on dirait qu’il a été déchiqueté par une charge de dynamite placée dans son centre. Il est vrai qu’une fissure interne a favorisé l’action du fluide électrique1.
- CULTURE DES DÉSERTS
- EN AMÉRIQUE
- llien des millions d’acres de terres dans l’ouest des Etats-Unis restent à peu près sans valeur, à moins
- 1 Vov. Journal de Genève.
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- LA NATURE.
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- qu’on ne parv vienne à en assurer l’irrigation par des moyens artificiels.
- Cette région aride des États-Unis comprend 900 millions d’acres situés dans les territoires d’Arizona, Dakota, Idalio, Montana, le Nouveau-Mexique, Utah,\Vyo-ming et les États de Colorado, de Nevada, de Californie, du Kansas, de Nebraska, de l’Orégon, du Texas, et le territoire indien. 11 n’a pas été vendu un pour cent de cette vaste étendue de terrains. On a, paraît-il, constaté que 200 000 000 d’acres sont en terres montagneuses où l’agriculture ne peut être pratiquée avec succès, même quand on aurait de l’eau en abondance. Quant au surplus, 200 000 000 d’acres se composent de terres couvertes de laves, de cendres, etc., qui n’ont ni sol ni végétation, ou de déserts de sables. Sur la plus grande partie des 500 millions d’acres qui forment le surplus, on peut, à l’aide de l’eau, obtenir de belles récoltes. Déjà, en déversant l’eau des rivières sur la terre, plusieurs milliers d’acres ont été mis en culture, mais cette méthode ne peut pas s’appliquer à plus de 15000000 d’acres. Restent 485 000 000 d’acres qui ne servent actuellement que de pâtures, et sur lesquels la végétation est si pauvre qu’on peut la considérer comme sans valeur. Tout ce qu’il faut pour rendre ces terres fertiles, c’est d’y amener de l’eau. On a demandé au gouvernement des États-Unis d’établir deux puits artésiens à l’est et trois à l’ouest des Montagnes Rocheuses, comme expériences pouvant conduire à la solution d’un grand problème : la mise en culture du grand désert américain.
- ——
- LES ORIGINES ET LE DÉVELOPPEMENT
- DE LA VIE
- (Suite, voy. p. 18.)
- TRANSFORMATION DES COLONIES DE POLYPES HYDRAIRES EN CORALLIAIRES
- Au grand étonnement des zoologistes, Louis Agassiz avait conclu de ses observations sur les Millépores que les animaux qui construisent ces polypiers étaient, non pas des Coralliaires, mais bien des Polypes hydraires. Les observations faites par M. N. Moseley durant la dernière campagne d’explorations sous-marines du Challenger, confirment et étendent singulièrement les conclusions du grand naturaliste américain. M. N. Moseley a pu s’assurer qu’un assez grand nombre de polypiers calcaires étaient aussi l’œuvre de Polypes hydraires, et parmi eux l’élégant Stylaster (fig. 1 ), dont le poly-
- pier, semblable à une dentelle d’ivoire, était considéré comme destiné à loger des Polypes coralliaires du type le plus élevé. C’était là une grande découverte ; mais on peut aller plus loin et montrer que ces Polypes hydraires à polypier calcaire ne sont autre chose que les formes de passage qui nous expliquent comment le Polype coralliaire a pu se constituer à l’aide d’un assemblage d’Hydres. Considérons d’abord une colonie de Spinipora; là nous distinguons de suite deux sortes d’individus : des Hydres véritables (fig. 2, GZ), pourvues de tentacules et possédant un orifice buccal ; des individus sans bouche (fig. 2, DZ), possédant un seul tentacule
- latéral, de véritables daetylozoïdes, généralement accompagnés d’autres individus plus petits, d. Entre les Hydres complètes, que nous pouvons dès maintenant nommer des gastrozoïdes, et les daclylo-zoïdes, il n’existe aucun rapport de position ; seulement, tous les individus sont reliés entre eux, comme chez les Coralliaires et les Sipbonophores, par un réseau vasculaire très compliqué; enfouis dans ce réseau, on trouve encore des gonozoïdes, ou individus reproducteurs, semblables à des Méduses très rudimentaires. Dans les Millépores (fig. 2 du n° 567), il devient déjà évident qu’un lien s’établit entre les daetylozoïdes et les gastrozoïdes : les premiers viennent se ranger en cercle autour du second, comme s’ils étaient attirés par lui; ils en demeurent cependant assez éloignés ; les uns et les autres sont pourvus de tentacules terminés par des pelotes de capsules urticantes. Dans les Allopora, la concentration des daetylozoïdes autour du gastrozoïde s’accentue bien davantage. Les daetylozoïdes (fig. 3, DZ) ont exactement la même forme que chez les Spinipora; mais ils forment un cercle serré autour du gastrozoïde (fig. 5, Z), qui peut s’élever ou s’abaisser à l’intérieur d’une gaine (fig. 3, GZ) reliée directement elle-même à la base des dacty-lozoïdes. Ce gastrozoïde est encore un Polype lry-draire complet, pourvu d’une couronne de tentacules ; il n’est relié lui aussi aux daetylozoïdes que par le réseau vasculaire commun; mais toutes ces parties ne forment plus désormais qu’un seul et même tout. Le cercle des daetylozoïdes est entouré extérieurement par une muraille calcaire (fig. 5, P), de la paroi de laquelle partent des cloisons qui séparent complètement chaque dactylozoïde de ses voisins. Cet ensemble présente déjà une certaine ressemblance avec un Polype coralliaire; quand il a disparu, le calyce qui reste avec sa muraille et ses cloisons rayonnantes a tout à fait l’aspect d’un calyce de Coralliaire. Il y a cependant entre ces deux sortes de calyces une grande différence, puisque les cloisons d’un Allopora sont intercalées entre les daetylozoïdes et par conséquent en dehors d’eux, tandis que les lames d’un Coralliaire se développent à l’intérieur des tentacules du Polype. Le mouvement de concentration des daetylozoïdes autour du gastrozoïde a été suivi par "les gonozoïdes; l’un d’entre eux est situé dans la figure immédiatement au-dessous et à gauche du gastrozoïde.
- A mesure que cette concentration devient plus grande, il est évident que les daetylozoïdes tendent à jouer de plus en plus le rôle de tentacules vis-à-vis du gastrozoïde; les tentacules de celui-ci doivent donc se réduire peu à peu. Chez les Cryptohelia (fig. 4), ils finissent par disparaître d’une façon complète. A ce moment, le gastrozoïde est réduit à un simple sac qu’on ne peut s'empêcher de comparer au sac stomacal d’un Polype coralliaire; autour de lui s’épanouissent en rayonnant les daetylozoïdes, rangés en cercle plus serré encore que chez les Allopora; ces daetylozoï-
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- LA NATU KL.
- des peuvent sc porter en dehors ou se rabattre au contraire isolément ou tous ensemble au-dessus du gastrozoïde (fig. 4, GZ) ; la ressemblance extérieure avec un Polype coralliaire est complète ; les dacty-lozoïdes jouent, par rapport au gastrozoïde, exactement le rôle des tentacules du Polype coralliaire par rapport à son sac stomacal.
- L’unité physiologique de cet ensemble est telle, qu’une sorte d’opercule s’élève au-dessus de chaque système et lui sert d’organe protecteur commun. La membrane qui unit le gastrozoïde à la base des
- dactylozoïdes, au lieu de former une gaine allongée, comme chez les Stylaster, ne présente plus qu’une légère courbure, et son aspect diffère à peine de celui de la membrane buccale d’une Actinie. Les différents individus qui composent un même système ne sont encore mis en rapport que par l’ap-pareil vasculaire ; on aperçoit bien au-dessous du gastrozoïde une sorte de chambre qui s’étend aussi au-dessous des dactylozoïdes, mais aucun d’eux ne possède avec elle de communication directe. Les gonozoïdes se trouvent en général au voisinage
- Fig. 1. Fig. 2.
- Fig. 1. - IhunocoriALUAiREs. — Stylaster flabelliformis (d'après nature). —Fig. 2. —Spinipora echinata (grossi 15 fois). — A, tubes calcaires dans lesquels sont enfermés les dactylozoïdes DZ ; GZ, gastrozoïde»; cl, petits dactylozoïdes (d’après Moseley).
- de cette chambre. Les Cryptohelia présentent encore nettement le type hydraire si l’on considère isolément chaque individu de la colonie, mais il faut convenir que chaque système offre avec le Polype coralliaire une bien grande ressemblance.
- Faisons un pas de plus dans la voie de la concentration des dactylozoïdes autour du gastrozoïde ; la membrane qui unit les différentes parties d’un même système va se rétrécir et devenir tout à fait semblable à la membrane buccale d’un Coralliaire ; le gastrozoïde demeurera suspendu au-dessous d’elle ; les dactylozoïdes viendront s’appliquer à la surface du gastrozoïde; il se souderont partiellement entre
- eux. Désormais un appareil vasculaire est inutile ; par l’effet même du rapprochement des parties, les vaisseaux d’un même système vont s’amoindrir; finalement dactylozoïdes. et gastrozoïde vont s’ouvrir dans la chambre sMuée au-dessous de ce dernier, chambre dans laquelle vont aussi pénétrer les gonozoïdes ou individus reproducteurs. A ce moment le Polype coralliaire est définitivement constitué. 11 forme un ensemble qui pourra se séparer de la colonie et finira dans la suite des temps par acquérir la faculté de vivre constamment isolé comme le font les Actinies de nos côtes.
- Ainsi un Polype coralliaire n’est autre chose
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- qu’une somme de Polypes hydraires de trois formes différentes, à savoir : 1° un gastrozoïde ou individu nourricier qui forme le sac stomacal ou l’œsophage du Polype; 2° un nombre variable, généralement multiple de douze, de dactylozoides, qui ne sont autre chose que les tentacules ; 5° enfin un nombre considérable d’individus sexués, ou gonozoïdes, qui se développent sur les dactylozoides, comme cela arrive du reste si fréquemment chez les Polypes hvdraires.
- Le phénomène qui produit le Polype coralliaire est exactement de meme ordre que celui qui pro-
- duit la Porpite ou la Vélelle dans le groupe dest Siphonophores ; mais le cas actuel est d’autant plus, remarquable que l’unité individuelle du Polype coralliaire n’a jamais été contestée, et que nous pouvons ici suivre pas à pas toutes les phases de la transformation d’une véritable colonie d’individus indépendants en un individu d’un autre ordre. 11 existe encore, nous l’avons vu, une grande indépendance entre les gastrozoïdes et les dactylozoides chez les Gerardia et les Sarcophyton ; cette indépendance n’est pas moins manifeste chez tous les jeunes individus. Elle est très apparente dans les très jeunes
- Fig. 3. — Hvdrocoralliaires, — Allopora profunda (grossie 23 fois).— Coupe à travers l’un des calyces, dont le calcaire a été dissous. P, muraille et cloisons du calyce; DZ, dactylozoides; Z, gastrozoïde; GZ, gaine du gasirozoïde; L', gonozoïde ou individu sexué (d’après Moseley). — Fig. — Crypiohelia pudica. — Coupe à travers un calyce. DZ, dactylozoides; S, gastrozoïde ; O, sa bouche ; GZ, gaine du gastrozoïde devenu membrane buccale; G, gonozoïde; PZ, muraille et cloisons du calyce (d'après Moseley).
- Astroïdes calycularis, représentés figure 5, nos 1, 2, 5 et 6, d’après le beau mémoire de M. de Lacaze-Duthiers ; chaque tentacule est dans toute son étendue nettement séparé de ses voisins, et le gastrozoïde (n° 2, p, et n° 3,.œ) n’est pas moins bien séparé des dactylozoïdes qui l’entourent. On comprend maintenant comment il peut arriver que dans certaines espèces de Goralliaires, comme les Den-drogyra, les Polypes semblent se dissocier et comment les dactylozoïdes, au lieu de s’assembler en cercle autour d’un gastrozoïde, se disposent en galeries sinueuses dont la région moyenne est occupée de place en place par des gastrozoïdes.
- On ne voit pas au premier abord comment le polypier du Coralliaire peut se constituer au moyen du polypier calcaire de nos Hydraires, puisque les lames et les cloisons, qui semblent se correspondre dans les deux cas, occupent des positions différentes, et que les cloisons des Stylasler doivent même disparaître pour permettre la soudure des dactylozoïdes quelles séparent : quelques parties dont nous n’avons rien dit jusqu’ici donnent la clef de l’énigme. Dans les Stylasler, il est facile de reconnaître que chaque individu, gastrozoïde ou dac-tylozoïde, est représenté, dans le calyce, par une. colonnette ou par une lame calcaire qui correspond
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- à sa partie centrale. Ces colonnettes et ces lames ont exactement par rapport aux parties molles la même position que la columelle et les lames, qui sont les parties essentielles du calyce d’un Polype coralliaire, et ce sont elles qui constituent le calyce. S’il en est ainsi, il est évident que les lames d’un calyce de Coralliaire, correspondant à une partie qui est située à l’intérieur des dactylozoïdes chez les Stylaster, n’ont rien de commun avec la muraille
- k-L.Clemtnu
- Fi?..*). — Développement de l'Astroïdes calycularix. •— 1. Jeune Astroïdes vu par sa face buccale ; a, b, c, d, dactylozoïdes (les numéros indiquent leur ordre d’appar tion). — 2. Le même, vu par la face inférieure ; p, le gastrozoïde. — 3. Coupe optique du même : a, gastrozoide ; sp, cloisons séparant les dactvlozoïdes; Ig, les lames au moment de leur apparition. — i. Individu plus âgé montrant les nodules calcaires de l’angle des loges. — 5. Individu montrant le rudiment de la columelle, et chez lequel les lames se sont formées irrégulièrement. — 6. Jeune Astroïdes épanoui vu de profil. (D’après M. de Lacaze-Duthiers.)
- de leur calyce, qui enveloppe extérieurement tout le système. Contrairement à une opinion qui a eu longtemps cours dans la science, ces lames ne sauraient donc être engendrées par la muraille ; elles doivent naître isolément. C’est en effet l’un des résuit tts les plus intéressants des observations de M. de Lacaze-Duthiers sur le développement de VAstroïdes calycularis. Les lames (fîg. 5, n° 3, ly) et la columelle (fîg 5, n° 5, cl) naissent tout à fait indépendamment de la muraille et ont tout de suite une consistance très différente delà sienne, ce qui s’explique par les modifications incessantes que celle-
- ci a eu à subir dans le cours de l’évolution. On pourrait voir dans des nodules calcaires (fig. 5, n° 4, n) qui naissent dans l’angle externe de chacune des loges du Polype, mais finissent par se souder avec les lames, les derniers restes des cloisons qui dans les calyces des Stylaster séparaient primitivement les dactylozoïdes les uns des autres.
- L’explication de. l’origine et du mode de formation des Coralliaires est donc complète. On voit quels rapports étroits les unissent aux Hydres ; on a quelquefois tenté de les rapprocher des Eponges; cette manière de voir est évidemment en contradiction formelle avec ce que nous venons de dire.
- A la vérité, il y a certaines ressemblances dans le port, dans l’aspect général, entre une colonie d’Éponges, une colonie d’Hydres et une colonie de Coralliaires ; mais nous allons retrouver encore un port tout à fait analogue chez des colonies formées d’animaux qui n’ont plus aucun rapport avec les Hydi •es. La forme commune de ces colonies, indépendante de la nature des animaux qui les constituent, doit donc être rattachée à quelque cause indépendante elle-même de l’organisation de ceux-ci. Cette cause nous apparaîtra quand nous aurons fait connaître les colonies de Bryozoaires et de Tuni-ciers et les modifications dont elles sont susceptibles.
- Edmond Perrier,
- Professeur-administrateur au Muséum d'histoire naturelle.
- — La suite prochainement. —
- CORRESPONDANCE
- SDR LES OISEAUX EMPAILLÉS
- Paris, 21 juin 1880.
- Monsieur le Directeur,
- Je lis dans la Nature du 12 juin un intéressant article sur les oiseaux du Muséum de Londres. Permettez-moi de vous faire remarquer que l’heureuse innovation signalée par votre honorable correspondant d’outre-Manche est due à un ornithologiste français. C’est M. Noury, d’Elbeuf, bien connu dans la science par ses importants travaux de zoologie, qui le premier a conçu et réalisé l’idée d’exhiber dans leur milieu naturel les animaux empaillés.
- Dans la plupart de nos musées, le soin de monter les peaux est confié à des employés ignorants : ces pauvres gens ne savent que les rembourrer. Demandez-leur de rendre l’attitude vraie, l’apparence de la vie, jamais ils n’y parviendront ; car le plus souvent ils n’ont vu que morts les mammifères ou les oiseaux qu’ils doivent préparer. Habitat, régime, instincts, mœurs, organisation, port même, tout cela leur est absolument inconnu. Aussi que de poses grotesques et d’allures ridicules frappent l’œil du naturaliste dans nos grandes collections nationales ! Ici c’est un Pic qui trouve le moyen de projeter sa langue au dehors tout en ramenant sa tête dans ses ailes ; là un Torcol qui semble vouloir imiter un Courlis ; ailleurs une Huppe sur le point de devenir Pigeon. J’en passe et de pires.
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- Pour éviter des fautes aussi choquantes, M. Noury a tenu à préparer et h monter lui-même tous les animaux qu’il a observés à l’état sauvage. 11 a voulu que dans sa collection chacun d’eux se trouvât au milieu de son site habituel, environné des plantes ou des bestioles dont il a coutume de se repaître : l’Engoulevent couve ses deux œufs déposés sur les lichens, les mousses sèches et les bruyères; le Grèbe castagneux, présenté à vos lecteurs il y a environ deux ans, dirige son frêle esquif avec l’adresse d’un vieux batelier ; le gui prospère sur la branche de pommier qui supporte le Merle-Draine ; la Mésange-Remiz carde et fde le coton de saule qa’elle tissera pour en faire son nid ; la Bondrée fond sur les guêpes dont on aperçoit auprès d’elle la demeure cartonnée, etc., etc. C’est véritablement ainsi qu’il faut comprendre les leçons de choses, et puisqu’une patriotique ardeur pousse enfin notre nation à créer sur tous les points du territoire des musées scolaires, on ne saurait trop insister pour que les personnes chargées de les organiser suivissent l’exemple depuis longtemps donné en Normandie par notre compatriote M. Noury. L’instruction scientifique et l’éducation du goût y gagneraient simultanément.
- Veuillez agréer, etc.
- Louis Olivier.
- L’EMPLOI OU MICA
- CHEZ LES INDIENS
- Pendant le cours d’une récente séance de la Société de numismatique et d’antiquités de Philadelphie, le docteur Brinton a fait une intéressante communication sur les mines de mica de la Caroline du Nord, exploitées autrefois par les populations primitives du pays.
- Le docteur Brinton a soumis à l’examen de la Société divers spécimens d’outils dont les Indiens se servaient pour l’exploitation de ces mines, et il a fait connaître l’usage qu’ils faisaient du mica. Cette substance était évidemment en haute estime parmi eux comme objet d’ornement et avait une signification mystérieuse dans leurs rites superstitieux.
- Dans les monticules de l’Ohio, on l’a découvert en grandes quantités, et il est remarquable que précisément dans cet État on n’en trouve aucun dépôt naturel. Il était apporté en totalité d’une grande distance, probablement des mines de la Caroline du Nord. Les plaques de mica servaient à recouvrir les ossements après qu’ils avaient été incinérés par le feu ; on en faisait aussi une sorte de dallage autour de l’autel des sacrifices, et enfin il était dans ces sépultures un objet d’ornementation.
- C’est comme objet d’ornementation qu’il était découpé en ovale circulaire ou en pointe de diamant avec une extrême netteté et beaucoup de précision. Tous ces objets sont percés d’un trou de manière à pouvoir être réunis en chapelet. Dans le remarquable monticule de Grave Creeck (Virginie occidentale), on a trouvé cent pièces de ce genre dans un seul endroit, toutes de la même dimension, de forme ovale, avec un trou à l’une des extrémités. Évidemment elles étaient destinées à être reliées par une corde et à former une ceinture. Elles n’orit que l’épaisseur d’une feuille de papier.
- Quelquefois on trouve de larges plaques, comme dans un monticule de Cireleville (Ohio), ayant 3 pieds de long sur 18 pouces de large et un demi-pouce d’épaisseur. Quelques antiquaires ont pensé que ces grandes plaques servaient de miroirs.
- LA PHYSIQUE SANS APPAREILS
- (Suite. — Yoy. p. 7.)
- Prenez .une feuille de papier, façonnez-en une petite boîte rectangulaire comme les écoliers savent en confectionner, suspendez ce récipient au moyen de quatre fils à une règle de bois horizontalement fixée ; cela fait, versez de l’eau dans ce vase délicat, placez au-dessous une lampe à esprit-de-vin bien allumée, sans craindre que la ilamme lèche le papier ; chauffez ainsi pendant cinq ou dix minutes, vous verrez l’eau entrer en ébullition et répandre bientôt des vapeurs abondantes. Le papier ne sera brûlé en aucune façon ; toute la chaleur de la flamme n’aura fait que traverser sa substance pour être absorbée par l’eau et opérer son changement d’état. Cette expérience, que nous avons réalisée exactement comme le représente la figure 1, est plus curieuse encore que celles de la fusion de l’étain dans une carte à jouer, et du charbon allumé mis en contact avec une mousseline posée sur un métal, décrites dans une de nos dernières livraisons (n° 366 du 5 juin 1880, p. 9) b Elle les complète d’une façon assez élégante et ne nécessite aucun appareil spécial. On peut faire une expérience analogue avec la coquille d’un œuf à la coque qui vient d’être mangé. Soutenu par un anneau de fil de fer, ce vase improvisé sert très bien à faire bouillir l’eau qu’on y a versée.
- Des expériences relatives au choc des corps solides ont été décrites dans notre précédent article; nous avons encore aujourd’hui à les compléter par les faits suivants. Une tige d’une plante flexible peut être coupée à l’aide d’une baguette horizontalement lancée avec une grande rapidité. Si l’on prend un damier et qu’on y place une pile de dames, on peut chasser une des dames placée vers le bas, en la frappant très brusquement au moyen du couvercle fermant une des cases de l’instrument de jeu (fîg. 2). Les ricochets obtenus à l’aide de pierres plates, lancées à la surface de l’eau, doivent être rangés dans la même classe de phénomènes. Il est bon de faire remarquer en outre que lorsque la vitesse est très grande, un corps, quoique moiy peut entamer un autre corps beaucoup plus dur qu’il vient à rencontrer. C’est ainsi qu’une planche de bois de sapin ‘est percée à l’aide d’une
- 1 Nous avons reçu à ce sujet la lettre suivante d’un de nos lecteurs, M. Raymond : « Le moyen que vous indiquez, pour démontrer la conductibilité, donne l’explication d’un préjugé très répandu parmi les paysans du Midi, qui prétendent que les silex taillés par les hommes primitifs protègent leurs habitations de l’incendie et de la foudre. Si vous leur demandez pourquoi, ils vont bien vite chercher leur pierre, l’entourent d’un fil de coton et la portent dans une flamme; au bout de quelque temps ils la retirent : le fil est intact. L’argument paraît irréfutable pour ceux qui ignorent la physique. En répétant evant eux l’expérience avec votre sphère recouverte d’une mousseline, je pense qu’ils ne croiraient plus tant à la vertu danti-incendiaire de leurs silex. »
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- LA NATUNE.
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- chandelle lancée à une distance rapprochée au moyen d’une arme à leu.
- Notre figure 5 représente une expérience amusante qui se rattache, comme la rupture d’un bâton posé sur deux verres, au principe de l’inertie. On pose une pièce de cinquante centimes sur une table recouverte d’une nappe ou d’une serviette, on la coiffe d’un verre retourné et posé sur deux pièces de dix centimes comme le montre notre dessin.
- Gela fait, il s’agit de faire sortir la pièce de cinquante centimes de dessous le verre, sans toucher au verre, et sans glisser aucun objet à sa partie inférieure. Pour réussir, il suffit de gratter la nappe ou la serviette, avec l’ongle de l’index, à proximité du verre; l’élasticité des fibres du tissu transmet le mouvement à la pièce de cinquante centimes, qui, par suite de son inertie, se met à progresser vers le doigt qui agit, et à s’échapper d’elle-même de sa prison.
- Si l’on veut mettre en évidence le principe du levier, on soulève une carafe pleine d’eau à l’aide d’une paille. Il suffit de recourber la paille de manière à ce que, formant un angle aigu, sa petite branche ait à peu près la longueur de la partie cylindrique du vase de verre; on la dispose ensuite comme le fait voir la figure ci-jointe fig. 4). Il est indispensable d’opérer avec des tiges de paille bien rigides et tout à fait intactes.
- Les expériences relatives à l’hydrostatique et à
- l’écoulement des liquides s’appliquent facilement à la confection de petits appareils intéressants. Nous n’avons jusqu’ici rien dit du siphon ; nous le
- présenterons ci-contre sous une forme curieuse connue sous le nom de vase de Tantale. Un personnage découpé dans du bois est disposé au milieu d’un vase de verre dans l’attitude d’un homme qui veut boire. Si l'on verse lentement de l’eau dans ce vase, on reconnaît qu’il est impossible de faire monter le niveau de l’eau au-dessus de la ligne horizontale AB (fig. 5); le malheureux Tantale voit toujours l’eau rester à proximité de ses lèvres. Ce phénomène s’obtient à l’aide d’un siphon recourbé dissimulé dans la statuette, et dont la branche d’écoulement, placée dans le pied du vase perforé, traverse la partie supérieure d une table percée d’un trou. Quand le niveau de l’eau s’élève en AB,
- le siphon immergé , représenté sur notre figure en pointillé, s’amorce spontanément, et le liquide au-dessous de la table, en C.
- Aucune partie de la science . n’est fermée à l&physiquesans appareils; l’étude de l’électricité statique pourra être entreprise d’une façon assez complète. Frottez un bâton de cire à cacheter avec un morceau de drap, approchez-le de petits morceaux de papier ; ceux-ci seront aussitôt attirés par l’électricité développée. Avec un peu d’habileté, on façonne un petit pendule semblable à celui que re-
- Fig, i. Ébullilion de l’eau dans du papier.
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- LÀ NATURE.
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- présente notre figure 6. Un fil de soie est suspendu à une petite potence de fil de fer implantée dans un
- socle de bois ; il se termine par une petite balle découpée dans un bouchon de liège; le bâton de cire
- Fig. 3. Expérience relative à l’inertie. Fig. 4. Carafe soulevée au moyen d’une paille.
- à cacheter en opère l’attraction par le frottement. Ceci nous montre bien l’attraction électrique ;
- mais comment ferons-nous pour obtenir l’étincelle? Une simple feuille de papier nous suffira.
- Fig. 3. Vase de Tantale. Fig. 6. Expérience de l'attraction électrique.
- Je prends une feuille de papier à dessin assez so- et je l’applique sur une table de bois. Je la frotte
- lide et de grand format; je la chauffe très fortement avec la main bien sèche ou avec une étoffe de laine,
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- LA NATURE.
- jusqu’à co qu’elle adhère à la table. Cela fait, je pose un trousseau de clefs au milieu de la feuille de papier, je la soulève en la saisissant par deux angles. Si à ce moment quelqu’un vient à approcher son doigt du trousseau de clefs, il en tire une étincelle brillante. Le métal s’est emparé de l’électricité développée sur le papier; si le temps est bien sec, et si le papier a été bien chauffé à plusieurs reprises, l’étincelle peut atteindre 2 centimètres de longueur1.
- (jASTON Tissandier.
- — La suite prochainement. —
- BIBLIOGRAPHIE
- Le Monde physique, par àmédée Guillemin, nouvelle publication illustrée paraissant en livraisons hebdomadaires. Paris, Hachette et Cie, 1880.
- Cet ouvrage se composera d’environ 150 livraisons, soit trois beaux volumes grand in-8°. Chacun de ces volumes, comprenant une ou plusieurs parties de la science physique, formera un tout complet ; nous nous réservons de parler prochainement avec de plus amples détails de ce grand et beau travail qu’entreprend notre savant collaborateur. Après avoir décrit le Ciel, M. Amédée Guillemin va nous représenter le Monde terrestre et les phénomènes phvsiques qui s’y accomplissent; tous les lecteurs qui l’ont suivi dans les immensités de l’espace, l’accompagneront aussi dans l’exploration non moins intéressante de notre monde.
- Les Bases de la morale évolutionniste, par Herbert Spencer, 1 vol, in-8° de la Bibliothèque scientifique internationale. Paris, Germer Baillière et Cie, 1880.
- On a souvent accusé la théorie de l’évolution ou darwinisme de détruire les bases de la morale. Le grand philosophe anglais Herbert Spencer a voulu répondre à cette critique en publiant un livre qui sera lu avec un grand intérêt. Ce livre contient la discussion de tous les systèmes de morale au point de vue de la philosophie nouvelle, et de l’établissement de doctrines morales fondées sur les principes de l’évolution.
- L'Écrevisse : introduction à l'élude de la zoologie, par Th. H. Huxley, 1 vol. in-8° de la Bibliothèque scientifique internationale, avec 82 figures dans le texte. Paris, Germer Baillière, 1880.
- L’auteur n’a pas voulu simplement écrire une monographie de l'Ecrevisse, mais montrer comment l’étude attentive de l’un des animaux les plus communs peut conduire aux généralisations les plus larges, aux problèmes les plus difficiles de la zoologie, et même de la science biologique en général. Avec ce livre, le lecteur se trouve amené à envisager face à face toutes les grandes questions zoologiques.
- Caoutchouc, gutta-percha, gomme factice, par M. Maigne. 2 vol. in-32 des Manuels Roret, accompagnés de planches. Paris, librairie Roret, 1880.
- Cet ouvrage contient les découvertes les plus nouvelles, la description de l’outillage industriel et des procédés les
- 1 Cette Intéressante expérience, dont nous avons vérifié l’exactitude, nous a été communiquée par M. le professeur Waldner et par M. A. Keppler.
- plus récents d’une industrie moderne qui prend de jour en jour une plus grande importance.
- Guide des eaux minérales des Vosges, par Ambroise Bouloumié, 1 vol. in-18 des Guides diamant (collection Joanne), avec 6 gravures et 1 carte. Paris, Hachette et Cie, 1879.
- Dictionnaire de chimie pure et appliquée, par Ad. Wuktz, Supplément. Le premier fascicule vient de paraître. Librairie Hachette.
- SOCIÉTÉS SAVANTES
- Société chimique de Paris. — Séance du H juin 1880. — Présidence de M. Friedel. — M. Yilliers, en faisant agir l’acide sulfurique sur l’alcool et en soumettant à la distillation dans le vide, obtient facilement le sulfate d’éthyle. M. Yilliers a étudié également la préparation de l’éther chlorhydrique. — M. Klein a fait quelques observations sur les borotungstates de soude et de potasse. — M. Bertrand a obtenu dans la préparation de l’éther bromhydrique plusieurs des dérivés bromés de ce corps — M. Destrem rend compte de ses expériences sur l’action de la chaux et de la baryte sur les différents alcools. La glycérine, soumise à l’action des mêmes réactifs, fournit en abondance des alcools de la série allylique. — M. de Schulten, en chauffant de la silice et de la soude en présence de l’eau à 180° en vase clos, est parvenu à la synthèse de l’analcime, le verre du tube fournissant l’alumine. — M. Würtz présente un travail de M. Maumené sur l’éther chlorhydrique ; d’après ce savant, il se produirait dans la réaction de l’acide chlorhydrique sur l’alcool, non seulement du chlorure d’éthyle, mais aussi du chlorhydrate de chlorure d’éthyle. — M. ,lay signale quelques précautions nécessaires à prendre dans le dosage de l’azote de l’urée en présence des sucres. — M. Esbach adresse une Note sur le même sujet. — M. Grimaux rend compte des recherches qu’il a faites en commun avec M. Adam, sur l’acide dichlorolac-tique et sur son dérivé éthylique. — M. A. Yver a trouvé un procédé de séparation du cadmium et du zinc fondé sur l’emploi de la pile. — M. Millot indique, à la suite de cette communication, quelques précautions à prendre dans l’emploi du procédé de M. Beilstein dans la séparation du zinc, du cuivre et du cadmium.
- Société botanique de France. — Séance du 25 juin 1880. — M. Doussans présente des échantillons du Thalictrum macrocarpum et donne quelques indications sur les localités pyrénéennes où cette plante se rencontre. — M. Guignard fait une communication sur la pluralité des noyaux dans les cellules du suspenseur de l’embryon chez quelques Légumineuses. — M. Petit a étudié YHildenbrandtia rivularis. Dans les environs de Paris, cette Floridée d’eau douce n’a que des trichogynes ; en Italie, M. Borzi n’y a trouvé que des anthéridies. Aussi demeure-t-elle stérile de part et d’autre. — M. Prillieux parle du mode de formation des spores dans YUrocystis violæ. — M. Cornu présente une vérification de quelques-uns des résultats obtenus par M. de Bary et plus tard par M. Magnus au sujet du parasitisme alternatif de certaines Puccinies. — M. Bainier décrit deux Mucorinées nouvelles (un Rhizopus et un Helicostylum). — M. Van Tieghem fait une communication sur' une Volvocinée
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- nouvelle dépourvue de chlorophylle (Sycamina nigres-cens). Cette Algue est noire ; c’est elle qui colore en noir la vase des étangs et des mares, au fond desquels elle se développe aux dépens de la matière organisée qu’elle détruit. Son développement parait en rapport avec le dégagement de protocarhurc d’hydrogène dans les marais.
- DE L’AIMANT EN MÉDECINE
- De récentes recherches entreprises sous la direction de M. le professeur Charcot, dans son laboratoire de la Salpêtrière, ont attiré de nouveau l’attention sur un agent thérapeutique connu depuis bien longtemps, mais à peu près délaissé aujourd’hui. On trouve, en effet, jusque chez les auteurs les plus anciens, les traces des tentatives faites par les médecins pour appliquer l’aimant au traitement des maladies1. Mais l’absence de règles précises dans l’application et les apparences de mystère et de fantaisie qui se sont attachées à ce genre de recherches expliquent le discrédit dans lequel ce moyen de traitement est tombé.
- On doit au professeur Maggiorani d’avoir entrepris, vers 1869, la restauration de la médication magnétique, en cherchant à l’établir sur des données rationnelles et véritablement scientifiques.
- C’est à la suite des expériences entreprises par la Commission nommée par la Société de Biologie dans le but de vérifier les faits réunis par M. Burq sous le titre générique de Métallothérapie2, que les premières tentatives de l’application de l’aimant furent faites à la Salpêtrière. Après les résultats obtenus avec les applications métalliques, il était naturel de chercher à éclairer ces singuliers phénomènes en variant autant que possible les conditions de l’expérimentation. C’est ainsi que l’on a pu se convaincre que les plaques de différents métaux n'étaient point les seuls agents capables d’agir sur la sensibilité et la motilité d’une certaine classe de malades (névroses, et particulièrement hystérie, affections organiques du système nerveux central). Des résultats semblables furent obtenus avec la plupart des agents physiques : courants faibles, électricité statique, vibrations des corps sonores, différences de température, barreaux aimantés, électro-aimants, solénoïdes, etc... Bientôt les barreaux aimantés se firent remarquer par la constance de leur action et la facilité de leur mode d’emploi.
- Les aimants ne sont donc pas doués, à ce point de vue, de propriétés spécifiques; ils font partie du groupe des agents physiques qui, à des degrés divers, possèdent le même pouvoir d’impressionner le système nerveux et de faire naître des phénomènes biologiques. Et s’il s’agit plus particulièrement ici
- 1 Parmi les auteurs qui se sont occupés de l’action de l’aimant en médecine, on peut citer : Pline le Jeune, Paracelse, Albert le Grand, le Père llell (1770), Mesmer (1779), Andry et Thouret (1780), Becker (1829).
- 2 Voy. n° 194 du 17 février 1877, p. 182.
- des aimants, il ne faut pas oublier qu’ils ne sont pas seuls en cause.
- L’état de la question a été clairement exposé par le docteur Vigouroux dans Y Année médicale (1879). Je renvoie à ce travail les lecteurs qui voudront embrasser dans leur ensemble les phénomènes dits métalloscopiques1. Ces études, nées à la Salpêtrière, ont soulevé de vives discussions. Les faits annoncés ont été confirmés en tout ou en partie en Allemagne par Muller (de Grâtz), Westphal, Vierordt, Schiff, Adamkiewicz (de Berlin), Benedick (de Vienne), Rumpf (de Dusseldorf) ; en Italie, par Seppilli, Maragliani et surtout Maggiorani; en Angleterre, par Gamgee, Sigerson, H. Tuke, de Watteville; en France, en dehors des travaux de la Commission, je ne citerai que la thèse de M. Aigre et les observations de MM. Dumontpallier, Vigouroux, Landouzy et Debove, qui confirment l’action de l’aimant en thérapeutique. Mais les résultats obtenus furent attaqués vivement de l’autre côté de la Manche par MM. Hughes, Carpenter, Noble, qui tentèrent de les expliquer par l’attention expectante. Dans une thèse passée en 1878 devant la Faculté de médecine de Paris, M. Oscar Jennings se fait le champion des idées émises par ces auteurs anglais.
- En ce qui concerne l'aimant en particulier, nous allons essayer d’exposer sommairement les arguments sur lesquels sont basés son action physiologique et son emploi thérapeutique.
- L’action de l’aimant, au milieu des effets produits par les autres agents physiques dont nous avons parlé (plaques de divers métaux, électricité, vibrations du diapason), se présente sous des dehors en quelque sorte plus surprenants, et bien faits a priori pour exciter la défiance. L’application n’est point directe. L’aimant n’est pas mis en contact avec la peau du sujet sur lequel on expérimente, comme il est nécessaire de le faire pour las plaques métalliques par exemple; son action est une action à distance. Il suffit pour influencer l’organisme et produire les mêmes effets que les métaux, de placer les pôles du barreau aimanté à 1 ou 2 centimètres de distance en regard de la partie du corps sur laquelle on veut agir. C’est dans ces conditions qu’ont été faites toutes les expériences de la Salpêtrière; les effets produits dans ces cas n’ont pu être attribués à l’action du métal, et appartiennent bien au magnétisme lui-même2.
- 1° Action physiologique de l'aimant. —L’aimant, disons-nous, agit d’une certaine façon sur l’organisme placé dans des conditions morbides spéciales. Avant de parler des faits qui prouvent péremptoirement que cette action existe, ne peut-on,sinon l’expliquer,
- 1 Consulter également la Métalloscopie, la Métallothérapie ou le Burquisme, conférences faites par M. le docteur Dumontpallier, sténographiées par M. le docteur Moricourt. Chez Delahaye.
- 2 Souvent aussi en interposant entre les pôles de l’aimant et la peau plusieurs doubles de compresse, ainsi que le représente la figure.
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- du moins en concevoir la possibilité. L’action des forces physiques sur les phénomènes biologiques est admise depuis longtemps. Qui ne connaît l’importance de la chaleur, de la lumière et de l’électricité sur les manifestations vitales ? En médecine, l’électricité sous scs diverses formes est employée journellement pour le traitement d’une foule de maladies. Pourquoi refuser à une force physique ce qu’on accorde à toutes les autres? Pourquoi, si tous les agents physiques ne sont que des formes variées d’une même force, ne posséderaient-ils pas tous une action sur l’organisme avec des modalités diverses pour chacun d’eux? Et alors pourquoi le magnétisme, qui dans l’ordre physique possède à un si haut degré cette si singulière propriété de l’action à distance, ne pourrait-il pas dans l’ordre physiologique produire des effets analogues?
- Si des conjectures nous passons à l’examen des faits, il sera possible de se convaincre que cette action physiologique à distance du magnétisme existe véritablement.
- En physique, l’expérience conduit à un résultat en quelque sorte tangible; il est indéniable, il s’impose. Vous approchez des pôles d’un barreau aimanté de la limaille de fer, voilà les conditions de l’expérience ; le fer est attiré , voilà le résultat. Les discussions peuvent s’élever sur la théorie, sur l’interprétation du fait, le fait lui-même est toujours là. De plus, comme il est facile d’apprécier exactement toutes les circonstances de l’expérience, on est certain qu’en se plaçant dans les mêmes conditions, on obtiendra toujours le même résultat. En un mot, l’expérience peut être facilement répétée. En physiologie, l’expérience est entourée de difficultés plus grandes, mais le résultat n’est ni moins fatal, ni
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- moins certain. En ce qui concerne les expériences faites avec l’aimant, l’on peut montrer qu’elles remplissent toutes les conditions de certitude des expériences physiques.
- En premier lieu, l’application demande à être bien faite, c’est-à-dire que l’aimant doit être dans de bonnes conditions et placé convenablement. L’aimant n’a pas besoin d’être volumineux ni doué de propriétés énergiques, il suffit que la force magnétique existe d’une façon appréciable. L’expérience a été tentée bien des fois avec de faux aimants, c’est-à-dire des barreaux ou des fers à cheval en substance variable, zinc, cuivre, bois, etc., ne possédant aucune action magnétique, mais ayant toutes les apparences
- des aimants véritables. Dans ces cas, l’cxpériencc a toujours donné un résultat nul. De même, en faisant usage d’un électro-aimant, l’action sur l’organisme n’avait lieu que lorsque le courant établi donnait au fer doux ses propriétés magnétiques. L’aimant demande aussi à être bien appliqué ; les pôles seuls agissent, le point neutre demeure absolument sans effet; c’est ce qu’il a été facile de constater en se servant d’un aimant en forme de fer à cheval et en le présentant successivement par son côté ouvert ou son côté fermé. La malade avait les yeux bandés; or, l’aimant était appliqué dans le dos de façon qu’elle ne pût pas avoir connaissance de la position de l’aimant, et toujours le phénomène physiologique a suivi l’application des pôles, jamais l’application de la ligne neutre.
- Mais le résultat obtenu est-il facile à constater ? Comment l’aimant agit-il? Que se produit-il? No s’agi t-il pas là, dira-t-on, de phénomènes de sensibilité qui sont purement subjectifs et bien difficilement appréciables pour l’expé-r i m e n t a t e u r , obligé de s’en rapporter au dire du sujet? Je répondrai d’abord qu’il suffit d’avoir assisté à une seule des expériences de la Salpêtrière pour se convaincre que ces phénomènes subjectifs, il est vrai, peuvent être facilement rendus objectifs. Une grosse épingle qui traverse inopinément les chairs du sujet dont les yeux sont soigneusement maintenus bandés, traduit d’une façon absolument objective l’anesthésie profonde dont sont atteintes ces parties. Mais les phénomènes de sensibilité ne sont pas les seuls produits : l’aimant agit sur la température,que le thermomètre se charge d’apprécier1. Il agit aussi sur la motilité,provoquant des contractures d’une intensité et d’une durée qui éloignent tout soupçon de simulation. Il faudrait d’ailleurs qu’un médecin fût bien novice pour confondre une contraction prolongée et volontaire avec une véritable contracture. Or, l’aimant produit dans certains cas de véritables contractures.
- — À suivre. — Dr P. Richer.
- 1 M. Broca a présenté à l’Académie de médecine, dans la séance du 7 février, une note du docteur Henrot (de Reims), sur le transfert dans l’hémihypotlicrmie. Il y est dit que l’application de trois aimants sur le membre refroidi élevait la température de ce membre de 1°,8 à 2°,3 en cinq et quinze minutes, en même temps qu’elle abaissait la température du membre normal de 2 dixièmes de degré.
- Application de l’aimant en médecine,
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- LA N AT U II K.
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- NOUVEL APPAREIL HYDROTHÉRAPIQUE
- DE M. GASTON BOZÉRIAN
- Mous avons signalé précédemment1 le système hydrothérapique que M. Gaston Bozérian avait basé sur son baromoteur ; nous avons l’ait ressortir à ce sujet, que l’obligation imposée au malade de se remuer pendant qu’il se douche, avait été reconnue par les médecins comme susceptible d’amener d’excellents résultats.
- M. Bozérian a imaginé un nouvel appareil, qu’il a appelé hydrohygiénique. La facilité avec laquelle on peut le monter et le replier en l’espace de quelques secondes, le peu d’emplacement qu’il occupe lorsqu’il est renfermé dans le bassin (lig. 2), la possibilité de l’emporter en voyage ou de l’accrocher contre un mur, en font un meuble d’une commodité remarquable et d’une incontestable utilité; nous allons dire quelques mots de son fonctionnement.
- On verse dans le bassin la valeur d’un ou deux seaux d’eau, et on donne quelques coups de pompe pour remplir le petit réservoir qui se trouve à hauteur de la tète ; lorsque vient le moment de recevoir l’ablution, on élève ou on abaisse le cercle de façon qu’il soit placé au niveau des épaules, puis on appuie sur un bouton pour soulever une soupape et permettre à l’eau de s’écouler sur toutes les parties du corps en même temps, ce qui constitue un grand avantage sur les ablutions faites avec une éponge, et telles que les pratiquent journellement les Anglais.
- Un maintient l’écoulement
- régulier et continu du liquide en donnant de légers coups de pompe avec la main, aussi longtemps qu’on peut le désirer, et sans avoir à craindre aucune éclaboussure au dehors, malgré l’absence d’un rideau.
- 1 Vuy. la Nature, n° 245 du 20 janvier 1878, p. 129.
- Fig. 1. Appareil hydrothérapique fonctionnant.
- Fig 2. Le même dans sa boite.
- L’appareil est disposé pour recevoir l’eau de bas en haut et de haut en bas, comme le montre la ligure 1, soit ensemble, soit séparément ; la ' pièce destinée à la douche ascendante peut se retourner, et sert alors à vider toute l’eau du bassin ; les tubes rentrant les uns dans les autres, comme ceux d’un télescope, on peut amener le cercle à hauteur des épaules d’un enfant, et faire manœuvrer la pompe par une autre personne.
- Tout le monde sait que la médication par l’eau froide, dont les effets thérapeutiques sont capables de rendre à l’organisme malade un fonctionnement régulier, doit certainement exercer une influence conservatrice sur l’intégrité de ce fonctionnement, et peut être, en conséquence, considérée comme un agent hygiénique de premier ordre.
- L’eau froide donne généralement une activité plus grande aux phénomènes vitaux, entretient la souplesse et augmente leur force ; elle régularise l’action du système nerveux et exerce une influence des plus salutaires sur le moral lui-même. Appliquée pendant l’été, elle tonifie l’organisme et lui permet de supporter sans faiblir les déperditions occasionnées par la chaleur ; prise pendant l’hiver, elle augmente la puissance de la nature, active surtout les combustions internes, maintient la calorification en équilibre et rend l’organisme capable de résister aux rigueurs de la température.
- A l’àge où l’enfant se transforme intellectuelle -ment, et où son organisme commence à se développer, c’est-à-dire vers la septième année, il est bon de le soumettre à des ablutions froides ; cette pratique constitue le moyen le plus efficace d’aguerrir les enfants contre le froid, de faire fonctionner convenablement leur peau, de les débarrasser d’engelures, de développer leur système musculaire et de s’opposer à l’établissement d’un tempérament lymphatique.
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- LA NATURE.
- Les pratiques usitées depuis bon nombre fie siècles chez les peuples de l’Orient, et auxquelles il faut faire remonter sans doute l’usage de l'hydrothérapie, témoignent suffisamment de l’innocuité des applications froides comme moyens hygiéniques.
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- CHRONIQUE
- Le prix Volta. —Le Ministre de l'Instruction publique a récemment adressé un rapport à la Chambre des députés pour demander un crédit extraordinaire de 70 000 francs au sujet du concours relatif aux applications de la pile de Yolta.
- « Un décret du 4 février 1852 institua un prix de 50 000 francs pour récompenser la meilleure application de la pile de Yolta. Ce prix fut accordé pour la première fois, en 1864, à M. Ruhmkorff, pour ses appareils perfectionnés, appareils qui rendent à l’industrie les plus grands services. Deux nouveaux déei’ets, l’un du 18 avril 1866, l’autre du 29 novembre 1871, ont remis au concours la même question de l’électricité et de ses .applications nouvelles. Un arrêté ministériel, en date du 26 décembre 1876, a institué une Commission chargée d’examiner les divers travaux accomplis dans cette branche si importante de la physique. Cette Commission, composée des hommes les plus éminents, s’est livrée au plus sérieux examen des résultats obtenus par les savants dans cette partie de la science. Elle a transmis au Ministre de l’Instruction publique le rapport annexé au présent projet, par lequel elle propose d’accorder :
- « 1° Le prix de 50 000 francs à M. Graham Bell, professeur de physiologie vocale à l’Université de Boston, pour l’invention du téléphone magnéto-électrique articulant ;
- « 2° Un prix de 20 000 francs à M. Gramme, constructeur d’appareils, pour la machine magnéto-électrique qui a pour but la production de l’électricité au moyen de la force motrice. Le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, est-il dit dans le Rapport à la Chambre, ne peut qu’approuver pleinement les conclusions de la Commission, afin d’encourager les savants dans des découvertes si utiles. Mais aujourd’hui, comme en 1864, il ne peut réaliser les vœux de la Commission que par l’obtention d’un crédit extraordinaire, destiné à récompenser les auteurs de travaux scientifiques si importants. 11 pense donc que les Chambres lui accorderont, en 1880, pour MM. Graham Bell et Gramme, le crédit qui fut alloué à Ruhmkorff par la loi du 8 juillet 1865. En conséquence, il a l’honneur de soumettre au vote de la Chambre des députés la demande d’un crédit extraordinaire de 70 000 francs pour cet objet. »
- Voici quels ont été les membres de la Commission du prix Yolta : MM. 3. B. Dumas, président; Pàris, Régnault, général Morin, Frémy, Vulpian, Berthelot, Hervé Man-gon, Jamin, Rolland, Sainte-Claire-Dcville et Becquerel, rapporteur.
- Dans le Rapport au Ministre, la Commission, après avoir fait l’éloge des résultats obtenus par M. Graham Bell, s’exprime ainsi au sujet des découvertes de M. Gramme.
- Les travaux de M. Gramme ont eu certainement une très large part à l’extension des applications indus-
- trielles de l’électricité dans ces dernières années, et ses machines ont pu être utilisées, avec avantage, dans diverses circonstances, notamment pour la galvanoplastie, pour l’éclairage électrique et pour la transmission du travail à distance.
- La Commission signale également les travaux de M. Gaston Planté, relatifs à la construction et à l’emploi des couples et des batteries secondaires de son invention ; ces appareils permettent d’accumuler et de transformer la puissance de la pile voltaïque, de manière à donner temporairement des effets de tension et de quantité, très supérieurs à ceux de la source génératrice.
- Les tensions électriques considérables obtenues dans ces conditions par M. Gaston Planté lui ont permis d’observer des phénomènes qui n’avaient pu être manifestés jusqu’ici. Les batteries secondaires, du reste, ont déjà reçu plusieurs applications intéressantes.
- Ces effets, longuement étudiés, constituent un ensemble de recherches originales et importantes qui ont pris place dans la science.
- La Commission mentionne encore, avec éloges, les travaux électro-physiologiques de M. le docteur Onimus, qui a étudié avec persévérance les propriétés physiologiques des courants électriques, suivant leur direction, leur intensité et leur durée, ainsi que l’influence que peut exercer l’électricité dans les principales affections de l’organisme.
- M. Onimus a été conduit, par ses recherches-expérimentales, à des résultats utiles et très dignes d’intérêt.
- Plantes qui se naturalisent en Californie.
- — Beaucoup d’espèces étrangères envahissent les États-Unis, à la suite des Européens, Africains et Asiatiques, dont les cultures et les dévastations changent l’aspect du pays. D’après le Bulletin of the Torrey botanical club de mars 1880, le docteur Behr a constaté que les deux plantes les plus envahissantes autour de San Francisco sont le Chardon-Marie (Silybum Marianum) et le Cotula oronopifolia, autre Composée. Le Silybum, originaire probablement de la péninsule Ibérique, répandu depuis longtemps dans le midi de l’Europe et dans l’Asie occidentale, est devenu si commun dans les pampas de Buenos-Ayres qu’il y gène la circulation des cavaliers. Le docteur Behr dit qu’il s’est naturalisé dans l’Australie méridionale en 1848, et en Californie en 1854. Le Cotula, dont le point de départ a été probablement l’Afrique australe, s’est répandu dans l’Amérique méridionale, la Nouvelle-Hollande et la Nouvelle-Zélande, et se montre çà et là en Europe dans les sables humides du bord de la mer. Arrivé en Californie, à peu près en 1854, « il a transformé la végétation aquatique de plusieurs localités en une masse de verdure couverte de boutons jaunes. La gracieuse Azolla flottante, qui en était naguère l’ornement, ne s’v trouve presque plus. » L’abondance des Composées parmi les plantes qui se répandent beaucoup, est un fait constaté depuis 1855.
- La destruction des loups. — On sait que plusieurs propositions tendant à favoriser la destruction des loups en France, ont été déposées soit à la Chambre, soit au Sénat. Le gouvernement vient de proposer, dans le même but, un projet de loi d’après lequel les primes attribuées aux personnes ayant tué un de ces animaux seraient de : 100 francs pour un loup ou une louve, 150 francs pour une louve pleine, 40 francs pour un louveteau. Serait considéré comme louveteau tout animal
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- dont le poids serait inférieur à 8 kilogrammes. Lorsqu’il serait prouvé qu’un loup s’est jeté sur des personnes, l'auteur de sa mort aurait droit à une prime de 200 francs. Le nombre des loups ne dépasse probablement pas en France le chiffre de 4 à 5000. Les dommages qu’ils causent chaque année en moutons, bestiaux, chiens, atteignent de 3 à 400 000 francs ; il est donc de toute nécessité de détruire ces carnassiers, soit au moyen de chasses organisées, ou de lalouveterie, ou des battues, ou enfin en encourageant les chasseurs par des primes.
- Une station chronométrique à Besançon. —
- Nous annonçons l’ouverture très prochaine d’une station chronométrique à la Faculté des sciences de cette ville. Elle se composera d’une pendule astronomique, d’une lunette méridienne et d’un théodolilhe de Brunner. L’heure sidérale et le temps moyen seront donnés tous les jours d’après la marche de l’horloge et l’observation directe des astres. Les fabricants d’horlogerie pourront y prendre les renseignements nécessaires ; la station sera ouverte pour eux et pour le bénéfice de leur industrie; une salle spéciale servira au contrôle des chronomètres et des montres de précision. Ce service sera fait gratuitement et sous la direction de M. le professeur Croullebois.
- l a cire du Ficus gununiBna1.— Les indigènes de quelques districts de Java emploient pour l’éclairage une cire obtenue du Ficus gummiflua, probablement en desséchant la sève. Cette cire est en masses dures de couleur chocolat ; elle se ramollit à la chaleur, fond entre 60° et 70°; elle abandonne à l’eau bouillante sa matière colorante brune et devient presque blanche. Elle se dissout en partie dans l’alcool bouillant : un tiers environ du produit entre en solution et se dépose par le refroidissement sous forme mamelonnée. Traitée par l’éther froid, elle se sépare de même en deux portions inégalement solubles que l’auteur pense avoir isolées au moyen de dissolutions dans l’éther et de précipitations fractionnées par addition d’alcool répétées un grand nombre de fois. La portion peu soluble fond à 62° et donne à l’analyse des résultats que représente la formule CS4H5G0* ; avec le pcrchlorure de phosphore elle donne un chlorure que l’eau n’attaque pas. La portion la plus soluble cristallise dans un mélange d’éther et d’alcool et fond à 75°. vSa composition serait C3('JC°()-. Ea cire décolorée soumise à la distillation sèche donne entre autres produits une substance cristalline et une huile. La première, cristallisée dans l’éther de pétrole, forme des houppes brûlantes de cristaux fusibles à 62° en un liquide bouillant vers 250° (C,ïHl20-)'t ; l’acide nitrique la transforme en un acide cri stalli sable.
- F. Kessel.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 28 juin 1880. — Présidence de M. Becquebel.
- La chaux cristallisée. — Dans une note analysée par M. Dumas avec beaucoup de détails, nous décrivons, M. Albert Levallois et moi, une substance qui nous a été remise, pour en faire l’examen, par M. Leroy-Desclosages, propriétaire des carrières de pierre à chaux de Champi-
- 1 Berichle der deutschen chcmischen Gesellschaft, t. XJ.
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- gnv (Seine). Cette matière s’est produite aux dépens des parois du four continu dans lequel a lieu la cuisson. Le four, construit en bauxite, est pourvu à l’intérieur d’un revêtement calcaire dont les matériaux, identiques aux pierres dont la cuisson est le but de l’opération industrielle, sortent comme celles-ci des carrières de Cham-pigny. Chauffé à l’oxyde de carbone, le revêtement avait éprouvé une température de 1200 à 1300 degrés pendant vingt-huit mois consécutifs, sans autre interruption qu’un arrêt de huit jours nécessité par des réparations, et pendant lesquels le pyromètre n’est pas descendu au-dessous de 700 degrés. La matière soumise à notre examen est absolument blanche quand elle est pure. Elle est entièrement cristalline et se désagrège aisément par une faible pression. Au microscope, elle est complètement hyaline, et l’on y voit un très grand nombre de cristaux cubiques parfaitement complets; ceux-ci consistent en cubes souvent modifiés sur les angles et ayant en moyenne O”"*,05 ; ils sont absolument inactifs sur la lumière polarisée. Soumise à l’analyse, cette substance a donné :
- Chaux. ...... . 96,5
- Eau hygroscopique . . . 1,9
- Matière insoluble. . . . 0,8
- 09,2
- Au contact de l’air, elle absorbe lentement de l’acide carbonique et se désagrège. Elle est encore hyaline au microscope, mais elle agit alors énergiquement sur la lumière polarisée. Certains grains, encore intacts à l’intérieur, présentent comme une enveloppe carbonatéc : parfois la transformation n’a pas fait perdre la forme cubique, et l’on a des cubes de chaux enveloppés de cal-cite epigène. En tous cas, c’est la première fois qu’on observe la chaux anhydre sous la forme cristalline. On peut croire qu’une manipulation analogue à celle qui s’est développée dans le four à chaux de Champigny donnerait naissance à la magnésie ou à d’autres oxydes terreux également cristallisés.
- Poussières de l’air.— En mars 1879, M. Tacchini (de Palerme) a observé en divers points de l’Italie une abondante chute de poussière manifestement apportée par un cyclone. Cette pluie renfermait en abondance les petites sphérules magnétiques formées d’oxyde de fer avec nickel et cobalt que M. G. Tissandier a signalées si souvent, et auxquelles généralement on attribue une origine météorique. Frappé de ce fait que le sirocco, concomittant de cette pluie de poussière et de beaucoup d'autres, prend naissance dans le Sahara, M. Tacchini a étudié au microscope le sable du Grand-Désert, et il y a trouvé en abondance les mêmes globules magnétiques. Ce résultat n’étonnera pas ceux de nos lecteurs qui se rappellent que dans une note commune à M. Tissandier et à moi, nous avons montré que ces globules existent non seulement dans le sable de toutes les mers actuelles, mais encore dans les couches stratifiées de toutes les époques géologiques, depuis la période silurienne jusqu’à nos jours. Mais ils seront sans doute surpris d’apprendre que l’observateur italien en tire la conclusion que les corpuscules en question sont plus vraisemblablement d’origine terrestre. Évi demment l’auteur n’a pas suffisamment réfléchi aux conditions indispensables pour que de semblables globules prennent naissance.
- M. Lissajous. — C’est une nouvelle bien imprévue que celle de la mort de M. Lissajous, enlevé dans la force
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- de l’àge à scs travaux et à sa famille. L’ingéuieux physicien, connu surtout pour ses recherches sur l'acoustique, n’avait obtenu que l’année dernière le titre de correspondant de l’Académie, qu’il avait ambitionné très longtemps.
- Résistance des moutons algériens. — M. Chauveau revient encore sur le fait qu’il a signalé de l’immunité des moutons algériens vis-à-vis des inoculations charbonneuses. Il pense que cette propriété si singulière s’explique par les récents travaux de M. Pasteur sur le choléra des poules. Celui-ci, comme on se le rappelle, a montré qu’après quelques cultures, un liquide d’abord très favorable au développement du microbe, devient tout à fait stérile, et il pense que les inoculations mettent le sang dans l’état précis de ce liquide épuisé. Même chose serait arrivée aux ovidées africaines : d’antiques inoculations auraient développé dans leur sang des principes contraires à la multiplication des bactéridies, et ces principes seraient transmis par voie d’hérédité à toutes les générations successives de moutons.
- Diffusion du zinc. — D’après M. Dieulafait, qui cou-lirme d’ailleurs les résultats déjà publiés par M. Lechar-tier, le zinc existerait, à l’état de traces, dans toutes les roches de la formation primordiale et dans l’eau des mers de tous les âges.
- Guérison des Dignes phylloxérées. — Le beau domaine de M. Mares est situé près de Montpellier, dans une région dont toutes les vignes, sans exception, ont été détruites par le phvlloxera. Cependant, grâce aux soins vigilants et savants dont la précieuse plante a été constamment entourée, le parasite n’est parvenu à lui faire éprouver aucun dommage durable. La récolte de l’an dernier a été tout à fait normale, et celle qui vient, promet d’être exceptionnellement abondante. C’est, en laveur des insecticides, un témoignage dont l’éloquence est sans égale.
- Stanislas Meunier.
- LE CYCLOGMPHE
- DE M. WOIITIIINGTON
- Le tracé graphique des ares de cercle de grand rayon constitue un problème dont la solution n’est pas sans présenter de grandes difficultés.
- Lorsqu'on dispose d’une salle de dessin assez vaste, on emploie comme compas une règle de bois légère dont une extrémité est fixée au centre et l’autre extrémité porte le crayon ou le tire-ligne. La flexibilité de cette règle est cause que les courbes tracées par ce procédé sont d’une inexactitude comparable à l’incommodité du procédé. On peut employer aussi la méthode des ordonnées, en calculant quelques points qui servent ensuite à tracer la courbe générale, mais ce travail est fastidieux et ne donne que des tracés approximatifs. On peut employer aussi des gabarrits — c’est le procédé employé pour les courbes des chemins de fer,— mais ces gabarrits, ne variant que de 50 en 50 mètres, ne permettent pas de tracer des courbes d’un rayon quelconque.
- L’appareil représenté ci-dessous, et imaginé par M. T. P. AYortbington, architecte à Rlackpool, résout le problème d’une façon aussi élégante que simple.
- Concevons une pièce do 10 centimes et une pièce de 5 centimes fixées toutes les deux parallèlement sur un même axe, comme deux roues inégales sur un même essieu. En faisant rouler le système sur un plan, une table à dessin par exemple, les circonférences des deux pièces décriront chacune un cercle de centre commun dont le diamètre dépendra de la distance qui sépare les deux pièces, le rayon augmentera avec la distance des deux pièces et diminuera par leur rapprochement. Dans l’appareil de M. Worthington, appareil qu’il nomme grapharc, les pièces de monnaie sont remplacées par deux disques, A et B, et l’axe est formé d’une tige graduée munie d’une poignée I) et d’un crayon.
- Pour tracer une courbe avec cet appareil, il n’y a qu’à disposer les roues à une distance convenable, indiquée sur la graduation de la tige.
- A
- Le cyelographe ou grapharc de Jl. Worthington.
- Suivant, la position de la roue B sur l’axe G, l’appareil peut tracer des courbes dont le rayon varie entre 1 et 5, mais avec un jeu de roues B bien combiné, on peut tracer des courbes de rayon quelconque. Ainsi, par exemple, avec un cyclographe dont la roue A a un diamètre de 7 centimètres à peine, et quatre roues B de dimensions convenables, on peut tracer toutes les courbes dont le rayon varie entre J et 20 mètres; avec un plus grand nombre de roues de rechange, l’appareil peut tracer des courbes qui atteignent un rayon de 5000 mèti •es.
- Remarquons eu passant que la roue A porte une graduation qui permet d’avoir, en même temps que le tracé de la courbe, la longueur exacte de son développement et, par un calcul très simple, la valeur en degrés de l’arc parcouru.
- L’appareil sous cette forme est donc, simple, peu encombrant, exact et facile à manier. Voilà plus de qualités qu’il n’en faut pour justifier l’espace que nous lui avons consacré dans la Nature.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandieu.
- Imprimerie A. Lahurc, rue de Fleurus, 9, à Paris.
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- N° 57 I .
- 10 JUILLET 1880.
- LÀ NATURE.
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- LES CARRES MAGIQUES
- A PROPOS DU « TA QUI A )) , JEU MATHÉMATIQUE
- Depuis quelques semaines, un jeu mathématique, désigné sous le nom de taquin, obtient un très grand succès. Il n’est assurément pas un de nos lecteurs de Paris qui ne connaisse cet objet, actuellement en vente chez les papetiers et chez les marchands en plein air de nos boulevai'ds. Ce jeu, qui nous vient d’Amérique, où il est appelé Puzzle, consiste en une boîte quadrangulaire dans laquelle sont placés seize petits dés mobiles en bois, numérotés de 1 à 16 (fig. 1). Voici en quoi consiste le jeu du taquin. On retire le dé de bois n° 16, et on place les autres dés au hasard dans la boîte, comme le représente la figure 2 par exemple. Il s’agit alors
- de déplacer les dés, en les faisant passer d’une case à une autre, de manière à ce qu’ils soient rangés dans leur ordre naturel de 1 à 15. Il faudra par exemple, si le hasard a placé les dés comme dans la figure 2, faire en sorte de ramener les dés dans la position qu’ils occupent figure 1 ; on doit y arriver en se bornant à glisser les dés, sans les soulever du fond de la boîte.
- Les complications de ce jeu, en apparence très simple, sont étonnantes, et donnent lieu à une infinité de combinaisons souvent intéressantes.
- Quand on ajoute le seizième dé, on peut varier le jeu, et chercher la solution du problème qui consiste à aligner les numéros de telle sorte que la somme des rangées horizontales, verticales ou diagonales donne 54. Considéré sous cette forme, ce problème est un des plus anciens que l’on puisse mentionner. 11 remonte au temps des premiers [Egyptiens. On
- s’en est préoccupé très fréquemment pendant le cours des siècles derniers, et il rentre dans la série des fameux carrés magiques, dont nous allons rappeler les principes bien connus des mathématiciens.
- Voici la définition qu’a donnée à ce sujet Ozanarn, de l’Académie des sciences de Paris, à la fin du dix-septième siècle :
- On appelle carré magique un carré divisé en plusieurs autres petits carrés égaux ou cases, remplis de termes d’une progression, qui y sont disposés de telle sorte que tous ceux d’un même rang, tant en long qu’en large et en diagonale, font une même somme quand on les additionne, ou donnent un même produit quand on les multiplie.
- Il résulte de cette définition qu’il y a deux espèces de carrés magiques, les uns sont formés par les termes d’une progression arithmétique, les autres par Tes termes d’une progression géométrique. On distingue encore les carrés magiques pairs et les carrés magiques impairs.
- 8e aonéd. — semestre.
- Nous donnons ci-contre plusieurs exemples de carrés magiques à termes de progression mathématique ; parmi ceux-ci le carré de 34 donne une des solutions du taquin (fig. 3).
- Nous donnons aussi un exemple de carré magique formé par des ternies en progression géométrique. La progression double par exemple, 1, 2, 4, 8,16, 32, 64,128, 256, disposée, comme ci-contre (fig. 4), forme un carré tel, que le produit obtenu en multipliant les trois termes d’un même rang ou d’une même diagonale, est 4096, qui est le cube du terme moyen 16.
- Ces carrés ont été appelés magiques parce qu’ils étaient, d’après Ozanarn, en grande vénération parmi les Pythagoriciens. Certains carrés magiques, au temps de l’alchimie et de l’astrologie, étaient dédiés aux sept planètes, et gravés sur une lame du métal qui sympathisait avec la planète.
- Pour donner une idée des combinaisons auxquelles se prête l’étude des carrés magiques dont le taquin
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- LA NATURE.
- n’est qu’une variante, il nous suffira d’ajouter que des mathématiciens ont écrit des traités entiers à ce sujet Frénicle de Bessy, un des plus éminents calculateurs du dix-septième siècle, consacra une partie de sa vie à l’étude des carrés magiques. 11 découvrit des règles nouvelles pour les carrés impairs ; il en donna aussi pour les carrés pairs, et il trouva le moyen de les varier d’une multitude de manières.
- 2 1 6 = 15 5 10 3
- 9 5 1 = 15 4 6 8
- «r 3 8 = 15 9 2 7
- il n n V* n il n
- 7 en en »> CO ôo ôo
- = 18' = 18 = 18
- <P
- ,_\x /b 6 3 20 12 24
- 14 12 5 3 =34 15 22 9 1 18
- 7 1 16 10 =34 4 16 13 25 7
- V 6 11 13 =34 23 10 2 19 11
- 9 15 2 8 =34 17 .14 21 8 5
- II co -T II ¥ II CP -T II li cr> en II en en II O en II CD en II CT) en
- P
- = 65 = 65 = 65 = 65 = 65
- Fig. 3. Exemples de carrés magiques formés par les termes d’une progression arithmétique1.
- Ainsi pour le carré magique dont la racine est 4, on ne connaissait que 16 arrangements différents. Frénicle de Bessy trouva 880 solutions nouvelles. Un travail considérable de ce savant mathématicien
- 8 X 256 X 2
- 4 X 16 X 64
- 128X 1 X 32
- '/
- = 4096 = 4096
- = 4096
- 'G
- Fig, 4. Carré magique formé par les termes d’une progression géométrique.
- BIBLIOGRAPHIE
- La grande Industrie chimique. Traité de la fabrication de la soude et de ses branches collatérales, par G. Lunge et Naville. Edition française, 5 vol. in-8°. Deux volumes sont en vente. — Paris, G. Masson, 1880.
- Le tome premier de cet ouvrage a reçu chez les savants comme chez les industriels, un accueil que justifie le caractère spécial de la publication. En consacrant un traité étendu à une branche de l’industrie très définie, mais qui est en quelque sorte la base de toutes les grandes fabrications chimiques, les auteurs se sont efforcés de faire un livre de pratique, précis dans les descriptions, exact dans les figures, et qui s’adressât non seulement à ceux qui veulent s’instruire, mais à ceux qui doivent immédiatement appliquer ce qu’ils ont appris. L’édition allemande du Traité de la fabrication de la soude vient d’être terminée. L’édition française, conçue sur un plan un peu élargi, sera divisée en trois tomes dont deux sont aujourd’hui en vente. Le tome premier est un traité complet de la fabrication de l’acide sulfurique, suivi d’une description de l’utilisation des résidus pour l’extraction du fer, du cuivre et de l’argent. Le tome II comprend la fabrication du sulfate de soude, la condensation de l’acide chlorhydrique, la fabrication et le lessivage de la soude brute. Le tome 111 enfin, entièrement rédigé, paraîtra dans le courant du mois d'octobre prochain .
- Catalogue of books and papers relaling to eleclricity, magnetism, the electric telegraph., etc., compiled by sir Francis Roxalds F. R. S., published by the Society ol Telegraph Engineers, 1 vol. in-8% edited by Alfred J. Frost, London, E. et F. N. Spon, 1880.
- Ce catalogue, qui forme un gros volume de 564 pages, est assurément la plus utile publication que l’on puisse recommander à tons les électriciens ; il donne par ordre alphabétique l’énumération complète de tous les ouvrages et de tous les mémoires publiés (au nombre de 15 000), dans toutes les langues sur des questions relatives à l’électricité et au magnétisme ; il est assurément appelé à rendre de grands services aux érudits et aux praticiens.
- Note sur la direction des aérostats, par M. L. Gabriel Yon, 1 broch. in-8° avec planches. Paris, Georges Cha-merot, 1880.
- Nous indiquons seulement ici la publication de ce travail, que l’auteur, qui est comme on le sait un praticien élevé à l’école de M. Henry Giffard, vient de nous envoyer; nous reviendrons prochainement sur l'important problème dont il aborde l’étude.
- a été publié sous le titre de Carrés ou Tables magiques dans les Mémoires de l'Académie royale des sciences, depuis 1666 jusqu’à 1699 (tonie Y, in-4°).
- Les amateurs du taquin qui seraient accusés de s’occuper d’un jeu futile et indigne d’esprits sérieux, pourront se rappeler les travaux de Frénicle; ils feront mieux encore en les consultant.
- Gaston Tissandier.
- 1 Dans cette figure on peut varier le carré des 34 de la manière suivante : lre ligne horizontale, 1, 15, 14, 4; 2® ligne, 12, 6, 7, 9 ; 5* ligne, 8, 10, 11, 5 ; ¥ ligne, 13, 3, 2, 16.
- Lecture de la carte de France : le Jura, parE. F. Ber-lious, professeur de géographie à la Faculté des lettres de Lyon, 1 broch. in-8° avec 2 cartes. Paris, J. humaine, 1880.
- Grammaire de la parole, par Jules Lefort, 1 broch in-8°. Paris, Firmin Didot et Cie.
- L’auteur, à qui l'on doit une méthode de chant, publie dans ce nouveau travail les règles de l’art de bien parler au point de vue de la diction, et il indique des exercices vocaux que l’on peut exécuter comme gymnastique d’une bonne prononciation.
- De l'élasticité musculaire, par le docteur Boudet de Paris, 1 broch. in-8°. Paris, A. Parent, 1880.
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- LA NATUliK.
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- LES TREMBLEMENTS DE TERRE
- ET LEUR ÉTUDE SCIENTIFIQUE (Suite et (in. — Vov. p. 55.)
- Chaque nouvelle découverte des rapports de cause à ellet dans la nature est une conquête de l'humanité; elle aide l’esprit humain à se délivrer des terreurs vagues que lui inspiraient autrefois les mystères de la nature. Pour ceux qui veulent un hut plus pratique à nos recherches théoriques, nous ajouterons que l’étude des tremblements de terre a déjà porté et portera encore des fruits importants et loi t utiles aux travaux de l’ingénieur et du constructeur.
- Signalons dès l’abord deux points généraux :
- 1 oui 1 etude d un tremblement de terre, nous pouvons utiliser, non seulement les données positives, mais encore les données négatives. D’après cela nous prions nos collaborateurs, d’une part de nous indiquer les faits qu’ils auront observés, et d une autre part de noter 1 absence des phénomènes qui n’auraient pas été représentés dans le tremblement de terre qu ils décrivent. L’on comprendra facilement que dans la comparaison des observations faites sur la surface ebranlee, la disparition successive, à la périphérie, des phénomènes caractéristiques des tremblements de terre permet de déterminer plus facilement le centre et les limites du foyer. En second lieu, remarquons que l’observation d’un tremblement de terre n’est pas chose facile; en face de ce phénomène mystérieux, l'esprit humain est saisi d’une émotion involontaire qui trouble la netteté de la compréhension. Il faudrait arriver à avoir les sens suffisamment excités pour qu aucun détail du phénomène ne nous échappe, et en même temps à n’être pas trop agité et troublé par 1 étrangeté des faits qui nous surprennent. Quoi qu il en soit, nous insistons sur la demande que nos collaborateurs nous communiquent toutes les observations qu’ils ont faites, quelque irrationnelles qu’elles puissent leur paraître. Qu’ils désignent par un ou plusieurs points d’interrogation (?) (??) (???) les faits sur l’exactitude desquels ils ont des doutes. Ce sera notre affaire de juger par la comparaison d’autres observations provenant de localités voisines, quels sont les faits authentiques et ceux où il y a une illusion des sens, ou fausse interprétation de 1 observateur. Ainsi donc, conscience et exactitude dans les rapports que nous feront nos collaborateurs, mais pas de fausse timidité. Donnez-nous toutes vos observations en nous indiquant par des signes le degré de certitude que vous leur attribuez.
- Celui qui sait ce qu’il doit observer note beaucoup de choses qui lui auraient échappé, s’il n’avait été préparé; nous allons donc attirer l’attention sur un certain nombre de points que nous estimons les plus importants. Nous nous référons du reste à
- notre questionnaire, qui développe sufisamment la plupart des points d’observation.
- I out ce qui pourra nous aider à la détermination du foyer aura une grande valeur pour nous. Nous avons déjà expliqué comment on arrive à cette détermination par 1 étude du temps, de la direction et de l’intensité des secousses. Quelques mots encore sur l’observation de ces particularités :
- La détermination du foyer par la comparaison des temps ne peut guère se faire que par l’emploi d’instruments spéciaux qui, au moment de la secousse, arrêtent une horloge à secondes. Mais même en l’absence de ces instruments, l’observation aussi exacte que possible de l’heure de la secousse peut avoir une grande valeur; elle peut en particulier servir à séparer diverses secousses qui ont été senties successivement dans diverses localités. Pour cela la simple montre de poche donne des indications suffisantes, si l’on a soin d’aller aussitôt à la station télégraphique la plus rapprochée, vérifier à une fraction de minute près la marche de la montre. Pour noter exactement l’instant de la secousse, on recommande de compter les secondes dès que le choc est ressenti, jusqu’au moment où l’on peut regarder l’heure à la montre.
- Pour ce qui regarde la direction de la secousse, l’on d it indiquer d’abord l’impression produite sur les sens de l’observateur, puis ensuite une foule de faits qui aident à cette détermination. Quand la secousse est assez forte pour renverser des meubles ou simplement pour les déplacer, il y a lieu d’indiquer l’orientation par rapport à la méridienne de ces mouvements ou déplacements. Il est très important de donner l’orientation des murs qui ont été renversés et de ceux qui sont restés intacts, ou qui ont été fendillés. La direction de la chute des
- cheminées donne souvent aussi des indications précieuses. Il y a même lieu, à l’occasion, de donner la direction des lézardes, car, par leur convergence, on est arrivé dans certains cas à déterminer la profondeur du foyer du tremblement de terre. L’orientation des pendules qui ont été arrêtées ou qui ne 1 ont pas été, peut indiquer la direction de la secousse; en effet l’arrêt de la pendule ne peut être cause que par un choc dans un plan perpendiculaire au plan d oscillation du balancier. I)’un autre côté, les tableaux suspendus à une paroi sont mis en mouvement par une secousse dirigée dans le plan de cette paroi; il faut donc toujours indiquer l’orientation des parois où les tableaux ont été mis en balancement, et de celles où les tableaux n’ont
- pas bougé. Une détermination plus exacte peut être donnée par le balancement d’objets librement suspendus, lustres, cages d’oiseaux, etc. A l’instant où vous observerez un tel mouvement, tracez avec
- un crayon ou de la craie sa direction sur le plan-eher, et déterminez plus tard l'orientation de cette ligne à l’aide de la boussole. Le balancement de l’eau dans des bassins circulaires peut donner une direction très précise; si le bassin est quadrangu-
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- LA NAT L UE.
- laire ou irrégulier, il y a lieu d’en indiquer la forme et l’orientation en même temps que la direction du balancement. Dans le cas oii l’effet de la secousse sur les sens de l’observateur lui aurait indiqué une direction autre que celle que donne le déplacement des objets inanimés, nous vous prions de 11e pas vous préoccuper de ce désaccord et d'indiquer très nettement cette divergence; nous pourrons en tirer des indications précieuses.
- Toutes les données sur l’intensité de la secousse ou sur la nature du mouvement seront de la [dus grande valeur, nous insistons encore sur cela.
- Nous recommandons aussi éventuellement l’étude des mouvements communiqués à l’eau des lacs : dans le tremblement de terre de Lisbonne, en 1755, la plupart des lacs suisses furent mis en balancement.
- Donnez aussi exactement que possible l’heure et la minute des dénivellations de l’eau, le nombre des vagues; indiquez si ces vagues ou seiches ont commencé par une hausse ou par une baisse de l’eau, cherchez à constater la propagation d’une vague, etc.
- La plupart des antres observations que nous recommandons dans le questionnaire n’ont pas besoin de plus ample explication. Si vous remarquez des faits non signalés dans le questionnaire, leur constatation peut avoir dans certains cas une grande valeur pour l’étude du phénomène; veuillez donc nous les indiquer.
- Nous n’avons pas la prétention de restreindre dans le cadre de nos questions toutes les observations possibles sur les tremblements de terre.
- Nous ajouterons enfin que ces observations faites sans instruments devront être continuées, alors même que la commission sera arrivée à trouver et à répandre dans le pays des instruments spéciaux pour l’étude des tremblements de terre ; à côté des données des instruments, ces observations libres, faites sur les phénomènes de la nature, auront toujours une grande importance. Les deux modes de recherches doivent se compléter et amener à une connaissance toujours plus précise du phénomène. Le questionnaire suivant, sous forme de feuille volante, est en dépôt chez les différents membres de la Commission d’étude, dont on trouvera l’adresse plus loin. Que l’on en demande un ou plusieurs exemplaires par carte postale, quand un tremblement de terre aura été ressenti, aussitôt ils seront envoyés. Nos collaborateurs sont priés dt retourner
- l'ijj. 1. Déplacement des pierres d’un obélisque du couvent de Snn liruno, pendant le tremblement de terre de 1783 en Calabre (d’après sir Ch. Lyell).
- le questionnaire, aussi bien rempli que possible, à l’un des membres de la Commission.
- 1° A quel jour, à quelle heure et, si c'est possible, à quelle minute et à quelle seconde a-t-on ressenti un tremblement de terre?
- 2° La pendule qui a servi à la détermination de l’heure a-t-elle été comparée avec la pendule de la station de télégraphe? Quelle était la différence de marche au moment de la vérification?
- 5° Veuillez désigner aussi exactement que possible la localité où l’observation a été faite (canton, district, commune).
- Désignez aussi l’emplacement dans lequel vous étiez lorsque la secousse a été perçue. Était-ce en plein air ou dans un batiment? Etait-ce au rez-de-chaussée ou dans un étage de la maison ?
- Quelle était votre occupation au moment de la secousse?
- 4° Quelle est la nature du sol sur lequel repose le lieu de l’observation (sol rocheux, sol d’alluvion, sol tourbeux, etc.) ?
- 5° Combien y a-t-il eu de secousses? A quel intervalle de temps se sont-elles succédées?
- 6° Essayez de décrire la secousse. Etait-ce un choc par en bas, une secousse latérale, un balancement plus ou moins lent, un mouvement de vagues, un tremblement, un frémissement du sol? S’il y a eu plusieurs secousses, ont-elles toutes eu le même caractère?
- 7° De quel côté est venue la secousse? Dans quelle direction s’est-elle propagée?
- Combien de temps ont duré les chocs ? Combien de temps a duré le tremblement con-’ sécutif ?
- 9° Quels ont été les effets principaux du tremblement de terre (voir les explications ci-dessus)?
- 10° Pouvez-vous comparer ce tremblement de terre à d’autres phénomènes analogues auparavant ressentis par vous?
- 11° A-t-on entendu quelque bruit? Quelle en a été la nature? Etaient-ce de simples craquements des boiseries de la maison ou bien était-ce un bruit souterrain?— Était-ce un bruit, un coup, une détonation, un roulement?
- 12° Le bruit a-t-il précédé ou suivi la secousse? Quel a été le moment relatif des deux phénomènes?
- 15° Signalez toutes les observations extérieures qui peuvent de près ou de loin se rapporter au phénomène : effets de la secousse sur les animaux, effets sur les sources, coup de vent, tempête conco-mittante, etc.
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- LA NATURE
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- 14° Y a-l-il eu des mouvements dans l’eau des lacs ou des étangs? Décrivez ces mouvements.
- 15° Y a-t-il eu de petites secousses ayant précédé ou suivi la secousse principale? A quel jour et à quel moment ont-elles eu lieu?
- J 6° Veuillez enfin nous donner les observations laites, dans votre localité ou les localités environnantes, par des personnes de votre connaissance. Veuillez aussi nous donner l’adresse de personnes capables de remplir, en tout ou en partie, un questionnaire analogue à celui-ci.
- La difficulté pour un naturaliste isolé de rassembler les observations nécessaires à l’étude scientifique des tremblements de terre, le nombre considérable d’observateurs et de collaborateurs dont le concours est désirable, la nécessité d’avoir recours
- i à l'aide obligeante des stations météorologiques et 1 des stations télégraphiques, pour obtenir une pré-j cision suffisante pour la détermination du temps, toutes ces raisons ont engagé la Société helvétique des sciences naturelles à charger une Commission d’organiser celle étude en Suisse. C’est la première fois qu’une organisation d’ensemble de ce genre de recherches est mise en œuvre. Dans les autres pays,
- I on n’a encore rien essayé d’analogue ; tout au plus quelques savants isolés ont-ils obtenu de l’Etat l’autorisation de réclamer le concours des stations télégraphiques pour la détermination du temps. Nous espérons des résultats importants d’une organisation (dus étendue, qui pénétrera partout, dans les localités les plus reculées de la patrie, et qui réclamera le concours et l’appui de tous les amis de la nature.
- Fig-, 2. I,a Maison haute en ruines. Elfet du tremblement de terre de San Salvador (11) mars 1873^ (d’après une photographie
- communiquée par M. J. Laferrière).
- La Commission a décidé de commencer ses études d’après le plan suivant :
- Avant tout, elle organise un système d’observations faites par les collaborateurs officieux qui voudront bien prendre intérêt à la question. Pour cela les membres de la Commission se sont divisés la Suisse en sept régions1; chaque membre aura dans sa région à entrer en relation avec tous ceux qui voudront collaborer à cette étude, à leur envoyer des questionnaires et à recueillir leurs observations ; ils se mettront de plus en rapport avec les jour-
- 1 Voici les adresses des sept membres de la Commission et le champ d’études qu’ils se sont attribués :
- Pour Schaffhouse, Thurgovie, le Ilœhgau et la Forêt-Noire : M. le professeur J. Amsler-Laffon, à Schaffhouse;
- Pour Lucerne, Zoug, Schwytz, Unterwald et Tessin : M. R. Billwiller, à l’Observatoire de Zurich;
- Pour Vaud, Valais et Neuchâtel : M. le professeur docteur F. A. Fore), à M orges ;
- naux en leur demandant leur concours obligeant, soit pour attirer l’intérêt du public sur la question, soit pour faire connaître au publie le résultat général des observations.
- En second lieu la Commission fait un choix des instruments convenables pour l’étude des tremblements de terre ; une série de stations officielles seront munies de ces instruments, et d’une autre part un nombre suffisant d’appareils seront mis à la disposition de ceux qui voudraient se les procurer.
- Pour Berne et Fribourg : M. le professeur docteur A. For-ster, à l’Observatoire de Berne ;
- Pour Bâle, Soleure et Argovie : M. le professeur docteur Ed. Hagenbnch-Bischoff, à Bâle;
- Pour les Grisons, Sainl-G::!!, Appcnzcll, Glaris, Uri, Zurich : M. le professeur Alb. Iteim, à llottingcn, Zurich;
- Pour Genève, la Savoie et le pays de G ex : M. le professeur | dorleur Louis Sorcl. à Genève.
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- LA NATl1 HL
- En troisième* lieu, des archives seront organisées pour recueillir toutes les observations sur les tremblements de terre. Chaque tremblement de terre aura son dossier, et si les observations le permettent, une carte spéciale sera établie pour en déterminer les limites et les particularités. En même temps une statistique des tremblements de terre en Suisse sera tenue au jour aussi soigneusement que possible, recueillant ainsi des dates certaines, aussi bien dans le passé que dans l’avenir, pour l’étude de ces phénomènes.
- Enfin la Commission suisse se mettra en relation avec ceux qui poursuivraient des études analogues dans les autres États, de manière à agrandir ainsi le champ du travail et à augmenter la valeur et l’importance des résultats.
- Puissent ces efforts et ces travaux réussir1 !
- Albert Heim2 * 4 5,
- Professeur à Zurich.
- PAR LA CHICORÉE
- Pour reconnaître la chicorée dans le café moulu, l’essai par l’eau n’est pas toujours probant. Maintes fois j’ai vu des cafés peu torréfiés ou caramélisés tomber immédiatement au fond de l’eau, comme la chicorée Cet effet est dû, selon moi, dans le premier cas, à l’insuffisance de la torréfaction qui ne développe pas la matière grasse, et, dans le second, au caramel qui recouvre la surface du café et lui permet d’être mouillé rapidement. D’autre part, la chicorée torréfiée étant à présent additionnée de substances grasses (beurre, huile, etc.) dans la fabrication, on conçoit également qu’elle ne, soit pas submergée de suite, lorsqu’on la projette à la surface de l’eau.
- Pour la distinguer sûrement, le meilleur moyen est évidemment l’examen microscopique, mais ce procédé est impraticable dans les essais sur place.
- J’étale le café moulu sur une feuille de papier blanc. Les grains de café présentent une cassure à arêtes vives et anguleuses. La chicorée torréfiée, au contraire, se distingue du café par son aspect amorphe et sa couleur généralement plus foncée. À l’aide d’une aiguille emmanchée, je pique les parcelles qui paraissent suspectes. Le café, d’une consistance dure et cornée, éclate ou saute sous la pointe, tandis que la chicorée, beaucoup plus molle, se laisse pénétrer sans peine. Je broie alors avec soin, entre les incisives, les grains dans lesquels l’ai—
- 1 Nous serons heureux de pouvoir contribuer par la publicité de la Nature à servir de trait d’union entre la Commission suisse et ceux de nos lecteurs que l’étude des tremblements de terre intéresse ; nous ajouterons que nous avons joint au remarquable et consciencieux travail de M. A. Heim plusieurs gravures qui donnent quelques exemples des effets plus ou
- moins désastreux causés par les tremblements de terre.
- G. T.
- 4 Traduit par M. F. A. Forel.
- 5 On sait que l'on a souvent préconisé ce procédé, qui consiste à jeter le café moulu dans une éprouvette pleine d’eau, la chicorée doit tomber au fond de l’eau tandis que le café surnage.
- guille s’enfonce facilement. Les fragments de chicorée ne se brisent pas brusquement sous la dent comme ceux du calé, et ils produisent entre les dents une sensation de gravier écrasé, comme s’ils contenaient du sable excessivement fin. En outre, leur saveur acidulé amère ne rappelle en rien le saveur aromatique amère du café. Tous les grains qui présentaient le croquement graveleux dont j’ai parlé m’ont toujours montré au microscope les cellules et les vaisseaux caractéristiques de la chicorée.
- Pour doser la chicorée dans le café, on dessèche d’abord à 100° une certaine quantité de café. On en pèse 2 grammes, par exemple, et on sépare la poudre ténue qui peut exister à l’aide d’un tamis de soie fine. Cette poudre, composée entièrement de café pur, ainsi qu’il résulte de l’examen microscopique, est mise à part. Ensuite, on fait macérer ce qui reste sur le tamis avec quelques grammes d’eau, dans un verre à expériences. Au bout de quelques heures, on jette le marc sur une toile tendue et on l’y écrase avec les doigts. Les grains de café résistent à la pression, tandis que ceux de chicorée, réduits en bouillie par leur séjour dans l’eau, pénètrent dans la toile et y adhèrent. 11 suffit alors de sécher le tissu pour détacher le café. Celui-ci, desséché à 100° et réuni à la poudre fine primitivement séparée, donne le poids total de café pur. La proportion de chicorée se calcule très approximativement par différence. Je dis approximativement, parce que l’eau, bien qu’employée en très faible quantité, enlève toujours au café un peu de son extrait. Toutefois, il est juste d’ajouter qu’il se détache de la toile quelques débris de chicorée qui compensent à peu près la perte de poids du café.
- Ce procédé serait défectueux avec les échantillons qui contiennent une grande quantité de débris de la pellicule argentine du café, si l’on n’avait pas soin de séparer ces débris par le triage ou le vannage et de tenir compte de leur poids1.
- Prunier,
- Phaxmacien à Tonnerre.
- LA GROTTE DELLE PALOMBE
- SOUS LES MONTI ROSSI, EN SICILE
- L’éruption de 1669 est la plus formidable de l’Etna pendant le cours des temps historiques. Le flanc de la montagne s’ouvrit dans une longueur de 6 kilomètres, et il en sortit un torrent de lave large de 4 milles, qui, après avoir détruit plusieurs villages et la moitié de la ville de Catane, alla se jeter dans la mer, où il forma un promontoire ayant 1 kilomètre de longueur sur 3 de large et 20 mètres d’élévation moyenne. En même temps les scories et le sable lancés par les cratères, formèrent sur le foyer de l’éruption une montagne à double sommet, qu’on appela d’abord Monti Delta Ro-vina (mont de la Ruine) et plus tard Monti Rossi, à cause de la couleur rougeâtre qu’acquirent les scories sur les deux sommets par la suroxydation de la matière martiale.
- Le plus élevé de ces deux sommets a une altitude de 231 mètres au-dessus de l’Etna et de 949 mètres au-dessus du niveau de la mer. La circonférence du pied de la montagne mesure environ 3 kilomètres.
- A l’intérieur du cône des Monti Rossi, on trouve un immense cratère éteint, présentant la forme caractéristique d:un entonnoir, et dont les parois sont formées
- 1 Journal de Pharmacie et de Chimie.
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- par des scories en décomposition. A côté de ce grand cratère, on en rencontre quatre autres beaucoup plus petits, et qui indiquent la direction de la pente éruptive.
- Jusqu’en 1823, personne n’avait eu la curiosité de descendre au fond de ces quatre petits cratères. Ce fut à cette époque que l'intelligent observateur Mario Gemellaro, le frère aîné de l’illustre géologue de ce nom, voulut les explorer. Il remarqua alors avec surprise une ouverture horizontale au fond de la dernière cavité, s’y introduisit à l’aide d'une torche, et après avoir traversé une suite de cavernes ressemblant aux corridors d’une mine, il rencontra, à la distance d’une centaine de mètres, un large puits, où il se fit descendre lié à des cordes. A peu de mètres au fond de ce puits, il rencontra une vaste pièce rectangulaire, au fond de laquelle il trouva un passage qui se rétrécit de plus en plus et devient impraticable. Cette grotte remarquable, qui fut appelée Grotta dette Palombe, est exactement située au centre des Monli Rossi. Maintenant elle est ouverte aux voyageurs; un escalier en facilite la descente, et la lumière du magnésium remplace aujourd’hui les torches résineuses. Mario Gemellaro a laissé au fond de la Grotfa dette Palombe l’épigraphe suivante : Marias 'Gemellarius Primus Ima hæc in Tartara venit, Anno Domini MDCCCXXIII.
- V. Tedesciu di Ercole.
- SUR LA FONCTION ÉLECTRIQUE
- DE LA TORPILLE
- COMPARÉE A LA FONCTION MUSCULAIRE
- Les recherches exécutées sur la fonction électrique de certains poissons, et notamment de la torpille, ont eu pour but de déterminer la nature de cette fonction au point de vue physique et d’en préciser les caractères au point de vue physiologique.
- On s’est tout d’abord préoccupé de savoir si ces décharges électriques devaient être assimilées aux décharges des machines et des condensateurs, ou bien aux courants de la pile, ou bien enfin aux courants d’induction. L’expérience a montré que l’électricité de la torpille possède, comme l’électricité statique, la propriété de traverser les liquides et même les corps faiblement conducteurs. ÂValsh, à la fin du siècle dernier, a fait circuler la décharge à travers une chaîne d’individus qui se tenaient par la main, et tous ont ressenti cette commotion singulière qu’on produit avec la bouteille de Leyde. Plus récemment (1861), A. Moreau a réussi à recueillirlelec-tricité de la torpille dans l’électroscope à feuilles d’or et dans un condensateur analogue à la bouteille de Leyde.
- Mais on a pu aussi, comme avec le courant de la pile, obtenir la déviation du galvanomètre, l’aimantation d’aiguilles d’acier placées dans une spirale (le laiton traversée par la décharge, la décomposition de l’eau salée, etc. (Davy). Le P. Linari et Matteucci ont observé la production d’étincelles, en rompant par le frottement d’un fil conducteur sur une lime le courant électrique de l’animal.
- Enfin, en faisant passer cette décharge dans les muscles, on a vu qu’elle agissait comme le ferait une série de courants induits successifs, en provoquant le tétanos musculaire ; et ceux qui se sont soumis à l’épreuve ont ressenti un fourmillement douloureux identique à celui que produisent les mêmes courants.
- Voilà donc une série d’expériences qui montrent que la décharge électrique de la torpille possède à la lois les propriétés des décharges statiques, des courants voltaïques et des courants induits.
- Si maintenant on envisage cette fonction électrique au point de vue physiologique, on voit qu’elle présente avec la fonction musculaire les plus frappantes analogies; comme la contraction des muscles, la décharge de la torpille est soumise à la volonté; l’animal peut donner une décharge forte ou faible, courte ou prolongée, absolument comme on peut exécuter un mouvement énergique ou modéré, bref ou de longue durée ; celte décharge s’exécute à l’aide d’un appareil spécial, l’organe électrique, comme le mouvement se. produit par l’action d’un organe particulier, le muscle; de part et d’autre, des nerfs, émanant des centres nerveux, apportent à l’organe d’exécution l’excitation qui provient de ces centres. Ces ressemblances, qu’on pourrait poursuivre beaucoup plus loin encore, sont donc évidentes et suffisent à légitimer le rapprochement admis comme base de recherches entre la fonction électrique et la fonction musculaire par l’un des expérimentateurs qui ont le plus complètement étudié l’électricité de la torpille, par M. Marey, dont nous aurons surtout à rappeler les travaux sur ce sujet. « L’électricité de l’appareil des torpilles et le travail des muscles se produisent donc, dit M. Marey, dans des conditions physiologiques semblables. Or cette conclusion, qui, il y a quelques années, n’eût présenté qu'un intérêt médiocre, en prend un tout nouveau sous l’influence des théories modernes de l’équivalence des forces. La thermodynamique, nous montrant comment la chaleur se transforme tantôt en travail mécanique, et tantôt en électricité, permet d’espérer qu’on saisira comment, sous l’influence nerveuse, et par l’intermédiaire de certaines actions chimiques, se fait une production d’électricité dans l’appareil de la torpille, une production de travail dans un muscle. » (Marey, Compte rendu des travaux du laboratoire, t. Il, G. Masson, 1876.)
- C'est en effet en répétant sur l’appareil électrique de la torpille des expériences qu’il avait déjà faites sur les muscles, que M. Marey est arrivé à préciser les analogies que nous venons de rappeler sommairement. Nous exposerons ces recherches avec quelque détail en raison du grand intérêt qu’elles présentent.
- Il est nécessaire d’indiquer d’abord quelle est la disposition de l’appareil électrique de la torpille, quels nerfs s’v distribuent et quelle région du svstème nerveux central donne naissance à ces nerfs.
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- Chez les torpilles, l'organe producteur d’électricité forme de chaque côté du corps une masse aplatie, occupant presque tout l’espace compris entre la colonne vertébrale et les nageoires pectorales; cet organe, qui ressemble à un haricot déprimé sur ses deux faces, embrasse par sa concavité ou hile l’appareil respiratoire ou branchial, et les nerfs qui l’abordent au niveau de cette concavité traversent les branchies. Ces nerfs sont au nombre de cinq de chaque côté; ils se détachent d’un organe spécial contenu
- Fig-. 1. I>. retard du mouvement d’un muscle sur l’instant de l’excitation.
- Si l’on rapproche ces notions générales de celles que nous possédons sur la disposition de l’appareil nervo-musculaire, nous verrons que le muscle comparé à l’organe électrique reçoit, comme lui, des nerfs qui
- émanent, de régions spéciales des centres nerveux, que les filets nerveux pénètrent dans l’intimité du tissu musculaire comme ils pénètrent dans l’intérieur des prismes électriques et se terminent au niveau des éléments musculaires (fibres) comme au niveau des éléments électriques (lamelles) ; seul, le mode
- dans la tête, surajouté au cerveau, et qu’on désigne sous le nom de lobe électrique.
- Quand on a mis à nu, en disséquant avec précaution la peau du dos, la surface de l’organe électrique (fig.4et 5), « on y aperçoit une série de figures polygonales à cinq ou six côtés. Si l’on pratique une incision perpendiculaire à la surface de l’organe, on reconnaît qu’en réalité il est constitué par une série de prismes s’étendant de la face dorsale à la face ventrale de l’animal et occupant ainsi toute son épaisseur.
- Ces prismes sont limités par des cloisons connectives résistantes ; iis sont formés d’une substance translucide d’un gris rosé et d’une consistance gélatineuse » (Ranvier, Technique histologique, p. 780.). C’est dans l'intérieur de ces prismes, dans chacune des lamelles électriques dont ils se composent, que se terminent les nerfs de l’organe, en affectant, suivant Wagner, une forme spéciale comparée à celle des bois de cerf et décrite sous ce nom.
- do terminaison paraît différent.
- On peut donc agir sur l’appareil électrique comme sur un muscle, sur les nerfs de cet appareil comme sur les nerfs moteurs, sur les centres nerveux d’où émanent ces nerfs comme sur les légions du système nerveux central qui donnent
- naissance aux nerfs musculaires. C’est ce qu’a fait M. Ma-rev dans les recherches dont nous allons maintenant, exposer les principaux résultats.
- I. Comparaison de la de-charge électrique et de l'acte musculaire. — Cette comparaison a été faite à différents points de vue : on a étudié de part et d’autre le retard de la réaction (électrique et musculaire) sur l’instant de l’excitation appliquée à l’appareil producteur ; la durée de l’acte électrique et la durée de l’acte musculaire ; la complexité de la décharge et la complexité de la contraction.
- 1° Retard de la réaction électrique et de la réaction musculaire.
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- On savait, depuis les recherches de Helmholtz (1850), qu’un muscle excité directement ne réagit pas instantanément : il s’écoule un temps très court, 1/100 de seconde environ, entre le moment de l’excitation et celui de l'apparition du mouvement. Ce temps a été désigné sous le nom de période d'excitation latente ou de temps perdu. M. Marev, reprenant les expériences de Helmholtz avec ses appareils enregistreurs, avait confirmé ce résultat essentiel en opérant sur les muscles de la grenouille. C'est avec ce point de départ qu’il a cherché à déterminer le temps perdu de l’appareil électrique de la torpille. Mais la difficulté était grande : avec le muscle fixé à la hase d’un levier enregis-
- treur, on peut obtenir une courbe, et déterminer facilement le temps (R) écoulé entre le moment où la courbe se détache d’une ligne horizontale, c’est-à-dire le début de la secousse musculaire, et l'instant de, l’excitation (fig. I ). Avec l’appareil électrique, qui ne donne pas de réaction susceptible de s’inscrire directement comme celle du muscle, comment obtenir une indication analogue? M. Marev a heureusement tourné la difficulté : il a employé un muscle de grenouille comme signal inscripteur et a utilisé pour l’exciter la décharge de la torpille. Sachant de combien le muscle retarde sur l’excitation qui lui est directement appliquée, il a irrité, à un instant connu, l’organe électrique de la torpille,
- et a fait arriver au muscle inscripteur la décharge de cet organe. C’est ainsi qu’il a obtenu la figure *2, que j’emprunte à son premier travail sur la décharge de la torpille (Annales de l'École normale, 2e s., t. I, 1871).
- Le temps eg, mesuré au diapason, est de 1/80 de seconde, c’est le temps perdu du muscle directement excité en e; le temps gt, égal à 1/60 de seconde, correspond au temps perdu de l’appareil électrique.
- Il me paraît intéressant d’indiquer rapidement le dispositif de cette première expérience. M. Marey, à ce moment à Naples, sans aucun appareil de précision, construisit l’appareil à l’aide duquel fut faite cette détermination délicate, et cette instrumentation, grossière en apparence, lui permit d’obtenir, il
- y a dix ans, un résultat précis, contrôlé, comme nous le verrons tout à l’heure, avec les procédés perfectionnés que nous possédons aujourd’hui.
- Une plaque rectangulaire retenue par la touche T (fig. 5), couverte d’une feuille de papier noirci, est entraînée dans le sens de la flèche par un lourd pendule qui surmonte l’appareil, quand on presse sur la touche T. Dans ce mouvement de translation, la saillie B, qui est fixée au bord de la plaque, rompt brusquement, en passant sur le contact /, le courant de la pile P. Il en résulte un courant induit de rupture fourni par la bobine dont les fils se rendent aux contacts ggr. Pour déterminer le temps perdu d’un muscle de grenouille (M) dont le tendon est attaché au levier L, on met en communication les fils de la bobine induite avec le
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- nerf du nmscle aux points m, m' : le muscle donnant sa secousse, l’inscrit avec le levier L sur la plaque enfumée qui passe au-devant de lui ; on obtient ainsi la courbe g (fig. 2), qui retarde d’un temps eg sur l’instant e de l’excitation.
- Cette première partie de l’expérience étant faite, au lieu d’envoyer l’excitation directement au muscle, on l’envoie par les fils i, i' à l’un des nerfs de l’appareil électrique de la torpille, après avoir rompu la communication de la bobine avec le muscle : celui-ci est mis en rapport avec l’appareil électrique par les fils -|---, et il recevra la décharge
- provoquée par l’excitation de la bobine dans l’ap-pareil de la torpille. Les choses étant ainsi disposées, ou lance la plaque comme dans le premier cas et le muscle réagit* plus tard que précédemment, au point l (lig. 2). Le temps gl surajouté représente donc le temps perdu de l’appareil électrique.
- M. Marey a repris cette expérience il y a trois ans, en substituant à cette disposition ingénieuse, mais compliquée, que lui avait imposée l’absence d’autres moyens, l’examen des réactions du muscle et de l’appareil électrique à l’aide des appareils de myographie qui sont employés dans son laboratoire.
- Dr François Franck.
- — I.a suite prochainement. —
- LES PIERRES CASSÉES DU SAHARA
- Le Désert saharien offre trois niveaux principaux. D’abord des plateaux s’élevant de 10 mètres environ au-dessus du niveau moyen. Leur surface est un mélange de cailloux mêlés de sable fin. Plaines brûlées, arides, absolument sans eau et sans végétation, leur nudité, leur solitude et leur aspect désolé effrayent celui qui les pénètre. Filles sont inhabitées et inhabitables. Ce sont les hamada. C’est là (pie se remarque le phénomène des cailloux cassés.
- Le deuxième niveau comprend les plaines sablonneuses, la région des dunes. C’est là qu’on trouve l’eau sous-jacente c’est là que sont les oasis, et ces espaces, quoique souvent décrits comme désolés, sont bien loin d’être aussi dénudés et sans vie que les hamada.
- Connue troisième et dernier niveau inférieur, il y a les chotts (lacs) ou sebkha, bas-fonds couverts d’eau l’hiver, mais ne représentant l’été que des plaines sans lin, mélange de sel et d’un limon argileux parfaitement plat et sec et sans aucun caillou. Là aussi toute vie disparaît.
- Si l’explorateur pénètre dans ces hamada, une chose l’étonne : c’est la grande quantité de pierres qui semblent y avoir été cassées par la main de l’homme. A côté de blocs d’albâtre dressés et offrant leurs sommets brisés et à arêtes vives, se trouvent aussi des silex roulés très durs et cassés. Vus à distance, ces silex semblent fendus par le violent
- choc d’un autre corps très dur; mais vus de près, on n’aperçoit nulle part, à leur surface, un point qu’on puisse prendre pour le centre d’un choc, comme par exemple lorsqu’on brise un caillou avec un marteau. Ailleurs c’est la roche gypseuse (ressemblant à du calcaire) qui est polie par les sables mouvants à ras du sol. Dénudée et toute fissurée et craquelée, elle semble avoir subi la même opération que fait le tailleur de pierres pour fendre le granit de nos blocs erratiques, opération répétée en tous sens. Tous ceux qui ont vu les vastes étendues du désert y ont remarqué ce phénomène, mais je n’ai encore lu là-dessus aucune explication plausible.
- La cause (pii brise est locale. Fille attaque les petites comme les grosses pierres ; elle casse aussi bien les plus tendres que les plus dures, les morceaux de quartz pur roulés et polis comme les roches agglomérées et cristallines.
- Est-ce rhonnne marchant en caravane ou à cheval qui a pu les briser? Non. Je n’ai pas vu nos chevaux casser un seul silex roulé.
- M. le général Lacroix, gouverneur, en 1875, de la province de Constantine, et qui a toujours aimé et protégé le naturaliste, avait eu la bonté de m’organiser une expédition pour explorer (avec mon ami M. Gouy, de Genève) précisément une partie du Sahara non encore visitée : c’est la région qui s’étend entre l’oasis Sidi-Khaleb jusqu’à Zioua, à l’ouest de Temacinn. Fille est en dehors des routes de caravanes, «pii n’y trouveraient ni eau ni oasis ; l’Arabe nomade n’y pénètre pour ainsi dire jamais, et cependant c’est là que le fait des cailloux cassés a été à nos yeux le plus constant. Abel-Kaïd, notre spahis guide, nous disait : « Quand même vous feriez trembler ce sol sous le galop de cent mille cavaliers, vous n’y trouveriez pas autant de pierres cassées. » A droite, à gauche et en travers de cette immense hamada s’arc-boutent des plaines sablonneuses ondulant dans le sens de la partie déclive des thalwegs, où se trouve un peu d’herbe. Là seulement l’Arabe arrive avec ses troupeaux de moutons à de rares intervalles ; mais là justement les cailloux cassés cessent.
- Sont-ce de violentes décharges électriques rasant le sol ou de grosses gouttes de pluie tombant (les jours de simoun) sur les pierres calcinées au soleil qui sont la force brisante? Non. On verrait le même fait se reproduire ailleurs.
- Voici l’explication que je crois pouvoir donner. J’ai fait d’abord l’analyse chimique, du sable saharien. C’est un mélange de quartz, d’albàtre et de marne avec des traces de sel. Les sables des hamada ne diffèrent pas sensiblement des sables des dunes. Les vents les rendent assez homogènes. Le sable analysé a été récolté çà et là sur un espace de cent vingt lieues (entre Oued-Djelah, Temacinn, Tug-gurt et Biskra), puis mêlé. Il variait du fauve roux au blanc jaunâtre. Il contenait :
- Matière organique, 0,770; sulfate de peroxyde de 1er, 0,949; sulfate d’nlimiiiie, 0,555; sulfate de chaux
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- hydraté, 19,843; silice pure, 72,86; alumine insoluble, 3,060; carbonate de chaux, 1,070; carbonate de magnésie, 0,700. Total : 09,787.
- Sous l'influence des rayons solaires, les grains de quartz transparents y fonctionnent comme de petites lentilles à brûler placées sur les fragments d’albâtre. Elles le déshydratent, soit superficielle-ment, soit plus profondément (ce fait se constate facilement). Le vent chasse ce sable et ces poussières mêlées d’albàtre déshydraté; les roches et les silex en sont enveloppés. La partie pulvérulente la plus subtile se loge dans les moindres anfractuosités, et par les fortes rosées de la nuit, l’eau pénètre par capillarité ces fissures, hydrate le sulfate de chaux, le gâche et le dilate. La présence du sulfate d’alumine donne à ces parcelles dilatées, à ce stuc, une grande dureté. Les fentes les plus minimes augmentent. Puis dans l’espace dilaté viennent de nouvelles parcelles d’albàtre anhydre qui s’hydratent et se dilatent à nouveau, et l’œuvre commencée continue sans cesse. Ce qu’un jour ne fait pas, des siècles peuvent le faire. Rien ne résiste à cette force disloquante mille fois répétée. Nous avons trouvé des cailloux dont les deux moitiés séparées étaient encore placées lace à face avec des bords tranchants, restant ainsi jusqu’à ce que vienne un violent coup de vent, qui roule au loin sable et cailloux, disloque les deux moitiés et en use les bords.
- La poussière saharienne est si ténue, qu’elle pénètre même dans les montres deux fois enveloppées. L’albâtre se déshydrate déjà à 200° et même au-dessous si l’action dure longtemps. La présence du sulfate de soude, que certains sables près des chotls contiennent, loin de gêner, facilite la dilatation du gypse avec l’eau. On peut même reconnaître si les ardoises servant pour les toitures seront gélives ou non en les trempant dans une solution concentrée chaude de ce sel et les laissant sécher. La tendance de ce sulfate à cristalliser en s’hydratant agit comme la gelée et le dégel. Les rosées au désert sont si fortes, que dans bien des endroits les troupeaux de moutons n’ont pas d’autre eau que cette rosée adhérente à l’herbe.
- En 1878, j’ai traversé le Maroc de l’Atlantique à la Méditerranée. On retrouve là aussi, entre l’Atlas et la plage océanique, des plaines tort semblables à celles du Sahara : dunes de sables, vastes étendues couvertes de cailloux et de silex roulés, et grands coups de vent ; mais pas de pierres brisées. C’est que là il n’y a pas d’albâtre ni de sulfate d’alumine. Je dois même dire que c’est l’observation de ce fait qui m’a conduit à me rendre ainsi compte du phénomène que je viens d’exposer1.
- J. Brun.
- 1 Communication faite à la Société de Physique et de Science naturelle de Genève. — Bulletin de VAssociation scientifique de France.
- FREIN CONTINU À AIR COMPRIMÉ
- SYSTÈME WESTINGHOUSE
- Dans le numéro 523 du 9 août 1879, nous avons donné la description du frein continu automatique à air comprimé de M. AVestinghouse. Depuis cette époque, l’ingénieux inventeur, qui ne cesse d’en étudier les détails, est arrivé, à la suite d’expériences prolongées, à apporter à l’installation des perfectionnements importants; il a pu modifier et même supprimer les organes trop délicats qu'il renfermait, afin de ne plus les exposer à des avaries capables de compromettre le fonctionnement du frein. Comme c’est là un sujet particulièrement intéressant dans l’exploitation des chemins de fer, nous avons cru devoir donner ici, à ce sujet, quelques renseignements, que nous extrayons du rapport de M. Ilarrison, ingénieur en chef du JSorth Western Railway. Ce rapport est devenu, d'ailleurs, un document, officiel, caria Chambre des Communes en a voté l’impression et le dépôt dans sa séance du 19 juillet 1879.
- Nous donnons (fig. 3) le dessin de la triple valve telle qu’elle est disposée actuellement, et nous avons reproduit en même temps dans les figures 1 et 2 une vue d’ensemble de l’installation du frein sous un wagon, afin de pouvoir rappeler brièvement le rôle de cet organe essentiel.
- La triple valve est placée en F sur ie tuyau h allant de la conduite générale E au réservoir d’air comprimé du véhicule G ; elle communique également par le tuyau hl avec le cylindre à frein H situé sur la figure de l’autre côté de la conduite. Ce cylindre a été placé dans l’axe du véhicule, afin d’obtenir une action plus régulière sur les leviers des freins; c’est ce qui a obligé à dévier la conduite comme il est indiqué. Le piston qu’il renferme commande les sabots des freins et les applique sur les bandages des roues par l’intermédiaire des différents leviers représentés.
- La triple valve a pour but, comme on sait, de supprimer ou de rétablir, selon qu’on veut serrer ou desserrer les freins, la communication de la conduite générale avec le réservoir particulier de chaque véhicule, de celui-ci avec le cylindre à freins, et de ce dernier avec l’atmosphère. L’organe qui détermine cette distribution est un [liston qui s’élève ou s’abaisse dans la chambre A (fig. 5), suivant le sens de la pression qui le sollicite; il est soumis sur sa face inférieure à Faction de l’air comprimé venant de la conduite générale F, et sur la face supérieure à celle de l’air venant du réservoir par le tube D. Quand le piston est soulevé par l’air de la conduite, et qu’il atteint le haut de sa course, il rétablit la communication, comme on le voit, par l’intermédiaire de la rainure pratiquée dans la paroi, à l’angle supérieur de droite de la chambre A, entre les deux compartiments A et B, qu’il maintient
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- LA NATURE
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- habituellement séparés, et l’air comprimé venant de la conduite parvient ainsi jusqu’au réservoir du véhicule. D’autre part, il ne peut pas cependant déterminer le serrage des freins, car l’orifice a du cylindre à freins est obstrué par le tiroir G, qui s’est relevé alors avec le piston. C’est la situation
- représentée sur la figure, et qui correspond au desserrage des freins.
- Pour serrer les freins, au contraire, on sait qu’il suffit de déterminer une dépression dans la conduite générale, par un moyen quelconque ; le piston s’abaisse alors à fond de course sous l’action de la
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- Fig. 1. Frein automatique Westinghouse adapté à un fourgon.
- pression devenue prédominante sur la face supérieure, il masque la rainure et ferme la communication de la conduite avec le réservoir. En même temps, le tiroir se trouve entraîné par l’ergot supérieur de la tige du piston; il découvre bientôt
- l’orifice a du cylindre à freins, et il y permet ainsi l’introduction de l’air comprimé, qui va presser sur le piston de ce cylindre et actionner, par l’intermédiaire des leviers, les sabots des freins.
- Pour desserrer, il suffit de rétablir la pression
- Fig. 2. Plan de l’installation du frein à air comprimé sous le châssis d’un wagon. — E, conduite générale d’air comprimé; h, tuyau allant de la conduite générale à la tiiple valve; /t\ tuyau allant du cylindre à frein à la triple valve; G, réservoir d’air comprimé du wagon; F, triple valve; II, cylindre à freins; e, e1, accouplement de deux tuyaux successifs.
- initiale d’air comprimé dans la conduite, et, par suite, dans la chambre inférieure, pour soulever Je piston de la triple valve, qui revient occuper la position indiquée sur la figure; Pair est ainsi admis de nouveau dans le réservoir, et il y relève la pression, qui s’était légèrement abaissée par le serrage précédent. D’autre part, le tiroir s’est relevé avec la tige du piston; il obture bientôt l’orifice du cylindre à freins, puis il le met en communication
- avec l’atmosphère par le canal ab; l’air comprimé arrivant deE s’échappe immédiatement par le tuyau G, et les sabots peuvent alors se desserrer librement.
- Enfin, la nouvelle triple valve porte à l’intérieur du tiroir une petite soupape c, au moyen de laquelle on peut obtenir un serrage modéré et contenu dans certaines limites. Si on laisse échapper légèrement, en effet, l’air contenu dans la conduite, il se produit une faible dépression dans la chambre infé-
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- rieure A, et le pistou s’abaisse lentement sous l’impulsion de l’air contenu dans la chambre supérieure B. Or, la soupape, qui est reliée directement et sans jeu avec le piston, s’abaisse avec lui, et découvre ainsi le canal qu’elle obturait auparavant ; puis le tiroir lui même se met en mouvement, lorsqu’il est rencontré par l’ergot supérieur de la tige du piston, et il amène ainsi progressivement l’orifice du canal devant celui du cylindre à freins ; l’air comprimé venant du réservoir se répand alors dans le cylindre avec une pression réduite en suivant le chemin cmtourné qui lui est ouvert, et il produit, par suite, un serrage modéré des freins.
- On voit que la construction de cette nouvelle triple valve est beaucouD simplifiée par rapport à la première; on a supprimé tous les res-
- Fig. 3. Nouvelle triple valve. — F, tuyau communiquant avec la conduite générale d’air comprimé, D, tuyau communiquant avec le réservoir à air comprimé placé sous le véhicule; E, tuyau communiquant avec le cylindre à frein du véhicule; G, communication avec l’atmosphère.
- sorts et les pièces fragiles, et elle ne renferme que des organes robustes et ne se détériorant pas. Elle porte à la partie inférieure un bouchon vissé, qu’on peut enlever facilement, afin de nettoyer l’intérieur et enlever toutes les poussières accumulées par les courants gazeux.
- M. Westinghouse a apporté également dans les accouple -ments des tuyaux allant d’une voiture à l’autre un perfectionnement important, au moyen des dispositions qui sont représentées dans la figure ht. Comme la pression d’air comprimé règne continuellement dans les tuyaux, il fallait fermer l’orifice des tuyaux toutes les fois qu’on découplait un véhicule, pour empêcher l’échappement de l’air, qui déterminerait le serrage des freins. Cette manœuvre , qui com-
- Fig. 4. Accouplement de deux tuyaux de la conduite générale d'air comprimé.
- pliquait beaucoup l’accouplement des véhicules, n’est plus nécessaire aujourd’hui, car la disposition
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- actuelle ferme automatiquement l’oriücc des tuyaux isolés; elle ouvre la communication, au contraire, quand ils sont accouplés. De plus, dans le cas d’une séparation brusque, d’une rupture d’attelages, par exemple, elle laisserait ouvert l'orifice des tuyaux, et amènerait ainsi d’elle-même le serrage des freins.
- Les deux parties de l’accouplement sont absolument symétriques. Nous avons représenté l’une d’elles en coupe (fig. 4) ; elle comprend une valve à papillon, qui est maintenue par le ressort supérieur, hermétiquement appliqué sur un siège en caoutchouc; cette valve est manœuvrée par une tige munie d’un taquet et portant extérieurement un bras B, qu'il faut tourner forcément, de manière à ouvrir la valve, pour assurer l’accouplement des tuyaux, et il faut, au contraire, fermer la valve, en agissant sur le bras B, pour pouvoir séparer les pièces. Dans le cas d’une séparation brusque, les petites saillies qui forment l’accouplement glissent forcément l’une sur l’autre, et il ne se produit aucune ruplure ; toutefois le bras B' reste immobile et ne ferme pas la valve; l’air comprimé s’échappe alors dans l’atmosphère, ce qui détermine le serrage du frein.
- M. Westinghouse a reconnu, d’autre part, qu’il pouvait supprimer la valve de fuite, leakage valve, et pour la remplacer, il s’est borné à tracer une petite rainure dans le fond des cylindres à frein ; par suite de cette disposition, si la quantité d’air admise dans le cylindre n’est pas considérable, l’air s’échappe en dehors sans serrer; mais si l’air arrive en grande abondance, la rainure devient insuffisante pour lui livrer passage, le piston du cylindre est projeté, et les freins sont serrés. Une fuite légère est donc impuissante pour provoquer le serrage, et les freins ne sont actionnés qu’à la suite d’une dépression importante.
- L. Bâclé,
- Ancien élève de l’Ecole Polytechnique.
- CHRONIQUE
- Association française pour l’avancement des sciences. — L’Association française tiendra à Reims, du 12 au 19 août 1880, sa neuvième session, sous la présidence de M. Krantz, sénateur, commissaire général de l’Exposition universelle de 1878. Cette session, en vue de laquelle les Compagnies de chemin de fer ont bien voulu accorder une réduction de moitié sur le prix des places, promet d’être fort belle. Outre les séances de section, dont le programme, déjà considérable, s’accroit chaque jour de nouvelles promesses de communications, il y aura deux conférences, des séances générales, des visites aux établissements scientifiques et industriels de la ville et de la région. Le comité local a également préparé le programme d’excursions, qui permettront de voir Châlon et le camp d’Attila, lipernay et le château de Baye, Saintc-Ménebould, l’Argonne, Saint-Gobain, etc., sans compter une excursion finale qui aurait pour but la vallée de la Meuse et les grottes de Han en Belgique.
- Pour tous les renseignements, s’adresser à Paris au
- secrétariat de l’Association, 76, rue de Bennes, et à Reims à M. le docteur Langlet, secrétaire du comité local.
- Le Conservatoire des Arts et Métiers. — Nous avons visité, dimanche dernier, les galeries du Conservatoire des Arts et Métiers de Paris, et nous avons remarqué que l’affluence du public était de plus en plus considérable. Cela tient à l’activité que le nouveau directeur, M. Hervé Mangon, a su donnera notre grand établissement national. Toutes les machines fonctionnent et agissent ; des opérateurs spéciaux tirent de longues étincelles do la machine électrique du physicien Charles, tandis que d’autres mettent en mouvement la plupart des mécanismes les plus nouveaux dans la grande nef du Conservatoire. Voici les appareils que l’on peut voir fonctionner actuellement : phonographe de Hardy, moteur hydraulique de Schmid, moteur hydraulique de Bourdon, appareil de galvanoplastie par courants électro-magnétiques, lampe électrique Jamin et lampe Jablochkoff, pompe de Stappfer mue par l’air comprimé, perforateur du tunnel des Alpes, marteau à air de Chenot, construit par M. Pihet, affûtage des fraises avec la machine de Krustberger, machine à tricoter, machines à coudre diverses, etc. Nous avons remarqué aussi l’exposition nouvelle des belles cartes statistiques de M. Cheysson, directeur des Cartes et Plans au ministère des travaux publics. Nous en publierons prochainement quelques spécimens.
- Tremblement de terre en Suisse et en Italie.
- — Lundi 28 juin, à 5 h. 7 m. environ dti matin, une assez forte secousse de tremblement de terre a été ressentie à Genève, à Nyon, Crans, Founex et environs. A Nyon, l’oscillation, qui suivait la direction de l’Est à l’Ouest, a duré trois secondes environ ; elle a été précédée d’une détonation analogue à un coup de tonnerre ; le sol parait avoir remué verticalement de bas en haut. Plusieurs personnes ont été jetées hors de leur lit. Quelques vitres ont été brisées ou fendues. A Genève, les craquements ont été assez violents dans certaines maisons. Dans la campagne, les chiens se sont mis à aboyer avec fureur au moment du phénomène. Une vague de grande dimension a été remarquée sur le lac de Genève au moment de la secousse. Le même jour, à peu près à la même heure, deux oscillations du sol se sont succédées à Zatarano, province deCatane, avec une intensité telle, que la population terrifiée a quitté ses habitations pour camper sur la voie publique.
- La mortalité par la foudre. — Pendant un orage qui a éclaté, à la fin de juin, en Lombardie, la foudre est tombée sur une maison du village de Castellato ; elle a subitement frappé de mort un jeune homme de quinze ans, au moment où il allait se coucher. A peu près à la même époque, samedi 26 juin, un orage d’une intensité exceptionnelle s’est abattu sur Londres, vers 2 heures de l’après-midi. Les coups de tonnerre produisaient un bruit assourdissant, et la pluie tombait à torrents au milieu d’éclairs très lumineux se formant verticalement de bas en haut. Les rues des quartiers bas se sont trouvées très l'apidement inondées. Les journaux de Londres enregistrent un certain nombre d’accidents, dont nous avons recueilli les plus funestes. Dans l’après-midi, un sergent de police et un constable ont été frappés par la foudre et sont tombés sans connaissance. On a dû les ramener le soir dans un cab. Le même jour, à South Durham Cleveland et dans le North Biding de Yorksliire, un magistrat, M. Henri Smith Stobart, a été tué raide par un coup de foudre, au moment où il traversait le chemin
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- de fer avec M. Elliot, à environ 500 mètres de sa demeure. Un autre orage, qui a duré près de trois heures, a aussi éclaté dans les environs de, Sherborne et Yeovil. A Trent, deux ouvriers, qui s’étaient abrités sous un arbre, ont été frappés par la foudre; l’un d’eux a été tué et l’autre si grièvement blessé qu’on désespère de le sauvez1.
- Les conduites «l’eau souterraines et les grands hivers. — On termine actuellement le travail de pose des tuyaux d’eau qui vont du réservoir de Saint-Maur dans le voisinage du Parc. Ces tuyaux, primitivement enfouis dans la terre à 65 ou 70 centimètres de la surface, ont tous été brisés par la congélation de l’eau qu’ils contenaient, lors des grands froids de l’hiver dernier. Les dégâts ont été considérables, et leur réparation a nécessité de grands frais de la part de la Compagnie des Eaux. Pour que des tuyaux d’eau soient complètement à l’abri des grandes gelées, il faut les enfouir à un mètre de profondeur. Lors du grand hiver de 1789, la terre a été gelée jusqu’à 80 centimètres de la surface du sol.
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 5 juillet 1880. — Présidence de M. Becquerel.
- Photographie solaire. — L’illustre directeur de l’observatoire deMeudon, M. Jansscn, annonce qu’il est parvenu à photographier directement la chromosphère du Soleil. Pour obtenir ce résultat capital, il a suffi d’une surpose prolongée juste assez pour que l’image solaire, '' en se renversant, devînt positive jusqu’au bord. La chromosphère se dessine alors sous la forme d’une bande noire extérieure au disque.
- Les nouveaux métaux. — En même temps arrivent à l’Académie des mémoires importants de M. Nilsonn et de M. Thallès sur le scandium, l’yterbium et le glucinium. Le dernier de ces chimistes précise surtout les caractères spectroscopiques du scandium, dont, pour la première fois, il a su préparer des sels en quantité suffisante et avec un degré de pureté convenable. M. Nilsonn s’est préoccupé surtout de la recherche des poids atomiques de ces métaux rares et il constate que ceux-ci ne viennent point se placer dans les tables dressées par M. Mendeleef : on voit que les exceptions aux règles du chimiste russe se multiplient rapidement.
- M. B or char dt. — Ce savant de Berlin, élu depuis quelques années correspondant de la section de géométrie, vient de mourir à la suite d’une douloureuse maladie. « Ses sentiments pour la France et pour les savants français lui méritent, dit M. J. Bertrand, les plus sincères regrets. »
- La vapeur d'iode. — Un important mémoire de M. Troost a déterminé une vive discussion entre MM. Dumas, Würtz et Henry Deville. Il s’agit des variations de la densité de vapeur de l’iode avec la température et avec la pression. Déjà M. Victor Mayer, puis M. Crafts, ont montré qu’à 1500 degrés la vapeur d’iode, au lieu de peser 8,7, ne pèse que 5,8, et ils en ont conclu que le corps simple subit à cette température élevée une véritable dissociation, ou, si l’on veut, que sa molécule se dédouble en deux atomes occupant le double d’espace. M. Troost ne croit pas à cette interprétation, et il se fonde surtout sur ce fait que la même variation de densité peut s’obtenir dès 300 degrés, pourvu que la pression des-
- cende à 30 millimètres de mercure. Tandis que M. Dumas se range complètement à l’avis de l’auteur, M. Würtz au contraire persiste à penser que la théorie de MM. Mayer et Crafts est la bonne, la diminution de pression donnant très souvent lieu, comme on sait, aux mêmes effets que l’augmentation de température. Après diverses observations échangées de part et d’autre, M. Deville s’efforce de montrer que le dissentiment repose bien plutôt sur des mots que sur des faits, et tout le monde s’accorde pour désirer que M. Troost poursuive scs intéressantes expériences.
- Correction des lunettes. — Grâce à un appareil dont il a donné la description, M. Lœwy parvient à distinguer les erreurs des observations astronomiques qui résultent de la réfraction, des erreurs causées par les variations de la ligne de visée. Dans une savante analyse, où nous ne saurions le suivre ici, l’auteur insiste sur les erreurs qui résultent de la flexion des lunettes et qui, bien que très notables, n’ont pas suffisamment jusqu’ici préoccupé les astronomes.
- Météorite. — On remarque sur le bureau un météorite dont M. Daubrée raconte la chute et décrit les principaux caractères. Cette pierre, dont la densité est égale à 5,51, et qui consiste en divers silicates magnésiens associés entre eux, rentre dans le type lithologique connu sous le nom de Lymerickile. Elle est tombée le 14 novembre 1878 à Maël-Pcstivieu, dans le département des Côtes-du-Nord. Elle ne parait pas présenter de particularités nouvelles.
- Stanislas Meunier.
- LES PENDULES MYSTÉRIEUSES
- DE M. ROSSET
- M. ltosset a soumis à l’approbation de la Société d'encouragement une horloge mystérieuse construite par lui dans des conditions intéressantes. L’aspect artistique qu’elle présente, au premier coup d’œil, est celui d’une statuette soutenant d’une main un axe horizontal sur lequel oscille un balancier compensé, alourdi à sa partie inférieure par une boule étoilée et surmonté au-dessus de son point de rotation par un cadran de verre. Au centre de ce dernier se trouvent les deux aiguilles. L’examen le plus minutieux ne permet d’apercevoir aucune connexion du mouvement entre ces dernières et la boule, dans laquelle on pressent facilement que doit être caché le mécanisme moteur. Cette connexion, en effet, n’existe nullement, et le principe du mouvement des aiguilles est différent de celui d’une transmission cinématique empruntée aux organes ordinaires des machines.
- Dans le moyeu de la rotation des aiguilles se trouve dissimulée une petite masse, qui surmonte l’extrémité d’un levier articulé par le bas au cadran de verre. Lorsque celui-ci oscille à droite et à sauche, cette masse chavire successivement, de chaque côté de sa position moyenne, dans le petit logement qui lui est ménagé. Un pied de biche qu’elle actionne dans ce mouvement alternatif fait mouvoir un rocliet, et celui-ci commande la grande
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- aiguille par l'intermédiaire d’un rouage destiné à ralentir suffisamment la rotation. Une minuterie ordinaire, mais très petite et également cachée dans le moyeu, emprunte à cette aiguille le mouvement de celle des heures.
- Quant à l’oscillation motrice du pendule dans son ensemble, elle est obtenue de la manière la plus simple. Un mouvement d’horlogerie renfermé dans la boule inférieure ferait osciller sur le centre de cette houle un balancier remontant, si ce centre était fixe et le balancier libre à son extrémité. Mais, au contraire, la boule est indépendante et l’extrémité du balancier, disposée en forme de fourchette, embrasse un petit axe horizontal fixé à la statue.
- C’est donc la boule qui obéit à la réaction mutuelle, et qui prend le m o n v e m e n t voulu d’oscillation.
- Le dessin ci-contre (fig. 2) représente une vue perspective de la pendule et de la statuette qui la supporte. Les figures 1 et 3 donnent les détails du mécanisme.
- Fig. 1. Vue de profil de la pendule (sans la statuette qui la supporte), avec section de la boule étoilée du balancier. — Fig. 3. Vue des deux aiguilles sur leur face postérieure, avec section du mécanisme; cette figure est à une échelle double de l’exécution.
- A, tige fixe de suspension de la pendule, soutenue par la main droite de la statuette (fig. 1 ) ; B, axe horizontal fixé à la tige A, et sur lequel oscille le balancier compensé; C, balancier compensé ; D, cadran de verte avec scs aiguilles, surmontant le balancier C, avec lequel il lait corps et qu’il suit, par conséquent, dans ses oscillations;
- E, boule fixée à l’extrémité inférieure du balancier, et contenant le mouvement d’horlogerie qui actionne la fourchette motrice du dit balancier ;
- F, fourchette motrice du balancier C, dissimulée
- derrière ce balancier et mise en mouvement par le rouage d’horlogerie de la boule E ; G, petit axe fixe embrassé par la fourchette F et fixé à l’extrémité inférieure de la tige A; II, moyeu de la rotation des aiguilles, placé au centre du cadran de verre ; I, petite masse placée dans le moyeu II (fig. 5) ; J, levier portant la masse 1 et articulé par le bas au moyen du cadran.
- Grâce à cette disposition, on voit de suite que chaque fois le cadran s’incline à droite ou à gauche avec le balancier qui le supporte1.
- Le lecteur, d'après cette légende explicative,
- a dù com -prendre que : 1° la marche des aiguilles est duc au balancement de la masse I, qui à chaque retour d ’osci 11 atiou fait avancer d’une dent le rochctL, lequel rochct com -mande les minuteries de ces aiguilles; 2° la force motrice est dans la boule. Un rouage, mù par un ressort, est terminé par un échappement, dont la fourchette F (fig. 1), levier de premier genre , prenant son point de résistance en G, restitue à cette boule, par l’action de l’échappement, la force qu’elle a perdue au terme de chaque oscillation. Si la pendule restant telle quelle, le point de suspension B était seul déplacé, ce qui rendrait plus longue ou plus courte la partie au-dessous de B, en remontant ce point de suspension, la pendule avancerait, et elle retarderait en le descendant. C’est le contraire de ce qui a lieu avec le balancier ordinaire, qui retarde quand on l’allonge vers le bas, et vice versa.
- 1 D’après le rapport de M. Ilaton de la Goupillière.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahurc, rue de Fleurus, 9, à Paris.
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- UNE AURORE BORÉALE
- OBSERVÉE TAR LE CAPITAINE HALL DANS LES RÉGIONS POLAIRES
- Le gouvernement des États-Unis a récemment publié un ouvrage qui donne l’histoire complète de
- la seconde expédition exécutée parle capitaine Hall dans les régions arctiques1. Nous ne reviendrons pas sur les résultats remarquables obtenus par le courageux voyageur américain; nous rappellerons que par sa mort au milieu des régions situées vers les points les plus rapprochés du pôle nord que l'homme ait jamais atteints, le célèbre navigateur a désormais
- Aurore boréale"_observée par le capitaine IIull dans les régions arctiques (d'après un dessin du capitaine Hall).
- son nom inscrit sur la liste des martyrs de l’exploration. Nous reproduisons aujourd’hui, d’après un dessin original du capitaine Hall, une aurore boréale observée par lui sur les glaciers polaires. Ce dessin montre dans toute sa splendeur le merveilleux phénomène : des bandes verticales de lumière s’étendaient à l’horizon en nombre incalculable; elles 8* année. — 2e semestre.
- étaient animées de ce frissonnement particulier qui
- 1 Narrative of the Second Artic Expédition made by Charles F. Hall. His voyage to Repuise bay, Sledge Journeys to the Straits of Fury and Hecla and to King William’s Land, and Résidence among the Eskimos during the years 1864-1869. Edited under the orders of the lion. Secretary of the Navy by Prof. J. E. Nourse, U. S. N. U. S. Naval Observatory.
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- LA NATURE.
- caractérise la lueur électrique. Au-dessus, une série d’effluves de lumière palpitaient, connue animées par le souffle d’êtres invisibles, et formaient comme des draperies de feu, encadrant cet incomparable tableau. Il est probable que le capitaine Hall avait le projet de publier des descriptions beaucoup plus détaillées de ces grands phénomènes qu’il avait si bien observés, mais la mort est venue anéantir ses souvenirs. Tel qu’il est, le dessin du capitaine Ilall n’en constitue pas moins un document rare et précieux; c’est à ce titre que nous l’avons placé sous les yeux de nos lecteurs. G. T.
- HISTORIQUE
- DE
- L'INTRODUCTION DE LA RAMIE
- NOUVELLE PLANTE TEXTILE
- Nous avons parlé précédemment1 des importantes applications de la Ramie, en passant sous silence l’histoire de cette plante qui est appelée à rendre de si grands services à l’agriculture et à l’industrie. L’historique de l’introduction de la Ramie est peu connu; nous allons l’esquisser aujourd’hui en donnant ainsi le complément des documents publiés dans la Nature sur la nouvelle plante textile."
- C’est en avril 1845 que M. J. Decaisne a publié dans le Journal d'Agriculture pratique une note sur une plante économique, alors nouvelle pour l’Europe, et qui semblait à l’éminent botaniste appelée à rendre des services d’une certaine importance à l’agriculture du Midi et à celle de nos colonies. C’était la Ramie, l’üitica ou Bœlimeria uti-lis, plante exploitée depuis uii temps immémorial en Chine et dans quelques parties de l’Inde, où sa fibre sert à fabriquer des étoffes dont la finesse, la solidité et la blancheur, peuvent les faire comparer aux plus beaux tissus de Lin. Les idées étaient alors tournées d’un autre côté ; aussi cette note passa-t-elle inaperçue. Cinq ans plus tard, espérant être plus heureux, M. Decaisne a adressé des échantillons de filasse de Ramie au ministre du commerce, en lui demandant de vouloir bien les faire examiner par des filateurs. Le ministre nomma une Commission formée de représentants des maisons Feray et Cie, d’Essonne, et Scrive, de Lille, et lui confia le soin de prononcer sur la valeur industrielle du nouveau produit. Les uns, sans daigner y jeter les yeux, déclarèrent qu’il n’y avait aucun parti à en tirer; les autres, plus attentifs, lui reconnurent des qualités supérieures ; mais cette décision, tout favorable qu’elle était, n’eut aucun effet sur l’avenir, de la nouvelle plante, qui fut bientôt entièrement oubliée.
- Cette première démarche n’était pas faite pour encourager ; cependant M. Decaisne ne se rebuta point. Des graines de l'Urtica utilis, rapportées de Chine par M. le capitaine de vaisseau Freycinet, furent semées au Muséum, et, quoique la plante appartienne à un climat beaucoup plus chaud que celui de Paris, elles donnèrent, en pleine terre, des tiges de lm,50 de hauteur. Des plants en furent aussitôt envoyés à la pépinière d’Alger, à celle de Iliskra,
- 1 Voy. n° 355 du 20 mars 1880, p, 241
- et au Gabon, où M. Aubry-Lecomte se chargea de les faire cultiver.
- En 1852, à l’instigation de M. Diurne, directeur du Musée botanique à Leyde, qu’un long séjour à Java avait mis à même d’apprécier la valeur des tissus de Ramie, et de M. de Jussieu, professeur au Muséum, M. Ducos, ministre de la marine, fut prié de vouloir bien faire essayer la culture de cette plante dans nos colonies intertropicales, et particulièrement à la Guyane; le ministre promit son concours. Cependant rien ne se fit ; soit oubli du ministre, soit négligence de la part de ceux à qui la mission en avait été confiée, les colonies ne reçurent aucun échantillon de Ramie, et l’expérience se trouva encore indéfiniment ajournée.
- En 1855, on se préoccupa sérieusement des plantes textiles; une filasse venait d’être importée en Angleterre sous le nom discret de China-Grass (herbe de Chine) ; elle y prenait chaque jour plus d’importance au point de vue de la fabrication des tissus. Quelques-uns de ces tissus ont figuré avec honneur à la grande Exposition industrielle de Londres, en 1850, et ont alors fixé l’attention des fabricants français.
- Pour donner une idée complète de la Ramie, nous reproduirons ici la note publiée par M. J. Decaisne en 1844-1845*:
- En 1844, le Muséum a reçu de M. Leclancher, chirurgien de la corvette la Favorite, quelques rameaux de diverses Orties cultivées en Chine comme plantes textiles. L’examen de ces rameaux, d’ailleurs assez semblables entre eux à première vue, me démontra que les uns appartenaient à YUrtica nivea, les autres à YUrtica utilis, Bl., caractérisés tous deux par des feuilles blanches en dessous®. Ainsi les Chinois cultivent deux espèces d’Orties. Ces espèces sont connues ; la nature de leurs libres, leur ténacité, leur blancheur et leur qualité textile ont été l’objet de longues contestations, qui seront expliquées tout à l’heure. Si, dans certains cas, la distinction d’une variété ou d’une race est d’une haute importance en culture, on conçoit qu’il en est de même, et à plus forte raison, lorsqu’il s’agit de distinguer une espèce d’une autre. Cette note en fournira la preuve. M. Leclancher, ainsi que d’autres voyageurs, trouvant constamment autour des habitations chinoises des cultures d’Orties à feuilles blanches en dessous, a cru n’avoir sous les yeux qu’une seule espèce, et pouvoir attribuer à Y U. nivea les qualités particulières à YU. utilis.
- Je transcris la note qui accompagnait un échantillon de YU. utilis recueilli par M. Leclancher à 120 kilomètres de l’embouchure du Yang-tse-Kiang, en descendant la rivière de-Nankin :
- « Ortie cultivée en petits carrés dans les terrains légèrement humides qui bordent les rizières. Chaque habitation en cultive pour son usage. On enlève les leuilles, qui tiennent fort peu; on fait rouir dans une auge des paquets de tiges. L’eau prend une couleur brune. Les femmes enlèvent la peau, que
- 1 Journal d'Agriculture pratique, 1844 à 1845, p. 467.
- a Stanislas Julien, Note sur une filasse nommée A-pou. Comptes rendus des séances de l'Institut, X, p. 371.
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- l’on fait rouir de nouveau pendant un temps que je ne connais pas, mais qui doit être court ; puis, passant chaque lanière sur un instrument de fer ayant la forme d’une large gouge de charpentier, elles enlèvent la pellicule extérieure. La lanière fibreuse, d'un blanc verdâtre, est mise à sécher sur un Bambou. Il est probable que, pour faire les tissus fins que l'on vend à Macao sous le nom de grass-cloth ou lienzo, cette espèce de Chanvre est peianée. Le filage doit être fait avec les rouets en Bambou qui servent aussi pour le Coton. Sec, ce Chanvre est d’un blanc nacre', très beau et très fort. La plante croîtrait bien sur le revers des fossés en France, aux environs de Cherbourg, et peut-être dans le Midi. »
- La lecture de cette note, et l’examen attentif des plantes qui l’accompagnaient, me rappelèrent alors certaines fibres végétales remarquables par leur blancheur et leur extrême ténacité, et dont le gouvernement. hollandais était alors très préoccupé. Le but qu’il se proposait était d’introduire dans ses possessions de l’archipel Indien la culture de la plante qui les produit, en vue de la confection des voiles, des cordages, des filets, etc.
- Cette plante, qui est une Ortie, et qui porte à Java le nom de Ramie, atteint de 1 mètre à dm,50 de hauteur; ses feuilles, minces et portées sur de longs pétioles, rappellent celles de VU. nivea, mais elles sont plus grandes, plus longuement acuminées, et grisâtres en dessous. Les tiges ont à la base à peu près la grosseur du petit doigt, et présentent sous ce rapport de l’analogie avec celles du Chanvre. La plante n’est pas nouvelle; tout me porte à croire que ses fibres ont été fort employées au seizième siècle. Lobel1, qui vivait sous Élisabeth, savait déjà qu’auxlndes, à Calicut, à Goa, etc., on fabriquait avec l’écorce de diverses Orties des tissus très fins qu’on importait en Europe; que, dans les Pays-Bas surtout, on recevait cette substance en nature pour en fabriquer des étoffes préférées à celles du Lin, puis-qu’en effet le nom hollandais de Neteldoek, donné aujourd’hui à la mousseline, et qui s’applique ordinairement à un tissu très fin, dérive évidemment de Netel, Ortie, et doek, étoffe. Ainsi à une époque où les toiles de Frise jouissaient déjà d’une réputation européenne, on fabriquait en Hollande, et peut-être en Belgique, une sorte de batiste ou de mousseline avec les fibres d’une Ortie, et cette Ortie était indubitablement la Ramie, et non VU. nivea.
- J’ai souligné, dans la note de M. Leclancher, les mots relatifs à la couleur des fibres ; car pour moi il est évident que celles d’un blanc verdâtre appartiennent à VU. nivea, tandis que les autres, d’un blanc nacré, sont produites par la Ramie.
- J’ai sous les yeux des écheveaus provenant des deux plantes, et leur aspect s’accorde avec l’observation de M. Leclancher La filasse de la Ramie n’a rien de la raideur de celle de VU. nivea; elle est blanche, très douce au toucher, et semble tenir
- 1 Lobel., Kruidbock (Antw., 1581), p. fil7.
- le milieu entre le Lin et les fibres de plusieurs Daplmés si recherchés en Chine et au Japon.
- Les étoffes et les cordages fabriqués avec la Ramie semblent, quant à leur durée, supérieurs, soit aux tissus de Lin, soit aux cordages de Chanvre; du moins les indigènes des Moluques et des grandes îles de l’archipel Indien accordent sans restriction la préférence à la Bamie sur toute autre matière textile pour la fabrication de leurs filets, qui, suivant leurs remarques, résistent beaucoup plus longtemps que d’autres à l’action prolongée de l’humidité.
- Dans l’intérieur de Sumatra, au dire de M. Kor-tlials, les habitants tissent avec l’Lr. utilis une étoffe recommandable par sa longue durée, mais dont l’usage tend à se perdre à cause du bas prix auquel ils peuvent se procurer aujourd’hui les tissus de fabrique anglaise.
- J. DfXAISiNF.
- — La suite prochainement.
- SOCIÉTÉS SAYANTES
- Société française de physique. — Séance du 18 juin 1880. — Présidence de M. Blavier.— Le président annonce la mort de M. Gaugain et rappelle ses travaux sur l’électricité. — M. Dufet présente, au nom de M. Laurent, un saccharimètre à pénombre perfectionné. Un diaphragme muni d’une ouverture de 2 millimètres et d’une lentille éclairante sert de source lumineuse ; il est fixé à l’appareil de telle façon que la lumière qui traverse la dissolution sucrée forme des faisceaux parallèles, ce qui supprime la réflexion sur les parois. Le pied est d’une seule pièce. Les obturateurs en verre sont maintenus par des ressorts, ce qui évite la double réfraction accidentelle que produisait parfois la pression des écrans employés auparavant à cet usage. L’éloignement de la flamme éclairante permet d’employer comme polariseur un nicol, au lieu du prisme biréfringent, dont la seconde image est parfois gênante. — M. Laurent a construit un éolipyle à alcool qui peut remplacer le bec Bunsen dans les endroits où le gaz manque, ou bien où il n’a pas une pression suffisante. — M. Goulier présente le profilo-graphe de M. Dumoulin, que nous avons décrit précédemment (n° 567 du 12 juin 1880, p. 51).— M. Gouy développe quelques considérations théoriques sur la polarisation rotatoire et l’hypothèse de Fresnel. Cette hypothèse, qui consiste à admettre que d;ms un corps doué du pouvoir rotatoire, les deux rayons circulaires inverses se propagent avec des vitesses différentes, paraissait démontrée par le phénomène de la double réfraction circulaire, qui est analogue à celle de la diffraction et qui est indépendante de toute hypothèse. — M. Henri Becquerel fait remarquer que si l’on fait interférer deux rayons circulaires qui traversent deux prismes dont l’un est soumis à l’action d’un aimant, le déplacement des franges d’interférences met en évidence le retard ou l’accélération de l'un des rayons circulaires. — M. Gouy dit que l’hypothèse de Fresnel suffit en effet pour expliquer toutes les expériences, mais que la question de savoir si elle correspond à une réalité reste entière.
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- MACHINES DYNAMO-ÉLECTRIQUES
- Et Régulateur à courants continus
- DE JIM. SIEMENS ET HEFNEU-ALTENECK
- La machine et le régulateur que nous allons décrire aujourd’hui s’emploient en Angleterre et en Allemagne comme on emploie en France la machine Gramme et le régulateur Serrin. Nous devions donc signaler ces deux appareils aux lecteurs de la Nature pour compléter ce que nous avons déjà dit à diverses reprises sur l’éclairage électrique, et les tenir au courant de l’état actuel de la question.
- La machine de M. llefner-Alteneck, construite par M. Siemens, est une machine dynamo-électrique à courant continu analogue, quant au principe du fonctionnement, à la machine de M. Gramme. Elle en diffère par la forme des inducteurs et surtout par la manière dont le lil est enroulé sur l’anneau mobile.
- Les inducteurs sont formés de deux électro- aimants à pôles conséquents composés de barres de fer doux réunies au bâtis de fonte de l’appareil, qui forme culasse à chaque extrémité.
- La forme arquée des pôles répartit mieux le champ magnétique, le rapproche des bobines, ce qui est une condition favorable à la production de courants puissants. Les inducteurs, dans les machines de grande et de moyenne puissance, sont disposés horizontalement, ce qui donne de la stabilité à l’appareil. Dans les machines du plus petit modèle, employées plus spécialement pour exciter les inducteurs des machines à courants alternatifs, et représentées précédemment dans la Nature, les inducteurs sont verticaux, pour ne pas trop rapprocher la bobine du sol.
- La bobine induite présente une assez grande longueur et se compose d’une série de bobines partielles reliées à un collecteur Gramme. Le lil induit ne recouvre que la partie extérieure de la carcasse en fer sur laquelle les bobines sont roulées. On utilise ainsi beaucoup mieux l’induction, l’enroulement des bobines est très simplifié et les difficultés que présente le centrage de l’anneau Gramme disparaissent complètement.
- Dans les premières machines construites en 1877», l’anneau en fer était fixe dans l’espace et placé à l’intérieur de la bobine tournante, mais dans les modèles plus récents de 1875 et de 1878, on a renoncé à cette disposition compliquée pour revenir à un anneau tournant avec la bobine, ce qui fait retomber la machine Siemens dans le système Gramme, à laquelle elle a emprunté d’ailleurs les collecteurs et les balais.
- Suivant les dimensions de la machine, on peut alimenter des lampes donnant de 200 à 800 becs Garcel en un seul foyer, dépensant de 2 à 5 chevaux de force motrice.
- En changeant la nature du fil des inducteurs et des induits, on peut, pour une machine donnée, augmenter la quantité et diminuer la tension, ou inversement, suivant que le courant doit avoir de la
- quantité , comme pour la galvanoplastie et l’incandescence, ou, au contraire, une certaine tension, comme pour l’éclairage électrique et le transport électrique de la force motrice à distance.
- Régulateur de M. Siemens. — M. Siemens, de Berlin, a construit plusieurs régulateurs à courant continu. Celui que nous reproduisons (lig. 2), imaginé par M. Hcfncr von Alteneck, ingénieur de la maison Siemens, est le dernier modèle adopté par les constructeurs en 1878.
- La lampe que nous avons décrite dans la Nature est destinée plus spécialement aux courants alternatifs et à la division de la lumière; celle-ci est monophote, c’est-à-dire qu’elle ne permet de disposer qu'une seule lampe sur le circuit des machines qui l’alimentent. Le mécanisme reste le même pour les trois types de machines employées ; les dimensions seules varient, suivant que l’appareil est appliqué aux phares, à la guerre, à la marine, à l’industrie, etc., et que l’on a besoin de foyers plus ou moins puissants.
- Dans ce régulateur à courant continu, le mouvement d’approche des charbons est produit par le poids du porte-charbon positif, qui sert de moteur. Le mouvement d’écartement, au contraire, se produit par un appareil qui n’est autre chose qu’un petit moteur électrique, et dont nous allons examiner maintenant le fonctionnement.
- Les organes principaux du régulateur Siemens
- Fig. 1. Machine dynamo-électrique 'de M. Siemens (moyeu modèle).
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- sont : les deux porte-charbons A et R, un mouvement d’horlogerie actionné par le poids du porto-charbon A et dont le dernier mobile est une roue à rochet dont la vitesse de rotation est modérée par une roue à ailettes I.
- Le courant de la machine arrive par la borne C, traverse un électro-aimant E, dont on n’a représenté qu’un des noyaux, arrive par le corps de la lampe au porte-charbon positif A, traverse l’arc et revient à la machine par le porte-charbon 15, en garniture isolée, et la borne Z, reliée au pôle négatif.
- Au moment où l’on envoie le cousant dans la lampe, les charbons sont en contact, le courant est très intense; il attire son armature cylindrique, fixée à un grand levier vertical pivotant autour de Y.
- Ce levier bascule de droite à gauche autour de Y, et un cliquet Q, fixé à son extrémité, fait tourner la roue I d’une dent en sens inverse du mouvement du charbon, mais à ce moment il se produit un contact en X; le courant traverse alors directement la dérivation de faible résistance produite par ce contact, et l’électro-aimant devient inerte. Sous l’action du ressort P, réglé par la vis R, le levier reprend sa position première ; mais alors le contact en X est rompu, l’aimant est actionné de nouveau : il attire son armature, et la roue I tourne de nouveau d’une dent dans le sens favorable à l’écartement des charbons. 11 se produit donc ainsi une succession rapide de mouvements, comme dans le trembleur des sonneries électriques, qui ont pour effet d’écarter les charbons très rapidement jusqu’à une distance normale, pour laquelle l’appareil est réglé. Lorsque cette distance est atteinte, le cliquet Q produit l’embrayage et maintient l’écartement. Le levier est alors très près du contact X, et si l’appareil est bien réglé, on sent, en mettant le doigt en N, une sorte de frémissement, qui est l’indice le plus certain de ce bon réglage. Si l’arc s’allonge, l’armature tend à s’éloigner de E et produit le déclanchement de la roue 1, ce qui permet le rapprochement des charbons.
- Fig. 2. Lampe électrique de MM. Hefner von Altencck ou régulateur Siemens.
- On dispose dans cet appareil de trois moyens de réglage :
- 1° La tension du ressort P;
- 2° La distance de l'armature à l’électro-aimant E, distance que l’on règle à l’aide d’une vis K;
- o0 Le contact X, réglé une fois pour toutes par le constructeur d’après la course du levier et la longueur des dents du rochet.
- En pratique, en agissant snr le ressort P à l’aide de la vis R, on peut obtenir un bon fonctionnement de l’appareil, auquel on pourrait peut-être reprocher une certaine délicatesse dans les organes et le bruit produit par les mouvements du levier.
- Quoi qu’il en soit, cet appareil est fréquemment employé en Angleterre et en Allemagne, au même titre que le régulateur Serrin en France.
- La grande salle de Albert Hall, à Londres, est éclairée par six régulateurs de ce système, placés au plafond; chacun d’eux est alimenté par une machine Siemens moyen modèle.
- Au Briiish Muséum, il y a quatre régulateurs de ce système dans la grande salle de lecture, mais le couplage des machines mérite une mention spéciale.
- Les inducteurs des générateurs dynamo-électriques du type que nous venons de décrire ne sont plus montés en tension dans le même circuit que la lampe et la bobine. On fait usage d’un système analogue à celui employé dans les machines à division de Lontin, Gramme et Siemens.
- Les inducteurs des quatre machines sont tous disposés en tension dans un circuit spécial , alimenté par une cinquième machine qui joue le rôle d’excitatrice.
- 11 résulte de cette disposition que le champ magnétique dans lequel se meuvent les inducteurs est à très peu près constant, et que les courants engendrés dans les bobines des quatre autres machines, correspondant alors directement avec les lampes, sans passer par les inducteurs, sont eux-mêmes beaucoup plus constants que si chaque machine avait son inducteur dans son circuit propre. Les machines fonctionnent alors comme de véritables
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- LA NATURE.
- machines magnéto-électriques. On aura toujours intérêt à employer ce système lorsque l’on aura plusieurs régulateurs à faire fonctionner à la fois dans un même local.
- La grande régularité ainsi obtenue résulte de ce fait qu’une bobine se mouvant dans un champ magnétique constant, à une vitesse constante, développe un courant dont la force électro-motrice est constante et indépendante des variations de résistance de l’arc voltaïque placé dans son circuit.
- C’est grâce à la disposition (pie nous signalons que les machines dynamo-électriques ont pu être employées aux transmissions télégraphiques, et qu’elles remplacent actuellement les piles au bureau de la Western-Union Telegraph Company, à New-York.
- E. Hospitalier.
- LA STATUE DE LE TERRIER
- Au commencement de l’année 1878, un comité de souscription a été constitué sur l’initiative de plusieurs membres de l’Académie en vue d’élever une statue à Le Verrier, que la mort venait d’arracher à ses travaux. Le monde savant tout entier a voulu rendre hommage à l’astronome.
- Les listes de souscription ont été publiées dans le Bulletin de l'Association scientifique de France, et quand on les parcourt, on remarque à côté des noms de nos savants les plus éminents, ceux de plusieurs illustrations scientifiques de l’étranger.
- M. Chapu a été choisi par le Comité pour exécuter un monument commémoratif. Nous reproduisons l’œuvre qui est due à cet éminent artiste. On ne pouvait faire un plus heureux choix que celui de l’auteur si apprécié de la statue de la Jeunesse au tombeau de Henri Régnault et du magnifique monument de Berryer.
- La statue de Le Verrier sera en marbre ; le modèle en plâtre a été exposé à Paris au dernier Salon de sculpture.
- Le désir des souscripteurs serait de la voir élevée dans l’avenue de l’Observatoire, non loin du lieu où le successeur des Galilée et des Newton a produit son œuvre.
- La souscription, dont le total dépasse actuellement 25 000 francs, est encore ouverte au Secrétariat de Y Association scientifique de France, à la Sorbonne. Il est à souhaiter que tous ceux qui s’intéressent au progrès, y apportent leur obole. Est-il nécessaire d’ajouter que contribuer à perpétuer le souvenir de grands hommes tels que Le Verrier, c’est pour tous, honorer la science, et pour les concitoyens du grand astronome, c’est en outre faire acte de patriotisme.
- Gaston Tissandier.
- LE VERRIER ET SON ŒUVRE
- Prononcer ou écrire le nom de Le Verrier, c’est évoquer immédiatement, dans l’esprit de l’auditeur ou du lecteur, le souvenir de la plus étonnante découverte dont l’histoire de la science fasse mention : celle de la planète Neptune. Tout le monde connaît le fait, devenu légendaire; mais il est peu de personnes qui se rendent un compte exact des circonstances qui l’ont amené, des conditions dans lesquelles il s’est accompli ; moins encore peut-être qui aient une idée juste du caractère scientifique de l'homme et de la puissance réelle de son génie.
- Sans parler de ceux qui, peu familiarisés avec la connaissance des laits astronomiques, croient à la rencontre fortuite de la planète dans le champ d’une lunette; il en est beaucoup, même parmi les gens instruits, qui en attribuent la découverte à une espèce d’intuition, à un éclair de génie venant subitement illuminer l’esprit de son auteur et lui dévoiler les secrets de l’espace. Ceux-là, sans doute, ont de l’illustre astronome une idée plus haute et plus proche de la vérité ; mais ne connaissant guère de sa carrière scientifique que le résultat brillant de ses premiers travaux, ils soupçonnent à peine l’existence des recherches difficiles et délicates par lesquelles il s’est à l’avance mis à la hauteur de son succès, si éclatant qu’il soit ; ils ne connaissent guère plus l’œuvre grandiose qui l’impose à l’admiration de la postérité, autant et plus peut-être que la découverte de Neptune.
- 11 existe, en effet, un monument scientifique à l’édification duquel il a consacré toute sa vie, et qui, le plaçant sans conteste au premier rang des maîtres de l’astronomie, portera, à travers les âges, le témoignage de son énergie scientifique, de la justesse et de la hauteur de ses conceptions, de sa connais-1 sance profonde des questions astronomiques. Ce monument, produit de quarante années d’un travail acharné mis au service d’une intelligence hors ligne, et dont chaque partie prise isolément suffirait à établir la réputation d’un astronome, c’est la théorie analytique des mouvements de toutes les planètes principales du système solaire.
- Intimement mêlé à l’exécution de cet immense travail, chargé par l’auteur, mon illustre maître, d’en assurer le complet achèvement, j’ai été sollicité d’en écrire l’histoire. J’ai accepté, après quelque hésitation, le rôle difficile qui m’était imposé, convaincu que si je restais inférieur à ma mission, la gloire de Le Verrier était trop bien établie pour qu’elle pût en recevoir aucune atteinte. Je n’ai point d’ailleurs l’intention d’énumérer et d’étudier en détail les travaux de Le Verrier; je ne pourrais, pour être vrai, que copier la si remarquable monographie que M. Tisserand en a faite dans la Revue scientifique. J’essaierai. seulement de donner une vue d’ensemble de l’œuvre principale, m’efforçant d’en mettre en lumière les parties les plus saillantes.
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- Laplace, dans sa Mécanique céleste, avait développé analytiquement les conséquences du principe de la gravitation universelle, découvert par Newton, et donné les moyens de déterminer le mouvement des astres, en tenant compte de, leurs actions mutuelles. Des tables, fondées sur le même principe, avaient été construites, qui devaient prévoir et régler le mouvement des diverses planètes, belambre, Carlini et Bessel avaient étudié le mouvement du Soleil ; Lindenau celui de Mercure, de Vénus et de Mars; et enfin Bouvard, appliquant les formules de Laplace, avait calculé les tables de Jupiter, de Saturne et d’Uranus.
- La comparaison des observations avec les positions prévues par ces diverses tables paraissait confirmer à la fois la justesse de la conception de Newton et des conséquences que les géomètres, Laplace à leur tête, en avaient déduites. Uranus seul semblait se dérober à la loi générale, les irrégularités apparentes de sa marche étant trop considérables pour qu’il fût possible de les attribuer aux incertitudes des observations.
- Le Verrier, dont les puissantes aptitudes mathématiques s’étaient développées par la lecture et la méditation de Laplace, et fortifiées par l’examen des points les plus délicats de l’astronomie, se décide à aborder l’étude de la difficile question qui préoccupait alors les géomètres et les astronomes.
- Il vérifie d’abord les calculs de Bouvard, les rectifie, et finalement confirme l’existence réelle des irrégularités signalées dans le mouvement d’Uranus.
- Convaincu de l’exactitude absolue de la théorie Newtonienne, il n’hésite pas à attribuer à l’action d’un corps inconnu ces perturbations inexpliquées, et par la seule force de l’analyse mathématique, il resserre tellement, dans l’immensité de l’espace, les limites du lieu où se cache la planète perturbatrice, qu’aussitôt signalée elle est découverte.
- Presque en même temps, un savant anglais, M. Adams, partant des mêmes idées que Le Verrier, arrivait à un résultat semblable. Des discussions plus passionnées qu’impartiales se sont élevées autrefois au sujet delà priorité de la découverte.et de l’indépendance relative des recherches ; aujourd’hui la question est résolue : à chacun revient le mérite intégral de son travail, et la mutuelle estime dont se sont toujours honorés les deux illustres savants, prouve qu’eux du moins savaient se rendre justice.
- Mais c’est à Le Verrier seul qu’est due la découverte de la planète : c’est d’après ses indications qu’elle a été cherchée et vue, pour la première fois, à Berlin, par M. Galle, le 23 septembre 1846. 11 y a là un fait établi d’une manière absolue et, sans aucune contestation possible.
- La découverte de Neptune venait de fournir une preuve éclatante de l’exactitude du principe Newtonien de la gravitation universelle. Pourtant il pouvait encore subsister, pour les esprits réelle-
- ment mathématiques, certains doutes qu'il importait d’éclaircir.
- Si la grandeur relative des écarts entre la théorie et l’observation d’Uranus avaient appelé spécialement l’attention des astronomes et des géomètres, il existait en réalité, pour toutes les planètes, des discordances qui, pour être bien plus faibles, n’en paraissaient pas moins dépasser les limites des incertitudes admissibles dans les observations.
- Dès 1830, Bessel, préoccupé de cette question, signalait l’urgence de la résoudre, énumérant les causes probables des discordances signalées.
- « Elles doivent être attribuées, » dit-il dans la préface des Tabulas Begiomontanæ, « ou à la manière de réduire les observations, ou aux tables, qui, par suite d’erreurs soit dans la valeur des éléments elliptiques ou des masses troublantes, soit dans les formules qui servent au calcul des perturbations, ne sont peut-être pas suffisamment précises, ou bien elles signifient qu if existe des causes obscures troublant le mouvement, et que la théorie na pu encore dévoiler. »
- La méditation de ce passage de Bessel paraît avoir exercé une influence décisive sur l’esprit de Le Verrier et tracé la voie scientifique dans laquelle il allait définitivement s’engager.
- Examiner scrupuleusement la réduction des observations1; déterminer aussi rigoureusement qu’il est nécessaire la valeur des masses perturbatrices et des éléments elliptiques des orbites planétaires; reprendre les formules de la mécanique céleste, en pousser le développement aux dernières limites qu’il est matériellement possible d’atteindre ; et, si cela ne suffit pas pour arriver à un accord satisfaisant entre la théorie et l’observation, rechercher les causes obscures troublant le mouvement, et que la théorie na pu encore dévoiler, tel est le résumé du travail réellement gigantesque que s’est imposé celui que l’illustre astronome royal d’Angleterre, M. Airy, appelle si justement le scientific giant de notre époque.
- Toutes les parties de cet immense travail ont été publiées dans les Annales de l'Observatoire de Paris : l’ordre de leur publication sera celui que nous suivrons dans leur examen ; s’il n’est pas en tout point conforme à l’ordre chronologique de leur commen-
- 1 La source principale à laquelle a pu puiser Le Verrier, pour la comparaison de ses tables avec l’observation, c’est la publication, due à M. Airy, des observations du Soleil et des planètes faites à Greenwich depuis Bradley jusqu’en 1830 et depuis 1856 jusqu’à nos jours. Peu de temps avant sa mort, il en témoignait sa reconnaissance à son illustre collègue, lui affirmant l’impossibilité où il se serait trouvé de terminer sa tâche, si, manquant de ce secours, il eut été forcé de refaire toutes les réductions.
- Un autre savant anglais auquel Le Verrier aimait à témoigner sa reconnaissance, c’est M. Hind, qui a toujours montré le plus grand empressement à mettre ses travaux en lumière, en leur empruntant, dès leur apparition, les éléments nécessaires aux calculs du Nautical Almanach, dont ce savant est l’éminent directeur.
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- LA NA TIJH U.
- cernent d’exécution, il l’est, et c’est là l’essentiel, à celui de leur dernière révision.
- Les premiers travaux sont purement théoriques. Le calcul de toutes les perturbations planétaires dépend d’une expression, unique dans la iorme, variable seulement par la grandeur des éléments qu’elle comprend. Cette expression, que l’on appelle la fonction perturbatrice, ne peut se soumettre aux nécessités de l’analyse qu’autant qu’elle a été développée en séries convergentes auxquelles soient applicables les procédés connus de l’intégration.
- Après un admirable exposé de toutes les connaissances indispensables, ou simplement utiles à ceux qui veulent aborder l’étude de l’astronomie mathématique, Le Verrier donne le développement analytique complet de la fonction perturbatrice, le poussant jusqu’aux termes du septième degré relativement aux excentricités et aux inclinaisons mutuelles des orbites, et jusqu’aux termes du second ordre, relativement aux masses.
- Ce développement comprend deux espèces de termes, donnant, après l’intégration, les uns des expressions qui vont toujours grandissant avec le temps, les autres des expressions périodiques, reprenant les mêmes valeurs à des intervalles égaux; d’où la division des perturbations en inégalités séculaires et en inégalités périodigues.
- Dans un mémoire
- extrêmement remarquable, Le Verrier étudie les inégalités séculaires, et, non content d’en donner l’expression pour toutes les planètes, il examine les limites qu’elles peuvent atteindre. Cette question des limites, qui n’est autre que celle de la stabilité de notre système planétaire, il la résout aussi complètement qu’il est nécessaire pour démontrer que, sous l’action des causes actuellement connues, les orbites des planètes principales ne pourront jamais se deiormer d’une manière notable, en tout cas se rapprocher jamais assez pour qu’il en puisse résulter quelque bouleversement du monde solaire.
- Ce travail, si important qu’il soit, n’est qu’une préparation de l’œuvre projetée ; il en est de même de celui qui va suivre.
- Le mouvement des planètes ne peut être déter-
- Vue d’ensemble du monument de Le Verrier.
- miné pratiquement qu’en comparant leurs positions rapidement variables à celles d’un certain nombre de points de repère. La nature ne pouvant fournir à l’observateur aucun point dont la situation soit absolument invariable, on a choisi, pour cet objet, des étoiles dites fixes, quoique leur position change en réalité, mais d’une manière extrêmement lente.
- Le Verrier détermine avec le plus grand soin les places successivement occupées dans le ciel par chacune de ces étoiles, tenant compte des changements apparents produits par le déplacement de la Terre et par les variations des éléments de son orbite, ainsi que du mouvement propre à chaque étoile, déduisant ce dernier d’observations faites à
- des époques suffisamment espacées.
- Tous les préparatifs sont faits; l’heure est venue. Plein d’une foi invincible dans l’infaillibilité des principes cpi’il va appliquer, soutenu par le légitime orgueil d’un premier succès, justement confiant dans la puissance de son génie, il se jette audacieusement dans la lutte acharnée qu’il est résolu d’entreprendre contre chacun des mondes qui gravitent autour de notre Soleil. 11 faudra que, l’un après l’autre, ils soumettent leurs mouvements aux lois qu’il va leur imposer, ou s’ils résistent,. qu’ils lui révèlent les causes cachées de leurs écarts.
- Mais avant tout, il lui importe de connaître parfaitement la place qu’occupe, dans l’espace, l’observateur auquel est dévolu le soin de vérifier son travail : la situation de cet observateur est en effet un des éléments nécessaires à la bonne réduction des observations; c’est donc par la théorie du mouvement de la Terre que va débuter Le Verrier. Cette théorie, qui n’est autre que celle du mouvement apparent du Soleil, lui montre déjà, comparée à l’observation, que la masse attribuée à la Terre est trop faible, qu’il en est de même de la parallaxe solaire, c’est-à-dire de l’angle sous lequel le rayon terrestre est vu du centre du Soleil. Elle lui apprend encore que la masse adoptée pour la planète Mars doit être sensiblement diminuée.
- La théorie du mouvement de Mercure vient ensuite : un premier travail, fait en 1845, est complètement revu et mis en harmonie avec les données
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- nouvelles dont dispose Le Verrier. Cette ibis il acquiert la certitude que l’accord entre la théorie et l’observation ne sera obtenu qu’en attribuant au mouvement du périhélie une accélération dont la cause ne peut, il le prouve, être attribuée à l’in-iluence d’aucune des planètes connues. Alors il al-iirme hardiment la présence d’un ou de plusieurs corps de faible masse circulant entre Mercure et le Soleil, et dont l’action produit l’accélération constatée.
- Si cette affirmation, dont l’exactitude n’est plus guère mise en doute par personne, n’a pu encore être vérifiée, on peut admettre que cela tient à la difficulté d’observer de très petits astres constamment noyés dans les rayons du Soleil. Et d’ailleurs des observations de corpuscules passant sur le disque solaire ont souvent été faites depuis moins d’un siècle. Sans ajouter une foi absolue à l’exactitude de chacune d’elles, il est difficile d’admettre qu’il n’y en ait pas un certain nombre de réelles.
- A la fin de sa carrière, Le Verrier arrivait à rattacher cinq de ces observations, et même six, selon une remarque de M. Ilind, à une orbite commune, satisfaisant aux conditions imposées par les lois du mouvement de Mercure.
- La théorie du mouvement de Vénus ne présente aucune difficulté : la comparaison des positions calculées aux positions observées confirme les premiers résultats obtenus, relativement à l’existence probable de petits corps circulant entre Mercure et le Soleil, relativement aussi à l’augmentation nécessaire des valeurs attribuées à la masse terrestre et à la parallaxe solaire. Elle montre encore la nécessité de réduire considérablement la masse adoptée pour Mercure.
- Enfin l’étude du mouvement théorique de Mars et la constatation des conditions auxquelles est subor-
- donné l’accord entre le calcul et l’observation établissent définitivement l’exactitude des résultats acquis précédemment : les uns se trouvant confirmés directement, les autres comme conséquence des premiers.
- Les quatre planètes les plus voisines du Soleil forment un groupe naturel, dont les composantes sont dans une dépendance telle, au point de vue du mouvement, qu’on ne peut guère déduire de conséquence définitive de l’étude isolée du mouvement de l’une quelconque d’entre elles.
- En effet, une variation, même relativement faible,dans les valeurs attribuées à la masse ou aux éléments de l’orbite de l’une de ces planètes, peut affecter sensible -ment les résultats obtenus par l’examen séparé du mouvement des trois autres, et par suite modifier les conclusions auxquelles on s’était peut-être prématurément arrêté.
- Mais l’étude ultérieure du mouvement des planètes plus éloignées du Soleil ne pourra plus motiver aucun changement dans ces conclusions ; car les incertitudes qui pourraient, de ce chef, affecter le résultat des premières recherches, ne tiendraient qu’aux erreurs des valeurs attribuées aux masses de Jupiter et de Saturne. Or la masse de Jupiter a été déterminée avec précision par la considération du mouvement des satellites, et celle de Saturne avec une exactitude suffisante par l’étude des perturbations de Jupiter; les erreurs encore possibles sur ces deux données sont certainement trop faibles pour avoir une influence sensible sur le calcul des perturbations des planètes intérieures.
- Nous pouvons donc dès maintenant présenter avec assurance les résultats obtenus dans la première partie de l’œuvre de Le Verrier.
- Des tables d’une précision supérieure ont été
- La statue de Le Verrier par M. Chapu.
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- LA NATURE.
- construites, qui permettent de calculer à l’avance les positions du Soleil, de Mercure, de Venus et de Mars.
- Des conséquences importantes, et dont rénumération suit, ont été déduites de la comparaison de la théorie aux observations.
- 1° Il est très probable qu’un ou plusieurs petits corps circulent entre Mercure et le Soleil.
- 2° La masse attribuée primitivement à Mercure doit être considérablement diminuée : des deux cinquièmes environ de sa valeur; toutefois une grande indécision s’attache encore au résultat obtenu.
- La niasse attribuée autrefois à Vénus doit être également diminuée, mais d’une quantité beaucoup moindre ; un quarantième environ de sa valeur.
- Enfin, pour la Terre et Mars, la correction de la masse redevient plus considérable : à peu près un dixième en plus pour la Terre, un dixième en moins pour Mars1.
- 5° La parallaxe solaire doit être augmentée : 8",9 au lieu de 8",62; et par suite la distance de la Terre au Soleil diminuée dans les mêmes proportions.
- Douze ans se sont écoulés entre la publication des tables de Mars et l’apparition de la théorie de Jupiter et de Saturne. Des causes qui ont amené cette interruption, nous ne voulons retenir que celles qui ont un caractère exclusivement scientifique, nous nous contenterons d’ailleurs de les énumérer succinctement et dans le seul but de constater qu’il n’existe point de lacune dans la vie scientifique active de Le Verrier : la tombe seule a pu lui imposer le repos qu’il s’est impitoyablement refusé dans tout le cours de son existence.
- Nous citerons donc, sans appréciation aucune, la vigoureuse et féconde impulsion donnée aux études météorologiques, la constitution du service de la prévision du temps avec ses applications pratiques, une remarquable étude sur un essaim d’étoiles filantes; enlin la fondation de ï Association scientifique de France, destinée, à son début surtout, à favoriser et à étendre le mouvement météorologique.
- Ceux-là qui l’ont vu à l’œuvre peuvent seuls savoir quelle prodigieuse activité, quelle ténacité énergique il déploya pour assurer le' succès de ces diverses créations. Et pourtant malgré les soins incessants qu’il leur consacrait, malgré les soucis que lui causaient les dissensions intestines qui troublaient l’Observatoire, les luttes administrative et scientifique qu’il avait à soutenir, il n’oubliait point
- 1 La découverte des satellites de Mars et l’étude de leur mouvement a confirmé l’exactitude suffisante de la valeur attribuée définitivement par Le Verrier à la planète.
- 2 La détermination de la parallaxe solaire déduite de la mesure directe de la vitesse de la lumière donne la même valeur. Cela résulte des expériences de M. Foucault et de celles plus récentes de M. Cornu, appliquant les procédés de M. Fi-zeau. Il en est de même de l’observation du dernier passage de Vénus sur le disque du Soleil.
- qu’il lui restait à terminer une partie importante, la plus importante peut-être de la tâche qu’il s’était imposée.
- Vaincu dans la lutte administrative, fatigué, malade, mais jamais abattu, il revient avec l’ardeur passionnée du début à son travail de prédilection.
- En 187o, il présente à l’Académie des sciences la théorie analytique complète des mouvements de Jupiter et de Saturne. Dès cette époque, il ne se fait aucune illusion sur les difficultés qu’il va rencontrer lorsqu’il aura à comparer et faire concorder la théorie avec les observations. Aussi prend-il les précautions les plus minutieuses, revoyant toutes les formules générales, poussant le développement des inégalités séculaires jusqu’aux ternies du quatrième ordre relativement aux masses, celui des termes périodiques jusqu’au second ordre, ne négligeant que ceux dont le coefficient, est inférieur à un centième de seconde d’arc.
- Les tables du mouvement de Jupiter, comparées à l’observation, présentent un accord aussi satisfaisant que possible, à la condition toutefois de diminuer d’un deux centième la valeur attribuée précédemment à la niasse de Saturne.
- Mais l’étude de cette dernière planète présente plus de difficulté. Dans la comparaison des positions calculées aux positions observées, il se manifeste des écarts assez considérables, qui jettent un doute dans l’esprit de Le Verrier : La théorie serait-elle moins parfaite qu’il ne l’a cru? Les termes du second ordre, qu’il a négligés en nombre considérable, à cause de la petitesse des coefficients, donneraient-ils à certaines époques une somme sensible? Pour lui, se poser de telles questions, c’est s’imposer l’obligation de les résoudre. La méthode d’interpolation va lui en fournir le moyen.
- Admettant ses tables primitives comme une approximation très suffisante pour l’objet spécial qu’il a en vue, il prend, pour une révolution entière de Saturne, seize positions correspondant à seize intervalles égaux de la longitude moyenne; pour une révolution entière de Jupiter, trente-deux positions de cette planète déterminées de la même manière.
- Combinant chaque position de Saturne avec les trente-deux de Jupiter, il détermine pour chaque combinaison les lieux elliptiques des deux planètes en tenant compte des perturbations dues à leur action mutuelle.
- Cela fait, il calcule, pour l’orbite de Saturne, les valeurs numériques totales des dérivées des éléments, dans les cinq cent douze combinaisons obtenues, ces valeurs étant fournies par des fonctions de forme finie; puis, par une double interpolation, il arrive à représenter ces dérivées d’une manière continue, pour toutes les positions possibles de Saturne sur son orbite, combinées avec toutes les positions possibles de Jupiter sur la sienne.
- Les expressions qu’il obtient ainsi sont, indépendamment des coefficients numériques, des produits de lignes trigonométriques ayant pour arguments
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- des fonctions explicites dn temps; il décompose aisément ces produits en sommes dont l’intégration ne présente aucune difficulté.
- Cette méthode, qui repose sur l’usage des formules d’interpolation données dans le tome 1er des Annales de l'Observatoire, est longue et pénible; mais elle présente l’avantage d’éviter l’emploi des séries, emploi qui a pour conséquence forcée la suppression d’une infinité de petits termes dont il est souvent difficile de déterminer exactement l’influence totale.
- Les résultats obtenus ainsi diffèrent peu de ceux que l’analyse avait fournis. Le Verrier est donc rassuré sur l’exactitude de son travail primitif. Toutefois un changement dans les termes séculaires de l’excentricité et du périhélie lui permet déjà de représenter plus exactement les observations de Bradley.
- Mais les écarts restent encore considérables. A quelle cause doivent-ils être attribués? Si le temps n’eût fait défaut à Le Verrier, nous ne doutons point qu'il n’eût élucidé cette question. Malheureusement à cette époque la maladie qui le minait depuis longtemps commençait à prendre le caractère le plus inquiétant. Il le sentait, et voulant terminer les théories d’Uranus et de Neptune, il dut se résigner à laisser aux géomètres futurs le soin de résoudre cette difficulté.
- Mentionnons ici que l’un des résultats obtenus par la méthode d’interpolation avait fait naître dans son esprit des doutes sur l’exactitude absolue du principe relatif à l’invariabilité des grands axes. M. Tisserand, dans un remarquable Mémoire, a démontré clairement, ce qui n’avait point encore été fait, que ce principe est vrai pour les termes du premier et du second ordre; mais un jeune géomètre, M. Spiru Harètu, vient de prouver qu’il n’en est plus de même pour les termes d’ordre supérieur.
- La théorie du mouvement d’Uranus, la comparaison des positions calculées aux positions observées, la rectification des éléments elliptiques, la construction des tables définitives, n’ont présenté de difficulté que celle relative à un changement considérable de la valeur primitive attribuée à la masse de Neptune, qui a dû être diminuée d’un quart environ.
- Revenu à l’extrême limite connue du monde solaire, au point où il a livré sa première bataille et remporté sa plus éclatante victoire, Le Verrier aborde la théorie de Neptune avec le vague espoir que cet astre pourra, sentinelle avancée, lui signaler le passage de quelque planète encore plus éloignée. Mais Neptune, sorti depuis trop peu de temps de l’engourdissement mille fois séculaire auquel il l’a naguère arraché, ne peut encore démêler et lui révéler le secret de toutes les impulsions auxquelles sa marche est soumise. La comparaison de la théorie aux observations ne laisse subsister, après la rectification des éléments, aucun écart
- assez bien établi et assez persistant pour servir de base à une recherche.
- Le Verrier a accompli sa glorieuse mission ; sa tâche est finie. Il meurt. Mais son génie anime toujours son œuvre; gardien vigilant et sévère de la régularité du mouvement des astres, il en signalera impitoyablement les moindres écarts aux astronomes futurs. Ceux-ci, avertis par lui, feront bien de méditer cette maxime, qu’il répétait avec une conviction profonde et qu’il a si pleinement justifiée :
- « Tout écart révèle une cause inconnue et peut être la source d’une découverte. »
- Gaillot,
- Astronome à l’Observatoire de Paris.
- CORRESPONDANCE
- RAVAGES CAUSÉS PAR LES CHENILLES
- Carpentras, let juillet 1880.
- Monsieur le Directeur,
- Je prends la liberté de vous signaler le fait suivant, qui me paraît devoir appeler l’attention de tous ceux qui s’occupent d’entomologie forestière.
- Dans les premiers jours du mois de juin, une chenille (la Liparis disparate) a fait son apparition dans les forêts qui couvrent les pentes méridionales du mont Ventoux.
- L’année dernière déjà, elle y avait été observée sur l’étendue d’un hectare seulement.
- Cette année, l’invasion a pris les proportions d’un vrai fléau. Dans l’espace d’un mois, elle s’est étendue progressivement sur les bois communaux de Méthamis, Blauvac et Villes, et à l’heure qu’il est, deux mille cinq cents hectares environ sont complètement ravagés. La voracité de ces chenilles s’est abattue sur les ch.ènes-verts, de préférence à toute autre essence. Le spectacle est curieux et navrant à la fois : des squelettes d’arbres dépouillés de leurs feuilles et sur lesquels fourmille la spirale de ces légions en marche serrée.
- Les oiseaux ont abandonné leurs nids, où les œufs disparaissent sous les crottins et les débris de feuilles. Les bûcherons ont dû céder la place à l’envahisseur. Tout travail leur était impossible, gravement incommodés qu’ils étaient par le contact urticant des chenilles, dont ils ne pouvaient se défendre.
- Rien ne peut donner une idée de leurs masses. Dans quelques ravins, où les eaux des derniers orages les ont entraînées et accumulées, elles forment des amas d’un mètre d’épaisseur.
- Heureusement encore, elles n’attaquent pas les vignes et les oliviers qui touchent aux forêts, mais les autres arbres fruitiers ne sont pas épargnés. Les abricotiers, notamment, ont souffert énormément.
- Au moment où je vous écris, on ne prévoit pas le terme de cette dévastation. Elle ne saurait cependant tarder, l’époque de leur transformation approchant.
- Mais à quoi faut-il s’attendre l’an prochain, si leur multiplication n’est arrêtée par les agents atmosphériques ou par quelque cause imprévue? Y aurait-il quelques mesures à prendre ? J’estime que l’homme est impuissant devant un tel ennemi.
- Veuillez agréer, etc. H. Devillario.
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- LA NATURE.
- LA PHYSIQUE SANS APPAREILS
- (Suite — Voy. p. 7 et 71.)
- U il est pas impossible tic faire nu cours d’optique élémentaire sans le secours d’aucun instrument
- spécial. La notion des ombres se fait voir partout autour de nous; celle de la chambre noire apparaît pendant l’été au pied des arbres : il suffit de remarquer que l’image du soleil s’y dessine en un cercle de lumière, à travers les intervalles des feuilles.
- Fig. 1. Photomètre élémentaire, confectionné avec une bougie et une feuille de papier.
- La photométrie, qui s’occupe de comparer les intensités des diverses sources de lumière, peut être entreprise à peu de frais. La figure 1 représente le photomètre de Rum-fort, dont la disposition spéciale nous a été indiquée par un de nos correspondants. Une feuille de papier forme un écran maintenu vertical par deux livres posés sur champ.
- Une bougie A constitue le cylindre destiné à projeter son ombre. Veut-on comparer deux sources lumineuses, celle d’une lampe G et d’une chandelle R, on fixe les deux foyers à la même hauteur et on les place à une distance de l’écran telle, que leurs ombres E, F paraissent de même teinte. Quand on est arrivé à l’égalité, on sait que
- les intensités des lumières sont en raison directe des carrés de leurs distances à l’écran.
- La réflexion de la lumière est montrée à l’aide d’un sim-ple miroir; quant à la réfraction , elle peut être rendue manifeste par plusieurs expériences simples. Placez une pièce de monnaie au fond d’une cuvette vide, baissez-vous jusqu’au moment où vous cessez de la voir au fond de la cuvette. Restez immobile à ce moment, et faites verser de l'eau dans la cuvette : la pièce vous apparaîtra quand le vase sera rempli d’eau. C’est la réfraction qui a dévié les rayons lumineux passant de l’eau dans l’air.
- Les lentilles de verre employées par les physi-
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- ciens sont très bien remplacées par une simple carafe ronde remplie d’eau. Une bougie est allumée dans l’obscurité; si l’on p lace la carafe entre cette bougie et un mur formant écran, on voit l’image renversée de celle-ci se former au moyen de cette lentille convergente improvisée (fig. 2).
- Un ballon de verre constitue un excellent microscope. 11 suffît de le remplir d’une eau bien claire et très limpide, et de le fermer au moyen d’un bouchon. Un fil de fer enroulé autour de son col, et relevé de manière à ce que l’une de ses extrémités vienne aboutir vers son foyer, sert de support à l’objet que l’on veut considérer sous un grossissement de quelques diamètres. Si une mouche, par exemple, est fixée à l’extrémité de cette tige, on la voit très grossie, en la regardant à travers la boule de verre (fig. 3). Le dessinateur a représenté à côté de l’appareil, à la droite de la figure, l’image grossie de la mouche, telle qu’elle est aperçue au moyen de cette loupe improvisée. 11 ne nous semble pas nécessaire de faire remarquer que celte partie de la figure est toute conventionnelle et purement destinée à l’explication. On ne la voit que lorsque l’œil y est appliqué.
- Si l’on expose une carafe pleine d’eau sur une table aux rayons du soleil et que l’on place la tète d’une allumette chimique dans la portion la plus brillante du caustique formé par les rayons- réfractés, l’allumette ne tardera pas à s’enflammer. L’expérience réussit même par le soleil d’octobre, à plus forte raison dans les temps chauds.
- Nous avons indiqué précédemment quelques expériences d’électricité statique, et nous avons rappelé notamment qu’un bâton de cire à cacheter remplace une machine électrique; nous allons voir qu’un dé à coudre peut servir de base à une pile.
- M. Louis Figuier, dans ses Merveilles de la Science,
- raconte que Wollaston, ayant rencontré un soir dans une rue de Londres un de ses amis, tira de sa poche un dé à coudre en cuivre, et s’en servit pour construire une pile microscopique. Pour cela, il enleva le fond du dé, l’aplatit avec une pierre de manière à rapprocher les deux surfaces internes à deux lignes environ l’une de l’autre, ensuite il plaça entre les deux surfaces de cuivre une petite lame
- de zinc, qui n’était en contact ni avec l’une, ni avec l’autre des parois de cuivre, grâce à l’interposition d’un peu de cire à cacheter. 11 plaça ce petit couple ainsi préparé dans un godet de verre, préalablement rempli avec le contenu d’une petite fiole pleine d’eau acidulée avec de l’acide sulfurique. Réunissant extérieurement la lame de zinc et son enveloppe de cuivre au moyen d’un fil de platine, il fit rougir aussitôt ce fil par l’électricité développée dans cette petite pile. Les dimensions de ce fil de platine étaient excessivement petites; il avait seulement un trente millième de pouce de diamètre et un trentième de pouce de longueur.
- En raison de ses dimensions exiguës, ce fil de platine pouvait être non seulement rougi, mais fondu par cette petite batterie. Aussi l’ami de Wollaston, témoin de cette expérience, put-il allumer sur-le-champ de l’amadou à ce fil rougi.
- Dans cette petite batterie de Wollaston, le cuivre enveloppait de toutes parts la lame de zinc, c’est-à-dire que l’élément négatif était bien supérieur en surface au métal positif.
- 11 n’est pas impossible, après l’électricité, d’aborder l’étude du magnétisme et de construire même une boussole. Nous en trouvons le moyen en empruntant un passage curieux du Magasin pittoresque. Prenons un petit bouchon et passons au travers une aiguille à tricoter ordinaire (fig. 4), que nous aurons aimantée, en la plaçant N. S. et en la
- Microscope simple formé par un ballon de verre rempli d’eau.
- Fig. 4. Une boussole économique.
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- frottant doucement et toujours dans le même sens au moyen d’un de ces petits aimants en fer à cheval, de 65 centimes, dont s’amusent les enfants. Une fois l’aiguille E traversant le bouchon, vous implantez dans ce bouchon une aiguille à coudre, ou mieux une épingle dont la pointe posera dans l’un des trous, couvrant la partie supérieure d’un dé à coudre. Pour faire tenir l’aiguille aimantée en équilibre, vous enfoncerez une allumette C dans le bouchon, de chaque côté, comme le montre la figure, et vous ferez adhérer à l’extrémité des allumettes une boulette de cire. Vous équilibrerez tout ensemble l’aiguille, les balles, l’épingle, de manière que tout tienne bien ainsi (pie le dessin l’indique. Comme il est très important qu’avec un instrument aussi sensible l’agitation de l’air soit évitée, vous placerez votre dé au fond d’une terrine vulgaire de terre cuite BUT et vous le fermerez avec une vitre Y. Pour graduer la boussole, à l’aide d’un compas, on décrit un cercle sur un papier un peu résistant. Sur ce cadran, on trace des divisions suffisamment rapprochées, seulement aux extrémités nord de l’aiguille, puis on fixe le papier au-dessous, comme l’indique la figure 4. Ensuite on colle avec une boulette de cire un bout d’allumette appoin-tie N, vis-à-vis l’extrémité nord de l’aiguille, dans l’intérieur de la cuvette.
- Gaston Tissandier.
- — La suite piochaiiieinent. —
- LA METALLURGIE ÉLECTRIQUE
- Les actualités électriques de Londres sont aujourd’hui la métallurgie et l’horticulture par l’électricité. Je réserve le second sujet pour un article ultérieur, voulant seulement dire quelques mots de l’intéressante expérience à laquelle j’ai assisté récemment dans les magnifiques ateliers de MM. Siemens, à YYoolwich.
- Après une expérience préalable de douze minutes, j’ai vu fondre en quatre minutes et demie, montre en main, 500 grammes d’acier provenant de limes cassées placées dans le creuset électrique et soumises à l’action du courant fourni par deux machines dynamo-électriques inoven modèle groupées en quantité. Avant de décrire succinctement l’appareil, voyons comment cela est possible. On a coutume de dire que l’arc voltaïque ne chauffe pas ; cela n’est vrai que sous certaines réserves. A lumière photo-métrique égale, le gaz dégage une quantité de chaleur de cent à deux cent cinquante fois plus grande que l’arc voltaïque, suivant la condition de fonctionnement.
- Dans le cas de l’expérience de YVoohvich, les deux machines Siemens groupées en quantité devaient dépenser un travail variant entre quatre et cinq chevaux chacune. En admettant, ce qui est peu éloigné de la vérité, que la moitié de ce travail soit dépensé dans la machine, par sa résistance intérieure, par les conducteurs, les frottements, etc., et que l’autre moitié se convertisse en chaleur dans l’arc voltaïque, on trouve que le courant électrique produit par les deux machines développe dans le creuset 53 calories par minute. 11 faut 450 calories pour fondre 1 kilogramme d’acier, soit 225 calories pour fondre
- 500 grammes. Ce nombre de calories est à très peu près celui fourni par les deux machines pendant les quatre minutes et demie qu’a duré l’expérience.
- L’appareil employé par M. Siemens se compose d’un creuset en graphite placé dans un bloc de terre réfractaire et relié au pôle positif des deux machines ; ce creuset est recouvert d’un disque en terre réfractaire percé d’un trou au travers duquel passe un morceau de charbon de 20 millimètres de diamètre, formant le pôle négatif.
- En plaçant dans le creuset en graphite une certaine quantité de morceaux de limes cassées et en faisant passer le courant électrique, il se formera dans la masse une grande quantité de petits arcs voltaïques qui échaufferont et finalement fondront les petits prismes d’acier. Mais l’appareil ainsi constitué n’est pas complet, car il faut maintenir dans le creuset une résistance convenable pour bien utiliser le courant. Pour cela, le charbon est fixé au fléau d’une sorte de balance à bras égaux dont l’autre extrémité porte un cylindre de fer placé dans un solénoïde à fil fin monté en dérivation sur le circuit. L’extrémité inférieure du cylindre de fer est un peu élargie en forme de champignon et plonge dans un réservoir rempli d’un liquide plus ou moins dense destiné à rendre l’appareil moins sensible aux petites variations d’intensité du courant et à donner plus de régularité à ses mouvements.
- Par cette disposition, la résistance électrique se maintient, dans le creuset, entre des limites convenables, car si cette résistance augmente, il forme dans le solénoïde en dérivation une plus grande partie du courant, le solénoïde attire la tige de fer, la soulève, et le charbon placé à l’autre extrémité du fléau s’abaisse pour raccourcir l’arc. Le même phénomène se reproduit en sens inverse si la résistance diminue dans le creuset. C’est grâce à cette disposition ingénieuse que M. Siemens a pu obtenir les résultats que nous signalions tout à l’heure.
- Voici les principaux avantages que présente ce procédé :
- 1° Le degré de température est théoriquement illimité, ce qui permettra de fondre les corps les plus réfractaires;
- 2° La fusion s’opère dans une atmosphère parfaitement neutre ;
- 3° L’opération s’effectue dans un laboratoire, sans préparation et sous l’œil de l’opérateur ;
- 4° La matière à fondre est à une plus haute température que le creuset, à l'inverse de ce qui se passe ordinairement, ce qui est une condition très favorable au bon rendement.
- Le fourneau électrique n’a pas la prétention, comme le dit M. Siemens, de se substituer aux autres appareils métallurgiques pour les applications ordinaires, mais il rendra néanmoins de grands services dans une foule de circonstances. 11 met entre les mains des chimistes un moyen sûr, facile et pratique, d’opérer des réactions à des températures qu’il avait été jusqu’à présent impossible de produire. La fusion des métaux précieux trouvera aussi dans l’électricité un auxiliaire efficace.
- La métallurgie électrique peut donc être considérée aujourd’hui comme un nouveau procédé industriel et pratique, à la condition de ne pas en exagérer les applications outre mesure, et nous devons féliciter M. W. Siemens d’avoir surmonté si habilement les derniers obstacles qui s’opposaient à sa réalisation.
- Londres, le 28 juin 1880.
- E. Hospitalier.
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- LA NATURE.
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 12 juillet 1880. — Présidence de M. Becquerel.
- Proportion de l'acide carbonique de l'air. Les travaux poursuivis par MM. Marié Davy et Albert Lévy, à l'Observatoire (le Montsouris, ont, entre autres, pour objet l’étude des rapports qui peuvent exister entre les variations du temps et celles des composés accidentels de l’air. Un tableau qu’ils soumettent à l’Académie montre qu’il existe une relation directe entre la proportion d’acide carbonique de l’air et le mode de circulation de l’atmosphère à Paris. Les auteurs, allant plus loin, se sont demandé quelle est la nature de cette relation, et l’un d’eux a émis l’idée que la proportion d’acide pouvait bien changer avec l’altitude et avec la latitude, non pour cause de densité, mais par le jeu combiné des forces productives et des forces réductives inégalement réparties sur la surface du globe. « Il nous semble, disent-ils, que les expériences de M. Schlœsing viennent donner une base précise à ce qui n’était pour nous qu'une conjecture. Les océans étant le principal régulateur de l’acide carbonique de l’air, sa proportion sur les continents, affaiblie par une longue persistance du courant polaire, se relèverait sous l’influence des vents marins. » La variation constatée à Montsouris parM. Albert Lévy trouverait donc dans les faits découverts par M. Schlœsing son explication naturelle; nous y verrions également la raison de la variation moins prompte et moins profonde observée à Dieppe par M. Rei-set; et nous en conclurions aisément que, au Puy-de-Dôme et au Pic-de-Sancy, la diminution admise par M.Truchot,en belle saison, aurait bien pu se trouver renversée en décembre dernier, alors que les points élevés jouissaient d’une température très douce pendant que la plaine ressentait un froid rigoureux. Ce n’est, pas là une question de température, mais une question de courant.
- Altération de la viande. — D’après M. Poincarré, on observe quelquefois dans la viande l’apparition de corpuscules qu’on prendrait pour des helminthes s’ils ne semblaient absolument dépourvus de tous phénomènes vitaux. Peut-être sont-ce de simples dégénérescences des muscles; mais l’auteur pense qu’il y aurait lieu de les signaler à l’Administration.
- Destruction du phylloxéra. — M. Àlland est parvenu à donner au sulfure de carbone une forme solide et soluble qui le rend beaucoup moins volatil, plus commode à manier et plus efficace comme insecticide. Pour cela, il dissout dans le sulfure de carbone une huile lourde, provenant de la fabrication de l’anthracène, et saponiliable par la chaux; la solution est additionnée de chaux vive; la pâte obtenue est trempée dans l’eau et séchée dans le ciment, qui forme une croûte isolante. On obtient ainsi un insecticide très actif qui n’opère que très lentement. Toutes les opérations indiquées se font à froid, ce qui évite l’évaporation du sulfure de carbone. L’huile lourde qui entre dans le mélange est très odorante, riche en carbures d’hydrogène, et forme elle-même un insecticide aussi énergique qu’économique.
- Carte des Alpes. — On admire sur le mur de la salle une magnifique carte des Alpes, remarquable avant tout par l’accord où s’y trouvent mutuellement les données géologiques et les données topographiques. Ce monument, qui laisse si loin derrière lui toutes les tentatives analogues, est dû à M. Civialc, et représente plus de vingt années
- de travaux assidus, comprenant d’innombrables relevés géodésiques et toute une série de panoramas photographiques, dont on a dès longtemps reconnu les mérites.
- Étiologie du charbon. — 11 résulte des recherches de M. Pasteur que le charbon est transmis par des organismes figurés qui se produisent parla désagrégation spontanée des bactéridies découvertes par M. Davaine. A la mort de l’animal infecté, la décomposition amène la destruction de ces organismes et la transmission n’est plus possible. Mais il en est tout autrement si l’animal est enterré. Le milieu où il gît, saturé de gaz non oxygéné, reproduit les conditions des liquides de culture, et les corpuscules qui résultent de la désagrégation du micro-zoaire peuvent conserver pendant des mois et des années leur faculté de vivre et de transmettre la maladie. On les renconti’e d’ailleurs en abondance à la surface du sol au-dessus des sépultures d’animaux enterrés, et M. Pasteur s’est assuré qu’ils sont amenés à l’air par les vers de terre, dont les déjections terreuses et cylindroïdes, bien connues de tout le monde, sont remplies de ces microbes. La conclusion du savant expérimentateur est que l’affection charbonneuse disparaîtra absolument dès qu’on voudra ; la destruction de l’agent de transmission étant chose facile dans l’état actuel de la science.
- Stanislas Meunier.
- CHRONIQUE
- Paul Broca. — M. Paul Broca est mort presque subitement la semaine dernière, à l’âge de 56 ans. Nous publierons prochainement la biographie de cet éminent savant, que l’on peut considérer comme l’un des principaux chefs de l’École anthropologique moderne. Paul Broca est né à Sainte-Foy-la-Grande, près de Bordeaux, en 1824. Professeur de pathologie chirurgicale à la Faculté de médecine de Paris, chirurgien des hôpitaux de Saint-Antoine et de la Pitié, il a été élu membre de l’Académie de médecine le 26 juillet 1866. M. Broca était un grand travailleur dans la belle acception du mot; il menait de front la pratique dans les hôpitaux comme chirurgien, le professorat anthropologique comme savant, et la politique comme sénateur.
- Un sinistre aérien. — M. Poirier, membre de la Société des sciences du Mans, nous écrit une lettre émouvante au sujet de la catastrophe du ballon l'Exposition, qui a causé la mort de l’aéronaute Petit. « Le ballon l'Exposition, nous dit notre correspondant, dans lequel j’ai fait une ascension le 23 mai dernier, partait du quin conce des Jacobins le dimanche 4 juillet à 6 heures du soir, emportant l’aéronaute et sa femme. En même temps, s’élevait un ballon plus petit, conduit par le fds de M. Petit, jeune garçon de treize ans. Je les observais de mes fenêtres et de très près, avec une lorgnette marine. Je remarquai de suite avec inquiétude que le grand ballon jetait tout son lest (quatre sacs) et ne montait pour ainsi dire pas. L’autre ballon, au contraire, s’élevait rapidement. D’une seconde à l’autre, sa distance au grand ballon augmentait tellement qu’il était évident qu’il n’était plus retenu. Petit avait lâché la corde, criant à son fils : « Tu vas seul maintenant ! » Quelques secondes encore, et je vis avec épouvante le grand ballon se déchirer du haut en bas et disparaître dans une chute terrible derrière les maisons. Je m’élançai vers l’endroit où la chute devait avoir eu lieu. Au pied des buttes de Gazonpières, à
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- LA NATURE.
- gauche de la route de Paris, en venant du Mans, et à quelques minutes de la ville. L’accident avait été observé de partout, et tout le inonde s’était précipité, car une foule nombreuse stationnait déjà en cet endroit, entourant la maison où les aéronautes recevaient les premiers soins. Je vis là M. Petit étendu sur un matelas, sanglant... il n’était pas mort... il parlait... Sa femme n’avait rien, du moins extérieurement, elle pouvait marcher, et ils venaient de faire une chute de 1600 mètres!.... sur le mur d’un jardin. Peu de jours après, l’aéronaute Petit était mort. »
- On prétend que Petit avait oublié d’ouvrir l’appendice
- I nférieur de l’aérostat. Peut-être «avait-il espéré compenser ainsi l’effet de fuites causées par des déchirures.
- II est à déplorer que de malheureux aéronautes, qui font de leur aérostat leur gagne-pain, se risquent si souvent dans l’atmosphère avec un matériel insuffisant et en mauvais état.
- Les quinquinas à Java. — D’après une communication de Van Gorkom, ancien directeur des cultures à Java, il résulte que l’acclimatation des quinquinas dans les Indes orientales est couronnée d’un plein succès, et que la culture des cinchonas dans les pays autres que la mère patrie n’a pas fait dégénérer les écorces. Jusqu’à présent, le développement de l’arbre paraît dépendre plutôt de la nature locale du terrain et du sol que d’une différence de hauteur.
- MOIS MÉTÉOROLOGIQUE AUX ÉTATS-UNIS
- MARS t880
- L’élévation prolongée de la température sur les États-Unis a pris fin avec le mois de février ; en mars, le thermomètre est revenu à ses indications moyennes, et même dans la région des Plateaux, ainsi que dans les vallées du Missouri et du Red River du Nord, la température n’a pas atteint sa valeur normale ; sur le versant du Pacifique, des froids intenses ont sévi le 8, et, en Californie, la gelée a détruit une grande quantité d’orangers et d’autres arbres à fruits. La carte des pluies de mars présente une analogie remarquable avec celle de février ; on trouve encore le maximum sur le Tennessee ; l’excès est, du reste, limité aux États voisins du golfe du Mexique, et dans les autres régions le sol n’a pas reçu la quantité d’eau qui y tombe habituellement. Pendant la seconde moitié du mois, des neiges abondantes ont couvert les Etats du Nord, et principalement le Canada.
- Le mois de mars a été caractérisé en Amérique par une succession rapide de zones alternatives de hautes et de basses pressions ; le temps a été très tourmenté, non seulement sur les États-Unis, mais encore sur le Canada et sur une grande portion de l’Atlantique nord. Au contraire, les hautes pressions qui dominaient alors sur le nord-ouest de l’Europe, nous protégeaient contre l’arrivée des cyclones de l’Atlantique. Grâce aux documents nouveaux publiés depuis quelque temps déjà par le Signal Office de Washington, il est possible de suivre la marche des tempêtes à travers l’Océan, et de s’assurer si, comme quelques météorologistes le pensent, les fortes bourrasques traversent l’Atlantique et abordent réellement l’Europe dans les parages des lies Britanniques ou de la Norvège. Cette opinion est très discutée, et les prévisions dont elle est le point de départ sont fréquemment mises en échec par les faits observés.
- Nous nous proposons de publier dorénavant, d’après la Monthly Wealher Review, une réduction des cartes de cyclones qui traversent l'Atlantique. Ces cartes mensuelles sont dressées avec les nombreux documents recueillis tant sur mer que sur terre; environ MO navires sillonnant l’Océan en tous sens, font régulièrement à bord et transmettent au Signal Office les observations qui servent à établir sur ces cartes la marche des cyclones. Nous donnons ci-dessous une réduction de la carte du mois de mars dernier ; les lignes noires figurent les routes suivies par les centres des tourbillons, lesquels se dirigent dans le sens de la flèche; les nombres qui interrompent les lignes sont les dates du passage ; l’espace parcouru en un jour est ainsi mesuré par la distance qui sépare deux dates consécutives.
- On voit tout d’abord que la vitesse d’un cyclone est loin d’être constante pendant toute sa durée. Prenons par exemple celui qui passait sur le centre des États-Unis le 18. Venu de l’océan Pacifique le 16, il traverse tout le continent américain, et, le 20, nous trouvons son centre au sud de Terre-Neuve, ayant ainsi parcouru 75 degrés de longitude en quatre jours ; à partir du 20, son mouvement de translation se ralentit considérablement, en même
- Carte des cyclones ayant traversé l'Atlantique en mars 1880.
- temps son centre se comble peu à peu, et il met quatre autres jours pour franchir 15 ou 20 degrés seulement, finalement il s’éteint au milieu de l’Océan et n’atteint pas 1 Europe. Cet exemple montre combien il est difficile de prévoir la vitesse probable sur l’Atlantique d’un cyclone ayant traversé toute l’Amérique du Nord avec une rapidité et dans des conditions connues; la prévision de la direction des bourrasques n’est pas moins problématique, car cette direction est singulièrement modifiée par la situation générale de l’atmosphère sur l’Europe occidentale. En fait, la carte ci-dessus montre qu’une seule des tempêtes d’Amérique a pu être suivie jusqu’en Europe ; après avoir traversé l’Océan avec une grande vitesse, son approche se faisait sentir sur les Iles Britanniques dès le 30 par une forte baisse du baromètre ; le 31, elle passait sur l’Angleterre et amenait en France un adoucissement marqué de la température. Quant aux autres dépressions, très rares d’ailleurs, dont les trajectoires passent sur la Norvège ou sur la Méditerranée, il est impossible de les rattacher aux tempêtes d’Amérique.
- Th. Moureaüx.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandieb.
- (Imprimerie A. Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.
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- N» 373. - 24 JUILLET 1880.
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- LES YÉGÉTAUX EXILES
- SOUVENIRS DE l’eXPOSITION DE 1878
- Les visiteurs les plus assidus à l’Exposition se souviennent encore que, quelle que soit la latitude que six mois d’ouverture pouvait leur donner, au milieu de cette immense réunion d’objets les plus divers : produits naturels ou œuvres multiples du génie humain, dont l’Exposition était le rendez-vous , l’esprit manquait du calme et du temps nécessaires pour une étude fructueuse de ces richesses scientifiques, industrielles ou artistiques.
- L’amateur devait se borner à prendre des notes succinctes sur les parties de l’Exposition vers lesquelles ses aptitudes l’attiraient de préférence. 11 était bien difficile d’échapper à la distraction et de se soustraire à la majesté d’une puissante machine en mouvement, au son d’un instrument perfectionné, à l’attrait d’une belle toile ou d’un marbre ciselé par une main italienne. 11 eût fallu être plus qu’un sage. Aussi, que de regrets étouffés, combien de vœux émis par un grand nombre, quand fut décidée la clôture de l’Exposition universelle. On sentait que ce qui était provisoire aurait bien du charme à devenir permanent, et les espérances les moins fondées naissaient, les bruits les plus hypothétiques circulaient à l’envi sur la possibilité d’avoir une exposition de cette importance en permanence. Cependant, ce qui n’était pas réalisable pour le tout pouvait le devenir en partie, et beaucoup de gens sérieux s’attachèrent à faire ressortir les avantages qu’il y aurait à pouvoir centraliser dans des locaux appropriés et disséminés dans la capitale, des portions de l’Exposition intéressant 8“ année. — ?,* semestre.
- plus spécialement certaines parties de l’industrie ou des sciences, et qui, à l’instar des musées permanents de l’Angleterre et autres nations, offriraient un délassement aux promeneurs et une source de connaissances utiles pour tous.
- Ces sages inspirations devenaient promptement illusoires devant les difficultés de réalisation; il fallait des immeubles, en un mot de la place, et à Paris, comme dans toutes les grandes villes, c’est la place qui manque le plus. Cependant ces considérations n’ont point paralysé l’initiative anglaise, car il vient de s’élever à Londres, dans South Ken-sington, un véritable palais qui était à peine tracé en septembre 1878, et dont l’installation en Economical Muséum est un fait accompli L
- Le besoin se faisait sentir à ce! point de créer des musées industriels et scientifiques, qu’il fallait se livrer à une véritable lutte, lors de la fermeture de l’Exposition de 1878, pour obtenir des' puissances étrangères et des exposants l’abandon d’une grande partie de leurs produits en faveur des établissements d’instruction publique. Les co mpétit ions étaient si nombreuses que, malgré la meilleure volonté de la part des commissaires représentant leur pays respectif, les sollicitations les mettaient aux abois, dans l’impossibilité qu’ils étaient de satisfaire tout le monde. L’Italie, l’Espagne, l’Angleterre, la Belgique, la Suisse, etc., réclamaient réciproquement en faveur de leurs musées, soit à titre d’échange ou de don. En France, les institutions qui ont le plus bénéficié de ces avantages sont l’Administration des Forêts; l’Ecole d’Agriculture de Grignon, l’École des Mines, l’In-
- 1 Ce qui porte ù deux le nombre de ces musées dans la même ville; celui de Kcw, près de Londres, existe depuis plus de vingt-cinq ans. ^ .. . !
- Inflorescence du Paulownia. — A, pistil ; B, étamine ; C, section de l’ovaire.
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- LA NATURE.
- stitut agronomique, l’Ecole de Pharmacie et le Muséum.
- C’est donc, comme on le voit, une question tout à fait à l’ordre du jour que celle des Musées pratiques contenant les produits bruts et manufacturés de toutes les matières employées dans l’industrie. Quoique la situation des Expositions permanentes de l’Algérie et des Colonies laisse beaucoup à désirer, c’est encore ce que l’on a de mieux à Paris sous ce rapport ; mais les limites en sont beaucoup trop restreintes, puisqu’elles sont bornées aux seules colonies françaises.
- Nous devons donc faire des vœux pour que la France ne reste pas trop longtemps en arrière, et que ces institutions, dont l’effet moralisateur est incontestable et qui existent depuis longtemps déjà dans d’autres pays de l’Europe, soient prochainement inaugurées chez nous.
- Parmi les nations qui se faisaient remarquer à l’Exposition par la beauté et l’intérêt de leurs produits, le Japon brillait au premier rang. L’aménité et la bienveillance des commissaires organisateurs en augmentaient encore le charme.
- Il serait facile d’attirer l’attention sur des objets quelconques de ce pays pour intéresser le lecteur; mais la tâche serait trop lourde et notre but manqué. Nous préférons faire un choix au milieu de ces richesses et nous occuper seu-ement des matières d’origine végétale dont l’introduction dans notre pays peut en faire une branche de commerce rémunératrice ou d’exploitation avantageuse. D’ailleurs, depuis l’Exposition dernière surtout, le trafic avec le Japon a pris une importance relativement considérable, et nous voyons maintenant à Paris des bazars spécialement alimentés par des marchandises japonaises et chinoises.
- La superbe collection de bois qu’on a pu remarquer à l’Exposition japonaise, contenait des spécimens d’essences dont la plupart étaient nouvelles pour nous, ou tout au moins en échantillons d’une taille telle que nous ne pouvions soupçonner, en s’en rapportant aux espèces analogues que nous cultivons depuis une quarantaine d’années dans nos jardins et nos parcs.
- Le Japon et la Chine sont, avec l’Amérique du Nord, les pays auxquels l'horticulture a fait le plus d’emprunts. Un jour viendra peut-être où la sylviculture européenne sera débitrice du Japon.
- Sa position géographique faisait supposer naturellement une analogie de température avec l’Europe moyenne. Cependant, comme les quatre principales îles dont est formé cet empire s’étendent sur un méridien de près de 15 degrés, si les étés sont chauds dans la partie sud, les hivers en général sont rigoureux et a fortiori au voisinage de la Manche de Tartarie. Mais les pays qui ont un climat marin sont toujours un peu privilégiés, et l’àprcté des températures extrêmes s’y fait moins sentir.
- L’hiver exceptionnel que nous venons de traverser
- a donné lieu à des remarques, à des statistiques dont on tirera inévitablement un parti utile en ce qui concerne la culture de telle ou telle essence forestière, de certaines races d’arbres fruitiers ou de plantes d’ornement, etc., etc. Quoique l’expérience ne soit pas entièrement achevée, on a dès maintenant des données suffisantes pour savoir qu’il faudra désormais exclure des exploitations étendues ou restreintes certains végétaux qui succombent à un froid de plus de 20 degrés. C’est ainsi qu’on a constaté la ruine en France de toutes les plantations de Pin maritime, au grand étonnement des * sylviculteurs ; que même les Chênes de nos forêts ont beaucoup souffert ; quant aux espèces introduites à titre ornemental, les mécomptes sont également nombreux.
- Cependant pour ce qui concerne les plantes japonaises et du nord de la Chine, la révélation a été plus satisfaisante. On a constaté en effet que presque toutes ont résisté aux froids de l’hiver dernier, tandis que beaucoup d’autres sortes appartenant à l’Amérique du Nord, à la Californie, etc., ont succombé. C’est donc un enseignement dont il fendra profiter à l’avenir.
- Le peuple japonais, réputé comme étant très industrieux, a naturellement tiré parti de toutes les ressources qu’offre son territoire avant d’emprunter à l’étranger. On sait qu’il y a peu d’années seulement que ce pays est ouvert librement aux Occidentaux, à l’exception de quelques privilégiés qui ont pu parcourir le Japon à la hâte et toujours très imparfaitement.
- Les forêts couvrent de grands espaces dans ce pays ; il n’est pas rare d’en voir de dix lieues d’étendue; aussi les usages du bois sont-ils multiples au Japon1. Ces forêts sont parfaitement entretenues sous la surveillance d’un administrateur appelé chiri-hioku et dépendant du ministère de l’intérieur. Le dénombrement de chaque arbre et pour chaque sorte d’essence est fait avec le plus grand soin, et l’exploitation forestière est parfaitement réglée. Mais les bois les plus estimés sont ceux fournis par les Conifères, quoique cependant les autres essences ne fassent pas défaut au Japon. Comme la plupart de ces espèces ont été introduites en Europe à titre de plantes d’ornement depuis près d’un demi-siècle, ce sont donc de vieilles connaissances déjà pour nous, et nous y reviendrons avec d’autant plus d’insistance que beaucoup peuvent, comme on le verra, réunir Y utile dulci d’Horace.
- 1 Un ingénieur des constructions navales-, M. Dupont, qui vient de faire paraître un intéressant article sur les essences forestières du Japon (voir le n° 564 de la Nature), nous fournit de précieux renseignements et rappelle entre autres détails que la pierre à bâtir faisant à peu près défaut au Japon, toutes les constructions sont en bois, édifices et maisons d’habitation. Cependant à Tokio même les quais et plusieurs édifices sont faits en granit, qui est la roche dominante au Japon, et la statistique établit que la pierre à bâtir se rencontre dans dix-huit provinces sur quatre-vingt-cinq, aussi bien en roche calcaire qu’en roche granitique.
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- Mous pensons ne pouvoir mieux iaire aujourd'hui que de débuter en recommandant un des arbres japonais les plus répandus autour de nous, et dont tout le mérite n’est certainement pas apprécié comme il conviendrait.
- Vers 1835, un officier de marine rapporta à titre de curiosité une série de graines que les Japonais ont coutume de vendre dans des petits vases ad hoc, et que les étrangers achètent le plus souvent pour le contenant, plutôt que pour le contenu. Par l’entremise d’un ami, quelques-unes de ces graines vinrent en la possession de Neumann, alors chef des serres au Muséum, et qui se hâta de les semer. Parmi celles qui levèrent, il se trouva deux plantes paraissant nouvelles, et elles furent comme on pense, l’objet de tous les soins, et à ce point que l’une d’elles en périt. On avait alors l’habitude, dont on est revenu d’ailleurs, de mettre en serre toute plante étrangère sans se rendre compte des conditions climatériques de son pays originaire. Mais Neumann, qui passait à juste titre pour un excellent jardinier, prit le parti d’abandonner à la pleine terre sa seconde plante japonaise, et le succès fut complet. Cette plante, qui devint un arbre superbe, et que l’on peut voir au bas des serres du Muséum, était le premier Paulownia qui fut introduit en France.
- Thunberg, qui eut l’avantage, un des premiers parmi les Européens, de visiter une portion, très restreinte il est vrai, du Japon, et qui n’en rapporta pas moins de précieux matériaux, avait bien connu le Kiri japonais ; mais comme cet arbre lui présentait tous les caractères extérieurs d’une Bigno-niacée, il lui donna le nom de Bignonia. Ce n’est que plus tard, alors que Siebold, entré comme Thunberg au service de la Hollande, et chargé comme lui d’une mission au Japon, put, au moyen de relations habilement ménagées avec les populations de l’intérieur, réunir des documents importants qui servirent à l’édification de la superbe Flora japonica, qu’il publia en collaboration avec Zuccarini, de 1835 à 1853. Œuvre superbe, malheureusement restée inachevée, et dans laquelle le Paulownia imperialis est décrit, ligure et rapporté à sa place dans la famille des Scrophularinées. Ce nom de Paulownia lui fut donné en l’honneur de la princesse héréditaire des Pays-Bas d’alors.
- Quand fleurit le Paulownia, ce fut un événement horticole, et la trompette de la renommée l’annonça urbi et orbi. Ce singulier arbre, qui en très peu de temps acquiert de fortes dimensions, qui donne en quantité des grappes de fleurs d’un beau bleu et parfumées, qui fleurit comme la plupart de nos arbres fruitiers avant de montrer ses feuilles, qui n’est pas délicat sur le choix du terrain, enfin dont la rusticité semblait être démontrée ; il n’en fallait pas davantage pour établir sa réputation. D’ailleurs, aujourd’hui on lui fait une place d’honneur en l’employant dans les plantations publiques, et il y ferait le meilleur effet si surtout on le dirigeait par
- une taille et un émondage que tout arbre réclame pendant les premières années de la plantation.
- Ce qu’on pourrait reprocher au Kiri, c’est de se garnir de feuilles un peu tardivement; mais comme il débute par se couvrir de lleurs odorantes quand le thermomètre n’est pas descendu au-dessous de 20 degrés, c’est une compensation. Enfin la taille gigantesque de ses feuilles lui donne un aspect un peu lourd quand on le considère de près ; mais pour quiconque désire avoir un arbre qui couvre promptement le sol d’une ombre épaisse, le Paulownia remplit le but parfaitement. Quant à la facilité de sa reproduction, il n’a pas d’égal, puisqu’un simple fragment de branche planté en terre, comme on le fait d’un saule, suffit pour obtenir un pied nouveau. Bien plus, on a constaté qu’une feuille de cet arbre hachée en menus fragments pouvait reproduire autant d’individus. Sans avoir recours à ce dernier moyen, on peut se contenter du bouturage et enfin du semis, car chaque capsule ou fruit du Paulownia renferme plusieurs centaines de fines graines facilement entraînées par le vent.
- Terminons par un aperçu nouveau pour nous sur cet arbre, qui jouit au Japon d’une réputation très grande. Le Kiri, dont la fleur aurait, paraît-il, servi de modèle pour figurer les armes d’un célèbre guerrier japonais, ne forme des forêts que dans une portion restreinte de ce pays, mais il est cultivé dans tout l’empire pour la qualité de son bois. Celui-ci est extrêmement léger et à peu près de consistance du bois de Peuplier, mais bien supérieur cependant, en ce qu’il est d’un grain très homogène et qu’il a l’avantage considérable de ne pas jouer, comme disent les menuisiers. M. Dupont dit à ce sujet : « Le Kiri n’est guère plus lourd que le liège, sa densité n’est que 0,24, c’est sa qualité principale, et qui le fait cultiver partout... Une pièce de Kiri est plus faible que les pièces de mêmes dimensions des diverses autres essences, mais elle est notablement plus forte que toutes les pièces des autres bois qui auraient même longueur, une section semblable et même poids. On affirme en outre que les caisses fabriquées avec ce bois protègent contre les mites les vêtements qu’elles contiennent. Ce sont des qualités qui le font rechercher de préférence pour la confection des coffres, des malles, caisses, etc., dans lesquels on transporte des vêtements ou des objets d’art;-pour celle des petites tables à écrire ou à manger, qui sont d’un usage général dans ce pays ; pour la fabrication des planchettes (guettas), qui tiennent lieu de sabots, ainsi que pour celle des perches à l’aide desquelles les paysans portent à l’épaule les chaises à porteurs. » Son emploi est parfait pour les boîtes à insectes et les boites à échantillons, qui se superposent au moyen d’une rainure pratiquée au fond extérieur de chacune d’elles, et qui sont d’un usage fréquent au Japon. « On l’estime tellement qu’on n’en perd aucun déchet; ses rognures sont trans-
- rmées en étagères, en jouets d’enfants, etc.; on
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- fait même diverses figurines avec sa sciure agglomérée et moulée. Sa veine est jolie; la finesse de son grain est en raison inverse de la rapidité de sa croissance. A ce point de vue, les Kiri du Sud sont préférables à ceux du Nord... Toutes les fois que le Paulownia se trouve entravé dans sa végétation, par le fait du terrain, par exemple, il a des couches serrées et un grain fin qui en font un bois supérieur de menuiserie. La grande consommation qu’on fait de ce bois en maintient les prix élevés et en fait soigner la culture. On recherche surtout les gros arbres qui ont un fût parfaitement droit et sans aucun nœud sur une longueur d’au moins 21U,50 ; on les paye fort cher. Pour les obtenir, on applique un mode de culture spécial. » Ce procédé consiste à multiplier les Paulownia par bouturage, puis à les recéper après quatre ou cinq ans. On obtient alors immédiatement des jets droits et vigoureux et des arbres d’un accroissement rapide. D’ailleurs, cette application du recépage est un des avantages de cette essence, qui s’y prête très bien, aussi est-il fort employé par les Japonais.
- On ne saurait donc trop encourager la culture du Paulownia, dont le bois ne peut manquer de trouver un écoulement facile, ses qualités étant bien reconnues. C’est surtout le long des routes qu’il conviendrait d’utiliser cet arbre, qui pourrait être abattu avantageusement entre vingt et trente ans, et probablement en un temps plus court s’il se trouvait dans de bonnes conditions. Le premier Paulownia, planté au Muséum en 1834, n’augmente plus sensiblement en diamètre depuis plusieurs années, et il a 2,n,60 de circonférence à lm,50 du sol, et faut-il ajouter qu’il n’est favorisé ni par l’exposition ni par la qualité du terrain dans lequel il a néanmoins prospéré.
- J. Poisson,
- Aide-naturaliste au Muséum d’histoire naturelle.
- L’ASSAINISSEMENT DE LA DOMBES
- La principauté de la Bombes a son histoire ; toutes les provinces n’en peuvent dire autant. C’était une enclave du royaume de Bourgogne, que plusieurs seigneurs, les comtes de Baugé, les sires de Beaujeu, d'autres encore, se disputèrent pendant le moyen âge. Trévoux en était la capitale. Lorsqu’elle fut réunie au domaine royal, vers le milieu du dix-huitième siècle, on y comptait environ 25000 habitants ; elle était limitée au nord par la Veyle, au sud par le Rhône, à l’ouest par la Saône, à l’est par l’Ain.
- Les guerres féodales ruinèrent ce malheureux pays, décimèrent la population, si bien que les habitants, ne pouvant plus cultiver toutes leurs terres, les transformèrent en étangs. La nature du sol se prêtait à ce mode barbare d’exploitation. La Dombes est un plateau ondulé qui se présente sur 1a carte
- sous la forme d’un cône dont le sommet est à la cote d’altitude 515 au nord de Meximieux. Que de ce point culminant l’on se dirige vers le nord, le nord-ouest, ou l’ouest, le terrain va toujours en descendant, à part les vallonnements causés par les cours d’eau modernes. Certains géologues veulent que ce soit le fond d’un lac antéhistorique qui se serait formé lorsque le bassin delà Saône était barré à Lyon. Les rivières de l’époque actuelle coulent toutes vers le nord ou le nord-ouest, en descendant les arêtes du cône. La superficie se compose de nappes de cailloux roulés, de sables, de graviers, agglomérés à la surface par un mélange de silice, d’alumine et de peroxyde de fer qui rend le sol imperméable. Au-dessous de cette nappe supérieure, > gisent des graviers perméables, mélangés de débris de roches diverses. L'ensemble forme ce que les géologues appellent les alluvions de la Bresse.
- Le climat de la Dombes est sévère. Le vent du nord y souffle souvent, les pluies sont abondantes, les orages fréquents. Le thermomètre s’abaisse à —15° en hiver; il monte à —35° en été. L’air y est froid et humide ; comme conséquence, la population était rare, chétive et misérable avant l’ejté-cution des travaux récents qui ont modifié les conditions matérielles de la vie.
- Ce pays était couvert d’étangs jusqu’en ces dernières années. Dans les 21 communes situées au centre, sur 59 000 hectares, il y en avait plus de 12 000, soit près du tiers, couverts par les eaux. Le plus singulier est que la création de ces étangs était de date récente : il n’en existait presque pas au moyen âge. Lorsque le nombre des habitants diminua, par suite des guerres, les propriétaires eurent l’idée de construire des digues en travers des vallons, de façon à inonder le terrain d’amont. Mis en eau, l’étang produit du poisson que l’on laisse grandir pendant deux ans; la troisième année, on assèche; le poisson est recueilli et vendu; la terre, fertilisée par les déjections animales, par les débris végétaux que l’eau a recouverts, par le fumier du bétail qui a pâturé sur les bords, produit sans addition d’aucun autre engrais, une bonne récolte de céréales. L’eau est une jachère qui ne coûte rien et qui rapporte; mais ce mode d’exploitation aggrave l’insalubrité du pays; il exclut les cultures industrielles. D’ailleurs la chaux et la pierre manquent ; on ne peut ni amender le sol ni construire des maisons salubres. Les paysans sont mal nourris, mal vêtus; ils n’ont pas d’argent pour acheter ce qui leur manque. Les chemins, qui ne sont ni empierrés ni pavés, ne se prêtent pas à des charrois économiques. On a calculé que la moitié de la population était prise par la fièvre dans les communes les plus maltraitées.
- Tout le monde l’econnaissait les inconvénients de l’extension démesurée des étangs; il n’était pas facile d’y remédier parce que c’est une sorte de propriété dans laquelle des intérêts multiples sont engagés. En théorie, rendre aux eaux leur écoule-
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- Légende géologique a, Allumons récentes 1) L {mon Jaune ou. Diluvium E Dépôts emaliques Alpins
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- Carte de l'amélioration de la Dombes
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- LA NATURE
- ment naturel est la chose du monde la plus simple dans une contrée qui a de la pente; il suffit de faire brèche dans les barrages et de débarrasser les ruisseaux des obstacles que la main de l’homme y a dressés. Mais, pour assécher un seul étang, on avait affaire à de nombreux propriétaires dont les intérêts étaient parfois contradictoires. 11 y avait en effet le droit d’évolage ou jouissance de l’étang pendant les deux années où il est en eau; puis, le droit d’assec ou droit de cultiver pendant la troisième année lorsqu’il était desséché; puis le droit de champéage pour ceux qui faisaient pâturer leurs bestiaux sur les bords, le droit de naizage ou rouissage du chanvre, et d’autres encore. Enfin, à supposer que cette difficulté première lût levée, la surface de l’étang une fois convertie en terre arable, il fallait des capitaux pour mettre cette terre en valeur, construire des bâtiments de ferme, acheter des bestiaux, un matériel agricole. Les habitants étaient pauvres, on ne pouvait compter sur eux pour cette transformation nécessaire.
- Le gouvernement décida, en 1855, de contribuer à l’assainissement de la Dombes, non seulement en faisant diriger les travaux par ses ingénieurs, mais encore en se chargeant de la dépense dans une certaine proportion. Des syndicats furent d’abord organisés entre les principaux intéressés, en vue de les faire concourir tous aux travaux de curage et de dessèchement les moins coûteux. Cela ne suffisait pas, car les ressources dont ces associations disposaient étaient trop limitées. Bientôt une Compagnie se forma pour entreprendre le dessèchement en grand de 6000 hectares d’étangs, moyennant une subvention de 1 500 000 francs fournie par le budget de l’État. Une loi votée en 1856 donna le droit d’exproprier les petits propriétaires qui auraient tenté de s’opposer à ces améliorations. Les terres desséchées et assainies étaient revendues aux habitants du pays sous la condition de ne pouvoir jamais rétablir les étangs supprimés. Depuis vingt-cinq ans, soit par l’intermédiaire de cette Compagnie, soit par les efforts des syndicats, 10 000 hectares ont été livrés à la culture.
- Cela n’aurait pas suffi pour rendre la Dombes fertile; il fallait encore que les transports devinssent plus faciles. Cette même Compagnie s’était engagée à construire un chemin de fer de Sathonayà Bourg, à travers la région des étangs. Tout un réseau de chemins agricoles fut entrepris avec des subventions de l’État assez élevées pour que les communes n’eussent à supporter qu’une dépense appropriée à leurs ressources.
- Enfin, la mauvaise qualité de l’eau potable était une des causes principales de l’insalubrité. Les puits sont nombreux et ont peu de profondeur ; c’est qu’ils descendent plus ou moins bas dans la couche supérieure de terrains imperméables sans jamais la traverser tout à fait; ils sont alimentés par les infiltrations des étangs, fournissent une eau trouble le plus souvent et toujours malsaine, et tarissent pen-
- dant la saison sèche. Les ingénieurs n’eurent pas de peine à faire comprendre qu’il fallait les creuser jusqu’à la couche perméable aquifère qui alimente les sources pérennes de la contrée, et les revêtir â l’intérieur d’un parement en maçonnerie étanche pour empêcher le mélange des eaux voisines de la surface. Quelques puits ont été établis dans ces conditions, partie aux frais des communes, partie avec les subventions allouées par le gouvernement ; ils fournissent des eaux limpides, excellentes pour les usages domestiques.
- Ainsi, dessèchement des étangs, routes, chemins de fer, puits, tels sont les travaux bien simples par lesquels on a voulu régénérer la Dombes. La dépense s’est éle vée â 7 millions en vingt-cinq ans, pour une superficie de 1100 kilomètres carrés environ, dont l’aspect a été profondément modifié. L’état sanitaire, qui était déplorable, est devenu bon; la population s’est accrue d’un tiers; la vie moyenne, qui n’était que 22 ans 10 mois, dépasse aujourd’hui 38 ans. Les cartes1 qui représentent le pays à deux époques différentes, en 1855 et 1878, font voir d’un coup d’œil que la plupart des étangs ont disparu, que ce pays jadis impraticable est maintenant coupé en tous sens par des routes. Il est devenu nécessaire de créer un chef-lieu de canton à Villars, au centre de la région assainie, tant les intérêts locaux ont acquis d’importance. Cette transformation a été une œuvre d’humanité; elle a été de plus une bonne affaire pour le gouvernement, (pii en a supporté presque tous les frais, mais qui a recouvré, par la voie des impôts directs ou indirects, plus que l’intérêt normal des dépenses qu’il y a payées.
- H. Blerzy.
- LES TREMBLEMENTS DE TERRE
- DU 28 JUIN ET DU i JUILLET OBSERVÉS EN SUISSE
- Nous avons déjà signalé le tremblement de terre du 28 juin, qui a ébranlé le sol de Femey, de Nvon et de localités voisines du lac de Genève.
- Voici quelques observations de détail qui ont été envoyées à ce sujet au Journal de Genève par une personne parfaitement éveillée au moment où la secousse s’est produite (3 heures 7 minutes du matin) : « Un craquement se fit entendre dans la chambre à gauche de la mienne; presque au même instant un second craquement, beaucoup plus violent que le premier, se fit dans ma chambre, en haut et en bas; portes, armoires, fenêtres, tout craquait, et mon lit se mit à osciller horizontalement d’une manière très,forte; je sentis quatre à cinq ébranlements successifs, puis un troisième craquement semblable se fit entendre dans la chambre contiguë à droite. Je ne puis mieux comparer la marche du phénomène qu’à celle d’une vague courant du S. S. O. au N. N. E. »
- 1 Les cartes que nous reproduisons sont extraites, ainsi que la substance de cet article, d’une étude sur les travaux d’amélioration de la Dombes, qui a paru l’an dernier dans les Annales des Ponts et Chaussées.
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- Un nouveau tremblement a été ressenti le 4 juillet ; voici à ce sujet une intéressante description donnée par M. C. F. Bourquin :
- « Je me promenais seul le long de l’avenue de la gare de Brigue, en attendant le train montant de dix heures; il était neuf heures vingt minutes à la gare, et ayant beaucoup d’avance, je retournais lentement sur mes pas. J’entendis alors, dans la direction d’où devait arriver le chemin de fer (soit 0. S. 0.), un bruit comme celui d’un train arrivant à toute vitesse ; je me retournai étonné, croyant que j’avais mal vu l’heure à la gare, et que le train était déjà là, mais je n’aperçus rien ; en même temps, un bruit pareil à celui que fait un éboule-rnent de rochers atteignait la montagne qui fait immédiatement face à la gare de Brigue au Nord, et au même instant, le bruit arriva dans l’endroit où je me trouvais, par-eil à celui que produirait un vol colossal d’oiseaux qui se seraient dirigés du Nord au Sud ; ce bruit était mêlé au cliquetis des réverbères et des vaisselles fortement secouées dans les maisons voisines. Les secousses ressenties dans l’endroit où je me trouvais n’ont duré que quelques secondes et paraissaient se diriger du côté du Sud, mais le temps qui s’est écoulé depuis le premier bruit que j’ai entendu jusqu’au moment où les abords de la gare de Brigue ont ressenti des secousses, peut être évalué de quarante à cinquante secondes.
- « Tout le monde effrayé sortait des habitations, et dans celle de M. le maître de poste Kündig, près de la gare, on peut constater de nombreuses fentes dans les murs, allant du haut en bas de la maison ; de nombreuses vaisselles furent jetées à terre dans les cuisines, le plâtre se détachait des plafonds. A Brigue, la croix d’une chapelle fut renversée sur la place du Marché et y écrasa un pauvre petit enfant.
- « D’après la direction du bruit que faisait le tremblement de terre, j’ai supposé qu’on devait l’avoir ressenti à Viège avant Brigue ; j’ai en effet appris à Viège, où je suis arrivé par le train partant de Brigue à onze heures trente-sept minutes, que les secousses avaient été ici aussi très fortes. Elles se sont produites pendant que toute la population était à la messe ; de là une vraie panique, chacun voulant sortir en même temps de l’église par une porte à demi fermée. On parle de quelques femmes renversées et contusionnées, sans qu’il y ait d’autre accident à déplorer, l’énergie de quelques citoyens ayant permis à temps de ramener l'ordre dans l’évacuation de l’église. »
- A Louèche-les-Bains, la secousse a été précédée d’une forte détonation. Quelques blocs de rochers se sont détachés des parois de la Gemmi. Des touristes, qui étaient à la Belalp, ont également constaté le phénomène accompagné d’une forte détonation. Le tremblement de terre a fait aussi une victime à Bienne. A neuf heures vingt minutes, une forte secousse s’y fit sentir A ce moment, une tuile se détachant d’un toit, tomba sur un passant et lui fendit la tête.
- D’après le Bund, la secousse a été assez forte à Berne.
- On écrit de Lausanne au Journal de Genève que le phénomène a été ressenti dans cette ville à neuf heures dix minutes par quelques personnes. L’une d’elles dit avoir senti remuer sa table de travail.
- Un habitant de Payerne a écrit au même journal :
- « Ce matin (dimanche 4 juillet), à neuf heures vingt minutes, nous avons ressenti un assez fort tremblement de terre. L’oscillation venait, autant que j'ai pu en juger, du S. au N., et a duré une seconde. Une armoire qui est a peu distance de mon lit a été mise en mouvement, si fort, que j’ai cru qu’elle allait tomber. »
- En ce qui concerne Genève, on nous apprend que le tremblement de terre a été observé au Pré-l’Évêque. 11 a été plus sensible encore dans les étages supérieurs du quartier de la place des Alpes, où on a parfaitement entendu le bruit semblable au roulement du tonnerre précédant la secousse ; une dame qui cuisait des confitures a vu sa marmite se balancer et le contenu se répandre par-dessus le bord, tandis qu’elle-même s’est sentie poussée contre le fourneau ; les parois ont craqué. La direction semblait être du N. O. au S. E.
- LE CUIVRE
- ET LES CONSERVES ALIMENTAIRES
- Dans une des récentes séances de la Société d'htjgiène, M. Brouardel a lu le rapport qu’il présentait au nom d’une Commission chargée de statuer sur ce sujet, et composée de MM. Pasteur, Pascal et Brouardel, rapporteur :
- « Votre Commission n’hésite pas à répondre que, suivant elle, l’Administration ne saurait prendre cette responsabilité, sans que les intéressés en soient informés c’est-à-dire tout le public. On peut discuter, on discutera longtemps sur l’innocuité des sels de cuivre pris à telles ou telles doses. On pourra se montrer convaincu, même par des recherches expérimentales bien dirigées, que le cuivre est inoffensif. Ces résultats n’auront de valeur que pour les conditions dans lesquelles on aura opéré, pour tel ou tel animal, pour telle ou telle constitution humaine ; mais toute généralisation serait une témérité. Votre Commission n’aurait pas d’autre réponse dans beaucoup de circonstances de même ordre, dont le nombre ira sans cesse croissant avec l’extension du commerce et de l’industrie et les progrès des applications de la science.
- « La viande, le poisson, peuvent-ils être conservés, avec l’autorisation administrative, par le borate de soude, par l’acide benzoïque, par l’acide salieylique?
- « Peut-on tolérer l’usage de l’acide salicylique pour conserver les bières, etc. ?
- « Il n’y a qu’un moyen pour l’Administration et l’industrie française de sortir honorablement de ces responsabilités : c’est d’exiger la déclaration loyale de la nature des substances étrangères ajoutées aux produits alimentaires :
- « Petits pois conservés par tel ou tel ingrédient ;
- « Viande conservée par le borax, par l’acide benzoïque, etc.
- « Liberté pleine et entière serait donnée d’ailleurs aux fabricants d’ajouter tout prospectus explicatif, toute consultation de médecins ou de savants sur l’innocuité des substances dont ils feraient usage.
- « C’est à l’industrie à se défendre elle-même. Elle ne peut demander à l’Administration un blanc-seing pour ses pratiques, quand ce blanc-seing l’engage, elle, Administration, dans des questions de physiologie et d’hygiène qui sont non seulement en dehors de sa compétence, mais en dehors de la compétence de la science acquise la plus avancée.
- « En conséquence, votre Commission soumet à votre approbation la conclusion suivante :
- « L’Administration peut tolérer l’usage du verdissage des conserves alimentaires par les sels de cuivre, à la condition que, sur les boîtes de conserves, soit imprimée, en caractères lisibles, la déclaration de la substance par laquelle ce verdissage a été obtenu. »
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- LA NAITRE.
- MELBOURNE
- ET i/eXPOSITION UNIVERSELLE DE 1880
- En 1855, un aventurier nommé John Bateman débarquait, à la tète de quelques centaines de Nègres, dans l’Australie méridionale, et s'installait sur les rives du port Phillip, aujourd’hui rade de Melbourne. La situation lui parut favorable, la terre suffisamment productive. Il proposa aux indigènes, maîtres du pays, un marché de dupes qui fut accueilli avec empressement. On convint, en effet, qu’il serait cédé aux nouveaux venus 000000 acres, soit 200 000 hectares, en échange de 5 sacs de verroterie, de 10 livres de clous et de 5 livres de farine! C’est ainsi que fut acquis, il y a quarante-
- cinq ans, le territoire où s’élève aujourd’hui la ville la plus puissante de l’Australie : Melbourne. En 1857, cette cité, désormais reine de la province de Victoria, avait au plus dix cabanes; en 1851, elle comptait 25 000 habitants; en 1871, 195 000; en 1880, 500 000!
- Melbourne grandit donc à la manière des cités américaines. Ira-t-elle toujours en augmentant avec la même rapidité? Evidemment non. 11 en est des villes comme des arbres : parvenues à un certain degré de développement, elles s’arrêtent. La jeune métropole australienne est-elle appelée à prendre un essor semblable à celui de New-York? Nous ne le pensons pas. Son extension rapide tient plus, en somme, à l’exploitation des mines d’or du voisinage qu’à un courant durable de transactions.
- Quoi qu’il en soit, Melbourne représente le jeune
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- Les sondes sont exprimées en mètres.
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- Fig. 1. Le port Phillip et la ville de Melbourne.
- Fig. 2. Plan de Melbourne et baie Hobson.
- esprit australien. C’est la ville par excellence des audacieux, des spéculateurs, des chercheurs d’or et d’affaires. Sydney, plus âgée, moins agitée, moins fiévreuse, est le faubourg Saint-Germain de ce monde nouveau, tandis que Melbourne correspond assez bien à la Chaussée-d’Antin ou au faubourg Saint-Honoré.
- La position de Melbourne, quels qu’en soient les avantages, est moins brillante que celle de Sydney ; elle s’étend sur les bords d’une petite rivière nommée Yarra-Yarra, ce qui signifie toujours, toujours en langue indigène. Pourquoi toujours? Parce que ce cours d’eau coule sans cesse. L’esprit méthodique des Anglais a fait là une ville d’une régularité désespérante. Les rues sont coupées à angle droit; les maisons généralement taillées sur le même modèle. Çà et là, quelques édifices aux vastes proportions émergent du milieu de ces de-
- meures banales; mais, à quelques pas, la misère se réfugie dans de pauvres échoppes. C’est le mendiant blotti sous les murs des palais. Melbourne pourrait en somme passer pour une noble ville si elle n’était encore déplorablement entretenue; les égouts passent au milieu des rues; à la moindre pluie, la chaussée se transforme en fleuve. En temps de sécheresse, la poussière est telle qu’elle couvre les passants d’une livrée grise et les aveugle.
- Tout le mouvement se concentre dans quelques grandes rues. On se croirait, à certaines heures de la journée, dans le quartier le plus occupé de la Cité de Londres. Le soir venu, calme complet. Comme leurs frères aînés d’Angleterre, les négociants de Melbourne désertent, vers cinq heures, le centre des affaires, et vont chercher le repos à la campagne. Le dimanche, la vie paraît suspendue; tout semble frappé de léthargie.
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- Si l’on juge des tendances d’un peuple par ses monuments, dit M. Charnav, les innombrables banques de Melbourne montrent assez que la poursuite des affaires est l’unique but de ses habitants. Banques deci, banques delà,"il y en a partout, et la magnificence de leurs comptoirs princiers prime tous les autres batiments : ce sont de véritables édifices. Clubs et hôtels viennent ensuite, puis s’élèvent quelques grandes maisons de détail, avec des devantures de glaces et des étalages que l’on remarquerait même à Londres et à Paris.
- Les principaux édifices sont la Banque, l’Université, le Muséum d’histoire naturelle, la Bibliothèque, le Musée de peinture, l’Hôtel de Ville, la Poste, le
- Trésor, le Palais du gouvernement, la Monnaie, etc. Le style de la plupart de ces monuments est large et correct ; les architectes sont souvent tombés dans l’exagération, dans le mauvais goût, sans toutefois pouvoir être accusés de mesquinerie. Tout est large, aéré, taillé dans le grand par ce peuple jeune, qui veut peut-être aller trop vite, comme des enfants pressés de jouir, mais qui voit toujours de haut, et qui, pins que tout autre, a l’instinct des fondations utiles et libérales.
- Il n’hésite pas à dépenser des sommes énormes pour l’instruction ; il met le développement intellectuel à la place qu’il devrait partout avoir. Instruire. moraliser, voilà son but. Le budget des
- Fig. 3. Vue de l’Exposition de Melbourne.
- écoles est relativement dix fois plus élevé que le nôtre, et, dans cette province de Victoria qui ne compte pas encore un million d’àmes, on donne 400 000 francs par an pour l’entretien de la Bibliothèque et du Musée! Est-il juste, après de pareils chiffres, de traiter en barbares ces Australiens, plus soucieux que nous cent fois du perfectionnement de l’esprit public!
- L’Australien n’a pas de passé, mais il compte déjà dans sa courte histoire quelques citoyens de grand dévouement et de haute valeur. Il aurait pu bénéficier de leurs œuvres et les oublier, suivant l’habitude de la plupart des nations. Au contraire, il exalte leur gloire, il perpétue leur souvenir. La reconnaissance se grave par la dénomination des
- rues, des places, qui portent presque toutes le nom d’un des hommes célèbres de ce jeune monde. Honneur, entre autres, à Burke, l’explorateur qui le premier parvint à franchir l’immense espace de Melbourne au golfe de Carpentarie! Un monument inspiré, saisissant, malgré ses contours durs et sa sculpture quelque peu primitive, rappelle l’entreprise de ce téméraire, qui a forcé le continent australien comme une sorte de citadelle. On se souvient de l’histoire dramatique de ce pionnier et de ses compagnons, qui moururent tous, sauf King, assez heureux pour avoir été recueilli par les indigènes. L’expédition de Burke est le point de départ de ces percées victorieuses faites à travers le continent, et qui demain deviendront de
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- LA NATURE
- grandes routes, de grandes voies de communication.
- Revenons à Melbourne. On a dit avec raison que le charme de la ville était en dehors. Ses environs sont, en effet, peuplés de riants, de délicieux cottages. On retrouve là les habitations élégantes et commodes de l'Angleterre dans un cadre de plantes de pays chauds. Le soir, toutes ces gracieuses demeures et tous ces beaux jardins reçoivent un flot de négociants qui, plus sages que nous, savent faire de leur vie deux parts distinctes : l’une consacrée aux affaires, l’autre exclusivement à la famille et au repos.
- . Melbourne a voulu suivre l’exemple de sa sœur aînée : elle organise une Exposition universelle. Les portes n’en sont pas encore ouvertes; aussi n’en pouvons-nous pas parler. C’est au mois d’octobre, c’est-à-dire au commencement de la saison d’été pour le monde australien, que l’édifice spacieux que l’on élève à l’industrie doit être livré au public. En attendant, fabriques et manufactures de l’Ancien et du Nouveau Monde se préparent à lui envoyer leurs produits. L’appel fait en France n’a pas été vain. Nous connaissons d’assez nombreux industriels qui concourront à l’entreprise et qui, mus plus par leur esprit de patriotisme que par un désir de lucre, tiendront à figurer dans cette exposition, qui sera probablement supérieure, de toutes façons, à celle de Sydney.
- Richard Cortambert.
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- INSALUBRITÉ DE LA CHAIR DE PORC
- DE PROVENANCE AMÉRICAINE
- On a déjà fait connaître la liste assez longue des parasites observés dans les divers organes des porcs d’Amérique, Trichocephalus dispar ou craniatus, Stephanurus den-tatus, Echinorhynchus gigas, Cisticercus cellulosæ, Fas-ciola hepalica et Distomum lanceolatum. 11 n’est pas rare de trouver dans les jambons d’Amérique qui se vendent sur nos marchés, le Trichina spiralis, et nous en avons constaté la présence récemment dans un fragment qui nous a été soumis : la présence de cet helminthe explique la prohibition qu’ont ordonnée récemment plusieurs gouvernements de l’introduction des jambons américains.
- Mais en outre, depuis plusieurs années, la race porcine est atteinte en Amérique d’une maladie contagieuse qui a déterminé la mort d’un grand nombre d’animaux, plus de 260 000 dans la seule Caroline du Nord, en 1878, et qui a pris une telle extension, que le gouvernement des Etats-Unis s’en est préoccupé et a chargé une Commission d’étudier les moyens d’en prévenir les ravages. Nous empruntons au rapport volumineux qui vient d’être publié par le Département de l'agriculture, les quelques détails suivants.
- . La maladie des porcs américains, qui a été confondue pendant longtemps avec d’autres, parait être spéciale, et il est d’autant plus important d’appeler sur son existence
- l’attention des hygiénistes, que l’exportation de la chair du porc se fait sur une très grande échelle et introduit chaque année chez nous des centaines de millions de kilogrammes.
- Cette maladie, sur la cause de laquelle ou n’est pas encore bien éclairé, et qui a été attribuée à l’accumulation exagérée des animaux dans les porcheries, à un défaut d’exercice, au non-croisement des reproducteurs, à l’alimentation exclusive par le maïs, plus ou moins bien conservé, influe considérablement sur la qualité de la chair, qui au moment où on prépare les animaux, exhale souvent une odeur repoussante (E. Salmon); tous les tissus sont infectés, mais surtout la muqueuse des intestins et les poumons, qu’on trouve farcis d’helminthes, Strongylus elon-gatus (Ch. Keyser).
- Le nombre des animaux infectés qu’on amène aux éta blissements de préparation est énorme, et les porcs sains sont rapidement saisis par la contagion. Mais, de l’aveu même des vétérinaires que nous venons de citer, on ne s’en préoccupe pas, et à Chicago en particulier, où les établissements regorgent d’animaux malades, ceux-ci sont tués et préparés sans scrupule pour l’exportation. Il y a donc là une question qui intéresse au plus haut point la santé publique, et sur laquelle nous pensons devoir appeler l’attention *.
- J. L. Soubeiran.
- LA RÉFRIGÉRATION HUMAINE
- M. le docteur Paul Delmas, membre de la Société de médecine et de chirurgie de Bordeaux, a fait une série de recherches expérimentales sur l’action du froid et de la chaleur sur l’organisme de l’homme. 11 a soumis, dans un appareil convenable, tout le corps, sauf la tête, d’un sujet sain et robuste, à une réfrigération avec de l’eau à 4- 10°, pendant des périodes de temps variant de 15 secondes à 5 minutes. Le thermomètre qui mesurait la température était placé dans la bouche. Dans un certain nombre d’expériences, l’action de la chaleur, par l’air chaud ou par les vapeurs humides, avait été appliquée préalablement à la réfrigération.
- Le pouls et la température du corps ont été notés, pendant les applications, toutes les 15 secondes et toutes les minutes, et, dans les heures suivantes, toutes les 5 minutes. Dans des expériences rendues aussi semblables qu’il a été possible, tantôt le sujet a été astreint à une immobilité complète pendant plusieurs heures après l’application du froid ; d’autres fois, il s’est livré, aussitôt après l’opération, à un exercice des plus actifs. Dans ces conditions, diamétralement opposées, les faits suivants ont été notés :
- Pendant l'application du froid, alors que le sujet accuse tous les signes, douloureux ou non, d’une sensation des plus intenses, la température du corps ne varie pas ou varie à peine en moins ou en plus de 1 à 2 dixièmes de degré, du chiffre noté auparavant; l’emploi préalable du calorique ne modifie pas ces résultats. Si, aussitôt après l'application du froid, le sujet garde une immobilité complète après avoir été soigneusement essuyé et enveloppé, de manière à lui éviter tout mouvement musculaire actif, la température animale ne varie pas ou fort peu, et elle reste encore sensiblement égale au chiffre noté aupara-
- 1 Journal de Pharmacie et de Chimie.
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- vant; mais aussitôt que le sujet se livre à un mouvement actif quelconque (s’habiller, courir, marcher), soit aussitôt après une application froide, soit après une immobilité pi'éalable, et qu’il aide ainsi au développement de tous les phénomènes extérieurs de ce qu’on a appelé la réaction au froid, la température animale baisse brusquement ; cet abaissement persiste pendant plusieurs heures et il est d’autant plus accusé que le sujet éprouve une plus forte sensation de chaleur. Tout au contraire, si les frissons continuent ou reparaissent par suite d’une immobilité prolongée, ou si le sujet, suspend ses exercices, la température animale ne baisse plus ou elle se relève aussitôt.
- Le degré d’abaissement de la température animale, deux à trois heures après une application froide, a été onze fois sur douze de O0,! à 0°,6 au-dessous du chiffre noté avant ladite application. Le maximum d’abaissement obtenu chez un sujet très vigoureux n’a jamais pu dépasser 1°,3. Sous l’influence de l’action du calorique portée à son maximum de tolérance, M. Delmas n’a jamais pu obtenir qu’une élévation de 1°,3, tandis que le pouls allait de 84 à 180 pulsations.
- Au début de toute application réfrigérante, le pouls atteint subitement une grande vitesse; après 10 à 15 secondes, cette vitesse diminue rapidement et, à la fin de l’expérience, elle est revenue au chiffre primitif noté auparavant ou notablement au-dessous. Si le sujet, après avoir été soigneusement essuyé et enveloppé, reste immobile, le ralentissement du pouls- s’arrête ou progresse lentement. Tout au contraire, s’il s’habille et se livre à un exercice actif, ce ralentissement s’accentue et persiste d’autant plus que le sujet accuse tous les signes d*.me réaction énergique et une sensation de chaleur générale.
- Onze fois sur douze, le chiffre de la vitesse du pouls noté deux à trois heures après une application froide, était de 2 à 20 pulsations plus bas que celui noté avant l’expérience. Les tensions artérielles atteignent leur maximum au début d’une application réfrigérante, puis elles baissent quand le sujet accuse une sensation de chaleur, et elles se relèvent dès que les phénomènes de la réaction se ralentissent ou s’arrêtent. M. G.
- LE PAPIER D’ARCHIVES
- On réussit aujourd'hui à fabriquer un papier qui possède la précieuse propriété d’être complètement indifférent à l’action du feu et de l’eau.
- Ce papier indestructible se prépare de la manière suivante : On forme un mélange de deux tiers de pâte ordinaire de'papier et d’un tiers de pâte d’amiante (substance minérale filamenteuse dont on fait des toiles et des mèches incombustibles) délayée dans une solution de sel commun et d’alun. On fait passer cette pâte mixte dans la machine qui doit la convertir en papier. Puis l’on plonge le papier obtenu dans un bain de gomme-laque en dissolution dans l’alcool ou dans un autre dissolvant. On l’envoie ensuite sur les rouleaux finisseurs, et, à la sortie de ceux-ci, on peut le débiter en feuilles.
- Le sel et l’alun augmentent la force du papier et lui donnent, en même temps que l’amiante, de la résistance à l’action du feu. La gomme-laque le rend imperméable à l’humidité et l’empêche de boire, de sorte qu'on peut y écrire ou y dessiner à l’encre ordinaire, comme sur les papiers déjà en usage dans les bureaux.
- Ce papier conviendra donc parfaitement pour les livres de compte, les papiers publics et les documents des archives, qui pourront ainsi rester intacts et conserver leur valeur, lorsqu’ils seront exposés aux atteintes du feu dans un incendie. Quant à la meilleure encre à employer dans les écritures officielles, comme la moins altérable et la plus difficile à faire disparaître, c’est encore et toujours l’encre ordinaire, faite, avec la noix de galle de nos pères.
- (La France.) E. Vignes.
- m BAROMÈTRE A GLYCÉRINE1
- L’influence directe des variations de pression atmosphérique sur le dégagement de gaz carboné dans les mines de houille (influence si clairement démontrée par les investigations de MM. Scott et Gal-lowav) a conduit les ingénieurs anglais à confectionner des baromètres possédant un large champ d’évolution et par suite pouvant, d’une façon immédiate, rendre apparentes de petites variations dans la pression atmosphérique; il est très utile que ces oscillations barométriques soient bien aperçues par les yeux inexpérimentés des mineurs, aussi bien que par les employés de stations météorologiques et par tous ceux qui ont intérêt à connaître des mouvements subits du baromètre sans qu'ils puissent apporter à la lecture d’un instrument le soin qu’exige l’observation correcte d’un baromètre de précision.
- Au nombre des tentatives diverses qui ont été faites pour construire des baromètres à longues divisions, nous devons mentionner le célèbre baromètre à eau construit pour la Société Royale de Londres, en 1830, par le professeur Daniel. L’expérience enseigna qu’on ne peut guère se baser sur une colonne d’eau dans la pratique, les effets de la pression étant bien souvent annulés par les variations dues à l’influence de la température sur la vapeur d’eau qui se trouve dans le vide de Toricelli. M. B. Jordan, membre du Bureau des Archives Minières d’Angleterre, s’est pendant des années entières appliqué à étudier le sujet qui nous occupe, étant d’avis que si l’on pouvait faire des instruments précis de ce genre, ils auraient une valeur scientifique réelle pour mettre en évidence les plus minimes oscillations de pression.
- Le liquide qui paraît avoir donné les meilleurs résultats n’est autre que la glycérine. Un baromètre à glycérine encore en usage fut construit par M. Jordan en 1870. La glycérine très pure, telle qu’elle sort des manufactures de MM. Price et C°. possède une pesanteur spécifique de 1,26 ; à cause de son point élevé d’ébullition, sa vapeur n’a qu’une tension très faible aux températures ordinaires, et une température très basse est nécessaire pour la congeler. La hauteur minimum d’une
- * D’après Nature, de Londres.
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- LA NATURE.
- colonne de glycérine est de 8n,,22, et une variation d’un ou deux millimètres dans la hauteur d’une colonne mercurielle se transforme en une oscillation de plusieurs centimètres dans la colonne de glycérine.
- Cette substance absorbe rapidement l’humidité quand elle est à l’air libre ; mais on évite cet inconvénient en couvrant la surface, à découvert dans le bassin, d’une couche d’huile lourde de pétrole spécialement préparée pour cet usage.
- Des baromètres à glycérine ont récemment été construits par M. Jordan pour les musées de South Kensington et Jer-myn Street et ont donné de bons résultats. Pour mieux attester la valeur scientifique du nouvel instrument, on s’est adressé au Comité gouvernemental des subventions de la Société Royale pour obtenir une modique allocation à l’effet de construire un baromètre d’expérience : un instrument a été établi à l’aide de cette somme à l’observatoire de Kew, avec la permission de son Comité.
- Une description détaillée de l’instrument a été lue récemment à la Société Royale par l’inventeur. La figure ci-jointe explique la façon dont il est construit. La cuvette barométrique est un vase cylindrique de cuivre étamé à l’intérieur; sa hauteur est de 15 centimètres et son diamètre de 25 centimètres. Ce vase est muni d’un couvercle vissé. L’air s’introduit par une petite ouverture pratiquée dans le chapeau qui est vissé au couvercle. Ce chapeau renferme une cavité contenant du coton servant de filtre pour retenir la poussière.
- Le grand tube barométrique est solidement fixé à cette cuvette comme le montre notre figure. Ce tube est fait à l’aide du métal ordinaire des tuyaux à gaz ; il a 2 centimètres de diamètre et est muni à son sommet d’une pièce de bronze dans laquelle est cimenté un tube en verre de ln,,20 de longueur avec un diamètre intérieur de 2 centimètres; il se
- termine enfin par un godet ouvert fermé d’une lame de caoutchouc.
- Les oscillations du niveau de la colonne de glycérine sont observées et lues sur des échelles graduées placées de chaque côté du tube; ces échelles sont munies d’indicateurs et de verniers. La graduation de droite indique les pouces et dixièmes de pouce ; l’échelle placée à gauche donne les mesures équivalentes d’une colonne de mercure.
- L’échelle graduée est fixée à une plaque de chêne placée contre le mur d’une chambre des étages supérieurs de l’observatoire; le grand tube barométrique descend au travers du vestibule jusqu’à la chambre de l’étage inférieur, à une distance de 8m,22; la cuvette barométrique est placée contre le mur nord.
- La glycérine employée dans ce baromètre est colorée en rouge par de l’aniline : elle a été préalablement chauffée à la température de 180 degrés environ, afin de la rendre plus limpide et de la mieux débarrasser de l’aii qu’elle contenait. L’air a été extrait du tube barométrique au moyen d’une machine pneumatique adaptée à sa partie supérieure jusqu’au moment où la pression de l’atmosphère fit monter le liquide à une hauteur correspondant a celle de la pression de l’air.
- Des observations quotidiennes sont maintenant régulièrement faites à l’aide de cet instrument, à l’observatoire de Kew, sous la surveillance du directeur, M. Whipple; elles montreront s’il faut définitivement considérer cet appareil comme un instrument scientifique de précision. En tout cas, on doit féliciter l’inventeur d’avoir simplifié un système qui nous donne un baromètre avec échelle à grandes divisions propre aux usages populaires, et que l’on pourra utiliser dans les musées et les monuments publics.
- Le nouveau baromètre à glycérine de l’observatoire de Kew, en Angleterre.
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- LA NATl:HE.
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- LANTERNE DE DIFFUSION
- I'OUU LA LUMIÈRE ÉLECTRIQUE
- Nous avons assiste récemment à de très intéressantes expériences d’éclairage électrique, et nous avons remarqué les excellents effets produits par la lanterne de diffusion représentée ci-dessous ; m. r ingénieur Cdémandot, qui l’a inventée, a bien voulu nous écrire sur notre demande la lettre suivante, que nous sommes heureux de publier.
- <;. t.
- Paris, le 9 juillet 1880.
- Monsieur,
- Je me préoccupe depuis longtemps déjà des moyens à employer pour obtenir une bonne diffusion de la lumière électrique, c’est à-dire d’utiliser cette lumière qui est tellement intense, si elle n’est pas répartie uniformément, tamisée, diffusée, c’est le mot, qu’elle ne donne que des résultats très imparfaits et hors de proportion avec les dépenses faites pour la produire, comme avec son intensité toute particulière.
- Les globes opaques employés ont rendu à n’en pas douter de grands services, mais ce n’est pas, on peut dire, par diffusion qu’ils opèrent ; ils deviennent lumineux eux-mêmes, et comme ils sont employés sous un gros volume, ils deviennent nécessairement éclairants. H y a bien, dans ce cas, une certaine quantité de lumière tamisée, mais eu égard à la lumière produite, il n’y en a pour ainsi dire que la moitié d’utilisée, et les expériences photométriques ont prouvé qu’il y avait environ 45 pour 100 de la lumière produite absorbée. La lumière électrique, si coûteuse à produire, est donc à moitié détruite par un accessoire indépendant de la lumière elle-même.
- Le principe qui a servi de base à mes recherches, est celui qui préside à la répartition, à la diffusion de la lumière solaire. En 'examinant cette question, n’arrive-t-on pas à remarquer que ce sont les nuages placés entre nous et le soleil qui se chargent le mieux de nous répartir sa lumière, de ménager nos yeux, on peut dire, et cela est si vrai, que quand il s’agit de photographie, par exemple, c’est par un temps relativement couvert, c’est-à-dire par la lumière blanche, la lumière diffusée, que cette opération, dans laquelle le soleil se charge d’être notre dessinateur, réussit le mieux.
- Le problème à résoudre était donc celui-ci : envelopper la lumière électrique d’une vapeur remplissant le
- rôle de nuages, c’est-à-dire nous tamisant, nous diffusant cette lumière. J’ai donc enveloppé la lumière, l’arc voltaïque, d’une double enveloppe, dans laquelle j’ai introduit une matière solide, il est vrai, mais tellement fine, tellement ténue, que c’est une substance solide pour ainsi dire vaporeuse. C’est du verre filé par des procédés particuliers qui donnent pour résultats des fils d’une finesse telle que chacun d’eux mesure 6 à 8 millièmes de millimètre, fils qui sont 175 fois plus fins qu’un cheveu et 45 fois plus fins que le plus ténu fil de soie.
- Les premiers essais de mes procédés de diffusion ont été faits dans les grands magasins du Louvre, grâce à l’obligeance et à la libéralité de leurs propriétaires. J’avais inséré ma laine, pour ne pas sortir des habitudes ordinaires, dans des globes en verre de 40 centimètres de diamètre; mais la pratique de ce mode d’emploi ne tarda pas à me signaler des inconvénients qui ont dû me faire renoncer à cette disposition ; la laine de verre se tassait sur elle-même, et l’introduction de la poussière, se faisant par des interstices, ne tardait pas à la salir. J’ai obvié à cet inconvénient en construisant des lanternes dont les parois sont composées de tubes de 4 à 5 centimètres de diamètre, tubes dans lesquels la laine se place très facilement, et qui, obturés des deux bouts, ne laissent aucune issue à la poussière. La laine une fois ainsi placée, conserve sa position première et remplit toutes les conditions désirées.
- Les avantages de mon procédé sont nombreux ; ils présentent une économie de lumière de plus de 30 pour 100 sur les globes opaques employés ordinairement. L’opacité peut être variée à volonté, puisqu’elle dépend de la quantité de matière introduite, quantité qui peut varier selon les cas. On peut, en colorant les tubes en toute nuance, modifier, absorber à volonté les rayons nuisibles de la lumière électrique. La disposition est en outre très économique.
- Vous avez été témoin des expériences faites par mes procédés, et j’ai pensé qu’il pourrait vous être agréable d’avoir quelques détails, auxquels je joins des photographies de ma lanterne. Cette photographie (voir la gravure ci-dessus) représente une lanterne très élevée, parce qu elle doit être appliquée aux brûleurs Siemens, qui se placent en haut de l’appareil, au-dessus de l’arc voltaïque. Je n’ai pas besoin de vous dire quelle peut être modifiée et adaptée à tous les systèmes producteurs de l’électricité.
- Recevez, etc. L. Clémanoot.
- Lanterne de M. Clémaudot pour l’éclairage électrique.
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- LA NATURE.
- SOCIÉTÉS SAVANTES
- Société géologique de France. — Séance du 21 juin 1880. — Présidence de Al. de Lapparent. — 11. G. Rolland communique le résultat de ses études sur le terrain crétacé du Sahara septentrional. L’itinéraire suivi par la mission transsaharienne, dont il était membre, lui a permis, entre Laghouat et El Goleah, et entre El Goleah et üuargla, de constater que le plateau crétacé du Mzab se prolonge vers le sud jusqu’au delà d’El Goleah; que cette formation figure, au centre du Sahara algérien, un grand bombement dont l’axe est environ nord-sud et plonge au sud ; que ses couches appartiennent à un même système stratigraphique, et équivalent, comme âge géologique, aux étages turonien et cénomanien. Cette formation est généralement très pauvre en fossiles; toutefois dans la région d’El Goleah, M. Rolland a découvert quelques gîtes fossilifères intéressants. — M. Garez présente, au nom de M. de Laubrière et au sien, une note sur les sables inférieurs de la vallée de la Marne. — M. Terquem présente des observations sur quelques fossiles microscopiques (foraminifères et entomostracés) des terrains primaires appartenant aux genres Placopsi-lina, Orbulina, Lagenulina, pusulina, Globulina, — Bairdia, CythereeiCylherella. — M. Vasseur communique une note de M. Ch. Rrongniart sur les tufs quaternaires de Rernouville, près Gisors (Eure), qu’il considère comme analogues à ceux de la Celle, mais peut-être un peu plus récents. — M. N. de Mercev envoie une note intitulée : Remarques sur les systèmes de la Basse-Somme et de la Basse-Oise et sur leurs rapports avec la structure et le relief du sol dans une partie du nord de la France, à l’occasion des indications de M. Daubrée.— M. Sauvage communique une Notice sur les poissons fossiles de Cé-reste (Basses-Alpes). Les schistes de Céreste, correspondant à l'horizon des grès de Fontainebleau, ont fourni, jusqu’à présent, trois espèces de poissons. — M. Sauvage communique également la suite de ses Notes sur les poissons fossiles.
- Société chimique de Paris. — Séance du vendredi 9 juillet 1880. — Présidence de il/. Friedel. — M. L. Yarenne expose ses recherches sur la passivité du fer et met sous les yeux de la Société les appareils dont il s’est servi. — M. Moissan rend compte des observations qu’il a faites sur le sesquioxyde de chrome et indique un mode de préparation des acides sélénhydrique et bromhydrique consistant dans l’action du sélénium et du brome sur des carbures d’hydrogène bouillant à très haute température.— M. Laiblin a étudié quelques dérivés bromés de la nicotine et l’acide nicotique. — M. Wtirtz annonce que M. Le Bel est parvenu à décomposer le pro-pylglycol ordinaire, qui renferme ce qu’il appelle un carbone asymétrique par la fermentation et qu’il a obtenu ainsi un glycol exerçant le pouvoir rotatoire à gauche. — M. llanriot présente un travail de M. Doassans sur la tha-lietrine.— M. llanriot a étudié un principe retiré du Thalictrum macrocarpum. — M. Friedel a obtenu un isomère de la trichlorhydrine déjà connu, celui qui bout à 157 degrés en soumettant le chlorure de propylidène à l’action du chlore au soleil. — M. Colson s’est occupé de l’action du soufre naissant sur l’eau.
- Société botanique de France. — Séance du 9 juillet 1880. — M. Olivier expose ses recherches sur l’appareil tégumentaire de la racine dans les Phanérogames.
- 11 fait connaître les principaux types auxquels se rattache la formation du système tégumentaire et notamment du liège dans la racine des Monocotylédonées, des Gymnospermes et des Dicotylédonées. — M. Guignard traite de la structure et de la fonction du suspenseur de l’embryon chez quelques Légumineuses. 11 établit que chez les Cytises notamment, le suspenseur puissamment développé nourrit l’embrvon pendant la période ovà l’albumen n’est pas encore formé. A mesure que l’albumen se constitue, il s’épuise et s’atrophie. En général, plus l’albumen est tardif, plus le suspenseur est développé. 11 y a comme une sorte de balancement entre ces deux tissus nutritifs.
- — M.Rozefait une nouvelle communication sur un Agaric comestible commun aux environs de Poitiers. — M. Van Tieghcm parle de l’anatomie de la Moschatelline (Adoxa Alosclialellina). L’auteur expose la grande différence de structure qui existe dans cette plante entre le rhizome et la tige aérienne. — M. Clos envoie une communication sur la végétation des environs d’Ax (Âriège).— M. Péter-mann adresse une notice sur le Lysimachia thyrsiflora.
- — M. Cornu offre, de la part de M. le docteur Harkness, un catalogue des champignons du territoire d’Arizona (États-Unis). — M. Marès présente les épreuves d’un ouvrage qu’il publie sur la constitution géologique et météorologique et sur la flore des iles Baléares. C’est à la flore d’Espagne que la flore des Baléares ressemble le plus.
- M. Fournier présente les bonnes feuilles d’un ouvrage qu’il publie sur les Graminées du Mexique. — M. Petit présente la monographie des Spirogyres des environs de Paris, qu’il vient de publier.
- CHRONIQUE
- Expédition française pour l’exploration des fonds de la mer. — Une Commission scientifique nommée par M. le Ministre de l’Instruction publique, a reçu la mission d’explorer les grandes profondeurs du golfe de Gascogne, afin d’y rechercher une grande vallée sous-marine qui s'étendrait au large parallèlement à la côte d’Espagne et d’y étudier la faune et la flore du fond de la mer. L’aviso à vapeur le Travailleur, commandant Richard, a quitté le port de Bayonne le 17 juillet, ayant à son bord les membres de la Commission scientifique : MM. Milne-Edwards père et fils, membres de l’Académie des sciences ; Vaillant, professeur au Muséum d’histoire naturelle; le docteur Fischer, aide-naturaliste; Marion, professeur à la Faculté de Marseille; de Folin et Perier.
- Devançant l’heure du rendez-vous, deux des représentants les plus autorisés de la science britannique, M. le docteur Gwyn-Jeffreys, magistrat anglais, auteur d:un ouvrage capital sur la Conchyliologie britannique, membre de la Société Royale de Londres, et M. le Révérend Norman, pasteur protestant, tous deux officiellement conviés à se joindre à cette Commission, ont opéré précédemment dans la Fosse de Cap-Breton un assez grand nombre de draguages, opérés sous la direction de M. de Folin. L’expédition du Travailleur offrira certainement une grande importance; comme l’a Tait remarquer notre excellent homonyme, de Londres, le journal scientifique Nature, elle prouve que la France compte bien ne plus rester en arrière, au point de vue des explorations scientifiques sous-marines, depuis longtemps exécutées avec tant de succès par l’Angleterre, les États-Unis, la Suède, la Norvège, etc.
- L’expédition du Travailleur, dont nous retracerons l’his-
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- LA NATURE
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- oire complète, a du reste été inspirée par les travaux d’un savant français, M. de Folin, qui, depuis de longues années, a recueilli d’innombrables observations sur les fonds de la mer, en étudiant les produits dragués à de grandes profondeurs, dans presque .toutes les mers, et tout particulièrement dans la Fosse de Cap-Breton.
- Association française pour l’avancement des scienees. — Les deux conférences qui auront lieu pendant le Congrès de Reims sont les suivantes : M. Perrier, professeur au Muséum d’histoire naturelle : Le Transformisme; M. C. M. Gariel, ingénieur des ponts et chaussées, agrégé de la Faculté de médecine de Paris : Les gaz et la matière radiante. — Ces conférences seront accompagnées de projections et de nombreuses expériences.
- Apprivoisement des singes aux Indes. — Le
- singe, que l’on conserve facilement en cage, est assez rarement réduit à l’état de domesticité, à cause de son naturel pétulant et de ses mouvements toujours brusques et désordonnés. Dans la province de Bengale, dit le Times of India, un indigène vient de dresser plusieurs de ces intelligents quadrumanes à tirer la corde d’un punka.
- On sait que les punkas sont de larges écrans ou éventails en bois léger recouvert d'étoffe, que l’on suspend au plafond des maisons et qui servent de ventilateurs dans toute l’Inde anglaise. C’est une femme ou un jeune Indou qui est généralement chargé de mettre en mouvement la corde, qui est passée dans une poulie.
- 11 paraît, d’après un rapport lu à la Société asiatique de Bengale, que les singes dressés récemment accomplissent parfaitement leur utile besogne. Grâce à leur extrême vivacité, ils n’ont pas de peine à imprimera l’éventail qu’on attache à une de leurs mains, un mouvement continu qui, pendant les grandes chaleurs du jour, répand dans toute la chambre une douce fraîcheur.
- Le commerce du thé en Chine. — L’exportation du thé, en Chine, pendant l’année 1878, a été sensiblement inférieure à celle de l’année précédente ; mais elle est restée supérieure à celle de 1876. À Canton, les achats de thé sont subordonnés, en partie, aux récoltes de Hankéou et de Fou-tchéou, ces derniers districts produisant le thé noir réellement estimé, alors que Canton ne fournit que des qualités noires inférieures et du thé vert, sortes plus spécialement goûtées, à cause même de leur vigueur, par la classe moyenne et les classes ouvrières de l’Angleterre ; une bonne portion est aussi employée à Londres à faire des mélanges demandés par le commerce.
- L’année 1876 ayant été favorable au commerce en général, les exportateurs ont cru pouvoir augmenter leurs envois, en 1877, dans des proportions qui dépassent les limites ordinaires, et, après une exportation qui en 1878 a presque atteint celle de l’année précédente, les envois devinrent d’autant plus dangereux que Fou-tchéou et Han-kéou avaient aussi fait des expéditions importantes, facilement alimentées par des récoltes largement suffisantes. D’un autre côté, la demande en 1877 et 1878 ne s’est pas montrée si favorable au thé de Canton qu’en l’année 1876, et il faut noter aussi que les arrivages en Europe s’effectuèrent dans un moment de crise générale, dont Canton a ressenti le contre-coup par la faillite de trois de ses maisons de commerce.
- La région des parfums. — M. Georges llevoil, qui devait prochainement partir pour le nord-est de l’Afrique, le pays des Somalis, afin d’accomplir la mission scientifique dont l’a chargé le ministre de l’instruction publique, a
- dû s’embarquer le 4 juillet à Marseille, sur l'A nadir, à destination d’Aden. De là il gagnera la côte africaine qui fait face à l’Arabie et explorera l’intérieur du pays des Somalis, qu’il a déjà visité en partie et qu’il nous a dépeint comme « la région des Aromates ». Nous devons ajouter à ce propos, dit VExploration, qu’un voyageur italien, M. Gia-letti, explore en ce mom *nt la partie ouest de cette contrée, habitée par la tribu des Issas, l’une des quatre principales divisions de la race Somalî.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 19 juillet 1880. —Présidence de SI. Becqueukl .
- Hommages aux grands hommes. — Une lettre du maire de Clermont-Ferrand annonce que la capitale de l’Auvergne se dispose à ériger un monument à Biaise Pascal, l’une des gloires les plus pures de la France. Le Conseil municipal de Clermont a choisi le 5 septembre pour l’inauguration de la statue de Pascal, et il espère que l’Académie des sciences s’y fera représenter par une députation. Une invitation est adressée en même temps à l’Académie française et à l’Académie des inscriptions et belles-lettres.
- En même temps, M. Lortet sollicite, pour le Muséum de Lyon, un exemplaire du buste en bronze de Claude Bernard.
- La Sicile et la science. — 11 résulte d’une lettre de M. Tedeschi (de Catane) que les savants siciliens, pleins d’ardeur pour la découverte de la vérité, constatent avec amertume que leurs découvertes restent généralement inconnues. Ils attribuent ce résultat fâcheux au petit nombre de personnes qui, en dehors de la péninsule latine, lisent facilement la langue italienne, et ils en concluent l’obligation pour eux, dont nous ne pouvons qu’être très flattés, d’écrire en français. Joignant immédiatement la pratique au précepte, ils adressent à l’Académie trois notes destinées à nos Comptes rendus. Dans la première, sont donnés avec détails les itinéraires qu’il faut suivre pour faire, en partant de Catane, des excursions fructueuses sur les flancs et presque au sommet de l’Etna. Une seconde communication relate la découverte de tombeaux très antiques, à laquelle a donné lieu un ébou-lement accidentel. Enfin, dans le troisième mémoire, M. Silvestri, professeur à l’Université de Catane, annonce qu’il vient de découvrir le sphène dans les laves vomies par l’Etna en 1873; et c’est la première fois que ce minéral intéressant est signalé dans ce gisement.
- Offre de services. — Un médecin de la marine, qui a précédemment reçu un prix de l’Académie, M. Borius, se met à la disposition de la Commission du futur passage de Vénus. Il voudrait être attaché comme médecin à l’une des expéditions, et se chargerait avec empressement des observations météorologiques.
- Origine du charbon. — C’est à propos de la récente communication de M. Pasteur sur la pustule maligne, que M. Poincarré (de Nancy) relate une très intéressante observation. 11 s’agit d’une épidémie charbonneuse dont a fortement souffert un troupeau de bêtes à cornes qui paissait dans un pré marécageux. L’auteur ayant examiné au microscope l’eau qui baignait constamment les herbages, y trouva en abondance des bactéridies, dont la nature fut I mise absolument hors de doute par le charbon auquel i donna lieu leur inoculation dans les veines d’un cobaye.
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- Il faut rapprocher do ce résultat, si conforme à ceux que nous analysions l’autre jour, les faits communiqués par M. Rouley au nom de M. Chauveau (de Lyon). Cette fois il s’agit de l’immunité acquise par les brebis à l’endroit du charbon, grâce à une sorte de vaccination spéciale, L’auteur constate d’abord que les troubles causés par les inoculations successives de très petites quantités de liquide bactérifère vont en diminuant très vite à chaque opération, jusqu’à ce que l’immunité absolue soit obtenue. Bien plus, le fœtus d’une brebis ainsi vaccinée est spontanément à l’abri de toute affection charbonneuse. M. Chauveau ne pouvait pas confirmer d’une manière plus complète scs opinions antérieurement émises sur les causes de la résistance spéciale des ovidées algériennes.
- Distance apparente de la Lune. — À première vue, la question de savoir à quelle distance nous parait être notre satellite n’est guère sérieuse. Cependant il est cer-
- tain qu’elle s’applique à un sentiment que nous avons tous en dehors d’un raisonnement quelconque, et c’est ce que M. Plateau fait ingénieusement ressortir. La Lune sous-tend un angle mesurable, et d’après son éclat on en conclut instantanément une distance apparente. Pour la mesurer, le savant belge a eu l’idée de recourir aux images accidentelles : quand la rétine est bien impressionnée par le disque lumineux, on porte le regard sur un mur blanc, et l’on y voit se dessiner un cercle noir. On s’éloigne ou l’on se rapproche jusqu’à ce que ce cercle ait le même diamètre apparent que la Lune, et l'on mesure la distance du mur. Le résultat, bien fait pour étonner au premier abord, est de 51 mètres. Mais nous avouons nous associer aux réserves deM. Faye, qui a paru reprocher à ce travail qu’il n’ait pas toute la lucidité désirable.
- Stanislas Meunier.
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- Fig. 1.
- Fig. 1. Section transversale (région moyenne) Je la tige teuillée du Polytrichum commune à TÜ/l grossissement eu diamètre, comparable à la figure donnée par Schimper dans la Bryologia Europçei. — Fig. 2. Section transversale du rhizome du Polytrichum commune, au grossissement de 70/1 en diamètre : ép., épiderme; e. c., enveloppe corticale de cellules larges et vides sur trois à quatre rangs; fc, faisceau central.
- LA STRUCTURE DES MOUSSES
- On s’accorde à regarder la structure dés Mousses comme un des points les mieux connus de l’anatomie végétale. La famille des l’olytrics, les plus élevées des Mousses, a notamment fixé plus d’une fois l’attention des botanistes pour la structure spéciale de ses tiges. Cependant, sur ce point même, les descriptions sont loin d’être concordantes. Bans de toutes récentes recherches, M. l’abbé Hy, professeur à Angers, a fait voir à quoi tiennent les contradictions apparentes. Schimper a décrit seulement la région moyenne de l’axe feuillé (fig. 1) et Sachs, au contraire, n’en a observé que le sommet. Aucun d’eux n’a signalé la remarquable structure des parties souterraines, étudiées par M. l’abbé Hy. Le rhizome y est revêtu d’un épiderme distinct et d’un manchon cortical, analogue pour l’aspect à celui que présente la tige des Sphagnum, le genre de Mousses qui contribue le plus à former nos tourbes actuelles. Ce nouveau caractère du rhizome peut rendre des services pour la détermination des Mousses fossiles. L’apparition de feuilles écailleuses à la base des tiges aériennes caractérise une région spéciale et imparfaitement décrite. Ces appendices, que l’on s’accordait pour regarder comme dépourvus de poils et de véritable
- épiderme dans toute la série des Mousses, présentent ici sur les côtés de la nervure et inférieurement, deux lignes saillantes avec un feutrage de poils abondants, qui forment la continuation évidente de l’épiderme très développé sur l’axe souterrain.
- La multiplicité des faisceaux signalée par Sachs dans le Polytrichum commune n’est pas particulière à cette espèce et se retrouve même dans le type le plus éloigné de la famille, YAtrichum undulatum. Les faisceaux excentriques ne sont pas non plus semblables au faisceau axile, comme le dit le botaniste allemand; plus simples que le faisceau central dans les Polytrics, ils sont au contraire remarquables par leur complication dans YAtrichum. Pour bien faire ressortir l’opposition, on emploie l’absorption spontanée d’une solution de fuchsine par la plante vivante : les éléments épaissis forment le lit principal du courant ascendant et se colorent en rouge intense, les cellules minces au contraire se détachent de tous les tissus voisins parleur blancheur inaltérée.
- Maurice Girard.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissanpier.
- Imprimerie A. Lahurc, rue do Fleuras, 9, à Paris.
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- N* 574. — 51 JUILLET 1880
- LA NATUKE.
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- LES GRANDS PRODUITS CHIMIQUES
- à l’Exposilion universelle de 1878*
- INDUSTRIE DU CHLORE
- Chlore. — La production du chlore pour la fabrication du chlorure de chaux et des chlorates a subi dans ces dernières années d’importants perfectionnements ; ils sont dus principalement à
- MM. Kuhlmann, Dunlop et Weldon ; ils consistent à régénérer le bioxyde de manganèse des résidus de chlore. M. Deacon a également, dans une autre voie, cherché à substituer au peroxyde de manganèse un oxyde métallique, l’oxyde de cuivre, pouvant servir presque indéfiniment.
- De tous ces procédés, le plus important au point de vue pratique est celui de M. Weldon; nous en donnerons une description détaillée.
- Le procédé de M. Kuhlmann, qui, au point de vue
- Appareil Weldon pour la production du chlore. — A, appareil avec agitateur mécanique pour la saturation du chlorure de manganèse par la craie. B, appareil avec agitateur mécanique où se déverse le chlorure de manganèse neutre. G, tour d’oxydation. D, réservoir contenant le lait de chaux. E, réservoir contenant le chlorure de manganèse. F, F, F, réservoirs dans lesquels le dépôt de manganite de chaux se dépose après l’oxydation dans la tour C, et où il est séparé par décantation du chlorure de calcium. G, G, G, appareils en grès octogonaux où l’on décompose par l’acide chlorhydrique le manganite de chaux tombant par les soupapes des réservoirs F, F, F, et où se produit le chlore. Au moyen des robinets K, K, K, on fait écouler le chlorure de manganèse dans les appareils A et B pour la saturation. H, machine à vapeur comprimant l’air dans le réservoir J, et faisant fonctionner la pompe I, laquelle aspire le chlorure de manganèse de B en E. I, l, niveaux permettant de mesurer la quantité de lait de chaux et de chlorure de manganèse à verser dans la tour G. N, N, N, tuyaux eu grès servant de conduite de dégagement au chlore.
- théorique, semble complet, a présenté pratiquement de grandes difficultés, aussi n’a-t-il jusqu’à présent été employé que dans l’usine de cet habile industriel. Il consiste à enlever, au préalable, la silice, les sels de fer et d’alumine dans le chlorure de manganèse brut provenant d’une première attaque du peroxyde de manganèse naturel par l’acide chlorhydrique. A cet effet, on sature le chlorure de manganèse par la craie, de manière à ne précipiter que les sels de fer ; on décante et on transforme le chlorure ainsi purifié en protoxyde de manganèse
- Voy. table des matières du précédent volume.
- 8* anaée. — 2" semestre.
- par un lait de chaux. Le protoxyde de manganèse est lavé de manière à entraîner le chlorure de calcium ; c’est dans l’exécution rapide et économique de ce lavage que réside la véritable difficulté du procédé. Le protoxyde de manganèse lavé est soumis à un courant de bioxyde d’azote et d’air ou simplement de vapeurs nitreuses ; il se forme du nitrate de manganèse, qui, chauffé à 200°, se décompose en peroxyde de manganèse et en composés oxygénés de l’azote (bioxyde et acide hypoazotique), qui sont dirigés sur une nouvelle quantité de protoxyde de manganèse lavé et peuvent, comme on le voit, ser-» I vir presque indéfiniment. Le peroxyde de manga-
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- LA NATURE.
- nèse obtenu est très riche, il titre 83 à 00 pour
- 100.
- Comme le procédé de M. Kuhlmaim, celui de M. Dunlop n’est pas sorti de l’usine de Saint-Rollox, à Glasgow, où il a été trouvé.
- Les résidus de chlore sont saturés, comme dans le procédé précédent, en partie par le carbonate de chaux, pour précipiter la silice, l’alumine et les oxydes de fer. La liqueur décantée est traitée de nouveau par de la craie aussi pure que possible. La masse laiteuse est chauffée sous une pression de 3 à 4 atmosphères avec de la vapeur d’eau, dans de grands cylindres pouvant tourner sur leur axe ou possédant intérieurement des agitateurs mus mécaniquement, de manière à renouveler constamment les surfaces. On obtient ainsi du carbonate de manganèse et du chlorure de calcium, que l’on sépare par décantation et par des lavages méthodiques et réitérés. Lorsque le carbonate de manganèse est égoutté, on le chauffe dans un four divisé en quatre compartiments superposés, dans lesquels circulent de petits wagonnets renfermant le carbonate de manganèse. Dans ce parcours, la matière se dessèche et se décompose de plus en plus au fur et à mesure qu’elle arrive vers la sole, qui est la partie la plus chaude (500° environ). Sur les côtés du four sont ménagés des carneaux munis de registres permettant de régler l’entrée de l’air nécessaire à l’oxydation. 11 a été démontré que le carbonate de manganèse, dans ce procédé, absorbe de plus en plus d’oxygène et perd une quantité d’acide carbonique d’autant plus grande que la température s’élève plus. L’oxyde de manganèse ainsi obtenu titre 67 à 70 pour 100.
- Ce procédé exige des appareils coûteux, beaucoup de combustible et ne donne qu’un produit relativement peu riche ; c’est ce qui fait qu’il n’a pas reçu plus d’application.
- Le procédé Weldon, qui est aujourd’hui presque universellement adopté, consiste encore à se débarrasser au préalable de la silice, de l’alumine et de l’oxyde de fer par le carbonate de chaux, puis à mélanger le chlorure de manganèse avec un lait de chaux, en proportion déterminée, de manière à avoir une liqueur légèrement alcaline (environ 2 molécules d’hydrate de chaux pour 1 molécule de protochlorure de manganèse), puis à insuffler de l’air comprimé chaud (55° environ) dans ce mélange. Il se forme un précipité noir qu’on laisse reposer dans de grands réservoirs^ de manière à pouvoir soutirer facilement, le chlorure de calcium, qui est rejeté (voy. la ligure ci-contre).
- - D’après Weldon, le produit formé constitue un tnanganite de chaux (CaMnO5 ou MnÜ2CaO), corps correspondant à du sesquioxyde de manganèse, dans lequel MnO serait remplacé par CaO.
- La marche de l’appareil est des plus simples. Le chlorure de manganèse clarifié est versé dans la tour d’oxydation, de manière à l’emplir à moitié; on commence à insuffler légèrement de l’air afin
- d’agiter la masse, et l’on fait alors couler le lait de chaux.
- Pour s’assurer de la précipitation totale de l’oxyde de manganèse, on fait une prise d’essai, on filtre et on constate avec du papier de tournesol si la solution est alcaline, en outre on vérifie si avec, une solution concentrée d'hypochloritc de chaux on obtient du bioxyde de manganèse. On lit alors la quantité de chaux employée, puis on laisse couler à nouveau un tiers au plus; ce dernier peut être ajouté en plusieurs fois.
- On augmente alors la soufflerie, et on maintient le dégagement d’air pendant quatre heures environ.
- L’alcalinité de la masse diminue au fur et à mesure de l’oxydation; lorsqu’elle a presque disparu, on fait arriver une nouvelle quantité de chlorure di manganèse, afin de neutraliser complètement toute la masse.
- L’opération est terminée après une heure d’insufflation ; à ce moment une prise d’essai après filtration ne doit pas donner de précipité avec l’hypo-chlorite de chaux. On coule alors tout le contenu de la tour dans des réservoirs de décantation. Après quelques heures de repos, le manganite de chaux s’est déposé, on décante le chlorure de calcium et on fait écouler le précipité de manganite de chaux dans les appareils de grès contenant l’acide chlorhydrique, lequel arrive directement chaud de la tour de condensation.
- Le dégagement de chlore est instantané, le manganite de chaux étant attaqué très facilement ; son écoulement est réglé au moyen de soupapes fonctionnant automatiquement de manière à régulariser l’action.
- Pour achever l’opération, on fait arriver un courant de vapeur d’eau. L’attaque terminée, on coule la solution dans les appareils, on sature par le carbonate de chaux la dissolution de chlorure de manganèse, qui, éclaircie, est pompée dans les réservoirs supérieurs pour être de nouveau employée à subir le même cycle d’opération.
- Dans une lionne marche, l’excès d’acide chlorhydrique employé pour décomposer le manganite de chaux ne doit pas dépasser 1 pour 100 et la perte, de bioxyde de manganèse 3 à 5 pour 100. Enfin la quantité de chlorure de sodium décomposé dans les fours à moufles ne doit pas atteindre plus de 60 quintaux par tonne de chlorure de chaux titrant 35 pour 100 si les appareils de condensation pour l’acide chlorhydrique sont bien installés. Nous ferons encore remarquer que pour une bonne marche, il est nécessaire que le carbonate de chaux, ainsi que la chaux, soient exempts de magnésie, cette dernière ne_ se transformant pas en chlorure ; il s’ensuivrait qu’on aurait à la longue des oxydes de manganèse basiques, renfermant de la magnésie.
- M. Jetzgel prépare un oxyde de manganèse compact et très pur pouvant être employé dans la métallurgie du fer en modifiant le procédé Weldon; le
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- magma de protoxyde de manganèse et de chaux en excès est décanté et pressé, puis chauflè dans un four à 50 ou 40°, jusqu’à ce qu’il soit complètement noir. Le produit est lavé à l’eau jusqu’à disparition complète du chlorure de calcium, puis le résidu est oxydé de nouveau à une température plus élevée. Il se forme ainsi du dimanganite de chaux 2Mn02-f-Ca0. Ce produit peut également être employé à la fabrication du chlore.
- Pour terminer ce rapide exposé des diverses méthodes tentées pour la production du chlore, il nous reste à mentionner le procédé Deacon. L’inventeur, comme nous l’avons déjà dit, s’était proposé de se passer complètement de bioxyde de manganèse et d’obtenir directement le chlore en faisant réagir un mélange d’air et d’acide chlorhydrique chauffé à 400° degrés sur des briques d’argile imprégnées de sulfate de cuivre également chauffées.
- Il se forme du chlore et de l’eau ; cette dernière, ainsi que l’acide chlorhydrique en excès, étaient condensés, et le chlore desséché dans des tours à coke où coulait de haut en bas de l’acide sulfurique concentré.
- Malgré la simplicité de cette réaction, ce procédé n’a pas pu lutter contre le précédent ni rester dans l’industrie. Les principales difficultés consistent à^régler la température, la proportion des gaz, leur vitesse, et surtout à priver l’acide chlorhydrique d’acide sulfurique, ce dernier entravant à la longue complètement la réaction. En outre la présence de l’acide carbonique, l’humidité du chlore, ainsi que sa température élevée, donnant naissance à de l’acide hypochloreux, constituent autant d’obstacles dans la fabrication du chlorure de chaux.
- Chlorure de chaux. — Pour préparer ce corps, le chlore doit être froid et débarrassé complètement d’acide chlorhydrique, d’acide carbonique et la chaux également exempte de carbonate. Le chlore est absorbé dans de grands condensateurs. Ces appareils sont de vastes chambres en plomb, quadran-gulaires, et plus généralement construites avec dos dalles en grès ou des briques préalablement goudronnées et cimentées ensemble par un mortier d’asphalte ou de goudron. Ces chambres sont divisées en plusieurs étages superposés sur lesquels on a étendu une couche de chaux éteinte de 5 à 6 centimètres environ. La combinaison entre le chlore et la chaux se fait rapidement avec dégagement de chaleur. Il se forme dans ce cas du chlorate de chaux ne possédant pas les propriétés décolorantes.
- Pour n’obtenir rien que du chlorure de chaux, il ne faut pas que la température s’élève au-dessus de 25° ; il suffit pour cela que le chlore arrive très lentement. La réaction est terminée quand le chlore n’est plus absorbé ; le courant de chlore est dirigé dans un autre condensateur, et le chlorure de chaux formé est retiré des chambres par les portes correspondant aux étages, puis mis en ton-
- neaux. Enfin on charge à nouveau chaque étage avec une nouvelle quantité de chaux et on recommence la même opération.
- Chlorate de potasse. — La production de ce corps a pris un grand développement, et les prix de revient et de vente ont beaucoup diminué; cela tient plus à l’application du procédé Weldon qu’aux perfectionnements apportés dans cette industrie.
- Les seules modifications un peu importantes consistent dans l’abandon des touries, qui ont été remplacées par une sorte d’appareil en cascades dans lequel le chlore passe en sens inverse du lait de chaux à saturer, qui tombe successivement du premier au dernier étage. Lorsque la solution marque 25° Baume, on y ajoute la quantité correspondante de chlorure de potassium; on concentre jusqu’à 58° Baumé et on laisse refroidir :
- (CIO3)* Ca -+-2KC1 = 2(C105K) -h CaCl.
- Le chlorate de potasse, étant peu soluble à froid, se dépose presque complètement, tandis que le chlorure de calcium reste dans la dissolution. II suffit de décanter, laver le chlorate, puis de le dissoudre dans l’eau chaude et de le laisser cristalliser pour l’avoir pur.
- Dans les deux usines de Salindres et de Cliauny, la production est actuellement d’environ 2400 kilogrammes par jour.
- Ch. Girard.
- — La suite prochainement. —
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- AQUARIUMS ET INSECTARIUMS
- Si la chasse des papillons et des insectes est une occupation très fréquente de la part des naturalistes ou des jeunes amateurs, celle des animaux aquatiques, dont abondent les mares et les amas d’eau stagnante que l’on rencontre presque partout dans les campagnes, est beaucoup moins usitée. Elle n’en offre pas moins d’intérêt et mérite d’être recommandée. Nous l’avons fréquemment pratiquée à la campagne, et nous indiquerons ici les moyens de capturer les animaux aquatiques, et de les conserver dans des aquariums d’une construction très simple et économique. On confectionne un filet que l’on adapte à un cercle de fer solidement emmanché à un manche de bois. Cet engin plongé au fond des mares, au-dessous des lentilles d’eau, est rapidement retiré. Il se trouve tout rempli de vase. Au milieu de cette substance boueuse, on ne manque généralement pas de trouver des hydrophiles, des têtards, des tritons, des gyrins, des notonectes, de curieuses larves de phryganes dans leurs fourreaux, etc., et quelquefois des grenouilles étourdies par la rapidité de la capture. Tous ces animaux sont jetés dans un bocal de verre contenant de l’eau, et ainsi transportés au logis, quand la pêche est ter* minée.
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- LÀ NATUltE.
- Il est facile de construire un aquarium à très peu de frais, au moyen d’une cloche à melon retournée, formant ainsi un récipient transparent de grande capacité. Quatre piquets sont enfoncés dans la terre; on y cloue une planche percée d’un trou circulaire, où la cloche à melon trouve à se poser en équilibre. On dispose quelques gros caillous et des coquillages au fond du vase pour y faire un lit rocailleux, on y verse de l’eau, au milieu de laquelle on fait plonger quelques plantes aquatiques et une touffe de roseaux; puis on jette une poignée de lentilles d’eau à sa surface ; les animaux capturés trouvent de la
- Fig. 1. Aquarium confectionné au moyen d’une cloche à melon.
- Les tritons plus robustes se défendaient mieux, mais quelquefois aussi ils succombaient dans la lutte.
- Le succès de l’aquarium fut si complet que l’un d’entre nous résolut de continuer ce Muséum en miniature et se présenta un jour avec un palais des insectes qui fit presque oublier les têtards et les tritons. C’était une charmante petite cage, ayant la forme d’une maison surmontée d’un toit. Des lîls de fer régulièrement espacés en formaient les parois. Un gros grillon s’y trouvait capturé à côté d’une feuille de salade qui lui servait d’aliment (fig. 2). La petite bète allait et venait dans sa prison, qu’on avait suspendue à une branche d’arbre, et quand on la regardait de près, elle faisait entendre joyeusement le cri-cri de sa scie.
- sorte un asile très confortablel. Je me souviens avoir installé un semblable aquarium, pendant un séjour champêtre dans une charmante campagne, où mes hôtes et moi, nous prenions plaisir à faire de la science en plein air. L’aquarium ainsi installé à l'ombre d’un bel arbre, dans un endroit un peu sauvage et tout couvert de Heurs champêtres (fig. 1), devint un lieu favori de réunion; souvent on prenait plaisir à considérer les ébats de ses habitants. Quelquefois on assistait à des scènes sanglantes ; le vorace hydrophile se saisissait d’un pauvre têtard sans défense, et le déchirait sans pitié pour s’en repaître.
- Fig. 2. Petite cage pour conserver les insectes vivants.
- • On peut construire de la sorte des insectariums déplus grande dimension, pour étudier les insectes vivants; ils offrent un intérêt bien plus considérable que les malheureux cadavres piqués dans une collection. Nous ne saurions trop recommander encore d’élever les larves et les chenilles dans des pots remplis de terre, que l’on a soin de fermer au moyen d’une mousseline ou d’une toile métallique à très petites mailles. Les sujets d’éclosion peuvent donner lieu à de très curieuses observations.
- Notre ménagerie se trouva bien augmentée d’une
- 1 Dans un petit aquarium construit de cette façon, il arrive fréquemment que les animaux s’échappent; pour éviter l’évasion des captifs, on peut fermer le vase au moyen d’un filet.
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- échelle aux grenouilles, autre genre d’aquarium très récréatif. Elle fut confectionnée de la manière suivante. Un grand bocal de verre servit de base à la construction. L’échelle qu’on y établit était faite avec de simples tiges de branches minces, récemment coupées d’un arbre et encore pourvues de leur écorce; elles n’en donnaient au monument qu’un aspect plus pittoresque et plus rustique. Des planchettes de bois habilement ajustées à deux montants, conduisaient les grenouilles vertes (rainettes) à une plate-forme où elles montaient au moyen des marches d’un véritable escalier. De là elles pouvaient
- Fig. 3. Aquarium avec échelle à grenouilles.
- gétaux sur les bords, ou qui est attaché à la partie inférieure des lentilles d’eau. Nous avons souvent capturé ainsi des vorticelles qui, vues au microscope sous un fort grossissement, offrent le plus remarquable spectacle que l’on puisse admirer. Ce sont des animalcules qui ont la forme de tulipes transparentes portées à l’extrémité de longues tiges. Elles forment des grappes qui s'allongent et s’épanouissent pour se contracter tout à coup en une boule. Un moment après, les tiges se rallongent et les tulipes vivantes s’ouvrent encore une fois.
- On peut favoriser très facilement la production des infusoires en construisant un petit aquarium microscopique où l’on dispose un milieu favorable
- prendre leurs ébats et s’élever plus haut encore sur une branche de fusain, verticalement posée vers le centre du bocal (fig. 5). Un fdet à fines mailles empêchait les petits animaux de se sauver. On donnait aux rainettes des mouches pour se nourrir, et parfois, elle les attrapaient avec une adresse re-marquable.
- Les mares et les eaux stagnantes renferment encore tout un monde d’animaux curieux; nous voulons parler des infusoires ou des diatomées, que l’on récolte facilement en allant prendre dans une eau stagnante le mucilage qui adhère aux organes vé-
- Fig. 4. Aquarium pour le développement des infusoires.
- au développement de ces organismes infimes. 11 suffit de mettre quelques feuilles (une branche de persil convient parfaitement)1 dans un petit vase contenant de l’eau (fig. 4). On recouvre le vase d’une cloche de verre et on expose le tout aux rayons du soleil. Deux ou trois jours après, une goutte de cette eau vue au microscope laissera découvrir quelque infusoire. Avec le temps, on verra se succéder les espèces pendant une durée plus ou moins longue.
- X...
- 1 L’infusion de persil a l’avantage de ne pas sensiblement obscurcir le liquide.
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- LES ORAGES
- DES 13, 16 ET 17 JUILLET 1880
- Le 13 juillet, un orage très violent a éclaté dans les environs de Paris et sur plusieurs points de la France.
- « Vers une heure du matin, dit le Journal de Rhodez, la foudre est tombée sur le clocher de l’église de Broquiès, canton de Saint-Rome-de-Tarn. Le carillonneur s’y trouvait alors pour sonner les cloches, en vue d’éloigner l’orage d’après l’imprudent usage maintenu dans nos campagnes : il a été tué par le fluide électrique suivant la corde, qu’il tenait entre ses mains. Quelques voisins ayant entendu tomber les ardoises de la flèche du clocher et le son des cloches s’arrêter subitement, sont allés voir si le carillonneur n’avait éprouvé aucun mal et l’ont trouvé étendu sans vie, la face contre la voûte ; la mort avait été instantanée. ;
- Le même jour, un orage très intense éclatait à Dieppe, où il exerça de véritables dégâts. Le Casino a beaucoup souffert; une grande partie du vitrage du pavillon des fêtes et des galeries a été brisée pas les énormes grêlons (quelques-uns d’entre eux pesaient 70 grammes); la rampe à gaz, avec ses ornements en verres de couleur qui ornaient l’entrée du jardin, a été renversée et brisée.
- Le 16 juillet, un autre orage a éclaté sur différents points de nos côtes de la Manche, notamment dans les environs de Rouen.
- L’orage venant du Nord-Ouest, c’est ce côté qui a souffert. Tous les carreaux du côté où frappait la grêle ont été brisés. Les grêlons, beaucoup plus gros qu’un œuf de poule, ont endommagé les persiennes en bois. Le sol est recouvert de branches et dé feuilles. Plus de cinquante arbres,^ quelques-uns des plus anciens, sont tombés, d’autres sont brisés par le vent k 1 mètre du sol.
- D’après le Journal de Rouen, l’ouragan de samedi soir 17 juillet a été plus violent encore. A Sotteville, le passage d’une trombe terrible a donné suite à une catastro-q»he épouvantable. L’atelier de montage situé dans l’enceinte de la gare de l’Ouest s’est écroulé ; un homme a été tué, enseveli sous les décombres. Cet atelier occupait ‘quatre cents ouvriers, qui heureusement étaient partis dès cinq heures. 11 ne restait plus que cinq hommes occupés à nettoyer des machines, et quatre d’entre eux ont pu s’échapper à temps.
- ^Ces orages affreux ont fait de véritables désastres ; ils rappellent ceux qui ont été produits par l’ouragan du 12 mars 1876.
- LES ORIGINES ET LE DÉVELOPPEMENT
- DE LA VIE
- (Suite, voy. p. 18 et 67.)
- LES BRYOZOAIRES
- Le mot Bryozoaire, imaginé par Ehrenberg, signifie littéralement animaux-mousses. Il sert à désigner de petits êtres que l’on confondrait facilement à première vue avec les Polypes hydraires, qui vivent comme eux en colonies et qui sont, comme eux, pourvus de bras diversement disposés. Les formes de ces colonies sont aussi variées que celles des
- colonies d’Ilydraires. Certaines espèces, connue les Bugules ( fig. 5, n° 1 ), les Scrupocellaria (fig. 5, n° 2), les Crisies (fig. 1, n° 2), les Élec-tresftig. 1, n° 1), forment des colonies arborescentes ; d’autres, comme les Flustres, s’étalent en frondes aplaties semblables à celles des Fucus; quelques-unes s’enroulent en spirales ou forment des espèces de cornets, comme les Carbasea (fig. 3, n° 2) ; d’autres s’étalent en couches encroûtantes qui recouvrent les roches et les algues. Dans certains cas, le polypier est corné ; dans d’autres, il est calcaire, continu ou perforé de trous égaux, régulièrement espacés, comme chez la Carbasea cribriformis, les Adeone et les Rétépores, où le polypier a l’apparence d’une dentelle. Chaque individu habite une petite loge, bien nettement séparée de ses voisins, et qu’il est facile de distinguer à la loupe. Ordinairement dans une même colonie les loges sont extrêmement nombreuses ; mais il peut arriver que les colonies ne se composent au contraire que d’un petit nombre de loges, tel est le cas des Tubuliporës (fig. 2, n° 1), où les loges ont une forme tubulaire et se disposent en rayonnant autour d’un centre. Chez les Pédicellines (fig. 6, n° 1), les individus, presque entièrement isolés, ne sont unis entre eux que par des stolons ; ils deviennent tout à fait solitaires chez les Loxosomes, qui se fixent en général sur la peau d’un certain nombre de vers marins; c'est là un fait entièrement exceptionnel. La plupart des Bryozoaires sont marins ; mais quelques espèces, qui comptent parmi les plus intéressantes, habitent aussi les eaux douces. On les distingue en général à ce que les tentacules de leur panache sont disposés sur deux rangées concentriques en forme de fer à cheval ; la bouche s’ouvre entre les deux rangées de tentacules (fig. 3). Les Paludicelles (fig. 4) et les Fréderieelles, parmi les Bryozoaires d’eau douce, ont seules les tentacules disposés en une couronne circulaire, tandis que c’est le cas général chez les Bryozoaires marins (fig. 5). Presque toutes les colonies de Bryozoaires marins sont fixées au sol; il y a au contraire des colonies de Bryozoaires d’eau douce qui sont libres, à la façon des Pennatules ou des Sipho-nophores, et peuvent se déplacer en rampant. On peut considérer les Lophopus (fig. 3), superbes Bryozoaires enfermés dans une masse gélatineuse parfaitement transparente, comme un acheminement vers ces colonies libres, qui sont complètement réalisées chez les Cristatelles (fig. 4, n° 1). Dans ces dernières, les divers individus ne se confondent pas plus qu’ils ne le font chez les Pennatules ; mais il est remarquable que dans les deux cas, la vie libre a produit un effet analogue ; d’irrégulière qu’elle est chez la plupart des Bryozoaires, la colonie a pris une forme parfaitement régulière ; elle est allongée, elliptique; tous les Polypes sont rassemblés à sa face dorsale, tandis que sa face ven-r ale constitue une large sole à l’aide de laquelle la
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- colonie rampe comme une limace sur les plantes aquatiques et les corps submergés. On dirait un animal qui serait pourvu d’une infinité de bouches et de têtes.
- Des caractères importants établissent une différence bien tranchée entre les Polypes hydraires et les Polypes bryozoaires. Chez les premiers, les tentacules sont très flexibles, très extensibles ; ils ondulent en général de mille façons ; chez les seconds, ils s’épanouissent comme une sorte de panache formé de filaments d’aspect rigide; l’animal meut son panache tout d’une pièce, mais ne rétracte pas ses tentacules isolément. Ceux-ci ne présentent pas trace de nématocystes ; en revanche, ils sont recouverts de cils vibratiles extrêmement actifs, dont les battements déterminent autour du Polype un tourbillon qui envoie à sa bouche les diatomées et autres particules organiques flottant dans le voisinage. Chez l’Hydre, c’est la paroi même du corps qui sert d’estomac; chez les Bryozoaires, au contraire, il existe en tube digestif à parois bien distinctes, flottant dans la cavité générale, recourbé en anse et présentant au-dessous de la couronne de tentacules un orifice pour la sortie des résidus de la digestion. Les muscles divers chargés de faire mouvoir l’animal, les glandes reproductrices, un ganglion nerveux voisin de la bouche et même un appareil excréteur sont contenus, comme chez les animaux supérieurs, dans cette cavité générale. Le Polype bryozoaire est donc un animal relativement très élevé ; mais nous verrons tout à l’heure par quels singuliers phénomènes il se distingue parmi tous les êtres vivants.
- Quand on examine certaines colonies de Bryozoaires marins, telles que celles des Bugules, avec un peu d’attention, on est vivement frappé de la présence sur les loges d’organes des plus singuliers. On dirait de petites têtes d’oiseau de proie (fig. 5, n° 1), qui ouvrent et ferment constamment leur bec, se meuvent d’une façon bizarre au-devant de la loge et dont les mouvements sont tout à fait indépendants de ceux du Polype. On désigne ces organes sous le nom à'aviculaires. Il est impossible de reconnaître aucun lien direct, en dehors de leurs rapports de position, entre eux et les Polypes; ils peuvent manquer ou exister chez des espèces voisines, et l’on serait fort embarrassé de se rendre compte de leur nature, si l’on ne voyait dans certaines espèces, les Scrupocellaria par exemple (fig. 5, n° 2), le crâne de la tète d’oiseau prendre l’aspect d’une petite loge de Polype, et si l’on n’avait pu établir, dans les diverses espèces, presque tous les passages entre cette sorte de tête d’oiseau et une véritable loge. L’aviculaire n’est donc pas autre chose qu’un Polype bryozoaire avorté; de même que nous avons vu des Polypes hydraires se réduire à une sorte de tentacule, de même nous voyons ici le Polype bryozoaire se réduire à sa loge; la mandibule inférieure du bec de l’aviculaire correspond au petit clapet qui dans la plupart des Bryo-
- zoaires ferme l’orifice des loges ordinaires. Dans les Scrupocellaria, à côté des aviculaires, on voit d’autres organes non moins étranges, les vibracu-laires, formés par une longue tige flexible (fig. 5, n° 2), qui s’insère sur une petite loge semblable à celle qui, dans ce genre, remplace le crâne de l’aviculaire des Bugules. Les vibraculaires ne sont pas autre chose que des aviculaires dont la mandibule inférieure s’est démesurément allongée; ils correspondent aussi à des loges de Polypes.
- Mais si ces assimilations sont exactes, il faut admettre que la loge des Bryozoaires est vivante par elle-même et de plus qu’elle peut vivre indépendamment du Polype qu’elle contient. Quelque étonnant que cela paraisse, une observation un peu prolongée d’une même loge démontre qu’il en est réellement ainsi. Dans son intérieur se succèdent toute une merveilleuse série de phénomènes, étudiés en dernier lieu avec une grande habileté par M. Lucien Joliet. Le Polype qui habite une loge n’a en effet qu’une durée des plus éphémères. Après avoir vécu quelques jours d’une vie active, il se retire au fond de sa loge, présente bientôt tous les signes de la décrépitude et finit par se transformer en un corps brun sphérique relégué dans quelque coin de l’habitation. On pourrait croire que tout est fini. Point du tout. Sur les parois de la loge, on voit bientôt surgir un bourgeon charnu; le bourgeon grandit et se change peu à peu en un nouveau Polype, qui mourra à son tour au bout de quelques jours, pour être remplacé par un autre. Quelle singulière habitation que cette loge, dont les murailles se créent de nouveaux habitants quand les anciens ont disparu! Ne croirait-on pas entendre quelque conte de fées ?
- Si la loge est capable de produire à elle seule un Polype, il faut bien admettre qu’elle est vivante par elle-même ; il faut bien admettre qu’elle est indépendante du Polype, qu’elle peut subsister sans qu’aucun Polype apparaisse jamais à son intérieur, dès lors sa métamorphose en avicu-laire ou en vibraculaire cesse d’être un phénomène incompréhensible.
- Non seulement la loge produit les Polypes, mais c’est elle aussi qui produit les œufs ; de sorte qu’on peut la considérer avant tout comme un individu reproducteur. Le Polype apte à respirer au moyen de ses tentacules, à saisir et à élaborer des matières alimentaires, réunit en lui toutes les fonctions de nutrition et de relation. C’est un individu-nourricier emboîté dans Vindividu-reproducteur. L’indépendance des deux sortes d’individus est encore attestée par ce fait que dans certaines espèces de Bryozoaires d’eau douce, les Alcyonelles, par exemple, deux Polypes se développent normalement dans la même loge. On ne peut, par conséquent, attribuer la loge à aucun d’eux. Les aviculaires et les vibraculaires sont des individus-reproducteurs réduits au rôle d’individus-défenseurs, mais la loge, l’individu-
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- reproducteur peut subir d’autres métamorphoses. Ce sont de tels individus transformés qui constituent les articles de la tige des Crisia, d’autres se modifient de manière à servir d’organes de fixation à la colonie ; d'autres ne sont plus que de simples piquants. Il y a donc chez les Bryozoaires un polymorphisme et une division de travail au moins aussi considérable que chez les Polypes hydraires ; mais, soit en raison de ce fait que les colonies de Bryozoaires sont toujours fixées, sauf celles des Cris-tatelles, soit parce que chaque loge, chaque Polype,
- forme un tout n’ayant aucun lien de nutrition avec ses voisins, ces colonies ne se transforment jamais en individus ; elles demeurent comme celles des Coralliaires à l’état d’association, et il est à remarquer que, dans les deux cas, l’individu constitutif de la colonie résulte d’une longue élaboration, qui semble s’opposer à la fusion de ces individus, fusion qui serait cependant nécessaire pour constituer une individualité d’ordre plus élevé.
- L’embryogénie des Bryozoaires démontre nettement combien adù être laborieuse l’évolution qui a
- Fig. t. — BnYOzoAinEs.— 1. Electra veriicillata.— 2. Crisia reptans, — F. Crisia eburnea avec ovicelle.
- conduit ces animaux à leur forme actuelle. 11 arrive assez souvent que le développement du jeune animal s’accomplit dans la loge même où l’œuf s’est formé. On assiste alors parfois à un spectacle plus surprenant encore que ceux que nous avons déjà décrits. Quand l’œuf est mûr, on voit se développer dans la loge un dernier Polype. Ce Polype est pourvu comme tous les autres d’un appareil musculaire compliqué ; mais il n’arrive jamais lui-même à son parfait développement. Il se rapproche de l’œuf, dont la position s’est elle-même légèrement modifiée, glisse au-dessous de lui et disparaît enfin; toutefois ses muscles demeurent en place, de manière qu’ils s’appliquent main-
- Fig. 2. — Biiyozoaibes.— i. Tubulipora verrucosa. — 2. Car-basea reticulata.
- tenant non plus au Polype, mais à la poche membraneuse dans laquelle l’œuf va se développer. Il suit de là que la jeune larve née de cet œuf pourra être portée à l’entrée de la loge ou être au contraire retirée au fond, exactement comme le serait un Polype, et cela à l’aide de muscles qui ne lui appartiennent pas.
- La larve, au moment de son éclosion, présente les formes les plus variées. A comparer entre elles les diverses larves que nous avons fait figurer pour cet article (fig. 7, n08 2 et 5), on ne soupçonnerait pas qu’elles appartiennent à des animaux très voisins. M. Jules Barrois a eu récemment le mérite de montrer que toutes les larves traversent un certain nom-
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- Fig. 5. — Bryozoaires. — 1. Bugula avicularia. — 2. Scrupo- Fi 6 _ Bryozoaires. — Pedicellina tchmata.
- cellaria scruposa.
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- bre de formes communes, sont toutes à un certain moment divisées en deux moitiés par une couronne de grosses cellules ciliées (fig. 7). Les différences que l’on observe entre elles tiennent surtout aux changements de proportion qu'-éprouvent la couronne et les parties qu’elles séparent, changements qui peuvent aller jusqu’à la production de larves qui rappellent par leur forme de petits mollusques bivalves. Ces larves possèdent toutes une ventouse à l’aide de laquelle elles ne tardent pas à se fixer.
- Fig. 7. — Larves de Bryozoaires. — 1. Jeune larve de Btigula flabellata, avant l’éclosion. — 2. La même nageant librement.
- — 3. Très jeune larve (trochosphère) d’Alcyonidium Mytili.
- — 4. La même plus âgée. — 5- Larve libre de ilembranipora nitula. — 6. Larve de Flustrella hispida. — 7. Larve libre (cvphonautes) de Membrnnipora pilosa.
- Leur forme si variée, si éloignée de celle des Bryozoaires adultes, ne tarde pas à se modifier, et après une série de transformations intérieures encore peu connues, on les voit se métamorphoser en une loge dans laquelle apparaît bientôt un Polype. On peut déjà considérer les larves comme résultant de l’union d’un Polype et d’une loge.
- On a considéré les Bryozoaires tantôt comme voisins des Vers, tantôt comme voisins des Mollusques ; on les a surtout rapprochés d’autres animaux non moins remarquables, les Tuniciers, qu’un assez grand nombre de naturalistes croient être les ancêtres des Vertébrés, et qui seraient par conséquent
- quelque peu nos parents. Nous verrons bientôt que si l’histoire des Tuniciers, offre à l’observateur des faits aussi inattendus et aussi intéressants que celle des Bryozoaires, les ressemblances qu’on a cru voir entre ces êtres sont beaucoup plus apparentes que réelles. Les Tuniciers vont d’ailleurs nous montrer des effets de la vie sociale bien autrement importants que ceux dont l’histoire des Bryozoaires nous a permis de faire l’étude.
- Edmond Perrier,
- Professeur-administrateur au Muséum
- d’histoire naturelle.
- — La suite prochainement. —
- 13e CONGRÈS DES ALPINISTES ITALIENS
- La section catanaise du Club alpin italien a publié le programme pour le treizième congrès des alpinistes italiens, lequel aura lieu à Catane du 16 au 20 septembre prochain. Après deux séances dans la grande salle de l’Université, où le professeur Silvestri lira un discours sur l’importance des derniers phénomènes volcaniques do l’Etna, les alpinistes partiront pour faire l’ascension de ce volcan. Ils visiteront le bassin des cratères vaseux qui sont au pied de la montagne, le théâtre de la dernière éruption et le Piano del lago, au fond duquel on trouve le nouvel observatoire de l’Etna, et la Casa Etnea, où ils passeront la nuit. Le lendemain ils feront l’ascension du sommet pour jouir du spectacle grandiose du lever du soleil ; puis ils descendront par le côté oriental de la montagne pour visiter la fameuse vallée del Bove, ravin gigantesque qui montre pour ainsi dire à nu l’anatomie du volcan.
- La vallée del Bove est, au point de vue géologique, un des endroits les plus intéressants de la terre. C’est une immense crevasse due à un affaissement du flanc oriental de la montagne et qui a 20 kilomètres de tour sur 1200 mètres de profondeur. Elle est entourée par des rochers élevés ; ses parois laissent voir de nombreuses couches de lave disposées horizontalement les unes au-dessus des autres et entremêlées par des bancs de matières terreuses et de scories.
- Ces couches présentent des différences remarquables dans la constitution chimique et dans la couleur ; il y en a d ; jaunes, de grises, de rouges et de violettes. 11 y en a aussi qui sont mêlées à de gros cristaux ; et lorsqu’on examine ces laves de près, on s’aperçoit qu’elles sont toutes traversées par de nombreux filons de laves relativement moins anciens et dont on peut expliquer facilement l’origine. On sait en effet que lorsqu’un des flancs de la montagne s’ouvre pour donner passage à la matière incandescente, il en résulte des fentes plus ou moins considérables, autour desquelles se forment d’autres fentes plus étroites, qui se prolongent en se rétrécissant à des distances plus ou moins grandes ; la lave liquide pénètre ainsi dans la plupart des fentes secondaires, les remplit et les soude en durcissant. Ainsi en examinant les couches et les filons de lave de • la vallée del Bove, on peut construire une chronologie très étendue d’anciennes éruptions de l’Etna.
- La vallée del Bove a été de tout temps visitée attentivement parles savants les plus illustres. Élie de Beaumont,
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- Lyell, Gemellaro et Waltershausen en ont fait l’objet de profondes études.
- En même temps que le Congrès des alpinistes italiens, aura lieu l’inauguration du grand observatoire astronomique Bellini et de l’observatoire astronomique et volca-nologique de l’Etna. Il y aura une fête scientifique à la Casa Etnea (près du cratère de l’Etna, à 2942 mètres au-dessus du niveau de la mer), où on peut monter aisément sur des mulets. Les autorités du gouvernement de la province et de la municipalité catanaise feront les honneurs de la Casa Etnea.
- La section catanaise dn Club alpin italien enverra des invitations à tous les Clubs alpins étrangers.
- V. Tedeschi di Ercole.
- SUR LÀ FONCTION ÉLECTRIQUE
- 1)E LA TORPILLE
- COMPARÉE A LA FONCTION MUSCULAIRE (Suite et tin. — Voy. p. 87.)
- La figure 1 fait facilement comprendre le fonctionnement du myographe ordinaire, qui a servi dans les nouvelles recherches de M. Marey.
- En envoyant au muscle l’excitation induite obtenue en rompant le courant d’une pile à l’aide d’une goupille plantée dans le fond du cylindre enregistreur, on obtient la courbe S' (fig. 2), dont le début présente le retard ëë sur l’instant e de l’excitation ; d’autre part, en irritant le muscle par l’intermédiaire de la décharge de la torpille, provoquée elle-même par une excitation survenant au même instant eë, on a la courbe S, qui retarde sur la courbe S' d’un temps presque identique au temps ëë. D’où cette conclusion que l'appareil électrique de la torpille présente une période d'excitation latente sensiblement égale à celle que présente un muscle de grenouille.
- b. Durée de la décharge de la torpille. — Quand on provoque par l’excitation simple que fournit la rupture d’un courant de pilej une décharge très faible de la torpille (tlux électrique), on se place dans les mêmes conditions que quand on détermine avec la même excitation simple le raccourcissement d’un muscle. 11 s’agissait de savoir si les actes électrique et musculaire provoqués de la même façon présentaient quelque rapport de durée. M. Marey est arrivé à la solution de cette question en recueillant la décharge de la torpille à des instants successifs, très rapprochés, et en envoyant cette décharge dans un muscle de grenouille servant de signal inscripteur. Il a donc procédé comme Guil-lemin l’avait fait pour déterminer la durée des courants induits, et comme l’a fait plus tard Bernstein en Allemagne pour déterminer la durée de la variation négative des nerfs et des muscles. M. Marey a vu qu’aussitôt après l’excitation de l’appareil électrique, le muscle de la grenouille ne réagit pas encore, ce qui s’explique puisque nous savons que la
- décharge présente un retard notable sur l’excitation (1/P>0 de seconde). Le muscle de grenouille ne peut évidemment réagir que quand le temps perdu de l’appareil électrique et son propre temps perdu sont écoulés, de sorte que quand on voit apparaître la première secousse musculaire, on doit se dire que la décharge de la torpille avait débuté 1/80 de seconde auparavant. Cette décharge simple, explorée à différents instants de sa durée, continue à provoquer des secousses musculaires pendant 1/14 de seconde environ. Or, cette durée est sensiblement égale à celle d’une secousse musculaire simple provoquée par une excitation induite unique.
- Il y avait lieu de supposer que le parallèle entre la décharge simple et la secousse musculaire se poursuit dans le détail, que, par exemple, comme la secousse musculaire, la décharge présente une phase d’augmentation et une décroissance graduelle d’intensité pour finir par s’éteindre complètement. Mais à l’époque où M. Marey fit la détermination de la durée d’une décharge simple, il n’avait pas à sa disposition le moyen d’en déterminer rigoureusement les phases ; c’est plus tard seulement qu’il a pu, en modifiant le signal électro-magnétique de M. Deprez, obtenir la confirmation de l’hypothèse émise par lui en 1871, à savoir que la décharge présente peut-être des phases d’intensité variable comme celle de la force museukére.
- Dans ses dernières recherches (1876), M. Marey a réussi à inscrire directement les actes électriques de la torpille avec le signal électro-magnétique de Deprez, qui a été décrit dans ce journal, et dont nous reproduisons ici la figure (fig. 3).
- L’armature de fer qui porte le style inscripteur oscille entre deux points fixes qu’elle ne saurait dépasser (voy. A, fig. 4). Au moment de l’attraction magnétique produite par le. passage d’un courant, l’armature p vient se coller sur les électro-aimants et y reste appliquée tant que le courant passe; d’autre part, quand l’aimantation cesse, l’armature est entraînée par la traction d’un ressort antagoniste et vient buter contre la pointe d’une vis de réglage. Limitée par ces deux obstacles, la course du style est donc ‘toujours la même, quelle que soit l’intensité du courant qui agit sur l’appareil. Or, si les* courants qui traversent les bobines naissent et finissent d’une manière graduelle, on n’obtient qu’une indication fausse de leur durée réelle. Pendant leur période d’augmentation, ces courants sont d’abord incapables d’actionner l’appareil; ils n’acquièrent que peu à peu l’intensité nécessaire, d’où le retard du signal sur le début du flux électrique. Pendant leur période de déclin, ces courants à llux variables deviennent bientôt incapables de lutter contre la traction du ressort, de sorte qu’on voit la chute du tracé se produire, bien que le courant persiste encore; il y a anticipation du signal de rupture sur le moment où le courant finit réellement.
- Pour obvier à cet inconvénient, M. Marey a interr
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- posé entre l’armature et le fer doux un corps compressible, à résistance rapidement croissante. Un fil de caoutchouc réfléchi sur deux chevalets latéraux s’étend horizontalement entre les fers doux et l’armature (B, fig. 4). Les fers doux ont été limés de manière à présenter à leur sommet une gouttière dans laquelle s’engagent deux demi-cylindres de métal soudés à la partie inférieure de l’armature p.
- De cette façon le rapprochement des pièces soumises à l'action magnétique é -prouvera des obstacles de plus en plus grands à mesure que les surfaces s’ap-procheront davantage l’une de l’autre.
- M o d i fi é de cette manière, le signal électro - magnétique de M. Dep rez devient un électro-dynamographe capable de renseigner sur les phases d’un courant et d’indiquer avec certitude le début et la fin de ce courant.
- En appliquant cet appareil à la recherche du point qui nous occupe, M. Ma-rev a pu obtenir la preuve qu’en effet un flux électrique provoqué par une seule excitation induite présente, comme une secousse musculaire simple, une phase d’augment et une phase graduellement décroissante.
- On était donc fixé sur l’analogie qui existe entre l’acte musculaire élémentaire, la secousse, et l’acte électrique le plus simple qu’on pût provoquer; chacun de ces actes présente sur l’instant de l’excitation qui le détermine un retard appréciable et sensiblement égal de part et d’autre ; la durée d’un flux électrique est comparable à celle d’une secousse musculaire ; comme la secousse, le flux de la torpille présente une phase d’augment
- et une phase d’intensité graduellement décroissante.
- 11 s’agissait de poursuivre le parallèle de ces deux fonctions électrique et musculaire en abordant la comparaison des actes complexes que produit spontanément l’animal quand il exécute un mouvement volontaire et quand il donne une décharge complète.
- Le premier point à décider était le suivant : la décharge de la torpille se compose-t-el -le, comme la contraction d’un muscle, d’une succession d’actes élémentaires? Est-elle formée d’une série de flux comme la contraction est formée d’une série de secousses?
- L’applica -tion du signal électro - ma -gnétique de M. Deprez devait trancher la question. Au mois d’octobre 1876, M. Marey lit à Naples l’expérience suivante : une torpille vigoureuse fut retirée de l’eau, et l’un des appareils électriques
- étant saisi entre deux palettes métalliques, l’une en rapport avec la face ventrale, l’autre appliquée sur la face dorsale de l’appareil, on intercala dans le circuit le signal électro-magnétique. J’assistais à cette expérience et je me rappelle avec quelle impatience M. Marey en attendait le résultat et quelle fut sa satisfaction quand, en irritant l’animal, il entendit le bruit strident du signal traversé par la décharge. La complexité de la décharge était démontrée par le bruit qu’on venait d’entendre ; la preuve écrite en fut immédiatement donnée par le tracé obtenu en appliquant le style sur le cylindre enregistreur : on vit ainsi s’inscrire les flux successifs qui constituent la décharge.
- Fig. 1. Myographe préparé pour l’inscription des mouvements quand on excite le neri qui se rend au muscle lixé au levier enregistreur (Marev, la Méthode graphique, etc ).
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- graphe.
- Plus récemment, M. G. Pouchet, à la demande de M. Marey, soumit quelques torpilles à l’épreuve du téléphone et put entendre aussi le son résultant de la dissociation des flux de la décharge.
- Dans la suite de ses recherches ,
- M. Marey, substituant l’électro-dy-namographe au signal électro-mà-gnétique, put s’assurer que ces flux
- successifs vont en décroissant d’intensité du début à la fin de la décharge, et finissent quelquefois par se fusionner en augmentant de fréquence, absolument comme les secousses musculaires rapides se fusionnent en un tétanos parfait.
- Ce fait important a été étudié avec plus de précision avec l’électromètre de Lippman. Comme on le sait, cet appareil1 jouit d’une très grande mobilité, de sorte que soumis à des courants qui changent rapidement de sens, il permet, d’après les mouvements de la colonne de mercure, de constater le sens et l’intensité relative de ces courants alternatifs. Si on envoie dans lelectromè-tre une faible dérivation de la décharge de la torpille, on voit la colonne subir une série d’impulsions successives dont Fig les effets s’ajoutent, de sorte que bientôt elle
- sort de l’instrument. Cette progression par saccades successives annonce un accroissement saccadé de l’intensité de [la décharge, accroissement dans lequel chaque nouveau flux s’ajoute à l’effet restant de ceux qui l’on précédé.
- Quand on n’a dérivé de la décharge qu’une partie assez faible, de l’instrument;
- Fig. 5. Signal électro-magnétique de Marcel Deprcz.
- minant les schémas A et R (lîg. 5), dans l’un desquels (A) la colonne de l’électromètre est au repos; dans le schéma R, on voit cette colonne déviée en permanence vers la droite, et l’aspect [un peu *flou
- qu’elle présente à droite du réticule est dû aux vibrations sur place qu’elle exécute.
- Ainsi, l’emploi de l’électromètre de Lippmann nous montre que les flux électriques de la torpille s’ajoutent partiellement les uns aux autres, de même
- que les secousses musculaires d’un muscle tétanisé.
- Les ressemblances que nous avons rappelées entre les actes électriques et les actes musculaires, ne sont pas les
- Fig. 4. A schéma de la disposition ordinaire du signal éleclro- seules j études de
- magnétique de M. Deprez. B, schéma de la modification que lui t-
- a fait subir M. Marey pour le transformer en électro-dynamo- M. Marey aient mises en
- mm
- LJ LJ
- A, colonne de l’électromètre de Lippmann au repos. B, colonne dévice vers la droite.
- Fig. B. Amplitude décroissante des flux électriques sous l’influence de la fatigue
- la colonne ne sort pas du champ on voit la progression saccadée s’arrêter et les vibrations se faire sur place. On peut se rendre compte de ces phénomènes en exa-
- 1 Voir la Nature, 1874, 1er semestre, p. 150.
- évidence. 11 en est d’autres sur lesquelles nous insisterons en terminant et qui sont tirées des effets que produisent sur la fonction électrique et
- sur la fonction musculaire un certain nombre d’agents modificateurs.
- 1° Aciion de la température. — Les expériences de Matteucci, de Colladon, de Moreau, ont montré que le froid supprime les décharges de lu torpille, tandis que l’élévation exagérée de la température (au delà de 45°) supprime la fonction électrique. M. Marey a vérifié ces résultats, et, comparant les effets des mêmes variations
- de température sur les muscles, il a vu que ces derniers subissent les mêmes effets que l’appareil électrique. 11 a aussi noté un fait fort intéressant dans cette série de recherches : c’est l’influence remarquable des variations de la température sur la fréquence des flux ues. En recueillant les tracés des dé-on constate un accroissement continu de la fréquence des flux à mesure que la température s’élève, jusqu’à ce qu’on atteigne le
- charges,
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- degré auquel la fonction électrique est supprimée.
- 2° Influence de la fatigue. — La fatigue qui suit un travail musculaire prolongé s’observe aussi dans la fonction électrique. Tous les auteurs ont signalé ce fait qü’une torpille qu’on excite donne des décharges de moins en moins fortes, c’est-à-dire produisant sur le sujet qui les reçoit des sensations de moins en moins douloureuses. On a noté aussi que le repos de la torpille lui rend l’aptitude à donner des décharges électriques intenses. Mais la myographie a montré que la fatigue se traduit par des modifications spéciales de la secousse musculaire, celle-ci devenant de moins en moins ample à mesure que le muscle est plus fatigué. En appliquant à l’étude de la décharge de la torpille Yélec-tro-dynamographe, M. Marey a montré que dans les longues décharges de la torpille la fatigue se traduit par une décroissance de l’amplitude des tracés. Dans la figure ci-contre (fig. 6), qui reproduit une partie des courbes données par M. Marey, on voit que les premiers flux de la décharge (ligne A, fig. 6) sont presque vingt fois plus amples que les derniers. Or, au delà du ino-ment où les flux ont la force d’actionner l’appareil, ils se prolongent longtemps encore, deviennent assez faibles pour qu’on ne puisse plus les sentir que sur la langue, et enfin ne sont plus révélés que par les réactifs les plus sensibles de l’électricité. Le repos rend aux flux de la torpille une amplitude plus grande. Ainsi,' au point de vue de l’intensité des flux exprimés par l’amplitude des signaux qu’ils produisent, on peut dire que la fatigue se traduit dans l’appareil de la torpille de la même façon que dans les muscles.
- 2° Influence des poisons. ^— La strychnine donne naissance à une décharge qui souvent présente au milieu de sa durée une diminution d’intensité ou même une interruption. Ce même caractère s’observe dans les tracés d’un tétanos musculaire produit par ce poison.
- Le curare, contrairement à ce qu’avait pensé Matteucci, agit, comme l’a montré A. Moreau, sur les nerfs électriques absolument comme sur les nerfs moteurs musculaires.
- Ce poison paralysant suspend les mouvements volontaires bien avant la faculté de produire des décharges, tout comme il supprime le mouvement des muscles de la vie de relation avant d’atteindre les nerfs du cœur, par exemple.
- L’action de la vératrine sur le muscle consiste, ainsi que l’a constaté M. Marey, en un redoublement de la courbe des secousses; la nouvelle ascension de la courbe qui s’observe alors est très prolongée et ressemble parfois par sa durée à un tétanos, mais elle a sa cause exclusivement dans le muscle, car elle persiste après qu’on a coupé les nerfs. Un pareil redoublement du flux s’observe-t-il? M. Marey serait porté à le croire d’après certains tracés que lui ont fourni des torpilles empoisonnées
- par la vératrine, mais le signal électro-magnétique est trop sujet à fournir spontanément des vibrations pour qu'on puisse avoir une confiance absolue dans ces tracés.
- La comparaison poursuivie parM. Marey entre la fonction électrique et la fonction musculaire se soutient donc dans les détails. Les agents qui modifient la fonction des muscles agissent de la meme façon sur la fonction des appareils électriques; les décharges sont, comme les contractions musculaires, constituées par une série d’actes élémentaires qui se succèdent plus ou moins rapidement; le flux électrique, acte simple de la décharge, présente, comme la secousse, acte simple de la contraction, un retard sur l’instant de l’excitation qui l’a provoqué ; il offre une durée voisine de celle de la secousse musculaire, et comme elle, présente une phase d’augment et de décroissance graduelle.
- Ces deux fonctions, si dissemblables quand on les considère superficiellement, se rapprochent singulièrement l’une de l’autre quand on les étudie parallèlement en les soumettant à une analyse rigoureuse. Comparer l’électricité au travail mécanique eût semblé autrefois un non-sens, mais un tel rapprochement n'a rien que de très naturel, aujourd’hui que Vunité de la force sous ses manifestations diverses est admise par les physiciens comme par les physiologistes.
- Dr François Franck.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 26 juillet 1880. — Présidence de M. Becquerel.
- Production de l’ozone.— Il résulte d’expériences dont MM. Hautefeuille et Chapuis communiquent aujourd’hui les résultats à l'Académie, que la production de l’ozone est fortement influencée par la température et par la pression. On la diminue très vite en augmentant la température ou en diminuant la pression. En représentant par 0,21 la quantité d’ozone produite à — 23°, on trouve qu’elle est 0,15 à 0", 0,10 à +20°, et 0 à -4- 100°.
- Pour la pression, les résultats sont tout à fait analogues.
- La conclusion évidente est qu’en opérant avec la collaboration d’un très grand froid et d’une très forte pression, on obtiendra, dans les liqueurs, une proportion d’ozone inconnue jusqu’ici. C’est ce que les auteurs ne manqueront pas de vérifier expérimentalement.
- Photographie solaire. — Ayant réussi à fabriquer, des lentilles absolumènt achromatiques, à ce qu’il assure, M. Zincker s’en est servi pour réaliser la photographie du soleil. Ses épreuves, obtenues sur collodion chlorophylle, passent sous les yeux de l’Académie, mais elles restent trop loin de nous pour que nous en puissions apprécier les qualités.
- Médaille commémorative. — M. de Ouatrefages fait à l’Académie une proposition à laquelle tous les naturalistes applaudiront : M. Milne-Edwards, dit-il à peu près, en terminant tout récemment la publication de son Traité de physiologie de T homme et des animaux, a mis la dernière main à un véritable monument scientifique qu’on
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- eut pu croire au-dessus des forces d’un seul auteur de mener à bonne fin. Pour témoigner la satisfaction que ce résultat leur fait éprouver, un grand nombre de savants se sont constitués en comité, dont le but est de frapper une médaille à l'effigie du célèbre physiologiste. Si le Muséum d’histoire naturelle et la Faculté des sciences en ont pris l’initiative, il est naturel que l’Académie en prenne une part considérable, et M. de Quatrefages voudrait qu’un registre de souscription fut ouvert au secrétariat de l’Institut. Inutile de dire avec quel empressement cette proposition est accueillie.
- Explosions sponlanées. — Dans le cours de ses expériences de thermochimie, M. Berthelot a constaté à deux reprises l’explosion de mélanges d’oxygène et de carbures d’hydrogène placés dans des flacons de verre en dehors de toute cause apparente d’inflammation. 11 attribue cet effet inattendu à l’état de siccité parfaite du mélange gazeux et du mercure au-dessus duquel ils étaient placés; Dans ces conditions, pense-t-il, de l’électricité a dû se développer, qui a pu provoquer l’explosion.
- Un nouveau chlorure d'hydrogène. — Le même expérimentateur pense que le liquide brun qui se produit au commencement de l’opération classique où le bioxyde de manganèse exti'ait le chlore de l’acide chlorhydrique contient un perchlorure d’hydrogène jusqu’ici non signalé. Cette liqueur consisterait en un chlorhydrate chloruré de manganèse, facilement dissociable par la chaleur. La nouvelle matière n’a pas encore été isolée, et c’est par des considérations de thermochimie qu’on est amené à affirmer son existence.
- Le canal interocéanique. — On sait que sur la proposition de M. de Lesseps, toutes les pièces relatives au futur canal de jonction entre l’Atlantique et le Pacifique ont été examinées par une Commission de l’Académie. Par l’organe de M. delàGournerie, cette Commission présente aujourd’hui son rapport. Celui-ci, qui est extrêmement volumineux, débute par un historique complet de la question. On y rappelle le travail exécuté dès 1843 par M. Garella, ingénieur des mines, qui proposait de joindre la baie de Limon à la baie de Panama par un canal à écluses. Pendant les années suivantes, les Américains firent dans la même région des études très approfondies, qui conduisirent à la construction du chemin de fer, et successivement une série nombreuse de projets furent émis au sujet de la jonction des deux océans. C’est à la suite de ces travaux, vers 1853, qu’une Société d’études se constitua, sous la présidence de M. Thur. Cette Société donna lieu à la mémorable expédition de 1876, où MM.Wise et Reclus élucidèrent tant de points importants du problème. Leurs conclusions furent soumises à un Congrès international, qui, grâce à l’impulsion de notre Société de Géographie, eut lieu à Paris en 1879. Ce Congrès, qui étudia la question sous toutes ses faces, décida qu’il fallait donner la préférence aux projets de canal sans écluses, malgré les frais plus grands d’établissement, à cause des avantages incontestables pour la navigation. M. de Lesseps fut chargé de diriger les opérations, et l’on se rappelle le voyage qu’il fit à cette occasion. Dès lors le plan du travail fut arrêté dans tous ses détails, et la Commission de l’Académie ne fait que sanctionner les conclusions de l’ingénieur français. Le canal partira donc de la baie de Limon sur l’Atlantique, et se dirigeant du N. N. 0. au S. S. E., empruntera la vallée du Chagres jusqu’au point de partage des eaux ; il suivra alors le thahveg du rio Grande et abou-
- tira au Pacifique auprès de Panama. Sa longueur sera de 73 kilomètres, sa largeur de 22 mètres et sa profondeur de 8m,50. Les fonds nécessaires à l’entreprise sont souscrits ; on se met actuellement à l’œuvre, et tout fait prévoir que cette nouvelle merveille du génie industriel : les deux Amériques séparées, sera bientôt un fait accompli.
- Stanislas Meunier.
- MÉTÉOROLOGIE DE JUIN 1880
- Première décade. — Pendant les premiers jours, les fortes pressions barométriques sont concentrées dans les régions nord ; le 3, elles s’étendent au large à l’ouest des côtes européennes, puis gagnent, à partir du 7, le bassin méditerranéen. Au contraire, des pressions relativement basses se montrent d’abord vers la France, se propagent ensuite vers les Pays-Bas, la Norvège, et se localisent enfin dans le nord de l’Europe. Elles sont dues principalement à la présence d’un cyclone orageux, formé dans la nuit du 51 mai vers Rochefort, limité sur la carte du 1er juin par la courbe 760, et dont le centre est à cette date dans les environs de Toulouse. Ce cyclone se propage vers le Nord-Est, son centre est le 2 vers Orléans, le 5 vers Cassel, et le 4 vers Copenhague. La dépression s’est creusée de plus en plus, étant d’abord de cinquième, puis de quatrième ordre. A la rencontre des Alpes Scandinaves, elle se partage en deux : une partie séjourne sur la mer du Nord jusqu’au 10 et l’autre gagne la Baltique et la Finlande. Cette bifurcation est bien visible sur la carte du 5. — Sous ces influences, la température est généralement basse à Paris; elle passe par un minimum de 5° le 5. Les pluies sont considérables sur toute la France, et les orages y sont nombreux, principalement les derniers jours.
- Deuxième décade.— Les fortes pressions se montrent au Nord-Est le 15, au Nord et à l’Ouest les 15, 16 et 17, enfin vers l’Ouest les 18 et 19. Une seconde dépression orageuse passe le 11 sur la France et le 12 en Allemagne, ll’autres lui succèdent, elles sont visibles principalement sur les cartes du 19 et du 20. Les orages sont encore nombreux et les pluies importantes en France.
- Troisième décade. — Les fortes pressions apparaissent au Sud-Ouest du 23 au 26, en Gascogne le 27, en France le 28, enfin à l’ouest de l’Espagne le 29. Le 28, un anticyclone bien caractérisé est indiqué sur la carte par la courbe de 770 millimètres. Les basses pressions se montrent au nord-ouest et au nord de l’Europe pendant tout ce temps. La température à Paris est peu élevée jusqu’au 27; elle devient le reste du mois supérieure à la normale, et le maximum a lieu le 50 à Paris. Il est de 29°,5 à l’observatoire de Saint-Maur. Les pluies sont fortes et les orages nombreux.
- En résumé, pendant ce mois, la pression barométrique moyenne est sensiblement de 760 millimètres. D’après M» Renou, la moyenne des minima
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- est de 10°,7 et celle des maxima de 21°,4. L’ensemble des observations de température donne une moyenne de 15°,46, inférieure de 0°,6 à la normale des environs de Paris. Il est tombé 56 millim. d’eau.
- A Bordeaux, M. Rayet a constaté, à l’observatoire de Floirac, les moyennes suivantes : 9°,5 pour les minima de température, ‘22°,a pour les maxima, et il a recueilli 141 millimètres d’eau. La tempéra-
- CARTES QUOTIDIENNES DU TEMPS EN JUIN 1880 D’après le Bureau central météorologique de France (Réduction 1/8).
- -- - - 5 T».-—£<1/7 W3ém^y lv y J§l§Sÿ h*/- T& =7 7eo*tip A- J ~-^)760 f\ \ i§o T\ S l J V ~ 7—-Zi
- 1 **/ >
- Mardi 1 Mercredi 2 Jeudi 3 Vendrôdi 4- Samedi S
- - (7 À ^^,Çw-*'/ \ 7 TiîtSP «4 CyHKlr^js. ^tb -^7
- Dimanche 6 Lundi 7 Mardi 8. Mercredi 9 Jeudi 10
- |j|lf ~ -jfPZgba l5S^ \ \ VJ* aj§
- Vendredi 11 Samedi 12 Dimanche 13 Lundi 14 Mardi 15
- Y tjp ... y rt&ijFkS \ *y7 : : r-7^ -if-rc,v*^B v?x > JÊL rOjk /ar^^^y^4i 4 \ L 3ls -^BfTTfcr^ > jtfjdM - - — tMjy*^L--de%i>o vL ftVmATyJLs- - 'X —1 ^T» ‘ li^r ^ rn4 *Bc> ^•~*j A iV
- Mercredi 16 Jeudi 17 Vendredi 18 Samed i 19 Dimanche 20
- »|fK5 ^ 7» r-* X \Xfe _= ««^Lcv> 1*aA -Ve H \ æ<t 'iàÊjffï ~Cr ^ 15Z: l&sXÏSï 1^* 3 i is? ' t:J 1 --. W - ..: y3f^T55^~*=V r j^|îpS^§v~
- Lundi 21 Mardi 22 Mercredi 23 Jeudi 24 Vendredi 25
- i- i»' * - ’ iû-' sLho “^7 \ /SP M •-_ /-; A f\ Lûfe 1 wmM «ejîJyr VwZl'T. > Jn#11 ^ ' 1»«/' f æ{%> > ' jr£T Afc.- S / V. \ c-
- Sarriedi 26 Dimanche 21 /-v Lundi 28 Mardi 29 , Mercredi 30
- ture la plus basse, 6°,9, a eu lieu le 6, et la plus élevée, 50°,2, a été observée le 29, la veille du jour où on a constaté un maximum à Paris.
- A Avignon, M. Giraud, directeur de l’Ecole normale, a signalé aussi un minimum de 9°,4 le 6 et un maximum de 52°,4 le 29. Il a recueilli 125 mil-
- limètres d'eau, nombre supérieur de 40 millimètres environ à la moyenne depuis 1875. E. Fron.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, rue de Fleurie, 9, à Paris.
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- N° 375. — 7 AOUT 1880.
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- RÉGIME DES PLUIES EN FRANCE
- PENDANT L’ANNÉE 1878
- Si les tableaux numériques des observations de la pluie sont indispensables pour des recherches spéciales, soit au point de vue hydrographique, soit au point de vue agricole, ces documents sont généralement difficiles à consulter; en tout cas, ils ne
- permettent pas, aussi facilement que leur représentation graphique, de saisir d’un coup d’œil les phénomènes dont ils sont l’expression, et leur examen devient d’autant plus pénible que les observations sont plus nombreuses. Après avoir réuni puis résumé, dans les Annales du Bureau central météorologique de France, les observations de plus de mille stations disséminées à la surface de la France, nous avons construit, pour chaque saison et pour l’année, des cartes de la distribution des pluies
- PLUIE TOTALE
- pendant
- I/ANNÉE 1878.
- Légende des pluies
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- L. S oxuaet.se.
- Carte des pluies en France pendant l’année 1878.
- pendant l’année 1878. Ces cartes sont les plus complètes qui aient été dressées jusqu’ici, et si, en raison de l’irrégularité du phénomène, elles ne comportent pas encore une exactitude rigoureuse, elles montrent du moins nettement les relations qui existent entre l’épaisseur de la tranche d’eau tombée et les causes qui favorisent les chutes de pluie, et dont les principales sont : le voisinage de la mer, la situation par rapport aux vents pluvieux, et surtout l’altitude.
- Malgré la sécheresse des mois de février et de septembre, on est conduit à ranger l’année 1878 parmi les années humides ; les pluies sont généra-8e année. — semestre.
- lement en excès, sauf sur le littoral de la Méditer-lanée et en quelques points de la vallée de la Saône. La carte ci-jointe est la représentation des hauteurs totales de pluie recueillies pendant l’année entière; on y retrouve la trace des diverses influences mises en relief par les cartes trimestrielles.
- La pluie croît avec l’altitude. On voit en effet à première vue que les régions basses, les plaines, correspondent aux moindres chutes de pluie; ces minima sont constants pendant toute-l’année, et en construisant des cartes mensuelles, on retrouve dans chacune d’elles le minimum absolu sur le lit-
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- LA NATURE.
- toral de la Méditerranée et des mininia relatifs correspondant aux grandes vallées, quelle que soi du reste leur orientation. La vallée de la Loire au-dessous d’Orléans et celles de ses affluents de la rive gauche, le bassin de Paris, les vallées de la Garonne, de la Saône, du Rhône inférieur, sont des régions où il tombe relativement peu d’eau.
- Dans les pays montagneux, à altitude égale, les pluies sont beaucoup plus ab ndantes sur le versant exposé à l’action directe des vents humides que sur le versant opposé. Lorsqu’une masse d’air s’élève le long de la pente d’une montagne, elle se refroidit progressivement, son état hygrométrique augmente, et les nuages condensent bientôt leur humidité ; cette condensation est d’autant plus active que la différence des températures est plus grande et que l’air venu de la plaine était d’abord plus voisin de son point de saturation. Le phénomène inverse se produit sur l’autre versant; en descendant la pente opposée à la direction du vent, l’air se réchauffe et s’éloigne de plus en plus de son point de rosée; la pluie est faible et quelquefois nulle. C’est ainsi qu’une très forte proportion des pluies amenées par les vents d’Ouest sur le plateau de Langres et le haut Morvan se déversent dans le bassin de la Seine; de même, les pluies sont beaucoup plus fortes sur le versant occidental des Yosges que sur le versant du Rhin. Le minimum du bassin supérieur de l’Ailier est encore plus manifeste; quelle que soit la direction des vents pluvieux, les masses nuageuses, avant d’atteindre la vallée qui s’étend de Clermont jusqu’au delà de Brioude, perdent une grande proportion de leur vapeur à la rencontre des hautes montagnes qu’elles doivent préalablement franchir. Cette vallée est fortement abritée des vents de l’Est par les montagnes du Forez, des vents du Sud par les monts d’Aubrac et les monts de la Lozère, des vents de l’Ouest par les monts d’Auvergne; découverte seulement du côté du Nord, elle n’est accessible qu’aux vents de cette direction, qui sont habituellement secs. La ville de Clermont-Ferrand, abritée des vents pluvieux par le Puy-de-Dôme, ne reçoit que 584 millimètres d’eau, alors que sur le versant occidental des monts d’Auvergne, Beaulieu en reçoit 905 millimètres et Brive 1009; l’altitude de ces deux stations est pourtant beaucoup plus faible que celle de Clermont.
- Si les minima de pluie sont constants pour une période quelconque de l’année, il n’en est pas ainsi des maxima, que l’on peut classer en trois groupes : 1° ceux qui sont dus à l’altitude proprement dite; 2° ceux qui s’expliquent par l'influence combinée de l’altitude et de la situation relativement aux vents pluvieux ; 5° ceux qu’il faut rattacher à l’action du voisinage de la mer. Pour les premiers, la règle est absolue : les points culminants reçoivent constamment- plus de pluie que les lieux environnants situés à une altitude moindre ; le Morvan, le Puy-de-Dôme, le Pic-du-Midi, le mont Pilât, et en
- général tous les sommets, sont dans ce cas. Mais il n’en est pas ainsi des maxima dus au voisinage de la mer ou à la situation par rapport aux vents pluvieux. Les maxima des collines de la Normandie, de la Bretagne et du Poitou sont dus à la proximité de ces provinces à l’est d’une grande masse d’eau; cette influence agit en raison de la fréquence des vents d’Ouest, qui chassent vers ces régions l’air humide de l’Océan, et c’est pendant la saison froide qu’elle se manifeste avec le plus de netteté ; mais ces maxima peuvent être considérablement amoindris et même diparaître complètement dans un groupe de pluies du Sud-Est. De même, le maximum du golfe de Gascogne est la conséquence de la prédominance des vents de l’Ouest ou du Nord-Ouest, et lorsque des vents du Sud versent des pluies torrentielles dans le bassin du Rhône, il tombe peu d’eau dans le bassin de l’Adour.
- Il est particulièrement intéressant de considérer deux zones de pluie maxima que l’on remarque en automne sur le bassin de l’Ardèche et vers l’em-houchure de l’Adour; ces maxima ne se sont pas produits simultanément, et même si l’on réunit les pluies en groupant celles qui sont tombées dans les mêmes conditions relativement aux basses pressions, on constate qu’un maximum de pluie dans le bassin de l’Adour correspond généralement à un minimum sur le versant méridional des Cévennes et réciproquement. Cette opposition disparaît si l’on envisage sur une même carte les pluies de toute la saison, mais elle est très nette si l’on étudie séparément chacun des principaux groupes de pluies tombées pendant les trois derniers mois de 1878. Il est facile de s’en rendre compte.
- Lorsque, comme dans la première quinzaine de décembre, les basses pressions se fixent sur l’Europe centrale ou l’Italie, les vents soufflent d’entre Nord et Ouest en France. L’air chaud et humide venant immédiatement de l'Atlantique est emporté vers les Pyrénées ; il se refroidit au contact du sol,et sa vapeur se condense abondamment. Au contraire, le même courant produit des effets tout opposés sur le bassin de l’Ardèche, par exemple, abrité des vents du Nord-Ouest par les Cévennes et par le plateau central, cur lesquels les nuages se sont dépouillés de leur humidité; de plus, lorsque ce courant a franchi la crête des monts de la Lozère et du Vivarais, il se réchauffe en descendant la pente de la montagne, son état hygrométrique diminue : on sait du reste que les vents du Nord-Ouest sont des vents secs dans le bassin du Rhône. Mais si les faibles pressions sont situées sur l’Espagne, comme le 6 et le 21 octobre 1878, un courant général du Sud-Est s’établit en France, principalement dans le Midi. L’air, qui s’est chargé de vapeur au-dessus des eaux de la Méditerranée, vient se heurter contre le versant sud des Cévennes, et les condensations y sont d’autant plus énergiques que le refroidisse^ ment est plus grand; tandis que les vents de cette direction n’arrivent dans le bassin de l’Adour qu’a-
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- près avoir abandonné leur humidité en franchissant les Pyrénées.
- Les fortes pluies ne tombent pas simultanément dans toute l’étendue du plateau central ; elles sont limitées aux versants exposés à l’action directe des vents pluvieux. Lorsqu’elles sont amenées par des vents de l’Ouest ou du Sud-Ouest, ce qui est le cas le plus fréquent, elles s’écoulent sur le versant océanien et donnent lieu aux maxima des monts d’Au-brac, du Cantal et de la chaîne des Puys; au contraire, les pluies du Sud et du Sud-Est sont retenues sur le versant méditerranéen et expliquent les maxima du Ventoux et des montagnes de l’Ardèche.
- Les lois de la distribution des pluies, que M. Bel-grand a formulées en 1865 pour le bassin de la Seine, se vérifient sur nos cartes, et la généralisation de ces lois apparaît plus nette chaque année, grâce aux Commissions météorologiques départementales qui, développant une des plus essentielles de leurs attributions, étendent progressivement le réseau d’observations, en établissant de nouvelles stations convenablement choisies.
- Th. Moureaux.
- LE CHOLÉRA
- ET LA SUPERSTITION DES JAPONAIS
- On sait généralement la méfiance qu’ont les Japonais pour tous les Européens et pour les médecins étrangers à leur pays ; nous extrayons à ce sujet un passage intéressant du Rapport du consul anglais au Japon :
- « Lors de sa visite au port de Niigata, où sévissait une épidémie cholérique assez violente, du 7 juillet au 15 septembre 1879, M. Wosley fut appelé à constater une grande terreur dans la population et une antipathie très grande contre les Européens. Elle attribuait le choléra à l'empoisonnement des puits par les chrétiens, et le nombre considérable des décès au désir des médecins de se procurer leur foie pour l’exportation dans les contrées étrangères.
- « Pendant la période ascendante de l’épidémie, le gouverneur japonais avait interdit aux étrangers de sortir de la ville et de circuler dans la banlieue. Le docteur Palm, notamment, un savant missionnaire, dut interrompre pendant quelque temps ses tournées périodiques à Sui-bara, Shibata et Nakajo, villes où il était tenu en grande estime et en grand respect par les habitants, et où il était souvent appelé en consultation par les médecins du pays. »
- (In Britisch medical.)
- UN CENTENAIRE1
- Un centenaire est mort récemment à Londres dans l’asile de lland-in-hand, Well Street. C’est un nommé Henry Russel, qui était entré dans cet établissement il y a vingt-cinq ans. 11 est mort à l’ùge de cent quatre
- 1 Voy. la Rature, numéros 28 du 15 décembre 1875, 525 du 9 août 1879, 551 du 4 octobre 1879, 501 du 1er mai 1880.
- ans, ayant conservé jusqu’à ses derniers jours, écrit aux journaux anglais le secrétaire de l’asile, l’usage de toutes ses facultés.
- LE CHEMIN DE FER FUNICULAIRE
- DU VÉSUVE
- La Nature a décrit déjà la plupart des types les plus curieux de chemins de fer essayés jusqu’à présent sur les montagnes dont les flancs présentent des pentes trop rapides pour qu’une locomotive puisse les gravir. Nous citerons, par exemple, le chemin de fer de la Croix-Rousse, à Lyon, le système Agudio, l’ensemble des plans inclinés automoteurs de la Grand’Combe (numéros 502, du 15 mars 1879, 555 du 18 octobre, et 569 du 26 juin 1880). Nous ne saurions aujourd’hui passer sous silence le chemin de fer funiculaire récemment inauguré sur le cône du Vésuve et qui présente tant d’intérêt en raison des difficultés qu’a entraînées l’installation de la voie sur le sol mouvant de la montagne.
- Le chemin de fer du Vésuve s’élève sur le flanc du cône à partir de YAtrio del Cavallo, sorte de cirque semi-circulaire qui sépare de la Somma le volcan actuel, à la hauteur de 800 mètres environ au-dessus du niveau de la mer; il arrive en ligne droite presque jusqu’à l’orifice du cône et s’arrête à la côte de 1180 mètres, soit 70 mètres plus bas que le sommet du Vésuve. La pente de la voie varie de 45 à 60, et présente une valeur moyenne de 50 pour 100; le développement total est de 800 mètres environ. Le chemin de fer est à double voie, et un train descendant correspond toujours à un train montant, qu’il contribue à élever par son propre poids, ce qui annule à peu près l’influence des poids morts. La traction est opérée à l’aide d’un double câble sans fin attelé directement sur les wagons en marche et enroulé au bas du plan sur un treuil commandé par une machine fixe.
- La voie, qui forme une des particularités les plus intéressantes de l’installation adoptée, n’est pas constituée par deux rails parallèles comme dans les chemins de fer ordinaires ; on a été obligé de poser seulement au milieu une longrine longitudinale appuyée sur le sol et supportant le rail unique qui sert à guider les wagons. La voie d’aller et la voie de retour ont été construites dans ces conditions, de sorte qu’elles forment un ensemble de deux lon-grines parallèles en chêne, écartées de 2 mètres environ et fortement entretoisées de mètre en mètre par de grosses traverses de 5 mètres de longueur.
- Cette disposition, qui est due à M. l’ingénieur Olivier, était la seule qu’on put employer pour établir solidement la voie sur le sol mouvant du Vésuve. La lave, en effet, qui seule peut fournir le
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- point d’appui invariable nécessaire pour la construction d’un pareil chemin de fer, ne se rencontre qu’en certains points sur les lianes du cône; les laves modernes se trouvent surtout au nord-ouest et au sud-est, et les laves anciennes du côté de l’ouest, depuis Résina jusqu’à Torre dcll’
- Ànnunziata ; c'est là ce qui a déterminé à rapprocher le plan incliné vers l’ouest, car partout ailleurs le sol du Vésuve est formé par des cailloux roulants qui ne peuvent être maintenus en place sur une pente de 55 degrés.
- Les longrines ainsi assemblées par de longues traverses ont formé une ossature solide en charpente robuste qui a pu être amarrée pour ainsi dire sur la lave partout où on la rencontrait. Cette difficulté avait arrêté les premiers ingénieurs, lorsqu’ils avaient voulu installer une voie à deux rails établie dans les conditions ordinaires, car ils n’auraient pu réussir à maintenir exactement ces deux rails dans une position invariable.
- L’emploi du rail central reposant sur une longrine a obligé à adopter une disposition particulière pour maintenir le wagon dans l’axe de la voie tout en l’empêchant de s’incliner sur le côté. La longrine en chêne, qui présente une épaisseur de U“,47 avec une largeur de 0m,26, est relevée au-dessus du niveau de la voie, comme l’indiquent les figures 1 et 2; le wagon repose sur le rail central
- au-dessus de la longrine, par l’intermédiaire de la roue verticale placée à chaque extrémité dans l’axe de la voiture, et il est guidé en même temps de chaque côté par les deux galets inclinés sur l’horizontale qu’on voit sur les lig. 1 et 2 et (pii roulent au contact des deux guides en fer latéraux fixés sur les côtés de la longrine. Comme ces deux guides sont situés de part et d’autre à égale distance du rail central, le wagon se trouve ainsi complètement dirigé et maintenu en é-quilibre sur la voie.
- Ce wagon comprend, comme on le voit, deux compartiments pouvant contenir chacun de 4 à G personnes et dont le plancher est maintenu horizontal, bien que les longerons de la voiture
- soient parallèles à la voie. Par suite, le plancher et le seuil des portières des deux compartiments ne se trouvent pas à la même hauteur, la différence de niveau est 90 centimètres. Les quais d’emlnr-quement dans les deux stations, à l’arrivée et au départ, présen -tent une forme en gradins correspondante.
- On voit sur la ligure 2 les mâchoires du frein qu’on a du disposer pour retenir le wagon en cas d'accident et prévenir une chute qui aurait des conséquences terribles sur une pente aussi vertigineuse. Ces deux mâchoires sont formées par des griffes en acier qui viendraient pénétrer dans le bois de la longrine et permettraient ainsi d’amarrer solidement le wagon. Elles sont commandées par une
- Hg. 1. Un wagon du chemin de fer du Vésuve, vu de profil.
- Fig. “2. Train montant et train descendant du chemin de fer du Vcsuve.
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- LA NATURE.
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- vis à manivelle, manœuvrée par le conducteur de la voiture connue dans les freins ordinaires. Tout l’appareil est installé, comme l’indique la ligure 1, dans la partie de la voiture qui reste toujours la plus haute, puisque celle-ci n’est jamais tournée sur elle-même. Cette disposition de freins est analogue à celle qu’on rencontre dans les puits de mines, comme dans le parachute Fontaine, par exemple, et qui est destinée à prévenir la chute de la cage d’extraction, dans le cas d’une rupture du câble qui la soulève : deux mâchoires semblables viennent aussitôt saisir automatiquement les longri-nes formant les guidages de la cage, et elles la maintiennent ainsi immobile, suspendue dans le vide.
- Peut-être est-il à regretter qu’on n’ait pas cru devoir adopter également, sur la ligne de Vésuve, une disposition entièrement automatique mettant aussi les mâchoires d’elles-mêmes en prise aussitôt que les câbles viendraient à se rompre ou même à se relâcher; sans doute les ingénieurs distingués qui ont construit ces voitures ont pensé que la sécurité était suffisamment garantie par ces deux câbles, et ils ont voulu éviter les fortes secousses qu’entraînerait en service l’application irrégulière d’un pareil frein.
- L’effort moteur est fourni par deux machines fixes installées au bas du plan et capables de développer un effort de 45 chevaux environ ; elles met-
- Fig 3. Vue d’ensemble de la ligne du chemin de 1er du Vésuve.
- tent en mouvement deux tambours indépendants sur lesquels sont enroulés les câbles. Ceux-ci s’élevant ensuite jusqu’au sommet du plan, ils sont repliés là sur deux poulies fixées solidement à un mur construit dans la lave, puis ils descendent le plan et retournent enfin jusqu’aux tambours inférieurs. Les deux brins montants parallèles sont attelés sur l’un des wagons et les deux brins descendants sur l’autre.
- Chacun des câbles de traction est en acier et muni d’une âme en chanvre ; il a un diamètre de 26 millimètres, il peut supporter avant de se rompre une charge de 25000 kilogrammes, cinq fois supérieure à l’effort de traction nécessaire pour entraîner le wagon montant ; ce qui représente pour les deux câbles réunis une force totale dix fois suf-
- fisante. Ces câbles sont fixés aux deux extrémités des traverses du wagon, ils sont soutenus sur la voie, de distance en distance, par des galets extérieurs posés de part et d’autre de la longrine médiane.
- Les travaux de construction, commencés au mois d’août de l’année 1879, furent interrompus pendant l'hiver dernier, en raison du froid rigoureux qui sévit alors jusqu’au Vésuve; ils furent terminés seulement dans les premiers jours de juin, et la ligne a pu être livrée à l’exploitation à partir de cette époque.
- L. Bâclé,
- Ancien élève de l’Ecole Polytechnique.
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- LA NATURE
- HISTORIQUE
- DE
- L’INTRODUCTION DE LA RAMIE
- NOUVELLE PLANTE TEXTILE (Suite et fui. — Voy. p. 98.)
- Crawfurd1 et Baffles2 ont. eu l’occasion d’apprécier les qualités précieuses de la Itamie. Les naturels de Java, disent-ils, préfèrent les fibres de cette Ortie à toute autre pour la fabrication de leurs filets et de leurs cordages; ils en confectionnent également des étoffes d’une extrême finesse. Mais, quoique très répandue dans l’archipel des Moluques, cette plante ne parait p as spontanée à Amboine, ainsi que l’admet Crawfurd ; c’est Rum-phius3 qui, la considérant comme une importation utile, l’introduisit de l’ile de Bonoa à Amboine, vers 1690.
- Cette Ortie fixa également l’attention de Marsden, qui la mentionne sous le nom de Calovie, et lui rapporte les synonymes de Ramie et de Kunkomis des habitants de Rnngpour. Il en est encore de même à l’égard de Lesehenaull. Les herbiers du Muséum possèdent des échantillons de Ramie préparés par ce célèbre voyageur et qui portent l’étiquette d'Urtica tenacissima, excellente filasse.
- Au milieu de toutes ces assertions si précises et si nettes, je remarque encore celles de Iloxhurgh, qui démontre, par des expériences directes, la supériorité dè la Ramie sur toutes les filasses employées dans l’Inde. Roxburgh distingue son U. tenacissima de VU. nivea, et cette distinction est importante. Les expériences comparatives entreprises sur les fibres du Marsdenia tenacissima, du Crotola-ria juncea, du Chanvre et du Lin, ont eu pour résultat de placer la Ramie immédiatement après le Jetu (Marsdenia) ; aussi malgré la difficulté de débarrasser là filasse de quelques particules qui lui restent adhérentes, Roxburgh n’hésite pas à préconiser l'usage de la Ramie, et désire voir cette plante remplacer partout dans l’Inde le Chanvre et le Lin. Je viens de reproduire à dessein l’opinion unanime de Crawfurd, Marsden, Raffles, Roxburgh, Lcschenault, etc., hommes d’État ou naturalistes célèbres, afin de bien démontrer qu’il n’y a pas engouement de ma part, et que l’U. utilis mérite de fixer l’attention sérieuse du gouvernement.
- La supériorité de la Ramie, comme plante textile, est incontestable ; toute la question est de savoir si sa culture peut donner en Europe des bénéfices réels et, dans le cas où le fait ne serait pas démontré, il resterait encore à apprécier les avantages que l’introduction de cette plante pourrait offrir à
- 1 John Crawfurd, History of the Indian archipelago, etc., containingau accounl of the manners, arts, etc., vol. I.
- * Thom. Stamford Rallies, The history of Java, vol. t, p. 57
- 3 Rumphius, lïort. Amboinensio, vol. V, p. 214.
- Pondichéry, Cayenne, et probablement môme dans notre colonie d’Alger, par exemple dans les marais de la Calle, où végètent spontanément quelques plantes des régions tropicales; car on ne doit pas perdre de vue que la Ramie est une plante des pays chauds, tandis quel’U. nivea semble appartenir plus spécialement aux climats tempérés l.
- Aujourd'hui que les toiles destinées à nos armées de terre et de mer sont malheureusement falsifiées à l’aide du Chanvre de Calcutta ou Jute (Corchorus o'itorius), dont la durée est infiniment moindre que celle du Chanvre ordinaire, il importe de substituer a cette marchandise d’importation un produit qui lui soit supérieur; et ce produit, j’espère que le gouvernement le rencontrera dams VUrtica (Bœhme-via) utilis, qui porte à Java, dans la province de Bantam, le nom de Ramie, Rame', et quelquefois Ramen; dans les distiicls de la Sonde, à Java, indépendamment du nom de Ramie, on lui donne celui de Kiparoy ; dans l’intérieur de Sumatra, il prend, d’après M. Korthals, le nom de Kloie; aux Célèbes, celui de Gambe, et à Banoa celui d'inan. Cette synonymie permettra à nos officiers de marine de se procurer avec certitude, soit des graines, soit des souches vivantes de la plante qui nous occupe.
- Enfin, et pour bien faire comprendre l’importance que peut avoir cette Ortie, je ne saurais mieux terminer cette notice qu’en reproduisant ici la partie du rapport adressé au gouvernement des Pays-Bas par la Commission chargée de l’examen delà filasse de la Ramie2; et comme l’on sait que ces sortes d’expériences s’exécutent en Hollande avec le plus grand soin, on peut ajouter que c’est déjà pour ainsi dire une garantie de succès.
- « Nous avons, dit le rapporteur de la Commission, fait fabriquer avec un soin particulier la filasse de Ramie, qui arrive en Europe sous la forme de petits écheveaux, et qui, avant d’être portée sur le séran, a été fortement brossée afin d’en isoler davantage les fibres. Cette manipulation, opérée sur une grande masse, entraînerait peut-être une dépense considérable, mais il serait facile de la remplacer par des moyens plus rapides. Quoi qu’il en soit, nous avons obtenu, de 700 grammes de matière première brute (7 onces3), 400 grammes d’étoupe ou filasse de première qualité, 150 grammes de deuxième qualité et 150 grammes de déchet.
- v Cette quantité de fibres dépasse celle qu’on obtient du meilleur Lin. Ces fibres étaient d’une finesse telle que nous avons pu en faire facilement filer sur uu rouet à marchepied, d’après une grossière éva-
- 1 Voir la Notice de M. Pépin sur 1 ’Urtica nivea, insérée dans le tome IV des Annales de la Soc. royale d'Agriculture, p. 500, et Agriculture pratique, octobre 1841.
- 2 Extrait d’une publication périodique, Indîsche Bij., n° 4, 1851, publiée par M. G. L. Blanc.
- 3 L’once, poids métrique de Hollande, égale un hectogramme. Le rapporteur n’indique pas exactement sur quelle quantité il a agi, ni ce qu’il faut entendre par poignée.
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- LA NATURE.
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- luation, douze peignées qui ont suffi pour fabriquer 1 m,50 de toile de la valeur de 1 fr. 05.
- « La ténacité de ces fibres nous a permis d’en faire filer sur une longueur de 55 mètre«, sans pelotonner. Un fil ténu de 9300 mètres nous a été fourni par 500 grammes de filasse; nous avons obtenu de la même quantité une corde torse de 3000 mètres. On obtiendrait probablement une plus grande finesse si on parvenait à débarrasser les fibres de la substance résineuse qui semble y adhérer1.
- « Afin de comparer la force de ces fibres avec celle du Chanvre, nous avons fait fabriquer du fil léger pour filets de harengs (2 fils) ; mais l’ouvrier, à cause de la finesse de la matière, a filé beaucoup trop légèrement, de sorte que les 432 mètres auraient à peine pesé 1 kilog. 50, au lieu de 2 kilog. 30, comme il l’aurait fallu. La force moyenne de ce fil, calculée par analogie avec ce dernier poids, nous a prouvé qu’à l’état sec, il se romprait sous un poids de 21 kilogrammes, et, mouillé, par quelque chose au delà de 25 kilogrammes; de sorte que, sec, le fil obtenu de la Ramie surpasse en ténacité le meilleur Chanvre d’Europe, qu’il l’égale étant mouillé, et qu’enfin sa force d’extension dépasse de 50 pour 100 celle du meilleur Lin. Le fil employé dans nos expériences était trop tordu ; des essais ultérieurs conduiront, nous n’en doutons pas, à des résultats plus satisfaisants encore. Nous devons ajouter que les cordes se nouent facilement, ce qui nous permet d’espérer que les toiles fabriquées avec la Ramie offriront tous les avantages de celles qu’on obtient du Lin ou du Chanvre.
- « Attendu que les filaments de la Ramie, convenablement préparés, nous ont paru surpasser ceux du Lin en beauté, et surtout en blancheur et en ténacité, nous croyons que cette substance textile, apportée sur les marchés d’Europe en quantité notable, trouverait un*faci!e écoulement au prix de 60 à 80 centimes le demi-kilogramme (prix du meilleur Lin), et qu’il résulterait de cette importation une nouvelle et importante branche de commerce pour les Indes Orientales. »
- J. Decaisne,
- Membre de l’Académie des sciences.
- CORRESPONDANCE
- SUR UN THERMOMÈTRE EXTRA-SENSIBLE
- Lausanne, 30 mai 1880.
- Monsieur,
- Je prends la liberté de vous adresser la description d’un petit appareil inventé par M. Dufour, professeur de physique à l’Académie.
- C’est un thermomètre extra-sensible qui ne peut donner que des différences de température de 1 à 2 degrés, degrés absolument relatifs.
- 1 Matière dont parle Roxburg et qui paraît être analogue au caoutchouc.
- Il est si sensible, que l’introduction même d’une personne dans le local où il est placé, s’v accuse immédiatement par une déviation de 5 à 6 centimètres. Le voisinage de la main le fait dévier de toute sa longueur.
- 11 se compose d’une boule B pleine d’air, recouverte à sa surface extérieure par du noir de fumée; dans le tube M, il y a de M en M une petite quantité de mercure, suffisante pour tenir en équilibre la flèche F. Lorsque la température s’élève, ne fùt-ce que d’une quantité très minime, la chaleur absorbée par le noir de fumée dilate l’air de la boule B, qui pousse alors le mercure en avant : le centre de gravité étant déplacé, l’aiguille inclinera immédiatement à droite; si, au contraire, la température baisse, l’aiguille inclinera à gauche.
- Maintenant, supposons que les expériences se fassent dans une chambre à 12° ; le thermomètre inclinera immédiatement à droite de toute sa force, il basculerait même, s’il n’était arreté par les petits goujons G et G'.
- Thermomètre extra-sensible de M. Dufour.
- On attend qu’il soit bien fixe, et à l’aide du petit poids R, qui est fixé à frottement doux en D sur la tige I, on ramène le centre de gravité de manière à ce que la flèche soit sur O, et on opère.
- On voit en H deux crochets et vis-à-vis une embouchure. Les deux crochets servent à maintenir différentes substances pour chercher leur pouvoir dia-thermane. Une source de chaleur est alors introduite dans l’embouchure. C’est avec le couteau en acier trempé C, que l’appareil tourne sur de petits coussinets.
- Voici, monsieur, en peu de mots, la description d’un appareil excessivement simple qui, dans bien des cas, pourrait avantageusement remplacer la pile thermo-élec-triqwe
- Agréez, etc.
- Thouvenot.
- ---c<>o—
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- LA NATURE.
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- LES EXPLORATIONS ZOOLOGIQUES
- SOUS-MARINES A I.A FOSSE DU CAP-BRETOX
- Depuis un certain nombre d’années, des explorations sous-marines ont été entreprises par les savants de différents pays de l’Europe ou de l’Amérique; les expéditions anglaises, celles du Challenger particulièrement, ont spécialement attiré l’attention, par l’importance et l’originalité des résultats obtenus. On a reconnu que, contrairement à l’opinion des naturalistes anciens, la vie abondait au fond des abîmes de la mer, même les plus profonds, et que là, plus que partout ailleurs peut-être, il y avait à recueillir pour la science d’abondantes récoltes de faits nouveaux. Nous avons annoncé à nos lecteurs l’organisation d’une expédition française exécutée par l’aviso à vapeur le Travailleurl. Avant d’en faire connaître les résultats, nous voulons aujourd’hui préparer en quelque sorte nos lecteurs aux études sous-marines, en leur donnant le récit des sondages auxquels nous avons récemment pris part dans la Fosse du Cap-Bre-ton, près de Bayonne.
- Le lundi 12 juillet, à sept heures du matin, je me trouvais sur Je bord de la mer, au Cap-Breton, devant un des plus modestes établissements de bain de toutes les côtes de France. M. de Folin, qui m’avait invité à assister aux opérations de draguages qu’il exécute avec'tant de succès depuis 18G9, se trouvait là avec deux savants anglais, qui devaient avec lui faire partie de l’expédition française du Travailleur, MM. Gwyn Jeffreys et Norman. Tous trois voulaient auparavant se faire la main dans la Fosse du Cap-Breton.
- M. Gwyn Jeffreys est un magistrat anglais et un savant du plus grand mérite ; membre de l’Acaütlcmie royale des sciences de Londres, il a dirigé la première expédition scientifique du navire le Porcu-pine, exécutée dans le voisinage des côtes de l’Irlande en 1869, et dans la baie de Biscaye en 1870. 11 a été en outre chargé d’une mission analogue à bord de la frégate Valorous lors de l’expédition arctique en 1875. M. Alfred Norman est un pasteur protestant, également très versé dans l’étude
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- des animaux marins ; il est le président du Tyneside naturalists Field club.
- La Fosse de Cap-Breton, comme le montre la carte ci-jointe (fig. 1), est une cavité sous-marine très curieuse; bordée au fond de la mer par des falaises sans cesse immergées qui tombent presque à pic, elle est creusée jusqu’à une profondeur de 200 mètres au-dessous du niveau des eaux; les roches sous-marines qui en constituent les parois sont les mêmes que celles qui forment le cap Saint-Martin, près de Biarritz, et qui disparaissent dans le voisinage de la grotte désignée sous le nom de Chambre-d’Amour. C’est-à-dire que c’est le grès nummulithique qui reparaît sur les bords de la Fosse ou gouff (désignation du pays) de Cap-Breton. Le fond de la Fosse est tapissé d’une vase qui a quelque analogie avec les faluns de Saubrigues. On y trouve en effet une des coquilles caractéristiques de ceux-ci, mais à l’état vivant, la Nassa semistriata. L’importance des découvertes faites dans la Fosse
- semble consister dans la preuve d’une connexion entre la faune méditerranéenne et cette partie du golfe de Gascogne.
- Comme particularité assez remarquable, nous citerons la découverte dans la Fosse d’une très remarquable espèce d’un genre créé par Deshayes pour des coquilles qui n’appartenaient qu’aux terrains tertiaires. Cette coquille est la Vasconia Jeffreysiana (Hindsia).
- Nous pourrions citer quelques autres espèces spéciales à la localité de la Fosse, et dont la connaissance est également due aux recherches de MM. de Folin et Perier.^ur les parties supérieures des parois de la Fosse, se rencontrent des sables très divers, qui diffèrent totalement de la vase de son lit. Ces sables contiennent des animaux de toute espèce.
- Voici en quoi consiste l’opération du draguage à laquelle nous avons assisté :
- Un bateau spécial à la localité et désigné sous le nom de pinasse est conduit par huit rameurs et un patron. Ce bateau peut aussi aller à la voile. Une fois arrivé à l’emplacement voulu, on laisse descendre dans la mer la drague, formée d’un demi-cylindre de tôle auquel est adapté un sac profond, constituant ainsi un récipient d’assez grande capacité. Quand cette drague est plongée au fond de la Fosse, on l’y traîne en faisant avancer le bateau à la surface de l’eau, et on la remonte à bord pour
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- Fig. 1. Carte de la Fosse de Cap-Breton.
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- recueillir la vase dont elle est pleine. Cette vase est déversée dans des seaux. Dans le cas d’un fond de sable, on emploie une autre espèce de drague, formée d’une sorte de cadre métallique évasé fixé à l’ouverture d’un filet. La première drague seule est usitée pour recueillir la matière boueuse qui constitue le fond de la Fosse.
- La vase ainsi recueillie au fond de la mer paraît au premier abord être formée d’une masse dénuée de tout intérêt, et absolument dépourvue d’êtres organisés ou vivants. Pour trouver les animaux dont elle abonde, sauf ceux de grande taille (poissons, crustacés, etc.) qu’elle peut contenir quelquefois, et que l’on extrait directement, il faut la soumettre
- à l’opération spéciale du tamisage, organisée de la manière suivante au Cap-Breton.
- La pinasse revient au port et remonte le chenal, où elle s’arrête sur un rivage ombragé de tamaris. Les matelots débarquent les seaux de vase recueillis à des profondeurs différentes ; un grand baquet est rempli d’eau ; une pelletée de vase est versée dans un triple tamis, formé de trois tamis à mailles de plus en plus fines et s'emboîtant les uns dans les autres. Ce système de tamis est mouillé et agité à la surface de l’eau du baquet; la vase se délaye et passe à travers des mailles, où il reste des cailloux, des pierrailles avec des organismes de petite dimension. Une fois la vase tamisée, les tamis sont
- Fig. 2. Le tamisage et l’examen des vases recueillies au fond de la Fosse de Cap-Breton.
- remis aux naturalistes, assis près du rivage; ils cherchent minutieusement à la loupe les coquilles ou les êtres vivants qu’ils veulent recueillir et qui, pour la plupart, sont de très petite dimension ; ils les saisissent à l’aide de pinces et les conservent dans de petites fioles pleines d’alcool pour les étudier postérieurement. Les coquilles sont recueillies dans de petites boîtes à l’air libre (fig. 2).
- Pendant les quelques jours de draguages opérés à la Fosse de Cap-Breton,du 10 au 15 juillet, voici la liste des petits mollusques les plus intéressants qui ont été recueillis et déterminés par MM. de Folin, Gwyn Jeffreys et Norman :
- Terebratuta caput serpentis, Megerlia truncata, Ar-giope decollata, Teredo megotara, Neœra cuspidata,
- Tellma balaustina et serraia, Coralliophaga lilbopha-gella, Venus rudis, Cardiia corbis, Pythina Mac-An-drewi, Lepton subtrigonum, Galeomma Surloni, Leda fragilis, Modiolaria subclavala, Pecten teslæ, Dentalium gracile, Siphonodentalium Lofotense, Cadulus Olivi, Dis-chides bi/îssus, Craspedotus Tinei, Circulus Duminyi, Bulla utriculus, Volvula acuminata, Ilingicula auricu-lata, Odostomia, obliqua, acuta, excavata, Eulima curva (Jeffreys), espèce non décrite, Itissoa cancellala, Abtjssicola Oceani, Jetlandica, proxima,vitrea, Defran-cia reticulala, Pleurotoma brachysloma, Murex lamel-losus
- Les Bryozoaires suivants, recueillis pendant les mêmes opérations, ne semblent pas avoir encore été reconnus dans le golfe de Gascogne :
- Crisidia cornuta, Membranipora flustroïdes, Lepralia
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- Cecelii, figularis, ansata, auriculata, Hippothoa carinata. Aléa recta, Diastopora obelia et sarniensis, Aro-boscina granulata, Cnsidia cor nuta.
- Les Crustacés de grande taille n’ont pas été recueillis lors des derniers draguages dans la Fosse, et les Amphipodes obtenus n’ont pas pu être tous déterminés à première inspection. Parmi ceux qui ont été reconnus, nous citerons :
- Polybius Henslowii, Ebalia Cranchii, Portunus depu-rator, Xaniho tuberculata, Pagurus meliciilosus? et qui parait être une nouvelle espèce de Lophogaster, se distinguant du Lophogaster typicus de Sars par sa carapace.
- Parmi les Entomostraca, citons le Nebalia bipes et le beau Philomedes Folini, qui jusqu’ici n’a été reconnu que dans la Fosse de Cap-Breton.
- Les Écbinodermes qui ne se trouvent point sur la liste publiée par M. Fischer1, et qui ont été déterminés sont les suivants :
- Ophiadis Ballii, Opliioglypha albida et affinis, Am-phiura filiformis et Chiazii, Amphipholis tenuissima Bryssopsis lyrifera, Cucumaria lactea et elongata.
- Parmi les autres espèces intéressantes, mais qui ne sont pas nouvelles à cette faune, sont : Ophio-corida brachiata, Ilolothuria tubulosa, Synapta digitata et inhœrens-
- La curieuse Haliphysema ramulosa de Bower-bank, qui jusqu’ici n’avait été trouvée qu’à Guer-nesey et sur les côtes du Devon, a été aussi recueillie.
- Ajoutons que la jolie Polytrema miniaceum a été trouvée abondamment sur une grande pierre draguée à 35 brasses et que le remarquable Rhizopode Astrorhiza limicola, de Sandahl, a été rencontré à 150 brasses.
- On voit par la précédente liste, que nous devons à l’obligeance de MM. Gvvyn Jeffreys, Norman et de Folin, combien sont intéressantes les investigations sous-marines au point de vue zoologique. Fdles n’offrent pas moins d'intérêt sous tous les autres rapports, et la géologie, la physique du globe, ont à attendre d’innombrables résultats de ce genre d’exploration.
- Gaston Tissandier.
- L’EXPÉDITION SCIENTIFIQUE
- DU « TRAVAILLEUR » pour l’étude des fonds de la mer
- Au moment où nous terminons l’article qui précède, nous recevons des nouvelles de l’aviso à vapeur le Travailleur, à bord duquel nous avons dit que s’était embarquée une Commission scientifique, ayant
- 1 Paul Fischer, Bryozoaires, Échinodermes et Foramini-fères marins du département de la Gironde et des côtes du sud-ouest de la France. 1 broch. in-8“, 1870.
- pour président M. Milne-Edwards, l’illustre naturaliste, et pour membres MM. Alphonse Milne-Edwards, Vaillant, Marion, Fischer, de Folin, auxquels se sont joints comme invités par le gouvernement français MM. Gwyn Jeffreys et Norman1. Ces nouvelles nous sont adressées de Saint-Sébastien. Elles nous apprennent que le 17 juillet un premier coup de sonde a été donné en mer, non loin de Bayonne, avec une sonde à fil d’acier, et qu’un crustacé fort intéressant a été recueilli à 429 mètres.
- Un peu plus loin la drague, traînée à 1200 mètres, puis à 600 mètres, est revenue parfaitement et contenant, nous dit notre correspondant, des choses fort remarquables.
- Une autre lettre, reçue de Santander, nous annonce le succès complet de l’expédition. Les naturalistes à bord du Travailleur n’auront peut-être pas moins de 500 espèces à enregistrer, presque toutes nouvelles pour la faune du golfe de Gascogne et dont un certain nombre sont nouvelles pour la science. La sonde n’a parfois trouvé le fond qu’à 2700 mètres, ramenant de remarquables animaux. Le draguage a souvent duré de deux heures et demie à trois heures, ce qui constitue un progrès dans ce genre d’opération. La Commission scientifique a exécuté en outre quarante sondages indépendants des draguages. L’expédition a dû revenir à Bayonne à la fin de juillet, après de nouvelles et non moins heureuses explorations.
- Gaston Tissandier.
- L’HUMIDITÉ ET L’ORGANISME HUMAIN
- DANS LES MINES
- M. le docteur Paul Fabre, médecin des mines de Com-mentry (Allier), est bien connu dans la science pour ses travaux sur l’hygiène des ouvriers mineurs, dont plusieurs ont été résumés dans la Nature. Un intérêt puissant et spécial s’attache aux mineurs, à ces hommes obligés au travail dans des conditions particulières et insolites. La vieille fable des Cyclopes prouve que l’on a toujours entouré d’un prestige à demi surnaturel ceux qui osent passer leur vie dans les entrailles de la terre, pour lui dérober ses trésors.
- Dans les galeries de mine, où l’humidité est si fréquente, l'on constate chez les ouvriers, qui travaillent longtemps dans les chantiers les plus humides, des phénomènes qui varient suivant certaines circonstances accessoires.
- Quand les mineurs sont dans des galeries simplement humides, et dont la température n'excède pas 20°, ils n’éprouvent durant leur travail aucun symptôme morbide. Leur respiration n’est presque pas accélérée. L’évaporation pulmonaire se fait assez facilement. Les ouvriers ont peu de sueurs. Mais s’il tombe de l’eau froide sur leur corps et si leurs jambes plongent dans l’eau, les mineurs sont alors sujets au lombago, à la sciatique, à des douleurs vagues dans les membres, souvent à un vrai rhumatisme. Ce rhumatisme est presque toujours subaigu, parfois chronique, rarement polyarticulaire ; généralement au
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- contraire il reste localisé à une seule articulation. De toutes les jointures, chez les piqueurs ouhâveurs, c’est le genou gauche, celui qu’ils mettent habituellement en terre pour abattre le charbon, qui est le siège le plus fréquent d’une arthrite ou d'une hydarthrose.
- Dans les galeries saturées d’humidité, et dont la température dépasse 25° et surtout 30°, les hommes sont bientôt accablés d’une lassitude extrême ; leur température propre s’élève rapidement, leur respiration devient haletante, leur corps est vite ruisselant de sueur ; ils sont forcés d’interrompre à tout instant leur travail pour aller se reposer dans une galerie moins chaude. Un affaiblissement rapide, qui oblige à changer souvent les hommes de chantier, des éruptions sudorales, miliaires, parfois des furoncles, rarement de l’eczéma et de l’urticaire, tels sont les phénomènes observés le plus fréquemment dans ces conditions par le docteur Paul Favre.
- Si, le chantier étant toujours humide, l’air se trouve vicié par de l’hydrogène sulfuré, de l’acide carbonique et d’autres gaz toxiques ou irrespirables, ce qui arrive lorsque l’on répare de vieilles galeries éboulées, si de plus l’eau qui s’accumule dans ces mêmes galeries contient en dissolution, comme M. Fabre a eu assez souvent l’occasion de l’observer, divers sulfates et même de l’acide sulfurique libre provenant de la décomposition des pyrites martiales renfermées dans la houille, les hommes, outre les douleurs dans les membres dues au séjour dans l’eau, outre les troubles respiratoires dus à l’altération de l’air, éprouvent de vives démangeaisons, et s’ils ont sur la surface de la peau des points excoriés, ils y ressentent une cuisson horrible. Chez des ouvriers qui ont travaillé longtemps dans des chantiers humides on note très fréquemment une gingivite chronique, coïncidant avec des douleurs musculaires surtout dans les jambes, souvent avec des troubles intestinaux, et même avec des taches de purpura.
- Cet ensemble de phénomènes autorise à admettre l’existence d’un espèce de scorbut à forme bénigne et à marche chronique survenant chez les mineurs à la suite d’un travail prolongé dans l’humidité, et principalement lorsque ces mineurs habitent, ce qui arrive fréquemment, un logement malsain et exposé à l’humidité.
- Soustraire aux milieux humides les ouvriers souffrants, les placer dans des chantiers secs, leur conseiller une alimentation variée et fortifianle , surveiller leurs logements et leur faire prendre, lorsque leurs gencives sont malades, du jus de citron, le lime-juice des Anglais, telle est la prophylaxie et tel est le traitement qui conviennent à ces conditions malsaines. Nous recommandons ces considérations à tous les directeurs des compagnies minières ; l’amélioration du sort des ouvriers étant plus que jamais et avec raison à l’ordre du jour.
- Maurice Girard.
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- LES RAYAGES DE L’ « ARiY-WORM »
- DANS LE NEW-JERSEY
- Les fermiers américains sont depuis quelque temps très effrayés par suite de l’apparition de Farmy-worm ou ver de l’armée, qui ravage leurs terres. Cet insecte, aussi malfaisant que les sauterelles, a déjà envahi le New-Jersey et la Pensylvanie. 11 doit son sobriquet militaire au genre de marche qui lui est propre. Le ver de l’armée s’avance par files de deux, trois ou quatre de front, en formant une ligne si régulière que la tête de
- l’un ne dépasse jamais la tête de l’autre dans chaque rang. Une armée ne fait halte que lorsque son chef lui en donne l’ordre et s’arrête lui-même. Elle noircit littéralement le sol et détruit sur son passage les céréales, les vignes, les fruits et toutes sortes de végétations.
- On ne sait pas exactement à quelle cause attribuer la soudaine apparition de ces insectes, qui s’établissent de préférence dans les terres basses, au milieu des herbes humides, et qui font leurs incursions après des perturbations atmosphériques subites.
- Personne, par exemple, ne saurait dire quelle est la saison la plus favorable à leur développement, une saison pluvieuse venant tout à coup après une saison de sécheresse, ou une saison de sécheresse succédant à une période de pluie ou à un hiver doux; et, bien qu’ils aient l’habitude de se tenir cachés dans les terrains bas couverts d’herbages, on en a vus cependant se fix,er sur des terrains élevés et secs.
- Après s’être répandus tout le jour au milieu des champs et avoir dévasté les récoltes, ils rentrent à leurs nids, dès que le soir est venu, avec la régularité et l’ordre des soldats en marche : c’est un des plus singuliers spectacles que l’on puisse voir. Pour exterminer ces ennemis de leurs récoltes, les fermiers sont obligés de creuser de distance en distance des fossés ou de larges sillons dont ils enduisent les bords de goudron ou d’autres matières auxquelles ils mettent le feu.
- Le mois dernier, les fermiers de New-Jersey qm avaient déjà rentré leurs foins ont été forcés de les brûler ; des milliers de vers de l’armée morts se trouvant mêlés au fourrage. Le long du Delaware, des champs entiers de blé et d’orge ont été détruits.
- MALADIE DES ÉCREYISSES
- On lit dans la Gazette d'Augsbourg du 30 juillet :
- « La maladie des écrevisses sévit en Bavière. On nous annonce qu’un pêcheur qui avait loué la pêche dans la rivière d’Altenmühl, remarqua au commencement du mois qu’il ne s’y trouvait plus une seule écrevisse vivante, tandis que quelques jours auparavant, il en avait encore pris une grande quantité, sans découvrir la moindre trace de maladie.
- « Les eaux de la rivière furent examinées, et l’on vit que son lit était jonché d’écrevisses mortes, réunies par 6 ou 10, toutes couchées snr le dos. On voit même des membres de ces animaux épars. On constata sur différentes écrevisses mortes la présence de petits vers en forme de spirale, mais nécessairement ces vers ne sont pas cause de la maladie, puisqu’on les trouve aussi parfois sur des crustacés parfaitement bien portants. On serait plutôt porté à considérer comme cause de la maladie les petits points blancs que l’on remarquait sur presque toutes les écrevisses mortes, et qui semblent provenir d’une sorte de champignon.
- « Les mêmes phénomènes se produisent dans d’autres rivières, qui seront bientôt entièrement dépeuplées d’écrevisses. »
- PILE REYNIER
- On sait que les piles à acide nitrique de Grove et de Bunsen, malgré leur extrême incommodité, le danger même de leur maniement, sont d’un emploi très répandu dans les laboratoires, et qu’on n’a rien trouvé encore pour les remplacer.
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- Le mérite de ces sources d’électricité est en effet très grand ; l’élément a en même temps une force électromotrice considérable et une résistance propre très petite ; c’est de plus un couple complètement dépolarisé et qui réalise un des types les plus parfaits de pile constante dans le sens qu’on attache à ce mot. Avant d’aller plus loin, il convient de bien définir ce terme et de ne rien laisser de vague dans l’espijt du lecteur. La pile de Grove est théoriquement constante, c’est-à-dire que, si activement qu’on la fasse travailler pendant cinq ou dix minutes, on ne l’affaiblit pas. Mais cette constance théorique n’a qu’une assez courte durée pratique, et au bout d’une heure d’un travail non exagéré elle a déjà perdu de son énergie.
- Parmi les innombrables combinaisons déjà essayées, une seule, la pile de Daniell, a une constance théorique aussi parfaite que celle de Grove et une constance pratique de beaucoup plus longue durée.
- La pile Daniell, la première en date, est encore
- Fig. 1. Élément complet de la pile Reuiier.
- aujourd’hui le prototype de la pile constante, et les efforts n’ont pas manqué pour racheter ce qui lui manque en force. Le couple à sulfate de cuivre a en . effet une force électromotrice 1,06, presque moitié de celle de Grove, 1,80, et sa résistance propre, à dimensions égales, est beaucoup plus grande.
- C’est cet excellent point de départ qu’a pris M. Reynier. Il a gardé le sulfate de cuivre comme agent dépolarisant, mais il a substitué dans la cellule du zinc, à l’acide sulfurique étendu ou au sulfate de zinc, une solution de soude caustique, et il a ainsi porté la force électromotrice à 1,4 ou 1,5. Il s’est préoccupé ensuite de diminuer la résistance propre de la pile, et o’est là surtout qu’il a fait une chose originale et importante ; pour augmenter la conductibilité de ses deux liqueurs, il a ajouté des sels solubles et conducteurs par lesquels la résistance des liquides est beaucoup réduite. Il a d’ailleurs adopté des vases poreux de papier parchemin, qui ajoutent beaucoup moins à la résistance que des vases poreux de porcelaine dégourdie.
- Venons maintenant à la description matérielle de
- l’objet. L’élément complet est représenté par la figure 1. L’électrode de cuivre (fig. 2) est placé dans la cellule extérieure, c’est-à-dire en dehors du vase poreux ; elle l’enveloppe, le touche même, de sorte qu’elle est aussi près que possible de l’électrode zinc (fig. 3).
- | Ces deux feuilles métalliques ont la même forme
- Fig. 2. Électrode négative cuivre à l’intérieur du vase poreux.
- repliée et présentent toutes deux une grande surface ; les figures font comprendre comment les queues saillantes hors du liquide sont coupées dans la lame même et comment on évite les attaches soudées, qui sont généralement pratiquées et qui sont nuisibles.
- Le vase poreux est fait de papier parchemin ; la figure 4 le montre achevé; la figure 5 fait comprendre comment il est obtenu par un pliage convenable d’une feuille carrée ; le pliage opéré, on attache avec des épingles de papetier les gros plis ramenés sur les petits côtés ; et le vase ne présente sur ses grandes faces qu’une seule épaisseur de papier.
- L’idée d’employer le papier parchemin n’est pas nouvelle, et sir William Thomson l’avait reprise
- Fig. 3. Électrode positive zinc à l’intérieur du vase poreux.
- dans sa pile Daniell à faible résistance ; mais l’idée du pliage est nouvelle et heureuse, et les vases de papier de M. Reynier pourront être utilisés par les chimistes en dehors de l’application pour laquelle ils ont été imaginés.
- La porosité de cette cloison sera peut-être trop grande pour certaines applications de la pile ; il est aisé de la réduire en pliant ensemble deux ou trois épaisseurs de papier. 11 est intéressant de remarquer d’ailleurs que, par cet artifice, on double ou triple la résistance électrique du vase poreux; mais on
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- augmente bien davantage l’action de ralentissement qu’exerce la cloison sur le mélange des liquides. On comprend en effet que la liqueur placée dans cet intervalle des deux papiers diffère moins par sa composition des deux liquides principaux de la pile, que ces liquides ne diffèrent entre eux,-et par conséquent l’action d’osmose est beaucoup moins
- Fig. 4. Vase poreux de papier parchemin plié.
- rapide qu’elle ne serait avec une cloison unique de même épaisseur totale que les deux ou trois réunies.
- Fig. K. Vase poreux développé
- Avant de quitter ce sujet particulier, remarquons que le procédé du pliage permet de faire des vases poreux octogonaux (fig. 6) avec quatre faces épaisses épinglées et quatre faces minces. On le tire d’une feuille octogonale elle-même (fig. 7), dont le pliage est indiqué. Ces vases octogonaux peuvent remplacer des vases cylindriques et servir dans des éléments ronds qui sont si répandus qu’on est obligé d’en tenir compte.
- Les constantes de la pile Reynier sont très satisfaisantes.
- La force électromotrice est égale à 1 volt. 47, quand les liquides sont neufs; elle descend à 1 volt. 55, quand la pile est montée depuis un certain temps ; il y a là une diminution qui ne peut pas être attribuée à la polarisation, mais à un appauvrissement des liquides. Telle est du moins l’opinion première que nous nous en faisons.
- La résistance intérieure est 0,075.
- De ces données, M. Reynier a tiré par le calcul le travail maximum que peut fournir la pile, travail qui est celui produit par le courant dans un circuit -extérieur d’une résistance égale à celle propre de la pile, et dans le cas où le travail se réduit à réchauffement du conducteur.
- Fig. 6. Vase poreux octogonal.
- Le tableau suivant donne pour plusieurs éléments connus et répandus dans les laboratoires ou l’industrie, les forces électromotrices, en volts, les résistances en ohms, le travail maximum en kilo—
- Fig. 7. Vase octogonal développé.
- grammètres et en calories (gramme—degré centigrade) .
- CONSTANTES TRAVAIL
- DÉSIGNATION DES PILES E R T T
- Pile Bunsen, modèle or- en volts. en ohms. en kilogram-mètres, en calories.
- dinaire rond, hauteur 0m,20 4,80 0,24 0,344 0,796
- Pile Bunsen rectangulaire modèle Ruhm-korff, hauteur 0ra,‘20.. 1,80 0,06 1,378 3,189
- Pile Daniell modèle rond, hauteur 0“,20.. Pile horizontale W. 1,06 2,80 0,010 0,023
- Thomson, électrodes de \îimi 1,06 0,20 0,143 0,331
- Pile cylindrique F. Carré, hauteur 0m,60.... 1,06 0,12 0,238 0,551
- Pile Reynier, modèle rectangulaire, hr0“,20. 1,55 0,075 0,619 1,440
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- M. Reynier a fait fonctionner devant la Société de physique cinquante couples qui étaient montés dans la salle même de la réunion ; on a pu constater ainsi que la pile ne répandait aucune odeur et ne pouvait gêner en aucune façon. Cette pile a fourni un arc voltaïque et fait marcher une lampe Serrin, de manière à établir que la pile Runsen n’est plus nécessaire pour les expériences de projeçtion.
- On a pu également avec une partie des éléments, faire tourner des moteurs électro-magnétiques, moteur Deprez, machine Gramme, de manière à faire penser que le moment n’est pas éloigné où les moteurs perfectionnés pourront être utilisés dans la petite industrie, grâce à l’invention d’une pile qui fournit, dans des conditions d’un emploi commode, de l’électricité à un prix peu élevé.
- A. Niaudet.
- PERFECTIONNEMENTS
- APPORTÉS AUX BOBINES DU GENRE SIEMENS
- Lorsqu’on trace le diagramme dynamique d’une bobine de Siemens en lui faisant opérer une révolution complète entre les deux pôles magnétiques qui réagissent sur elle, on observe que le travail est presque nul pendant deux périodes assez grandes de la rotation. Ces deux périodes correspondent aux temps pendant lesquels les pôles cylindriques de la bobine, ayant atteint les pôles de l’aimant, défilent devant eux. Durant ces deux fractions de la révolution, qui sont chacune de 50 degrés environ, les surfaces magnétiques destinées à réagir l’une sur l’autre restent à la même distance ; la bobine n’est donc pas sollicitée à tourner. 11 en résulte une perte notable de travail.
- J’ai supprimé ces périodes d’indifférence et accru l’effet utile de la machine, en modifiant ainsi la bobine. Les faces polaires au lieu d’être des portions d’un cylindre dont l’axe coïncide avec celui du système, sont en forme de limaçon, de telle sorte qu’en tournant, elles approchent graduellement leurs surfaces de celles de l’ai -inant jusqu’au moment où le bord postérieur échappe le pôle de l’aimant. L’action de répulsion commence alors, de sorte que le point mort est pratiquement évité.
- L’importance de ce perfectionnement a été mise en évidence par une expérience très simple. On a construit deux bobines Siemens de même diamètre, même largeur et même enroulement, dont une seulement avait été modifiée de la manière indiquée ; on les a employées successivement en les substituant l’une à l’autre dans un moteur électrique et l’on a constaté qu’avec une même pile la bobine modifiée fournit un accroissement de travail considérable.
- La bobine peut fonctionner en présence d’un aimant permanent; mais je préfère employer comme réacteur magnétique fixe un électro-aimant placé dans le même circuit, ce qui permet de faire varier l’énergie du courant entre des limites éloignées sans que les intensités magnétiques respectives de l’organe fixe et de l’organe mobile cessent de demeurer dans la rotation voulue.-
- Le petit moteur que j’ai l’honneur de mettre sous les yeux de l’Académie est construit d’après ces principes. Un
- seid couple de la pile Reynier lui imprime un mouvement de rotation rapide; avec trois couples on Lût tourner une machine à coudre. Ainsi complétée par la pile énergique constante et inodore de M. Reynier, cette machine devient un moteur domestique commode et économique. Les mesures dynamométriques prises sur mon moteur actionné par cettëpile donnent des résultats qui s’approchent d’une manière très satisfaisante du rendement théorique indiqué par M. Reynier *.
- Est-il besoin d’ajouter que ce moteur est réversible et peut, moyennant de légères modifications, être employé comme générateur d’électricité 2. —
- G. Trouvé.
- CHRONIQUE
- Légion d'honneur. — Parmi les nombreuses nominations dans l’ordre de la Légion d’honneur qui ont été faites le mois dernier, nous sommes heureux d’enregistrer ici celles de plusieurs collaborateurs de ia Nature : M. le docteur E. T. Hamy, aide-naturaliste au Muséum d’histoire naturelle; C. M. Gariel, ingénieur des ponts et chaussées, professeur agrégé à la Faculté de médecine ; Girard de Ilialle, sous-directeur des Archives au ministère des affaires étrangères, et Gaillot, astronome à l’Observatoire de Paris, qui ont été nommés chevaliers de la Légion d’honneur.
- Un steamer modèle. — L'Universal Etigineer de Manchester publie une notice relative à un nouveau navire à vapeur, la Columbia, qui doit faire le servive entre San Francisco et Portland. L’apparence extérieure est quelque peu différente de celle des vaisseaux ordinaires de deux mats pour le service de l’Océan. L’intérieur, néanmoins, a été fait sans avoir égard aux frais. Toutes les cabines sont aérées par de l’air fourni par une machine et sous le contrôle des occupants, l’air étant chauffé en hiver et refroidi pendant l’été. La lumière électrique est employée dans les cabines principales et dans différentes parties du vaisseau. Quatre machines dynamo-Edison, fixées dans la chambre de la machine, fournissent la lumière. Les lumières dans les cabines sont contrôlées de l’extérieur par le garçon. Les lampes, qui sont placées dans un globe de verre, donnent à la chambre une lumière claire, molle et blanche. Une forte lumière électrique est aussi placée sur l’avant du navire et éclaire la mer sur une grande distance. Les cabines principales sont dépourvues de sonnettes électriques, le fumoir et les salons sont mis en communication avec la chambre des officiers au moyen d’un téléphone. Un signal électrique sur le pont permet au capitaine de noter dans quelle direction le navire se dirige et à quelle vitesse les machines marchent. Les lits des cabines de lre classe sont construits d’après le système de ceux des Pullman-cars et peuvent se plier pendant le jour. L’eau est fournie par un système perfectionné d’alimentation, et une quantité d’eau considérable est toujours en distillation au moyen d’un alambic. La Columbia mesure 334 pieds de long et jauge 3200 tonnes.
- Production de signaux par l’éclairage à la vapeur. — L’administration des Phares (Trinity Roard) vient de faire en Angleterre des expériences sur une nou-
- 1 Comptes rendus, séance du 28 juin 1880.
- 2 Note présentée à l’Académie des sciences par M; du Moncel,
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- velle méthode de production de signaux en mer, qui promet des résultats avantageux. Le système a été imaginé par un ancien officier de la marine russe, Cari Otto Ramstedt. L’appareil se compose d’une chambre dans laquelle l’inventeur brûle, dans une flamme, des sels de strontium, de baryum ou d’autres substances qui produisent les feux colorés. Derrière la chambre est un réflecteur qui permet à volonté de projeter la lumière sur un jet de vapeur soit instantanément, soit d’une manière continue. La vapeur devient ainsi lumineuse, de couleur variable, selon les substances employées. Le rayon lumineux, dans la pratique, est dirigé en mer, et projeté sur la vapeur sortant de la cheminée d'un steamer, et des signaux optiques sont disposés selon un code connu de signaux, grâce à ces combinaisons d'éclats durables ou instantanés. L’appareil lumineux, enfermé dans la boîte munie d’un eouvercle à charnière, est sous la main de la personne qui veut faire les signes. Les résultats des expériences ont prouvé que ce système est très avantageux; il ne s’applique pas seulement aux steamers : on peut l’adapter aux navires à voiles, en projetant la lumière sur les voiles.
- Tremblement de terre de Manille. — Les nouvelles récentes de l’archipel des Philippines ont occasionné une pénible impression en Espagne. Une série de secousses de tremblement de terre qui se sont produites les 20 et 22 juillet ont presque détruit la ville de Manille et semé au loin dans tout l’archipel la ruine et la mort. Des perturbations atmosphéi’iques ont précédé le premier tremblement de terre, qui dura 70 secondes avec un mouvement de rotation. C’était un dimanche, et après l’heure des offices, heureusement, car la cathédrale avec ses tours, plusieurs couvents, toutes les églises de paroisses furent détruits ou lézardés. Tous les édifices, dépôts et magasins de l’État, se sont écroulés : l’arsenal, les casernes, le Palais de justice et celui du Gouvernement. Les maisons de particuliers tombées en ruines se comptent par centaines, surtout dans le quartier chinois, dont la population se refuse à évacuer la place. Les autorités, les Européens, le clergé, les moines, les Malais même sont allés camper hors ville, et bien leur a pris, car, le 20, il y eut deux oscillations de 55 et de 40 secondes. Le capitaine général des Philippines télégraphie, le 22, qu’il ne reste plus un édifice debout dans Manille et que les campagnes aussi ont beaucoup souffert. C’est un désastre sans exemple. Le premier jour il y avait eu environ 25 morts et 20 blessés ; le second, on croit que le nombre des victimes dépassera 250. La consternation est grande. Le tremblement de terre a dû être très violent cette fois ; il a détruit des édifices qui avaient bravé jusqu’à trois secousses antérieures. Fort peu d’Européens ont péri. Mais les pertes matérielles sont immenses, à tel point qu’on croit qu’à Manille seul elles dépasseront 400 millions de francs. Le gouvernement a offert, par le câble, au gouverneur de l’archipel tous les secours qu’il peut désirer, et ce sera encore une charge pour le Trésor de la métropole.
- Le « Polyphemus ». — Ce bélier-torpilleur anglais, construit à Chatam, est certainement le type le plus extraordinaire qui ait jamais été mis en chantier. Tout est nouveau dans la forme, l’armement, l’aménagement de ce bâtiment et dans les dispositions de sa cuirasse. Comme navire d’attaque, on devra le manier tout autrement que les navires ordinaires de combat. Les caractéristiques du Polyphemus sont les suivantes : éperon for-
- midable, batterie de torpilles puissante, grande vitesse, grande facilité de manœuvre et d’évolution, dimensions moyennes, et enfin petite surface d’œuvres mortes exposées au feu de l’ennemi. La partie du bâtiment qui est au-dessus de la flottaison a une forme convexe, afin de faire dévier les projectiles qui la frapperont. Sur l’eau, il aura l’aspect d’un corps cylindrique fortement immergé, flottant sur une de ses arêtes et effilé à ses extrémités. La partie supérieure du cylindre, aplatie sur une grande étendue, de manière à former un pont, sera à lm, 37 de la flottaison. Ce pont, recouvert d’une cuirasse en acier, protégera le navire, la machine et tous les engins de combat. La coque proprement dite sera surmontée d’une légère construction qui portera le pont de mauvais temps ou pont supérieur (hurvicane deck), s’étendant sur les deux tiers de la longueur, et sur lequel on verra un mât de signaux, la cheminée, la tour du commandant, les embarcations, etc., etc.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 2 août 1880. — Présidence de M. Becquerel.
- L'orage de vendredi. — Un observateur dont le nom nous échappe et qui habite le faubourg Saint-Honoré, a refnarqué, durant l’orage de vendredi, la simultanéité de ces trois phénomènes : abaissement considérable de la température, chute d’une grêle abondante, saute de vent au Nord. Il en conclut des arguments nouveaux en faveur de la théorie gyratoire des ouragans.
- Les archives de VAcadémie. — Les archives de l’Académie rentrent en possession d’un mémoire de Sophie Germain, qui, çn 1824 ou 1825,avait valu un prix à son auteur. Cette pièce intéressante avait été léguée à l’École des ponts et chaussées par Pronv. Mais celui-ci, qui l’avait reçue comme membre de l’Académie, n’en était réellement que le dépositaire, et M. Collignon, inspecteur de l’École des ponts, a sans peine obtenu du ministre des travaux publics l’autorisation de la restituer à son véritable propriétaire. On sait que Sophie Germain avait publié ses premiers mémoires de mathématique sous le pseudonyme de M. Leblanc, sous lequel ils attirèrent l’attention de Gauss. L’admiration qu’ils avaient provoquée fut singulièrement accrue encore quand on sut que l’auteur n’était autre que la jeune Mlle Sophie Germain.
- Solubilité des sels. — Si une dissolution saline parfaitement en repos présente des couches superposées de température inégale, ces couches se chargent très inégalement, selon M. Soret, de la matière dissoute. Ce phénomène de partage, qui ne se réalise que lentement, devra sans doute être pris en considération quand il s’agira de préciser les conditions d’équilibre de l’eau des mers.
- Sur l'effluve électrique. — En faisant passer l’effluve électrique dans une atmosphère de fluorure de silicium, MM. Hautefeuille et Chapuis ont obtenu des manifestations lumineuses très brillantes qu’on n’avait pas encore observées, et qui constituent une belle expérience de cours.
- Préservation du charbon. — Sué la demande de l’auteur, M. le secrétaire perpétuel ouvre un paquet cacheté déposé le 12 juillet 1880 par M. Toussaint. On y trouve
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- le résultat de très nombreuses expériences prouvant que les chiens et les moutons sont soustraits à l’infection charbonneuse par la vaccination à l’aide du sang tiré d’un animal contaminé, défibriné par le battage, filtré et chauffé à 55 degrés. La réussite est si complète, qu’on peut prévoir comme très prochain le jour où l’on vaccinera les troupeaux et où, par conséquent, la pustule maligne ne sera plus connue que par ouï-dire.
- Un nouveau podomètre. — M. Marey vient d’inventer un ingénieux petit instrument qui permet d’enregistrer aA-ec précision les chemins parcourus par une voiture ou par l’homme, en fonction du temps employé à les parcourir. Sans entrer dans une description qui réclamerait impérieusement l’adjonction d’un dessin à notre texte, nous dirons que cette petite machine a fourni dès maintenant beaucoup de résultats intéressants. Quand un même homme marche sur un sol horizontal, la longueur de ses pas est remarquablement constante ; mais si le terrain s’incline, qu’il aille d’ailleurs en montant ou en descendant, la longueur des pas augmente sensiblement. La forme de la chaussure a aussi une influence très directe : un talon raccourcit le pas et d’autant plus qu’il est plus haut; une semelle allongée le rend au contraire plus long. La charge dont le marcheur est chargé se répercute aussi dans la dimension de ses enjambées.
- Électricité polaire des minéraux.—On sait depuis longtemps que certains cristaux hémièdres prennent des pôles électriques lorsqu’on les échauffe. MM. Curie annoncent que le même résultat est produit par une compression. Celle-ci d’ailleurs n’agit pas, comme on pourrait le croire, par la chaleur qu’elle développe, car ses effets sont les mêmes que ceux du refroidissement.
- Nouveau zébu. — Par l’intermédiaire de M. de Quatre-fages, M. de Rochebrune, préparateur adjoint au Muséum, signale une race de bœufs à bosse (zébu) de l’Afrique, qui présente sur le nez une corne de 50 à 75 millimètres de longueur. Cette découverte confirme les remarques jadis publiées par M. de Quatrefages, d’après lesquelles la disposition des cornes chez les bœufs correspond à l’épaississement de la région mitoyenne de la face.
- Stanislas Meunier.
- UNE VOITURE MÉCANIQUE
- AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE
- Un savant distingué du dix-septième siècle, Oza-nam, membre de l’Académie royale des sciences, a donné en 1693 la description d’une curieuse voiture mécanique qui peut être considérée comme un des systèmes précurseurs du vélocipède. Nous reproduisons, à titre de curiosité historique, les gravures et le texte publiés par Ozanam.
- « On voit à Paris depuis quelques années, dit le savant académicien (ces lignes ont été écrites en 1695), un carrosse ou chaise qui a une forme à peu près semblable à celle de la ligure 1. Un laquais monté derrière, le fait marcher, en appuyant alternativement les deux pieds sur deux pièces de bois
- (fig 2), qui communiquent à deux petites roues cachées dans une caisse posée entre les roues de derrière A, B, attachées à l’essieu du carrosse. J’en donnerai l’explication dans les mêmes termes que je l’ai reçue de M. Richard, médecin de la Rochelle.
- « A A est un rouleau attaché par les deux bouts à la caisse qui est derrière la chaise. B est une
- Fig. 1. Ancienne voiture mécanique, d’après Ozanain.
- poulie sur laquelle roule la corde qui lie le bout des planchettes C,D sur lesquelles les laquais mettent les pieds. E est une pièce de bois qui tient à la caisse. F, F sont les pédales. Les roues II, H fixées
- I 1
- Fig. 2. Detail du mécanisme.
- à l’essieu étant ainsi mises en rotation, font tourner les deux grandes roues I, I. Il est facile de s’imaginer que les deux roues de derrière avançant, il faut que les petites de devant avancent aussi, lesquelles iront toujours droit si la personne qui est dans la chaise ne les fait tourner avec les rennes qui sont attachées à une flèche sur le devant. »
- Le Propriétaire-Gérant : G Tissandier.
- Imprimerie A. Laliure, rue de Fleurus, 9, à Paris.
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- N° 576.
- 14 AOUT 1880.
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- LES BOTOCUDOS
- EN 1878
- De tous les indigènes qui peuplent encore quelques régions du vaste empire brésilien, les Boto-cudos, en raison de la permanence de leur état primitif, sont particulièrement dignes d’intérêt.
- Descendants des farouches Aymorès, de l’antique race des Tapuias, ils habitaient d’abord la rive droite du rio San Francisco ; de là, ils se répandirent dans les immenses forêts que traverse cette partie de la chaîne côtière appelée Serra dos Aymorès et peu à peu gagnèrent la région qu’ils occupent aujourd'hui dans les provinces de Minas Geraès et de Spiritu Santo.
- Considérablement diminués par de continuelles hostilités de tribu à tribu, avec leurs voisins, avec les Portugais, et décimés par les maladies éruptives, ils sont confinés dans les bassins du rio Mucury et du rio Doce. Quelques-uns , plus ou moins en relations avec les rares habitants de ces contrées, et avec les catachèses que le gouvernement brésilien y entretient, sont dans un état de domestication encore bien voisin de l’état primitif. Près de trois cents de ces Indiens, divisés en trois ou quatre groupes, débris de tribus autrefois puissantes, ont leurs campements sur les bords du Sussuhy-Assii et de son affluent l’Urupuca, dans Je haut rio Doce, et quelques-uns dant le voisinage de la catachèse de Poaya.
- En descendant le fleuve, et après trois ou quatre jours d’une navigation en pirogue que les nombreux rapides et les rochers à fleur d’eau rendent très 8* aiioé» — îe semestre.
- périlleuse, on atteint le hameau du Guandù, sur la rivière de même nom, à peu près à la limite des provinces de Minas Geraès et de Spiritu Santo. Environ deux cents Indiens habitent ces parages, soit sur les bords du rio Guandù, soit dans le voisinage des ports de Touga et de la catachèse du Mutum.
- Des Rotocudos, également niansos ou apprivoisés, habitent sur les bords du rio Mucury et de son affluent principal, la Tambaquary, où se trouve aussi
- une catachèse.
- Ges Indiens vivent dans une complète indépendance. Chaque tribu a son chef, qu’ils appellent kraine-lone. Leurs habitations ou ki-geme ne sont que de petites huttes de branchages et de feuilles de palmiers, dont la fréquence indique les habitudes nomades de ces Indiens. Cependant, ils ont toujours quelque station préférée, à proximité d’un cours d’eau et dans la partie la plus dense de la forêt. L’odeur caractéristique qui s’en exhale et se répand au loin forme une sorte d’atmosphère propre à ces campements. Les Boto-cudos vivent de chasse, de pèche et de végétaux sauvages, tels que les caras, ou rhizomes succulents d’une Dioscorée très abondante dans ces régions, les amandes de sapucaia (Lecythis ollaria), le gravata, Broméliacée à feuilles charnues, et les bananes qu’on rencontre, non sans surprise, dans la profondeur de ces forêts. Ils mangent leurs aliments plus ou moins cuits, en les exposant directement au feu, car ils n’ont d’autre ustensile qu’un long et gros bambou destiné à 'puiser et à transporter de l’eau. Comme tous les sauvages, ils obtiennent du feu par le frottement rapide de morceaux de
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- Un_Botocudos (d’après une photographie).
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- bois, et très souvent iis transportent, un tison.
- Toute leur industrie consiste à l'aire des tilets avec des libres végétales très résistantes. Ces sortes de sacs, souvent ornés de différentes couleurs, leur servent à porter les provisions. Leurs armes sont de longues flèches dont la pointe est faite d’un bois très dur ou d’un éclat de bambou, et qu'ils lancent au moyen d'un arc également très long et droit. Tout autre objet, couteau, vêtement, pipe, tabac,etc., dont ils ont appris l’usage, leur est donné par les eatacheses ou par les habitants. Quelques Indiens ont aussi obtenu des fusils, qu’ils manient avec beaucoup d’adresse. Ils acceptent volontiers des vêtements, sauf à les abandonner à la première occasion. Leur costume, du reste, est toujours bien rudimentaire. La plupart n’ont qu’un mouchoir en guise de pagne; ceux-ci ont un caleçon, ceux-là une chemise, et les femmes portent indifféremment cette unique pièce de leur costume, en manière de jupon, d’écharpe ou de tablier.
- Une chasse fructueuse, une bonne récolte de fruits sauvages et de même une distribution de présents, sont toujours suivies de réjouissances. Leur danse est une sorte de ronde dans laquelle les hommes et les femmes se tiennent par les épaules et tournent lentement en exécutant différents mouvements des hanches et des pieds. En même temps, l’un des danseurs entonne un récitatif que toute la troupe répète en y ajoutant un refrain. Ces quelques notes donnent le rythme et la modulation de ce chant; mais rien ne peut rendre le caractère de ces voix, qu’involontairement on rapproche des cris de quelques grands oiseaux de ces forêts.
- Quant à la poésie de ces improvisations, elle est en général peu propre à enflammer l'imagination. Elle traduit surtout la principale préoccupation des Botocudos, qui est de manger beaucoup.
- Au physique, ces Indiens sont de taille moyenne, robustes, malgré l’apparence grêle de leurs membres. Les extrémités sont remarquablement petites. Us sont bruns rougeâtres, avec de grandes différences individuelles. 11 en est qui sont d’un brun très clair. Les cheveux, très noirs et lisses, sont coupés en couronne au-dessus des oreilles et tombent sur le front. De petits yeux obliques, une face large, le nez peu relevé et court, une bouche grande, donnent à ces sauvages une physionomie peu attrayante. Mais la coutume qu’ils ont de porter enchâssées dans la lèvre inférieure et dans le lobule de l’oreille des rondelles de bois d’une dimension parfois considérable, les rend véritablement hideux. C’est cet ornement bizarre, fait avec les jeunes branches du Dombax ventricosa, qui leur a valu le nom qu’ils portent aujourd’hui, à cause de sa ressemblance avec une bonde de tonneau, en portugais botoque. Cette coutume tend à disparaître. Ils consentent facilement à ne plus soumettre leurs enfants à l’opération cruelle qu’elle nécessite. Les seuls ornements dont ils font usage sont des peintures sur différentes parties du corps avec les
- couleurs fournies par le roucouyer (Dira orellana) et le Genipa americana. Les chefs n’ont, aucune parure qui les distingue.
- La langue des Botocudos est différente de celle qui était parlée par la plupart des indigènes brésiliens : sa prononciation est aspirée; les consonnes sont peu articulées. Elle est très difficile à lixer par l'écriture. Elle est très riche en onomatopées ; ainsi ha-ha-ha, qui signifie coq, exprime bien le chant de cet oiseau. Poun veut dire fusil, et poun-poun, fusil à deux coups. Le fruit de sa-pucaia (ha) est sans doute ainsi appelé parce que les aras, très friands de ces amandes, ont coutume de pousser un cri particulier qui ressemble à une exclamation.
- Les Botocudos sont polygames, très passionnés et très jaloux. A l’époque de mou séjour au rio Doce, sept ou huit hommes appartenant à la tribu du Cajé furent tués dans une embuscade par ceux du Jataby, qui s’emparèrent de leurs femmes. C’est le principal motif de leurs querelles. Bien qu’ils aient dans leur langue le mot tupan pour désigner Dieu, esprit bienfaisant, nanchon, diable, génie du mal, ils n’ont aucun culte extérieur. Ils ont peur du tonnerre, et quand des coups de foudre éclatent dans l’atmosphère, leur terreur est excessive. Les Botocudos exposent près de leurs morts un bambou rempli d’eau et quelquefois des aliments.
- Leur dernier festin de cannibales remonte déjà à plusieurs années. Ce fut un jeune Brésilien du nom d’Avelino qui en fit les frais. Le vieux missionnaire du Mutum, quelque temps après cette scène monstrueuse, réussit à recueillir un débris de ce malheureux ; il lui fut permis de lui rendre les honneurs d’une sépulture plus chrétienne.
- L’absence de toute habitation sur la rive gauche du rio Doce, depuis le hameau de la Figueira jusqu’à la province de Spiritu Santo, est due uniquement à la terreur qu'inspirent encore quelques tribus plus sauvages. Beu de temps avant mon passage, quelques-uns avaient paru à la cataehèse du Mutum, armés de flèches, le corps barbouillé de rocou, le front ceint d’un diadème d’écorce, indices d’intentions hostiles, et ils avaient tué l’interprète de la Mission. Ce sont probablement ces mêmes Botocudos qui se sont montrés à la hauteur du rapide que les naturels désignent sous le nom de la Cachocera do Inferno. Hommes et femmes étaient complètement nus et paraissaient avoir eu encore peu de rapports avec les habitants de ces contrées.
- 11 serait difficile de dire le nombre de ces Botocudos bravos ou sauvages ; cependant les récits d’un Brésilien habitant la vallée du Sussuhy-Assù, et qui a traversé la région intérieure jusqu’au rio San Matheus, autorisent à penser que le chiffre en est aujourd’hui bien restreint.
- Dr Philippe Rey.
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- LA NATURE.
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- ASSOCIATION FRANÇAISE j
- POUR L’AVANCEMENT DES SCIENCES
- SESSION DE REIMS 1880
- l’excursion AUX GROTTES I)U HAN, EN BELGIQUE
- À l’heure où ces lignes passeront sous les yeux de nos lecteurs, le Congrès scientifique de Reims aura été ouvert sous la présidence de M. Krantz, sénateur, et les séances de sections se seront organisées sous la direction du Comité local. À la fin du Congrès, qui se terminera le 19, les membres de Y Association française réunis à Reims, feront une excursion aux magnifiques grottes du Han. Nous avons visité précédemment, mon frère et moi, cette curiosité naturelle, une des plus belles et des plus étranges que l’on puisse admirer; nous en donnons ici la description, espérant qu’elle sera lue avec quelque intérêt par tous nos lecteurs, et qu’elle servira en quelque sorte de guide à ceux d’entre eux qui prendront part à l’excursion delà semaine prochaine. G. T.
- La grotte du Han est située en Belgique, dans la province de Namur, à une faible distance du duché de Luxembourg.
- C’est dans cette contrée qu’une petite rivière, la Lesse1, pénètre au pied d’une montagne, dans une cavité rocheuse, et, disparaît au fond d’un gouffre obscur avec un fracas épouvantable. 0n~ la retrouve à 1200 mètres de là, sur l’autre versant de la montagne : ses eaux, agitées tout à l’heure, sont à présent calmes et limpides comme celles d’une source de cristal. Lorsqu’on jette des corps flottants du côté de la montagne où s’engouffre la Lesse, on ne les retrouve jamais. de l’autfe côté. Lorsque les eaux à l’entrée sont noircies par un orage, il faut un jour entier pour que leur transparence soit altérée à la sortie.
- Sous le rocher d’où s’échappe la rivière pour reprendre son cours règne une obscurité profonde. Pendant dés siècles, personne n’avait osé s’avan-turer dans ce monde mystérieux. En 1814, quatre jeunes gens s’avancèrent résolument dans cette caverne. Armés de torches, répandant derrière eux de la farine destinée à leur indiquer le chemin qu’ils avaient suivi, rampant dans des orifices étroits, ils pénétrèrent enfin jusqu’au sein de la montagne.
- La grotte du llan est composée de vingt-deux salles différentes et de plusieurs souterrains étroits d’une grande longueur. 11 faut l’avoir parcourue pour se représenter la diversité, la singularité du spectacle qu’elle vous réserve. On y entre par une petite fente rocheuse, située non loin de la chute de la Lesse. On descend des marches, puis on arrive bientôt dans une série de grandes cavernes que les guides éclairent avec des lampes et des torches de paille. Des palais féeriques se succèdent devant vos
- 1 La Lesse prend sa source dans le duché de Luxembourg ; elle se jette dans la Meuse au-dessus de Dinant.
- veux. On ne se lasse pas d’admirer la profusion des stalactites suspendues de tous côtés. On traverse successivement la Salle blanche, ainsi nommée à cause de la couche brillante de carbonate de chaux qui recouvre les stalactites et les rochers ; le Trou au Salpêtre, la Salle des Scarabées, la Grotte de Priape, ainsi nommée à cause de la forme singulière des stalagmites qu’elles renferment ; la Salle des Renards, dans laquelle on a retrouvé un assez grand nombre d’ossements de ces animaux recouverts d’une couche de calcaire; la Salle du Précipice, qui renferme une stalagmite remarquable de la forme d’un balcon, et près de laquelle on aperçoit un gouffre profond ; la Grotte d'Antiparos, qui doit son nom à un bloc calcaire analogue au fameux Tombeau qu’on rencontre dans la caverne de l’Archipel grec; puis la Galerie de l'Hirondelle., Op* pénètre ensuite dans la Grande liue.. C’est un'corridor étroit de 115 mètres de long. Il "est percé naturellement dans du beau marbre noir veiné de blanc. Ce marbre est toujours poli - par^Teau .qui suinte à sa surface. Ce chemin vous rnène au monde_ nouveau tout récemment découvert; il se composé de plusieurs grottes qu’on appelle les Mystérieuses. Quand la lueur des feux de paille éclaire tous les groupes de stalactites qui se détachent sur- u%fûnd 'noir, quand apparaissent à la vue iêS4stahrgnïitès, d’albâtre qui jonchent le sol, les >colonne», fines «t déliées, ou quelquefois massives et compactes, Jes draperies ondoyantes, gracieusement festonnées, l’infinité d’aiguilles transparentes,;ale toute grosseur, de toute longueur, qui tapissent la yQ.ùtelUeS^ crétionsde toute forme, ornements singuliers lïNibe architecture bizarre, on éprouve * la ^étisatjpn qtie produit un rêve fantastique. ''v-/
- Passons devant une stalagmite Temafquab'lè' appelée le Tonneau des Danaïdes et devant le groupe curieux de 1 'Alhambra; traversons le Corridor de« Draperies, qui renferme uniquement des stalagmites de la forme d’étoffes plissées, rendant désjsôns métalliques quand on les frappe. Nous arrivons ensuite dans une série de salles d’un aspect tout autre, mais non moins remarquable.
- Les guides montrent dans une de ces salles des ossements fossiles fixés solidement dans une pierre, près de laquelle on arrive, en grimpant, sur un terrain glaiseux et glissant. On distingue très nettement une grande mâchoire qui a évidemment appartenu à un mammouth. Le terrain argileux qui recouvre presque entièrement le sol de la grotte du Han, cache sans aucun doute bien d’autres richçsses de ce genre qu’on trouverait au moyen de quelques fouilles.
- En continuant à marcher, on ne tarde pas à pénétrer dans la Salle du Dôme, dont la hauteur n’a pas moins de 70 mètres et la longueur 123 mètres. Les feux de paille qu’allument les guides ne suffisent pas pour l’éclairer tout entière; il faut se résigner à n’en voir qu’une partie à la fois. Son aspect est tout autre que celui des grottes précédentes. Il
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- faut renoncer à décrire les fantasmagories qui frappent la vue. C’est l’immensité infernale qu’a créée le génie sublime du Dante!
- Dans les hauteurs règne une obscurité saisissante. Les stalagmites qui jonchent le sol sont d’une grandeur colossale, d’une forme exceptionnelle. Là, c’est un tombeau qui semble en albâtre et qu’on appelle le Mausolée; ici, c’est un bloc calcaire noirâtre, étincelant de cristaux. Ce bloc est creux intérieurement. On y pénètre par deux entrées : on l’a nommé le Boudoir de Proserpine. L’intérieur est contourné, travaillé, modelé, sculpté par le hasard. Tout autour, des groupes de stalagmites semblent
- en défendre l’entrée. L’un représente un cygne fantastique qui se tient par le bec aux parois de la voûte, l’autre une tète qui rappelle le buste de Socrate... Là, c’est une tiare qui paraît coiffer le sommet de la tète d’un géant; plus loin, c’est un trône colossal appelé Trône de Pluton. A l’un des angles de la salle, un précipice obscur s’offre à la vue. Une pierre lancée ne fait entendre le son produit par son choc au fond du gouffre qu’après quelques secondes.
- Tout autour de cette caverne sont entassés, amoncelés pêle-mêle des blocs immenses de rochers. Aucun bruit ne trouble ces lieux, si ce n’est celui
- Fig. i. La perte de la Lesse, entrée de la grotte du Han (d’après nature par M. Albert TissauJier;.
- que fait une goutte d’eau en tombant sur une stalagmite qu’elle vient grossir en y ajoutant un atome imperceptible de matière calcaire. Ce bruit, régulier comme celui d’une pendule, est le seul indice du travail mystérieux que poursuit la nature depuis une suite d’années incalculables.
- Un ne se lasserait pas de contempler ces merveilles. Mais les torches de paille ne tardent pas à s’éteindre... l’ohscurité succède à la lumière et enveloppe tout d’un voile impénétrable.
- C’est alors qu’on se rend dans la Salle de l'Embarquement, où l'on retrouve la Lesse. On monte en barque pour sortir de la grotte. On suit la rivière, qui continue son cours à travers des galeries d'un effet magique. Les voûtes sont tapissées de stalactites que reflète l’eau, limpide comme du
- quartz hyalin. On n’entend que le clapotement des flots contre la barque, que le bruit régulier des rames. Les lumières allumées font voir les rochers entassés sur les bords et les fissures des parois de ces voûtes. Les échos répètent doucement tous les sons. Cette navigation vous mène à la lin de la galerie. On débarque, on aperçoit de loin la lumière du jour. Les guides font entendre la détonation d’une arme à feu dont le bruit est répété, amplifié par d’innombrables échos. Quelques pas encore, et l’on revoit le ciel !
- Pour terminer utilement la description que nous venons de retracer, nous ajouterons quelques mots sur la formation des cavités souterraines et sur la production des stalactites.
- Il est à présumer, comme le dit avec raison
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- M. Beudant, que l’origine première des cavernes est due à des crevasses qui se sont formées dans l’intérieur du sol. Des phénomènes actuels semblent confirmer cette nouvelle hypothèse. Il arrive que dans des tremblements de terre, des lacs ou des rivières prennent tout à coup un écoulement souterrain, ce que l’on explique par la formation subite d’immenses crevasses de ce genre. On conçoit que de semblables canaux, après avoir été mis à sec par des soulèvements plus ou moins considéra -blés, aient pu former les cavernes que nous rencontrons dans le sein de la terre.
- Il faut cependant reconnaître que ces cavités ont dû postérieurement subir des changements importants. Il est certain que leurs parois ont éprouvé çà et là des éboule-ments; il n’est pas moins certain qu’elles ont été usées par l’action des eaux; l’aspect de leur surface polie et arrondie en est une preuve incontestable. Enfin, il se peut encore que ces eaux aient été chargées de l’acide carbonique qui pouvait se dégager des fissures du sol ; elles auraient dans ce cas exercé sur les roches calcaires leur action corrosive en augmentant considérablement le volume intérieur de ces grottes.
- Ces souterrains naturels sont souvent garnis de stalactites, dépôts de forme conique résultant de l’infiltration d’une eau minérale à travers leurs parois et se formant verticalement de haut en bas à leur partie supérieure, à la manière des aiguilles de glace que nous apercevons au bord de nos toits pendant l’hiver. Le mode de formation des stalactites est resté longtemps inexpliqué. On supposait que les pierres poussaient et végétaient comme les plantes, et pouvaient ainsi prendre la forme qu’elles affectent dans ces grottes souterraines. Cette erreur,
- qui a eu de nombreux partisans, est aujourd’hui complètement détruite.
- Les stalactites sont généralement formées de carbonate de chaux. Cette substance est insoluble dans l’eau, mais elle peut se dissoudre dans l’eau chargée d’acide carbonique. Reaucoup d’eaux souterraines sont dans ce cas et charrient des molécules calcaires qu’elles déposent au contact de l’air. Supposons qu’une eau de cette nature se trouvant dans le sol d’une montagne, s’infiltre en pénétrant dans les fissures des roches qui forment les parois d’une grotte, ou suinte à travers leur tissu poreux. Il y aura des gouttes qui resteront quelque temps suspendues à la même place ; elles s’évaporeront successivement en abandonnant le carbonate de chaux qui s’y trouvait dissout. La première goutte laissera un dépôt de forme annulaire presque imperceptible ; la deuxième augmentera ce dépôt ; et ainsi de suite jusqu’à lui donner une forme analogue à celle d’un tuyau de plume : l’évaporation successive et continue d’autres gouttes finira par boucher l’orifice ; l’eau s’écoulera alors le long des parois du tuyau, qui grossira extérieurement ; et comme les dépôts sont plus abondants vers la, base qu’à l'extrémité, en raison de l’appauvrissement progressif du liquide, la stalactite doit offrir bientôt l’aspect d’un cône très allongé.
- L’eau, en s’échappant de la partie inférieure de la croûte, tombe verticalement sur le sol : là elle s’évapore entièrement et met en liberté le reste du calcaire, et de même pour les autres gouttes, qui forment ainsi, juste au-dessous de la stalactite, un dépôt de même nature appelé stalagmite.
- Il est à remarquer que les stalagmites sont généralement d’une forme plus aplatie que les stalac-
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- tites ; cependant elles présentent souvent aussi celle qui caractérise ces derniers dépôts. Les stalagmites s’accroissant ainsi de bas en haut, pourront rencontrer les stalactites qui s’accroissent en même temps de haut en bas en suivant la même verticale, et former de cette manière les colonnes bizarres qui décorent l'intérieur de ces grottes. Le liquide qui coule le long des parois latérales donne naissance à des dépôts dont la forme est comparable à celle de draperies ou de plis ondoyants ou à celle d’une cascade instantanément .pétrifiée. Le hasard se plaît, en un mot, à les contourner, à les modeler de toute manière, en leur donnant quelquefois l’aspect d’objets réels du plus singulier effet.
- On connaît en France un assez grand nombre de grottes de ce genre, notamment dans les Pyrénées et aux environs de Besançon. La grotte d’Antiparos, dans l’Archipel grec, visitée et décrite par le célèbre naturaliste Toumefort, est la plus remarquable de toutes celles que l’on visite en Europe. Après celle-ci, la grotte du Han vient en première ligne; on peut citer ensuite celles de Kirdale en Angleterre et de Gaileureuth en Bavière.
- Gaston Tissandier.
- REPRODUCTION
- DES DESSINS INDUSTRIELS ET DES PLANS PAR DES PROCÉDÉS PHOTOGRAPHIQUES- <
- La reproduction photographique des plans, des dessins industriels au trait, etc., faits sur calque (toile ou papier) étant basée sur le passage de la lumière à travers celui-ci, et sur son arrêt par les traits qui forment écran, il est nécessaire d’employer des papiers ou toiles à calquer bien translucides, et de former le trait bien accentué avec une encre très noire.
- Pour rendre le papier muni de son dessin bien translucide, on y étale, à l’aide d’un tampon, une solution composée d’essence de térébenthine et de cire blanche ou d’essence de pétrole et de paraffine.
- On applique le dessin ainsi préparé sur le papier sensible, au moyen d’un châssis a glace, de telle façon que l’adhérence entre les deux papiers soit bien complète dans toutes leurs parties.
- La préparation du papier sensible peut se faire au moyen de différents procédés ; nous décrirons ceux de M. H. Pellet et de M. Marion, qui sont généralement les plus usités.
- Dans le procédé an cyanofer de M. IL Pellet, la liqueur sensibilisatrice est composée de :
- Perchlorure de fer.......... 8 à i 2
- Gomme arabique.............. 12 à 25
- Acide oxalique ou citrique . . 3 à 5
- Eau, pour faire.............100 cent, cubes.
- On étale cette solution sur les feuilles de papier à sensibiliser et on les laisse sécher dans l’obscurité.
- Le papier ainsi imbibé de cette liqueur et exposé à la lumière derrière le dessin à reproduire, est profondément
- modifié; le sel de fer au maximum se réduit, excepté dans les parties correspondant aux traits du dessin qui forment écran. Quand l’insolation a été suffisamment prolongée, c'est-à-dire quand la réduction est complète sous les blancs du calque, la feuille est mise en contact avec une solution de prussiate de potasse à 25 p. 100 (bain révélateur). Il se forme du bleu de Prusse aux endroits où le sel de fer est resté à l’état de maximum, par conséquent dans les parties correspondant aux traits, à l’écriture, etc. Le temps de pose varie de 2 à 5 minutes à l’ombre. On peut s’aider d’ailleurs dans l’opération à l’aide de papiers témoins.
- On lave ensuite à grande eau dans une cuvette en zinc pour enlever tout le prussiate en excès et arrêter son effet. On passe enfin la feuille dans une cuvette en bois dite de dégorgement, contenant de l’eau ordinaire additionnée de 3 p. 100 d’acide sulfurique en volume; le sel de fer au minimum se dissout au contact de l’acide étendu. Cette dissolution s'opère en quelques minutes. On active l’effet en passant la solution à la surface du papier à l’aide d’une brosse. La couche bleue disparaît entièrement et laisse à découvert le fond blanc du papier, sur lequel les traits restent bien accentués. On passe une nouvelle fois la feuille dans la cuvette de zinc et on lave à grande eau. On a un dessin où les traits bleus sont sur fond blanc.
- Par le procédé Marion, on obtient des traits blancs sur un fond bleu.
- Dans ce procédé, le papier est sensibilisé avec une liqueur composé de :
- a. Citrate de fer et d’ammoniaque. . 1 partie
- Eau claire . *................... 4 parties
- b. Prussiate rouge de potasse .... 1 partie
- Eau ............................. 6 parties
- On mélange les deux solutions faites séparément et on les maintient à l’abri de la lumière. Le papier, préalablement bien gommé, doit être imbibé de cette liqueur sensible, à l’aide d’une brosse douce.
- Le dessin sur calque à reproduire est placé sur le papier sensible comme dans la méthode précédente; on opère à l’aide d’un châssis; la durée d’exposition au soleil varie de 3 à 5 minutes. Le développement se fait à l’eau courante jusqu’à ce que les lignes formant le dessin soient blanches et le fond d’un bleu parfait.
- VERDISSAGE DSS CONSERVES
- ALIMENTAIRES
- PAR LA CHLOROPHYLLE
- On sait que la coloration verte des conserves alimentaires (légumes verts, etc.) est généralement obtenue à l’aide de sels de cuivre, dont la présence dans ces conserves peut être considérée comme une véritable fraude. Un fabricant de conserves de Paris, M. Lecourt, qui dirige un établissement important, et un professeur de l’Université, M. Guillemare, qui enseigne la chimie au lycée de Reims, ont imaginé un nouveau procédé de coloration très ingénieux, qui vient d’être l’objet d’un intéressant rapport adressé au Comité consultatif d'hy-yiène publique de France par MM. AViirtz, Gavarret et Bussy, rapporteur.
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- Le procédé de MM. Lecourt et Guillemare consiste à ajouter aux légumes qu’ils emploient une surcharge de chlorophylle, de manière qu'après la perte inévitable qu’entraîne la coction à 120°, ils en retiennent encore assez pour présenter la couleur verte des légumes frais.
- MM. Lecourt et Guillemare empruntent la couleur verte qu’ils ajoutent aux légumes à des végétaux comestibles, particulièrement aux épinards (Spinacia olera-cea), qui en renferment une grande quantité et facile à extraire.
- Par une manipulation appropriée, ils obtiennent cette matière verte en dissolution dans l’eau alcalisée par la soude. L’application de la couleur se fait ensuite de la manière suivante : les légumes étant plongés dans l’eau bouillante, préalablement acidulée par l’acide chlorhydrique, on verse dans le liquide une quantité convenable de dissolution de chlorophylle ; par la saturation de la soude, au moyen de l’acide chlorhydrique, il se produit du sel marin, et la matière colorante se dépose sur le tissu organique pour accroître l’intensité de sa couleur propre.
- Les légumes ainsi traités sont soumis à plusieurs lavages avant d’être enfermés dans les vases où ils doivent subir la température élevée nécessaire à leur conservation; tel est le procédé de MM. Lecourt et Guillemare, qui, tn créant cette nouvelle méthode, ont rendu un grand service au commerce et à l'hygiène publique.
- RAYAGES
- CAUSÉS PAR LES MORSURES DES SERPENTS ET DES CHIENS ENRAGÉS DANS L’iNDE
- Dans le compte rendu d’un ouvrage qui vient de paraître sur les ravages exercés dans l’Inde par les serpents et par les chiens enragés, le recueil anglais The Aca-demy donne les renseignements suivants :
- Les bêtes féroces et spécialement les tigres ont été presque détruits dans la présidence de Bombay. En revanche, les serpents venimeux abondent et causent une mortalité sérieuse. L’auteur propose d’organiser contre eux une guerre acharnée et en particulier d’établir des colonies de tueurs do serpents.
- Quant à l’hydrophobie, on croit généralement que cette calamité, la plus terrible de toutes, n’existe pas dans les contrées de l’Orient. Cela peut être vrai pour la Turquie, mais ne l'est nullement pour l’Inde, où 10b cas mortels d’hvdrophobie ont été constatés à Bombay seulement pendant le cours d’une année. Durant les douze mois suivants, 50 000 chiens errants, sans propriétaires, ont été mis à mort, ce qui, ajoute The Academy, indique le seul remède à employer.
- LE SIPHON DU CANAL SAINT-MARTIN
- Il peut se présenter lin certain nombre de circonstances dans lesquelles il est utile de faire passer un liquide d’un point à un point plus bas, mais en traversant intermédiairement des points {dus élevés. Pourvu que ceux-ci ne se trouvent pas trop élevés
- par rapport aux premiers, l’idée du siphon est une de celles qui se présentent à l’esprit. On a employé cette disposition en effet dans quelques distributions d’eau; mais elle présente des inconvénients graves qui l’ont souvent fait rejeter. Une fois le siphon amorcé, il fonctionne bien tant qu’il est plein de liquide; mais il a toujours une tendance à se désamorcer : par suite de la pression moindre que la pression atmosphérique qui existe dans les parties hautes, des gaz en dissolution se dégagent et, au bout de peu de temps, la pression produite par cette masse gazeuse arrête le fonctionnement spontané de l’appareil, à moins que l’écoulement ne s’y produisant très rapidement, les gaz ne soient entraînés au fur et à mesure de leur dégagement. Si cette condition n’est pas remplie, le siphon se désamorce, et il faut l’amorcer à nouveau; le plus souvent on se sert pour cela d’un réservoir supérieur rempli de liquide que l’on fait couler dans le siphon désamorcé pour le remplir.
- Une nouvelle solution vient d’être appliquée par M. Maurice Lévy, ingénieur en chef des ponts et chaussées, et bien qu’elle ne soit réalisable que dans des circonstances spéciales, qui ne se rencontreront pas fréquemment, nous croyons devoir la signaler aux lecteurs de la Nature.
- Il s’agissait de faire passer les eaux de l’égout de Bercy dans le collecteur, dont il est séparé par le canal Saint-Martin. On eût pu employer la disposition qui a été adoptée par M. Belgrand au pont de l’Alma, en faisant passer les liquides par-dessous dans une conduite. .Mais outre que la construction de cette conduite eût exigé des travaux sous l’eau, la disposition de siphon renversé, qui convient très bien à de l’eau propre, est défectueuse pour les eaux d’égouts qui abandonnent les matières solides en suspension dans les points bas, ce qui exige un nettoiement spécial. La solution de M. M.Lévy ne présente ni l’un ni l’autre de ces inconvénients : elle consiste à établir par-dessus le canal un véritable siphon, n’exigeant aucun travail sous l’eau et tel que les matières solides ne puissent en aucune façon s’accumuler en un point quelconque. Le siphon devait d’ailleurs laisser le passage libre pour la batellerie, ce qui conduisit à lui donner 8 mètres de flèche, hauteur admissible dans la pratique pour le fonctionnement d’une pompe ou d’un siphon, sauf le désamorcement par dégagement des gaz.
- Le siphon est un tube métallique de grand diamètre, adossé à un pont, et dont la construction n’a présenté rien de particulier. La seule question intéressante est celle qui se rattache au réamor-çage.
- Au haut du siphon, la pression n’est que de 1/5 d’atmosphère, et par suite le dégagement des gaz dissous est assez notable; le désamorçage se serait produit rapidement si l’on n’avait utilisé la puissance de trompes à eau pour entraîner les gaz. Ces
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- trompes sont mises en action par l’eau de la Ville, qui possède en ce point une forte pression. On sait que ces appareils, qui sont maintenant fréquemment installés dans les laboratoires bien organisés, permettent de pousser très loin la raréfaction de l’air ou des gaz. Dans dos expériences préliminaires destinées à s’assurer si ces organes pouvaient suffire, M. M. Lévy vérifia que l’on pouvait atteindre, dans les conditions où l’on opérait, une élévation de 0m,73 à 0m,74 de mercure dans un manomètre à vide ; ce résultat permettait d’espérer que le fonctionnement de trompes semblables produirait l’amorçage du siphon. Mais, pour que la solution du problème de réamorçage fût pratique, il fallait encore que la quantité de gaz entraîné pût être assez considérable dans un temps donné : une expérience
- directe montra qu’une seule trompe de dimensions convenables pouvait suffire à entraîner la quantité de gaz dégagé pour un débit de 2 mètres cubes à la seconde, alors que, normalement, ce débit ne dépasse pas 1 mètre cube. Four plus de sûreté, M. M. Lévy fit établir trois trompes, capables certainement de maintenir le siphon amorcé, même pour un débit supérieur au débit normal. D’ailleurs, lorsque le débit atteint une certaine valeur, le réamorçage n’est plus nécessaire, la vitesse d’écoulement du liquide est suffisante pour que les gaz se trouvent naturellement entraînés.
- Diverses dispositions de détail mais néanmoins fort importantes, méritent d’être signalées. On conçoit qu’il est inutile que les trompes fonctionnent constamment, et qu’il suffit que leur action soit
- limitée aux moments où le désamorçage est à craindre : on a donc établi une valve mue automatiquement par un flotteur et fermant l’orifice de la trompe lorsque la quantité de gaz dégagé est faible, et l’ouvrant lorsqu’elle devient assez considérable pour arrêter le fonctionnement du siphon ; on évite ainsi une dépense exagérée d’eau. Une seule trompe suffît d'ailleurs pour maintenir le siphon amorcé; il y en a trois qui servent ensemble lorsque l’on veut amorcer le siphon après qu’il a été vidé pour une cause quelconque.
- Il était à craindre que les trompes ne vinssent à être obstruées si, d’une manière quelconque, des eaux provenant de l’égout et contenant des matières solides en suspension pouvaient y pénétrer par suite de l’aspiration même qu’elles produisent. Pour éviter cet inconvénient, le siphon a été surmonté d’une cheminée close de toutes parts et s’élevant à 10ra,50 au-dessus du niveau d’amont. : c’est au
- sommet de cette cheminée que s’ouvre le tube qui met le siphon en communication avec les trompes. Comme, même avec le vide parfait, l’eau ne pourrait s’élever qu’à 10m,33, il n’y a pas à craindre que le tuyau d’aspiration soit envahi.
- Le siphon que nous venons de décrire fonctionne depuis le 10 mars dernier, sans que sa marche ait donné lieu à rien d’imprévu. Il est certain que la solution qu’a adoptée M. M. Lévy ne sera pas toujours applicable : elle exige que l’on ait une assez grande quantité d’eau disponible et une forte pression; mais, dans l’espèce, il ne nous paraît pas douteux que la dépense causée par l’emploi de l’eau est beaucoup moindre que celle qu’aurait entraînée la moindre machine élévatoire destinée à faire franchir au liquide de l’égout les 8 mètres de hauteur qui avaient été jugés nécessaires.
- C. M. Gariel.
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- EN Pi.RSE
- Malgré la grande quantité de turquoises que l’on voit partout, il est peu de personnes sachant qu’il n’existe qu’une seule mine où on les trouve dans le monde entier et qui se rendent compte de la rareté des belles pierres au milieu de la quantité de celles qui sont extraites.
- Mes souvenirs et mes notes de voyage en Perse, ajoutés à des renseignements que j’ai puisés auprès de personnes qui les ont visitées, ainsi qu’une ex-
- cellente relation de M. Alexandre Chodsko, publiée il y a quelques années dans la Revue d’Orient, m’ont permis de pouvoir donner aux lecteurs de la Nature une vue de l’endroit où sont extraites les turquoises ainsi que les renseignements suivants sur ces pierres précieuses.
- En minéralogie, on distingue deux espèces de turquoises : la turquoise pierreuse ou calaïte (en persan sengui) et la turquoise osseuse où odonto-lithe; celle dernière n’étant qu’une fausse turquoise et formée, dit-on, d’un morceau d’os coloré par du phosphate de fer, il ne sera question que de la première, qui porte aussi le nom de turquoise orientale ou de la vieille roche.
- Vue générale des mines de turquoises en Perse (d'après nature par M. St. do Drée).
- Les habitants de la Perse divisent encore celles-ci en deux espèces, les sengui ou pierreuses : et les khaki ou terreuses, selon qu’elles sont incrustées dans la gangue ou qu’elles sont obtenues par lavage de terre et dégagées de toute substance étrangère.
- La mine dont il est question se trouve un peu au nord de la route de Téhéran à Hérat et à une cinquantaine de kilomètres de Nichapour, avant d’arriver à Meched, capitale du Khorassan, visitée continuellement par des caravânes de pèlerins persans, turcomans, usbeks, afghans, beloutches...., parce qu’elle contient le tombeau de l’iman Reza,descendant d’Àli et par conséquent vénéré par tous les Chiites.
- Pour aller visiter les mines dont il est ici question, il faut quitter la route de Meched à Nicha-
- pour et se diriger par le Nord-Ouest du côté de Maden, village où se trouvent les mines.
- La première partie de la route se fait au milieu de jardins et de campagnes fort bien cultivées et d’une végétation puissante due à des irrigations continuelles par le fait des nombreux cours d’eau provenant des montagnes environnantes. Plus loin, tout cela change ; on retrouve le sable presque toujours sous forme de monticules et fortement saturé de sel. En effet, avant d’arriver à Maden, on rencontre des mines de sel gemme qui portent le nom de Dooulet Aly. C’est un bloc immense de sel, à peine recouvert d’une légère couche d’argile rouge. Pour l’extraire, les mineurs y pratiquent un trou, y introduisent une boule d’argile et continuent à frapper jusqu’à ce qu’un bloc se détache. Cette
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- mine de sel appartient au gouvernement persan, qui l’afferme ] our une somme très modique. Un peu plus loin on rencontre une mine de même nature, qui porte le nom deNemok-Zar (la Saline) ; elle appartient aussi à l’Etat, qui la loue à un fermier; la seule différence qu’il y ait entre celle-ci et la première, c’est qu’elle est d'une qualité bien supérieure.
- La présence du sel gemme se manifeste du reste dans une tiès grande partie de cette province de la Perse qu’on appelle le Khorassan ; on pourrait presque affirmer qu’une grande partie de ce pays n’est qu’une couche de sel recouverte d'humus et de sable, car il paraît que lorsque les pluies sont tombées pendant longtemps, il se produit de nombreux affaissements de terrain, même sous les pieds des voyageurs ; ces affaissements sont probablement dus à la fonte de la croûte saline, qui, n’étant plus assez épaisse, cède sous un poids un peu fort.
- C’est en parcourant cette route parsemée d’accidents de toutes sortes, au milieu de ces collines et de ces roches d’un gris rouge, que l’on arrive à sa destination. L’aspect en est assez étrange : deux villages entourés de murs crénelés reliés par des tours sont situés l’un au-dessus de l’autre; le premier sur le sommet d’une montagne et le second au bas dans une petite vallée. Dans cette partie de la Perse, toutes les villes, tous les villages, même les plus petits, sont ainsi fortifiés pour résister aux incursions des Turcomans, qui viennent continuellement les attaquer, les livrent au pillage et emmènent les habitants, qu’ils vont vendre comme esclaves aux Usbeks, qui, plus sédentaires, les emploient à leurs travaux.
- Les habitants de ces deux villages, qui ne comptent guère plus de cent cinquante à deux cents familles, ne sont pas Persans d’origine; ils sont originaires de Badakhchàne, dans l’Asie centrale, d’où ils sont venus, attirés par un des derniers souverains de Perse.
- Cette contrée du centre de l’Asie fait un grand commerce de pierres précieuses et ses habitants sont renommés au loin comme très experts pour ces sortes d’exploitations.
- Les montagnes qui contiennent les turquoises ont ce même aspect gris rougeâtre que l’on vient de remarquer sur les rochers de sel; elles sont formées de roches et de terre très caillouteuse, et percées dans toute leur étendue, à différents étages, mais bien plus vers la base, d’une quantité de galeries, de tunnels, de puits abandonnés et écroulés qui donnent un aspect curieux à cet endroit. Comme pour le sel, le gouvernement persan est propriétaire et met à ferme l’exploitation de ces mines, et cela pour une somme relativement très faible. L’exploitation se fait bien peu activement, et le produit ne doit pas en être bien considérable. Les mineurs procèdent de la même manière que pour le sel, avec cette seule différence, qu’au lieu de mettre dans le trou qu’ils viennent de faire une boule d’argile, ils
- y introduisent un petit paquet d’herbes sèches, et qu’ils prennent de bien plus grandes précautions dès que les lézardes se sont produites, afin de ne pas détériorer les turquoises qui peuvent se trouver encastrées dans le bloc. On les rencontre presque toujours groupées ensemble, au nombre souvent de vingt-cinq à trente, et comme incrustées; elles sent recouvertes d’une enveloppe calcaire extrêmement mince, blanche du côté adhérent à la turquoise, brune du côté de la gangue.
- C’est aux environs du village situé dans la vallée que se trouvent les turquoises khaki ou terreuses. Le terrain est formé de gravier et de cailloux roulés sur un fond d argile. M. Cliodsko, à qui sont dus les derniers renseignements, assista à l’opération du lavage. On retira d’un puits une certaine quantité de terre que l’on mit dans des tamis qui furent portés vers un petit cours d’eau voisin ; ce n’est qu’après deux ou trois immersions que l’on découvrit une assez grande quantité de turquoises et d’assez belle grosseur, mais pâles et de peu de valeur. Le puits d’où l’on avait extrait la terre était nouveau, et cette circonstance, d’après les mineurs, pouvait expliquer ce fait que les turquoises d’un beau bleu ne se trouvaient que dans les anciens puits. Ils affirment que les turquoises n’acquièrent une belle couleur qu’en vieillissant.
- Ces mineurs ne sont pas d’une bien grande loyauté, et il serait fort imprudent de la part d’un voyageur de ne pas montrer la plus scrupuleuse attention s’il veut acquérir d’eux quelques-unes de ces pierres précieuses, car, teuues dans un linge mouillé pendant quelques heures, elles acquièrent une teinte bleue plus foncée qu’elles perdent bien vite en séchant.
- On cite des turquoises énormes, entre autres celle dont un schah de Perse avait fait une coupe à boire, et celle que renfermait le trésor de Venise, et qui pesait plusieurs livres.
- Somme toute, les grosses turquoises sont toutes pâles et décolorées et par conséquent de peu de valeur, et servent la plupart du temps à la décoration de meubles ou pour orner les selles et les brides des personnages riches de ces contrées.
- St. de Ruée.
- LES CUIRS D’ALLIGATOR
- The Tanner's Journal, organe de publicité des tanneurs américains, nous fournit d’intéressants renseignements sur une industrie américaine dont l’importance s’est accrue considérablement dans ces derniers temps : l’industrie des cuirs d’alligator.
- Mais avant de transmettre ces renseignements à nos lecteurs, nous rappellerons ici quelques notions d’histoire naturelle.
- L’alligator est un genre de crocodile appelé aussi caïman, très commun dans l’Amérique du Sud. Les caïmans ou alligators se distinguent facilement des crocodiles pro-
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- prement dits par la disposition de leur quatrième dent d’en bas, qui, la bouche étant fermée, est logée dans un trou et non dans une échancrure de la mâchoire supérieure. Les pieds de derrière, au lieu d’étre denteles au bord externe et palmés jusqu’au bout des doigts, comme chez les crocodiles ordinaires, sont dépourvus de dentelures et à demi palmés seulement.
- On connaît plusieurs espèces d’alligators, toutes propres à l’Amérique. L’une d’elles, nommée caïman à museau de brochet, habite le midi de l’Amérique septentrionale, et, lors des glaces, s’enfonce dans la vase et y reste engourdie jusqu’au retour d’une température plus douce. On la désigne vulgairement sous les noms d’alligator de la Floride et de crocodile de la Louisiane. Sa longueur totale atteint quelquefois 7m,50.
- A la Guyane et au Brésil, il s’en trouve une autre, appelée caïman à lunettes, à raison d’une arête transversale, qui réunit en avant les bords saillants de ses orbites. Comme les autres crocodiliens, ce dernier pond ses œufs dans le sable; mais il les recouvre de paille ou de feuilles, et, au lieu de les abandonner, il les défend avec courage; il a 4 à 5 mètres de long, et s'attaque bien rarement à l’homme. L’allure des alligators est celle de tous les crocodiliens. Ces grands et puissants reptiles ont sur terre une démarche le plus habituellement lente et grave ; cependant ils peuvent courir très vite en ligne droite, mais ils ne changent que difficilement de direction, à cause de la disposition des vertèbres de leur cou : aussi peut-on aisément les éviter en marchant en zigzag ou en tournoyant. Ils nagent avec une effrayante rapidité. Ces grands reptiles carnassiers habitent de préférence le rivage des grands fleuves et les bords des lacs et des marais. Leur voracité est extrême : tous les animaux qu’ils peuvent happer leur sont bons. Les naturels estiment beaucoup la chair de l’alligator, celle de la queue surtout, qu’ils font rôtir, et qui est en effet, dit-on, un mets délicieux. Ils le chassent aussi pour s’emparer de sa graisse, de ses dents et de sa peau.
- Or, il y a vingt-deux ans qu’un vieux Canadien révélait à un chef d’une importante fabrique de chaussures de Boston le secret d’un procédé propre au tannage des peaux d’alligators.
- l/industriel en fît immédiatement son profit et, depuis lors, des milliers de peaux tannées d’alligators sont annuellement employées par les fabricants américains, ou exportées principalement à Londres et à Hambourg.
- Au début, les alligators provenaient en majeure partie de la Louisiane, et c’est à la Nouvelle-Orléans que se trouvait le centre du commerce de leurs peaux. Mais, par suite du carnage imprévoyant qu’on a fait de ces malheureux reptiles, ils ont disparu à peu près complètement de cette contrée, et ne donnent plus lieu qu’à de rares affaires. On les chasse aujourd’hui dans les vastes marais de la Floride, et Jacksonville est devenu le grand dépôt central de leurs dépouilles.
- Les alligators sont tués en grand nombre par les passagers à bord des bateaux à vapeur qui font le service des rivières du pays et par des chasseurs spécialement équipés pour ce genre de capture. Dès qu’ils sont pris et tués, on les dépouille de leur peau, dont on ne conserve que les parties utilisables comme cuirs, c’est-à-dire le ventre et les flancs, qu’on met en tonneau dans une forte saumure, pour les conserver et les expédier aux tanneurs du Nord.
- Après diverses préparations, les peaux d’alligators sont soumises à l’opération du tannage, opération qui ne nécessite pas moins de sept à huit mois.
- Jusqu’ici le cuir d’alligator a servi principalement à la fabrication des souliers et des bottes. On commence à 1 utiliser pour les bottines de dames, car il est d’un aspect assez agréable. On en fait encore des pantoufles, des sacs, des porte-monnaie, des porte-cigares et autres objets divers de bimbeloterie. Le commerce de ce cuir, qui avait été jusqu’ici absolument concentré en Amérique, est don? aujourd’hui appelé à prendre aussi de ce côté de l’Atlantique une importance de plus en plus grande.
- E. Vignes.
- UN NOUVEAU NARCOTIQUE
- En Australie, une plante nouvelle, ayant des vertus narcotiques, a, dans ces derniers temps, attiré l’attention des connaisseurs. Ses propriétés étaient, paraît-il, appréciées depuis longtemps déjà par les indigènes du Queensland. Cette plante, connue sous le nom de Pilchounj ou Bidgery, croit principalement sur les frontières de cette dernière province et de l’Australie méridionale, entre le 23e et le 24e degré de latitude; on en trouve des quantités sur les collines de sable, où elle atteint une hauteur de 8 à 12 pouces (anglais). La feuille a de 3 à 4 pouces de longueur ; la fleur est une clochette, d’une teinte de cire, avec des raies rouges. Chaque année, les indigènes en ramassent les feuilles, au mois d’août, pendant la floraison, et les sèchent par la vapeur; puis on les enferme dans des sacs de chanvre, et on les livre au commerce. Pour en tirer parti, le commerçant les humecte, les mêle avec de la cendre et les roule en forme de cigares que les indigènes aiment à mâcher. L’effet de ces cigares est particulier en ce que, si l’on en mâche une certaine quantité, on tombe dans une insensibilité complète.
- Prises à petites doses, les feuilles de cette plante ont un effet stimulant pareil à celui des boissons enivrantes. De même, si on en use modérément, elles apaisent la faim, et ceux qui les emploient peuvent entreprendre sans trop grande lassitude ni sans une alimentation trop forte d’assez longs voyages. Sous ce rapport, la plante ressemble au célèbre Coca erythroxylon de l’Amérique du Sud. Les botanistes rangent cette plante dans la famille des Solanées; les hommes spéciaux en Australie s’occupent actuellement, dit le recueil The Colonies and India, à en déterminer plus exactement tous les caractères.
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- LOCOMOTIVES AMÉRICAINES
- ET LOCOMOTIVES FRANÇAISES
- Quelques-uns de nos lecteurs se souviennent peut-être d’une machine américaine d’un type un peu étrange et tout à fait inusité chez nous, qui faisait une des curiosités de l’Exposition des chemins de fer, au Palais du Champ-de-Mars, en 1878. Après la clôture, cette machine fut mise en service sur la ligne du Nord, et plus tard sur celle de l’Est et sur certains réseaux de différents pays du continent. Cet essai, qui se produisait pour la première fois sur les voies ferrées d’Europe, permit d’apprécier d’une manière satisfaisante les caractères et les
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- LA NATOMK.
- traits distinctifs des machines américaines comparées aux nôtres et d’expliquer la raison des différences profondes qu’elles présentent avec celles-ci.
- Ce qui frappe surtout l’observateur dans ce type de machines, c’est la forme bizarre de son foyer surbaissé et débordant au-dessus des roues; chez nous au contraire, la boîte à feu reste toujours comprise entre les longerons; cette disposition résulte principalement de la nature spéciale du charbon anlhraciteux qu’on y brûle en Amérique. Nous avons insisté dans un article précédent1 en parlant du sondage au diamant, sur l’importance des mines d’anthracite aux Etats-Unis; la Compagnie de Philadelphia and Reading Railway, qui exposait cette machine, possède un grand nombre de pareilles mines, et ce combustible est d’ailleurs le seùl qu’elle emploie.
- L’anthracite forme en réalité une sorte de coke
- naturel, qui brûle sans produire de flammes hydro-carburées comme nos houilles ordinaires. La chaleur qu’il dégage en se consumant est réverbérée par les parois du foyer, et elle doit être utilisée surtout sous forme de chaleur rayonnante. Pour la recueillir aussi complètement que possible, on a augmenté la surface de la grille hors de toute proportion avec les dimensions adoptées chez nous ; celle-ci atteint en effet près de 6 mètres carrés, tandis que nous ne dépassons guère 1,U,5Ü; en outre, le foyer a été considérablement agrandi et fortement abaissé afin de rapprocher le ciel de la grille ; et d’autre part, comme on ne s’attachait pas autant à utiliser la chaleur entraînée par les gaz dégagés, les tubes à fumée sont beaucoup plus courts et moins nombreux. On remarquera enfin la chambre de combustion, qui est destinée à augmenter encore la surface de chauffe directe ; elle
- Fig. 1. Détails de la chaudière de la locomotive américaine représentée ci-contre.
- prolonge en quelque sorte le foyer, dont elle est séparée seulement par un pont en briques destiné à assurer le mélange de l’air et des gaz. Une pareille disposition ne se rencontre jamais en France : la plaque tubulaire y forme toujours la paroi d’avant du foyer; et les llammes résultant de la combustion de la houille pénètrent directement dans les tubes.
- La grille est formée de tubes en fer traversés par l’eau de la chaudière, et dans les intervalles desquels sont placés deux barreaux en fonte.
- Le foyer est construit tout entier, comme le reste de la chaudière, en acier doux. En France, les grandes Compagnies se refusent encore à appliquer l’acier ; dans ce cas elles donnent toujours, malgré le surcroît de dépenses, des parois en cuivre aux foyers des locomotives, car ce métal supporte plus facilement les dilatations et contractions inévitables dans le foyer d’une chaudière si
- 1 Voy. la Nature, n° 271 du 10 août 1878.
- fréquemment chauffée et refroidie; et dans les essais qu’on a fait chez nous avec des foyers en fer, on n’a pas pu réussir à les maintenir longtemps bien étanches. Il en est de même pour le corps de la chaudière ; les ingénieurs évitent l’acier fondu et n’emploient guère que le fer dans la fabrication des tôles de viroles. L’acier fondu s’est cependant déjà substitué au fer forgé pour un grand nombre des applications ; il l’a remplacé presque partout pour la fabrication des rails, par exemple, ainsi que des bandages et des essieux. Toutefois le travail de forge des tôles d’acier exige des précautions minutieuses, qui expliquent les répugnances de nombreux ingénieurs compétents : car si on en néglige quelques-unes, et si on laisse en particulier à l’intérieur du métal une tension moléculaire locale capable d’altérer l'homogénéité, il peut en résulter tout à coup dans cette région une rupture subite sans aucune cause apparente de la pièce forgée. Pareil accident s’est produit, en 1875, sur une locomotive du réseau d’Orléans,
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- dont la chaudière s’est fendue longitudinalement, en service auprès de la station d’Angerville, sur la ligne de Nantes. Cependant, les progrès apportés depuis ces dernières années dans les procédés de fabrication, permettent aujourd’hui de penser que l’acier fondu finira par être appliqué en France également à la construction des chaudières de locomotives. Du reste l’usine du Creusot exposait en 1878 une petite locomotive toute en acier, qui est actuellement en service sur les voies intérieures de l'usine sans avoir donné lieu à aucun accident jusqu’à présent.
- Les tubes à fumée, en France, sont encore généralement en laiton; on pense que les dépôts de tartre resteraient plus adhérents sur les tubes en
- acier, et que les fuites seraient plus fréquentes.
- Pour terminer ce qui est relatif à la chaudière de la machine américaine, nous mentionnerons la curieuse disposition adoptée pour régler l’appel d’air dans le foyer, et qui est tout à fait inusitée chez nous. Une valve à papillon est placée à l’avant sur la porte de la boîte à fumée; et quand elle est ouverte, elle arrête entièrement le tirage, en permettant l’introduction de l’air froid dans la cheminée.
- Le châssis ne présente pas de longerons en tôles minces comme les nôtres ; il est formé de grosses barres de fer assemblées, sur lesquelles sont fixées les plaques de garde en fonte.
- La machine est supportée, à la partie anté-
- Fig. 2. Vue d’ensemble de la locomotive américaine qui a fonctionné sur les chemins de fer français.
- rieure, sur un avant-train articulé, comme l’indique la figure. On sait que ces trucks forment un des traits caractéristiques du matériel américain : les voitures, beaucoup plus longues que les nôtres, reposent à chacune de leurs extrémités sur un pareil truck mobile qui est autour d’un pivot central et s’inscrit facilement dans les courbes de la voie. Cette disposition n’avait jamais été appliquée chez nous sur les machines, en raison des déraillements qu’on redoutait aux grandes vitesses. Aujourd’hui, au contraire, on s’est trouvé amené à en tenter l’essai à la suite de la construction des lignes des nouveaux réseaux, qui présentent des courbes si prononcées, et l’Exposition du chemin de fer du Nord comprenait une locomotive à grande vitesse particulièrement bien étudiée, avec un pareil boggie à l’avant.
- L’abri du mécanicien distingue également, à pre-
- mière vue, la machine américaine; il est reporté au-dessus de la chaudière et fermé de toutes parts par des châssis vitrés. Le mécanicien est commodément assis dans cet abri et surveille la voie sans difficulté. Une disposition ingénieuse de leviers réunit auprès de lui les manivelles de tous les appareils sur lesquels il doit agir : régulateur, levier de changement de marche, échappement, tirage, injecteur, etc.... Le chauffeur, au contraire, est séparé du mécanicien; il se tient sur la plate-forme du tender quand il doit charger le feu, comme c’est le cas sur nos machines.
- Le gros disque qu’on voit à l’avant au bas de la cheminée éclaire la voie, la cloche placée à l’arrière est mise en mouvement par le mécanicien pour avertir du passage du train et écarter les piétons au moment de la traversée des villes ; on sait, en effet, que la voie n’est pas close aux Etats-Unis. Léchasse-
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- boeufs d’avant est destiné à écarter les animaux et les troupeaux de buffles, qui viennent souvent encombrer la voie et qui ont arreté parfois le passage des trains.
- Nous devons signaler entin ce siftîet dont le son retentissant, qui rappelle le beuglement du taureau, a dû plus d’une fois troubler le sommeil et exciter l’étonnement des habitants voisins des voies parcourues par la machine pendant qu’elle était en service en France. Ce son est réellement intolérable quand on se tient sur la machine au bas du sifflet, à cause des vibrations qu’il détermine dans le corps et jusque dans les vêtements. Toutefois, la note qu’il fournit est trop grave, et il 11e parait pas qu’il soit entendu beaucoup plus loin que nos sifflets aigus ordinaires, comme on pourrait le croire. Ce serait cependant une propriété intéressante, car il arrive souvent, surtout sur les trains de marchandises un peu longs, que lè garde-frein d’arrière n’entend pas le son du sifflet et n’obéit pas aux signaux du mécanicien.
- NECROLOGIE
- Marc-Antoine Caiidin. — Un savant modeste et laborieux, Marc-Antoine Gaudin, est mort le 2 août 1880, dans sa soixante-dix-septième année, à la suite d’une courte maladie. M. Gaudin était calculateur au Bureau des longitudes, et il avait été longtemps rédacteur scientifique au Siècle et a la Pairie. 11 était surtout connu par ses travaux de chimie, qui avaient souvent souvent reçu l’approbation et les encouragements de l’Académie des sciences. Son nom restera attaché à la fabrication des pierres précieuses artificielles, où il a ouvert une voie, habilement exploitée depuis. 11 a fait aussi sur divers points” de chimie moléculaire des recherches très approfondies qu’il a réunies dans un livre intitulé Architecture du monde des atomes. Ce livre est rempli d’aperçus théoriques ingénieux, et quand il parut, il fit un certain bruit dans le monde savant.
- CHRONIQUE
- Le chemin de fer sous-marin entre la France et l'Angleterre. — Cette construction grandiose, au sujet de laquelle nous avons donné précédemment des documents très complets, n’est pas tombée dans l’oubli, comme on le croit généralement. Nous reproduisons le document officiel qui vient d’ètre publié à ce sujet :
- « l’ar décret en date du 27 juillet, rendu sur la proposition du ministre des travaux publics, et vu la loi du 2 août 1875, relative à la déclaration d utilité publique et à la concession d’un chemin de fer partant d’un point à déterminer sur la ligne de Boulogne à Calais, pénétrant sous la mer et se dirigeant vers l’Angleterre, à la rencontre d’un pareil chemin parti de la côte anglaise dans la direction du littoral français,
- « Est prorogé de trois ans, à dater du 2 août 1880, et porté en totalité à huit ans, le délai de cinq ans accordé à la Société concessionnaire d’un chemin de fer sous-
- marin entre la France et l’Angleterre pour l’exécution de travaux préparatoires de toutes sortes et la conclusion d’une entente avec une Société anglaise munie des pouvoirs nécessaires pour entreprendre la partie du dit chemin de fer partant du littoral anglais et dirigé vers la France. »
- Les dépotoirs des environs de Paris. — Plusieurs journaux ont publié la note suivante :
- « De vives protestations viennent d’ètre adressées au préfet de police contre l’existence des nombreux dépotoirs qui entourent aujourd’hui Paris. Si nous sommes bien informés, ces établissements sont au nombre de 27, en y comprenant la voirie de Bondv. M. Andrieux a donné l’ordre de soumettre la question au Comité d’hygiène et de salubrité publique. Il est peu probable que ces dépotoirs soient tous supprimés ; mais des mesures seront prises pour atténuer les odeurs nauséabondes qui s’en dégagent nuit et jour. »
- Nous avons souvent constaté par nous-mêmes que ces établissements contribuent en effet à infecter l’air de Paris ; pendant les chaleurs de l’été, la voirie de Bondy répand dans l’atmosphère des gaz méphitiques, chargés d'acide sulfhydrique, dont l’odeur nauséabonde se fait sentir parfois jusqu’aux alentours de l’Opéra, au sein des quartiers les plus élégants de Paris. 11 y a là une question d’une haute importance au point de vue de l’hvgiène et de la salubrité de notre grande métropole.
- -L:t grande comète du Sud. — Une lettre particulière de M. Gill, astronome anglais au Cap, donne quelques détails sur les observations qu’il fit de la grande comète jusqu’au soir du 9 février 1880. La montagne de la Table gênait la vue des observateurs placés à l’Observatoire royal. M. Gill se rendit à Seapoint, à l’ouest de la montagne : c’est là, dans le jardin de M. Salomon, où en 1858 sir Thomas Maclear avait observé la comète de ltonati, qu’il détermina-la position de la queue parmi les étoiles, plusieurs soirs avant que le noyau se lût éloigné suffisamment du soleil pour devenir visible. Le noyau fut vu pour la première fois le 8 février, et seulement quelques minutes, à travers un nuage; M. Gill pense qu’on aurait pu le voir le soir précédent, mais la brume qui s’étendait au-dessus de la mer faisait qu’il était très difficile de dire à quel point s’arrêtait la queue. Il le décrit comme « a venj poor affair, une nébulosité ne répondant nullement à une aussi belle queue ». Le 9 février, on essaya à l’Observatoire royal de fixer sa position, mais on n’aperçut qu’une lueur en la regardant avec une jumelle à travers un nuage. Le noyau était « un peu au N. E. du Thêta du Sculpteur » ; cependant, dans le dessin qui accompagne la lettre en question, le noyau est représenté un peu au S. E. de l’étoile et au milieu des deux étoiles qui, d’après YUranometria argentina de Gould, semblent être 6 et 54 de Lacaille. Cette position, si on s’en rapporte à la date de YUranometria, 1875, 0 donnerait 2° 20' en ascension droite et 37° 50' de déclinaison sud, ce qui est bien différent de la position résultant de la dépêche de Rio-Janeiro; probablement les éléments de l’orbite ont été dénaturés dans la transmission télégraphique. Le 6 février, on pouvait suivre la direction de la queue dans le voisinage de Canopus. (Nature anglaise.)
- Éhonhinent dan»* la forêt d’Évrcux. — Les
- éboulements géologiques sont plus communs qu’on ne le pense. Nous venons d’en voir des traces intéressantes dans la belle forêt d’Évreux. La rivière d’iton se perd dans les
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- terres h Villalet, au sud-ouest de la forêt, puis reparaît à Glisolles. Elle sort de sou lit souterrain au pied d’un coteau boisé et forme un bassin : la Fosse-aux-Damcs. Elle court ensuite au milieu des prairies et suit la vallée avant de pénétrer dans la ville d’Évreux. Les eaux souterraines de l’itonont amené, à différentes époques, des affouilleinents dans le sol et des éboulements quelquefois très considérables. Le cours souterrain de la rivière est, en quelque sorte, jalonné à travers la forêt par ces affaissements, qui sont tous orientés dans la même direction. L’année dernière, un peu au-dessus du petit village de Gaudreville, il s’est produit un nouvel affaissement, 11 existe un petit sentier tout pavé de bruyères et de fleurettes, qui court, au milieu des pins, des bouleaux et des chênes, de Gaudreville à la Bonneville. Le curé venait de dire la messe à Gaudreville, et, pour la seconde fois, il reprenait le sentier qui le ramenait au presbytère. Une heure avant, ce sentier était intact; quand il revint, il fut étonné de trouver, à la place où il avait déjà passé, une fosse gigantesque de plus de 20 mètres de profondeur et de près de 00 mètres d’ouverture; il s’était formé, sur le bord du sentier, un entonnoir énorme. Les terres arrachées avaient glissé dans le trou, entraînant le sol et les arbres. Rien de singulier comme cet entonnoir à parois abruptes. Une maison de Paris y glisserait jusqu’au cinquième étage. Si l’on avait passé sur ce point un peu plus tôt, il est clair qu’on aurait été emporté avec le sol et enfoui dans les profondeurs du terrain. Les eaux souterraines auront peu à peu miné le sous-sol et déterminé cet affaissement important. Il est peu probable que le travail des eaux s’arrête de nos jours, et il faut s’attendre à voir glisser encore le sol de la forêt, après des années franchement pluvieuses qui grossissent le débit de la rivière souterraine. Le touriste a ainsi sous les yeux un excellent exemple des modifications géologiques qui peuvent se produire à l’époque actuelle. (Courrier de l'Eure.)
- ©écouverte «le tombeaux antiques en Sicile.
- — Un éboulement arrivé sur la rive droite du fleuve Simet, en Sicile, à une dizaine de kilomètres de la ville de Ca-tanc, a mis à découvert un nombre considérable de tombeaux très anciens et d’autres objets d’art antique. Ce fait a été découvert par M. le professeur C. Scinto Patti, qui en a informé YAccademia Gioenia de Catane dans la séance du 11 juillet. Il a dit que tout porte à croire que ces tombeaux appartiennent à l’antique ville de Simeatus signalée par Pline et par Tolotnée, et sur la situation de laquelle les historiens n’ont jamais pu se mettre d’accord. Cette découverte n’a pas seulement une grande importance au point de vue archéologique, elle jette aussi un jour considérable dans l'étude géologique du vaste bassin du fleuve Simet. Aussi Y Accademia Gioenia a-t-elle demandé l’autorisation et l’appui du gouvernement pour entreprendre de grandes fouilles à l’endroit où les tombeaux sont apparus.
- V. Tedeschi di Ercole,
- Curiosités statistiques. — Le nombre des langues qui se parlent dans le monde connu est de 2525, dont 587 en Europe, 598 en Asie, 57G en Afrique et 1261 en Amérique.
- Les habitants du globe professent 1000 religions différentes.
- Le nombre des hommes est à peu près égal à celui des femmes.
- Un quart des enfants meurent avant d’avoir atteint Page de sept ans ; la moitié avant la dix-septième année.
- Sur 1000 personnes, il y a un centenaire. Sur une centaine d individus, on compte! six sexagénaires; sur chaque demi—mille, il y a un octogénaire.
- La terre est peuplée environ d’un milliard d’habitants; tous les ans, il en meurt 555 millions, chaque minute 00, soit 1 par seconde. Ces décès sont à peu près contre balances par le nombre des naissances.
- ACADÉMIE DES SCIENCES •
- Séance du 9 août 1880.— Présidence de II. WiatTZ.
- Campagne scientifique du « Travailleur » dans le golfe de Gascogne. —C’est M. Milne-Edxvards qui prend la parole à ce sujet. Il adresse d’abord des remerciements chaleureux à la marine pour le concours zélé et intelligent qu’elle a fourni à l’expédition. 11 trace ensuite rapidement rhistorique des grandes explorations scientifiques anglaises et norvégiennes, puis il s’étend sur l’aménagement du navire et sur l’emploi de la sonde et de la drague. 11 explique comment, en attachant à la sonde, soit un filet, soit une touffe d’étoupe, et la laissant traîner suite fond de la mer, on a pu ramener non seulement des échantillons de terrains, mais encore des poissons, des crustacés, des mollusques, des foraminifères, vivant à des profondeurs qui croissent de 500 à 2600 mètres. Presque partout la sonde rencontrait un fond de limon vaseux. On a pu ainsi constater la présence de beaucoup de types observés déjà sur les côtes de Norvège et l’existence de plusieurs espèces nouvelles. Les crustacés surtout paraissent avoir réservé des surprises aux naturalistes. M. Milne-Edvards en décrit plusieurs complètement inconnus jusqu’à ce jour, et dont quelques-uns étaient phosphorescents au point de permettre la lecture des caractères d’itnprimerie au milieu d’une nuit obscure.
- Le savant rapporteur termine en concluant que la faune océanienne est uniforme à une certaine profondeur.
- Caïmans et alligators. — Leur présence est constatée en Chine par M. Faurel, qui envoie à l’Académie une brochure imprimée à Shangaï.
- Procédé pour rendre le nickel malléable. — M. Dau-brée, au nom de M. Garnier, ingénieur civil, rend compte de ce nouveau procédé. On sait qu’habituellement, pour rendre le nickel malléable, on y ajoute une petite quantité de zinc ou de manganèse, de façon à former un véritable alliage. M. Garnier emploie le phosphore. Le nickel est ainsi débarrassé de la petite quantité d'oxygène qu’il retient et dont la présence rend ce métal cassant. Le nickel préparé de la sorte, conserve 4 à 6 m llièmes de phosphore. M. Daubrée place sous les yeux de l’Académie des feuilles de nickel ainsi obtenues et qui paraissent devoir se prêter à toutes les exigences de l’industrie. De plus les alliages do ce nickel avec les autres métaux, notamment avec le fer, sont très satisfaisants.
- Acide carbonique. — M. Gosselin présente une note deM. Samson, établissant qu’il n’y a pas de relation entre l’acide carbonique exhalé et l’acide carbonique produit dans l’organisme par le travail musculaire.
- Lectures. — Elles sont faites par M. le docteur Pigeon et par M. PagèS. Le mémoire de M. Pagès, mal lu, mal j entendu et mal écouté, est renvoyé devant une Commission
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- composée do MM. Fave, Villareeau, amiral Mouchez.
- En somme, séance très courte, à laquelle assistent très peu d’académiciens.
- Stanislas Meunier.
- LE GÀSTRODISQUE DU CHEYAL
- On trouve dans le foie des moutons, en quantité considérable dans les années humides, des vers plats, ressemblant un peu à une large limace grisâtre, s’attachant aux canaux hépatiques par deux ventouses, l’une près de la bouche, l’autre près de l’anus. Ce sont les Distomes ou Douves du foie, rencontrés parfois accidentellement dans le foie des bergers. L’un, le plus redoutable, la Fasciola he-patica, atteint 4 centimètres de long sur 2 de large et 2 millimètres d’épaisseur; l’autre, plus petit, est le Distoma lanceolatum, moins dangereux et de taille plus faible, 1 centimètre de long sur 5 millimètres de large. Quand ces vers parasites, de l’ordre des Trématodes, sont en grande quantité, ils occasionnent une maladie mortelle connue sous les noms de clavée, de pourriture, de cachexie aqueuse, etc., qui devient souvent endémique chez les moutons des pâturages marécageux, et décime les troupeaux par de redoutables épizooties. On ne connaît pas encore bien positivement la filiation de ces Helminthes; mais il est probable qu’à l’instar de beaucoup d’autres vers parasites, le cycle de la vie exige une transmigration d’une espèce animale sur une autre, une sorte de métempsycose. 11 est très probable que les larves des Douves sont des Cercaires sans sexe, qu’on trouve enkystées à l’état dormant, c’est-à-dire entourées de vésicules et ne prenant pas d’accroissement, en nombre immense dans les petites limaces et dans les colimaçons qui vivent sur les herbes des prairies. Ces Kystes, avalés par les moutons, avec les Mollusques attachés aux plantes, donnent dans l’intestin de jeunes Douves, arrivant peut-être dans le foie par le canal cholédoque.
- Un autre groupe de Distomes est celui des Am-phistomes; au lieu de vivre dans le tissu d’un organe fermé, comme une glande, ils sont attachés par leurs ventouses aux. parois du tube digestif, ainsi dans le bœuf, le cerf, le chameau, etc. C’est à ce groupe qu’appartient un fort remarquable Distome, que nous appellerons le Gastrodisque du cheval. Il a été découvert en Égypte, à la fin de 1876. A la suite d’une épizootie sur les chevaux, un médecin italien, le docteur Sonsino, trouva sur les parois du tube digestif des chevaux dont il fit l’autopsie, une quantité considérable de vers plats, ayant non seulement les deux grandes ventouses anale et orale des Douves, mais, sous le ventre, un large disque muni d’un nombre considérable de petites ventouses ; on comprend qu’un cheval périsse sous les succions multiples de millions de ventouses, qui doivent empêcher les fonctions de
- l’intestin. Un célèbre vétérinaire anglais, M. Coh-bold, qui reçut ces Helminthes, créa pour eux le genre Gastrodisque (disque sous le ventre), les fit connaître en 1877 dans un journal vétérinaire de Londres et enfin publia une étude détaillée avec dessin du Gastrodiscus Sonsinoi, dans son livre sur les Entozoaires de l'homme et des animaux, Londres, 1879.
- Il y a quelques mois, M. Gaston Tissandier reçut d’un abonné de la Nature, M. Olive Guyot, à la Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), des Helminthes qui me furent adressés, et qui étaient la même espèce que les Gastrodisques d’Egypte. Un propriétaire du pays, qui avait déjà perdu deux de ses mulets instantanément, pensa avoir affaire à un empoisonnement par une main coupable, quijnd il vit un troisième mulet, qui semblait parfaitement sain et qui venait de travailler pendant six heures, s’abattre devant lui. Pour confirmer ses soupçons, il fit opérer l’autopsie de l’animal, et le tube digestif fut trouvé garni de milliers de Gastrodisques, du pharynx à l’anus, cer-
- Dessus. Dessous.
- Gasliodisquc du cheval, grossi 4 fois.
- tains même ayant pénétré dans les fosses nasales. Les mulets recevaient comme nourriture de l’avoine, des écumes de jus de canne à sucre et des herbes. Ce dernier point est important, car il est probable que les œufs des Gastrodisques expulsés de l’intestin donnent des larves qui s’introduisent dans des insectes ou dans des limaces des herbes, y deviennent des Cercaires enkystés et peuvent achever leur cycle dans les sujets du genre cheval qui les avalent avec les herbes. On comprend toute l’importance de ces faits ; les chevaux et mulets sont constamment transportés d’un pays à l’autre, et un animal infecté peut amener une épizootie ; il y a là un nouveau sujet d’active surveillance pour l’agriculture, l’industrie et la cavalerie de l’armée1.
- Matrice Girarp.
- 1 M. Poirier, aide-naturaliste au Muséum, prépare une étude détaillée des Gastrodisques.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, rue de Fleurus, fl, à Paris.
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- K° 577.
- 21 AOUT 1880.
- LA NATURE.
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- PAUL BROCA
- Lorsque la nouvelle de la mort de M. Broca se répandit dans Paris, notamment au Sénat et dans le monde savant, la stupeur fut générale. Les uns s’étonnaient d’une mort si foudroyante et si propre à montrer la fragilité des hommes les mieux constitués ; beaucoup pleuraient un ami ; tous gémissaient de voir une existence aussi féconde, brisée au moment même où elle paraissait devoir être surtout fructueuse.
- M. Broca a travaillé toute sa vie, et à des travaux de genres très différents. Rarement un esprit fut aussi actif, aussi également ouvert à toutes les connaissances et passionné pour elles. M. Elisée Reclus, qui a été son camarade de collège, raconte que dès sa première jeunesse, il lui disait : « Je ne crois pas aux vocations; un homme peut choisir une carrière presque au hasard, il s’y fera toujours une place à sa taille. » Parlant ainsi, M. Broca jugeait les autres d’après lui, et en cela il exagérait ; mais, en ce qui le concernait, il jugeait bien. Aussi le voyons-nous bachelier ès sciences mathématiques à seize ans, se destiner à l’École Polytechnique, puis, sur la prière de son père, abandonner ce projet au moment même où il allait réussir, et entreprendre l’étude de la médecine. Eut-il ainsi de direction? Oui peut le dire? Dès les premiers pas qu’il lit dans sa nouvelle carrière, il s’y lit « une place à sa taille ». En 1844 il était interne; deux ans après, aide d'anatomie, titre envié, qu’on n’obtient qu’après un concours très dilficile, et que M. Broca conquit à vingt-deux ans, quoique ses premières années eussent été dirigées dans un tout autre sens.
- Jusqu’en 1859, ses travaux furent exclusivement anatomiques et chirurgicaux. Son traité Des anévrismes et de leur traitement et son Traité des tumeurs sont surtout célèbres. Nous insisterons peu sur ces deux ouvrages, un peu spéciaux; disons pourtant que plusieurs propositions que l’auteur a émises dans son Traité des anévrismes (notamment sur l’affaiblissement du pouls au-dessous de 8e année. — semestre.
- Fanévrisme), ont reçu une éclatante confirmation après l’invention du sphygmographe. A côté de ces deux ouvrages, qui sont l’un et l’autre considérables, on en trouve un grand nombre d’autres (environ deux cents études anatomiques et chirurgicales) sur les sujets les plus variés; citons notamment Y Atlas d'anatomie descriptive, dont il fit la seconde moitié, ouvrage qui restera toujours classique ; ses recherches sur les cartilages articulaires et leur pathologie, etc., etc.
- 11 nous tarde d’arriver à l’époque où les travaux de Broca prirent une direction plus encyclopédique et plus philosophique.
- Parmi les travaux de cette première partie de sa vie, il en est quelques-uns que je veux encore citer,
- parce qu’ils furent le point de départ de cette évolution qui fut si profitable aux progrès de l’esprit humain : Je trouve mention, dans un catalogue déjà ancien de ses ouvrages, d’un travail publié par lui en 1857, sur Vutilité de la statistique en médecine eten thérapeutique. Déjà M. Broca avait fait un heureux usage de la méthode statistique dans son traité sur les anévrismes; il l'apprécia de plus en plus dans le cours de ses travaux ; ses recherches sur la prétendue dégénérescence de la race française, sur la mortalité des nourrissons, montrent que s’il estimait la statistique, ce n’était pas seulement sur sa réputation, c’était pour la pratiquer par lui-même. « La statistique, a-t-il dit à l’Académie de médecine, est l’anatomie et la physiologie du corps social. Sans elle nous n’embrassons que de petits groupes, nos jugements ne sont que des. impressions, et quand ces impressions ne nous trompent pas, elles ne nous font connaître qu’imparfaitement des faits qui ne sont que partiels et dont les lois nous échappent. » Sous une forme concise, cette phrase exprime l’éloge le plus complet qu’on puisse faire de la statistique. Je n’en connais pas d’appréciation plus strictement exacte.
- Nous verrons plus loin comment en appliquant la méthode des moyennes, ou statistique, à l’étude de l’anatomie, il a renouvelé et presque créé l’anthropologie.
- Ce fut à la suite d'une discussion célèbre de la
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- Paul Broca.
- ] tort, eut-il raison de changer
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- Société de Biologie, que fut fondée la Société d’An-thropologie. M. Broca en fut le créateur, et il en resta en quelque sorte Pâme pendant tout le reste de sa vie.
- En 1861, deux ans après la création de cette Société, M. Broca a entrepris ses admirables recherches sur le cerveau. Dans quatre mémoires successifs qui ouvrent cette série de recherches, M. Broca exposa pourquoi, malgré la chute du système phré-nologique de Gall, il croit que le cerveau n’est pas, comme beaucoup le pensaient alors, « un organe indivis où les différentes facultés n’ont aucun siège déterminé », mais que, au contraire, les circonvolutions fondamentales des hémisphères cérébraux, sont des organes distincts ayant chacun des fonctions distinctes.
- Un peu plus loin il constatait « que l'ensemble des circonvolutions cérébrales ne constitue pas un seul organe, mais plusieurs organes ou plusieurs groupes d’organes, et qu’il y a dans le cerveau de grandes régions distinctes correspondant aux grandes régions de l’esprit ».
- Mais comment distinguer « ces grandes régions » du cerveau ; comment surtout reconnaître leur correspondance aux grandes régions de l’esprit? L’auteur déjà indiquait la méthode à suivre. 11 ne devait pas tarder à s’y engager et à y trouver le succès. En août 1861, il fit l'autopsie d’un homme qui depuis vingt et un ans avait perdu la faculté du langage. Le cerveau de cet homme était profondément altéré par le ramollissement auquel le malade avait succombé; toutefois, par une analyse délicate, M. Broca était porté à croire que le siège primitif de l’altération « était dans la moitié postérieure de la troisième circonvolution frontale gauche ». Toutefois l’auteur déclarait nécessaire, avant de localiser sur ce point le siège de la faculté du langage, d’attendre de nouveaux faits.
- Us surgirent aussitôt. Quoique le fait qui lui avait servi de point de départ fut d’une analyse difficile, M. Broca l’avait reconnu du premier coup avec justesse. Dès qu’il eut indiqué aux observateurs la solution du problème, il leur devint aisé d’en vérifier l’exactitude. Deux ans après, la nouvelle doctrine put s’appuyer sur onze faits bien établis.
- Je n’insisterai pas davantage sur cette belle découverte, qui a déjà fait donner le nom de circonvolution de Broca à la troisième circonvolution frontale. Mais je ferai remarquer qu’elle a été peut-être moins importante en elle-même que par la méthode qu’elle a inaugurée. Elle a, en effet, rendu à peu près indubitable la localisation cérébrale de toutes les autres facultés de l’esprit, et elle a montré comment l’anatomie pathologique débrouillera ce dédale.
- Sans nous arrêter plus longtemps sur les recherches pourtant si variées, si attachantes, si philosophiques, que M. Broca a poursuivies sur le cerveau, nous parlerons des méthodes qu’il a introduites en anthropologie.
- L’anthropologie a pour but, dit M. Broca : 1° de déterminer la situation du groupe humain dans l’échelle des êtres; 2° le groupe humain une ibis caractérisé, circonscrit et classé comme groupe d’ensemble, l’anthropologie le considère en lui-même, y établit des divisions, et étudie ensuite séparément chacun de ces groupes partiels ; 5° enfin l’anthropologie dite générale étudie les différentes variations que le milieu, la race, les mœurs, etc., font éprouver à chacun des caractères de l’homme.
- Le premier de ces deux problèmes faisait l’objet du cours de M. Broca à l’Ecole d’anthropologie. Le succès de ce cours indique assez combien il était attrayant. L’anatomie humaine, science minutieuse et aride dans ses détails, devenait captivante dans sa bouche ; les bizarreries de la structure du corps humain s’expliquaient, prenaient une raison d’être, un sens, et marquaient notre place au sommet de l’échelle animale. M. Broca n’a malheureusement pas écrit ce cours brillant, qui laissera dans la mémoire de ses auditeurs un souvenir ineffaçable ; mais nous avons de lui, sur le même sujet, un mémoire fort important dans les Bulletins de la Société d'anthropologie, c’est, le parallèle anatomique de l'homme et des singes.
- Ce parallèle anatomique et les leçons dont il a fourni la matière sont tellement dignes d’admiration, qu’on risque de paraître froid quand on explique ensuite la méthode que M. Broca a introduite pour l’étude des races humaines.
- Les animaux sont si différents de l’homme, que l’observateur peut le plus souvent remarquer les dissemblances sans les mesurer. Mais il n’en est plus de même quand il s’agit de comparer entre elles les races humaines. Les différences alors deviennent trop faibles pour pouvoir être constatées simplement à la vue : c’est le centimètre à la main que l’anthropologiste doit faire toutes ses recherches. 11 ne suffit pas de prendre des mesures : il faut les prendre sur un grand nombre de sujets, car un cas isolé ne prouverait rien. Puis, quand on veut comparer ensemble deux races, ce sont leurs cas moyens (déterminés par ces séries de mesures) qu’il faut mettre en parallèle. Telle est, en trop peu de mots, la méthode des moyennes que Broca a introduite en anthropologie.
- Cette méthode est laborieuse et difficile. L’art de mesurer le corps humain n’est pas facile. Bernard Palissy est peut-être le premier auteur qui l’ait essayé, et il a dû y renoncer, ce qu’il explique dans ce style naïf et pittoresque qui lui est propre. M. Broca a laborieusement déterminé les règles de l’anthropométrie, qui est, comme on voit, le fondement de l’ethnologie. Il a inventé plus de trente instruments, admirables de simplicité, d’exactitude et de bon marché pour les prendre avec rapidité et commodité. On voit qu’il a à la fois indiqué le moyen de réunir des documents exacts, et le moyen de les utiliser.
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- 11 ne s’est pas borné à indiquer les méthodes, il a prouvé qu’elles étaient bonnes en s’en servant lui-même. Ses Mémoires sur le développement des crânes parisiens, sur les Basques, sur l'ethnologie de la France, etc., etc., montrent assez ce qu’il a su en tirer.
- Ses travaux anthropologiques sont plus étendus encore. Sur la préhistoire, cette science si nouvelle encore et déjà si complète, sur l’histoire, sur l'ethnographie, sur la linguistique même, il a écrit des mémoires qui prouvent une fois de plus combien sa merveilleuse intelligence était active et encyclopédique.
- Mais il ne suffisait pas d’étudier, disons mieux, de créer à nouveau l’anthropologie ; il fallait la faire apprécier, la faire connaître, vaincre les résistances qui accueillent toute chose nouvelle, recruter des élèves et des adeptes. Aussi voyons-nous M. Broca, après avoir fondé la Société d’anthropologie, créer le laboratoire d’anthropologie, puis la Revue d'anthropologie, et enfin cette École d’anthropologie qui obtint dès les premiers jours un si vif et si légitime succès dans le public scientifique de Paris. Les autres pays de l’Europe ont imité successivement ces créations parisiennes dues à M. Broca, et aujourd’hui l’étranger compte de nombreuses Sociétés, des revues exclusivement consacrées à cette science. Toutes doivent indirectement l’existence à l’initiative du maître de l’École française. Ainsi, après s’être fait de nombreux élèves, M. Broca sut se faire des rivaux. Il était heureux des uns et des autres.
- Derrière l’oeuvre scientilique, si nous cherchons l’homme lui-même, notre admiration et notre sympathie ne seront pas moindres. C’était l’esprit français dans ce qu’il a de meilleur, de plus brillant, de plus net et de plus lucide.
- Son style est d’une élégance et d’une simplicité qui, je crois, ne seront appréciées à leur juste valeur que lorsque la connaissance des sciences sera plus généralement répandue. C’est qu’en effet, chez lui, l’homme de science se doublait d’un homme de goût : volontiers il citait de mémoire des passages de Voltaire, de Béranger ou de Victor Hugo. Dans plusieurs de ses discours (par exemple dans celui qui ouvre le Congrès d’anthropologie), il s’est élevé à ce que j’appellerai l’éloquence scientifique; et cela, sans rechercher aucun des effets oratoires qui plaisaient tant dans l’ancienne rhétorique : la vigueur de la pensée faisait tous les frais de son éloquence.
- Dans son enseignement, M. Broca était la clarté même. Cette passion de la vérité qui a inspiré toute sa vie, parlait par sa bouche quand il faisait ses cours : il voulait la faire partager par ses auditeurs et réduisait pour ainsi dire toutes les intelligences à l’évidence; il ne quittait une question que lorsque tous, jusqu’au garçon de salle, pouvaient dire et disaient en effet par leur regard, connue ce grand seigneur du siècle dernier, au
- milieu d’un discours de Massillon : « Parbleu, il a raison ! »
- Lorsque, il y a cinq mois, M. Broca fut nommé sénateur à vie, ses amis, au nombre de trois cents environ, offrirent un banquet pour le féliciter d’un si grand honneur. Au dessert, naturellement, les tostes, les discours commencèrent : les uns simples et cordiaux, les autres expansifs et même un peu lyriques. Alors s’éleva au milieu de la sympathie et de l’attention générales la voix si pleine et si franche de M. Broca. 11 était heureux et très ému, et prononça alors un des discours les plus touchants que j’aie entendu sortir de sa bouche. Tout ce qu’il y avait de bon dans son cœur montait à ses lèvres et y trouvait cette forme pittoresque, graphique et à la fois aimable et parfois poétique dont il avait le secret. Ce discours commençait ainsi : ;< Mes amis, je suis trop heureux ! J’ai consacré ma vie à la médecine et à l’anthropologie, et la médecine et l’anthropologie m’ont comblé. Oui, je suis trop heureux! Si j’étais superstitieux, je regarderais ma nomination au Sénat comme le présage de quelque grand malheur, peut-être comme un présage de mort ! »
- Cette phrase a frappé quelques esprits, et M. Henri Martin, dans un discours fort ému qu’il a prononcé sur la tombe de M. Broca, l’a rappelée comme un pressentiment funèbre. Eloignons cette pensée, au nom du grand savant. M. Broca était l’ennemi de la superstition, parce que la superstition, même la plus respectable, est l’ennemie de la vérité. La superstition est un voile dont l’homme aime à obscurcir ses yeux pour voir les choses plus belles ou plus terribles qu’elles ne sont ; or, Broca aimait à voir les choses telles qu’elles sont en effet. M. Naquet cite un mot de lui qui définit bien sa pensée sur ce point ; il s’agissait de la crémation : « Mauvaise besogne, besogne rétrograde que vous faites, lui disait-il. Le souvenir des morts est en lui-même un sentiment respectable et utile (et certes M. Broca le conservait pieusement, le souvenir et le respect des morts). Mais si la cendre des morts conservée à domicile devient un objet matériel de piété, vous exaltez une superstition : or, toute superstition est mauvaise. »
- La vérité, en effet, était la passion de son existence. Et s’il a eu un instant, une seconde, conscience de sa mort, son premier, peut-être son seul regret, a été de songer que ces quinze années de vie sur lesquelles il avait encore droit de compter étaient perdues pour la science et pour l’humanité.
- C’est ainsi que Cuvier mourant s'indigna de n’avoir pu terminer son œuvre; c’est ainsi que de nos jours, M. Littré, échappant à un grand danger, se réjouit de voir que le Dictionnaire de la langue française pourrait être fini. C’est ainsi que M. Broca lui-même, voyant sa maison échapper aux incendies de la Commune, dont elle était fortement menacée, éclata en sanglots en voyant que tant d’œuvres manuscrites ne périraient pas.
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- Sous une tonne expansive toujours gaie, quelquefois brusque, M. Broca était l'homme le meilleur, le plus dévoué, le plus généreux. On admire qu’il ait recueilli chez lui et soigné comme un membre de sa famille un de ses élèves qui s’était fracturé le crâne et qui sans cette aide secourable, serait mort probablement ; peut-être pourrait-on citer de lui des traits encore plus honorables. 11 savait pardonner l’ingratitude et presque l’oublier. Je crois que l’hypocrisie et l’improbité seules, excitaient chez lui plus d’indignation encore que de pitié.
- Jacques Bertillon.
- DE LA NEBULOSITE DU CIEL EN EUROPE
- COURBES ISONÈPHES
- La nébulosité du ciel, qu’on devrait plutôt appeler la néphélie, est la fraction du ciel occupée par les nuages. C’est, en météorologie, un élément important, généralement trop négligé. La température de l’air n’est certainement pas la seule chose à considérer : l'insolation joue un rôle considérable à la surface du globe, et l’insolation est en rapport direct avec la nébulosité. Il y a longtemps qu’on a fait voir qu’en couvrant d’une étoffe noire un terrain planté
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- Açores
- Le Caire
- Fig. 1. Carte des courbes isouèphes.
- de vignes, le raisin n’y arrive pas à maturité, quoique la température de jour et de nuit en soit très augmentée.
- Nous n’avons pour évaluer la nébulosité du ciel que l’appréciation à la simple vue, mais qu’on rend suffisamment précise quand on s’astreint à des règles invariables. Autrefois, on notait l’état du ciel par trois mots : beau, nuageux ou couvert ; puis par cinq : beau, peu nuageux, nuageux, très nuageux ou couvert, ce qui vaut beaucoup mieux. Malgré cela, il arrive souvent que des observateurs notent l’état moyen du ciel d’une manière imparfaite, parce qu’ils n’ont pas fait de cette appréciation une affaire d’arithmétique. il m’est arrivé souvent de rencontrer des personnes qui notaient comme très nuageuse une journée couverte le matin et le soir avec ciel nuageux de midi à cinq heures. Or, la partie du ciel
- découverte en vingt-quatre heures n’atteignant pas un huitième, il fallait évidemment mettre couvert. Quelques observateurs, et tout le public, notent comme beau temps les jours d’été où le ciel a été nuageux, mais sans menace de pluie. En général, ces erreurs d’appréciation se rapportent à un ciel plus ou moins nuageux, tout le monde étant d’accord lorsque le ciel est tout couvert ou entièrement serein, de sorte qu’en définitive les moyennes ne diffèrent pas autant qu’on pourrait le croire, mais l’erreur sera d’autant plus forte que les temps plus ou moins nuageux auront dominé davantage. 11 arrive ainsi qu’on s’accorde beaucoup mieux en hiver qu’en été, parcj qu’en hiver le ciel n’est guère que beau ou couvert. C’est ce que montrent nettement les comparaisons que j’ai laites de la nébulosité déterminée au parc de Sainl-Muur avec celles trouvées en
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- même temps à l’Observatoire de Paris. Je note généralement une nébulosité un peu moindre. J’ai cru reconnaître que l’état brumeux de l’atmosphère à Paris et la lumière du gaz, font noter le ciel un peu plus couvert dans cette ville qu’à la campagne.
- D'autres observateurs ont suivi un ordre d’idées différent, et M. Marchand, de Fécamp, par exemple, ne note pas la fraction du ciel occupée par les nuages, mais un nombre qui lui représente le degré d’éclairement du ciel. J’ai pu m’en convaincre directement, M. Marchand ayant noté 8 un état du ciel correspondant incontestablement à 10 (dans la notation de 0 à 10).
- Cette dernière notation est, avec raison , généralement adoptée aujourd’hui.
- Mais au lieu de mettre la notation avec une décimale, j’écris les moyennes comme un nombre entier , c’est-à-dire que je note le ciel en centièmes, comme on le fait pour l’humidité relative.
- Deux observateurs convenablement, exercés arrivent à noter l’état du ciel d’une manière qui concorde presque absolument dans les moyennes mensuelles. La difficulté n’est pas dans l’évaluation arithmétique ; mais quand le ciel offre des nuages de toute sorte, les uns très épais, les autres très légers, on est souvent embarrassé : il ne faut compter que les nuages capables d’intercepter le soleil; le brouillard donne lieu à plus de difficultés encore, puisque souvent le temps est clair le matin avec un brouillard qui finit dans la journée pour couvrir le ciel. On ne peut éviter dans ce cas de faire entrer dans son évaluation l’épaisseur des nuages, car il faut bien que la notation suive le phénomène qui se développe graduellement.
- Une grande difficulté, quand on relève la nébulosité moyenne sur des registres d observai iori, consisle
- dans l'insuffisance de ces observations; on n’a, le plus souvent, noté l’état du ciel que trois ou quatre fois par jour. Pour en déduire l’état moyen du ciel, il faut connaître la marche diurne de la nébulosité. Il n’y a qu’un très petit nombre de lieux où l’on ait noté l’état du ciel un assez grand nombre de fois pour qu’on en puisse déduire la courbe diurne ; aussi ai-je entrepris cette recherche depuis longtemps. En combinant mes observations de 4 heures
- du matin à 10 heures du soir avec celle de minuit à l’Observatoire, j’ai pu en conclure avec assez d’approximation la marche diurne complète.
- Tous les lieux où l’on a fait des observations en Europe montrent que le ciel est le plus clair vers 10 ou 11 heures du soir, un peu plus tôt en hiver, un peu plus tard en été. Le maximum, aux environs de Paris, Tombe vers 1 heure du soir, avec une tendance à un maximum vers 7 heures du matin. Ce maximum se retrouve dans la courbe de Crefeld, donnée par Dove ; de plus, il paraît général dans la partie orientale des États-Unis, tandis qu’à San Francisco il y une tendance à un minimum au lever du soleil.
- Quoi qu’il en soit, les courbes diurnes de la nébulosité en Europe paraissent très semblables, sauf ce maximum de 7 heures du matin, qui peut accidentellement dépasser celui du soir.
- La marche annuelle de la nébulosité du ciel est mieux connue que la marche diurne, et elle a une grande ressemblance dans toute l’Europe et dans la partie orientale des États-Unis, du moins dans les pays peu élevés au-dessus de la mer. Dans les montagnes, au Saint-Bernard, par exemple, celte marche est très différente de celle des pays bas, ainsi qu’on peut s’en convaincre en jetant les yeux sur les dia-
- Marehc annuelle de h» nébulosité Dec Mars Juin. Scpl. Dec.
- Marche diurne de la nébulosité
- jEinuil (ihin midi 6l‘s minuit
- Paris
- GO---
- la Koutsk.
- Marche annuelle de la nébulosité
- Dec. Mars Juin Sept. Dec
- Pa ris f
- S7 1876
- ___70
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- 20___
- Dre Mars Juin’.
- Déc Mai
- Fig. 2. Courbes représentant la marche diurne tic la nébulosité à Saint-Maur et sa marche annuelle dans différentes localités.
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- grammes que j’ai donnés : la marche du Saint-Bernard et de Genève est concordante en été et opposée en hiver, parce que les nuages élevés de l’été sont le plus souvent communs aux deux stations, tandis qu’en hiver, ils sont souvent au-dessus de Genève et au-dessous du Saint-Bernard.
- La marche annuelle de la nébulosité à Paris est bien déterminée, le maximum arrive on décembre; mais le minimum ne tombe pas précisément en été, et il y a constamment deux minimum qui se déplacent, mais qui tombent en moyenne en avril et en septembre. La nébulosité moyenne à Paris est de 65 ; à Bruxelles, elle est plus grande, mais la marche annuelle ressemble beaucoup à celle de Paris.
- La courbe annuelle de Pékin est absolument opposée à celles des stations d’Europe à la même latitude; le ciel y est peu nuageux en hiver et nuageux ou très nuageux eu été. Il est remarquable qu’aux Etats-Unis, malgré une grande analogie de position et de climat avec la Chine, la marche de la nébulosité est toute différente et se rapproche au contraire de celle de l’Europe. On remarque une opposition semblable entre la marche de la nébulosité à Sitkha (côte N.W. des États-Unis) et la Norvège, malgré la grande ressemblance des deux climats. À Sitkha, la nébulosité moyenne est 68, mais le ciel y est plus clair en hiver qu’en été ; le minimum tombe en mars et le maximum en juillet.
- En traçant à la surface du globe des lignes d’égale nébulosi'é, on obtient ce que j’appellerai les iso-nèphes. Je ne donne ici et pour l’Europe que les isonèphes annuelles : on peut tracer également les isonèphes mensuelles. Mais ce Mémoire n’est qu’un premier essai, fort imparfait sans doute, mais d’où ressortent néanmoins certains faits importants.
- Pour beaucoup de contrées, les matériaux font défaut ; je signalerai surtout l’Angleterre, où ce genre d études est presque entièrement négligé. Je me suis servi de deux Mémoires très importants, l’un de M. Wild, relatif à la Russie; l’autre, qui m’a été adressé par l’auteur, M. Hellmann, inspecteur de météorologie à Berlin, et qui est relatif à l’Espagne et au Portugal.
- La distribution de la nébulosité en Europe est intimement bée à la position relative des terres et des mers, car les isonèphes de 50 et au-dessus suivant les bords de l’Océan, celles de 40 et au-dessous vont de l’est à l’ouest comme la Méditerranée. La plus forte nébulosité moyenne ne paraît pas dépasser de beaucoup 68 ; elle se présente dans tout l’ouest de 1 Europe depuis la Bretagne jusqu’au cap Nord.
- L’Espagne présente une curieuse disposition des isonèphes ; les lignes de 25 et de 50 y font des courbes fermées qui entourent Valence. Celle de 55 forme un grand lepli qui contourne les précédentes d.ns l’inléi ieur de l'Es-pagne, puis se dirige d’un côté à travers le Maroc, de l’autre le long des côtes d’Algérie, avec des sinuosités qu’il est difficile de préciser quant à présent.
- L’isonèphe de 20 doit se t ouver au sud de Biskra. Enfin, l’intérieur du Sahara, depuis 52° jusqu’à 16° ou 18° vers Tombouctou, ne doit pas avoir une nébulosité moyenne de plus de 10 ou 12.
- La nébulosité si faible des côtes orientales d’Espagne explique pourquoi c’est le seul point de l’Europe où prospère le dattier ; si on rapproche cette nébulosité de celle de Biskra et que l’on considère que le dattier ne mûrit nullement ses fruits à Alger, ni même à Cayenne, malgré des étés plus chauds qu’à Valence et à Alicante, on reconnaît la loi de distribution géographique du palmier-dattier ou Phénix dactylifera : il lui faut une nébulosité de 25 au plus et des minima qui ne s’abaissent pas au-dessous d’une température que je suppose de 7° au-dessous de zéro, et qui sera à déterminer plus tard d’une manière précise.
- On ne peut indiquer que d’une manière générale la distribution de la nébulosité dans le monde entier.
- Aux États-Unis, la nébulosité est faible dans le midi, surtout vers lu Vieille-Californie et la So-nora ; elle augmente vers le nord, jusqu’à atteindre 68 à Sitkha. Sur la côte orientale, elle varie peu du sud au nord ; mais elle est moindre dans l’intérieur.
- La courbe de 50, remarquable à tous égards, et qui ne doit pas s’éloigner beaucoup de la moyenne annuelle du monde entier, passe près de Lisbonne, dans le midi de la France, non loin de la Méditerranée, puis vers le nord de la mer Noire, puis elle fait un coude et s’étend de l’ouest à l’est dans le nord de l’Asie ; elle redescend vers le sud en approchant de la mer, passe au nord de la Chine, au nord de San Francisco, près de New-York, et de là rejoint le Portugal au nord de Lisbonne.
- Une autre courbe de 50 doit faire le tour du globe au voisinage de l’équateur, un peu au nord ; il doit y en avoir une autre un peu plus méridionale; puis reviennent des contrées à faible nébulosité, comme les pampas de l’Amérique du Sud et les pays situés en Afrique vers le 50e degré sud et dans l’intérieur de l’Australie. Enfin, on est sûr d’en retrouver encore une autre au sud du cap de Bonne-Espérance el vers le cap Ilorn, car dans l’hémisphère austral, au delà du 50e degré de latitude, la nébulosité paraît très grande.
- La nébulosité moyenne du monde entier ne me semble pas dépasser 50; peut-être est-elle de 55.
- ' E. Renou.
- LE MUSÉE D’ETHNOGRAPHIE
- Sur la demande du Ministre de l’Instruction publique, les Chambres ont voté récemment les crédits nécessaires pour la création et l’entretien dans le palais du Trocadéro d’un Musée d’Ethnographie. Pour faire comprendre l’importance de cette créa-
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- LA NATURE
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- tion, nous reproduisons ici la première partie du rapport présenté à M. le Ministre de l’Instruction publique, au nom de la Commission spéciale, par M. E. T. Hamy, rapporteur :
- Les services qu’est appelé à rendre le Musée spécial dont la création est sollicitée à Paris depuis près d’un siècle sont de divers ordres. En effet, les collections ethnographiques ne sont point seulement utiles à la connaissance de l’anthropologie considérée sous ses faces diverses; elles contribuent en outre, dans une large mesure, aux progrès des autres sciences naturelles, et sont appelées de plus à fournir des renseignements parfois fort précieux aux économistes, aux commerçants, aux industriels, aux artistes, etc.
- L'ethnographie prise en elle-même est une des branches les plus importantes de la science de l'homme. L’étude de toutes les manifestations matérielles de l’activité humaine lui appartient, en effet, tout entière; et si, dans les limites qu’on lui assigne Aujourd’hui, l’homme lui-même reste en dehors de son contrôle, elle a du moins à recueillir et à coordonner les observations auxquelles prêtent les groupes ethniques dans leur vie intime et dans leurs rapports réciproques. Alimentation et logis, habillements et parures, armes de guerre et instruments des travaux de la paix, chasse, pêche, cultures et industries, moyens de transports et d'échanges, fêtes et cérémonies civiles et religieuses, jeux de toute sorte, arts plus ou moins développés, tout ce qui, dans l’existence matérielle des individus, des familles ou des sociétés, présente quelques traits caractéristiques, est du domaine de l’ethnographie. Les innombrables documents qu’une étude aussi vaste vient chaque jour fournir ont formé à la longue tout un ensemble d’une nature spéciale, toute une science nouvelle, d’ordre secondaire sans doute, mais ayant sa vie propre, son but bien défini, ses limites circonscrites, et possédant déjà des résultats acquis d'une manière bien assurée.
- Maintes sciences connexes utilisent ses renseignements, et l’anthropologie en particulier, dont elle est une dépendance, vient lui demander chaque jour de précieuses in dications. Elle l’interroge plus particulièrement sur ces grandes questions d’origine qui passionnent à bon droit tant d’esprits élevés, et l’ethnographie répond, tantôt en mettant en évidence d’une manière irrésistible la doctrine du progrès continu des sociétés qu’attestent les âges de pierre, de cuivre, etc., dont elle retrouve presque partout la trace ; tantôt en démontrant, par la similitude des usages et du genre de vie, les relations premières de peuples séparés, comme les Guaranis des Andes, de leurs congénères par des intervalles énormes dans l’espace et dans le temps.
- L’ethnologie ou anthropologie descriptive complète, à l'aide des données ethnographiques, le tableau des caractères différentiels dont l’anatomie lui a fourni la première esquisse, et il lui arrive souvent de se servir de quelque trait ethnographique pour instituer des subdivisions nécessaires entre des groupes secondaires de même type physique, comme les Papouas.
- La linguistique, la mythologie comparée, la sociologie utilisent de semblable manière les documents sur l’épi— graphie, les superstitions, etc., sans l’examen desquels ces branches de la science de l’homme demeureraient insuffisamment renseignées.
- 11 en sera de même de toutes les autres sciences naturelles.
- Dans le matériel funéraire qu’un ethnographe aura recueilli le long des côtes du Pérou, un zoologiste, M. Alphonse Milne-Edwards, retrouvera le type oublié du Cobaye primitif ; un botaniste, à l’aide des mêmes fouilles, reconstituera l'histoire des races de Légumineuses aujourd’hui disparues ; un minéralogiste rencontrera sous forme d’amulettes dans les collections du docteur Crevaux la véritable pierre des Amazones, bien différente de la roche à laquelle on applique aujourd’hui ce nom.
- Le médecin a appris de l’ethnographe à connaître le quinquina, le curare, etc.; le chirurgien lui a emprunté l’acupuncture, les inoxas, etc. ; l’hygiéniste tient de lui les données à l'aide desquelles il étudie l’influence des habitudes et des mœurs sur la santé des nations.
- Le commerçant loi doit en nombre incalculable les matières alimentaires, textiles, tinctoriales, aromatiques,etc., que les barbares connaissaient avant nous, et dont l’ethnographe a le premier révélé les propriétés et l’usage : manioc, phormium, rocou, caoutchouc, santal, etc.
- Diverses industries perfectionnées sont sorties de l’examen des procédés tout primitifs de quelques grossiers sauvages.
- Les industriels varieront agréablement leurs modèles en étudiant les objets de toute nature décorés par les peuples exotiques. Enfin l’art lui-même, en se faisant ethnographique, rencontrera parfois d’heureuses inspirations. Tel est, en quelques mots, le rôle de l’ethnographie ; tels sont les résultats que peut procurer la formation d’un Musée consacré à cette branche de la science de l’homme.
- E. T. Hamy.
- LA PHYSIQUE SANS APPAREILS
- (Suite.— Voy. p. 7, 71 et 108.)
- Un certain nombre d’appareils ingénieux et pratiques peuvent être basés sur le phénomène bien connu de la persistance des impressions sur la rétine. Le thaumatrope est un des plus anciens jouets fondés sur ce principe, et sa construction est des plus simples. Il consiste en un disque de carton que l’on met en rotation avec les doigts autour d’un axe formé par deux cordelettes. Sur une face du disque, on a figuré une cage a, sur l’autre face, un oiseau b (fig.l). Quand on fait tourner le système, les deux dessins sont aperçus en même temps ; on ne voit plus qu’une seule image : un oiseau dans une cage (fig. 2). Inutile d’ajouter que les dessins peuvent être variés.
- Le phénakisticope de M. Plateau est plus compliqué, il peut cependant être construit par une main un peu habile. A travers des fentes étroites taillées vers la circonférence d’un disque de carton, on aperçoit successivement des dessins représentant les différentes positions d’une action quelconque, d’un clown sautant à la corde, par exemple. La persistance des impressions lumineuses sur la rétine donne à l’œil la sensation d’une image continue qui semble animée des mouvements mêmes dont les différentes phases ont été figurées fidèlement (fig. 3). C’est le phénakisticope qui a donné naissance à
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- quelques appareils plus compliqués connus le nom de zootropes, praxinoscopes, etc..
- Parmi les expériences relatives à l’optique, il en est plusiee.rs qui peuvent se faire à l’aide des miroirs concaves ou convexes, qui déforment les ima-
- sous
- etc.
- singulièrement
- ges. Un grand nombre d’objets usuels peuvent nous servir à cet effet; une cafetière d’argent, par exemple, remplit très bien l’office d’un miroir convexe , et notre visage y prend des aspects grotesques quand nous nous considérons de près dans sa surface polie.
- Les anamorphoses constituent des dessins particuliers qui rentrent dans la classe des expériences relatives aux miroirs cylindriques. Ce sont des images faites suivant des
- Fig. 1. Disque du thaumntrope vu en dessus (a) et eu dessous (b).
- les devantures des villes. Ces glaces non étamées,
- règles
- déterminées, mais tellement déformées que l'on y distingue seulement, lorsqu’on les regarde directement, des traits confus. Quand on les voit par réflexion dans des miroirs courbes, elles présentent au contraire un dessin régulier. La figure 4 montre une anamorphose faite pour un miroir cylindrique; on voit que l’image confuse du papier horizontal se réfléchit dans le miroir cylindrique en donnant l’image d’un jongleur.
- 11 est facile de confectionner soi-même de semblables dessins; quant au miroir cylindrique, on le fabrique au moyen d’un tube de verre que l’on remplit de mercure. On peut encore employer des miroirs coniques, qui donnent des effets particuliers et non moins intéressants.
- Fig. 2. Aspect du thaumatrope eu rotation.
- Parmi les illusions d’optique les plus célèbres, on peut citer les spectres, imaginés pour le théâtre
- par le physicien Robin, et. qui ont jadis vivement attiré l’attention publique. Il s’agissait ici d’images formées par l’intermédiaire de glaces transparentes comme celles dont sont munies dans les grandes les carreaux même de nos habitations, reproduisent très fréquemment le phénomène des spectres. Le soir, quand il fait sombre au dehors, il est facile de constater que l’image des objets placés dans une pièce éclairée, se reproduit derrière les vitres des fenêtres à la faveur de l’obscurité du dehors. Si l’on s’approche de la vitre, on voit cependant aussi une balustrade de réels peuvent
- les objets réels du dehors balcon, un arbre, etc
- Fig. r> Phénakisticope de >1. Plateau.
- aCS
- ainsi se confondre avec l’image réfléchie d’un autre objet, et être combinés de manière à produire des effets curieux. C'est ce que M. Robin avait fait pour les effets de théâtre. 11 projetait sur la scène l’image d’un personnage habillé en zouave , et lui-même, armé d’un sabre, traversait le corps de ce spectre : un grand nombre d’autres effets singuliers étaient obtenus de la même façon.
- Dans ces derniers temps, on a utilisé avec beaucoup d’ingéniosité les images formées d’une manière analogue, pour faciliter pratiquement l’étude du dessin.
- Un carreau de verre est fixé verticalement sur
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- une planchette do couleur noire (fig. 5). Un dessin à copier est posé à côté de ce carreau; si l’on se
- place de telle façon que le rayon visuel passe obliquement à travers le carreau, on aperçoit très nettement
- Hg. 6. Expérience du décapité parlant.
- l’image du dessin de l'autre côté du modèle. 11 est avec un crayon : on n’a qu'à suivre les traits de alors facile de le reproduire sur un papier blanc l’image. Voilà donc une façon très simple et très
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- utile de reproduire à peu de frais l’expérience des spectres de Robin.
- Une des plus remarquables applications des miroirs à la physique amusante est sans contredit celle qui en a été faite dans la curieuse expérience du décapité parlant.
- 11 y a quelques années, le décapité parlant a obtenu à Paris et dans un grand nombre d’autres villes un véritable succès de curiosité. Les visiteurs jetaient les yeux dans une petite salle où ils ne pénétraient pas, mais où ils apercevaient une table à trois pieds; au-dessus de cette table était une tète humaine, qui semblait posée au milieu d’un plateau (lig. 6). Cette tète remuait les yeux et parlait; elle appartenait assurément à un homme dont le corps était absolument dissimulé.
- Les spectateurs croyaient voir un espace vide au-dessous de la table, mais le corps de l’individu qui s’y trouvait en réalité assis, était dissimulé par deux glaces étamées adaptées entre les pieds de la table et posées à 45° par rapport aux murs de droite et de gauche. Le tout était disposé de telle manière que l’image des murs de droite et de gauche, coïncidait avec la partie visible du mur du fond de la salle.
- Ces trois murs étaient badigeonnés d’une couleur homogène. Un demi-jour facilitait l’illusion, dont l’effet était remarquable. Pour dévoiler le mystère, il eût suffi de jeter une pierre entre les pieds de la table, on eût vu se briser l’une des glaces étamées encadrées par les pieds de la table.
- Gaston Tissandier.
- — La suite prochainement. —
- LES HIBOUX PROTÉGÉS
- EN ANGLETERRE
- Le hibou vient d’être l’objet d’intéressants débats à la Chambre des lords. L’oiseau de Minerve a été législativement rangé parmi les oiseaux utiles à l’homme ; il a été compris, dit le Daily Telcgraph, dans le bill additionnel de la loi qui les protège.
- Plûsieurs pairs ont pris la défense de cet oiseau nocturne, dont les différentes espèces, chat-huant, chouette, grand-duc, petit-duc, orfraie, hulotte, détruisent une assez grande quantité de gibier et sont très redoutées des chasseurs dans certaines contrées.
- Après une longue discussion, il a été définitivement reconnu que, si le hibou attaque le gibier proprement dit, il ne ménage pas non plus les rongeurs, tels que rats, souris, mulots, campagnols, ni une foule d’insectes nuisibles auxquels il fait une guerre acharnée. On a vu des chouettes tuer en une nuit jusqu’à cent souris.
- Sur les terres du duc de Buccleugh, en Écosse, cet oiseau nocturne est précieusement conservé dans l’intérêt de l’agriculture; il est défendu de le tuer. Au château d’Arundel, chez le duc de Norfolk, les hiboux et les grands-ducs rendent autant de services que les chats, et depuis des siècles on leur conserve une place à part au sommet du donjon.
- LES CHEMINS DE FER
- A VOIE ÉTROITE EN FRANCE
- La rigidité du matériel roulant oblige à construire les lignes à voie de largeur ordinaire avec de très grandes courbes, causes de travaux et de dépenses considérables ; tunnels, viaducs, tranchées et remblais puissants. En restreignant la largeur de la voie, on ne diminue pas seulement les frais d’expropriation, ou peut employer un matériel roulant à la fois plus léger .et plus souple, permettant de tourner dans des courbes de rayon beaucoup plus court et de contourner ainsi les obstacles qui obligeraient à de grands travaux, de faire des ouvrages moins résistants et moins coûteux, de traîner un moindre poids mort, de réaliser des économies importantes diverses. Ces considérations et d’autres ont fini par l’emporter sur le grave inconvénient du transbordement supplémentaire inévitable (que l’on réduit au minimum en chargeant deux wagons de cinq tonnes de la ligne locale sur un truck du réseau général), quand il s’est agi d’outiller de moyens de transport économiques et relativement rapides des localités trop pauvres pour alimenter une ligne à voie large et lui procurer un revenu suffisant.
- La largeur adoptée en France pour les lignes à voie étroite est de 1 mètre. Le premier chemin de fer français de cette espèce a été le petit chemin d’intérêt local de Lagny à Villeneuve-le-Comte, long de 12 kilomètres, non compris un prolongement industriel de Villeneuve au Bois-Breton, actuellement réservé aux marchandises seules. Tout récemment, on a achevé la ligne plus importante de Persan-Beaumont (station de la ligne de Pontoise à Creil) à Thermes (station de la ligne de Creil à Beauvais). Ce nouveau chemin à voie étroite s’étend sur 32 kilomètres. On a ouvert aussi la section de Gray à Bucey-lès-Gy, de 22 kilomètres.
- Enfin, quand s’agita la grande question de création d’un chemin de fer direct de Calais à Marseille et qu’elle eût été résolue négativement (en considérant que, si le commerce eût trouvé un avantage à la concurrence, d’autre part l’État, c’est-à-dire chacun, y eût perdu, les intérêts des anciennes Compagnies étant maintenant solidaires de ceux de l'État, qui les garantit), pour ne pas priver les populations du Pas-de-Calais des facilités locales de circulation que la voie projetée devait leur assurer.... et aussi pour se mettre à l’abri d’une reprise future de ce projet en occupant la place, on a concédé, en octobre 1874, un chemin à voie étroite traversant le département dans sa longueur, de Calais à An vin (station de la ligne d’Arras à Étaples et Boulogne-sur-Mer), entre les deux lignes de Calais à Paris et à Bruxelles.
- La ligne, construite sous l’habile direction de M. l’ingénieur en chef Arnaud, sera la première dont l’étendue permettra d’apprécier la valeur comme moyen général de transport ; elle n’aura pas moins de 93 kilomètres ; elle est particulièrement destinée à desservir les chefs-lieux de canton qui ne le sont pas encore dans ce département industriel, très riche et très peuplé : Ileuchin, Fruges, Fauquenbergues, Ardres et Guines. 11 y aura onze haltes au moins et onze stations, non compris les trois stations de raccordement avec le réseau du Nord : An vin, Luin-bres (sur la ligne de Boulogne à Saint-Omer) et Saint-Pierre-lès-Calais. La ligne sera ouverte en trois sections : d’Anvin à Lumbres, 42 kilomètres, dans l’été de 1881 ; de Saint-Pierre à Guines, un peu plus tard ; et de Guines
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- à Lumbres, vers l’automne de l’année suivante ; enfin une courte section de 3 kilomètres, de Saint-Pierre à Calais, est projetée, après la démolition des vieilles fortifications de cette place, en 1885, pour faire parvenir les trains à Calais même, dans la nouvelle gare, et éviter un transbordement pour un trajet aussi court ; mais ce prolongement n’est pas encore concédé.
- Quoique ligne d'intérêt local, les rampes et pentes du chemin de Calais à Anvin ne dépasseront pas 15 millimètres, comme sur les grandes lignes construites en plaine (ce qui permettra de réaliser une vitesse de 50 kilomètres en pleine marche et de 25 kilomètres arrêts compris), mais en revanche, le rayon des courbes, grâce à la voie étroite, s’abaissera jusqu’à 130 mètres en pleine voie et à 100 mètres dans les gares ; et les expropriations et travaux coûteux ont pu si bien être évités par suite de cette facilité à contourner les obstacles, que le prix du kilomètre achevé, matériel roulant compris, ne dépassera pas 68 000 francs, ce qui est juste le cinquième du prix le moins élevé des chemins de fers ordinaires à deux voies dans la région, et moins de la moitié du coût des lignes à une voie.
- Chables Boissay.
- LES MOTEURS A AIR CHAUD
- Les difficultés que pre'sente la cre'ation d’un moteur de petite puissance, commode et économique, justifient les nombreuses recherches qui ont été faites dans cette voie et les nombreux types d’appareils imaginés pour satisfaire aux conditions complexes de la question.
- Si aucun d’eux ne résout jusqu’ici complètement le problème, chacun présente au moins un certain intérêt et manifeste de louables efforts, couronnés dans certains cas, d’un succès très satisfaisant, que nous nous faisons un plaisir et un devoir de constater chaque fois que l’occasion nous en est offerte. Il a été construit un grand nombre de moteurs à air chaud' depuis la première machine d’Ericson, en 1852, mais un petit nombre seulement a reçu des applications pratiques. Aujourd’hui il n’existe, à notre connaissance, que deux types de machines à air chaud qui soient dans la fabrication courante, sous réserve, bien entendu, des moteurs à gaz, qui ne sont autre chose que des moteurs à air chaud dont le combustible est le gaz d’éclairage.
- L’emploi de l’air chaud dans les machines de ce système est dicté par des considérations théoriques dont nous allons exposer brièvement les principes.
- Les meilleures machines de grande puissance, à détente et à condensation, brillent un kilogramme de charbon par cheval-vapeur et par heure, ce qui représente un travail effectif de 270000 kilogram-mètres1.
- Un kilogramme de bonne houille dégage par sa combustion 7000 calories. Si — condition impossible à réaliser — toute la chaleur développée par
- 1 75 kilogrammètres x 5600 secondes dans une heure = 270 000 kilogrammètres.
- la houille était convertie en travail, ce kilogramme de charbon pourrait produire :
- 7000 X 424 = 2 968 000 kilogrammètres.
- Il résulte de ces chiffres que la meilleure madiine à vapeur ne transforme que les neuf centièmes de l’énergie totale que représente la combustion de la houille.
- Bans les machines de faible puissance, de 1 à 2 chevaux par exemple, ce chiffre est encore loin d’être atteint, car on consomme alors 5 et 6 kilogrammes de charbon par heure et par cheval.
- Bans ces conditions, le rendement s’abaisse à moins de deux pour cent
- Le principe même des machines à vapeur, même les plus parfaites, ne permet pas de transformer en travail plus du tiers de la chaleur développée par la combustion du charbon. Les machines à air chaud permettent une transformation plus complète, et le rendement théorique peut atteindre cinquante pour cent.
- Comme il est toujours plus facile de chauffer économiquement de petits volumes d’air que de vaporiser économiquement de petites quantités d’eau, on conçoit que les machines à vapeur de faible puissance dépensent 5 et 6 kilogrammes de charbon par cheval, tandis qu’une machine à air chaud de puissance égale peut n’en brûler que la moitié. Pour les grandes forces, les machines à air chaud prennent des dimensions considérables, le chauffage devient difficile, impossible même, et les avantages économiques disparaissent.
- Machine de Rider. — C’est en 1855 que M. Fran-chot a fait figurer à l’Exposition universelle la première machine à air chaud sur le principe de laquelle est fondée la machine de M. Rider. La machine de M. Rider, représentée en élévation figure 1 et en coupe figure 2, se compose d’un cylindre de compression A et d’un cylindre moteur B, dans lesquels se meuvent des pistons creux C et B, reliés par des bielles J, J, et deux manivelles à l’arbre 11. Le cylindre de compression A est maintenu froid par une circulation d’eau, le cylindre moteur B est chauffé à sa partie inférieure évidée F. La forme des pistons creux C et B a pour but d’obliger l’-air qui se trouve dans les cylindres à venir lécher les surfaces de chauffe et de refroidissement, et à se mettre rapidement en équilibre de température avec ces surfaces. Ces deux cylindres sont reliés entre eux sans tiroir de distribution ni soupape d’aucune sorte par un tuyau H rempli de toiles métalliques jouant ainsi le rôle d’échangeur, comme nous allons le voir tout à l’heure. Les manivelles des deux pistons sont calées sous un angle de 95°, avec avance du piston moteur B.
- Il y a toujours le même air dans l’espace vide entre les deux cylindres ; une soupape L, placée sur le côté du cylindre de compression, permet l’entrée de la quantité d’air nécessaire au fonctionnement en cas de fuite.
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- Voici comment marche l’appareil une fois mis en train :
- Le piston G comprime l’air à la partie inférieure du cylindre A jusqu’au tiers de son volume, et comme au même instant le piston [) commence son
- ascension, l’air traverse le régénérateur H et vient dans le réchauffeur F sans changement notable de volume. L’élévation de température de l’air arrivant en F augmente la pression et pousse le piston moteur jusqu’au bout de sa course ascendante. La
- Fig. 1. Moteur liider (élévation).
- Fig. 2. Moteur Rider (coupe longitudinale).
- pression maintenue dans le cylindre moteur réagit alors sur le piston de compression et détermine son ascension ; lorsqu’elle est sur le point d’être terminée, l’air passé dans le cylindre de compression se refroidit, la pression diminue, le piston moteur descend et le piston de compression ne tarde pas à suivre le mouvement, puis le même cycle d’opérations recommence. En résumé, le mouvement conjugué des deux pistons tend à accroître et à diminuer le volume de l’air qui est entre eux, mais par la combinaison même du mécanisme, il se trouve que lorsque le volume s’accroît, la plus grande quantité d’air se trouve dans le cylindre chaud et favorise le mouvement par sa dilatation. Quand le volume tend à diminuer, la plus grande masse d’air est dans le cylindre froid, la contraction de l’air due au refroidissement favorise encore le mouvement.
- Le rôle du régénérateur est de recueillir une partie de la chaleur de l’air chaud au moment où il
- passe dans le cylindre froid et de la lui restituer lorsqu’il effectue le mouvement inverse.
- 11 est difficile de concevoir une machine plus simple que le moteur de M. Rider; elle fonctionne sans bruit et avec une grande régularité. Sa place est tout indiquée pour l’élévation de l’eau dans les maisons particulières, l’arrosage des jardins, etc., car c’est l’eau élevée elle-même qui sert au refroidissement, on dispose alors le moteur et la pompe sur le même bâti et l’appareil prend le nom de moteur-pompe.
- Machine de M. Hock. — Dans la machine de M. Hock, de Vienne (Autriche), on s’est préoccupé, non pas de mieux utiliser la chaleur fournie par le foyer, mais d’éviter la perte de chaleur considérable
- Fig. 5. Diagramme du moteur Belou.
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- qui a lieu par la cheminée et qui est emportée par la lumée dans l’atmosphère, perte qui ne s’abaisse jamais au-dessous de trente pour cent de la chaleur totale développée par la combustion du charbon.
- M. Hock avait été précédé dans cette voie par M. Belou, qui, dès l’année 1860, avait construit, sous le nom A'aéromoteur, un appareil fondé exactement sur le même principe. Nous reproduisons, ligure 5, le diagramme de la machine de M. Belou, qui a fonctionné jusqu’en 1864 dans la papeterie de Cusset, près Vichy; à cette date, un accident,
- Fig. 4. Moteur Hock (élévation).
- bustion par un conduit D au-dessus du foyer. Le mélange d’air chauffé et d’air brûlé arrive dans un réservoir G où s’établit un équilibre de température; de là l’air arrive par un tuyau dans le cylindre A, travaille sur le piston à pleine pression, puis à détente, et est enfin expulsé dans l’atmosphère ou utilisé pour des chauffages d’appareils, étuves, serres, etc., etc.
- Le combustible est introduit dans le foyer par une trémie KL placée au-dessus' de .la grille et qui communique avec elle par l’intermédiaire d’une chambre d’équilibre E fermée par deux tiroirs T, T à la main du chauffeur. On place la houille en K, on ouvre le tiroir T, la houille tombe dans le compartiment E. On ferme alors le tiroir supérieur et
- indépendant de la machine même, mais qui la détruisit en partie par contre-coup, arrêta net le développement de l’idée ingénieuse de notre compatriote.
- Dans lâ machine de M. Belou, le foyer F est placé dans une enceinte où règne une pression élevée ; les gaz de combustion sont utilisés comme moteur. Pour cela une machine à cylindre horizontal A actionne une pompe à air B montée sur la même tige. Cette pompe à air B lance l’air dans un conduit G débouchant sous le foyer F. Une autre partie de l’air comprimé débouche dans la chambre de com-
- Fig» 5. Moteur) Hock (coupe ^longitudinale;.
- on ouvre le tiroir inférieur, la houille tombe sur la grille et le chargement est opéré b
- Le travail recueilli sur l’arbre est la différence entre le travail dépensé pour comprimer l’air envoyé dans le foyer et le travail rendu par cet air dilaté par la chaleur.
- On retrouve dans la machine de Hock, représentée en élévation figure 4 et en coupe figure 5, les mêmes dispositions que dans l’appareil de M. Belou; le cylindre de compression A, le cylindre moteur P, le foyer B et la chambre de chargement 11. La porte F sert à nettoyer le foyer à la fin de la journée,
- 1 On trouvera tous les calculs relatifs à cette machine dans la Nouvelle mécanique industrielle de M. Léon Pochet.
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- LA NATUHK.
- la porte G à vider le cendrier. Un régulateur à force centrifuge règle la vitesse de la machine en limitant la quantité d’air envoyée dans le foyer et par suite en réduisant ou en activant la combustion du charbon. Le modèle que nous avons vu fonctionner à l’Exposition universelle de 1878 faisait un certain bruit, dû au mouvement brusque des soupapes, mais cet inconvénient a été très atténué dans des modèles plus récents.
- L’appareil ne demande pas d’eau de refroidissement, ce qui le rend très propre aux travaux effectués en pleine campagne; pour des applications de cette nature, on le dispose alors sur un chariot, comme une locomobile.
- Pour obtenir un bon rendement de ces machines, il faut que la température des gaz soit très élevée, mais on risque alors de brûler les garnitures. D’autre part, les gaz de la combustion entraînent des cendres et des produits empyreumatiques qui encrassent les parois, augmentent les frottements et finissent par user promptement les surfaces en contact.
- Pour ces raisons, ces appareils, dont le principe est très rationnel, et qui présentent certains avantages théoriques, ne rendent pas en pratique tout ce qu’ils pourraient fournir. Les moteurs à air chaud ne se prêtent pas non plus aux mises en marche et aux arrêts fréquents, sous peine de voir rougir le foyer dans un temps très court et de le mettre bientôt hors de service. Ils peuvent néanmoins rendre de grands services dans la petite industrie, à la condition de bien mettre à profit leurs qualités spéciales. Le moteur Rider convient tout particulièrement aux élévations d’eau, et dans tous les cas où l’on dispose de l’eau nécessaire au refroidissement, il demande alors peu de surveillance et d’entretien. Le moteur Hock est surtout applicable lorsqu’on ne dispose pas de cette eau de refroidissement et quelquefois même de l’eau d’alimentation qu’exigerait une locomobile ordinaire. Il devient même très économique si l’on peut utiliser les gaz chauds sortant du cylindre moteur dans d’autres parties de l’usine ou de l’atelier.
- E. IIOSHTXLIEIÎ.
- SOCIÉTÉS SAVANTES
- Société chimique de Paris. — La Société chimique de Paris, fondée en 1858, reconnue d’utilité publique en 1864, a rendu à la science des services considérables, particulièrement par la publication des Mémoires qui lui ont été présentés et par celle non moins nécessaire des extraits des travaux de chimie faits en France et à l’étranger. Néanmoins, elle a été dépassée de beaucoup, comme nombre de membres et comme ressources, par deux Sociétés, dont l'une est plus jeune qu’elle, celles de Londres et de Berlin.
- Cet état d’infériorité relative l’empêche de faire, pour le progrès de la science et de l’industrie, tout ce que les
- Sociétés rivales réalisent chacune dans son pays. Il est dù en grande partie à ce que la Société est restée jusqu’ici sur un terrain trop étroit. Elle n’a pas su attirer l’attention des industriels et en général des personnes qui s’intéressent à tout ce qui peut servir à la prospérité de la France, sur la part qu’elle pourrait prendre au développement des industries chimiques, lié si intimement au progrès de la science, il suffira, sans doute, pour leur donner le désir de venir à son aide, qu’elle fasse appel à leur bonne volonté et à leur patriotisme.
- Le conseil de la Société a décidé que toute personne versant à la caisse de la Société une ou plusieurs parts de 1000 francs serait nommée membre donateur, et jouiraiL à vie de tous les droits des membres titulaires. Elle recevra toutes les publications de la Société. La liste des membres donateurs sera publiée tous les ans, à perpétuité, en tête de la liste générale des membres de la Société.
- Le président d’honneur, J. B. Dumas; le président, 0. Friedel; les anciens présidents, Beuthelot, Cloez, Dereay, 11. Sainte-Claire-Deville, A. Gautier, Aimé Girard, Jungfleisch, Pasteur, ScnuizEKBeftGEK, Wurtz.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 16 août 1880. — Présidence de M. Wurtz, vice-président.
- Conquête scientifique de l'Afrique. — La Section française de l’Association internationale africaine, dont M. de Lesseps a été élu président, a désigné les deux chefs qui doivent créer nos premières stations hospitalières et scientifiques, l’une à l’orient, l’autre à l’occident de TAfrique équatoriale. A l’orient, le capitaine Blovet a écrit, le 15 juin, qu’il était à cette date sur la rive gauche du Kingani, à Mounié-Kondo, où il organisait une caravane de trois cents hommes pour se rendre à sa destination. 11 arrivait dans l’Oussagara le 2 juillet. A l’occident, M. Sa-vorgnan de Brazza recherche le meilleur point géographique où- s’installera la première station sur l’un des affluents du fleuve Ogooué, dépendant de notre colonie du Gabon. M. l’amiral Jauréguiberry a, sur la demande de M. de Lesseps, accordé un congé régulier à M. Mizon, enseigne de vaisseau, qui ira prendre la direction de la première station occidentale.
- La Section belge de l’Association internationale a déjà pu livrer à la publicité un certain nombre de résultats importants consignés dans trois fascicules offerts aujourd'hui à l’Académie. M. de Lesseps y joint un remarquable vocabulaire français-kisouabili, dressé par M. le docteur Dutrieux.
- « Pour la partie septentrionale de l’Afrique, ajoute M. de Lesseps dans un Mémoire dont il a bien voulu nous remettre une copie, vous savez que le gouvernement de la République s’occupe activement de préparer les moyens de mettre en communication l’Algérie avec le Sénégal et le Soudan. Plusieurs membres de l’Académie ont été désignés par le Ministre des Travaux publics pour faire partie de la Commission’ appelée à donner son opinion sur cette importante question. Mon avis a été de commencer, en dehors de notre rayon actuel, par établir aussi loin que possible des lignes télégraphiques, qui serviront successivement de jalons pour la pose des rails. Il n’y aura qu’à imiter l’expérience faite par les Américains entre
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- LA NATURE.
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- New-York et San Francisco, par les Anglais entre le sud et le nord de l’Australie sur un parcours de 700 lieues, et par la Russie en Asie, travaux qui ont précédé la construction de chemins de fer. Cette opinion a reçu l'adhésion de nos collègues. Les fils électriques deviendront ainsi dans l’intérieur de l’Afrique de véritables conducteurs de la civilisation. »
- Utilisation industrielle de la chaleur solaire. — La moyenne des expériences faites par M. Mouchot dans le sud de l’Algérie, pendant l’été de 1877, comparée à la moyenne des mesures actinométriques de M. Violle dans le même pays à la même époque, semblait impliquer l’impossibilité d’utiliser plus de 50 pour 100 de la chaleur arrivant du soleil. Cependant M. Abel Pifre est parvenu k augmenter considérablement le rendement des appareils. Grâce k des modifications dont le résultat est d’en simplifier la construction, il leur fait rendre 80 pour 100, et dès lors il les rend utilisables sous la latitude de Paris.
- Cet accroissement de rendement tient k deux causes : 1° au changement de forme du réflecteur ; 2° au changement de forme de la chaudière.
- La surface réfléchissante adoptée par M. Mouchot était celle d’un tronc de cône k génératrice rectiligne inclinée de 45 degrés sur l’axe. Le nouveau réflecteur est formé, au contraire, de trois troncs de cône se raccordant suivant une parallèle, c'est-k-dire que sa génératrice est une ligne brisée. Le foyer se trouve ainsi concentré sur une longueur beaucoup moindre, et cette disposition du réflecteur permet de diminuer de moitié la hauteur de la chaudière, ce qui réduit également de moitié les pertes par rayonnement extérieur.
- Au Conservatoire, M. Pifre a installé un appareil qui présente au soleil une ouverture utile de 9,25 mèt. carrés. Sa chaudière contient 50 litres d’eau. Lorsque le ciel est clair, l’ébullition s’obtient en moins de 40 minutes, et la pression monte d’une atmosphère toutes les 7 ou 8 minutes.
- La machine k vapeur fait corps avec l’appareil, et elle est établie de telle sorte que son arbre de couche conserve une direction fixe, bien qu’elle participe au mouvement d’orientation de tout l’ensemble.
- Statue à Papin. — La municipalité de Blois invite l’Académie k se faire représenter k la cérémonie d’inauguration d’une statue de Denis Papin. M.Chevreul, k peine convalescent d’une bronchite qui l’a tenu huit jours au lit, s’associe énergiquement k cet hommage rendu si tardivement k un homme dont les malheurs ont presque égalé le génie.
- Entomologie. — Qui n’a vu les chrysalides de papillons diurnes suspendues la tète en bas pendant la durée de leur métamorphose? Jusqu’ici les savants ont admis que la suspension avait lieu k l’aide d’une queue spécialement affectée acet usage. M. Künckel d’Herculais, aide-naturaliste au Muséum, bien connu de nos lecteurs par les intéressants articles dont il a enrichi la Nature, montre aujourd’hui que cette opinion est erronée. La suspension est en effet obtenue à l’aide des pattes membraneuses de la 5e paire, dites pattes anales, qui subsistent pendant la transformation de la chenille en chrysalide. L’auteur nous a communiqué d’admirables dessins qu’il a faits d’après nature et qui ne laissent aucun doute k ce sujet.
- Stanislas Meunier.
- L’IIVTTERIE PONCTUÉE
- Anderson, l’un des compagnons du capitaine Cook dans son troisième voyage, signale à la Nou-velle-Zédande un reptile monstrueux, voisin des lézards ; Taweicharooa, Néo-Zélandais embarqué sur la Découverte, lui assura, en effet, que l’on trouvait dans sa patrie « des serpents et des lézards d’une grandeur énorme; d’après ce qu’on nous dit de ces derniers, ajoute Anderson, ils doivent être de huit pieds de longueur et aussi gros que la cuisse d’un homme ; ils saisissent et dévorent quelquefois les naturels, se tapissent dans des trous creusés sous terre, et on les tue en faisant du feu à l’ouverture du terrier. Nous ne pûmes nous méprendre sur l’espèce de l’animal, ajoute notre auteur, car l’indigène lit le dessin assez exactement sur le papier; il traça aussi la figure des serpents, afin de nous exprimer sa pensée1. »
- Dans la relation de son voyage à la Nouvelle-Zélande, publié en 1838, Palock signale également un lézard gigantesque abondant surtout dans l’île de Victoria et à la baie de l’Abondance ; les naturels ont grand’peur de ce reptile et racontent sur lui des histoires effrayantes.
- Taylor rapporte qu’il a vu plusieurs fois un reptile ressemblant à un petit crocodile se tenant au bord des cours d’eau, mais qu’il n’a pu s’emparer de l’animal, qui plonge à la moindre alerte; certains individus tués, qu’il a été à même d’examiner, avaient près de six pieds de long et pesaient jusqu’à vingt livres anglaises.
- Hochstetter parle du même animal dans l’ouvrage qu’il a consacré à la Nouvelle-Zélande, et dont la première édition allemande a paru en 1863.
- D’après Dieffenback, les Néo-Zélandais désignent sous le nom de Tuatera ou Narara un reptile qui vit dans les collines sablonneuses qui bordent les rivages de la mer; l’animal est rare et beaucoup de naturels ne l’ont jamais vu ; l’introduction des porcs a, du reste, largement contribué à la disparition presque totale de l’espèce.
- Les premiers animaux arrivés en Europe ont été décrits par Gray, alors directeur du British Muséum, sous le nom d'Hatteria punctata. Peu de temps après, MM. Owen et Günther faisaient connaître ce reptile au point de vue anatomique et zoologique. M. Günther signalait la rareté extrême de l’Hatterie dans les collections; le Musée de Londres possédait seul, en effet, quelques individus rapportés par le docteur Diffenback.
- Le Muséum de Paris reçut en 1877 deux Batteries provenant de Rurima roeck, dans la baie de l’Abondance, par les soins de M. Cheesemann, de la Nouvelle-Zélande; il a fait enfin tout dernièrement l’acquisition de deux exemplaires vivants de cette remarquable espèce, type d’un groupe zoologique tout particulier.
- 1 Troisième voyage de Cook, étl. de 1785, t. I, p. 217*
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- LA NATURE.
- L’Hatterie est un Lacertien, voisin des Aga-iniens, relativement trapu, aux membres postérieurs plus longs que les antérieurs, armés de griffes fortes et crochues ; la tète est forte et fait près du sixième de la longueur du corps; elle s’atténue vers l’extrémité antérieure, qui est brusquement tronquée; le museau est court, le front déprimé. L’œil est grand, arrondi, d’un noir profond pailleté d’or, fort doux d’expression et rappelle assez l’œil des batraciens, n’ayant rien de la mobilité de l’œil des Lézards. La bouche est largement fendue; le bord de la mandibule est tranchant, garni en arrière de quelques dents comprimées ; la partie postérieure de la mâchoire supérieure présente une large rainure bordée, de chaque côté, d’une série de denticulations, d’élévations de l’os,
- .Hatterie ponctuée, d’après l’individu actuellement vivant au Muséum d’histoire naturelle.
- son sujet les fables les plus effrayantes; ce reptile est cependant fort doux et ne cherche nullement à mordre ; il est très craintif et se sauve au moindre bruit, plongeant rapidement. Il se tient, du reste, presque toujours dans l’eau, contrairement à l’habitude des Agamiens, et l’on peut dire de tous les Lacertiens. Ses mouvements sont brusques et saccadés et ont lieu, pour ainsi dire, par secousses; ils ressemblent bien plutôt à ceux des Batraciens qu’à ceux des Lacertiens; l’animal mâchonne sa proie, et les replis qui garnissent le bord des mâchoires lui tiennent lieu de lèvres.
- E. Sauvage.
- Le Propriétaire-Gérant : G Tissandier.
- est protégée par des écailles de forme irrégulièrement losangique, placées bout à bout; un pli de la peau forme au cou une large collerette ; les écailles du cou et celles qui garnissent les membres sont plus petites que les écailles du ventre; une large plaque se voit à l’extrémité du museau.
- Contrairement à l’opinion généralement admise par les zoologistes, et en contradiction avec ce que pouvait faire prévoirie système dentaire, l’Hatterie, loin d’ètre un animal herbivore ou frugivore, s’est montré, à la Ménagerie du Muséum, exclusivement carnivore, n’ayant jamais touché aux plantes, aux fleurs, aux fruits que l’on lui présentait ; il s’est au contraire avidement jeté sur des rats nouvellement nés, sur des oiseaux qui venaient d’éclore, sur de gros insectes ou sur des vers de farine.
- Nous avons dit plus haut que les Néo-Zélandais avaient grand'peur de l’Hatterie et racontaient à
- plutôt que de dents véritables; la mâchoire supérieure seule présente, à sa partie médiane, deux fortes dents ressemblant à des incisives humaines, et qui sont leçues dans une large échancrure de forme triangulaire qui se voit à la mâchoire inférieure. La langue est large, très peu mobile, ; des replis de la peau qui bordent les lèvres forment de véritables lèvres. L’oreille est cachée par la peau. La partie postérieure de la tète, le cou, le dos, sont armés d’une crête peu élevée et fort profondément découpée, qui est interrompue au niveau des bras; les denticulations de cette crête sont beaucoup plus grosses et plus fortes à partir des membres postérieurs ; toute la peau des lianes est très granuleuse, quelques tubercules plus gros que les autres se voyant à la queue; la partie inférieure du corps
- Imprimerie A. Lahure, rue île Fleurus, 9, à Paris.;
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- ‘28 AOUT 1880.
- LÀ NATURE.
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- L’ENQUÊTE SUR LA CATASTROPHE DU PONT DE TAY
- On n’a pas oublié l’émotion produite en Europe par le terrible accident survenu le 28 décembre dernier au pont de Tay, et dans lequel un train
- tout entier fut englouti dans la mer avec le pont, lui-même sur une longueur d’un kilomètre; les treize piliers qui soutenaient la partie ainsi en-
- Fig. 1. Fig. 2.
- Piles du pont de Tay après la catastrophe (d’après des photographies exécutées pour la Commission d’enquèlo).
- levée lurent entièrement brisés. La Nature a déjà numéro 547 du 24 janvier 1880; depuis cette donné un compte rendu de la catastrophe dans le époque, le gouvernement anglais a nommé une
- Fig- 3. Le pont de Tay écroulé (d’après une photographie exécutée pourja Commission d’enquête).
- Commission chargée d’en rechercher les causes, et nous avons attendu la publication du rapport de celle-ci, afin de pouvoir mettre un résumé complet de l’enquête sous les yeux de nos lecteurs.
- Cette Commission était composée de M. H.C. Ro-tliery, commissaire enquêteur des naufrages, du colonel Yolland et de M. H. C. Barlow, président de 8* aunee — 2e semestre.
- la Société des ingénieurs civils. Elle a commencé ses travaux à Dundee le 26 février dernier ; elle les a poursuivis jusqu’à la fin du mois d’avril, et elle a entendu soixante témoins environ, dont la plupart ont été attachés plus ou moins directement aux travaux de construction du pont. Les divergences d’opinion qui se manifestèrent entre les trois com-
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- LA NATUK K.
- missaires les obligèrent à ajourner leur décision pendant deux mois, et ils durent enfin se décider à donner deux rapports, dont run est signé par MM. Barlow et Yolland, et le second par M. Rothery seul. Nous allons résumer brièvement les résultats acquis par les dépositions des divers témoins avant de donner les conclusions auxquelles ces rapports se sont arretés.
- Il semble que, quelque temps déjà avant l’écroulement, on observait sur le pont des oscillations particulièrement sensibles au moment du passage des trains; plusieurs abonnés même avaient renoncé à se servir de la voie ferrée et préféraient aller par le bateau ; enfin, les ouvriers chargés de peindre les colonnes et les treillis s’étaient trouvés obligés de prendre des précautions spéciales pour maintenir leurs pots de couleur en équilibre, au moment où les trains traversaient le pont.
- Nous ne reprendrons pas ici la description qui a été donnée par la Nature au moment de la construction du pont, nous nous bornerons à rappeler qu’il était composé de quatre-vingt-cinq travées, dont les plus grandes avaient 74™,70 d’axe en axe des piles. Ces dernières, celles-là même qui s’écroulèrent dans la tourmente du 28 décembre, étaient au nombre de treize et formaient au milieu du viaduc un pont tubulaire élevé de 25m,60 au-dessus du niveau des hautes mers. Les treillis de ce tube étaient constitués par des poutres continues d’une longueur égale à cinq travées, ancrées chacune sur le pilier du milieu et se dilatant librement aux extrémités. Les piliers métalliques qui les supportaient comprenaient chacun six colonnes en fonte, disposées de manière à former un hexagone allongé et supportées par un socle en maçonnerie dépassant le niveau des hautes mers. Les colonnes centrales, dans l’hexagone, avaient un diamètre de 0m,58, les colonnes extérieures placées aux deux sommets aigus avaient 0ra,457. Elles étaient toutes formées par des tronçons assemblés de chacun 3m,302 de hauteur, de plus elles étaient réunies par groupes de trois et contreventées par des croix de Saint-André et des tirants divers, placés dans huit pians différents et amarrés sur des oreilles venues de fonte avec les colonnes.
- Les dépositions des témoins devant la Commission d’enquête ont signalé la vitesse de passage des trains, qui était souvent trop élevée, parait-il. Ces dépositions ont encore apporté des révélations frappantes sur la qualité défectueuse des matériaux et des pièces employés dans la construction, sur les défauts observés dans le montage; elles ont montré enfin que le projet lui-même, tel qu’il avait été adopté par sir Thomas Boucli, n’assurait pas une sécurité suffisante.
- La fonte employée pour la fabrication des colonnes provenait des minerais du Cleveland; elle était trop phosphoreuse et difficile à couler, et surtout le moulage était pratiqué dans des conditions tout à fait défectueuses. Les colonnes coulées à
- Wormit, dans l’atelier installé à cet effet sur les bords du golfe de Tav, devaient conserver une épaisseur normale de 25 millimètres; on en a rencontré cependant, parmi celles qui se sont rompues, un cèrtain nombre qui ont présenté des variations allant de 9 à 36 millimètres. De plus, elles étaient souvent parsemées de souillures considérables ; et lorsque les vides n’avaient pas plus de 8 à 10 centimètres de long sur 5 centimètres de large, on les bouchait avec une sorte de mastic appelé beaumontague, dont l’enquête a donné la recette. Ce mastic acquiert facilement, paraît-il, l’apparence extérieure de la fonte, et présente même une cassure presque métallique. D’autre part, lorsqu’il se produisait un vide trop considérable, on coulait de la fonte liquide sur la partie défectueuse, et on obtenait ainsi avec le reste de la pièce, une soudure qui devait rester bien imparfaite en raison du peu de fluidité du métal employé.
- Les oreilles des colonnes qui servaient à fixer l’extrémité des tirants de contreventement paraissent avoir été aussi bien fragiles, car elles sont toutes actuellement brisées sur les colonnes des premiers piliers restant.
- Enfin le montage a dù être aussi bien peu soigné : les tronçons des colonnes étaient assemblés par des joints à bride qui trop fréquemment n’étaient pas ajustés ; en outre, les trous de ces boulons venus de fonte avec les brides, étaient coniques et irréguliers, les boulons conservaient trop de jeu et les écrous ne portaient pas sur toute leur base.
- Il en était de même pour les tirants, les diagonales et les croix de Saint-André formant le contreventement des colonnes ; ces pièces étaient fréquemment relâchées, et M. Noble, qui surveillait le pont une fois construit, dut en resserrer quelques-unes en introduisant des coins entre les clavettes et les contre-clavettes. On avait constitué, en un mot, un ensemble qui présentait bien une certaine élasticité pour obéir aux impulsions du vent, suivant l’expression employée par M. B. Becker dans sa déposition, mais qui manquait certainement de solidité et de cohésion; d’ailleurs M. Noble a pu rencontrer également, en visitant les assemblages, un certain nombre de rivets et d’écrous qui avaient perdu leurs tètes à la suite des chocs subis en service. (
- M. Lavv, qui avait été chargé par la Commission de faire l’enquête sur les lieux, signale également que les colonnes n’étaient pas assez solidement amarrées à la base sur les piliers de fondation ; les boulons d’attache traversaient seulement deux lits de pierre en passant dans le ciment des joints, et il est arrivé, comme le représente la gravure d’après la photographie de l’un des piliers renversés, que ces pierres ont été arrachées avec les plaques de base des colonnes (fig. 2).
- Pour ce qui est du projet proprement dit, il paraît avoir été fait un peu à la hâte et sans avoir été précédé par des sondages suffisants; il a dû
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- être modifié en cours d’exécution. Lorsqu’on eut acquis des données plus précises sur la nature du terrain formant le fond du golfe, on a remplacé alors par des colonnes en fonte les piliers en briques projetés d’abord. En outre, la largeur maxima des grandes travées fut portée de 63 mètres à 74li:,70. Un premier écroulement qui survint en cours de construction, obligea à refaire plusieurs piliers, qu’on rebâtît dans les mêmes conditions sans rechercher d’autre explication de la rupture que le manque de solidarité de l’ensemble. Les piliers métalliques avaient une base trop étroite en raison de leur grande hauteur, et si les colonnes en fonte présentaient une résistance suffisante aux efforts verticaux qu’elles pouvaient subir, il n’en était pas de même contre les poussées latérales du vent. M. Boucli n’avait pas admis que celles-ci pussent dépasser 45 kilog. par mètre carré, ce qui correspond à une vitesse de 20 mètres par seconde; et cependant le vent sévit parfois avec une grande violence dans le golfe de Tav. En outre, en Eranee, on prévoit habituellement 200 kilog. dans les constructions analogues, et tout porte à croire que cet effort a été atteint, peut-être même dépassé en certains points, sinon sur toute la longueur du pont, dans la tourmente du 28 décembre. Cependant, il faut remarquer que, dans les parties restantes, le ballast ne parait pas avoir été soulevé par le vent, et dans la cabane d’aiguilleur placée à l’extrémité du pont, les vitres, mal affermies cependant, n’ont pas été brisées.
- Enfin, la Commission d’enquête a dû examiner la question de savoir si, comme le prétendait M. Bouch, la chute du pont n’était pas résultée d’un déraillement du train en marche, qui serait venu heurter les treillis et déterminer la rupture d’une pièce importante. Toutefois, cette explication paraît difficilement acceptable, car la machine a été retrouvée au fond de la baie avec son régulateur ouvert et les freins desserrés, et le mécanicien n’eût pas manqué de fermer l’admission de vapeur s’il eût aperçu quelque chose d’anormal. En outre, il ne paraît pas, d’après l’examen auquel s’est livré M. Law, que le fourgon d’arrière ait dû être renversé sous la poussée du vent. Pareil fait s’est produit rarement d’ailleurs dans nos climats, et on n’en cite que trois exemples en France, dans les Pyrénées, depuis la fondation du chemin de fer.
- Les commissaires chargés de l’enquête n’ont pu s’accorder entre eux pour la rédaction d’un rapport commun, ainsi que nous l’avons dit plus haut ; tout en reconnaissant l’exactitude de la plupart des faits que nous venons de signaler, M. Barlow et le colonel Yolland n’ont pas voulu incriminer M. Bouch; ils se sont bornés à dire que les trains passaient un peu vite, et que le relâchement des contrevente-ments avait putomener la rupture.
- Le troisième opmmissaire, M.Rotherv, a été plus affirmatif, et il ne s’est pas arrêté devant la haute situation qu’occupe actuellement sir Thomas Bouch,
- qui est réellement un ingénieur consommé et l’auteur d’un nombre considérable de fort beaux ponts dans toutes les parties du monde; il n’hésite pas à dire, et son attitude sera approuvée, ce nous semble, par tous ceux qui ont suivi cette enquête avec attention, que le pont de Tav était mal étudié, mal construit, et manquait d’assiette (badly maintained). La responsabilité du projet retombe entièrement sur M. Bouch; quant aux défauts d’assiette et de construction, ils engagent également les entrepreneurs, MM. Hopkin et Gilkes, qui n’ont pas exercé un contrôle suffisant sur la qualité et le montage des pièces.
- Le pont sera sans doute rebâti dans un avenir prochain, mais il v a lieu d’espérer qu’éclairés cette fois par l’expérience, les nouveaux constructeurs, renonçant à des habitudes trop fréquemmment suivies en Angleterre, n’hésiteront pas à choisir des matériaux de première qualité et à prendre des précautions suffisantes contre des tempêtes analogues, afin d’éviter sûrement le retour d’un pareil désastre.
- L. Bâclé,
- Ancien élève de l’École Polytechnique.
- BIBLIOGRAPHIE
- Diamant et pierres précieuses; bijoux, joyaux et orfèvreries, par Ed. Jannetaz, E. Fontenay, Em. Vander-heym et A. Coutance, I vol. in-80, orné de 550 vignettes et d’une planche en couleur. Paris, J. Rothschild, 1881 ; prix broché, 20 francs.
- Botanique cryptogamique pharmaco-médicale : programme raisonné d'un cours professé à l'École supérieure de pharmacie de Paris, par Léon Marchand, 1er fascicule, avec 30 figures dans le texte, 1 vol. in-8°. Paris, Octave Doin, 1880; prix, 4 francs.
- Nouveau Manuel complet du teinturier ou apprêteur et dégraisseur, suivi de l'Art de dégraisser, nouvelle édition revue, corrigée et entièrement refondue, par A. Romain, ingénieur; 2 vol. in-52 de la collection des Manuels Roret. Paris, librairie encyclopédique de Roret, 1880; prix, 7 francs.
- Traité pratique d'analyse chimique qualitative et quantitative à l'usage des laboratoires de chimie, par
- F. Pisani, 1 vol. in-18. Paris, Germer Baillière et Cie, 1880. Prix, 5 fr. 50.
- Études nouvelles sur les jus et les pulpes de diffusion, par II. Pellet, 1 vol. in-8°. Paris, Bureau du Journal des fabricants de sucre, 1880.
- Le Mont-Blanc, par Ch. Durier, ouvrage couronné par l’Académie française, 2J, édition, 1 vol. in-18. Paris,
- G. Fischbacher, 1880.
- Hypothèses actuelles sur la constitution de la matière, thèse présentée au concours pour l’agrégation, par le Dr Maurice IIanriot, 1 broch. in-8°. Paris, Germer Bail^ lière et Cie, 1880.
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- LA NATURE.
- DE LA AISION DES NOMBRES
- M. d’Abbadie a fait récemment à la Société d’An-tbropologie une communication des plus singulières, d’après quelques observations personnelles et d’après le journal anglais Nature. 11 s’agit de la propriété mentale qu’ont certaines personnes de voir la série des nombres dans un ordre souvent très bizarre, ou sous une forme inusitée. Quoique ces observations aient excité un certain étonnement, je ne serais pas surpris que des cas de ce genre fussent assez fréquents.
- En voici un exemple des plus simples, et que j’emprunte à ma propre histoire.
- Lorsque j’apprenais à compter, je rattachais chacun des nombres qu’on m’enseignait à quelque objet de mon jardin, en sorte que lorsque je récitais la série des nombres, je me promenais en imagination le long d’une allée qui allait de notre maison au fond du jardin.
- Était-ce un moyen mnémotechnique ? était - ce une de ces mille fantaisies qui germent si aisément dans le cerveau des enfants ? Je ne m’en souviens plus. Quoi qu’il en soit, il en est résulté entre les chiffres et les arbres du jardin où j’ai été élevé, une association d’idées indestructible : le
- chiffre 1 se rattache au marronnier qui marquait le commencement de l’allée, le chiffre 5 à un banc placé près de là, le chiffre 7 à une tonne située un peu plus loin, le nombre 14 à un petit laurier, etc. Enfin, 50 et les chiffres suivants se perdent dans une salle d’arbres obscure qui terminait l’allée ; au delà de 40, les nombres cessent de me rappeler aucun souvenir : sans doute que je ne savais pas compter plus loin quand je me suis livré à ce beau travail.
- 11 en résulte que si je veux additionner 14 et 5, par exemple, je me transporte en imagination à la place qu’occupe 14 dans mon jardin, puis je fais quelques pas, et c’est ainsi que j’arrive à 19. Ce travail puéril est absolument involontaire, et je me rappelle un temps où j’avais une tendance presque
- invincible à procéder ainsi.
- Le calcul des fractions se fait par un procédé différent; l’idée de 1/4 par exemple se rattache directement à l’idée de un quart d’heure marqué sur une pendule : si j’ai à additionner 1/4 et 1/5, j’avance en imagination l’aiguille de 20 minutes (un tiers d’heure), et j’ai immédiatement le résultat 7/12. Je procède de même pour additionner 1/5 par exemple et 1/12, etc. Mais je ne pourrais additionner de tête 1/7 et 1/15 par un tel procédé, parce qu’il n’y a
- jri
- Fig. 2.
- entre 7 et 15 d’une part, et 60 de l’autre, aucun facteur commun.
- Le lecteur me pardonnera peut-être d’entrer dans ces détails, quand il connaîtra les faits très curieux qu’a cités M. d’Abbadie d’après ses propres observations ou d’après M. Francis Galton.
- Par exemple, un individu cité parM. Galton voyait la série des nombres suivant une ligne compliquée que représente notre figure 1.
- La série des nombres forme d’abord un cercle composé des douze premiers nombres ; puis elle continue en suivant une sorte de tangente à ce cercle, jusqu’à 50, où elle se recourbe sur elle-même pour continuer dans cette nouvelle direction jusqu’à 100; à ce niveau, nouveau cercle de douze chiffres, et la ligne se poursuit comme précédemment.
- Le sujet de l’observation fait remarquer ces cercles de douze chiffres, qui commencent la série
- des unités, et il observe que c’est l’arrangement grossier des chiffres autour du cadran d’une pendule. Cela indique qu’ici encore nous avons affaire à des souvenirs d’enfance1.
- Un autre individu se représentait la série des chiffres suivant un ordre tout différent, que reproduit notre gravure, « de sorte que je ne puis penser à un nombre quelconque sans le voir immédiatement à la place qui lui appartient dans la série ».
- Je passe sur quelques autres exemples de la même faculté pour arriver aux cas les plus complexes et les plus singuliers. Par exemple, un individu voyait la série des nombres suivant une sorte de bande-
- 1 Cet individu, nommé George Biddor, jouissait de plus delà faculté de faire de tête des calculs prodigieux, tels que de multiplier 15 chiffres par 15 chiffres. Son père était, sous ce rapport, plus fort encore que lui, et scs enfants en ont hérité, à un moindre degré, jusqu’à la troisième génération.
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- LA NATURE.
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- rolle formant plusieurs festons successifs (fig. 2). A 1 se trouve une borne, en deçà de laquelle sont les quantités négatives; à partir de 108, l'idée devient brouillée et confuse : « néanmoins, avec quelque effort, je parviens à faire paraître la vision des nombres élevés ». On remarquera la place honorable qu’occupe le chiffre 6 au sommet du premier feston : le sujet de l’observation déclare qu’étant enfant, il aimait beaucoup ce nombre, « ce qui a pu provenir de l’ardente ambition que j’avais d’atteindre à l’âge de six ans ». Ce qui est plus singulier peut-être, c’est que cette banderolle est diversement colorée, tantôt brillante et tantôt obscure. « Peut-être ces alternatives ont-elles quelque rapport à des années plus ou moins accidentées de ma vie, car les nombres qui correspondent à certaines années remarquables de mon existence sont distinguées de cette façon. » Les deux sœurs et le frère de cet individu ont de même une tendance à la vision des nombres.
- Une autre famille présentait des phénomènes héréditaires analogues ; la vision des nombres la plus singulière que présentaient les membres de cette famille est celle que représente notre ligure o. On voit que c’est assez compliqué; ici encore, on distingue des parties sombres et des parties claires. Le sujet de l’observation déclare que les nombres élevés sont parfaitement abstraits dans son esprit et n’affectent aucune forme.
- Un mathématicien astronome éminent voyait les chiffres en ligne droite et devant lui, en sorte que 100 était le dernier qu’il distinguât encore nettement :
- « La couleur générale est d’un gris foncé devenant plus clair vers moi; il y a des espèces de bosses laineuses aux dizaines. Ces figurations deviennent moins fréquentes chez moi qu’autrefois. L’habitude des grandes opérations arithmétiques semble les avoir jusqu’à un certain point cachées. »
- Il n’y a pas d’observation bizarre qu’on n’ait faite dans le môme genre : l’un voit les chiffres écrits sur une bande flexible et extensible comme du caoutchouc, l’autre (qui est un homme des [dus distingués) voit leur série à rebours, les chiffres étant tous retournés comme sur un livre qu’on lirait à l’envers, etc., etc.
- D’autres sujets ont une faculté qui me paraît un peu différente de celle dont je viens de parler, c’est celle de se figurer les chiffres non [tas en carac-
- tères dits arabes1, mais sous des formes plus ou moins bizarres. Ici encore, je commencerai par les cas les plus simples ; on reconnaîtra que c’est encore à la persistance d’imaginations enfantines que nous avons affaire.
- « Dans mon enfance, dit l’un, je comptais au moyen de cartes imaginaires depuis l’as jusqu’à dix. Mon petit garçon de même, se servait de dominos imaginaires. »
- Un autre individu a écrit à M. Galton qu’il se figurait les nombres en groupes de points différemment alignés en une ou plusieurs rangées.
- Une femme (sœur de celui qui fait l’objet du diagramme 2) voyait les chiffres en couleur : le 1 noir, le 2 blanc, le 5 jaune, etc.
- A ce même ordre d’idées se rattachent des fantaisies singulières et qui sont peut-être un peu maladives, quoique là encore il soit possible peut-être de reconnaître les premières impressions de l’enfance. M. d’Abbadie nous a cité un individu chez qui l’idée du 9 était liée à celle d’un géant ; quant au 8, c’était pour lui le symbole de « la chère femme inséparable » du géant ! Sans doute ces impressions sont bizarres, peut-être même suspectes. Cependant il faut remarquer que la tête du 9 peut faire qu’un enfant, pour se rappeler sa forme, la compare à celle d’un homme; quant au 8, sa forme est celle d’un lien, d’un « huit de chiffre », et un enfant peut, sans être fou, la rapprocher du lien conjugal : l’épithète d'inséparable dont cette pauvre femme est si bizarrement affublée, rappelle cette idée.
- Je ne sais si l’individu dont a parlé M. d’Abbadie est le même que celui dont la Nature anglaise donne mention. C’est un « professeur de philoso-sophie mentale » qui me paraît avoir besoin de quelques leçons de sagesse. « Les chiffres, dit-il, ont été depuis ma jeunesse constamment personnifiés par moi : 9 est un être mystérieux dont j’avais presque peur ; je me représentais 8 comme étant sa femme; le 7 était masculin; le 6 n’appartenait à aucun sexe déterminé, mais était d’un caractère doux et loyal; le 5 n’était qu’une édition atténuée du 9 et généralement d’un caractère mesquin ; le 2 était jeune et gai ; le 1 n’était qu’un pauvre diable
- 1 On sait qu'en réalité les chiffres dits arabes sont d’origine sanscrite.
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- U NATURE.
- (a drudge). De cette façon, toute la table de multiplication se trouvait représentée par les actions de personnes vivantes, que j’estimais ou que je détestais, et qui a'fectaient, mais d’une manière vague, des formes humaines. »
- Je me méfierais, je l’avoue, des leçons de ce « professeur de philosophie mentale », qui me fait l’effet d’ètre assez près de l’hallucination. Mais son cas est déjà éloigné de celui qui fait l’objet de cet article.
- Enfin M. Galton cite plusieurs exemples de personnes qui, sans avoir la vision de la série des nombres, se représentent les chiffres devant les veux avec autant de netteté que s’ils les voyaient sur le papier. Cette propriété précieuse leur permet de calculer de tète avec facilité. Un ami de M. Galton, qui possède à un haut degré la mémoire des détails numériques d’administration, lui a écrit : « Je vois mentalement et je puis retenir plusieurs chiffres, et je puis multiplier de tête quatre chiffres par quatre chiffres sans difficulté. L’opération se fait visiblement devant moi telle qu’elle se ferait sur du papier. »
- M. Galton cite plusieurs exemples du même genre. Toutefois, il n’est pas nécessaire de se représenter ainsi les chiffres pour calculer rapidement de tête. Plusieurs exemples rapportés par le même auteur le prouvent suffisamment. L’exemple de ce petit Italien qui est actuellement célèbre et qui fait des opérations considérables sans savoir lire ni écrire, en est une autre preuve.
- Jacques Bertillon.
- UNE PREMIÈRE LEÇON
- DE
- L’HISTOIRE NATURELLE RES ANIMAUX
- Nous publions ci-dessous la première leçon d’un Cours d'histoire naturelle des animaux pour les enfants de la classe de huitième, qui paraîtra prochainement à la librairie Masson.
- Ce livre est dû à la plume exercée de M. Paul Bert. Le fragment que nous reproduisons, formera une nouvelle preuve de celte vérité, qu’il faut être vraiment un maître pour rédiger un livre élémentaire. G. T.
- \oiei, mes enfants, sur cette table, devant vous, une pierre, une giroflée en son pot, un serin dans » sa cage. Supposez que nous ayons la barbarie de nous en aller tous, en fermant derrière nous la porte à clef, et de ne plus revenir que l’année prochaine. En rentrant, que voyons-nous? De giroflée, plus trace, à peine quelques brins tout secs ; du serin, il ne reste que des plumes et des os. Mais la cage, et le pot à fleurs, et la terre qu’il contenait, et la pierre à côté? Tout cela est demeuré intact, sans changement.
- Que s’est-il donc passé? Oh! vous ne serez pas
- embarrassés pour répondre : le serin est mort, la giroflée est morte. Et pourquoi le serin est-il mort? Parce que, me direz-vous, on ne lui a donné ni à manger ni à boire. Et la giroflée? Parce qu’on ne l’a pas arrosée. Mais la pierre? Oh! la pierre, elle n’est pas morte, elle; elle n’avait pas besoin de boire ni de manger : elle ne vivait pas.
- Ainsi, vivre, c’est avoir besoin de boire et de manger; si bien que si on lui supprime nourriture et boisson, l'être vivant, comme on dit, meurt fatalement, après un temps plus ou moins long.
- Mais pourquoi faire, manger? Ce serin, voilà trois mois qu’il est là, dans sa cage; il a mangé du millet au moins dix fois gros comme lui, et il ne pèse pas plus qu’au premier jour ; oh a-t-il mis tout cela?
- Ce qu’il a fait de son millet, vous le savez aussi bien que moi; il l’a mis dans son estomac, il l’a digéré, comme disent les savants, et puis il l’a rendu. Regardez dans le bas de la cage, et vous verrez qu’il n’a rien gardé pour lui : autant de grammes de millet avalé, autant de rendu : d’une manière ou d’une autre, soit en matières solides, soit en liquides, soit même en gaz, ce qui n’est pas le moins curieux et nous occupera plus tard.
- Je vous entends bien, vous dites : Voilà bien du millet de perdu! Ah! d’abord, pas tant que cela! Si votre serin n’avait pas mangé, il aurait maigri, perdu de son poids. Ça ne maigrit pas beaucoup, un serin ; mais enfin c’est toujours 5 ou 4 grammes qu’il pèserait en moins, et qu’a remplacés le millet.
- Soit, allez-vous répondre. Mais que ne se contentait-il de ces 5 ou 4 grammes de millet? 11 en a mangé plus de 500. C’est bien, tout de même, à peu près tout perdu.
- Vous croyez? Au commencement de l’hiver, le bûcher était plein de bois, et maintenant il n’y en a plus : tout a passé dans la cheminée. Voilà bien du bois de perdu, n’est-ce pas?
- Mais non, dites-vous : il a fait bouillir l’eau de la marmite et nous a tenu chaud. Eh bien, mes enfants, le millet, pour le serin a fait un office analogue. Ne vous est-il jamais arrivé de rester sans manger plus longtemps que l’intervalle habituel de vos repas? Cela arrive, par malheur, à trop de pauvres enfants. Rappelez-vous ou interrogez, et vous saurez qu’après l'appétit, en même temps que la faim, arrive la faiblesse. L’homme qui souffre de la faim a peine à se tenir sur ses jambes; s’il est forcé de travailler, il ne fait que peu de besogne. Les forces lui manquent : qu’il mange, les forces reviennent.
- Ainsi la nourriture donne des forces. Le millet qu’a mangé le serin n’était donc pas perdu : il lui a donné des forces. Et il en avait besoin, pour sauter, voleter, chanter. Maintenant, comment la nourriture ou, pour employer le mot scientifique, l'aliment, donne-t-il des forces? Ça n’est pas facile à comprendre. Mais, je vous prie, comprenez-vous
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- bien comment des morceaux de bois qui biûlent donnent de la chaleur? Non, n’est-ce pas? Ce sont là de grosses questions, que nous étudierons plus tard, quand vous serez grands, et que vous saurez un peu de physique, de chimie et de mécanique ; aujourd’hui, nous n’y verrions goutte. Contentons-nous de savoir que l’aliment est nécessaire à notre serin pour l’empêcher de maigrir et pour lui donner des forces.
- Maintenant, autre chose ; revenons à la pierre et a la giroflée.
- La giroflée, vous savez son histoire; on l’a semée, elle a germé, grandi, poussé des feuilles; la voilà en fleurs, en graines bientôt, avec lesquelles on ressèmera des giroflées semblables. Et puis, on aura beau faire, lui donner de l’eau et de la terre, ses aliments à elle, un jour arrivera où elle séchera et mourra.
- Pour le serin, semblable histoire. Il est sorti d’un œuf, sa graine à lui. Tout petit d’abord, il a grandi—vous ne direz pas qu’il perdait son millet pendant ce temps-là, — il est devenu de la taille de sa mère, et ie voilà fort et joyeux. Mais vous savez bien, vous aurez beau faire, lui donner de l’eau et du millet, des aliments, un jour arrivera, où, sans qu’on l’ait maltraité, il deviendra triste, faible, se mettra en boule, cessera de manger, tombera de son perchoir, et mourra.
- Vous le voyez, vous le saviez, giroflée et serin ont même destinée; leur vie commence à la naissance et se termine à la mort.
- Mais la pierre? Oh! la pierre, elle ne meurt pas, elle, il n’y a pas de danger! Telle vous l’avez mise en place un jour, telle vous la retrouverez plus tard, après des années, telle on la retrouvera après des siècles, si rien du dehors n’est venu agir sur elle et la détruire. Elle ne meurt pas, parce qu’elle ne vit pas ; elle ne naît pas non plus : on n’a jamais vu de pierre sortir d’un œuf ou d’une graine.
- Vous voyez donc que parmi toutes les choses, tous les corps qui vous entourent, il en est de deux sortes : ceux qui vivent, les êtres vivants; ceux qui ne vivent pas, et qu’on dit pour cela corps inanimés.
- Voilà une première division à établir dans la nature, une première classificationr
- Laissons maintenant la pierre de côté et les corps inanimés. Giroflée et serin, sont-ce des êtres semblables? Non, vous le savez bien, la giroflée est un végétal, le serin un animal. Voilà donc encore une division, cette fois seulement parmi les êtres vivants.
- Comment reconnaître les végétaux des animaux? Si je vous demandais si l’on pourrait confondre le serin et la giroflée, vous vous mettriez à rire, et diriez qu’on n’a jamais vu de plumes sur une giroflée, ni de fleurs sur un serin. Mais tous les végétaux ne sont pas des giroflées, ni tous les animaux des serins. A quoi donc les reconnaître, ou, comme on dit, quels sont leufs caractères distinctifs?
- Ne me dites pas que les végétaux sont verts, ni qu’ils ont des feuilles,ou des fleurs, ou des racines; car voici un champignon qui est tout blanc et qui n’a pas de feuilles, ni de fleurs, ni de racines. Et pourtant vous ne le prendrez pas pour un animal : c’est bien un végétal, pour vous comme pour tout le monde.
- Mais voyons : voilà notre giroflée dans son pot, notre champignon sur sa couche, et ces herbes, ces arbustes, ces arbres, dans le jardin devant nous.
- Ils sont très différents les uns des autres par la forme, la taille, la couleur. Mais ils ont un caractère commun : ils ne bougent pas de place. Là où ils sont nés, ils poussent, grandissent; c’est là qu’ils mourront, si on ne les transplante.
- Notre serin agit, bien différemment, lui : il ne reste pas un instant immobile, sinon en dormant. Tout le jour, il saute d’un bâton à l’autre, hochant la queue, tournant la tête. Le chat, qui le guette en sournois, n’est pas beaucoup plus tranquille. Encore moins la mouche, qui traverse la cage, au risque de se faire gober. Et le poisson rouge dans son petit bassin : il tourne tout le temps. Et le limaçon,qui grimpe là, dans son coin; il n’est pas vif, mais il marche tout de même : il serait honteux de rester sur place comme une tulipe. Tout cela, ce sont des animaux; tout cela remue, marche, saute, court, vole, nage, tout cela est en mouvement : le végétal, point. Ainsi le mouvement caractérise l’animal et le distingue du végétal immobile.
- Et pourquoi tout ce mouvement ? Ah ! il le faut bien! Le végétal suce la terre par ses racines ou quelque chose d’analogue, et il y trouve son aliment : il le trouve aussi dans l'air, comme nous le verrons l’année prochaine. Quand on a tout à sa disposition, ce n’est, ma foi, pas la peine de se déranger! L’animal, lui, n’a pas la même ressource : son estomac n’est pas, comme celui de la plante, au bout de ses racines ; il est dans l’intérieur même de son corps. Aussi, point de repos. Il faut que le poisson coure après le ver, l’hirondelle après la mouche, le chat après la souris. Si le serin ne va pas à sa mangeoire, il mourra de faim ; et quand le limaçon a rongé une feuille, il lui faut ti-aîner sa cabane portative jusqu’à la feuille voisine. Il faut se mouvoir, d’abord parce qu’il faut manger.
- Et puis, les mouvements ont une autre raison encore. Frappez votre chien, il se sauvera, à moins qu’il ne saute sur vous et vous morde. Appelez votre chat, il accourt, et si vous le caressez, il se frotte à votre jambe en faisant ron-ron. Ouvrez la porte de la cage, le serin s’enfuit en un coin, tout tremblant : mais s’il voit que vous avez rempli sa mangeoire, il saute sur le bord, vous regarde d’un air joyeux, et chante pour vous dire merci. Le poisson se cache quand vous approchez de l’eau ; le papillon fuit le filet ; la pie reconnaît le fusil ; le lièvre détale de loin au bruit de vos pas. Le pauvre limaçon lui-même, s’il n’y voit pas bien clair et n’a pas l’oreille
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- fine, lorsque vous lui touchez la corne, se hâte de se recroqueviller et de se cacher en sa maison.
- Mais le végétal? Est-ce que la giroflée a peur quand on fait du bruit? Est-ce que le champignon est content quand on le caresse? Est-ce que les arbres se mettent en colère quand on les bat, ou inclinent leurs branches quand on les appelle? Non, ces végétaux n’entendent pas, ne voient pas, ne sentent pas; ils n'ont pas d’idées; ils ne sont jamais ni joyeux, ni fâchés; si on les attache, ils restent en place; si on leur coupe une branche, ils ne se plaignent pas. Ils n’ont ni sensibilité, ni intelligence, ni volonté : ce sont là des qualités que seuls les animaux possèdent.
- Voilà donc les corps de la nature bien distingués les uns des autres et bien groupés en trois catégories : 11 y a d’abord :
- Les minéraux, qui ne vivent pas;
- Puis les végétaux, qui vivent, sans se mouvoir, ni sentir, ni vouloir;
- Enfin les animaux, qui vivent, se meuvent, sentent et veulent.
- J’ai, tout à l’heure, pour vous embarrasser un peu, je l’avoue, laissé de côté d’autres caractères, ceux-là visibles à l’extérieur, qui distinguent les animaux des végétaux. Si nous ne nous occupons pas du champignon, nous voyons que les végétaux, qu’ils soient petits comme l’herbe, ou gigantesques comme le chêne, étalent des feuilles vertes, dressent des tiges souvent chargées de branches ou rameaux, enfoncent des racines dans le sol, tandis que rien de pareil ne se voit aux animaux. Chez ceux-ci, on distingue d’ordinaire un corps, une tête, des membres; mais tout cela varie énormément. Ce que je viens de vous dire est bien plus général, bien plus important.
- Ainsi se trouvent déterminés ce qu’on a appelé les trois règnes de la nature : règne minéral, règne végétal, règne animal.
- Paul Rert.
- L’ARCHITECTURE DES OISEAUX
- LE NID DU RHAMPHOMICRON MICIiORHYNCHUM
- Pour aller de Santa Fé de Bogota à Cuavaquil, il faut suivre cette grande chaîne des Andes qui s’étend comme une arête immense à travers le continent américain, depuis le détroit de Magellan jusqu’à la mer des Antilles et se rattache au N. 0. à une chaîne secondaire franchissant 1 isthme de Panama. A peine le voyageur est-il sorti de Bogota, qu’il voit se dérouler devant lui un magnifique panorama. D’un océan de nuages émergent comme des îles éparses les hautes cimes des Cordillères ; au-dessous d’elles, des montagnes montrent leurs flancs déchirés où bondissent des torrents écumeux entre des forêts séculaires ; plus bas encore une plaine étincelante de lumière, étale les merveilles d’une végétation
- luxuriante. Après avoir franchi le rio Magdalena, au delà duquel se dresse le mont Tolima, dont le sommet est couvert de neiges perpétuelles, la route passe à lba gné, localité célèbre par ses gîtes auritères, traverse la Cordillère moyenne,.s’élève vers ces plateaux incultes qu’on désigne dans le pays sous le nom de paramos, et redescend du côté de Popayau, ville située dans une contrée riante, non loin des chutes du rio Vinagre. Un autre plateau, assez aride et coupé de soufrières, sépare Popayau de Quito, capitale de la république de l’Équateur, et plus loin encore, au delà deCallo et de l’hacienda du Tambo de ÏInca, s’étend une véritable forêt d’agaves hauts de 10 à 12 mètres. Quand on l’a dépassée, on lonae la rive de l’Ambato, puis on s’engage dans la montagne, et l’on voit bientôt surgir l’énorme masse granitique du Chimborazo. « Qu’on se figure, dit Alcide d’Orbiguy, une mon-« tagne de 7000 mètres de longueur à son sommet, « se découpant sur un ciel d’un bleu d’indigo et « nageant dans une atmosphère transparente tandis « que des teintes vaporeuses semblent voiler les « plans inférieurs du paysage. Autour de nous, « de quelque côté que l’œil se tournât, la nature « était morne et ingrate. A peine quelques grarrii-« nées poussaient-elles autour de Tambo. Cette « végétation des hauts sommets est partagée en « plusieurs zones. À 5500 mètres se perdent peu à « peu les plantes ligneuses à feuilles coriaces et « lustrées; ensuite viennent les plantes alpines, « les valérianes, les saxifrages, les lobélias et les « petites crucifères, puis les graminées, couvertes « par intervalles de neiges fondantes et qui forment '( comme une pelouse jaunâtre. Au-dessus sont les « cryptogames qui tapissent les rochers porphyri-« ques, après quoi se présentent les glaces perpé-k tuelles, terme de la vie organique. »
- Dans ce magnifique décor, au milieu des splendeurs de cette nature tropicale, s’agite et voltige une multitude de créatures ailées, des Toucans au bec difforme, des Couroucous resplendissants, des Tangaras multicolores, des Guitguits d’un bleu céleste, des Cotingas pourprés, des Oiseaux-Mouches brillants comme des pierres précieuses. Un grand nombre de ces Oiseaux-Mouches remontent sur le flanc des Cordillères jusqu’à une altitude considérable; les Oxypogon, qui sont, il est vrai, assez modestes dans leur parure, s’élèvent, comme nous avons eu l’occasion de le dire, jusque dans le voisinage des neiges perpétuelles, et les Rhamphomi-cron, infiniment plus remai quables par l’élégance de leurs formes et l’éclat de leurs couleurs, vivent encore dans les Andes de l’Équateur et de la Colombie, à 3 ou 4000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Comme l’indique leur nom, tiré du grec, les Rhamphomicron sont pourvus d’un bec si court et si ténu, que l’on comprend à peine comment ils peuvent prendre leur nourriture. Ils ont la gorge ornée d’une sorte de rabat, formé de plumes allongées, aux reflets métalliques, les ailes longues et
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- abruptes, la queue large et le plus souvent échan-crée. Six espèces font actuellement partie de ce petit genre, qui est répandu dans l’Amérique équatoriale depuis la Colombie jusqu’au Pérou ou même jusqu’à la Bolivie; mais une seule doit nous occuper ici, c'est celle qui a reçu des naturalistes le nom, assez difficile à prononcer, de Rhcimphomicron microrhynchum. Le mâle de cette espèce, revêtu de sa livrée complète, porte une calotte et un camail d’un beau violet pensée, sa gorge est ornée de longues écailles dorées, ses flancs ont des reflets d’émeraude, ses ailes et sa queue sont d’un noir pourpré, ses jambes couvertes d’un duvet éclatant de blancheur. La femelle, moins luxueuse en ses atours, n’a point de rabat sur la gorge ; les parties inférieures de son corps oflient un mélange de vert et de brun, et ses pennes caudales ont une marque blanche à l’extrémité. Enfin les jeunes présentent souvent des teintes analogues à celles de la femelle avec quelques taches violettes éparses sur la région dorsale. En dépit de la longueur démesurée de son nom, le Rhamphomicron microrhynchum est un oiseau de très petite taille, mesurant à peine, quand il est adulte, 9 centimètres du bout du bec à l’extrémité de la queue. Celle-ci compte dans la longueur totale pour 4 centimètres environ, et les pennes latérales dépassent les rectrices médianes de 2 centimètres ; quant au bec, il n’a que 6 millimètres, et est fin comme une aiguille. Avec ce bec si court et si grêle, les Rhamphomicron savent fort bien cueillir des insectes microscopiques dans les touffes de fleurs jaunes de certaines Composées qui croissent sur le flanc des Cordillères, à plus de 2500 mètres d’altitude. Partout où l’on rencontre de ces plantes, on est sûr de voir de petites troupes de Ramphomicron voltigeant gracieusement, à quelques pieds au-dessus du sol. Le nid de ces charmants oiseaux est ordinairement plaqué contre le tronc d’un arbre, et se confond à une certaine distance avec l’écorce, dont il paraît être une simple excroissance: ses parois sont faites de brindilles, de mousses, de lichens, de fruits desséchés et de duvet arrachés à des graines floconneuses.
- E. Oüstalet.
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- LES CHEMINS DE FER
- AUX ÉTATS-UNIS
- L’infatigable M. Poor vient de faire paraître à New-York son Manuel des Chemins de fer, Manual of Railroads, pour 1880. Il nous apprend que la longueur des chemins de fer aux États-Unis dépasse actuellement 86 000 milles ou 138000" kilomètres (le mille américain est de 1609 mètres).
- C’est plus que la longueur des chemins de fer existant sur toute l’étendue de l’Europe.
- En 1879, on a construit aux États-Unis 4720 milles de lignes nouvelles, ou deux fois plus
- qu’en 1878, et plus qu’en aucune de.ces dernières années, si ce n’est en 1872, « l’année de la folie des chemins de fer », où la longueur construite dépassa 7000 milles, plus de 11 000 kilomètres.
- Cette longueur de 86 000 milles de voies ferrées, existant actuellement aux États-Unis, représente un capital d’environ 25 milliards de francs en actions et en obligations.
- Les recettes brutes totales ont été, en 1879, d’environ 10 pour 100 du capital immobilisé, et les recettes nettes d’environ 5 pour 100; mais les dividendes distribués aux actionnaires ont à peine dépassé dans l’ensemble 300 millions de francs, ou 2 1/2 pour 100 du montant des actions.
- Dans les dix ans qui se sont écoulés de 1869 à 1879, la longueur totale des chemins de 1èr à presque doublé aux États-Unis, car elle est. passée de 47 000 milles à plus de 86000 milles.
- Depuis six ans, les tarifs ont été considérablement abaissés sur toutes les voies ferrées américaines, soit pour le transport des marchandises, soit pour celui des voyageurs.
- Cette évolution s’est accomplie au grand avantage du public, mais au détriment des Compagnies.
- Ainsi, le chemin de fer de Pensylvanie, une des lignes les plus importantes des États-Unis et celle qui a le fret le plus fort, transportait en 1873 9 millions de tonnes pour 100 millions de francs, et, en 1879, 13 millions 700000 tonnes pour 85 millions de francs.
- En 1873, la moyenne des tarifs était sur ce même chemin de fer de 7 centimes de franc par tonne et par mille, et, en 1879, de 4 centimes, c’est-à-dire 2 centimes et demi par tonne et par kilomètre, ou environ le tiers de ce qu’on paye sur les chemins de fer français.
- Qu’est-ce à dire? C’est qu’aux États-Unis les Compagnies pensent que les chemins de fer sont faits pour le public, tandis qu’en d’autres pays les Compagnies s’imaginent que c’est le public qui est fait pour les chemins de fer.
- L’exemple que j’ai cité pour le chemin de fér de Pensylvanie se retrouve également sur les chemins de fer New-York Central, Erié, Lakeston, Michigan Central, Illinois Central, Chicago and Northwestern, et nombre d’autres, parmi les plus importants de l’Union.
- Les frais de transport sont maintenant descendus sur tous les.cheminsde fer des États-Unis à des taux qu’on n’aurait pas osé imaginer il y a à peine quelques années ; mais aussi c’est grâce à ce bas prix des transports que l’Ouest se peuple de plus en plus, que les terres y sont défrichées sur des étendues de plus en plus considérables, et que le fermier américain peut désormais lutter avec le fermier européen, et sur les propres marchés de celui-ci, pour la production du bétail et du blé, c’est-à-dire de la viande et du pain.
- L. Simonin.
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- LA NATURE.
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- LE PREMIER CHERCHEUR D’OR
- Le Progress de San Francisco rappelle l’historique de la découverte de l’or en Californie, découverte qui a produit une si grande révolution dans le monde économique, et il fait remarquer que l’homme qui a constaté le premier l’existence des terrains aurifères californiens, vit actuellement, retiré en Pensylvanie. Après avoir possédé d’immenses richesses, il est tombé dans la pauvreté. Son nom est Jean Sutter.
- Né en 1803, dans le duché de Bade, Sutter entra au service dans la garde suisse de Charles X. En 1834, il quittait la France et se rendait à New-York, pour fonder aux Etats-Unis une colonie de vignerons. Il passa ensuite dans le Missouri, le Nouveau-Mexique, travailla pour le compte de la Compagnie des fourrures dirigée par les Asters, parcourut les- îles Sandwich et l’Alaska. Mais il ne réussissait pas, lorsque, en traversant San Francisco, il sollicita et obtint du gouverneur de l’État une concession gratuite de trente lieues de terrain dans la vallée du Sa-cramento, sur les bords de la rivière la Fourche, où s’élève aujourd’hui Sacramento City. C’était en 1839. Jean Sutter se mit résolument au travail avec six blancs et huit Indiens ; il se construisit une maison sur un monticule d’où il commandait tout le pays. En 1847, la conquête et l’achat de la Californie par les États-Unis ne le dépossédèrent pas, et en 1848 l’ancien garde suisse se trouvait à la tête d’une exploitation agricole consacrée à la culture des céréales et à l’élevage des bestiaux. Il avait construit des moulins, des scieries, des ateliers de toutes sortes; ses chevaux et ses bestiaux se comptaient par milliers.
- Enfin, au printemps de 1848, en faisant marcher pour la première fois la machine d’une scierie mécanique sur la Fourche, un de ses ouvriers découvrait dans le sable une paillette d’or. Sutter s’efforça de tenir la découverte secrète; mais en quelques semaines elle était connue à San Francisco, et bientôt des milliers dediggers ou chercheurs d’or, Indiens et Européens, accouraient sur les bords de la Fourche; les soldats, les matelots désertaient pour envahir ce nouvel Eldorado. Sutter ne devait pas profiter des richesses inépuisables que les nouveaux venus allaient déterrer. Après de nouvelles vicissitudes, il quitta définitivement la Californie, et aujourd’hui, dit le Progress, âgé de près de soixante-dix-huit ans, il habite une chaumière dans le petit village morave de Litiz, à six heures de Philadelphie.
- LES COMMUNICATIONS TÉLÉPHONIQUES
- A PARIS
- SYSTÈME EDISON
- Deux Compagnies se disputent à Paris le service des communications téléphoniques, dont les lecteurs de la Nature connaissent déjà les principes généraux par l’article que nous avons publié dans le numéro du 28 février 1880 sur l’un des systèmes actuellement employés en Amérique. Nous décrirons aujourd’hui les appareils de la Compagnie Edison, réservant pour.un article ultérieur ceux de la Compagnie Gower.
- Le transmetteur est un téléphone à charbon sys-
- tème Edison, représenté en coupe figure 1, et en perspective, fixé à son support, figure 2.
- Il est fondé sur les variations de résistance électrique qu’éprouve une pastille de charbon lorsqu’elle subit des pressions variables. Ce charbon, pour donner de bons résultats, demande une préparation toute spéciale. Il est obtenu en brûlant du pétrole dans des lampes à longue mèche; il se dépose sur les. parois de la chambre de combustion une sorte de noir de fumée qui est ensuite légèrement comprimé dans un moule qui lui donne la forme et les dimensions d’une pièce de un franc en argent. La pastille ainsi préparée est placée entre deux disques de platine dont l’un est fixé sur la boîte métallique qui soutient la plaque vibrante ; l’autre disque porte un petit bouton d’ivoire qui vient s’appuyer contre cette plaque. On règle la pression en vissant plus ♦ ou moins la plaque sur le support. Les deux disques forment donc les deux couvercles d’une boîte ronde et aplatie dont la périphérie est formée par un anneau d’ébonité fixé sur le disque vissé dans le support. Un fil de platine amène le courant sur la face antérieure du disque placé du côté de la plaque, ce courant traverse la pastille de charbon et sort par la partie métallique du support. En parlant devant l’embouchure, même à 20 centimètres de distance, les vibrations se transmettent à la pastille, se traduisent par des variations de pression et par suite par des variations de résistance électrique.
- Le courant de la pile, après avoir traversé le transmetteur, n’est pas envoyé sur la ligne pour actionner le récepteur, mais il traverse le gros fil ou fil inducteur d’une petite bobine d’induction (fig. o) sans condensateur ni ti'embleur, et va à la pile. Ce circuit est donc constitué par la pile, le transmetteur et le fil inducteur de la bobine. Le fil induit de la bobine est relié à la terre par l’une de ses extrémités, son autre extrémité correspond avec la ligne. Au poste récepteur, l’un des fils de la bobine du téléphone récepteur—un téléphone magnétique système Bell, par exemple— correspond avec le fil de la ligne et l’autre extrémité de la bobine avec la terre. Tel est l’ensemble complet de la communication. On envoie donc dans la ligne, non pas le courant de la pile, mais le courant induit dans le fil fin de la bobine par les variations d’intensité du courant inducteur, lorsque la parole émise devant le transmetteur modifie les résistances de la pastille de charbon.
- L’idée d’employer les courants induits et non pas le courant direct remonte aux recherches de M. Gray sur les téléphones musicaux, bien avant l’invention du téléphone parlant. M. Edison est le premier — en Amérique — qui ait eu l’idée de l’appliquer au téléphone à pile, idée qui était aussi venue à MM. Pollard et Garnier avant qu’ils n’aient eu connaissance des expériences antérieures de Gray et d’Edison.
- L’emploi de la bobine d’induction présente plusieurs avantages. Le circuit, formé par la pile, le
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- LA NATURE.
- transmetteur et le fil inducteur de la -bobine présente une faible résistance. 11 en résulte que les variations de résistance de la pastille de charbon se traduisent par des variations assez grandes dans l’intensité, et par suite les courants induits dans le fil fin sont eux-mêmes fonction de ces variations d’intensité du circuit primaire. Si l’on mettait le parleur à charbon dans le circuit de la ligne et que cette ligne fût un peu longue, les variations de résistance de la pastille de charbon seraient insi-
- gnifiantes par rapport à la résistance totale du ciï-cuit, et par suite le téléphone récepteur serait à peine influencé. C’est ce qui explique pourquoi on ne peut faire de la microphonie directe à de grandes distances. D’autre part, les courants induits ayant une plus grande tension que les courants directs, peuvent être transmis à de plus grandes distances sans que la insistance de la ligne affaiblisse beaucoup leur intensité. L’emploi de la bobine d’induction est donc un artifice aussi ingénieux que néces-
- Fig. 1. Coupe du transmetteur à charbon d’Edison. Fig. 2. Transmetteur à enarbon d'Edison.
- saire lorsqu’on emploie des transmetteurs à pile sur des lignes un peu longues.
- Le récepteur est un téléphone magnétique de Bell modifié d’une façon très heureuse et très pratique par M. Phelps. La figure 4 représente la disposition actuellement employée, à laquelle M. Phelps a donné le nom de pony-crown (petite couronne).
- On y. retrouve l’embouchure E, la plaque P et la bobine B du téléphone Bell.
- Avec les courants induits, il faut rouler sur la bobine B du fil très fin et très long pour bien utiliser le courant, qui présente peu de quantité et beaucoup de tension. L’aimant est en forme d’anneau et le noyau G de la bobine est un petit cylindre de fer doux fixé à l’un des pôles de l’aimant tà l’aide d’une vis. Le téléphone ainsi con- j struit est puissant, très commode à saisir pour l’ap- ; procher de l’oreille et facile à suspendre lorsque la conversation est terminée.
- 11 n’est d’ailleurs qu’une simplification du type primitif le crown-telephone (lig. 5), composé d’une série d’aimants en couronne dont toutes les extrémités nord sont reliées à un noyau cylindrique central et toutes les extrémités sud placées en cercle contre le bord de la plaque. Ce modèle a une puis-
- sance remarquable, mais il est assez incommode, lourd et coûteux; on lui a, pour ces motifs, substitué le pony-crown, dans lequel tous ces inconvénients sont supprimés.
- Il est maintenant facile de comprendre comment Je poste central peut converser avec chaque abonné ou les relier entre eux; le diagramme (fig. G) représente le montage au moment où les deux abonnés 27 et 56 sont en conversation.
- La ligne 1/ est reliée directement à la ligne h", en plaçant une cheville en 2; cette cheville établit une communication par l’intermédiaire des plaques métalliques C' et C". Il y a donc trois circuits distincts :
- 1° Le circuit du transmetteur de l’abonné 27, formé par sa pile P', le fil inducteur de la bobine B' et le par leur T' ;
- 1° Le circuit du transmetteur de l’abonné 56, formé par sa pile P", le fil inducteur de la bobine B" et le parleur T".
- (Ces deux circuits sont représentés en gros traits sur le diagramme.)
- 5° Le circuit de ligne relié à la terre par ses deux extrémités et traversant les deux récepteurs IV, B",
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- les fils induits des bobines If, B" et les signaux avertisseurs A', A". Ces signaux avertisseurs sont toujours dans le circuit, et en voici la raison : Lorsque la conversation entre les abonnés 27 et 36 est terminée, en accrochant les téléphones en place, un commutateur automatique, manœuvré par le fait même de la suspension des téléphones, place la son-
- nerie de chaque abonné dans le circuit, prête à recevoir un appel. Il suffit alors que l’un des deux abonnés, ou tous les deux, envoient un courant dans la ligne, en appuyant sur le bouton d’appel, pour que les signaux A' et À" — anaogues aux signaux de sonneries d’hôtel—tombent tous les deux en même lemp«, et indiquent au bureau central que
- la conversation entre 27 et 56 est terminée. Le bureau central enlève alors la cheville 2, relève les signaux tombés et relie les deux lignes à la terre. Dans la position d’attente, les deux extrémités de la ligne de chaque abonné sont reliées à la terre, mais dans chaque ligne se trouve intercalée :
- 1° La sonnerie de l’abonné;
- 2° Le signal du poste central portant le numéro de l’abonné;
- 5° La sonnerie du poste central.
- Dans ces conditions, si le poste central veut appeler l’abonné, il envoie un courant dans la ligne et fait fonctionner la sonnerie; si c’est l’abonné qui appelle, la sonnerie du bureau central tinte, le signal tombe et indique à l’employé le numéro de l’abonné.
- En plaçant une cheville en 1, par exemple, si c’est l’abonné 27 qui a appelé, le poste central se trouve en communication téléphonique avec l’a-
- bonné, lui demande le nom de la personne avec laquelle il demande la communication, et après un appel préalable, établit la communication en plaçant une cheville en 2. Il importe de remarquer qu’avec cette disposition, le poste central peut toujours, par dérivation, se mêler à la conversation entre les deux abonnés, l’écouter et l’interrompre. Il y a là un avantage et un inconvénient ; l’avantage prédomine cependant, à notre avis. Il y a un inconvé-vénient à ce que la conversation puisse être entendue par l’employé du poste central : on ne peut empêcher ces indiscrétions que par une surveillance sévère et une interdiction formelle. Il peut être utile néanmoins, lorsque M. A parle avec M. B, que le poste central puisse avertir M. B, par exemple, que M. C attend, pour parler, que la conversation entre A et B soit terminée. Suivant
- Abonné 36
- Poste central
- Abonné 27
- Fig. 6. Diagramme des communications téléphoniques.
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- l’importance relative qu’on attache aux communications avec l’un ou l’autre des correspondants, il sera facile de faire attendre M. G ou, au contraire, d’interrompre la conversation avec M. A pour donner audience immédiate à M. G. Dans certains cas, au contraire, MM. A, B et G pourront s’entretenir en même temps, comme s’ils étaient réunis dans la même pièce ; il suffira pour cela que le poste central établisse les communications demandées par les intéressés.
- Ce montage à triple communication présente donc des avantages de nature à faire oublier le petit inconvénient que présentent les indiscrétions possibles, mais peu probables, du poste central.
- Les communications téléphoniques par le système Edison donnent des résultats très satisfaisants lorsque les lignes ne sont pas trop nombreuses et trop rapprochées des lignes télégraphiques, qui produisent, dans ce cas, des courants d’induction parfois assez gênants. Il demande seulement un entretien de la pile et un certain réglage du transmetteur, organe un peu délicat. A Bruxelles, on a remplacé le parleur à charbon d’Edison par .le transmetteur microphonique de M. Blake, qui donne d’excellents résultats sans nécessiter des réglages aussi fréquents.
- Dans un prochain article, nous examinerons le système Gower, dans lequel l’appel et la conversation se font par des organes exclusivement électromagnétiques.
- E. Hospitalier.
- CORRESPONDANCE
- SUR UN SINISTRE AÉRIEN
- Marseille, 17 août 1880.
- Monsieur,
- M. Charles Brest a fait à Marseille, le premier de ce mois, sa première ascension avec le ballon Nautilus. Parti à cinq heures du Prado, par un temps très calme, il franchissait vers cinq heures et demie la chaîne des montagnes de l’Étoile et atterrissait peu après dans les plaines de Peyrolles, près d’Aix.
- Le dimanche suivant, 8 août, malgré un vent violent de nord-ouest, M. Charles Brest s’élevait pour la deuxième fois avec le Nautilus et disparaissait bientôt à l’horizon, poussé par le mistral vers la haute mer.
- Une dépêche de Bastia indique que le 9 août on a recueilli dans une anse, entre Piana et Porte, près d’Ajaccio, un ballon avec une nacelle et accessoires. Dans la nuit du 8 au 9, grosse mer et vent grand frais sur cette partie do la côte.
- Voici d’autre part, le récit publié par le Petit Marseillais et dû au capitaine du Segesta, qui, dans sa traversée de Marseille à Païenne, a vu, en mer, le Nautilus dans une situation des plus critiques.
- « Dans la soirée de dimanahe 8 août, dit le capitaine du Segesta, entre sept et huit heures du soir, notre bateau se trouvait en face du détroit de Bonifacio, vers le 42e degré de latitude et le 7e de longitude, lorsque nous aperçûmes de loin, venant vers nous, un ballon avec un
- aéronaute dans la nacelle. Le vent soufflait assez fort, venant du nord-ouest et poussant le ballon naturellement vers le sud-est, avec une vitesse d’au moins 25 milles à l'heure.
- « Le ballon courait presque à fleur d’eau, suivant les ondulations des vagues et disparaissant à moitié dans le creux de l’une à l’autre. 11 ne tarda pas de nous atteindre, mais à ce moment il s'éleva à peu près à hauteur de mât, nous dépassa et disparut derrière l’horizon avec une rapidité vertigineuse. Les passagers du Segesta ont eu tout le loisir d’observer la nacelle, dans laquelle on voyait un aéronaute se hissant sur son échelle à corde, sans doute pour échapper aux coups de vague auxquels la nacelle était exposée, et nous avons tous pensé qu’il allait atterrir en Corse. »
- L’ensemble de ces renseignements vous apprendra qu’il faut ajouter à la liste déjà si longue des victimes de l’aérostation, le nom de M. Charles Brest.
- Veuillez agréer, etc.
- Un lecteur assidu.
- CHRONIQUE
- l/érnption «lu volcan Fuego dans le («uate-mala. — On nous apprend de Panama que le volcan Fuego, près d’Antigua (Guatemala), qui était inactif depuis bien des années, a fait soudain éruption le 29 juin 1880 à trois heures du matin. Les passagers du paquebot Wil-mington, de la ligne du Pacifique, ont eu ce magnifique spectacle d’une distance de 50 milles à vol d’oiseau. Du plus haut pic du Fuego, des colonnes de flammes s’élançaient à 500 pieds, illuminant une vaste étendue d’espace à l’est et au sud, tandis qu’au nord et à l’ouest, tout était obscurci par d’immenses nuées de poussière et de fumée. La première grande colonne de feu, dit un témoin oculaire, s’est élevée à 500 pieds de haut pour le moins, puis son sommet s’est étendu et ouvert comme un parapluie, lançant des myriades d’étincelles semblables à celles d’une pièce d’artifice. Une demi-heure après, on a vu descendre lentement deux torrents de lave, l’un au sud, vers la ville d’Antigua, et l’autre à l’ouest, vers la mer. Ces masses de matières en fusion consumaient tout sur leur passage, détruisaient des forêts, comblaient des cours d’eau et remplissaient l’atmosphère de nuages de fumée et de vapeur. Une crue considérable s’est manifestée subitement dans la rivière de Guaculate, qui prend sa source sur le versant occidental de la montagne.
- Tremblement de terre dans la Turquie d’Asie.— Une violente secousse de tremblement de terre a eu lieu à Smvrne dans la matinée du 29 juillet 1880. Les oscillations, qui se dirigeaient du nord au sud, ont duré douze secondes. Si elles avaient continué quelques secondes de plus, on aurait eu à déplorer une catastrophe aussi terrible qu’en 1776 ; à cette époque, 25 000 personnes furent ensevelies sous les ruines de la ville. A cinq heures, tous les habitants étaient dans les rues. Un Turc a été tué dans son oratoire pendant qu’il récitait les prières du matin. Dans la rue Saint-Georges, une jeune fille et un jeune garçon ont été ensevelis sous les ruines d’une maison ; on les en a retirés avec beaucoup de difficulté, mais encore vivants, quoique gravement blessés.
- Les dommages causés aux monuments publics et aux propriétés privées sont considérables et doivent s’élever à plusieurs millions de piastres.
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- Les secousses ont continué pendant la journée ; on en a compté plus de vingt. La ville était dans la consternation. Beaucoup d’habitants se sont enfuis et se sont réfugiés dans les villages des environs, dont cpielques-uns cependant ont encore plus souffert que Smyrne.
- À Bournabat, petite ville du voisinage, dix maisons et le minaret d'une mosquée se sont écroulés et ont tué trois personnes. À Meneinen, le bazar tout entier, toutes les églises et les mosquées ont été renversées ; douze morts ont été retirés des ruines, et un incendie qui a éclaté peu de temps après le tremblement de terre a complété la destruction de la malheureuse ville. Le fleuve Hermus, qui passe près de Menemen avant de se jeter dans le golfe de Smyrne, a débordé par suite de l’éboule-ment de ses rives et a inondé les campagnes voisines. De nouvelles fontaines se sont ouvertes dans une montagne près de Magnésie. A Magnésie même, vingt-huit bâtiments, dont deux grandes mosquées, ont été détruits. A Iloro-keni,lieu de pèlerinage des Grecs orthodoxes, dix maisons, cinq cafés, plusieurs boutiques, le clocher de l'église grecque sont en ruines, et quatorze personnes ont péri. On dit que le village de Yamanar a disparu, mais le fait n'est pas encore vérifié.
- Le SI usée ethnographique. — Par arrêté du ministre de l’instruction publique et des beaux-arts, en date du 7 août 1880 : Article 1er. Les collections ethnographiques provenant soit de dons, acquisitions ou échanges opérés au profit du ministère de l’instruction publique, soit des missions scientifiques ordonnées par ce ministère, seront organisées en Musée d’ethnographie. — Art. 2. Ce musée demeurera installé au palais du Tro-cadéro, dans le local qu'occupent lesdites collections. Le personnel comprendra: une commission de surveillance et de classement, deux conservateurs et divers agents. — Art. 3. La Commission de surveillance reste, telle qu’elle a été instituée par arrêté du 30 octobre 1879. Elle donnera son avis surla détermination et le classement des collections et pourra être consultée sur la répartition entre les différents établissements de l’État des objets scientifiques qui parviendront au ministère. - Art. 4. M. le docteur Hamy, aide-naturaliste au Muséum d’histoire naturelle, membre des Sociétés d'anthropologie et de géographie de Paris, est nommé conservateur dudit musée. 11 sera chargé du classement scientifique et de l’installation des collections. — Art. 5. M. Landrin (Armand), membre de la Société d'anthropologie, est également nommé conservateur dudit musée. Il remplira les mêmes fonctions que M. Hamy et sera, en outre, administrateur et agent comptable du musée. — Les articles 6, 7, 8, 9 et 10 portent nominations d’agents subalternes et règlent les traitements des différents fonctionnaires du musée.
- Le jeûne de quarante jours du docteur Tanner. — On sait que le docteur Tanner, originaire du comté de Kent, en Angleterre, actuellement en résidence à New-York, a jugé à propos de faire de son propre corps le sujet d’une expérience inouïe et de prouver que le mécanisme humain peut vivre et se mouvoir exclusivement au moyen de l’eau. Il a pris l’engagement de s’abstenir de toute nourriture et de ne boire absolument que de l’eau pendant quarante jours. Le docteur Tanner a réussi.
- Nous récapitulerons aujourd'hui lns principaux faits de l’histoire de ce jeûne extraordinaire. L’expérience, commencée le 20 juin 1880, s’est terminée le samedi 31 juillet, à midi, dans les circonstances suivantes.
- Là salle était remplie de spectateurs, dont la curiosité et l’animation étaient indescriptibles. Le docteur les a priés de se reculer pour lui permettre de respirer ; malgré cela, quand approcha l’heure de midi, la foule qui se pressait autour de lui devint de plus en plus compacte. Quand le sifflet à vapeur annonça que son jeune était terminé, le docteur sauta sur une chaise et avala une pêche, malgré les remontrances de ses surveillants. La foule l’applaudit avec enthousiasme, et parmi les spectateurs beaucoup l’embrassèrent. En dehors du vestibule, 1200 personnes firent entendre de bruyantes acclamations.
- Le docteur fut alors pesé; son poids était de 120 livres 1/2. On compta 92 pulsations et 17 respirations. Le docteur but immédiatement un verre de lait et demanda du melon d’eau. Les médecins lui firent des objections, mais il n’en tint nul compte ; il en mangea avec voracité plusieurs tranches, en rejetant la pulpe et en avalant seulement le jus. Les médecins protestèrent qu’il allait se tuer, mais le docteur continua à manger son melon. Le poids total que le docteur Tanner a perdu, pendant les quarante jours, est de 56 livres. La quantité totale d’eau qu’il a bue est de 667 onces 1/2. Il a conservé pendant cette longue période toute son intelligence et son activité, quoique arrivant de jour en jour à une faiblesse de plus en plus considérable.
- Projet d’achèvement des égouts de Paris. —
- L’administration préfectorale prépare un long rapport sur le projet d’achèvement des égouts de Paris ; ce document sera communiqué aux membres du Conseil municipal, qui aura à s’occuper de cette importante question dans une de ses prochaines séances.
- On n’ignore pas que les nombreuses galeries souterraines dont le sous-sol de Paris est rempli, servent en même temps, et de canaux distributeurs pour l’eau pure destinée tant aux besoins de la population qu’à la propreté des rues, et de récipients aux eaux vannes et ménagères.
- A ces canaux et aux conduites d’eau, on a dû ajouter depuis quelques années des quantités innombrables de tuyaux pour la distribution du gaz d’éclairage, et de nombreux fils conducteurs de l’électricité.
- Mais les égouts de Paris sont loin d’être terminés et, par suite, les services ci-dessus désignés subissent des interruptions qui privent certains quartiers de Paris d’eau, de gaz et de communications télégraphiques.
- A la fin de l’année dernière, on comptait à Paris 156 lieues de canalisation pour les égouts, comprenant le grand collecteur, le collecteur moyen, les collecteurs ordinaires; plus 65 lieues de ramifications d’une importance secondaire ou branchements d’égouts.
- 11 résulte du travail dont nous parlons plus haut que l’œuvre totale d’achèvement des égouts exigerait encore près de 109 lieues de plus; c’est-à-dire que le réseau complet des égouts de Paris une fois achevé, sa longueur totale dépassera 300 lieues.
- Dépôts de chrome en Californie. — Le journal américain Vlron-Age donne des détails intéressants sur les dépôts de chrome de la Californie. Le minerai de fer chromique se trouve fréquemment associé, dans plusieurs parties de cet État, avec des roches serpentines; mais, faute de moyens de transport, les seuls dépôts du comté de San Louis Obisdo sont accessibles. Ils forment un groupe qui s’étend sur un î longueur de 2 milles et qui couvre une aire de 400 acres. On en a extrait, dans ces trois dernières années, 15000 tonnes, qui ont été dirigées, partie sur l’Europe, partie sur les États de l’Ouest. Mais
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- LA NA TU UE.
- autant qu’un premier et superficiel examen a permis'd’en juger, les quantités que ces dépôts ont livrées sont bien insignifiantes, eu égard à leur valeur réelle. L’usage, qui se répand de plus en plus, du bichromate de potasse dans la teinture, ne peut évidemment qu’activer l’exploitation de ces dépôts et suggérer aux Californiens l’idée de rendre désormais accessibles, moyennant de bonnes voies de communication, ceux qui actuellement sont encore improductifs.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du23 août 1880.—Présidence de M. Wuutz.
- Physiologie, — M. Marcy présente à l’Académie une Note sur le résultat d’expériences qui permettent de distinguer les pulsations du ventricule gauche du cœur de celles du ventricule droit. M. Marcy a fait usage pour réaliser scs expériences de l’appareil enregistreur déjà employé par lui, mais légèrement modifié, rendu plus petit et portatif. Grâce à ce perfectionnement, l’observateur peut opérer sur lui-même ou sur le malade sans le secours d’un aide. M. Marey insiste sur l’utilité que les médecins pourront retirer de son procédé pour l’étude si délicate et si complexe des maladies du cœur. Il rappelle que dans ses précédentes expériences, il a pu établir que les systoles sont synchrones, mesurer la phase de la pression du sang dans les ventricules du cœur, montrer que cette phase atteint immédiatement son maximum pour décroître ensuite dans le ventricule droit, tandis qu’au contraire elle va croissant doucement jusqu’à un maximum dans le ventricule gauche. Il complète aujourd’hui les résultats de ses premières expériences, en faisant voir comment, en plaçant convenablement son appareil, il peut obtenir à volonté le tracé des pulsations du ventricule droit ou celui des pulsations du ventricule gauche. Pour cela, il faut observer qu’en arrêtant la respiration, les ondulations du cœur gauche diminuent par abaissement des minima, mais non pas celles du cœur droit. Après une course, au contraire, la tension devient plus faible dans le cœur gauche et les ondulations sont multiples.
- Météorologie. — M. Trécul présente une courte note sur la forme et les dimensions des éclairs dans l’orage qui a éclaté sur Paris le 11) août dernier.
- Chimie.— M. Daniel Klein annonce sa découverte d’une nouvelle classe de sels minéraux, les lungstoborates. Il en décrit trois espèces cristallisées qu’il a pu obtenir après beaucoup de difficultés.
- M. Renard, professeur à la Faculté des sciences de Rouen, décrit un nouveau corps, dont il donne la formule C7H12.
- L’ordre du jour étant épuisé, la séance est levée après avoir duré seulement trois quarts d'heure.
- Stanislas Meunier.
- BALANCE BAROMÉTRIQUE
- DE M. REDIER
- M. Redier construit depuis peu une sorte de balance barométrique qui a une grande analogie avec le thermomètre de M. Dufour, que nous
- avons publié dans une de nos précédentes livraisons l.
- La ligure ci-dossous représente l’appareil, qui offre cet avantage de conduire une grande aiguille de 50 à 60 centimètres de rayon, visible à une grande distance.
- B, B, B sont trois boites barométriques d’anéroïde. Sur la première boîte à gauche est attaché un châssis qui porte les masses M et E.
- Sur le même châssis est fixée la grande aiguille. Le tout est suspendu sur un couteau T, et les masses M et E étant mobiles et pouvant se rapprocher plus ou moins du couteau, on peut amener
- VARIABLE
- Balance barométrique de M. Redier.
- l’équilibre du tout de manière à placer l’extrémité de l’index sur la division voulue.
- Les boites sont attachées sur un second châssis V.
- Si la .pression augmente, ces boîtes se dépriment et les deux masses M et E vont vers la droite. L’équilibre est rompu et l’aiguille va du même côté. Si la pression diminue, l’effet contraire se produit et l’aiguille va vers la gauche.
- 11 ne s'agit pas d’un instrument de précision, mais d’un appareil très sensible qui donne à de grandes distances et sans mécanisme, les tendances barométriques vers la baisse ou la hausse.
- 1 Yoy. la Nature, n° 575 du 7 août 1880, p. 151.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, rue de Fleuras, 0, à I’aris.
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- N° 57'J. — 4 SEPT EMU UK 1880.
- LA N A T LUE.
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- EXPLOSIONS PAR CONGÉLATION
- Pendant le rigoureux hiver de 1879-1880, je fis l’expérience bien connue de l’explosion d’un vase par congélation de l’eau qu’il contient. 11 m’a été donné d’observer dans cette expérience quelques phénomènes accessoires que je désire décrire ici, car ils présentent un intérêt plus général et ils jettent un certain jour sur ce mode d’explosion.
- J’ai opéré avec des obus sphériques en Tonte, dont le diamètre extérieur était de 15 centimètres, le volume intérieur 880 centimètres cubes , le diamètre intérieur 12 cent. 8, l’épaisseur par conséquent 2 cent. 2.
- Ces obus furent remplis d’eau, fermés avec un bouchon à vis en fer et exposés au froid.
- Je fis la première expérience le 10 décembre 1879. L’obus fut mis en plein air à une heure après midi. La température était alors de —12° C.; à neuf heures du soir elle était de —18°,4 et le lendemain matin à sept heures de — 14°,6. A neuf heures du soir, on ne remarquait encore aucun effet ; mais le lendemain à sept heures du matin l’obus avait éclaté. L’aspect qu’il présentait alors se voit dans les figures A et B de la planche ci-dessus, qui reproduit exactement des photographies d’après nature du phénomène. La figure A représente l’obus dans sa position verticale primitive, la figure B le représente vu de l’autre côté et dans une position inclinée.
- La seconde expérience fut faite le 20 janvier, lorsque survint une nouvelle période de froid. L’obus, traité de la même manière, fut mis en plein air vers dix heures du matin. La température était à sept heures du matin —20°, à une heure —12°,8, à neuf heures du soir— 14°,2. A sept heures du soir on n’observait encore aucune modification; mais à 8' année, — 2e semestre.
- neuf heures l’obus avait sauté et présentait l’apparence que représentent les figures C et 1) prises de deux côtés différents. La photographie ne put être faite, il est vrai, que le 21 de bonne heure, toutefois il ne s’était produit dans l’intervalle qu’une modification insignifiante, consistant en ce que le cylindre de glace s’était légèrement allongé.
- l ue première particularité remarquable que présentent les masses de glace ainsi expulsées sont des filaments ténus, dont l’un, celui du mois de décembre, se recourbe vers le bas ; l’autre, celui du
- mois de janvier, vers le haut. Ces filaments ont tout à fait l’apparence de jets d’eau subitement congelés et pour la suite je leur donnerai en effet cette dénomination.Examinés de plus près, ils présentent, outre leur courbure inverse, encore d’autres différences. Le jet de décembre est plat à son point de départ, comme on le voit clairement dans la figure B, et rond plus loin ; il présente des élargissements équidistants ou nœuds ; j’en ai compté seize qui étaient distants entre eux de 7 millimètres environ. Le jet de janvier, comme celui de décembre , allait en se rétrécissant vers son extrémité, présentant 9 millimètres de diamètre à sa base ; il n’avait plus que o millimètres à son extrémité. En outre, il présentait un aplatissement très marqué à sa partie supérieure, c’est-à-dire du côté de sa concavité; sa section était à peu près un demi-cercle. Il ne présentait pas de renflements ou de nœuds.
- Nous allons chercher à nous rendre compte maintenant de la formation de ces figures de glace et commencerons par celle obtenue le 20 janvier, dont nous pourrons mieux suivre le développement graduel dans ses diverses phases.
- Comme l’obus avait été entièrement rempli d’eau, la dilatation ne pouvait se produire ; la glace ne se forma donc pas immédiatement, mais l’eau se re-
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- Obus brisés par la congélation de l'eau (d'après des photographies'.
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- LA NATIIIE.
- froidit au-dessous de 0° et dans cet état de surfusiou exerça une pression considérable sur son enveloppe rigide. Celle-ci subit d’abord, en vertu de son élasticité, une légère extension, et un jour s’étant ainsi produit dans les pas de vis du bouchon, une petite quantité d’eau en surfusion put 's’échapper par là, couler en un mince blet le long de la paroi extérieure de l’obus et tomber en petite partie sur la chaise de bois qui portait l’appareil. Cette eau, à sa sortie, n’étant plus soumise à la pression, dut se congeler instantanément. Je le reconnus à l'apparence du jet ci-dessus décrit, qui avait été aplati à sa partie inférieure par le contact avec la paroi de l’obus, mais ne s’était pas étalé sur celle-ci, et aussi aux gouttes congelées que je trouvai sur la chaise. C’était en petit le même phénomène que celui qu’on observe dans la production du verglas, que l’on explique aussi par la congélation subite d’eau en surfusion.
- La congélation de l’eau expulsée provoqua la cristallisation du reste de la niasse et le .bouchon fut violemment projeté par suite de l’énorme augmentation de pression qui en résulta. Malgré toutes mes recherches, je n’ai pu jusqu’ici le retrouver, et comme je l’eusse reconnu facilement sur la neige immaculée répandue tout autour du lieu de l’expérience, il doit avoir été lancé très loin, ainsi que Williams l’a observé dans les expériences qu’il fit en 1785 à Québec. Quelques portions du pas de vis avaient été arrachées et l’obus présentait plusieurs fissures rayonnant autour de l’orifice. Celles-ci demeurèrent ouvertes, sous l’action de la pression interne, tout le temps que l’eau resta congelée, mais se refermèrent par l’effet de l’élasticité de l'acier dès que la glace fut fondue. Un cylindre de glace avait été expulsé par l’ouverture ronde de l’obus; les stries qu’il présentait à sa surface prouvaient que la glace solide mais plastique avait été expulsée violemment. Cette colonne de glace avait sdu-levé avec elle le jet d’eau congelé qui présentait une surface concave par-dessous, là où il bavait reposé Sur la paroi de l’obus.
- Comme la quantité de chaleur émise dans la congélation de toute la masse d’eau est notablement plus considérable que celle qui est nécessaire pour élever sa température d’environ—15° à 0°, la masse d’eau ne put pas se congeler tout entière au premier moment. Le cylindre de glace exprimé, aussi bien que l’obus même, durent contenir encore de l’eau liquide. Par le très grand froid qu’il faisait, l’eau contenue dans le cylindre ne tarda pas à geler; cela fit écarter le cylindre de glace à sa partie supérieure en quatre morceaux qui s’entr’ouvrirent comme les pétales d’un bouton qui s’épanouit. Par suite, le dard formé par le jet d’eau congelé fut retourné la pointe en l’air, présentant maintenant sa face concave aplatie par-dessus. Nous avons tout lieu d’admettre que le phénomène qui vient d’être décrit s’est produit dans un temps très court, peut-être une fraction de seconde. Peu à peu l’eau con-
- tenue dans l’intérieur de l'obus acheva de geler : le manchon de glace s’allongea de la sorte jusqu’à ce qu’il se rompit. Je coupai alors toute la glace émergeant de la boule et mesurai après fusion la quantité d’eau manquant dans l’obus. Je l’évaluai à 82 centimètres cubes. Le voluiye intérieur de l’obus mesurant 885 centimètres cubes, il suit que la densité de la glace avait été de 0,91. Cette mesure concorde suffisamment avec les mesures directes, eu égard à ce qu’il ne s’agit ici que d’une expérience assez grossière et à ce que la glace contenait probablement une certaine quantité d’air.
- L’examen détaillé que nous venons de faire de l’expérience de janvier va nous servir maintenant à expliquer celle de décembre.
- Dans les traits principaux, le phénomène avait été le même; les différences tinrent surtout à ce que le bouchon de fer était enfoncé plus profondément; aussi ne fut-il pas projeté. En revanche, l’obus éclata et un morceau triangulaire en fut soulevé. Le jet d’eau initial ne s’échappa pas cette fois par le pas de vis, mais par la première issue qui se produisit par la rupture de la paroi. Comme l’eau n’eut qu’une faible résistance à vaincre à sa sortie, elle
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- sortit avec une vitesse plus grande et s’éleva en forme de jet libre au lieu de couler le long des parois de l’obus; c’est pourquoi il présentait une section ronde et non demi-circulaire. Je pris d’abord la courbure qu’il affectait pour la trajectoire parabolique d’un jet d’eau à l’air libre. Mais lorsque j’eus mieux étudié la marche du phénomène dans l’expérience de janvier, il me parut probable que ce jet de glace, après avoir été sensiblement droit par suite de la grande vitesse d’écoulement, s’était courbé ensuite sous l’action de sa pesanteur jusqu’à venir reposer sur la paroi de l'obus, de manière à prendre ainsi après coup la courbure de sa surface extérieure. Pour expliquer ce fait, il importe de tenir compte de la plasticité que présentait ce jet de glace, alors qu’après sa congélation subite il devait renfermer encore de l'eau, comme nous l’avons vu dans l’autre expérience. Si par la pensée on ramène à sa place le morceau d’obus soulevé auquel adhère le jet de glace, l’extrémité de celui-ci vient s’appliquer sur la surface de l’obus. La courbure plus faible du jet vers son point de sortie s’explique aisément, sa base plus large ayant du être moins llexible que le bout. 11 importe de remarquer encore que le jet prend son origine quelques millimètres au-dessous de la surface supérieure du morceau enlevé, ce qui tient à ce que le jet d’eau ne s’échappa que lorsque le fragment avait été déjà un peu soulevé.
- Nous n’avons plus qu’à chercher à expliquer maintenant les renflements équidistants ou nœuds <[ue présentait le jet. Je crus y reconnaître la forme (le la veine liquide telle que Savart l’a décrite1 Cette explication paraissait d’abord assez plausible,
- 1 Traits. Iloi/al Soc. lùh’nbttrtj., vol. Il, |i. 2ô.
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- puisque, comme le montre la figure 11, le jet à son origine était aplati horizontalement, mais un examen plus approfondi de la l'orme que montrait le jet soit en nature, soit en photographie, me lit voir qu’ailleurs il ne présentait pas d’autres segments aplatis se succédant alternativement avec une inclinaison de 00° l’un sur l’autre, mais avait sur tout le reste de sa longueur une section arrondie, alternativement plus large et plus étroite. Nous avons donc affaire ici à des élargissements et à des rétrécissements périodiques du jet. Peut-être ce fait peut-il s’expliquer par l’hypothèse que le fragment détaché était animé au moment de l’arrachement d’un mouvement vibratoire qui s’est communiqué au jet d’eau et y a produit ces nœuds et ventres alternatifs.
- Je ne sais pas si le phénomène d’un jet de glace produit de la sorte par congélation instantanée, a déjà été décrit, c’est probable, car il a dû se produire et être observé fréquemment, puisqu’il s’est offert à moi accidentellement dans les deux expériences que je viens de décrire. Williams a constaté quelque chose d’analogue dans une de ses expériences, dans laquelle il a vu se produire sur les fissures du vase des lamelles de glace semblables à des nageoires de poisson. Je pense que dans cette expérience l’eau en surfusion s’échappa sous forme de nappe et se congela instantanément sous cette forme. Dans son ouvrage sur la Chaleur, Gazin donne une ligure de ce phénomène; toutefois, comme le travail original de Williams ne contient aucune planche, la ligure en question n’est pas la reproduction directe du phénomène, mais n’a pu être faite que d’après la description de son auteur.
- Ld. Hagenbach,
- Professeur à i’I niversité de Bâle.
- L’INCLINAISON DES ROUTES
- Le 6 juin 1880 a été inauguré le chemin de fer funiculaire du Vésuve, dont on a pu lire précédemment la description1 ; en mettant à part les ascenseurs, c’est de toutes les voies de transport celle qui présente la plus forte inclinaison. Pour la faire mieux apprécier, nous présentons ci-dessous un tableau où nous indiquons les pentes les plus caractéristiques par leur inclinaison, non seulement en millimètres par mètre, mais aussi en degrés et minutes sur l'horizon.
- Maximum des pentes.
- Chemins de fer ordinaires en plaine............
- Chemins de fer ordinaires en montagne.............
- Peules. Incli- naison. Observations.
- 5*"” 0° 10' Pente faible.
- 5 0° 17' Pente moyenne.
- 8 0° 28' Pente forte.
- 10 0° 54' Pente faible.
- 20 1° 9' Pente moyenne.
- ! 50 1" 45' Pente forte.
- Maximum des poules. Béates. [ndi-liaison. Observations.
- Grande route du Snnplon. 5t)m “ 1° 45' La route franchis-
- Chemin de fer de Saint- sant les Alpes
- Germain au l’ecq, «l’Alexandrie à Gènes, de lîardonnèehe à Susc (maximum sur chaque ligne) 55 2° ayant la moindre pente.
- Pente exception-
- Chemin de fer d'Enghien nclle.
- à Montmorency (maximum) 45 2U 55' Plus forte pente eu-
- Quelques lignes en Amé- ropéenne.
- rique 50 2° 52' Maximum en exploi-
- talion régulière
- Chemin de fer routier de pour les loeomo-
- Rueil à Marlv-lc-Rov tives ordinaires.
- (maximum) 60 5° 26' Lo c o m o t i v e s a n s
- Chemin provisoire à un foyer pour tram-
- rail du Raincv à Mont- wav.
- fermeil (maximum).. . 77 4° 24' Supprimé.
- Grandes routes Chemin de fer provisoire 85 4° 46' Maximum.
- à trois rails sur le Mont-Cenis (max. de la ligne). 84 4° 48' Supprimé.
- Chemin funiculaire de
- Santos à Jundiahy (Brésil) 100 5° 45' Traction par câble.
- Pente maxima franchissa-
- ble par les voitures)... Chemin funiculaire de 152 7° 50'
- Lyon à la Croix-Rousse (maximum) 160 9° 7' Traction par câble.
- Chemin funiculaire de
- Lyon à Saint-Just (maximum). .... 185 10° 22' Traction par câble-
- Chemin de Yitznau au
- Righi (maximum) 250 1f > 2' Rail central à eré-
- Pente maxima franchissa- maillère.
- ble par les bêtes chargées 268 15°
- Chemin funiculaire du Giessbach Chemin du mont Washing- 280 15° 59' Traction par câble.
- ton (maximum) 550 18° 16' Rail central à cré-
- Pente normale des csca- maillère.
- liers Chemin funiculaire ^du 404 2*2° Environ.
- Vésuve (maximum).... 650 52° 15' Traction par câble.
- Pente maxima franchis- 1 j 700 55° Sur un sol dur.
- sable pour un piéton . 1 ! 900 Sur un sol friable.
- Charles Hoissay.
- <x—
- LE RADIOGRAPHE
- UE M. D. WliXSTA.NLEY
- Nous avons décrit précédemment un premier appareil imaginé par un savant météorologiste et physicien anglais, M. David Winstanlev, dans le but d’enregistrer la radiation solaire1. Ce premier appareil a été complètement transformé par son inventeur en un nouveau système beaucoup plus complet et qui parait devoir résoudre d’une manière tout à fait satisfaisante un problème important, très digne de l’attention des météorologistes.
- Le nouveau radiographe de M. D. Winstanley se compose d’un thermomètre à air, dont la tige est
- 1 Yoy. n° 575 du 7 août 1880, p, 147.
- 1 Voir la Salure, n° 554 du 15 mars 1880, p. 225,
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- LA iXATLIiL.
- o 1
- courbée en cercle et dont les deux réservoirs A et B se réunissent dans le voisinage l’un dt. l’autre. Le réservoir B est enduit d’une couche de noir de fumée, tandis que l’autre reste transparent ; le tube contient une certaine quantité de mercure comme le montre notre gravure (ligure 1). Ce thermomètre à air est adapté à un support circulaire de cuivre, qui repose sur un couteau, de manière à pouvoir y osciller à la façon du lléau d’une balance. Supposons que ce système se trouve en équilibre, et que les boules A et B du thermomètre à air soient exposées à l’air; si le soleil vient à briller, l’air contenu dans la boule noircie B se dilatera, chassera la colonne mercurielle dans le tube thermométrique, mais en môme temps, le mercure en se déplaçant ainsi, fera pencher le système, l’équilibre
- se trouvant rempli. Si la monture de cuivre est munie d'un style adapté à un bras de levier, l’extrémité de ce style s’abaissera d’autant plus (pie la radiation solaire sera plus considérable ; dans le
- cas contraire, elle s’élèvera dans le sens opposé.. U en résultera de la part du stvle une série de mouvements qui pourront être inscrits sur un papier enduit de noir de fumée enroulé autour d’un cylindre inscripteur qu’un mouvement d’horlogerie fera tourner autour de son axe, comme le montre notre gravure.
- Le disque C représenté sur notre gravure (lig. 1) sert de contrepoids au style inscripteur. Les autres disques 1), E qui peuvent se mouvoir sur les tiges où ils sont adaptés, sont destinés à élever ou à abaisser à volonté le centre de gravité du système.
- Fig. 1. Un nouveau radiographe.
- Lever du Solcd! Coucher du Soleil
- > 7 N<JvéfrnT(rc J 8'.79
- Fig. 2. Spécimen d’une courbe obtenue par le radiographe (réduction 1/2).
- L’appareil est enfermé dans une boîte de cuivre, et les boules de verre A et B sont recouvertes d’une cloche de verre exposée à l’air libre.
- Le diagramme reproduit ligure 2, donne un spécimen des courbes obtenues par M. 1). Winstanley.
- Le radiographe fonctionne aujourd’hui très régulièrement en Angleterre, et notamment à l’observatoire de Kevv.
- L’appareil est, paraît-il, d’une remarquable sensibilité ; il suffit que le plus petit nuage obscurcisse pendant un temps très court l’éclat des rayons solaires, pour que la trace du phénomène soit aussitôt enregistrée par l’ingénieux instrument que nous sommes heureux de faire connaître.
- Gaston Tissandiek.
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- LA NATURE
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- UNE TROMBE OBSERVÉE Â NORWÏCH, EN ANGLETERRE
- M. Runean Matheson, officier des dragons Innis-killing, actuellement en résidence à Nonvicli, en Angleterre, a récemment envoyé au journal The
- Graphie les curieux dessins que nous reproduisons ci-dessous, et qui représentent les différentes phases de formation et de dissolution d’une trombe
- I'ig. 1. Trombe observée à Norvvich, en Anglelerre (d’après un croquis fait sur nature par M. Duncan Matheson).
- observée par lui dans le courant du mois de i< Je me trouvais avec mes soldats, dit M. Duncan juillet 1880, époque essentiellement orageuse. Matheson, auprès des fusils réunis en faisceaux,
- Fig. 2. Deuxième aspect.
- lorsqu’un orage très intense éclata tout à coup. Presque aussitôt je vis se former une trombe qui s’avançait sur nous, ayant l’aspect de la figure 1. Pendant une demi-heure environ, il me fut donné d’observer ce curieux phénomène, qui paraissait se
- Fig. 5. Fin du phénomène.
- produire à 800 mètres de distance. Après ce temps écoulé, la trombe s’éleva subitement en se contractant, comme le montre la figure 2, puis elle se brisa en deux tronçons (fig. 3) et disparut peu à peu, paraissant se dissoudre dans le nuage. Cette
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- LA NATUH K
- trombe était d’un gris métallique assez brillant; elle se détachait d'un nuage orageux, très foncé, et d’où jaillissaient des éclairs.
- « Pendant toute la durée du phénomène, l’atmosphère paraissait très chargée d’électricité, et, suivant l’expression vulgairement usitée, le temps était très lourd. »
- SOCIÉTÉS SANANTES
- Société française «1e physique. — Séance du 2 juillet 1880. _— Présidence de M. Mascart. — M. Javal communique un moyen facile et assez exact de mesurer l’astigmatisme. A l’aide d’une série de teintes produites par des hachures plus ou moins serrées, et qu’on place à une distance donnée de l’œil, on évalue en dioptries le degré de myopie ou de presbytisine de l’œil. Pour évaluer l’astigmatisme, on peu tse servir de demi-séries de teintes à hachures perpendiculaires, qu’on place dans mie direction convenable par rapport aux courbures principales de l’œil. — M. Emile Reynier présente à la Société la pile voltaïque que nous avons décrite précédemment (n° 575 du 7 août 1880, p. 155). — M. Deprez présente un moteur électrique à mouvement alternatif basé sur l’attraction exercée sur un cylindre de fer doux par un soléncïde. Des moteurs de ce genre ont été déjà réalisés par MM. Page en Amérique, Bourbouze et du Moueel en France, mais ce qui distingue l’appareil de M. Deprez, des précédents, c’est que le courant y conserve toujours le même sens et la même intensité et que l’alimentation du cylindre en fer doux n’est jamais interrompue ni inversée. Ee résultat est obtenu en fractionnant le solénoïde dans lequel se meut le piston de fer doux en un grand nombre de petites bobines partielles comme celles qui constituent Panneau de la machine Gramme. Un commutateur approprié est mis en mouvement par un excentrique circulaire. — M. Hospitalier montre un culot d’acier fondu en quatre minutes par l’arc voltaïque, dans les ateliers de M. Siemens. Le courant était produit par deux machines Siemens mues par un moteur de 8 à 10 chevaux et valant de 70 à 80 webers. Le «mirant passait entre un creuset de charbon et une tige de charbon qui se relevait automatiquement dès (jue la résistance tendait à diminuer, — La prochaine réunion aura lieu le 5 novembre 1880.
- SocIéU; chimique de Paris. — Séance du 9 juillet 1880. — Présidence de M. Fricdel. — M. le Président a le regret d’annoncer^ à: la Société la mort de M. de Montgolfier^-professeur à la Faculté des sciences d’Alger et, pendant qu’il habitait Paris, un des membres les plus assidus aux séances de la Société. M. de Montgolfier s’était fait connaître par des travaux intéressants, notamment sur les dérivés du camphre. — M. Oechs-ner a retiré des huiles provenant de la distillation sèche de la cinchonine, trois bases isomériques avec les bases pyridiques du goudron de houille. — Ces trois bases sont: 1° une lntidine bouillant à 165 degrés; 2° une collidine bouillant à 195 degrés et 5° une parvoline dont le point d’ébuliition est situé vers 220 degrés. L’auteur a obtenu les deux premières bases à l’état de pureté ; il les a carac térisées parleurs densités de vapeur et par de nombreuses analyses et a préparé plusieurs de leurs sels. 11 a également préparé et analysé le chloroplatinate de la troisième base. 11 poursuit l’étude de ses tr.ois nouveaux composés.
- M. le Président, après avoir rendu compte d’un mé-
- moire de M. Crafts sur la densité de vapeur de l’iode, présente une noie de MM. Vincent et Delacbanal sur quelques propriétés des mélanges de cyanure de méthyle avec l’alcool ordinaire et avec l’alcool méthylique. — M. Boug adresse une observation suivant laquelle des I uvaux de fer sont attaqués et perforés, en quelques mois, aux environs des joints faits par simple contact, par les eaux de Vichy. M. Bong communique une autre note sur les résidus de la fabrication des huiles de schiste. — M. Colson propose différentes modifications à la construction du baromètre. — M. Fernhach, en traitant la glycérine par la potasse caustique, est parvenu à obtenir différents alcools et hydrocarbures de la série grasse. — M. le Président fait part à la Société des résultats favorables déjà obtenus pour la souscription des parts de membres donateurs ; elle dépasse à ce jour 20U0U francs ; avec le concours de membres de la Société, nul doute que la souscription n’atteigne un chiffre permettant de réaliser bientôt les améliorations désirées.
- EN PHÉNOMÈNE TOMBÉ DANS I/0UBLÏ
- COMMENT LA CHUTE DU NI VGA RA SE TROUVA PRIVÉE d’eaü LE Zl MARS 1848
- Dans une lecture que j’ai faite à llamilton (Ontario), sur la difficulté de bâtir un pont international entre Buffalo et le Canada, j’ai appelé l’attention de mes auditeurs sur un fait remarquable : c’est que lorsque les vents d’ouest, soufflent avec violence sur le lac Erié, ils poussent vers le Niagara une quantité d’eau plus forte que lorsque soufflent les vents opposés. A la suite de forts vents d’est, au contraire, il est résulté le fait étrange que pendant une journée entière le Niagara fut complètement à sec. Ce jour fut le 31 mars 1848. Je n’ai pas été moi-même témoin du phénomène ; mais bien mon beau-frère, feu Thomas C. Street. 11 possédait un moulin sur les rapides, en amont de la chute ; or, à cinq heures du matin, son meunier vint l’avertir que le chenal était à sec. Il s’habilla à la hâte et vérifia le fait : le meunier avait parfaitement dit la vérité. Il n’y avait qu’un filet d’eau pour représenter la grande ^scade, si imposante quand les eaux abondent. Le fond du gouffre était effrayant à voir, car l’absence d’eau permettait de considérer dans leur ensemble les rochers sur lesquels seraient si mal reçus ceux qui, par l’abondance des eaux, seraient précipités dans Fabime. Je ne demeurais qu’à 8 milles de mon beau-frère, mais il n’osa m’inviter à venir jouir de ce spectacle : il craignait que les eaux ne fussent revenues à la cascade avant mon arrivée. Toutefois j'ai été remplacé par un assez grand nombre de témoins oculaires pour ne pas pouvoir douter du témoignage de mon beau-frère. L’action précitée des vents d’est a dû être la seule et unique cause de ce rare phénomène, que les journaux français traitèrent de « canard américain ». L’honorable gentleman L. F. Allen, de Buffalo, écrivit à M. Street pour attester le fait dont il avait été témoin. Un autre témoin fut M. John B. Sorythe. Des déclarations écrites ont aussi été données par M. Henri Bond, du village do Chippewa, et par M. James Francis Macklan, de la même localité.
- Le Révérend Dr Fuller,
- d’Ontario
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- LA NATURE.
- LES ORIGINES ET LE DÉVELOPPEMENT
- HE LA VIE
- (Suite. — Vov. p. 18, 67 et lui.)
- l.KS TU.MClinis
- On trouve fréquemment flottant à la surface de la mer des animaux semblables à des manchons de cristal qui contiendraient une masse globuleuse très vivement colorée : ce sont des Salpes ou Biphores. Tantôt ces êtres transparents ont une assez grande taille, et. ils nagent alors isolément; tantôt, au contraire, leur taille est petite, et un nombre variable d’individus sont unis entre eux de manière à former une double chaîne assez allongée. Os deux sortes de Salpes ont été distinguées sous le nom de Salpes libres (fîg. 1, nos 2 et 5) et de Salpes agrégées (tîg. 1, ri0 1 ) ; on les rencontre souvent ensemble, et l’on peut constater qu’en dehors de la taille, il existe encore entre elles de grandes différences. Dès 1820, Adalbert de Chamisso annonçait cependant que les Salpes agrégées sont les filles des Salpes libres, qu’elles engendrent à leur tour des Salpes libres, de telle façon que les deux formes alternent régulièrement : les filles ne ressemblent jamais à leur mère, mais bien à leur grand'mère. Chamisso n’était pas seulement voyageur et naturajistc, il était aussi romancier et poète : c’est lui qui avait écrit les Aventures de Pierre Schlemihl courant à travers le monde à la poursuite de son ombre qu’il avait perdue; on ignorait encore les merveilles de Ja reproduction des Méduses, on crut à une invention nouvelle du fantastique conteur. Mais bientôt ses observations furent répétées, il fallut se rendre à l’évidence : le premier cas de génération alternante était trouvé. On eût été bien plus surpris encore, si de Chamisso avait pu ajouter a sa découverte que les Salpes possèdent un cœur qui refoule le sang, à quelques minutes d’intervalle, tantôt dans une direction, tantôt dans la direction exactement opposée, de sorte que tous les vaisseaux servent alternativement de veine et d’artère ; s il avait pu dire que l’enveloppe transparente de l’animal est presque entièrement constituée de cette substance que l’on a crue longtemps exclusivement propre aux végétaux, qui est la substance fondamentale du bois et du coton, et qu’on appelle la cellulose. Ces derniers caractères anatomiques et physiologiques ne sont pas particuliers aux Salpes ; ils appartiennent au groupe tout entier des Tuixi-ciers, dont les Salpes font partie, et dont l’histoire présente bien d’autres faits étonnants. Il y a peu de Tumeiers qui vivent ainsi librement dans la mer : près des Salpes viennent se placer de petits animaux que leur forme en barillet a fait désigner du nom de Doliolum et qui sont toujours solitaires, bien que chez eux trois ou quatre générations de forme différente se succèdent avant que l’on revienne
- au point de départ. Les Appendiculaires (fig. 2) vivent aussi isolément, mais transportent constamment avec elles une (dégante habitation d’une transparence parfaite et d’un volume énorme relativement a celui de 1 animal qui s’y loge. Celui-ci se tient au centre; de sa demeure et nage capricieusement à l’aide «I es mouvements ondulatoires d’une longue queue en forme de rame dont il est pourvu. Qu’un poisson en quête de proie se jette sur lui, aussitôt il abandonne sa maison à l’ennemi,et d’un vigoureux coup d’aviron, s’élance dans la mer, où il s’est, bientôt refait un nouvel abri. Les Pyrosomes vivent, au contraire, constamment en sociétés; leur nom, tiré du grec, veut dire corps de feu. A certaines époques, leurs sociétés répandent en effet pendant la nuit une lueur comparable à celle d’un fer rouge; elles sont assez communes dans la Méditerranée : toutes ont une forme constante, celle d’un manchon fermé à l’une de ses extrémités, ouvert à 1 autre, dont 1 orifice est rétréci par un anneau membraneux semblable au vélum des Méduses. Les animaux, assez semblables à de petites Salpes, sont rangés dans la paroi du manchon de telle façon que l’axe de leur corps soit perpendiculaire à cette paroi. Comme dans les colonies de Bryozoaires, les divers individus sont très nettement distincts les uns des autres ; mais de même que nous avons vu dans les Siphonophores, parmi les Polypeshydraires, dans les Pennatules, parmi les Coralliaires, dans les Cristatelles, parmi les Bryozoaires, la colonie libre, formée d’individus relativement indépendants, prendre à son tour une réelle individualité, de même nous voyons le Pyrosome, colonie de Tunieiers, prendre une forme bien déterminée, tandis qu’une coordination évidente s’établit entre les actions des différents membres de la société.
- Celle-ci peut se contracter d’un bloc, et il suffît de toucher l’un de ses membres pour que tous les autres lancent en même temps que lui un éclair lumineux. Nous voyons donc le même mode d’existence produire des effets analogues dans les groupes les plus différents du règne animal, et nous sommes en droit d’énoncer cette proposition générale : Toutes les fois qu'une colonie cesse d'être fixée au sol, elle tend aussitôt à prendre un caractère individuel. Chez les Tunieiers, comme dans les autres types, le contraste est frappant entre les colonies libres, comme celles des Pyrosomes, et les colonies fixées, qui sont la règle générale. Ce mode d’exis-ten.-c est du reste tellement fondamental chez les Tunieiers, que l’on est en droit de se demander si les Salpes et les Pyrosomes ne sont pas des Tunieiers primitivement fixés revenus à la liberté, et si la fixation au sol n’a pas été la cause déterminante qui a produit le Tunicier à l’aide d’un organisme plus ou moins voisin des Appendiculaires.
- Les Tunieiers fixés sont généralement connus sous le nom d’Ascidies. Ils abondent sur un grand nombre de plages, où ils couvrent souvent la face inférieure des pierres et les anfractuosités des ro-
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- LA NATU UK
- chers. Un certain nombre d’Àscidies sont toujours solitaires et quelques-unes peuvent atteindre la grosseur du poing; leur corps paraît absolument informe et l’on peut à peine y distinguer deux orifices plus ou m uns voisins par l’un desquels on voit jaillir, lorsque l’animal est inquiété, un mince et vigoureux jet d’eau de mer. Quand l’Ascidie est tranquille, ces orifices se dilatent; au-dessous d’eux s’allongent des tubes membraneux évasés en entonnoirs, à bords élégamment découpés (lig. 3, n° 1, A, B) : ce sont les siphons, dont, la ressemblance
- avec ceux d’un mollusque bivalve, d’une Vénus, par exemple, est frappante. Si l’on observe avec attention, et surtout si l’on a soin de jeter une poudre colorée au-dessus de ces siphons, on reconnaît sans peine que par l’un d’eux entre constamment dans l’animal un courant d’eau de mer, tandis qu’un courant semblable s’échappe par l’autre; il y a donc lieu de distinguer un siphon afférent et un siphon efférent. Ces siphons se distinguent du reste facilement l’un de l’autre par diverses particularités anatomiques. Le siphon af-
- 1
- Fig. 1. Fig. 2.
- Fig. i. — Sali'es. — 1, Salpa miicronala. N" 2, Snlpa democralica (forme solitaire et forme sociale d'une même espèce).
- NT° 3, colonie de Salpa pyramidalU. — Fig. 2. — Appemjicumires. — NM, Oikopleura cophocerca, Gegcnbnur, avec sa coquille; t, ouvertures de la coquille. N” 2, organisation de VOikopleura dioica, vue de dos. N" 3, Oikopleura cophocerca, vue de profil (d’après Hermen Fol),
- forent s’ouvre dans une vaste chambre à parois découpées de mille manières différentes, percée dans le cas le plus simple d’une multitude d’orifices en forme de boutonnière, sur les bords desquels battent une multitude de cils vibratiles. Ce sac peut être considéré comme un appareil respiratoire ; on lui donne en conséquence le nom de branchie (fig. 4, n° 1, Br). Les battements des cils de la hranchie attirent l’eau dans le siphon afférent : cette eau traverse les orifices en boutonnière de la hranchie, tombe dans une poche qui enveloppe celle-ci et qui n’a elle-même qu’un orifice extérieur, celui du siphon efférent; comme l’eau sans cesse attirée dans
- la hranchie ne peut s’accumuler indéfiniment dans la poche qui l’enveloppe, elle s’échappe par l’orifice du siphon efférent, et forme ainsi un contre-courant correspondant au courant qui amène l’eau dans la branchie. Au fond de la hranchie, à l’opposé de l’orifice du siphon afférent, se trouve la bouche qui conduit dans un intestin recourbé en forme d’anse et dont l’autre extrémité vient s’ouvrir dans la poche qui entoure la branchie. Dans cette poche, viennent également s’ouvrir les conduits des glandes de la reproduction, de sorte qu’on voit souvent le coffrant afférent entraîner au dehors tout à la fois les résidus de la digestion et les éléments reproduc-
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- LA NATURE.
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- teurs, et même dans les espèces qui couvent leurs petits, de jeunes larves d’Ascidies. Le corps de l’animal est lui-même un simple sac membraneux, de
- l’orme ovoïde, ne présentant que deux orifices, ceux des siphons, laissant voir dans son épaisseur des bandes musculaires très apparentes et recouvert sur toute
- Fig. 5. Fig. 4.
- Fig. 3. — Diverses formes d’Ascidies simples. — .V 1, Moli/iila (Anurella) solenota, Lacaze-Duthiers. X° 2, Boltenia ovigera, Savi-gnv. N'“ 3, Chevreulius callen&L*, Lacaze-Duthiers, sorte d'Ascidie bivalve. — Fig. 4. — N° 1, anatomie de l’Anurella Roscovüa. Dr, brancliie; II, son orifice extérieur. La chambre cloacale est ouverte, et l’on voit sur ses côtés rabattus les glandes de la repro duclion o, t, o'. X" 2, fragment de brancliie de la Molqula cchinosiphonica.
- Fig. b. — Ascidies composées. — Amarouque argus et Botrylltis violaceus.
- sa surface de celte substance semi-transparente analogue à la cellulose qui forme une nouvelle enveloppe très irrégulière, très épaisse, résistante comme du cartilage et à laquelle on donne le nom de tu-
- nique. C’est l’existence de cette tunique qui a valu aux Tuniciers la dénomination générale par laquelle on les désigne. Sans qu’on puisse la considérer comme absolument vivante, la tunique est par-
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- LA NAT (IB K.
- courue par un riche réseaVi vasculaire souvent apparent à l’œil nu. C’est par sa tunique que l'Ascidie est fixée au sol. Dans un groupe remarquai)]e, celui des Mol gui es (fig. 5, n° 1), qui a fourni à M. de Lacaze-Duthiers le sujet de magnifiques mémoires, la tunique n’adhère pas au sol, mais elle est couverte de villosités qui agglutinent autour d’elle une quantité île grains de sable, de petits cailloux, de débris de coquille; l’animal vit enfoncé dans le gravier; il n’a pas échappé pour cela à l’attention des gens de mer, qui le désignent sous le nom expressif d'œuf de sable. Les Ascidies solitaires forment la famille des Ascidies simples. Plusieurs d’entre elles possèdent la faculté de se reproduire, par bourgeonnement, et quelques-unes, les Clavelines et les Pérophores, par exemple, vivent en petites familles dont les membres sont maintenus en communauté par les communications qui s’établissent entre leur appareil circulatoire, tous les autres appareils demeurant parfaitement distincts. M. Milne-Edwards a appelé ces Ascidies, des Ascidies sociales ; mais, quand on examine d’autres groupes, on voit la vie sociale devenir de plus en plus intime. Les tuniques des différents individus se soudent, se confondent de manière que ceux-ci, enveloppés dans une masse commune, ne sont plus distincts à l’extérieur que par les orifices de leurs siphons; les Ascidies sociales sont désormais devenues des Ascidies composées. Dans les colonies aux formes généralement très irrégulières qu’elles constituent, les branchies, les tubes digestifs, les cœurs et autres organes des divers individus, demeurent parfaitement distincts; mais il se fait une fusion des siphons efférents et des chambres qui leur correspondent, de sorte qu’un seul tube d’expulsion suffit pour porter au dehors les matières rejetées par un certain nombre d’individus. Nous avons vu que si l’eau était appelée dans la branchie par le battement des cils qui la recouvrent, elle était expulsée d’une façon toute passive, simplement en raison de l'afflux d’une quantité d’eau nouvelle ; l’eau ambiante oppose une résistance au courant de sortie, il y a donc avantage à ce qu’un certain nombre d’individus s’unissent pour vaincre cette résistance, et telle paraît être l’origine de cette singulière disposition. Lorsque la colonie peut s’accroître dans toutes les directions, comme cela arrive chez les Amarouques (fig. 5, n° 1), par exemple, elle est parcourue par des canaux plus ou moins ram eux, dans lesquels viennent se réunir les courants efférents des divers individus, un petit nombre d’orifices font communiquer ces canaux avec l’extérieur. Lorsque les colonies ne s’étendent qu’en surface, comme celles desBotrylles (fig. 5, n°2), les divers individus tendent à se grouper en rayonnant, de manière à former autour de l'orifice commun une étoile à plusieurs branches. Nous voyons donc la cause qui avait déterminé la forme rayonnée des Po-l\pcs coralliaires produire encore ici une forme analogue à l’aide d’organismes tout différents. Chaque étoile de Botrvlle est un animal rayonné au même
- titre que chaque Polype eoralliaire, seulement dans un cas les rayons de l’étoile sont des Ascidies, dans l’autre des Hydres.
- Nous sommes ainsi conduits à formuler cette autre loi : Toutes les fois que des animaux vivent en colonies fixées qui ne peuvent s'étendre qu'en surface, ils tendent à se grouper de manière à constituer des organismes rayonnés.
- M. Milne-Edwards a nommé Ascidies composées celles qui se réunissent ainsi en colonies compactes.
- Ces Ascidies appartiennent elles-mêmes à trois types bien distincts : les Polyclmiens ont un corps allongé divisé en trois parties bien distinctes correspondant à la branchie, à l’intestin et aux glandes reproductrices; chez les Didernniens, les deux dernières parties ne constituent plus qu’une seule masse, enfin chez les Botrylliens tous les viscères viennent s’applique)' contre la partie postérieure de la branchie, de sorte que le corps ne forme plus qu’une masse unique. Le degré d’organisation de ces animaux est trop élevé pour que la division du travail les fasse redescendre, comme les Hydres, au rang d’organes. En général, dans une colonie d’As-cidies, malgré quelques différences de forme, tous les individus sont équivalents, mais l’individualité des groupes secondaires qui se forment dans la colonie s’affirme nettement par les mouvements d’ensemble qu’exécutent les siphons communs, par les sensations communes qu’éprouvent tous les individus groupés autour d’un même siphon, enfin par le fait que ces groupes se montrent toujours constitués de la même façon dans les colonies d’une même espèce.
- Si dans une saison convenable, l’on vient à conserve)' quelque temps une colonie d’Amarouque, on ne tarde pas à voir s’échapper des siphons efférents de petits êtres fort agiles ayant à peu près exactement la forme d’un têtard de grenouille qui n’aurait que 2 ou 5 millimètres de long. Ce têtard nage quelque temps à l’aide de sa queue large et comprimée; puis il se fixe la tête en bas au moyen de trois ventouses, dont la partie antérieure de son corps est pourvue, sa queue se résorbe et l’on reconnaît bientôt que le têtard transformé n’est autre chose qu’une jeune Ascidie. Le plus grand nombre des Tuniciers revêtent à la sortie de l’œuf cette forme de têtard, et l’on peut considérer les Appendiculaires comme demeurant toute leur vie à cet état. Il faudrait d’ailleurs se garder de croire que le têtard des Ascidies soit un être inférieur; il possède un système nerveux, des organes, des sens el un appareil de locomotion qui le mettent au-dessus des Ascidies elles-mêmes : tant et si bien qu’au lieu de placer les Tuniciers parmi les Mollusques, au-dessous des Huîtres, comme on le faisait lorsqu’on ne connaissait que l'animal adulte, beaucoup de naturalistes les placent tout près des Vertébrés depuis qu’on connaît le mode de développement et l'organisation de leur têtard : Les Tuniciers sont pour eux les ancêtres invertébrés des Vertébrés.
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- LA NATUI»K.
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- Nous aurons à discuter un peu plus tard la valeur de cette assertion; mais dès à présent, il importe de bien établir que le têtard des Ascidies par le fait même de sa fixation, subit une dégradation organique considérable et que ce mode d’existence retentit profondément sur tout l'organisme de l’animal. L’Ascidie adulte est donc profondément déviée de son type normal : le type Tunicier doit son existence à ce fait qu’un animal d’un autre type s’est fixé aux corps sous-marins à une certaine période de son existence. Le type, primitif est représenté par le têtard incontestablement très élevé déjà dans son organisation; mais la plus grande partie de la vie de l’animal se passe sous la forme ascidie; c’est sous cette forme qu’il se reproduit, et cette forme tend à se développer de plus en plus vite aux dépens du têtard. Dans certains cas, chez les Pérophores, par exemple, on voit la métamorphose commencer avant que le têtard se soit fixé, ce qui arrive, du leste, très rapidement; enfin, la forme adulte tendant à se constituer de plus en plus rapidement, les plus élevées des Ascidies simples, les Molgules, sortent de l’œuf avec leur forme définitive, comme l’a montré M. de Lacaze-Duthiers. Le type Tunicier s’étant définitivement assis, elles ont pu redevenir à peu près libres sans faire pour cela retour au type primitif; il en a été de même des Salpes et des Pyrosomes, qui sont également dépourvues de têtard, et qui ont définitivement reconquis leur liberté. Nous retrouverons dans les mêmes conditions des faits exactement de même ordre dans d’autres parties du règne animal.
- Edmond Perrier,
- Professeur-administrateur au Muséum
- d’histoire naturelle.
- — La suite prochainement. —
- DE L’APPLICATION DE LA LUMIÈRE ÉLECTRIQUE AUX
- THÉÂTRES, ET PARTICULIÈREMENT AU GRAND OPÉRA
- Si l’on cuit et si l’on étouffe en tous temps —• et plus particulièrement en ces jours sénégaliens — dans nos salles de théâtre, dont l’aération est encore si désespérément défectueuse; si celles-ci, véritables fournaises, sont absolument inabordables en cette saison, c’est bien par la' faute de ces lustres maudits à flammes de gaz qui rayonnent une si énorme quantité de chaleur, qui vicient et surchauffent l’atmosphère en lui enlevant sa partie res-pirable et en y déversant une masse considérable de gaz acide carbonique et de vapeur d’eau à température extrêmement élevée.
- Et encore si leurs grands renforts de flammes ardentes et asphyxiantes éclairaient suffisamment, mais elles ne réussissent, en dédommagement, qu’à verser dans la salle, transformée par elles en une vaste étuve, cette lumière jaune, terne et mélancolique, que nous ne connaissons que trop.
- Voyez plutôt, la salle du grand Opéra !
- Mais bientôt, espérons-le, le réjouissant éclairage de
- la place de 1 Opéra s’étendra jusqu à l’intérieur de la magnifique salle de M. Ch. Garnier.
- Pourquoi tarde-t-on, en effet, à appliquer la lumière électrique à l’éclairage de l’Opéra et des autres grandes salles de théâtre, maintenant qu’on est arrivé à la bien régler et à la diviser suffisamment? Est-ce parce qu'on ignore encore les nombreux avantages de cette applica-cation ? Rappelons-les, alors!
- D'abord, avec l’éclairage par l’électricité, les spectateurs n’auront plus à subir de cuisson lente, car les foyers électriques, bien que leur flamme ou arc voltaïque possède une température défiant toute évaluation, rayonnent, en réalité, le minimum de chaleur avec le maximum de lumière, et sont, relativement à leur pouvoir éclairant, beaucoup moins échauffants que les flammes de gaz, qui émettent tant de radiations calorifiques et si peu de vraies radiations lumineuses.
- La lumière électrique étant provoquée avant tout par le passage du courant, la combustion des charbons est tout à fait accessoire, et le gaz acide carbonique qui en résulte est en quantité absolument insignifiante. Par l’emploi des lustres électriques, vous n’avez plus cette masse prodigieuse de produits de combustion aussi gênants par leur haute température que par leur nature asphyxiante : donc, plus rien de cette chaleur suffocante dont nous avons souffert jusqu’ici, plus d’oppression ni d’asphyxie, plus de ces mauvaises odeurs inséparables de l’emploi du gaz ; en outre, plus de ces ventilations supplémentaires parfois si traîtresses.
- Ainsi, tous les avantages hygiéniques, tout le confortable désiré, et, par surcroît, une lumière douce, allègre, rivalisant avec le jour, un véritable éclairage a giorno.
- Alors, la somptueuse décoration de la salle de M. Eh. Garnier apparaîtra dans toute sa magnificence.
- Et l’escalier d’honneur ! et le grand foyer public ! Quel éclairage plus digne de leurs splendeurs et plus capable de les faire valoir! Sans compter que les belles compositions de Baudrv cessant — trop tardivement, peut-être — de roussir et de s’enfumer, pourront enfin sortir de l’obscurité sacrilège qui les enveloppe.
- Tout, enfin, dans notre grand Temple musical, revêtira son véritable aspect. Les innombrables motifs d’ornementation révéleront toutes les richesses de leurs détails ; les peintures allégoriques recouvreront toute leur chaleur de ton ; aucune des beautés sans nombre de ce palais féerique, orgueil de notre grande cité, aucune des splendeurs accumulées de ce digne sanctuaire du grand art ne pourra échapper à l’avidité des regards. Nos deux sens les plus élevés n’auront rien à envier l’un à l’autre ; ils seront également satisfaits, et l’émotion éveillée par l’impression auditive sera continuée par le charme de l’impression visuelle.
- Sans compter qu’à tous les avantages hygiéniques et esthétiques dont nous venons de parler, se joindrait, du même coup, celui d'une sécurité absolue : en effet, plus d’explosions à craindre, et une chance trop fréquente d'incendie évitée.
- Ajoutons qu’avec la lumière électrique, les réparations seront bien moins souvent nécessaires, puisque l’excessive chaleur, le noir de fumée, les émanations sulfureuses et ammoniacales, etc., étant supprimés en même temps que le gaz d’éclairage, il n’y aura plus de détérioration des peintures, des tentures et des dorures.
- A quand donc l’application de la lumière électrique à l’éclairage du grand Opéra et de toutes nos salles de théâtre? E. Vignes.
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- LA NATURE.
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- LÀ TÉLÉGRAPHIE SOUS-MARINE
- LE SYPHON RECORDER DE SIR WILLIAM THOMSON
- La télégraphie sous-marine se présente avec des difficultés considérables; elles n’ont été vaincues que grâce aux longs et persévérants efforts d’un grand nombre de savants, d’ingénieurs et de capitalistes. Les insuccès des premières tentatives pour la pose des câblesl, et la lenteur primitive des transmissions, pouvaient rendre l’affaire absolument infructueuse ; mais les perfectionnements obtenus par sir William Thomson ont heureusement tout transformé.
- Un câble sous-marin se présente en effet avec des qualités spéciales qui empêchent l’emploi des appareils ordinaires, Morse,
- Hughes, Mayer, Baudot, au delà d’une certaine longueur.
- Lorsqu’on met un câble électrique en communication avec une pile, le courant qui le traverse ne prend pas instantanément l’intensité qui correspond à la puissance de la pile et à la résistance totale du circuit. Nous nous contenterons de signaler la cause de ce fait, qui est dû à la capacité électrostatique du câble, capacité qui est fonction de sa longueur, de sa forme, de sa grosseur et de la nature des matériaux qui le composent.
- Un exemple numérique fera bien voir avec quel retard se propage le courant dans une ligne sous-
- Fig. 1. Svplion recorder do sir William Thomson.
- marine, celle qui relie l’Angleterre à Terre-Neuve, par exemple.
- Lorsqu’on envoie un courant dans ce câble, deux dixièmes de seconde après l’instant précis du contact, aucun appareil, même le plus délicat, ne peut, à Terre-Neuve, être influencé par ce courant. Quatre dixièmes de seconde après l’émission, le courant atteint les sept centièmes de l’intensité maximum qui lui correspond ; en une seconde, il atteindra environ cinquante pourcent et mettra plus de trois secondes à obtenir son intensité normale.
- Sur le câble français, dont la capacité et la longueur sont plus grandes, il faudrait huit secondes pour que le courant atteigne ce maximum. Dans ces conditions, pour transmettre un mot par traits et points au moyen d’un appareil Morse, il faudrait
- 1 On trouvera le récit de ces courageux travaux dans la Nature de 1874 (2e semestre).
- deux minutes; la transmission se réduirait à trente mots par heure, ce qui obligerait à mettre les dépêches à un prix inabordable, eu égard au capital engagé, à l’amortissement, etc., etc. Il en résulte donc que les émissions de courant doivent se succéder plus vite et que, par suite, le courant n’a pas le temps de prendre son intensité normale au bout de la ligne.
- Actuellement, on peut télégraphier par un câble quinze à dix-sept mots par minute, la durée du courant correspondant à un point ne dépasse pas vingt-sept centièmes de seconde, et l’intensité au bout du câble, après ce temps, est souvent moindre que 1/1000 de celle que prendrait le courant permanent une fois le régime établi. D’autre part, les courants successifs envoyés sur la ligne réagissent les uns sur les autres; ils se superposent comme le feraient des ondes liquides, de telle sorte que l'intensité correspondant à un signal donné dépend souvent des vingt ou trente émissions de courant précédentes. Une émission régulière de courants faite par le poste expéditeur se traduit au poste récepteur par une série irrégulière de signaux.
- Il est impossible à un appareil Morse de fonctionner dans ces conditions, et il en est de même pour tout appareil dans lequel il faut une intensité donnée pour mouvoir une palette ou une armature.
- Le galvanomètre à miroir de sir William Thomson a résolu tout d’abord la question L
- Le rayon lumineux, en se mouvant devant l’échelle, suit toutes les variations de l’intensité du courant, et les employés ont bientôt acquis l’habileté nécessaire pour interpréter tous ses mouvements, si irréguliers en apparence.
- Le
- deux graves inconvénients; il ne laisse pas de trace matérielle des signaux envoyés, et l’employé chargé d’interpréter les messages par les mouvements du rayon lumineux, éprouve au bout de peu de temps une grande fatigue qui occasionne souvent de nombreuses erreurs et des répétitions qui sont une perte de temps, contribuant à diminuer dans une certaine proportion le débit de la ligne.
- Le syphon recorder de sir Wr. Thomson, que nous allons maintenant décrire, résout ces difficultés en
- 1 Voy. ta Nature, n° 75 du 7 novembre 1874.
- galvanomètre à miroir présente cependant
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- LA NAT U HE.
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- tracant, sur une bande de papier qui se déroule, une courbe continue qui n’est autre chose que la représentation matérielle de tous les mouvements de l’appareil sous l’influence des courants envoyés par le poste expéditeur, cette courbe représentant à chaque instant l’intensité du courant qui traverse l’appareil au poste récepteur. L’employé n’a donc qu’à lire les signaux et à les transcrire, non plus à l'instant même où ils se produisent, mais à tète reposée, en caractères conventionnels dont il possède bien vite la clef. La courbe continue est tracée sur la bande o (fig. 1) par l’extrémité d’un tube de verre extrêmement fin n, rempli d’encre d’aniline puisée dans un réservoir m. Ce tube est déplacé à l’aide des fils k et h et du levier i par une bobine très légère bb placée entre les deux pôles d’un électro-aimant puissant non représenté figure \.
- Un noyau fixe de fer doux a est placé à l’intérieur de la bobine bb suspendue en d par les fils c et dirigée par les deux fils f, f1, qui supportent les poids iv, w. La bobine se meut en tournant autour d’un axe vertical dans le champ magnétique de l’électro-aimant suivant le sens du courant qui la traverse. Les fils A et A: p y
- sont maintenus tendus Fig
- par le ressort g; le
- tube cracheur d’encre repose sur un fil //, à l’aide d’une petite gouttière en papier collée contre ce fil Avec cette disposition, les masses en mouvement étant très faibles, il n’y a presque pas d’inertie à vaincre, ce qui donne au svstème une très grande 3
- «j O
- sensibilité.
- L’électro-aimant entre les
- pôles duquel se trouve la bobine bb est alimenté par une pile spéciale placée au poste récepteur. Cette pile, combinée pour cet usage par sir W. Thomson, n’est autre chose qu’une pile Daniell à grande surface, donnant par suite beaucoup de quantité. Elle sert aussi à mettre en mouvement un petit moteur électrique placé au-dessus du syphon recorder, et dont la fonction est double. Ce moteur sert au déroulement uniforme de la bande de papier o et sert aussi à électriser l’encre contenue dans le syphon m. Pour cela, il met en mouvement une machine de Holz en miniature, et le flux d’électricité produit par cette machine ne trouvant d’autre écoulement à la terre que le tube n, provoque un transport et un écoulement
- 2. Diagramme du montage des transmissions avec le syphon reeorder.
- f 3
- e s o) n, s t a p p i n, y Fig. 4. Message transmis par le syphon recorder.
- de l’encre du réservoir m à travers le tube. Il n’est donc pas nécessaire que l’extrémité du tube touche la bande o ; elle en est éloignée de quelques millimètres et l’encre est projetée sur le papier en gouttes fines et nombreuses qui forment un trait continu; la largeur de la bande de papier ne dépasse pas 18 millimètres.
- La figure 2 représente la disposition employée dans les transmissions sous-marines avec le svphon recorder. On voit que le courant de la pile n’est pas envoyé directement dans la ligne. L’idée d’interposer des condensateurs est due à M. Yarley; ces
- condensateurs se composent d’un grand nombre de feuilles d’étain superposées séparées par du mica ou de la paraffine et reliées entre elles comme les condensateurs des bobines Ruhmkorff. La ligne L est attachée aux armatures isolées N et n de deux grands condensateurs. Au poste expéditeur, la seconde armature est attachée à une clef K qui permet de la faire communiquer avec la pile CZ ou avec la lerre E; au poste récepteur, la
- seconde armature du condensateur est reliée à la terre par l’intermédiaire de la hobine II du syphon recorder.
- En appuyant sur la clef K, M est relié au pôle positif, N devient négatif par induction, un courant s’établit de N en n; n devient positif et m négatif par induction, et pour effectuer cette charge, un courant de faible durée s’établit de m à la terre E à travers la bobine R, faisant le signal voulu dans une certaine direction. Le courant commence brusquement, peu intense, et s’affaiblit ensuite graduellement; on peut accélérer son affaiblissement en lâchant la clef et en plaçant M à la terre par le contact R.
- On envoie un signal négatif en reliant M au zinc de la batterie au lieu de le relier au cuivre. 11 ne s’établit donc pas dans la ligne de courant proprement dit, mais seulement une série d’inductions produites par la charge des condensateurs dans un sens ou dans l’autre, et ces inductions se traduisent par une série d’impulsions dans un sens ou dans l’autre, qui dévient la bobine du syphon recorder.
- L’envoi de courants alternativement de sens contraire se fait à l’aide d’une double clef non repré sentée sur la figure 2.
- Grâce à la disposition de M. Yarley, le courant
- J
- 'imiejj tasui
- Xlphabet du syphon recorder
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- LA JN À T Li I! E.
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- reçu par l’instrument H n’augmente jamais au delà de celui que produit le premier signal ; la course de la bobine est donc limitée, ce qui permet de limiter aussi la largeur de la bande de papier. La figure o représente l’alphabet et la figure 4 un message transmis par le condensateur et le syphon recorder.
- La vitesse de transmission pour un cable transatlantique ou un câble de longueur égale, soit avec le galvanomètre à miroir, soit avec le svphon recorder, varie entre quatorze et dix-huit mots par minute.
- Il nous reste à dire quelques mots d’une invention nouvelle qui a permis, pendant ces dernières années, de doubler le débit des câbles sous-marins en les disposant en duplex.
- Nous avons exposé brièvement, dans la Nature du 27 décembre 1871), les piincipcs d’un appareil permettant de transmettre simultanément deux dépêches en sens contraire par le même fil. Le système, tel qu’il a été représenté, Fonctionnerait parfaitement avec des lignes de peu de longueur. Pour des lignes plus longues, il s’introduit des difficultés provenant de la capacité statique du cable, des phénomènes d’induction, etc., toutes causes qui compliquent le problème. Sur les câbles sous-marins, les difficultés étaient encore plus grandes eu égard à la longueur et à la nature du conducteur.
- Après de longues recherches, de nombreuses et difficiles expériences faites depuis plus de quinze ans par MM. C. Yarlev, de Sautv, Herbert, A. Tavlor et Muirhead, la solution est complète.
- Le câble d’Aden à Bombay,duplexé—le mot tend à passer dans la langue — par le système de M. Muirhead, présente une longueur de 1817 knols (5600 kilomètres); en employant comme récepteur à chaque bout le syphon recorder de sir AV. Thomson, chaque poste peut transmettre cent lettres par minute, soit un total de quarante à quarante-cinq mots par minute. Le débit du câble duplexé est ainsi plus que doublé, parce qu’on évite chaque fois la perte de temps causée par les avertissements et les changement de communication, suivant que le poste doit recevoir ou expédier. Avec un duplex, le câble est toujours prêt à recevoir ou à transmettre.
- Pour un long câble dont l’intérêt du capital engagé et l'amortissement représentent cinq francs par minute et même davantage, on voit que si la vitesse de transmission n'avait pas dépassé un mol par deux minutes, il aurait été impossible de faire payer moins de quinze francs le mot.
- Le galvanomètre à miroir, le syphon recorder et enfin le fonctionnement des câbles en duplex constituent trois inventions sans lesquelles la télégraphie sous-marine n’aurait pu rendre de services sur les longues lignes. En 1866, le mot coûtait 26 francs, en 1870, il s’était abaissé à 5 fr. 75. Avec les appareils rapides et un trafic considérable résultant de l’abaissement du tarif, il sera possible de maintenir le prix de soixante centimes par mot, prix
- actuel que la concurrence seule nous a permis de connaître et que les progrès de la science nous permettront peut-être de garder.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 50 août 1880. — Présidence de M. Wuutz, vice-président.
- Inauguration de la statue de Denis Papin à Blois.— M. de Lesseps avait été chargé de représenter l'Académie à cette solennité, et il vient rendre compte de sa mission. L’accueil le plus cordial lui a été fait non seulement par les autorités, mais aussi par la population ; il a lu un discours dans le but de démontrer que Denis Papin était le véritable inventeur des machines à vapeur. M. de Lesseps, qui au temps du percement de l’isthme de Suez, faisait annuellement 10 000 lieues en chemin de fer ou en bateau à vapeur, a, pour son compte, beaucoup de reconnaissance pour le vieil inventeur, et cherche, dans ce discours, à faire bien nette la grande part de gloire qui revient à Papin ; il énumère ses travaux et ses inventions : de 1674 à 1704, travaux sur la machine pneumatique; 1711, invention du digesteur; 1689, invention d’un appareil l’u-mivore; 1681, soupape de sûreté; 1695, machine de rotation, condensateurs, adaptation de deux corps de pompe; 1698, principe des machines à haute pression, chariot traîné par une machine à vapeur; 1704, construction d’un bateau à vapeur; 1707, lancement à l’eau de ce bateau qui, on le sait, fut brisé peu de temps après par une populace stupide; cette liste, qui cependant n’est pas complète, est, on le voit, assez éloquente.
- Physique solaire.— Une protubérance d’une dimension extraordinaire a été observée sur le soleil ; M. Mouchez lit une courte note sur ce phénomène : vers onze heures, un jet lumineux, mince et très brillant, est apparu sur la partie orientale, près de l’équateur; les dimensions de ce jet se sont accrues très rapidement, tandis que la hase diminuait d’éclat, et sa hauteur a égalé au moins la moitié du rayon solaire ; cette protubérance a été observée au spectroscope et a présenté une particularité assez curieuse' : tandis que la base et la partie moyenne déviaient la raie C, la partie supérieure agissait sur les raies du rouge.
- Physiologie. — On sait que la strychnine donne la mort par asphyxie : le poison agit d’abord sur le système nerveux central, puis, par cet intermédiaire, sur les organes de la respiration. M. Richcr a fait des expériences desquelles il croit pouvoir déduire qu’il se produit deux sortes d’asphyxie : si sur des animaux empoisonnés par la strychnine, on pratique la respiration artificielle, le sang des artères reste noir; il n’en est plus de même si l’on prévient le tétanos; il y aurait donc asphyxie : l°par la suppression des mouvements des poumons ; 2° par le surcroît d’acide carbonique produit dans les violentes contractions musculaires qu’occasionne le tétanos.
- Après quelques observations de M.Chevreul sur le rôle des alcalis dans l’absorption de l’oxygène par le sang, la séance est levée. 11 est quatre heures moins le quart; vraie séance de vacances, comme on voit.
- Stanislas Meunier.
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- I.A ISA TIRE.
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- MÉTÉOROLOGIE DE JUILLET 1880
- L’année 1880 ne présente pas peur l’été les caractères excessifs que nous avons signalés en hiver, l'ne chaleur très forte fut cependant ressentie à la lin du printemps : le 126 mai, la température atteignait déjà 52° ,2 à Paris, supérieure de 58° au minimum de l’hiver; mais cet excès ne s’est pas maintenu, et juillet, à ce point de vue, diffère peu de la normale.
- Le courant équatorial a dominé, mais les courants polaires se sont montrés cependant quelques jours pendant chacune des trois décades, et aucune d’elles n’a été sans pluie dans le versant nord de la France, tandis qu’au sud on recueillait seulement 25 millimètres d’eau en quatre jours à Avignou, et à Nice,
- I millimètre.
- Première décade.— Le baromètre est généralement bas dans le nord, élevé dans le sud-ouest et le sud de l’Europe. Les dépressions passent surtout dans les régions septentrionales : on en compte quatre. La plus remarquable, apparue le 5 en Ecosse, se trouve le 4 au sud-est de la mer du Nord, où elle est indiquée par la courbe 755 millimètres; le 5, elle est au nord du Danemark, puis disparaît en Norvège.
- Les orages sont fréquents en France.— Le 2 nue trombe d’eau est signalée dans la Loire à Feurs. — Le 7, dans l’Ain, plusieurs personnes sont renversées par la foudre; dans l’Aveyron, deux hommes sont tués à Laissac.— Le 8, les orages sévissent dans la région des Alpes et près du golfe du Lion. — Le 9, ils atteignent les Alpes, le Centre et le Nord. Soixante et onze moutons sont tués dans les Alpes-Maritimes.— Le 10 enfin, les manifestations électriques sont encore signalées dans le nord-ouest, le nord-est et le sud-ouest.
- Deuxième décade. — Le baromètre est généralement élevé sur toute l’Europe et au-dessus de 765 millimètres. La température est haute du 14 au 17, basse le reste du temps.
- Les dépressions sont nombreuses, et généralement de 6e ordre. Les orages prennent une grande importance. — Le 11, ils sont signalés dans le sud-est de la France. Deux personnes sont tuées dans les Ilautes-Alpes. — Le 15, ils sont constatés dans l’ouest, le sud-est et le centre de la France. Ils produisent des dégâts vers Grasse et une personne est tuée dans l’Avevron. — Le 14, les orages commencent le soir à Paris ; ils éclatent également dans le nord-ouest, le centre, l’ouest et le sud-ouest. Dans la Seine-Inférieure, des grêles énormes ravagent la ville de Dieppe et les environs : toutes les récoltes sont détruites, une barque est engloutie. Dans le département du Nord, les dégâts sont évalués à 7 millions. Les ravages s’étendent à la Belgique. Cette même nuit, une explosion terrible de grisou a lieu à Bisca, près de Nevvport, cent dix-neuf mineurs ont péri. — Le 15, ils sévissent encore dans le nord-ouest, le centre et l’ouest. Quatre per-
- sonnes sont foudroyées dans un canal en vue des Sabl es-d’Olonne. L’une d’elles est tuée sur le coup.
- Le 16, les orages éclatent à Paris, dans le nord-ouest et l’ouest. Dans le seul arrondissement de Saumur, la grêle ravage vingt-sept communes. Dans le Maine-et-Loire et dans la Mayenne, deux personnes sont tuées. Dans la Loire-Inférieure, à Nantes, des enfants sont blessés par des grêlons pesant jusqu’à 80 grammes.— Le samedi 17, le nord-ouest et le centre sont ravagés. A Bouen, plus de cinquante arbres sont abattus, quelques-uns sont brisés par le vent à 1 mètre du sol ; il en est de même à Rondeur et dans les environs. A Saint-Etienne-du-Rouvrav, deux cent quatre-vingt-trois pommiers sont arrachés. De grands arbres sont renversés si violemment, que leurs racines se trouvent soulevées à plus de 2 mètres du sol. Les épaves forestières interceptent pendant plusieurs jours les communications sur un grand nombre de routes.— Le 18, les orages passent dans l’est. Ils sont signalés le matin à Belfort, à Neuchâtel, à Bienne; dans l’après-midi, à Lucerne, et vers onze heures du soir à Soleure. Enfin le 19 et le 20 éclatent de nombreux orages dans l’est.
- Troisième décade. — Des pressions barométriques faibles existent jusqu’au 25 dans le nord-est de l’Europe centrale; elles deviennent très basses du 25 au 50, et plusieurs cyclones de 4e ordre venant de la mer du Nord traversent ces parages. Le plus important, limité par la courbe 750 millimètres, occupe le 27 les plaines allemandes et danoises, le 28 la Pologne, et est suivi immédiatement d’un autre de 5e ordre, dont le centre est le 50 au nord du Danemark. De là des pluies torrentielles le 27 vers Leipszick, le 28 sur les versants de la mer du Nord, de la Baltique; de là enfin des inondations en Autriche, sur plusieurs affluents du Danube et sur les fleuves allemands. Dans le bassin de l’Oder, de la Vistule, les dommages sont énormes. L’Oder débordé, ainsi que ses affluents, depuis la frontière autrichienne jusqu’au nord-est de Berlin, détruisent les récoltes, les usines, les ponts, et transforment tout ce pays fertile en un véritable lac. Le même régime survenant encore pendant la première moitié d’aoùt, ruine pour longtemps récoltes et industries sur toute la Prusse orientale.
- Pendant ce temps, des orages violents traversent nos régions.
- Le 25 ils sévissent surtout dans l’est et en Suisse.
- Dans le département du Rhône, la grêle ravage Sainte-Foi-I’Argentière et l’Arbresle. Des grêlons pesaient, dit-on, 200 grammes. En Suisse, sur le lac de Bienne, une sorte de tempête locale éclate le soir. Le yacht le Neptune est saisi par un tourbillon alors qu’il marchait avec un vent d’ouest. Une saute à l’est se produit, et le petit vapeur sombre, entraînant dix-sept personnes; deux ont pu être sauvées. Les quinze autres, coulées avec le bâtiment, seraient, dit-on. à une profondeur de 82 mètres, au milieu du lac, profondeur que
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- CARTES QUOTIDIENNES DU TEMPS EN JUILLET 1880 D'après le Bureau central météorologique de France (Réduction 1/8)
- its ܧ | ™-r' _ 1 ! 76ai^'V ^Tvl r ns« 75v,«r. ^r-v, i i - 5’-C J’S ,
- Jeudi 1 Vendredi 2 Samedi 3 Dimanche 4 Lundi S
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- Mardi 6 Mercredi 7 Jeudi 8 Vendredi 9 Samedi 10
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- Dimanche 11 l.und- *2 Mardi 13 Mercredi 14 Jeudi 15
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- Vendredi 16 Samedi 17 Dimanche l8 Lundi 19 Mardi 20
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- Mercredi 21 Jeudi 22 Vendredi 23 Samedi 24 Dimanche 25
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- Lundi 26 Mardi 27 Mercredi 28 Jeudi 29 Vendredi 30
- les plongeurs ne peuvent encore atteindre. — Le 26, au lac de Thoune, un nouvel ouragan a lieu dans l’après-midi. — Le 30, l’est et le centre sont encore atteints. A Paris, la grêle est forte, la pluie torrentielle, et un effondrement se produit sur le boulevard Saint-Michel.
- En France, presque toutes les journées de ce mois ont donc été orageuses.
- A Avignon, d’après M. Giraud, le maximum de température a été de 57°,9 le 20, tandis que ce jour, il était seulement de 27° à Paris. Le minimum a été de 14° le 2 et le 7. La movenne 24°,3
- est sensiblement égale à la normale des huit dernières années. Il est tombé 25 millimètres d’eau en quatre jours, valeur un peu au-dessus de la normale.
- A Bordeaux, d’après M. Rayet, le minimum a été de 10°,2 le 5, et le maximum de 34° le 19. La moyenne des minima est 14°, celle des maxima 27°. Il est tombé en tout 19 millimètres d’eau. E. Fron.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissanîiieh.
- Imprimerie A. I.alnue, me de Hennis, 9, à Paris.
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- N° 580,
- 11 SEPTEMBRE 18 8(1.
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- LES PONTS DE L’ANCIEN C VAIDODGE
- On sait qu’à une époque qui n’a pas encore été déterminée d’une façon précise, le Cambodge s’est couvert de monuments grandioses, dont les ruines excitent aujourd’hui l’admiration des voyageurs et des artistes.
- Le Cambodge, bien différent alors de l’état de sauvagerie où nous le voyons de nos jours, possédait un gouvernement actif et vigilant; une administration bien organisée prenait soin d’entretenir d’une façon permanente les voies de communication qui reliaient les villes fortes et les centres de pèlerinage.
- I Tout ce pays est sillonné d’anciennes chaussées,
- | qui traversent comme de véritables collines artifieiel-; les les immenses marais si répandus dans celte partie de l’Asie tropicale. Aujourd’hui, la forêt a reconquis son empire, les jungles ont escaladé les routes etcomblé les fossés d’écoulement. De place en place, on trouve encore, le long des anciennes voies, de grands bassins carrés, parfois remplis d’une eau profonde et limpide, et qui servaient de réservoirs pour abreuver, dans la saison sèche, les hommes avec leurs buftles et leurs zébus, ou leurs caravanes d’éléphants. Bien souvent aussi, ces sras ou bassins ont été comblés peu à peu et sont transformés en rizières ou en bourbiers infects.
- l'ont de Tuc-Tio, dans le Cambodge (d’après un croquis de M. le docteur J. Harmand).
- Ces chaussées et ces bassins représentent une somme certainement considérable d’efforts et de travail ; mais les vieux ponts ruinés que l’on découvre çà et là, frappent bien davantage l’imagination : leur aspect de vétusté, le paysage sauvage qui les environne, les arbres qui ont pris possession du tablier disjoint, le contraste de couleurs et de tons, entre les assises d’un brun noirâtre, les bancs de sable jaune de la rivière, et les bouillons argentés des eaux, tout contribue à en faire des tableaux d’un pittoresque achevé, bien dignes de tenter le pinceau d’un artiste.
- Je me rappellerai toujours l’admirable spectacle auquel j’ai assisté au pont de Kou-Kân, en janvier 1877. Le soleil se couchait dans un rideau de nuages d’un rouge de feu, réfléchissant ses der-8* aunee. — 2® semeslre.
- niers rayons sur la surface tranquille de la rivière. Le flanc du vieux pont que j’avais en face de moi, tout noir et comme calciné, déjà dans l’ombre du crépuscule, me présentait toutes ses arches étroites, flamboyant comme les bouches d’une fournaise gigantesque. De grands arbres à huile aux rameaux effeuillés, et de belles touffes de bambous, étagés sur chaque berge, formaient le cadre. Quel cadre et quel tableau !...
- Les architectes de cette époque ne connaissaient pas la voûte. Ils avaient recours au procédé primitif de Y encorbellement, chaque pierre dépassant un peu la pierre inférieure : l’arche était complétée par une large dalle.
- Les pierres, très régulièrement taillées, paralléli-pipédiques, et souvent de très fortes dimensions,
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- sont formées d’un conglomérat ferrugineux, creusé d’alvéoles nombreuses, nommé par les Cambodgiens bai Kriem (riz grillé) et parles Annamites da ông (pierre d’abeilles). Les Fiançais ont pris l'habitude de désigner cette roche sous le nom de pierre de Bien-h >a, le sol de cette province de notre possession de Cochinchine en étant en partie composé. — Le tablier, seul, était revêtu d’un parement et d’un dallage en beau grès limoneux, d’uu grain fin, d’une couleur variant du gris clair au gris foncé, verdâtre ou rougeâtre. Une balustrade plus ou moins ornée, terminée à ses extrémités par la tète dressée d’un naga ou dragon polycéphale, formait un garde-fou d’un aspect décoratif très remarquable.
- Ne connaissant pas le cintie, les ingénieurs ne pouvaient donner k leurs arches qu’une ouverture très faible: en général la surface des piles est sensiblement égale à celle des arches. Il résulte de cette disposition que le passage laissé aux eaux est beaucoup trop restreint, surtout sur des rivières dont le régime est extraordinairement variable, et qui présentent en quelques heures des crues de plusieurs mètres. Pour éviter la destruction subite de leurs ponts, les anciens Khmers, instruits sans doute par l’expérience, eurent recours à un artifice qui prouve du moins qu’ils se souciaient assez peu de ménager le travail et la dépense.
- Afin de n’avoir à lutter que contre un courant affaibli, ils choisissaient un endroit où le lit de la rivière étdt naturellement [dus large qu’a il leurs, et l’élargissaient encore beaucoup en amont et en aval de leur construction ; les berges étaient en outre protégées par de longs escaliers de pierre solidement établis.
- Beaucoup de ces ponts subsistent encore; tous ceux que l’on a trouvés, sont pareils, ne différant que par leur longueur et le nombre de leurs arches. II en est qui supportaient un monument central et des statues. Un certain nombre restent sans doute à découvrir, perdus dans l’épaisseur de forêts et de broussailles sauvages. La plupart sont difficilement praticables, par suite du délabrement du tablier ou de l’effondrement des piles, disjointes par les arbres et les racines. Pendant les crues, les eaux furieuses font un tel vacarme en se brisant contre l’obstacle qui les arrête, que les éléphants, effrayés, refusent de s’y engager, et l’on est forcé de chercher quelque gué aux environs... ou d’attendre la fin de la crue. Les Cambodgiens dégénérés ne trouvent dans ces vénérables débris, témoins des luttes et de la puissance de leurs ancêtres inconnus, qu’une excellente disposition pour capturer sans peine de nombreux poissons. De vastes nasses de rotin et de bambou, placées côte à côte, présentent au courant leur ouverture perfide, au milieu des remous, et fournissent à leurs possesseurs des récoltes toujours renouvelées.
- Les ponts ou les chaussées qui traversent les fossés des villes et des grandes pagodes sont beaucoup plus ornés, parfois tout en grès sculpté d’animaux fan-
- tastiques ; la balustrade est formée de nombreuses statues gigantesques soutenant la queue du grand dragon qui joue dans cette architecture un rôle si important et si multiple. Le musée cambodgien du Trocadéro en possède un spécimen.
- Le pont représenté ci-contre est celui de Tue-Tio, dans la province de Battambang (Cambodge siamois).
- I> J. Harmand,
- Conservateur-adjoint de l’Exposition permanente des Colonies.
- COMPTE RENDU SOMMAIRE
- d’ose
- EXPLORATION ZOOLOGIQUE SOUS-MARINE
- Faite dans le golfe de Gascogne
- PAR LE NAVIRE DE l’ÉTAT (( LE TRAVAILLEUR )>
- Depuis plusieurs années, l’intérêt des naturalistes a été vivement excité par l'étude de la faune des grandes profondeurs de la mer. Bien que, dès 1861, un naturaliste français, dans un Mémoire lu à l’Académie, ait montré que le fond de 1 amer, à 2000 ou 2500 mètres, et sous une pression de plus de 21)0 atmosphères, est habité par des animaux appartenant à des groupes relativement élevés dont les uns étaient restés inconnus et dont d’autres ne différaient en rien de certaines espèces fossiles, bien qu’il ait indiqué l’importance des explorations sous-marines, ces recherches n'ont pas été encouragées en France. Au contraire, en Scandinavie, en Angleterre et en Amérique, des expéditions importantes étaient organisées. Les mers du Nord devenaient l’objet d’études suivies de la part des zoologistes norvégiens et suédois. Les navires anglais le Lightning, le Por-cupine et le Valorous exploraient une partie des mers de l’Europe. Le Challenger accomplissait son voyage de circumnavigation. Le üassler, de la marine des États-Unis, contournait l’Amérique, et le Blake fouillait la mer des Antilles et la région du Gulf-Stream.
- A ce point de vue, nos côtes occidentales restaient presque inexplorées. Cependant les recherches personnelles, entreprises depuis 1869, mais avec des moyens d’action trop limités, dans la Fosse du Cap-Breton, par un naturaliste dévoué à la science, M. de Folin, avaient montré que le golfe de Gascogne fournirait une ample récolte aux zoologistes qui pourraient y faire des dragages profonds. 11 y avait là une vaste région presque entièrement inexplorée, car dans ses croisières de 1870, le Porc-Épic s’était tenu fort éloigné des côtes de France et, dans cette région, il n’avait pas dépassé le 12e degré de longitude ouest. Cette année, grâce à l’aide que nous ont donnée la marine de l'Etat et l’administration supérieure de l’Instruction publique, nous avons eu les moyens de commencer une série de
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- recherches dans le golfe de Gascogne, et je puis dire que les résultats obtenus ont. dépassé nos espérances.
- Par un arrêté en date du 23 juin dernier, M. le Ministre de l'Instruction publique a formé à cet effet une Commission spéciale. M. II. Milne Edwards, comme président, a été chargé de l’organisation de l’expédition. Les autres membres qui devaient prendre la mer étaient: M. de Folin, M. L. Vaillant, professeur au Muséum d'histoire naturelle, M. Marion, professeur à la Faculté des sciences de Marseille, M. P. Fischer, aide-naturaliste au Muséum, M Périer, professeur à l’École de médecine et de pharmacie de Bordeaux, enfin l’auteur de ce compte rendu. Deux naturalistes anglais, M. Gwyn Jeffreys, de la Société Royale de Londres, et M. A. Merle Norman, avaient été invités à assister à nos opérations en mer.
- M. le Ministre de la Marine a bien voulu affecter à cette campagne un aviso de l’Etat, le Travailleur, stationnaire du port de Rochefort, et M. le vice-amiral de Jonquières, préfet maritime, a mis avec la plus grande libéralité toutes les ressources que présentait l’arsenal à la disposition de la Commission et du commandant du bâtiment, M. E. Richard, lieutenant de vaisseau.
- Le Travailleur est un navire à roues, pourvu d’une machine de 150 chevaux, très stable à la mer et jaugeant près de 1000 tonneaux. A raison du service exceptionnel que l’équipage avait à faire, on l’avait composé de cent trente hommes, quarante de plus que d’ordinaire ; cette précaution n’a pas été inutile, car elle nous a permis d’effectuer en un court espace de temps, un travail qui, dans des conditions ordinaires, aurait été impossible. La Commission ne saurait trop remercier M. Richard du zèle qu’il a montré pour nous aider dans nos recherches, et nous nous empressons de déclarer que le succès de nos -opérations a été dù en grande partie à l’excellente organisation que nous avons trouvée à bord du Travailleur et à l’ardeur scientifique qui animait tous les officiers, MM. Mahieux, Jacquet, Yillegente et Bourget.
- Des dragues de différentes grandeurs et de différents modèles avaient été construites en vue de la nature des fonds que l’on pourrait rencontrer. Les unes étaient protégées contre le contact possible des rochers par une enveloppe de toile à voile ou même par une peau de bœuf; les autres étaient simplement formées de filets; l’armature de quelques-uns de ces appareils était découpée en dents de scie, en avant, de façon à labourer la vase ou le sable, tandis que le cadre des autres était formé d’une lame aplatie et devant glisser sur le sol sans l’entamer. 12 000 mètres de cordage de chanvre étaient destinés à remonter les dragues ; 25000 mètres de lignes de sonde avaient été préparés. Les appareils de sondage, construits dans l’arsenal sur un modèle un peu différent de celui dont avait fait usage le vaisseau anglais l'Hydre, étaient disposés de ma-
- nière à rapporter des échantillons du fond qu’ils avaient touché et à se débarrasser en même temps du poids qui les avait entraînés. 11 est très important de pouvoir faire un sondage avec rapidité et précision, car cette opération doit toujours précéder celle du dragage, et elle doit aussi être répétée pendant que la drague est immergée, car on ne pourrait sans cela se rendre compte des différences de niveau qui peuvent se présenter même sur un espace restreint.
- Ces sondages ont été beaucoup aidés par l’emploi d’un appareil construit spécialement à cet effet dans le port de Rocbefort et d’après les procédés indiqués par sir William Thomson. 11 consiste en un tambour sur lequel sont enroulés plusieurs milliers de mètres d’un fd d’acier de faible diamètre, mais très solide et employé d’ordinaire comme corde de piano. Ce fil ne présentant que peu de résistance à l’eau, se déroule verticalement et avec rapidité; quand il est suffisamment chargé, il n’est pas entraîné par les courants, aussi donne-t-il avec une précision extrême les indications balhymétriques. Un frein réglait la vitesse de rotation du tambour, et un compteur enregistrait chacun de ses tours, permettant à tout instant de connaître la longueur du fil immergé. En quelques minutes la sonde atteignait ainsi des fonds de près de 5000 mètres. Cet appareil nous a rendu les plus grands services, et il a facilité un travail qui, sans lui, aurait présenté des difficultés sérieuses. Une machine auxiliaire de la force de 16 chevaux, faisant mouvoir plusieurs tambours, avait été installée sur le pont pour relever les dragues et les lignes de sonde. Je n’insisterai d’ailleurs pas davantage sur la disposition de ces appareils, car M. le commandant Richard, qui en a combiné l’arrangement, les fera probablement connaître plus en détail.
- Les dragues étaient mouillées à l’arrière ; leur corde passait dans une poulie maintenue elle-même à l’aide de fortes bandes de caoutchouc, afin d’adoucir les secousses et les chocs qu’amenaient à chaque instant les mouvements de tangage du navire. Les grands fonds du golfe de Gascogne sont couverts d’une épaisse couche d’un limon vaseux et d’un gris verdâtre, rappelant, quand il est desséché, les assises jurassiques des Vaches-Noires. Ce limon très plastique remplissait rapidement nos dragues sans s!y tamiser, et si nous nous étions bornés à l’usage de ces engins, nos récoltes auraient été peu fructueuses ; mais nous avons eu soin d’employer aussi de grandes vergues alourdies par des poids et auxquelles on suspendait des houppes de chanvre, des fauberts, des filets et même des paquets de brindilles. Ces différents objets balayaient le fond ; les animaux y restaient accrochés, et souvent nous avons ainsi ramené des espèces d’assez grande taille et d’une grande fragilité. C’est par ce procédé que le 28 juillet nous avons capturé, à une profondeur de 1160 mètres, des Poissons, de beaux Oursins et de nombreuses Astéries du genre Brisinga.
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- Les grands lilets connus des pêcheurs sous le nom de chaluts nous ont été fort utiles, et sans leur emploi nous n’aurions pu nous procurer plusieurs espèces remarquables. Un soir, le chalut avait été traîné à une profondeur de près de 000 mètres, et on le retirait vers minuit ; il a ramené de grands Gorgoniens du genre Isis appartenant probablement à une espèce nouvelle.
- Ces Isis nous ont offert un spectacle merveilleux ; toute la partie du sarcosome située entre leszooïdes émettait une lumière phosphorescente verte, d’une telle intensité que lorsque l’on agitait ces animaux, ils semblaient produire une pluie de feu, et au milieu d’une nuit des plus obscures, il nous a été possible de lire ainsi des caractères très tins ; dans les dragages du Porc-Épic, des Astéries et des Pavo-naria ont parfois donné lieu à des remarques analogues.
- Pendant toute notre campagne, le temps a été assez beau pour nous permettre d’utiliser tous nos instants, et dans le cours de la seconde quinzaine de juillet, nous avons dragué à vingt-quatre reprises différentes, et souvent nous descendions deux dragues à la fois; l’une à l’arrière et l’autre par le côté du navire. La plus grande profondeur atteinte a été de plus de 2700 mètres et la moindre a dépassé 500 mèt. Nous avons pu réunir ainsi une collection très importante, comprenant non seulement les espèces décrites par les naturalistes anglais et Scandinaves, et que nos musées ne possédaient pas, mais aussi beaucoup d’animaux qui n’étaient pas connus.
- Pour l’utilisation de ces richesses, les membres de la Commission se sont partagé le travail.
- M. L. Vaillant s’est chargé de l’étude des Poissons, des Némertiens et des Spongiaires ; M. P. Fischer, de celle des Mollusques; M. Marion a porté spécialement son attention sur les Ànnélides, les Échinodermes et les autres Zoophytes ; M. de Folin doit examiner les Foraminifères; je me suis chargé des recherches relatives aux Crustacés, M. Périer a fait les observations thermométriques, et il doit analyser les échantillons des fonds qui ont été rapportés, soit par les sondes, soit par les dragues. Les détails préliminaires que je puis donner sur les résultats obtenus sont donc l’œuvre de chacun des naturalistes dont je viens de citer les noms. Chacun va maintenant étudier en détail les animaux qui lui ont été confiés, et quand le travail sera terminé, je m’empresserai de faire connaître les résultats à l’Académie.
- Ainsi que l'on pouvait s’y attendre, les poissons des grands fonds sont mal représentés dans nos collections, soit à cause de la rareté de ces animaux, soit parce qu’ils échappent facilement aux engins que nous employons ; cependant nous avons obtenu deux espèces appartenant à des formes méditerranéennes, un Stomias et un Macroarus.
- Les Crustacés sont très intéressants; pas un de ceux qui ont été ramenés par nos dragues ne se trouve sur nos rivages; il y a là deux faunes en quelque sorte superposées et ne se mélangeant pas.
- Le Üorynchus Thomsoni représente dans les grands fonds les Inachus des côtes; ÏAmathia Car-penieri représente les Pises. Cette dernière espèce se rapproche beaucoup d’un Oxyrhinque trouvé par Stimpson sur les côtes de la Floride à 300 mètres de profondeur et décrit par lui sous le nom de Scyra umbonata. Je ferai remarquer que ÏAmathia Carpenteri n’appartient pas au genre Amathia et que la prétendue Scyra umbonata n’est certainement pas une Scyra, mais que ces deux Crustacés doivent prendre place dans une division générique nouvelle , à laquelle je donnerai le nom de Scyramathia. A une profondeur variant entre 700 et 1300 mètres, nos fauberts ont souvent ramené un beau crabe aux yeux phosphorescents, trouvé d’abord dans les mers de Norvège et nommé en 1837 par Kroyer, Geryon tridens. Ce Crustacé n’avait jamais été trouvé sur nos côtes. Une espèce très remarquable du groupe des Üro-miens, mais très différente des Dromiens ordinaires, été péchée à 1190 mètres; elle ressemble beaucoup à un Crabe des grands fonds de la mer des Antilles1; je l’ai désignée sous le nom de Dicranodromia Mahieuxii. (fig. 1). L'Ethusa gra-nulata (Norman), dont les yeux sont transformés en pédoncules épineux et aveugles, est commun à une profondeur variant de 800 à 2000 mètres.
- Le Munida tenuimana, dont les yeux sont gros et phosphorescents, est loin d’y être rare. Un autre Galathéein très intéressant a été trouvé à 1960 mètres; il est aveugle, ses yeux sont devenus de simples épines; il ressemble beaucoup à certaines espèces des grandes profondeurs de la mer des Florides dont j’ai formé le genre Galathodes. Un Pentacheles aveugle, unPalémonien inconnu, une Mysis aveugle,
- 1 Ce Dromicn provient de l’expédition de M. A. Agussiz à bord du Blake; il a été trouvé à 500 mètres de profondeur; je l’ai désigné sous le nom de Dicranodromia ovaia.
- Fig. 1. Dicronodromia Mahieuxii (A. Milue Edwards), pêché à 1190 mètres, dans le golfe de Gascogne (grossi de 1/51.
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- de nombreux Thysanopodes ont été rencontrés à des profondeurs variables.
- Je signalerai aussi la Gnathophausia zoea, remarquable par sa belle coloration d’un rouge carminé, semblable à celle de la gelée de groseilles (fig. 2). Cette espèce n’avait encore été trouvée que par l’expédition du Challenger, à 2000 ou 5000 mètres de profondeur, près des Açores et dans le voisinage du Brésil. Des Cumac-és, de nombreux Ampbipodes et d’autres Crustacés inférieurs de très petite taille devront être l’objet d’un travail de détermination très minutieux.
- 11 est difficile de fixer le nombre des espèces de Mollusques ramenés par la drague ; beaucoup d’entre elles sont mêlées avec les Foraminifères, dont le triage n’est pas encore terminé ; mais parmi celles de taille moyenne, un examen préliminaire a déjà permis de reconnaître plus d’une centaine d’espèces.
- La plupart appartiennent à la faune profonde du nord de l’Atlantique et des mers arctiques. Quelques formes m é d i t e r r a -néennes s’v rencontrent aussi , ainsi que d’autres qui sont connues à l’état fossile en Sicile et dans l’Italie. Enfin
- Fia. 2. Gnathophausia zoea (W. S.), pêchée à 1670 mètres de profondeur, dans le golfe de
- Gascogne (grossi de 1/5).
- le terrain pliocène du nord de d’autres sont nouvelles pour la science. Il paraît résulter de nos dragages que l’uniformité de la faune des grandes profondeurs est réelle pour les Mollusques, car les espèces du golfe de Gascogne que nous avons recueillies ont été aussi draguées au nord de la Norvège, aux îles Shetland et sur les côtes du Groënland. Les différences des faunes conchyliologiques se dessinent dès que le fond se relève et qu’on se rapproche de la zone littorale. Les animaux retirés vivants parmi les Gastéropodes avaient leurs yeux fortement pigmentés. Dans tous les fonds de dragues, on a trouvé des Ptéropodes ; il est donc certain que le golfe de Gascogne est sillonné par plusieurs espèces de Mollusques pélagiens. Une coquille en bon état de Ca-rinaria et un fragment à'Atlanta annoncent la présence des Hétéropodes, qu’on n’y avait pas encore signalée. Les Rrachiopodes ne sont représentés que
- par quatre espèces, dont trois proviennent d’un dragage dans la Fosse du Cap-Breton; mais il faut faire remarquer que presque toujours nous avons eu à examiner des fonds vaseux où ces animaux ne se plaisent pas1.
- Les vers Chétopodes se sont montrés abondants à toutes les stations de dragage, et ils appartiennent à des genres représentés sur nos côtes. Les Maldaniens, les Clyméniens et les Euniciens dominent. Une grande espèce d'Hyalinœcia est particulièrement remarquable. A l’entrée de la Fosse du Cap-Breton, par 500 et 400 mètres, les Ster-naspis et les Pectinaria sont très communs. Une espèce de Balanoglossus a été recueillie, mais à l’état de fragments qui suffisaient cependant pour indiquer une espèce voisine du Balanoglossus Talaboti
- des grands fonds de la Méditerranée.
- Parmi les types de vers les plus intéressants , il faut signaler l’être ambigu connu sous le nom de Chetoderma ; les quelques exemplaires recueillis dans le golfe de Ga scogne semblent différer du Ch, nitidulum, et ils rappellent dans une certaine mesure le Neomenia
- gorgonophda (Kow.), trouvé dernièrement au large de Marseille et dont la morphologie se rapproche bien plus de celle du Neomenia carinata, du type des Ghétodermes vrais. Les Géphyriens sont nombreux et fort curieux; ils comprennent, outre deux ou trois espèces nouvelles, dont l’une est très
- 1 Nous ajouterons ici une liste très sommaire des espèces les plus importantes de Mollusques qui ont été trouvées :
- Lamellibranches. — Spondylus Gussoni, Amusium luci-dum, Pecten vitreus, P. groenlandicus, P. Pes-Lidrœ, Lima subauriculata, L. Jeffreysi, L. elliptica, Nucida œyeensis, JY. reticulata, Leda messaniensis, L. pusio, L. œquilatera, Malletia obtusa, M.excisa, Limopsis minuta, Modiola Mar-torclli, Modiolaria cuneata (nov. sp.), Dacrydium vitreum, Pecchiola insculpta, Axinus croulinensis, A eumyarius, A. ferruginosus, A. granulosus, Kellia tmnida, Neœra elegans, X. striata, X. rostrata, Monlacula tnmida, Thracia, nov. sp., Lyonsia ? nov. sp., Pholadomia Lovenif (fragments), etc.
- Solén’ocoxques. — Cadulus cylindratus, C. lumidosus, G. snbfusiformis. € Jeffreysi, C. OUvii, Siphonodentaüum
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- proche des Sipunculus, des Phascolion, des Phas-colosoma et des Aspidosiplion. Plusieurs de ces types rappellent des formes déjà signalées dans les mers arctiques.
- Les Cœlentérés occupent une place importante dans la faune profonde du golfe de Gascogne; l’exploration du Travailleur a montré que de 400 à 2700 mètres, les Zoanthaires et les Alcyonaires sont nombreux et très variés.
- On doit citer, parmi les Zoanthaires malaeoder-més, une belle espèce nouvelle d'Edwardsia ou d'Hyantus, dont la colonne est bien moins rugueuse que celle des espèces de la côte, une Adamsia d’un beau rouge, fixée sur les branches des Isidiens, et enfin un Bunode de très grande taille; ce Bunode correspond au genre Chitonactis (Fischer), qui joue à côté des Bunodes vrais le rôle des Phélies vis-à-vis des Sagarties. II faut aussi mentionner une espèce nouvelle de Zoanthus trouvée sur les radioles du Dorocidaris papillata.
- Les Zoanthaires sclérodermés sont représentés par le Caryophillia clavus, par une belle espèce de Paracyathus, par de beaux Flabellum, dont l’un doit constituer une espèce nouvelle, et enfin par le Lophelia proliféra, dont les colonies ont été fréquemment ramenées par la drague, mais toujours en fragments dont les zooïdes paraissaient morts depuis longtemps.
- Les Alcyonaires des grands fonds du golfe de Gascogne forment une collection des plus remarquables; les Gorgonides sont représentés par des Isis de deux sortes atteignant une taille extraordinaire. Outre ces deux espèces d’Isis, les engins du Travai leur ont capturé des fragments d’une Mopsea rappelant une espèce décrite par Sars, divers exemplaires de deux espèces de Funiculina, des Kopho-belemnon et enfin un bel exemplaire du type si rare connu sous le nom générique d'Umbellularia. Ces divers Pennatulidiens étaient considérés comme appartenant aux mers arctiques; il est probable qu’ils font partie de la faune profonde de toutes les mers de l’Europe. A côté d’eux s’est trouvée une belle espèce méditerranéenne, l'Alcyonium palmatum, var. pedunculatum.
- Les Échinodermes offrent tous un intérêt considérable. La famille des Échinothurides, à laquelle
- lofotense, S. telragonum, Dentalium filum, D. nov. sp., très grand et voisin du Dentalium candidum, etc.
- Gastéropodes. — Actceon exilis, A. nov. sp., Scaphander puncto-striatus, huila subrotunda, B. nov. sp., Ringicula pulchella, R. leptochila, Philine quadrata, Eulima sténo -stoma, Coriocella (très grande espèce obtenue vivante), Rimula asturiana (nov. sp.), Chiton alveolus, Turbo gla-bratus, Seguenzia formosa, Buccinum humphresianum. Fusus berniciensis. F. attenuatus, Columbella Haliœli, Hela tenella, Tarants Morc/tii, Pleurotoma pinguis, Pleu-rotoma galerita, Defrancia formosa, Nassa semistriala, Chenopus serresianus, etc.
- Hétéropodes. — Carinaria vitrea, Atlanta sp. ?
- Ptéropodes. — Hyalea inflexa, Cleodora cuspidata, etc.
- Brachiopodes. — Platidia anomioïdes, Terebratulina capul-serpentis, Crania anomala, Mergelia truncata.
- se rapportent les beaux Oursins mous signalés pour la première fois par M. Wyville Thomson, sont représentés par une belle espèce nouvelle de Phor-mosoma, distincte du P. placenta par les ornements des plaques et par les radioles de grande taille et spatuliformes insérés sur la face orale. Les Dyasté-rides, longtemps considérés comme éteints, ont donné le Pourtalesia Jeffreysii. Il faut signaler encore deux types nouveaux et fort remarquables de Spatangoïdes, YEchinus microstoma (W. Thomson), le Dorocidaris papillata et le Bryssopsis lyrifera.
- Les Àstérides sont tous intéressants et rares; ils appartiennent aux espèces appelées A chaster te-nuispina, A. bifrons, Astropecten Andromeda, A. irregidaris. Une belle espèce de Brisinga (B. coronata?), aussi fragile que ses congénères des mers du Nord, a été recueillie sur divers points.
- Les Ophiuridés sont beaucoup plus abondants que les Astéridés; les espèces déjà connues sont : Am-phiura Chiajei, A. filiformis, A. tenuissima, Ophio-thix fragilis, OphiocnidaDatiielseni. Plusieurs autres formes probablement nouvelles appartiennent aux genres Asteronyx, Ophioglypha, Ophiomusium, Ophiacantha, Ophiomyxa. Une très grande et très belle espèce constituant suivant toutes probabilités un type absolument nouveau, mérite une mention spéciale.
- Les Holoturies comprennent plusieurs espèces nouvelles et fort belles, ainsi que VEchinocucumis typica des mers septentrionales et le Stichopus re-galis de la Méditerranée.
- Le groupe des Crinoïdes ne nous a fourni que deux exemplaires d’un petit Antedon, voisin de Y Antedon Sarsii des mers du Nord.
- Les Eponges siliceuses les plus remarquables parmi celles que nous avons recueillies, appartiennent au groupe des llexactinellules, dont les spiculés blancs et allongés ressemblent à du verre filé. Les Hyalonema, les Holtenia, YAskonema, le Wyville-Thomsonia, le Farrea, ont été ramenés par la drague de profondeurs variant entre 800 et 2000 mètres.
- Nous avons trouvé dans les grands fonds une quantité de Foraminifères ; outre les formes communes dont le test est calcaire, poreux ou porcel-lané (Cristellaria, Nonionina, Cornuspira, Orbu-lina, Quinqueloculina, Biloculina, etc., et le remarquable Orbitolites tenuissima, dont nous avons obtenu des exemplaires de grande taille), nous possédons une magnifique série de Foraminifères are-nacés (Lituola subglobose, Psammosphœra fusca, Astrorhiza arenaria, Rhabdammina, sp.) dont l’étude a pris depuis plusieurs années une grande importance.
- Cet exposé peut donner une idée des travaux zoologiques accomplis pendant la croisière du Travailleur. D’autres résultats importants ont en même temps été obtenus, et les cent trois sondages faits depuis la Fosse du Cap-Breton jusqu’au cap Pénas rendent un compte exact du relief du fond de la
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- mer dans cette région qui semble continuer sous l’eau notre massif pyrénéen. A peu de distance des côtes, des profondeurs de près de 5000 mètres ont été trouvées; on a pu constater l’existence de pentes abruptes, de fentes presque verticales, surtout au nord de Santander et du cap Macbichaco, où ces brusques différences de niveau sont venues bien souvent contrarier nos dragages. Au contraire, à l’ouest, entre Tina Mayor et le cap Pénas, il existe un plateau que nous avons désigné sous le nom de Plateau du Travailleur ; il n’est couvert que d’environ 170 mètres d’eau, et contraste par son horizontalité avec la région accidentée située plus à l’est ; celle-ci se relie à la Fosse du Cap-Breton par une série d’ondulations. Ce travail hydrographique sera fort intéressant pour les géologues; tous les éléments en ont été réunis avec un soin extrême par M. Richard, qui doit les grouper en un rapport adressé à M. le Ministre de la Marine.
- En terminant, qu’il me soit permis d’exprimer le vœu que cette expédition si féconde ne soit pas la dernière de ce genre et que, l’année prochaine, il nous soit possible d'explorer de la même manière nos côtes méditerranéennes; les découvertes que M. Marion a faites au large de Marseille nous permettent d’espérer encore une nouvelle et riche récolte.
- Alpii. Milne-Edwards,
- Membre de l’Académie des sciences, professeur au Muséum d’histoire naturelle.
- ‘ L’ÉTAT ACTUEL DE L’ETNA
- Le professeur Silvestri vient de faire l’ascension de l’Etna, et il a constaté qu’à la suite des derniers phénomènes éruptifs, ce volcan a subi des modifications fort remarquables. Il résulte en effet des observations de l’éminent naturaliste, que le sommet de l’Etna s’est abaissé de 12 mètres, ce qui réduit l’altitude actuelle de la montagne à 5300 mètres au-dessus du niveau de la mer, et que les bords intérieurs du cratère, qui avaient jadis 1300 mètres de tour, en ont à présent près de 1X00.
- Avec cela, le bas-fond que l’on voyait jadis dans le côté oriental, à 60 mètres au-dessous des bords du cratère, s’est complètement écroulé dans le sein du volcan, et Taxe éruptif, qui avant l’embrasement de 1879, était situé sur le côté occidental du cratère, se trouve actuellement au centre parfait; ainsi maintenant les parois intérieures du cratère de l’Etna présentent la forme ordinaire et caractéristique d’un grand entonnoir.
- V. Tepeschi di Ercole.
- BIBLIOGRAPHIE
- Traité élémentaire de météorologie, par II, Houzeau, directeur de l’Observatoire royal de Bruxelles, et A. Lancaster, météorologiste-inspecteur au même établissement. 1 vol. in-8°. Mons, Hector Manceaux, 4, rue des Fripiers, 1880.
- Nous sommes heureux de signaler et de recommander
- à nos lecteurs cet ouvrage, écrit pour tous les observateurs des phénomènes aériens, et pour tous les amis de la météorologie. MM. Houzeau et Lancaster, dont la compétence est connue, ont publié un véritable traité théorique et pratique, qui comble une lacune importante. Ce livre servira de guide aux amateurs et sera lu en même temps avec le plus grand intérêt par les savants spécialistes.
- Diatomées des Alpes et du Jura et de la région suisse et française des environs de Genève, par J. Brun, professeur à l’Ecole de médecine, 1 vol. in-8° avec 9 planches. Genève, II. Georg ; Paris, G. Masson, 1880.
- L’étude des Diatomées est la plus captivante et la plus attrayante de toutes celles que l’on peut recommander à ceux qui possèdent un bon microscope. Aucun ouvrage en français n’a été publié à ce sujet. Celui que nous annonçons, est le premier qui paraisse dans notre langue.
- 11 est écrit par un savant passionné et laborieux, qui révèle au profane tout un monde, et lui apprend d’une façon pratique la manière de l’explorer. M. J. Brun a complété son ouvrage par 9 planches qu’il a dessinées d’après nature, avec beaucoup d’art et de précision.
- Dorure et argenture sur métaux; dépôts métalliques et coloration des métaux, par Maigne et O. Matiiev, 1 vol. des Manuels Roret. Paris, librairie encyclopédique Roret, 12, rue Hautefeuille.
- Traité d'anesthésie chirurgicale contenant la description et les applications de la méthode anesthésique de M. Paul Bert, par le docteur Rottenstein, 1 vol. in-8° avec 41 figures intercalées dans le texte. Paris, Germer Baillière et Cie, 1880.
- SYNTHÈSE DE L’ALCOOL
- Dans le vase poreux d’un élément Bunsen petit modèle, j’ai remplacé l’acide azotique par une dissolution concentrée d’acide acétique cristallisable, et de plus excessivement pur ; le compartiment extérieur contenait de l’acide sulfurique très dilué; réunissant ensuite les deux pôles par un fil de platine, j’ai laissé la pile en action un certain temps.
- Le 27 mai, j’ai arrêté l’expérience commencée le 29 avril ; l’acide acétique que contenait le vase poreux . avait disparu, et se trouvait remplacé par de l’alcool en assez grande quantité pour que la distillation m’ait permis d'en recueillir quelques grammes.
- Suivant mes prévisions, l'acide acétique avait fixé l’hydrogène nécessaire à sa formation.
- Cependant le terme moyen, l’aldéhyde, manquait ; l’acide acétique, avait dû le passer sans s’y arrêter ; en effet, en mettant l’aldéhyde acétique dans le vase poreux, j’ai obtenu de nouveau l’alcool après une expérience de quinze jours de durée, qui me permettait d’établir ainsi nettement la série des transformations :
- 1° C4H404 + 2H = C+H*0* -h 2HO ;
- 2» C*11«0* + 211 = C4II6(X
- La longue durée de ces expériences, en face de l’énergie de combinaison de l hydrogène, est probablement due au peu de conductibilité électrique des liquides en présence ; et elles font voir combien il serait facile de remonter aux alcools en prenant leur acide pour point de départ.
- E. Lapevrère.
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- LA NA T UHK
- SUR LES FERMENTS DIGESTIFS
- d’origine végétale
- SUC DE CARICA PAPAYA (PAPAINE-CARICINE)
- L’importante question des ferments digestifs végétaux vient de foire un grand pas en avant. M. ’NYürtz, dans un travail nouveau qu’il a lu récemment à l’Académie des sciences, vient de sanctionner l’exactitude de ses premières recherches et de signaler à l’attention de toute l’Europe la haute et sérieuse valeur chimique et thérapeutique de la Papaïne, qui fait digérer, comme l’opium fait dormir; singulière coïncidence, ces deux produits sont recueillis de la même façon, en incisant l’épiderme des plantes dont la trame contient les vaisseaux la-ticifères gorgés de leurs sucs médicamenteux si précieux.
- Le Carica papaya, ou Papayer commun, appartient à la famille des Cucurbita-cées; son tronc droit, cylindrique, de 5 à 5 mètres d’élévation, est terminé au sommet par un bouquet de larges feuilles palmatilides qui lui donnent le port et l’air d’un palmier (fig. 1). Son aspect général est des plus gracieux : les fruits, groupés sous les feuilles qui les abritent, affectent la forme de concombres un peu arrondies, et mûrs sont très appréciés (fig. 2).
- Le Carica papaya semble être originaire des îles Moluques. On le retrouve ensuite acclimaté dans l’Inde, aux îles Maurice, à la Réunion, aux Antilles, et disséminé dans une grande partie de
- l’Amérique du Sud. Le suc laiteux qui contient la Papaïne, et tel que l’importent de la Réunion MM. Perret et Trouette, est blanc, coagulé ou non, légèrement amer et styptique, dépourvu entièrement d’àcreté, acide au papier de tournesol ; il est chargé d’une si grande quantité d’albumine et de fibrine, que déjà Vauquelin le comparait à du sang-privé de matière colorante. Il découle d’incisions
- faites au moyen de couteaux très aigus ou de scarificateurs à ventouse sur le tronc et principalement sur les fruits verts. Le lait ainsi obtenu est immédiatement renfermé dans des flacons et expédié à Paris , soit pur, soit additionné de 10 à 12 pour 100 d’alcool pour en empêcher la fermentation. Pur, il arrive toujours coagulé ; additionné d’alcool, il reste liquide, et, par le repos, se sépare en un liquide clair et nn précipité blanc, constitué en grande partie par de l’albumine, la fibrine et beaucoup de Papaïne précipitée. Sa densité est de 1,015 à 1,017.
- L’alcool en précipite la Papaïne brute, laquelle, après quelques lavages à l’alcool éthéré pour enlever des traces de matières grasses, est redissoute dans l’eau, qui ne dissout que la Papaïne; une dernière précipitation donne le ferment pur. Le dépôt laiteux du lait brut est constitué pour les 17/20 de Papaïne que des lavages lui enlèvent.
- La Papaïne purifiée par dvalise, déduction faite des cendres, est composée, d’après M. Würtz, de :
- Carbone, 52,19; hydrogène, 7,12; azote, 16,40; soufre, 2,61. Cendres, 4,22.
- Fig. 1. Vue d'ensemble du Carica papaya (type femelle).
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- C’est-à-dire la composition d’une matière albuminoïde.
- La Papaïne, purifiée par le sous-acétate de plomb, offre, selon M. Würtz, les caractères distinctifs suivants :
- 1° Très soluble dans l’eau à la façon de la gomme.
- 2° Sa solution mousse très fortement avec l’eau.
- 5° Sa solution se trouble par l’ébullition, sans se coaguler à la façon de l’albumine; elle laisse quelquefois, lorsqu’elle est brute, un résidu insoluble dans l’eau. Abandonnée à elle-même, la solution de Papaïne se trouble au bout de quelques jours, et l’examen au microscope nous la montre remplie de vibrions et de bâtonnets.
- Fig. 2. Carica papaya (Papayer). — 1. Fleur femelle (grandeur naturelle); s, stigmates; o, ovaire formé de 3 carpelles. — 2. Fruit montrant les trophospermes et l’appendice charnu suspendu dans certains fruits. — 3. Fleur hermaphrodite (grandeur naturelle) pour montrer la disposition des étamines et de la prélloraison. —d. Fleur hermaphrodite épanouie depuis longtemps —5. Coupe
- de la (leur hermaphrodite pour en montrer les organes (grandeur c, calice.
- 4° La Papaïne, en présence d’un liquide sucré, agit comme ferment alcoolique avec une énergie et une promptitude extraordinaires; si on vient à vouloir enrayer cette propriété par un acide soit benzoïque, soit salicylique, sa propriété digestive, au moins artificiellement, est suspendue.
- 5° Les acides chlorhydrique et nitrique la précipitent en flocons épais et solubles dans un excès d’acide.
- naturelle); c, étamines, g, gorge de la fleur; o, ovaire et style;
- 6° L’acide phosphorique est sans action, l’acide métaphospnorique précipite abondamment.
- 7° Le sous-acétate de plomb ne donne pas de précipité : il se trouble légèrement et ce trouble disparaît par un excès de réactif.
- 8° Le bichlorure de mercure ne précipite pas immédiatement ; la solution se trouble légèrement ; à la longue ce trouble s’accentue ; à l’ébullition il se forme un précipité floconneux abondant. A part
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- ces deux dernières réactions, la Papaïne se comporte vis-à-vis des réactifs comme les matières albuminoïdes.
- Tous ces travaux ont été faits avec du lait de Papayer provenant de l’île de la Réunion, lait recueilli dans des circonstances exceptionnellement favorables et mis à la disposition des illustres auteurs du Mémoire par MM. Perret et Trouette, chimistes eux-mêmes, et qui s’occupent depuis longtemps de la recherche des ferments digestil's végétaux et animaux.
- La plus importante propriété, la seule qui met la Papaïne au rang des ferments digestifs les plus puissants, c’est son action sur les viandes : un gramme de Papaïne peut digérer et transformer en peptone soluble et immédiatement assimilable, jusqu’à 250 et 500 grammes de viande et plus.
- Sa solubilité dans divers véhicules permet de lui donner toutes les formes pharmaceutiques; étant un suc végétal, sa conservation est plus stable que celle des ferments animaux correspondants ; à l’état sec, elle est indéfinie.
- C’est en un mot une belle et heureuse découverte, à laquelle deux illustres professeurs, MM. Würtz et Bouchot, viennent attacher leurs noms. Une part de ce mérite revient aussi à MM. Perret et Trouette, qu’aucune dépense n’a arrêtés pour se procurer et mettre à la disposition de leurs maîtres les quantités qui leur étaient nécessaires de lait et de suc de Papayer pour mener à bonne fin des recherches aussi intéressantes qu’utiles.
- Enfin, signalons encore en terminant que le suc du Carica papaya n’est pas le seul qui jouisse de ces remarquables propriétés; M. Bouchut a pu extraire du suc du Figuier un ferment digestif au moins aussi puissant que celui du Papayer. Malheureusement, il est difficile de se procurer ce suc en grande quantité.
- LA MALADIE DU ROND
- DANS LES PIN IÈ RES DE LA. SOLOGNE
- On sait qu’un des caractères extérieurs auxquels on reconnaît dans les vignobles l’invasion phylloxérique, c’est l’existence de places à peu près circulaires, à partir d’un point central, que l’œil aperçoit de loin par les ceps morts ou mourants qu’elles présentent, et qui s’étendent de plus en plus avec la progression des insectes souterrains des racines, formant la tache d'huile, suivant la juste et pittoresque expression de M. Gaston Bazille. On observe un phénomène analogue dans les exploitations forestières, et il est connu sous le nom de maladie ronde ou maladie du rond, parce qu’elle se développe presque toujours circulairement. Elle est commune à tous les Conifères et même à quelques essences à feuilles caduques, telles que le cerisier et le prunier en Alsace-Lorraine, et le châtaignier dans les Cévennes. Elle a toujours pour cause un destructeur vivant, soit du règne animal soit du règne végétal, différant seulement suivant les localités
- Ainsi en Allemagne, où elle sévit sur tous les Conifères, Robert llartig l'attribue à un champignon, YAgaricus melleus, fructification du Rhizomorpha fragilis. Dans le nord de la France les pins silvestres succombent sous l’ai teinte du Anamcles radiciperda ou Polyporus annosus et les [tins maritimes de la Vendée sont tués par FŒcidium pini, variété corticola.
- Cette maladie ronde se multiplie de plus en plus parmi les pins silvestres et maritimes de la Pologne et vient d’être l’objet d’importantes études de M. I. de la Bou-laye, études que nous allons analyser sommairement. On l’attribua successivement à l’influence physique et chimique du sol et du sous-sol, aux insectes, à Faction de la fumée des fourneaux à charbon ou des feux d’ouvriers. La science et la pratique s’accordent pour démontrer que toutes ces hypothèses sont également inexactes. Des ronds se forment dans tous les terrains et dans les pinières de tout âge ; des arbres restent sains au milieu d’une mortalité générale ; des semis naturels ou des plantations acquièrent des dimensions supérieures à celles de leurs devanciers. Quant aux insectes, les Scolytiens (Hylesinus, llylurgus, Tornicus, etc.), on le sait, s'attaquent uniquement aux Conifères dépérissants ; la fumée ne peut, en aucune circonstance, produire une épidémie, et un rond n’est jamais la conséquence absolue d’un feu. Les pins de la Sologne sont foudroyés sans cause visible au-dessus du sol ; au milieu de l’apparence de la plus belle végétation. Subitement leur tête s’incline, les feuilles jaunissent, et, au bout de quelques semaines, l’arbre est complètement desséché. De nombreuses observations ont permis à M. I. de la Boulaye d’affirmer que ces pins ne portent aucune trace d’QEcidium; YAgaricus melleus et le Rhizomorpha fragilis n’existent pas non plus dans les pinières de la Sologne, pas plus que le Polyporus annosus, que, d’après M. d’Arbois de Jubainville on trouverait uniquement sur les grosses racines des vieux pins silvestres.
- L’auteur du mal est un joli.cbampignon de la famille des Discomvcètes, le Rhyzina undulata, ou Helvella acaulis, de Candolle. 11 apparaît à la fin de mai, unique-mentdans le pourtour des ronds, isolé ou en groupes, et s’y succède jusqu’à l’automne; il avance progressivement et disparaît complètement, au fur et à mesure de la mort des arbres. Son chapeau sessile est d’un brun chocolat, la surface irrégulièrement bombée et d’un aspect mat formée par l’hyménium ; à sa face inférieure il porte des prolongements radiciformes, qui s’enfoncent quelquefois profondément dans le sable où on les suit difficilement. Toutes les racines des pins situées dans leurs alentours sont couvertes d’un mycélium blanc et filamenteux qui traverse l’écorce, végète dans le liber et pénètre dans le bois ; sous son influence, la résine s’extravase en proportion considérable et finalement l’arbre meurt. M. de la Boulaye a pu suivre ces filaments jusqu’à une distance de ü mètres du dernier arbre parfaitement sain situé sur le périmètre des ronds. Une expérience directe lui permet d’affirmer le parasitisme de ce cryptogame, considéré jusqu’ici comme inoffensif et vivant seulement de détritus dans les forêts de Conifères. En pratiquant une longue et large tranchée, il a obtenu sur les racines ainsi coupées des fructifications précédées de sortes de rhvzomor-phes entourant ces racines et envoyant des filaments jusque dans le tissu même du bois. M. Prillieux, qui voulut bien contrôler toutes lès observations de M. de la Boulaye, constata leur parfaite identité avec les cordons rhizoïdes qui partent de la face inférieure du Rhyzina. Ce cryptogame produit en Sologne la maladie ronde dans les
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- massifs de pins maritimes et de pins silvestres ; mais ces derniers résistent beaucoup mieux. M. de la Boulaye a aussi étudié cette maladie dans la forêt de Rambouillet, où elle a la même origine.
- 11 reste encore plusieurs observations à faire sur cette singulière maladie. 11 faut chercher à l’inoculer à des arbres sains, afin d’apprécier la rapidité de sa propagation, suivant la nature des sols et l’àge des arbres. 11 y a aussi à vérifier dans ses détails un fait très curieux qu’on rencontre quelquefois, et qui consiste dans le revêtement complet de l’extrémité des radicelles par un tissu de champignon; il importe de savoir s’il est bien dù à la présence du Rhyzina. La maladie ronde existe aussi dans les landes de Bordeaux. 11 serait à désirer que quelque membre des Sociétés savantes de ces localités voulût bien faire part de ses observations, car malheureusement, dans le centre de la France, la rigueur de l’hiver 1879-1880 a détruit tous les pins maritimes.
- Quant aux remèdes à la maladie du rond, un arrachage énergique sur un excédant de diamètre de 10 mètres à partir du pourtour des ronds semble le seul moyen efficace pour arrêter la pi’opagation du mycélium souterrain; en outre, pour empêcher la dissémination des spores, il faut détruire avec soin tous les champignons des pinières, avant leur maturité.
- Maurice Girard.
- L’EXPOSITION INDUSTRIELLE
- Et artistique
- DE DÜSSELDORF
- « L’Allemagne avait joué, à l’Exposition de Philadelphie en 1873 et à celle de Paris en 1878, un rôle effacé qui aurait pu amener, en Europe et en Amérique, à la croire incapable de lutter contre la concurrence étrangère ; il était donc important d’attester la vitalité de l’Allemagne, et c’est pourquoi on s’est décidé à organiser une Exposition dans les provinces rhénanes, dans un des districts les plus riches et les plus industrieux du pays. »
- Cette phrase, que nous extrayons du Guide officiel, donne la raison de l’Exposition actuellement ouverte à Düsseldorf depuis le 8 mai dernier, et elle montre également avec quel intérêt nous devons suivre ces réunions industrielles qui nous permettent de constater les efforts et les progrès accomplis chez nos voisins d’outre-Rhin.
- Nous avons visité en détail la nouvelle Exposition allemande, et nous donnerons à nos lecteurs un aperçu sommaire de ce que nous avons vu. Nous commencerons par déclarer qu’à bien des points de vue les Allemands n’auront certes pas à regretter d’avoir tenté cette expérience dans un pays d’ailleurs particulièrement riche par ses mines et ses filatures, car l’Exposition de Düsseldorf renferme des produits tout à fait remarquables. La ville possède, comme la plupart des villes allemandes, un beau Jardin zoologique, assez semblable au Jardin d’Acclimatation de Paris, et qui forme un lieu de
- promenade très fréquenté des habitants. Ce jardin, écarté de 2 kilomètres de la ville, présente une contenance de 20 hectares environ, et on a pu y établir les bâtiments de l’Exposition dans une situation particulièrement agréable et pittoresque, comme le plan ci-contre le fait voir très nettement.
- L’édifice principal couvre une surface de 3 hectares environ; il est distribué comme on le voit sur le plan, suivant des travées rectangulaires rappelant un peu la disposition de l’Exposition de 1878. La façade principale sur le côté sud-ouest paraît s’en être inspirée également (fig. 1 et 2); elle comprend un pavillon central de 16 mètres de largeur, représenté sur notre gravure, et recouvert par une voûte en arc de cercle formant une sorte de dôme avec une lanterne circulaire au sommet. Ce pavillon présente une hauteur totale de 30 mètres. Sur le côté, sont deux petites tours conçues dans la même architecture, et la façade est terminée aux deux angles par deux tours analogues de même hauteur. Le pavillon central est réuni au pavillon extrême par deux galeries ayant chacune 20 mètres de large et 10 mètres de haut. Le bâtiment tout entier est bâti en fer et bois ; tout l’extérieur est peint d’une couleur brune un peu plus foncée que celle dont les murs de l’Exposition de Paris se trouvaient recouverts.
- Le plan comprend trois grandes nefs longitudinales de 360 mètres de long coupées à angle droit par quatre galeries transversales de 100 mètres chacune. Cette disposition laisse à l’intérieur six cours découvertes de chacune 100 mètres carrés environ, dans lesquelles les visiteurs peuvent très commodément se reposer en plein air et se délasser des fatigues que procure la visite des galeries.
- Nous avons représenté dans la figure 2 la répartition des groupes à l’intérieur des bâtiments; nous n’entrerons pas ici dans une description détaillée des différents groupes, nous nous contenterons seulement de signaler les parties les plus remarquables.
- L’art allemand figure dignement à l’Exposition, et il ne pouvait en être autrement à Düsseldorf, qui a produit une école de peintres et de sculpteurs justement célèbre, et qui possédait autrefois la belle galerie transportée aujourd’hui à Münich.
- Nous dirons peu de chose de l’Exposition des matières textiles, qui n’était pas en rapport avec l’importance considérable que l’industrie de la filature et du tissage a prise dans le pays ; nous nous attacherons plus spécialement à l’industrie des mines et de la métallurgie, dont l’Exposition si remarquable aurait occupé à Paris un rang des plus distingués à côté de celle de nos mines françaises. La houille est produite en Westphalie dans des conditions économiques bien plus favorables qu’en France, et môme l’Union de Westphalie a pu importer du charbon en France jusqu’à Melun, comme l’indi-
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- quait la carte des exportations qui accompagnait cette Exposition. On y rencontrait des blocs de charbon ayant plus de 1"',50 d’épaisseur, et de nombreux échantillons de différentes natures de bouille et des terrains qu’on a traversés dans le percement des puits et galeries de mines.
- Mentionnons, à côté, le portique monumental construit par l’usine Piedbœuf au moyen des tubes en fer et en acier, dont elle s’est fait une sorte de spécialité. Les montants du portique sont formés par des viroles de chaudières d’un diamètre de 2m,84, tandis que les cannelures sont dessinées par de petits tubes de quelques centimètres seulement.
- Cette belle Exposition renferme également un
- petit tube enroulé en hélice ayant 25 mètres de long et 5 millimètres seulement de diamètre intérieur.
- Nous citerons également certaines pièces dont les dimensions énormes attiraient l’attention de tous les visiteurs et témoignaient d’une manière frappante de la puissance de l’outillage dont disposent actuellement les usines. Nous avons remarqué, par exemple, une feuille de tôle de fer de 10 mètres de longueur sur 5 mètres de largeur exposée par l’Union de Dortmund; plus loin, une poutre laminée en forme de fer à té de 20 mètres de long sur 50 centimètres de hauteur, des hélices en acier fondu pour bateaux à vapeur ayant de 5 à 4 mètres de diamètre, ailleurs un rail en acier londude 56 mè-
- tig. 1. Entrée principale de l’Exposition de Dusseldorf (d’après une photographie).
- très de long replié en dix branches en forme de tuyaux d’orgue maintenues en contact, de manière à constituer une surface continue sans qu’une courbure aussi énergique ait amené aucune crique dans le métal.
- Les chemins de fer allemands essaient beaucoup actuellement les traverses en fer dans le but de remplacer les traverses en chêne, devenues trop rares et d’un prix trop élevé; nous en avons remarqué différents types et notamment une longue traverse en forme de trapèze d’une longueur de 50 mètres. Citons enfin les produits si curieux en acier moulé de l’usine de Bochum, notamment les cloches en acier, les croisements de voie, qu’on n’ose guère encore appliquer en France, malgré la grande facilité d’installation.
- Le chemin de fer rhénan exposait, à échelle réduite, une application des systèmes de signaux Saxby et Farmer, qui, dans l’exploitation des voies ferrées, permettent d’assurer la sécurité des trains d’une manière absolue pour ainsi dire. Grâce à cet appareil,qui relie les aiguilles et les signaux, il est impossible à l’aiguilleur d’ouvrir une voie quelconque sans donner en même temps l’indication correspondante avec les signaux. Ces dispositions, qu’on commence actuellement à adopter en France, présentent en Allemagne un intérêt particulier, car beaucoup de voies qui se croisent appartiennent souvent à des Compagnies distinctes.
- Nous ne sortirons pas du bâtiment principal de l’Exposition sans signaler spécialement la galerie des machines, dans laquelle on avait réuni toutes
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- sortes de moteurs actionnant les différentes machines et les métiers exposés. La vapeur est fournie par les bouilleurs exposés, qui sont installés extérieurement au bâtiment, et elle est amenée par une conduite en fonte de 30 centimètres de diamètre. On a profité de cette occasion pour établir un concours entre les différents types de bouilleurs, en déterminant la production de vapeur de chacun d’eux. La galerie des machines présente un aspect réellement curieux ; elle est formée d’une halle centrale avec deux galeries latérales, elle a 100 mètres de long sur 45 mètres de large. Cette grande salle,
- de 15 mètres de hauteur, est fort bien éclairée et richement décorée; on remarque entre les fenêtres des inscriptions renfermant des sentences morales comme les affectionnent les Allemands, et nous avons retrouvé celles-ci jusque dans les brasseries installées dans le jardin.
- En dehors du bâtiment de l’Exposition, onze groupes sont répartis dans les différentes annexes, occupant un espace total couvert de un hectare environ. Nous signalerons particulièrement le pavillon de l’Agriculture et des Forêts, indiqué en I sur le plan (fig. 2), le pavillon de la Gazette de Cologne C, dans
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- Gravé par E Morieu.
- Fig. 2. Plan de l'Exposition de Düsseldorf.
- 1 Exposition des beaux-arts allemands. — II et III. Travaux des mines. Percement des galeries et exploitation des minerais. — IV. Galerie des machines et appareils de transpoit. — V. Métallurgie. — VI. Industrie chimique. — VII. Denrées alimentaires. — VIII. Verreries et cristaux. — IX. Bois. — X. Objets mobiliers. — XI. Industrie textile. — XII. Vêtements. — XIII. Cuirs et caoutchouc. — XIV. Papiers. — XV. Gravures et reproductions. — XVI. Instruments scientifiques et de chirurgie. —XVII. Instruments de musique. — XV111. Art de l’ingcnieur. — XIX. Écoles — XX. Beaux-arts appliqués à l’industrie. — 1, 2, 3, 4, 5, 6. Cours découvertes.
- Pavillons placés hors de l’Exposition : A. Pavillon de l’usine Krupp, à Essen. — B. Pavillon de Zypen et Charlier, à Deutz. Chetuiu de 1er électrique. — C. Pavillon de la Gazette de Cologne. — D. Pavillon de l’Exposition rétrospective d’objets du moyen âge. — E. Pavillon du pulsomètrc. — F. Escalier on ciment. — G. Monument de Hermann. — H. Entrée du Jardin zoologique. — I. Pavillon de l’Agriculture et des Forêts — K. Emplacement des chaudières. — L Cafés et restaurants.
- lequel le journal est composé et imprimé sous les yeux du public, au moyen de presses type Kœning et Bauer, tout à fait différentes des nôtres. Ce travail occupe six moteurs à gaz d’une force totale de 33 chevaux. Vient ensuite le pavillon où MM. Zypen et Charlier, de Deutz, ont exposé les différents types de wagons adoptés actuellement par Y Union allemande, et surtout le curieux chemin de fer électrique de Berlin de MM. Siemens et Ilalske, dont la Nature a donné une description si intéressante dans le numéro 547 du 24 janvier 1880; signalons enfin le pavillon D, composé de sept salles construites chacune dans le style d’une époque du moyen âge et ne renfermant que des objets originaux de cette même époque.
- Nous terminerons en disant un mot du pavillon de l’usine Krupp qui formait une des curiosités principales de l’Exposition. Nous retrouvons encore à l’entrée un grand canon de 40 centimètres d’âme dressé sur son affût et entouré de ses projectiles. Ce canon,d’unpoidsde75000kilogrammes, dont lepro-jectile habituel pèse 650 kilogrammes, peut en lancer un dont le poids atteint 900 kilogrammes avec une charge de 50 kilogrammes de poudre, et percer à 5000 mètres de distance des plaques de blindage de 40 centimètres d’épaisseur.
- Nous trouvons à l’intérieur du pavillon la collection complète des types d’obus employés dans l’artillerie prussienne, depuis celui de 40 jusqu’à celui de 6 centimètres de diamètre.
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- LA NATURE.
- Nous signalerons également les pièces gigantesques sorties de cet atelier monstre, qui possédait un pilon de 60 tonnes bien avant que le Creusot eût installé celui de 80 tonnes dont la Nature a donné la description; nous trouvons un arbre d’hélice en acier fondu pesant 14 000 kilogrammes et ayant déjà fait un service sur un bateau du Bremen-Lloyd, de 66 millions de tours environ sans être avarié ; une tôle de chaudière pesant 830 kilogrammes ; un bandage de 2,n,50 de diamètre, etc.
- L. Bâclé,
- Ancien élève de l’École Polytechnique.
- Düsseldorf, août 1880.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 6 septembre 1880. — Présidence de M. Würtz.
- La théorie des germes.— Il n’y a pas longtemps, M. Pasteur a émis devant l'Académie cette théorie que lorsque des animaux charbonneux sont enfouis dans le sol, les bactéridies continuent leur développement et se réduisent à l’état de germes; ces germes sont ramenés à la surface, dans les déjections des vers de terre, ils se répandent sur les végétaux, et là peuvent être absorbés par des vaches ou des moutons. Aujourd’hui, M. Pasteur envoie par lettre des preuves à l’appui de cette théorie.
- 11 y a deux ans, une épizootie charbonneuse s’étendit sur les vaches d’un village du Jura; les cadavres de trois des vaches atteintes furent enfouis à 2 mètres de profondeur, dans une prairie de 2 hectares; dans ces derniers temps, la terre meuble de la surface et les excréments des vers furent examinés ; on y constata la présence de germes charbonneux. On fit alors construire deux enclos, l’un dans une partie quelconque de la prairie, l’autre sur la partie du sol qui avait reçu le cadavre d’une des vaches ; on plaça quatre moutons dans chacun : au bout de quelques jours, un des moutons du second enclos mourut du charbon.
- A la fin de sa lettre, M. Pasteur s’élève contre la théorie de M. Toussaint, de Montpellier ; M. Bouley demande alors la parole : tout en n’admettant pas les interprétations de M. Toussaint, il fait ressortir l.e grand intérêt qui s'attache à ses expériences. M. Toussaint a démontré que du sang charbonneux défibriné chauffé au-dessus de 52°, bien que ne contenant plus de bactéridies vivantes, conserve son pouvoir vaccinal; l’expérience a été faite à Alfort : sur vingt moutons auxquels on avait inoculé le sang ainsi chauffé, quatre sont morts, les autres jouissent d’une immunité parfaite.
- De ce fait et de quelques autres observés par M. Chauveau, M. Bouley coi.clut à la possibilité de constituer des races réfractaires au charbon ; on sait que M. Chauveau a constaté, en Algérie, que des femelles auxquelles on inoculait le virus pendant les derniers mois de la gestation pouvaient être très malades, mais que leurs agneaux étaient doués d’une résistance complète ; il se pourrait donc que le vaccin découvert par iM. Toussaint, inoculé pendant la gestation à des femelles européennes, fût préventif pour leur descendance.
- Contagion de la morve. — Trois faits sont établis par les expériences de M. Galtier : 1° le lapin peut recevoir la morve ; 2° le pouvoir contagieux est détruit par la dessic-
- cation des matières qui le possèdent ; 5° la salive d’un animal atteint de morve peut communiquer celte maladie. M. Bouley fait remarquer que ce troisième fait explique les épidémies de caserne dans lesquelles on voit un grand nombre de chevaux atteints presque simultanément de la morve : les auges dans lesquelles ces animaux boivent en commun peuvent servir à propager le virus.
- A ce propos, M. Larrey rappelle la coutume, détruite depuis longtemps en France, de la gamelle commune dans l’armée ; il y avait alors dans la troupe une affection particulière qu’on appelait stomatite ulcéreuse des soldats, affection qui a disparu en même temps que la gamelle commune.
- Astronomie. — La 217e planète est annoncée par M. Stéphan, de l’observatoire de Marseille ; l’observation a été faite par M. Coggia le 30 août.
- Physiologie. — Un médecin de Varsovie dont nous n’entendons pas le nom avance que le sommeil est dû à la contraction des bulbes jugulaires ; il trouve le moyen, dans la courte note qu’il envoie à l’Académie, d’expliquer les rêves. — Tel Joseph en Egypte !
- Stanislas Meunier.
- CHRONIQUE
- Coloration des nuages. — Le journal le Ciel cite les exemples suivants de coloration des nuages :
- Le 25 juin, M. Hennequin, à Wicres, observait au coucher du soleil les plus vives couleurs répandues çà et là sur les nuages, jaune or pâle, orangé, rouge, noir. Dans le nombre, il se trouvait un nuage de forme pyramidale qui avait son sommet coloré en bleu barbeau clair et dont la base présentait des teintes fortement irisées. M. Charière, d’Ahun (Creuse), a un registre d’observations tenu sans interruption depuis 1828, il détache de ce registre un fait qui ne s’est présenté qu’une fois en 52 ans à Ahun : Le mercredi 12 octobre 1859, un nuage de couleur rouge cerise se forme à l’est d’Ahun, à 8 h. 15 ; il traverse rapidement la ville et se dirige vers le couchant. Il disparaît à 9 h. pour reparaître à 10 h. dans le lointain. 11 marche à l’opposé desautres.il est très probable que M. Charière s’est trouvé là en présence d’uii nuage météorique et sans doute de deux nuages lumineux entourant des matières aérolithiques.
- Statistique de la folie. — D’après un rapport des administrateurs de l’hôpital des fous de Brentwood (Cssex), le nombre total des admissions depuis l’ouverture de cette maison, qui date de plus de vingt-six ans, a été de 4886. Sur ce chiffre, qui se décompose en 2267 hommes et 2619 femmes, 1989 ont été guéris, 120 ont été soulagés, 248 n’ont éprouvé aucune amelioration dans leur état : total, 2337; il y a eu 1622 décès. Parmi les causes de folie, on trouve mentionnés dans le rapport : les infortunes pour 120; cruauté du mari, 12; perte de parents, 9/ ; chagrins d’amour, 52; chagrins domestiques, 91; peur, 59; emprisonnement, 11; jalousie, 15; pauvreté, 89; religion, 185; remords, 7; séduction, 3; fortune inespérée, 9; infirmité congénitale, 166; épilepsie, 560; prédisposition héréditaire, 573; intempérance, 470; paralysie, 148; coups de soleil, 52. La cause de 1481 cas était inconnue; 250 hommes étaient employés
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- LA NATURE
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- l’an dernier à des travaux de maçonnerie, de cordonnerie et de jardinage ; un nombre à peu près égal de femmes était employé à laver, repasser, etc.
- CORRESPONDANCE
- SUR LE VOLCAN FÜEGO, DANS LE GUATEMALA
- Guatemala, 12 juillet 1880.
- Mon cher Tissandier,
- Je vous envoie quelques renseignements sur le volcan Fuego, et sur l’éruption récente qui est ici l'objet de toutes les préoccupations.
- Ce volcan, qui est situé par 14° 26'50" de latitude nord et 93° 0' 19" de longitude ouest, à 44 390 mètres de la capitale, fait partie d’un groupe parfaitement déterminé, comprenant deux sommités principales, dont l'une en forme de cône s’appelle Volcano de Fuego, tandis que l’autre cime porte le nom de Volcano de Acatenango, pico-mayor (pic le plus élevé) et Padre del Volcano (père du volcan).
- Le point culminant du Fuego est à 4001 mètres au-dessus du niveau de la mer. L’histoire de la formation de ce volcan est peu connue jusqu’àr présent. Lors de la conquête du Guatemala par les Espagnols, il était déjà en feu et probablement depuis longtemps, car il jouissait d’une grande réputation et causait la terreur des populations du voisinage. Pendant les siècles suivants, ses éruptions ont élé fréquentes et terribles. Parmi les plus violentes, on cite celles de 1526. 1541, 1581, 1582, 1585, 1586, 1614, 1625, 1G8B, 1705, 1706, 1707, 1717, 1732, 1759, 19 80, 1829, 1855, 1857, 1860,' 1880.
- Depuis 1860, le volcan étaitresté relativement en repos, quoique sa cime fût couronnée continuellement d’une colonne de fumée blanche plus ou moins abondante. Rien ne pouvait faire prévoir une nouvelle éruption, quand dans les derniers jours de juin 1880, de nombreuses secousses de tremblement de terre ressenties à Amatellan, Antigua, Palin, Petapa, et dans un certain rayon autour du volcan, sont venues jeter l’alarme parmi les habitants. Le 28 juin, au soir, dans toutes ces localités, des bruits souterrains ont commencé à se faire entendre, augmentant à chaque instant d’intensité et de durée. A huit heures, une épouvantable détonation provenant du sein de la montagne a eu lieu, et aussitôt du sommet du volcan s’est élevée une épaisse colonne de fumée noirâtre, accompagnée de vapeur d’eau sillonnée par quelques flammes ; l’éruption était commencée, et nous avons pu assister à un de ces spectacles de la nature, si grandioses et si imposants, qui ont été déjà décrits si souvent. Quoique nous soyons à plus de 10 lieues du volcan, nous avons pu voir et contempler les gerbes de flammes, qui s’élevaient à une hauteur d’environ 500 mètres au-dessus du cratère. A six heures du matin, des nuages ont couvert le sommet de la montagne, et nous n’avons plus aperçu qu’une fumée noire chassée vers le sud-ouest par un vent assez violent.
- Ce même jour nous avons appris, par le télégraphe, que les cendres projetées avaient été portées par les vents jusqu’à Relucalen, à 40 lieues de Guatemala. A Mazatenango, l’obscurité était tellement, forte à dix heures du matin, qu’on a dû allumer des lumières. Jusqu’à présent, les dommages causés par cette pluie de cendres, de sables, de lapilli et de pierres, se sont limités à quel-
- ques plantations de café et de cannes à sucre, dont un certain nombre ont été entièrement détruites. Six Indiens ont été également tués par des pierres, plusieurs édifices se sont écroulés, et les habitants des pueblos situés au pied du volcan ont dû abandonner leurs maisons menacées soit par la lave, soit par les tremblements de terre qui se succèdent sans interruption dans certains endroits.
- Demain je me propose de visiter quelquês-unes de ces localités, et je vous raconterai probablement le résultat de cette excursion.
- Je vous serre les mains bien cordialement.
- P. de Thiersant,
- Chargé d'affaires de France à Guatemala.
- sur l’éclairage électrique du grand opéra de paris
- Nous sommes heureux de publier une intéressante lettre que l’éminent architecte du Grand Opéra a écrite à M. Edouard Vignes, au sujet de la question que notre collaborateur a traitée dans notre précédente livraison (p. 219). G. T.
- Monsieur,
- Je vous remercie des bonnes paroles que vous m’adressez. Gomme bien vous le pensez, j’ai lu avec grand intérêt votre article sur l’éclairage électrique. Je suis tout à fait de votre avis, mais hélas! cela ne suffit pas, et tant que le Ministre ne donnera pas d’ordres pour que la lumière électrique soit installée ou du moins essayée largement à l’Opéra, nous ne pourrons faire grand’chose.
- Quoi qu’il en soit, je suis heureux de l’appui que vous donnez à ce système. Peut-être que, grâce à l'aide de personnes autorisées comme vous, nous arriverons un jour, ou plutôt un soir, à perfectionner l’éclairage de l’Opéra.
- Veuillez agréer, etc.
- Gu. Garnier.
- sur les dangers du verre trempé
- Saint-Jean-de-Bournay (Isère), 24 août 1880.
- Monsieur Gaston Tissandier,
- Sur douze verres formant un petit service (verre ou cristal trempé) achetés à Paris en 1876, deux ont éclaté, sans cause apparente, avec une détonation semblable à celle que produit la décharge d’un revolver, en projetant leurs éclats avec une grande force et dans toutes les directions.
- Ce phénomène s’est produit à quelques mois d’intervalle et dans des circonstances differentes. L’un d’eux,le premier, s’est brisé sur la table de la cuisine où il avait été déposé avec les autres, après lavage. Le second a été trouvé brisé dans le placard où sont déposés les cristaux et dont on ne l’avait pas sorti dans la journée. Je vous adresse ces débris et vous prie de me dire, si toutefois la chose vous est possible, quelle peut bien être la cause de cet accident.
- Veuillez agréer, etc. Peyrieux,
- Propriétaire-cultivateur.
- La communication précédente n’est pas la première dit même ordre qui ait été publiée, et malgré l’intérêt qué présente le verre trempé, nous n’avons pas hésité à la
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- LA NATURE.
- faire connaître à nos lecteurs. La cause exacte de ces explosions spontanées n’est pas connue, elle tient à la nature même du verre modifié par là trempe et qui se comporte dans ce cas comme les larmes bataviques. Il y a lieu d’espérer que le danger de semblables accidents pourra être évité par des progrès apportés dans la fabrication.
- G. T.
- SUR LA GRÊLE DU 20 AOUT OBSERVÉE A ROCHEFORT ET A SAINT-JEAN-d’aNGÉLY
- Rochefort, 23 août 1880.
- Monsieur le Rédacteur,
- Un phénomène météorologique assez rare vient d’avoir lieu à Rochefort et dans ses environs vendredi dernier, 20 de ce mois. A midi, une chaleur excessive se faisait sentir; dans mes appartements, qui sont situés au rez-de-chaussée et entourés de berceaux de verdure, le thermomètre marquait 25° centigrades, et la pression barométrique était de 760, lorsqu’à midi trente minutes, le temps devint très noir. Un quart d’heure après, un orage éclatait, et une véritable pluie de glaçons se mit à tomber pendant un quart d’heure environ. Vingt grêlons pris au hasard pesaient ensemble 160 grammes dix minutes après être tombés, soit 8 grammes pour le poids moyen d’un grêlon ; un autre pesait à lui seul 25 grammes quinze minutes au moins après sa chute ; ce dernier mesurait 50 millimètres de longueur sur 40 de largeur et 18 d’épaisseur; un autre, de moyenne grosseur, mesurait 35 millimètres de longueur sur 25 de largeur et 15 d’épaisseur, et enfin un troisième, de forme ronde, avait 30 millimètres de diamètre et 25 d’épaisseur.
- Toutes les couvertures en verre ont été brisées, les fenêtres exposées à l’ouest ont été également cassées; les fruits hachés en morceaux, les débris des arbres jonchaient le sol des jardins, et les fruits qui restent dans les arbres sont mutilés; les oiseaux qui n’ont pas eu le temps de s’abriter ont été tués ou blessés ; j’ai vu une personne qui a eu les bras meurtris en fermant ses volets.
- Mon propriétaire, qui habite de l’autre côté de la rivière, m’a dit avoir ramassé un glaçon qui pesait 500 grammes; la femme d’un lampiste en a trouvé un qui pesait 490 grammes. Un propriétaire, dans les environs d’Echilais, aurait neuf oies et vingt-huit poulets tués. Un lièvre et des gibiers de toutes sortes ont été trouvés morts. Un tout jeune poulain aurait été tué. Deux enfants ont été grièvement blessés. Un officier est tombé sans connaissance du choc d’un grêlon qui lui est tombé près de l’œil. Les tuiles des toitures Montchanin et autres ont été cassées dans les communes de Saint-Agnant et d’Échiliais.
- Veuillez agréer, etc.
- C...
- Saint-Jeun-d’Angéiy, 25 août 1880.
- Monsieur,
- Je vous adresse l’esquisse à peu près exacte de quelques grêlons tombés à Saint-Jean-d’Angélv le 20 août. Je ne les ai point choisis, mais je crois que ceux-ci représentent à peu près la moyenne (le plus gros de ces grêlons est représenté ci-contre). Je crois leurs dimensions au-dessus de celles des plus gros grêlons qui aient été recueillis ; car il me semble qu’un phénomène comme celui-là ne s était pas vu depuis 1778, époque à laquelle un 01 âge de grêle traversa toute la France et s’étendit ensuite
- en Hollande et dans les Pays-lias. Les plus gros pesaient, au dire de l’auteur auquel j’emprunte ce récit, une demi-livre. J’en ai pesé de 220 grammes qui étaient tombés depuis quelques minutes déjà ; le plus gros de ceux que j’ai représentés, grandeur naturelle, pesait 164 grammes.
- Le phénomène, commencé à une heure de l’après-midi, dura douze minutes environ; ces grêlons tombaient très serrés et se brisaient pour la plupart en atteignant le sol. Le nuage chargé de grêle venait du sud-ouest, et au-dessus de lui, de gros nuages blancs étaient presque immobiles, ou suivaient même, je crois, une direction diamétralement opposée. La seule chose qui m’ait frappé, c’est la conformation de la plupart de ces grêlons. Le noyau (ils en avaient tous) était en général opaque, uni ou formé de petites masses lui donnant l’aspect d’une framboise; ce noyau était, contrairement à ce que l’on voit d’ordinaire, formé de glace très compacte ; la masse tout entière était translucide, sauf le noyau, et des bandes opaques, suivant une spire assez allongée, sem-
- Coupe d’un grêlon recueilli à Saint-Jeaii-d’Angély le 20 août 1880 (grandeur naturelle).
- blaient former, par un mouvement gyratoire excessivement puissant, des lignes opaques en forme de rayons s’étendant en divergeant vers la périphérie. La croûte enfin se voyait formée de petits glaçons agglomérés, n’affectant point déformé cristalline bien déterminée. D’autres glaçons étaient complètement opaques à la surface; le noyau était séparé de cette bande opaque par des intervalles de glace transparente, et dans beaucoup d’entre eux enfin (j’en ai peut-être scié une vingtaine), le noyau était tout à fait excentrique, comme si le glaçon avait un axe invariable pendant le mouvement de rotation qui formait ces couches périphériques. Inutile de dire que les tuiles des toitures, les glaces des serres, de 4 et 5 millimètres environ, ont été brisées. On m’a assuré avoir pesé des grêlons du poids de 700 grammes, mais je crois ce chiffre très exagéré.
- Agréez, etc. Dr Rogée.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandif.r.
- Imprimerie A. Lahure, rue de Fieurus, 9, à Paris.
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- N° 381. — 18 SEPTEMBRE 1880.
- LA NATUHE.
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- A PARIS
- SYSTÈME GOWER
- Nous avons parlé précédemment des appareils dont se sert la Compagnie Edison; nous allons au-jourd Lui décrire ceux qui ont été employés jusqu’ici par la Compagnie Gower. Nous avons à làire auparavant quelques réserves à ce sujet. Pendant l’intervalle de temps qui s’est écoulé entre l’exécution des gravures qui accompagnent cet article, jusqu’à ce jour, un événement important s’est accompli au
- point de vue de l’unité des communications téléphoniques. Les deux Compagnies rivales ont fusionné, et dans quelques semaines il n’y aura plus à Paris qu’un seul bureau central.
- Quel est le système de téléphones qui prévaudra dans la pratique? Tout fait croire que le système Edison conservera l’avantage. Quoi qu’il en soit, les communications téléphoniques par le système Go-uer ont fonctionné pendant quelques mois à Paris (tig. 1), les appareils employés ont rendu des services et ils présentent de l’intérêt au point de vue scientifique; à ces titres divers, ils méritent d’être présentés aux lecteurs de la Nature.
- Fig. 1. Communications téléphoniques, système Gower. Vue intérieure du Bureau central de ,Paris (d’après nature).
- Le principal avantage du téléphone Gower réside en ce que son transmetteur est exclusivement électro-magnétique. 11 fallait donc, pour conserver cet avantage, ne pas installer de pile chez l’abonné et utiliser les courants d’induction du transmetteur pour produire les appels, au bureau central principalement.
- Pour les appels inverses, c’est-à-dire ceux du bureau central chez l’abonné, il n’y avait aucun inconvénient à employer une pile dans ce bureau pour mettre en action une sonnerie électrique ordinaire chez tel ou tel abonné.
- L’action de prendre le téléphone en main fait fonctionner un commutateur automatique qui enlève la sonnerie du circuit et y substitue le système téléphonique. A la vérité, dans le principe, le fonc-8' année. — 2e semestre.
- tionnement n’avait pas été combiné comme nous l’indiquons; on avait voulu utiliser seulement le bruit produit par la petite trompette1, mais cette disposition avait échoué dans les endroits bruyants ou peu fréquentés. A Bruxelles, où la Gompagnie dirigée par M. Gottendorf emploie le système Gower complet, le poste central appelle l’abonné par sonnerie électrique, et l’abonné appelle le poste central par courants d’induction téléphoniques.
- Pour que le poste central soit averti qu’un abonné — le n° 26,par exemple — l’appelle, il faut, comme toujours, faire tomber un signal analogue aux signaux des tableaux d’hôtels ; c’est donc un véritable -mouvement mécanique que doit accomplir au
- 1 Voy. la Rature, n° 378 du 28 août 1880, p. 203.
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- LA NATURE.
- poste central le courant d’induction produit par l’abonné, lorsqu’il souffle dans son téléphone. C’est grâce à un ingénieux appareil imaginé par M. Ader, bien connu de nos lecteurs par l’invention des petites voitures à rails sans fin1, que des courants d’une intensité aussi faible que les courants téléphoniques d’induction,peuvent produire un déclanchement mécanique. Le signal de M. Ader (fig. 2) se compose d’un puissant aimant A, aux extrémités duquel sont disposées deux bobines B, B, munies de noyaux de fer doux et d’une lame vibrante C percée d’un petit trou rectangulaire dans lequel s’engage une petite dent qui maintient le signal répondez dans une position inclinée par l’intermédiaire du levier LX. Les bobines du signal — au bureau central il y a un signal par abonné — sont placées dans le circuit formé par le téléphone de
- Fig. 2. Signal de M. Clément Ader.
- chaque abonné, la ligne, le signal et la terre.
- La lame vibrante C du signal est accordée à Ÿn-nisson avec la lame vibrante de la trompette du téléphone Gower placé chez l’abonné. Il en résulte que lorsque en soufflant, cette trompette vibre et fait vibrer la plaque du téléphone, les courants d’induction ainsi développés étant synchrones avec ceux de la lame C du signal, la mettent aussi en vibration par suite des variations que ces courants produisent dans l’aimantation de l’aimant A.
- A chaque vibration, il se produit un très petit glissement du crochet, qui finira par quitter l’ouverture; le levier LX n’étant plus retenu, basculera, et le signal répondez apparaîtra au milieu de la boîte, dans une fenêtre spécialement disposée à cet effet au-dessous du numéro de l’abonné. Le diagramme de la figure 3 montre les pièces principales de l’appareil. On y voit la lame vibrante R, le cran
- 1 Yoy, n° 537 du 15 novembre 1879.
- OZ, le levier G et le levier X qui, lorsque le crochet est dégagé de OZ,est dégagé du trou rectangulaire, bascule sous l’action du poids P. La figure de droite représente une disposition de l’appareil avec lame verticale, mais à cause de la sensibilité trop grande provenant de cette disposition, M.Ader a incliné la lame, comme le représente le diagramme de droite (fig 2), pour ([ne la surface supérieure du crochet soit horizontale. Le système est ainsi rendu [dus stable.
- On peut utiliser la chute du signal pour fermer le circuit d’une pile locale sur une sonnerie qui avertit le poste central qu'un abonné appelle. En pratique, le bruit produit par la chute du guichet suffit pour appeler l’attention de l’employé. 11 est à remarquer que la parole, si forte qu'elle soit, ne suffit pas pour faire tomber le signal ; nous avons pu y réussir toutefois en chantant très fortement — et aussi juste que notre organe peu docile pouvait nous le permettre — à l’unisson du son émis par lq. petite trompette du téléphone. V ; •
- L’appareil de.M. Aller est une solution simple et
- Fig. 3. Diagramme du signai Ader.
- élégante d’une question qui n’était pas sans présenter de grandes difficultés ingénieusement vaincues.
- Notre gravure ci-contre (fig. 1) représente une vue générale du poste central installé rue Neuve-des-Petits-Ghamps. Les abonnés sont réunis par groupes de trente, et lorsque deux abonnés de deux groupes différents demandent la communication entre eux, cette communication se fait à l’aide d’un grand commutateur placé au fond de la salle à droite. Cette disposition demande l’intervention de trois employés pour établir une communication, celle de deux employés de chaque groupe et celle de l’employé du grand commutateur. Il y a là des difficultés et une complication que M. Gottendorf, à Bruxelles, a su faire disparaître par une méthode aussi simple qu’ingénieuse, mais dont la description nous entraînerait trop loin.
- Quel est le meilleur des systèmes, Gower ou Edison? il est bien difficile de donner une réponse à la question posée ainsi. Le système Gower a pour lui la simplicité, le système Edison la puissance et aussi la portée. Ajoutons que l’un et l'autre sont soumis à des effets d’induction dont on n’a pu en-
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- LA NATURE.
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- core les débarrasser complètement jusqu’ici. Nous savons cependant que la question est à l’étude et ([ue de grands perfectionnements dans ce sens seront bientôt introduits aux systèmes de communications téléphoniques. Déjà le circuit métallique — on désigne sous ce nom l’emploi d’un second fil comme fil de retour, au lieu de relier les extrémités de la ligne à la terre— a permis d’atténuer dans une très grande mesure ces effets pernicieux, qui d’ailleurs sont peu sensibles lorsque les lignes sont courtes ou que les fils voisins ne servent qu’aux transmissions téléphoniques: Lorsque les lignes sont longues et qu’elles sont placées parallèlement aux lignes télégraphiques, traversées par des courants relativement puissants et souvent interrompus, les courants d’induction produisent dans le téléphone récepteur des bruits intenses, couvrant quelquefois la parole et rappelant à s’v méprendre les crépitements de la friture, imitation dont on voudrait bien ne pas avoir à apprécier l’exactitude. C’est, jusqu’à présent, un des obstacles les plus sérieux à la téléphonie à grande distance, lorsque les fds doivent longer ceux du télégraphe.
- La fusion des Compagnies téléphoniques à Paris va donc permettre de comparer effectivement la valeur relative des appareils, et le choix qu’on fera de tel ou tel système sera une preuve certaine de sa supériorité, les compétitions de systèmes une fois écartées par cette fusion préalable. Nous saurons bientôt à quoi nous en tenir sur ce point.
- E. Hospitalier.
- LES GRANDS PRODUITS CHIMIQUES
- à l’Exposition universelle de 18781
- BROME ET IODE
- L’industrie du brome et de l’iode, qui, depuis la découverte des mines de Stassfurth, avait beaucoup de peine à se maintenir dans un état prospère, malgré les efforts des industriels anglais et français, vient encore de subir une nouvelle crise, due à la concurrence du brome américain et de l’iode du Chili et du Pérou. C’est à peine si à l’Exposition de Vienne (1871) les quantités d’iode et de brome exportées par ces pays dépassaient quelques milliers de kilogrammes; elles s’élèvent actuellement à plus de la moitié de notre consommation. Pour démontrer avec quelle rapidité cette industrie s’est développée, il nous suffira de rappeler qu’en 1875, la production du brome dans l’Ohio et la Pensylvanie a été de plus de 80 000 kilogrammes, et celle de l’iode retiré des eaux mères de l’azotate de soude, au Pérou et au Chili, de 100000 kilogrammes. Le caliche renferme 0,16 par tonne d’iode; lorsqu’on
- 1 Yoy. la Nature, n° 374 du 51 juillet 1880, p. 129.
- retirera toute la quantité contenue dans les 600 000 tonnes exploitées annuellement, on arrivera à une production d’iode dix fois supérieure à la consommation actuelle. Afin d’atténuer un tel état de choses, les fabricants anglais et français se sont entendus avec la plus grande partie des producteurs du Pérou et ont formé pour deux ans une association dans laquelle le Pérou devra fournir pour sa part 500000 kilogrammes, l’Angleterre 50 000 et la France 25 000, chiffres représentant environ la consommation actuelle.
- L’emploi de l’iode, qui avait baissé par suite de son abandon dans la production des matières colorantes artificielles, a depuis ces dernières années, ainsi que celui du brome, un peu repris, grâce aux nouveaux produits colorants dérivés delà résorcine. Son prix, qui en 1871 était de 92 francs le kilogramme, alors que l’industrie des matières colorantes en absorbait 60 000 kilogrammes par an, était retombé en 1876 à 20 et 29 francs; actuellement nous avons dit pourquoi il est de 45 francs.
- Le brome s’extrait encore en partie des salines de Stassfurst et surtout des eaux mères des salines de l’Ohio et de la Pensylvanie, très riches en bromure. L’extraction du brome des eaux mères des soudes de varech avait été abandonnée par suite de l’exploitation des gisements de Stassfurth. Mais cette dernière source devait bientôt être elle-même arrêtée dans son essor par les bas’prix de l’exploitation croissante des produits américains.
- Généralement, pour préparer le brome, on traite les eaux mères du sel marin par le bioxyde de manganèse et l’acide sulfurique ou chlorhydrique. En Amérique, le procédé suivi consiste à évaporer les eaux mères provenant de la cristallisation du sel marin marquant 58° à 45° Beaumé. On élimine ainsi une assez grande quantité de sel impur; la liqueur décantée est traitée dans des alambics en pierre (voir figure 1) par les agents pouvant engendrer le chlore ou l’oxygène. Un courant de vapeur d’eau est dirigé dans l’appareil jusqu’à ce que tout le brome soit entraîné; ce dernier est recueilli, dans un récipient, après avoir parcouru une grande longueur de tubes condensateurs.
- Les perfectionnements les plus importants apportés aux appareils condensateurs des vapeurs de brome et à la disposition des alambics sont dus à MM. Ile-germay et F. AV. Arvine ; ils consistent surtout dans la disposition méthodique et la marche des appareils, qui permettent de décomposer successivement les solutions de bromure de potassium. En effet, les vapeurs de brome sont forcées de passer dans des solutions de bromure avant d’être condensées. Le brome ne peut donc être recueilli qu’à l’état pur ; l’excès de chlore, au fur et à mesure qu’il se produit, décomposant les solutions successives de bromure de potassium qu’il traverse, lesquelles à leur tour seront complètement décomposées par un excès de chlore.
- Les eaux mères provenant des salines de la région
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- de l’Ohio et de Konawha étant deux fois plus riches en brome que celles de toutes les salines connues actuellement, cette industrie a pris un essor considérable dans cette contrée. On y compte plus de huit usines, ayant cinq cents fourneaux produisant chacun 50 kilogrammes de brome par jour.
- La difficulté de trouver des capitaines de vaisseau voulant transporter le brome a obligé les fabricants américains d’expédier ce corps sous forme de bromure de fer contenant 65 p. 100 de brome.
- Le bas prix du brome permettra son application dans les procédés proposés par M. R. Wagner dans la métallurgie du mercure, de l’or et du platine, dans la préparation des acides phosphorique, arséni-que, du ferrocyannure et du permanganate de potassium.
- Iode. — Les perfectionnements apportés à l’extraction de l’iode, qui laissent encore l'espoir à cer-
- tains fabricants français de pouvoir soutenir la concurrence anglaise et américaine, consistent surtout dans le choix des fucus, algues ou varechs, puis dans l’aménagement de fours permettant une dessiccation et une incinération bien complètes et économiques du varech sans perte d’iode.
- D’après M. IL Tissier et M. Stenfort, la teneur en iode du varech ne dépend pas seulement des espèces, mais encore de l’àge et de l'époque de. la pèche; la richesse maximum correspondrait à la saison d’hiver. En général, les varechs renferment d’autant plus d’iode qu’ils se développent plus lentement et plus vers le Nord ; en Ecosse et en Irlande par exemple, ils sont plus riches qu’en France.
- L’industrie de l’iode s’est établie principalement le long de nos côtes des départements de l’Ouest, très riches en fucus; on y rencontre en effet plus
- Fig. 1. Fabrication du brome.
- AA, alambics eu granit ou en pierre inattaquable par les acides ; B, trou d'homme permettant de charger et de nettoyer l’appareil ; C, tubes de vapeur d’eau (la partie plongeant dans l’alambic est en grès); DD1), tube de dégagement des vapeurs du brome (ce tube, en grès ou en plomb, est très long, 12 à 15 mètres) ; E, réservoir d’eau maintenu à 45° et permettant la condensation de la vapeur d’eau, qui retombe par D dans l’alambic; FF, alambic en granit semblable à l’alambic A, pouvant recevoir les vapeurs de chlore et de brome venant de ces touries en grès dans lesquelles le brome pur dégagé de F se condense; elles portent un robinet en grès adhérent à la tourie, permettant de recueillir le brome; G, robinet servant à vider l’alambic A.
- de quatre à cinq cents variétés d’algues, parmi lesquelles une dizaine peuvent être employées avantageusement. Ce sont les Goémons noirs, pauvres en iode, et comprenant les Fucus nodosus, serra-tus, vesiculosus, selequosus, Loreus, et les Goémons rouges, riches en iode, comprenant les Fucus bulbo-siis, diyitatus, escidatus,saccharinus,stenophyllies.
- La pêche des goémons de coupe se fait deux fois par an, à des époques déterminées, pendant lesquelles les habitants des bords de la mer peuvent aller couper les fucus sur les roches laissées découvertes par la marée basse. La pèche des goémons de fond (digilatus, saccharinus), qui ne croissent qu’à une profondeur de 10 à 12 mètres au-dessous des marées basses, n’a lieu qu’à chaque grande marée correspondant aux plus basses eaux, soit au plus dix jours par mois, sans tenir compte des mauvais temps. Sur la côte est du Finistère, une llottille de quinze cents à deux mille bateaux est occupée à cette pêche ; elle se fait avec des perches
- de 6 à 7 mètres de long, munies à leur extrémité d’une gaffe ou d’une faucille. La conformation des côtes ouest rend cette pèche beaucoup plus difficile. Enfin les varecTis épavés sont ceux qui viennent s’échouer sur les côtes et qui, arrivés à maturité, se détachent naturellement ou sont arrachés des rochers par les tempêtes. Ils constituent le plus souvent la majeure partie des approvisionnements des fabriques d’iode.
- La presque totalité de ces 'êmons sont brûlés par les riverains, qui, généralement sur une langue de terre, établissent deux foyers, autant que possible en sens contraire à la direction du vent. Ce sont de grands trous creusés dans la terre, garnis de pierres en granit, dans lesquels on ménage des carneaux en pierre permettant l’arrivée de l’air nécessaire à la combustion. Ils ont O111,50 de profondeur, 0IU,60 de largeur et de 10 à 20 mètres de long. Le feu est allumé avec du menu bois et alimenté ensuite avec des goémons jetés dessus
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- par des femmes ou des enfants, qui le trouvent à proximité en grands amas.
- Les brûleurs ont du matin au soir pour se livrer à leur industrie, mais dès que le vent souffle du côté de l’intérieur des terres, ils ont une heure pour éteindre les feux.
- On conçoit facilement les inconvénients que doit présenter ce mode d’incinération, sans compter les fraudes auquel il donne lieu (introduction de sable, gravier, etc., dans la soude).
- Pour remédier à un tel état de choses, les fabricants d’iode achètent les goémons et les font brûler par les riverains sous la surveillance d’hommes expérimentés. Malgré ces précautions, les déperditions d’iode sont encore très fortes. Des tentatives réitérées ont été entreprises pour remplacer la fosse à incinération et pour établir des fours permettant de brûler pendant toute l’année des goémons verts.
- Parmi ces derniers, nous citerons particulière-
- ment ceux récemment perfectionnés par MM. Pel-lieux, Mazé-Launav et MM. Glaizot frères.
- Ces fours sont très élevés et construits de manière à ce que le goémon vert, qui contient 85 à 90 p. 100 d’eau, perde cette dernière en passant successivement sur plusieurs grilles superposées ; Lorsqu’il arrive au foyer, il est dans un état de dessiccation tel, que l’incinération est alors rapide et complète. Malgré ces dispositions, permettant l’emploi de la chaleur produite par la combustion du goémon, la dépense de charbon est encore assez élevée. Elle est d’environ pour 12 600 kilogrammes de goémons verts, produisant 1000 kilogrammes de soude, dont on extrait 12.à 16 kilogrammes d’iode, de 700 à 900 kilogrammes de charbon.
- L’établissement des fours de MM. Pellieux et Mazé-Launay étant très coûteux, 20 000 à 25 000 francs, et la dépense de combustible assez élevée, ils sont I jusqu’à présent peu répandus. Un certain nombre de * fabricants se contentent, après un choix sévère des
- varechs, de les faire égoutter (voir figure 2), puis fermenter; les jus qui s’écoulent pendant la fermentation sont recueillis dans de grandes citernes; ils marquent 7° à 8° Beaumé et renferment plus d’iode que le goémon lui-même. Ces jus sont évaporés jusqu’à marquer 38° Beaumé, puis mélangés avec les résidus du goémon et incinérés. Par ce procédé, on fait perdre aux goémons par l’égouttage 15 à 20 p. 100 d’eau, par la fermentation 18 à 25 p. 100 de jus, soit 40 à 48 p. 100 de leur poids primitif ; et on obtient pour 2 mètres cubes de jus une tonne de soude renfermant 20 kilogrammes d’iode.
- MM. Glaizot frères ont essayé de modifier le procédé de M. Stranford, qui consiste à distiller le goémon en vase clos dans des cornues à peu près semblables aux cornues à gaz, mais l’incinération du goémon dans ces conditions n’est jamais complète, le charbon produit étant très mauvais conducteur. Actuellement MM. Glaizot distillent le goémon séché à l’air libre, dans un courant de gaz provenant de la combustion du goémon même. Ils
- atteignent ce but en mettant à profit le système des régénérateurs; leurs fours ont la forme d’un parallélogramme allongé ; la flamme passe au-dessous des grilles inclinées sur lesquelles tombe le goémon. L’entrée de l’air est réglée de façon à produire la distillation dans un courant d’oxyde de carbone résultant de la combustion même du goémon. Les produits de la distillation sont condensés dans de grandes chambres; ils se composent de goudron, d’eaux ammoniacales et de gaz mélangés d’air qui sont employés comme combustible. Les eaux ammoniacales représentent 35 p. 100 environ du poids de varechs et fournissent 20 à 30 kilogrammes de sulfate d’ammoniaque par mètre cube de liquide. Le lessivage des cendres se fait méthodiquement ; les eaux mères sont évaporées et calcinées ou traitées par l’acide chlorhydrique ou sulfurique pour décomposer les sulfures et les polysulfures ; le soufre se dépose, on décante, on ajoute du bioxyde de manganèse et de l’acide sulfurique à la liqueur; on recueille l’iode par distillation.
- MM. Pellieux et Mazé-Launay lessivent métho-
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- diquement la soude, évaporent les liqueurs et grillent le résidu. Ce dernier subit à nouveau un lessivage rationnel, qui enlève tout l’iodure et le bromure, ainsi qu’une petite quantité d’autres sels. Cette solution est évaporée et calcinée pendant vingt-quatre heures, afin d’enlever tous les sulfures et sulfites; on évite ainsi la désulfuration par les acides, qui entraîne une perte d’iode à l’état d’io-ditre, de cyanogène, estimée à 15 p. 100 par MM. Pellieux et Mazé-Launay. Les sels calcinés sont lavés à froid pour dissoudre les iodures et bromures solubles; c’est dans cette liqueur qu’ils précipitent l’iode. Les eaux mères alcalines restant sont vendues comme engrais. Enfin, lorsqu’on veut retirer le brome des eaux mères après la désulfuration, on les évapore à moitié, afin de séparer par cristallisation une partie des sels ; on soutire, puis on ajoute dans la liqueur du chlorate de potasse ou du perehlorure de fer ; l’iode se précipite à l’état de magma à demi fondu, qu’on lave et qu’on sèche. Les eaux mères restant sont conservées pour la fabrication du brome.
- Au Pérou, dans la province de Tarapaca, les diverses méthodes pour retirer l’iode des eaux mères du salpêtre peuvent se résumer à trois :
- 1° Les eaux mères sont concentrées, abandonnées à la cristallisationj et les eaux qui en résultent distillées avec la'-quantité de bisulfite de soude correspondante à leur teneur en iode ;
- 2° Les eaux mères sont décomposées*par une quantité de sulfite^de soude déterminée ;"l'iode retirée de' l’iodate de sodium est filtré, lavé, pressé et sublimé;
- 3° Enfin on ajoute aux eaux mères du sulfite ou du bisulfite de sodium, jusqu’eà ce que l’iode précipité soit transformé en acide iodhydrique ; ce dernier est décomposé par une solution de chlorure de cuivre.
- Iodure de potassium. — Les procédés les plus usités pour la fabrication de l’iodure de potassium consistent à traiter l’iodure de baryum et l’iode par le sulfate de potasse, sel facile à avoir pur et d’un très bas prix. Ce procédé, quoique donnant de bons résultats, présente les inconvénients suivants : préparation régulière d’un sulfure de baryum riche (dégagement inévitable d’hydrogène sulfuré) ; enfin lavage difficile du sulfate de baryum.
- Le second procédé, également très répandu, consiste à dissoudre l’iode dans une lessive de potasse et à fondre le mélange d’iodure et d’iodate avec du charbon. Ce procédé, qui donne directement des solutions très concentrées d’iodure de potassium, coûte trop cher, par suite de la préparation de la lessive de potasse et de la quantité de combjistible qu’exigent l’évaporation et la calcination de la solution d’iodure et d’iodate de potassium.
- Le troisième procédé paraît être le plus économique; il consiste à décomposer l’iodure de fer par le carbonate de potassium. La précipitation de l’iodure de fer par le carbonate de potassium est
- immédiate, le précipité est facile à laver et les eaux de lavage peuvent servir à une nouvelle dissolution ; enfin l’iodure de fer est facile à préparer.
- Ch. Giraud.
- — La suite prochainement. —
- —<<><’—
- PRÉCOCITÉ DES DENTS DE LAIT
- Le Journal of Anatomy and Pkysiology signale de nouveaux cas d’éruption précoce des dents, c’est-à-dire d’enfants venus au monde avec une ou plusieurs dents.
- C’était, comme on sait, un préjugé assez répandu parmi les anciens que de grandes destinées attendent les enfants mâles qui naissent avec des dents. Deux célèbres Romains, Marcns Annius Curius (trois fois consul, vainqueur de Pyrrhus, roi d’Epire, à la bataille de Rénovent, en Italie, l’an 274 avant J. C.), auquel cette légère anomalie fit donner le nom de Deniatus (le Denté), et Cnéius Pa-pirius Carbon (consul, l’un des chefs du parti de Marins) ont, au rapport de Pline, vérifié ce pronostic dont Louis XIV et Mirabeau, nés également avec des dents, ont, parmi nous, offert une confirmation plus éclatante encore.
- Mais, par malheur pour les amis du merveilleux, on peut, comme l’a fait noire illustre tératologiste Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, opposer à ces grands exemples une multitude de faits tout contraires, et établir que ces enfants prétendus privilègiés, et surtout ceux dont le développement général présente la même précocité que l’évolution dentaire, non seulement ne sont pas appelés à de plus hantes destinées, mais même ont moins de chance de vie que les autres enfants.
- Chez les femmes, cette même anomalie de la présence des dents au moment de la naissance était au contraire un des pronostics les plus fâcheux. Valéria (fille de Dioclétien, femme de l’empereur Galère Maximien), étant née avec des dents, dit Pline, les aruspices annoncèrent qu’elle causerait la ruine de la ville où on la transporterait, et cette prédiction, ajoute-t-il, s’accomplit. Mais Pline néglige de nous dire quelle est la ville qui a eu cette malechance.
- Plusieurs cas ont été enregistrés d’enfants venus au monde avec leur dentition de lait complète, c’est-à-dire avec vingt dents (dix à chaque mâchoire, dont quatre incisives, et, de chaque coté de celles-ci, une incisive et deux molaires).
- Lorsqu’un enfant naît avec des dents, il est très fréquent que ses frères et sœurs naissent aussi avec des dents. Plusieurs familles sont dans ce cas.
- E. Vignes.
- LES ORIGINES ET LE DÉVELOPPEMENT
- DE LA VIE
- (Suite. — Voy, p. 18, 67, 134 et 215.)
- LA VIE SOCIALE ET LE DÉVELOPPEMENT DES TUNICIERS
- Si quelque philosophe de la nature avait annoncé, au commencement de ce siècle, que d’un œuf unique peut sortir toute une colonie d’animaux; que d’un œuf peuvent naître, non pas les fils, mais les petits-fils de l’animal qui l’a produit, les fils disparaissant
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- eux-memes dans 1 œuf sans éclore, on n’eût pas manqué de voir là une rêverie insensée. Ce sont pourtant les faits prodigieux que nous révèle l’histoire des Pyrosomes. Ces colonies flottantes (fig. 1, n° 1) ont, comme toutes les colonies analogues, deux modes de reproduction. Des individus nouveaux nés sur les anciens par une sorte de bourgeonnement viennent constamment s’intercaler entre eux, et la colonie grandit ainsi ; en outre, chaque individu produit des œufs d’où sortent les individus qui doivent former des colonies nouvelles. Les individus qui se forment par bourgeonnement naissent d’une façon fort remarquable. A la partie postérieure de la branchie, apparaît un prolongement en forme de tube qui refoule devant lui un tissu cellulaire en continuité avec celui de l’ovaire, se coiffe de ce tissu et entraîne en même temps la paroi du corps et la tunique ; le tube complexe ainsi constitué ne tarde pas à se diviser en plusieurs segments dont chacun devient une nouvelle ascidie à la formation de laquelle ont pris part les principales sortes de tissus de la mère. Bientôt, dans le tissu cellulaire qui se trouve en continuité avec l’ovaire de celle-ci, une cellule prend l’avance sur ses voisines, avant même que l’individu qui la contient ne soit complètement constitué ; c’est un œuf qui se forme. Cet œuf se séparera bientôt, viendra se loger en dehors de la branchie, sous la paroi du corps; c’est là qu’il doit subir son développement. Sa masse se segmente incomplètement : une grande partie de sa substance est réservée exclusivement à nourrir l’embryon qui se forme aux dépens de ce qui reste. Cet embryon (fig. 1, n° 2, c), couché sur l’une des faces de sa réserve alimentaire, se développe peu à peu, grandit, mais on ne tarde pas à le voir s’allonger considérablement à sa partie postérieure, qui d’abord située sur son prolongement, s’incurve autour de l’œuf et se partage en quatre segments dans lesquels il est facile de reconnaître quatre jeunes ascidies (lig. 1, n° 2, a, a"") : 1 embryon primitif commence alors à tomber en dégénérescence; il est peu à peu résorbé; à mesure qu’il se rapetisse, les quatre individus qu’il a produits se rapprochent de plus en plus et finissent par se souder en une petite couronne circulaire, tandis que leur parent disparaît d’une façon complète. A leur éclosion, les quatre frères constituent donc déjà une colonie qui grandit comme nous l’indiquions tout à l’heure. Ainsi quatre ascidies, c’est-à-dire quatre animaux d un rang élevé, se sont sensiblement formées sous les enveloppes de l’œuf; elles sont nées par un bourgeonnement compliqué de segmentation sur un individu unique qui a disparu après leur avoir donné naissance ; l’œuf en a été à la fois le berceau et le tombeau. Ces faits nous montrent à eux seuls qu’un organisme multiple, c’est-à-dire un organisme formé par l'association de plusieurs autres, peut naître d’un œuf unique; mais sont-ce là des laits isolés, qui ne se relient à rien de connu, que nous ne puissions expliquer? Nous allons voir au
- contraire leur signification se dégager nettement de l’histoire de quelques autres Tuniciers, et cette signification, une fois trouvée, nous révélera un mécanisme dont l’importance est de premier ordre, car en lui réside l’explication des phénomènes les plus importants du développement des animaux supérieurs.
- Tout d’abord une étroite ressemblance apparaît entre les Salpes et les Pyrosomes. Les chaînes de Salpes naissent sur l’individu solitaire exactement comme naissent sur chaque ascidie d’un Pyrosoine les individus qui devront accroître la colonie. La seule différence, c’est que chaque individu d’une chaîne de Salpes ne contient jamais, quel que soit le degré de son développement, qu’une seule cellule du tissu qui donne naissance aux œufs. Chacune des Salpes agrégées ne contient donc qu’un seul œuf et manque de ce tissu qui chez toute ascidie d’un Pyrosome passe en partie à sa progéniture et fournit à chaque individu nouveau l’œuf qui doit se développer en lui. Avec ce tissu, les Salpes agrégées perdent la faculté de donner naissance à de nouveaux individus; leurs chaînes ne s’accroissent donc pas comme les Pyrosomes ; le nombre des individus qui les composent reste toujours ce qu’il était lorsque la chaîne s’est détachée de sa mère. D’autre part, l’œuf ne donne lui-même naissance qu’à un seul individu ; cet individu, qui se greffe sur sa mère, par laquelle il est nourri à peu près comme un embryon de mammifère l’est par la sienne, ne développe sa progéniture qu’après l’éclosion, se sépare d’elle dès quelle est formée, de sorte qu’il n’entre jamais d’une façon effective dans aucune colonie. Seul il peut produire de nouveaux individus par bourgeonnement, tandis que ses filles seules portent des œufs et les font éclore; de là la séparation marquée qui le manifeste entre les deux générations qui se succèdent.
- Ces deux générations existent chez les Pyrosomes (fig. 2), mais là l’individu solitaire disparaît dans l’œuf; les individus agrégés éclosent seuls, et chacun d’eux possède le pouvoir de produire de nouveaux individus par bourgeonnement, pouvoir qui manque aux Salpes agrégées. Mais toutes ces différences peuvent s’exprimer d’un mot. Supposons que les phénomènes qui marquent le développement et la reproduction soient devenus de plus en plus précoces, la Salpe solitaire produira ses bourgeons à un âge toujours moins avancé; elle finira par les produire dans l’œuf et disparaîtra dès lors comme si elle n’avait plus de raison d’être. Les bourgeons se forment d’une façon de plus en plus hâtive, avant que les diverses cellules qui doivent produire les œufs n’en soient isolées, emporteront un certain nombre de ces cellules et toute une série de nouveaux individus nés les uns des autres pourvoiront à la transformation de ces cellules en œuf et au développement des embryons. Les individus agrégés conserveront par conséquent la faculté de produire autant de bourgeons . qu’ils emportent de cellules ovu-
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- laires ou qu’ils s'en développe en eux. On retrouve donc tous les caractères du développement des Py-rosomes en supposant simplement que la durée du développement des Salpes a été raccourcie. Ce n’est pas là, il faut bien le remarquer, une hypothèse : c’est l’expression pure et simple, indépendante de toute théorie, d’une comparaison. D’autre part, si l’on compare le mode de développement des chaînes de Salpes ou mode de développement d’autres petits Tuniciers nageurs, les Doliolum, on se trouve conduit à la même conclusion. Le mode de développement des Salpes résulte d’une accélération du mode de développement des Doliolum.
- Ce raccourcissement n’est du reste nullement en rapport avec la vie errante ; les ascidies fixées qui vivent en société en présentent de frappants exemples. Les Botrylles, dont nous avons étudié précédemment les modes élégants de groupement, sortent de l’œuf à l’état de têtard. Ce têtard nage quelque temps, se fixe; mais à peine a-t-il commencé sa métamorphose, qu’il donne naissance à deux bourgeons diamétralement opposés. A mesure que ces bourgeons se développent, l’individu qui les a produits, loin d’achever sa transformation en ascidie et de grandir comme eux, diminue au contraire de volume et ne tarde pas à disparaître entièrement. Les deux bourgeons, dans lesquels il est facile de reconnaître deux jeunes ascidies, donnent eux-mêmes naissance chacun à deux nouveaux bourgeons et disparaissent comme avait disparu l’ascidie résultant de la métamorphose du têtard; les quatre bourgeons de troisième génération deviennent quatre ascidies qui se rapprochent graduellement et constituent le premier système étoilé d’une colonie (fig. 4, n° 1). Ne semble-t-il pas que le système étoilé soit un individu à la constitution rapide duquel sont sacrifiées deux générations successives d’ascidies?
- Un animal ne se reproduit, en général, qu’arrivé à l’état adulte; comment exprimer les phénomènes
- qui précèdent la constitution du premier système d’une plaque de Botrylles, sinon en disant que toutes les phases successives du développement et de la reproduction des individus non groupés en systèmes ont été considérablement accélérées en vue de la formation de ce système?
- Chez les Astellumi, le têtard bien développé est déjà, lorsqu’il éclot, une petite colonie de trois individus.
- Chez les Didemniens, l’accélération est encore plus évidente s’il est possible. Dans l’œuf se forme un têtard dont la queue est parfaitement distincte (fig. 4, n° 3, c). On peut l’apercevoir recourbée comme d’habitude à côté du jeune animal; mais bien avant d’achever son développement, le têtard produit deux bourgeons l’un derrière l’autre (tig. 4, n°3, B, C). Ces deux bourgeons se développent en même temps que lui. Bientôt on s’aperçoit que le têtard cesse de poursuivre son développement habituel et se transforme, dans l’œuf, en ascidie ; le bourgeon antérieur donne de son côté naissance à une branchie d’ascidie, le bourgeon postérieur à un tube digestif ; ces deux bourgeons se soudent et forment ainsi une nouvelle ascidie accolée à celle qui provient de la métamorphose du têtard (fig. 2, n° 2, A, B')- La queue de celui-ci se résorbe, et les deux frères quittent l’œuf sans que le têtard ait jamais paru au dehors. Normalement, le têtard aurait dû sortir de l’œuf, se fixer, se changer en ascidie, arriver à l’état adulte et produire alors une nouvelle ascidie. Tout se passe chez les Didemniens comme si la durée de ces stades successifs avait été considérablement raccourcie, de manière que le jeune animal les traverse dans l’œuf.
- 11 y a, entre les différents cas que nous venons d’énumérer, une gradation évidente. Chez les Botrylles, le têtard quitte l’œuf, se fixe, commence à se transformer, mais son existence est tout à fait éphémère; chez les Astellium, il bourgeonne déjà dans l’œuf et le quitte emportant avec lui ses bour-
- Fig. 1. Pyrosome.
- 1. d, appendices des ascidiozoïdes ; a, ouverture du manchou. — 2. Embryogénie des Pyrosomes : c, cyathozoïdes ; a, a', a", a'", a"", ascidiozoïdes ; cl, sac excréteur. — o. pc, sac périthora-cique; en, branchie, région endostylaire de la branchie; d, région opposée ; n, téguments. — 4. Phase plus avancée : n, vésicule nerveuse ; pc, péricarde ; h, cœur ; en, eudostyle ; g, orifice afférent ; el, orifice afférent ; z, vitellus nutritif.
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- geons; chez les Didemniens, le têtard se montre dans l’œuf, mais n’en sort pas; enfin chez les Py-rosomes, l’emhryon n’atteint même pas cette forme. Chez ces Tuniciers vivant en colonies dans lesquelles les individus sont groupés en systèmes, ce qui paraît dominer, avant tout, les phénomènes embryogéni-ques, c’est la constitution rapide du premier système, et l’on comprendrait qu’à la limite, au lieu de se former successivement, tous les individus
- composant ce système ai'rivent à se former à peu près simultanément. Cela n’est réalisé dans aucune des colonies dont nous avons eu à faire l’étude jusqu’ici, et qui ne sont jamais, du reste, très hautement individualisées; mais nous verrons ce mode de développement apparaître dans d’autres colonies, dont l’étude est d’une haute importance, car elles ont formé les animaux les plus élevés : les Articulés, les Mollusques et les Vertébrés. En revanche,
- 2
- Fig. 2. Fig. 3.
- Fig. 2. Développement des Pyrosomes. — 1, bourgeons de jeunes Pyrosomes se développant sur l’endostyle en d’un individu adulte ; ed, bourgeon central né sur l’endostyle et destiné à former le tube digestif et la branchie des jeunes ; eist, tissu cellulaire coiffant ce bourgeon et dans lequel se forment les œufs ; d, tégument en continuité avec les téguments de l’adulte ; n, indûment du ganglion nerveux; p, sac péribranchial. A, D, deux individus en voie de séparation. — 2. Une chaîne de trois individus A, B, C plus avancés dans leur développement. Mêmes lettres et en outre eg, point où se formera l’orifice excréteur ; ig, orifice d’entrée de l’eau ; œ, œsophage ; mg, estomac ; en, endostyle ; ks, fentes branchiales. — 3. Jeune ascidie d’un Pyrosome presque adulte : J, orifice d’entrée ; E, orifice de sortie de l’eau ; m,m', muscles ; a, tunique ; br, bl anchie ; e, endostyle ; V, bourgeon en voie de formation ; ov, ovisac communiquant avec la branchie ; t, glande mâle ; o, bouche ; n, ganglion nerveux. — Fig. 3- — 1. Têtard d’une ascidie composée lAmarou-que : b, membrane caudale ; b", organes de fixation — 2 Embryon de Molgule au moment de son éclosion ; c, coque de l’œuf dont l’animal s’est débarrassée ; c', seconde enveloppe que l’animal quitte également ; t, tunique ; p, couche tégumentaire ; vg, niasse viscérale. — 3. Jeune Molgule à peu près complètement développée ; A, orifice afférent ; B, orifice afférent ; T, tentacules à l’orifice de la branchie ; Br, premières fentes branchiales; Bell, bouche , in, intestin ; Ra, endostyle ; x, cœur et amas de cellules qui l’avoisinent ; bj, rein ; N, position des ganglions nerveux ; ep, gs, partie supérieure de la branchie ; vg, premiers organes d’adhérence.
- nous avons retrouvé dans l’histoire des Méduses, dans celle des Goralliaires, dans celle des Siphono-phores, des faits exactement semblables à ceux que nous montre l’histoire des Tuniciers. Tous ces organismes procèdent des Hydres, et nous avons pu suivre pas à pas leur filiation; mais les phénomènes qui amènent leur formation se produisent de plus en plus rapidement ; les Méduses finissent par naître d’embryons qui n’ont jamais revêtu la forme d’Hydres; il en est de même des Polypes coralliaires, et là on peut voir encore, comme chez
- les ascidies, le développement delà colonie précéder parfois la fixation de l’embryon ; chez certains Sipho-nophores, les Méduses locomotives apparaissent déjà sur une larve qui ne possède pas de bouche, et qui se transformera plus tard cependant en polype nourricier; là aussi la colonie apparaît avec tous ses caractères avant que le développement du premier de ses membres ne soit complet.
- Nous nous trouvons donc encore en présence d’un phénomène général : lorsque les individus associés sont unis d'une façon suffisamment in-
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- time pour que leurs sociétés présentent déjà un caractère individuel, ces sociétés tendent à se constituer de plus en plus rapidement aux dépens des premiers individus formés et peuvent même arriver à se constituer dans l'œuf. L’histoire des ascidies simples nous montre quelque chose de tout à fait analogue pour les individus eux-mêmes. Parmi elles, les plus élevées sont les Molgules; ce sont celles dont les organes sont les plus compliqués. Or, elles ne traversent pas la forme de têtard (fig. o, n° 1) et passent directement de la forme représentée figure 5,n° 2, à la forme d’ascidie complète (fig. 2). On peut donc dire également : lorsque le type d'un animal se modifie au cours de son développement par suite d'un changement dans le
- Fig. 4.
- 1. Premier système d’une colonie de Boirrjlles : a, orilice afférent; b, orilice afférent ; c, organe de fixation ; f, bande colorée sur chaque individu; g, enveloppe commune.—2. Têtard de Didemnum gela-tinosum bourgeonnant dans l’œuf : A, la partie renflée du têtard; I! et C, bourgeons qui constituent une seconde ascidie ; t, tentacules de la branchie de l’ascidie qui résulte de la métamorphose du têtard ; o, œil ; //, appendices particuliers aux Didemnum ; p, organes frontaux de fixation du têtard ; c, queue. — 3. La même larve après l’éclosion : A, mêmes lettres et en outre e, endostyle de l’ascidie née par bourgeonnement et dont B' représente la région intestinale ; i, i1, i", diverses parties de l’intestin ; r, rectum ; /, boules excrémentitielles.
- mode d'existence, le type modifié a une tendance à se produire de plus en plus rapidement.
- Nous avons terminé l’étude des animaux que tout le monde s’accorde à considérer comme vivant en colonies. Nous avons pu constater que ces colonies avaient une tendance constante à se transformer en organismes et nous avons pu établir les lois de cette transformation. Ces lois sont applicables à un autre ordre de colonies, dont nous allons pouvoir suivre également toutes les transformations, et qui ne sont plus fixées ou flottantes, mais bien rampantes. Les premières ont donné naissance à des colonies irrégulières ou rayonnées; les dernières, plus complètement individualisées, ont pro-
- duit par leur transformation les animaux à symétrie bilatérale, c’est-à-dire tous les animaux supérieurs.
- Edmond Perrieii,
- Professeur administrateur du Muséum d’IIistoire naturelle de Paris:
- — La suite prochainement. —
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- LES EAUX SOUTERRAINES
- DU VAL D’ORLÉANS
- On désigne sous le nom de Val d'Orléans une sorte de dépression située sur la rive gauche de la Loire, d’une superficie de 15 000 hectares environ, et dont le niveau moyen est seulement de 4 à 5 mètres au-dessus des plus basses eaux du fleuve. Ce val est sillonné, comme on le sait depuis longtemps, par des courants souterrains qui forment les sources célèbres du Loiret et auxquels on a emprunté les eaux qui alimentent Orléans depuis 1864.
- Or, les eaux souterraines ne sont pas des sources d’origine plus ou moins lointaine. C'est tout simplement l’eau de la Loire elle-même, du lit du fleuve, qui se détourne en amont d’Orléans pour y rentrer en aval. M. Sainjon, qui vient de faire de ces curieuses dispositions géologiques une étude approfondie, donne sur ces faits des renseignements précis.
- Le cours de la Loire s’est établi dans une dislocation, une faille qui, un peu en amont d’Orléans, est dans l’argile plastique. À partir d’un certain point situé à environ 40 kilomètres au-dessus d’Orléans, et que M. Sainjon place avec précision au hameau de Bouteille, commune de Gnilly, la faille se bifurque, et les deux branches, après s’être écartées l’une de l’autre de quelques kilomètres, se rapprochent et se rejoignent précisément au confluent du Loiret et de la Loire, c’est-à-dire à 9 kilomètres en aval d’Orléans.
- L’ilot ainsi déterminé s’est affaissé ; il est constitué par des calcaires fissurés qui laissent des communications assez nombreuses de l’une à l’autre branche, communications qu’oblitère sur beaucoup de points l’argile plastique. En beaucoup de points, doivent se trouver des cavités et cavernes, car il ne se passe guère d’années où l’on ne signale dans le lit de la Loire des effondrements partiels qui donnent naissance à des entonnoirs circulaires à forme régulière, par le fond desquels le terrain meuble de la surface disparaît presque instantanément. C’est là l’origine des excavations d’ancienne date, aujourd’hui plus ou moins comblées, qui sont si multipliées sur le territoire des communes de Saint-Denis-en-Val et de Saint-Jean-le-Blanc.
- La branche droite de la faille, ou pour parler plus justement, la rive droite de la faille, donne passage à la Loire. Les eaux du fleuve s’infiltrent partiellement à travers les sables et graviers dans celles des fissures qui sont restées perméables. Elles constituent ainsi des courants souterrains qni ne peuvent dépasser les limites du Yal d’Orléans, à cause de l’affaissement qni a rompu toutes les communications entre le terrain fissuré et les coteaux des deux rives. Il en résulte qu’ils doivent de toute nécessité rentrer en Loire, les uns sans avoir jamais apparu à la surface, les autres après avoir émergé et grossi brusquement le petit ruisseau du Dhuy pour en faire le Loiret.
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- Tout cola est prouvé non seulement par l’étude directe des terrains du Val d’Orléans, mais par le mesurage des débits d’eau de la Loire en ses différents points.
- A partir du hameau de Bouteille, le débit de la Loire va toujours en diminuant, pour atteindre son minimum au droit d’Orléans. Plus bas, il recommence à augmenter, ce qui indique le débit des rentrées souterraines, et reprend enfin sa valeur primitive aussitôt après l’embouchure du Loiret. C’est ce qui résulte de jaugeages comparatifs exécutés par M. Sainjon à l’aide du moulinet de Voltman.
- Ainsi, en résumé, la Loire a, entre Bouteille et le confinent du Loiret, deux cours, l’un à ciel ouvert, le long des escarpements qui régnent presque sans interruption sur la rive droite, l’autre à travers le Val d’Orléans, et celui-ci est souterrain, au moins en partie, puisqu'une fraction seulement des eaux dérivées devient visible au Loiret.
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- UNE GROTTE À STALACTITES
- Près de Méhadia, en Hongrie, ville célèbre par ses eaux thermales, de jeunes pâtres ont découvert récemment une grotte à stalactites merveilleuses, qui attire une grande foule de visiteurs. Elle est située sur le mont Domoglet. 11 y a quelques semaines, des membres de la Société d’histoire naturelle de la Hongrie méridionale, ayant eu la curiosité de s'y rendre, se sont trouvés en face d’un précipice béant dont ils ne pouvaient apercevoir le fond avec leurs torches. Ils allaient remonter, lorsque l’un d’eux, le docteur Szalkay, annonça que, dans l’intérêt de la science, il était résolu à descendre jusqu’au fond de l’abîme, au péril de ses jours. On l’attacha à une corde et on le laissa glisser avec toutes les précautions possibles. On le ramena sans accident au point de départ, et il raconta qu’aussi loin qu’il avait pu porter ses regards, cette grotte, qu’aucun pied humain n’avait foulée avant lui, était d’une beauté surprenante.
- LA PHYSIQUE SANS APPAREILS
- (Suite.— Voy. p. 7, 71, 108 et 185.)
- Chaque fois que nous avons publié, depuis quelques mois, un nouveau chapitre de Physique sans appareils, nous pensions pouvoir écrire le mot fin après la dernière ligne de la notice ; mais grâce à l’obligeance de nos correspondants, nous voyons s’étendre, indéfiniment en quelque sorte, cette série d’expériences pratiques, faites sans aucuns frais, et que nous avons eu l’idée de réunir, pour essayer d’en former un ensemble méthodique.
- Nous avons reçu un nombre considérable de lettres qui nous ont apporté un nouveau contingent de faits intéressants ; nous allons continuer aujourd’hui à en faire connaître quelques-uns qui se rattachent à notre série de démonstrations.
- Le lecteur nous permettra-t-il d’ajouter que nos articles précédents ont été reproduits dans le journal anglais Nature, dans une publication scientifique très importante de Stuttgard, et dans le supplément du Scientific American de New-York. La Physique
- sans appareils, qui facilite a un si haut degré renseignement, est donc partout appréciée de façon à nous encourager à la développer, et à exciter nos lecteurs à y contribuer aussi par leur collaboration.
- Un de nos abonnés nous écrit pour nous rappeler un jeu qui a obtenu autrefois un très grand succès, et qui rentre dans notre cadre, puisqu’il est basé sur le principe des ombres et des pénombres. Il consiste à faire dans un papier des découpures dont l’ombre projetée représente une figure plus ou moins modelée, suivant que l’ombre est plus ou moins intense. Nous en publions ci-contre un spécimen. La figure 1 représente une carte découpée avec des ciseaux; si l’on interpose cette carte entre une lumière et un mur ou un écran, on obtient l’effet de la figure 2 si la carte est tout près de l’écran ; si on l’éloigne peu à peu en la rapprochant du foyer lumineux, on obtient l’effet représenté figure 5, où la pénombre a modelé une tète d’un aspect très artistique.
- Un autre de nos lecteurs, M. Herpin, mentionne les expériences suivantes :
- 1° Lorsqu’on verse de l’eau dans un vase, on entend un son qui passe du grave à l’aigu, ce qui provient de ce que les parois du vase forment lames vibrantes de plus en plus courtes à mesure que le vase se remplit, ce qui démontre que plus une lame vibrante est courte, plus le son qu’elle rend est aigu. Nous ajouterons que l’on peut mettre à profit cette propriété pour faire un véritable orchestre de verres chanteurs : en remplissant d’eau plus ou moins un certain nombre de verres à pied, et en les frappant avec une baguette, iis rendent tous des sons différents. Le son produit par chacun d’eux est modifié très sensiblement en y versant des quantités d’eau plus ou moins considérables. Si l’opérateur est doué d’une oreille musicale, il peut facilement obtenir par tâtonnement une véritable gamme au moyen de sept verres qui donnent les sept notes : do, ré, mi, fa, sol, la, si (fig. 5). Nous avons entendu jouér un morceau de musique par ce procédé. Les verres chanteurs produisent un son argentin très pur.
- 2° Lorsqu’en prenant son café, on immerge par un bout le morceau de sucre, en le maintenant à moitié hoi;s du liquide, le café imbibe tout le morceau, ce qui rend sensible le phénomène de la capillarité.
- o# Lorsque mouillant notre doigt, nous le tendons au vent, et que nous sentons du côté où vient le vent une sensation de froid, cela nous fait percevoir le phénomène de l’absorption de chaleur produite par l’évaporation.
- 4° Pour rendre sensible l’effet de la force centrifuge, outre l’expérience classique de la fronde, on peut aussi rendre le phénomène perceptible en imprimant un mouvement giratoire à l’eau contenue dans une carafe, ce qui creuse la surface du liquide.
- Plusieurs expériences peuvent être exécutées pour donner une juste idée de la densité des corps, dont
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- LA NATURE
- le principe énoncé verbalement est généralement si peu compris des débutants. Rien n’est plus facile que de confectionner la fiole des quatre éléments, où quatre liquides sont superposés dans l’ordre de leurs densités décroissantes. 11 suffira de verser dans une petite bouteille de verre, cylindrique , un même volume des quatre liquides suivants :
- 1° Mercure métallique ;
- 2° dissolution concentrée de carbonate de
- Fis
- 1. Carte découpée à de ciseaux.
- l’aide
- . 2. Ombre projetée par cette carte.
- potasse dans l’eau ; 5° alcool coloré en f
- rouge par la cochenille ; 4° essence de pétrole. Les quatre liquides se superposent sans se mélanger.
- Pour donner une idée exacte de la densité des solides, des métaux par exemple, il suffira de prendre des manches à balai bien cylindriques et de même diamètre, et de les couper dans la proportion des bai res représentées sur notre figure 4. On aura des tiges cylindriques qui représenteront des volumes des différents métaux usuels, proportionnels à leurs densités, c’est-à-dire pesant le même poids. On pourra peindre les barres de bois de la couleur des métaux qu’elles représentent, le platine en gris, l’or en jaune, etc. On voit que la barre de sodium est plus de 21 fois plus longue que celle du platine ; toutes deux sous ce volume différent, pèsent le même poids. Les tiges représentées sur notre figure sont environ le dixième en hauteur de celles que l’on peut pratiquement construire en bois, pour un cours public, ou une démonstration faite devant un certain nombre d’auditeurs.
- Si l’on veut rendre visible la densité des gaz, on peut répéter l’expérience bien connue du double courant d’air formé dans l’ouverture d’une porte, mettant en communication une chambre chauffée avec une
- autre pièce voi- N ^ en
- sine qui est froi- e ^ 5 S “ «S r-' g
- de/ Une bougie £ £ 2 ° ® d ® “ £
- allumée se dirige |
- dans deux sens différents suivant qu’on la place en haut de. la porte ouverte, dans le courant supérieur formé par l’air chaud, ou en bas,
- dans le courant formé par l’air froid beaucoup plus dense.
- Un autre de nos correspondants, M. Schuster, ae Metz, nous rappelle d’autre part les expériences suivantes :
- 1° Si l’on coupe une balle de plomb en deux et qu’on rejoigne les deux parties séparées, il se ma-
- nifeste entre elles une adhérence très sensible, due à la cohésion, et on ne peut les séparer que difficilement ;
- 2° Le fond d’un verre à boire ordinaire est une véritable lentille biconcave et en produit tous les
- effets;
- o° L’eau des jets d’eau qui retombe en poussière fine reproduit l’arc-en-ciel et montre bien quelle est la cause de ce phénomène ;
- 4°Une fente faite avec un canif dans une carte à jouer donne
- Fig. 3. Autre effet produit par la pénombre.
- O.
- 1 n
- 1
- 80
- U
- <
- Fig
- -i. Proportions comparatives de barres des différents métaux usuels, pesant toutes le même poids.
- des franges d’interférence, quand on regarde une lumière par cette fente ;
- 5° Phosphorescence du sucre dans l’obscurité ; elle se produit si on frotte deux morceaux l’un contre l’autre. Il en est de même de deux cailloux.
- Pour compléter le dépouillement d’une partie de notre correspondance, nous mentionnerons l’expérience curieuse représentée figure 4. Elle nous est envoyée Mlle C. S., Venise.
- On prend un bouchon de liège; on y fixe trois épingles à cheveux de manière à faire une espèce de trépied ; on enfonce dans l’axe du bouchon une aiguille à tricoter un peu fine, et on y pique une feuille de papier AB découpée comme le montre la figure ci-jointe (fig. 6).
- On a ainsi deux surfaces de papier A et B susceptibles de tourner au moindre souffle, autour de l’aiguille à tricoter servant d’axe. Eh bien ! si l’on
- par
- de
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- évente l’une de ces surfaces à l’aide d’un morceau rigée normalement à la surface, on voit que la surface de carton rigide, ou d’une règle plate de bois, di- ainsi ventilée, au lieu d’ètre repoussée comme on le
- Fig. o. Expérience des verres chanteurs.
- A
- croirait, est appelée par une forte attraction. Dans certains cas, quand on emploie une surface flexible comme ventilateur, il y a répulsion. Nous avons exécuté cette expérience vraiment curieuse, devant plusieurs physiciens, sans pouvoir d’abord l’expliquer ; mais nous avons lini par reconnaître que le disque de papier est attiré, parce que la palette de ventilation, en s’abaissant brusquement, déterminer momentanément un vide, et que la surface de papier se trouve ainsi aspirée vers la main qui fait agir le ventilateur.-
- Un autre correspondant,
- M. R., chimiste, nous cite quelques nouvelles expériences sur l’inertie.
- Pour démontrer l’inertie, nous dit-il, on peut prendre une bouteille à vin ordinaire, vide ; on y pose sur le goulot une carte à jouer. Sur la carte, et à la place de l’ouverture, on
- met une pièce de 50 centimes, puis d’une chiquenaude vive et horizontale, on enlève la carte, qui vole au loin tandis que la pièce tombe dans la bouteille.
- On peut aussi percer une pièce
- d’argent
- de
- Fig.
- 2 francs avec une aiguille, et voici comment. On
- choisit un bouchon de la grandeur de l’aiguille, et on l’y enfonce de manière à ce qu’elle disparaisse complètement, la pointe affleurant l’extrémité inférieure. On pose le bouchon par cette extrémité sur la pièce d’argent et on donne un coup de marteau sec sur la tète. L’aiguille casse quelquefois, mais cela ne l’empèche pas de traverser la pièce de part en part, et quelquefois de la clouer à la table. Le bouchon ne sert qu’à diriger le choc.
- Nous mentionnerons pour terminer, une curieuse expérience sur l’électricité. C’est encore M. Schuster qui nous la signale et qui en a trouvé la relation dans un vieux bouquin du dix-huitième siècle intitulé Nouvelle dissertation sur l'électricité des corps, par M. Morin, professeur au collège royal de Chartres, correspondant de 1 Académie royale des sciences (Chartres, veuve Roux, 1748; 1 vol. in-12).
- 6. Disposition d’une feuille de papier .AB pour une curieuse expérience de rotation.
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- « xcme expérience. — Le 12 janvier 1748, vent d’Est et grand froid. J'étendis nn gros chat sur la couverture de mon lit, je le frottai, et dans l’obscurité j’obtins des étincelles de feu dont le bruissement ressemblait assez à celui d’un peigne, quand on jiasse la main sur les dents d'un bout à l’autre. Mille petits feux voltigeaient çà et là, et en continuant La friction, les étincelles augmentaient au point qu’elles parurent comme des sphères ou boules de feu de la grosseur d'une noisette, Je voyais ces petits globes se détacher du corps du chat, tomber sur la couverture, rebondir comme des ballons....
- « .... Mille globes de feu couraient sur Je chat et sur la couverture; j’étais extrêmement attentif. J’approchai les yeux d’une boide qui me paraissait plus lumineuse que les autres.... A l’instant j’entendis une espèce d’explosion et de pétillement, je ressentis dans les:yeux une piqûre.... 11 n’v eut aucune secousse dans tout le reste du corps, mais la douleur fut suivie d’une défaillance qui me fit tomber sur le côté ; les forces me manquaient, et bataillant, pour ainsi dire, avec la syncope, je luttai contre ma propre faiblesse, de laquelle je ne revins que quelques minutes après. »
- Cette production de globes de feu rebondissant rappelle celle de la foudre en houle, comme il en apparaît quelquefois dans les orages. Si le fait est vrai, il mérite d’ètre noté. « Pour moi, ajoute notre correspondant, je ne l’ai pas encore contrôlé. »
- Gaston Tissandier.
- — La suite prochainement. —
- CORRESPONDANCE
- SUR L’ÉCLAIRAGE ÉLECTRIQUE a 1,’orÉRA Mon cher directeur,
- Dans son article du 4 septembre 1880, M.E. Vignes a fort bien montré les avantages de l’éclairage électrique appliqué aux théâtres en général et à l’Opéra en particulier. l’ermettez-moi seulement de vous esquissera grands traits les difficultés de la question, qui, je me hâte de l’ajouter, ne présente, dans l'état actuel de nos connaissances, aucune partie insoluble. Je dirai même plus, il n’y a rien à inventer aujourd’hui pour rendre cet éclairage pratique, c’est œuvre pure d'ingénieur, mis, par sa situation même, en dehors de toutes les compétitions de systèmes et libre de les enqdoyer tous, suivant les exigences spéciales de chaque partie de notre magnifique Académie nationale de musique.
- Sans vouloir parodier un mot célèbre, on peut dire que l’éclairage électrique de l’Opéra sera éclectique ou qu’il ne sera pas ; cela est facile à démontrer.
- La façade, la loggia, les vestibules, le foyer, l’escalier, etc., peuvent sans inconvénient être éclairés avec la bougie Jablochkoff ou toute autre, mais il faut la proscrire rigoureusement de la salle et de la scène, car la bougie Jablochkoff et tous les appareils qui emploient les courants
- alternatifs font un certain bruit, plus ou moins intense, mais toujours inadmissible dans une, salle où, parfois, un silence religieux est de toute rigueur. Un chroniqueur a fort justement défini ce petit bruissement particulier en le comparant à un ballet de hannetons.
- Les changements de coloration, qu’on n’a jm encore complètement éviter, et le besoin d’un rallumage automatique de la salle après les effets de nuit, doivent aussi être pris en considération pour en proscrire l’emploi.
- L’éclairage de la scène se fait aujourd’hui à l’aide de piles et de régulateurs Duboscq, qui conviennent parfaitement pour cet usage, et on pourra maintenir cet éclairage en supju’imant toutefois les piles et en employant les machines, qui fourniront le courant aux autres parties du système. 11 ne faut pas songer à mettre des régulateurs dans la salle, leur lumière serait trop puissante. L’emploi de la lampe Werdennann est tout dicté pour ce cas ; les foyers sont plus divisés — une machine Gramme alimentant un seul régulateur Serrin peut entretenir dix à douze lam|)es Werdennann, — en réglant l’intensité du courant et eu la faisant varier entre certaines limites, on peut varier dans d’assez grandes proportions là puissance de l’éclairage ; des extinctions partielles habilement ménagées compléteront ce qu’on peut exiger de .ce côté. Aujourd’hui que 1 étude -des machines dynamo-électriques est plus avancée, on sait, par des groupements habiles et rationnels dans' les lampes et les générateurs, éteindre et rallumer un nombre plus ou moins grand de foyers sans influencer les foyers voisins alimentés par la même source.
- L’éclairage de la rampe demande aussi des qualités spéciales, et il faudra avoir recours dans ce cas, sans trop regarder à la dépense, à l’incandescence pure, spirales de platine ou platine irridié. Cet éclairage, en effet, permet de graduer les intensités de chaque foyer, dejuiis celle d’une simple lueur jusqu’à une puissance de quatre, cinq, dix becs Carcel, suivant les dimensions de la spirale et la |)uissance du courant qui la traverse ; il donne de jdus une lumière d’une fixité parfaite. Les régulateurs automatiques permettent d’ailleurs d’éviter la fusion d’une façon absolue; nous aurons occasion de traiter cette question jdus au long prochainement. Ajoutons encore que cet éclairage maintiendra mieux l’homogénéité de l’at-mosjdière en l’échauffant moins, et supjnimera le tremblotement causé par les variations de réfraction.
- Voilà déjà quatre systèmes différents, utiles tous les quatre, excellents tous les quatre, à la condition de les mettre à leur place et de ne pas abuser des uns au détriment des autres.
- L’éclairage électrique est donc subordonné à la création d'une usine d’électricité placée dans les sous-sols de l’édifice, et mettant en mouvement une série de générateurs électriques appropriés aux ajiparoils qu’ils doivent alimenter, doublions pas non plus que la même usine pourra fournir |)resque gratuitement la force nécessaire pour mettre en mouvement les trucs, ascenseurs et autres appareils, à l’aide de simples conducteurs et de treuils électriques recevant l’électricité de l’usine, manœuvres par des commutateurs, réalisant ainsi une application simple et logique de la transmission des forces à distance.
- La réalisation de l’éclairage électrique à l’Opéra est donc tout entière entre les mains de son habile architecte, M. Ch. Garnier.
- 11 y aura certainement une dépense première d’installation assez importante, mais nous ne croyons pas que les
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- frais généraux déliassent ceux qui incombent actuellement à l’éclairage de notre première scène lyrique. M. Garnier peut donc s’attaquer aux difficultés du problème; il a su en vaincre bien d’autres, et nous avons la conviction que celles qui se présentent aujourd’hui ne sont pas de nature à l'arrêter.
- Nous le répétons en terminant, l’éclairage électrique doit être fait avec le concours, mais en dehors des inventeurs ; c’est une affaire de quelques expériences précises et impartiales, de mesures bien faites et de dispositions bien entendues : à ce prix, le succès est au bout. Puissions-nous apprendre bientôt que M. Garnier en a pris l’initiative !
- Veuillez agréer, etc. E. Hospitalier.
- CHRONIQUE
- Ue poids de la terre. — Les mathématiques, aidées par l’expérience, ont pu déterminer très exactement la densité moyenne de la terre ; elles sont parvenues à peser la masse entière de notre planète.
- La terre pèse le nombre de kilogrammes que voici : 934 000 000 000 000 ;
- c’est-à-dire 954 000 milliards. Ce nombre ne nous dit rien : il est trop fort et notre imagination est trop faible ; mais voici comment il faut le comprendre. Si l’on calculait le poids d’un volume d’eau équivalent au volume de la terrej on trouverait un nombre 5 fois 4/3 moindre que celui marqué plus haut. Donc la densité moyenne de la terre, sa pesanteur spécifique, est 5 fois 1/3 plus forte que celle de l’eau. Et, comme la densité des roches qui sont à la surface n’est guère que 2 1/2, il doit y avoir, dans l’intérieur du globe, des masses très lourdes dont l’excès de densité compense la densité moindre des roches superficielles. La densité du centre ne doit pas être fort éloignée de celle du plomb.
- C’est là un résultat certain déduit d’expériences nombreuses et variées ; la concordance des résultats, obtenus par des méthodes basées sur des principes différents, constitue la garantie de leur valeur.
- F. Van Rysselberghe.
- Cartes postales aux États-Unis. — Quoique l’usage des cartes postales aux États-Unis ne remonte encore qu’à une période de dix années, elles ont acquis un grand succès de popularité. Elles ont cependant deux ennemis : le fabricant de papier et le débiteur, à qui elles rappellent trop publiquement ses obligations. 11 est remarquable que la carte postale a amené déjà une diminution de 12 à 15 millions de dollars par an dans la fabrication du papier aux Etats-Unis.
- Les cartes postales se fabriquent à llolyoke, dans le Massachussets, et 40 hommes sont employés d’une manière continue à leur fabrication. Le carton est fourni par paquet de 5000 feuilles , et de chaque feuille on fait 40 cartes.
- Trois presses marchent jour et nuit. Une machine coupe les feuilles par division de dix cartes, qui sont à leur tour séparées les unes des autres et ensuites empaquetées par des jeunes filles, en boîtes de 500 cartes. Un préposé du gouvernement assiste constamment à la fabrication pour empêcher les détournements.
- La manufacture de llolyoke fabrique environ 1 million de cartes par jour. L’année dernière, la consommation aux Etats-Unis a été de 246 062 000 cartes. Les nouvelles
- cartes internationales ont déjà été employées au nombre de 2 millions. Le gouvernement garde entre ses mains 25 millions de cartes postales.
- De la couleur des fleurs. — Dans une des dernières séances de la Société vaudoise des sciences naturelles, M. le professeur Schnetzler a fait une communication des plus intéressantes sur la couleur des (leurs. Jusqu’à présent on admettait que les diverses couleurs que l’on observe dans les végétaux étaient dues à autant de matières différentes, chaque couleur étant une combinaison chimique différente sans rapport avec les autres. Or, M. Schnetzler montre par des expériences, que lorsqu’on a isolé la couleur d’une fleur, en plaçant celle-ci dans l’esprit-de-vin, il suffit d’y ajouter une matière acide ou alcaline pour obtenir toutes les couleurs que les végétaux nous présentent. Des fleurs de pivoine, par exemple, donnent, lorsqu’on les met dans l’alcool, un liquide d’un rouge violet; si l’on ajoute à ce liquide du sel d’oseille, il devient rouge pur; de la soude le fait passer, suivant la quantité, au violet, bleu ou vert. Dans ce dernier cas, le liquide vert paraît rouge lorsqu’on le regarde par trans-' parence, exactement comme le fait la chlorophylle ou matière colorante verte qui existe dans les feuilles. Les sépales des pivoines, qui sont verts avec une hordure rouge, deviennent entièrement rouges lorsqu’on les plonge dans du sel d’oseille.
- Ces changements de couleur, que l’on peut ainsi obtenir à volonté, peuvent parfaitement être produits dans les plantes par les mêmes causes, car dans tous les végétaux il y a toujours des matières acides ou alcalines. De plus, on est sùr que la transformation de couleur verte en rouge, que l’on observe en automne dans les feuilles de plusieurs végétaux, est due à l’action du tannin qu’ils renferment sur la chlorophylle. En conséquence, sans vouloir conclure d’une façon absolue, on peut cependant admettre a priori qu’il n'y a dans les plantes qu’une seule matière colorante, la chlorophylle, qui, en se modifiant sous certains agents, fournit toutes les teintes qne les fleurs et les feuilles nous offrent. Quant aux fleurs blanches, il a été reconnu que leur coloration est due à de l’air enfermé dans les cellules des pétales. En plaçant ces derniers sous la cloche d’une machine pneumatique, on les voit perdre leur couleur et devenir transparents à mesure que l’air s’échappe.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 13 septembre 1880. — Présidence de M. Becqoerel.
- Une vigne nouvelle.— Une lettre adressée de Médine par un botaniste voyageur, M. Lecart, annonce la découverte au Soudan, parmi une foule de plantes tout à fait nouvelles, d’une vigne à fruits délicieux, dont l’importation en France parait devoir réussir. Cette vigne a des racines tubéreuses et vivaces, tandis que ses figes sont herbacées et annuelles : la culture du végétal ressemblerait donc beaucoup à celle du dahlia.
- Ce n’est pas sans péril que notre compatriote nous transmet la nouvelle de cette découverte, car il raconte que les Soudaniens ne voient les blancs pénétrer chez eux qu’avec la plus grande appréhension. Le récit de la dernière expédition envoyée par la France dans le sud de l’Algérie s’est répandu de toutes parts, et la conviction des naturels est que les voyageurs prennent des renseignements pour préparer une conquête. Le roi lui-même, tout bien dis-
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- LA NATURE.
- posé qu’il soit pour les Européens, ne pourrait sauver les ours d’un blanc qui serait surpris en train d’écrire.
- Faune du lac de Tibériade. —Ayant reçu une mission spéciale du Ministre de l’Instruction publique, M. le docteur Lortet, doyen de la Faculté des sciences de Lyon, fait connaître aujourd'hui, par l’intermédiaire de M. Alphonse Milne-Edwards, les résultats de ses recherches dans le lac de Tibériade. Des dragages très nombreux ont été faits jusqu'à la profondeur inaxima du lac, qui est de 250 mètres. Ce qui domine parmi les animaux recueillis, ce sont les poissons appartenant à huit espèces, dont sept rentrent dans le genre Chromys, dont nos lecteurs ont eu sous les yeux le portrait. On se rappelle que le mâle de ces poissons couve véritablement ses œufs en les conservant dans sa cavité buccale ou entre les feuillets de ses branchies. Quand l’éclosion a eu lieu, les jeunes trouvent longtemps dans la bouche paternelle un abri contre le danger, si longtemps même qu’ils acquièrent un volume tel, que le père est condamné à un bâillement continu pour maintenir sa progéniture.
- Outre ces poissons, M. Lortet a recueilli des mollusques remarquables par leurs faciès marin. On peut penser d’après leurs caractères que les eaux maintenant saumâtres du lac ont été naguère plus fortement salées, se rapprochant par la composition des eaux de la mer Morte. La dessalure peut être attribuée au Jourdain, qui traverse ce lac, dont le niveau de 200 mètres inférieur à celui de la mer est une des étrangetés les plus considérables de la physique du globe.
- Acides métalliques. — Continuant des recherches dont nous avons déjà analysé la première partie, M. Klein décrit une combinaison à laquelle il donne le nom d’acide boro-tungstique et qui contient douze molécules d’acide tungstique unies à une molécule d’acide borique. Ce corps n’est pas isolé sous forme cristalline, mais il donne des sels parfaitement définis.
- Électricité. — 11 résulte des travaux de M. Joubert que quels que soient les détails d’une machine magnéto-électrique, le courant produit acquiert une intensité constante dès qu’on se place dans les conditions du travail maximum.
- Stanislas Meunier.
- manière à empêcher le mélange du protoehlorure d’étain; on se sert à cet effet d’une pipette de verre tenue à la main, comme on le voit à la gauche de notre figure. On abandonne l’éprouvette au repos, et l’on ne tarde pas à voir de brillants cristaux s’élancer de la baguette et simuler les tiges ramifiées d’une fougère. Cette cristallisation ne s’effectue que dans la couche d’eau ; elle s’explique par une action électrique dans le détail de laquelle nous ne saurions entrer. Cette expérience est connue sous le nom d’arbre de Jupiter. On sait que les alchimistes, dans leur nomenclature bizarre, avaient cru voir une certaine relation mystérieuse entre les sept métaux connus alors et les sept planètes; chaque mé-
- Expérience sur la cristallisation de l’étain (arbre de Jiqritei').
- CURIEUSE EXPÉRIENCE
- SUR
- LA CRISTALLISATION DE L’ÉTAIN
- L’étain a une grande tendance à prendre une forme cristalline, et il est facile de mettre cette propriété en évidence par une expérience remarquable. On place au fond d’une éprouvette à pied, une di-solution concentrée de protoehlorure d’étain que l’on prépare en dissolvant à chaud de l’étain métallique dans de l’acide chlorhydrique; puis on descend une baguette d’étain dans l’éprouvette, comme on l’a indiqué à la droite de la figure ci-contre. Les choses ainsi disposées, on fait couler un mince filet d’eau sur le barreau d’étain, en ayant soin d’avoir une chute lente de liquide, de
- tal était dédié à une planète, et l’étain se nommait Jupiter. L’argent s’appellait Lune ; l’or, le Soleil ; le plomb, Saturne ; le fer, Mars ; le vif-argent, Mercure, et le cuivre, Vénus. La cristallisation de l’étain peut se reconnaître encore en frottant une feuille de ce métal avec de l’acide chlorhydrique ; le décapage ainsi effectué révèle des cristaux ramifiés, analogues au givre qui se dépose sur nos carreaux pendant les froids de l’hiver; c’est un moiré métallique. Quand on ploie entre les mains un barreau d’étain, on brise les cristaux enchevêtrés, et l’on entend un bruissement particulier que l’on appelle le cri de V étain.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Laliure, rue (le Fleurus, 9, à Paris,
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- N° 382,
- 25 SEPTEMBRE 1880.
- LA NATURE,
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- NAINS ET GÉANTS
- Nous présentons à nos lecteurs un nain et un géant, exceptionnels tous deux dans leur genre, et tous deux originaires de la Chine ; l’Aquarium royal
- de Londres, en les exhibant, les a rendus fameux depuis quelque temps.
- Le géant, nommé Chang et natif de Péking, est surtout extraordinaire. Il a 2m,i9 de haut. C’est une taille presque unique parmi les hommes grands dont les recueils scientifiques nous ont rapporté la
- Le géant chinois Chang et le nain chinois Che-Mah, exhibés à l’établissement de l’Aquarium de Londres (scène composée à l’aide de photographies du géant et du nain).
- taille. Le nain, Che-Mah, n’a que 76 centimètres, taille assez rare, même dans le monde des nains, en sorte que, sur notre figure, les deux extrêmes sont aussi rapprochés que possible. Nous ajouterons que le nain et le géant dessinés ci-dessus ont été reproduits d’après des photographies qui nous ont été envoyées de Londres.
- 8* aunee. — 2® semestre.
- Il est remarquable que le géant est un homme intelligent, parlant convenablement plusieurs langues (anglais, français, allemand, espagnol, chinois et japonais). Un homme capable de parler ainsi des langues très différentes n’est évidemment pas un imbécile. En cela, Chang se distingue parmi ses congénères, qui, d’après Isidore
- 17
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- LA NATURE.
- Geoffroy Saint-IIilaire, sont le pins souvent mous, apathiques et assez peu intelligents.
- Au contraire, le géant norvégien Henri Brustad, qui est également à Londres, rentre, sous le rapport de l’intelligence, dans la règle que nous venons de formuler; ce colosse, liant d’environ 8 pieds anglais (2m,458) est très indolent, a l’air stupide et ne dit rien; son crâne pointu paraît atteint de déformation. Brustad a une grande force musculaire; il est âgé de trente-cinq ans. Cliang est plus jeune de deux ans.
- La présence à Londres de ces trois individus si extraordinaires par leur taille est une occasion d’autant meilleure pour nous de rappeler les règles observées sur le développement des géants et des nains, que M. le professeur Taruffi vient de publier à Milan deux Mémoires sur les anomalies de la taille.
- Le travail de M. Taruffi répondait à un besoin de la science tératologique, car si les observations de géants et de nains extraordinaires ne sont pas rares, il y en a fort peu qui soient bien faites et dans lesquelles on ait noté la longueur des différentes parties du corps, afin de savoir quelles sont celles qui contribuent le plus à augmenter ou à diminuer la taille de ces êtres exceptionnels. L’auteur, s’appuyant sur des mesures prises avec soin, conclut, en ce qui concerne les géants, que le fémur contribue surtout à rallongement de leur corps; au contraire, leur colonne vertébrale est courte par rapport à leur énorme taille. L’humérus s’allonge notablement, mais moins que le fémur. Le pied et la main croissent chez eux proportionnellement à la taille. En thèse générale, on pourrait dire que plus les os sont longs chez l’individu normal, plus ils s’allongent chez les géants.
- Le crâne des géants est ordinairement petit par rapport à leur taille, mais il est énorme en mesures absolues, quoique leur intelligence soit généralement peu développée. Comme exemple, nous, citerons le géant Joachim (2m,10), observé par M- Broca. Cet Hercule, qui réalisait exactement le proverbe « grand, fort et bête », gagnait sa vie en se montrant, et il exerce encore après sa mort la même fonction sociale, car il est exposé dans le Musée de la Société d’anthropologie (aujourd’hui Musée Broca). 11 était tellement stupide, que ses amis disaient de lui qu’il avait juste assez d’esprit pour faire son métier — qui pourtant n’était pas difficile. Eh bien, cet immense imbécile avait un crâne colossal; il cubait 1950 centimètres cubes, et son cerveau pesait 1755 grammes, presque autant que celui de Cuvier! Ce qui montre bien que l’intelligence n’est pas le seul facteur du poids du cerveau, mais que la taille et le poids ont sur ce résultat une grande intluence.
- Les observations recueillies par M. Taruffi relativement aux nains sont trop peu nombreuses pour être bien concluantes. On doit admettre pourtant que le fémur, qui est l'os qui s’allonge le plus
- chez les géants, est aussi celui qui, chez les nains* décroît le plus par rapport à la taille. La jambe décroît beaucoup moins chez eux, et souvent elle est aussi longue que la cuisse.
- La tête des nains ne diminue généralement pas proportionnellement à leur taille; du moins il en est ainsi quand le nain n’est pas idiot ni microcéphale.
- Ainsi l’on voit que c’est le membre inférieur qui contribue surtout à faire la grandeur des géants et la petitesse des nains; le membre supérieur est susceptible de variations un peu moindres; c’est la colonne vertébrale et le crâne qui sont le moins sujets à varier avec la taille.
- On a remarqué qu’ordinairement les nains sont vifs, nerveux et parfois turbulents. La plupart donnent raison au proverbe « petit et rageur ». Un type, sous ce rapport,fut le fameux Jeffery Hudson, favori de Henriette, reine d’Angleterre, qui eut l’honneur d’être peint par Yan Dyck sur le même tableau que sa reine, et d’être chanté par le poète Davenant : la Jeffréide a célébré une victoire que ce pygmée avait remportée sur un coq d’Inde. 11 était si petit, qu’on le servit sur table dans l’intérieur d’un pâté, et si colère, qu’il provoqua en duel un nommé Crafs, qui s’était moqué de lui. Crafs s’y rendit armé seulement d’une seringue; le héros de la Jeffréide, de plus en plus furieux, exigea un duel au pistolet, dans lequel il blessa mortellement son adversaire. Il avait alors vingt-cinq ans; sa taille était de 41 centimètres; vers trente ans, elle s’accrut beaucoup et atteignit 5 pieds 9 pouces.
- Plusieurs autres nains, tels que le Polonais Bor-wilaski (84 centimètres),se sont montrés courageux et intelligents. Au contraire, on sait que Bébé, le nain du roi Stanislas Leczinski, était très bête : on n’a jamais pu lui apprendre qu’à danser et à battre la mesure ; sa taille était encore de 66 centimètres à seize ans ; à ce moment, son caractère, qui avait été jusqu’alors gai et turbulent, s’altéra; sa taille s’accrut et atteignit presque i mètre; il mourut à vingt-deux ans. Il était fiancé avec une naine qui, plus heureuse que lui, atteignit un âge très avancé.
- Malheureusement l’idée de mesurer les membres de ces nains n’est pas venue à ceux qui les ont décrits. Quételet a le premier mesuré avec soin le fameux général Tom-Pouce; ce nain, dont on n’a pas oublié la réputation, était haut de 70 centimètres.
- La rareté des mesures anthropométriques prises sur les nains donne un prix plus grand au Mémoire de M. Taruffi, dont nous avons parlé plus haut. Malheureusement ses observations sont peu nombreuses et portent sur des nains d’une taille relativement élevée. Ses conclusions ne peuvent donc être regardées comme absolument définitives.
- Jacques Bertillon.
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- LA NATURE.
- A CLERMONT-FERRAND
- Ce Congrès qui vient d’avoir lieu sous la présidence de M. Guvot-Lavaline, sénateur, a terminé ses travaux. Cette première session a tenu sept séances et duré quatre jours.
- Deux séances du Congrès ont été honorées de la présence de M. Dumas, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, président de la Commission supérieure du phylloxéra. M. Dumas a fait part au Congrès des bonnes dispositions de la Commission supérieure. Le département du Puy-de-Dôme va devenir un champ d’expériences des plus intéressants, au point de vue de la démonstration que veut faire la Commission supérieure de la possibilité de détruire le phylloxéra par l’emploi des insecticides, tels que le sulfure de carbone, les sulfocarbonates dilués dans l’eau, et par la destruction de l’œuf d’hiver à l’aide du badigeonnage des ceps, ou de tout autre moyen que la science ou l’expérience pourront suggérer.
- Voici le texte des vœux adoptés dans la dernière séance :
- « 1. Le Congrès émet le vœu que la Commission supérieure du phylloxéra et le gouvernement français veuillent bien continuer leurs efforts en vue d’apporter à la convention de Berne les modifications nécessaires pour sauvegarder les intérêts de l’horticulture, sans compromettre ceux de la viticulture.
- « 2. Le Congrès, considérant qu’il résulte des renseignements produits au cours des discussions, et dont l’origine semble commander toute confiance, que des résultats utiles ont été obtenus sur divers points par l’emploi soit du sulfure de carbone, soit des sulfocarbonates de potassium et, de calcium, émet le vœu que le gouvernement et la Commission supérieure prennent toutes mesures pour rendre aux propriétaires ou syndicats intéressés l’emploi également facile de tel ou tel agent insecticide ci-dessus mentionné.
- « 3. Considérant que l’œuf d’hiver du phylloxéra paraît jouer un rôle prépondérant dans la régénération de l’insecte et son invasion dans les vignobles, le Congrès émet le vœu que le gouvernement et la Commission supérieure accordent aux traitements dirigés contre l’œuf d’hiver les mêmes faveurs qu’aux traitements dirigés contre l’insecte vivant, et encouragent par tous les moyens en leur pouvoir les essais tentés dans cette voie.
- « 4. Le Congrès, considérant qu’il résulte de la discussion et des divers rapports dont il a entendu la lecture, que les vignes françaises peuvent être efficacement défendues contre le phylloxéra, émet le vœu que les pouvoirs publics s’imposent les sacrifices les plus larges pour assurer la conservation des vignobles français.
- « o. Le Congrès émet le vœu que, dans l’intérêt de l’application des traitements administratifs prévus par les lois de 1878 et 1879, les agents inférieurs qui forment les équipes et les moniteurs soient pris autant que possible parmi les gens éclairés et sérieux du pays dans lequel les traitements seront exécutés, ou les recherches pratiquées. »
- Avant de se séparer, le Congrès des vignes françaises a décidé de se réunir l’année prochaine, à une époque et dans une ville qui seront ultérieurement fixées, et il a nommé une Commission de permanence pour faire cette désignation et préparer les travaux du futur Congrès. Cette Commission, prise parmi les membres résidant habituellement à Paris, a été composée de MM. Guyot-Lava-
- line, sénateur du Puy-de-Dôme ; Massot, sénateur des Pyrénées-Orientales; Mathcy, sénateur de Saône-et-Loire et membre de la Commission supérieure du phylloxéra ; Calvet-Besson, membre de la Chambre de commerce de Toulouse ; de la Rochetterie, président de la Société d’horticulture du Loiret; de la Roque, délégué du Comité de rédaction de la Vigne française ; Masson, éditeur à Paris ; Teissonnière, vice-président de la Chambre de commerce de Paris ; Vimont, vice-président du Comice agricole d’Epernay.
- L’IMMIGRATION AUX ÉTATS-UNIS
- Le nombre des étrangers arrivés à New-York pendant les six premiers mois de cette année, a été de 177 562, dont près de 100 000 dans les deux derniers mois, soit 55085 en mai et 42 026 en juin. Il est probable que l’immigration de 1880 augmentera de 400 000 âmes la population des Etats-Unis.
- Il n’existe pas de statistique régulière de l’immigration depuis la fondation de la République jusqu’en 1820 ; mais avec les données positives que l’on a depuis cette date et les évaluations approximatives antérieures, on estime que les pays étrangers ont fourni à cq pays un contingent direct de 10 millions d’habitants, c’est-à-dire plus de quatre fois le chiffre de la population blanche des colonies anglaises au moment de la guerre de l’Indépendance. En effet, en 1780, d’après Bancroft, la population des treize colonies était de 2942 000 habitants, dont 2 380 000 blancs et 562 000 noirs. A un autre point de vue, l’importation directe de la population étrangère a été d’environ le cinquième de la population actuelle, qui est à peu près de 50 millions, d’après le recensement actuellement en cours.
- Il n’y a pas de raison de supposer que ce mouvement ne continue pas, au moins pour quelque temps ; car, à part quelques fluctuations accidentelles, il a toujours progressé suivant une proportion régulière depuis l’origine, et les conditions dans lesquelles il s’opère de notre temps sont plutôt faites pour l’accélérer que pour le ralentir.
- La grande masse des immigrants se rend dans l’ouest pour se livrer à l’agriculture. A très peu d’exceptions près, les nouveaux arrivants ne séjournent pas plus d’un jour ou deux au port d’arrivée, d’où ils sont immédiatement dirigés sur les Etats agricoles. Les villes de l’Ouest attestent par leur développement prodigieux le rapide peuplement de ces régions, dont elles sont le centre. Tandis que la population de New-York a grandi en dix ans de 28 p. 100, celle de Chicago s’est accrue de 59 p. 100; et la croissance d’autres villes de moindre importance, mais pareillement placées dans des milieux producteurs, a de même pris des proportions inouïes: Milwaukee a gagné 80 p. 100; Detroit, 52 p. 100 ; Cleve* land, près de 70 p. 100. Il faudrait encore citer, dans le même ordre d’idées : Minneapolis, Saint-Paul du Minnesota, Denver, Kansas-City, Saint-Joseph, etc.
- En réalité l’agriculture est la grande ressource et le grand appât de toutes ces populations. Elle a fourni jusqu’ici de l’aisance aüx fermiers établis, du travail rémunérateur aux nouveaux venus, et au pays tout entier des éléments considérables de prospérité.
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- LÀ NATURE
- LÀ STATISTIQUE GRAPHIQUE
- AU MINISTÈRE DES TRAVAUX TUBLICS
- Un arrête en date du 12 mars 1878 a chargé la Direction des Cartes et Plans, au Ministère des Travaux publics (Bureau de la statistique graphique),
- de publier annuellement une collection de planches, « figurant sous la forme graphique les documents statistiques, relatifs, soit aux courants de circulation des voyageurs et des marchandises sur les voies de communication de tous ordres et dans les ports de mer, soit à la construction et à l’exploitation de ces voies ; en .un7mot, à tous les faits économiques,
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- LEGENDE.
- Pour les Rémérés et les Canaux la largeur des bandes teintées représente h fréquentâtwn proportionnelle de chaque section dans les deux sens, testa,-dire le tonnage moyen en 1870, ramené à la longueur totale de cette section Jbur les Ports de mer la largeur des bandes figure le tonnage effectif de chaque port.tartf à Ventrée qu'a layOTtw (Commerce extretcabotage réunis) Quand, leur largeur la permis, ces bandes ont été partagées.par une-Agite pointilléen deux zones, correspondant, pour la navigation fluviale., à la remonte et à la descente, pour la navigation, maritime à Ventrée et d la sorti». Des flèches indiquent le sens des courants de transport.
- Ve tonnage, correspondant aux- trains et radeaux a été obtenu, en. comptant, une demi, tonne, par stéréo
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- Ora t>o par VL Jloncu.
- [Fig. I. Tonnage des rivières, canaux et ports en 18“8 (réduction d’une carte de statistique graphique publiée par le Ministère des Travaux publics),
- techniques ou financiers, qui relèvent de la statistique et peuvent intéresser l’Administration des Travaux publics. j*
- Sous la direction de M. E. Cheysson, ingénieur en chef des ponts et chaussées, directeur des Cartes et Plans, ce service vient de publier un album de seize cartes, qui constitue la seconde applica-
- tion de la mesure édictée par l’arrêté de 1878 h Ces planches se divisent en deux grandes catégories: les unes ont trait aux faits d’un seul exercice (comme les tonnages annuels), et, sous le nom de
- 1 Cet album cartonné est mis en vente dans les deux librairies Dunod et Cbaix, au prix de fr. 50 l’exemplaire.
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- LA NATURE.
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- planches de fondation, doivent se reproduire tous les ans, de manière à permettre la comparaison des faits de même ordre dans la suite des temps ; les autres expriment au contraire la résultante d’une longue série de faits accumulés (comme, par exemple, les frais de premier établissement des chemins de fer ), et s’accommodent dès
- lors d’un renouvellement à plus grand intervalle.
- La première catégorie comprend dix planches consacrées à l’exercice 1878; la seconde en compte six, qui donnent la situation actuelle arrêtée à la fin de cette même année. Si l’on veut bien se reporter aux dates des documents administratifs, auxquels elles se réfèrent nécessairement, et tenir compte
- Graoel par E. Morve u.
- Fig. 2. Développement des chemins de fer dans les principaux États de l'Europe, de 1830 à 1878 (réduction d’une carte de statistique graphique publiée par le Ministère des Travaux publics).
- du temps qu’exigent leur préparation et leur exécution matérielle, on reconnaîtra que c’est seulement au prix de grands efforts et en devançant pour certains faits la publication officielle des documents (grâce à la communication bienveillante d’épreuves ou même de textes manuscrits), qu’on est parvenu à fournir la représentation graphique de la statistique à dix-huit mois d’intervalle.
- Après ces indications sur l’historique et l’exécu tion matérielle de l’album, nous ne pouvons songer à entrer ici dans la description détaillée de ses planches et encore moins insister sur les enseignements qui s’en dégagent. Mais nous croyons utile de donner une idée sommaire de leur contenu et surtout de leur groupement par série.
- Un premier groupe se compose de trois cartogram-
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- LA NATURE.
- mes figurant les tonnages sur les chemins de fer, les voies navigables et les routes nationales. Les bandes de diverses couleurs tracées le long de ces voies, ont une largeur proportionnelle au tonnage moyen ramené à la distance entière et le représentent à la même échelle pour les trois cartes. Elles figurent ainsi d’une manière expressive les courants de circulation, sorte de fleuves qui débitent, non pas des mètres cubes d’eau, mais des tonnes de marchandises, et elles permettent, non seulement de mesurer les services rendus par les diverses voies existantes, mais encore de préjuger ceux des voies à ouvrir.
- Nous reproduisons ci-contre, enMa réduisant et
- DIAGRAMME
- figurant le développement des chemins de fer du Monde de 1830 à 1818.
- Années............ 1830 1835 18VÔ' 1855 1850 Ï8S5 I960 1865 'ÎB7<M81S '81®
- leurs en1Q00 Kil"1 0.2 2,2 1,5 16,9 38,0 66,8 106.8 153,8209,1 2962330.9
- ETATS-UNIS D'AIYIERIÇUE
- INDE ANGLAISE
- CANADA
- Fig. 3. Développement des chemins de fer de 1030 à 1878 (complément de la ligure 2).
- en remplaçant les couleurs par des bandes teintées, la curieuse carte du tonnage des rivières, canaux et ports en 1878 (fig. 1).
- Un second groupe de trois planches a trait aux recettes brutes et aux bénéfices nets des chemins de fer.
- Un troisième groupe comprend quatre cartes consacrées aux frais de premier établissement et aux conditions techniques d’établissement des chemins de fer et des voies navigables. Pour les chemins de fer, la planche des frais de premier établissement distingue les subventions de l’État et les charges des Compagnies.
- Une quatrième série de trois cartes figure la circulation dans Paris en 1878, à l’aide des recettes kilométriques produites au cours de cette année par les omnibus, les tramways, les bateaux-omni-
- bus et les hirondelles, enfin parle chemin de fer de Ceinture. Quoique d’une portée moins générale que les autres séries, celle-ci emprunte un intérêt particulier à ce fait que l’année 1878 a vu l’Exposition universelle et correspond ainsi à un accroissement exceptionnel de la circulation parisienne.
- Si l’on met à part la planche des Recettes brutes des stations, toutes celles dont il vient d’être question appartiennent à la catégorie des carto-grammes à bandes figuratives dont nous avons donné un spécimen (fig. 1). Les autres planches rentrent dans la catégorie des cartogrammes à foyers diagraphiques.
- Dans ce genre de cartogramme, on construit sur les divers points qu’on veut signaler, comme sur autant de centres ou « foyers diagraphiques », une série de petits diagrammes, dont l’ensemble présente la loi des phénomènes accomplis simultanément sur la contrée envisagée.
- Nous reproduisons ci-contre en la réduisant, la dernière planche qui se rapporte à l’accroissement du réseau ferré des grands États de l’Europe, de dix en dix ans depuis 1850, et qui le figure par des cercles proportionnels distribués régulièrement sur une circonférence dont le centre est le chef-lieu de chaque État (fig. 2). La figure 5, que nous avons dû séparer et placer en dehors, complète ce curieux document.
- Si la statistique graphique, bien que née d’hier, étend chaque jour son domaine et le cercle de ses applications, s’il n’est presque plus aujourd’hui de branches de l’activité humaine qui ne recoure à ses services, c’est qu’elle remplace avantageusement les longs tableaux de chiffres et qu’elle permet, non seulement d’embrasser d’un seul coup d’œil la série des phénomènes, mais encore d’en signaler les rapports ou les anomalies, d’en trouver les causes, d’en dégager les lois.
- SUR UNE PUUIE DE SANG
- AU MAROC
- Pendant le cours de mon exploration du Maroc, j’ai traversé ce pays, de l’Atlantique jusqu’à la Méditerranée en parcourant la chaîne de l’Atlas et récoltant en chemin ce que l’on peut saisir dans les haltes que donne la vie de caravane : minéraux, lichens, diatomées, etc. Grâce à la haute protection du Ministre des Affaires étrangères, j’ai pu pénétrer et séjourner à Ouessin, ville sainte de l’Islam, qu’aucun Européen n’avait encore pu visiter. Elle est au pied du haut Atlas, qui fournit là et plus au sud des sommets bien plus élevés qu’en Algérie. Les cimes du Maroc atteignent jusqu’à 5000 et 5400 mètres, tandis que celles du Jurjura ne dépassent pas 2400. C’est le chef religieux de cette ville qui nous offrait l’hospitalité. Il a, outre ses femmes, épousé une Anglaise, et nous passions pour
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- LA NATURE.
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- res parents aux yeux de la population, qui ainsi ne nous fut pas hostile. J’appris de lui, dans une de ces conversations amicales qui suivirent la réception officielle, qu’une « pluie de sang » avait été vue au Djebel-Sekra. Ce nom désigne une montagne sainte sur laquelle vont seuls, deux fois par an, prier quelques schérifs. Elle forme un cône fort abrupt de 2800 mètres environ, bien détaché du reste de la chaîne, et placé lui-même sur une haute et longue crête de rochers. Ayant insisté auprès du grand scliérif pour avoir l’autorisation de la gravir, il me l’accorda. « Mais, me dit-il, pars de nuit, qu’on ne te voie pas, et vas seul avec Mohammed », désignant ainsi l’officier de gendarmerie qui nous a accompagnés et protégés pendant tout ce voyage. Mon cher compagnon déroute, M. Bilosi, de Milan, lieutenant de la marine militaire italienne, dut rester au logis.
- Ce n’est pas peu de chose que d’explorer et de gravir un de ces hauts sommets du Maroc. Il fit ce jour-là, à Ouessin, -f- 44° centig. L’air était pur et très calme. Peu avant notre arrivée, le Djebel-Sekra avait eu, pendant quelques jours, un grand nuage plat, fort épais, faisant barre environ aux trois quarts de sa hauteur. C’est lui qui avait déversé, disait-on, sur les rochers, « le sang des premiers saints morts jadis dans la localité ». A la montée, ni arbres, ni forêts. La montagne est nue et la végétation jaune et desséchée ; ni sources, ni marécages, et au sommet pas de neiges. A 2500 mètres environ, quelle ne fut pas ma stupéfaction en apercevant, d’abord çà et là, puis ensuite en abondance, des taches rouges,.minces, écailleuses et luisantes, très adhérentes à la roche et se détachant difficilement avec la lame du couteau. On en trouvait sur le roc nu, sur l’herbe sèche, sur les lichens, partout, et je n’ai jamais rien vu qui imite mieux le sang !
- De retour an logis, l’étude microscopique que j’en fis me montra que ces taches étaient composées de Protococcus fluvialis, mais jeune et non encore développé, mêlé à des débris organiques et à beaucoup de sable excessivement fin ; l’observation directe et la lumière polarisée y dénotaient quelques cristaux d’albâtre.
- Voici l’explication que je crois pouvoir donner de ce curieux phénomène :
- A Ouessin, les deux vents qui dominent sont : 1° celui du sud-est au nord-ouest, vent venant du désert ou des oasis de Tafillet. Très élevé d’abord et saturé d’eau, il heurte l’Atlas, puis longe cette chaîne et s’y abaisse en s’y refroidissant beaucoup, car ces hauts sommets gardent leur neige jusqu’à la fin de juin et même souvent plus tard. Ce vent, à son départ, est toujours chaud et violent; 2° l’autre vent vient de l’Atlantique ; il marche assez exactement de l'ouest à l’est, il est humide, assez frais et régulier dans son intensité. Disons tout d’abord que la vase qui borde les ehotts sahariens m’a souvent offert au microscope le Protococcus fluvialis en abondance, tantôt encore vivant, rose, jaune et sur-
- tout rouge vif; tantôt mort, desséché, noir et comme carbonisé l. Eli bien, cette dite pluie de sang a dû être causée par un violent coup de vent du sud chariant avec lui et le sable du désert et celui des ehotts desséchés, puis des spores de cette algue unicellulaire. Le plus gros sable est tombé, la plus fine poussière seule est restée ; son énorme dose d’humidité se séparant au contact froid de l’Atlas, a permis à ces spores de se développer chemin faisant ; arrêté à son arrivée en ces parages par le vent tranquille et régulier de l’Atlantique, il a formé cette barre de nuages épais et pluvieux vue les jours précédents autour de Djebel-Sekra (comme elle se forme, du reste, à la même altitude, au pic de Ténériffe). Au fur et à mesure que cette algue grossissait, augmentait aussi sa consistance inuci-lagineuse (le soleil dardant sur ce nuage devait donner la clarté nécessaire) ; elle a dû alors agglutiner la poussière ambiante, former des gouttelettes pâteuses et tomber ainsi sur le sol, où la sécheresse, succédant peu après, a dû arrêter net tout développement. Je ne m’expliquerais autrement pas pourquoi tous les exemplaires sont restés à l’état rudimentaire et pourquoi aucun n’est arrivé à son entier développement. Comment pourrait-on aussi expliquer autrement le fait de ces taches également disséminées et sur la roche et sur la végétation herbacée? Cela a dû être forcément un phénomène aérien. D’ailleurs, cette algue peut acquérir, en deux ou trois jours au plus, les faibles dimensions qu’elle a dans ces taches. L’albâtre que j’y ai observé se trouve aussi répandu dans toute l’étendue saharienne (j’ai publié, en 1876, l’analyse chimique du sable des dunes de Tuggurt (Sahara algérien), il contenait 19 p. 100 de sulfate de chaux). Du reste, j’appris que cette pluie de sang était loin d’être unique, et qu’on en avait observé deux dans ces dix dernières années. Je n’ai pu savoir si lès sommets du centre de la chaîne offraient le même phénomène, car personne n’escalade ces monts; leur nudité, leur aridité excessive et leur manque de sources font qu’on n’y voit jamais ni pâtres ni troupeaux.
- J. Brun,
- Professeur à l'Université de Genève.
- LA CHIMIE DE L’AMATEUR
- L’accueil qui a été fait à notre essai de Physique sans appareils nous encourage à tenter d’appliquer à d’autres sciences ce mode d’enseignement pratique. Il est facile, en ce qui concerne la chimie, par exemple, d’exécuter un grand nombre d’expériences et de donner idée de phénomènes intéressants, en n’ayant à sa disposition qu’un très modeste matériel de verres, de fioles et de bouteilles. Des
- 1 J’estime que c’est lui qui, ainsi devenu noir, a donné les pluies d’encre dont parlent Ehrenberg et d’autres naturalistes
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- LA NATURE.
- | merce sous le nom
- Fig. 1. Réaction produite par l’acide nitrique sur le fer
- bouclions, et des limes pour les percer, des tubes de verre pour construire des appareils, quelques reactifs fondamentaux, avec lesquels on peut fabriquer soi-mème des sels et des produits multiples; il n’en faut pas plus, l’ingéniosité et la persévérance aidant, pour se monter un laboratoire de chimie à peu de Irais.
- Veut-on représenter l’énergie avec laquelle les corps se combinent, et montrer comment s’opèrent les réactions chimiques, il suffit, de placer quelques clous de fer dans un verre, et d’y verser de l’acide nitrique ou eau-forte. On voit aussitôt se produire un bouillonnement tumultueux, des torrents* de vapeurs rouges se dégagent et la température s’élève à un tel point, qu’on ne peut plus toucher de la main la paroi du vase, devenu brûlant (fig. 1). Le métal oxydé s’est uni à l’excès d’acide, pour former un sel, le nitrate de fer.
- Nous nous bornons à citer l’exemple de combinaison qui précède, sans insister davantage sur des expériences de même ordre. Nous publierons aujourd’hui la description de quelques expériences de chimie qui sont de nature à être facilement reproduites et à intéresser tous les amateurs de cette science.
- Nous commencerons par indiquer comment on peut obtenir ces curieux serpents de Pharaon au sujet desquels plusieurs lecteurs nous ont demandé des renseignements.
- C’est au moyen du sulfocyanure de mercure que l’on prépare
- ... , Fig. 2. Expérience du serpent de Pharaon.
- ces petits cônes com-
- bustibles, généralement désignés dans le com- | cure, il se dégage de
- de serpents de Pharaon.
- Pour obtenir le produit en question, on verse du sulfocyanure de potassium dans une dissolution étendue de nitrate acide de mercure. H se forme un précipité blanc grumeleux très abondant. On le recueille sur un filtre et on lave à l’eau. Quand le produit est égoutté, on le fait sécher à 100°. A l’état sec, c’est une poudre blanche; on la transforme en une pâte ferme par une trituration dans de l’eau gommée. La pâte, additionnée d’une petite quantité de nitrate de potasse, puis façonnée en cônes ou en cylindres de 5 centimètres environ de hauteur, est complètement desséchée au bain-marie. Une fois sec, Yœuf ainsi obtenu est prêt à éclore sous la simple action d’une allumette enflammée, et le phénomène se produit immédiatement. Le sulfocyanure se boursoufle peu à peu, le cylindre s’allonge à vue d’oeil, et se transforme en une matière jaunâtre qui se dilate, s’étend jusqu’à atteindre une longueur de 50 à 60 centimètres. On dirait un véritable serpent qui prend instantanément naissance pour se dérouler en replis tortueux et s’échapper de l’étroite prison où il était resserré (fig. 2).
- Le résidu est en partie formé de cyanure de mercure et de para-cyanogène; il constitue un produit vénéneux qui doit être jeté ou brûlé. 11 est friable et tombe facilement en poussière sous le seul contact des doigts. Pendant la décomposition du sulfocyanure de mer-grandes quantités d’acide
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- LA NATURE.
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- sulfureux et d’autres gaz délétères, et il est à regretter que le serpent de Pharaon signale son apparition par une odeur suffocante très désagréable. 11 serait imprudent de renouveler plusieurs fois l’expérience dans une chambre fermée.
- On voit souvent chez les pharmaciens de grands
- Fig-. 5. Cristaux d’iodure de cyanogène dans une fiole.
- Rien n’est plus facile que la préparation de l’/o~ dure de cyanogène, corps très volatil qui a une
- Fig. 5. Fer pyrophyrique brûlant au contact de l’air.
- lange formé de 50 grammes de cyanure de mercure et de 100 grammes d’iode; par l’action prolongée du pilon, la poudre, d’abord brunâtre, prend une nuance rouge-vermillon du plus vif éclat. 11 se forme de l’iodure de mercure. Le cyanogène d’autre part s’empare aussi de l’iode, et le résultat de la combinaison se transforme en vapeurs avec une grande rapidité. Si vous emprisonnez cette poudre rouge
- bocaux en verre dont les parois intérieures sont toutes hérissées de cristaux blancs, transparents et soyeux, du plus bel aspect, qui se forment au-dessus d’une poudre rouge placée au fond du vase. Ces cristaux sont le résultat d’une* autre combinaison du cyanogène avec l’iode.
- Fig. 4. Expérience de l’ammonium.
- grande tendance à prendre une forme cristalline définie. U suffit de broyer dans un mortier un mé-
- Fig. 6. Feuille d’or suspendue au-dessus du mercure.
- au fond d’un vase en verre bouché, les vapeurs d’iodure de cyanogène ne tardent pas à se condenser, en donnant presque immédiatement naissance à de beaux cristaux blancs et soyeux qui atteignent souvent une grande longueur (fig. 5).
- Nous continuerons à décrire quelques autres expériences qui s’exécutent habituellement dans les cours de chimie.
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- LA NATURE.
- Le gaz ammoniac, combiné avec les éléments de l’eau, semble être analogue à un oxyde métallique qui renfermerait un radical métallique, Y ammonium. Ce métal hypothétique, composé peut, en quelque sorte être entrevu, puisqu’il est possible de l’amalgamer avec le mercure, ce qui donne lieu à une expérience très remarquable. On opère de la manière suivante.
- On prend un mortier de porcelaine, dans lequel on verse une petite quantité de mercure ; on découpe en minces lamelles, du sodium que l’on jette sur le mercure ; en agitant avec le pilon, le mélange fait entendre un crépitement assez violent accompagné d’une flamme qui signale par sa présence l’union du mercure et du sodium, la formation d’un amalgame de sodium. Si l’on jette cet amalgam de sodium dans un tube de verre effilé contenant une solution concentrée de chlorhydrate d’ammoniaque dans l’eau, on voit le mercure se gonfler d’une manière extraordinaire, déborder sous forme d’un magma métallique très abondant, et jaillir à l’extrémité du tube, devenu trop petit pour le contenir (fig. 4). D’après l’hypothèse dont nous entretenons nos lecteurs, Y ammonium, le radical qui existerait dans les sels ammoniacaux, se serait amalgamé dans cette expérience avec le mercure, en chassant le sodium qu’on y avait préalablement combiné; l’ammonium ainsi uni au mercure ne tarde pas à se décomposer en gaz ammoniac et en hydrogène, et le mercure reprend sa forme habituelle.
- Rappelons que parmi les sels ammoniacaux, le phosphate d'ammoniaque est précieux par la propriété qu’il possède de rendre incombustibles les étoffes les plus légères, telle que gaze et mousseline. Trempez de la mousseline *dans une dissolution de phosphate d’ammoniaque et faites-la sécher au contact de l’air; cela fait, il vous sera impossible d’enflammer cette étoffe, qui aurait pris feu bien, facilement auparavant ;*vous pourrez la carbn* niser, mais/le feu le plus intense ne la fera pas brûler avec flamme* Il serait à souhaiter que cette pror priété remarquable fût mise à profit pour les robes de bal, qui'ont si souvent causé de si graves accidents par leur inflammation. Nul danger d’incendie avec une robe imbibée de phosphate d’ammoniaque, sel très usité, qui se vend à bas prix chez tous les fabricants de produits chimiques.
- Si vous voulez boire frais en été, les sels ammoniacaux vous en donneront encore le moyen : le nitrate d'ammoniaque mélangé avec son poids d’eau produit un abaissement de température de 24 degrés centésimaux, et peut ainsi servir à fabriquer facilement de la glace. L'alcali volatil, qui préserve si bien des inconvénients des piqûres d’insectes, est une dissolution de gaz ammoniac dans l’eau; le sel volatil d'Angleterre, dont l’odeur piquante ranime ceux qui se trouvent mal, est un carbonate d’ammoniaque.
- Parmi les expériences que l’on peut facilement
- faire à l’aide des métaux usuels, celle du fer pyro-phorique est très intéressante. Pour préparer ce produit, on place dans un tube de verre vert, étiré en ampoule, de l’oxalate de fer pulvérisé bien sec, on chauffe au rouge, et on y fait passer un courant de gaz hydrogène. L’oxalate de fer, sous la double influence de l’hydrogène et de la chaleur, se réduit en fer métallique qui prend l’aspect d’une poudre noire impalpable. Quand l’expérience est terminée, on ferme l’ampoule de verre à la lampe d’émail-leur, et le fer réduit, ainsi protégé du contact de l’air, peut se conserver indéfiniment ; mais si on le projette dans l’air en brisant la pointe de l’ampoule à l’aide d’une pince de fer, il brûle spontanément en produisant une véritable pluie de feu d’un très bel effet (fig. 5).
- La figure 6 représente une intéressante expérience qui démontre la volatilité du mercure. Une feuille d’or est suspendue dans une bouteille, à quelques centimètres au-dessus d’une couche de mercure; cette feuille d’or ne tarde pas à se ternir et à s’amalgamer avec les vapeurs absolument invisibles qui se dégagent.
- Gaston Tissandier.
- —»<>«—
- LE DERNIER MOT DU TAQUIN
- Nos lecteurs connaissent déjà le tableau A (fig. 1); c’est celui qui se trouve inscrit sur la couverture du jeu du Taquin1.
- On sait que le journal la Presse illustrée avait proposé un prix de 500 francs pour la personne qui parviendrait à résoudre le problème suivant :
- Jeter les quinze cubes hors de la boîte, les y replacer au hasard, puis, en les permutant ensemble, les ramener dans l’ordre du tableau A.
- Or, personne n’a résolu le problème ainsi posé', par la raison toute simple qu’il est imposable, ou plutôt qu’il n’est possible que dans la moitié dey cas.
- Vous pouvez toujours, en effet, en permutant convenablement les cubes, ramener les 12 premiers numéros à leur place; vous pouvez même ramener à sa place le n° 15. Mais au lieu d’obtenir invariablement, dans la dernière rangée, l’ordre 13,14,15, vous obtiendrez une fois sur deux l’ordre 13,15,14.
- Or, dans ce dernier cas, vous pourrez toujours ramener les cubes dans l’ordre du tableau B, qui est symétrique de A.
- Un cas quelconque vous étant proposé, vous pouvez donc le résoudre par l’un des deux tableaux A ou B.
- Or, comment prédire d’avance, et sans déplacer un seul cube, si le cas proposé aboutira à A ou à B?
- Rien ne vous sera plus facile, cher lecteur, si vous voulez bien me prêter un peu d’attention.
- 1 Voy. n» 375 du 7 août 1880, p. 147.
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- LA NATURE.
- 267?
- Je prends un premier exemple ; je jette les cubes hors, de la boîte, et je les y rétablis dans l’ordre représenté figure 2 :
- Je dis alors : 1 occupe la place de 11, 11 celle de 7, 7 celle de 8, 8 celle de G, 6 celle de 15 et 15 celle de 1.
- Je formule cette première remarque comme il suit :
- 1re série.— 1.11.7.8.6.15.1. . (6) paire.
- Je compte le nombre de points intercalés dans cette première série, j’en trouve G, et je note (6) entre parenthèses.
- J’appelle cette première série paire, par la raison que 6 est un nombre pair.
- J’établis par la même formule une deuxième série commençant par le nombre 2 :
- 2e série. — 2. 4. 2............. (2) paire.
- Puis une troisième, commençant par 5 :
- 5e série. — 5. 5. 10. 12. 5. . . (4) paire. Puis une quatrième et dernière, commençant par 9:
- 4e série. — 9. 15. 14. 9. . . . (5) impaire.
- Tableau A.
- 1 2 3 4
- 5 6 7 8
- 9 10 11 12
- 13 14 15
- Tableau B.
- 4- 3 2 1
- 8 7 6 5
- 12 11 10 9
- 15 14 13
- Fig. 1.
- J’appelle cette quatrième série impaire, par la raison que 5 est un nombre impair.
- J’obtiens ainsi 4 séries, dont le total des points intercalés est précisément de 15, ce qui doit être, puisqu’aucun cube ne se trouve rétabli à sa place.
- Je prends de suite un second exemple (voy. fig.3) :
- J’établis les séries comme dans l’exemple précédent :
- lre série...... 1. 7. 1 (2) paire,
- 2e — .... 2.11.3.8.4.15.2(6) paire,
- 5e — .... 5.12.13.5 (3) impaire,
- 4e — .... 9.14.10.9 (5) impaire.
- Le total de ces 4 séries ne donne que 14, par la raison que le cube 6 n’est pas déplacé.
- Voici maintenant la règle, pour prédire d’avance, une fois les séries établies, si le cas proposé se ramènera au tableau A ou au tableau B: 1° ne pas tenir compte des cubes non déplacés ; 2° ne pas tenir compte des séries impaires ; 3° ne tenir compte que des séries paires.
- Si l’on rien trouve pas une seule, ou bien si l'on en trouve 2, 4 ou 6, le cas se ramènera au tableau A. Si l'on en trouve 1,5,5 oui, le cas se ramènera au tableau B.
- Appliquons cette règle très simple aux deux exemples proposés.
- Dans le premier nous trouvons 3 séries paires, c'est donc le tableau B. ;
- Dans le second nous trouvons 2 séries paires,c’est donc le tableau A.
- Vous voici maintenant en possession d’une règle simple, rapide et infaillible, qui vous permettra de dire d’avance auquel des deux tableaux A ou B un cas quelconque peut être ramené.
- N’allez pas au moins me faire l’injure de penser que je vous ai donné ici deux cas préparés d’avance. Vous pourrez vous convaincre par vous-même de l’exactitude de ma règle, en vous donnant autant de cas que vous voudrez.
- Je tiens, toutefois, à vous prévenir que votre vie
- 15 4 12 2
- 3 8 11 7
- 14 5 1 10
- 9 13 6
- Fig. 2.
- entière ne suffirait pas pour vérifier cette règle sm> tous les cas possibles. Car, ce que vous ne savez
- 7 15 11 8
- 13 6 1 3
- 10 14 2 5
- 12 9 4
- Fig. 3.
- peut-être pas, c’est que le nombre de ces cas possibles est égal au produit :
- 2x3x4x5x6x7x8x9x10x11x12x13x14x19 c’est-à-dire au chiffre immense de 1 507 674 368 000.
- Plus de treize cent milliards !
- PlARRON DE MoNDESIR.
- BIBLIOGRAPHIE
- Projet d'organisation du service de santé de la Compagnie du Canal interocéanique de Panama, lettre à M. le comte Ferdinand de Lesseps, par le docteur Louis Companyo, directeur-conservateur du Muséum d’histoire naturelle de Perpignan, in-8° de 137 pages avec figures. Paris, 1880, J. B. Baillière et fils, 19, rue Hautefeuille. Prix, 3 francs.
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- 268
- LA NATURE.
- LES USINES ÉLECTRIQUES DE PARIS
- Le Salon de Peiulure. — L’avenue de l’Opéra.
- Nous (levons, pour compléter l’étude que nous avons faite des usines électriques du Louvre et de l’IIippodrome1, dire quelques mots — un peu tardifs, il faut l’avouer — sur les installations de lumière électrique du Salon de peinture et de l’avenue de l’Opéra.
- Le Salon de peinture. — L’éclairage du Salon s’est fait cette année, comme l’année précédente, exclusivement à l’aide des bougies Jablochkoff. L’installation de cet éclairage n’a pas eu lieu sans de grandes difficultés ; le jury, se plaçant au point de vue exclusif de l’art, s’y était d’abord opposé. On peut reprocher à la bougie Jablochkoff quelques scintillations, des changements d’éclat et de coloration très préjudiciables à l’effet artistique, ainsi
- qu’une teinte générale un peu trop riche en rayons violets. Ces défauts admis — et il ne faut pas s’en exagérer l’importance, — reconnaissons que la lumière électrique pouvait seule, dans l’état actuel de nos connaissances, remplir le rôle qui lui incombait, et si l’on considère les difficultés aussi nombreuses que nouvelles qu’il a fallu surmonter, on peut affirmer que la tentative qui vient d'ètre faite a eu un succès réel. Le public a d’ailleurs montré, par son empressement, qu’il appréciait cet éclairage; les peintres y ont gagné en ce sens qu’ils ont pu être admirés plus longtemps. Un grand nombre de personnes, à Paris, ne disposent en effet que de leur soirée et n’auraient jamais visité le Salon sans l’éclairage électrique. H y a donc eu, en réalité, profit pour tout le monde.
- L’usine électrique, placée dans un bâtiment en bois sur le côté du Palais de l’Industrie qui regarde le quai, alimentait trois cent soixante-seize bougies, dont quarante éclairaient le Musée des arts décora-
- 48 Foyers
- Rn«- h\
- 01 ‘K HA
- 'h. DU TUFRANÇAIS
- riau de l’installation des foyers électriques fonctionnant avenue de l’Opéra, à Paris, depuis la place du Théâtre-Français
- tifs. La force motrice était fournie par six machines :
- 1° Deux machines de 100 chevaux chacune, menant chacune huit machines Gramme auto-excitatrices à courant alternatif de seize bougies ;
- 2° Deux machines de 35 chevaux chacune, menant une auto-excitatrice de seize foyers et une machine excitatrice séparée de vingt foyers;
- 3° Deux machines de 25 chevaux chacune, conduisant une machine de vingt foyers à excitatrice séparée et une petite auto-excitatrice de quatre foyers, soit six machines à vapeur d’une force totale de 320 chevaux, pouvant en développer 450 s’il était nécessaire, et mettant en mouvement vingt-quatre machines dynamo-électriques à courants alternatifs alimentant trois cent soixante-seize bou-gies.
- Nous voyons figurer dans cette application un grand nombre de machines auto-excitatrices. Voici en quoi consiste le principe de ces machines. Dans
- 1 Voy. la Nature, n° 362 du 8 mai 1880, p. 359.
- toutes les machines dynamo-électriques à courants alternatifs, on emploie un appareil spécial pour exciter les électro-aimants qui constituent le champ magnétique1.
- Dans les machines dites auto-excitatrices, il y a bien aussi en réalité deux appareils distincts, mais ils sont accolés, montés sur le même bâti, et les pièces mobiles montées sur le même arbre reçoivent leur mouvement par une seule et même poulie. 11 résulte de cela une simplification dans le mécanisme et une solidarité entre les machines, obligées de tourner toujours à la même vitesse.
- Il y a peu de choses à dire au point de vue de la distribution de la lumière dans les salles. On peut remarquer toutefois que les éclairages par foyers séparés sont inférieurs aux éclairages par bouquets. Lorsque les foyers sont séparés et trop près des peintures, il en résulte des reflets très désagréables. Nous sommes d’avis, avec M. Franck Géraldy, dans
- 1 Voir la description des machines Lontin, Gramme et Siemens à courants alternatifs dans la collection de la Nature (années 1878-1880).
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- LA NATURE,
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- la Lumière électrique, qu’il vaut mieux placer les loyers au milieu, dans de simples globes,en y faisant brûler alors deux bougies à la fois. La clarté est plus régulière, le vélum joue le rôle de réflecteur doux, et le point lumineux, plus éloigné des toiles, donne moins de reflets. Cette disposition sera probablement, l’année prochaine, étendue à tous les foyers. Dans le jardin où était la sculpture, il y avait soixante-quatorze foyers fournissant un jour doux sans éclat, avec quelques changements de couleur assez sensible et des ombres .sans trop de rudesse; en somme, un éclairage convenable. L’usine électrique du Salon de peinture est l’usine dans laquelle on a transformé la plus grande quantité de travail en énergie électrique, et le coup d’œil qu’elle présentait en activité était des plus intéressants et des plus remarquables.
- L'avenue de l'Opéra. — L’éclairage de l’avenue de l’Opéra a été vu par tout le monde et jugé depuis longtemps; nous n’avons donc pas à l’appré-
- cier ici. Dans le principe, l’électricité était fournie par quatre usines; aujourd’hui, il n’y en a plus que deux, bien que l’on ait augmenté le nombre des foyers. Celle qui alimente l’avenue est placée rue d’Ârgenteuil (voir le diagramme) ; elle dessert quarante-huit bougies disposées en douze circuits de quatre bougies chacun. L’usine de la place de l’Opéra alimente vingt-deux foyers; la machine motrice et les machines électriques sont placées dans les caves de notre Académie de Musique. Ces deux usines emploient exclusivement des machines Gramme à courants alternatifs.
- Grâce à la découverte de M. Jablochkoff, qui date de trois ans à peine, l’éclairage électrique, que les machines de M. Gramme avaient déjà rendu pratique dans les cas où l’emploi des foyers puissants présente des avantages, a vu s’accroître dans une mesure remarquable le champ de ses applications.
- L’impulsion une fois donnée, les systèmes se sont multipliés, la division de la lumière et celle du
- L ' OPERA
- AVENUE
- t»^SoTmert. se
- jusqu’au Grand Opéra (les points noirs tracés sur le plan ci-dessus représentent les foyers électriques).
- courant électrique sont déjà réalisées dans une certaine mesure. Quels que soient les défauts de la lumière fournie par la bougie de M. Jablochkoff, nous devons être néanmoins reconnaissants à cet inventeur, car c’est par lui qu’une voie féconde a été ouverte aux développements de la science et du progrès.
- Ed. Hospitalier.
- CORRESPONDANCE
- SUR UN MOYEN PRATIQUE l/AVOIR L’HEURE VRAIE
- Monsieur le Rédacteur,
- Depuis plusieurs mois j’ai imaginé et je pratique, pour avoir l’heure vraie, un procédé à la fois très simple et très exact. Comme il me semble rentrer dans l’ordre de vos intéressantes études sur la Physique sans appareils, je prends la liberté de vous en donner communication.
- Dans un appartement visité à midi par le soleil, je tends un cordon dans le plan du méridien avec une certaine pente du Nord au Sud. Deux clous à crochet en
- fixent les extrémités. Le long de ce cordon peut glisser un fil à plomb qui s'y rattache par une boucle un peu large. Quand le soleil passe au méridien, si on reçoit sur un écran tenu à la main en lieu convenable les ombres superposées du cordon et du fil à plomb, on voit une ligne lumineuse entre deux lignes d’ombre bordées elles-mêmes d’une légère pénombre. 11 est midi vrai au moment où cette apparence est exactement symétrique par rapport à son axe.
- Pour rendre l’observation à la fois plus précise et moins fatigante, je complète cet appareil par un petit accessoire dont voici la disposition. C’est une carte de visite où est taillée au canif une petite fenêtre rectangulaire. Cette carte est fixée, par un moyen facile à trouver, tangentielle-ment à l’arête supérieure du cordon, au point qui donne les meilleures apparences sur l’écran. L’axe de la fenêtre doit correspondre exactement à l’axe du cordon, en sorte que les fentes ménagées des deux côtés du cordon aient bien la même largeur. Voici alors ce qu’on observe sur l’écran convenablement placé. En dehors du passage du soleil, on obtient une bande doucement éclairée entre deux pénombres de même largeur et de même intensité. Au moment du passage, on voit une bande claire centrale entre deux bandas obscures, lesquelles sont limitées extérieurement par deux bandes
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- LA NATURE.
- lumineuses étroites et de courte durée. Il est midi vrai au moment où ces dernières ont même largeur et même éclat.
- Cet appareil est essentiellement mobile. Les crochets seuls sont fixés à demeure; le cordon peut être posé seulement pour le moment de l’expérience et retiré ensuite; mais il faut que l’attache aux crochets soit tellemenl agencée que, toujours ce cordon passe par deux mêmes points qui en fixent l’orientation.
- La précision de cet appareil est surprenante. Bien manié, il donne l’heure à deux ou trois secondes près. La grande difficulté est d'orienter les points d’attache exactement dans le méridien. Il me parait préférable de les placer un peu au hasard dans une direction plus ou moins voisine du méridien. L’heure exacte du passage étant observée une fois avec une montre bien réglée, permet de connaître l’azimut de l’appareil. On peut alors construire une table qui donne, pour chaque degré de déclinaison du soleil, l’heure vraie du passage de cet astre par le plan de l’instrument. Une interpolation par parties proportionnelles permet ensuite de trouver l’heure vraie du passage pour tel jour qu’on voudra, la déclinaison pour ce jour étant donnée par Y Annuaire du bureau des longitudes. C’est le moyen que j’emploie avec plein succès.
- Voici les dimensions de mon appareil : longueur du cordon (grosse ficelle cirée), environ 5 mètres; diamètre, 2mm,50 ; diamètre du fil à plomb (petite ficelle cirée), le quart du précédent. Fenêtre de la carte : longueur, 25 à 50 millimètres; largeur, 5 millimètres.
- Veuillez agréer, etc.
- i; L’abbé A. B.,
- Professeur de théologie, licencié ès sciences.
- ». ,
- , P. S.— Les calculs dont il est parlé ci-dessus rentrent 'dans la trigonométrie sphérique ; mais les formules auxquelles ils conduisent sont tout à fait élémentaires.
- Soient D la déclinaison du soleil (positive au N., négative au S.), X la latitude du lieu, ^ et o deux inconnues auxiliaires, <p' et K deux constantes caractéristiques de l’appareil, h l’avance ou le retard du passage par rapport au midi vrai ; on a pour la première observation :
- , . tg D cot 15/i cos (X + A)
- C°t 9 = tg(pr=------------------------H—:---- ,
- * cos 15/i sm X sin 9
- d’où l’on tire les constantes de l’appareil
- ç' = —, K = cot X cos <p.
- 15 T
- Pour les autres observations :
- £
- cosa=KtgD, a'=—, h=o'—a'.
- D 15
- LE PHOTOPHONE OH TÉLÉPHONE OPTIQUE
- DE MM. GRAHAM BELL ET SUMNER TAINTER
- Au moment de mettre sous presse, nous recevons d’Amérique des renseignements très intéressants sur un merveilleux appareil imaginé par M. Graham Bell, que son invention du téléphone a rendu célèbre dans les deux Mondes. Sans pouvoir entrer dans les détails des appareils que nous décrirons
- complètement dans un de nos prochains numéros, nous croyons devoir annoncer le résultat obtenu.
- M. Bell et son collaborateur M. Sumner Tainter sont arrivés à transmettre la parole à distance par /’intermédiaire d'un rayon lumineux; les ingénieux inventeurs ont construit ainsi un véritable téléphone d’articulation optique, et dans le'urs premières expériences, ils ont transmis la parole à une distance de 215 mètres. Ce résultat nous paraît présenter, au point de vue scientifique, une importance si considérable, que nous avons cru devoir en informer dès aujourd’hui nos lecteurs.
- —
- CHRONIQUE
- La pesanteur à Paris. — On admet jusqu’à présent que la longueur du pendule qui bat la seconde à Paris est 995 millim. 85, mais les déterminations que l’on a faites de cette longueur, quoique ce soient des maîtres comme Borda et Biot qui les ont exécutées, ont eu lieu sans qu’011 ait tenu compte de plusieurs causes d'erreur. L’inertie de l’air entraîné par la boule et le fil du pendule est l’une de ces causes, et l’autre, beaucoup plus importante, réside dans l’oscillation des supports. Loi'squ’un pendule, même d’une faible pesanteur relative, se met à osciller, il entraîne avec lui, dans son mouvement d’oscillation, et d’une quantité remarquable, les supports les plus solides. En faisant, avec l’autorisation de M. Mouchez, à l’Observatoire de Paris, des expériences très soignées avec les supports du pendule de Biot qui ont été précieusement conservés, M. Peirce conclut que l’on doit aujourd’hui prendre pour la longueur du pendule qui bat la seconde à Paris, 995 millim. 9.
- M. Paye, examinant le travail de M. Peirce, rappelle que le pendule qui bat la seconde à l’équateur doit être d’environ 5 millimètres plus court qu’au pôle. Si l’on connaît cette petite différence à un dixième de millimètre près, on obtient la valeur de l’aplatissement du globe à un cinquantième près, c’est-à-dire avec une approximation plus grande que celle qu’on avait lors de l’établissement du mètre. Un centième de seconde d’erreur seulement dans la différence en question conduirait à une approximation de un cinq centième dans la valeur de l’aplatissement, plus qu’on ne peut espérer maintenant avec toutes les mesures géodésiques connues.
- Des effets thérapeutiques de la blatte orientale. — Un sait que le cancrelat ou blatte (Blatta orien-talis) est un insecte orthoptère de couleur noirâtre qui habite les cuisines et les boulangeries. En Russie, les blattes sont un remède populaire contre les hydropisies.
- Bogomolow les a employées dans neuf cas d’hydropisies cardiaques, hépatiques ou rénales et dans un cas de maladie de Bright avec pleurésie exsudative. Presque toujours l’administration quotidienne de 5 décigrammes de blattes pulvérisées amena, au bout de dix jours, la disparition des hydropisies. Le médecin russe avait conclu de ses expériences que la poudre de cancrelat provoque la diurèse, et, dans la majorité des cas, la diaphorèse ; qu’elle diminue l’albuminurie et le poids du corps; qu’elle fait disparaître œdèmes et ascites ; enfin, qu’elle ne trouble pas la digestion et n’irrite pas les reins.
- Untcrberger a traité quatre cas d’hydropisie scarlati-
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- neuse et un cas d’hydropisie morbilleuse avec albuminurie, par des doses de 18 à 30 centigrammes de blattes pulvérisées répétées trois fois par jour. Chez tous ses malades, la disparition de l’hydropisie et de l’albuminurie fut très rapide et accompagnée de diurèse. 11 a noté également de la diarrhée, qu’il attribue à un excès de transsudation intestinale.
- Kœliler a essayé le remède russe sur treize patients ayant des liydropisies de causes diverses, avec ou sans albuminurie. Malheureusement, chez une partie d’entre eux, il a eu recours simultanément au fer ou môme à la digitale. Ces réserves faites, voici ses conclusions :
- La poudre de blattes est à la fois un sudorifique et un diurétique; elle diminue ou supprime l’œdème et l’albuminurie. Son emploi est particulièrement indiqué dans les néphrites avec albuminurie. Elle n’irrite ni les intestins ni les reins. Elle a, dans tous les cas, déterminé l’apparition de sueurs sans élévation de la température, un quart d’heure après son ingestion ; la sudation cessait au bout de deux heures et demie.
- Kœhler s’est contenté de doses inférieures à celle de Bogomolow et de Unterberger. 11 n'a pas dépassé la dose de 3 décigrammes, répartie en trois fois pour la journée.
- Il préparait la poudre ou les pilules de la façon suivante :
- Les insectes sont arrosés vivants avec de l’éther ou du,' chloroforme, desséchés dans l’état d’engourdissement où on les a mis, puis broyés. La poudre ainsi obtenue est1-noiràtre, inodore, insipide.
- Le Bureau central météorologique —'M. le
- Ministre de l’Instruction publique vient de renouveler pour un an le Bureau central météorologique. OnCété nommés : président, M. Hervé# Mangon, membre de l’Institut ; vice-président, M. Cyprien Girerd, sous-secrétaire d’État au Ministère de l’Agriculture et du Commerce ; : secrétaire, M. Blavier, directeur-ingénieur des télégraphes.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 20 septembre 1880. — Présidence de M. Wuutz.
- Les odeurs de Paris. — Tout le monde connaît les intéressants résultats obtenus par M. Chevreul dans l’examen de la boue noire existant sous le pavé de Paris : cette boue contient en abondance du fer métallique, du proto-sulfure de fer, de l’oxydule de fer et du sesquioxyde de fer. Ramené sur cet intéressant sujet par la campagne menée récemment par les journaux contre le Conseil municipal à propos des « odeurs de Paris »,M. Henri Sainte-Claire Deville a voulu savoir quelle est la composition du liquide qui imprègne cette boue noire. Sa conclusion est que ce liquide est bien loin d’être de l’eau pure, et qu’il se rapproche au contraire de l’eau de mer. On y trouve de 25 à 30 pour 100 de matière solide, et celle-ci est constituée surtout par des sels, sulfate de chaux, chlorure de sodium et alcalis, au premier rang desquels figurent la potasse, la magnésie et la chaux, avec des traces d’ammoniaque. Les acides qui saturent ces bases sont avant tout l’acide butyrique et l’acide acétique. Mais, ce qui est beaucoup plus étrange, une partie de la chaux est à l’état d’acétylure, et le composé dont il s’agit, analogue aux acétylures décrits par M. Berthelot, fait violemment explosion lorsqu’on le chauffe à 400 ou 500 degrés.
- L’acétylure engagé dans cette combinaison dérive évidemment du gaz de l’éclairage, dont le sol est littéralement imprégné. C’est à la même source qu’il faut attri-
- buer la forte proportion de substances que la terre préalablement desséchée abandonne à l’éther. Parmi elles figurent le soufre cristallisé et du goudron de houille, « dont la proportion est telle, dit M. Deville, que celte terre infecte pourrait être employée comme coaltar pour désinfecter les plaies dans les hôpitaux ».
- La conclusion du travail que nous analysons surprendra beaucoup de personnes. Elle consiste à dire que si le sol de Paris sent incontestablement mauvais, on doit re-connaitre qu’il ne présente aucune qualité nuisible, étant au contraire éminemment antiseptique. C’est peut-être au gaz perdu dans le sol que Paris doit de voir chez elle les affections typhoïdes et cholériformes affecter un caractère épidémique au lieu d’être endémiques comme dans une foule de localités de l’Allemagne.
- Ajoutons d’ailleurs que cette manière de voir n’est pas acceptée par tout le monde sans protestation. M. Frémy fait remarquer avec beaucoup de raison que les arbres de nos plantations se trouvent en général fort mal du gaz qui baigne leurs racines, et il est difficile qu’une substance aussi contraire aux végétaux puisse être très salutaire aux hommes.
- • Propriétés de l’ozone.— Déjà nous avons dit comment, en faisant intervenir un abaissement considérable de température, MM. Troost et Ilautefeuille ont pu préparer de l’ozone à un état de concentration inconnu jusqu'ici. A —55 degrés, on ale gaz à G0 pour 100 d’ozone. Placé dans l’appareil de M. Cailletet, ce gaz ou même seulement de l’oxygène à 20 pour 100 d’ozone, manifeste par la compression un peu brusque, des phénomènes lumineux extrêmement brillants. En même temps, beaucoup de chaleur se dégage et le tube vole en éclats : l’ozone se décompose donc. Si, au contraire, on conduit la compression avec beaucoup de lenteur, on voit le gaz devenir d’un bleu violacé de plus en plus foncé, et telle est évidemment. la couleur de l’ozone. On s’en assure en observant ce qui se passe dans un tube entouré de.papier noir et dans lequel un courant d’oxygène.est soumis à l’action de l’effluve électrique. Après quelques étincelles, l'atmosphère du tube présente exactement la couleur du ciel bleu.
- En laissant brusquement se détendre Je gaz ozoné préalablement soumis à 35 atmosphères, on y détermine la production d’un brouillard bleu consistant évidemment en ozone liquéfié. On sait qu'il faut 300'atmosphèrcs pour que l’oxygène change d’état. _
- Les prix académiques. — Signalons un très important travail consacré par M. Maindron à l’histoire des prix de l’Académie des sciences depuis 1714 jusqu’à nos jours. Il fallait pour connaître à fond cet intéressant sujet avoir été appelé, comme M. Maindron, à remettre dansées archives de l’Académie cet ordre parfait que nous avons déjà admiré. Chemin faisant, l’auteur a dû faire de véritables découvertes. Par exemple on verra en le lisant que Mon-tyon, dont le nom est en général lié à l’idée de la fondation même des prix académiques, avait été précédé de beaucoup dans cette voie généreuse. C’est Rouillé de Meslay qui, par un testament dont M. Maindron reproduit les dispositions principales, constitua dès 1714 l’Académie des sciences, légataire d’une somme de 25 000 livres. L’inventeur des concours académiques eut d’ailleurs bientôt des imitateurs : le roi, le duc d’Orléans, Mignot de Montignv, l’abbé Raynal, de Sartines, après lesquels arrive le généreux Montyon.
- On lira aussi avec un profond intérêt, comment, en
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- LA NATURE.
- 1793, l’Académie proposa au Comité d’instruction publique de donner aux fonds de prix une destination patriotique: « Dans ce moment, dit le Mémoire, ovi tous les bons citoyens doivent se porter aux plus grands efforts pour venir au secours de la patrie, l’Académie se reprocherait de conserver plus longtemps un fonds mort qui pourrait être utilement employé à solder de braves défenseurs de la République. »
- Mais tout est à lire dans le beau travail de M. Main-dron, et l’on apprendra avec plaisir que la Revue scientifique vient d’en terminer la publication intégrale.
- Stanislas Meunier.
- MONUMENT COMMÉMORATIF
- J1ES
- BALLONS DU SIÈGE DE PARIS
- Tous nos lecteurs connaissent assurément le talent de M. Rartholdi, ce sculpteur patriote qui a taillé le Lion de Belfort et qui a emprunté ses procédés scientifiques à l’art du fondeur, pour confectionner la colossale et magnifique statue de la Liberté dont la rade de New-York doit s’embellir1.
- Monument commémoratif des ballons du
- M. Bartholdi a conçu le projet de consacrer un monument au souvenir des ballons du siège de Paris. Il a trouvé le moyen de représenter par la sculpture cet objet si essentiellement léger et aérien : l’aérostat. 11 le représente au moment où il va s’élever pour fendre l’espace et porter au loin la missive de l’assiégé ; sa nacelle est entourée de personnages savamment groupés. L’un d’eux, une mère qui tient un enfant sur ses genoux, adresse à l’aéronaute un adieu, qui peut-être, hélas ! sera le dernier.
- Aux quatre angles du vaste piédestal au sommet duquel est figurée la scène principale, des sculptures représentent des pigeons voyageurs qui
- siège de Paris (projet de M. Bartholdi).
- ont si heureusement fermé le cercle de la poste aérienne.
- M. Bartholdi nous a récemment fait hommage d’une photographie de ce monument, dont il a construit un modèle en plâtre. Cette œuvre nous a paru belle, ingénieuse et émouvante; nous avons pensé que nos lecteurs l’apprécieraient comme nous.
- Gaston Tissandier.
- 1 Voir la Nature, n° 2G1 du 1er juin 1878, p. 13.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.
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- K° 585. — 2 OCTOBRE 1880.
- LA NATURE.
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- LE PHOTOPHONE
- DE MM. GRAHAM DELL ET SUMXEB TAINTER
- Le téléphone, la merveille des merveilles, comme l’appelait sir William Thomson en 1876, vient d’être dépassé par les nouvelles découvertes de son illustre inventeur, M. Graham Bell, qui, après une longue série de recherches laites en collaboration avec M. Sumner Tainter, est arrivé à reproduire la parole à distance — 213 mètres dans les premières expériences — par l’intermédiaire d’un rayon lumineux convenablement modifié. C’est donc en réalité de la véritable téléphonie sans fil, ou de la téléphonie optique, que M. Bell est parvenu à réaliser dans ses mémorables expériences, dont il a présenté un résumé devant Y American Association le 26 août 1880. M. G. Bell avait d’ailleurs pressenti depuis longtemps la possibilité de cette remarquable expérience , car dans une conférence faite en Angleterre, le 17 mai 1878, le savant physicien avait déjà indiqué l'idée générale dont il a su depuis si bien poursuivre le développement jusqu'à obtenir la reproduction de la parole par l’intermédiaire des vibrations qui constituent le rayon lumineux.
- L’idée générale du
- genle une des faces de cette lame flexible et on parle devant l’autre face. Les vibrations vont changer la forme de la surface réfléchissante, qui se bombera plus ou moins, en suivant toutes les ondulations de la voix. La surface polie du miroir constituera donc ainsi un réflecteur divergent variable. Si l’on projette sur ce réflecteur un faisceau de rayons lumineux provenant d’une source fixe, le soleil, par exemple, les rayons réfléchis par le miroir seront dilatés, répartis sur une surface d’autant plus grande, que le miroir sera plus influencé par les vibrations; il en résulte que l’intensité des rayons lumineux réfléchis par le miroir et renvoyés dans une direction donnée, varieront d’intensité à chaque instant, avec la courbure du miroir, puisque la somme de lumière reçue restant la même, le petit miroir a pour effet de la réfléchir et de la disperser sur une surface à chaque instant variable.
- Ges
- ravons ainsi
- Diagramme théorique du photophone de MM. Graham Bell et Sumner Tainter.
- Transmetteur. — F, faisceau de lumière solaire ou oxhydrique. — L, lentille convergente. — M, miroir mince en mica argenté, réfléchissant la lumière par sa face polie, et derrière lequel on parle. Les vibrations modilient la forme de la surface et dispersent plus ou moins la lumière réfléchie. — lî, lentille renvoyant dans une direction parallèle les rayons réfléchis.
- Récepteur. —• HR', réflecteur parabolique recevant le rayon lumineux d’intensité variable émis par le transmetteur. — S, sélénium préparé placé au foyer du réflecteur. — P, pile. — T, téléphone Bell à lit tin. Le sélénium, la pile et lj téléphone sont disposés sur un seul et même circuit.
- problème résolu par les inventeurs est la suivante : produire,
- en parlant devant le poste transmetteur, un rayon lumineux d'intensité variable avec les vibrations de la voix, et diriger ce rayon sur l’appareil récepteur, qui transforme l’onde lumineuse en vibrations sonores. Ce sont donc deux appareils parfaitement distincts dans leurs fonctions et leurs dispositions ; ils ne sont plus réciproques, comme les téléphones magnétiques; nous devons par conséquent les étudier séparément.
- Transmetteur. — Le rôle du transmetteur est, comme nous venons de le dire, de produire un rayon lumineux d’intensité variable.
- • MM. Bell et Sumner Tainter ont imaginé près de cinquante formes d’appareils divers réalisant cette fonction ; ils en indiquent quelques types, nous décrirons celui qui, jusqu’ici, a donné les meilleurs résultats.
- Concevons un miroir plan formé d’une matière très flexible, une plaque de mica ou une lamelle de verre très mince, comme celles qui servent aux préparations microscopiques par exemple. On ar-8* année. — 2e semestre.
- par la parole, vont agir sur le récepteur placé à distance après avoir été rendus parallèles par une lentille convenablement disposée sur le trajet du rayon réfléchi par le miroir au poste expéditeur1 (voir le diagramme ci-contre).
- Récepteur. — Le rayon lumineux envoyé par le transmetteur arrive au récepteur dans un miroir parabolique au foyer duquel se trouve un morceau
- de sélénium convenablement préparé. Nous devrions ouvrir ici une large parenthèse pour faire l’historique du sélénium et des études récentes qui ont fait connaître ses singulières propriétés, mais nous réserverons cette étude pour un article spécial. Disons seulement qu’après de longues et nombreuses expériences, les inventeurs sont parvenus à augmenter considérablement la sensibilité du sélénium à la lumière; ce métalloïde convenablement préparé a la propriété de changer très rapidement de conductibilité électrique, lorsqu’il est frappé par un rayon de lumière, et sa conductibilité augmente avec l’intensité du rayon lumineux. Dans certains échantillons même, particulièrement sensibles, la
- 1 Dans un autre transmetteur, le rayon d'intensité variable était obtenu en faisant vibrer des plaques percées de fentes qui s’agrandissaient ou se rapetissaient, par leurs mouvements relatifs. Dans d’autres appareils, MM. Bell et Tainter employaient une lentille à foyer variable analogue à celle de M. le docteur Cusco, et qui a été décrite dans la Nature du 19 juin 1880.
- 18
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- LA NA T U HL.
- résistance électrique est devenue quinze lois moins "ramie, par l’exposition à la lumière du soleil, de ce qu’elle était dans l’obscurité.
- Cette propriété du sélénium une lois admise, on devine facilement quels sont les éléments qui constituent le récepteur. Le sélénium est placé au loyer du miroir parabolique pour recevoir les rayons lumineux envoyés par le transmetteur. Si maintenant on constitue un circuit électrique formé par une pile, le sélénium préparé et un téléphone de résistance convenable, on comprend que le sélénium jouera le rôle d’un microphone ordinaire, les variations de Fonde lumineuse qui le frappe se traduisant par des changements de résistance et enfin des changements d’intensité du courant, qui affecteront le téléphone du récepteur.
- C’est donc bien une vibration lumineuse ondulatoire qui sert ici de véhicule au son et à la parole. Cette transformation est des plus curieuses, et certes des plus inattendues. Bien que les expériences préliminaires aient préparé ces résultats, ils n’en sont pas moins étonnants et font le plus grand honneur à l’illustre inventeur du téléphone et à son collaborateur M. Sunincr Tainter.
- Hans sa conférence, M. Bell mentionne un grand nombre d’expériences non moins intéressantes que celle que nous venons d’exposer, et relatives à la transmission à distance des sons par un rayon lumineux.
- Lorsqu’au lieu de transmettre des sons articulés, on se contente de transmettre des sons musicaux, c’est-à-dire des sons produits par des extinctions brusques et rapides de la lumière projetée sur le récepteur, on peut obtenir des actions beaucoup plus intenses tout en employant une lumière beaucoup moins puissante.
- Tandis qu’il faut la lumière du soleil ou la lumière oxhydrique pour reproduire la parole, il suffit de la lumière d’une bougie pour reproduire les sons musicaux. L’appareil permet même d’envoyer un son qui n’existe pas réellement, en faisant tourner rapidement un disque percé de fentes, devant le rayon envoyé au récepteur. Un mouvement silencieux peut donc produire un son. On peut encore faire cesser le bruit musical produit au récepteur en cachant le disque tournant avec un écran : par des interruptions convenablement réparties, il est possible de reproduire ainsi à distance les points et les traits de l’alphabet de Morse, représentés par des alternances de silences et de vibrations.
- 11 serait prématuré de vouloir apprécier l’avenir pratique réservé à la nouvelle découverte de l’illustre savant américain.
- Les expériences n’ont encore été faites que sur des distances assez courtes, et il ne semble pas que l’on puisse éloigner beaucoup les deux postes. Quoi qu’il en soit à ce point de vue, l’invention de MM. Bell et Tainter datera dans les annales de la science ; elle montre les relations qui existent entre les forces physiques, en même temps qu’elle dévoile
- la délicatesse prodigieuse de notre organe auditif, sensible à des impressions qui lui arrivent après une foule de transformations successives.
- Nous aurons l’occasion de revenir sur ces belles expériences et sur les propriétés électriques du sélénium, lorsque, dans quelques semaines, nous mettrons les dessins complets des appareils sous les yeux des lecteurs de la Nature.
- « J’espère, a dit M. Bell en terminant sa conférence, (|ue la faveur scientifique qui a été accordée si volontiers au téléphone sera étendue à son nouveau compétiteur : le photophone. »
- Nous n’avons plus à faire l'éloge des travaux de M. Graham Bell; le nom seul de l’auteur est la garantie de la valeur de ceux-ci : nous avons la conviction que les espérances émises devant Y American Association ne seront pas déçues.
- E. Hospitalier.
- m SÉNÉGAL AU NIGER
- M. le docteur Quintin, actuellement établi à Morlaix, a exploré le Soudan, principalement au point de vue anthropologique et ethnographique, et a reconnu, du Sénégal au Niger, l’existence de quatre races nègres bien distinctes, à chacune desquelles correspond une langue différente. On peut encore employer, pour les distinguer, les caractères tirés de la couleur de la peau, des formes du corps, des traits du visage et du degré de l’intelligence; mais ces études séparatives sont très difficiles. En effet les populations du Soudan se sont tellement mélangées par les croisements que les types primitifs ont peu à peu disparu. Dans leurs migrations multiples, elles ont oublié leur langue, et il serait impossible, le plus souvent, de les distinguer, si on n’avait un guide sur pour les suivre au milieu de ces mélanges et de ces dispersions sans nombre, un guide qu’aucun voyageur n’a encore signalé, la connaissance de leur séparation en familles. Ce fait important nous démontre tout d’abord que ces races sont loin d’occuper les derniers échelons de l’humanité.
- Les Ouolofs ou Y-olofs se reconnaissent aisément parmi les autres nègres du Soudan, quand ils ne sont pas trop mélangés aux autres races; mais quand les croisements se sont opérés depuis un temps un peu ancien, la distinction d’avec les autres nègres est souvent difficile. On rencontre dans le Soudan une certaine catégorie de noirs à la peau cuivrée, les Torodos, que tous les voyageons ont classée parmi les Peuls ; cependant ces hommes, de race croisée depuis des siècles, n’ont pas oublié leur ancienne nationalité, et portent toujours des noms de famille Ouolofs: lüis, Dias, Caun, Foll, Ndiague, etc.
- Les Peuls se distinguent des autres nègres par des traits plus fins et plus réguliers, des extrémités plus grêles et des cheveux à peine crépus. Ils ont une langue particu -lière à leur race; mais néanmoins, quand ils sont de sang mêlé, ce n’est encore souvent que par les noms de famille qu’ils se distinguent. Les Diolos, les Drachites, les Cotte, etc., forment les familles les plus nobles. Dans les temps anciens ils ont eu une grande puissance dans le Pdianata, mais, depuis le treizième siècle, ils en étaient déchus et réduits à vivre comme pasteurs. Peu à peu, en
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- LA NATURE
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- se mélangeant aux autres nègres, ils ont relevé la tcte, et, depuis le siècle dernier surtout, ont acquis une certaine prépondérance dans plusieurs royaumes du Soudan occidental.
- Peu de nègres ont exercé autant la sagacité des voyageurs que les Souni-Ukés, que l’on rencontre dans le haut Sénégal, et jusqu’ici on les avait toujours considérés comme un immense rameau dans la race des Moli-Ukés. Les recherches et les observations particulières du docteur Quintin ont permis de les rattacher aux Sourhoi par les raisons suivantes : ils parlent un dialecte différent d’une même langue ; ils ont les mêmes noms de famille. Les Souni-Ukés ont émigré vers l’ouest de l’Afrique, dans le courant du quatorzième siècle, à la mort du prince Sourhoi Souni-Ali. Or cette famille prineière, nous apprend l’histoire sourhoïe, était de dynastie étrangère, lybienne ou berbère. On désigne au Sénégal cette race sous le nom de Séracollcts (hommes blancs), ce qui prouve qu’à son arrivée dans ces pays, elle se distinguait encore des autres races nègres par la couleur de la peau.
- La quatrième race des nègres du Soudan central porte les noms de Mandings, Moli-Ukés, Ouakires, Ouangaras, Bamanas, suivant les différents pays. Ce sont les nègres du Soudan qui rappellent le plus les nègres des régions équatoriales de l’Afrique. Ce sont ceux que l’on rencontre en plus grand nombre du Sénégal au Niger. Dans l’entreprise projetée de joindre le Sénégal au Niger par une voie ferrée, c’est principalement dans le pays des Bamanas que nous devons nous attendre à rencontrer le plus de résistance et les difficultés les plus sérieuses. Ce n’est pas que ce peuple ait pour nous plus d’hostilité qu’aucun autre, mais parce que nous comptons, pour la réussite de cette entreprise, sur l’appui de ses plus mort tels ennemis. Si on joint à ce chemin de fer le chemin transsaharien, dont l’idée et les premiers plans seront la gloire de l’ingénieur Adolphe Duponchel, on peut dire que la France, maîtresse du Niger, comme elle l’est déjà de l’Algérie et du Sénégal, deviendra la souveraine de l’Afrique septentrionale. La régénération de l'Afrique est la grande œuvre de notre époque.
- Maurice Busard.
- EN SUISSE
- Dimanche 19 septembre 1880, à onze heures cinq minutes, une violente secousse de tremblement de terre a été ressentie à Fribourg. La durée en a été de deux à trois secondes. L’oscillation paraissait se diriger du Sud au Nord. Le bruit dans les maisons a été très fort; il semblait qu’elles allaient s’écrouler. Peu de temps après, un vent assez intense a commencé à souffler, le baromètre descendait, et vers trois heures la pluie a commencé à tomber et a continué presque sans interruption jusqu’au lendemain.
- Dans la soirée du mardi 21, un nouveau tremblement de terre a été ressenti à huit heures du soir à Fribourg, à Neuchâtel et à Berne. Plusieurs cheminées ont été renversées. À une heure quinze minutes du malin une nouvelle oscillation du sol a eu lieu : elle s’est produite comme les précédentes du N. au S. Un bruit sourd et souterrain a accompagné ces deux secousses.
- LA GUYANE FRANÇAISE
- ET SES PRODUITS FORESTIERS OLÉAGINEUX
- La Guyane française, bien que nous en soyons les maîtres depuis plus de trois siècles, est cependant, de toutes nos possessions, une des plus imparfaitement connues, non pas seulement au point de vue géographique, mais surtout en ce qui concerne les ressources de son sol, si merveilleusement riche et si étendu : la Guyane française, en effet, présente une superlicie qu’on peut évaluer à 18 000 lieues carrées, la moitié environ du territoire de la métropole.
- Cet immense espace, borné à l’ouest par le Maroni, qui sépare nos possessions de celles de la Hollande, n’a du côté du S. E. que des limites très vagues (territoires contestés). Du côté du sud, notre Guyane n’a pour ainsi dire pas de frontières déterminées, bien que l’on soit convenu de regarder comme telles la chaîne des monts Tumuc-llumac, que le doc eur Crevaux vient de traverser. Cette chaîne sépare le bassin guyanais de la vallée du grand fleuve des Amazones.
- La Guyane peut être considérée comme une immense forêt, coupée par vingt-deux fleuves barrés de rapides et de cataractes (sauts), et qui vient se terminer au bord de la mer, dans des plaines basses et marécageuses, couvertes de palétuviers, ou formées de savanes étroites, depripris, et parcourue par des criques, rivières ou lagunes plus ou moins profondes.
- Les grands bois commencent à 50 ou 60 kilomètres des côtes et renferment une énorme quantité d’arbres utilisables pour notre industrie, bois de construction, d’ébénisterie, de teinture, etc., et donnant des produits précieux pour les arts et la médecine, cires, résines, caoutchoucs, gutta-per-cha, huiles, médicaments, etc.
- Malheureusement, jusqu’ici toutes ces richesses sont restées à peu près inexploitées, pour des motifs divers, sur lesquels nous ne pouvons nous étendre.
- Il suffira de dire qu’il faut attribuer le peu de dédéveloppement de notre Guyane surtout à deux causes principales : les unes venant de la nature elle-même (manque de ports sur la côte, climat, difficultés du terrain) ; les autres tenant surtout à notre indifférence en matière de colonisation, indifférence qui doit être attribuée en grande partie à l’ignorance où sont les Français sur tout ce qui se passe en dehors de notre petit coin de terre. Il en résulte que la Guyane n’a pas de capitaux et manque de bras — le faible courant d’émigration volontaire qu’elle réussit à attirer étant absorbé actuellement par les travaux des placers.
- Mais il ne faut pas se désespérer. Il se manifeste en ce moment chez nous, avec la diffusion des moyens d’instruction, une sorte de renaissance colonisatrice. Notre rôle en Europe ayant subi un temps d’arrêt forcé, notre activité tend à se répandre
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- LA NATUUK.
- au dehors. C’est un mouvement qu'il importe de favoriser. Nous possédons en friche des richesses considérables : il s’agit de les féconder, de les mettre en œuvre, et la Guyane est un pays plein de promesses, un de ceux qui méritent leplus d’attirer l’attention des capitalistes et des hommes d’initiative. Toutefois, il convient de faire remarquer que les entreprises tentées dans cette région ne peuvent être couronnées de succès qu’à la condition de disposer, dès le début, de sommes importantes. Si les 9 dixièmes des F r a n ç a i s, d u reste, ne réussissent pas à l’étranger, ce n’est pas, comme on le croit vulgairement, par un défaut d’aptitude, d’activité et de persévérance, mais bien par cette seule cause que leurs ressources trop minimes s’épuisant rapidement, ils se trouvent dans l’impossibilité de trouver en France des capitaux suffisants. La timidité de notre épargne — qui nous est si souvent et avec tant de raison reprochée par les étrangers — ne permet pas à nos colons de monter leurs entreprises sur un assez large pied, ce qui est cependant, dans les pays neufs, la condition sine qna non de la réussite.
- Bien des auteurs, botanistes, ingénieurs, administrateurs *, se sont occupés de la question des forets de la Guyane; plusieurs missions spéciales ont été envoyées à Cayenne dans le but de faire des enquêtes à ce sujet. Tous les documents que nous possédons, et ils sont nombreux1, sont d’accord pour
- 1 Godin des Odonois (1750), I.cscallier (1797), Thomas (1810), Tkimontcil (1820-1823), Schomhurghk (Guyane anglaise, 1840), J. Hier (1840), de 1,apparent, docteur Saget, etc.
- regarder l'exploitation des forêts guyanaiscs non seulement comme possible, mais encore comme très avantageuse, et à déplorer le peu de tentatives sérieuses faites dans cette voie.
- 11 y a certainement des difficultés, mais elles ne sont pas msurmontables. La première est le défaut de bras, <pii nécessite l’appel des immigrants asiatiques. Vient ensuite l’état défectueux des communications fluviales — quant aux routes de terre, elles
- n’existent pas. 11 faut aussi considérer le mode particulier de distribution des essences. Dans les forêts tropicales en général, et dans celles de la Guyane en particulier, les arbres ne sont pas réunis en groupes d’une môme espèce; toutes les essences sont plus ou moins mélan -gées, et les dépenses de premier établissement se trouvent augmentées par suite de la nécessité de tracer de nombreux sentiers d’exploitation pour l’abattage et le transport des arbres désignés à la hache du bûche-I ron. Mais les matériaux obtenus sont si beaux, de si grande valeur, et si abondants, que ces considérations ne doivent pas décourager les entreprises.
- Outre les bois eux-mêmes, les forêts recèlent des arbres capables de donner des produits très rémunérateurs, et tpi'une exploitation bien entendue doit utiliser avec soin. Parmi ceux-ci figurent au premier rang les oléagineux, dont nous dirons aujourd’hui quelques mots.
- Les végétaux de la Guyane française dont les divers organes contiennent des matières grasses, solides ou liquides à la température ordinaire, sont très nombreux, et appartiennent à des familles très diverses. Mais il est un arbre, surtout, qui par son
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- abondance et les qualités de l’huile que renferme ses graines, prime tous les autres: nous voulons parler du Campa.
- Le Carapa (Campa guianensis d’Aublet, Xylocar pus carapa, Spr.), Carapa des Galibis, crab vood des Anglais, Carapa rouge des créoles, appartient à la famille des Méliaeées. C’est un des plus grands arbres de la Guyane ; son tronc atteint 20 à 50 mètres de hauteur, sur 1 mètre à lw,50 de diamètre, son écorce est épaisse et grisâtre ; le bois, qui est d’excellente qualité, et très recherché pour la facilité avec laquelle il se refend, est grisâtre ou rougeâtre ; on en fabrique des lattes, des pièces d’ébénis-terie et de charpente, des planches, des caisses de voitures.
- Les feuilles sont ailées sans impaires, à deux rangs de folioles alternes ou opposées; les folioles, longues de 20 à 50 centimètres, sont lisses, ovales, allongées , terminées par une longue pointe.
- Les fruits, plus ou moins sphériques, ont 7 à 8 centimètres de diamètre, et sont disposés pargrappes. C’est une capsule qui s’ouvre en quatre valves. Il est rempli d’amandes serrées, irrégulières, anguleuses et polygonales, blanches à l’intérieur, de consistance ferme et solide.
- Aublet raconte que les Galibis font bouillir ces amandes dans l’eau. Ils les retirent ensuite et les mettent en monceaux pendant quelques jours; ensuite ils les dépouillent de leur tégument, les écrasent sur des pierres, ou bien les pilent dans des mortiers de bois, et en font une pâte qu’ils rangent sur les faces d’une dalle creusée en gouttière, un peu inclinée, et exposée à l’ardeur du
- soleil. La pâte en cet état laisse suinter l’huile dont elle est imprégnée ; cette huile se rassemble dans le fond de la gouttière, et va se rendre dans une calebasse placée à son extrémité pour la recevoir.
- « Les nègres de quelques habitations se contentent de mettre la pâte dans une couleuvre, espèce de chausse que l’on charge de poids pour comprimer la pâte et lui faire rendre l’huile qu’elle peut contenir, laquelle tombe dans un vase placé au-
- dessous, ce qui est la même pratique que poulie manioc. C’est une huile épaisse et amère. Les Galibis et d’autres peuples de la Guyane la mêlent avec du rocou ; ils en enduisent leurs cheveux et toutes les parties de leur corps, et prétendent par là se préserver des piqûres des différents insectes, surtout des chiques. » (Aublet.)
- Cet arbre paraît avoir été autrefois beaucoup plus répandu qu’aujourd’hui au voisinage des centres d’habitation. Mais les qualités de son bois ont fait qu’il ne se trouve plus qu’excep -tionnellement près des exploitations delacôte. Mais dans l’intérieur, il existe encore très abondamment dans tous les quartiers. Dans l'Oyapock, dans le quartier d’Approuague, sur la rive gauche du Courouaïe, il s’en trouve des quantités considérables. 11 est surabondant dans le district de Ca-chipour, où il est rassemblé par nombreuses familles, par groupes étendus, avantage d’autant plus notable qu’il est plus rare à la Guyane. Il pousse surtout au voisinage des cours d’eau, dans les terrains humides.
- Pour donner une idée des richesses qui se perdent chaque année à la Guyane, il suffira de raconter
- Fig. 2. Omphalea diandra (Aubl.).
- 1, 2. Fruit se partageant en trois coques. — 1. Face interne d’un cotylédon. 5. Portion de coque enlevée, laissant voir une partie de l’amande.
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- LA NATURE.
- qu’en certains endroits, le sol est tellement recouvert de fruits de Campa, qu’on y enfonce jusqti aux genoux : il y a certainement de quoi alimenter une bonne partie des savonneries de Marseille. (Rapports sur les travaux cle la Commission de /’Exposition permanente des colonies, 1874.)
- Malheureusement, il est impossible, comme l'expérience l’a prouvé, de compter sur les noirs indigènes ou sur les Indiens pour la récolte des fruits, et cette source de richesses importante est restée jusqu'ici inexploitée. Les arbres ne se trouvant en grande qua* tité qu’au delà des sauts produits par les bancs de roches, les communications avec Cayenne ne snm pas faciles.
- Cependant, des navires de deux cents tonneaux peuvent entrer assez facilement dans l’Approuague, ainsi que certaines tentatives faites pour la coupe des bois l’ont démontré. Mais on pourrait parfaitement utiliser les biteaux brésiliens, ou tapouyes, qui ne calent pas plus d’un mètre d’eau, pour arriver jusqu’aux premiers sauts. On pourrait alors se servir des légères [drogues indigènes pour pénétrer jusqu’au fond des moindres criques, où ou les remplirait de fruits, qu’on chargerait en grenier ou en sacs, pour venir les déposer dans les bateaux tapouyes, arrêtés en deçà des barrages de roches.
- Il conviendrait même mieux, sans doute, un bon groupe de carapas étant découvert, de transporter au-dessus des rapides, dans une bonne situation, une des presses dont nous parlerons plus loin, pour travailler sur place les graines oléagineuses.
- La récolte des fruits commence en février et se prolonge jusqu’en juin et juillet. C’est ce que l’on peut appeler la grande récolte. Il existe une seconde époque de maturité des fruits, en septembre ou octobre; mais il paraît que l’huile que l’on pourrait alors en tirer est épaisse, peu abondante et de qualité inférieure.
- Le moment véritablement favorable à la récolte et à l’établissement d’un chantier serait de février à juin. Il faut se hâter à cause des pluies, pendant lesq"cllcs le terrain se détrempe; les fruits tombant à terre pourrissent, sont entraînés par les eaux, et l’on éprouverait des pertes à peu près certaines.
- Les fruits pèsent 56 à 58 kilogr. l’hectolitre, ou 60 kilogr. le baril de fruits frais. Quand les fruits ont été desséchés et bouillis, le baril ne pèse plus que 50 kilogrammes.
- Le fruit ne se conserve pas longtemps à l’état naturel, et c'est là certainement une des causes qui ont ariêlé l’essor de l’industrie qui nous occupe. 11 se pourrit, les graines se remplissent de moisissures qui les transforment en une poussière noirâtre — ou bien elles germent facilement, et sont attaquées, sur le sol même, par une larve qui en est très friande, et sur laquelle nous ne possédons aucun renseignement.
- D’après les expériences qui ont été tentées sur les pénitenciers de la Guyane il y a quelques années, il faudrait donc, suivant en cela l'ancienne cou-
- tume des Galibis, faire cuire les noix (c’est ainsi qu’on appelle les fruits de Carapa) le plus tôt possible après la récolte, puis les étaler sur des plam lies ou des claies à claire-voies où elles se dessèchent rapidement. Mais 1 opération n’est pas sans demander des soins et une surveillance exacte, car la fermentation peut s’emparer des noix bouil-ies, qui deviennent alors fort légères, sont envahies par des parasites microscopiques et ne donnent plus qu'un rendement en huile tout à l'ait insignifiant.
- Le séjour des noix en tonneaux dans ces conditions demande certaines précaution-;.
- Rroyé et mis en pâte, le contenu des noix se conserve plus facilement; mais il s’établit dans la masse un échauffement parfois très intense, qui ]) ut même, tant la température s’élève rapidement, donner des craintes d’incendie.
- En somme cependant, les fruits bouillis et séchés peuvent se conserver avec assez de facilité pendant un mois, mais l'époque la plus favorable pour le traitement est vers le quinzième jour après la récolte.
- Mais nous devons dire que les fruits expédiés de Cayenne en barils ou en sacs, pour servir à des expériences en Erance, sont presque toujours arrivés eu assez mauvais état, et qu’il ne faut pas espérer pouvoir jamais embarquer les fruits en nature, comme on le fait pour les arachides, par exemple, qui ne souffrent pas sensiblement du transport (sauf un léger degré de rancidité, si le voyage est trop prolongé). C’est dans la colonie même qu’il conviendra d’opérer l’extraction de l’huile.
- La décortication est facile, en petit ; on brise les enveloppes desséchées par un petit choc, puis avec une spatule on enlève la pulpe. Mais en grand, il est préférable de comprimer ensemble l’amande et le péricarpe. Le seul inconvénient qui en résulte est un léger degré de coloration.
- Les graines de Carapa mûres, à l’état frais, se broyent difficilement. La chair de l’amande est dure et fibreuse, quoique cassante ; sa consistance ressemble beaucoup à celle du marron d’Inde. A un certain degré de division, elle échappe à l’action des presses ordinaires.
- Chimiquement les fruits de Carapa, traités par l’éther, le sulfure de carbone, etc., donnent un poids d’huile équivalent, à 56,22 p 100. Débaras-sées des enveloppes périearpiennes, les amandes donnent jusqu'à 60 p. 100.
- Ou peut compter, à la Guyane, sur un rendement industriel de 25 p. 100 au moins, sur les noix sèches, et de 50 à 55 p. 100 après les pei fectionne-ments qui doivent se produire.
- Par le pressage à froid, on obtient une huile claire, ambrée, couleur qui tient au périsperme très adhérent à l’amande. Par le repos, il se produit un dépôt solide assez abondant, d’apparence cristalline.
- Elle donne à la saponification un rendement très considérable, et un savon d’excellente qualité, qui présente une certaine dureté : cette propriété permet
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- de mélanger avec avantage l'huile de carapa avec d’autres corps qui fournissent au contraire des savons Irop mous.
- L’Imile employée pour le graissage des machines donne de très bons résultats, à la condition d’ètre épurée. Enfin, les essais faits pour l'éclairage ont prouvé que ce produit sous ce rapport ne laissait rien à désirer. Ces détails sont résumés des travaux de la Commission de l’Exposition permanente des colonies.
- Quant aux prix auxquels l’huile de carapa pourrait prétendre, il est difficile d’en donner actuellement une idée précise. Certains négociants ont offert 90 fr. les 100 kilos après essai d’envois faits en France pour expérimentations par le service des pénitenciers, et ont déclaré re porter acquéreurs de toutes les quantités qu’on pourrait procurer au même prix.
- 11 faut donc, d’après ce que nous avons dit sur la conservation difficile des fruits du Carapa: 1° que l’huile soit préparée dans la colonie ; 2° que les producteurs de la Guyane puissent atteindre avec bénéfice les prix de 70 à 80 fr. les 100 kilos d’huile rendus dans un port de France. Or, le baril de noix de Carapa rendu à Cayenne seulement, coûte de 12 à 15 fr., et les arrivages ne sont nullement assurés, car il n’y a aucune exploitation régulièrement organisée, on ne peut compter en aucune façon sur le travail des indigènes, el les communications avec le chef-lieu de la colonie sont difficiles, rudimentaires ou impossibles : à tel point que quelques colons qui avaient voulu fabriquer des savons ont dû y renoncer.
- Que faut-il donc pour réussir, et pour réussir à coup sûr? 11 faut une chose bien simple, opérer sur les lieux même de production, presser dans la forêt les noix de carapa à l’endroit où on les récolte. Il ne s’agit que d’avoir des presses à la fois légères et puissantes, construites de telle façon qu’elles puissent être transportées, d’abord dans des barques iapouyes, ensuite sur des chariots s’il est nécessaire, au pied ou au delà des premiers sauts des rivières. L’industrie possède plusieurs appareils de ce genre, et le choix ne doit pas être difficile, chaque instrument étant approprié à des besoins divers. Cependant, le traitement appliqué à des graines de consistance analogue, telles que les marrons d’Inde, doit être, a priori, celui qui .convient le mieux.
- Un atelier destiné à cette exploitation n’exige pas beaucoup de bras. Toutefois, la récolte étant intermittente, il faudrait associer à l’industrie dont nous venons de parler, la cueillette des fruits oléagineux d'autres arbi es, des palmiers par exemple, la fabrication de la sève de balata, succédané remarquable de la gutta-percha, de l’huile de copahu, la recherche des résines d’icica. Enfin dans une entreprise montée sur une grande échelle, avec d’importants capitaux, l’abattage des bois de choix serait le principal, la production des corps gras deviendrait l’accessoire.
- Les forêts de la Guyane française produisent encore beaucoup d’autres fruits contenant en plus ou moins grande proportion des matières grasses de propriétés diverses. La famille des palmiers, très largement représentée, mérite à cet égard d'attirer l’attention.
- Voici, d’après le catalogne de l’Exposition des colonies, la liste des principales espèces à fruits oléagineux :
- Œaocarpus bacaba (Mart.), comou; OEnocarpus bataoua (Mart.), Batawa ; Mnuritia flexuom (Lin. iîl.), Palmier bâche; Manicaria saccifera (Gœrt.), Tourlouri ; Livistonia sinensis (R. Br.), Rondier de la Guyane; Bactris pect,incita (Mart.), Zaguerette ou Zagrinette; Gnilielma variegata (Mart.), Pari-pou sauvage; Guilielma speciosa (Mart.), Paripou; Acrocomia fusiformis (Sweet), Mocoya; Astro-caryum vulgare (Mart.), aculeatum (Mey), Aouaia; AUrocaryum acaule (Mart.), Conana; Attalea speciosa? spectabi lis? (Mart.), Maricoupi; Elœis gui-neemis (L.), (importé) ; Cocos nucifera (L.), cocotier.
- Le sol de la Guyane ne paraît pas aussi favorable à la culture du cocotier que'celui de l’Asie méridionale et de l’Océanie: sa vie est plus courte et ses fruits moins abondants. La variété importée de la côte d’Afrique, paraît être une des moins recommandables. Il réussirait bien sur les sables de la côte, mais ce sol présente probablement plus d’avantage à être occupé par d'autres cultures (docteur Sagot). C’est une question à réserver.
- Il vaudrait mieux s’adresser aux palmiers véritablement indigènes. Parmi ceux ci, les Aslrocaryum sont à considérer. L’Aouara est abondant, sa multiplication serait facile et ne demanderait pas beau-coup de soins.
- La famille des Sapotacées fournit aussi beaucoup de corps oléagineux (genres Chrysophyllum, Aehras, Lucuma, Imbricaria).
- Parmi les Euphorbiacées, il est une autre plante très recommandée au point de vue qui nous occupe: c’est YOmphalea iliandra d’Àublet, ou ouabé, dont nous donnons l’aspect (fig. 2). C’est, une grande liane qui porte des graines à coque ligneuse, cornée, très dure, très noire, dont on fait, à l’emporte-pièce, des grains de colliers que l’on exporte aux Antill s. L’amande contient, une huile extrêmement limpide, d'une couleur ambrée, très bonne pour l'éclairage, la saponification et ’e graissage des machines fixes. La proportion d’huile atteint jusqu’à 64,58 p. 100.
- Il y a encore à la Guyane beaucoup d’autres végétaux donnant des produits analogues; mais ils ne présentent guère, dans l’état actuel de la colonisation, qu’un intérêt de curiosité scientifique.
- I)r J. IIarmand,
- Conservateui-adjoint de l’Exposition permanente des Colonies.
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- LA NATURE.
- LA PHYSIQUE SANS APPAREILS
- (Suite.— Voy. p. 7, 71, 108, 185 et 251.)
- Nous avons déjà indiqué un certain nombre, d’expériences sur l’inertie, en voici encore une qui est très curieuse et dont la réussite est facile avec un peu d’exercice. On prend une bandelette de papier dont on pose une extrémité sur le marbre d’une cheminée, ou sur le bord d’une table bien calée, tandis que l’on en tient l’autre extrémité dans la main gauche. On place sur la bandelette de papier une pièce de 5 francs ou de 5 centimes, debout sur sa tranche, c’est-à-dire en équilibre comme le re-
- Fig. 1. Expérience sur lc_ principe de, l’inertie.
- lieu d’une circonférence, un tuyau tronc-conique en feutre à l’extrémité supérieure duquel on place les pièces de monnaie de l’enjeu ; le tuyau visé avec de larges palets ou un bâton court laisse l’enjeu dans le cercle quand il est frappé ; or la condition étant de sortir les pièces du rond, il faut éviter de frapper le tuyau.
- C’est en vertu de l’inertie de la matière, que les poussières de nos vêtements en sont chassées par le battage, chaque particule tendant au repos ; quand le choc met en mouvement brusque l’étoffe qui les contient, elles restent en arrière et la quittent. Quand une corde est vivement lancée, puis retenue au plus fort de sa vitesse, la partie extrême qui a la plus grande vitesse tend à s’échapper des autres, et s’en échappe souvent avec bruit ; c’est là le claquement du fouet. C’est pour la même raison que
- présente notre gravure ((ig. 1); si d’un coup rapide bien franchement appliqué avec l’index de la main droite, on frappe la bandelette de papier de haut en bas, on l’enlève sans faire tomber la pièce qui y reposait.
- Un de nos correspondants, M. Millet, ingénieur civil, nous décrit cette expérience d’une autre manière : « On enlève très facilement de dessus une table servie pour une personne, une assiette en guise de nappe, sans rien déranger des objets posés dessus. Il suffit d’une vive traction horizontale en raidissant bien le bord tenu par les mains. »
- 11 existe plusieurs jeux basés sur l’inertie, ajoute M. Millet: ainsi l’un d’eux consiste à placer au mi-
- Fig. 2. Un sypliuu formé avec une bandelette de draji.
- l’eau quitte les feuilles de salade que l’on secoue avec force dans un panier à claire-voie.
- C’est par la force vive acquise, ou l’inertie au repos, que l’on casse des cailloux à coups de poings ; cette expérience est faite par les bateleurs de nos foires; voici comment : la main droite étant enveloppée d’un linge, de la gauche on prend le caillou à casser (silex en rognon), que l’on applique soit sur une grosse pierre, un pavé ou une enclume, puis de la main droite on frappe dessus à coups redoublés, en ayant bien soin de soulever le caillou à casser, à une petite distance de son enclume, chaque fois que le poing est près de la toucher; l’objet prend alors la vitesse du poing qui frappe, et heurtant violemment son appui, il s’y brise très promptement ; toute simple qu’est cette expérience, elle émerveille toujours nos paysans.
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- LA NATURE.
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- Quand un pécheur armé de sa canne à ligne fait un vif mouvement de relevé, c’est l’inverse qui se produit à l’extrémité de sa canne, laquelle s’abaisse
- d’autant plus que l’action a été plus énergique, mais se relève ensuite avec la vitesse de la main qui agit. La figure 2 représente une expérience1 d’une
- Fig. 3. Filtre-syphon à charbon poreux.
- grande simplicité et qui ne manque pas d’élégance; elle se rattache au principe de la capillarité et du syphon : deux chapitres de la physique , dé -montrés avec deux verres à boire, de l’eau et une petite lanière mince découpée dans du drap.
- Vous faites plonger l’extrémité d’un ruban de drap, long de 0m,25 environ, dans un verre à boire contenant de l’eau et posé sur une pile de deux ou trois livres ; vous faites plonger l’autre extrémité du ruban dans un verre vide, placé à un niveau inférieur. Le drap se mouille peu à peu par capillarité, puis il agit comme syphon, et après un certain temps (1 heure environ) l’eau du verre supérieur s’est écoulée dans le verre inférieur. On peut acti-
- Fig. i. Balles de liège dans un jet d’eau.
- ver l’expérience en mouillant d’eau préalablement et en bien imbibant le ruban servant de syphon.
- Le syphon peut encore servir de base à une expérience pratique de filtration. M. Buhring’s a trouvé à confectionner un charbon plastique poreux qui, adapté à un tube recourbé formant syphon, sert à purifier par filtration des eaux troubles. La figure 5 donne l’aspect de cet appareil en fonctionnement ; le syphon étant amorcé, l’eau qui s’écoule ayant traversé la masse de charbon qui en retient les impuretés, tombe tout à fait limpide et claire dans le récipient inférieur. On peut soi-même
- * Communiquée par M. L’Esprif.
- Fig. 5. Expérience sur la transmission d’un choc par l’élasticité.
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- LA NATURE.
- construire lin semblable système; il suffit d’adapter un gros morceau de charbon de bois à l’extrémité de la petite branche d’un syphon de verre. On pourrait encore y fixer un petit sac rempli de charbon pulvérulent; l’effet se produirait à peu près de la même façon.
- La figure 4 donne la disposition d’une expérience très attrayante qui consiste à faire sauter dans un jet d’eau de petites balles de liège, de telle façon que si ces balles viennent à tomber, elles soient constamment reprises et soulevées de nouveau. On fait arriver l’extrémité du tube, d’où s’échappe le jet d’eau, «à l’ouverture d’un entonnoir de fer-blanc soudé à une petite caisse cylindrique de même métal. Le jet d’eau et l’entonnoir sont recouverts d’une grande cloche de verre, semblable à celles que l’on emploie pour protéger les pendules et que l’on trouve à bas prix dans le commerce. Quelques petites spbérules de liège sont placées dans l’entonnoir; par suite de l’inclinaison de la surface où elles se trouvent, elles se réunissent toujours au fond de l’entonnoir, précisément à l’endroit d’où jaillit le jet d’eau; elles sont soulevées par celui-ci et elles y restent suspendues, pour être remises immédiate-
- Fig. 6. Expérience sur le centre de gravité.
- ment en mouvement si elles viennent à retomber sur la surface inclinée de l’entonnoir. Notre gravure (fig. 4; donne la coupe de ce petit appareil, à la partie inférieure duquel il faut ménager deux orifices, l’un pour l’introduction du tube du jet d’eau, l’autre pour l’écoulement du liquide. On peut peindre les balles de liège de couleurs différentes, ce qui les rend plus apparentes. Nous avons vu fonctionner très régulièrement ce système au Conservatoire des Arts et Métiers, et nous avons voulu le faire connaître à nos lecteurs, car tout le monde peut le construire ou le faire construire facilement. Si simple qu’il soit, il exige cependant une confection assez délicate.
- * Voici quelques expériences qui ne nécessitent pour ainsi dire aucun préparatif.
- Posez à plat sur une table cinq ou six pièces de 5 centimes, de telle façon qu’elles soient bien alignées sur une même file droite et qu’elles se touchent entre elles. Cela fait, écartez la pièce de droite et lancez-la contre la première pièce de la file, de manière à ce qu’elle vienne la frapper d’un choc par l’impulsion que vous lui avez communiquée en la lançant à la surface de la table. Le choc sera transmis par l’élasticité des pièces de cuivre jusqu’à la dernière pièce de la file, qui s’écartera seule (le la file. Si vous lancez deux pièces à la fois, vous
- verrez les deux dernières pièces de la file se séparer en même temps. 11 y a là un effet de masse très curieux à faire observer. Cette expérience se fait dans les cours avec un appareil spécial formé de boules d’ivoire, suspendues à des fils, et montées sur un support.
- Les démonstrations relatives au principe du centre de gravité peuvent être multipliées ; nous en avons donné précédemment un certain nombre : en voici une qui nous est communiquée par un de nos lecteurs, M. J. Hubert. Elle consiste à implanter dans une règle de bois blanc deux couteaux à lame pointue qui peuvent y être fixés comme des clous, dans la situation indiquée par notre gravure (fig. 6). Une
- Fig. 7. Ludion confectionné avec une coquille de noix.
- aiguille est enfoncée d’autre part à l’extrémité de la règle comprise entre les deux manches des couteaux. Le système peut être posé en équilibre sur l’aiguille même posée sur la pointe d’une autre aiguille A, enfoncée verticalement dans un bouchon.
- On voit par les nouveaux exemples qui précèdent combien peut s’étendre la Physique sans appareils ; nous croyons avoir démontré que la plupart des expériences qui s’exécutent avec le concours d’appareils souvent compliqués, peuvent être faites avec des objets usuels, sans aucun frais, et que chacun par conséquent, peut enseigner la physique expérimentale ou l’apprendre soi même.
- Nous en citerons un autre exemple. C’est celui du ludion, que nous allons montrer à fabriquer avec une carafe, une coquille de noix et une simple membrane de caoutchouc. Vous videz la coquille de noix après l'avoir ouverte, puis vous
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- réunissez les deux parties de la coquille, que vous soudez ensemble avec de la cire à cacheter fondue. Vous fixez dans la cire deux (ils qui serviront de support à un petit pantin de bois grossièrement sculpté avec un canif, ou à une poupée de porcelaine qui vous coûtera 10 centimes. Vous avez soin de laisser une ouverture de la grandeur d’une tète d’épingle à la partie intérieure 0 de la noix creuse qui servira de flotteur (fig. 7). Vous placez le système à la surtace d'un seau d’eau, après avoir lesté la poupée à l’aide d’une petite balle de plomb P.
- Vous coupez cette balle de plomb jusqu’à ce que le flotteur soit en équilibre à Ja surface du liquide, et qu’un très petit accroissement de poids le fasse enfoncer. Cela fait vous remplissez d’eau votre carafe ; vous y faites flotter la noix creuse et la poupée lestée. Vous coiffez la carafe d’une membrane de caoutchouc C que vous attachez solidement au moyen d’une ligature. Le ludion est confectionné.
- Appuyez-vous votre doigt à la surface du caoutchouc, l’air confiné à la partie supérieure de la carafe se trouvera comprimé, il fera pénétrer un petit volume d’eau dans le flotteur, augmentera son poids, le petit personnage descendra lentement au fond du vase. Il remontera dès que votre doigt aura cessé d’agir.
- Est-il nécessaire d’ajouter que la phvsique expérimentale ainsi pratiquée oflfe le double avantage d’ètre véritablement amusante, et de développer l’habileté manuelle, si précieuse et si utile dans la plupart des circonstances de la vie.
- Gaston Tissandier.
- — La suite prochainement, —
- BIBLIOGRAPHIE
- Élude anthropologique sur les Botocudos, parle docteur Pii. M. Rev, avec 10 figures dans le texte et une planche lithographique hors texte ; l broch. in-8°. Paris, Octave Doin, 1880.
- Traité de pharmacie galénique, par A. Edme Bourgoin, professeur à l’Ecole de Pharmacie de Paris, etc., 1 fort volume in-8°, avec 89 figures intercalées dans le texte. Paris, A. Delahaye et E. Lecrosnier, éditeurs. Prix broché, lti fr.
- Esquisse de climatologie médicale sur Pau et ses environs, par le docteur Duboué, membre correspondant de l’Académie de médecine, 1 vol. in-8°. Paris, A. Delahaye et E. Lecrosnier. Prix, 2 fr. 50.
- Application du sulfure de carbone au traitement des vignes phylloxérées (4e année). Rapport sur les travaux de l’année 1879 et sur les résultats obtenus, par M. A. F. Marion, professeur à la Faculté des sciences de Marseille; 1 broch. in-4°. Paris, Paul Dup.ont, 1880.
- Nouveau Manuel complet de dorure et argenture sur métaux, par MM.JLigne et O. Ma.'hey. Nouvelle édition entièrement refondue et ornee de figures, 1 vol. Paris, librairie encyclopédique Roret, 1880.
- L’ENSEIGNEMENT DE L’OPTIQUE
- GÉOMÉTRIQUE
- A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS
- Parler aux yeux en même temps qu’à l’esprit, frapper les sens en même temps que l’entendement, faire concourir en un mot, toutes les facultés de l’auditeur à son instruction, telle est Ja constante pensée des maîtres de l’enseignement, jaloux de mettre leur science à la portée de tous. Pour atteindre ce but, l’art des projections offre des ressources infinies, acquérant chaque jour plus d’importance avec l’usage de la lumière électrique et de la lumière de Drummond. Mais il arrive aussi que l’on soit forcé de rechercher d’autres artifices et de recourir à des voies détournées, soit que la lumière, étant à la fois l’objet et l’instrument des démonstrations, ne se prête pas à toutes les manipulations, soit que le public, faute de certaines connaissances spéciales, ne puisse suivre les déductions de la théorie, et ne risque de perdre tous les bénéfices de l’expérimentation la mieux menée, si l’on ne parvient à lui en synthétiser empiriquement et à lui en matérialiser, pour ainsi dire, les résultats et les lois.
- C’est un cas qui se présente trop souvent encore dans les Facultés de médecine, pour l’enseignement spécial des sciences physiques, auxquelles leurs innombrables points de contact avec tous les phénomènes de la vie, et leur extension de plus en plus prépondérante au domaine entier de la nature, n’ont pu enlever encore le cachet héréditaire et le nom trop peu mérité de sciences « accessoires ». Nul n’ignore la traditionnelle répulsion des étudiants pour tout ce qui ressemble à une formule d'algèbre ou un diagramme de géométrie; et pourtant on ne peut songer à leur enseigner sans géométrie l’optique géométrique, et, sans celle-ci, les lois fondamentales de la vision, cette branche si importante de la science médicale. Aussi bien leur jeune et sympathique professeur M. Gariel n’a-t-il pas essayé de résoudre ce problème insoluble, et c’est, en réalité, à la suite de considérations théoriques d'un ordre supérieur qu’il est arrivé à construire des appareils tout à fait élémentaires pour résumer ou supprimer à son gré, par des moyens purement mécaniques et représentatifs, toutes les lenteurs de la discussion algébrique.
- Dans tous ces appareils, deux réglettes, mobiles autour de points fixes, sont reliées entre elles einé-matiquement de manière à représenter dans toutes leurs positions deux lavons conjugués par rapport aux surfaces réfringentes qui sont dessinées en coupe sur le tableau. Le premier et le plus simple de ces schémas (fig. 1) représente à la fois les lois fondamentales de la réflexion et de la réfraction, entre lesquelles on semble créer d’ordinaire une
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- indépendance factice qui est loin d’exister dans la réalité des choses.
- XX' étant la ligne de séparation de deux milieux, l’air et l’eau, par exemple, SI un rayon lumineux et YY' la normale au point d’incidence I, M. Ga-riel a construit un parallélogramme articulé ALITA' (fig. I) dont il a fixé deux sommets, A, A', sur la normale Y Y' à des distances égales de XX', tandis que le côté BIT est articulé lui-mème en son milieu G avec le prolongement rigide IC de la réglette SI, qui représente, en tournant autour du point I, les diverses positions du rayon incident. RB' est d’ailleurs creusé en coulisse où peuvent glisser à frottement doux deux boutons C', 1), fixés aux réglettes lS',IS",qui doivent représenter les deux rayons que donnent toujours simultanément la réfraction et la réflexion partielle.
- Or l’inspection seule de la figure montre que, dans toutes les positions de l’assemblage ainsi formé, les longueurs 10, II) ont toujours pour pro-
- Y'
- Fig. 1. Réflexion et réfraction à l’entrée du milieu le plus réfringent.
- jection sur XX' une longueur commune IK, et que, par conséquent, si l’on appelle i, r, les angles Y'IS, YIS', et n le rapport constant des longueurs arbitraires IC, ID, les directions SI, IS' satisferont
- , . . . sin i . , * .
- tomours a la relation — = n, qui est la loi meme j sin r
- de la réfraction.
- Il suffit d’ailleurs évidemment de prendre une fois pour toutes IC' = IC pour avoir le rayon réfléchi, et de placer le bouton I) à une distance convenable sur IS' pour pouvoir représenter tous les cas possibles de la réfraction par une surface plane. Si l’on prend ID-<IC (fig. 2), c’est-à-dire si l’on suppose que la lumière se meuve du milieu le plus réfringent vers l’autre, du verre dans l’air, par exemple, on peut montrer avec une netteté frappante, et rendre, pour ainsi dire, palpable le phénomène, souvent si mal compris, de la réflexion totale. A mesure, en effet, que l’on écarte de l’incidence
- normale le rayon SI (fig. 2), on voit le rayon réfracté IS' parcourir d’un mouvement beaucoup plus rapide tout son quadrant d’émergence, et se confondre bientôt sur XX' avec sa propre projection et celle d’IG, en donnant alors la relation
- IC. cos X'fC = II), ou sin i = — •
- n
- Si Ton veut continuer à faire croître l’angle d’incidence, on ne le peut évidemment, sans déformer l’assemblage articulé, qu’à la condition de supprimer la liaison ID, qui limite en largeur les mouvements du parallélogramme. Mais cela revient à supprimer le rayon émergent lui-même, et à ne plus chercher que dans la réflexion intérieure du rayon IS" la totalité de la lumière apportée par le rayon incident : c’est là précisément le phénomène de la réflexion totale.
- Ainsi le schéma mobile de M. Gariel n’a pas seulement pour avantage de représenter parfaitement
- Fig. 2. Réflexion et réfraction à la sorlie du milieu le plus réfringent.
- la loi de la réfraction, mais encore de faire ressortir jusque dans ses derniers détails la liaison remarquable et continue des trois rayons: incident, réfléchi et réfracté. En un instant, le maniement d’une réglette permet de simuler toutes les phases d’expériences assez compliquées, et l’élève lui-même, s’il le désire, peut ensuite avec un peu de carton, quatre clous et quelques bouts de bois ou de métal, se faire un jouet de la terrible formule en sinm dont il eût fort peu goûté la discussion trigonomé-trique, et dont il ne retrouve la démonstration expérimentale, dans ses livres, que pour des cas particuliers.
- Dès 1875, M. Gariel avait généralisé son système de figuration cinématique, en tirant avec beaucoup de bonheur des déductions spéciales de la théorie de Gauss, introduite dans l’enseignement de l’Ecole, quelques années auparavant, par M. le professeur Gavarret. Divers procédés furent employés succès-
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- sivernent d’une manière Fort ingénieuse1; mais c’est une remarque très simple, en dernier lieu, qui a permis de donner aux appareils leur forme si élégante, et certainement définitive.
- On sait, en effet, que dans tout système optique, deux rayons conjugués quelconques rencontrent les [dans principaux à une même distance de l’axe ; et l’on démontre avec facilité que cette distance est toujours égale à la somme des hauteurs d’intersection de ces mêmes rayons avec les deux plans focaux principaux. Il en résulte que si l’on fixe sur les plans principaux les deux premiers points d’intersection, il suffira de relier les deux autres par un trajet funiculaire de longueur constante dont deux portions verticales se
- un autre tableau dont la simplicité résume admirablement tous les avantages du système. On y retrouve, comme le montre la figure 4, la même disposition générale que dans la figure o. Les rayons conjugués IM, IQ sont mobiles autour d’un point 1 de la surface réfringente unique par laquelle on peut théoriquement remplacer, ainsi que l’a montré Listing, l’action multiple des divers milieux qui forment l’œil. La chaînette qui les relie a ses extrémités libres, tendues verticalement par des poids à partir de deux poulies fixes N, U, de sorte qu’il est possible, au moyen d’une autre poulie, portée au bout d’un petit bras mobile, d’allonger ou de raccourcir à volonté, en ligne brisée, le trajet intermédiaire NCP,
- et d'altérer d’autant,
- confondent avec les plans locaux, pour entraîner toujours dans des positions conjuguées des réglettes mobiles représentant les rayons lumineux.
- Cette propriété un peu généralisée sert de principe à l’appareil de la figure 5, qui représente l’action réfringente d’une lentille d’épaisseur négligeable, où les points principaux et nodaux se confondent en un seul.
- Sur quatre poulies fixées en N, N', P, P', passe un circuit rectangulaire auquel sont attachés en M, Q des anneaux (pii entraînent les réglettes JM, IQ dans un mouvement de chaîne sans fin. En dissimulant sur le cadre même de l’appareil les quatre petites poulies, on peut rendre tout à fait invisible la liaison qui permet au professeur, sans autre démonstration, et en dehors de tout calcul, de faire prendre successivement aux deux rayons conjugués toutes les positions remarquables qu’il importe de faire retenir aux élèves.
- La même disposition s’applique au schéma des appareils les plus complexes, réduits théoriquement à la donnée de leurs points cardinaux. Mais encore cela suppose-t-il que ces appareils soient fixes dans leurs éléments et non variables comme l’œil, qu’il s’agit d’étudier non seulement à l’état de repos et de conformation normale, mais surtout dans les changements physiologiques de l’accommodation et dans les anomalies organiques de l’amétropie. Ce sont pourtant tous ces détails qu’a réunis M. Gariel dans
- 1 Compte rendu du troisième Congrès de VAssociation française pour l'avancement des sciences. Lille.
- mais en sens contraire , la somme PQ -j- MN, c’est-à-dire le degré de convergence du système.
- Lorsque le petit bras est complètement relevé, les réglettes prennent les positions relatives à une accommodation nulle, c’est-à-dire qu’un faisseau incident parallèle à l’axe vient former exactement son foyer sur le plan de la rétine. \eut-on représenter l’accommodation relative à une distance donnée? On abaisse l’index mobile, en maintenant le foyer postérieur sur la rétine, jusqu’à ce que le foyer antérieur vienne se faire sur l’axe au point voulu; et, si les dimensions ont été convenablement choisies, l’on peut aller jusqu’à la distance de plus grande accommodation possible , ou punctum proximum, qui correspond à la situation horizontale de l’index.
- On voit comment ce mécanisme se prête à l’étude de toutes les questions relatives à la vision normale. Quant aux déformations caractéristiques de la myopie ou de l’hypermétropie, il n’y a, pour les mettre en évidence, qu’à rendre mobile dans une coulisse la portion du tableau qui représente l’épanouissement du nerf optique : en avançant ou reculant cette planchette, on exagère ou l’on diminue à volonté le diamètre antéro-postérieur de l’œil, et l’on voit naître, avec les cercles de diffusion, la nécessité d’une correction de la convergence, pour rétablir la netteté, ou tout au moins la facilité de la vision.
- Cet appareil, construit sur une échelle agrandie, avec des données très précises, c’est-à-dire en tenant compte du minime écartement des deux points no-
- Fig. 3 Appareil pour représenter l’action réfringente d’une lentille.
- lig. i Appareil de démonstration pour l’étude de la vision.
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- LA NATUKE.
- daux de l’œil moyen, servirait aussi bien, dans un laboratoire de recherches, à simplifier l'étude de certaines questions de théorie, que, dans sa forme la plus rudimentaire, entre les mains de l’élève inexpérimenté, à repasser rapidement le tableau complet des questions d’examen. Au point de vue de l’enseignement public, ce système a lait ses preuves à la Faculté de médecine de Paris, où il rend depuis longtemps les plus grands services aux jeunes étudiants de première année.
- Adrien Guébiiard.
- CHRONIQUE
- Phénomènes 'volcaniques dons le Guatemala.
- — L’éruption du volcan Fuego dont nous avons parlé précédemment (voy. n° 380 du 11 septembre 1880, p. 239), s’est interrompue presque subitement dans la seconde moitié du mois de juillet dernier. M. de Tliier-sant, chargé d’affaires de France à Guatemela, qui avait eu l’obligeance de nous renseigner sur le Fuego, nous écrit qu’un autre volcan du même pays, le Pacaya, situé à 25 kilomètres environ de Guatemala, dans le voisinage du Fuego, semble vouloir à son tour se réveiller. À Àmamitlan, petite ville bâtie sur un de ses versants, les bruits souterrains se succédaient presque continuellement à la date du 28 juillet 1880. « Les habitants, nous dît notre correspondant, sont d’autant plus effrayés que l’on est convaincu dans le pays que la croûte terrestre au-dessous de laquelle s’opère ce travail igné, est d’une médiocre épaisseur, et qu’un beau jour ils disparaîtront dans un abîme insondable, comme cela a eu lieu à Java en 1772. »
- L.es terrains incultes de la Chine. — Qui aurait cru qu’en Chine, dans ce pays dont la population surabondante se déverse incessamment sur les pays neufs, il y a de vastes étendues de terre qu’on laisse improductives ! C’est pourtant ce que nous apprend le Times, d’après une récente proclamation du gouverneur de Che-King. Ce district contient d’immenses espaces (enonnous areos) de terres incultes, et quoique 1 7 années se soient écoulées depuis la dernière guerre qui a occasionné dans le pays de si terribles ravages, une très grande quantité de terres n’a jamais pu acquitter les taxes et a été, en conséquence, laissée en friche. Cela s’observe particulièrement dans les départements de Chin-IIoua, Chuchow et Yen-Show, dans lesquels, plus de 1 600 000 acres sont abandonnés, et dans ceux de Hang-Show, Kasbing et llu-Show, où 6 000 000 d’acres sont dans le même cas. Beaucoup de ces terres sont trop pauvres pour rémunérer le travail et les capitaux qu’absorberait leur exploitation ; mais on peut admettre que 5 500 000 acres au moins d’un sol vraiment riche et fertile sont actuellement délaissés. Cet abandon tient en partie à la crainte qu’on a de voir ceux qui s’aviseraient de les occuper et de les mettre en culture, obligés de payer les taxes arriérées. Aussi la proclamation du gouverneur, à laquelle ces détails sont empruntés, a-t-elle principalement pour but d’encourager les cultivateurs en leur promettant l’exemption.
- Climat d’une île de guano. L’ile dont il s’agit ici est File Malden, située par 4° 2' de lat. S. et 154° 58' long. \Y.; elle est de forme triangulaire, et a une superiieie de
- 4000 hectares environ. Malgré sa proximité de l’équateur et la présence des alizés de N. E. et de S. E. qui y soufflent parfois, cette île a un climat remarquable par son extrême sécheresse; mais aussi, il est digue de remarque qu’on voit très fréquemment la pluie tomber en abondance autour de File, alors qu’il n’en tombe pas une goutte sur File elle-même. Les variations de la température y sont d’une grande régularité; au lever du soleil, le thermomètre se tient en moyenne à 26°,7 cent , puis il monte graduellement jusqu'à neuf ou dix heures du matin; il atteint alors 35°,0, et reste stationnaire en ce point jusqu’au coucher du soleil; il descend à partir de ce moment, et sa chute s’arrête à dix heures du soir ; il est revenu de nouveau à la température minimum, 26",7, et y reste en attendant l'apparition du soleil. Les vents sont très faibles à File Malden; le calme de l’air y est fréquemment observé. Les changements dans la direction des vents, dit le journal Ciel et Terre, donnent lieu à un phénomène très’ curieux, produit par des changements correspondants dans la direction des courants qui contournent File. Du commencement de mars au commencement d’octobre, une immense masse de sable se forme sur la plage de l’Ouest; elle s’étend sur une longueur de 1700 mètres, une largeur de 36 mètres et une hauteur de 3 mètres. Lorsque le soleil atteint le zénith, la masse de sable commence à se mouvoir vers le Sud et à y être constamment refoulée par la mer; plus lard, loisque le soleil passe de nouveau au zénith, la dune va reprendre son ancienne place, pour la quitter encore six mois après, et ainsi de suite.
- Richesses minérales du Japon. — Le Japon a complété son organisation d’un service d’inspection géologique, avec un corps d'inspecteurs indigènes sous la direction d’un Américain, M. Lyman. Le premier rapport sur les travaux de ce corps, pour 1878 et 1879, a été récemment publié ; il contient des informations intéressantes sur les richesses minérales du pays. M. Lyman donne le récit d’un voyage qu’il a fait avec quelques-uns des inspecteurs sous ses ordres, de juin 1878 à février 1879 ; il a parcouru une distance de plus de 2800 milles et a reconnu que les mines de houille de l’ouest du Japon contiennent environ 620 millions de tonnes; si l’on en déduit un tiers pour l’exploitation, il restera 400 millions de tonnes qui représentent, transportées à la côte, 1 milliard de dollars. Quoique, comparativement aux riches terrains bouillers d’autres pays, cela ne paraisse pas considérable, c’est un produit qui égale en valeur tous les autres produits minéraux du Japon, le fer excepté. Le cuivre de toutes les mines exploitables atteint à peine la valeur de 750 millions de dollars; les huit ou dix mines d’or et d’argent qui ont été déjà exploitées et qui peuvent l’être encore ne sauraient être évaluées, en y comprenant les mines de plomb, d’antimoine et d’étain, dont la possibilité d'exploitation est douteuse, à plus de 250 millions de dollars. D’un autre côté, la valeur du fer peut s’élever 250 fois plus haut que celle du charbon. L'importance relative des produits minéraux du Japon (en excluant Yesso et les petits charbonnages de Kti, Ise et Iwaki), peut être représentée par les chiffres suivants : fer, 1000; houille, 4 ; cuivre, 3 ; tous les autres métaux, y compris l’or et l’argent, 1. La valeur totale de ces produits atteint précisément le mèm' chiffre que les charbonnages de Yesso, qui, sous d’autres rapports, est si pauvre en produits naturels. M. Lyman donne quelques détails relatifs aux sources chaudes de Shimossuke, Invasiro, Uzen et Ugo, et une table des sources de pétrole du Japon ; les
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- LÀ NATURE.
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- plus nombreuses et les plus productives sont d:ms l’Ecliigo ctl’Akiluken; leurs produits, au total, se sont élevés pendant l’année 1879 à 4525 gallons par jour.
- I.<*s Ile» de In Heine-Charlotte. — banni les Uaïdah, Indiens de l'archipel de la Heine-Charlotte, dans l’Amérique septentrionale, règne un singulier usage. Quand quelqu’un d’eux meurt, ces Indiens coupent un arbre, le creusent, y introduisent le cadavre, referment le tronc et le plantent tout droit près de la demeure des parents, de façon que le mort soit à 10 pieds environ au-dessus du sol. On choisit de beaux et grands arbres pour la dépouille des chefs ou des hommes considérés ; on en sculpte le tronc et on l’encastre dans la paroi de la cabane mortuaire, cela tout près de la porte et de manière qu’une partie du tronc soit à l’intérieur, l’autre à l’extérieur de la hutte. Dans certains endroits, on voit de ces arbres-sépulcres ayant 40 à 00 pieds de hauteur; il en est qui renferment des familles entières. Le missionnaire qui rapporte cette étrange coutume raconte qu’il a su persuader cet hiver aux Indiens de renoncer à ce mode de sépulture, si défavorable à la santé publique. (Das Ausland.)
- M. le Ministre de la Guerre vient d’autoriser la création d’un observatoire météorologique au fort qui a récemment été construit au Ballon de Servance, dans les Vosges, à 1225 mètres d’altitude. L’installation de cet observatoire se fait actuellement par les soins du Bureau central météorologique de France.
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 27 septembre 1880.— Présidence de M. Wurtz.
- La mer intérieure d'Afrique. — Par l’intermédiaire de M. de Lesseps, M. le commandant Roudaire annonce qu’il est de retour de la mission que le Ministère de l’Ia-structionpublique lui a confiée dans la région des Chotts algériens. Sa conclusion, appuyée cette fois non plus seulement sur des nivellements, mais aussi sur de très nombreux sondages, est que la création de la mer d’Afrique ne présentera aucune difficulté sérieuse. Les 2m,50 de marée qu’on a constatés dans le golfe de Gabès rendront le remplissage des Chotts très facile. A peine débarqué, l’auteur a cependant trouvé le temps de rédiger complètement son Rapport : il va l’adresser au Ministre de l’Instruction publique, puis il en fera un extrait pour l’Académie. La Commission déjà nommée sera alors en possession de tous les éléments d’information, et elle pourra formuler les conclusions qu’on attend d’elle.
- Nouvelle étude sur le charbon. — Un vétérinaire du Jura, M. Louvrier, a récemment publié la description d’une méthode propre, selon lui, à guérir le charbon chez les bêtes à cornes. M. Pasteur a été chargé par le Ministre de l’Agriculture défaire un Rapport sur ce procédé. Deux vaches ayant reçu une injection sous-cutanée de liquide charbonneux, l’une d’elles fut traitée par M. Louvrier, tandis que l’autre fut abandonnée à elle-même : elles guérirent toutes deux. Une autre expérience fournit aussi des résultats tels, qu’il fut impossible de se faire, jusqu’à plus ample informé, une opinion sur la valeur de la nouvelle thérapeutique. Mais, chemin faisant, M. Pasteur re-
- cueillit un grand nombre de faits d’où il ressort pleinement que les animaux atteints une première fois de la maladie charbonneuse sont rendus par cela même réfractaires, à une nouvelle infection. Ce fait considérable est, comme on voit, comparable à celui que les poules ont récemment présenté au même observateur; il s’applique aux moutons comme aux vaches et il tend à rapprocher de plus en plus les maladies virulentes à parasites microscopiques des maladies virulentes dont la cause est encore inconnue. Rappelons enfin qu’il se rapproche des conclusions formulées par M. Chauveau à l’occasion des moutons algériens dont nous avons signalé ici même la résistance aux maladies infectieuses.
- Histoire de la physique. — En général on attribue l'invention des lunettes binoculaires à un religieux hollandais. M. Govi a découvert à la Bibliothèque de la rue Richelieu un texte d’où il résulte que le vrai inventeur est un nommé Chorrez, qui exerçait la profession de lu-nettier, dans l’ile Notre-Dame, en 1625. Une longue description avec gravure et dédicace au « Boy », rend le fait absolument indiscutable.
- Stanislas Meunier.
- MOIS MÉTÉOROLOGIQUE AUX ÉTATS-UNIS
- AVRIL 1880
- La température est restée au-dessous de la moyenne dans tout le pays à l’ouest du Texas et du Mississipi ; mais dans la portion orientale du continent, sauf à l'embouchure du Saint-Laurent et sur les provinces maritimes du Canada, le thermomètre présente de nouveau l’excès que nous avons constaté pendant une grande partie de l’année 1879. C’est dans les Etats du sud de l’Atlantique, du golfe du Mexique, et aussi dans le Tennessee et la vallée de l’Ohio, que cet excès est le plus marqué. La répartition des pluies diffère beaucoup, au moins dans certaines régions, des conditions habituelles de sa distribution à cette époque de l’année; en Californie notamment, on a recueilli cinq à six fois plus d’eau qu’il n’en tombe généralement en avril; certains pluviomètres du versant du Pacifique ont accusé jusqu’à 575 millimètres de hauteur de pluie, soit une quantité égale à celle qui, dans une année moyenne, tombe à Paris dans l’espace de huit mois. La navigation sur les cours d’eau et les lacs, interrompue régulièrement par les glaces pendant la saison froide, est généralement reprise en avril; cette année, les premiers bateaux ont fait le service sur le Missouri, à Omaha le 5, à Leavenworth le 6; sur le Mississipi, à Saint-Paul, le 14; sur la Red River du nord, à Pembina le 16. Les bateaux commençaient le 15 à se frayer un passage à travers les glaces sur le lac Michigan.
- Parmi les quatorze bourrasques suivies et étudiées par le Signal Service, deux surtout sont intéressantes. L’une, venue du Pacifique, a causé le 20 et le 21 les pluies torrentielles dont il vient d’être parlé; l’autre, signalée le 17 dans le Colorado, s'est développée dans la vallée du Mississipi inférieur, en prenant rapidement une grande énergie : le 18, de violentes tempêtes éclataient dans l’Arkansas, l’Illinois, le Missouri, Iowa...., et de nombreux tornados prenaient naissance sous 1’inlluence de cetto perturbation ; nous n’en rapporterons qu’un seul, celui qu’on a appelé le tornado de Marshfield. Le tourbillon, qui passait à six milles au sud de Springfield, le 18 avril
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- vers six heures du soir, se déchainait peu de temps aprè sur Marshfield, petite ville d’environ 2000 habitants ; en un clin d’œil l’ouragan bouleversa toutes les constructions; c’est à peine si une douzaine de maisons furent préservées de la violence de la tourmente ou des incendies que les effondrements avaient allumés de toutes parts : 65 personnes furent tuées sur le coup, et environ 200 plus ou moins grièvement blessées. La violence de l’ouragan était telle que dans le voisinage de la ville des arbres de 3 mètres de circonférence ont été arrachés ou tordus; les communications par chemin de fer et par télégraphe urent interrompues sur tout son parcours.
- La carte (fig. 1) montre, d’après les observations à la mer, recueillies par le Sùjnal Sen'ice, les trajectoires des minima barométriques'ayant franchi l’océan Atlantique pendant le mois d’avril dernier. Des quatre dépressions qui ont quitté la côte orientale des États-Unis en se dirigeant vers l’Europe, une seide étend son action jusqu’à nous; cette dépression a parcouru la moitié de l’hémisphère nord : apparue le 24 mars par la côte du Pacifique, elle met six jours à traverser l’Amérique de l’ouest à l’est; sa trajectoire se"relevant alors vers le nord-est,
- son centre passe le 5 avril entre l’Islande et l’Écosse, puis prenant tout à coup une direction N. 0.—S. E, il traverse l’Europe jusqu’à la mer Noire, où il arrive le 10 avril, après avoir été suivi pendant dix-lmit jours consécutifs. Une deuxième bourrasque d’Amérique aborde l’Europe par le nord de la Norvège, les deux autres se dissipent avant d’avoir atteint les lies Britanniques. Deux minima barométriques ont en outre affecté nos côtes, l’un sur la Méditerranée du 10 au 12, l’autre sur l’Océan et la Manche du 12‘au 15 ; mais ils ne se rapportent pas à des phénomènes précédemment constatés d’une manière certaine en Amérique.
- MAI 1880
- L’accroissement de température signalé en avril sur la portion orientale des États-Unis, persiste en mai sauf de légères exceptions, et s’étend sur tout le pays situé à l’est des Montagnes-Rocheuses. 11 est tombé peu de pluie dans les titats de l'Atlantique et dans la vallée du Missouri, aussi les agriculteurs de ces régions redoutent les conséquences d’une sécheresse qui menace de se pi’olonger; rappelons que de ce côté de l’Atlantique, sur l’Europe
- Fig. 1. Carte des cyclones ayant traversé l’Atlantique en avril 1880. Fig. 2. Carte des cyclones ayant traversé l’Atlantique en mai 1880. (Les nombres gravés sur les cartes ci-dessus indiquent les dates du passage.)
- occidentale, le temps a été également très sec en mai, et qu’à Paris notamment, il n’est pas tombé d’eau de tout le mois. Les plus fortes pluies aux États-Unis sont tombées dans les districts d’Alabama, lndianola, Michigan, Texas et dans le Territoire Indien. Des inondations sont signalées de divers côtés; dans la Géorgie, à la suite des pluies du 21, les voies ferrées furent coupées et les plaines submergées; soixante-sept ponts ont été emportés par les eaux ; dans le Texas, il est tombé jusqu’à 515 millimètres de pluie dans l’espace de deux jours, le 29 et le 50 mai ; la ville de Brackettsville fut inondée.
- La navigation sur les cours d’eau et les lacs avait presque partout repris son cours normal dès le commencement du mois; seul le port de Dulutli, sur le Lac Supérieur, ne fut débloqué que le 19 mai. Trois grandes aurores boréales ont été observées pendant ce mois: 1° du 1er au 2, visible depuis l’Etat du Maine jusqu’au Territoire de Montana; 2° le 14, observée du New llainp-shire et du Massachussets au Lac Supérieur; 5° du 26 au 28, du New Hampshire au Montana.
- Comme en avril, le nombre des bourrasques est faible, on n’en compte que dix en mai : le régime d’été s’accentue. Les perturbations de mai présentent une particularité remarquable : aucune d’elles n’a traversé entièrement le continent; les unes, venues du Pacifique, se sont dissi-
- pées sur les États du Nord-Ouest ou bien ont gagné le Canada, et celles qui s’éloignent de l’Amérique dans la direction du Nord-Est s’étaient formées en deçà des Montagnes-Rocheuses. La première est la plus importante, elle se présente dans des conditions assez anormales, car les trajectoires des dépressions se rencontrent rarement en mai à des latitudes aussi basses; signalée le 3 au matin sur le golfe du Mexique, elle traverse la Floride dans la nuit du 5 au 4, suit sur l’Atlantique une direction nord-est sensiblement parallèle à la côte et disparaît le 8 au large de Terre-Neuve.
- D’après la carte (fig. 2), cinq minima barométriques ont affecté le temps en Europe ; deux, venus des régions polaires, ont gagné le nord de la Norvège, les trois autres se sont dirigés de l’Océan vers la Méditerranée : aucun d eux n’avait été observé en Amérique ; on voit du reste que les deux dépressions venant des États-Unis se sont comblées, ou bien ont été déviées de leur course, pendant la traversée de l’Atlantique.
- Th. Moureaüx.
- Le ProprWlaire-Gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.]
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- N° 584.
- il OCTOBRE 1880.
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- LES TREMBLEMENTS DE TERRE
- DES ILES PHILIPPINES 18, 2 0 ET 22 JUILLET 1880
- Il n'est pas de semaine, pas de jour peut-être, pendant la durée desquels un mouvement plus ou moins intense de la croûte terrestre ne se fasse
- sentir sur quelque point du globe; mais si le phénomène est très fréquent, les bons observateurs en sont très rares, aussi est-ce une bonne fortune pour la science d’avoir à recueillir des documents aussi précis que ceux dont le récent tremblement de terre des lies Philippines a été l’objet. Un observatoire météorologique municipal est installé à Manille; il est pourvu des instruments les plus complets et
- Courbe tracée le 18 juillet 1880, à midi 40' par le sysmographe de l’Observatoire de Manille, pendant le tremblement de terre des Iles Philippines. — bb'. Maxima de l’ondulation horizontale.
- d’un excellent sysmographe pour enregistrer constamment les mouvements du sol. Son directeur, le P. Frédéric Faura, un des élèves les plus distingués du P. Secchi, a publié de ce phénomène un récit émouvant que nous résumerons ici, en l’accompagnant de la remarquable courbe tracée par le pendule du sysmographe pendant la journée du 18 juillet (voy. la figure ci-dessus).
- Dans la nuit du 14 au 15 juillet, les effrayants phénomènes sysmisques commencèrent à alarmer 8e aunee. — 2' semestre.
- les populations de l’archipel des Philippines. A minuit cinquante minutes, dans la localité de Santa Gruz, on ressentit un mouvement oscillatoire qui dura vingt secondes. Un peu plus tard, on éprouva une secousse violente à Calamba ; la première secousse fut éprouvée à minuit cinquante-cinq minutes. La durée en fut d’environ douze secondes. Deux autres secousses eurent lieu à des intervalles de sept minutes ; à Cavité, la secousse fut plus forte. A deux heures du matin, autre secousse et
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- même mouvement d’oscillation. Dans huit autres localités, les phénomènes furent plus ou moins semblables. Les secousses du 17 juillet n’offrirent rien de grave ni d’effrayant. Le 18, à midi quarante minutes, tout au contraire, les secousses, très violentes, durèrent soixante-dix secondes ; plus d’une minute !
- * Elles causèrent une terreur indicible, même chez les personnes les plus courageuses. On se réfugia dans les rez-de-chaussée, sur les places, dans les rues. Les uns s’agenouillaient et priaient, les autres poussaient des cris déchirants et appelaient les êtres qui leur étaient les plus chers. Comme les tremblements de terre font perdre momentanément la raison, on voyait des pères de famille s’enfuir épouvantés, puis revenir sur leurs pas, comme s’ils eussent été honteux de leur lâcheté momentanée. Un homme de sang-froid, M. le marquis de Estella, se mit à parcourir les rues, à relever les courages abattus, et à donner partout l’exemple de la plus vive sollicitude et du plus entier dévouement. A ses efforts se joignirent ceux de l’archevèque et des chefs des divers ordres religieux. Les premières secousses ayant été peu violentes, servirent d’avertissement à toute la population, de sorte que l’on ne compta pas une seule victime dans des maisons qui s’étaient entièrement écroulées. Malgré cela, on découvrit dix morts et vingt-neuf blessés, presque tous Chinois ou Indiens, dont deux enfants, trois femmes et sept individus détenus dans les prisons. A Laguna et à Bulacan, les édifices publics ont beaucoup souffert ainsi que les églises. Les pertes matérielles ont été considérables.
- Le 20 juillet à trois heures et demie de l’après-midi, le phénomène s’est renouvelé; on a éprouvé une nouvelle secousse qui a généralement paru plus intense que celle du dimanche 18. « Nous étions en proie, dit le 1*. Faura, à une angoisse inexprimable. Deux portions de la tour de la cathédrale sont tombées, avec les cloches, sur une maison voisine, qui a été écrasée. A Santa Cruz, beaucoup de maisons se sont écroulées. On dit que le volcan de Taal est en éruption. Le corrégidor a défendu à tous les charretiers de passer dans la ville autrement qu’au pas de leurs chevaux, pour ne pas hâter l’écroulement de quantité de maisons qui menacent ruine.
- Le troisième tremblement de terre, du 22 juillet, a été moins violent que les deux précédents. « Nous éprouvions, continue l’observateur, de faibles secousses, auxquelles on n’attachait pas grande importance. Les deux tiers de la population couchaient cependant hors de leurs habitations. L’éruption du Taal ne s’est pas confirmée. Ce volcan est resté assez tranquille depuis sa terrible éruption du milieu du dix-huitième siècle (1754), époque où 18 centimètres de cendres couvrirent les rues de Manille. Le Taal, en ce moment, fume beaucoup, mais voilà tout. »
- A Pultoc, on a entendu le bruit du tonnerre, lors de la grande secousse du 18. 11 en a été de même
- à Pangasinan. Beaucoup de personnes se sont réfugiées à bord des navires amarrés dans la rivière et dans la baie de Manille. Elles durent néanmoins subir l’action de vagues immenses que les pêcheurs prétendent avoir vues se former au moment des secousses. Ceux qui ont campé en plein air ont eu beaucoup à souffrir des averses qui sont venues fondre sur eux.
- Dès le mois d’avril 1880, on avait commencé à ressentir quelques secousses de tremblement de terre dans les provinces situées au nord de Luçon; elles continuèrent pendant le mois de mai et devinrent plus fortes au mois de juin.
- Si nous remontons aux temps passés, nous voyons qu’en 1645 un tremblement de terre fit périr 5000 personnes à Manille. En 1796, les secousses durèrent deux minutes, et les habitants restèrent plusieurs mois sans oser retourner dans leurs demeures. En 1824, le pont de pierre et plusieurs édifices publics furent détruits. Le 5 juin 1865, on compta plus de trois cents victimes.
- Gastoin Tissandier.
- NOUVEAUX PROCHES
- UE LA BOTANIQUE FOSSILE
- TRAVAUX DK M. B. RENAULT
- On sait que l’on entend par prototypes les formes primitives de végétaux qui auraient été, dans une manière de voir particulière, et privée jusqu’ici de démonstration complète, comme les souches des plantes actuelles ou éteintes.
- Pour la recherche des prototypes, l’époque houillère, à cause du nombre immense de végétaux qu’elle a vus naître et mourir, doit être particulièrement favorable. Pourtant, les difficultés sont nombreuses : les échantillons silicifiés ou carbo-natés d’une bonne conservation sont lort rares; dans un organe fossile, on ne peut multiplier les coupes comme on le ferait sur le même organe d’une plante vivante, car les préparations s’obtiennent, comme on sait, au moyen de lames détachées à la scie, puis usées jusqu’à ce qu’elles soient transparentes, de sorte qu’une bonne partie de l’échantillon se trouve perdue pour l’observation.
- Entre de nombreux exemples, on a donné comme prototypes les genres : 1° Calamites, Ad. Br., réunissant les caractères des Équisétacées et des Lyco-podiacées; 2° Myelopleris, B. R., souche commune des Fougères, des Conifères, des Palmiers; 5° Sigil-laire, réunissant les caractères de deux embranchements: Phanérogames gymnospermes et Cryptogames.
- Dans un travail que publient les Nouvelles Archives du Muséum, notre savant collègue M. Renault passe rapidement sur les deux premiers genres, mais il étudie avec le plus grand détail les Sigil-laires. Disons tout de suite que l’existence comme
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- piototvpes des uns et des autres lui parait des plus douteuses.
- Après un historique où il constate que beaucoup de paléontologistes voient actuellement dans les Sigillaires des Lycopodiacées arborescentes, que certains les rapprochent des Euphorbiacées, que les Anglais admettent presque tous que les Sigillaires représentent des Selaginelles arborescentes, l’auteur résume la structure anatomique des Lépi-dodendrons en choisissant pour cette étude les tiges reconnues par tous les paléontologistes comme appartenant à cette famille : L. Ilarcourtii, de William, le Lomatophloios crassicaule, de Corda, plus quelques tiges et rameaux qui appartiennent avec certitude à la famille des Lépidodendrons. Puis il établit les caractères généraux et essentiels des Sigillaires en choisissant celles dont les cicatrices foliaires indiscutables ne laissent prise à aucune critique, et il fait sortir de la structure même de ces tiges des renseignements sur leurs affinités botaniques, renseignements que l’on n’a pu tirer jusqu’à présent des organes de la fructification.
- « Si, dit-il, les Sigillaires ne sont que l’état plus âgé de certains Lépidodendrons, comme le pense M. Williamson, plusieurs conséquences découleront de cette identité : 1° toute Sigillaire étant représentée dans son très jeune âge par un axe uniquement lépidodendroïde, nous devrons naturellement rencontrer de jeunes Lépidodendrons construits sur autant de types que nous aurons d’axes internes de Sigillaires ; 2° si certains Lépidodendrons se transforment en Sigillaires, par le lait seul de l’âge, c’est-à-dire par l’apparition [dus ou moins tardive d’un bois exogène en dehors de l’axe lépidodendroïde, on doit admettre que l’addition de couches ligneuses ne modifie pas la structure primitive propre de cet axe, tpie les faisceaux vasculaires qui ont émis des cordons foliaires, ont dû conserver leur disposition particulière et leur structure générale primitive; les cordons foliaires eux-mêmes, déjà formés et parcourant les feuilles, n’ont pas dû changer de constitution pendant l’accroissement exogène de la tige. »
- 11 y a donc à examiner si ces déductions sont confirmées par les faits, et rechercher : si trois types de Lépidodendrons existent, correspondant, par la structure de leur tige, avec les trois types de Sigillaires; si l’origine des faisceaux vasculaires est la même dans les deux catégories de plantes, et surtout si la constitution du cordon foliaire est semblable. Et M. Renault examine avec «détail et avec précision les tiges du Lepiclodendron Wiodum-nense, B. R., du Lepidodendron Harcourtii, Withain, du Lomatophloios crassicaule, Corda, du Lepidodendron Jutieri, B. R. L’anatomie du cylindre ligneux et des cordons foliaires montre que dans ces plantes, le bois, toujours simple, avait un accroissement centripète, que les cordons foliaires naissaient au point de contact de deux des faisceaux vasculaires disposés en cercle à la péri-
- phérie du cylindre ligneux; de plus, qu’un cordon foliaire, lorsque ses éléments spiralés étaient encore visibles, présentait ces derniers en deux points distincts, placés à droite et à gauche de la section faite à une distance suffisamment grande du point d’origine du cordon.
- Le bois des Lépidodendrons est toujours peu considérable, comparativement à l’écorce, cette dernière seule pouvait, en s’accroissant, augmenter le diamètre de la tige.
- La famille des Sigillaires proprement dites se divise en quatre genres : genre Rhytùlolepis, Sternb., écorce cannelée, cicatrices séparées; genre F aval aria, Sternb., écorce moins nettement cannelée, cicatrices contiguës; genre Leiodermaria, Germar., écorce lisse, cicatrices séparées; genre Clathraria, Ad. Brngt, écorce lisse, cicatrices contiguës. Le cylindre ligneux de ces quatre genres paraît organisé de la même manière, et les tiges ne diffèrent que par les variations de stiucture anatomique de leur écorce.
- Les espèces spécialement étudiées par M Renault sont les Sigillaria elegans, spinulosa, vascu-laris,VÂn.; le Sigillariopsis Decaisnei, B. R.
- Les Sigillaires sont reliées aux Cordaïtes par deux genres que l’auteur a réunis en un groupe, sous le nom de Paroxylées. Les Paroxylées tiennent d’une part aux Sigillaires par la constitution double de leur cylindre ligneux et la grosseur de leurs fibres, et de l’autre aux Cordaïtes par les ponctuations aréolées qui couvrent les surfaces latérales de ces fibres, ainsi que par la structure de leur écorce.
- Au contraire de la tige des Lépidodendrons, le bois des Sigillaires et des Paroxylées est formé de deux zones distinctes, l’une à accroissement centripète, prenant plus ou moins de développement suivant les familles, et disposée sans ordre ; l’autre offrant un accroissement centrifuge, dont les éléments sont ordonnés en séries rayonnantes, séparées par des lames cellulaires. Le cylindre ligneux exogène, ainsi que l’écorce, concourent par leur accroissement continu et simultané à l’augmentation du diamètre de la tige.
- Les Cordaïtes, dont la description termine ce beau travail, se rapprochent plus des Cycadées actuelles que des Conifères.
- Stanislas Meunier.
- SUPPRESSION DES ARRÊTS DES TRAINS
- DE VOYAGEURS
- Système d’accrochage des voilures par les trains en marche
- Si, pour parcourir une longue distance par chemin de fer, à travers un pays peuplé, on n’a à sa disposition que les trains ordinaires s’arrêtant à toutes les gares, le voyage est long et pénible.
- En effet, le rapprochement des gares entraîne des pertes de temps considérables, non seulement par les arrêts en eux-mêmes, mais encore par les ra-
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- LA NAT U LE.
- lentissementsqui les précèdent et qui les suivent. Sur certaines lignes, le train n’a pas encore eu le temps d’acquérir sa vitesse normale, que déjà il doit se préparer à l’arrêt pour la gare suivante.
- Cette situation ne fera que s’aggraver avec le temps, le nombre de gares ne cessant d’augmenter par suite de l’accroissement de la population dans les régions vivifiées par les chemins de 1er. De là, l’impossibilité absolue de desservir toutes les gares sans condamner le chemin de 1er à perdre son principal avantage, la rapidité.
- Aussi est-il arrivé que la nécessité s’est imposée, sur les lignes importantes, de créer les trains express, réservés aux habitants privilégiés des grandes villes. En Angleterre, il existe entre certains centres importants des trains directs, qui ne s’arrêtent même plus pour prendre de l’eau. On connaît l’in-
- génieux système llamsbottom, consistant à placer de distance en distance, au milieu de la voie, un bac plein d’eau dans lequel le mécanicien peut abaisser le bec d’un tuyau recourbé, de façon que la vitesse y projette l’eau et l’élève jusqu’au tender.
- Mais, nous l’avons dit, les trains express créent une situation privilégiée pour quelques-uns, et il laut mettre l’express au service de tous, en permettant au train de prendre les voyageurs sans arrêter. De là, comme conséquence, une diminution nouvelle des arrêts des express, dont la vitesse pourra encore être notablement augmentée.
- Les trains de voyageurs doivent pouvoir franchir des distances considérables sans arrêt. Prendre de l’eau en route n’est plus nécessaire avec le système Ramsbottom, et iEn’v a pas de difficulté à emporter
- Fig. 1 et 2. Voiture d’attente (coupes verticale et horizontale) destinée à être accrochée à un train en marche.
- le combustible en quantité suffisante pour les plus longs trajets que l’on puisse imaginer.
- Il reste donc à prendre des voyageurs en route, car il n’v a pas de difficultés à en laisser. Ainsi posée, la question semble de prime-abord une utopie; mais le problème n’est pas aussi difficile à résoudre qu’il paraît, et je crois que la solution que je propose semblera d’une réalisation facile. On peut discuter sur l’opportunité de cette invention, mais je n’ai pas de doute que, dans l’avenir, son application s’imposera et que déjà sur certains réseaux on aurait avantage à la mettre en pratique.
- Disons d’abord en quelques mots de quelle façon le service sera organisé.
- Une voiture de construction spéciale, que je décrirai plus loin, et qui est munie d’un mécanisme permettant son accrochage sans choc par le train rapide, porte en même temps une machine motrice. C’est donc une véritable voiture à vapeur, comme
- la voiture que l’ingénieur Belpaire avait exposée dans la Section belge, en 1878, à Paris. Cette voiture, que j’appelle voiture d'attente (lîg. 1 et 2), parce qu’elle remplace pour les voyageurs la salle d’attente actuelle, prend les voyageurs d’une seule localité, même de deux ou trois gares très rapprochées, et va se poster, quelques minutes avant le passage de l’express, en p (fig. 5), sur un bout de voie latérale 11, raccordée à la voie principale par une aiguille prise en queue par le train. Cette voiture est à couloir et contient, outre la machine à vapeur et le mécanisme d’accrochage, le compartiment 13 pour les voyageurs et un compartiment C pour leurs bagages (fig. 1 et 2).
- On voit donc, dès à présent, que je suppose, pour l’application de mon système, que l’on lait usage d’un véritable train américain avec communication des voitures entre elles. On ne peut d’ailleurs concevoir de très longs parcours sans arrêt^
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- qu’avec ce système de train, contenant buffet, cabinets de toilette, etc.
- Il reste à décrire le système d'accrochage.
- Faisons remarquer tout d’abord que, pour mettre progressivement en mouvement, sans aucun choc, le véhicule à accrocher au train, il faut un temps et un parcours égaux à ceux qui seraient nécessaires pour arrêter sans choc le même véhicule animé de la vitesse du train. Or, nous possédons ces données. Les expériences faites sur les nouveaux systèmes de freins perfectionnés, tel que le frein Westinghouse, ont établi qu’un train lancé à une vitesse de 60 kilomètres à l’heure peut être arrêté
- sans choc sur un parcours qui ne dépasse pas 100 mètres.
- La voiture d’attente, pour être accrochée sans secousse par un train lancé à la vitesse de 60 kilomètres, doit donc être munie d’un système d’accrochage tel, qu’elle parcoure 100 mètres pour acquérir progressivement la vitesse du train, ou, ' autrement, que l’on exerce la traction sur un ressort capable de s’allonger de 100 mètres. Un tel ressort n’est pas réalisable, mais le mécanisme représenté ci-dessous, permet d’obtenir le même résultat.
- Un anneau a (fig. 5 à 6), destiné à être accroché par le train, est fixé à l’extrémité d’un câble G
- Positions avant 1 accrochage
- Positions apres J’accrocha|e pendant l'enroulement du cable
- Fig. 5. Figures montrant en plan les différentes positions do la voiture d’attente p avant et après l’accroehaée.
- enroulé sur un tambour T (fig. 1 et 2). Lorsque le câble se déroule, ce tambour, en tournant, agit par un système d’engrenages qui réduisent la vitesse dans le rapport voulu, sur des crémaillères .1 et K, lesquelles compriment une série de ressorts I (fig. 2).
- Le rapport des vitesses est tel que, pour un déroulement du câble de 100 mètres, les ressorts sont comprimés jusqu’à la limite voulue.
- Si, maintenant, on suppose l’anneau a posé sur un poteau p (fig. 5 à 6), dans un pivot à bascule, quand le train passera, un crochet H fixé à la dernière voiture accrochera l’anneau; le câble se déroulera d’abord sans résistance notable, de sorte que la voiture se mettra doucement en mouvement; mais, au fur et à mesure que le câble se déroulera, la résistance augmentant, la vitesse de la voiture s’accélérera; quand le câble sera entièrement déroulé, la voiture aura acquis la vitesse de 60 kilomètres. Alors, par un embrayage, on fera agir sur le tambour la machine à vapeur E (fig. 1), qui enroulera le câble et y sera aidée par les ressorts qui se détendront; la voiture se rapprochera du train jusqu’au moment où elle pourra y être accrochée. Les voyageurs pourront alors aller prendre place dans les compartiments et les bagages être transbordés. Les vovageurs à descendre iront s’installer dans la voiture d’attente, qui sera décrochée, et la machine à vapeur E agissant alors sur les roues du véhicule, les voyageurs seront ramenés jusqu’à la gare précédente.
- Tel est le système, qui, comme on le voit, ne présente aucune difficulté sérieuse de réalisation. Le dessin n’a pas été étudié dans ses détails et au point de vue de la mise à exécution ; il a pour seul but de représenter l’idée. Nous allons signaler quelques points de détail pour montrer qu’aucun n’a d’importance sérieuse.
- Tout d’abord, l’endroit choisi pour l’accrochage devra, autant que possible, être en ligne droite. Quelle devra être la longueur de cette partie? Nous avons vu que la voiture sera, à un moment donné, distante du train de 100 mètres. Pendant cette période d’accrochage, la voiture aura également parcouru 100 mètres et la dernière voiture du train sera donc à 200 mètres de l’aiguille. Pour se rapprocher du train, on peut admettre que la voiture d’attente pourra sans inconvénient avoir Fig-.o. une vitesse de 75 kilomètres à l’heure, soit 15 kilomètres de plus que le train. Pour franchir la distance de 100 mètres qui la sépare de la dernière voilure du train, il lui faudra, à cette vitesse, 25 secondes. Comptons sur le double ou 50 secondes ; pendant ces 50 secondes, le train à 60 kilomètres aura parcouru 800 mètres, qui, ajoutés aux 200 premiers mètres, donnent pour la partie de voie en ligne droite 1 kilomètre au plus. Il n’est eerles pas difficile de choisir de tels emplacements.
- L’accrochage tend-il à faire dérailler la dernière voiture du train et la voiture d’attente? Non, car au moment où l’obliquité de la traction est sensible, l’effort sera nul, et quand cet effort aura acquis une certaine intensité, l’obliquité aura disparu. Ajoutons que le crochet II est articulé au point V (fig. 5), de sorte que la corde exerce sa traction sur la voiture d’attente entre deux essieux, comme dans l’attelage Polonceau; ce câble est guidé par deux poulies horizontales L et M (fig. 1 et 2).
- Sur le parcours de 1 kilomètre en ligne droite où se fait l’accrochage, la voie, recevra des rouleaux sur lesquels portera le câble, s’il vient à traîner.
- Les ressorts n’ayant à supporter que l’effort nécessaire pour mettre la voiture d’attente en mouvement, n’auront pas besoin d’avoir des dimensions exagérées. Ajoutons qu’on pourrait y substituer un
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- Fig. 4 à 0. Détails du système d’accrochage.
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- récipient dans lequel de l’air serait foulé pendant le déroulement du câble.
- Le crochet II, très ouvert à l’entrée, peut être à peu près fermé au fond, et le passage rétréci peut même être complètement fermé par un ressort qui, en permettant l’entrée de l’anneau, ne lui permette pas de sortir.
- Quel que soit enfin le point que l’on examine, on ne trouve pas d’obstacle à la réalisation du système qui vient d’être décrit.
- Si on l’envisage au point de vue des accidents auxquels il pourrait donner lieu,on reconnaît qu’il n’y a rien à craindre. Ces accidents, en effet, ne pourraient provenir que d’un accrochage brusque de la voiture par suite du non fonctionnement du mécanisme d’accrochage. Or, outre que ce mécanisme très simple ne prête guère à de tels dangers, on peut appliquer pour l’attache du câble un appareil de sûreté qui céderait si la traction était trop brusque. Mais faut-il rappeler que, dès à présent, les attelages des voitures cèdent quand on exerce une traction trop brusque sur les véhicules de chemin de fer et que le câble n’aurait pas une résistance suffisante pour résister à un choc violent? On peut donc considérer ce système d’accrochage comme offrant toute sécurité aux voyageurs.
- Drosder IIanrez,
- Ingénieur civil.
- UN BON SYSTÈME DE ROBINET
- Il n’est guère de propriétaires qui, surtout pendant les hivers rigoureux, n'aient à maudire et les conduites d’eau et surtout les robinets d’eau. Il existe tant et tant de système'^ 1 C’est la meilleure preuve, que si l’on cherche encore, c’est que rien n’a complètement satisfait le public.
- En effet, les eaux sont-elles siliceuses, corrosives, calcaires, ou bien vient-il à geler, les trois quarts de ces petits instruments sont à désouder, à porter au tourneur, et à resouder, sinon la plupart du temps à remplacer. De
- Robinet de M. Guyoniiet.
- plus, cet article est toujours fort cher dès qu’on sort de la fabrication « à la grosse » et qu’on veut obtenir une bonne étanchéité, avec un jeu doux et facile. Enfin tous ceux qui fonctionnent au quart de tour, ont le grave inconvénient d’engendrer l’arrêt brusque de la veine liquide, partant une violente réaction sur les conduites, qui les fait rapidement se fissurer. C’est le coup de bélier des fontainiers.
- Le robinet que nous recommandons ici est dù à un ouvrier fondeur en bronze à Angoulême, M. Guyonnet. 11 consiste en une tige filetée munie d’un tampon de, caoutchouc, cône vers la lige, aminci vers l’arrivée de l’eau suivant une double courbure qui a pour effet de diviser sanseboe la veine liquide et de l’amener dans un passage annulaire calculé de telle façon que la veine n’est pas laminée et passée à la libère, ni brusquement coudée comme dans la plupart des robinets existant. Les conséquences sont faciles à déduire : un faible déplacement du tampon laisse écouler un volume d’eau relativement beaucoup plus fort que celui que verserait un robinet de même grosseur; une légère incrustation, du verl-de-gris, un brin de paille, peuvent se trouver pris par le tampon sans que la fermeture cesse d’ètre parfaite ; le coup de bélier n’existe pas. Enfin, pour prévoir le cas extrêmement rare de réparations à apporter, l’enveloppe a été formée de deux pièces, l’une ne se déplace jamais une fois fixée; la tète seule serait à enlever, et se dévisse aisément. Quant au tampon, il s'adapte sur la tige comme une boutonnière à son bouton et, ne coûtant que quinze centimes, il constitue une réparation à la portée des plus exigeants.
- Les déformations que la gelée la plus intense apporte à cet appareil sont sans influence sur son herméticité, grâce à la malléabilité du tampon de caoutchouc.
- Enfin, et par suite de ces diverses dispositions ce robinet se fait très mince, exige très peu de façon et coûte fort bon marché.
- EFFETS ÉLECTRIQUES
- OBSERVÉS DANS I,E NORD DU SAHARA
- Une note communiquée récemment à l’Académie des sciences, par M. L. Amat, montre que les effets électriques que l’on obtient par la friction des poils des animaux acquièrent une intensité remarquable dans les pays tropicaux, notamment au nord du Sahara africain, vers le 55e degré de latitude. A une altitude variant de 1100 à 750 mètres, M. Amat a reconnu qu’en passant le peigne à travers les cheveux et les poils de la barbe, on pouvait faire jaillir de larges étincelles de 5 à 7 centimètres de longueur. C’était quand le temps était sec et chaud, et de sept à neuf heures du soir, que le phénomène se développait dans ses plus grandes proportions. Chez les chevaux, les effets sont encore plus marqués, et l’on voit souvent les crins de leur queue s’écarter les uns des autres au point de former comme un éventail ; si on touche ces crins, on entend des crépitements d’étincelles qui sont parfaitement visibles le soir, et qui se développent encore sous l’influence de la brosse ou de l’étrille. Suivant M. Amat, l’électricité dégagée par la queue des chevaux est positive, car elle est attirée par une canne cirée au vernis de térébenthine. Naturellement, en temps de pluie et par les temps humides, cette tension électrique est moins considérable, et elle est moins sensible à l’écurie qu’au grand air ; chez l’homme, l'accumulation du fluide est moins considérable, parce que, sans doute, il est moins bien isolé du sol que le corps du cheval, dont la corne o’es sabots forme comme un support isolant.
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- LE CHEMIN DE FER FUNICULAIRE
- A CRÉMAILLÈRE
- DU GIESSBACH
- Le chemin de fer récemment inauguré sur les flancs de la montagne dn Giessbach par M. Hauser, le propriétaire de l’hôtel voisin de la célèbre cascade, est un des plus intéressants qu’on puisse rencontrer pour l’ascension des montagnes, et il ne sera pas une des moindres curiosités de ce pays si pittoresque déjà. C’est un chemin de fer funiculaire à forte pente, comme dans les plans inclinés ordinaires, dn Vésuve par exemple ; mais il comprend en même temps une crémaillère posée sur la voie comme au Righi, et enfin il n’exige pas de machine motrice proprement dite, car le moteur unique est fourni par de l’eau qu’on emprunte au Giessbach au sommet du plan et qui descend jusqu’au lac, avec le train, à qui elle fournit le supplément de poids nécessaire pour déterminer la mise en marche du train montant, relié avec lui par l’intermédiaire d’un câble de traction à double effet.
- D’autre part, la voie est unique sur presque tout son parcours, ce qui a obligé à construire une voie de croisement vers le milieu du plan, afin de permettre la rencontre des deux trains allant en sens contraire. Ce croisement s’effectue même automatiquement sans qu’il soit besoin d’aucune aiguille, et chacun des deux trains se rend de lui-même, comme nous le dirons tout à l’heure, sur celle des deux voies qui lui est destinée.
- Ce chemin de fer, ainsi établi dans des conditions particulièrement remarquables, fut étudié et construit par M. Riggenbach, directeur des ateliers d’Aarau, le même qui avait déjà établi la voie du Righi. Les travaux furent commencés en octobre 1878, et huit mois après, en juillet 1879, la voie entièrement terminée put être livrée à l’exploitation.
- Le chemin de fer du Giessbach part du débarcadère des bateaux à vapeur sur le lac de Rrienz, et il s’élève presque en ligne droite jusqu’à l’hôtel, *situé à un niveau de 93 mètres au-dessus, non loin de la cascade; il présente une longueur totale de 346 mètres, avec une pente moyenne véritablement énorme, atteignant 28 centimètres par mètre. Aux deux extrémités de la voie seulement, cette pente varie un peu ; elle est de 24 centimètres en bas et de 52 en haut de la montée. Dans ces conditions, le train descendant se met en marche de lui-même lorsque les freins sont desserrés, et sa vitesse s’amortit plus rapidement lorsqu’il arrive à la station inférieure.
- Le tracé du profil, qui reste d’ailleurs entièrement droit, se dévie seulement en arrivant au croisement ; il présente alors une courbe de 50 mètres de rayon, qui reporte à une distance de 2“,666 les axes des deux voies.
- Une voie de garage voisine delà station inférieure reçoit le wagon de marchandises et le matériel de réserve.
- La largeur de la voie est de 1 mètre.
- La station de départ au bas du plan est située à un niveau de 39 mètres au-dessus du débarcadère; elle est raccordée à celui-ci par une longue montée couverte qui fournit un accès aux voyageurs, et le mur du quai supporte une petite voie sur laquelle on remonte à la main les bagages dans un petit wagon jusqu’à la station.
- Comme on le verra sur la figure ô, le chemin du Giessbach présente peu de terrassements importants ; le seul ouvrage d’art considérable est un viaduc de cinq arches en fer formant plus de la moitié de la longueur totale du plan. Les travées de ce via-duc présentent une longueur moyenne de 58 mètres, elles sont supportées par des piliers dont la hauteur varie de 9 à 15 mètres. Les rails de la voie reposent directement sur des traverses en fer fixées sur les poutres.
- Ces traverses débordent de 0IU,60 environ sur l’un des côtés, de manière à former une corniche en saillie supportant un sentier de piétons qui chemine à côté de la voie.
- En dehors du viaduc, on a employé des traverses en chêne reposant directement sur le sol, et écartées d’un mètre d’axe en axe. Elles sont solidement entretoisées par des pièces accessoires dont on a reconnu la nécessité sur les lignes à forte pente, et qui sont formées par des longrines en fer en U placées en dehors des rails. Quant à la crémaillère, elle est fixée sur la voie comme au Righi, entre les deux rails ; elle est formée également de deux joues latérales entre lesquelles on a rivé des dents en forme de trapèze de 12 centimètres carrés de section.
- Le croisement, qui forme un des traits caractéristiques de la ligne du Giessbach, s’opère automatiquement, comme nous l’avons dit plus haut, au moyen de la disposition représentée ci-contre (fig. 2).
- Les roues de l’unique wagon formant l’un des trains ont toutes les boudins de leurs bandages extérieurs, tandis que celles du wagon formant l’autre train ont leurs boudins intérieurs. D’autre part, on remarquera, en étudiant le plan du croisement, que le rail de gauche en R se partage en deux branches aux deux extrémités de la bifurcation sans présenter aucune solution de continuité, tandis que le rail de droite au contraire se termine en pointe en A, et laisse un vide suffisant pour permettre le passage des boudins des voitures allant dans les deux sens. Dans ces conditions, la voiture à boudin intérieur qui arrive en montant, par exemple, venant du tronc commun, se range à droite, obéissant à l’action directrice de la branche intérieure du rail de gauche, qui oblige les boudins frottant contre elle à se dévier dans cette direction. La voiture à boudins extérieurs au contraire se range toujours à gauche en montant, puis-
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- que ses boudins sont dirigés par la branche extérieure du rail de gauche. Si on considère les choses à la descente, il en est encore de même, et chacune des voitures se rend encore automatiquement Sur la même voie, qui se trouve alors toutefois du côté opposé par rapport à elle. La crémaillère elle-même se partage en deux branches en arrivant à la bifurcation, et au point de croisement avec les
- rails, on a du la ramener au niveau de ceux-ci,afin de ne pas gêner le passage des boudins des roues en marche; de même, on a pratiqué dans le rail une légère rainure, afin de recevoir le câble.
- Le matériel roulant du Giessbach comprend deux wagons de voyageurs et un wagon de marchandises. Ce dernier est maintenu habituellement remisé sur la voie de garage ; il sert à remonte]' les lourdes
- Fig. 1. Wagon du chemin de fer funiculaire du Giessbach. — Coupe et détails du châssis.
- charges sans qu’on ait besoin d’employer le câble. Quatre hommes tournent alors â la main,au moyen de deux manivelles, la roue dentée du wagon qui engrène avec la crémaillère, et ils peuvent remor-
- quer 5000 kilogrammes environ avec une vitesse de 50 mètres à l’heure. La disposition des wagons de voyageurs est représentée sur la figure 1 ; on voit qu’ils comprennent cinq compartiments renfermant chacun
- Fig. 2. Voie de croisement du chemin de fer du Giessbach.
- huit places, avec un sixième compartiment pour les bagages. Les bancs des voyageurs sont placés en escaliers, et forment des rangées parallèles qui se font face deux à deux. Au-dessous du plancher est un réservoir en tôle dans lequel on introduit, avant de partir du sommet le poids d’eau qui fournit l’effort moteur. En avant, est la plate-forme du mécanicien, d’où il peut ouvrir au besoin le réservoir et agir sur les freins.
- Le wagon repose sur six roues; celles d’avant sont calées sur leur essieu et soumises â l’action des sabots
- des freins. Cet essieu porte en même temps le pignon qui engrène sur la crémaillère, et fournit ainsi continuellement le point d’appui qui était nécessaire au wagon en marche sur une pente aussi rapide que celle du Giessbach.
- En outre des freins à sabots qui sont commandés par une vis et une manivelle dans les conditions ordinaires, le crochet de traction porte un levier maintenu par un contrepoids qui reste soulevé tant que le câble est tendu; et si celui-ci venait à s’allonger ou même à se rompre, le crochet irait
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- immédiatement s’amarrer sur la crémaillère, et arrêterait le wagon.
- Le câble est formé de cinq tresses d’acier en-
- roulées autour d’une âme en chanvre ; il peut résister sans rupture à un effort de 20 tonnes, dix fois supérieur à celui qu’il doit exercer en service.
- COUPE LONGITUDINALE
- Échelle pour les longueurs et les hauteurs **.000
- PLAN
- Echelle : *1 o5o
- IfiSpîSSTÎÏÏI
- Fig. 5. Coupe longitudinale et plan du chemin de fer funiculaire du Giessbach.
- L’eau qui doit fournir l’effort moteur est accu- non loin de l’hôtel, et qui reçoit le courant déroulée dans un réservoir situé au sommet du plan, tourné du Giesshach. Aussitôt que le wagon montant
- Fig. 4. Vue d’ensemble du chemin de fer funiculaire du Giessbach, en Suisse.
- est arrivé au sommet, il vient s’arrêter à une faible distance du réservoir, et le mécanicien peut remplir la caisse de la voiture sans quitter sa plate-forme. Le wagon est alors prêt pour redescendre ; et quand il arrive au bas du plan, une soupape de décharge
- vide automatiquement dans le lac l’eau ainsi entraînée.
- Un wagon montant présente un poids minimum de 6000 kilog. ; il peut atteindre 9500 kilog. s’il est chargé de quarante voyageurs; il faut régler par suite
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- le poids du train descendant d’après le nombre des voyageurs à monter, et celui des voyageurs à descendre, en ajoutant assez d’eau dans la caisse de ce wagon pour avoir un excédant de 1500 kilog. environ, nécessaire pour surmonter les résistances passives.
- Le bateau à vapeur du lac amène souvent deux cents personnes à la fois; il faut alors plusieurs voyages successifs pour monter tous les voyageurs jusqu’à l’hôtel. La durée du voyage est de six minutes, et comme les différentes manœuvres occupent quatre minutes environ, les trains se succèdent de dix en dix minutes.
- La vitesse des trains en marche sur la rampe est de 1 mètre à la seconde; il faut ainsi 546 secondes pour effectuer le parcours total. Cette vitesse peut paraître bien faible; mais s’il fallait gravir la hau-* teur totale de 95 mètres sur une voie ordinaire, le temps exigé serait encore plus considérable. Avec une pente uniforme de 6 millimètres par-mètre par exemple, on atteindrait un développement de 15 kilomètres, et un train express ayant une vitesse moyenne de 60 kilomètres à l’heure, ne mettrait pas moins de 15 minutes pour franchir une pareille distance.
- L. Raclé,
- Ancien élève de l’Ecole Polytechnique.
- LE PULVÉRISATEUR AGRICOLE
- DU DOCTEUR URSINO
- 11 y a déjà plus de dix ans que les plantations d’orangers et de citronniers de la Sicile sont cruellement éprouvées par un insecte parasite appartenant au genre des Mytilaspis et connu \ ulgairement en Italie sous le nom de pidocchio degli agrumi l.
- Le sulfure de calcium, le pétrole, l’acide phénique et beaucoup d’autres substances insecticides indiquées par le professeur Targioni-Tozzetti, ont été longtemps employés sans résultats satisfaisants contre ce parasite redoutable, qui se multiplie avec autant de rapidité que le phylloxéra et détermine, en peu de temps, la mort des arbres, dont il ronge tous les tissus herbacés.
- Ce n’est pas toutefois que les substances indiquées1 soient par elles-mêmes impuissantes à tuer l’insecte dévastateur ; mais pour que leur action fût vraiment utile, il eût fallu surmonter la difficulté de porter sans trop de frais le liquide dans toutes les plus petites branches, les aisselles même de toutes les feuilles des arbres infectés.
- Cette difficulté a été vaincue depuis peu d’une manière heureuse par M. le docteur A. Ursino, qui a imaginé d’adapter à une pompe mobile ordinaire un pulvérisateur semblable en grandes proportions à celui que les médecins emploient pour les inhalations bronchiales. Le pulvérisateur est soudé au bout du tuyau extérieur de la pompe, dont le bassin est muni d’une roue à aubes destinée à entretenir le mélange des substances que l’on veut employer contre l’insecte. Ces substances sont ordi-
- 1 M. Targioni-Tozzetti a donné à cet insecte le nom d Mytilaspis pulva.
- nairement du pétrole ou du sulfure de calcium délayés dans de l'eau ; on en remplit le bassin de la pompe, et lorsque celle-ci est mise en mouvement, elles s’échappent par le pulvérisateur sous forme de fine poussière que l’on fait tomber comme une rosée sur les arbres malades.
- Les résultats de cette application ont été des plus heureux, et j’ai vu plusieurs plantations de citronniers à moitié détruites par le parasite s’en délivrer tout à fait à la suite de deux ou trois aspersions répétées à de petits intervalles et reprendre toute leur vigueur primitive.
- C’est pourquoi le pulvérisateur du docteur Ursino est, déjà adopté en Sicile par tous les cultivateurs d’orangers et de citronniers, et l’utilité d’un tel instrument me semble d’autant plus grande, qu’il peut être essayé avec une grande probabilité de succès pour délivrer de plusieurs espèces d’insectes parasites toutes sortes d'arbres fruitiers et de plantes utiles.
- V. Tedeschi di Ercole.
- PHÉNOMÈNE MÉTÉOROLOGIQUE
- OBSERVÉ A COURTRY (SEINE-ET-MARNE)
- Le lundi 6 septembre 1880, un peu avant huit heures du soir, nous avons été témoins du phénomène suivant :
- Trois fois de suite une lumière s’est montrée marchant du Nord au Sud, à peu près horizontale, traversant l’air à une hauteur qui nous a paru être d’une centaine de mètres. Chaque fois le faisceau de lumière s’est terminé dans l’air brusquement, en changeant de couleur et prenant une teinte rouge bien accusée, en même temps qu’une forme cylindrique. Cette apparence rouge, qui terminait le faisceau de lumière blanchâtre, avait une longueur triple de sa hauteur. On pouvait penser à une boule comme on en a signalé dans les orages, boule de la grosseur d’un très gros boulet et qui ne prenait sa couleur rouge qu’à la fin de sa course.
- Ce phénomène avait l’aspect de deux moitiés d’une boule qui s’écartent en prenant la teinte rouge. Elles disparurent sans laisser de trace ; nous n’entendîmes aucun bruit ; le soleil était couché, l’air était bien lumineux dans la région du couchant. Au Nord, il y avait quelques vapeurs ou nuages éloignés donnant des éclairs précurseurs de l'orage assez fort qui éclata quelques heures plus tard (nuit du 6 au 7)..
- Assis sur un banc et regardant directement le Nord, mon frère, placé à ma droite, porta tout à coup mon attention vers la gauche, c’est-à-dire vers le couchant. Je tournai la tête et je vis le phénomène que je viens de décrire. Il dura environ une seconde ; puis, un instant après, il se reproduisit de la même façon, et nous cessâmes de l’observer. Ainsi mon -frère le vit trois fois et moi deux fois. On pouvait penser que le fort de Courtry envoyait des lumières électriques ; mais cette idée dut être rejetée. Parmi les hypothèses et en raison de l’état orageux du ciel, on peut, avec plus de vraisemblance, rapporter ces apparences à l’électricité1.
- Armand Moreau,
- Chef des travaux physiologiques au Muséum d’histoire naturelle.
- 1 Bulletin de l’Association scientifique de France.
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- LA NATURE.
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- LES ORIGINES ET LE DÉVELOPPEMENT
- DE LÀ VIE
- (Suite. — Voy. p. !8, 67, 13i, 215 et 216.)
- LES COLONIES LINÉAIRES
- Les colonies dont nous avons jusqu’ici étudié l’histoire ont toutes pour fondateur soit un individu qui s’est fixé au sol après une courte période de vie errante, soit un individu qui est demeuré flottant dans la mer, où il n’a cessé de nager. Supposons maintenant un jeune animal trop lourd pour se soutenir dans l’eau à l’aide des moyens de locomotion dont il dispose, et d’ailleurs incapable de se fixer ; cet animal tombera nécessairement au fond du liquide, et sera réduit à employer la puissance locomotrice dont il dispose à ramper sur le sol. Ce subit changement d’existence entraîne avec lui des modifications dont l’importance est considérable. Toutes les parties d’un organisme flottant sont également soutenues par le liquide qui les environne, et ne subissent de sa part aucune action qui tende à les différencier les unes des autres ; cet organisme n’est donc obligé par le milieu dans lequel il vit à aucune symétrie particulière ; il n’en est pas de même d’un être que sa pesanteur force à ramper sur le sol. Ses tissus cédant sous leur propre poids, sa forme devient aplatie ; sa bouche, s’il en a une, doit être tournée vers le sol, qu’il ne peut quitter et sur lequel il doit chercher sa nourriture; sa face inférieure devient donc distincte de sa face supérieure : il existe désormais une face ventrale et une face dorsale. L’animal devant explorer le sol pour saisir sa proie, marchera toujours de préférence dans le sens de sa bouche et aura par conséquent une extrémité antérieure et une extrémité postérieure. Ses deux faces et ses deux extrémités étant ainsi déterminées, ses deux côtés seront par cela même l’un droit et l’autre gauche. Ce sont précisément les caractères qui distinguent la symétrie bilatérale, la symétrie par rapport à un plan, celle qui régit la disposition des organes et la forme du corps dans tous les animaux supérieurs.
- Supposons cet animal doué, comme tous les organismes primitifs, du pouvoir de se reproduire par voie agame. De jeunes individus naissant sur ses côtés, sur son dos ou sur son ventre seront une gêne évidente pour sa locomotion, taudis qu’ils pourront sans inconvénients graves se former à sa partie postérieure. En vertu de la sélection naturelle, la reproduction agame se localisera donc dans cette région ; les divers individus nés les uns des autres, s’ils ne se séparent pas, se disposeront les uns derrière les autres en une chaîne plus ou moins longue, et ainsi apparaîtra nécessairement une forme nouvelle d’association, une colonie à
- laquelle nous pouvons donner le nom de colonie linéaire. Celte colonie aura, parla force des choses, une forme déterminée. Elle-est libre; d’après ce que nous avons vu précédemment, elle devra tendre rapidement à se transformer en individu.
- Or il se trouve qu’elle est pour cela dans des conditions particulièrement avantageuses. Dans une chaîne semblable, aucun mouvement de l’un des individus associés ne peut passer inaperçu pour les autres ; de là un grand nombre de sensations communes qui rendent la solidarité de plus en plus grande ; les individus situés aux extrémités de la chaîne ont une prédominance naturelle sur les autres en raison même de la liberté plus grande de mouve-
- 2 T
- Fig. 1. — Turbellariés. — N° 1. Polycelispallidus, planaircà intestin ramifié (Dendrocœl). — N" 2. Vortex hispidus (très grossi), Turbellarié à intestin droit (Rhabolocœles).
- ments que leur donne leur position; le plus âgé des deux, est le premier qui ait possédé une bouche ; il n’a cessé d’entraîner la colonie naissante dans le sens de sa locomotion habituelle, déterminé lui-même par cette bouche ; il est donc naturellement désigné pour occuper la partie antérieure de la colonie. Mais cela lui crée des obligations particulières; c’est lui qui doit explorer le terrain, veiller à la sécurité de ses compagnons, découvrir les aliments, s’en emparer et par conséquent les avaler : ses organes des sens, ses appareils de préhension, sa bouche même rendent inutiles les organes analogues de ses compagnons, puisqu’il a déblayé le sol devant eux ; ces organes doivent donc disparaître, et ce premier individu arrive à posséder seul, outre une bouche diversement armée, tous les organes des sens : un individu ainsi constitué dans
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- LA NATURE.
- une colonie linéaire n’est autre chose que ce que nous appelons une tête.
- D’autre part, la production incessante de nouveaux individus venant s’intercaler dans la colonie, aurait pour effet d’amoindrir considérablement la résistance de celle-ci à la rupture; les tissus en voie de formation deviendraient une gêne considérable pour la locomotion ; on peut donc pi’évoir que la reproduction tendra à se localiser, et, par des raisons analogues à celles que nous avons données plus haut, elle se localisera à la partie postérieure du corps. Là cependant, l’anneau postérieur a un rôle particulier à remplir, il constitue en quelque sorte l’arrière-garde de la colonie ; il serait désavantageux qu’il fût constamment en voie de prolifération. C’est donc au-devant de lui que la localisation doit se faire : la colonie grandira par sa partie postérieure et par l’adjonction de nouveaux anneaux entre le dernier et l’avant-dernier.
- L’histoire tout entière des Vers n’est que la démonstration expérimentale des idées théoriques que nous venons de développer. Il existe une classe d’animaux dont l’organisation peut s’élever assez haut, mais qui
- tenula lemna, le Strongylostum cœrulescens, plu sieurs Microstomum (fig. 2, n° 1), Stenostomum, Alaurina, se partagent, après avoir atteint une certaine taille, en deux individus d’abord inégaux ; mais le plus petit individu, qui est l’individu postérieur, ne tarde pas à acquérir la taille du plus grand, puis tous les deux se divisent à leur tour et le même phénomène se répète ainsi un certain
- nombre de fois. M. Hallez a pu obtenir des colonies de Microstomum gigan-teum composées de huit individus possédant chacun leur bouche particulière; mais généralement ces individus se séparent beaucoup plus tôt sans qu’aucune règle détermine le nombre de ceux qui demeurent unis. Ce sont là des colonies qui sont exactement comparables, sauf la disposition des individus, à celles des Hydres d’eau douce.
- Tout près des Turbel-lariés, il faut placer de
- singuliers animaux
- pa-
- rasites, les Trématodes, dépourvus de cils vibra-tiles, munis comme les Sangsues ’de ventouses souvent renforcées de crochets cornés; ils habitent toutes les parties du corps chez les animaux les plus variés ; une espèce, la Douve, se loge
- réalise exactement dans Fis- 2- — *•f:1,aiue de mvuostomes se reproduisant par division dans les canaux biliaires
- transversale — a, point oculiforme ; x, œil ; m, bouche des deux 1 f • 1
- premiers individus ; rnit w2, bouches des individus de seconde et f U “ll moutOIl, Ct
- de troisième génération; I, II, III, IV, indivises résultant de la 1", détermine chez Cet ani-de la 2*, de la 3* et de la V division ; s, le sac digestif. - N“ 2. Jeune ] redmitablp nu-
- cysticerque du genre Tétrarhynque ; E, corps vésiculaire résultant . , ‘
- de la métamorphose de l'embryon; S, scolex né par voie agame sur ladie, la cachexie (igueu-l’emhryon et constituant ce qu’on nomme vulgairement la tête de Qn peut dire «lie les cestoïde; r, ventouses; t, trompes ornées de crochets spéciales F 1
- aux Tetrarhvnnues : n. noche où se relient les trnrnnesr r vnis_ IfCmatOdeS lie SOnt UllC
- ses types inférieurs cet organisme aplati, rampant, symétrique , que nous avons considéré comme le progéniteur des colonies linéaires : c’est la classe des Turbella-riés, dont les repésen-tants habitent les eaux
- douces et la mer, et appartiennent eux-mêmes à deux types que distinguent la forme de l’intestin droit chez les uns (fig. 1, n° 2), ramifié chez les autres (fxg. 1, n° 1). Une espèce, à intestin ramifié, semblable à une petite sangsue dépourvue de ventouses, la Planaria fusca, est très commune dans toutes les eaux stagnantes, où Ton trouve aussi en abondance d’autres espèces dont la taille s’élève à peine au-dessus de celle des Infusoires. Parmi ces dernières, un certain nombre, assez éloignées du reste les unes des autres, telles que la Ca-
- aux Tetrarhynques ; p, poche où se relient les trompes; r, vais- iremaiOCieS lie SOni qtlC seaux rénaux ; y, vésicule excrétrice. — N° 3. Embryon à six cro- des Turbellariés devenus chefs d’un cestoïde (Ténia).
- ' parasites.
- Au premier abord, ils semblent n’avoir aucun rapport avec d’autres parasites de très grande taille, les Ténias ou Vers cestoides, nommés proglottis (fig. 3), plus nombreux en espèces que tous les Vertébrés réunis. Mais les Cestoides sont formés par de petites chaînes d’anneaux qui se détachent un à un lorsqu’ils sont arrivés à maturité. Ces anneaux isolés peuvent encore grandir, se mouvoir, vivre plus ou moins longtemps; ils possèdent chacun tous les organes qui caractérisent un animal complet, et si on étudie en détail leur organisation, on arrive à reconnaître que
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- LA NA'NJHE.
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- chacun d’eux n’est pas autre chose, n’est qu’un véritable Trématode. On doit à P. J. Van Beneden d’avoir mis hors de doute ce point capital. La figure 4 montre côte à côte un Trématode et un anneau de Cestoïde un peu simplifiés pour rendre la comparaison plus facile ; l’identité saute aux yeux. Un Cestoïde n’est donc autre chose qu’une colonie de Trématodes.
- Le nom de Ver solitaire donné à l’un des Ténias de l’homme prouve cependant que l’on a longtemps considéré cette colonie comme un animal unique, et c’est encore l’opinion de quelques savants éminents. Cette opinion peut se soutenir, car une telle colonie
- possède une sorte de fête; c’est l’individu qui a produit tous les autres, qui est chargé de fixer la colonie; et qui a une forme extrêmement variable suivant les espèces ; on le désigne habituellement sous le nom descolex (fig. 5, nû 1 c et n° 2). I)e plus, un appareil vasculaire fort compliqué (fig. 3, nos 2 et 5), peut-être même un système nerveux, mettent en rapport les différents anneaux, et l’on peut voir là, la preuve que leur ensemble ne constitue qu’un seul et même organisme. Les deux conclusions sont également légitimes; de même que le Siphonophore est une colonie d’Hydres individua-
- 2 1
- Fig. 3. Fig. 4.
- Fig. 3. — Cestoïdes. — N° 1. Duthiersia expanaa; c, le scolex; o, origine de la chaîne de proglottis. — N° 2. Scolex d'un Soleno-pliorus mégacephalus montrant son réseau vasculaire. — N“ 3. Réseau vasculaire d’un proglottis du même (d’après un dessin inédit de M. Poirier). — Fig. 4. — Trématode. v, w, les glandes mâles et leur appareil excréteur , n, p, q, o, r, s, l’appareil reproducteur femelle; b, e, l’appareil digestif; i, k, l, le rein — X” 2. Un anneau de cestoïde : a, b, c, l, l’appareil reproducteur mâle; g, h, l, m, n, °tP> q> l’appareil reproducteur femelle; r, l’appareil rénal ;?).
- lisée, de même le Cestoïde est une colonie de Trématodes individualisée.
- 11 semble, à la vérité, que cette colonie vienne infirmer la règle précédemment établie que dans les colonies linéaires, l’accroissement se fait par la partie antérieure du corps ; les nouveaux anneaux sont, en effet, produits ici par le scolex, qui semble le premier individu de la colonie, et que l’on est porté à considérer comme une tète. Mais un Cestoïde à peu près immobile dans le tube digestif de son hôte n’est nullement dans les conditions physiologiques qui déterminent la localisation du bourgeonnement à la partie postérieure du corps et la formation d’une tête ; on comprendrait
- donc qu’il échappât aux règles ordinaires de formation des colonies linéaires. C’est, d’ailleurs, par un abus de langage qu’on donne le nom de tète au scolex : nous avons vu que, dans une colonie linéaire, la tête est le premier individu formé ; or, le Scolex n’est que le second; il naît par bourgeonnement sur un embryon (fig. 2, n° 5) qui se transforme en vésicule et constitue avec lui ce qu’on nomme un Cyslicerqae (fig. 2, n° 2). Cette vésicule, qui demeure longtemps adhérente au scolex, est la véritable tête, si l’on s’en tient à l’ordre de formation ; et c’est conformément à la règle générale entre elle et le Scolex que viennent se former les nouveaux anneaux.
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- LA NATURE.
- Le Cysticerque d’un Gestoïde habite ordinairement un hôte different de celui qui loge le Gestoïde adulte : ce dernier se trouve presque toujours dans le tube digestif; le Cysticerque se tient au contraire dans l’épaisseur même des tissus, attendant que l’animal qui l’héberge soit mangé par celui dans le tube digestif duquel il doit achever son développement. Dans ces tissus, il n’est soumis à aucune des conditions qui déterminent la formation des colonies régulières, aussi voit-on le bourgeonnement irrégulier reprendre le dessus, comme dans le cas du Cænure cérébral, cysticerque du cerveau du mouton, qui produit un nombre considérable de têtes, et dans celui du Cænure sérial du lapin, du Cænure tuberculeux de la gerboise, du Staphylocyste des Myriapodes, de l’Echinocoque, de l'homme et d’un très grand nombre d’animaux qui non seulement produisent un très grand nombre de têtes, mais dans lesquels on voit la vésicule primitive elle-même, former un très grand nombre de vésicules nouvelles,
- A première vue, les Vers annelés, tels que le Ver de terre, les Annélides marines, les Sangsues, se montrent incontestablement formés d’anneaux comme les Cestoïdes, et l’assimilation entre les uns et les autres se fait dans tous les esprits. Chaque Ver annelé paraît cependant, malgré ses anneaux, un animal unique, un véritable individu dont les anneaux ne seraient que les parties. C’est là une vérité que nous n’aurons garde de contester. Un Ver annelé est bien un individu, mais nons devons démontrer que cet individu s’est formé comme le Ténia, à l’aide d’individus inférieurs soudés entre eux : la fusion des individus est devenue plus complète, mais elle s’est accomplie, nous allons le voir, suivant des règles que nous connaissons, et chaque individu a gardé une part considérable d’indépendance qu’il est facile de mettre en relief.
- Edmond Perrier,
- Professeur administrateur du Muséum d’IIisloire naturelle de Paris.
- — La suite prochainement. —
- NECROLOGIE
- Ije général Albert Myer. — Le chef du Signal Service des Etats-Unis vient de mourir tout récemment. C’est une grande perte {tour la météorologie. Le général Myer a, pour la première fois, publié aux Etats-Unis ces belles cartes du temps sur lesquelles sont tracées les courbes isobares à la surface du monde presque tout entier. Nos lecteurs connaissent l’œuvre du chef de la Météorologie aux Etats-Unis; elle a été exposée à plusieurs reprises, et cette année même, dans notre n° 567, du 12 juin 1880, nous avons offert à nos lecteurs un spécimen hors texte de Y International Weather Map, avec une longue notice sur le Signal Service des États-Unis (p. 22). En 1879 (n° 519 du 12 juillet, p. 94), nous |
- avons enün publié sous le titre de Météorologie internationale, un long Mémoire signé par le général Albert Myer lui-même. Nous renvoyons nos lecteurs à ces documents antérieurs.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 4 octobre 1880. — Présidence de M. Würtz.
- Expédition scientifique au Niger.—L’Académie est aujourd’hui officiellement informée, par M. le colonel Perrier, de l’organisation d’une expédition à la fois militaire et scientifique destinée à nous ouvrir l’une des portes du Soudan. Il s’agit de raccorder nos stations du haut Sénégal avec la vallée du Niger; on pourra alors facilement aller jusqu'à Tombouctou et, de là, commander le ileuve, chemin naturel pour le Soudan. Le commandement de l’entreprise est confié à M. le chef d’escadron Desbordes, qui emmènera quatre compagnies et de l’artillerie. On sait que le Sénégal est navigable jusqu’à Médine ; aussi, de Saint-Louis, arrivera-t-on à cette ville en bateau. Plus loin, des rapides s’opposent à la navigation et nos compatriotes voyageront par terre. Ils n’auront d’ailleurs que 60 kilomètres à franchir pour se trouver à Doufalabé, où l’on organisera définitivement l’expédition. Ce point, à partir duquel le Sénégal prend son nom, constituera un centre de rayonnement et de ravitaillement. Déjà, dans l’année courante, une reconnaissance a été poussée jusqu’à Fangala, et des dispositions sont prises pour y établir une station militaire. Actuellement le projet est de reconnaître le terrain entre Fangala et Baniakou, qui est situé sur le Niger : la distance à franchir est de 400 kilomètres seulement, et l’on peut espérer que les difficultés à surmonter seront médiocres. Aucun point, paraît—il, ne s’élève au-dessus de 250 mètres d’altitude; on trouvera sans doute des cols beaucoup plus bas.
- C’est le Ministère de la Marine qui organise l’expédition, mais on lui a adjoint une Commission d’officiers d’état-major, chargés de toutes les opérations de lever des plans et de triangulation.
- Le but du travail est de faciliter le tracé d’une voie ferrée pour aller de notre colonie occidentale au Niger.
- On félicitera M. Perrier d’avoir pensé qu’il était bon d’annoncer ce grand projet, ne serait-ce, comme il l’a dit, que pour souhaiter un bon voyage et un heureux retour aux officiers qui vont prendre part à cette expédition pénible et laborieuse.
- Dissociation. — Tout le monde sait qu’en présence de l’eau, l’oxychlorure de calcium se décompose : de la chaux se précipite et du chlorure de calcium se dissout. Or, d’après M. Ditte, professeur à Caen, la quantité d’oxychlorure ainsi dissocié est constante pour une même quantité d’eau et une même température. Cet état d’équilibre est d’ailleurs rompu si on ajoute de l’eau : immédiatement une nouvelle portion de chlorure entre en dissolution. A l’inverse, fait-on une addition de chaux, immédiatement une dose correspondante de chlorure est précipitée.
- Un désinfectant imprévu. — Dans ce moment où chacun gémit sur la multiplication des usines puantes et leurs fâcheux effets, le fait annoncé par M. Girard ne peut manquer de fixer fortement l’attention. D’après ce chi-| miste, si on fait passer les émanations provenant des
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- fabriques de poudretles ou d’engrais animaux dans des condenseurs contenant des cristaux des chambres de plomb, ces effluves nauséabondes sont absolument désinfectées. Si la chose se confirme, l’hygiène n’aura pas seule à se féliciter, car les producteurs d’acide sulfurique seront certainement enchantés de se débarrasser d’un résidu jusqu’ici impropre à toute application sérieuse.
- Allas de botanique. — Nous avons sous les yeux les deux premiers fascicules d’un ouvrage que nous ne craignons pas de recommander vivement à tous les amis des sciences. C’est un atlas des caractères spécifiques des plantes de la flore parisienne et de la flore rémoise, dessiné avec un talent consommé par M. Victor Lemoine, docteur en médecine, docteur ès sciences, professeur à l’Ecole de médecine de Reims et auteur d’un grand nombre de découvertes de premier ordre. Les planches, dont vingt ont paru jusqu’ici, présentent d’une manière synoptique les caractères saillants des plantes étudiées, et à première vue on pourra déterminer le plus grand nombre des espèces. Un texte sobre et clair, complète d’ailleurs les explications données en marge des figures ; il comprend la synonymie et des indications relatives à la floraison, à l’habitat et aux propriétés alimentaires médicinales et industrielles des plantes. Les familles traitées dans les deux premières livraisons sont celles des Composées, des Ambrosiacées, des Dipsacées, des Yalérianées, des Campanulacées et des Rubiacées ; en tout, 204 espèces à chacune desquelles plusieurs figures sont consacrées L’œuvre entreprise par M. le docteur Lemoine est immense comme on voit ; son utilité extrême est indiscutable. Chacun fera des vœux sincères pour qu’il la conduise à bonne lin.
- Stanislas Meunier.
- MÉTÉOROLOGIE D’AOUT 1880
- Première décade. — Le régime cyclonique domine sur le nord, le centre, l’est de l’Europe et les deux cyclones les plus importants sont indiqués sur les cartes du 4 et du 8.
- Le 4, une dépression de 5e ordre, 750 millimètres, existe en Allemagne; le lendemain j elle s’est étendue vers la Baltique (755 millimètres). Son passage amène en Alsace une trombe violente qui renverse cent soixante-dix noyers vers Neuf-Brisach. Des pluies torrentielles ont lieu en Moravie; les eaux de l’Oder montent de 4 mètres en un jour, et plusieurs villes, entre autres la station de Teplitz, sont submergées complètement. En Silésie, l’Oder inonde vingt-cinq localités dans les cercles de Ra-tibor, de Kesel,etles communications entre Vienne et Jageundorf deviennent impossibles.
- A la même date, en Syrie, de nouvelles secousses de tremblement de terre ont fait redouter à la population des désastres analogues à ceux des 29 et 50 juillet. On sait, en effet, qu’à cette époque la ville de Smyrne avait été grandement éprouvée, mais des renseignements récents montrent que le district qui a le plus souffert est celui de Ménémet. Sur 1140 maisons, 455 ont été détruites, 220 sont
- inhabitables. Les sept mosquées sont endommagées, et six villages des environs ont dû être évacués totalement.
- La seconde dépression importante est celle du 8 août. Elle est localisée près du Pas-de-Calais (744 millimètres) et amène une violente tempête vers Ostende et Cherbourg. Dans cette dernière ville, l’ouragan a commencé le soir du samedi ; la mer, belle depuis deux mois, est devenue furieuse; le dimanche, une amélioration a lieu, et le lundi la journée est splendide. A Ostende, une pluie diluvienne accompagne un vent si violent, que plusieurs personnes, en voulant aborder la digue, sont renversées.
- Deuxième décade. — Une aire de fortes pressions barométriques apparaît le 10 en Bretagne (770 millimètres) et persiste les deux jours suivants dans le nord-ouest de l’Europe. —Le 15, la carte montre une nouvelle dépression (755 millimètres) en Autriche. Ce jour, un violent orage, accompagné de nombreuses chutes de foudre, éclate à Paris, et des pluies torrentielles tombent dans la haute Autriche, amenant une forte crue du Danube. — Les orages reprennent le 16. Le 17, ils sévissent principalement sur les départements du Centre, la Haute-Marne, l’Aube, l’Ailier, l’Ain. Dans la Nièvre, à Cosne, la foudre tombe sur trois personnes ; l’une est tuée, l’autre paralysée et la troisième blessée légèrement. Dans le Nord, une personne est tuée à Douai. Dans la Loire, à Fleurs, la grêle ravage les récoltes.— Le 20, un ouragan violent sévit à Genève et surtout dans le Lyonnais et l’Auvergne; des oiseaux sont tués par la grêle à Riom; au lac du Bourget, une barque chavire et six personnes sont noyées; à Rochefort la grêle est énorme.
- Troisième décade. — Le baromètre est élevé et au-dessus de 770 millimètres du 26 au 51 dans le nord de l’Europe; en France et dans le Sud, il avoisine 760 et est assez uniforme, aussi le régime orageux continue.— Dès le 21, une légère dépression (761 millimètres) est visible sur la carte, près du golfe de Gascogne. Ce jour, les orages sévissent sur toute la France, et des personnes sont tuées dans les départements du Nord, du Finistère, blessées dans le département de l’Orne, tandis que des dégâts sont produits par la grêle ou l’inondation dans toute la Loire-Inférieure. — Le 22, la foudre détruit les fils télégraphiques dans l’Yonne et tue deux personnes dans les Vosges et l’Ille-et-Vilaine. — Le 25, nouveaux dégâts produits par la foudre dans la Seine-Inférieure, par la grêle dans la Loire. — Le 26, à Anvers, le tonnerre tombe dans le port au milieu de deux cents ouvriers, en foudroie treize, dont deux meurent immédiatement, tandis qu’en Suisse, vers Zug, presque tous les ponts sont emportés par les torrents débordés et qu’en Autriche la station thermale de Corsbrunn est détruite par une trombe. — Le 27, nouvelle chute mortelle dans le Nord; le 28, dans le Maine-et Loire, et le Pas-de-Calais : ce jour, la rivière Jala déborde dans
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- LA NATURE
- CARTES QUOTIDIENNES DU TEMPS EN AOUT 1880 Dupes le Bureau central météorologique de France (Réduction 1/8).
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- Dimanche 1 Lundi 2 Mardi 3 Mercredi 4- Jeudi 5
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- Vendredi 6 Samedi 7 Dimanche 8 Lundi 9 Mardi 10
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- Mercredi 11 Jeudi 12 Vendredi 13 Samedi 14 ~ jif jjpjgpv^f Dimanche 15
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- Lundi 16 Mardi 17 Mercredi 18 Jeudi 19 Vendredi 20
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- Samedi 21 Dimanche 22 Lundi 23 Mardi 24 Mercredi 25
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- Jeudi 26 Vendredi 27 Samedi 28 Dimanche 29 Lundi 30
- l’Aragon et les dégâts sont considérables.— Le 51 enlin, un dernier orage a lieu en Italie, à Averso, près de Naples; il est accompagné d’une forte grêle, à laquelle se joint un vent impétueux,une pluie torrentielle et même la neige, qui tombe un moment à gros llocons.
- En résumé, ce mois a donc été, comme le précédent, très orageux, mais en somme favorable à l’ensemble des récoltes. Les vents équatoriaux ont dominé pendant la première décade, avec température basse; mais pendant les deux autres décades, les vents polaires ont régné sans conteste.
- Mard
- Le thermomètre est resté au-dessus de la normale depuis le 15 jusqu’au 51 ; son minimum a été de 8°,9 le 4 à Saint-Maur, et son maximum de 28°,4 le 20.
- A Bordeaux, d’après M. Rayet, la température a varié depuis un minimum de 12°,5 jusqu’à un maximum de 55°,8 et ces deux extrêmes ont été signalés les mêmes
- jours qu’à Paris.
- E. Fron.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissaadier. Imprimerie A. Lahure, rue de Fieurus, 9, à Paris.
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- N° 385. — 16 OCTOBRE 1880.
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- TAHITI
- ANNEXÉE AUX COLONIES FRANÇAISES
- Tahiti! nom charmant! nom cher aux amis des voyages et des paysages pittoresques! II n’est pas d’île du Pacifique qu’on ait peinte de traits plus gracieux ; on a vanté cent fois son aspect riant et ses aimables populations. Remontons à l’origine de la découverte de cette intéressante terre, et esquissons rapidement son histoire; nous décrirons ensuite le sol, les productions, les habitants, les lieux.
- Tahiti, qu’on appelle un peu moins correctement Taïti, et, par une inutile augmentation, O-Tahiti, fut découverte en 1606, par Quciros, qui l’appela Sagittaria. Wallis, qui la vit en 1767, la nomma île du Roi George III; Bougainville, en 1768, lui
- donna le nom de Nouvelle-Cythère, en faisant allusion à la beauté et aux mœurs faciles des femmes. Il décrit le pays sous des couleurs séduisantes. « J’ai plusieurs fois, dit-il, été me promener dans l’intérieur de l’île. Je me croyais transporté dans le jardin d’Éden ; nous parcourions une plaine de gazon, couverte de beaux arbres fruitiers et coupée de petites rivières qui entretiennent une fraîcheur délicieuse, sans aucun des inconvénients qu’entraîne l’humidité. Un peuple nombreux y jouit des trésors que la nature verse à pleines mains sur lui. Nous trouvions des troupes d’hommes et de femmes assises à l’ombre des vergers; tous nous saluaient avec amitié; ceux que nous rencontrions dans les chemins se rangeaient à côté pour nous laisser passer; partout nous voyions régner l’hospitalité, le repos, une joie douce et toutes les apparences du bonheur. »
- Ech.lle de 1 1.000.000
- 1.E1ME0 ûuMOOREA
- TAH ITI
- I .Toubffi ou Mo l.MOoupili
- l.Borabora
- I.Taha
- i.Houaheîne
- I. Raiatea
- l*Tethouroa .*•.
- Buaiiicuiua /-*
- (Tabouaj-Manou>«$fr /’apcioaif-.
- I.Eimeo ou MoorëcF$r
- Taïarapou
- tahiarapou
- Echelle de 1 5.000.000
- /ETE
- 1ÔU. CL l'Ouest de- Ihrts.
- Gravé par £• Morieiiy.
- Carte des îles Tahiti.
- C’est Cook qui a lait connaître le nom indigène sous lequel l’île est avec raison désignée aujourd’hui. Mais le grand navigateur n’étendit pas ce nom, comme nous le faisons maintenant, à tout l’archipel auquel elle appartient ; il appela cet archipel îles de la Société, en l’honneur de la savante Société Royale de Londres.
- Cook aborda en 1769 à Tahiti, qu’il avait choisie pour l’observation du passage de Vénus sur le Soleil ; il observa ce passage par un temps d’une extrême pureté, le 5 juin, du haut d’un observatoire qu'il avait élevé à l’extrémité nord de file, sur un cap qu’il appela la pointe Vénus. 11 resta plusieurs mois sur cette heureuse terre, dont les habitants lui parurent remarquablement affectueux et le frappèrent par l’élégance de leurs formes, leur taille élevée, la franche vivacité de leur physionomie. Il fut charmé de l’aspect de leurs habitations, répandues en grand nombre dans les bosquets des parties basses de l’île, espèces de hangars élevés près des arbres, sous lesquels, durant le jour, les naturels restaient et pre-8e année. — 2* semestre.
- liaient leurs repas. Il trouva ces insulaires déjà en possession d’une certaine civilisation : ainsi, ils avaient l’usage de vêtements fabriqués avec l’écorce intérieure d’un arbre et portés avec une rare élégance, surtout par les femmes, de façon à rappeler les draperies classiques de l’antiquité; ils avaient aussi la connaissance du fer, qu’ils devaient sans doute aux expéditions européennes antérieures. Cependant, l’illustre Anglais ne peut s’empêcher de blâmer leurs mœurs dépravées, leur disposition au vol et leur adresse dans l’art de dérober, défaut que les explorateurs ont trouvé, du reste, dans toutes les îles du Grand Océan.
- Cook revint à Tahiti en 1 775, en 1774 et en 1777, et revoyait toujours avec un vif plaisir ce beau pays et ses aimables habitants.
- Des missionnaires anglais s’établirent à Tahiti en 1797, et, sous leur intluence, les habitants firent tant de progrès, qu’en moins de vingt ans ils étaient tous chrétiens, savaient lire et écrire, avaient renoncé à toutes leurs coutumes barbares, telles que
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- les sacrifices humains, adopté les vêtements européens et changé leurs mœurs relâchées en habitudes pleines de réserve. Depuis, les missionnaires catholiques ont aussi travaillé à l’amélioration des Tahitiens.
- Tahiti était gouvernée par la reine Pomaré (nom depuis longtemps héréditaire des souverains de l’île, aussi bien parmi les femmes que parmi les hommes), lorsque, à la suite de querelles intestines et pour mettre lin à des désordres sans cesse renaissants suscités par des ambitiéux, cette princesse reconnut le protectorat de la France, en 1842, par un acte adressé par elle à l’amiral Dupetit-Thouars. Les missionnaires anglais firent naître quelque opposition de la part d’une partie de la population. Mais les Tahitiens ont fini par accepter avec reconnaissance une protection si utile, qui faisait régner l’ordre chez eux, éteignait les rivalités de domination, favorisait enfin le commerce et la richesse du pays. Ils ont compris qu’il leur serait plus avantageux encore de se donner entièrement à la France et de jouir de tous les droits de Français : voilà pourquoi le roi Pomaré V a signé, le 29 juin 1880, avec le commandant français chef du protectorat, une convention par laquelle toutes ses possessions (l’île de Tahiti et l’île de Mooréa) deviennent une -colonie complètement française. Lui-même déclare qu’il n’est plus qu’un citoyen français. Cette annexion des deux îles entraînera sans doute celle des autres terres du protectorat, c’est-à-dire les Toua-motou (y compris les Mangaréva ou Gambier), et une partie de l’archipel Toubouaï. Mais nous ignorons encore si la nouvelle condition politique doit s’étendre sur ces petites îles.
- Mooréa, appelée aussi Eiméo, située au nord-ouest de Tahiti, n’est pas très importante. Nous ne décrirons ici que la grande île, qui s’étend entre 17° 50' et 17° 53' de latitude sud, et entre 151° 27'et 151° 57' de longitude à l’ouest de Paris. Elle se compose de deux presqu’îles, l’une et l’autre de forme à peu près circulaire et unies entre elles par un isthme de 2 kilomètres de large. La plus considérable, celle du nord-ouest, longue de 57 kilomètres et large de 55, s’appelle Tahiti-Noui; l’autre se nomme Tahiarapou. La première contient 79485 hectares, la seconde 24 750.
- Toutes deux sont couvertes, dans leur intérieur, de montagnes escarpées, produit d’un soulèvement volcanique, et dont b? plus haut sommet, le mont Orohéna, au milieu de Tahiti-Noui, a 2257 mètres d’altitude. II en descend une foule de rivières qui tombent en cascades du flanc des hauteurs et qui arrosent pittoresquement le littoral. La plus considérable est celle de Papenoo, dans le nord de l’île. Une ligne de récifs de corail entoure presque partout Tahiti.
- La plupart des végétaux propres à l’Océanie viennent en abondance et de la meilleure qualité dans ce pays : citons les bambous, le mûrier à papier, dont l’écorce sert à faire des étoffés fines et moelleuses ; le bananier, le tamanou, le pandanus, le miro ou
- bois de rose, le bois de fer, le sandal, le bourao, l’arbre à pain, letaro, le cocotier, la canne à sucre. Les Européens ont introduit le cotonnier, le caféier, le tabac et beaucoup d’autres cultures. On y élève des bœufs et des chevaux depuis Cook; avant lui, on connaissait le cochon, la volaille et les chiens, dont on mangeait la chair.
- Le climat est très sain. Le pays n’est pas infesté de cette légion d’insectes et de ces reptiles malfaisants qui font le supplice des régions intertropicales.
- Les Tahitiens ont le teint olivâtre, la figure ovale, le front découvert et arrondi, l’œil bien fendu, brillant et très noir; le nez droit et aquilin, souvent renflé aux narines; la bouche un peu grande, mais bien dessinée et garnie de dents d’une blancheur éclatante; les oreilles longues, les cheveux noirs, lisses ou frisés, mais jamais laineux, et, si l’on a parlé autrefois de la chevelure blonde de certains chefs, qui a beaucoup surpris les Européens, c’est qu’on n’a pas fait attention que ces cheveux étaient teints d’une couleur spéciale, signe d’aristocratie, de même que le tatouage, aboli depuis longtemps. La langue des Tahitiens est très douce ; l’alphabet est composé de seize lettres, qui sont presque toutes des voyelles et des diphtongues.
- Leur nourriture consiste principalement en fruits et en poissons. Us vivent au jour le jour et s’adonnent difficilement à un travail soutenu. 11 faut, pour les stimuler, leur créer des besoins, organiser des fêtes, où, conduits par l’amour-propre, ils veulent paraître et briller. Aussi a-t-on institué des fêtes en mémoire du jour où l’on a arboré le pavillon français dans l’île; elles ont eu lieu pour la première fois en 1878, et se sont principalement composées d’un concours agricole et industriel, qui s’est tenu à Papeète.
- La population est singulièrement diminuée depuis l’arrivée des Européens1. Cook l’estimait, avec beaucoup d’exagération sans doute, à 100 000 âmes; on n’y compte aujourd’hui, d’après le recensement de 1877, que 9500 habitants, dont 6820 Tahitiens, 1540 Européens (parmi lesquels 850 Français), etc. 11 se trouvait, d’après le même recensement, 1400 habitants à Mooréa. 11 y a, dit-on, 25 000 habitants dans l’archipel entier, dont, avec Tahiti et Mooréa, les îles principales sont Toubouaï-Manou, une des moins importantes, mais la plus rapprochée de Tahiti; Ouaheïne, volcanique, riche et fertile; Bora-Bora, très belle, et dont les habitants étaient jadis redoutés de tout le voisinage; enfin Raïatéa, avec de bons ports. Ces quatre îles et les îlots qui les avoisinent forment ce qu’on appelle « les îles sous le Yent », tandis que Tahiti et Mooréa composent les « îles du Vent », car elles sont à l’est des autres, et ce sont les vents d’est qui dominent dans ces parages.
- 1 Yoy. Les Polynésiens et leur extinction, par le docteur E. T. llamy, n° 89 de la Nature, du 13 février 1875, p. 101.
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- Quelle est la cause de la dépopulation qu’on a remarquée à Tahiti? Hélas! A côté des bienfaits de la civilisation qu’apportent les bons Européens, des Européens corrompus introduisent malheureusement des maux nombreux, qui ont frappé de mort ces pauvres indigènes : l’usage des boissons alcooliques a été l’un des principaux; la phtisie, la petite vérole et d’autres maladies, auparavant inconnues, ont fait d’innombrables victimes.
- Les principaux produits du commerce de Tahiti sont le sucre, le coton, le café, le tabac, la vanille, les oranges, le tafia, les cocos secs, l’huile de coco, la cire. Le mouvement commercial de Elle est de 5 millions 1/2, dont 2 millions 1/2 pour les exportations et 3 millions pour les importations. Le commerce se concentre presque enlièrement dans le port de Papeete, capitale de la colonie, sur la côte nord-ouest de l’ile. C’est une petite ville de 2400 âmes, résidence du commandant des établissements français de l’Océanie (polynésienne), commissaire de la République aux îles de la Société et dépendances.
- Parmi les autres points remarquables, il ne faut pas oublier la baie de Matavaï, où s’établit Cook en arrivant à Tahiti, et qui s’appelait Port-Royal depuis Bougainville ; elle se trouve vers l’extrémité nord de l’ile, près de la pointe Vénus.
- Tahiti est partagée en dix-huit districts administratifs.
- E. CoRTAMBERT.
- UNE VISITE A I. GRAHAI BELL
- M. Alexandre Graliam Bell, récemment venu à Paris pour remercier l’Académie des sciences du grand prix Yolta qui lui a été décerné, a assisté à la dernière séance de la savante Compagnie. On lira plus loin le résumé succinct de l’intéressante communication qui a été faite en son nom par M. Antoine Bréguet.
- Le lendemain de cette séance, nous avons vu l’illustre inventeur du téléphone et de cette nouvelle merveille de la science que l’on nomme le Photophone. M. Alexandre Graliam Bell a bien voulu nous donner lui-même, à notre collaborateur M. E. Hospitalier et à nous, les détails les plus précis et les plus circonstanciés sur les innombrables expériences qui l’ont conduit à la découverte dont le monde savant se préoccupe si vivement, et dont nous entretiendrons prochainement nos lecteurs d’une façon complète.
- L’appareil le plus curieux, c’est-à-dire celui qui transmet la parole à distance par le seul intermédiaire d’un rayon lumineux, et que l’on peut appeler photophone d'articulation, n’a pas encore fonctionné à Paris à l’heure où nous écrivons, les différentes parties de l’ensemble ne se trouvant pas encore complètement réunies. Le seul appareil que M. Bell ait présenté dans la dernière séance de
- l'Académie des sciences est en quelque sorte un appareil d’expérimentation préliminaire qui produit des sons musicaux très faibles à l’aide des intermittences de la lumière ; c’est un photophone musical dans lequel les propriétés électriques du sélénium ne sont pas mises en action.
- M. Graliam Bell a bien voulu nous montrer les pièces essentielles du premier système, le miroir formé d’une mince lame de verre, qui constitue le transmetteur et qui a environ la grandeur d’une plaque de téléphone ordinaire, la lentille achromatique, dont le diamètre est 0,n, 10, etc. L’inventeur nous a fait voir en les expliquant, une quarantaine de figures schématiques photographiées sur verre, à l’usage des projections, qui ont été faites pendant ^ le cours de sa mémorable conférence de l’Assoe/a-tion américaine pour Vavancement (hs sciences.
- Quand on entend M. Bell raconter tous ses essais, parler de toutes ses expériences, on reste confondu de la somme de travail qu’il a produit. Lmvcnteur n’a pas moins de vingt cahiers reliés manuscrits remplis de chiffres et de renseignements relatifs aux seuls travaux du photophone.
- Pour donner une idée de la conscience et de l’exactitude qui ont entouré tous ccs essais, nous citerons comme exemple les recherches faites dans le but d’établir l’influence de la chaleur sur la conductibilité électrique du sélénium. La substance chauffée dans une espèce de biin-marie était placée dans le circuit d’une pile énergique et d’un galvanomètre. Les expérimentateurs ont mesuré la température et la résistance électrique pendant trois jours consécutifs à des intervalles se succédant de cinq en cinq minutes ! M. Bell nous montrait en souriant à côté de longues colonnes de chiffres, les colonnes d'observation où nous pouvions lire, écrit de sa main : « M. Tainter va se reposer, M. Bell le remplace », etc.
- M. Graliam Bell, avec un généreux sentiment de désintéressement, nous a recommandé de ne pas oublier dans nos descriptions et nos récits, le nom de son collaborateur, M. Sumner Tainter. Le savant physicien nous a promis de nous donner tous les renseignements qui nous seraient nécessaires; il a ajouté à l’égard de la Nature quelques paroles d’éloges que nous ne reproduirons pas, nous bornant à constater que notre précédent diagramme (n° 583 du 2 octobre 1880, p. 273) rend parfaitement compte de l’une des dispositions employées, et précisément de celle qui donne les résultats les plus satisfaisants.
- Nous sommes heureux de donner ici l’expression de nos remerciements les plus sincères, pour l’obligeance, l’affabilité et la courtoisie avec lesquelles l’illustre inventeur américain a bien voulu nous accueillir.
- Gaston Tissandier.
- Paris, le 15 octobre 1880.
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- 08
- LA NATURE.
- TÉLÉPHONE DE M. HOPKINS
- Le transmetteur microphonique de M. Hopkins est remarquable surtout par sa simplicité et sa facilité de construction et de réglage. Une plaque de mica A (tig. 1) porte une petite coupe de laiton B,
- Fig. 1. Transmetteur du téléphone Hopkins (1/2 grandeur).
- dans laquelle se trouve un petit cube de charbon de cornue de 8 millimètres de côté. Un petit crayon de charbon «à lumière F, vient s’appuyer contre B et
- Terre
- Fig. 2. Diagramme d'un poste téléphonique Hopkins.
- Hotte sur du mercure placé dans une petite bouteille en verre I), traversée par un petit fil de platine E, qui amène à l’appareil le courant d’une pile de deux éléments Tuller ou Leclanché. La pression du contact micronhonique est réglée en élevant plus ou moins la bouteille 1), à l’aide d’un
- écrou qui sert à lixer son support (dans la fig. 1,1a bouteille n’est pas assez soulevée pour faire contact sur le petit cube B). Le parleur est surmonté d’un porte-voix qui concentre les vibrations sur la plaque A et permet de parler à une certaine distance de son embouchut-e. La ligure 2 montre le diagramme du montage d’un poste.
- Le circuit primaire est formé par la pile, le transmetteur T et le lîl inducteur d’une petite bobine C, sans condensateur ni trembleur. Le circuit de la ligne traverse un téléphone Bell ordinaire, à lil fin1, formant récepteur, le lil induit delà bobine et de là va à la terre, ou au fil de retour si la
- Fig. 5. Ensemble d'un poslo téléphonique Hopkins.
- ligne est double ; l’autre poste est absolument symétrique. On peut employer une sonnerie d’avertissement, mais si en se plaçant très près de l’embouchure, on émet d’une voix assez forte le son o-o-o-o, le son est rendu à l’autre poste avec assez de puissance pour être entendu dans toute une salle où les bruits extérieurs ne sont pas trop gênants. Pour cela le téléphone récepteur est placé sur un cornet, comme le montre la ligure 5, qui représente l’ensemble complet d’un poste téléphonique Hopkins.
- 1 Nous avons expliqué à propos du téléphone Edison (voir la Nature du 28 août 1880) les avantages qui résultent de l’emploi des courants induits et la nécessité de l’emploi d’un téléphone à fil fin, lorsqu’on emploie un système téléphonique établi dans ces conditions.
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- LA NATURE
- 509
- MACHINE A CREUSER LES TRANCHÉES
- De chemin de fer
- AUX ÉTATS-UNIS
- Nous empruntons au journal anglais Engineering la description de la curieuse machine représentée ci-dessous. Cette machine est employée aux Etats-Unis pour tailler les tranchées de chemin de fer. C’est un gigantesque soc de charrue qui creuse des fossés de chaque côté de la ligne, et qui est actionné
- par une locomotive glissant sur les rails. Ce soc de charrue, considérable par ses proportions, ne pèse pas moins d’une tonne; le châssis monté sur des roues qui la supporte a 4 mètres de longueur. La charrue mise en mouvement, soulève la terre jusqu’à la hauteur de son arête tranchante supérieure, et la rejette de côté. Les mottes se trouvent naturellement brisées quand la machine avance. Une sorte de racloir, formé d’une plaque d’acier, est adjoint à la machine.
- Pour faire fonctionner le système, on place d’abord le vaste couperet à une distance de 5 mètres
- Machine à creuser les tranchées de chemin de fer employée aux États-Unis.
- du rail le plus rapproché, et on lui fait pratiquer une tranchée de 50 centimètres de profondeur et de 80 centimètres de largeur. Le racloir est alors mis en place, et dans un sol ordinaire, le travail s’exécute très facilement.
- Cette nouvelle machine a été construite, par M. A. E. Buchanan, inspecteur du chemin de fer du Midi des États-Unis, section de Saint-Louis-Arkansas, oit la voie ferrée traverse, sur une longueur de 240 kilomètres, un pays plat, sans drainage naturel.
- La machine de M. Buchanan a déjà exécuté un travail considérable, et, dans des circonstances favorables, des tranchées de 5 kilomètres de longueur
- ont pu être ouvertes en dix heures de temps. Le résultat obtenu en moyenne consiste en une tranchée de 1609 mètres par jour (1 mille) de longueur, et d’une profondeur variant de 50 centimètres à l'^O. On a déjà creusé sur le chemin de fer de Saint-Louis-Arkansas, 160 kilomètres de fossés par ce procédé mécanique.
- Nous ajouterons que, comme le représente notre gravure, la plate-forme sur laquelle la charrue est fixée, est munie d’une grue et est en outre chargée de 10 tonnes de rails, afin qu’elle ait un poids suffisant pour assurer le fonctionnement régulier du système.
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- LA NATURE
- âlO
- MOIS MÉTÉOROLOGIQUE AUX ÉTATS-UNIS
- JUIN 1880
- La distribution de la température sur l’Amérique du Nord est restée sensiblement ce qu’elle était en mai ; un excès se montre sur tout le pays à l’est des Montagnes Rocheuses, excès d’autant plus marqué que les stations se rapprochent davantage de la côte Atlantique ou de la région des Lacs. Les pluies de ce mois sont remarquables par une grande inégalité dans leur répartition ; alors que dans la vallée de l’Ohio, dans les districts d’iowa et du Minnesota, sur les Lacs, on la rencontre en excès souvent considérable, on trouve, au contraire, dans les Etats du Nord-Est, du Sud-Est, et même tout près du maximum, dans la vallée inférieure du Missouri, des quantités de pluie absolument insuffisantes pour l’agriculture, et même pour les usages domestiques.
- Il est remarquable, du reste, que ces faibles chutes de pluie, sur la côte Atlantique, sont signalées depuis le commencement de l’année : la hauteur d’eau totalisée pendant le premier semestre, est inférieure de plus de
- Carie des cyclones ayant traversé l’Atlantique en juin 1880 (les nombres gravés, indiquent les dates du passage observé).
- 100 millimètres il la tranche moyenne correspondante, aussi, à la fin du mois de juin, la sécheresse y est excessive et préjudiciable aux récoltes, notamment dans les environs de New-York. Au contraire, des pluies torrentielles et prolongées ont causé des inondations nombreuses et très étendues, principalement dans les vallées de l’Ohio et du Mississipi supérieur. 11 serait trop long de citer même les noms des localités qui ont eu à souffrir de ce fléau; les États de l’Ohio, d’iowa, du Wisconsin, de l’Illinois, ont été particulièrement éprouvés ; de tous côtés on signale des dégâts considérables : villes submergées, maisons écroulées, ponts détruits, récoltes perdues, bois emportés. A la suite des pluies du 20 au 23, la ville de Dubuque (Iowa) fut complètement inondée, les eaux du Mississipi atteignirent une hauteur de près de 8 mètres; la submersion des machines motrices dans les usines inondées avait obligé d’interrompre tout travail, et il a fallu organiser un service de bateaux pour établir entre les habitants les communications les plus urgentes.
- Au cap Henry, sur la côte de la Virginie, trois trombes d’eau parfaitement distinctes furent observées en mer, le 12 à six heures du soir, à 200 mètres de la côte; elles se transportaient dans la direction du sud-est avec une grande rapidité, et dans chacune d’elles le mouvement en spirale de gauche à droite était nettement accusé.
- Les bourrasques du mois de juin dernier, comme celles de l’été en général, ont été peu énergiques et mal définies aux États-Unis ; toutefois il en est une qui dans les premiers jours du mois, atteignit une grande violence et dévasta la vallée du Missouri supérieur ; à Milwaukee, sur le lac Michigan, le vent soufflait avec une vitesse de 100 kilomètres à l’heure; plusieurs bâtiments furent démâtés ; la tempête disparut le 7 sur le Canada, en gagnant les régions polaires.
- Comme pendant les deux mois précédents, les grandes perturbations sont extrêmement rares sur l’océan Atlantique. D’après la carte ci-contre, aucune des dépressions barométriques qui ont été suivies sur les Etats-Unis, n'est arrivée jusqu’au milieu de l’Océan ; des six bourrasques dont la trajectoire est figurée sur l’Europe, une s’est formée vers le golfe de Gascogne, trois sont venues du large, enfin les deux autres, les seules qui aient traversé l’Océan, ont été signalées d’abord sur le haut Canada, au delà des limites du réseau d’observations; l’une et l’autre ont abordé l’Europe, la première par l’Ecosse, la seconde par le nord de la Norvège.
- Th. Moureaux.
- BIBLIOGRAPHIE
- Congrès international de Géologie tenu à Paris du 29 août au 4 septembre 1878. Comptes rendus sténo-graphiques, I vol. in-8°, publié par le Ministère de l’Agriculture et du Commerce. Paris, imprimerie Nationale, 1880.
- Introduction à l'étude de la géographie. Prononciation des mots, signification des termes, par Henri Mages, 1 vol. in-18. Paris, Delalain frères.
- GUÊPES ET GUÊPIERS
- DE FRANCE
- Par toute la terre existent des Guêpes, mouches à quatre ailes, à corps marqueté de jaune et de noir. Un autre caractère constant, mais qui frappe beaucoup moins les yeux des gens inattentifs, est celui qui a valu à ces insectes le nom de Diplo-ptères; les ailes supérieures sont pliées en deux au repos suivant le grand axe de leur ellipse.
- Les Guêpes vraies sont toujours sociales, c’est-à-dire vivent en associations considérables, dans lesquelles la fonction de reproduction est répartie entre trois formes d’individus différents, toutes ailées : des mâles, des femelles fécondes, des femelles avortées ou neutres, pourvues d’un aiguillon avec glande à venin comme les femelles fécondes, les mâles seuls ne piquant pas. Une première différence capitale d’avec les Abeilles, c’est que les Guêpes ne secrétent pas de cire, leur digestion étant impropre à changer le miel en matière grasse ; aussi leurs nids ou guêpiers sont toujours façonnés avec une sorte de papier gris ou roussâtre, dû à des matières ligneuses déchirées par les mandibules et associées par une salive collante. Les guêpiers sont constitués par des gâteaux papyracés horizontaux contenant sur un
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- LA NATURE.
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- seul rang des alvéolés verticaux, l’orifice tourné vers le bas, tandis que les Abeilles ont des gâteaux de cire verticaux, à double rang d’alvéoles horizontaux. En outre, tandis que les ruches aussi bien que les fourmilières durent plusieurs années, les guêpiers perdent toujours leurs habitants aux premiers froids. Seules, des femelles complètes, fécondées soit dans le guêpier même ou sur son enveloppe, soit sur des herbes ou des branches à peu de distance, passent l’hiver engourdies sous les mousses, dans des trous d’arbre ou de muraille. Elles ont alors les pattes, les ailes et les antennes repliées sous le ventre, dans la position même des nymphes, qui sont comme des fœtus de l’adulte. De même l’enfant nouveau-né, s’il n’en est pas empêché par les langes, le petit chien, le petit chat, dorment pliés en demi-cercle, dans la situation du long sommeil de l’état fœtal.
- Quand la chaleur du printemps vient rappeler à l’activité ces femelles hivernantes et encore peu propres au travail, elles se répandent sur les fleurs nouvelles, afin d’y chercher des aliments capables de réparer leurs forces épuisées par un long jeûne. Elles butinent sur les fleurs des arbres fruitiers de nos jardins, et, dans les bois et sur les haies, sur les fleurs encore plus précoces du Prunellier; un peu plus tard, les mères-Guêpes sont attirées par les fleurs du Groseillier à maquereau, du Groseillier-cassis et des Ribes ou Groseilliers sauvages. On peut conseiller de capturer ces Guêpes au filet sur les fleurs, et de les écraser, car chaque mère mise à mort est pour l’automne un guêpier de moins avec sa malfaisante population. La nourriture des Guêpes est bien plus variée que celle des Abeilles, ainsique la pâture qu’elles donnent à leurs larves. Elles sont très gourmandes de matières sucrées, surtout de miel, qu’elles cherchent à dérober aux ruches. Comme leur langue trop courte leur interdit de lécher le nectar des fleurs à corolle un peu profonde, elles sucent le jus des fruits (prunes, poires, raisins) et découpent leur pulpe, surtout quand ces fruits ont été crevés par endosmose après la pluie ou entamés par le bec des Oiseaux, car les Guêpes ne mordent pas aisément un fruit parfaitement sain et dur. Elles absorbent les liquides sucrés qui découlent des exsudations des arbres malades et le miellat éjaculé par certains Pucerons, notamment ceux des Saules; de ces jus sucrés, elles élaborent un miel d’un goût assez fin, qu’elles dégorgent à leurs larves ou mettent en réserve dans certains alvéoles du guêpier. Ce qui distingue profondément les Guêpes, des Abeilles et des Bourdons, c’est une autre alimentation très différente. Elles saisissent à l’état vivant un grand nombre d’insectes et même d’Araignées, les coupent en morceaux avec leurs mandibules et en façonnent une sorte de bouillie qu’elles portent à leurs larves, et cela surtout quand la sécheresse les prive des jus sucrés végétaux de diverse nature. Les Guêpes viennent chercher les mouches domestiques jusque sur
- les vitres des maisons; en automne, dans les allées des bois couvertes de scabieuses en fleurs, on voit fuir les Mouches effrayées quand elles entendent le bourdonnement du terrible Frelon. Les Guêpes dépècent en petits morceaux les viandes de boucherie coupées exposées à l’étal des bouchers de village et causent parfois ainsi un notable préjudice. Elles aiment surtout le foie, à cause de la glucose sucrée qu’il renferme, et parfois les bouchers abandonnent un foie à leur voracité, afin de préserver les autres viandes. Il faut remarquer que les Guêpes sont beaucoup plus nocturnes que les Abeilles et qu’on est fortement piqué à l’entrée de la nuit par les Guêpes qui sortent, si on fouille un guêpier, alors qu’on peut manipuler sans danger les ruches d’Abeilles.
- La Guêpe-mère, qui commence seule son guêpier à la fin du printemps, façonne d’abord un pédicule en fibres ligneuses ramollies, qui s’évase par le bas en capsule renversée, où elle construit quelques cellules juxtaposées au nombre de huit à dix; elle l’agrandit ensuite à plusieurs reprises, en ajoutant au pourtour des rosaces, de nouvelles cellules. Elle pond des œufs exclusivement d’ouvrières dans les alvéoles et sort fréquemment pour aller aux provisions et revenir donner la nourriture à ses larves. Quand celles-ci sont devenues adultes, elles remplacent aussitôt la mère dans son travail, agrandissent le gâteau, en ajoutent de nouveaux en dessus dans la plupart des guêpiers, les alvéoles toujours tournés en bas, des piliers en nombre suffisant allant d’un gâteau à l’autre. Les cellules n’occupant jamais qu’un seul plan, n’ont pas les fonds pyramidaux, mais arrondis en soucoupes peu profondes, dont les bords portent six pans de prisme hexagonal plus ou moins régulier, chacun formant en outre paroi pour la cellule accolée. Dès lors on ne voit plus sur les fleurs et sur les arbres suintants que des ouvrières, très reconnaissables à leur plus faible taille. La mère, dont la ponte va augmenter beaucoup à mesure que la saison devient plus chaude, n’a plus d’autre occupation et cesse, de sortir; pareille, dès lors, à la reine Abeille ; nourrie par ses premiers enfants, elle ne s’occupe plus ni de la bâtisse, ni de l’alimentation des larves, soins qui incombent désormais aux ouvrières seules. De la fin d’août aux premiers jours de novembre, des pontes spéciales produisent des mâles et des femelles parfaites, nourris dans leur jeune âge par les ouvrières et sortant isolément en grand nombre des guêpiers.
- Les Guêpes ordinaires construisent des guêpiers dont les gâteaux sont entourés d’enveloppes concentriques servant à les protéger. On trouve dans ces guêpiers complets, trois parties bien distinctes : 1° un ou plusieurs rayons ou gâteaux, formés par une seule rangée d’alvéoles hexagonaux accolés, s’ouvrant en bas; 2° des piliers ou colonnes destinés d’abord à fixer le premier gâteau, le plus in-
- reur, à la paroi d’appui, puis à réunir les rayons
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- LA [NATURE.
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- dessous ; 2, en dessus. — .Nymphes 4, en dessous.
- en outre les minces
- entre eux, s’il y en a plusieurs, soit enfin à lier l’enveloppe aux rayons; 3° une enveloppe d’abord simple, puis constituée par la suite de plusieurs membranes conchcï.laies de papier superposées, la convexité en dehors. Les bords des membranes externes sont soudés sur les convexités des intérieures et les convexités sont recouvertes par la langue des Guêpes d’un vernis gommeux, qui donne à l’extérieur des nids récents un reflet argentin. Par cette double cause, la pluie ou les infiltrations pluviales glissent sur le guêpier, sans pouvoir pénétrer à l’intérieur lames d’air très mauvais conducteur, interposées entre les enveloppes concentriques , maintiennent à l’intérieur du guêpier une température plus élevée que celle de l’air ambiant et qui est nécessaire au développement du couvain; l’excès peut atteindre 14° à 15° dans les guêpiers populeux.
- La plupart des Guêpes propres de France construisent leurs nids dans des cavités variées , des trous en terre, des creux d’arbre ou de mur, sous les toitures, à l’intérieur des maisons ; on a même trouvé des guêpiers dans de vieux tonneaux ou à l’intérieur de ruches d’A-beilles, dont le miel, mis au pillage, avait probablement nourri les Guêpes. Les nids souterrains sont formés de parcelles de bois mort et ramolli par un commencement de décomposition et de fragments d’écorce, que
- l’insecte broie avec ses mandibules et agglutine avec une sorte de colle ; ils sont de nuance feuille-morte diversement foncée. Ces nids et surtout leurs enveloppes sont cassants et friables ; seuls les piliers sont durs et résistants, pour supporter le poids des rayons superposés remplis de larves et de nymphes. Les Guêpes les plus communes partout forment deux espèces très voisines, la Guêpe vulgaire et la Guêpe
- germanique. C’est abandonnée d’une
- Fig. 1. Couvain de la Guêpe vulgaire. — Larves : 1, eu
- ordinairement dans la galerie Taupe ou d’un Mulot que la femelle d’hibernation commence le nid souterrain, et protège le petit gâteau par une cupule sphérique. Les ouvrières, pour agrandir le nid, sont obligées à un travail de creusement 2 1 considérable; une foule de
- petits graviers, transportés un à un et amoncelés à l'entrée du guêpier, décèlent le plus souvent son existence. Dans les alvéoles de papier cassant, se trouve le couvain (fig. 1). Il se compose d’abordj des larves, blanches et sans pattes, alvéole par l’extrémité de
- eu dessus;
- fixées au fond de 1 l’abdomen, la tète en
- nas.
- Fig. 2. Nid de la Poliste française avec la mère fondatrice.
- A la région antérieure de leur tête sont deux ocelles brillants, et les pièces de leur bouche broyeuse sont plus fortes que chez les larves d’Abcilles, car elles reçoivent des aliments plus consistants. Parvenues à toute leur croissance , ces larves se retournent, tapissent d’une légère couche de soie le fond et les parois de la cellule, reprennent leur première position, et ferment les cellules en tissant sur l’ouverture un couvercle de soie plus épaisse. Au bout de quelques jours, la larve se change en nymphe dans cette cellule entièrement close; on reconnaît dans celle-ci la Guêpe enveloppée d’une mince pellicule, laissant voir les trois régions du corps et les organes repliés sous le ventre. Cette nymphe est d’abord blanche et se colore peu à peu, en commençant par les yeux noirs ; l’adulte déchire son maillot, ronge les bords de l’opercule avec ses mandibules et sort de sa prison. Pendant quelques jours après leur éclosion, les couleurs jaunes des Guêpes sont plus pâles qu’elles ne deviendront par la suite.
- Une troisième espèce, à nid souterrain, beaucoup moins commune que les deux précédentes, est la Guêpe rousse, (|ui habite seulement les bois
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- et s’v creuse sous terre des guêpiers peu volumineux et médiocrement peuplés. Elle se distingue essentiellement des deux Guêpes communes en ce que l’abdomen n’est pas exclusivement jaune et noir, mais porte du roux à ses deux premiers segments, qui sont même quelquefois roux en entier. Ces Guêpes souterraines, si bien armées qu’elles
- soient, ont de nombreux ennemis. Nous avons parlé autrefois des Yolucelles, Diptères au vol rapide, dont certaines espèces ( Votucella zonaria et inanis) ont une coloration qui rappelle celle des Guêpes, comme s’il leur était plus aisé de pénétrer dans la maison en se parant des habits des maîtres du logis1. Les larves de ces Volucelles, à peau dure et
- hérissée d’épines, déliant l’aiguillon comme par une cuirasse, dévorent le couvain des Guêpes, nous rendant ainsi de véritables services dans les années sèches et chaudes, oii les Guêpiers regorgent de population malfaisante.
- Une Guêpe à nid caché, beaucoup plus grosse que celles dont nous venons de parler, est le Frelon (Vespa crabro, the Homel des Anglais), à grosse tête dilatée derrière les yeux. Le Frelon établit son nid principalement dans les arbres creux, quelque-
- fois dans la terre ou sous de grosses racines, dans les poteaux pourris, dans les vieux murs, sous les toits de chaume, dans les cheminées, dans les ruches vides, etc. Ce guêpier, formé d’une sorte de fine sciure de bois décomposé, est des plus friables ; il est entouré d’une enveloppe d’une seule couche, s’il est placé simplement sous un abri, comme une
- 1 Les Insectes malfaiteurs; Nature, 3e année, 1875, 2e semestre, p. 161, n° 115 du 14 août.
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- toiture. Les parois des cavités closes où ce guêpier est souvent placé tiennent lieu d’enveloppe ; s’il est protégé en partie, il n’a d’enveloppe que du côté libre ; enfin, s’il est souterrain, le haut de la cavité est quelquefois garni d’une mousse sèche assez serrée.Les Frelons sont très irascibles; s’ils croient leur couvain menacé par une personne qui approche du nid, ils fondent en troupe sur elle, cherchant les interstices entre le corps et les vêtements. Comme leurs piqûres multipliées peuvent faire courir de graves dangers, il faut fuir à toute vitesse ou se jeter dans l’eau entièrement si quelque mare ou ruisseau se trouve à portée.
- On ne croirait guère qu’avec de pareilles mœurs et des instincts très carnassiers, le Frelon ait des amis. Il en a cependant un très singulier. C’est un gros Coléoptère noir, le Velleius dilatatus, du groupe de ces Staphylins à élytres très raccourcies, qui semblent porter une veste. Seulement, au lieu de relever son abdomen dès qu’on t'inquiète, comme le fait le Diable ou Staphylin odorant, qui court en automne dans tous les sentiers, il le laisse traîner à terre, comme un petit lézard. Le Velleius, bien étudié récemment par M. J. Erné, est un protecteur des nids de Frelons, protecteur intéressé bien entendu. Le soir, il suit, d’un vol puissant, les Frelons et entre avec eux dans le guêpier. Il pourchasse avec fureur les insectes qui peuvent nuire au couvain, surtout les Scolopendres (Myriapodes), qu’il déchire avec ses puissantes mandibules, secouant même leur cadavre desséché. Il est probable, en outre, que sa forte odeur de musc est agréable aux Frelons et qu’il parfume la maison de ses amis. Ceux-ci le payent en miel, dont il est très friand. Le Velleius peut s’apprivoiser aisément, de même au reste que les Frelons. Craintif de prime abord, il s’accoutume promptement à l’observateur qui le nourrit, se laissant donner du miel au bout d’un pinceau, auquel il se cramponne sans vouloir lâcher prise. Il reste pareillement attaché à un morceau de sucre pendant une demi-journée, ne le quittant pas avant d’être rassasié.
- Un petit nombre de nos Guêpes de France construisent des nids entièrement à découvert, attachés aux branches des arbres, toujours plus petits et moins peuplés que les nids souterrains. Les matériaux des guêpiers aériens sont des fibres ligneuses détachées par les mandibules de la guêpe dans le bois travaillé, comme les planches, ou fendu ou simplement dépouillé de son écorce (lattes, pieux, poteaux), soit dans les tiges sèches de diverses plantes, lorsque ces matières ligneuses, par suite d’une assez longue exposition à l’air et à l’humidité, ont éprouvé une macération analogue au rouissage du chanvre. Les guêpiers sont alors souples, élastiques, très papyracés. Les enveloppes concentriques surtout, sont analogues à du papier gris à filtrer, avec des veines plus claires diversement apparentes. On peut dire que les Guêpes ont su faire du papier de tout temps et avant l’homme. Le plus
- commun de ces insectes à guêpier aérien est la Guêpe silvestre ou des arbustes (lig. 3), un peu plus petite que la Guêpe vulgaire. Les femelles parfaites ont le corps très velu, à poils ferrugineux, tandis que l’abdomen de l’ouvrière est fort peu velu. L’espèce est de toute l’Europe, moins peut-être la Laponie.
- Il est un dernier groupe de Guêpes sociales qui diffèrent profondément des Guêpes propres par une sorte de dégradation du guêpier. Celui-ci n’est jamais entouré d’enveloppes destinées à le protéger contre les intempéries. C’est un gâteau, à alvéoles obliques ou renversés, porté sur un fort pédicule et plus ou moins étalé et élargi, suivant le nombre d’ouvrières qui viennent accroître la cupule façonnée par la mère fondatrice. Tels sont les nids des Polistes, plus grêles que les Guêpes propres, bien moins nuisibles aux fruits, peu irritables et en nombre restreint.
- Dès le mois d’avril, on voit dans les jardins la Poliste française (fig. 2), commençant son petit gâteau dans un lieu chaud, abrité du vent, exposé au midi, fixé par un pédicule sur une tige d’arbuste, fréquemment sur les espaliers, sur une paroi de muraille ou de rocher. On peut enlever le nid sans que la pauvre mère, consternée des dangers que court sa progéniture, cherche à piquer. Elle se cramponne au petit gâteau ou le suit en volant tout auprès. Si on porte la branche à la maison avec le gâteau, on peut la laisser en liberté; elle revient nourrir ses larves avec affection. Les premières ouvrières nées s’habituent à la présence de l’homme, et on suivra avec facilité, à domicile, l’étude des mœurs et du développement.
- Maurice Girard.
- CORRESPONDANCE
- SUR LE TREMBLEMENT DE TERRE DU 15 AOUT 1880 AU CHILI
- Santiago, le 27 août 1880.
- Monsieur,
- Abonné à votre journal la Nature, que je reçois à Santiago, je vous envoie quelques détails sur le dernier phénomène sismique qui s’est manifesté dans nos régions.
- Le tremblement de terre que nous avons subi récemment a été si intense et si prolongé, que les habitants d’une partie du Chili en sont encore sous le coup d’une émotion profonde. Le 15 août, à huit heures quarante-cinq minutes du matin, une très forte secousse ondulatoire a surpris beaucoup d’habitants encore couchés, et un certain nombre d’autres dans les églises, parce que c’était un jour de fête.
- Les secousses ont duré cinquante-cinq secondes, qui m’ont paru valoir des minutes ; il me semblait que tout Santiago devait être en ruines, à en juger par la violence de ces mouvements prolongés, qui, précédés d’un bruit sourd comme un roulement souterrain, se propageaient
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- en ondulations courtes et saccadées dans la direction du nord-est au sud-ouest.
- Je m’étais réiugié dans l’ouverture de la porte de ma chambre, au premier étage. En cas de ruine, on est toujours plus favorablement placé sous le cadre d’une porte si on n a pas le temps de se réfugier dans une vaste cour ou dans une large rue; si les toits et les murs tombent, généralement les cadres en bois des portes, restent debout. Dans cette position, le mouvement était si fort, que j étais jeté à plusieurs reprises contre le cadre de la porte.
- Plusieurs pendules se sont arrêtées dans la maison ; d autres qui se trouvaient placées dans le sens du mouvement ont continué à marcher.
- Le câble sous-marin entre Valparaiso et Coquimbo a été rompu au moment du tremblement. Jusqu’à présent on ignore où la cassure a eu lieu.
- Il paraît que le centre du phénomène a été sous-marin et qu’il devait se trouver dans le voisinage d’Illapel, petite ville qui a souffert le plus. Elle est presque tout à fait en ruines. Dans les autres villes, entre Caldera et Copiapo au nord, et Conception au sud, il y a eu quelques dégâts, mais insignifiants.
- Dans la journée du 15 août, il y a eu une suite de tremblements de terre, tous dans la même direction, mais à ondulations très longues et par conséquent beaucoup moins terribles que ceux du matin.
- L’observatoire astronomique de Santiago a fait les observations suivantes :
- 8 h. 45'. AM. 55 secondes de durée.
- PM. 4 « »
- Midi 45'.
- « 44'. 1 h. 58'.
- 22
- 18
- Direction
- de
- iN.E.àS.E.
- Veuillez agréer, etc.
- Emimo Eckorst.
- SUR UNE CHAMBRE NOIRE FAITE AVEC UN TONNEAU Chaumont-sur-Tharonne, 7 octobre 1880.
- Monsieur Gaston Tissandier,
- Je lis avec beaucoup d’intérêt vos articles sur la Physique sans appareils et j’en fais mon profit, ayant six enfants qui vont à l’école de mon village, où vous pensez bien que l’on n'enseigne pas la physique : je leur fais un petit cours, tant bien que mal, par vos procédés.
- Pour donner une idée de la chambre noire, j’ai imaginé un appareil dont je vais essayer de vous donner la description.
- Un vieux tonneau défoncé d’un bout, une loupe et une feuille de papier blanc, voilà ce qui m’est nécessaire; je perce au fond de mon tonneau un trou de petit diamètre, j’adapte ma loupe au centre du trou, en dedans du tonneau, et je colle ma feuille de papier blanc à un cerceau qui entre dans le tonneau. Pour que ce cerceau tienne dans le tonneau, je laisse dépasser les deux extrémités de mon fil de fer, afin qu’elles fassent ressort contre la paroi intérieure du tonneau ; celui-ci n’étant point cylindrique, par le moyen de ces tiges, quel que soit l’endroit où l’on place l’écran, il y reste fixe. Cela facilite la mise au point.
- Quand tout est disposé comme je l’indique, je mets un chevalet à scier du bois sur une brouette et je pose mon tonneau sur les quatre bras du chevalet; ma chambre noire devenue portative, est prête à fonctionner.
- Quand on veut regarder les images, j’ajoute une couverture de couleur sombre que l’on met sur le tonneau et qu’on se jette sur les épaules à la manière des photographes. J’ai parfaitement réussi de cette façon : dernièrement je demandais à plusieurs personnes de mon village qui regardaient dans ma chambre noire cequ’ellw voyaient. — « Des oies, des chiens, des chevaux, des charrettes, le tout la tète en bas. »
- Si cela vous semble bon, publiez-le si vous le croyez utile.
- Veuillez agréer, etc.
- Sausset.
- ---x>o—
- LE PRURIGO DU ROUGET
- Les habitants des campagnes, surtout du centre et de l’ouest de la France, connaissent parfaitement les effets de la larve du Trombidion connue sous le nom de Rouget et qu’ils nomment Aoûtat, Aoûti, Vendangeur, etc., à cause de l’époque de l’année où elle se rencontre. Il attaque surtout les personnes qui ont la peau fine et délicate, et semble préférer les jambes et la partie interne des cuisses, bien qu’il se porte aussi sur les bras et la poitrine. Quand on traverse les jachères où ces Acariens abondent, ou bien quand on se dépouille d’une partie de ses vêtements, sans précaution, dans les bois ou dans les parcs, surtout lorsqu’on s’étend négligemment sur l’herbe, on est souvent assailli par eux. Ils cheminent assez vite, car ils montent des jambes à la tête en peu de temps ; ils se trouvent souvent arrêtés en route par les jarretières ou par la ceinture, et alors ils se fixent à l’endroit de l’obstacle.
- C’est à la base des cheveux et des poils follets du corps et des membres que les Rougets plantent leurs rostres, et ils se réunissent souvent plusieurs sur un même point : Duméril trouva un jour à la base d’un cheveu,chez un jeune enfant, plus de douze Rougets agglomérés. Il pensait que les Rougets s’attachaient avec les ongles et qu’ils insinuent leur suçoir sous l’épiderme, mais que ce sont principalement les ongles des pattes qui font naître l’inflammation que l’on éprouve. Gruby a constaté, comme nous l’avons fait ensuite, que les Rougets pénètrent avec le rostre dans les canalicules sudoripares et sébacés ; ils s’y fixent fortement, leur corps restant en dehors sous forme d’un petit point rouge.
- Les Rougets occasionnent des démangeaisons vives, brûlantes, insupportables, qui empêchent de dormir. Latreille les comparait à celles de la gale, ce qui prouve que ces animalcules ont aussi une salive irritante. La peau se gonfle, devient rouge et quelquefois même violacée au point piqué par les Rougets, et il se forme de petites taches irrégulières assez grandes pour la taille des parasites, puisqu’elles ont parfois près d’un centimètre de diamètre, mais ces taches sont toujours discrètes et présentent parfois un point central saillant appréciable. Cette affection est donc bien un prurigo et ne peut être appelée erythème, ainsi que le vou-
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- LA NATURE.
- lait Grubv, qui nomme cette affection erythème automnal. Quelquefois, mais très exceptionnellement, l’affection en question est cependant plus qu’un prurigo, car Moser cite un cas d’inflammation papuleuse et vésiculeuse avec des démangeaisons insupportables dues à ce parasite.
- Le journal la Santé publique, du l‘'r mai 1872, rapporte l’ïiistoire d’un méfait de cet A cari en digne d’ètre reproduit :
- « Un grand émoi se manifesta, il y a quelque temps, par une bien petite cause, dans une commune du canton de Créon, riveraine de la Garonne. Le boulanger ayant reçu un certain nombre de sacs de blé d’un négociant de Bordeaux, les avait fait décharger par cinq hommes, par un temps très chaud et orageux. Dès les premiers sacs déchargés, les ouvriers éprouvèrent une vive démangeaison sur le cou, sur les épaules et les bras, où les sacs avaient porté, puis une éruption de boutons rouges un peu
- l’épiderme, mais dans les poussières de scriblures, on observe, seuls et dégagés, ou bien enchevêtrés dans des débris d’épiderme, un certain nombre d’insectes morts ayant tous les caractère s de l’insecte décrit en 1850 sous le nom d'Acarus tritici. C’est la mite du blé, insecte microscopique, analogue à YAcarus scabiei, qui, sur la peau de l’homme, donne la gale. C’était là le corps du délit, et l’analyse chimique ne découvrit aucune autre substance malfaisante.
- n’est pas d’ailleurs la première fois que de pareils accidents se montrent.il a parfois suffi à des paysans de se reposer contre des meules de blé ou de s’y abriter pendant des orages, pour voir cette éruption apparaître. On l’a même désignée sous le nom de fièvre de grain, de même (pi’on appelle fièvre de foin l’enchiffrènement fébrile spécial qui atteint certains individus pendant la fenaison ; mais la cause restait ignorée. Des accidents semblables s’étant déve-
- Fig. 1. Trombidium holosericenm. — !S° 1. Femelle ovigère, face dorsale (grossie 20 fois).
- pointus, acuminés et accumulés sur certains points y succéda. Cette éruption sc généralisa sur tout le corps pendant la nuit et amena de la lièvre avec insomnie, agitation et soif ardente.
- La peur s’empara des malades et de leurs familles.
- On crut à un empoisonnement et le boulanger, ou du moins son grain, était dé,à accusé. La justice fut saisie, el M. Perrens, chimiste, assisté de M. le docteur Laforgue, médecin expert près les tribunaux de Bordeaux, furent chargés de rechercher les causes de ces accidents, qui, après quelques jours, avaient disparu sans traitement spécial. Un échantillon du froment sain montra un grain, pas très gros, d’une couleur dorée sans odeur particulière. Il contenait quelques graines noires, peu de poussière, un petit Charançon et d’autres petits insectes morts ; quelques grains étaient rongés et comme avariés. Au microscope, l’examen le plus attentif ne découvre rien dans les débris de
- Fig. 2. — N° 2. Œuf du Trombidium. — N° 3. Larve hexapode du Trombidium (Rouget). N* 4. La même repue (grossissement des trois ligures, 100 fois).
- loppés à Moissac en juin 1850, dans des circonstances identiques, les savants se mirent à l’œuvre, et c’est ainsi que M. La-
- grèze-Forsal, naturaliste, et M. Montané, pharmacien, découvrirent cet insecte et en donnèrent une description détaillée dans un Mémoire publié par la Société des sciences de Tarn-et-Garonne. » La description du Mémoire dont il est question ci-dessus, et que nous nous sommes pro-curé, s’appliquant parfaite -ment au Rouget, c’est donc au prurigo du Rouget que se rattache l’affection nommée fièvre’ de foin, fièvre de grain, et le prétendu Acarus tritici n’est donc autre que cette larve de Trombidion1.
- P. Mégisix.
- 1. Yoy. Les Parasites et les Animaux parasitaires, par P. Mégnin, un vol. in-86 avec 1 atlas de 20 planches. Paris, G. Masson, 1880.
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- LA NATURE.
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- LE CABINET D’UN AMATEUR DE SCIENCES AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE
- Au commencement du dix-septième siècle, il existait à Lyon une maison remarquable, construite par un homme d’un haut mérite, Nicolas Grollier de Servière, et toute remplie des plus remarquables curiosités scientifiques de l’époque.
- M. de Servière appartenait à l’une des plus anciennes familles de la province ; son grand-oncle, Jean Grollier, vicomte d’Aguisy, avait constitué, sous le règne de François Ier, la plus belle bibliothèque qui fût en France ; son père,
- Antoine Grollier, baron de Servière, s’était fait connaître par son dévouement au roi Henri IV et par la distinction de son esprit. M. de Servière avait hérité de la fortune et de l’intelligence de ses ancêtres ; après une brillante carrière militaire, il consacra toutes les ressources de son esprit à organiser une maison modèle où se trouvaient réunis les appareils les plus ingénieux, où l’on voyait des galeries toutes remplies de modèles de machines ingénieuses, d’horloges remarquables et de systèmes propres à assurer le confortable et la commodité de la vie domestique. Le cabinet de M. de Servière acquit une grande réputation dans toute la France, et la description en fut publiée plus tard d’une façon complète par son petit-fils1.
- « L’on voit dans ce cabinet, dit l’auteur de cet intéressant ouvrage devenu très rare, plusieurs
- 1 Description du cabinet de, M. Grollier de Servière, 1 vol. in-4° avec des figures en taille-douce. Lyon, 1719
- pièces de tour en ivoire qui sont des chefs-d’œuvre inimitables de l’art; des horloges extraordinaires, des machines de différentes espèces pour des élévations d’eau, pour la construction des ponts, et
- enfin pour tout ce qui peut être utile et commode au public ou aux particuliers. »
- Si l’on veut se rendre compte de l’ingéniositédeM. de Servière dans ce dernier sens, il suffira de donner la description du pupitre qu’il fit construire (fîg. 1), et où des tablettes différentes, disposées sur la circonférence d’une grande roue, supportaient les livres ou les papiers de différente nature.
- « Avant que de travailler, vous rangez sur les pupitres tous les livres dont vous jugez que vous aurez besoin. Ensuite , vous étant placé dans le fauteuil, vous lisez le livre qui se présente d’abord à vous, et lorsque vous en voulez un autre, vous le faites facilement venir à la place du premier, en tournant la grande roue avec les mains. » Parmi les curiosités mécaniques imaginées par M. de Servière, nous en citerons encore une autre, très ingénieuse , et que représente notre figure 2. Voici comment elle est décrite dans le curieux ouvrage que nous avons cité : « La grande roue B de la brouette, sur laquelle toute la brouette A s’appuie lorsqu’elle est en marche, a quatre pieds juste de circonlérence, et les trois autres roues G, D, E sont dentées et divisées sur leur champ en plusieurs degrés. Les degrés de celle notée G marquent les
- Fig. 1. Le pupitre de travail de M. de Servière (fac-similé d’une ancienne gravure).
- Fig. 2. Brouette servant à mesurer la distance d’un endroit à un autre (fac-similé d’une ancienne gravure).
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- LA NATURE
- unités de pied et les imités de toise, et enfin les degrés de celle notée E marquent les centaines et, si l’on veut, même les mille. Toutes ces différentes roues sont reliées les unes aux autres par des pignons communs qui ont plus ou moins de dents, selon qu’il est nécessaire ; en sorte que toutes les soixante fois que la roue B tourne, elle fait faire un tour à la roue G ; que celle-ci, toutes les fois qu’elle fait un tour, fait avancer d’un degré celle notée D, et qu’enfin celle notée D à chacun de ses tours, fait avancer aussi d’un degré la dernière roue E. L’on observe les degrés ou différentes divisions des trois roues C, D, E au moyen de trois aiguilles fixes et qui sont attachées aux branches de la brouette. Ces aiguilles, ne changeant jamais de place, dénotent la quantité de degrés que les roues ont faite ; ou encore mieux la quantité de pieds et de toises que la brouette a parcourue depuis le point d’où elle est partie.
- « Pour mettre cette machine en exécution, vous faites rouler votre brouette, après avoir vu si les trois aiguilles sont bien sur les premiers degrés des roues. Ensuite, vous n’avez autre chose à observer que de la conduire exactement en ligne droite, depuis le point d’où vous partez jusqu’à celui où vous voulez aller; et quand vous y êtes arrivé, vous regardez vos aiguilles : alors elles vous marquent précisément et très juste la quantité de pieds et de toises que vous avez parcourue, sans que vous vous soyez donné la peine de les compter. »
- Les gravures que nous publions ci-contre sont reproduites en fac-similé, d’après la Description du Cabinet de M. de Servière, qui ne comprend pas moins de 88 planches in-4°, gravées avec soin, et représentant une quantité considérable d’appareils ingénieux, de physique, de mécanique, de travaux militaires, etc. Nous avons eu entre les mains un exemplaire de ce beau volume ; il nous a paru si intéressant que nous avons voulu le faire connaître, et rendre hommage à la mémoire d’un amateur des sciences des temps passés.
- CHRONIQUE '
- La Commission internationale des poids et mesures. — On sait que seize États se sont engagés, par convention conclue à la suite de la Conférence diplomatique du mètre, qui s’est tenue à Paris en 1875, à entretenir à Paris un Bureau international, scientifique et permanent des poids et mesures. Les séances de l’année 1880 ont eu lieu comme les années précédentes, dans le courant du mois de septembre. Voici quels étaient les membres présents à Paris : MM. le général Ibanez (Espagne), président, Wild (Russie), Broch (Norvège), baron de NVrede (Suède), Govi (Italie), Foerster (Prusse), Stas (Belgique), Gould, directeur de l’Observatoire de Cordoba (Amérique du Sud); M. J. B. Dumas représentait la France en remplacement de M. le général Morin, décédé. Les séances ont eu lieu à Sèvres, dans le Pavillon de Breteuil,
- qui constitue actuellement un établissement métrologique des plus remarquables.
- Le bâtiment principal comprend six salies d’expériences, qu’un système particulier de chauffage et de refroidissement permet de maintenir à des températures déterminées et presque invariables, comprises entre les .limites de 0 et 30 degrés. Des comparateurs d’une extrême précision, exécutés par les plus habiles constructeurs français et étrangers, permettent d’y mesurer les étalons métriques, soit à bouts, soit à traits, avec la précision du millième de millimètre. Des balances d’une sensibilité exquise, donnent les moyens d’y peser les corps dans le vide, dans l’air et dans l’eau, sans que l’observateur ait besoin d’approcher de l’instrument, même pour y transporter les poids de l’un à l’autre plateau de la balance.
- Nouveau Bureau métrologique. — Un bureau métrologique vient d’être institué par un décret du 8 octobre 1880. Ce bureau siège au Conservatoire des Arts et Métiei's. 11 est composé des quatorze membres suivants :
- MM. J. B. Dumas, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, président ; J. Bertrand, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, vice-président ; Maury, directeur général des Archives nationales; Hervé Mangon, directeur du Conservatoire des Arts et Métiers; Sainte-Claire-Deville, professeur à la Faculté des sciences ; colonel Perrier, membre du Bureau des longitudes ; amiral Mouchez, directeur de l’Observatoire de Paris ; Laussédat, directeur des études Ae l’École polytechnique; Peligot, directeur du laboratoire des essais à la Monnaie de Paris; Debray, maître de conférences à l’École normale supérieure ; Mascart, professeur au Collège de France; Mayer, ingénieur en chef du matériel et de la traction au chemin de fer de l’Ouest, membre du Conseil de perfectionnement de l’École centrale des Arts et Manufactures; Girard, directeur du commerce intérieur au Ministère de l’Agriculture et du Commerce ; Génot, vérificateur en chef des poids et mesures à Paris.
- Un exemplaire des prototypes du mètre et du kilogramme seront déposés : à l'Institut, aux Archives nationales, au Conservatoire des Arts et Métiers, à l’Observatoire de Paris.
- Les odeurs de Paris. — Des plaintes nombreuses sont depuis quelques mois parvenues au Préfet de la Seine, au sujet des odeurs méphitiques dont l’atmosphère de Paris s'est trouvée infectée à de si nombreuses reprises dans le courant de l’été dernier. Une Commission spéciale a été instituée pour étudier les causes de cet état de choses si regrettable. Cette Commission, composée de MM. P. Schutzenberger, président ; Alphand, docteur Hillairet, Peligot, Du Souich et F. Bezançon, a récemment présenté au Préfet de la Seine un rapport adopté par le Conseil d’hygiène dans sa séance du l°r octobre. Dans ce rapport, la Commission passe successivement en revue les causes d’infection, qui, d’après elle, peuvent être au nombre de trois : 1° les égouts ; 2° les tuyaux de ventilation des fosses d'aisance; 3° les établissements classés, c’est-à-dire les usines de vidanges des environs de Paris (Aubervilliers, Saint-Ouen, Saint-Denis, etc.), celles où l’on traite des matières animales, etc. Il résulte, selon nous, d’une manière évidente, que les établissements classés sont la principale et pour ainsi dire l’unique cause de l’infection qui s’est produite l’été dernier. Quand on passe dans un train de chemin de fer sur la ligne du Nord ou de l’Est, et que
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- LÀ NATURE.
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- l'on arrive dans le voisinage des usines de Bondy, de Saint-Denis, d’Àubervilliers et de Pantin, on traverse parfois, lorsque le temps est lourd et orageux principalement, une atmosphère empoisonnée par une odeur écœurante d’hydrogène sulfuré et de matières animales en décomposition..Cette odeur sc suit à la piste jusqu’aux gares de Paris, jusque dans les rues avoisinantes, et parfois même jusque dans les rues du centre, telles que celles du quartier de l’Opéra.
- Expédition arctique. — La New-York Hérald pu-phe de curieux détails sur l’expédition du lieutenant Schwatka, qui avait entrepris un voyage dans le but de retrouver de nouvelles traces de l’expédition de Franklin. Le lieutenant Schwatka et ses hommes ont éprouvé des souffrances assez vives qu’ils l’aconteront dans le récit de leur voyage. Ils rapportent de nombreux objets qui ont appartenu à Franklin et dont plusieurs ont été recueillis dans les tombes où dorment de leur dernier sommeil les officiers et les marins anglais. Les indigènes ont raconté aux Américains les cruelles souffrances endurées par ces hommes soumis au froid le plus cruel et absolument privés de nourriture. Ils disent avoir vu quelques-uns d’entre eux, hâves, décharnés, réduits à l’état de squelettes, traînant avec eux un petit bateau. Plus tard, ils retrouvèrent ces mêmes hommes étendus morts sous le bateau, et il parait certain que les derniers survivants avaient dévoré les restes de leurs compagnons.
- Nous avons reçu, à la date du 6 octobre 1880, les deux dépêches suivantes :
- Comète découverte le 3 octobre, en Angleterre, par M. Baxendell, près de l’étoile Alpha de la Couronne, se dirige rapidement vers l’Est.
- Comète découverte, le 4 octobre à midi, à Strasbourg, par M. Winnecke. Ascension droite, 15 h. 40 m. Déclinaison boréale, 26°. Mouvement journalier en M +4'; en décl. —2'.
- Le deuxième Congrès géologique international aura lieu 1 année prochaine à Bologne. 11 est préparé avec grand zèle par le professeur de l’Université de Bologne, M. Ca-pellini. Sa Majesté le roi d’Italie en est le protecteur, M. Sella, président du Lincei, en est le président d’honneur. Les savants qui veulent prendre part à ce Congrès peuvent souscrire au siège de la Société géologique. La cotisation est de 12 francs.
- — Depuis deux ans, la population de la terre s’est accrue d’environ 17 millions d'habitants. D’après le Recueil statistique de Behm et Wagner, qui vient de paraître, elle est aujourd’hui de 1455 923500, ainsi répartie : Europe, 315929000; Asie, 834707000; Afrique, 205679000; Amérique, 95495 500; Océanie, 4051000; régions polaires, 82000.
- — La superficie boisée de la France est de 8 357 066 hectares. L’État possède un septième de cette immense superficie. L’Ariège est le département qui comprend le plus de forêts de l’État: 76000 hectares; on en trouve 56 000 dans les Vosges, 59 000 dans Meurthe-et-Moselle, 49000 dans la Meuse, 44000 dans la Corse.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 11 octobre 1880.— Présidence de M. Wciitz
- Le photophone. — L’événement de la séance est la présentation au public français de l’inventeur du photophone, M, Graham Bell, venu tout exprès des États-Unis. La présentation est faite par M. Dumas, avec cet art que l’illustre secrétaire perpétuel sait si bien mettre à l’exposition des découvertes qui l’intéressent.
- Tout le monde sait que le budget de l’instruction publique comprend le montant d’un prix de 50000 francs, destiné au plus grand progrès accompli dans le domaine de l’électricité. La première fois, le prix, glorieusement appelé prix Voila, fut accordé à Ruhmkorff pour la bobine d’induction qui porte son nom. L’année dernière la Commission ministérielle chargée de dispenser la haute récompense, a jugé que nul n’en était plus digne que l’inventeur du téléphone, M. Graham Bell. Celui-ci, avisé de l'honneur dont il était l’objet, y a répondu, selon l’expression do M. Dumas, « de la manière la plus scientifique ». Il a inventé quelque chose de plus que le téléphone, on pourrait presque dire quelque chose de mieux : le photophone. Un des appareils de l’inventeur américain est placé sur le bureau de l’Académie, et, au nom de M. Bell,* qui ne parle pas français, M. Antoine Bréguet en expose le principe et les effets dans une communication écoutée avec le plus puissant intérêt. La Nature a déjà donné le principe de cette nouvelle découverte ; elle y reviendra plus complètement; nous devons être très sobre à cet égard. Disons seulement que l’appareil transmet des sons musicaux par l’intermédiaire de rayons de lumière. Ce résultat peut paraître étrange, et beaucoup de gens ne l’auraient jamais prévu.
- M. Bertrand rappelle cependant qu’un de nos compatriotes déjà signalé par la puissance de son esprit, qui lui a fait concevoir, avant la réalisation de ces progrès, la photographie des couleurs et le phonographe, M. Charles Cros, avait annoncé comme devant être faite, la découverte qui nous émerveille aujourd’hui. Et à l’appui de cette assertion, le secrétaire perpétuel lit le passage d’un travàil de M. Cros, imprimé en 1879 et écrit en 1871 :
- «......Voici quelles expériences je ferais, si j’en avais le
- loisir et les moyens ; On ferait entrer dans un tuyau renforçant une note de n vibrations à la seconde, un rayon lumineux interrompu et rétabli n fois par seconde. La raréfaction ou la condensation alternative du milieu gazeux pourrait peut-être faire parler le tuyau.» L’Aca-
- démie décide que cette phrase sera imprimée dans le prochain Compte rendu, à la suite de la note de M. Bell, dont elle ne diminue le mérite en aucune façon.
- L’appareil exposé aujourd’hui ne fait entendre que des sons musicaux très faibles ; il va en arriver un autre le plus intéressant d’entre tous, qui transmet la parole à distance par la lumière.
- Contrairement aux usages de l’Académie, la communication de cette belle découverte est accueillie par les applaudissements unanimes de l’auditoire.
- Classification du bore. — En général les chimistes rangent le bore dans la même famille naturelle que le carbone et le silicium. On sait que la raison en est dans l’existence de trois prétendus états allotropiques de bore, qui serait amorphe, graphitoïde ou adamantin, comme les deux autres métalloïdes cités. Or, MM. Wœhler et Deville ont fait voir depuis longtemps que le bore graphitoïde est réellement du borure d’aluminium et que le diamant de bore est du boro-carbure du même métal.
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- LA NATURE.
- M. K tard ayant récemment découvert un peroxyde de bore (BoOs) analogue pour la formule à l’acide azotique, avait pensé un moment à le classer avec ce corps simple et l’arsenic; mais il a renoncé à cette manière de voir et ü expose aujourd'hui dans une note présentée par M. Cahours de puissants motifs pour ranger le bore dans la famille du vanadium, du niobium et du tantale.
- Les tremblements de terre de Smyrne. — Le pays de Smvrne serait charmant à tous égards, si les tremblements de terre ne s’y répétaient avec une fréquence tout à fait exagérée. Depuis trois mille ans le sol ne cesse d’y éprouver des convulsions fatales aux malheureux habitants. 1562 ans avant notre ère, la ville de Tantale fut ainsi détruite complètement, et remplacée par le lac célébré dont les eaux remplissent l’abîme où elle a disparu. Un peu plus tard, sous le règne de I’elops, une catastrophe du même genre fut cause de la colonisation du Péloponèse, et des cataclysmes semblables se passent daus les temps historiques : en 1688 de notre ère, un tremblement de terre fait de quinze à seize mille victimes dans la ville même; en 1778, les deux tiers de Smyrne sont jetés par terre, en 18Ô0, le sol tremble quarante jours de suite sans interruption ; pendant l’année actuelle il y a eu trente-huit secousses, dont plusieurs ont été très fortes. Tous ces détails sont contenus avec beaucoup d’autres dans un long et important Mémoire de M. Carpentin.
- Nature de la Pelagre. — Appelé en Italie par le désir d’étudier la géologie comparée de la Terre et de la Lune, M. Faye a été frappé des ravages que la Pelagre inflige auxpopulations lombarde et vénitienne, qui sont véritablement décimées. Partant d’observations qu’il avait faites bien antérieurement dans les Landes, M. Faye attribue le mal à l’alimentation par la polenta, c’est-à-dire par une bouillie qui n’a subi aucune fermentation, et il croit que le remède consisterait dans la substitution du pain levé à ce régime. Le Mémoire de M. Faye provoque les protestations des médecins présents, et M. Bouilland rappelle les faits qui ont démontré dans l’emploi du maïs altéré la seule cause de la Pelagre.
- Stanislas Meunier.
- PROCÉDÉS POUR COUPER UE VERRE
- Les chimistes, pour couper le verre, emploient différents procédés bien connus dans les laboratoires, mais assez ignorés de ceux qui ne sont pas initiés aux manipulations pratiques. Nous rendrons assurément service à un certain nombre de nos lecteurs en les décrivant.
- Pour couper des tubes de verre de différents diamètres, le procédé le plus simple consiste dans l’emploi d’une linje triangulaire ; on humecte légèrement le coupant de la lime et on la fait agir à la façon d’une scie, à l’endroit du verre que l’on veut couper; quand la lime a mordu, et qu’elle a tracé un sillon apparent, si l’on agit en cet endroit même, en porte-à-faux, le tube se casse très nettement à l’endroit voulu.
- S’agit-il de couper le col d’un ballon de verre, on pourra entourer ce col d’une mèche de lampe à
- esprit-de-vin, imbibée d’alcool, et rallumer. Le cylindre de verre se cassera de lui-même sous l’action de la chaleur, précisément à l’endroit où l’on aura fait flamber la mèche alcoolisée. Une tige de fer chauffée au rouge, et promenée à l’endroit où doit se faire la coupure, peut donner fe même résultat.
- Le charbon Berzélius permet de réussir plus facilement encore. Ce charbon est formé de 180 grammes de noir de fumée, mélangés avec 60 grammes de gomme arabique, 25 grammes de gomme adra-gante et 25 grammes de benjoin délayés dans l’eau. On façonne la pâte obtenue en un crayon qui, séché puis rougi dans une flamme, coupe le verre partout où il est appliqué. On commence la taille par un trait de lime. Avec un peu de patience, on arrive à l’aide d’un crayon de charbon Berzélius
- Bouteille taillée en spirale.
- rougi au feu, à tailler une bouteille en spirale comme l’indique notre figure; la bouteille de verre est ainsi transformée en un véritable ressort élastique.
- Pour couper un verre à boire, à un certain niveau, on peut se servir du moyen suivant : on remplit le vase d’huile, de telle façon que le niveau du liquide se trouve précisément à l’endroit où l’on veut que la coupure se fasse. Cela fait, on plonge dans l’huile un fer fortement rougi au feu. Le verre ne tarde pas, sous l’action de la chaleur, à être fendu à l’endroit voulu.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.
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- N° 586. — 25 OCTOBRE 1880.
- LA NATURE
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- DÉCOUVERTE
- D’UN SQUELETTE ENTIER DE RYTIODUS
- DANS LE FA LU N AQUITANIF.N
- Les restes du Sirénien sur lesquels le savant E. Lartet a créé son genre Rytiodus ne consistaient qu’en deux paires d’incisives trouvées en 1864, par M. Capgrand, dans la carrière de Bournic, près de Sos (Lot-et-Garonne).
- C’était en 1866 seulement, que M. Capgrand adressait ces singulières dents à E. Lartet, qui, le 4 juin de la même année, en faisait l’objet d’une communication à la Société Géologique de France ; depuis cette époque, aucun autre reste de Rytiodus n’a encore été signalé.
- Le dépôt de la carrière de Bournic est synchronique du falun de Bazas, comme l’a démontré M. Tournouër1.
- En considérant ces dents comme ayant dû appartenir à un genre nouveau, voisin des Ilalitherium,
- Lartet montrait une fois de plus cette sûreté de jugement dont il avait si souvent fait preuve ; il avait, ou peut le dire, deviné ce nouveau Sirénien; les importantes pièces qui font l’objet de la communication qui va suivre, pièces qu’un heureux hasard a mises entre nos mains, viennent, ainsi qu’on le verra, pleinement sanctionner le jugement porté par l’éminent paléontologue.
- Ce sera donc sous la dénomination de Rytiodus Capgrandi (Lartet) que nous allons décrire l’intéressant fossile dont nous faisons figurer ici les restes (voy.fig. ci-dessous).
- Tout d’abord, nous dirons que les circonstances qui se rattachent à cette importante découverte sont assez singulières pour devoir être rapportées.
- Au mois de septembre 1861, c’est-à-dire trois ans avant la découverte de M. Capgrand, M. Boudin, propriétaire du domaine de Plantât, commune de Saint-Morillon, canton de Labrèdc (Gironde), faisait faire un nivellement de terrain, au lieu appelé Portetcnie, à 25 mètres d'un petit ruisseau dit la rouille de Cousteau, lorsque les ouvriers mirent à
- Rytiodus Capgrandi. Ciàuc vu de prolil (I/o de grandeur naturelle).
- découvert, à environ lm,50 dans le falun, un squelette complet, mesurant une longueur de près de o mètres; curieux de savoir quelle bête se trouvait sous leur pioche, la marne sableuse qui entourait le squelette fut soigneusement enlevée, et l'animal leur apparut alors dans son entier ;& sa vue, ils restèrent stupéfiés, s’exclamant que c’était un animal qui n’avait pas de jambes, mais seulement des mains ; à l’aide de la pioche, alors, la tête fut détachée du tronc, afin d’être examinée déplus près; en présence des deux énormes incisives que montrait la mâchoire supérieure, l’étonnement ne - lit que grandir, et, hélas! sort qui n’est que trop souvent réservé aux restes fossiles, un coup de pioche fit voler cette tête en éclats! Puis chacun ayant dit son mot, les débris de ce squelette, ramassés à la pelle, furent jetés dans les brouettes et allèrent fina lement combler les vides du terrain à 50 ou 100 mètres plus loin. Le crime scientifique était consommé; mais une pièce de conviction devait subsister ; dès lors, une lueur d’espoir demeurait
- 1 Bulletin de la Société géologique de France, séance du 18 juin 1866.
- üe aunee. — 2e semestre.
- rés rvée aux paléontologues à venir ; cette pièce de conviction, on la doit à l’ouvrier Eugène Chassin, dont la curiosité, éveillée’ par la dimension et la forme des dents, l’engagea à emporter la portion du prémaxillaire, à laquelle adhérait une partie des incisives, et un fragment du maxillaire supérieur avec les deux premières molaires en place.
- Ces précieux débris, qui devaient un jour permettre de retrouver les traces des autres pièces du squelette, gisaient poudreux, depuis près de deux ans, sur le manteau de la cheminée de Chassin, lorsqu’un jour Labuzan père, son parent, maître serrurier à Bordeaux, les ayant avisés, comprit l’intérêt qu’ils pouvaient présenter, et les emporta avec l’intention de les communiquer à un naturaliste; c’était alors en 1865. Négligea-t-il de montrer ces intéressants débris? Quoi qu’il en soit, après sa mort, son fils les retrouvait soigneusement conservés au fond d’un tiroir, et, vers les premiers jours de juin 1874, les offrait à M. Braquehaye, sculpteur, aujourd’hui directeur de l’École municipale de dessin et de peinture dé Bordeaux. Frappé de leur importance, M. Braquehaye mettait l’empressement le plus gracieux à s’en dessaisir en notre faveur,
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- LA N’ATUBE.
- nous fournissant non seulement les indications d’origine, mais encore tous les éclaircissements qui précèdent.
- A la simple vue de la pièce que nous remettait M. Braquehayc, il était impossible de ne pas reconnaître immédiatement le Rytiodus dcLarlet.
- C’est muni de ces renseignements, que, le 24 juillet 1874, nous nous rendions à Saint-Morillon, sur le domaine de Plantât ; nous y trouvions M. Boudin, qui non seulement nous confirmait tout ce que nous venons de rapporter, mais encore prenait la peine de nous indiquer la place où devaient se retrouver les restes de Vinfortuné Rytiodus, et se prêtait avec la plus exquise bienveillance à ce que des fouilles fussent pratiquées sous le gazon d’une prairie.
- Nous saisissons ici avec empressement l’occasion qui nous est offerte d’adresser à M. Boudin l’expression de toute notre gratitude.
- Après plusieurs sondages infructueux, nous rencontrions enfin un nid, d’où nous pûmes retirer une vingtaine de morceaux: l’atlas presque entier, la moitié d’une première côte, plusieurs fragments du crâne, nombreux morceaux du maxillaire supérieur, avec la série entière des molaires, moins la dernière de droite, en partie brisée, les deux arcades zygomatiques du temporal, le jugal gauche, l’appareil auditif des deux côtés; le tout dans un état relativement satisfaisant ; avec ces ossements, la pioche ramenait aussi bon nombre de mollusques, dont nous parlerons tout à l’heure.
- Le 4 août suivant, M. Boudin nous donnait une nouvelle preuve de l’intérêt qu’il prenait à nos recherches, en prenant la peine de nous apporter le produit d’une fouille qu’il venait de faire elfectuer ; nous y trouvions : la branche montante gauche du frontal, à laquelle est soudé un morceau de l’incisif, le pariétal gauche, des fragments de rocher, complétant l’appareil auditif, et une dizaine de morceaux se rapportant à 1 arrière-crâne, ainsi que nombreux mollusques.
- Peu de jours après, c’est-à-dire le 12 août, nous nous rendions de nouveau sur les lieux; deux journées de fouilles ne produisirent qu’un médiocie résultat: quelques débris insignifiants seulement, fragments de côtes et de vertèbres, toujours associés aux mollusques.
- Diftérentes fouilles faites depuis ne nous ont guère donné qu’une quantité de fragments d’incisives, ce qui nous a permis de reconstituer presque dans son entier celle du côté droit.
- Bien que nous conservions l’espoir, en continuant nos recherches, d’arriver à un résultat plus complet, nous pensons cependant qu’en raison de l'importance de celui obtenu, et qui déjà remonte presque à quatre aimées, il serait préjudiciable à la science de rester plus longtemps sans le faire connaître.
- Les mollusques qui se sont rencontrés mêlés aux restes du Rytiodus, consistent dans les espèces
- suivantes, dont la détermination est due à notre collègue linnéen, M. Benoist.
- Calyptrea sinensis, Turritella Sandbergeri, Desma-restina, Trochus Buklandi, Monodonta elegans, Neri-tina picla, Natica compressa, Murex Aquitanicus, mria-bilis, Buccinum duplicatum, Corbula carinata, Lutraria sanna, Tellina Aquitanica. Venus ovata, Cyllierea un-data, Cyrona Brongniarti, Cerithium bidentatum, lignilarium, subclavatulatum, margaritaceum, plicatum, incertum, Pyrula Lainei, Tarbelliana, Slrombus tri-gonus, Cypren leporina, Lucina ornata, incrassata, dentata, Area cardiiformis, Mytilus Aquitanicus, Ostrea cyalhula.
- La faune conchyliologique du domaine de Plan-lat renferme, comme on le voit, des espèces caractéristiques des faluns de Laricy et de Mérignac, qui sont eux-mêmes synchroniques du l’alun de Bazas, connu aussi sous le nom de dépôt fluviomarin de Bazas, c’est-à-dire que notre Rytiodus a été trouvé identiquement au même niveau que les incisives recueillies par M. Capgrand dans la carrière de Bournic.
- Le Rytiodus, ainsi que l’avait si bien préjugé Lartet, constitue un nouveau genre de Sirénien voisin des Halilherium. Comme ceux-ci, il tient tout à la fois du Lamantin et du Dugong, ainsi que nous le démontrerons, mais cependant par des liens différents.
- Ainsi, tandis que Y Halilherium se rapproche du Dugong parla forme générale du crâne et le nombre des molaires; du Lamantin par la forme mastodon-toide des molaires, le Rytiodus tient du Dugong par les incisives et le nombre des molaires, du Lamantin par la forme générale du crâne et celle des molaires.
- Le curieux animal qui nous occupe est donc bien, comme l’a dit Lartet, un sous-genre de Y llalitherium.
- E. Deleortrie.
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- EFFETS DE L\ FOUDRE
- SUR LES ARBRES
- M. le professeur Colladon a autrefois publié un Mémoire sur les effets produits par la foudre sur les arbres et les plantes. Dans ce Mémoire, il se basait sur un nombre assez considérable d’observations, pour en déduire des règles générales quant aux effets produits sur différentes espèces d’arbres par le foudroiement, et ces règles ont été confirmées depuis, par d’autres faits fort nombreux.
- On croit depuis longtemps que les premières plaies du bois ou de l’écorce, à partir du sommet des arbres, indiquent le ou les points primitivement frappés par le fluide électrique. 11 n’en est rien. La foudre atteint toujours, ou presque toujours, les branches supérieures, surtout celles qui sont les plus élevées et les plus exposées à la pluie d’orage. De là, elle descend par la presque totalité des rameaux jusqu’aux grosses brandies, et de celles-ci sur le tronc principal. Les grosses
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- branches et surtout le tronc, étant en général de beaucoup moins bons conducteurs que les jeunes branches, le passage de l'électricité y produit de la chaleur et des effets répulsifs qui déchirent l’aubier ou l’écorce et en lancent quelquefois fort loin les débris (à 50 mètres et au delà). Voilà une loi que M. Colladon a pu établir et constater par de très nombreuses observations.
- Chaque année, dans la saison des orages, on apprend que des animaux ou des personnes qui s’étaient abritées sous des arbres, ont été foudroyés. Cela s’explique facilement : le sommet de l'arbre, bon conducteur, attire la foudre, qui suit ses branches pour atteindre le sol ; mais, ne trouvant plus qu’un conducteur imparfait dans la partie inférieure des grosses branches et dans le tronc, elle se répand sur tous les corps environnants, que ce soient des buissons en pleine végétation ou des corps d’hommes ou d’animaux.
- De deux personnes, dont l’une serait établie sur l’arbre, près de son sommet, et l’autre sur le sol, près du tronc, la seconde aurait incomparablement plus de chance d’être atteinte.
- Les oiseaux nichés dans les arbres sont rarement tués par la foudre, et les nids même sont presque toujours épargnés.
- Un ancien élève de l’École polytechnique, M. F. 11. Du— val, possède une ferme dans le Berry, et son fermier élève de nombreux volatiles. Dans la nuit du 18 mai 1875, un grand peuplier de Caroline, situé près de la ferme, sur lequel perchaient chaque soir une trentaine de pintades, fut frappé par la foudre ; un instant après, le fermier put voir toutes ces pintades juchées à leur place habituelle ; aucune ne fut blessée, et cependant, le lendemain matin, on constata que l’arbre avait reçu un très fort coup de foudre ; il existait des lésions considérables dans la partie inférieure du tronc à partir du sol jusqu’à trois mètres au-dessus, et des carreaux en terre appuyés contre le bas de l’arbre avaient été brisés.
- Les grands arbres et spécialement les hauts peupliers placés près des maisons, peuvent servir de bons paratonnerres ; mais c’est à la condition indispensable qu’il n’existe pas au coté opposé du bâtiment, une mare, un puits, ou un courant d'eau qui puisse attirer la foudre au moment où l’arbre est foudroyé, car, dans ce cas, l’éclair passerait très probablement du sommet de l’arbre sur la maison et la traverserait pour atteindre la nappe d’eau et se répandre dans le sol.
- Quelques agriculteurs pensent que, lorsqu’un arbre est foudroyé, c’est l’indice qu'une source ou un courant d’eau souterrain existe près de là; ils ont souvent raison, surtout si l’arbre atteint a peu de hauteur.
- En résumé : un arbre placé du côté sud, ou ouest, d’un bâtiment, et dont le pied plonge dans un terrain humide près d’un ruisseau ou d’un puits, constitue pour la maison voisine un assez bon préservatif contre la foudre.
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- TREMBLEMENTS DE TERRE
- EN SUISSE
- M. le docteur F. A. Forel vient de publier un intéressant article sur les récents tremblements de terre qui ont été ressentis en Suisse et dont nous avons parlé précédemment1.
- 1 Voy. la Nature n° 585 du 2 octobre 1880, p. 175.
- Il y a eu à Fribourg de quatre à six secousses : le
- 10 septembre 1880 à M h. 1 m. du matin ; le 21, à 7 h. 51 m. du soir; le 22, à 1 h. 15 m., 3 h. 50 (?), 11 h. (?) du matin et 5 h. 46 m. du soir. De ces six secousses, cinq ont été localisées presque absolument à Fribourg et n’ont été signalées nulle part ailleurs. Celle de mardi 21, à 8 h. du soir, a eu une aire plus étendue ; elle a été sentie à Morat, Neuchâtel et Liestal.
- M. Forel rappelle à cet effet que le tremblement de terre n’est, pas un phénomène en lui-même : il est un effet et non une cause ; il est l’effet d’un mouvement développé dans un point déterminé de l’écorce terrestre ;
- 11 est une vibration, une oscillation qui se propage, à distance, autour du point ébranlé ou foyer delà secousse. Cela étant, l’ébranlement primitif peut être déterminé par différents phénomènes. L’on a déjà reconnu plusieurs ordres de causes des tremblements de terre; il en est peut-être quelques-unes que nous ignorons et que nous découvrirons un jour.
- On connaît aujourd’hui les tremblements de terre volcaniques, les tremblements de terre A'effondrement, de plissement et de glissement.
- L’EXPOSITION DE BRUXELLES
- EN 1880
- On sait que les Belges ont décidé de fêter brillamment le cinquantième anniversaire de leur indépendance : solennités, réjouissances, se sont succédé, et pendant trois mois au moins, le pays a été en liesse. En même temps, et ceci nous intéresse davantage, des Congrès et des Expositions ont été organisés qui n’ont pas laissé de présenter un réel intérêt ; nous parlerons seulement aujourd’hui de l’Exposition universelle nationale que nous avons eu récemment l’occasion de visiter.
- Notre compte rendu sera bref : on conçoit aisément que, sauf sur quelques points de détail, l’industrie, en deux ans, ne peut pas présenter des modifications profondes, et nous devions nous attendre à retrouver, à peu près, ce que nous avions vu à notre Exposition internationale de 1878. A cet égard, l’effet a bien été ce que nous attendions et, sur bien peu de produits industriels, il nous serait possible de signaler des progrès notables. Dans certaines sections, nous avons retrouvé intégralement les objets exposés à Paris il y a deux ans, sous la même forme et avec la même ornementation.
- Ce n’est pas à dire cependant que cette Exposition de Bruxelles n’ait pas présenté un grand intérêt : le groupement des produits divers ainsi réunis nous a paru produire un tout autre effet que ce que nous avions vu au Champ-de-Mars en 1878. Au Champ-de-Mars, malgré la classification rationnelle qui avait été adoptée, il était difficile, pour ne pas dire impossible, de se rendre compte des productions d’un pays déterminé ; il eût fallu passer d’une galerie à l’autre en cherchant les salles d’une même nationalité, et il était rare que l’on ne fût pas arrêté en
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- LA NATLUE.
- route par quelque objet intéressant. Aussi, malgré le soin que nous avons apporté à nos visites à l’Exposition de Paris, devons-nous avouer que nous ne nous étions pas rendu compte du développement de la presque totalité des industries en Belgique, lia fallu pour que ce développement intégral nous fran-pàt, que les produits belges fussent réunis et que, passant en revue les diverses branches de l’activité humaine, nous vissions qu’un bien petit nombre seulement n’était pas développé chez nos voisins. Autrement dit, nous ne pensons pas que quelle que fût la partie de l’Europe où l’on séparât au hasard un espace de 50 000 kilomètres carrés (exactement 29 455), on pût rencontrer toutes les industries représentées d’une manière aussi intéressante; dans telle région dominerait l’industrie'métallurgique' seule, ailleurs l’agriculture, ici les mines, représenteraient presque en totalité la richesse du
- pays, là ce serait la fabrication des tissus, etc., etc.; mais nulle part, sur une étendue aussi restreinte, toutes ces parties ne seraient représentées avec une aussi grande importance relative et meme absolue.
- Dans ces conditions, nous n’avons pas la prétention de donner un compte rendu complet de l’Exposition de Bruxelles, et nous devons nous borner à quelques indications sommaires.
- Disons d’abord que le palais de l’Exposition fut construit sur le Champ de manœuvre, à une extrémité de la ville (et ce n’est pas la seule ressemblance que l’on pourrait signaler avec notre Exposition universelle) ; que pour y accéder aisément, on dut établir des lignes spéciales d’omnibus et de tramways, et que, sur le chemin de fer de Ceinture, on construisit, rue de la Loi, non loin du Champ de manœuvre, une station spéciale; que les batiments, dont l’ensemble faisait quelque peu penser au pa-
- Vue d’ensemble de l'Exposition de Bruxelles de 1880.
- ! i . - t , > *
- lais du Trocadéro, sont situés dans un parc, oïl, au milieu de parterres remplis de lleurs, se rencontrent des pavillons isolés contenant soit des expositions spéciales, exigeant plus de place qu’on n’avait pu leur en donner dans le palais, soit des cafés ou des restaurants. Les bâtiments comprenaient, rangés méthodiquement, les produits de l’industrie belge ainsi qu’une galerie de l’art industriel rétrospectif d’un grand intérêt (l’Exposition des beaux-arts était réunie dans un bâtiment au centre de la ville). Le plan que nous publions ci-contre représente, d’une façon très complète, les dispositions adoptées. Ainsi que nous l’avons dit déjà, presque toutes les branches de l’industrie étaient représentées d’une manière très intéressante; nous ne sommes pas capable de juger absolument l’ensemble, mais il nous a semblé que les parties faibles de cette Exposition étaient les travaux publics, la marine et les industries scientifiques, appareils de précision, télégraphie, etc. Sur toutes
- les autres branches, nous avons observé des parties vraiment remarquables à des titres divers.
- Parmi les nouveautés qu’il convient absolument de signaler et qui attiraient l’attention, nous devons indiquer les pavillons qui servaient à la correspondance téléphonique et le chemin de fer électrique de Siemens ; mais sur ces deux points, il nous suffit de renvoyer aux articles qui ont été publiés de*jà dans la Natureb
- Nous compléterons cet article, auquel, notî sans dessein, nous nous sommes borné à donner un certain caractère de généralité, par quelques indications statistiques que nous avons recueillies dans une publication faite à l’occasion de l’Exposition.
- La superficie de la Belgique est de 29 455 kilomètres carrés et ses frontières ont un développement de 1358 kilomètres, dont 07 forment la frontière maritime (mer du Nord), 614 la frontière
- 1 Yoy. Tables des matières des précédents volumes.
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- rançaise, T 29 la frontière luxembourgeoise, 97 la lrontière allemande et 451 la frontière hollandaise. Le nombre des habitants, qui était de 5 785814 en 1850, a été évalué à 5470 959 en 1878, soit une
- augmentation de près de 45 p. 100 en 48 ans ; ees chiffres représentent respectivement 129 et 180 habitants par kilomètre carré.
- L’enseignement primaire est donné dans 5729 éta-
- Plan de l’Exposition de Bruxelles de 1880.
- blissements par 11 808 maîtres ; le nombre total des élèves est de 087 749, ce qui correspond, pour 1000 habitants, à 1,05 établissement et à 120 élèves ; la dépense totale annuelle relative à ce service s’élève à 14 025400 francs. L’enseignement secondaire est donné dans 229 établissements, comprenant
- 18 500 élèves, et les subsides correspondants montent à 2416 000 francs. Enfin, il y a pour l’enseignement supérieur : 4 Universités, 2 Universités de l’État (Gant! et Liège, pour lesquelles l’Etat alloue une somme de 1227 500 francs) et 2 Universités libres (Bruxelles et Louvain) ; une Ecole de génie
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- LA NATURE,
- civil et une Ecole des arts et manufactures, à Gand, 5 Ecoles spéciales à Liège et 1 École polytechnique libre à Bruxelles.
- L’agriculture a fait de grands progrès ; en 1846, l’étendue du domaine agricole cultivé était de 1 311000 hectares, la valeur moyenne de l’hectare de 2421 francs et le fermage de 68 francs ; en 1866 les chiffres correspondants étaient de 1703000 hectares, et de 3946 et 102 francs.
- L’industrie de la houille est, comme on sait, une des plus importantes de la Belgique; de 1840 à 1878, les changements suivants ont été signalés: l’étendue des mines a passé de 124000 hectares à 139000, le nombre des ouvriers de 39150 à 99 000, la production de 3 950 000 tonnes à 14 899 000 et la valeur de la houille livrée à la consommation de 46 343000 francs à 147 821 000.
- Sans entrer dans le détail des diverses industries métallurgiques, nous signalerons les chiffres relatifs au fer : la production était de 30 millions de tonnes en 1830, elle atteignait 107 millions en 1878. Le nombre des ouvriers employés dans les usines métallurgiques a passé pendant la même période de 15000 à 38 000. Enfin la force des machines à vapeur, qui, en 1850, représentait pour la Belgique un total de 54500 chevaux-vapeur, correspondait, en 1878, à 568 700 chevaux-vapeur.
- En 1835, la Belgique possédait 20 kilomètres de chemins de fer, ce chiffre s’élevait à 5740 en 1878. Le nombre des voyageurs a passé de 2199 000 en 1840 à40 245000 en 1878.
- Nous pourrions donner encore d’autres chiffres, mais nous craindrions d’abuser de la paiience de nos lecteurs; il nous a semblé cependant que les nombres ci dessus étaient intéressants et donnaient une idée assez exacte du développement industriel d’un petit peuple qui, sur beaucoup de points, a de nombreuses ressemblances avec notre population, mais qui a joui, à tous égards, depuis la création du royaume de Belgique, d’une liberté qui, cela ne nous paraît pas faire de doute, a contribué puissamment à ce développement,.
- * C. M. Gariel.
- CURIOSITÉS NATURELLES DU NEYADA
- (états-unis)
- Un des principaux rédacteurs de l'Eurêka Leader des États-Unis, a publié récemment une notice très intéressante sur plusieurs phénomènes naturels peu communs qu’il a observés dans le Nevada. Nous allons rapidement analyser ce travail :
- La contrée singulière dont il est question, a plusieurs fleuves qui ne se jettent nulle part dans la mer, du moins d’une façon apparente ; leurs eaux disparaissent dans des canaux souterrains. Sur une grand partie de la surface du Nevada, on trouve abondamment des dépôts salins qui indiquent que de vastes mers intérieures l’ont jadis couvert de leurs eaux. Sur une autre région du même
- pays, dans le comté de Lincoln, il existe une source d’une eau glaciale qui bouillonne au-dessus de rochers abrupts et qui disparaît au delà, sans qu’on en connaisse ni l’origine ni le lieu d’écoulement. Un peu plus loin, on observe une autre source bien plus curieuse encore ; elle n’a pas moins de 5 ou 6 mètres carrés, et l’eau qui la constitue s’étend au-dessus d’un fond de sable, qui est situé à 50 ou 60 centimètres de la surface de l’eau. Ce sable paraît au premier abord former un fond consistant, mais quand on le considère avec plus d’attention à travers la couche d’eau transparente, on remarque qu’il est agité d’un mouvement continu. Si on y jette un corps solide, une grosse pierre, par exemple, on la voit disparaître dans ce sable, comme elle le ferait dans une eau profonde. Cette singularité naturelle a été découverte par un voiturier qui, voulant nettoyer la roue de sa voiture, la détacha et la plongea dans cette source ; il fut stupéfait en la voyant s’engouffrer et se perdre tout à coup dans le sable, avec autant de facilité que dans un liquide. On n’a pas encore réussi à mesurer la profondeur de cet abîme.
- Nous ajouterons que les montagnes du Nevada sont, pour la plupart, très abondamment pourvues de grottes, de cavernes et de corridors souterrains d’une grande longueur et d’un très bel aspect .
- CONSERVATION DES ANIMAUX
- ET DES PLANTES
- M. Wickerschenner, préparateur au Zootomical Muséum de Berlin, a découvert un nouveau procédé de conservation des plantes et des animaux, d’une valeur telle que le gouvernement prussien en a acheté le brevet pour le livrer au domaine public.
- Voici un extrait de la spécification de l’inventeur :
- «Je prépare un fluide dont j’imprègne l’objet à conserver de diverses manières, suivant sa nature ou le but qu’on se propose. Les corps d’hommes et d’animaux conservés par ce procédé gardent parfaitement leur forme, leur couleur et leur souplesse, au point qu’on en peut faire des sections plusieurs années après, soit dans un but scientifique, soit dans un but de justice criminelle. Après ce traitement, la corruption et les odeurs malsaines, qui se sont produites cessent complètement. Le tissu musculaire présente, lorsqu’on le coupe, une condition semblable à celle d’un corps frais. Les préparations soignées des parties de choix, telles que ligaments, poumons, intestins, etc., conservent leur souplesse et leur flexibilité, et les parties creuses peuvent même être gonflées. On peut remuer impunément les parties d’hé-minoptères, de crustacés et de vers ainsi préparés sans exception. On peut conserver parfaitement, si on le désire, les coideurs des plantes et des animaux.
- « Le liquide préservateur se prépare de la manière suivante : Dans 3000 grammes d’eau bouillante, faire dissoudre 100 grammes d'alun, 25 grammes de sel commun, 12 grammes de salpêtre, 60 grammes de potasse et 10 grammes d’acide arsénieux. À 10 quarts de liquide neutre, incolore et inodore, ajouter 4 quarts de glycérine et 1 quart d’alcool méthylique. Le procédé de conservation qui est applicable aux cadavres d’hommes et d’animaux, ainsi qu’aux végétaux, au tout ou aux parties, consiste d’une manière générale, à faire tremper les objets à
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- LA NATURE.
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- conserver dans le mélange et à les en imprégner. Si les préparations doivent être conservées à l’état sec, il faut les laisser dans le fluide de six à douze jours, suivant les dimensions, et les faire ensuite sécher à l’air. Les ligaments des squelettes, les muscles, les crustacés, le licmi-noptères, etc., resteront ainsi mous et flexibles, de façon à leur faire produire en tout temps tous les mouvements désirables. Si l’on veut conserver des animaux plus petits, tels que lézards et grenouilles ou des végétaux, sans changer leurs couleurs, il ne faut pas les faire sécher, mais les laisser dans le liquide. Si les cadavres d’hommes ou de hêtes doivent n’ètre utilisés, dans un but scientifique, qu'après un temps considérable, il suffit de les injecter dans le liquide conservateur. Dans ce but, j’emploie, suivant la grandeur de l’objet, un litre et demi de liquide pour un enfant de deux ans, et cinq litres pour une grande personne. Les muscles, même après des années, auront l’aspect frais quand on les coupera. Si les corps injectés sont tenus à l’air, ils perdront leur apparence fraiche, et l’épiderme deviendra un peu brun, ce qu’on peut éviter en frottant le corps à l’extérieur avec le liquide et l'enfermant dans une caisse à l’abri de l’air. On recommande la dernière méthode pour les cadavres qui doivent être gardés quelque temps avant d’être ensevelis; au lieu d’avoir le triste aspect ordinaire, ils auront les traits et les couleurs frais et inaltérés, et ne donneront pas la moindre odeur 1. »
- PLAN INCLINÉ DE PITTSBURGH
- (ktats-ü.ms)
- La ville de Pittsburgh, aux États-Unis, (listante de Philadelphie de 566 kilomètres, est située sur une langue de terre comprise entre les deux rivières Allegheny et Monogahela, qui se réunissent là pour former l’Ohio. Grâce à sa position tout à fait favorable, elle est en relation au moyen de ces trois rivières avec les principaux comtés du centre des Etats-Unis, et elle était déjà depuis longtemps le plus grand entrepôt de toute la région avant d’être devenue le centre de la production houillère et métallurgique. Elle a été colonisée au siècle dernier par les Français ; mais elle fut cédée aux Anglais après une longue suite de combats qui avaient été néanmoins glorieux pour la France et dans lesquels Washington fit ses premières armes. Les habitants du pays n'en ont pas perdu le souvenir, et le for Duquesne, auprès du mont Washington, y conserve le nom du vaillant officier qui s’y est illustré.
- Aujourd’hui Pittsburgh, la ville du fer, comme on l’appelle, même aux États-Unis, consacre la plus grande partie de son activité à la fabrication de ce métal et l’extraction de la houille; elle ne compte pas moins de 68 compagnies houillères, qui extraient annuellement plus de 5 100 000 tonnes de charbon de terre ; les usines métallurgiques occupent près de 20 000 ouvriers, et la ville renferme en outre 1844 manufactures diverses occupant 34 200 ouvriers.
- Elle n’était qu’un petit village, lorsque Fulton y lançait en 1816 le premier bateau à vapeur sur l’Ohio; mais elle a pris en pende temps un accroissement extraordinaire, même aux États-Unis, et elle compte aujourd’hui plus de 86 000 habitants. Si même ou y ajoute la ville d’AUegheny, qui en est séparée seulement par la rivière, on obtient un total de 150 000 habitants, dont un quart sont des Allemands ou des Irlandais émigrés. Pittsburgh est devenu en outre le centre d’un réseau fort important de chemins de fer, et on n’a pas oublié la terrible grève de mécaniciens qui s’y déclara il y a deux ans, et qui aurait pu, en se développant, metti e en péril l’existence de l’Union elle-même.
- Comme la vallée de la rivière se trouve limitée à une faillie distance par le mont Washington, dont la hauteur surpasse 120 mètres, la ville a dù chercher à le franchir dans son mouvement d’expansion; des quartiers nouveaux se sont établis sur le sommet de la montagne, et comme les lianes en sont tout à fait abrupts, il eût été difficile d’y établir une route; il a donc fallu avoir recours aux moyens mécaniques pour assurer la facilité des communications entre les deux parties de la ville. Quatre plans inclinés ont déjà été construits à cet effet pour franchir le mont Washington; celui que nous représentons ici a été installé non loin du fort de ce nom par la Compagnie Duquesne. Il est établi complètement en ligne droite sur une longueur de 241 mètres et présente une pente constante très considérable de 30° 1/2, inférieure de 2° seulement à celle du plan du Vésuve. La traction est opérée à l’aide d’une machine fixe installée au sommet du double plan, par l’intermédiaire d’un câble de traction à double effet dont une extrémité emmène le wagon montant, tandis que l’autre soutient le wagon descendant. Cette disposition permet d’utiliser comme on sait le poids de ce dernier, et de diminuer l’effort moteur. L’installation générale du plan incliné diffère peu d’ailleurs de celle des plans de la Croix-Rousse et de Fourvières, à Lyon, dont nos lecteurs ont déjà lu la description1.
- La voie est formée à la partie inférieure d’un viaduc en 1er d’une longueur de 110 mètres, audacieusement appuyé sur la colline et jeté par dessus la voie ferrée, dont on voit les wagons au niveau du sol. Les rails sont formés par des fers à té pesant 6 kilogrammes par mètre. L'écartement des rails est de 4m,52 et la largeur totale de la voie est de 6 mètres, ce qui laisse un écart de 0m,90 entre les véhicules qui se croisent.
- Le wagon du plan de Pittsburgh, d’un cachet tout à fait américain, est représenté dans la figure 2 ; on voit qu’il diffère tout à fait de ceux des plans européens, car on a ramené le châssis à se trouver tout à fait horizontal en le relevant à l’arrière au-dessus d’une grande caisse vide dans laquelle on peut loger les bagages. Les vingt-cinq places que la
- 1 D’après le Moniteur scientifique <lu docteur Quesncville.
- 1 Yoy. ri° 302 du 13 mars 1879, p. 227.
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- LÀ N A T U H K.
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- voiture renferme, veau sur le plancher.
- Le càlile de traction est en acier, d’une longueur de 274 mètres, et il peut supporter tans rupture un effort dix fois supérieur à celui qu’il exerce en service courant. l)’ail!eurs s’il venait à se rompre ou même seulement à s’allonger fortement, un second câble de sécurité, qui se déroule avec lui, entrerait immédiatement en action et maintiendrait le wagon immobile sur la pente. Le câble de traction s’enroule au sommet du plan sur un grand tambour de 50 centimètres de diamètre, portant des rainures tracées à l'avance. Sur la voie, le câble est supporté par des galets en bois de caroubier répartis à égale distance des rails. Le mécanicien n’accompagne pas la voiture eu marche, il la dirige seulement à distance dans des conditions assez curieuses : il reste constamment placé dans une cabine située au sommet du plan, comme l’indique la figure; et de là il peut surveiller toute l’étendue de la voie, et prévenir les accidents. 11 a auprès de lui, en effet, deux leviers à sa disposition, au moyen desquels il peut immédiatement renverser
- occupent ainsi le même ni- j machine motrice ou l’arrêter au besoin. Une pédale
- placée sous ses pieds lui permet également d’agir sur un frein capable d’arrêter par son frottement ?e tambour en marche. La machine motrice présente une force totale de 70 chevaux ; elle actionne le tambour moteur par l’intermédiaire d’un pignon de 70 centimètres de diamètre.
- La durée du voyage est plus faible qu’au plan du Giessbach , dont la longueur est peu différente : elle est de deux minutes seulement. Le plan incliné de Pittsburgh a été construit il y a deux ans environ ; il a exigé une dépense de 1200 000 fr., et depuis cette époque, il n’a pas transporté moins de 50 voyageurs pour
- 1. Le plan incliné de Pittsburgh, aux États-Unis.
- mille
- Fig. 2. Détails du wagon.
- le mouvement de la | surveillant de la voie.
- la somme de 6 cents (30 centimes). Les journaux américains ont soin de signaler que malgré ce nombre élevé de passagers, il ne s’est jamais produit aucun accident. L’activité de la circulation dans la ville oblige à conserver ce plan en activité pendant dix-neuf heures chaque jour, avec un personnel de cinq hommes, comprenant deux mécaniciens chargés à tour de rôle de la conduite des trains, un chauffeur, un conducteur , .ainsi qu'un L. Bâclé.
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- L’ENSEIGNE MENT DE L’OPTIQUE
- GKOMKTIUQIJE
- A I.V FACUI.TÉ DE MÉDECINE DE PAISIS
- (Suite et lin. — Vov. p. 2HÔ.)
- Dans tons les appareils que nous avons précédemment décrits, les rayons lumineux étaient représentés par des baguettes mobiles, et c’est ce qui rendait avantageux et pratique le maniement de ces tableaux, mais c’est aussi ce qui en constituait le
- caractère exclusivement schématique. Au point de vue expérimental restait toujours une lacune, et de vaines tentatives avaient été faites jusqu’alors pour produire directement avec la lumière elle-même les diverses ligures de l’optique géométrique. A peine, était-on parvenu à rendre visible, dans l’air chargé de poussières ou dans certains liquides opalescents, le trajet de faisceaux assez larges. En sorte qu’on était toujours réduit, après avoir dessiné ceux-ci théoriquement en sections longitudinales, à n’en mohtrer expérimentalement que des sections transversales sur un écran promené le long de leur parcours. Sans parler de la monotonie inévitable d’un procédé qui n’étudiait les phénomènes que par
- Appareil de M. G. M. Gariel pour l’enseignement de l’optique géométrique (cours de la Faculté de médecine de Paris).
- points et n’en pouvait donner aucune vue d’ensemble, il est malheureusement trop vrai que l’emploi simultané du double système de coupes, et le désaccord apparent qui en résulte entre les dessins des livres et les expériences du professeur, constitue souvent une difficulté très réelle pour beaucoup d’élèves incomplètement familiarisés avec les conceptions abstraites et les figurations conventionnelles de la géométrie.
- 11 y avait là un problème très important à résoudre au point de vue de l’enseignement élémentaire, et c’est à la suite de longues recherches poursuivies presque concurremment, mais d’une manière tout à fait indépendante, que M. Rosenberg à Saint-Pétersbourg, M. Gariel à Paris, en ont donné, vers 1878, deux solutions diversement heu-
- reuses. Le dispositif assez compliqué de M. Rosenberg figurait à la section russe de l’Exposition universelle et aboutissait à projeter sur le sol même de la chambre noire les ligures lumineuses objets des démonstrations. Ce procédé fort ingénieux, mais nécessairement restreint, n’était applicable que devant un petit nombre de spectateurs, tandis qu’avec des moyens beaucoup plus simples, à la Faculté de médecine de Paris, M. Gariel obtenait à son cours de 1878-1879 des résultats tout aussi satisfaisants et parfaitement visibles au public de tout un amphithéâtre. La méthode consi$te essentiellement à couper suivant l’axe, au moyen d’un écran vertical en verre dépoli, le faisceau horizontal que produit, avec la lumière de Drummond, la classique lanterne de projections. L’on obtient ainsi
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- mie trace lumineuse que la propriété diffusive du verre dépoli rend visible dans toutes les directions et que l’on peut diviser, au moyen d’un carton percé de fentes, en autant de pinceaux aussi fins que l’on désire. Si l’on a soin de munir d’un diaphragme à fente horizontale la bonnette même de la lanterne, on peut obtenir, sans trop perdre en éclat, toute la netteté voulue, et il ne reste qu’à interposer à des distances variables une lentille biconvexe, pour avoir à volonté sur l’écran, ou de larges faisceaux, ou de véritables rayons, parallèles, ou convergents, ou divergents.
- Une fois produits ces rayons ou faisceaux, on peut, après les avoir interceptés sur la face antérieure de l’écran, les soumettre sur la face postérieure à toutes les manipulations possibles, en les reprenant au moyen de pièces accessoires taillées de manière à s’appliquer en tranche sur le verre dépoli, et à présenter en section normale la figure même des schémas dessinés au tableau par le professeur : demi-miroirs ou demi-lentilles concaves et convexes, ou, plutôt, miroirs et lentilles cylindriques; voilà, avec quelques prismes ordinaires à large base, tout ce qu’il faut pour reproduire lumineusement toutes les figures théoriques de la réflexion et de la réfraction, depuis la loi élémentaire des angles jusqu’aux plus hautes combinaisons des instruments d’optique.
- Autant le principe est simple, autant l’application est facile, une fois réglées, avec un peu d’habitude, les distances réciproques de l’écran, de la lentille et de la lanterne. L’écartement de ces deux dernières sera généralement peu différent de la longueur focale de la lentille, et, pour l’écran, s’il est toujours bon d’incliner un peu la face postérieure sur la direction du faisceau, la distance ne dépendra guère que du point précis d’où l’on voudra faire partir les rayons. Les seules pièces un peu spéciales sont les miroirs et les lentilles cylindriques de dimensions appropriées que construit maintenant, avec son habileté ordinaire, M. I)u-boscq, en même temps que toutes les autres pièces de l’appareil représenté par la grande figure ci-contre (p. 529).
- A l’écran fragile et peu maniable des premiers essais, a été substituée une belle glace dont l’encadrement n’a pas seulement pour avantage de garantir la stabilité sur un pied portatif, mais aussi d’empêcher la lumière, sans que l’on ait à s’en préoccuper, de marquer sur la face non dépolie, qui est tournée du côté du public. Un petit écran métallique à trois fentes, que l’on peut réduire à deux ou à une, est porté par le cadre lui-même, d’où il peut se détacher à volonté pour être monté à part dans certaines circonstances, comme quand on veut, par exemple, faire naître du bord même de la glace un faisceau divergent, sans laisser voir la partie convergente. Lorsque la source lumineuse est assez intense pour supporter un certain affaiblissement, on ajoute à chaque fente un verre mince
- de couleur, et l’on donne ainsi à chacun des rayons une individualité propre, qui permet de le suivre dans toutes les inflexions et les entre-croisements que lui imprime la main du professeur.
- 11 faut évidemment, comme pour les autres expériences d’optique en général, que l’obscurité soit faite aussi complètement que possible dans l’amphithéâtre; mais alors, c’est un spectacle véritablement frappant que de voir, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire et surtout pour le peindre, obéir au moindre geste de l’opérateur et se plier aux enchevêtrements les plus compliqués, ce trait de feu, cette apparence brillante et fugace, et toujours insaisissable jusqu’alors, qu’on appelle un rayon de lumière. 11 est impossible d’oublier, une fois qu’on en a eu le spectacle, l’élégance et la finesse de certains caustiques; on voit se produire, avec la netteté géométrique des dessins des livres , à peine estompée de quelques tons plus doux, les effets d’ombres et de pénombres, aussi bien que de chromatisme et de dispersion. Le déplacement parallèle que donne une lame épaisse n’est pas moins visible que la déviation angulaire des prismes, et l’on peut rendre le phénomène plus évident encore en laissant échapper, comme dans les expériences de Newton sur le spectre, une partie du faisceau, qui marque en ligne droite le trajet primitif non dévié.
- Rien n’empêche d’ailleurs, en substituant au chalumeau simple un bec double, de profiter, ainsi que le montre la figure, de l’ouverture latérale que la lanterne Duboscq, pour faire marcher simultanément, dans deux directions perpendiculaires, les deux systèmes de démonstration, l’ancien qui donne les sections transversales, le nouveau qui montre les sections longitudinales. Par l’emploi d’un diaphragme à un ou plusieurs trous ou à fente, suivant les circonstances, l’on fait toujours concorder avec les grandes figures de l’écran de verre, les coupes beaucoup moins remarquables que donne l’écran à main sur le faisceau perpendiculaire. Il n’y a pas lieu d’insister sur des dispositions bien connues; il suffisait d’indiquer comment elles peuvent se combiner avec les autres pour leur prêter un nouvel appui, en même temps qu’elles en reçoivent une clarté nouvelle.
- Ajoutons enfin à tout cet ensemble systématique une cuve en demi-cylindre à axe horizontal, dont on fait couper la base dépolie par un faisceau en nappe qu’un mécanisme spécial renvoie constamment vers le centre, et nous pourrons reproduire, avec un magnifique éclat, tous les phénomènes de réfraction et de réflexion à l’intérieur des liquides, tels que les représentait schématiquement un appareil décrit dans notre premier article. En vérité, ce ne sera jamais trop de toute cette insistance expérimentale et démonstrative sur une foule de points importants et délicats; et si nous en jugeons parle succès qu’ont eu, l’année dernière, au Congrès scientifique de Montpellier, et plus récemment, à la
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- grande Réunion annuelle de la Société de Physique, les appareils de M. Gariel, nous ne pouvons douter que l’usage ne s’en répande bientôt partout où se sera fait sentir l’insuffisance des anciens procédés dans l’enseignement public.
- Adrien Gukbhard.
- PRÉVISION DES ÉPOQUES
- DES GRANDS TREMBLEMENTS DE TERRE
- II résulte d'un travail présenté par nous à l'Académie des sciences, que la majeure partie des phénomènes de météorologie cosmique et terrestre paraissent dus aux passages des planètes à travers les essaims de météores.
- Nous sommes parvenu à énoncer ce grand principe par l’étude des tremblements de terre. Les lois qui régissent ces derniers seraient, d’après nous, les suivantes :
- 1° Les grandes tempêtes sismiques semblent dues aux passages des grosses planètes à travers les essaims cosmiques. H y a surtout lieu de noter les passages à travers des essaims placés aux longitudes moyennes 155 et 265°; ce§ essaims paraissent être les mêmes que ceux que la Terre rencontre chaque année en août et en novembre.
- 2° Les passages de Vénus, de la Terre et de Mars à travers les essaims cosmiques ne semblent donner lieu qu’à des tremblements de terre d’un ordre secondaire; chacune de ces planètes occasionne néanmoins une recrudescence de tremblements pendant les mois d’août et de novembre.
- 5* Les plus fortes et longues tempêtes sismiques semblent avoir lieu lorsque deux grosses planètes passent en même temps par des essaims cosmiques; telles sont les tempêtes des années 1755, 1783, 1*29 et 1841.
- 4° Certains essaims cosmiques paraissent animés d’un lent mouvement d’oscillation autour d’une position moyenne.
- Ces lois posées, rien n’était plus facile que de prédire les époques des grands tremblements de terre; nous donnons ci-après ces époques jusqu’en 1920 :
- 1885. 5; 1886, 3; 1886,5; 1888, 6; 1890, 0; 1891, 7; 1895,3; 1898,5; 1898,5; 1900,5; 1901, 7; 1907,0; 1910, 2; 1912,1; 1913, 4; 1914, 7; 1918, 8: 1920, 0.
- Comme époques particulièrement agitées, nous aurions, par suite, les groupes d’années :
- 1886, 1890-1891, 1898, 1900-1901; 1912-1915-1914, 1919-1920.
- La prochaine, tempête sismique serait due à la rencontre de Jupiter et de l’essaim d’août; la date de 1883, 5, serait celle du commencement du phénomène.
- J. Delàuney.
- —=>-0 <—
- BIBLIOGRAPHIE
- Études économiques sur l'exploitation des chemins de fer, par Jules de la Gournerie. 1 vol. in-8°, Paris, Gau-thier—Villars, 1880.
- Des applications du téléphone et du microphone à la physiologie et à la clinique, par le docteur M. Boudet de
- Paris. 1 vol. in-8°, Paris, Librairie des sciences médicales, veuve Frédéric Henry, 1880.
- Dictionnaire de chimie pure et appliquée, par Ad. Wurtz. Supplément, 2* fascicule, contenant les mots compris entre Aniline et Acide benzoïque. 1 livraison in-8°, Paris, Hachette et Cie.
- Considérations sur le genre « Arme » et les operculés terrestres, par le marquis L. de Folin. I broch. in-8°, avec planche, Bordeaux, imprimerie J. Durand, 1880.
- Esquisse d'un programme destiné à la session que l’Association française pour l’Avancement des sciences doit tenir à Alger en 1881. 1 broch. in-18, Alger, typographie Borner.
- Sobre el Cometa de Febrero de 1880, par Benjamin A. Goui.d, director del Observatorio Nacional Argentine). 1 broch. in-8°, Buenos Aires, 1880.
- Ueber die Phosphorescenz der organischen und orga-nisirten Kœrper, von prof, doctor Br Radziszewski. 1 broch. in-18. Besonderer Abdruck aus Justus Liebig’s Annalen der Cliemie. Giessen, Druck von Wilhelm Relier, 1880.
- LES CRANES DES RACES HUMAINES
- PAR MM. DE QOATREFAGES ET HAMY1
- LES RACES NÈGRES
- Aussi loin que nous puissions remonter dans l’iconograpbie anthropologique, nous rencontrons les Nègres. Dès la dix-huitième dynastie égyptienne (1700 ans avant notre ère), les artistes de l’Égypte représentaient cinq races nègres au moins, et, chose remarquable, ils figuraient déjà ces Nègres d’un teint rouge brun que les derniers voyageurs ont retrouvé dans la région des grands Lacs.
- Les Grecs, les Romains, les Assyriens, les Babyloniens et les Persans ont également figuré sur leurs monuments des types nigritiques, bien qu’aucun de ces peuples n’ait eu sur l’Afrique des connaissances aussi étendues que les Egyptiens. « En combinant l’examen de tous les monuments que nous a laissés l’antiquité, on parvient à constater que ses notions sur les Nègres de l’Afrique et de l’Asie étaient très étendues, mais que ni l’une ni l’autre de ces branches du tronc noir n’a été l’objet d’une étude vraiment scientifique. »
- La période scientifique commence à peine à la fin du seizième siècle. MM. de Quatrefages et Hamy
- 1 La seconde partie du bel ouvrage Crania ethnica, dont nous avons précédemment annoncé la publication, est consacrée à l’étude des races humaines actuelles. Elle commence par un chapitre sur l’histoire de la craniologie ethnique en partie reproduit dans ce journal. Dans un second chapitre, les auteurs exposent les tentatives faites depuis le milieu du seizième siècle pour arriver à une classiticatiou des races humaines. Après ces préliminaires, MM. de Quatrefages et Hamy abordent l’étude des races nègres. C’est à cette partie du livre que nous avons emprunté les documents de la notice ci-jointe.
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- LA NATURE.
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- énumèrent rapidement les principaux travaux relatifs à l’étude des crânes des races nègres. Parmi les auteurs qui ont étudié ce sujet, nous n’en citerons qu’un, le plus ancien, Albert Durer, qui, dès 1525, esquissait un profd nigritique encadré dans un système de lignes dont une oblique et une horizontale formant à leur rencontre un véritable angle facial.
- Passant à l’étude des races nègres en particulier, les auteurs des Crania ethnica commencent par les Nègres océaniens, et prennent pourpoint de départ dans cette branche, la race la plus brachycéphale, les Négritos.
- La race négrito proprement dite, découverte d’abord aux Philippines, a été retrouvée dans l’intérieur de la presqu’île de Malacca, les îles de la
- Sonde, et jusque dans les îles Andaman. M. Hamy a même pu suivre le type négrito dans l’intérieur de l'Inde, etc.
- Le crâne négrito pur (fig 4) est sous-brachycéphale (indice 81,79 en moyenne); sa capacité varie entre 1510 et 1555 centimètres cubes. La courbe occi-pito-frontale, assez i*égulière, présente une dépression sur le front, une autre vers le tiers postérieur de la suture sagittale et une ondulation au niveau du bregma; à partir de la protubérance occipitale, elle s’infléchit brusquement en dessous. Le frontal, étroit en avant, est bien développé dans le sens antéro-postérieur ; le peu de longueur du crâne tient à la brièveté des pariétaux et de l’occipital.
- Dans la face, on remarque des bosses sourcilières
- < e
- peu accusées, un espace interorbitaire relativement considérable, un nez d’une forme spéciale et peu saillant. Les orbites sont grands, presque carrés, la fosse canine peu marquée, le prognathisme très accusé n’intéresse que la région alvéolaire moyenne du maxillaire supérieur. L’ensemble de la face est médiocrement allongé (indice facial 67,17 en moyenne).
- Les Mincopies, qui habitent les îles Andaman, dans le golfe du Bengale, avaient déjà été étudiés par M. de Quatrefages. La description qu’on en trouve dans les Crania ethnica confirme ce qu’en -"avait dit notre éminent maître, à savoir que les Mincopies ressemblent complètement aux Aétas des Philippines. Ils n’en diffèrent guère que par une élévation un peu plus grande du crâne, comme on peut facilement le voir sur les esquisses superposées qu’on trouve dans le texte.
- Dans les montagnes de l’Inde et de l’Indo-Chine, dans la péninsule malaise, vivent encore des Négritos, dont l’ouvrage que nous analysons résume fort complètement l’histoire. Dans les îles de la Sonde, cette race est à peu près éteinte, mais elle semble reparaître à Timor, et une tète de cette île (fig. 5), qui existe dans la collection du Muséum, reproduit, à part quelques détails de son ossature faciale, tous les caractères des têtes mincopies. Enfin, un crâne élégamment ciselé provenant de Bornéo et qui appartient au Musée de Lyon, reproduit encore tous les caractères du type négrito (fig. 1 et 2).
- L’examen détaillé de douze crânes de l’intérieur de la Nouvelle-Guinée, de Rawak, de Boni, de l’ile Tuod et d’Amberbaki ont permis aux auteurs de reconnaître sur ces différents points l’existence d’une race intermédiaire entre les Négritos et les ' Papouas et que pour cette raison ils ont désigné
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- LA NATURE.
- O O.)
- sous le nom de race négrito-papoue. Les crânes appartenant à ce type intermédiaire (fig. 5) s’allongent un peu et leur indice moyen descend à 80,15. L’indice facial monte à 67,17; le prognathisme maxillaire est beaucoup plus accusé que chez les Négritos. Quelques-unes de ces tètes négrito-papoues ont été déformées artificiellement.
- La race négrito-papoue forme, à certains égards,
- une transition entre les Négritos proprement dits et les Tasmaniens, dont vient ensuite une description basée sur l’étude des nombreux crânes que possèdent la collection du Muséum de Paris, celle de Londres, de Shelton, etc. Mais, comme pour toutes les autres races décrites dans les Crania, les auteurs n’ont point négligé les travaux publiés avant eux et à l’étranger, de sorte que leur déter-
- Fig. 3.
- Crâne de Négrito des Philippines.
- Crâne de Mincopie des îles Andaman
- Crâne de Négrito papou de Rawak.
- mination du type tasmamen repose sur un nombre suffisant de documents. Les portraits connus, les moulages d’individus vivants ont également été mis par eux à contribution.
- Comme on le sait, la malheureuse race tasrria-nienne a aujourd’hui entièrement disparu : Truga-nina, la dernière représentante de cette race qui comptait au siècle dernier 7000 individus, est
- ?- •
- Fig. 0.
- Crâne de Tasmanien.
- Crâne de Papoua Mafor.
- morte en 1877. Ce sont les Anglais qui, grâce à la guerre féroce qu’ils déclarèrent aux Tasmaniens, réussirent à les anéantir.
- Par une foule de caractères, les Tasmaniens se différencient des autres nègres océaniens, et l’étude des crânes permet d’en faire une race spéciale, remarquablement homogène, malgré les différences de langage que présentaient, dit-on, les diverses tribus (fig. 3 à 8).
- Le crâne tasmanien (fig. 6), dont l’indice varie de 77,10 (tribus du sud) à 76,34 (tribus du nord), pré-
- sente une capacité moyenne de 1420 centim. cubes pour les hommes, capacité notablement supérieure à celle des crânes nègres en général. Il présente une forme spéciale, dite en carène,' qui semble exister chez tous les Tasmaniens adultes. Cette forme résulte de la disposition des bosses pariétales, qui sont très fortes, comme coniques, et placées à égale distance des sutures coronale et lambdoïde. Entre ces éminences existe, de chaque côté de* la suture sagittale, logée elle-même dans un sillon," une gouttière antéro-postérieure qui contribue à donner au crâne sa
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- LA NATül{li
- fora* si caractéristique. Du développement si considérable des bosses pariétales, il résulte que, au-dessous d’elles, le crâne descend sans se rentier, le diamètre transverse maximum se trouvant à peu près à leur niveau.
- La courbe antéro-postérieure se développe régulièrement jusqu’à l’écaille de l’occipital, qui est très renilée, de sorte qu’à ce niveau, la courbe s’in-lléchit légèrement en dessus ; à la hauteur de la crête occipitale, elle s’inlléeliit parfois brusquement en dessous. Ajoutons, pour terminer ce qui a rapport au crâne, que le front est un peu étroit.
- La face est peu élevée et offre des formes, brutales. Les arcades sourcilières sont très saillantes et paraissent encore plus fortes qu’elles ne le sont, à cause de l’enfoncement que présente la racine du nez. Les os nasaux,convexes et pincés dans le haut, se creusent profondément dans leur partie moyenne, puis se relèvent et s’aplatissent quelque peu en avant. L’ouverture nasale, très large, dessine presque un triangle équilatéral. L’indice nasal (62,74) est le plus fort mesuré jusqu’à ce jour.
- Le maxillaire supérieur est notablement prognathe, mais les dents, beaucoup moins obliques que l’os, descendent même parfois verticalement. Elles présentent des dimensions considérables, surtout les incisives médianes, qui atteignent jusqu’à 15 millimètres de hauteur, à partir du collet, et H millimètres de largeur.
- La branche horizontale du maxillaire inférieur est robuste et épaisse, tandis que la branche montante est mince et étroite. La mandibule est très courte, de sorte que les dents sont obligées de se porter très obliquement en avant pour rejoindre celles du maxillaire supérieur. Enfin, le menton est assez fuyant.
- A part les caractères ostéologiques, les caractères extérieurs permettraient également de distinguer les Tasrnaniens des Australiens, des Papous et des Négritos; mais c’est un point sur lequel nous ne voulons pas insister.
- P1 11. Veiîjneaü.
- — La suite prochainement, —
- CHRONIQUE
- Le photoplionc d’articulation à Paris. —
- M. Graham Bell a reçu le complément de son merveilleux appareil dans le courant de la semaine dernière. Le vendredi 15, une première série d’expérimentations préliminaires a eu lieu dans les ateliers de la maison Bré-guet, 81, boulevard Montparnasse. M. Graham Bell avait bien voulu nous adresser lui-même une invitation. Un très petit nombre de personnes assistaient à ces expériences, qui étaient faites avec le concours du jeune frère de M. Bell et de M. A. Bréguet. Le photophone d’articulation a été mis en action à l’aide de la lumière électrique ; cet appareil a rempli d’admiration et d’étonnement tous ceux qui ont pu constater avec quelle précision il fonc-
- tionnait. Les paroles prononcées par M.Bell dans le, transmetteur étaient entendues à un étage supérieur par ceux qui appliquaient à leur oreille un téléphone mis en relation avec le récepteur. Le récepteur et le transmetteur, séparés par l’espace compris entre les deux murs les plus éloignés d’une des plus grandes salles de la maison, n’avaient d’autre lien, comme nous l’avons indiqué précé-demrnenl *, qu’un simple rayon de lumière! Cette séance a été renouvelée dans la même localité, le dimanche suivant, 17 octobre, et pendant plus de deux heures consécutives, un grand nombre d’invités, parmi lesquels des savants, des physiciens, des constructeurs, des ingénieurs, ont pu voir et enlendre le photophone articulant. M. Graham Bell a fait fonctionner lui-même ses appareils, les montrant et les expliquant avec une obligeance et une bonne grâce que tout le monde à pu remarquer. Le lendemain, comme on le verra un peu plus loin, M. Antoine Bréguet au nom de l’inventeur, a présenté le photophone d’articulation à l’Académie des sciences, où se trouvaient réunis un nombre d’auditeurs beaucoup plus considérable que de coutume. Dans le courant de la semaine, M. Graham Bell a été reçu par M. le Ministre de l'Instruction publique, avec lequel il a eu un long entretien. Nous ajouterons que quelques soirées ont été données en son honneur dans le monde scientifique. On comprendra que M. Bell, après avoir fait de si étonnantes découvertes, excite la curiosité générale. Tout le monde veut voir celui qu!un de nos spirituels confrères a si bien appelé : l'homme qui fait parler la lumière.
- Emploi du coton et de la paille pour la construction des maisons aux États-Unis. —
- L’Amérique, qui ne doute de rien en matière d’inventions, à qui l’on doit la création de cette curieuse substance, le celluloïd, dont les applications sont aujourd’hui très répandues, vient encore de donner une idée de l’infatigable esprit de recherches de ses inventeurs, en créant le coton à bâtir et les bois de paille artificiels.
- On se sert du coton vert de qualité inférieure, des débris épars dans les plantations, même des balayures des fabriques, enfin de tout ce qui est jeté comme rebut, et on en fait une pâte qui acquiert, dit-on, la solidité de la pierre. On ne dit pas comment se fait le traitement de la matière pour l’amener à un pareil résultat ; ou dit seulement que le coton architectural est enduit à l’extérieur d’une substance qui le rend imperméable. 11 faudra désormais, pour construire entièrement une maison de coton, moitié moins de temps que pour ériger une maison en briques; elle sera à l’épreuve du feu, tout aussi solide qu’une construction en pierre et coûtera trois fois moins.
- Mais ce n’est pas tout; les charpentes seront faites avec de la paille de blé. Ce bois artificiel, excessivement dur, au dire de l’inventeur américain, est obtenu de la manière suivante : la paille est d’abord transformée en feuilles de carton par les procédés ordinaires des papeteries; puis les feuilles empilées sont traitées par une solution qui durcit les fibres, et finalement, par une compression énergique au laminoir, on obtient un produit ayant toutes les qualités des bois de construction. Le traitement chimique subi par la matière la rend imperméable et dillicilement combustible.
- (The Journal of applied Science.)
- Rectification de la circonférence. — Il ne
- manque pas de méthodes qui permettent de développer
- 1 Yoy. la Nature, n° 585 du 2 octobre 1880, p. 2754
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- LA NATLUE
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- en ligne droite, par des procédés graphiques, la longueur de la circonférence avec une approximation bien su.'fi-sante en pratique. Voici trois solutions nouvelles à ajouter à la collection :
- 1° M. Wheclcr, de San Francisco, a démontré que la somme des cotés dû pentagone inscrit, augmentée de la moitié de l'apothème dudit pentagone, est égale à 3,141136 d [d étant le diamètre de la circonférence).
- !i0 M. llajnis, de Prague, et M. -Wiedmann, de Saint-Pétersbourg, ont trouvé en môme temps que si l’on ajoute à trois fois le rayon le dixième du côté du carré inscrit, on obtient une longueur égale à 3,141421 r (r étant le rayon de la circonférence).
- 5° M. Ajnis, de Prague, est arrivé à la construction suivante, qui donne la plus grande approximation en s’en tenant aux chiffres. A l’extrémité d’un diamètre, sur la tangente, on porte trois fois la longueur du diamètre. Au centre on mène un rayon faisant avec le diamètre un angle de 30° et au point de rencontre avec la circonférence, on abaisse une perpendiculaire sur le diamètre. En joignant le point de rencontre de cette perpendiculaire et du diamètre au point où sur la tangente aboutit la longueur de trois diamètres, on obtient une longueur égale à 5,141738 d. Ces recherches ingénieuses ne nous semblent pas avoir en pratique grande utilité.
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- Le troisième Congrès international des sciences géographiques aura lieu à Venise en septembre 1881. Le gouvernement italien a résolu de demander à la Chambre des députés un crédit de 50 000 francs pour la coopéra-tion de l’Jtalie à cet intéressant Congrès scientifique.
- —Les pêchers de Montreuil, dont la réputation est universelle, ont été ravagés cette année par une petite chenille verte qui en a dévoré toutes les feuilles. Un autre ennemi des arbres utiles a exercé ses ravages dans la même localité; c’est un champignon du genre Rhizopora, qui envahit les racines des pêchers et des amandiers, accomplit lentement son œuvre de destruction, de sorte que des arbres qui paraissaient vigoureux, succombent presque tout à coup.
- — 11 suffit, pour se rendre compte du développement prodigieux de l’industrie des États-Unis, de citer deux chiffres relativement à la fabrication de l’acier Bcssemcr dans ce pays. En 1808, la fabrication de cet acier atteignait à peine 2550 tonnes. En 1878 elle a dépassé 550 000 tonnes.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 18 octobre 1880. — Présidence de M. Wurtz.
- Lephotophone.—L’appareil qui permet à M. Bell de transmettre, à l’aide d’un rayon de lumière, des sons articulés, est enfin arrivé, et M. Antoine Bréguet le présente à l’Académie. La communication du jeune physicien est certainement l’événement de la séance, et tous les membres de la savante Compagnie l’accueillent avec le plus vif intérêt. Tout le monde est si bien captivé par la grandeur du sujet, que les usages académiques en sont momentanément oubliés et qu’une conversation très intéressante s’engage, du consentement dn bureau, entre M. Jansseu cl M. Antoine Bréguet, lequel fait appel à plusieurs re-
- prises à M. Bell, passant plusieurs fois de l'anglais au français, et réciproquement.
- On n’attend pas de nous une description du photophone ; sans dessin elle serait incompréhensible, et nos lecteurs auront, dans notre prochain numéro, sous les yeux une étude complète à cet égard. Disons seulement, sans déflorer le sujet, que dans cette époque si riche en merveilles, on n’a rien vu de plus étonnant. Il s’agit en effet, comme la Nature l’a précédemment indiqué, d’un miroir de verre, qui, sous les impulsions des ondes sonores produites par la voie ondale, devient successivement plus ou moins convexe ou concave, et par conséquent, réfléchit de la lumière plus ou moins concentrée ou plus ou moins épanouie. Cette lumière réfléchie, tombant à plusieurs centaines de mètres sur un appareil deséléniurn, change la conductibilité électrique de celui-ci d’une quantité proportionnée à son intensité; et c’est le courant, ainsi varié à chaque instant, qui fait résonner un téléphone. On croit rêver au récit de semblables résultats, et cependant nous sommes à la veille du jour où ils seront appliqués couramment aux usages de la vie ordinaire !
- Reptiles fossiles. — Par l’intermédiaire de M. Alphonse Milne-Edwards, M. Albert Gaudry fait connaître la découverte qu’il vient de faire d’un reptile permien extrêmement remarquable. Ce reptile provient d’Igomay, près d’Autun (Saône-et-Loire). 11 avait des mâchoires aussi fortes que celles des loups et munies comme elles de canines de 5 à 6 centimètres, trahissant ses habitudes très carnassières. Ses membres antérieurs étaient si puissants, qu’on peut croire qu’il était excellent nageur, si même il n’était pas fouisseur ; l’humérus, en effet, rappelle exactement celui de divers mammifères, et si ou l’eût découvert isolé, peut-être eût-on été tenté de le l’approcher de celui de quelque monotrème. Mais le trait vraiment remarquable de l’animal signalé par M. Gaudry, réside dans la constitution de ses vertèbres. Celles-ci, en effet, présentent un centre dont toutes les pièces sont intimement soudées, et c’est l’indice d’un grand perfectionnement déjà acquis par cette forme permienne. M. Gaudry exprime cette curieuse particularité en affectant à l’animal d’Igomay le nom de Stereorachys. En somme, ce curieux reptile offre de nombreuses ressemblances avec les Pélicosauriens de M. Cope, et c’est un fait bien intéressant que cette analogie entre des êtres qui vivaient en même temps aux deux extrémités de la terre.
- M. Alphonse Milne-Edwards présente, en même temps, un important Mémoire de notre collaborateur et ami M. le docteur Sauvage, sur un Ophidien, ou serpent fossile. Jusqu’ici, on ne connaissait de serpents fossiles que dans les terrains tertiaires ; aussi le nouvel animal tire-t-il un intérêt tout spécial, de ce fait qu’il a été extrait d’un terrain cénomanien. Il devait avoir trois mètres de longueur; mais jusqu’ici, on ne paraît pas être en mesure de définir ses affinités zoologiques. C’est une forme si nouvelle, que les termes de comparaison lui manquent presque absolument.
- La palpe de café. — Lors de son voyage en Amérique, llumboldt fut frappé de la quantité de matière sucrée perdue par le fait de la non utilisation de la pulpe du fruit du caféier. Selon lui, il eût été très désirable de convertir le sucre en alcool. C’est pour apprécier la valeur de cette opinion, que M. Boussingault, il y a un demi-siècle, commença toute une série de recherches. Il fut cependant interrompu dans ce travail, et il l’avail mémo à peu près perdu de vue, quand il reçut du Brésil une
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- LÀ NATURE.
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- ample provision de cerises de calé, qui lui permit de reprendre ses analyses. Le résultat est que la quantité de sucre contenu dans la pulpe est beaucoup trop faible pour que sa conversion en alcool présente le moindre intérêt.
- Stanislas Meunier
- LE KALOULA
- Ainsi que nous l’avons indiqué en traitant des Batraciens de France, les naturalistes connaissent sous le nom de Bufoniformes les Batraciens dépourvus de dents aux mâchoires; le crapaud commun est le type de cette famille.
- Mais tandis que, chez ce dernier, les doigts ne sont jamais dilatés, il est d’autres animaux qui ont l’extrémité des pattes élargie en disque, rappelant ce que l’on voit chez les Rainettes; les Dendrobates, ou Rainettes à tapi rer, du Chili, du Brésil et de Cayenne, et les Kaloulas ou Hy-loedactyles présentent cette conformation.
- Ce genre Ka-loula 'comprend trois espèces : le Kaloula à Baudrier est de l’Inde et de Java; le Kaloula peint est connu aux Philippines, le Kaloula élégant à Siam, à Sumatra, aux Philippines.
- C’est cette dernière espèce qui est actuellement vivante à la Ménagerie des Reptiles du Muséum; elle a été recueillie dans le nord de Sumatra par M. Brau de Saint-Pol-Lias.
- Le corps est trapu, court et Bombé, et l’animal, par son aspect général, rappelle assez Bien notre Pélobate; la tète, courte et petite, paraît comme rentrée entre les épaules; l’oreille n’est pas visible ; la langue grande, épaisse, presque circulaire, n’est libre qu’à ses bords latéraux; les yeux sont gros et saillants; la pupille, d’un noir profond, est entourée d’un cercle pailleté d’or. Quelques pustules existent seules sur le dos ; la peau est douce, un peu savonneuse. Les membres de derrière sont longs comme ceux des grenouilles et réunis à leur base par une membrane peu développée ; les doigts de devant sont aplatis en une sorte de bourrelet. La longueur de l’animal est de près de sept centimètres; la patte de derrière étendue, il atteint treize centimètres.
- Le dessus du corps est brunâtre, nuancé de rouge et de noirâtre; une mince ligne noire, plus ou moins marquée, s’étend le long du dos. Les yeux sont réunis par une bande d’un vert brunâtre, lavé de rougeâtre, bande qui se continue le long des flancs jusqu’à la naissance des membres de derrière; une ligne noire irrégulière limite cette bande, qui est onduleuse. Une autre bande, d’un jaune grisâtre, s’étend de l’angle de la bouche à la patte de devant. La gorge est noire, toute piquetée de très petits points blancs ; le dessous du corps est rosé, vergeté de marbrures d’un brun clair; une tache blanchâtre se voit à l’aisselle; les pattes de devant, d’un vert brunâtre, sont ornées de bandes noires irrégulières, les doigts portant des anneaux alternativement noirs et grisâtres; sur les pattes de
- derrière sont semées de petites taches blanches, l’extrémité des doigts étant an-nelée de noir et de gris jaunâtre.
- Le Kaloula est un animal dont les mœurs sont celles de notre Pélobate de France. Très craintif, il se terre de suite, en creusant le sol au moyen de ses pattes et de son museau; il court assez rapidement, à la manière des crapauds ; pressé par la peur, il peut sauter à la longueur d’environ dix centimètres.
- M. F. Bocourt, qui a eu l’occasion d’observer le Kaloula à Siam, rapporte que « le coassement de ce crapaud, que l’on peut comparer au mugissement du boeuf, n’a lieu que pendant la nuit où la pluie est tombée. 11 fait entendre très distinctement les deux syllabes ung-cmg, la première sur un ton assez élevé et vibrant qui semble sortir d’une caisse ou d’un vase métallique, la seconde sur un ton de basse; ces sons étourdissants et monotones sont très propres à plonger dans un profond sommeil ceux qui se trouvent dans le voisinage de ces étourdissants Batraciens. »
- E. Sauvage.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissanoier.
- Imprimerie A. I.ahure, rue île Eieurus, 0, à Paris.
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- N° 587. — 50 OCTOBRE 1880.
- LA NATURE.
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- MACHINE A IMPRESSION
- DE M. ALISSOFF
- Nous avons lait connaître précédemment, la remarquable machine à écrire de M. Remington1. Quelques inventeurs se sont efforcés depuis, à marcher dans la même voie et ont imaginé des systèmes assez ingénieux, que nous ferons connaître successivement.
- L’appareil que nous représentons ci-contre est dû à un ingénieur russe, M.
- Alissoff; c’est une machine très remarquable qui fait automatiquement l’assemblage des caractères d’imprimerie.
- C’est, en un mot, une machine à composer et à imprimer; elle est disposée de manière à pouvoir employer six alphabets complets , ou quatre alphabets avec les chiffres et les signes d’imprimerie les plus nécessaires.
- Voici, d’après notre gravure, les différentes pièces qui la constituent : A est une roue à manette que l’on peut faire tourner autour du cadran B et qui correspond avec le cylindre C portant les caractères. Le cylindre D est entouré des chevilles qui règlent l’écartement des lettres. La rotation du cylindre porte-papier est limitée par le levier E. On voit en F l’arbre de commande du mouvement de rotation du cylindre, et en G le mécanisme de translation de ce cylindre porte-papier H. Les rouleaux d’impression se voient en IJ ; une roulette est adaptée en K. — L, ligure le mécanisme de déplacement des cylindres.
- Supposons tout d’abord qu’il n’y ait qu’une seule série de caractères ; une manette mobile sur une
- 1 Voy. la Nature, n° 197 du 10 mais 1877, p. 225.
- 8* année. — 2“ semestre.
- sorte de cadran télégraphique entraîne un cylindre portant les caractères, et arrête à la génératrice supérieure du cylindre la lettre que l’on veut imprimer ; en même temps, avec une pédale, l’opérateur abaisse le rouleau porte-papier et imprime la lettre. Le rouleau, en s’abaissant, tourne d’une certaine quantité, variable selon la largeur de la lettre que l’on va imprimer ; pour cela, l’axe de la manette porte
- un cylindre garni de petites chevilles, d’autant moins hautes que la lettre correspondante est plus large. Le mouvement de pédale qui fait tourner le porte-papier entraîne en même temps un levier portant à l’extrémité un butoir ; dès que celui-ci rencontre la cheville inférieure , dont la saillie correspond au caractère qui se trouve en ce moment à la partie supérieure Le mouvement d’en traînement du cylindre est déclanché, et celui-ci s’arrête.
- Pour que l’on puisse employer les six séries de caractères, la manette et les cylindres sont mobiles, perpendicu-lairemeîit à l’axe du rouleau porte-papier et peuvent occuper six positions, de telle sorte que l'arête inférieure du cylindre se trouve au-dessus d’une quelconque des séries de caractères.
- Dès qu’une ligne est terminée, un timbre avertisseur résonne, et l’on fait avancer à la main le rouleau porte-papier au moyen d’une vis sans fin. L’encrage des caractères se fait par des rouleaux, et pour éviter d’encrasser ceux qui ne servent pas, une petite roulette est interposée entre les deux rouleaux, de manière à ne couvrir d’encre que la bande correspondant aux caractères dont on se sert.
- Cet appareil offre l’avantage d’employer l’encre d’imprimerie; quand l’impression est terminée, on saupoudre l’encre d’une poudre de bronze, et l’on
- 22
- Machine à imprimer de M. Alissoff.
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- peut, au moyen d’une simple presse à copier, obtenir de suite de vingt à vingt-cinq épreuves. Il est très facile de faire les corrections en découpant et remplaçant sur l’original les passages erronés.
- Des expériences faites à Saint-Pétersbourg, avec des soldats, ont montré que l’apprentissage des bomines appelés à se servir de cet instrument était très simple, mais on n’obtient pas une vitesse aussi grande que celle de l’appareil Remington. D’autre part, l’avantage de disposer de plusieurs corps de caractères, celui plus important de pouvoir tirer un assez grand nombre d’épreuves, sont très appréciables.
- Le prix de cet appareil, avec quatre séries de caractères, serait d’environ huit cents francs.
- DE L’INFLUENCE DE LA CAPILLARITÉ
- DANS LA TEINTURE DES FIBRES VÉGÉTALES OU ANIMALES
- M. Gustave Engel s’est occupé, dans ces dernières années, d'une question très intéressante au point de vue de la chimie, c’est celle de l’inlluence que la structure physique d’une substance peut exercer sur les opérations de la teinture.
- Le savant expérimentateur a reconnu que des sables siliceux particuliers, formés de silice, c'est-à-dire d’une matière absolument inerte, se comportent à l’égard des mordants et des diverse» matières tinctoriales, exactement comme le ferait le coton ou la laine; en examinant au microscope ces sables siliceux, sur lesquels réussissent les opérations de la teinture, on voit qu’ils sônt constitués par des carapaces de diatomées tubulaires, formées d’anneaux accolés les uns aux autres. Chaque grain de ce sable est en réalité un petit tube de silice extrêmement petit. M. Engel compare cette substance à une fibre minérale qui, grâce à la capillarité, retient avec autant d’énergie que les fibres végétales ou animales teintes dans les mêmes conditions, les matières colorantes, et cela sans qu’aucune combinaison chimique ait eu lieu.
- M. Gustave Engel a présenté à la Société industrielle de Mulhouse des échantillons de silice teinte avec le rose à l’alizarine avivé et non avivé, le bleu indigo acide, un vert foncé produit par la teinture en campêche de silice mordancée en fer. Le sable siliceux avait été dans ces trois cas traité comme le coton. D’autres échantillons ont fait voir que le même sable se comportait comme la laine, en présence de différentes matières colorantes et notamment de celles dérivées de l’aniline.
- Ces échantillons ont donc montré une substance minérale qui, grâce à sa structure physique, se rapproche des fibres végétales ou animales susceptibles de teinture ; cette analogie, qui consiste en un canal central d’un très petit diamètre, permet
- à chacun de ces tubes microscopiques de retenir par l’attraction capillaire les matières colorantes ou les mordants, d’en opérer la fixation de manière à leur permettre de résister, ainsi qu’ils le font quand ils sont appliqués à des fibres végétales ou animales, aux différents agents chimiques auxquels ils sont soumis alors. Plusieurs des échantillons préparés par le savant chimiste montrent la même matière colorante fixée suivant les procédés usités dans la teinture et du colon et de la laine ; dans ces cas particuliers qu’on pourrait multiplier encore, on voit ce sable silicieux, absolument inerte au point de vue chimique, qui, par suite de sa composition chimique, ne peut jouer aucun rôle dans les combinaisons susceptibles de se produire entre la matière colorante et le mordant, présenter à la fois les caractères particuliers de la fibre de coton et de la fibre de laine.
- « Ces exemples, dit M. Gustave Engel, tendent à prouver le fait nouveau que je cherchais à démontrer, à savoir que la structure physique de la matière soumise aux opérations de la teinture a une importance bien plus considérable que sa composition chimique, si, comme cela pour rait bien être prouvé par de nouvelles expériences, elle n’est pas' seule à en avoir. »
- On voit que les curieux résultats dont nous venons de donner un résumé succinct, apportent des éléments nouveaux et intéressants à la théorie encore obscure, de la fixation des matières tinctoriales sur les fibres végétales ou animales.
- Gaston Tissandier.
- [/ÉCLAIRAGE DU GRAND OPÉRA
- A PARIS
- Nos lecteurs se souviennent peut-être que nous avons parlé précédemment des avantages que la lumière électrique offrirait, selon nous, à l’éclairage des salles de spectacle et du Grand Opéra particulièrement*. M. Charles Garnier a l’obligeance de nous envoyer les épreuves du chapitre qu’il va publier sur VÉclairage dans le deuxième volume de.son bel ouvrage sur l’Opéra. M. Garnier décrit l’installation actuelle de l’éclairage au gaz, si remarquablement organisée avec le concours de MM. Lecoq frères ; nous renvoyons nos lecteurs à ce que nous avons publié antérieurement à ce sujet dans les articles intitulés la Science à l'Opéra2. En ce qui concerne l’éclairage électrique, nous sommes heureux d’apprendre que l’éminent architecte en poursuit l’étude avec beaucoup de zèle et de foi; mais, hélas! des obstacles multiples s’opposent à toute tentative d’emploi de nouveaux systèmes, et ceux que l’Administration lui oppose ne sont pas les moins importants, comme on va le voir.
- M. Ch. Garnier nous raconte qu’après bien des démarches, il a un jour obtenu une grande victoire, c’est-
- 1 Voy. la Nature, n° 379 du 4 septembre 1880, p. 219-
- * Voy. là Nature, 3e année, 1875, l*r semestre.
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- à-dire un crédit de cinq mille francs pour des essais sur l’éclairage. « C’était là un grand point, nous dit M. Garnier ; dès lors je pouvais sortir des propositions théoriques. Eh bien! vous allez voir que, jusqu’à ce jour, ça ne in’a servi à rien du tout. Lorsque j’ai voulu essayer les lumières électriques dans les œils-de-bœuf de la couronne de la salle, le jour de gala du 14 juillet, j’ai vu que Vau-corbeil en craignait l’elfet pour la scène et qu’il redoutait que la salle, trop éclairée, ne fit paraître la scène trop sombre. Certes, il ne pouvait s’opposer à mon expérience, parce que le cahier des charges me donnait le droit de la faire ; mais vous concevez que je n’avais guère envie de troubler nos bonnes relations et de déplaire à un galant homme qui veut bien être mon ami, et j’attends, pour faire alors cette expérience, que la scène soit plus éclairée, ou que Yaucorbeil donne de nouveaux concerts, là où la scène n’existe pour ainsi dire pas. J’ajourne donc cet essai dont je ne saurais dire encore la portée; c’est, au surplus, pour cela que je veux le faire. Si j’en savais d’avance le résultat, je n’aurais pas à m’en soucier. Quant à l’éclairage du foyer, je n’avais que l’embarras du choix, divers physiciens et ingénieurs m’offrant de faire gratis toutes les expériences possibles. Mais il fallait pour cela installer dans les caves des machines de diverses forces ; je ne trouvais à cela aucun inconvénient ; le Ministère des Travaux publics pas davantage ; mais l’Administration de l’Opéra et, par suite, le Ministère des Beaux-Arts, ont craint un accident possible ; de sorte qu’ils ont fait des réserves aboutissant à peu près à une fin de non-recevoir, et, devant ces craintes, chacun ne voulant pas être responsable, on a retiré l’autorisation de placer les machines. J’ai donc maintenant un crédit pour faire des expériences d’éclairage; mais je ne puis m’en servir et, si cela continue de cette façon, l’accord sera diificile à faire entre les Ministères et l'Administration de l’Opéra. Gomme tout est compliqué dans ces sortes de choses! On a le désir, la bonne volonté, les crédits, les offres des intéressés ; on a pour soi l'opinion des sénateurs, des députés, des grands personnages patronnant tel ou tel système; l’architecte est à la disposition de chacun et, malgré tout cela, on n’arrive à rien! Aussi, peu à peu, on se décourage, on se désintéresse de ces questions qui ne vous apportent qu’ennuis et tribulations, et on arrive à l’indifférence là où l’enthousiasme vous conduisait. »
- Le passage précédent est instructif; nous n’avons rien à y ajouter, si ce n’est que, malgré ses affirmations, nous ne croyons pas que le grand artiste qui a construit l’Opéra, sache mettre en pratique ces vilains mots qu’on appelle le découragement et l'indifférence au progrès.
- G. T.
- LA DISPARITION DU GROS GIRIER
- Les espèces qui, dans les diverses classes d'animaux, dépassent leurs congénères par la taille ou par le volume, sont plus que jamais, aujourd’hui, menacées de disparaître de la nature vivartte. Depuis les dernières époques géologiques, la diminution progressive de leur nombre est devenue d’autant plus rapide qu’elles doivent désormais compter l'homme parmi les nombreux compétiteurs qui leur disputent la surface de la terre. Aussi l’âge actuel peut-il être considéré comme appelé à devenir le témoin de l’achèvement de leur ruine. Par l'effet de cette nouvelle concurrence, bien autrement redoutable qu’aucune
- autre de celles qu’elles avaient eu jusqu’alors à subir, plusieurs de ces espèces se sont déjà éteintes à tout jamais, et celles qui sont encore actuellement représentées dans le monde vivant, voient chaque jour se réduire le nombre des individus qui leur appartiennent.
- Les animaux qui composent les espèces en question, étant ceux dont la chasse est la plus avantageuse ou dont la destruction importe le plus à la sécurité de l’homme, se trouvent inévitablement, par cela même, les plus exposés à disparaître de toute région que l’être privilégié incorpore à son domaine.
- Dans la lutte qu’ils ont à soutenir contre cette nouvelle concurrence, ils offrent, relativement aux espèces de moyenne et de petite taille, deux désavantages marqués. La masse de leur corps étant plus développée, ils ont besoin d’une alimentation plus abondante, et, dans cette nécessité, ils sont souvent exposés à ne pas trouver une subsistance suffisante. En outre, leur multiplication étant moins fréquente, plus lente et extrêmement restreinte sous le rapport du nombre des jeunes naissant à chaque gestation, ils ne peuvent que difficilement réparer leurs pertes.
- Certaines petites espèces : rats, souris, insectes, etc., contre lesquels nous entretenons une guerre achai’née, tout en désespérant de les exterminer à tout jamais, ne doivent leur salut qu’à cette fécondité extraordinaire qui leur permet de disposer toujours de nouvelles réserves et de maintenir au même niveau le contingent moyen de leur race incommode. Mais les pertes deviennent très préjudiciables chez les individus de masse supérieure, à cause de la lenteur même de la reproduction ; et l’avenir du type dont ils sont les-j*eprésentants se trouve déjà compromis par ce seuKdéfaut de réparation suffisamment prompte.
- 11 est temps que la science des êtres vivants se hâte d’achever son œuvre., caî urt-assez grand nombre de types des plus remarquables, parmi les espèces de plus grande taille, sont sur le point de se dérober à son étude, pour aller rejoindre l’immense ossuaire où sont déjà rassemblées tant de formes éteintes.
- 11 n’y a certes pas de témérité à avancer que les baleines, les cachalots, les sirénides (lamantins de l’embouchure des grands fleuves de la côte orientale de l’Amérique du Sud et de la côte occidentale d’Afrique, dugong des mers de la Malaisie, stellère des baies du nord de l’Amérique), les morses, certaines espèces de phoques et d’otaries, le grand ours blanc des côtes arctiques, les ours ordinaires, les loups, les grands carnassiers félins (lions, tigres, etc.), les gorilles, le tatou géant, le grand fourmilier tamanoir, les girafes, l’élan, l’aurochs, le bison, les éléphants, les hippopotames, les rhinocéros, le kanguroo géant, les tortues éléphantines, les crocodiles, les oiseaux du groupe des autruches, le grand pingouin de la mer Glaciale, etc., sont menacés du même sort dont ont déjà été victimes, entre autres, depuis quelques siècles au plus, l’énorme épiornis de Madagascar, les gigantesques inoas de la Nouvelle-Zélande, et, depuis moins de deux siècles, le dronte et le géant de l’ile Maurice, c’est-à-dire le plus massif colombide et la plus haute poule d’eau qui aient jamais existé sur aucun point de la surface du globe.
- Parmi ces êtres, qui n’appartiennent que depuis peu à l’histoire du passé, figurent surtout des oiseaux. Les animaux de cette classe ont, en effet, particulièrement été éprouvés dans ces dernières périodes, et un assez grand nombre de types, remarquables par leur grande taille ou
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- leurs formes massives, sont passés sous nos yeux mêmes, pour ainsi dire, de la nature vivante dans le morne domaine du monde fossile, et ne sont plus actuellement représentés dans les localités où ils avaient établi leur séjour que par les œufs et les quelques ossements qu’ont respectés jusqu’à nous les modifications de la surface du sol et les intempéries de l’atmosphère.
- Les épiornis, oiseaux énormes dont les formes massives rappelaient celles des éléphants et dont les œufs atteignaient jusqu’à neuf litres de capacité; les moas ou dinornis, sortes d’autruches géantes dont la taille approchait souvent de celle des plus hautes girafes, les drontes, etc.,étaient autant d’oiseaux incapables de voler et constituant, par suite, un gibier de facile capture pour les naturels et les équipages de navires.
- De nombreuses autres victimes de la concurrence humaine ne tarderont pas à suivre les drontes, les poules d’eau géantes, les dinornis, les épiornis, etc. Déjà les grands carnassiers disparaissent rapidement sous les halles des émules de Jules Gérard et de Pertuiset; les haleines et les autres gros mammifères marins deviennent de plus en plus rares ; le plus grand des cerfs, l’élan, est moins répandu qu’autrefois ; le plus grand des bœufs sauvages,
- l'aurochs, qui vivait du temps de César dans toutes les forêts de l’Europe tempérée, est aujourd’hui confiné dans celles de la Lithuanie et de la Moldavie ; le bison ne forme plus, dans les plaines de l’Amérique du Nord, les immenses troupeaux observés par les premiers colons ; le tatou géant se dispose à suivre dans les ossuaires du Paraguay son congénère, le glyptodon, et les autres grands édentés éteints de l’époque quaternaire; le kanguroo géant ne pullule plus en Australie comme au temps où les indigènes étaient les seuls maîtres du sol; le nombre des tortues géantes, des crocodiles, des autruches, des hippopotames, des rhinocéros, des éléphants, des girafes, etc., se restreint de plus en plus.
- Tout le gros gibier est ainsi décimé, par suite de la chasse imprévoyante et sans règle qui lui est faite.
- Tous les grands animaux, en général, tendent, de la sorte, à disparaitre, par l’effet de la concurrence humaine.
- Les seuls que l’homme laissera survivre, seront ceux dont il pourra, sans beaucoup de peine, tirer un profit quelconque, soit par une chasse régulière, soit par la domestication.
- E. Vignes.
- Fig. 1. Bateau pliant ouvert, au moment de sa mise à l’eau.
- Fig. 2. Le môme plié pour le transport.
- BATEAU PLIANT
- On sait que les explorateurs qui parcourent les régions traversées par des fleuves coupés çà et là de cataractes et de cascades, sont souvent obligés de transporter à dos d’hommes les petites embarcations qui leur permettent de naviguer sur le fleuve; ils sont toujours contraints de le faire quand ils arrivent en présence des chutes d’eau qu’un bateau ne saurait franchir. Un canot léger, facile à transporter, serait donc susceptible de rendre d : véritables services aux voyageurs; mais là ne se borneraient pas les services qu’on en pourrait attendre, il s’adresserait aussi aux besoins du simple touriste, ou de l’amateur, du -pécheur qui veut traverser un étang, ou du chasseur à l’affût de gibier d’eau. MM. T. W. B. Murray et J. Baker, de Chicago (États-Unis), ont étudié ce problème et l’ont résolu d’une façon très ingénieuse en construisant le curieux bateau pliant que représentent les figures ci-dessus. La figure 1 nous fait voir le bateau ouvert dans toute sa longueur et dans la position où il se trouve quand il va flotter à la surface de l’eau. La figure 2 nous le montre plié, réduit à son plus petit volume,
- qui est celui d’un bagage assurément très facile à transporter.
- Ces gravures expliquent d’elles-mèmes le mécanisme très simple que les inventeurs ont adopté. La charpente résistante de l’embarcation, est formée d’arceaux d’acier très minces et très flexibles; ils sont montés sur des axes qui leur permettent de s’ouvrir et de se fermer, à la façon d’une série de paires de ciseaux qui seraient reliées les unes avec les autres. Une forte toile goudronnée et imperméable, forme la charpente extérieure du bateau ouvert ; elle se plie avec la carcasse métallique, à laquelle on n’a pas oublié de fixer deux petits bancs, se pliant comme le reste, et qui dans leur position ouverte, servent de siège à deux rameurs. MM. Murray et J. Baker ont soumis le bateau-pliant à un certain nombre d’expériences qui,d’après le identifie American, auquel nous empruntons ces documents, ont donné de très bons résultats.
- Nous apprenons qu’un système analogue a récemment été soumis à de nombreux essais dans un des bassins de la ville du Havre.
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- LA NAT U R K.
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- LE PHOTOPHONE
- ET LES PROPRIÉTÉS ÉLECTRIQUES PU SÉLÉNIUM
- Dans la livraison de la Nature du 2 octobre, nous avons fait connaître le principe de la merveilleuse découverte de MM. Grabam Dell et Sumner Tainter, et dans celle du 9, M. Gaston Tissandier a raconté une visite que nous avons faite ensemble au savant inventeur.
- M. Grabam Bell, après nous avoir donné les explications les plus complètes, les détails les plus précis sur ses recherches, a eu l’obligeance de nous inviter aux expériences qui ontété faites à plusieurs reprises dans les ateliers de M. Bréguet. Nous sommes donc en mesure de donner à nos lecteurs une description complète, (le visu et de auditu,
- des résultats obtenus et des recherches qui ont permis de les obtenir. Ces résultats et ces recherches sont bien propres à exciter au plus haut degré l’attention des physiciens, et nous ne craignons pas d’affirmer qu’ils inaugurent une ère nouvelle dans l’histoire de la physique contemporaine.
- M. Graham Bell avait pressenti depuis longtemps déjà la réalisation du photophone. En effet, dans un Mémoire présenté à la Société Royale de Londres le 17 mai 1878, il avait annoncé qu’en faisant tomber sur une plaque de sélénium une vive lumière et qu’en l'interrompant brusquement, on pouvait entendre l'effet de cette ombre tombant sur le sélénium : nous allons voir quel brillant parti l’inventeur a su tirer de cette idée première.
- Les appareils photophoniques de M. Bell, peuvent se diviser, comme les téléphones, en deux classes bien distinctes, autant au point de vue
- Fig. 1. Photophone musical de MM. Graham Rcll et Sumner Tainter.
- M, miroir. — L, lentille convergente.— R, disque de cuivre percé de trous. — T, tube auquel sont adaptées deux lentilles.— A l’extrémité du tube T, est liguré le cornet acoustique qui permet d’entendre les sons produits par l'intermittence du rayon lumineux.
- des résultats obtenus que des moyens employés.
- 1° Les photophones musicaux, correspondant aux téléphones musicaux, qui ne transmettent — jusqu’à présent du moins—que les sons non articulés et dans lesquels l’électricité et le sélénium ne jouent aucun rôle. L’un de ces appareils, apporté d’Amérique par M. Bell, a été présenté à l’Académie des Sciences le 11 octobre *.
- 2° Les photophones d'articulation ou photophones parlants, correspondant aux téléphones ordinaires, qui transmettent la parole à distance par l’intermédiaire d’un rayon lumineux. Ils sont tous fondés sur les propriétés électriques du sélénium. Nous étudierons séparément ces deux séries d’instruments distincts.
- PHOTOPHONES MUSICAUX
- Le photophone musical de MM. Graham Bell et Sumner Tainter est représenté ci-dessus avec une
- 1 Voy. la Nature, n° 386 du 16 octobre 1880, p. 519.
- pirfaite exactitude. Il se compose d’un transmetteur ayant pour but de rendre un rayon lumineux intermittent et d’un récepteur qui transforme ce rayon intermittent en vibrations sonores.
- Pour arriver à ce résultat, on fait tomber sur un miroir plan M, un faisceau de lumière solaire ou de lumière électrique; ce miroir réfléchit le rayon lumineux sur une lentille L et le fait converger à son foyer. A ce foyer se trouve, placé un disque de phénakisticope R, percé d’une quarantaine de trous, disposés sur la circonférence, de telle sorte que, en imprimant au disque un mouvement rapide de rotation, les vides et les pleins se succèdent avec une vitesse de cent à six cents par seconde. Le rayon lumineux sera ainsi interrompu de cent à six cents fois dans le même temps L
- Au delà du disque, le faisceau lumineux ainsi
- * On doit adapter en S une seconde lentille dans le cas où l’on emploie la lumière électrique.
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- interrompu arrive sur une seconde lentille placée à l’entrée du tube T. Cette lentille rend les rayons parallèlesel les fait tomber sur une plaque mince de substance quelconque, placée à l’autre extrémité du tube T. Celte substance peut être en or, argent, platine, fer,.acier, laiton, cuivre, zinc, plomb, antimoine, argent allemand, ivoire, cellulose, gutta-percha, caoutchouc durci ou vulcanisé, parchemin, bois, mica, verre argenté, etc. ; la plaque mince vibre à l’unisson du nombre des interruptions produites par le disque tournant sur le rayon lumineux ; elle produit un son que l’on peut entendre en appliquant l’oreille à l’embouchure acoustique représentée à l’extrémité du tuyau de caoutchouc représenté sur la gauche de la gravure (fig. 1).
- Sans vouloir donner la moindre théorie des actions qui se produisent dans cette expérience, nous insisterons sur ce point, que dos vibrations lumineuses peuvent se transformer directement en vibrations sonores1.
- Ce résultat est démontré de la manière la plus nette, la plus certaine, par le pholophone musical (fig. 1). En effet, si à l’aide d’une clef de Morse, re-
- 1 Nous croyons devoir faire remarquer ici qu’un esprit aussi puissant qu’original, M. Charles Gros, avait prédit et affirmé absolument ce résultat.
- En 1872, M. Charles Cros écrivit un Mémoire sur les principes de mécanique cérébrale, et le soumit à l’Académie des Sciences. Après des pérégrinations sans nombre dont le récit sortirait de notre but, le Mémoire lut imprimé par fractions dans une revue, la Synthèse médicale, publiée à Paris, en 1879. Yoici ce que nous lisons dans le numéro d’octobre 1879 de cette Revue :
- « On ferait entrer dans un tuyau renforçant une note de n vibrations à la seconde, un rayon lumineux interrompu et. rétabli n fois par seconde. La raréfaction ou la condensation alternative du milieu gazeux pourrait peut-être faire parler le tuyau. La chaleur rayonnante sera une cause d’erreur à écarter ou à corriger. »
- Plus loin, M, Charles Cros devient affirmatif :
- « Ou encore on essayerait de faire vibrer une lame métallique bien polie ou une membrane argentée, par une suite de n éclairs à la seconde, cette relation du nombre au temps étant donnée par le corps vibrant. Ces expériences exécutées et réunies feront, très justement, un nom à leur auteur. Mais, je le répète, le principe universel de réaction permet d’alfirmer les lois ci-des-sus, avant vérification expérimentale. »
- Les lois auxquelles M. Charles Cros fait allusion sont posées par lui en ces termes :
- « Puisque la lumière en passant d’un milieu dans un autre de densité différente (milieux séparés par une surface oblique à la direction des rayons), subit une déviation, on doit en conclure que, si le milieu agit sur elle, elle réagit sur le milieu. Le principe mécanique universel de la réaction me permet donc d’affirmer que :
- « 1“ La lumière tend à ramener la densité du milieu qu’elle traverse vers celle du milieu d’où elle sort ;
- « Elle tend à déplacer le corps transparent dans un sens opposé à la déviation qu’elle subit ;
- « 3* Enfin, dans le fait de réflexion, le corps réfléchissant subit un recul. »
- En reproduisant ces passages du Mémoire de M. Cros, nous n’entendons pas exercer une revendication en sa faveur, ni diminuer le mérite de MM. Bell et Tainter, mais nous avons cru intéressant de montrer comment, par une intuition des plus remarquables, notre compatriote avait formulé ce que M. Bell a réalisé.
- présentée sur notre gravure, on fait agir un petit disque obturateur, qui s’appuie contre la roue R et qu’on lui donne une position telle qu’il empêche la lumière d’aller frapper la plaque, le son s'éteint. Eu retirant l’obturateur, le son se fait entendre de nouveau ; en manipulant la clef, on peut donc produire une série de sons brefs ou prolongés, coupés par des silences, et effectuer par ce moyen une transmission Morse. Le tube de caoutchouc placé sur l’appareil, terminé par une embouchure, a pour but de concentrer les vibrations et de faciliter l’audition.
- Il importe de remarquer qu’ici, comme dans certains bruits produits par un microphone ordinaire, on entend un son qui n’existe en réalité, dans l’espace compris entre le transmetteur et le récepteur, que sous forme d’un rayon lumineux interrompu. A cause de la durée des impressions sur la rétine, le rayon interrompu nous paraît continu, et nous avons besoin du secours de notre oreille pour savoir quel est le nombre d’interruptions qui l’affectent.
- L’appareil de MM. Bell et Tainter permettra de déterminer exactement si, dans les appareils à courants alternatifs, il se produit réellement une extinction de l’arc chaque fois que le courant change de sens; ce fait ne paraît pas encore prouvé, car l’extinction de l’arc supposerait un refroidissement d'une rapidité beaucoup plus grande que ne le permettent les conditions dans lesquelles il se trouve placé.
- La portée philosophique du photophone musical est immense; cet instrument ouvre la voie expérimentale aux recherches à faire pour déterminer les rapports qui existent entre la lumière et les autres forces physiques, et bien que les substances impressionnées directement par le rayon lumineux le soient encore si faiblement qu’il a été impossible jusqu’ici d’opérer autrement qu’avec des lumières puissantes, à de petites distances, et par des rayons interrompus, il ne paraît pas douteux que des résultats très précieux au point de vue scientifique pourront être obtenus dans un avenir peu éloigné.
- Le photophone d'articulation, dont la sensibilité est incomparablement plus considérable que celle du photophone musical, présente un intérêt beaucoup plus grand encore, en ce sens qu’il permet de transmettre à distance, par le seul intermédiaire de la lumière, les sons articulés, c’est-à-dire la parole humaine elle-même.
- PHOTOPHONES D’ARTICULATION
- Le photophone d’articulation a été présenté à l’Académie des Sciences le 18 octobre 1880 ‘.
- Cet appareil est fondé sur les propriétés électriques du sélénium, que nous allons rapidement examiner.
- Le sélénium a été découvert par Berzélius en 1817 ;
- 1 Voir la Nature, n° 386 du 23 octobre 1880, p. 521.
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- ce corps fait partie de la deuxième famille des métalloïdes, avec l’oxygène, le soufre et le tellure. 11 fond à 210° et entre en ébullition vers 700°.
- En 1837, Knox découvrit que le sélénium fondu devient conducteur de l’électricité, et en 1852 Ilit-torff montra qu’il est aussi conducteur à la température ordinaire, mais seulement dans un état allotropique spécial qu’il étudia. A l’état vitreux, le sélénium est brun foncé, noir par réflexion, et très brillant. Il est rouge et transparent lorsqu’il est réduit en feuilles minces. En le faisant fondre et en le refroidissant très lentement, il prend la couleur du plomb, affecte une structure cristalline et présente toutes les apparences d’un métal. C’est la variété allotropique étudiée par Hittorff.
- L’influence de la lumière sur la conductibilité électrique du sélénium fut découverte par un télégraphiste de Valentia, M. May, en faisant des expériences sur l’isolement des câbles sous-marins.
- Le 12 février 1873, M. Willoughby Smith annonça le fait à la Société des ingénieurs télégraphistes de Londres. Ce fut l’origine des recherches entreprises depuis par MM. Sale, Draper, Moss, Werner Siemens, Sabine, Adams et Day, Forssmann, et en dernier lieu par MM. Graham Bell et Sumner Tainter.
- Nous n’entreprendrons pas d’exposer les résultats singuliers et souvent contradictoires obtenus par les différents expérimentateurs ; ces résultats semblent varier avec le mode de préparation, les formes, les dimensions,etc. , des échantillons soumis à l’expérience. Nous ferons connaître seulement le phénomène bien net qui a permis de réaliser le pliotophone d’articulation.
- Le sélénium'exposé à la lumière change instantanément de résistance électrique. Dans certains échantillons fabriqués par M. Siemens, en représentant par quinze la résistance électrique dans l’obscurité, cette résistance n’était plus que un à la lumière solaire. La résistance propre du sélénium étant très grande, par un artifice que nous décrirons tout à l’heure, M. Bell est parvenu à réduire la résistance de son appareil à des proportions relativement très faibles, et comparables aux résistances ordinaires des autres parties du circuit électrique dans lequel le sélénium se trouve intercalé.
- Après cet exposé préliminaire des propriétés du sélénium, nous pouvons aborder la description du photophone d’articulation : nous parlerons d’abord du modèle le plus pratique de l’appareil, de celui qui a donné les meilleurs résultats et qui a été présenté à l’Académie des Sciences le 18 octobre. Les figures 5 et 6 représentent la disposition d’ensemble et la figure 2 le diagramme de son fonctionnement, diagramme que M. Bell a bien voulu dessiner lui-même à notre intention, et que nous reproduisons d’après son propre croquis.
- Le transmetteur se compose d’une petite lame mincc^de verre argenté, de la grandeur d’une plaque-de téléphone ordinaire, encastrée dans un support B, lequel est adapté à l’extrémité d’un tuyau
- en caoutchouc de cinquante centimètres de longueur (fig. 2 et 5).
- A l’aide d’un miroir M et d’une lentille convergente achromatique L, on fait tomber sur cette plaque argentée les rayons d’une lumière électrique ou delà lumière solaire. Dans les expériences auxquelles nous avons assisté chez M. Bréguet, le soleil faisant défaut, on s’est servi d’une lampe électrique; mais les rayons étant divergents au lieu d’être parallèles, il a fallu interposer entre L et M une seconde lentille pour corriger cet effet1.
- Les rayons réfléchis par le miroir argenté traversent en R une seconde lentille qui les renvoie sur le récepteur après les avoir rendus sensiblement parallèles. Nous disons sensiblement, car il est impossible d’obtenir exactement ce résultat. Un système de vis calantes sert à diriger le faisceau sur le récepteur (fig. 5).
- En parlant dans l’embouchure, la plaque de verre argenté vibre, sa bombe plus ou moins, dilate, répartit le faisceau sur une surface plus ou moins grande et fait varier, synchroniquement avec ses vibrations propres, l’intensité des rayons envoyés dans la direction du récepteur.
- Le récepteur, placé à distance (fig. 2), se compose d’un réflecteur en cuivre argenté CG, de forme parabolique et de soixante-dix centimètres de diamètre environ. Le sélénium préparé, nous verrons dans la suite de quelle manière, est placé au foyer S de ce miroir parabolique. Une pile de neuf éléments Leclanché P, et deux téléphones Bell ordinaires à fil très fin TT, sont mis dans le circuit du sélénium préparé, qui joue dans ces conditions le rôle de microphone à lumière, sa résistance électrique variant à chaque instant avec l’intensité du rayon lumineux qui le frappe.
- La disposition employée par MM. Bell et Tainter, pour former le récepteur, est des plus curieuses; elle fait honneur à l'esprit inventif de ces chercheurs émérites, car le problème à résoudre présentait des difficultés considérables. 11 fallait à la fois que le sélénium offrît une grande surface à la lumière et opposât une très faible résistance au passage du courant. U semblerait au premier abord que ces conditions soient en quelque sorte incompatibles.
- Si l’on se servait d’une lame mince, on augmentait la surface, mais aussi la résistance ; si l’on faisait usage d’un cylindre, et si l’on appliquait des conducteurs pleins à ses deux extrémités, on diminuait la résistance, mais on réduisait la surface.
- Le sélénium préparé, représenté ci-contre en coupe (fig. 3), et en un diagramme figuré, au-dessous, (fig. 4), montre comment la difficulté a été levée. Le système se compose d’une série de disques de laiton, séparés par des disques de mica d’un dia-
- 1 La pièce A représentée sur notre ligure 2 est une cuve de verre contenant de l’alun pour absorber la chaleur émise. Cette partie de l’appareil peut être supprimée sans inconvénient.
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- mètre légèrement plus faible ; les vides annulaires sont remplis par du sélénium, — représenté en noir sur les fig. 5 et 4,
- — de telle sorte que le récepteur présente l’aspect d’un cylindre uni de neuf centimètres de longueur sur cinq centimètres de diamètre environ. Les disques de rang p..ir sont tous reliés entre eux et se joignent h un rhéophore N; ceux de rang im-
- Récepteur
- T rans metteur
- Fig. 2. Diagramme théorique du photophone d’articulation.
- Transmetteur et récepteur (d’après un croquis dessiné par M. Grftham Bell). Transmetteur. — M, miroir projetant la lumière solaire. — L, lentille convergente. — A, cuve transparente contenant de l’alun. — B, support du miroir vibrant. — R, lentille pour rendre les rayons réfléchis parallèles.
- Récepteur. — CC, miroir parabolique de cuivre argenté. — S, sélénium préparé. — P, pile. — TT, téléphones.
- le sélénium se loge dans les espaces annulaires. On élève ensuite graduellement la température du récepteur jusqu’à ce que l’aspect métallique du sélénium disparaisse et soit remplacé par une couleur mate d’un gris ardoise. On éteint alors l’appareil de chauffage, on laisse refroidir, et le récepteur est prêt à fonctionner.
- L’appareil ainsi constitué, est d’une extrême sensibilité ; il obéit à toutes les
- pair à un second rhéophore M, chaque rhéo-
- phore se relie au téléphone T (voy. fig. 4 ci dessous). variations d’intensité de la lumière qui le frappe,
- Grâce à cette disposition, la surface du sélénium au point qu’on entend dans le téléphone récepteur
- toutes les variations provenant de la source lumineuse, quand elle est constituée par un régulateur électrique. L’appareil reproduit le chant et la parole articulée avec une netteté et une exactitude remarquables.
- L’intensité des sons émis n’e'tait peut-être pas aussi grande que
- celle des bons téléphones ordinaires, mais il faut remarquer que l’appareil apporté par M. Bell est
- spécialement construit pour la lumière solaire, et que cette lumière a fait complètement défaut le jour des expériences auxquelles nous avons assisté.
- Lorsqu’on emploie, au lieu du transmetteur à miroir, le disque du photophone musical, les sons produits sont beaucoup plus intenses, et il n’est pas nécessaire de rapprocher le téléphone de l’oreille pour les entendre. La lumière interrompue d’une bougie, suffit pour produire un son, et il
- est grande relativement à sa masse, et tous les anneaux de sélénium étant traversés par le courant en quantité, ne lui offrent qu’une faible résistance ; cette résistance diminuant avec leur nombre, on voit que chaque fois qu’il s'ajoute un anneau de plus, la surface du sélénium exposée à la lumière, augmente, tandis que la résistance électrique du système diminue. Dans l’obscurité , la résistance du récepteur ainsi constitué est de 4200 ohms, et de 600 ohms à la lumière du jour.
- Voici comment se prépare le récepteur, dont nous n’avons encore fait • comprendre que le principe. Après avoir empilé les disques successifs de laiton et de mica, on maintient l’ensemble de
- l’appareil à une température voisine de celle à laquelle fond le sélénium. On frotte alors la surface du récepteur avec un crayon de sélénium ordinaire ;
- Coupe du récepteur de sélénium (grandeur d’exécution), représenté en dans la ligure ci -dessus.
- Fig. i. Figure schématique pour expliquer la construction du récepteur de sélénium.
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- Fig. 5. — I'hotophone d’articulation de MM. Graham Iîell et Suinuer Tainter. — Le transmetteur en expérimentation. — Après sa réflexion sur le miroir vibrant du parleur, le rayon lumineux, indiqué par une ligne ponctuée, est dirigé vers le récepteur placé au loin.
- Fio-, 6. _ Le récepteur du photoplione d’articulation. — Les paroles transmises par le rayon lumineux sont entendues dans les téléphones reliés à l’appareil. (Voir le diagramme explicatif de la figure 2; page en regard )
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- a été ainsi possible de transmettre des sons et de constituer un téléphone acoustique lumineux à plus de deux kilomètres de distance, en employant une source lumineuse assez intense.
- Nos figures 5 et 6 représentent le transmetteur et le récepteur du photophone d'articulation, dessinés d'après nature ; elles donnent une idée très exacte de la manière tout à fait simple et pratique dont on peut faire usage de ces merveilleux instruments. Le transmetteur lance le rayon lumineux après sa réflexion sur le parleur, dans la direction du récepteur, placé au loin dans un jardin, où un audi-
- Fig. 7. Transmetteur photophonique à fentes.
- teur entend les paroles prononcées au poste de départ du rayon de lumière réfléchi.
- Nous devons ajouter que si l’appareil que nous venons de décrire donne les meilleurs résultats, MM. Bell et Tainter ont imaginé un grand nombre de formes de transmetteurs pour leur photophone
- Fig. 8. Poste photophonique avec le transmetteur à fentes.
- E, embouchure. — II, plaque vibrante — D, lames à fente, l’une fixe, l’autre reliée à la plaque II.— L, lentille convergente. — S, sélénium placé près du foyer de la lentille. — P, pile.
- d’articulation ; il nous reste à les décrire. La figure 7 montre un transmetteur composé d’une plaque fixe P, percée de fentes nombreuses et d’une plaque légère et mobile reliée à une membrane II, devant laquelle on parle à l’aide d’un cornet E. Le mouvement de la plaque mobile fait varier l’intensité de la lumière qui traverse l’appareil, en augmentant ou en diminuant ondulatoirement la section de passage des rayons lumineux.
- La figure 8 nous indique les dispositions d’une communication photophonique obtenue en employant comme transmetteur l’appareil que nous venons de décrire, et une lentille au lieu du miroir parabolique. La figure 9 représente un autre transmetteur dans lequel les inventeurs ont mis en jeu l’action des courants électriques sur la lumière polarisée.
- Une lentille L projette les rayons d’une lumière F sur un prisme de Nicol R qui les polarise. Ces
- rayons polarisés traversent un analyseur IV, qui éteint en partie le rayon polarisé, suivant l’angle d’incidence. Une bobine B, placée entre les deux prismes, est dans le circuit d’une pile P et d’un microphone ordinaire M. En parlant devant le microphone, on fait varier l’intensité du courant qui traverse la bobine ; ce courant, variable d’intensité avec la voix, fait tourner plus ou moins le plan de polarisation des rayons, et l’analyseur P les éteint plus ou moins, suivant la rotation qu’ils ont subie sous l’influence du courant électrique. Les rayons d’intensité variable ainsi produits, agissent ensuite sur le récepteur à sélénium, à la manière ordinaire. Nous n’oserions affirmer que ce transmetteur donne, dans la pratique, d’excellents résultats : il semble, d’après les expériences de Faraday et de M. Bertin, que, pour effectuer la rotation de rayons polarisés dans ces conditions, l’intensité des courants doive être très grande, mais le fait d’y avo ir eu recours montre bien l’ingéniosité des inventeurs.
- Lorsqu’une invention vient de naître, il serait
- Fig. 9. Transmetteur photophonique à lumière polarisée.
- peut-être un peu hasardé de vouloir prédire et limiter ses applications. Le photophone d’articulation n’a fonctionné expérimentalement jusqu’ici qu’à 213 mètres de distance : c’est peu pour les besoins de la pratique. Il n’en est pas de même du photophone musical, qu’on a déjà pu entendre à 2 kilomètres de distance et qui, avec des perfectionnements et une source lumineuse plus puissante, pourra certainement atteindre 4 kilomètres. Il y a là l’origine d’une application immédiate au service de la guerre et des places assiégées. Si l’on emploie, en effet, un disque de phénakisticope percé d’une double rangée de trous, en nombre inégal, les deux rangées étant d’ailleurs très rapprochées, et que la clef occulte successivement l’une ou l’autre rangée, sans jamais éteindre le rayon lumineux, il en résultera deux notes différentes dans le téléphone récepteur, notes qu’on pourra combiner en alphabet Morse, alphabet absolument fermé aux indiscrétions extérieures, puisque le rayon lumineux projeté paraîtra absolument continu,
- Quoi qu’il en soit, considérée au point de vue exclusivement scientifique, la découverte de MM. Gra-ham Bell et Sumner Tainter marque une ère nouvelle dans les annales de la science ; elle est en tous points digne de celui qui a déjà illustré à jamais son nom par l’invention du téléphone.
- E. Hospitalier.
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- LES ORIGINES ET LE DÉVELOPPEMENT
- DE LA VIE
- (Suite. — Voy. p. 18, 67, 131, 215 216 et 299.)
- TRANSFORMATION DF.S COLONIES LINEAIRES EN INDIVIDUS
- Oïl trouve fréquemment dans les eaux douces, de petits vers aux formes élégantes, presque transparents, qui, à l’aide de longues soies cornées, rampent comme des fils animés à la surface des conferves et des autres plantes aquatiques. Les naturalistes se sont plu à donner à quelques-uns d’entre eux les noms des Nymphes auxquelles les poètes de l’antiquité avaient jadis confié les destinées des sources et des fontaines. Tels sont les Naïs, dont une espèce, isolée depuis dans le genre Stylaria, a la tête prolongée en un long tentacule semblable à une trompe ; les Dero (fig. 1 ), reconnaissables au large pavillon surmonté de prolongements en forme de doigts qui termine leur corps (fig. 1, n° 2). On réunit ces Vers et quelques autres dans la famille des Ndidiens. Les Naïdiens ne sont, pour ainsi dire, que des diminutifs des Vers de terre ; la transition s’établit des uns aux autres de la façon la plus ménagée. Chez les uns et chez les autres, à part quelques différences de développement, on trouve les mêmes’ organes semblablement disposés ; ce sont des êtres incontestablement de même nature, de même origine, formés d’annehux construits exactement de la même façon, de sprte que tout ce que l’on peut dire du mode de constitution des uns, est de tous points applicable aux autres. Or, l’histoire des Naïdiens est particulièrement instructive.
- Si l’on examine au microscope la partie postérieure du corps d’une Nais ou d’une Dero, on reconnaît, quel que soit le nombre des individus que l’on observe, qu’il y a toujours dans cette région des anneaux en voie de formation (fig. 1, n° 2, g), tout à fait comme cela a lieu derrière le scolex d’un Ténia. Les Naïdiens sont donc constamment en voie d’accroissement à leur partie postérieure, et cet accroissement se fait par l’adjonction de nouveaux anneaux entre le dernier et l’avant-dernier, comme l’indique la théorie des colonies linéaires. Ces anneaux peuvent-ils être considérés comme des individus? L’expérience va répondre. Coupez une Nais par le milieu, partagez-la même en plusieurs morceaux: chaque morceau se complétera et formera une Naïs nouvelle. Les parties séparées ont donc une vie indépendante, possèdent, par conséquent, une réelle autonomie, sont autant d’animaux distincts, et comme la vitalité de chaque fragment est à peu près indépendante du nombre des anneaux qui le composent, on est conduit à conclure que l’autonomie réside non dans le fragment lui-même, mais
- dans ses anneaux, et que ce sont ceux-ci, tous semblables entre eux, se répétant régulièrement en série linéaire, qui sont les véritables individus.
- L’expérience que nous venons de faire, la nature la fait spontanément. Quand l’animal a suffisamment grandi par l’addition d’anneaux â sa partie postérieure, on voit, dans la région moyenne du corps, une tète se former en arrière de l’une des cloisons qui séparent les anneaux, tandis qu’en avant de cette même cloison se forme une extrémité postérieure de Nais ou de Dero; l’individu primitif se trouve ainsi partagé en'deux individus complets, soudés bout à bout et qui, chez les Dero, ne tardent pas à se séparer. Chez les Nais, les Stylaria et chez un genre voisin, celui des Chœtogaster, ces individus demeurent unis plus longtemps, et l’on voit apparaître un phénomène nouveau, plus significatif encore. Aux deux extrémités de l’un des anneaux de la partie postérieure du corps des nouveaux individus, on voit se manifester une prolifération très active des tissus (fig. 3, n° 1, B). Les parties nouvelles marchant à la rencontre l’une de l’autre, envahissent bientôt l’anneau tout entier, se divisent rapidement en segments, grandissent ; bref, l’anneau forme à lui seul un nouvel individu. Puis le même phénomène se produit dans l’anneau précédent, et ainsi de suite. De même qu’une hydre séparée d’une colonie reproduit la colonie dont elle faisait partie, de même chaque anneau est ici capable de se transformer en un individu nouveau par simple production d’anneaux semblables à lui. Le caractère individuel de chaque segment est donc aussi nettement accusé que possible. Chaque anneau arrive à s’isoler comme s’isolent les anneaux d’un Ténia, seulement il produit auparavant les anneaux qui lui sont nécessaires pour former une colonie viable, et forme ainsi une nouvelle Nais ; il n’est pas rare de rencontrer des .chaînes de trois ou quatre individus de différente grandeur. La production des anneaux s’est du reste considérablement accélérée, de même que nous avons vu dans les colonies d'hydraires et d’ascidies s’accélérer la production de nouveaux individus : un certain nombre d’anneaux paraissent souvent se former simultanément.
- Chaque anneau d une Naïs étant capable de s individualiser, pouvant être dès lors considéré comme un individu, la Naïs est une colonie au même titre que le Ténia, et cette conclusion s’étend nécessairement à tous les Lombriciens, c’est-à-dire aux Vers de terre et même aux Sangsues, dont l’organisation est très peu différente.
- Chez les Nais, le procédé grâce auquel l’animal s’accroît et celui grâce auquel ses diverses parties se changent en nouveaux individus, sont exactement les mêmes. Comme dans les colonies que nous avons précédemment étudiées, la reproduction par voie agame et l'accroissement ne sont qu’une seule et même chose.
- A mesure que par une coordination de plus en
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- plus grande des fonctions de divers individus, la puissance physiologique de la colonie devient plus considérable, les individus nouvellement formés tendent de moins en moins à se séparer de leurs parents. Finalement le terme de la production des nouveaux segments arrive sans qu’aucun d’eux se soit séparé de la colonie ; celle-ci a pris une taille considérable, mais en revanche semble avoir perdu le pouvoir de se reproduire par voie agame ; c’est ce qui arrive chez les Lombrics et les Sangsues, où tous les individus nés en arrière du premier, par voie asexuée, au lieu de se séparer à un certain moment, comme ils le font chez les Naïs, demeurent unis pour constituer un seul et même
- individu. En réalité, chez les Lombrics, la reproduction agame se manifeste avec la même activité que chez les Nais, seulement elle a été tout entière employée à l'accroissement du Lombric, celui-ci ne s’étant pas fragmenté au cours de son existence.
- Les Annélides marines diffèrent des Lombrics par une plus grande complication de toutes leurs parties extérieures. Leur tête est pourvue d’veux etd’un nombre d’antennes qui peut aller jusqu’à sept (fig. 3, n° 2) ; les soies locomotrices, de forme très variée, au lieu de s’enfoncer directement dans les téguments, sont portées par deux paires de mamelons charnus, sur lesquels se développent paidbis divers appendices cutanés ; enfin, sur le dos
- Fig. 1.— 1N.ui>iens.— Dero'oblusa, grossie 50 fois.— 1. Partie anterieure du corps; b, bouche; ph, pharynx; œ, œsophage; i, intestin; t, anneaux antérieurs, différents de ceux qui suivent et constituent ensemble une sorte de tête; c, cœurs; cl, cloisons séparant les anneaux les uns des autres; sv, soies ventrales; sd, soies dorsales. — 2. Partie postérieure du corps; g, la région en voie d’accroissement ou gemme, constituée d’anneaux incomplètement développés ; v, le pavillon respiratoire couvert de cils vibratiles et ses quatre digilatures. — Fig. 2. — Reproduction des Annélides par division transversale. — 1. Un individu de Syllis arnica en train de se partager en deux individus dissemblables a et b. — 2. Myrianide à bandes (Myrianis fasciata) divisée en sept individus, grossie 2 fois; a, ce qui reste de l'individu primitif; b à g, les nouveaux individus disposés par rang d’âge, les plus jeunes en avant.
- se montrent des organes respiratoires, des branchies. La bouche elle-même peut se prolonger en trompe et elle est souvent armée de puissantes mandibules et de crochets cornés. Un certain nombre d’espèces présentent des phénomènes analogues à ceux que nous ont offerts les Nais, mais avec une variété plus grande encore. La Myrianide à bandes (fig. 2, n° 2), 1 ' Autolyte prolifère, observé par 0. F. Müller, étudié de nouveau par Krohn, et qui est peut-être aussi une Myrianide, se reproduisent exactement comme les Nais et forment des chaînes de six ou sept individus; les Syllis arnica (fig. 2, n° 1) et fiumensis, VAutolytus cornutus (fig. 3, n°2), les Protules, les Filigranes, ne se divisent jamais qu’en deux individus comme les Dero ; mais avec cette différence que chez les Dero, les deux individus
- sont également asexués, tandis que chez toutes les Annélides marines, l’individu postérieur est toujours mâle ou femelle. Les deux individus frères se ressemblent absolument chez les Protules et les Filigranes. Les individus sexués des Syllis et des Autolytes diffèrent au contraire tellement de l’individu asexué, les deux sexes même présentent entre eux de si grandes différences, qu’on a autrefois créé jusqu’à trois genres pour la même espèce : les individus sexués se font surtout remarquer par un développement bien plus considérable de leur appareil locomoteur et par une extrême vivacité.
- Dans le genre Néréide, un phénomène plus étrange encore se produit. Les Néréides (fig. 4, n° 1 et 2) sont les plus communes des Annélides ; ce sont ces Vers allongés que l’on trouve si fréquemment dans les
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- Huîtres et qui font avec elles, parfaitement vivants, le voyage de Paris. Chez certaines espèces, à l’époque de la reproduction, la partie postérieure de chaque individu revêt tous les caractères qui, chez les Syllis et les Autolytes, distinguent l’individu sexué de celui qui ne l’est pas : les soies locomotrices prennent l’aspect de petites rames qui forment à l’animal une bordure chatoyante; des lobes membraneux se développent sur chaque pied, de sorte qu’à ce moment l’animal se trouve partagé en deux moitiés (lig. 4,
- f---ïsà
- nos o et 4) tout à fait dissemblables et présente un aspect des plus singuliers. On croirait que l’animal va se partager par le milieu et que les deux indi vidus si différents vont se séparer. Point du tout : l’individu postérieur n’acquiert jamais de tête et demeure constamment uni à son compagnon ; il réagit même sur lui, caria tête commune prend un développement plus considérable (comparer nos 1 et 2 de la fig. 5) et les tissus mêmes de l’individa antérieur deviennent plus transparents. L’union des deux indivi-
- Fig- 3. Fig. 4.
- Fig. 3 —Multiplication par division transversale des Vers annelés. 1. Stylaria proboscidea (grossie 30 fois). A et C, les individus formés par division de l’individu primitif dans la région moyenne ; B, un anneau postérieur de l’individu A en train de reconstituer un individu complet ; t, tentacule caractéristique des Stylaria. — 2. Autolytus cornutus déjà divisé en deux individus (grossi 7 fois). a, a', a", antennes; c, c', tentacules dans l’ordre d’apparition; d, soies caractéristiques de l’individu postérieur; f, tube digestif — 3 à 7. Développement de Y Autolytus prolifcr par addition successive d’anneaux à la partie postérieure du corps. — Fig. 4. — Né-jiÉiriEs et Hétéronéréides (grand, nat.). — Nereis cultrifera asexuée. — 2. Jeune Nereis üumerilii sexuée. — 5. Nereis cultrifera femelle sous la forme d’Heteronereis qu’elle revêt à l’état adulte. — 4 Nereis cultrifera mâle sous sa forme A'Heteronereis (d’après Claparède).
- dus est telle, qu’avant de connaître le rapport de ces Annélides doubles avec les Néréides, on ne soupçonnait pas qu’elles pussent êtres composées, et l’on avait créé pour elles les genres Heteronereis et Nereilepas.
- Après la période de reproduction, il est probable que l’individu postérieur reprend sa forme primitive; la phase Heteronereis n’est donc que transitoire. Mais elle peut arriver à se fixer; la réaction de l’individu postérieur sur l’individu antérieur devenant alors de plus en plus forte, le nombre des anneaux transformés augmente de plus en plus, et l’on connaît des Néréides, telles que 1a Néréide hé-
- terochète, de Java, et la Néréide Yankee, de New-York, dont presque tous les anneaux présentent les mêmes caractères que les anneaux postérieurs des Hétéronéréides et qui sont, par conséquent, bétéroné-réides sur toute leur longueur, si l’on peut parler ainsi; chez d’autres la transition s’établit graduellement entre les deux moitiés du corps. Il y a là un procédé bien remarquable de transformation d’un type dans un autre.
- Les phénomènes de reproduction des Naïs, des Myrianides, des Dero, des Frotules, des Filigranes, des Autolytes, des Syllis, des Néréides, forment, on le voit, un ensemble continu dont toutes les parties
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- s’enchaînent naturellement, s’expliquent les unes par les autres et qui supposent, à leur tour, d’une façon nécessaire l’indépendance des divers anneaux consécutifs d’une Annélide. C’est d’ailleurs grâce à cette indépendance que les différents anneaux peuvent se modifier sans que les autres les suivent dans leurs métamorphoses, et que, dans la colonie, peut s’établir la division du travail qui permet à la
- Fig. o. — 1. Tète de Néréide avant la métamorphose de la partie postérieure du corps. — N° 2. Tète de la même Néréide (Nerei* Dumerilii) après la métamorphose de la partie postérieure du corps, a, c, appareil vasculaire ; b, antennes internes; i, antennes externes ; d, leur partie rétractile ; e, /, g, parties constitutives des tentacules ; h, vaisseaux des tentacules; o, o, les jeux (grossissement : 16 foisj.
- tète de jouer son rôle particulier, aux anneaux postérieurs de prendre la structure caractéristique qui fait d’eux les individus reproducteurs. Nous retrouvons, sous ce dernier point de vue, chez les Anné-lides un fait que nous avons déjà signalé dans les autres groupes : l’individu reproducteur se signale par un pouvoir locomoteur plus grand que celui des individus asexués, et ce pouvoir locomoteur est ensuite utilisé à la création d’un type nouveau, mieux doué sous ce l’apport que ses congénères, et
- qu’on peut considérer comme un type supérieur: le Néréides nous en ont offert un exemple.
- Tous les faits qui précèdent montrent évidemment que les Annélides marines sont, aussi bien que les Lombriciens, de véritables colonies, et que chacun de leurs anneaux est un véritable animal.
- De même que nous avons vu la faculté de reproduction par voie agame, après avoir déterminé dans les types inférieurs des Lombriciens, la formation d’un nombre plus ou moins grand d’individus aux dépens de l’individu primitif, servir uniquement, dans les types supérieurs, à l’accroissement de l’individu, de même chez la plupart des Annélides supérieures, les anneaux issus d’un même chef demeurent toujours unis. 11 est hors de doute cependant que l’on peut artificiellement réveiller chez eux la faculté de s’individualiser. 11 suffit pour cela de couper un Lombric ,ou une Annélide par le milieu du corps; les deux moitiés se compléteront et l’on aura deux individus au lieu d’un. Si l’un des fragments était trop petit, le plus grand seul se compléterait. On peut conclure de là : 1° que le nombre des segments, ou si l’on veut des individus produits par un œuf donné, est déterminé, non pas, comme on le dit d’habitude, par une sorte de force reproductrice résidant dans cet œuf, mais bien par certaines conditions physiologiques, sans doute en rapport avec la nutrition de la colonie; 2° que les segments associés ont possédé réellement la faculté de se diviser en plusieurs colonies, mais que cette faculté ne s’exerce plus que dans des circonstances déterminées; 3° enfin que l’association devient une condition de plus en plus nécessaire de l’existence des segments, qui perdent ainsi une part plus ou moins grande de leur autonomie.
- Nous allons voir cette autonomie s’affirmer encore cependant dans la façon dont se modifient les segments qui composent un même individu, dans les phénomènes de polymorphisme et de division du travail dont les colonies linéaires sont le siège.
- Edmond Perrier,
- Professeur administrateur du Muséum d’Histoire naturelle de Paris.
- — La suite prochainement. —
- NECROLOGIE
- C. A. Penaud. — Nous avons appris avec la plus vive douleur, la nouvelle de la mort d’un jeune savant d’un grand mérite, officier d'académie et membre de la Société Philomathique de Paris, M. G. À. Pénaud. Il n'avait que trente ans et s’était fait connaître par ses remarquables études sur les hélicoptères et sur le vol des oiseaux. Il avait construit avec une grande habileté des oiseaux mécaniques qui ont fonctionné avec succès à plusieurs l’eprises et au sujet desquels nous renvoyons nos lecteurs à l’excellente notice publiée dans la Nature par l’auteur lui-même M. G. A. Pénaud était très versé dans
- 1 Voy. la Nature, n” 99 du 24 avril 187.5, p. 327.
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- l’étude des mathématiques et de la mécanique ; il avait la passion de la navigation aérienne, et il croyait à l'avenir des appareils de vol mécanique. Tout ce qui se rattachait à l’étude de l’atmosphère par les aéi’ostats ne l’intéressait pas moins, et malgré une infirmité cruelle qui le contraignait de marcher à l’aide de béquilles, il avait exécuté, à deux reprises différentes et avec une grande ardeur, des voyages en ballon d’un véritable intérêt scientifique. M. (h A. Pénaud a été pendant plusieurs années archiviste de la Société de navigation aérienne; il avait été un des plus intimes amis des regrettés Crocé-Spinelli et Sivel. Le nom de M. C. À. Pénaud est fort honorablement connu dans la marine française. 11 était le fils de feu le vice-amiral Pénaud, et le frère de M. Eugène Pénaud, actuellement lieutenant de vaisseau.
- CHRONIQUE
- Destruction de la ville d’illapel, au Chili, par le tremblement de terre du 15 août 1880.
- — Grâce à l’obligeance d’un de nos correspondants de Santiago, nous avons publié précédemment des détails sur le terrible tremblement de terre du Chili qui a eu lieu le 15 août 1880 (n° 385 du 16 octobre 1880, p. 514). Un journal de Buenos-Àyres annonce que la ville d’illapel a été complètement détruite par ce tremblement de terre. Quatre cents maisons se sont écroulées ainsi que deux églises. Le palais du gouvernement, la prison, les écoles publiques, les casernes et la municipalité étaient ébranlés, et sans doute se sont écroulés depuis et ne forment plus qu’un monceau de ruines. Les magnifiques faubourgs d’illapel présentaient après la catastrophe un aspect désolé. Six cents personnes étaient dans les rues ; le reste des habitants avait quitté la ville. Plusieurs centaines de personnes, hommes, femmes et enfants, avaient passé la nuit en plein air. Les misères éprouvées par ces malheureux sont terribles ; ils préféraient naturellement s’exposer aux intempéries de l’air, plutôt que d’être ensevelis vivants. Un appel a été fait aux habitants du Chili pour venir en secours à tant de détresse. Beaucoup de mines du voisinage se sont effondrées, mais heureusement les mineurs ont pu se sauver. A Ovalle, quelques vieilles maisons ont été détruites; à Setaqui, l’église a été très endommagée ; à Rapel et à Cazen, les dommages ont été grands.
- La Société des Amis des sciences. — Fondée par le baron Thénard pour venir en aide aux savants et aux inventeurs malheureux, aux veuves et aux orphelins de ceux qui ont travaillé à quelque découverte utile, la Société de secours des Amis des sciences, quelles que soient ses ressources actuelles, est impuissante à soulager toutes les infortunes. M. J. B. Dumas, l’illustre savant que les ans, quoi qu’il en dise, n'ont pas affaibli, fait aujourd’hui, en termes éloquents et émus, un appel à la charité de tous ceux qui vivent par la science, aux industriels, aux compagnies financières, à tous les esprits élevés qui considèrent la science comme une noble aspiration de l’intelligence. « Pressée par le spectacle navrant des misères dout elle est la confidente attristée, la Société de secours des Amis des sciences, dit M. J. B. Dumas, vient aujourd’hui faire aveu d’impuissance. Oui ! il est des savants français qui, après avoir doté leur pays de décou-
- vertes que le temps se chargera de faire fructifier — mais non à leur profit,— abattus parla souffrance, ou emportés avant l’heure par une mort imprévue, laissent leurs familles dans la détresse, et nous ne pouvons rien pour elles. » Nous faisons des vœux sincères pour que cette prière, faite en faveur du génie et du malheur, soit exaucée.
- Ii’ln*titiit agronomique.— L’Institut agronomique vient de faire paraître le troisième volume de ses Annales, qui contient un certain nombre de mémoires et de travaux originaux d’une véritable valeur.
- M. Müntz, chef des travaux chimiques, a continué son étude sur l’alimentation des chevaux, si intéressante pour les sociétés de transport et pour les armées. Ces recherches, qui sont faites sur la cavalerie de la Compagnie des omnibus, ont permis déjà à cette Société de réaliser des économies considérables; M. Müntz donne également un travail sur la constitution de la graisse des animaux primés au concours du Palais de l’Industrie. — M. Prillieux, professeur de botanique, publie un mémoire sur les ravages occasionnés par l’hiver de 1879-80 dans les plantations de pins.— M. P. Regnard, professeur de physiologie, donne deux études ; une d’elles est relative à l’influence des radiations rouges sur la végétation, l’autre à la respiration. — M. Du Breuil, professeur d’arboriculture, fournit la nomenclature des principaux cépages français avec leurs particularités distinctives. — M. le docteur P. Broc-chi, répétiteur de zoologie, est allé étudier l’installation des pêcheries de l’Adriatique à l’embouchure du Pô et en fait l’objet d’un intéressant rapport. — M. E. Chesnel, secrétaire de l’Ecole, a été chargé par le Ministre dr l'Agriculture d’étudier l’enseignement agricole, l’instruction laitière et la fabrication des produits du lait dans le Danemark et la Suède. La première partie de son rapport se trouve dans ce volume.—M.Nivet, élève diplômé, publie un travail sur la décomposition des sels ammoniacaux.— Un autre élève de l’École, M. Lami, donne une étude sur le lait.
- A la suite d’un rapport adressé à M. le Président de la République par M. le Ministre des postes et des télégraphes, il a été décrété qu’un Congrès international d’électricité sera ouvert à Paris, le 15 septembre 1881. Les électriciens des nations étrangères seront conviés par la France à assister à cette solennité scientifique. En outre, une exposition internationale d’électricité aura lieu dans le Palais des Champs-Elysées, du 1er août au 15 novembre 1881.
- — Une secousse de tremblement de terre a été ressentie à Madrid, à Lisbonne et dans toute la péninsule le 21 octobre ; un grand orage éclatait en même temps.
- — Nous apprenons que des nouvelles iutéressantes ont été reçues de deux éminents voyageurs. M. le docteur Crevaux, chargé d’une mission scientifique par le gouvernement français, continue ses belles explorations de l’Amérique équinoxiale. Il se prépare à opérer la descente de la rivière Maupès. M. Soleillet, d’autre part, a écrit récemment de Saint-Louis, qu’il allait se disposer à se mettre en route pour Médine. M. Soleillet a été reçu à Ebraïssen par le cheik Saad-Bou, campé au milieu d'une forêt de gommiers, et auquel il a remis une lettre adressée par le Président de la République française.
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 26 octobre 1880. — Présidence de M. Wcutz
- La slalue de Pallanzani. — Un comité italien annonce pour le mois d’août 1885 l’érection d’un monument au glorieux créateur de la physiologie expérimentale.
- Le phylloxéra. — Après un silence à peu près complet et qui dure depuis plusieurs mois, voilà la question du phylloxéra qui de nouveau préoccupe beaucoup de monde. M. Dumas en atteste l’énorme paquet de communications parvenu cette semaine au secrétariat. La cause de ce redoublement d’activité est presque tout entière dans la note dont nous avons récemment reproduit la substance et qui annonçait la découverte d’une vigne nouvelle au Soudan. Les demandes de plants, de graines et de tubercules de cette plante, que nul à l’Académie n’a jamais vue, sont déjà si nombreuses, qu’il faudrait des arrivages invraisemblables pour pouvoir y faire droit. Cependant le secrétaire perpétuel signale une lettre dont l’objet est tout autre. Signée de M. Victor Gassiot, elle a pour but de préconiser l’emploi de l’acide sulfureux gazeux pour désinfecter les objets de nature quelconque (ceps, écbalas, paniers, etc.), pouvant avoir été phylloxérés. Le succès, paraît-il, est complet, mais l’auteur va peut-être un peu loin dans les conséquences qu’il en tire. 11 conseille en effet de détruire de la même manière tous les parasites qui peuvent s’attaquer aux collections d’histoire naturelle ; or, comme le font remarquer M. Dumas et M. Chevrcul, cette prétendue pratique de protection pourrait bien ne pas être sans danger, les corps poreux ayant une propension bien connue à convertir le protecteur acide sulfureux en corosif, acide sulfurique. Ce pourrait être un moyen détourné mais sur de vitrioliser les échantillons à conserver.
- La pellagre en Italie. — La récente communication de M. Paye sur les causes de la pellagre a éveillé l’attention des médecins et des agriculteurs italiens. M. Musaglia, directeur de l’Agriculture de l’Italie, adresse un volumineux travail imprimé intitulé la Pellagria in Italia, et dont les conclusions sont, paraît-il, différentes de celles que formulait l’autre jour le savant académicien.
- Variations des aréomètres. — Un constructeur bien connu, M. Salleron, appelle l’attention sur les altérations subies par les aréomètres quand on les maintient longtemps dans un liquide chaud : condition réalisée par exemple dans la fabrication des sucres. Ainsi traités, ces instruments perdent jusqu’à 5 ou G décigrammes de leur poids, et dès lors leurs indications demeurent tout à fait fausses. De plus, ils se brisent suivant des fentes en spirales tout à fait singulières, dont plusieurs échantillons sont présentés par M. Friedel.
- Le sang-de-rate. — Poursuivant des études qui ont déjà été plusieurs fois mentionnées ici, M. Chauveau inocule à des animaux réfractaires au sang-de-rate, une quantité telle de sang charbonneux, quelle représente plus de 200 milliards de bactéridies. En peu d'heures celles-ci sont presque toutes détruites, et si l’on ouvre l’animal, on n’en retrouve plus de trace, sauf dans quelques gros caillots contenus dans le cœur et qui ont conservé les propriétés infectieuses. Il arrive cependant quelquefois que les bactéridies peuvent arriver rapidement jusque dans la pie-mère. Dans ce cas, elles échappent à la destruction que leur eût infligée le séjour dans
- le sang, et elles déterminent, par leur multiplication rapide, des désordres mortels. Ce fait, qu’on n’avait point encore observé, donne la raison du vertige qui accompagne si souvent les autres accidents charbonneux.
- Stanislas Meunier.
- CORRESPONDANCE
- Toulouse. 4 septembre 1880.
- Monsieur Gaston Tissandier,
- Je vous envoie à titre de curiosité la photographie d’une racine provenant d’un Pandanus ulilis, C. (Pandanées), plante originaire des îles d’Asie, très singulière par la
- Curieuse racine de Pandanus (d’après'une photographie).
- disposition de ses diverses parties, qui rappellent assez fidèlement la forme du corps humain (voy. la gravure ci-dessus). 11 convient d’observer que cette pièce curieuse n’a pas été travaillée le moins du monde artificiellement, comme le démontre, du reste, la présence des radicelles et nodosités qui recouvrent sa surface.
- Pendant le cours de l’été dernier, on exhibait à Toulouse, sous le nom à’Homme-Racine, une curiosité du genre de celle-ci, provenant d’une plante indigène de la famille des Rosacées. Ce spécimen, bien que de plus grande taille que celui dont je vous adresse l’image photographique, ne présentait pas autant, quant à l’attache des membres, la perfection de celui-ci.
- Veuillez agréer, etc.
- UN DE VOS ABONNÉS, Pharmacien à Toulouse.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.
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- N° 588
- LA NATURE.
- . — 0 NOVEMBRE 1880
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- APPAREIL DE DÉMONSTRATION
- DES LOIS DE El PESANTEUR
- ET DE DIVERS PRINCIPES DE MÉCANIQUE
- Le petit appareil représenté ci-dessous et imaginé par M. Jean Mocenigo, est une démonstration très élégante de plusieurs principes de mécanique.
- Il se compose d’une petite voie courbe de im,75 tle longueur, posée sur des tréteaux dont on peut régler la hauteur à l’aide de deux vis placées aux extrémités et agissant comme des verrins. Sur cette
- voie circule un petit chariot sur lequel sont placées deux écuelles, comme celles qui servent aux débitants de tabac à puiser dans le tabac à priser.
- L’appareil ressemble, jusqu’ici, aux montagnes russes que l’on peut voir dans toutes les fêtes de banlieue.
- 11 est certain que si le petit chariot est abandonné à lui-même dans ces condi tions, il descendra le long du plan incliné et remontera, en vertu de la vitesse acquise, de l’autre côté du plan, mais à une hauteur moindre, à cause du frottement de l’air, des rails, des essieux, etc. Au bout de quelques oscillations, son mouvement se sera complètement (Teint.
- Appareil de démonstration mécanique de M. J. Mocenigo.
- M. Mocenigo est arrivé, par un procédé très ingénieux, à maintenir indéfiniment ce mouvement de va-et-vient. 11 dispose pour cela, à chaque extrémité du plan incliné, un réservoir cylindrique dans lequel sont renfermées des balles pesantes (plomb, ivoire, etc.) sur une rainure hélicoïdale qu’on voit sur le réservoir de gauche. Le chariot, en arrivant au bout de sa course, agit sur un petit levier qui laisse écouler une boule, et une boule seulement, à chaque choc. La boule tombe dans la petite écuelle du chariot, et lorsqu’il arrive au milieu de sa course, elle le quitte et tombe sur le sol. On comprend maintenant que le mouvement du chariot puisse s’entretenir tant qu’il y aura des boules dans les réservoirs. En effet, pour un mouvement complet du chariot, le travail produit pendant la descente est 8e auoee. — 2“ semestre.
- égal au poids du chariot plus celui de la boule, multiplié par la différence de niveau entre l’extrémité des rails et leur milieu ; le travail dépensé est égal au poids du chariot, qui remonte seul après avoir abandonné la boule, multiplié par la même hauteur. La différence de ces deux produits représente ce qui a été fourni à l’appareil pour vaincre les frottements et donner le petit choc en vertu duquel le petit levier donne passage à une boule nouvelle.
- Dans le petit système construit par M. Mocenigo, le chariot pèse un kilogramme et les boules cent grammes environ. La durée d’un trajet complet (aller et retour, est de deux secondes), et le mouvement peut durer trois minutes avec quatre-vingt-dix balles.
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- LA NATURE
- Cet appareil constitue un ingénieux système de démonstration, permettant de faire comprendre les lois de la chute des corps, le travail du frottement, le principe des puissances vives, l’expression du travail, l’équivalence entre le travail dépensé et le travail produit dans les machines, etc. C’est à ce titre que nous avons cru devoir le faire connaître.
- L’UTILISATION DES FORCES NATURELLES
- ET LEUR EMMAGASINERENT
- Rien que toutes les forces que nous mettons à profit soient en réalité des forces naturelles, on désigne plus spécialement sous ce nom celles qui peuvent produire directement du travail sans passer par une transformation intermédiaire, à l’aide d’un organe unique qu’on nomme récepteur. Ces forces naturelles proprement dites, sont au nombre de trois :
- 1° Les chutes et les cours d'eau, dont on utilise la force avec les roues hydrauliques, les turbines, les béliers hydrauliques, etc.;
- 2° Les marées, qui n’ont pas encore été employées couramment à la production du travail, mais qui représentent néanmoins une grande somme d’énergie que l’on saura tôt ou tard utiliser, lorsque le prix toujours croissant du charbon de terré obligera l’industrie à recourir à une autre source de puissance motrice ;
- 5° Les vents, dont les moulins nous montrent une des applications les plus communes.
- Ces forces présentent toutes, bien qu’à des degrés différfents, un grave inconvénient, c’est leur irrégularité et leur inconstance; une crue ou une sécheresse arrêtent la roue hydraulique; le vent devient-il trop léger ou trop violent, le moulin ne va plus. Cette irrégularité, inhérente à la nature même des foices naturelles, restreint beaucoup le nombre de leurs applications. Pour l’eau, on tourne la difficulté en construisant des barrages, des déversoirs, etc., qui atténuent en partie les inconvénients de la variation du débit et de la chute d’eau ; pour le vent, certains moulins à ailes automatiques peuvent fonctionner avec des vents de vitesses très différentes sans trop de difficultés, mais alors la vitesse et le travail produits, subissent à chaque instant des variations dont ne s’accommodent pas toujours les appareils qui utilisent le travail produit.
- Pour fixer les idées, prenons, par exemple, un moulin à vent pouvant produire un travail moyen de 10 kilogrammètres par seconde avec un vent favorable; ce travail variera entre 4 et 16 kilogrammètres, et la vitesse dans des proportions analogues. Il serait impossible d’appliquer directement cette force à un grand nombre de machines qui demandent avant tout une assez grande régularité dans le fonctionnement et qui ne peuvent pas supporter des variations de vitesse aitssi considérables.
- On peut cependant utiliser indirectement ce travail par le principe de Y accumulation, analogue à l’épargne, en économie politique, qui permet, d’emmagasiner le travail produit, lorsqu’il dépasse le travail dépensé, et de le restituer lorsqu’au contraire, le travail produit est inférieur au travail dépensé. Un accumulateur, pris dans son sens général, est un appareil qui, suivant les cas, peut jouer le rôle de régulateur, comme le volant des machines à vapeur, emmagasinant le travail sous forme de puissance vive, le restituant ensuite et maintenant la vitesse entre des limites peu éloignées, ou bien celui de réservoir, recevant le travail sous une forme quelconque, en quantités variables à chaque instant, et le restituant régulièrement, au moment voulu, tantôt avec une puissance faible et une longue durée, tantôt, au contraire, pendant un instant très court et avec une puissance considérablement multipliée. Nous allons rapidement passer en revue quelques-uns des accumulateurs proposés ou employés dans l’industrie, et voir dans quelle mesure ils satisfont aux exigences dans chaque cas particulier.
- Ressorts. — Le ressort est certainement l’accumulateur le plus universellement employé. La faible somme de travail dépensée pour remonter une montre suffit pour l’actionner pendant plus de trente heures; le tournebroche est lui-même un accumulateur à ressort très apprécié, dépensant en une heure, lentement, le travail d’une minute. Cet accumulateur si répandu et si usité pour les petites forces, devient trèa mauvais, dès qu’on veut lui faire produire plus d’un kilogrammètre par seconde.
- Il y avait, à l’Exposition universelle de 1878, deux moteurs à ressort, destinés, suivant les inventeurs, à supprimer la pédale des machines à coudre. L’ouvrière devait, de dix minutes en dix minutes, remonter le ressort avec une manivelle. Les expériences ont montré que le rendement était très faible à cause de la complication du mécanisme, disposé pour combattre les variations de puissance entre le moment où le ressort est complètement bandé et celui où il est presque entièrement détendu. D’autre part, il résulte d’expériences précises qu’un kilogramme de ressorts de l'acier le meilleur, ne peut pas emmagasiner plus de trente kilogrammètres, ce qui rend l’accumulateur à ressort très lourd, sans compter son prix énorme relativement à la puissance et le volume de l’appareil.
- Il faut donc garder le ressort pour les appareils délicats, et considérer comme une utopie l’idée d’un inventeur entre autres, voulant faire marcher un tramway à l’aide de ressorts qu’on remonterait à chaque bout de la ligne par une petite machine à gaz ou à vapeur pendant les temps d’arrêts.
- Poids. — Les horloges et les tournebroches à poids, sont les exemples les plus simples d’accumulateurs à poids employés aussi dans certains appa-
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- reils destinés à la fabrication du gaz d’éclairage dans les cliàteaux éloignés des grandes villes! Le travail emmagasiné par un poids est proportionnel à la hauteur dont on peut le faire descendre au moment où il effectue un travail utile; il faut donc disposer d’une grande course on employer des poids considérables pour emmagasiner une quantité assez grande de travail.
- Accumulateurs hydrauliques. — Les accumulateurs hydrauliques, imaginés par Armstrong, sont actuellement employés aux docks de Marseille et dans le port d’Anvers pour la manœuvre des appareils de chargement et de déchargement des navires. La pression de l’eau à Marseille est de 55 atmosphères. L’accumulateur proprement dit est un long-piston d’un poids total de 80 000 kilogrammes, placé dans un cylindre dans lequel des pompes mues par des machines à vapeur refoulent de l’eau.
- Lorsque l’eau refoulée par la machine dépasse la dépense des appareils alimentés par l’accumulateur, le piston s’élève, emmagasinant ainsi 80 000 kilo-grammètres pour chaque mètre d’élévation; il les restitue par sa descente lorsqu’au contraire la dépense dépasse le refoulement de l’eau par les pompes. Lorsque l’accumulateur est plein, il arrête automatiquement la machine à vapeur. L’accumulateur hydraulique des docks de Marseille est un appareil remarquable par sa puissance; il réalise parfaitement le problème de la distribution des forces à distance dans le cas où il est appliqué. Les précautions qu’il faut prendre pour combattre les effets nuisibles de la gelée compliquent cependant un peu son emploi dans les pays froids.
- Air comprimé. — L’air comprimé est un véritable ressort dont la capacité d’accumulation est théoriquement indéfinie, mais le rendement de ce ressort en travail, diminue à mesure qu’on augmente sa tension. L’air comprimé est un accumulateur pesant, non pas par lui-même, mais parce qu’il faut, pour le renfermer, des réservoirs en tôle épaisse; il est cependant beaucoup moins lourd, à puissance égale, que les ressorts d’acier, et il suffit de citer, parmi les nombreuses applications qu’il a reçues comme accumulateur de travail, les compresseurs et les perforatrices du Mont-Cenis et du Sainl-Gothard, les locomotives à air comprimé, les tramways Mékarski et les torpilles de M. Thornycroft.
- On a d’ailleurs quelque peu abusé de l’air comprimé comme accumulateur et distributeur d’énergie : il s’était fondé à Paris, il y a quelques mois, une Société dont nous n’entendons plus parler et dont le but était, d’après le prospectus, de distribuer de l’air comprimé au moyen de machines mues par des forces naturelles pour produire de la force motrice à domicile avec une économie de 80 p. 100 sur les machines à vapeur et des bénéfices de 25 p. 100 pour les actionnaires ! Que sont devenues ces belles •espérances? E. Hospitalier.
- — La suite prochainement. —
- BIBLIOGRAPHIE
- Traité élémentaire de chimie industrielle d'après les traxaux les plus récents, par E. Van dku Sciiluren, 2 vol. in-.S°, contenant 520 gravures. Namur, impr merie veuve Douxfils, 1879; prix. 15 francs les deux volumes.
- Le nombre des traités de chimie est considérable, et il en est beaucoup d’excellents. Celui que nous signalons ici est tout particulièrement digne d’ètre recommandé. Il comprend la description des grandes industries chimiques, mise à la portée de tous et faite d’après les perfectionnements les plus récents. La division de l’ouvrage est très claire et très pratique, les figures toutes inédites, sont très exactes; l’ensemble constitue un remarquable manuel d’étude et de renseignements.
- Tableau d'aviation représentant tout ce qui a été fait de remarquable sur la navigation aérienne sans ballons, par E. Dieuaioe. Chez l’auteur, 18, rue de la Banque, Paris. Prix, 2 francs.
- Ce tableau est curieux au point de vue historique : l'auteur a réuni les dessins de tous les appareils imaginés par les hommes volants ou par les partisans du plus lourd que l air, et il a misa profit les documents recueillis à ce sujet par M. le docteur llureau de Villeneuve. Au point de vue pratique, ce tableau montre l’impuissance de l’aviation ; on y voit, à l’état de simple projet, des dessins sans aucune signification qui dénotent de la part de ceux qui les ont imaginés, l’absence absolue des plus élémentaires notions de la mécanique; on y trouve, parmi les expériences tentées, la ridicule entreprise de Deghen, ou les funestes tentatives deLetur et de DeGroof, qui se sont tués dans des appareils insuffisants, détachés de ballons libres. Si l’on y rencontre quelques mécanismes sérieux, tels que les petits oiseaux mécaniques de M. Pé-naud, de M. Tatin, etc., ces mécanismes à ressorts de caoutchouc, ne restent qu’à l’état d’appareils assurément très ingénieux, mais qui ne fonctionnent que pendant quelques secondes, et qui ne sauraient être construits en grand. Les appareils plus lourds que l’air, il faut en convenir, justifient jusqu’à ce jour, le titre qui leur a été donné. Ils restent au fond de l’air, comme la balle de plomb, au fond de l’eau.
- Nous ajouterons que les critiques qui précèdent ne s'adressât nullement à M. Dieuaide, qui, en composant son Tableau d'aviation, a très heureusement groupé des documents intéressants, et qu’elles ne sont pas destinées non plus à décourager les chercheurs. Mais, jusqu’ici, on doit reconnaître que la navigation aérienne sans ballons n’existe pas, puisque le ballon est le seul appareil qui ait navigué au sein de l’atmosphère.
- Voyage aux îles Fortunées, le pic de Ténériffe et les Canaries, par Jules Leclercq, 1 vol. in—18. Paris, E, Plon et Cie, 1880.
- M. Leclercq, qui a déjà publié dans h collection de voyages de la librairie E. Plon, Un été en Amérique, fait paraître aujourd’hui ce nouveau volume. Il nous mène cette fois sous le beau ciel des tropiques, dans ces iles Fortunées où les anciens avaient placé les Champs-Elysées et le jardin des Ilespérides. Ces îles, appelées aujourd’hui les Canaries, sont un véritable paradis terrestre, dont l’auteur fait la plus séduisante description.
- / Colli Pliocenici di Magliano Sabino, par G. A. Tcc-cimei, 1 broch. in-8". Roina, 1880.
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- LA NATURE.
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- LA PHYSIQUE SANS APPAREILS
- (Suite. — Voy. p. 7, 71, 108, 185, 251 et 280.)
- Parmi les expériences exécutées dans les cours par des professeurs ayant à leur disposition tout un cabinet de physique, et qui, au premier abord, semblent très compliquées, il en est cependant quelques-unes que l’on peut reproduire, avec des objets usuels. Est-il une expérience d’acoustique plus intéressante que celle de M. Lissajous, et qui consiste, comme le savent nos lecteurs, à projeter sur un tableau, à l’aide de la lumière oxhydrique, les courbes
- Fig. 1. Expérience sur la vibration des verges.
- boule de cire surmontée de papier, décrire très nettement une ellipse plus ou moins allongée ou une circonférence, suivant l’intensité ou le nombre des vibrations ; le phénomène est très sensible quand on a soin de faire vibrer la tige sous une lampe bien allumée; dans ce cas, la persistance des impressions sur la rétine, permet de voir en même temps la verge vibrante tout entière dans ses positions successives, et on croirait avoir sous les yeux l’image fugitive d’un vase conique très allongé, comme un verre à champagne (fîg. I)1.
- Parmi les expériences quelquefois exécutées pour démontrer l’attraction moléculaire, il en est qui se font dans les cabinets de physique au moyen d’appareils d’une construction particulière.
- * Expérience communiquée par M. C. Drivct, à Narbonne.
- vibratoires tracées par l’extrémité de l’une des branches d’un diapason rendant un son? Il est très facile de montrer une expérience analogue au moyen d’une simple aiguille à tricoter. Vous plantez solidement la tige flexible d’acier dans un bouchon qui lui sert de support ; vous fixez à son extrémité supérieure, restée libre, une petite boule de cire à cacheter où vous collez une rondelle de papier de la dimension d’un pois. Si vous tenez solidement le bouchon d’une main, et que vous fassiez fortement vibrer l’aiguille, soit en l’écartant de sa position d’équilibre, et en l’abandonnant à elle-même, soit en la frappant d’un coup énergique au moyen d’une règle de bois, vous verrez la petite
- Fig. 2. Expérience sur l’attraction moléculaire.
- Rien n’est plus intéressant que de placer à la surface d’un vase plein d’eau deux petites sphères de liège, découpées dans un bouchon ; si on les rapproche l’une de l’autre de telle façon qu’elles ne soient plus séparées que par un espace très petit, de I millimètre environ, on les voit se précipiter l’une sur l’autre, comme le ferait une pai’celle de fer approchée d’un aimant. On peut encore planter une des balles de liège à l’extrémité d’une pointe de couteau, et s’en servir pour attirer, à très petite distance, l’autre balle de liège flottant sur l’eau (fig- 2).
- Nous avons indiqué précédemment comment on pouvait obtenir une étincelle électrique avec une feuille de papier et un trousseau de clefs. Le journal anglais Nature, qui nous fait l’honneur de reproduire nos essais de physique sans appareils,
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- LÀ NATURE.
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- a indiqué récemment de nouvelles expériences à ce sujet ; nous les avons exécutées, et après avoir constaté qu’elles réussissent parfaitement, nous allons en donner la description. Disons d’abord qu’il s’agit de faire un électrophore, une bouteille de Levde, et d’obtenir des étincelles électriques dépassant 1 centimètre de longueur, produisant sur la main la sensation du picotement particulier qui les caractérise ; tout cela avec des objets usuels.
- On prend un plateau à thé en fer-blanc laqué, de 50 à 40 centimètres de longueur ; on découpe une feuille de papier d’emballage, épais et solide, de telle façon qu’il s’applique facilement sur la partie plane du plateau. On fixe, à l’aide de cire à cache-
- ' Fig. 3. Un électrophore confectionné au moyen d’un plateau à thé et d’une feuille de papier.
- et on le frotte très énergiquement à l’aide d'une brosse à babit assez dure et bien sèche. On pose le papier sur le plateau ; on touche le plateau avec le doigt et on soulève le papier par ses poignées. Si à ce moment une personne approche le doigt du bord du plateau, elle fera jaillir une étincelle visible. On peut remettre alors le papier sur le plateau, en toucher le bord une seconde fois, et soulever à nouveau le papier; une seconde étincelle jaillira, et ainsi de suite, à sept ou huit reprises différentes.
- Nous voilà pourvus d’une véritable machine électrique. Comment arriverons-nous à fabriquer une bouteille de Leyde ?'Rien de plus facile. Nous prendrons un gobelet de verre; nous le remplirons à moitié, avec du petit plomb de chasse; nous planterons au milieu de ce plomb de chasse une cuillère
- ter, deux bandelettes de papier, à chaque extrémité de la feuille, de manière à pouvoir la soulever sans difficultés quand elle est posée à plat. Le plateau à thé est placé sur deux verres à boire qui lui servent de support. Voilà l’électrophore confectionné. Voyons maintenant comment on arrive à le faire fonctionner.
- On chauffe la feuille de papier d’emballage au-dessus d’un feu très ardent, d’un poêle ou d’un fourneau bien allumé ; il faut chauffer longtemps, à plusieurs reprises, de telle façon que le papier soit bien sec, et que sa température soit aussi élevée que possible. Cela fait, on le pose rapidement, afin d’éviter son refroidissement, sur une table de bois,
- Fig. 4. Une bouteille de Leyde faite avec un verre, du plomb de chasse et une cuillère.
- à café, et si tous ces objets sont bien secs, nous aurons une excellente bouteille de Leyde.
- Pour la charger, nous ferons fonctionner notre électrophore comme nous l’avons indiqué précédemment. Pendant qu’un opérateur touchera le bord du plateau et soulèvera la feuille de papier, une autre personne tenant le gobelet de verre par le fond, l'approchera du plateau, de telle façon que la petite étincelle jaillisse à l’extrémité du manche de la cuillère. On chargera ainsi la bouteille de Leyde au moyen de plusieurs étincelles successives ; on pourra alors en obtenir une petite décharge, soit en l’approchant du plateau, soit en la présentant devant a main (fîg. 4).
- Gaston Tissandier,
- — La suite prochainement. —
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- LA NATURE.
- FULGURITES CALCAIRES
- OBSERVÉES DANS LE JURA
- Dans une course faite l’an passé avec mes amis du Club Alpin, nous trouvâmes au sommet du Gra-let un rocher calcaire que la foudre avait visiblement frappé. — Le Gralet (1486 mètres) fait partie des hauts sommets de la chaîne du Jura; il est placé entre leReculet (1720 mètres) et le Crédoz ( 1624 mètres), qui domine la perte du Rhône à Bellegarde. C’est la pointe d’une crête rocheuse plongeant presque à pic au nord du côté de la vallée de la Valse-rine et s’atténuant en pente plus douce du côté sud. L’excessive chaleur qui se développe au soleil sur ces calcaires arides depuis le bas de cette vallée jusqu’aux rochers élevés de cette crête fait contraste avec l’air de la grande plaine du bassin du Léman. Les jours d’orage, ces différences de chaleur, d’humidité ou de pression entre les deux flancs de cette montagne, ou bien le choc d'épaisses couches d’air rapidement chassées par des vents contraires, donnent à cet endroit de formidables coups de foudre.
- La vitrification des dentelures d’un rocher calcaire par une décharge électrique (ces fulgurites en un mot) sont rares dans le Jura. Pendant près de vingt ans, je n’en ai pas observé plus de cinq ou six fois. Dans les hautes Alpes, elles sont un peu moins rares. J’ai vu du col de Sonadon, au pied du Grand Combin, du micachiste à dentelures nettement vitrifiées et ces perles ont de 1 à 5 millimètres. Le célèbie ascensionniste M. Charlet-Straton possède à Chamounix de splendides fulgurites de micachiste qu’il a recueillies sur la « chaîne dos Courtes», arête élevée qui domine le glacier d’Ar-gentières. Elles ont environ 1 à 1 centimètre 1/2 de diamètre et sont remarquables, car la décharge électrique qui les a ainsi fondues a dû être d’une étonnante intensité ! Derrière le dôme du Mont-Blanc, à l’endroit dit les Rochers foudroyés, on en trouve assez régulièrement, ainsi que dans bien d’autres localités des Alpes connues des montagnards et qu’ils désignent comme dangereuses, soit pour s’y arrêter, soit pour y construire des refuges.
- Cette fulgurite calcaire du Gralet avait l’aspect d’un ruban noirâtre à courbures anguleuses. Elle se détachait nettement sur la roche grise et jaunâtre ; sa longueur était de plus de deux mètres. Toutes les petites aspérités du calcaire y étaient vitrifiées et ressemblaient à des globules noirâtres placés en ligne; leur surface était granulée, assez brillante, ce qui leur donnait l’aspect de gros grains de poudre à canon; tout alentour du tracé électrique, des lichens étaient adhérents au roc et encore vivants ; mais à l’endroit même du passage de la foudre ils avaient été arrachés et le roc était dénudé. — Nous eûmes grand’peine à détacher de
- cette surface des fragments portant ces perles en-ore intactes.
- Comment ce calcaire a-t-il pu ainsi être fondu?
- L’analyse chimique ne m’a donné que 5 pour 100 de substances siliceuses insolubles dans l’eau régale et je n’ai pu y constater ni soude ni potasse ; tout le reste est du carbonate de chaux décompo-sahle et in fusible à l’air libre et une haute température, mais fusible sans décomposition sur une plus haute pression au rouge blanc.
- Les globules de ces fulgurites sont assez friables et de forme allongée, ovales et même capilulés. La surface est plus dure et forme une croûte assez compacte. Au microscope, cette surface est écumeuse et criblée d’une infinité de petites perles incolores, transparentes, parfaitement arrondies et rendant le phénomène de la fusion indubitable. Les acides les dissolvent avec eflervescence, moins des traces de carbone et la dose de silice précitée (sans soude, ni potasse). Celle-ci ne peut pas rendre fusible le calcaire, même à nos plus hautes températures. Il faut que ce soit l’excessive chaleur de l’étincelle électrique et l’énorme pression des deux courants contraires qui aient été les causes de cette fusion.
- Pourquoi ces globules vitrifiés (ainsi que la zone qui les entoure) sont-ils noirs?
- Ici se place une curieuse observation : en dissolvant dans de l’acide faible ce calcaire noirci, j’ai constaté qu'il était pénétré par d’innombrables filaments organiques peu colorés (d’un vert très pâle ou fauve), qui ne sont autre chose que le Prothallium de divers lichens. Etudiés avec de fortes lentilles à immersion, on y distingue nettement des Microgonidies. Ces filaments sont si ténus qu’ils arrivent à ne pas dépasser un demi-millième de millimètre en épaisseur. Ils pénètrent dans la masse même lu calcaire, et ceci jusqu’à une profondeur de 8 à 14 millimètres!
- Les lichens fixés sur cette roche appartenaient, comme je l’ai constaté, aux genres Lecanora et Rhy-zocarpon. Ce calcaire est compact, à cassure nette, et au microscope, sur les bords des plus fines esquilles, l’on ne peut y voir aucun vide intcrcris-tallin. Les extrémités de ces filaments doivent sans doute sécréter un acide organique libre qui leur permet de dissoudre le calcaire et de le pénétrer en le perforant ainsi d’un réseau de trous capillaires d’une excessive ténuité. (L’analyse n’ayant indiqué aucune trace de sulfate de chaux, cet acide ne peut pas être de l’acide sulfurique.)
- On peut dire que la foudre a eu le temps de carboniser cette matière organique, ceci sur une largeur moyenne de 2 à 3 centimètres ; mais cette carbonisation est très superficielle. Ce n’est qu’à la surface des globules qu’il y a eu incinération en même temps que vitrification du calcaire.
- J. Brun,
- Professeur à l’Unhersité de Genève.
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- LA NATURE.
- LE PONT DE SYZRAN
- SUR LA VOLGA1
- La Volga, Matouchka (Mère des fleuves), comme l’appellent les Russes, est restée pendant longtemps la grande route commerciale de l’est de la Russie.
- Ce fleuve, de 3715 kilomètres de longueur, reçoit les eaux d’un bassin dont la superficie est égale à trois fois celle de la France: il est navigable pendant plus de 1200 kilomètres ; et, en aval de Nijni-Novgorod, où il reçoit les eaux de l’Oka, et plus loin celles de la Kama, il présente l’aspect d’un véritable bras de mer : sa largeur habituelle dépasse toujours en effet 1500 mètres, et elle atteint souvent 10 kilomètres à l’époque des grandes crues du printemps. Tous les échanges de cette vaste région se font par l'intermédiaire de la Volga, et ce fleuve transporte actuellement les plus grands bateaux à vapeur du continent européen. Certains de ces steamers sont munis de machines dont la force dépasse 500 chevaux; ils peuvent emmener jusqu’à 2000 passagers et 500 tonnes de marchandises, en conservant une vitesse de 12 nœuds 1/2 à la descente et de 6 nœuds à la montée du courant.
- Le nombre des bateaux à vapeur qui sillonnent la Volga dépasse sept cents; et comme ils brûlent tous du bois, la consommation annuelle de ce combustible peut atteindre 8 millions de mètres cubes, et le transport du bois jusqu'au fleuve constitue l’une des industries les plus importantes du pays.
- Malgré la grande activité que le fleuve présente à chaque instant, on n’y rencontre pas encore de pont en dehors de celui de Twer : la largeur considérable de la Volga, et surtout les crues nombreuses qu’elle présente, ont empêché jusqu’à présent d’en jeter aucun. Jusqu’à ces dernières années, les chemins de 1er s’arrêtaient à Nijni-Novgorod, et les produits qu’ils apportaient étaient alors embarqués sur la Volga pour être conduits à destination.
- Actuellement, les Russes entreprennent de prolonger leur réseau de voies ferrées vers l’Orient, afin de se rapprocher de la Sibérie, et de former peut-être l’amorce du grand chemin transcontinental asiatique. La voie qu’ils construisent à cet effet doit traverser la Volga et quelques-uns de ses affluents les plus importants, ce qui entraînera la construction d’un grand nombre de viaducs tout à fait curieux et intéressants, en raison des conditions particulières dans lesquelles ils ont pu être construits. On rencontre deux ponts sur la Samara, l’un de 256, l’autre de 220 mètres de longueur, quatre autres sur la Matsha, le Knol, le Basuluk et le Sekmara.
- Le pont sur la Volga est de beaucoup le plus important de tous, car il a plus de 10 kilomètres de
- 1 Comme le nom de ce fleuve est féminin en russe, nous avons cru devoir conserver le même genre en français, suivant en cela l’exemple du savant géographe. M. Elisée Reclus.
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- longueur en y comprenant le viaduc adjacent ; il est donc à peine plus court que le pont de Tay. La largeur de la rivière en aval de Syzran est seulement de 1500 mètres aux basses eaux d’été: mais la Volga éprouve, comme nous l’avons dit, des crues subites. Au mois de mai, le niveau s’élève rapidement de 16 mètres environ; les eaux se répandent alors sur une largeur de plus de 8 kilomètres du côté de la rive droite, formée de terrains bas et marécageux. La rive gauche, au contraire, n’est jamais inondée, car elle est bordée de collines crayeuses d’une hauteur moyenne de 100 mètres et dont quelques-unes, comme le Beliy-Kloutsch, à Syzran, dépassent 300 mètres. C’est pour éviter ces inondations que toutes les villes riveraines se sont fondées sur le côté gauche de la Volga, à l’exception, toutefois, de Samara, à l’embouchure de la rivière du même nom; cependant, la Volga ne leur pardonne pas davantage, car ses eaux rodent incessamment les falaises de la rive gauche, dont elles enlèvent continuellement les graviers et les sables, qu’elles viennent déposer sur les marais mouvants de la rive droite. Les villes sont obligées de reculer continuellement devant le déplacement incessant de la rivière ; et on peut prévoir le jour où, à la suite de ces mouvements que certains géographes ont voulu rattacher à la rotation de la Terre, la Volga ira porter son lit dans celui de la Sriaya, qui en est encore éloignée aujourd’hui de 5 kilomètres.
- La profondeur de la rivière est de 6 mètres en moyenne pendant les basses eaux, la vitesse du courant est alors de 60 centimètres par seconde, tandis qu’elle atteint 2m,13 au printemps, et le débit augmente alors dans des proportions énormes; il dépasse, dans cette saison, 65 000 mètres cubes, soit plus de quatre-vingt-dix fois celui de la Seine.
- Dans de pareilles conditions, on était obligé, à Syzran, pour jeter une voie ferrée par-dessus la rivière, de prolonger le pont proprement dit par un long viaduc ayant plus de 8 kilomètres, et s’étendant assez loin sur la rive droite pour mettre la voie sûrement à l’abri des inondations. D’autre part, on a construit sur la rive gauche une énorme culée capable de résister aux affouillements du fleuve, et de fournir au pont le point d’appui qui lui était indispensable.
- Le pont lui-même a 1439 mètres de long, il comprend 13 travées ayant 111 mètres chacune, comme on le voit dans la figure 1 ; celles-ci sont supportées par des piliers d’une hauteur de 24 mètres au-dessus des basses eaux. Ces derniers sont bâtis en pierres calcaires tirées des carrières voisines de Syzran; ils sont garnis extérieurement de granit de Finlande, pierre qui présentait seule une dureté suffisante pour résister aux chocs des énormes glaçons que charrie la Volga pendant les débâcles. Ils reposent à la base sur des caissons en bois remplis de béton de 24 mètres de longueur, 8 mètres de largeur, et d’un poids de 20 tonnes,
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- LA NATURE.
- enfoncés de 2 mètres environ dans le soi du fleuve.
- Pour assurer en place ces énormes caissons, on les construisit sur de larges pontons, et on les amena, en les flottant, à la position qu’ils devaient occuper, puis on les immergea en les chargeant de pierres, et en élevant la maçonnerie au-dessus pour former le pilier ; les ouvriers descendaient ensuite à l’intérieur du caisson, qu’on remplissait d’air comprimé pour empêcher la rentrée de l’eau, et ils creusaient le lit de la rivière, afin de faciliter l’enfoncement. Pour lancer certains caissons, on n’eut même pas recours aux pontons, et on les bâtit seulement
- sur la rive droite, en automne, dans une position où ils devaient être inondés pendant la crue du printemps suivant; ils fuient alors entraînés par les eaux, et on put facilement les diriger à l’endroit où ils devaient être immergés.
- Chacune des 13 travées du pont de Svzran est formée d’une seule poutre en fer en treillis s’étendant d’un pilier au suivant, et présentant un poids de 506 tonnes. La mise en place d’une pareille masse n’était pas sans présenter d’énormes difficultés; mais l’ingénieur en chef, M. Bérésin, parvint à en triompher heureusement, et il réussit à éviter la construction d’un échafaudage dans le lit
- de la rivière, en avant recours à un procédé analogue à celui qui avait déjà été employé pour la mise en place du pont de Britannia et de celui de Rotterdam. Il construisit sur la rive droite un énorme échafaudage de 24 mètres de haut sur lequel les treize poutres furent rivées et entièrement terminées ; puis on les amena, au moyen d’un second échafaudage flottant, monté sur un radeau, à la position qu’elles devaient occuper sur les piliers.
- La gravure ci-contre, dessinée d’après une photographie reproduite dans l'Engineering, représente l’échafaudage mobile au moment de la mise en place de la poutre, et elle donne bien une idée de l’importance de ce travail, d’après le nombre et les dimensions des pièces de charpente qu’il fallut employer (fig. 5). Le plan de l’échafaudage fixe est donné dans la figure 2 ; on voit qu’il comprend deux ailes en saillie B, B, formant une sorte d’échancrure
- Fig. 2. Plan de l’échafaudage fixe.
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- Fig. 5. Assemblage des bateaux soutenant l’échafaudage mobile.
- Fig. 4. Chariot pour le transport des grosses poutres.
- de 62 mètres de long sur 79 de large, dans lequel on venait placer l’échafaudage mobile qui devait recevoir la poutre et que représente notre figure 3 à une plus grande échelle.
- Cette opération, qui présentait des difficultés exceptionnelles, en raison de la hauteur des échafaudages et du poids de la poutre à manœuvrer, fut exécutée de la manière suivante : La poutre, posée sur la partie pleine, parallèlement à CD (fig. 2), était supportée par cinquante-deux chariots disposés au nombre de deux sous chacun des vingt-six tirants verticaux qu’elle renfermait. Ces chariots (fig. 4) roulaient sur vingt-six voies ferrées parallèles entre elles, et ils permettaient ainsi d’amener la outre jusqu’au bord de l’échancrure. A partir de là, il fallait enlever les chariots du milieu pour avancer plus loin; il restait seulement aux deux ex-
- trémités, soutenus par les deux ailes, quatre tirants verticaux sous lesquels on venait placer une partie des chariots devenus inutiles. La poutre était mise en mouvement au moyen de huit treuils, dont quatre placés aux extrémités des ailes, et manœuvrés chacun par quatre hommes.
- Lorsque la poutre, ainsi entraînée, était arrivée au milieu de l’espace vide, on amenait le radeau qui devait la recevoir et l’emmener. Celui-ci était supporté par sept canots de 46 mètres de long sur 9 de large, assemblés comme l’indique la figure 5. Au-dessus était disposé l’échafaudage proprement dit, qui s’élevait également à 24 mètres au-dessus du niveau de l’eau, afin d’atteindre la hauteur de l’échafaudage fixe. Chacune des barques était munie de deux pompes rotatives qui pouvaient être actionnées par une machine à vapeur, au moyen d’un
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- Fig. 5. Construction du grand pont de Syzran, sur la Volga (d’après une photographie).
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- LA NATURE.
- câble métallique. Avant d’introduire le radeau dans le retrait ménagé à l’intérieur de l’échafaudage fixe, on introduisait de l’eau dans les barques afin d’abaisser le niveau du plancher supérieur, puis lorsque le radeau était arrivé en place, on pompait l’eau ; l’échafaudage, en se relevant, soulevait avec lui la poutre, qui cessait de reposer sur les chariots des ailes.
- Le radeau était alors emmené par trois bateaux remorqueurs ; et comme la poutre débordait à chaque extrémité de 17 mètres environ, elle était sou tenue aux deux bouts par des jambes de force pour l’empècher de se courber. Quand elle était arrivée exactement au-dessus de la position qu’elle devait occuper pour former le pont, comme l’indique la figure 5, on introduisait de l’eau dans les barques, et la poutre, en s’abaissant lentement, venait reposer sur les piliers, où on la fixait définitivement. Une pareille opération n’exigeait pas moins de douze heures pour chacune des poutres, en raison du soin et de l’a-tention qu’exigeait la manœuvre de ces lourdes masses.
- L. Bâclé.
- SUPPRESSION DES ARRÊTS DES TRAINS
- DE VOYAGEURS
- Dans la description que j’ai donnée1 d’un système d’accrochage des voitures par les trains en marche, j’ai indiqué que la résistance au mouvement du câble pourrait être produite de diverses man’ères, et notamment par la compression des ressorts ou en se servant des cylindres de la petite machine motrice pour refouler de l’air dans un récipient.
- Ce dernier moyen serait d’une réalisation particulièrement simple, et le récipient pourrait même être supprimé. Il faut remarquer, en effet, que la résistance opposée au mouvement du câble, au lieu d’être croissante, ipeut rester constante, et que l'expérience a, dès à présent, déterminé quelle devrait être cette résistance. La note précédente a rappelé que, pour pouvoir accrocher sans choc la voiture en repos, par le train en vitesse, il faut un temps et un parcours égaux à ceux qui seraient nécessaires pour arrêter sans choc le même véhicule animé de la vitesse du train. Il faut aussi la même résistance. Or, chaque véhicule, dans le train muni du frein Westinghouse, s’arrête sur 100 mètres par la résistance constante résultant du serrage du frein sur les roues du véhicule. .La résistance à opposer au déroulement du câble pour que la vitesse soit acquise sur une longueur de 100 mètres, devra donc être exactement égale au frottement de la voiture d’attente sur les rails, le frein étant serré. La résistance pourrait toutefois rester croissante pendant les premiers tours du tambour qui porte le câble, ce que l’on obtiendrait en foulant l’air dans un réservoir de petite capacité où la pression serait réglée par une soupape chargée d’un poids déterminé. Après les premiers tours, l’air s’échapperait du réservoir en maintenant dans celui-ci, et par suite derrière les pistons, une résistance régulière.
- 1 Yoy. la Nature. n° 384 du 9 octobre 1880, p. 291.
- Pour éviter toute secousse, l’arbre du tambour devrait être appuyé contre des ressorts qui permettraient un petit déplacement horizontal.
- Prosper Hanrez,
- Ingénieur civil.
- TÉLÉGRAPHIE SOUS-MARINE
- LE (( REPEATER )) VAN CHOATE
- La durée de la transmission par les câbles sous-marins est proportionnelle au carré de leur longueur. Il en résulte que si on intercalait un relais au milieu d’un câble et qu’on utilisât les mouvements du relais produits sur la première moitié, à fermer un circuit électrique sur la seconde moitié, on multiplierait par quatre la vitesse de transmission, toutes choses égales d’ailleurs. L’idée n’a rien de nouveau en soi et a été émise pour la première fois en 1868 par M. John Macintosh.
- UElectrician nous apprend aussi qu’en 1875 M. Der-mond Fitz-Gérald proposa un relais analogue, sinon quant au fond, du moins quant à l’idée générale. Le Boston Daily Advertisnr nous annonce que M. Choate a imaginé un nouveau relais renfermé dans une boîte sphérique de quinze centimètres de diamètre, coulée avec un bronze spécial, remplie d’air comprimé, et capable, au dire de l’inventeur, de résister un millier d’années à l’action corrosive de l’eau de mer. Le relais, relié au câble en son milieu, est immergé avec lui à une profondeur de deux, trois ou quatre mille mètres et abandonné à lui-même. La longueur du câble étant diminuée de moitié, la vitesse de transmission est multipliée par quatre, mais comme, d'autre part, on peut, dans ces conditions, employer des télégraphes imprimeurs au lieu des appareils Morse ordinaires et n’envoyer qu’un seul signal électrique par lettre au lieu de cinq, le Boston Daily en conclut, un peu trop vite à notre avis, que le repeater Yan Choate multiplie par vingt la vitesse de transmission actuelle.
- En attendant des détails plus précis et le résultat d’expériences pratiques et prolongées, en dehors des expériences de laboratoire, nous croyons que les chiffres donnés par le journal américain sont considérablement exagérés. Malgré l’avis favorable d'un certain nombre de savants professeurs américains — mais peu versés, il faut bien l’avouer, dans la question des câbles sous-marins, la plus difficile et la plus complexe des questions électriques, — nous ne saurions admettre sans expériences dûment concluantes, qu’un appareil aussi délicat qu’un relais, quelle que soit sa forme, puisse être abandonné à lui-même dans une sphère en bronze, au milieu de l’Océan, à des profondeurs de trois ou quatre mille mètres, et fonctionne pratiquement pendant un temps assez long et avec assez de sûreté pour révolutionner les procédés actuels de la télégraphie sous-marine.
- Une expérience prolongée, s’il se trouve toutefois une Compagnie et des actionnaires assez hardis pour la tenter, pourra seule faire connaître la valeur pratique du procédé, le seul facteur vraiment intéressant de la question, et qui échappe encore à la compétence des inventeurs et des savants. Nous y reviendrons en temps utile.
- Nous ferons observer en terminant que des procédés permettant de réduire la durée de transmission des dépêches sous-marines, offrent un intérêt pratique considérable dont tout le monde comprendra l’importance.
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- LA NAT U HE.
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- LES CRÂNES DES RACES HUMAINES
- PAR MM. DE QUATREFAGES ET HAMY
- LES RACES NÈGRES
- (Suite et fin. — Vov. p. 531.)
- Rare papoua. — Le nom de papou as est appliqué depuis longtemps par les Malais aux nègres océaniens en général. Papoua signifie crépu, et ce mot peut s’appliquer avec beaucoup de justesse à tout un groupe de nègres remarquables par leur chevelure ébouriffée et volumineuse; mais il ne saurait convenir aux noirs d’Océanie pris en général, et il faut réserver aujourd’hui ce nom pour cette race, dont on trouve des représentants plus ou moins nombreux dans la Mélanésie à peu près entière, à part l’Australie.
- Les crânes appartenant à cette race sont assez nombreux dans les collections pour permettre d’en décrire le type avec précision. M. Ilamv a pu, en effet, étudier 402 têtes osseuses dont 296 de race pure et 106 de race plus ou moins mélangée.
- Le crâne papoua est franchement dolichocéphale ; l’indice descend à 71,03, et même à 70,52, si l’on ne considère que les hommes. Le diamètre vertical est en même temps considérable et l’emporte sur le diamètre transverse maximum; la tète est hypsi-stén céphale, c’est-à-dire plus haute que large.
- Comme il ne nous est pas possible, dans cette courte analyse, de passer en revue toutes les variétés décrites dans les Crania ethnical, nous nous contenterons de faire sommairement connaître le crâne que MM. de Quatrefages et llamy nous donnent comme type de la race. C’est une tète de Ma for du Port-Doreï, qui a pour indice horizontal 71,55 et pour indice vertical 105,51 ; sa capacité crânienne est de 1550 centimètres cubes environ.
- Nous avons déjà dit que cette tête est à la fois allongée, étroite et très élevée. Les parois latérales du crâne s’élèvent à pic en lignes presque parallèles, jusqu’aux bosses pariétales. A ce niveau, la courbe transverse se dirige obliquement vers le sommet de la tète, où elle s’arrondit pour former une large pointe mousse due à une sorte de crête médiane qui parcourt le crâne d’avant en arrière dans toute la longueur de la suture sagittale. Le front est très étroit, ce qui fait paraître les pommettes saillantes, bien que les os malaires ne présentent rien d’exagéré dans leur développement latéral.
- Dans son ensemble, la face est haute et étroite. L’indice orbitaire est de85; l’indice nasal de 52,94; c’est-à-dire que le Mafor est en même temps mé-zosème et mésorhinien. Les os du nez sont assez longs et légèrement concaves ; les fosses et les sail-
- 1 La race papoua y est décrite île par île et même parfois tribu par tribu.
- lies de la partie inférieure du maxillaire supérieur sont peu accusées.
- Le prognathisme est si accusé dans cette race, que, dans la norma verticalis, le bord alvéolaire et une partie des os situés au-dessus, se projettent en avant du crâne. L’angle facial de Camper'varie entre 75° et 76°.
- En général, la femme papoua est moins dolichocéphale et moins hypsisténocéphale que l’homme. Cependant six ci ânes féminins des îles Yiti offrent une exception bien remarquable; les indices céphaliques moyens de ces six tètes sont 69,23 et 108,75.
- Sur un crâne de femme Lobo de la baie du Triton, tous les caractères que nous venons d’énumérer s’atténuent, à part le prognathisme, qui augmente à tel point que, dans la norma verticalis, on distingue les os du nez et le contour des os mal aires.
- Les Endamènes de Lesson, ces prétendus noirs à cheveux lisses de la Nouvelle-Guinée, n’existent point. On trouve dans cette île une tribu appelée Wandammen, qui offre tous les caractères des vrais Papouas. Nous pourrions en dire autant des Al-lourous ou Arfours, aussi bien de ceux d’Arfak que de ceux des îles Key et Arrou.
- Dans la Malaisie elle-même, nous trouvons des Papouas soit à l’état pur, soit plus ou moins mêlés. Ces Papouas, dont les auteurs des Crania ethnica ont pu constater l’existence à Ternate, Céram et Timor, sont souvent aussi désignés sous le nom impropre d’Alfourous, appliqué par les résidents européens à toutes les races sauvages. Le type papoua pur se trouve encore dans la Nouvelle-Bretagne, à Vanikoro et dans les Nouvelles-Hébrides; mais, sur d’autres points de la Mélanésie, il s’est mélangé soit aux Négritos-Papous, soit aux Polynésiens. On signale des traces de ce premier mélange dans l’île Toud, bien que la majeure partie des habitants de cette île soient de vrais Papouas, et même dans la Nouvelle-Guinée, cette « terre classique de la race papoua », comme l’appelle M. de Quatrefages.
- L’élément polynésien se fait sentir dans l’archipel de la Louisiade et dans toute la Mélanésie orientale, à partir des îles Salomon. Dans quelques îles même, la race polynésienne se trouve presque à l’état de pureté,
- Les métis Papouas-Polynésiens sur lesquels les renseignements sont les plus nombreux, sont ceux des archipels Loyalty, Yiti, et de la Nouvelle-Calédonie. Pour ce dernier groupe, les matériaux ne faisaient pas défaut : cinquante et une tètes des régions du nord-est et soixante et onze tètes des autre cantons ont permis à M. Hamy de faire une étude approfondie des Néo-Calédoniens. Il en résulte que si, aux Loyalty, aux Fi-lji et à la Nouvelle-Calédonie, le type papoua se montre parfois pur, il est le plus souvent mélangé au type polynésien, et le mélange des sangs s’accuse par des phénomènes marqués. « Au crâne, on dirait que
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- LA NATURE.
- les modifications tiennent surtout à la fusion des caractères. La tête du métis est à la fois moins dolichocéphale et moins hypsisténoce'phale que chez le Papoua, sans atteindre les proportions du Polynésien. A la face, les choses ne se passent pas aussi simplement. L’indice nasal, en particulier, oscille dans des limites remarquablement étendues ; il descend parfois à 44 pour remonter ailleurs à 58. Un auteur anglais a vu dans ce fait une objection aux idées émises par M. Broca dans son beau Mémoire sur l’indice nasal. En réalité, il n’y a Là qu’un cas particulier des phénomènes complexes du croisement, sur lesquels j’ai, depuis longtemps, attiré l’attention. » (De Quatrefages.)
- Aux extrémités de la Polynésie, aussi bien au nord (îles Sandwich) qu’au sud (Nouvelle-Zélande)
- et à l’est (île de Pâques), on retrouve des Papouas, qui ont pu être entraînés sur ces différents points par des migrations volontaires ou accidentelles, ou bien emmenés en esclavage. On en retrouve également à l’état erratique dans quelques îles de la Micronésie, notamment aux Carolines et aux Rawak.
- Un coup d’œil jeté sur les figures qui accompagnent cette analyse fera saisir les caractères des nègres océaniens et montrera les différents types qui s’échelonnent entre le Négrito le plus brachycéphale et le Papoua le plus dolichocéphale (vov. n° 586 du 25 octobre, p. 353).
- Races australiennes. — Les collections européennes renferment de nombreux crânes australiens; celles du Muséum de Paris en comptent actuellement 55, dont 24 crânes originaux et 1 1 mou-
- Fig. 1. Buste d'un Indigène de la Nouvelle-Guinée.
- lages; les collections anglaises sont encore beaucoup plus riches.
- A part quelques pièces, en petit nombre, qui ont été recueillies au Queensland, tous les crânes australiens se partagent en deux séries homogènes. Mais on ne saurait voir aujourd’hui, dans chacune de ces séries, une race distincte, comme le croyait M. Topinard. M. Hamy a démontré que les différences que présentent les crânes australiens de nos collections tiennent à une influence sexuelle. Dans cette race, l’homme diffère beaucoup plus de la femme que dans n’importe quelle autre race.
- Nous ne voulons point dire par là qu’on ne trouve qu’une seule race dans la Nouvelle-Hollande. Tous les anthropologistes savent fort bien que dans le nord vivent des Mélanésiens et des Indonésiens qui, par leur croisement avec les Néo-Hollandais, ont donné naissance à des races métisses. Mais en laissant de côté ces étrangers et ces individus à crâne
- Fig. 2. Buste d’un insulaire de Toud (détroit de Torrès).
- dolichoplatycéphale du sud de l’Australie, on peut dire que les crânes australiens, « quelles que soient leurs provenances, se ressemblent sexe à sexe, et que ceux des populations de l’intérieur ne diffèrent de ceux des naturels de la côte que par un développement un peu plus considérable, qui est sans doute en rapport avec la taille plus élevée qu’on leur attribue généralement. » Cette supériorité physique tient elle-même à des conditions d’existence meilleures.
- 11 nous suffira donc de décrire deux types : l’un, le type australien proprement dit, qui appartient à la presque totalité des tribus connues; l’autre le type néanderthaloïde, qu’on ne retrouve que chez un petit nombre de tribus du sud, la plupart en voie de disparition.
- La tête que les auteurs des Crania ethnica ont décrite et figurée comme type de la première race est celle d’un individu de Port-Essington. Elle pré-
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- sente les caractères suivants. Le crâne est petit : sa capacité n’est que de 1250 centimètres cubes (la moyenne des Australiens est de 1285 centimètres cubes). 11 est très dolichocéphale et hypsisténocé-phale, c’est-à-dire allongé d’avant en arrière et plus haut que large. Les indices sont 67,21 et 105,69 (indices moyens : horizontal 69,89, vertical 103,84).
- Les bosses surcilières sont extrêmement volumineuses1, ainsi que la glabelle, qui semble se prolonger sur le front. La bosse frontale médiane est bien marquée, les latérales sont presque effacées. Les pariétaux offrent une disposition analogue, leurs bords internes se relèvent le long de la suture sagittale, de manière à former une sorte de toit, tandis que les bosses sont à peine indiquées. Sur
- l’occipital, les lignes courbes forment des bourrelets épais et saillants; la portion cérébelleuse de cet os est aplatie et présente des empreintes musculaires très accusées. La courbe antéro-postérieure est régulière jusque vers la suture lambdoïde, où elle se relève pour se continuer sur l’occipital, qui forme une saillie très marquée.
- Les principaux caractères à signaler dans la face sont l’épaisseur des apophyses orbitaires externes, la saillie en avant des pommettes, l’enfoncement de la racine du nez, la brièveté et la largeur de cet organe (indice nasal 60, moyen 55,10), et le mode de terminaison de son plancher, qui, au lieu de former une arête, se prolonge en une sorte de gouttière.
- Fig. -i. Buste de Tasinanien.
- Fig. 5. Buste de Tasinanien.
- Les mâchoires sont étroites et les branches de f l’arcade dentaire tendent au parallélisme; la voûte ! palatine est profonde, le prognathisme est énorme (angle facial alvéolaire moyen 64°), mais les dents, fortes et volumineuses, sont moins obliques que la portion alvéolaire.
- Chez la femme, les saillies surcilières disparaissent presque complètement, tandis que les bosses pariétales s’accusent davantage. Le front et l’écaille occipitale inférieure sont plus bombés; la courbe antéro-postérieure est relativement surbaissée, quoique le crâne reste tectocéphale.
- A la face, le prognathisme est encore plus marqué que chez l’homme, et les dents sont plus inclinées que chez celui-ci.
- 1 Sur le crâne de Bondi, lu saillie des arcs sureiliers dépasse celle du Néanderthal
- Telles sont, en quelques mots, les conclusions auxquelles sont conduits MM. de Quatrefages et Harny, et les renseignements qu’ils ont pu réunir se rapportent à vingt-quatre localités différentes, presque toutes situées sur la côte.
- • Les Australiens de l’intérieur ont la tète un peu moins allongée et moins haute, mais les caractères généraux sont les mêmes. La capacité crânienne est sensiblement plus considérable chez les hommes (1460 centimètres cubes au lieu de 1285 centimètres cubes), tandis que chez les femmes elle est un peu moindre (1170 centimètres cubes au lieu de 1190 centimètres cubes).
- Le second type australien (type dolicho-platveé-phale ou néanderthaloïde), quoique bien moins répandu que le précédent, offre néanmoins pour les anthropologistes un très grand intérêt. En effet,
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- comme Huxley l’a fait le premier remarquer, il existe des individus et même toute une race qui disparaît aujourd'hui et qui présente les formes crâniennes dont l'homme du Néanderthal est l’exemple le plus accusé. On n’est, donc nullement autorisé à croire, comme l’ont fait certains savants, que le crâne du Néanderthal provient d’un idiot ou tout au moins de quelque être exceptionnel ne présentant point les caractères ethniques de la race qui vivait à la même époque que lui. Si, de nos jours encore, il existe une race offrant les mêmes caractères, il n’y a aucune raison pour que cette race n’ait pas existé à une époque géologique antérieure à la nôtre.
- Le crâne australien du type néanderthaloïde, qu’on a trouvé, selon Huxley, dans le Queensland, se rencontre également, à l'état erratique,dans les Nouvelles-Galles du Sud. Mais c’est aux environs d’Adélaïde seulement que vivait une tribu paraissant appartenir en entier à la race qui nous occupe; c’est ce qui résulte des mensurations prises sur les sept pièces de cette localité qu’ont pu étudier les auteurs des Crania.
- Pour terminer l’étude de la race australienne proprement dite, MM. de Quatrefages et lïamy énumèrent les caractères crâniens qui la séparent des Papouas et des Australiens. Puis ils la comparent à quelques-unes de ces populations noires de l’intérieur de l’Inde auxquelles on a appliqué l’épithète de dravidiennes. Certes, on retrouve dans les deux groupes des caractères communs, de même qu’on constate des ressemblances entre les langues australienne et dravidienne. Mais les documents sont encore trop peu nombreux pour permettre de conclure à la communauté d’origine des races de la Nouvelle-Hollande et des races noires de l’Inde.
- Hr lit. Vernead.
- CHRONIQUE
- Echelle «1 intensité «les tremblements «le terre.— Dans un rapport présenté h la Société helvétique des scienci s naturelles, dans le courant de septembre 1880, sur les tremblements de terre observés en Suisse dans l’année dernière, M. F. A. Forel, de Morges, a proposé l’échelle d’intensité des secousses que voici. Elle peut êlte commode ou utile pour comparer des secousses différentes ou pour évaluer l’intensité d’une même secousse dans les différentes régions de Faire d’ébranlement :
- N° 1, secousse d'ordre microsiïsmométnque; — n° 12, secousse extrêmement faible, perceptible seulement par des instruments séismométriqucs ; — n° 5, secousse très faible, appréciable par l’homme éveillé dans un état particulièrement favorable pour l’observation, couché, au repos, etc.; *— n° 4, secousse faible, observable par l’homme éveillé en état d’activité, capable de réveiller l’homme endormi ; mise en balancement d’objets suspendus ou de liquides ; — n° 5, secousse d'intensité moyenne, déplacement d’objets mobiliers; — n° fi, secousse forte, renversement d’objets
- mobiliers, fissures aux parois et plafonds des maisons; — n° 7, secousse assez forte, dégradations aux habitations, renversement des cheminées; — n° S, secousse très forte, renversement des hangars et masures; exemple : tremblement de terre de Viège, 1er juillet 1855; — n° 9, secousse extrêmement forte, renversement des maisons de solide construction ; exemple, tremblement de terre de Manille, 18 juillet 1880; — n° 10, secousse d'intensité extrême, bouleversement des couches terrestres, fentes à 1 écorce de la terre, renversement des montagnes; exemple : tremblement de terre de Calabre, 1783.
- Nous avons reçu le premier numéro d'une remarquable publication, à laquelle nous souhaitons succès et prospérité. Cette publication, qui a pour titre le Génie civil, est fondée par plus de cinq cents ingénieurs ou industriels; elle paraîtra en livraisons bi-mensuelles de 24 pages grand in-4°, avec figures et planches hors texte.
- — D’après des documents officiels, le nombre total des locomotives en service sur tous les chemins de fer français s devait, à la fin de 18 • 8, à 6929. La force totale de ces locomotives était équivalente à 2 558 993 chevaux vapeur; la consommation de combustible dans l'année a été 2 265 200 tonnes de 1000 kilogrammes. Nous ajouterons que le parcours de ces 6929 locomotives a été de 490 280 kilomètres par jour, soit environ 12 fois le tour de la terre.
- — Nous trouvons ce fait très curieux, mentionné dans une Élude météorologique de l'île de Kerguelen par le H. P. Perry : « Le 25 octobre 1874 au matin, dit l’observateur, la neige tomba rapide lient en gros flocons, et, comme la température de la mer était très voisine de zéro, la neige en couvrit bientôt la surface et y demeura, y formant une couche horizontale parfaitement continue, jusqu’au moment où la brise du matin vint la balayer presque tout d’un coup. »
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 2 novembre 1880. — Présidence de M. Becquerel.
- Les orages volcaniques. — Pendant un récent séjour à Naples, M. Faye a soumis à une étude spéciale les phénomènes météorologiques auxquels donnent naissance les éruptions volcaniques. On sait que la plupart des météorologistes, tout cri reconnaissant la part énorme qui revient aux mouvements gvratoires dans le mécanisme des orages, persistent à supposer que ces mouvements, engendrés au niveau du sol, se propagent successivement jusqu aux plus hautes régions de l’atmosphère : conception qui est diamétralement opposée à la manière de voir développée à plusieurs reprises par M. Faye, et que nous avons analysée ici même. Or, les volcans paraissent au savant académicien,fournir un nouvel argument en faveur de sa théorie.
- En effet, dans l’hypothèse qu’il combat, les orages dérivent des actions suivantes ; tout d’abord la densité relative des couches atmosphériques subit, à la suite de réchauffements locaux, un renversement complet; les plus inférieures deviennent moins denses que celles qui leur sont superposées, et l'atmosphère se trouve dès lors dans un état d’équilibre instable. Celui-ci est rompu si quelque part un mouvement ascensionnel des couches
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- LA NATURE.
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- inférieures peut se déchirer, et le mouvement une ibis commencé, s’accélérer rapidement. L’air, appelé de toutes parts vers le vide ainsi produit, obéit à une gyration de plus en plus rapide et s’élève sous la forme d’un tourbillon.
- Ceci posé, M.Fayc fait remarquer qu’on ne peut trouver de meilleure cause d’ascension de l’air que la colonne de vapeur qui s’élève si énergiquement du cratère des volcans et du Vésuve en particulier. On devrait donc s’attendre à y observer un tourbillon et un appel ascensionnel de l’air. Or, il n’en est rien. En outre, l’orage volcanique, rendu sensible dans la colonne de vapeur par les éclairs qui le traversent, au lieu de se transporter rapidement d’un point à l’autre comme les orages ordinaires, restent obstinément au-dessus même de la montagne ignivome. Enfin, la grêle qui accompagne toujours les orages tournants et qui doit son origine, au moins en partie, au tourbillonnement lui-même, manque toujours dans les orages volcaniques.
- Les deux phénomènes, malgré une ressemblance superficielle, diffèrent donc essentiellement l’un de l’autre, et M. Faye tire, à très bon droit suivant nous, de ce rapprochement ingénieux, de nouvelles armes contre ses contradicteurs.
- Le photophone appliqué à la physique solaire. — En visitant récemment l’observatoire solaire de Meudon, M. Graham Bell, émerveillé, comme tous ceux qui les ont vues, des splendides photographies de M. Janssen, émit l’opinion que les variations d'éclat d’un même point solaire pourraient faire parler un photophone, et que, par conséquent, les bruits développés à la surface de notre astre central pourraient, par Fintermédiaire du sélénium, être reproduits dans le laboratoire. Frappé de la grandeur de cette idee, M. Janssen profita du beau temps de samedi dernier pour faire avec M. Bell une série d’expériences. Elles ne donnèrent point le résultat attendu, mais on peut croire que l’insucces tient à la lenteur des mouvements à se transtormer en sons, et qu’on arrivera au but en remplaçant le soleil lui-meme par une série de photographies prises successivement sur ie même point, et qui condenseront en un temps très court des changements survenus en realite d’une maniéré beaucoup plus lente. L’exposé qu’on a lait de ces espérances a été extrêmement sommaire, et nous devons avouer ne pas les avoir absolument comprises; les variations d’éclat d’un point du soleil nous paraissent pouvoir être traduits en sons photophoniques sans qu’il en résulte la reproduction de bruits ayant réellement eu lieu sur le soleil. Mais nous sommes persuadé que ce doute disparaîtra à la lecture de la Note de M. Janssen.
- Les ferments du fromage. — Dans un précédent travail, M. Duclaux a étudie pas à pas les transformations que subissent les fromages durant le cours de leur fabrication. Le même auteur fait voir aujourd’hui que ces transformations sont dues avant tout à des ferments figures. Les uns, qui sont aérobies, déterminent une véritable digestion de la caséine ; ils se retrouvent dans l’estomac et dans les intestins des animaux et contribuent efficacement aux phénomènes de la digestion. Les autres sont au contraire anaérobies, et c’est à eux que sont dues les matières de haut goût d’où le fromage tire la saveur plus ou moins forte qui le rend agréable.
- Stanislas Meunier
- MÉTÉOROLOGIE DE SEPTEMBRE 1880
- Première décade. — Le baromètre est généralement au-dessus de 760 millimètres à Paris et le thermomètre supérieur à la moyenne. Les courants équatoriaux régnent cependant et les vents polaires sont constatés seulement le 5 et le 7. Le régime anticyclonique domine les premiers jours sur le centre, et à la fin du mois sur le sud de l’Europe. Un anticyclone bien net est visible sur les cartes du 1er, du 2 et du 5 (courbes de 770 millimètres).
- Eu France, les orages sont nombreux et éclatent tous les jours. Nous ne signalerons que les principaux.
- Le samedi 4, les orages sont violents sur l’ouest, le centre et le sud de la France. Une grêle désastreuse est signalée dans le Lyonnais et sur la ligne de laite qui sépare le bassin de la Loire de celui du Rhône. — Le 5, de nombreux accidents sont produits par la foudre dans les Landes et le Guipuzcoa, en Espagne : trois personnes sont tuées et dix-sept blessées. — Le 6, des pluies torrentielles accompagnent les manifestations électriques, et dans la soirée les éclairs sont tellement nombreux dans le département de l’Orne, qu’on en compte jusqu’à cinquante-trois en moyenne par minute. — Le 7, les orages s’étendent sur toute la France, une trombe d’eau s’abat sur la llaute-Loire et amène des ébou-lemenis au Puy. La conduite des eaux de Vourzas est coupée. Le même jour, des inondations ont lieu dans la haute Italie. En Angleterre, une explosion de grisou lait plus de 160 victimes dans le puits de Seaham, près Sunderland. — Le 9, dans la Dordogne, la grêle est énorme et tous les arbres sont abattus sur la route de Montpazier à Belvès. A Paris, l’orage est extrêmement violent vers deux heures du soir, la foudre produit des dégâts dans la pharmacie Pennés, près de la Sorbonne; la pluie est torrentielle dans le quartier Montmartre.
- Deuxième décade. — Les fortes pressions barométriques ont été refoulées dans le nord-est de l’Europe et le régi me cyclonique domine sur l’ouest du continent, aussi la pression barométrique devient très faible principalement le 15 et le 16. Un cyclone important (de 4e ordre) venu d’Irlande, a son centre le 15 près de Dunkerque (745 millimètres). Il se propage vers l’est et se trouve, le 17, près de Copenhague (745 millimètres). Sous son inlluence, une tempête violente sévit; elle souille du S. 0. le 14 à l’entrée de la Manche, d’entre S. 0. etN. O., le 15 sur toute celte mer et du N. 0. le jeudi 16. Le temps est très mauvais pendant cette décade sur la Manche et l’Océan. Le navire italien Stephanmo se perd la nuit du 15 au 16 à l’entrée de la Seine. Les pluies sont considérables en France et les vents équatoriaux amènent tout le temps une température bien au-dessous de la moyenne.
- Troisième décade. — Les basses pressions dominent encore sur l’Europe occidentale les premiers jours, puis le baromètre remonte et les fortes pres-j sions s’installent définitivement à partir du 27; dès
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- LA NATURE
- le 24, les courants équatoriaux avaient l'ait place aux courants polaires. La faiblesse du vent, le calme de la mer, la beauté du ciel, forment un contraste complet avec la période précédente.
- En l'ésumé, la moyenne du mois à Saint-Maur est assez élevée pour le baromètre et sensiblement normale pour le thermomètre. La température a varié depuis un minimum de 6°,2 le 20 jusqu’à un
- CARTES QUOTIDIENNES DU TEMPS EN SEPTEMBRE 1880
- D'iiprès le Bureau central météorologique de France (Réduction 1/8)
- 78Q ' ! 7$5 =|r rr W M Üi 78i,-V7B'^—f 770 ”3
- Mercredi 1 Jeudi 2 ^ Vendredi 3 Samedi if Di manche S
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- Lundi 8 Mardi 7 Mercredi S Jeudi 9 Vendredi 10
- m jj§| nn m
- Samedi 11 D i manche 12 Lundi 13 M ardi 1*f Mercredi 15
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- Jeudi 16 Vendredi 17 Samedi 18 Dimanche 19 Lundi 20
- f^T \ \ /_ | ^^780) |WjS v K - V ;. V 1 / —J /^-<n16Q) pr_ÿ^£-y l3» j\ \ Jgjp* -y^ïïM ,'ÿkr^ /^lX, Ofc JS-ï\ lànvrp \ fir'-y' 1ÎSfr^n=^ r~?607- —
- Mardi 21 Mercredi 22 Jeudi 23 Vendredi ïh Samedi 25
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- iS™i
- Dimanche 26 Lundi 27 Mardi 28 Mercredi 29 Jeudi 30
- maximum de 50° le 3. Il est tombé 51 millim. d’eau.
- A Bordeaux, d’après M. Bayet, les extrêmes de température ont été 9°,2 le 29 et 31°, 1 le même jour qu’à Paris. La pluie recueillie s’est élevée à 98 millimètres.
- A Avignon, d’après M. Giraud, les extrêmes de température ont été 10° le 16 et 52°,4 le 3. Il est
- tombé 61 millimètres d’eau, nombre inférieur à la moyenne depuis 1873.
- E. Fron.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Laliure, rue de Fleurus, 9, à Paris,
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- N° 38y
- LA NATURE
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- . — lôj NOVEMBRE 1880.
- LA BIBLIOTHÈQUE DE LA NATURE
- M. G. Masson, l’éditeur du journal la Nature, a bien voulu nous confier la direction d’une Biblio-
- thèque nouvelle, que nous appelons la Bibliothèque de la Nattire, et qui, destinée à comprendre un grand nombre de volumes, sera le complément de la Revue des sciences, d’où elle tire son origine.
- Dans les livraisons de la Nature, le lecteur suit
- tig. 1. Machine magnéto-électrique de M. lirush (gravure extraite des Principales applications de l’électricité, par M. E. Hospitalier).
- Fig. 2. La lunette brisée (gravure extraite des Récréations scientifiques, par M. G. Tissandierj.
- les développements successifs de la découverte qui vient de naître, au lur et à mesure qu’ils se produisent. Nous avons pensé que les notices écrites sur un même sujet, et quelquefois séparées dans nos volumes par un espace assez considérable, pouvaient devenir le canevas de livres excellents, où 8* aoüé«. — 2* semestre.
- les questions seraient présentées sous une forme nouvelle et avec des développements considérables, de manière à servir au spécialiste et à tous ceux qui veulent étudier particulièrement telle ou telle branche de la science. Il est d’autre part, des questions qui ne sauraient entrer dans le cadre d’un
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- LA NATURE.
- journal, et qui peuvent être l’objet de très bons et très utiles ouvrages.
- Les deux premiers volumes do la Bibliothèque de la Nature1 viennent de paraître. Nous allons les faire connaître à nos lecteurs.
- LES PRINCIPALES APPLICATIONS DE l’ÉLECTRICITÉ 2 3 4
- PAH K. HOSPITALIER
- Notre collaborateur M. Ld. Hospitalier, ingénieur des arts et manfactures, s’est fait aujourd’hui un nom dans la science; il a su acquérir une compétence toute spéciale dans l’étude de l’électricité, et le livre qu’il a écrit, donne l’exposé le plus complet que nous connaissions, des merveilles que ne cesse de nous apporter la plus féconde branche de la physique contemporaine.
- Cet ouvrage ne se distingue pas seulement par toutes les nouveautés qu’on y trouve, il se fait remarquer par des qualités aussi rares que précieuses : la méthode dans la classilication des faits, et la clarté dans leur exposition.
- Le meilleur procédé que nous puissions employer pour faire l’éloge du livre de M. Hospitalier, c'est précisément d’en exposer sommairement la division. L’auteur, avant d’étudier les applications de l’électricité, examine comment on peut produire cet agent puissant. Les sources d’électricité forment la première partie de l’ouvrage : elles se subdivisent en trois classes, qui sont étudiées séparément :
- 1° Les piles électriques, qui transforment l’affi-nité chimique en électricité;
- 2° Les piles thermo-électriques, qui transforment la chaleur en électricité ;
- 5° Les machines électro-dynamiques, qui transforment le travail en électricité.
- C’est au chapitre des machines électro-dynamiques que nous empruntons la figure de la curieuse machine américaine de M. Brush (fig. 1). Le courant n’est pas recueilli par un collecteur de Gramme, mais redressé à l’aide de quatre frotteurs que l’on voit sur la gauche de la figure. Les bobines, diamétralement opposées, sont reliées en tension deux par deux, mais les commutateurs, auxquels sont reliées les extrémités libres du fil, sont disposés de telle sorte que, au moment où le courant change ,de sens dans les bobines, par suite de leur passage dans le diamètre correspondant à la ligne neutre, ces bobines soient retirées du circuit, car elles ne feraient que lui ajouter une résistance inu-
- 1 Les volumes de la Bibliothèque de la Nature sont du format in-8°, ils sont remplis d’une quantité considérable de
- gravures, les unes extraites du journal la Nature-, les autres inédites. Imprimés sur beau papier, ces volumes comprennent environ 22 feuilles d’impression. Leur prix broché est de 10 fr.
- 3 Voici le titre complet de cet ouvrage : la Physique moderne, — les Principales applications de Vélectricité, les Sources d'électricité, l’Eclairage électrique, Téléphone, Microphone et Photophone, la Télégraphie moderne, la Transmission de la force à distance, par E. Hospitalier, ingénieur des arts et manufactures. 133 figures dans le texte et
- 4 planches hors texte (G, Masson, éditeur).
- tile, puisqu’à cet instant, elles ne sont le siège d’aucun courant.
- La deuxième partie de l’ouvrage de M. E. Hospitalier s’intitule l'Éclairage électrique ; elle se divise en quatre chapitres : les régulateurs, les bougies électriques, l'éclairage par incandescence, les applications de Véclairage électrique.
- Dans la troisième partie, l’auteur, étudiant les téléphones et microphones, passe en revue tous les systèmes les plus nouveaux et décrit complètement le fonctionnement des organisations téléphoniques contemporaines.
- La quatrième partie comprend les plus récentes merveilles de la télégraphie moderne, les systèmes duplex, quadruplex, etc. ; elle traite enfin l’importante question de la transmission électrique de la force à distance, et donne l’histuirc du labourage par l’électricité et du chemin de fer électrique de M. Siemens.
- M. Ed. Hospitalier est notre collaborateur et notre ami ; aussi croyons-nous devoir éviter de dire tout le bien que nous pensons de son œuvre, dans la crainte d’être accusé de partialité.
- Si nous éprouvons quelque embarras à faire l’éloge du premier volume de la Bibliothèque de la Nature, on va voir dans quelle situation bien plus délicate encore nous nous trouvons, pour parier du second volume, qui s’intitule :
- LES RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES OU L’ENSEIGNEMENT PAR LES JEUX1 PAR GASTON TISSANDIER
- Nous nous bornons à reproduire la préface de ce volume :
- Un savant mathématicien du dix-septième siècle, Ozanam, membre de l’Académie des Sciences et auteur de travaux distingués, n’a pas cru déroger en écrivant sous le titre de Récréations mathématiques et physiques un livre destiné à l’amusement de la jeunesse, et dans lequel on voit la science se prêter à tous les passe-temps, même aux tours de gobelets et d’escamotage. « Les jeux d’esprit, dit Ozanam, sont de toutes les saisons et de tous les âges, ils instruisent les jeunes, ils divertissent les vieux, ils conviennent aux riches et ne sont pas au-dessus de la portée des pauvres. »
- Nous n’avons pas voulu aller aussi loin que l’a fait Ozanam ; nous avons cru devoir passer complètement sous silence les tours de physique dite amusante. Ils ne constituent pas des expériences, mais bien des supercheries ingénieuses destinées à déguiser le véritable mode d’opérer, nous n’avons pas cherché à les connaître pour les vulgariser; nous
- 1 Les Récréations scientifiques ou T Enseignement par les jeux, ouvrage comprenant la Physique sans appareils, la Chimie sans laboratoire, la Maison d'un amateur de science, la Science appliquée à l'économie domestique, etc., avec 223 gravures dans le texte, 1 vol. in-8°, par G. Tissanbier (G. Masson, éditeur).
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- avons voulu que tous les jeux que nous indiquons, que tous les passe-temps et les récréations dont nous donnons l’exposé, soient au contraire rigoureusement basés sur la méthode scientifique et puissent être considérés comme de véritables exercices de physique, de chimie, de mécanique ou de sciences naturelles. Il nous a semblé qu’il n’était pas bon d’enseigner à tromper, même en jouant.
- La science en plein air, en plein champ, en pleine lumière, est ce que nous étudions d’abord ; nous montrons comment on peut à la campagne, occuper et charmer sans cesse ses loisirs, en observant la nature, en capturant des insectes ou des animaux aquatiques, en observant l’atmosphère et les phénomènes aériens.
- Nous enseignons ensuite à faire un cours de physique complet sans aucun appareil, et à étudier soi-même les différents phénomènes de la pesanteur, de la chaleur, de l’optique et de l’électricité au moyen de simples verres à boire, de carafes, d’un bâton de cire à cacheter et de menus objets que tout le monde a sous la main. Une série d’expériences de chimie exécutées au moyen de quelques fioles et de produits peu coûteux, complètent cette partie du livre relatif aux sciences physiques.
- Un autre genre de récréation, utile et intelligent, consiste à recueillir les appareils ingénieux que fournissent sans cesse à nos besoins de tous les jours, les progrès des sciences appliquées, et à s’exercer à faire fonctionner ces appareils. Dans des chapitres intitulés la Maison d’un amateur de science et la Science et Véconomie domestique, nous avons réuni un certain nombre de mécanismes et d’appareils, dont toutes les personnes ingénieuses et habiles, aimeront à se munir, depuis la plume électrique d'Edison ou le chromographe, qui permettent de reproduire à un grand nombre d’exemplaires, une lettre, un dessin, etc., jusqu’à des systèmes plus compliqués, mais non moins précieux à avoir chez soi, tels que ceux qui servent à fabriquer la glace, etc.
- Après avoir décrit des jouets scientifiques pour la jeunesse, nous avons voulu en indiquer d’autres pour l’âge mûr ; nous avons groupé dans un chapitre spécial les curieux systèmes de locomotion si usités aux Etats-Unis et en Angleterre, et si peu connus chez nous; bateaux à glace, petits navires à vapeur, curieux systèmes de véhicules, appareils de natation, etc.
- On voit que le présent ouvrage n’est pas seulement écrit pour les jeunes gens; tout le monde, nous l’espérons, pourra y trouver quelque intérêt, peut-être même quelque profit, si ce n’est pour s’instruire soi-même en s’amusant, tout au moins pour enseigner les autres, et leur apprendre que la science, qui est partout, sait aussi quand elle est bien comprise, présider aux récréations et aux jeux.
- Outre les gravures empruntées à la Nature, il en est un certain nombre d’inédites qui complètent
- les sujets traités. La figure 2 ci-contre est de celles-là; elle se trouve accompagnée, dans le livre, des lignes suivantes :
- « Parmi les illusions d’optique les plus curieuses, il en est un grand nombre que l’on peut produire à l’aide de miroirs. La lunette brisée en est un exemple. Cet appareil, monté sur un pied fermé, permet de voir en apparence un objet à travers un pavé ou un corps opaque, comme le représente la figure. La coupe de Ja lunette en explique la disposition. L’observateur, qui a l’œil placé devant l’oculaire, aperçoit nettement l’image de l’objet exposé en regard de l’objectif; cette image est réfléchie quatre fois avant d’arriver à son œil, au moyen de petits miroirs dissimulés dans l’instrument. Le pied de la lunette est fermé de toutes parts et l’illusion est complète. »
- Nous ajouterons que la Bibliothèque de la Nature s’accroîtra d’année en année; nous préparons,avec le concours de nos collaborateurs, de nouveaux volumes de géologie, d’astronomie, de mécanique, etc., et nous espérons que tous ceux qui aiment la science, voudront bien favoriser ces ouvrages, destinés à répandre le goût de l’étude et l’amour du travail, du même accueil qu’ils n’ont cessé de faire à la publication qui en est la source.
- Gaston Tissandier.
- LE GRISOUMÈTRE ÉLECTRIQUE
- La Nature a donné, dans le numéro du 5 mai 1877, la description de l’ingénieux appareil inventé par M. Coquillon, et qui permet, au moyen d’un dosage volumétrique assez rapide, de déterminer la proportion de grisou contenue dans l’atmosphère d’une galerie de mines. Le grisoumètre de M. Coquillon rend de nombreux services dans l’exploitation des mines ; toutefois, il présente l’inconvénient de donner des mesures seulement approximatives, et d’obliger à opérer sur des prises d’essai, car on ne peut guère s’en servir à l’intérieur même des galeries. Gomme tout ce qui touche au grisou, présente une importance capitale pour les mineurs, en raison des explosions terribles que ce gaz peut amener tout à coup, ainsi que nous en voyons malheureusement trop d’exemples ; nous avons cru devoir revenir en quelques mots sur ce sujet, et donner en même temps la description d’un appareil récemment inventé par M. E. H. Liveing, de l’École des Mines de Londres. Cet appareil permet de déterminer immédiatement, à l’intérieur des galeries, la proportion de grisou avec une précision très remarquable.
- Avant l’invention des lampes de sûreté, les mineurs employaient toujours les lampes à feu nu; et comme l’air des mines devient spontanément inflammable dès que la proportion de grisou atteint 6 p. 100, ils se trouvaient toujours en présence d’une explosion imminente, d’autant plus dangereuse qu’ils n’avaient aucun moyen de la prévenir.
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- LA NATUBE.
- Tout ce qu’on pouvait faire, c’était de provoquer l’explosion avant la rentrée des ouvriers : un mineur choisi à tour de rôle parmi ses camarades pour ce poste d’honneur et de dévouement, s’en allait seul avant la brigade, tenant sa lampe au bout d’une perche, et risquait ainsi sa vie pour sauver celle des autres ; il était rare en effet qu’il pùt échapper à l’explosion quand elle se déclarait. 11 avait la tète couverte d’un grand capuchon, d’où lui était venu le nom de pénitent, et il se bouchait soigneusement les narines et la bouche pour éviter les coups de feu; car, si l’explosion se produisait dans le poumon, il était condamné à périr dans d’horribles souffrances.
- L’invention de la lampe Davy a permis aux mineurs d’exploiter les quartiers grisouteux sans avoir recours à des pratiques aussi dangereuses ; l’explosion due au dégagement du grisou se trouve localisée dans la lampe, et la toile métallique dont elle est enveloppée s’oppose à la propagation de la flamme
- dans l’air extérieur ; d’ailleurs, l’auréole bleue qui se produit alors autour de la mèche incandescente prévient sûrement le mineur expérimenté du danger qui le menace. Toutefois, la lampe de sûreté n’empêche pas toujours les explosions, surtout lorsque le dégagement de grisou est considérable ; et, si la détonation qui se produit à l’intérieur de la lampe dépasse ou déchire la toile métallique, elle peut se communiquer immédiatement dans toute l’atmosphère de la mine. C’est ce qui explique les nombreuses explosions qui se produisent encore maintenant, surtout à la suite d’une baisse barométrique prolongée, et même en dehors des cas imputables à la négligence des ouvriers ; et c’est ce qui montre en même temps l’utilité de posséder un grisoumètre précis et rapide, afin qu’on puisse régler le travail et la ventilation d’après les indications qu’il fournit.
- L’appareil Liveing est fondé sur la différence clat que présente une spirale de platine rendue incandescente par l’électricité et placée dans une atmosphère grisouteuse au lieu de l’air ordinaire. Il constitue lui-même une sorte de photomètre permettant d’apprécier très exactement ces différences de nuances, et d’en déduire à un millième près la teneur en grisou de l’atmosphère essayée.
- L’indicateur électrique représenté figure 1, comprend une petite machine Gramme portative Q, pouvant être mue à la main, et deux spirales de platine qui sont traversées par le courant fourni par la machine. La forme de ces spirales est donnée dans la figure 2. Elles sont construites de manière à présenter toutes deux la même résistance au passage
- Fig. 2 et ô. Détails de l’appareil.
- il e-
- du courant, et à fournir par suite deux points lumineux d’égale intensité dans l’air ordinaire. Pour l’essai dans les galeries de mines, la spirale A est renfermée dans un tube étanche rempli d’air ordinaire, tandis que la spirale B est en contact avec l’atmosphère de la mine. II suffit d’une proportion de 1/400 seulement de gaz combustible dans Pair qui entoure B, pour lui donner un éclat déjà bien supérieur à celui de la spirale placée dans l’air ordinaire ; et cet éclat va toujours en croissant avec la teneur en grisou. Pour apprécier cette différence, on a recours à la disposition suivante : les rayons lumineux venant de A et de B (fig. 1) viennent
- tomber à 45° sur les deux faces opposées du prisme G, et ils sont renvoyés simultanément dans la lunette G, dans laquelle on aperçoit à la fois les deux faces du prisme. La lunette et le prisme forment un ensemble qui peut être déplacé longitudinalement sur la face supérieure de la boîte, de manière à écarter le prisme G de la spirale B jusqu’au point de donner le même éclat aux deux faces qu’on aperçoit dans la lunette. Une échelle graduée par expérience dans des milieux à teneur connue, et placée sur le côté gauche de la boîte, comme l’indique la figure, donne immédiatement la teneur en grisou d’après la position de la lunette.
- Les deux faces du prisme sont recouvertes d’une feuille de papier pour modérer l’éclat de la lumière; et lorsque la teneur en grisou est un peu élevée, l’éclat de la spirale B devient tellement intense, qu’il serait impossible de rétablir l’égalité si on n’emplovait pas une couleur plus sombre sur la face du prisme qui regarde B. C’est pourquoi on dispose habituellement sur celle-ci deux nuances, comme l’indique la figure 5 ; la moitié X est recouverte du même papier que la face Z tournée vers A, et elle sert ainsi pour apprécier les faibles teneurs en grisou, tandis que l’autre moitié Y est plus sombre.
- Quand on veut apprécier seulement si l’atmosphère d’une mine est dangereuse, si elle tient, par exemple, plus de 2 pour 100 de grisou, sans déterminer exactement la teneur, on peut isoler dans le tube A un volume d’air ayant cette composition ; et comme le tube B reste toujours en contact avec l’air de la mine, un simple coup d’œil jeté sur les deux spirales incandescentes permet de reconnaître si la spirale B est plus brillante que l’autre, et, par suite, si la teneur en grisou dépasse 2 pour 100.
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- LA NAT UH E.
- o i.»
- LE TÉLÉGRAPHE HYDROSTATIQUE
- Certains de nos lleuves et rivières ont des crues redoutables, si subites qu’elles ne peuvent être annoncées aux riverains en temps utile parles movens ordinaires. Ainsi, àTou-
- F.g.l
- Fig. 1 et 2. Propulseur du télégraphe hydrostatique.
- a, tambour à gorge. — b, galeis conducteurs à supports isolés. — c, axe des pendules. — d, tiges des pendules. — e, marteau à genouillère des pendules. — f, table des transmissions. — I., (il de ligne. — T, 01 de (erre. — pôle positif.-------------, pôle négatif.
- louse, en 1876, la prodigieuse masse d’eau de la Garonne, qui fit inopinément invasion dans la partie basse de la ville, venait de très loin; quand elle submergea le malheureux faubourg Saint Cyprien, elle avait roulé pendant plus de vingt heures, et elle avait franchi plus de quarante-cinq lieues dans un pays tout sillonné de télégraphes.
- Cependant, elle n’avait pas été annoncée, d’aucune manière, quand elle arriva à Toulouse,
- où elle devait engloutir des centaines de victimes humaines et se signaler par des dégâts énormes.
- C’est à la suite de cet événement terrible, que M.
- C Gros, de Godez, chercha à résoudre le problème suivant : tenir les riverains des fleuves continuellement au courant, des évolutions produites, en amont, dans le niveau de l’eau, leur annoncer l’arrivée des crues et leur permettre de prendre, en temps utile, toutes les mesures pour lutter contre le danger. Il était
- a, barillet. f, buttoir.
- necessaire que l’appareil remplisse certaines conditions d’économie pour que son emploi devienne pratique. Il faut que ce soit la variation de niveau de l’eau elle-même qui mette en mouvement le système télégraphique, sans l’in-terventiou de veilleurs de jour et de nuit, dont l’exactitude peut être en défaut de bien des manières. En outre, il fallait que l’avertissement, pût être transmis directement dans les bureaux télé-
- graphiques ordinaires, de sorte qu’il n’y ait pas besoin d’un personnel supplémentaire et que les avis fu-sent adressés aussitôt aux riverains ou aux autres intéressés par la voie la plus rapide des communications publiques.
- Le télégraphe Gros se compose de trois parties
- essentielles : 1° le propulseur, 2° le récepteur, 5° un fil télégraphique qui réunit les deux organes.
- Le propulseur (fig. t) se compose lui-même d’un flotteur, d’une pile électrique et d’une batterie de pendules oscillants. Le flotteur est un cylindre creux, cubant 50 décimètres, muni d’un câble qui va s’enrouler sur une poulie a, à laquelle il transmet les mouvements du niveau de l’eau. La batterie des pendules
- tlddd....dddd (fig. 2),
- suspendue à son pivot c, est actionnée par la roue a et tourne, de droite à gauche si le flotteur monte,
- et de gauche à Fig. droite si le flotteur
- descend. Dans le premier cas les pendules émettent dans le fil de ligne L un courant positif et envoient le courant négatif à la terre ; le mouvement inverse de la roue a fait, au contraire, passer le courant négatif dans le fil de ligne et le courant positif à la terre. On voit donc que cet automate, placé au bord de l’eau, lance dans le fil télégraphique un courant électrique de faible durée, positif ou négatif, suivant qu’il y a crue ou baisse. A la station, le récepteur, au moyen d’un cadran à aiguille, permet de lire les renseignements envoyés par l’automate et qui, en cas de crue torrentielle, met en jeu une sonnerie électrique. Ce récepteur (fig. o et 4) n’est autre chose qu’un récepteur Bréguet en partie double avec des modifications : 1° les deux barillets, placés symétrique-
- Fig. 5 et 4. Récepteur du télégraphe hydrostatique. b, pignon. — c, roue à rochet. — d, fourchette. — e, pendule. — g, ressort. — h, électro-aimant. — O, axe de l’aiguille portant deux roues r r' menées et non réciproques. Ces roues r r' se projettent l’une devant l’autre dans la ligure. — R R, roues à rochets, à mouvements saccadés, mues en sens inverse par leurs barillets et commandant les roues rr'.— L, fil de ligne amenant successivement aux deux électro-aimants le courant lancé par le propulseur.
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- LA NATURE.
- ment, sont animés d’un mouvement en sens inverse F un de l’autre; 2° les électro-aimants de chaque mouvement d’horlogerie sont polarisés, l’un positivement, l’autre négativement ; 5° il n’v a qu’un seul cadran; 4° enfin, il se trouve entre les deux dernières roues RR de chaque mouvement d’horlogerie (fig. 4; une roue folle, qui est toujours menée par une quelconque des deux roues RR, et dont les dents sont calculées de façon à ce que cette roue 0, entraînée par une quelconque de ces deux roues RR, ne soit jamais gênée dans son évolution par l’autre de ces roues RR. Selon que l’un ou l’autre des mouvements d’horlogerie des barillets est actionné par le courant, l’une ou l’autre des deux roues RR fait tourner l’une ou l’autre des deux roues rr' dont Taxe commun porte l’aiguille du cadran. L’engre-hage de chacune de ces deux dernières roues rr' est tel que, menée par la roue à rochet R, elle est sans action sur celle-ci (roue menée non réciproque).
- Les déplacements de la roue 0 sont limités par un régulateur spécial. Cette roue 0 porte une aiguille appelée à se mouvoir sur un cadran gradué, et qui indique la hauteur de l’eau chaque fois que le mouvement exécuté par le niveau, soit de haut en bas, soit de bas en haut, dépasse dix centimètres. La même roue O transmet ses mouvements à une crémaillère horizontale, qui glisse entre des guides fixes et est munie d’un crayon à molette. Au contact de ce crayon, marche, sur un rouleau tendeur parallèle à la crémaillère, une bande de papier animée d’un mouvement uniforme par un appareil d’horlogerie. Le crayon trace ainsi, sans interruption, la courbe exactement figurative du régime des eaux. En cas de crue torrentielle, lorsque l’aiguille arrive au point marqué danger, une sonnerie éveille, de jour comme de nuit, l’attention des personnes qui se trouvent dans le voisinage du récepteur; un simple coup d’œil au cadran permet d’apprécier la hauteur des eaux et le degré de gravité du danger. Entre le bord de l’eau et la station, un seul fil télégraphique, le fil de ligne L, relie le propulseur au récepteur.
- Il est aisé de comprendre les avantages de l’appareil’ de M. Camille Gros. La science y trouve son compte, car les observations journalières peuvent être automatiquement enregistrées, et on obtient une courbe mathématique du phénomène. Les autres systèmes, et en particulier le téléphone, ne peuvent donner cet important résultat. L’employé est-il occupé, distrait, endormi même, la sonnerie électrique vient l’avertir que le danger accourt, pressant, imminent, et qu’il doit, sans tarder, prévenir l’autorité locale, qui, à son tour, donne l’alarme. Mieux encore : le cadran indicateur peut être placé extérieurement; chacun peut le lire aussi facilement que celui d’un baromètre ou d’une horloge. En comparant ses indications avec les ren-séignements donnés par un tableau placé «à proximité sous cadre grillagé, faisant connaître la rapi-
- dité de marche de la masse d’eau en raison de son volume, chaque riverain sait combien d’heures, de minutes, il a devant lui pour mettre sa personne et ses biens en lieu sûr. L’appareil Gros devient alors un véritable instrument météorologique populaire, analogue à ceux que l’on a si utilement placés depuis quelques années dans nos villes pour nous tenir au courant des perturbations atmosphériques, et non moins indispensables que ces derniers.
- Après la description de ce télégraphe hydrostatique, faite par M. l’ingénieur des mines Vital devant la Société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron, et, sur le vœu unanime de cette Société, le Conseil général de l’Aveyron accorda des fonds pour la construction d’un premier spécimen du système. Des expériences eurent lieu, aux frais de l’État, sur le Lot, entre Penchot et Capdenac, avec une distance de 14 kilomètres entre le propulseur et le récepteur. Elles réussirent complètement, et il est à désirer que l’administration supérieure se prononce d’une manière définitive.
- Maurice Girard.
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- BIBLIOGRAPHIE
- Zoologie élémentaire, par Félix Plateau, professeur à l’Université de Gand, membre de l’Académie royale des sciences de Belgique. 1 vol. in-18, de la Bibliothèque belge. Mons, Hector Manceaux, 1880.
- L’auteur de cet ouvrage a adopté un plan original et ingénieux. Après avoir consacré quelques chapitres à des notions préliminaires indispensables, M. Félix Plateau aborde l’étude des différents groupes du règne animal, en choisissant pour chacun d’eux, un type facile à se procurer, et dont la dissection puisse être faite d’une façon pratique par tout le monde. C’est ainsi que la grenouille sert d’exemple pour les Vertébrés, la limace rouge pour les Mollusques, l’écrevisse pour les Arthropodes, etc. Cette méthode excellente est développée avec un véritable talent d’exposition par le savant professeur de l’Université de Gand. La zoologie est avant tout une science d’observation; M. Félix Plateau a voulu l’enseigner par l’observation.
- Le Feu à Paris et en Amérique, par le colonel Paris, commandant le régiment des sapeurs-pompiers à Paris, avec 4 cartes représentant les plans de défense de Paris contre les incendies. 1 vol. in-18, Paris, Germer Baillière et Cie, 1881.
- Excellent ouvrage, écrit par un auteur éminemment compétent, qui montre ce qu’on fait en Amérique pour combattre l’incendie, et ce qu’on peut faire à Paris avec les ressources actuelles, insuffisantes dans bien des cas. La Ville de Paris ne refusera pas, nous l’espérons, les ressources matérielles les plus complètes, à un corps d’élite, dont le courage, la va llance et le dévouement sont devenus proverbiaux.
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- LA NATURE.
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- LES AGRANDISSEMENTS
- DU
- CONSERVATOIRE DES ARTS ET MÉTIERS
- A PARIS
- Un des plus illustres savants de l’Angleterre nous disait un jour : « Vous avez à Paris des Collections, des Bibliothèques, des Muséums, des Observatoires, des Facultés,des Écoles; nous avons l’équivalent de tout cela à Londres. Il n’y a qu’une seule chose que nous n’ayons point et que j’admire toujours chez vous, c’est le Conservatoire des Arts et Métiers. »
- Le Conservatoire national des Arts et Métiers1 est, en effet un établissement unique dans son genre, aussi bien par l’intérêt scientifique qu’il peut offrir que par l’utilité pratique qui en est le caractère particulier. Aucune institution n’est plus digne de la sollicitude du gouvernement, puisqu’elle a pour but de s’occuper des ouvriers et d’instruire la classe populaire.
- Nous sommes heureux d’annoncer à nos lecteurs que le Conservatoire des Arts et Métiers va prendre un nouveau développement, par suite de la construction d’un corps de bâtiment qui comprendra trois maisons situées à l’angle de la rue Saint-Martin et de la rue du Vert-Bois. Il y a même lieu d’espérer que ces travaux ne seront que le prélude de constructions plus importantes encore, et qu’une loi prochaine assurera l’achèvement complet de notre bel établissement national.
- Le moment est donc opportun pour parler du Conservatoire des Arts et Métiers.
- Sans entrer dans des détails précis, au sujet des constructions nouvelles dont les plans ne sont pas encore définitivement arrêtés, nous dirons quelques mots du fonctionnement des différents services, qui ont été, dans ces derniers temps, l’objet d’améliorations importantes.
- Le service des Brevets d’invention et du Portefeuille industriel ont été récemment installés dans les nouveaux bâtiments de la rue Saint-Martin. Dans les premiers jours de novembre, on a mis à la disposition du public l’ancienne et remarquable collection des dessins de Vaucanson. Ces dessins, qui forment une série très abondante comprise entre les années 1775 et 1829, ont un grand intérêt historique. On y trouve le germe d’une quantité considérable d’appareils ou de systèmes réalisés à notre époque, et que l’absence de procédés d’exécution avaient condamnés à rester à l’état de projets. On y voit un grand nombre de pièces cu-
- 1 Descartes a eu l’idée de sa fondation ; Vaucanson en a formé le premier germe par sa collection publique de machines, d’instruments et outils destinés à la classe ouvrière, et la Convention en décida la création définitive par un décret à la date du 8 vendémiaire de l’an XII.
- rieuses et notamment le dessin original du premier bateau à vapeur de Fulton.
- Parmi les agrandissements exécutés depuis peu, nous citerons la grande galerie des machines (n° 6 du plan ci-contre), à laquelle on a adjoint l’abside tout entière de l’ancienne église du prieuré de Saint-Martin. Cette abside a été ouverte au public dans le courant de cette année. On peut y voir la curieuse voiture à vapeur du mécanicien Cugnot; on y trouvera prochainement la belle statue de Denis Papin,par M. Aimé Millet, et dont le bronze a été inauguré à Blois il y a quelques semaines.
- Outre les machines qui fonctionnent depuis longtemps dans cette galerie, et qui appartiennent au Conservatoire, la nouvelle administration des Arts et Métiers, s’efforce de faire fonctionner sous les yeux des visiteurs tous les appareils nouveaux et intéressants que produit la grande industrie parisienne. C’est là une heureuse innovation, à laquelle le public répond avec empressement, car plus de 5000 personnes assistent tous les dimanches à ces expériences souvent fort belles et fort instructives pour tout le monde.
- Parmi les appareils les plus remarqués, nous citerons la plupart de ceux qui se rattachent aux phénomènes électriques. Les belles expériences de notre savant ami, M. Gaston Planté ont obtenu le plus grand succès, ainsi que celles relatives au transport de la force à distance par l’électricité.
- Le Conservatoire des Arts et Métiers devient ainsi le musée des machines en action. On n’y voit pas seulement l’appareil nouveau ; on le juge par ce qu’il sait faire, par ce qu’il produit.
- Dans le courant de l’année 1880, les expériences exécutées tous les dimanches ont été si variées et si nombreuses, que leur énumération ne saurait être faite d’une façon complète sans dépasser outre mesure les limites de notre cadre. Nous mentionnerons toutefois quelques-unes des plus importantes :
- Machines magnéto-électriques diverses, bobine Ruhm-korff, tubes de Geissler, lampes électriques diverses, Ja-blochkoff, Jamin, etc., couples secondaires de M. Planté et expériences qui s’y rattachent; perforatrices du Saint-Gothard ; machines à coudre, machines à tricoter, à broder; télégraphes autographiques; galvanoplastie, moteur hydraulique Schmid ; machine à raboter les métaux ; affûtage des fraises ; phonographe d’Edison ; appareils à fabriquer la glace de M. Carré, machine à gaz de Bis-shop; moteur magnéto-électrique de M. Trouvé; pompes pneumatiques de M. Lacroix ; appareils de transport par câble de M. Hogdson ; frein électrique de M. Achard; odographe de M. Marey ; presses hydrauliques ; essoreuses ; machine à écrire de M. Remington ; machine à calculer de M. Thomas; machine solaire de M. Mou-chot, télégraphie pneumatique, etc.
- Pendant que des machines fonctionnent ainsi dans la grande nef, d’autres expériences ont lieu dans les galeries de collections : la grande machine électrique fait jaillir des étincelles dans la salle de Phy-
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- LA NATURE.
- sique, et des projections à la lumière oxhydrique seront faites ailleurs par M. Molteni.
- Les visiteurs parcourent avec curiosité la salle de l’Echo, la salle de Lavoisier, où se trouvent réunis un grand nombre d instruments ayant servi au fondateur de la chimie moderne, la salle de l’Agriculture, où sont exposés tous les modèles les plus
- nouveaux de machines agricoles, faucheuses, moissonneuses, etc.
- Est-il nécessaire de parler à nos lecteurs du service des cours? 11 n’est pas un habitant de Paris qui n’en connaisse les éminents professeurs1. La liste que nous publions plus loin du programme de 1880-1881, fait comprendre l’importance et la va-
- Plan du Conservatoire national des Arts et Métiers et des nouvelles constructions projetées.
- i. Bureau de vérification des poids et mesures du commerce et logement du concierge. — 2. Laboratoire du cours de mécanique (M. Tresca, professeur). — 3. Rez-de-chaussée : laboratoire du cours de teinture et de céramique (M. de Luynes, professeur). Premier étage : laboratoire du cours de chimie agricole (M. Roussingault, professeur). — 4. Rt z-de-chaussée : amphithéâtre. Premier étage : laboratoire du cours de physique (M. Becquerel, professeur). — 5. Emplacement provisoire de l’Institut agronomique. — 6. Grande salle des machines en mouvement (ancienne église du prieuré de Saint-Martin-des-Champs, au XIIP siècle). — 7. Grand amphithéâtre. — 8. Ancien amphithéâtre. — 9. Bibliothèque (ancien réfectoire du prieuré). — 10. Laboratoire du cours de chimie industrielle. (M. A. Girard, professeur). — 11. Laboratoire du cours de chimie générale (M. Peligot, professeur). — 12. Grand escalier d’honneur. — 13. Salle de l’Echo. — 14. Rez-de-chaussée et premier étage; galeries de collections — 15. Rez-de-chaussée : galerie en construction. Premier étage ; galerie de céramique et d’optique. — 16. Rez-ae-chaussée : poids et mesures. Premier étage : galerie de filature.— 17. Rez-de-chaussée : salle d’exposition. Premier étage : galerie de filature. — 18. Rez-de-chaussée : administration. Premier étage : galerie en construction. — 19. Portefeuille industriel; brevets d’invention et marques de fabrique. —20. Construction projetée : galerie de collections. — 21. Construction projetée : emplacement proposé pour l’Institut agronomique. — 22 Emplacement proposé pour l’Ecole centrale des Arts et Manufactures.
- rie'té de cet enseignement si apprécié et si populaire.
- Tout le monde connaît aussi la Bibliothèque publique, où plus de trente mille volumes spéciaux sont mis à la disposition des travailleurs.
- Nous signalerons comme moins connu, le service public d’essais de résistance des matériaux, qui est très utile aux architectes, aux entrepreneurs et aux constructeurs. Tout le monde peut y recourir. 11 suffit d’envoyer au Conservatoire des Arts et Métiers, des échantillons de pierre, de mar-
- bre, de poterie, de métaux, de tuyaux, etc.; ces échantillons sont écrasés, rompus ou brisés par des machines spéciales, et les résultats enregistrés très exactement. La plus puissante de ces machines est une presse hydraulique de 500 000 kilogrammes.
- Tel est, en peu de mots, le Conservatoire national des Arts et Métiers ; par ses collections, par
- 1 Voy. la Nature, n° 180 du 11 novembre 1876, p. 069.
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- La gronde salle des machines au Conservatoire des Arts et Métiers.
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- LA NATURE
- ses cours publics, par sa bibliothèque, par ses services éminemment pratiques, il peut être considéré comme une des fondations les plus précieuses de notre pays.
- C’est à la suite d’une visite dans les galeries du Conservatoire des Arts et Métiers, que Jacquart conçut, dit-on, l’idée des derniers perfectionnements de sa machine à tisser. Que de chercheurs ont ainsi puisé le germe d’une invention nouvelle dans ces galeries si curieuses, si bien remplies d’œuvres merveilleuses, où l’on s’arrête à chaque pas, toujours avec intérêt, quelquefois avec respect, quand on y voit des reliques de la science, comme le modèle du ballon à gaz d’un physicien Charles, la balance de précision d’un Lavoisier, ou la première épreuve photographique d’un Daguerre !
- Gaston Tissandier.
- LES COURS PUBLICS ET GRATUITS DU CONSERVATOIRE DES ARTS ET MÉTIERS
- Voici l’ordre des cours publics et gratuits de sciences appliquées aux arts, au Conservatoire national des Arts et Métiers, en 1880-1881. Ces 00111*8 ont commencé le 3 novembre.
- Géométrie appliquée aux arts. — Les lundis et jeudis, à sept heures trois quarts du soir. M. Laussedat, professeur.
- Géométrie descriptive. — Les lundis et jeudis, à neuf heures du soir. M. de la Gournerie, professeur.
- Mécanique appliquée aux arts. — Les lundis et jeudis, à sept heures trois quarts du soir. M. Tresca professeur.
- Constructions civiles. — Les mercredis et samedis, à sept heures trois quarts du soir. M. E. Trélat, professeur.
- Physique appliquée aux arts. — Les mercredis et samedis, à neuf heures du soir. M. E. Becquerel, professeur.
- Chimie générale dans ses rapports avec l'industrie.— Les lundis et jeudis, à neuf heures du soir. M. E. Peligot, professeur.
- Chimie industrielle. — Les mardis et vendredis à neuf heures du soir. M. Aimé Girard, professeur.
- Chimie appliquée aux industries de la teinture, de la céramique et de la verrerie. — Les lundis et jeudis, à sept heures trois quarts du soir. M. deLuynes, professeur.
- Chimie agricole et analyse chimique. — Les mercredis et samedis à neuf heures du soir. M. Boussinganlt, professeur (M. Sehlœsing, suppléant).
- Âgricidture. — Les mardis et vendredis, à sept heures trois quarts du soir. M. Moll, professeur. Une affiche spéciale indiquera l’ouverture de ce cours.
- Travaux agricoles et génie rural. — Les mercredis et samedis, à sept heures trois quarts du soir. M. H.Mangon, professeur.
- Filature et tissage. — Les lundis et jeudis, à neuf heures du soir. M. Joseph Imbs, chargé du cours.
- Économie politique et législation industrielles. — Les mardis et vendredis, à sept heures trois quarts du soir. M. E. Levasseur, professeur.
- Cours annexe de droit commercial. — Les mercredis
- et samedis, à sept heures trois quarts du soir. M. Malapert, chargé du cours.
- Economie industrielle et statistique. — Les mardis et vendredis, à neuf heures du soir. M. J. Burat, professeur.
- LES COURS PUBLICS ET GRATUITS DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS
- Les cours de la Faculté des sciences ont commencé le lundi 8 novembre 1880, pour le premier semestre, à la Sorbonne).
- Géométrie supérieure. — Les mercredis et vendredis, à dix heures et demie. M. Chasles, professeur (M. Daboux, suppléant).
- Calcul différentiel et calcul intégral. — Les lundis et jeudis, à huit heures et demie. M. J. A. Serret, professeur (M. Bouquet, professeur de la Faculté, suppléant).
- Mécanique rationnelle.— Les mercredis et vendredis, à huit heures et demie. M. Liouville, professeur (M. Tisserand, suppléant).
- Astronomie mathématique et mécanique céleste. — Les mardis et samedis, à dix heures et demie. — M. Puiseux, professeur, ouvrira ce cours le mardi 9 novembre.
- Calcul des probabilités et physique mathématique. — Les lundis et jeudis, à dix heures et demie. M. Briot professeur, ouvrira ce cours le jeudi 11 novembre.
- Mécanique physique et expérimentale. — Les mardis et samedis, à huit heures et demie. M. Bouquet, professeur (M. Tannery, suppléant).
- Physique. — Les mardis et samedis, à une heure et demie. M. P. Desains, professeur, ouvrira ce cours le mardi 9 novembre.
- Chimie. — Les lundis et jeudis, à une heure, M. Henri Sainte-Claire-Deville, professeur, ouvrira ce cours le jeudi 11 novembre.
- Zoologie, anatomie, physiologie comparée. — Les mardis et samedis, à trois heures et demie. M. de Lacaze-Duthiers, professeur.
- Physiologie. — Les lundis et jeudis, à trois heures et demie. M. Paul Bert, professeur (M. Dastre, suppléant).
- Minéralogie. — Les mercredis et vendredis, à une heure et demie. M. Friedel, professeur.
- Chimie biologique. — Les mardis et jeudis, à deux heures et demie, par M. Duclaux, maître de conférences.
- Les conférences commenceront le lundi 15 novembre. Les étudiants n’y sont admis qu’après s’être inscrits au secrétariat de la Faculté et sur la présentation de leur carte d’entrée.
- Elles seront faites par MM. Lemonnier et Goursat pour les mathématiques; Mouton, Lipmann, Jannetaz, Joly, Salet et Rihan pour les sciences physiques; Chatin, Joliet et Velain pous les sciences naturelles.
- LES COURS DE L’ÉCOLE DES MINES
- Les cours et exercices de l’Ecole des Mines ont été ouverts le 8 novembre.
- Cours de minéralogie. — Les mardis et samedis, à midi. M. Maillard, ingénieur en chef des mines.
- Cours de géologie. — Les lundis et jeudis, à midi. M. de Chancoùrtois, inspecteur général des mines.
- Cours de paléontologie. — Les vendredis, à midi. M. Bayle, ingénieur en chef des mines.
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- Les collections de minéralogie et de géologie de l’École des Mines continueront à être ouvertes au public de onze à trois heures, les mardis, jeudis et samedis.
- SUR L’INDUSTRIE DE LA BIÈRE
- EN EUROPE
- Cette industrie se développe tous les jours davantage. Voici, par exemple, quels sont les chiffres approximatifs de la production de 1876 :
- Nombre Consomma-
- Hectolitres. de tion en litres
- brasseries. par tête.
- Grande-Bretagne . . 47.000.000 26.214 143
- Allemagne 40.187.700 23.940 94
- États-Unis. ...... 14.978.800 3.293 38
- Autriche 12.176.900 2.448 34
- Belgique 7 942.000 2.500 149
- France 7.370.000 3.100 21
- Russie 2.210.000 460 3
- Hollande 1.525.000 560 41
- Danemark... .... 1.100.000 240 59
- Suède 900.000 )) 25
- Suisse 750.000 400 28
- Norwège 650.000 » 37
- Luxembourg 50.800 26 25
- Sur les 23 940 brasseries de l’Allemagne, la Bavière en compte à elle seule 6524, qui, en 1876, ont fabriqué 12 442 272 hectolitres, ce qui par tête d’habitant représente l’énorme consommation de 289 litres; ce pays, d’ailleurs, fait une exportation très importante, qui, en 1876, ne s’est pas élevée à moins de 267 651 hectolitres.
- La France, qui fabrique deux qualités de bière, la forte et la petite, a vu également sa production augmenter, puisque de 5 809 905 hectolitres qu’elle était en 1842, elle s’est élevée, en 1876, comme on l’a vu plus haut, à 7 370 000. C’est l’Allemagne et l’Angleterre qui y importent le plus ; le chiffre de cette importation était, en 1864, de 41141 hectolitres, dont plus de moitié de bière allemande.
- Le Brésil, la Chine, le Japon et l’Inde se distinguent par les importations de bières européennes qu’ils reçoivent, bien qu’ils fabriquent eux-mêmes des boissons y ressemblant plus ou moins et dont les noms, tchao-mien des Chinois, saké des Japonais, cocoum des Antilles et ulschicalla du pays des Kaffirs, nous sont à peine seuls connus.
- (.Journal of applied Science.)
- L’UTILISATION DES FORCES NATURELLES
- (Snite et fin. — Voy. p. 35 t.)
- Accumulateurs électriques. — Nous allons parler aujourd’hui de ce mode nouveau et encore peu employé d’accumuler le travail sous forme d’électricité. Dans un article sur Yemmagasinement de l’électricité (voir la Nature du 17 avril 1880), nous avons montré la possibilité du problème et les solutions proposées par MM. Planté, Houston et
- Thomson, Varley et d’Arsonval. La pile secondaire de M. Planté est certainement l’accumulateur électrique le plus parfait actuellement connu ; il emmagasine sous un volume et un poids relativement restreints une quantité de travail suffisante pour certaines applications; leur nombre s’accroîtra à mesure qu’on augmentera la capacité de l’accumulateur. Telle qu’elle est actuellement — nous donnerons bientôt des chiffres d’expériences que nous préparons en ce moment, — elle peut être utilisée dans un grand nombre de cas : nous en signalerons deux d’un ordre très différent.
- Attelons une petite machine magnéto-électrique de Gramme, modèle de laboratoire, à un petit moulin à vent analogue à celui qui a été décrit dans le n° du 14 juin 1880 (p. 19). La machine Gramme, mise en mouvement par le moulin à vent, pourra charger des piles Planté qui accumuleront le travail du vent ; un petit moteur électrique alimenté par ces piles pourra alors mettre en mouvement une machine à coudre, un tour, une scie à découper, etc. On aura ainsi régularisé, emmagasiné, asservi en quelque sorte, une force variable et inconstante, pour lui faire exécuter, à intervalles réglés, un travail régulier et constant.
- La seconde application que nous voulons signaler est plus importante au point de vue des services à rendre : nous voulons parler de la manœuvre des vannes et des portes d’écluses. Le travail dépensé dans cette manœuvre est effectué par des hommes tournant des manivelles à axe vertical pour la manœuvre des vannes et à axe horizontal pour celle des écluses; des petits moteurs électriques pourraient effectuer cette opération pénible et souvent renouvelée, en un temps moindre et avec plus de facilité par la manœuvre de simples commutateurs.
- En utilisant le cours d’eau lui-même, du côté du barrage, pour mettre en mouvement une petite roue hydraulique et une machine dynamo-électrique, et en emmagasinant l’électricité ainsi produite dans un nombre suffisant d’éléments secondaires de M. Planté, il serait facile de créer ainsi une source d’énergie qui permettrait de multiplier les éclusées, tout en évitant la fatigue aux manœuvres.
- Il n’y a plus dans ce problème que des questions de détails que la pratique apprendra vite à résoudre. Les roues hydrauliques, les machines dynamoélectriques, les piles secondaires et les moteurs électriques sont des appareils d’une simplicité suffisante pour que leur emploi puisse se faire sans difficultés.
- Relativement au chargement de la pile secondaire par une machine magnéto-électrique, tournant à des vitesses très variables, lorsque par exemple cette machine est mue par un moulin à vent, il se présente une petite difficulté que nous avons résolue avec l’appareil représenté ci-contre. Voici cette difficulté : Si la machine ralentit son mouvement au point que sa force électromotrice devienne inférieure à celle de la pile se-
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- condaire, il n’v a plus emmagasinement, mais au contraire dépense d’électricité : la pile se décharge dans la machine pour aider son mouvement, dépensant inutilement la charge primitivement accumulée et exposant ainsi la pile secondaire à se trouver complètement déchargée au moment même où l’on a besoin de ses services. Pour remédier à cet inconvénient, nous intercalons dans le circuit qui relie la pile secondaire à la machine, l’appareil représenté ci dessous, et qui est un disjoncteur et conjoncteur automatique. 11 a pour effet de rompre le circuit lorsque la machine ne tourne plus assez vite pour charger la pile et de le rétablir lorsque la force électromotrice de la machine, par suite d’une augmentation de vitesse , est redevenue assez grande pour effectue]1 de nouveau le chargement.
- L’appareil se compose d’un électro-aimant E, devant lequel se meut comme un pendule une armature AR, dont les vis Y, Y' limitent la course.
- La tige de suspension porte un bouton d’ivoire I), qui dans la position AB, établit un contact en C, et dans la position A'B' établit un contact en C'. L’électro-aimant E porte deux fils, un fil gros et court formant le circuit MEGCFP, un fil fin et long formant le circuit MEIICTLM'.
- La machine est reliée aux bornes M et M', la pile secondaire aux bornes P et P'.
- Yoyons maintenant le fonctionnement de l’appareil.
- Supposons que la machine tourne à une vitesse normale, et que l’armature soit en AR. Le courant de la machine arrivant en M traversera le gros fil de l’électro-aimant, le contact C, la pile secondaire placée entre P et P' et retournera à la machine par P'M' et le second fil attaché à la borne M'.
- Le courant étant assez intense pour charger la pile, maintiendra l’armature AR en place. Si la machine se ralentit, le courant de charge diminuera, et lorsqu’il sera devenu nul, l’armature AB sera lâchée, retombera et se placera dans la position A'B' sous l’action du petit aimant permanent NS. Dans cette position, le contact C sera ouvert et le circuit de la pile secondaire et de la machine rompu en ce point, mais le contact C'
- sera fermé par le même mouvement. Le courant de la machine traversera alors le fil fin, les lames Uf/ et C/l, et retournera à la machine par ÏLM'. H en résultera une aimantation de l’électro-aimant E, aimantation qui dépendra de la force électromotrice de la source. En réglant l’appareil à l’aide de la vis Y' et de l’aimant permanent NS, qu’on peut éloigner ou rapprocher à volonté, de telle sorte que l’électro-airuant attire l’armature A'B' lorsque la force électro-motrice du courant fourni par la machine est assez grande pour charger la pile secondaire, l’armature quittera la position A'B' pour prendre la position AR à ce moment même, et remettra la pile dans le circuit de la machine, et
- ainsi de suite. L’appareil se met donc automatiquement dans la position AB ou dans la position A'B', suivant que la source électrique est ou n'est pas assez puissante pour charger la pile. Mais comme le travail dépensé dans le cas où la pile est hors du circuit est très faible, à cause de la résistance considérable du fil fin, le moteur pourra, au moment, de la rupture du circuit de la pile, accélérer sa vitesse par suite de la diminution du travail résistant et remettre l’armature dans la position AB, ou position de charge. L’appareil une fois réglé fonctionne sans qu’on ait à s’en inquiéter.
- Dans l’état actuel de nos connaissances, l’accumulation du travail par la pile secondaire de M. Planté et l’utilisation des forces naturelles par l’électricité, peut recevoir des applications dont le nombre s’accroîtra de jour en jour, à mesure que l’on augmentera la capacité spécifique de l’accumulateur.
- Le moteur électrique est la plus simple des machines motrices : il suffit de deux fils pour lui amener le courant qui l’actionne; un simple commutateur suffit pour le manœuvrer. 11 y a donc là une série d’avantages que l’on appréciera bien, le jour où, par une disposition rationnelle de distribution et d’accumulation de l’électricité à domicile, on amènera chez chacun la lumière et la force motrice.
- —«-O-
- Pile secondaire
- Pile secondaire
- Machine
- Machine
- Conjoncteur et disjoncteur automatique pour le chargement des piles secondaires avec une source électrique de force électromotrice variable.
- E. Hospitalier.
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- LÀ NATURE.
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- LES GRANDS PRODUITS CHIMIQUES
- à l’Exposition universelle de 18781
- FABRICATION DU SUPERPHOSPHATE DE CHAUX
- i^es phosphates fossiles, très répandus dans le sol, y sont à l’état de phosphates tribasiques (Pli04)2Car> insolubles dans l’eau et par conséquent très difficilement assimilables par les végétaux. La nécessité de faire produire le plus possible à la terre, vu l’accroissement de la population et la concurrence
- étrangère, a forcé les agriculteurs ,à adopter des procédés de culture plus ou moins intensifs et à rendre le plus rapidement possible au sol, par le moyen d’engrais artificiels, dits chimiques, les éléments enlevés par les plantes.
- Le procédé rationnel pour atteindre à ce résultat consiste à transformer économiquement les phosphates fossiles en phosphates solubles ; actuellement cette transformation s’effectue au moyen de l’acide sulfurique.
- L’industrie chimique a pu heureusement encore trouver dans cette fabrication un débouché énorme, l’emploi des engrais artificiels prenant de jour en
- E che’le en Mètres .
- Appareil Thibault et Michelet pour la fabrication continue des superphosphates de chaux.
- A, cylindre en fonte muni d’un agitateur à palettes disposées en hélice, et dans lequel se fait le mélange d’acide sulfurique à 53° B. et de phosphate en poudre. — B, trémie recevant par la chaîne à godets en bois C le phosphate et par la chaîne à godets en gutta-percha D l’acide sulfurique. — E, E, cônes différentiels permettant de varier le mouvement des chaînes C et D et par contre les proportions d’acide et de phosphate en poudre. — F, hac en bois doublé de plomb rempli d’acide sulfurique. — G, pompe qui élève l’acide sulfurique du bac F dans le récipient IJ, d’où il s’écoule par le tuyau I dans le réservoir J (le corps de pompe est en gutta-percha et le piston en grès). — J, réservoir en bois garni de plomb ou de gutta-percha. L’écoulement de l'acide sulfurique dans l’auget en fonte K se fait au moyen d’un robinet à flotteur. — L, L, orifices des chambres en maçonnerie N, N, dans lesquelles se solidifie le mélange d’acide et de phosphate ; ce dernier est amené par le conduit M. — O, levier de manœuvre destiné à transporter le conduit M au-dessus des orilices L, L. — P, tuyau conduisant les vapeurs acides qui se dégagent des chambres N, N dans la colonne Q, remplie de coke humide. — K, réservoir d’eau destiné à arroser le coke de la colonne Q. — S, ventilateur déterminant l’appel qui entraîne les vapeurs acides des chambres N, N dans la colonne Q.— T, T, portes latérales en bois doublées de plomb par lesquelles ou retire, après trente-six heures, le superphosphate formé. — U, broyeur Carr, réduisant en poudre le superphosphate de chaux.
- jour un accroissement considérable. Aussi voyons-nous, malgré l’apport croissant sur le marché de quantités d’acide sulfurique dit métallurgique, provenant du grillage des pyrites cuivreuses (s’élevant à plus de 8 000 000 de kilogrammes), et le bouleversement apporté par le procédé Solway dans la fabrication de la soude, la plupart des anciennes soudières résister et trouver un débouché de leur acide sulfurique dans la fabrication des superphosphates. Pour n’en citer qu’un exemple, nous dirons que la production annuelle de la Compagnie de Saint-Gobain est d’environ 20 000 tonnes de superphosphates.
- Les gisements des phosphates fossiles se rencon-
- 1 Voy. n° 581 du 18 septembre 1880, p. 243.
- trent principalement en France, à presque tous les étages de la formation crétacée, dans le néocomien, dans le sahle vert inférieur, dans le gault, dans Je sable vert supérieur, dans les craies chloritées et marneuses, ainsi que dans le banc qui sépare ces deux étages.
- Parmi les nombreux gisements français qui ont été constatés dans plus de quarante départements, nous citerons les plus importants, savoir : ceux du la Seine-Inférieure, du Nord, des Ardennes, de la Meuse, de la Marne, du Lot, de l’Aveyron, de l’Isère, du Tarn-et-Garonne, de la Drôme, de la Savoie et des Alpes-Maritimes.
- VAngleterre, la Westphalie, la Belgique, la Bavière, le Nassau, le Portugal et l'Espagne possèdent également de puissants gisements de nodules
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- LA NATURE.
- et de coprolithes; ces derniers ne sont pas les seules sources produisant des phosphates : on exploite en effet en Portugal et en Espagne, notamment à Lo-sogros en Estramadure, ïapatite, minerai très répandu à la surface du sol; enfin en Russie, on exploite encore le Samarod sur une étendue d’environ 20 millious d’hectares comprise entre le Dnieper et le Volga.
- Généralement, vu la variété de composition de ces différents minerais, on fait un choix de certaines espèces, qu’on mélange en proportions voulues. Avant de les transformer en superphosphates, on les dessèche dans un four à réverbère, puis on les broie dans un appareil dit broyeur Carr ou sous des meules verticales, en granit ou en fonte, très pesantes; enfin la masse pulvérisée est passée au travers d’une série de toiles métalliques dont les dernières sont très fines.
- Le phosphate étant ainsi réduit à l’état de farine, le traitement par l’acide sulfurique est des plus simples : il consiste à verser l’acide sulfurique au milieu d!un cercle formé pai le phosphate de chaux, puis à mélanger le tout comme lorsqu’on prépare du mortier :
- (PhO^Ca* H- 2IPSO* = (Ph04)2CafP -f 2SO*Ca.
- Cette opération se fait, soit dans des fosses peu profondes, murées de briques ordinaires, placées près des chambres de plomb, soit dans de grands cylindres en bois doublés de plomb ou tout simplement en fonte, légèrement inclinés. Le mélange s’effectue au moyen d’un agitateur à palettes, mû mécaniquement. L’acide sulfurique arrive au sein de la poudre même par un tube de plomb ; la réaction s’établit de suite, la masse s’échauffe et devient assez fluide pour être coulée dans de grandes citernes en maçonnerie.
- Les vapeurs qui se dégagent (acide carbonique, lluorhydrique, etc., etc.) sont entraînées au moyen d’une hotte placée au-dessus des mélangeurs.
- La proportion d’acide sulfurique employée pour transformer le phosphate de chaux naturel en superphosphate de chaux est calculée d’après l’analyse préalable des minerais employés, elle varie de
- I 1/2 à 2 molécules d’acide pour une de phosphate. Pour les phosphates riches en oxyde de fer et en alumine on se sert d'acide de 53 à 54° Baume.
- Pour les phosphates à gangue calcaire, l’acide est ramené à 40° Baumé, afin de faciliter le brassage de la masse.
- Ce mode de traitement, quoique très simple, présente pourtant le double inconvénient d’être, au point de vue de la production, intermittent, et au point de vue de l’hygiène, dangereux, à cause des vapeurs acides qui se dégagent et qui incommodent les ouvriers et les voisins.
- MM. Thiéhault et Michelet, dans leur usine de la Villette, ont construit un appareil qui permet d’éviter ce double inconvénient (voir figure ci-contre).
- II consiste à opérer le mélange dans un vase clos ;
- les vapeurs acides aspirées par un ventilateur sont obligées de traverser une colonne de coke humide, avant de se rendre dans une cheminée d’usine très haute qui les évacue dans l’atmosphère.
- L’humectation du coke se fait au moyen d’un écoulement d’eau fournie par un réservoir placé au sommet de la colonne. On récupère ainsi une certaine quantité d’iode contenue dans les phosphates naturels.
- La manipulation est toute mécanique, de telle sorte que les matières premières entrent d’un côté de l’appareil et sortent de l’autre entièrement transformées.
- L’appareil consiste en un grand mélangeur horizontal en fonte muni d’un agitateur à palettes, disposées de façon que tout en faisant le mélange du phosphate et de l’acide, elles le refoulent vers un large conduit garni de plomb qui le déverse à volonté dans une des quatre chambres placées au-dessous; il s’y solidifie et on l’en retire au bout de trente-six heures par des portes latérales. La capacité de chacune de ces chambres est de 20 mètres cubes ; elles sont construites en briques et les parois sont revêtues de feuilles de plomb.
- Le mélangeur est alimenté d’acide et de phosphate par une trémie, à la partie supérieure de laquelle aboutissent deux chaînes à augets, sans fin, l’une montant l’acide et l’autre le phosphate; le rapport de ces deux derniers corps est réglé par dos cônes différentiels transmettant le mouvement aux deux chaînes.
- L’acide sulfurique est élevé par une pompe dans un réservoir supérieur, d’où il s’écoule régulièrement au moyen d’un robinet à flotteur dans le bac oh il est puisé par la chaîne à augets en gutta-percha.
- Enfin, au sortir des chambres, le superphosphate solidifié est réduit en poudre homogène par un broyeur Carr.
- Le mélange des minerais traités dans l’usine de M. Michelet provient généralement des Ardennes, du Lot et de l’Estramadure. Les phosphates ayant subi ce traitement doivent être employés peu de temps après leur fabrication, car à la longue une partie du phosphate, par suite d’un phénomène dit de rétrogradation, redevient phosphate insoluble, ce qui diminue beaucoup la valeur du produit.
- Les chimistes qui se sont livrés à l’étude de cette rétrogradation ne sont pas d’accord, et aucune théorie n’a pu être encore établie avec certitude. Nous rappellerons cependant que l’action du phosphate de chaux acide est nuisible à la végétation,
- CaH*(PhO*)*,
- qu’il ne devient assimilable par les radicelles des plantes qu’en se transformant, au contact du calcaire du. sol, en phosphate bicalcique peu soluble dans l’eau, mais assez soluble dans celle-ci chargée d’acide carbonique.
- L’usine de Salindres fabrique un phosphate bi-
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- calcique précipité, très facilement assimilable, correspondant à la formule :
- CalIl‘hOi-f-2HiO
- en attaquant les phosphates fossiles à gangue siliceuse du département de la Drôme, par l’acide chlorhydrique étendu et froid : le phosphate entre en dissolution. On décante le liquide dans de grands cylindres munis d’agitateurs dans lesquels on fait arriver régulièrement un lait de chaux. Il se forme un précipité grenu facile à laver, que l’on passe dans des essoreuses et qu’on sèche à la température ordinaire pour ne pas enlever l’eau de cristallisation.
- Ch. Girard.
- CHRONIQUE
- Le ga* «le liège. — On sait que la houille n'est pas la seule substance qui puisse fournir par distillation un gaz riche en carbone, et susceptible d’ètre employé pour l’éclairage, par sa combustion au contact de l'air. Le bois, les résidus de diverses natures, tels que le marc de pommes, le marc de raisin et quelques autres substances organiques, donnent un gaz éclairant dont l’emploi a souvent été préconisé. MM. Combe d’Alma et Charles Martin proposent aujourd’hui la distillation en vase clos des déchets de liège. Ils ont obtenu l’autorisation d’expérimenter le gaz de liège au théâtre national de l’Opéra, à Paris. Nous avons assisté à la première expérience, qui a eu lieu dimanche 7 novembre. Les fragments de liège provenant des déchets de bouchons et de l’opération du démasclage (enlèvement de la première écorce du chêne-liège) sont chauffés dans une cornue spéciale qui s’adapte dans l’appareil à gaz de M. Scliveiber, de Saint-Quentin. Le gaz obtenu, brûle avec une belle flamme; il ne contient pas de sulfures et revient, paraît-il, à un prix très minime. Sa purification est obtenue par son simple passage à travers un laveur à eau et une colonne de chaux. Ce procédé nous parait devoir être surtout avantageux dans les pays où se trouvent des fabriques de bouchon ou des forêts de chêne-liège. Mais nous ne saurions nous prononcer sur ses avantages économiques.
- Nous apprenons la douloureuse nouvelle de la mort subite de Al. d’Almeïda, inspecteur général de l’Instruction publique, secrétaire général de la Société de Physique et créateur du Journal de Physique. Ses obsèques ont lieu au moment où nous mettons sous presse.
- — Un concours sera ouvert, en 1881, dans les départements des Hautes-Pyrénées, du Var, de la Corrèze, du Gard, de l’Ardèche et des Deux-Sèvres, entre les agriculteurs, les propriétaires, fermiers ou métayers qui auront utilisé de la façon la plus profitable les eaux susceptibles d’être employées en irrigations.
- — M.Callandreau soutiendra, le vendredi 12 novembre, à deux heures, pour obtenir le grade de docteur ès sciences mathématiques, les deux thèses suivantes, à la Faculté des sciences de Paris : Première thèse, Détermination des perturbations d’une petite planète par les méthodes de
- M. Gjlden. Application à liera. — Deuxième thèse, Propositions données par la Faculté.
- — Une campagne d’exploration scientifique très importante se prépare en Italie. 11 s’agit d’une expédition au pôle austral qui s'organise sous les auspices et par les soins de M. Christoforo Negri et de M. le lieutenant de vaisseau Bove, le même qui a pris une part si méritoire au voyage du professeur Nordenskiold.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 8 novembre 1880. — Présidence de M.Becqueuel.
- Nouvelles du phylloxéra. — La Commission du phylloxéra a chargé un certain nombre de personnes compétentes de soumettre à une étude minutieuse la marche du phylloxéra dans toutes les régions vinicoles de la France. Trois de ces délégués, MM. Gaillon, Ilenneguy et Boiteau, font connaître aujourd’hui les résultats auxquels ils sont parvenus. Leur conclusion unanime est que les trois méthodes préconisées par la Commission, à savoir la submersion, l’emploi du sulfure de carbone et l’emploi du sulfocarbonate de potasse, conduisent à des effets concluants. On considère dès maintenant, dans les localités étudiées, ces trois méthodes comme tout à fait pratiques et fournissant des récoltes dont la valeur couvre et bien au delà les dépenses faites. Seulement, il ne faut pas oublier que rien n'est fait, avec un procédé ou avec un autre, si on ne répète l’opération tous les ans et si on ne l’étend pas à la surface entière du vignoble.
- La vigne du Soudan. — M. le secrétaire perpétuel constate qu’un grand nombre de demandes de graines de la vigne annuelle du Soudan sont encore parvenues cette semaine au secrétariat. En même temps, il signale une brochure imprimée à Saint-Louis par M. Lecart, et qui donne, au sujet du nouveau végétal, une foule de détails intéressants. L’auteur constate en effet qu’il a découvert cinq variétés très distinctes de vignes ayant toutes cette propriété caractéristique de végéter à la manière du dahlia. Leur croissance est merveilleusement rapide, car les tiges de l’année portent chacune jusqu’à cinquante ou soixante grappes de raisin, mesurant de 25 à 30 centimètres de longueur. Le fruit se signale par son goût des plus agréables et par l’abondance du jus qu’on en peut extraire. Pour végéter et mûrir, le végétal a besoin de 1500 degrés centigrades, et, au Soudan, il les réunit en soixante jours ; en France, il lui faudra quatre-vingt-dix ou cent jours, suivant les années, mais la maturation sera facilement complète tous les ans. Un autre titre d’intérêt de cette plante, c’est qu’elle pourra prospérer dans les colonies tropicales, où la vigne ordinaire ne saurait réussir.
- Un passage de la notice de M. Lecart montre que l’Académie n’aura aucun rôle dans la distribution des graines, et que, par conséquent, bien des espérances émises par les viticulteurs seront déçues. L’auteur annonce en effet son intention formelle de vendre les graines qu’il rapporte, et de retirer ainsi un dédommagement des fatigues de tous genres qu’il a dû subir pour réaliser sa découverte.
- A ce propos, M. Frémy, directeur du Muséum, ajoute qu’en effet M. Lecart se promet de retirer de sa provision de graines une somme extrêmement considérable : 500 000 francs. Mais une lettre adressée récemment au
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- LÀ NATURE.
- Muséum par le gouverneur du Sénégal fait savoir que de nouveaux explorateurs envoyés sur les traces de M. Lecart rapporteront prochainement à Saint-Louis la graine désirée, et qu’il sera facile alors d’en approvisionner gratuitement nos Sociétés savantes et par conséquent nos cultivateurs.
- M. Decaisne rappelle que le Muséum possède déjà et cultive depuis un certain temps, cinq sortes de vignes à racines tuberculeuses comme celles du Soudan. 11 est d’avis de ne pas encourager les propositions de M. Lecart, et d’attendre la réalisation des promesses du gouverneur du Sénégal.
- Préparation du chloroforme. — On sait que le chloroforme est obtenu au moyen d’un mélange d’alcool, d’eau, de chlorure de chaux et de chaux en excès. Beaucoup de chimistes ont essayé de donner la théorie de cette préparation, et la plupart d’entre eux sont partis de cette idée que le gaz dont le dégagement accompagne l'opération, consiste en acide carbonique. Or, M. Béchamp s'est assuré qu’il n’en est rien. Le gaz en question est de l’oxygène absolument pur. Étudiant alors de plus près la réaction, ce chimiste s’est aperçu qu’elle se compose réellement de trois temps successifs : tout d’abord l’alcool s’oxydant passe à l’état d’aldéhyde; ensuite l'aldéhyde se chlorure et devient du chloral; enfin, et d’après un dédoublement bien connu, le chloral se scinde en acide formique et en chloroforme. Ces résultats extrêmement nets confirment l’opinion déjà émise par M. Dumas, il y a quarante-cinq ans.
- Matières alimentaires. — Un industriel de Nantes, dont le nom nous échappe, a reconnu que si l’on broyé de la viande avec de la farine, on obtient un mélange qui n’est plus putrescible à l’air et qu’on peut conserver et transporter sans altération. Délayé dans l’eau, ce produit recouvre toutes les propriétés des substances dont il est formé. Évidemment cette manipulation si simple fournit le moyen de préparer des matières alimentaires dont l’emploi serait fort commode pour l’armée, la marine et les voyageurs.
- Arboriculture. — M. Decaisne fait hommage à l’Académie des deux premières livraisons d’un très bel ouvrage publié par M. Alph. Lavallée sous le titre d’Arboretum Segrezianum ou Description et figures des espèces nouvelles, rares ou mal connues cultivées à Segrez. M. Lavallée possède, en effet, dans celte propriété, la plus belle collection d’arbres forestiers et d’ornement qui soit en France. Cette collection a été classée par familles et par genres, de manière à faciliter l’étude comparative des espèces et de rectifier ainsi les nombreuses erreurs causées par les pépiniéristes au préjudice de la science.
- Chaque livraison de ce bel ouvrage, composée de six planches dessinées par M. Riocreux, est accompagnée d’un texte faançais et latin donnant l’histoire, le caractère botanique et la culture de chacune des espèces.
- Parmi les autres communications qui figurent à l’actif de la séance, nous mentionnerons en terminant un Mémoire de M. Berthelot sur la chaleur de formation du méthyle. — Des études critiques sur le photophone, par M. Delaurier. — Un travail sur la loi générale des mouvements planétaires adressé par un professeur de Prague. — Un fascicule des publications du Bureau central météorologique, où M. Mascart a réuni les faits relatifs aux pluies en France. — Des recherches anatomiques de M. Yillot sur les dragonneaux ; et une curieuse Étude du
- même auteur sur les migrations de certains Nématoïdes qui vivent successivement dans les viscères d’insectes carnassiers et dans les larves d’éphémères.
- Stanislas Meunier.
- MACHINE A ÉCRIRE
- DE M. MAI.L1NG HANSEN
- Nos lecteurs connaissent la machine Remington, qui permet à une personne exercée d’écrire trois cents lettres à la minute, le double de ce que peut faire un calligraphe. Ils ont eu sous les yeux la description de la machine à impression de M. Alis-sof1. Un mécanicien danois, M. Mailing Hansen, a
- Machine à écrire danoise.
- construit une autre machine à écrire sur un système tout différent; nous en publions ici l’aspect très exact (voy. la ligure). 11 nous suffira de quelques mots pour la faire connaître. Cette machine présente la forme d’une pelote ; elle a 13 centimètres de diamètre, sur 22 centimètres de base et
- 23 centimètres de hauteur. Des pistons poussent directement les poinçons porte-caractères, qui viennent frapper au sommet du cône formé par les poinçons ; le papier enroulé sur une carcasse cylindrique, est animé à chaque lettre nouvelle d’un mouvement de rotation autour de l'axe du cylindre ; dès qu’une ligne est terminée, un petit levier permet de faire avancer la carcasse cylindrique.
- 1 Voy. la Nature, n" 387 du 50 octobre 1880, p. 337.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Laliure, rue de Fleurus, 9, à Paris.
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- N» 500. — 20 NOVEMBRE 1880.
- LA NATURE.
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- LE DÉPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME
- CHEF-LIEU : LE HAVRE
- Une demande importante, signée par un groupe de citoyens français, est à la veille d’être soumise aux Chambres; il s’agit de transformer le Havre en préfecture, et d’ériger l’arrondissement du Havre en département.
- Voilà déjà de nombreuses années que la jeune et
- brillante cité aspire à marcher plus librement, sans lutter avec la vieille ville de Rouen.
- Par son importance commerciale et maritime, par son agriculture et son industrie, le nouveau département, malgré son peu d’étendue, serait loin d’occuper le dernier rang.
- Sa population s’élèverait à 210000 habitants , ce qui le placerait avant les Hautes-Alpes (MO 000 hab ), les Basses-Al pes (156 000 hab.), la Lozère ( 158 000 habitants), les Pyrénées-Orientales (198 000 hab.), et lui donnerait un rang même supérieur à celui des
- Le DÉPTdelaSEINE-INFÉRIEURE comprend 1b Arrondi 51 Cantons 753Communes et 738 V1V Habitants.
- L'ARRONDISSEMENT DU HAVRE QUI FORMERAIT LA SEINE-MARITIME •comprend 10 Cantons 123 Communes et210.77b Habitants.
- 1^ Communes 21.516 Hab,
- 21 ....„.......12.800 „
- ....20.941 „
- ...13.373 „
- ....27.801 „
- ... 41.053 „
- ... 33.592 i
- ... 12.486 „
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- Dieppe leHavre Neufchatel Rouen Y vetot
- 108.375
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- Carte du département de la Seine-Maritime et de la Seine-Inférieure.
- Alpes-Maritimes, qui ne compte que 204000 habitants. Mais, personne ne peut en douter, si le département de la Seine-Maritime est formé, sa population, à la fin du siècle, dépassera 500 000 habitants ! En effet, que nous disent les chiffres? Sous François Ier, qui ne fonda pas la ville, mais qui l’agrandit et l’embellit, tous les quartiers réunis ne possédaient que quelques milliers d’habitants... En 1855, il n’y en avait encore que 25 000. Mais le progrès va bientôt s’affirmer : en 1856, après l’annexion des communes d’Ingouville et de Graville, l’on compte 62 000 âmes; en 1876, la population s’élève à 85 000, 92000 avec la garnison, et aujourd’hui, en 1880, 95 000!
- 8e année. — 2e semestre.
- C’est une progression qui rappelle un peu le développement des cités américaines. Ainsi, en moins de trois siècles et demi d’existence, le Havre est parvenu à occuper en France le dixième rang.
- Rouen continuera certainement à posséder la supériorité industrielle, mais la situation du Havre, à l’embouchure même de la Seine, lui assure la supériorité maritime et commerciale.
- Le Havre est l’Anvers français. Le gouvernement, les pavillons étrangers, le considèrent aujourd’hui comme le point principal du nord-ouest de notre pays. L’immense courant de transactions entre l’Amérique du Nord et l’Europe centrale s’y porte de préférence. Il est certaines villes soeurs qui sem-
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- LA NATURE
- Lient se tendre la main au-dessns de l’Atlantique : New-York d’un côté, Liverpool, le Havre de l’autre.
- Le Havre marchera sans doute plus rapidement encore lorsqu’il sera chef-lieu. Sa prospérité, son avenir, semblent en effet entravés par sa situation actuelle vis-à-vis de Rouen. Au reste, ces séparations de départements ne sont pas sans précédents : ainsi, l’ancien département de Rhône-et-Loire fut divisé en deux départements, celui du Rhône et celui de la Loire. Ces ruptures, pénibles en apparence, sont devenues nécessaires par des intérêts généraux devant lesquels les intérêts particuliers doivent céder. Le Havre est non seulement notre premier port sur l’Atlantique, mais un port international. Le Monde européen et le Monde américain s’y coudoient et s’y croisent. C’est par là qu’en partie, l’Allemagne écoule vers le Nouveau Monde le trop-plein de ses habitants et de ses marchandises; c’est là que débarque le plus souvent le fils de la jeune Amérique, avec les produits et les richesses de son sol.
- Cette- petite pointe de terre qui s’avance comme une lèvre au-dessus de l’embouchure de la Seine, deviendra, si on la laisse agir en toute liberté, un des points principaux du monde.
- En Normandie, il n’est point d’arrondissement sans passé historique, mais celui-ci est peut-être un des mieux dotés en souvenirs. Les Gaulois y laissent la trace irrécusable de leur présence, comme les Romains la leur. Le moyen âge y dissémine des manoirs, des cloîtres, des églises gothiques. Qui n’a pas vu ou qui n’a pas entendu parler, entre autres, de Lillebonne (Juliobona) et de ses merveilles? Là, Rome apparaît avec son passé de délassements et de plaisirs, à côté du moyen âge mystique et défiant. Ne voyons-nous pas, en effet, les débris de thermes et les restes d’un théâtre romain tout près des derniers pans de murailles d’un vieux château et d’une église jeune en dépit de toutes les tempêtes, et qui élance dans le ciel sa flèche gracieuse?
- Il est des contrées qui, semblables aux mémoires légères, ne conservent aucune empreinte des événements; en quelques années tout s’efface. La Normandie, au contraire, est une terre riche, qui transforme en bon grain les quelques semences qui lui ont été livrées. Ainsi les Scandinaves installés là il y a dix siècles, y vivent encore dans leurs descendants. Voyez ce villageois aux yeux bleus, aux cheveux blonds, au teint coloré, aux joues rebondies, aux épaules carrées, c’est un des arrière-neveux des conquérants du Nord. Demandez-lui son nom, vous pourrez aisément y démêler quelque origine Scandinave? Interrogez-le ; s’il consent à vous répondre, vous retrouverez en lui quelque analogie, quelques points de contact avec les Danois et les Norvégiens. Il aime la mer, moins par exaltation, par enthousiasme poétique que par intérêt. Il se réjouit du confortable de sa demeure, il se plaît au bien-être même, à l’embellissement extérieur
- de sa maison, comme tous les fils des pays du Nord, et non comme l’habitant de la Champagne, de la Rretagne ou du centre de la France, qui semble toujours se souvenir que ses ancêtres vivaient dans des tanières. Le Normand habite, les autres logent. Aux trois quarts des descendants des Celtes, quatre murs et un trou en guise de fenêtre suffisent. Ce sont bien toujours les hommes des dolmens. Les siècles ont donc respecté le sang, les aptitudes, les traditions de ces intrépides maîtres de l’Océan venus en France, moins, en somme, pour le mal de notre pays,que pour le grandir aux yeux des nations rivales.
- Qu’avons-nous à dire au point de vue géographique du futur département delà Seine-Maritime? Puisqu’il n’étend pas ses prétentions au delà des limites de l’arrondissement du Havre, il possédera 10 cantons, 123 communes, une superficie de 123 000 hectares et plus de 210 000 habitants.
- Le Havre, qui ne l’a visité? N’est-ce pas le premier voyage que font la plupart des Parisiens désireux de voir la mer? N’est-ce pas d’ordinaire la première étape de ceux qui vont chercher fortune dans le Nouveau Monde? Aucune cité, en France, n’a su mieux employer le temps! Tandis que d’autres villes, qui grandissent aussi, n’ont guère produit que des ballots de marchandises, de la houille ou des machines à vapeur, celle-là a jeté la base d’établissements durables dans le domaine des sciences, des lettres et des arts; elle a fait plus encore, elle a donné naissance à plusieurs grandes illustrations littéraires : Bernardin de Saint-Pierre, Casimir Delavigne, sans parler de Scudéry et de Mme de La Fayette!
- Je n’ai jamais parcouru le Havre sans éprouver un grand étonnement ; ces habitants à la vie affairée, joignant à la vivacité, aux généreuses tendances du caractère français, l’esprit d’initiative et les qualités sérieuses des Anglais, m’ont toujours quelque peu troublé. Ils courent de leurs comptoirs au télégraphe; du télégraphe aux navires, des steamers à la Bourse. Au Havre, comme à Londres, à Liverpool et à New-York, les transactions se font vite et grandement. La prudence normande s’efface ici devant des procédés plus prompts, semblables à ceux des Anglo-Américains. Partout dans la province, à l’exception de cette ville, on redoute les affaires trop rapidement conclues; ici, le courant venu du Nord l’emporte : il faut marcher, marcher vite, si l’on ne veut être dépassé.
- Parlerai-je du Havre comme ville, comme port? La ville ne manque pas d’une certaine splendeur; quant au port, son animation n’a en France d’égale que la prodigieuse agitation de Marseille. Que de mâts, de cheminées, de matelots, de marchands, d’étrangers, d’ouvriers, de calfats, de porteurs! Vivent les cités fiévreuses ! Elles nous font trouver plus de charme dans le calme de la campagne.
- Ce charme, laf plupart des négociants, à l’imitation de leurs confrères de Londres, vont le demander au voisinage. 11 y a, tout autour de la cité, une
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- LÀ N A T IJ H K.
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- opulente ceinture de villas où se trouve réunie, le soir, par les belles journées d’été, toute la lasliion bavraise. Une des plus célèbres de ces localités est certainement Sainte-Adresse, qui fut un moment une des stations balnéaires les plus en vogue.
- « Paris, Rouen, le Havre, ne formeront un jour qu’une seule ville dont la Seine est la grande rue... » Telle lut la parole de Napoléon. Son génie s’est trompé. Bien que liées par des intérêts communs, ces trois villes ont une individualité distincte. Quant à la Seine, elle ne peut prétendre à l'honneur de servir de premier trait d’union entre les trois cités. Depuis longtemps le chemin de fer l’a remplacé en maître.
- Indépendamment du Havre, qui comprend trois cantons, le nouveau département en renfermerait sept autres, en parfaite communauté d’intérêts avec lui : Montivilliers, bien situé et très fier de sa belle église, qui remonte au douzième siècle; — Lillebonne, si remarquable par ses antiquités ; — Bolbec, chef-lieu d’un des cantons les plus industrieux, et qui possède plus de 12 000 habitants; — Fécamp, avec sa belle rue allant droit à la mer, sa plage spacieuse, son grand établissement de bains et sa magnifique église, classée parmi les monuments historiques. — Tout près, dans le même canton, Yport, petite station fréquentée par un assez grand nombre de baigneurs; — Saint-Romain-de-Golbosc, — Goderville, — Criquetot d’Esneval, grands centres agricoles renommés pour leurs belles cultures; le dernier, chef-lieu de canton où se trouve Étretat, si célèbre par ses falaises dentelées, et qui est toujours la station préférée des artistes et des hommes de lettres.
- Au dix-neuvième siècle, disait-on dernièrement dans une assemblée, l’avenir n’appartient plus aux ports de mer confinés au fond des golfes; la fortune est promise à ceux qui sont placés sur des promontoires ou des avances de terre, sur des becs plongeant dans l’Océan comme la poupe immense d’un vaisseau, là où les navires dont les dimensions vont chaque jour en augmentant, trouvent un accès facile et un refuge assuré.
- Le Havre répond on ne peut mieux à ces conditions d’avenir.
- Richard Gortambert.
- LES PROGRÈS DE LA MACHINE A VAPEUR
- La large et universelle application de la vapeur ne date que de la période de 1850 à 1860. Les quatre cinquièmes des machines qui fonctionnent sur le globe ont été construites dans les vingt ou vingt-cinq dernières années.
- A l'heure qu’il est (d’après les données statistiques officielles du docteur Engel, directeur du Bureau royal de la statistique à Berlin, auquel nous empruntons la plupart des chiffres de cette note), l'Allemagne possède 59 000 chaudières fixes ou mobiles, 10 500 locomotives
- et 1700 chaudières de navire. L’Autriche a 12 600 chaudières et 2800 locomotives ; la France compte 49 500 chaudières, 7000 locomotives et 1850 chaudières de navire.
- Quant à la force équivalente aux machines à vapeur en activité, elle représente : pour l’Allemagne, 4 millions 1/2 ; pour l’Autriche, 1 million 1/2; pour la France, 5 millions1; pour l’Angleterre, 7 millions, et pour les Etats-Unis d’Amérique, 7 millions 1/2 de chevaux-vapeur.
- lhtns la plupart de ces chiffres, ne sont pas comprises les locomotives.
- Celles-ci ont dépassé, dans l’Ancien et le Nouveau Monde, le nombre de 105 000, roulant sur 550 000 kilomètres de chemin de fer. Leur force totale représente 50 millions de chevaux. Toutes les machines à vapeur du. monde, prises ensemble, possèdent une force que les statisticiens estiment à 46 millions de chevaux. Or, on admet généralement que le cheval-vapeur a la puissance de trois chevaux vivants, et un cheval vivant la force de sept hommes robustes. A ce compte, les machines à vapeur fonctionnant sur la surface de la terre représentent la force de près d’un milliard d’hommes en état de travailler; c’est plus du double de l'effectif des travailleurs correspondant à la population du globe4. La machine à vapeur aurait donc triplé la puissance du travail humain5.
- En ce qui concerne les navires, on en comptait, en 1870, un total de 156 000, d’une contenance de 17 millions de tonnes, et, sur ce nombre, 8900 à vapeur, d’une contenance de 2 millions 1/2 de tonnes. En 1879, le nombre de navires n’était plus que de 127 000; mais leur capacité atteignait 20 millions de tonnes, et les bateaux à vapeur, jaugeant près de 5 millions de tonnes, le double de leur tonnage de 1870, étaient au nombre de près de 14 000.
- La construction et la mise en exploitation des voies ferrées du globe ont absorbé un capital de 100 milliards de francs. Les autres machines à vapeur ont coûté plus de 65 milliards, soit ensemble 165 milliards.
- C’est la vapeur elle-même qui a créé cet énorme capital et qui a développé sous nos yeux des sources abondantes de richesse dans le monde, dont elle est en train d’accomplir la transformation matérielle et morale4.
- * Pc tableau ci-après donne le détail pour la France en 1878, d’après la Statistique de l'industrie minérale publiée par le Ministre des Travaux publies en 1880 (p. 92).
- f locomotives................. 2.558.995
- , icmms | machines fixes et locomo-
- t1cicr- ( biles............................ 8.177
- Bateaux (non compris la marine militaire).................................. 175.039
- Industries de toute sorte................. 484,241
- 5.024 450
- - Si l’on admet, avec MM. Bœlim et TYagncn, que la population du globe est de 1 455 925 000 habitants, et que le nombre des hommes de quinze à soixante-cinq ans est environ le tiers d’une population donnée, on arrive à trouver que l’effectif total des hommes en état de travailler s’élève au chiffre approximatif de 500 millions.
- 5 Ce calcul ne donne qu’un aperçu très insuffisant de l’ac-croissemcnt de puissance dont la vapeur a doté l'humanité. On ne saurait, en clfct, comparer les travailleurs en chair et en os à ces machines, dont les muscles, en fer et en acier, se plient à un travail continu, et dont les efforts gardent leur efficacité, quelle qu’en soit la grandeur, tandis qu’au delà d’une certaine limite, des hommes attelés à une même besogne se gênent et se paralysent.
- 4 Documents publics par le Ministère des Travaux publics.
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- LÀ NATURE.
- LE MOTEUR A PÉTROLE
- DE M. BRAYTON
- Les moteurs qui utilisent un combustible d’un prix peu élevé ne sont pas toujours, dans la pratique, les moteurs les plus économiques, surtout lorsqu’il s’agit de produire de petites forces. •
- Nous en avons déjà vu un exemple par les moteurs à gaz, dans lesquels la meilleure utilisation de la chaleur, la facilité d’emploi, de mise en marche et d’arrêt, constituent des avantages spéciaux fort importants. Les moteurs à pétrole sont dans le même cas, et la nature du combustible ! qu’ils utilisent, indique assez que les premières re- !
- cherches faites dans ce sens sont originaires d’Amérique.
- On a bien fait, il y a quelques années, des essais pour se servir du pétrole sur des bateaux et des locomotives, mais il s’agissait seulement d’utiliser la chaleur dégagée par la combustion à vaporiser de l’eau, et d’employer ensuite cette vapeur dans les machines ordinaires.
- Nous ne savons pas si les appareils essayés dans ce sens ont donné des résultats pratiques et des avantages sérieux: en tout cas, l’usage ne s’en est pas beaucoup répandu , et les recherches actuelles tendent à créer des moteurs à pétrole de petite et de moyenne puissance, destinés à un travail intermittent, devant fonctionner régulièrement et sans bruit, faciles à mettre en marche et à arrêter, et
- d’un usage commode, principalement dans les en- j droits où l’on ne peut se procurer du gaz.
- La figure 1 représente une vue perspective et .la figure 2 un plan et une coupe longitudinale d’un moteur imaginé parM. George B. Brayton,et qui satisfait d’une façon très suffisante aux conditions que nous venons d’énumérer. Comme fonctionnement général, le moteur Brayton est analogue à un moteur à gaz dans lequel ce combustible serait remplacé par des vapeurs de pétrole.
- Il se compose d’un cylindre moteur M (lig. 2) à simple effet et d’un cylindre de compression G, dans lesquels se meuvent des pistons P, P', reliés à un balancier B, qui communique, par l’intermédiaire d’une bielle et d’une manivelle, un mouvement de rotation à un arbre portant un lourd volant V et une poulie de transmission P.
- Les deux cylindres M et C communiquent par un
- tuyau : l’air comprimé se rend dans le cylindre moteur par ce tuyau, et avant d’y arriver traverse des disques de bronze perforés 0, entre lesquels sont interposées des toiles métalliques. Au-dessus des disques se trouve un espace annulaire rempli de feutre formant garniture et sur lequel arrive l’hydrocarbure.
- Le liquide est extrait d’un réservoir au moyen d’une petite pompe E mue par un excentrique F calé sur l’arbre de manœuvre des soupapes. Le pétrole, refoulé par la pompe, se répand sur les disques ; l’air comprimé, en traversant ces disques, s’imprègne de la quantité de vapeur nécessaire pour former un mélange dont la combustion complète s’effectue dans le cylindre moteur ; les produits de la combustion s’échappent ensuite par le tuyau L.
- Les soupapes des deux cylindres M et G sont ma-nœuvrées par des cames calées sur un arbre hori-
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- LA iNAT U ii
- zontal recevant son mouvement de l’arbre moteur à l’aide d’engrenages, et de telle sorte que sa vitesse soit deux fois moindre que celle de l’arbre moteur.
- Le cycle complet des opérations comprend deux tours de l’arbre moteur, un tour de l’arbre des cames et quatre phases successives, comme dans le moteur à gaz système Otto, c’est-à-dire deux phases dont la somme du travail produit est nulle, une phase de compression de l’air aspiré au dehors, et une phase motrice produite par la détente de l’air au moment de sa combustion dans le cylindre M.
- A la partie inférieure du bâti sont placés deux tubes en fer P» formant réser -voirs à air. L’un d’eux sert de régulateur pour empêcher de trop grandes varia -tions dans la pression, l’autre, rempl haute
- sert à mettre la machine en marche, ce qui évite de tourner le volant à la main pour effectuer cette mise en marche.
- Les bielles sont réunies aux pistons sans aucune articulation à l’aide de plaques qui assurent la llexibilité nécessaire.
- Le réglage de la vitesse de la machine est très intéressant et très ingénieux ; pour cela, il agit à la fois sur la quantité d’air introduite et sur la quantité de pétrole envoyé dans le cylindre à chaque coup de piston.
- À cet effet, l'arbre des cames porte un régulateur à force centrifuge qui, suivant que la vitesse de la machine tend à s’accélérer ou à se ralentir, fait avancer longitudinalement les cames sur leur axe dans un sens ou dans l’autre. Ces déplacements des cames, combinés avec leurs formes appropriées à ces déplacements, diminuent ou augmentent l’introduction de l’air dans le cylindre moteur, ainsi que la course du piston de la pompe à pétrole.
- Cette pompe à pétrole est une véritable pompe en miniature ; son diamètre ne dépasse pas 4 millimètres 4/2 et sa course peut varier entre 4 millimètre 4/2 et 43 millimètres, de façon à suffire à tous les cas, quelles que soient la vitesse et la puissance de la machine.
- Dans un essai au frein, la machine faisant deux cents tours par minute avec une pression initiale de cinq kilogrammes par centimètre carré, a développé cinq chevaux de force.
- Dans une conférence laite à Y American philoso-
- phical Society, M. le professeur H. Draper, qui a fait des expériences avec cette machine, affirme qu’elle fonctionne comme un instrument de précision. On la met en train avec une allumette ; en moins d’une minute, elle prend sa marche normale et la conserve pendant des heures entières même lorsqu’elle a été au repos pendant plusieurs jours.
- La machine de. quatre chevaux, consomme environ un demi-litre de pétrole brut par heure et par cheval. Au prix de soixante-dix centimes le litre en France, c’est une dépense de trente-cinq centimes par heure et par cheval. Le moteur à pétrole de M. Brayton n’est donc pas beaucoup plus cher, à puissance égale, qu’un moteur à gaz Otto brillant mille litres de gaz, c’est-à-dire trente centimes, au prix des particuliers ; il se présente dans des conditions économiques de nature à rendre son emploi très avantageux dans la petite industrie, si la multiplicité de ses organes et une certaine délicatesse apparente de leurs éléments, ne viennent pas compenser en partie ces avantages dans la pratique courante.
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- LA NATURE.
- son
- U LUMIÈRE PROPRE DE JUPITER
- Cette belle planète, qui, à cette époque, illu-îpine nos nuits dé son vif éclat, ne brille-t-elle que par la lumière qu’elle emprunte comme toutes les autres planètes au Soleil , ou bien possède-t-elle une certaine quantité de lumière propre 7 Telle est la question que depuis quelques années les observations pbotométriques ont mise en discussion. Certains faits dévoilés par la photographie spectrale ont conduit M. Draper, dans un mémoire présenté à la Société astronomique de Londres, le 14 mai 1880, à conclure que Jupiter devait se trouver dans un état d’incandescence encore assez marqué pour pouvoir émettre de la lumière, mais que cette émission se faisait seulement d’une façon périodique et éruptive.
- On sait que le spectre des planètes est dans son ensemble identique à celui du Soleil, — preuve nouvelle que c’est par la lumière réfléchie, reçue de l’astre central, que brillent les planètes. Si cependant la lumière de Jupiter provenait en grande partie d’une incandescence propre, son spectre différerait évidemment de celui du Soleil, à moins qu’on admette — hypothèse peu probable — que les deux corps possèdent les mêmes éléments dans les mêmes proportions et dans les mêmes conditions physiques.
- M. Draper a pris un grand nombre de photographies du spectre de Jupiter; toutes, en majeure partie, par leur ressemblance presque identique avec celui du Soleil, prouvent que la lumière qu’envoie Jupiter à la Terre a sa source dans le Soleil. Le 27 septembre 1879, le spectre photographié de Jupiter, comparé à celui de la Lune, présente cependant des différences caractéristiques. Le fond du spectre de la Lune est uniforme sur toute sa largeur et dans n’importe quelle partie; celui de Jupiter, au contraire, est moins brillant au milieu de la largeur du spectre, dans la région au-dessus de la raie /i, et plus éclatant au milieu de la région au dessous de cette même raie, principalement vers la raie F.
- Le spectre de Jupiter provenait d’une image de la planète projetée sur la fente du spectroscope à l'aide d’un télescope de 185 pouces de longueur focale, la fente étant amenée approximativement dans la direction de l’axe polaire de la planète. D’après cette disposition, le spectroscope ne recevait pas la lumière du disque entier, mais analysait seulement une bande du disque perpendiculaire à l’équateur. Si des phénomènes d'absorption ou d’émission de lumière avaient lieu dans cette région de Jupiter, ils devaient s’accuser par une différence dans l’intensité du spectre photographié. C’est ce que montre le négatif obtenu par M. Draper. Deux faits ressortent de l’examen de cette photographie : le premier, une absorption de la lu-
- mière so'aire dans la région équatoriale de la planète, et le second, une émission de la lumière propre dans cette même zone. Ces deux faits paraissent d’abord contradictoires, mais on peut les concilier en supposant que la température des substances incandescentes et émettant de la lumière dans la région équatoriale de Jupiter n’élait pas suffisante pour l’émission des rayons les plus réfrangibles et que, dans cette même zone, devaient exister des matières absorbant les rayons identiques, mais originaires du Soleil. Il n'y aurait rien d’étrange si le spectre photographié présentait le phénomène d’absorption seulement dans la partie du spectre au-dessus de h, car on pourrait aisément en trouver l’explication dans la coloration des bandes équatoriales ; mais ce qui est surtout remarquable, ,c’est l’éclat du spectre entre les raies h et F, dans la partie qui correspond à ces mêmes bandes ; il ne s’explique que par l’état incandescent dans lequel la planète doit se trouver.
- M. Draper pense qu’à l’heure actuelle Jupiter est le siège d’éruptions de gaz incandescents, de vapeurs de différentes natures et de différentes couleurs, et que la tache rouge de Jupiter aurait peut-être pu contribuer à la production du phénomène observé.
- Quant à la tache rouge, nous ferons remarquer qu a l’heure où M. Draper a pris la photographie du spectre de Jupiter (9 h. 55 m. à 10 h. 45 m., temps moyen de New-York), c’était l’hémisphère opposé à celui portant la grande tache rouge qui se montrait à l'observateur. On ne peut donc attribuer à cette dernière un effet quelconque dans le phénomène observé par M. Draper. Nous ajouterons cependant qu’à cette époque aussi (août-septembre 1879), Jupiter, d’après les dessins (pic nous en avons pris à l’Observatoire de Bruxelles, présentait dans la zone équatoriale des nuages blancs arrondis et d'un éclat exceptionnel ; et précisément à l’heure où M. Draper a pris sa photographie, devaitse trouver, dans cette même région et près du méridien central, une tache ovale et blanche, d’une luminosité si marquée qu’elle a attiré tout particulièrement notre attention pendant toute la durée de l’opposition de Jupiter en 1879.
- L. Ntesteix.
- i, a.
- F\BIUCATION PERFECTIONNÉE
- mi lut oiMjr.NSt;
- On sait que le lait condensé est du lait duquel on a retiré la majeure partie de l’eau qui entre d’une manière naturelle dans sa composition : cette concentration permet le transport d’une grande quantité de lait sous un très petit volume, en même temps que sous une forme qui assure la conservation du produit, très altérable par lui-même. Il suffit ensuite, sur le lieu de consommation, de restituer au lait condensé l’eau qu’il a perdue, pour en reformer un liquide convenable à l’alimentation.
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- LA NATURE.
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- Le lait destiné à la condensation est additionné de sucre afin d’assurer sa conservation; il est ensuite évaporé jusqu’à consistance sirupeuse et enfermé dans des boites de fer-blanc closes hermétiquement.
- Nous trouvons dans un rapport présenté par le directeur de l’École d’agriculture de Milan à l’Institut royal lombard, d’intéressants renseignements sur les procédés perfectionnés, actuellement en usage dans les usines laitières modèles du Milanais, pour la préparation du lait condensé.
- Actuellement, à l’usine de Locate, par exemple, placée au centre même de la riche production laitière du Milanais, on manipule chaque jour 5000 litres de lait provenant de 700 vaches; mais l’étendue du local et le nombre des appareils permettent d’opérer sur 20 000 litres.
- Le lait provient de dépôts qui sont établis dans un périmètre de cinq à six kilomètres autour de l’établissement, et il arrive deux fois par jour à l’usine, à cinq heures du matin et à cinq heures de l’après-midi.
- L’hectolitre de lait est acheté par l’usine de Locate, aux cultivateurs des environs, au prix moyen de 13 francs. Ce prix est, paraît-il, plus rémunérateur pour ceux-ci que celui qu’ils retireraient de la vente du beurre et du fromage fabriqués par leurs soins, les résultats pécuniaires de cette fabrication étant, en effet, toujours plus ou moins aléatoires.
- De plus, les fermiers, se trouvant de la sorte débarrassés des absorbantes occupations de la laiterie, peuvent se consacrer plus entièrement à l’amélioration de leur bétail et de leurs prairies, et obtenir ainsi un plus grand rendement en fourrages et en lait.
- Le lait, aussitôt arrivé à l’usine, est versé dans des vases en fer-blanc, de la capacité de vingt-cinq litres chacun ; ceux-ci sont chauffés au bain-marie jusqu’à 60 degrés centigrades. C’est alors qu’on y ajoute du sucre à raison de 9 à 10 p. 100 de lait frais.
- Le liquide sucré passe ensuite dans les appareils où s’opère, à la même température, l’évaporation dans le vide.
- Au bout de trois heures environ, le lait a perdu 70 à 75 p. 100 d’eau. Ôn s’arrête à ce point de concentration, de sorte qu’avec cent litres de lait, on obtient vingt-cinq à trente litres de lait condensé.
- Au sortir de l’appareil d’évaporation, le lait a une température de 50 degrés ; on le fait passer dans des vases cylindriques de fer-blanc placés dans un bac où circule de l’eau froide qui ramène la température à 20 degrés. On procède ensuite au remplissage des boîtes.
- Chacune des boîtes remplies à l’usine de Locate contient environ 440 grammes de lait condensé, associé à 58 p. 100 de sucre raffiné, soit 167 grammes de sucre par boîte. Le prix de ces boîtes est de 80 centimes en gros, et de 1 fr. 10 chez les détaillants.
- Les boîtes en question sont soudées d'une façon absolument hermétique, et éprouvées dans le vide, afin de découvrir immanquablement l’issue la plus imperceptible par laquelle l’air pourrait s’introduire.
- Dans les boîtes parfaitement closes, le lait condensé peut se conserver plusieurs années ; on a vu de ces boîtes où le lait s’était maintenu six ans sans la moindre altération.
- E. Vignes.
- SOCIÉTÉS SAVANTES
- Société française de Physique. —• Séance du 16 juillet 1880. — Présidence de M. Mascart. — M, le
- Secrétaire général signale un avertisseur téléphonique proposé par l’abbé Godefroy. — M. Trouvé décrit la méthode qu'il emploie pour obtenir des aimants rectilignes ou des aimants en fer à cheval d’une force portative constante, qui est, par exemple, de 15 fois leur poids pour les aimants droits et de 45 pour les aimants en fer à cheval.
- — M. Trouvé décrit et fait fonctionner devant la Société divers modèles de moteurs électriques de son invention, dont l’un met en mouvement une machine à coudre. —
- M. Marcel Deprez élève une réclamation à l’égard de l’un de ces moteurs, analogue à la machine de Ladd, et qui est constant d’après des principes qui ne diffèrent pas essentiellement de ceux qu’il a lui-même indiqués. — M. Jou-bert s’est proposé d’étudier les lois des courants alternatifs qui animent les circuits des foyers électriques, et il expose les résultats qu’il a obtenus à ce sujet. — MM. Marcel Deprez et Hospitalier présentent diverses observations sur la mesure de l’intensité des courants alternatifs. — M. Ga-riel décrit un compteur électrique totalisateur construit par M. Dumoulin-Froment pour les usines à gaz.
- Société chimique de Paris. — Séance du 23 juillet 1880. — M. Œschner s’est occupé de l’examen des pi’oduits obtenus dans la distillation de la cinchonine. — M. Millot, en faisant agir un courant électrique sur le charbon de cornue, en présence de la soude ou de la potasse, a obtenu des matières noires qui ont la propriété d’absorber l’azote de l’air. — M. Ch. Girard a étudié les falsifications du cidre et les méthodes propres à les déceler.
- — M. C. Vincent a constaté la formation simultanée de la sorbine et de la sorbite dans une fermentation de baies de sorbier. — MM. Pellieux et Allary décrivent un appareil dialyseur au moyen duquel ils parviennent à relirer l’iode des varechs en quantités supérieures à celles que fournit la méthode par incinération. — M. A. Henninger revient sur ses anciennes expériences relatives à la réduction des alcools polyatomiques par l’acide formique. — M. Henninger présente ensuite quelques observations relatives à un travail récent de M. Pekelharing sur la pep-tone. — M. Bourcart a étudié l’action de l’aniline sur la safranine et la mauvéine. Le même auteur s’est occupé de chercher de nouveaux procédés de préparation de la gé-ranosine, mais ses essais l’ont amené à la découverte de matières différant de la géranosine.
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- PHOTOGRAPHIE INSTANTANÉE
- EN BALLON LIBRE
- L’idée de fixer par la photographie les paysages aériens si grandioses et si nets que l’on aperçoit du haut de la nacelle d’un ballon, date déjà d’un cer- • tain nombre d’années. M> Nadar paraît être le premier qui en ait tenté les essais, en 1868, dans le ballon captif de M. Henri Giffard, alors que ce ballon était installé à l’Hippodrome du Bois de Boulogne. En 1878, M. Dagron fut autorisé par le célèbre ingénieur à faire des expériences photographiques dans le ballon captif de la cour des Tuileries. M. Dagron réussit à prendre le panorama de Paris dans la direction du Panthéon.
- Jusqu’à présent, presque toutes les tentatives
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- LA NATURE.
- avaient eu lieu en ballon captif. Il restait encore à résoudre le problème plus complexe et plus important de la photographie en ballon libre. Quoique M. Janssen, dans le récit de son ascension dans le Volta pendant le siège de Paris, ait fait remarquer qu’il serait très possible de tirer des clichés du haut de la nacelle dans certains cas, bien peu d’opérateurs ont osé tenter ces expériences, qui, somme toute, n’ont réussi jusqu’ici que très imparfaitement.
- Pans l’ascension que j'ai exécutée le 14 juin 1880, à Rouen, j’ai été assez heureux pour obtenir deux clichés, quoique je me sois trouvé dans des condi-
- tions tout à fait anormales. La première gravure 1 ’ ée ci-dessous (fîg. 1) a été exécutée d’après une photographie prise pendant ce voyage, à six heures et demie du soir. Elle représente en projection le commencement du village de Mesnil-Esnard, près de Rouen, entre la route nationale et le chemin de l’église. Ce cliché, pris à 1100 mètres d’altitude au travers de la brume, est la surface de 900 mètres carrés à l’échelle d’environ 1/4000. On y remarque, reproduits avec fidélité, les maisons, les arbres, les routes, jusqu’aux tas de cailloux qui servent à empierrer les chemins. Les objets situés dans le parc de Mme Pessaint peuvent très bien se distinguer
- I ig. 1. Reproduction d’une photographie exécutée en ballon libre à l’altitude de 1100 mètres.
- lorsqu’ils sont visibles en projection verticale. Pour cette épreuve, l’appareil était placé verticalement, l’objectif passait par un trou pratiqué au fond de la nacelle. La seconde épreuve, reproduite par la figure 2, est le panorama qui se déroule à la hauteur do 1300 mètres, depuis Rouen jusqu’à Quille-bœuf. On y voit, reproduits avec netteté, dans le haut, un magnifique cumulus, et dans le bas, tous les méandres de la Seine à travers quelques masses floconneuses. Malheureusement, Rouen se trouvait dans la brume et sous l’ombre d’un gros nuage, ce qui empêche de le distinguer sur la photographie. Cette dernière épreuve, actuellement exposée au Conservatoire des Arts et Métiers, a été agrandie par M. Carette, de Bois-de-Colombes, qui, au moyen de son procédé, a fait ressortir d’une façon inat-
- | tendue quelques détails que l’on ne peut voir sur la petite épreuve, même en regardant à la loupe.
- L’appareil a été placé, pour cette photographie, sur le bord de la nacelle, l’objectif braqué sur l’embouchure de la Seine. Les hauteurs ont été mesurées comparativement avec deux baromètres que MM. Richard frères avaient mis gracieusement à ma disposition. L’un est un baromètre de poche allant jusqu’à 5000 mètres et l’autre, très sensible, donnait les dixièmes de millimètre de mercure jusqu’à la hauteur de 6000 mètres, ce qui me permettait d’évaluer notre élévation avec une grande précision. Les appareils dont je me suis servi consistaient en une chambre noire, un objectif, un obturateur instantané et des plaques sèches d’une grande sensibilité. La chambre noire n’a rien de particulier.
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- L’objectif, de fabrication française, sortait de la maison Derogy. C’était nn aplanétique 21/27 dont le foyer mesurait 29 centimètres.
- L’obturateur, d’une construction très délicate, a été combiné par M, Léonce de Gombett.es H par moi,
- Cet appareil, que nous avons appelé obturateur électro-photographique, permet de régler la pose depuis l’instantanéité réelle (une fraction très minime de seconde), jusqu’à la pose la plus prolongée, [1 se compose d’un disque en caoutchouc durci
- Fig. 2. Paysage aérien reproduit d’après une photographie exécutée en ballon libre à l’altitude de 1300 mètres.
- percé de deux ouvertures circulaires placées symétriquement sur un même diamètre et égales comme grandeur à celle des lentilles. Ce disque est mis en rotation plus ou moins rapide par un mouvement d’horlogerie. Les déclanchements s’opèrent au moyen d’un courant électrique agissant sur deux électroaimants Bourbouze et obtenu à l’aide de deux petites piles à renversement au bisulfate de mercure
- de M. Trouvé. M. de Courbettes et moi travaillons en ce moment à un nouvel obturateur plus perfeo tionné, que je compte essayer prochainement.
- Les plaques sèches au gélatino-bromure, d’une fabrication tout à fait spéciale, avaient été préparées par M. Laisné. Elles ont été développées au moyen d’un révélateur particulier dont la base est l’oxa-late de fer.
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- LA NATURE.
- Le temps de pose a été d’environ j/20 de seconde et la vitesse de translation de l’aérostat 6 à 7 mètres à la seconde. Le ballon avait donc parcouru dans ce temps minime, un espace de 50 à 55 centimètres, qui avec la hauteur à laquelle nous nous trouvions, donne un angle tellement petit, que le déplacement de l’appareil eu égard à cette hauteur, est insensible (8", 1512).
- Mes expériences photographiques ont été exécutées à bord du Gabriel, cubant 1225 mètres cubes et appartenant à la Société d’expériences aérostatiques de Paris, dont M. Jovis est le directeur.
- L’aérostat était dirigé par M. Lair, aidé de M. Maquelin.
- Les services que l’on peut retirer de ces essais sont nombreux, et il serait trop long de les énumérer ici. On peut citer entre autres la vérification de la loi des hauteurs, qui pourra se faire au moyen de formules trigonométriques très simples. Je laisse chacun libre de juger de l’importance de cette application de deux sciences toutes françaises : la photographie et l’aérostation.
- Paul Pesmarets.
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- REPRODUCTION ARTIFICIELLE
- BER
- MINÉRAUX PRIMITIFS
- Étant admise la sér.ie des phases par lesquelles la Terre a dû passer, selon la Cosmogonie de Laplace, pour acquérir progressivement les caractères qu’elle offre aujourd’hui, il est évident que les différentes espèces minérales n’ont pas le même âge. Celles qui caractérisent exclusivement les terrains stratifiés sont nécessairement plus récentes que celles dont est formé le soubassement cristallin, et parmi ces dernières, on reconnaît aussi une succession analogue.
- Mais si la non contemporanéité des minéraux dont il s’agit ne fait de doute pour personne, il s’en faut de beaucoup qu’on soit d’accord pour fixer l’ordre chronologique de leur apparition. Pour comprendre la difficulté, il faut se rappeler que les investigations géologiques deviennent de plus en plus incertaines à mesure qu’on quitte la surface du globe pour examiner ses profondeurs, et la .raison en est toute simple. En effet, nous n’avons que deux moyens pour soumettre à l’étude les roches profondes : ou bien aller les chercher par des sondages, procédé impraticable, nos excavations les plus profondes n’ayant pas, rapportées au volume de la Terre, les dimensions d’une piqûre de moucheron sur notre corps, — ou bien saisir les occasions où les roches internes, poussées par des actions puissantes, sont arrivées au jour sous la forme d’éruptions. Dans ce cas, outre qu'on peut toujours douter que le contact des masses superficielles n’a pas modifié la matière éjaculée, on reste dans l’incertitude quant à l’ordre de superposition des réservoirs d’où dérivent les diverses roches éruptives.
- Aussi, pour se représenter la structure interne de la Terre, s’est-on en général abandonné à de pures hypothèses. La plus simple, celle à laquelle on s’est rangé le
- plus volontiers, consiste à supposer que dans les profondeurs, les assises concentriques dont le globe est formé sont rangées de telle façon que les plus denses sont toujours au-dessous des moins denses.
- On pourrait penser qu’une pareille hypothèse échappe à tout contrôle, et que, comme on dit vulgairement, « il est plus facile d’y croire que d’y aller voir ». Mais il n’en est rien, et il y a déjà longtemps que j’ai montré l’inexactitude évidente de cette supposition.
- Il arrive en effet fréquemment qu’une roche éruptive arrache, dans son trajet ascensionnel, des fragments des assises qu’elle traverse, de telle sorte qu’elle nous apporte, pour ainsi dire, une espèce de coupe géologique des terrains qui séparent de la surface son réservoir originel. Or, il arrive que les blocs ainsi empâtés dans une roche éruptive sont plus denses que cette roche elle-même. Ainsi, dans une foule de districts volcaniques, le basalte, qui pèse seulement 2,9, renferme des fragments de dunite, qui pèse 5,5. De même, et cet exemple est plus éloquent encore, le basalte d’Ovifak, dont la densité est égale à 2,9, a empâté des blocs de dolérite à fer natif et même des blocs de fer massif, dont la densité est de 7,5. Il faut noter qu’on n’a pas cité de basalte en fragments dans la dunite, non plus que dans le fer métallique ou dans la dolérite métallifère.
- Il faut donc croire que dans les régions infra-granitiques il existe des assises de dunite (roche à péridot) ou même de dolérite à fer natif et du fer métallique sans mélange de pierre, assises qui recouvrent les réservoirs où se constituent les basaltes et les roches volcaniques.
- D’ailleurs cette conclusion, tout imprévue qu’elle puisse sembler, est confirmée par deux ordres très distincts de preuves : les unes sont du domaine de la géologie comparée, les autres sont fournies par des expériences de laboratoire.
- Il est clair que les roches auxquelles convient sans partage la qualification de roches primitives sont celles qui datent de cette époque singulière où l’état solide s’est, pour la première fois constitué sur le globe. Or, si nous ne pouvons pas remonter à cette époque reculée, nous sommes au contraire parfaitement à même de trouver dans le ciel des astres traversant juste en ce moment la période critique dont il s’agit. Le Soleil est dans ce cas, et ce que nous savons de l’unité de constitution et de phénomènes dans notre système, nous autorise pleinement à appliquer à un âge antérieur de notre planète les faits d’observation actuelle sur notre astre central.
- Cela posé, le spectroscope nous permet de faire une véritable analyse chimique des roches en voie de consolidation dans la photosphère, à laquelle elles fournissent la faculté de rayonner la lumière, à cause de leur état solide. Ces roches sont avant tout à base de fer et à base de magnésie, c’est-à-dire comparables à la dolérite et à la dunite mentionnées plus haut.
- Mais les minéraux qui constituent ces roches se retrouvent comme matériaux essentiels dans la substance des météorites ou pierres tombées du ciel, et leurs caractères de structure montrent qu’ils ont dû passer brusquement de l’état gazeux à l’état solide sans l’intermédiaire d’aucune fusion. Il nous reste donc à voir, pour compléter l’ensemble de preuves que nous voulions développer ici, si, en effet, une condensation de vapeurs réalisée dans des conditions convenables ne donnerait pas lieu à des minéraux du même genre.
- Le succès a répondu d’une manière complète à toutes les tentatives exécutées dans cette voie. Par condensation
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- directe de vapeurs, tous les alliages de fer et de nickel des roches profondes ont été imités dans leurs moindres détails, et il en a été de même des minéraux lithoïdes dont ces alliages sont ordinairement accompagnés.
- La figure ci-dessous montre quelques-uns des produits de nos expériences, observés au microscope avec un grossissement de 550 à 400 diamètres.
- Le n° 5 représente des faisceaux d’aiguilles d'enstatite ou bisilieate de magnésie, absolument identiques à l’un des minéraux les plus caractéristiques des roches primitives et que diverses raisons portent à considérer comme la substance même à laquelle la photosphère solaire doit la plus grande partie de son éclat.
- Le n° 5 est de 1 ’amphigène, mêlée quelquefois de cristaux feldspathiques analogues au n“ 1. En 2, sont représentées des lamelles hexagonales de corindon, ou alumine cristallisée ; enfin le rubis spinelle est dessiné en 6.
- Le peu qui précède montre une fois de plus à nos lecteurs comment la méthode expérimentale, dont les progrès sont si rapides, peut s’attaquer fructueusement aux problèmes fondamentaux de la géologie. Les faits
- Cristaux obtenus par la condensation brusque des vapeurs de leurs éléments.
- dont nous venons de donner un rapide aperçu conduisent à des conclusions que le défaut d’espace ne nous permet pas de développer ici, et qu’on trouvera comme à leur place naturelle dans le Mémoire original auquel l’Académie des Sciences a accordé une place dans le Recueil des Mémoires des savants étrangers (tome XXVII, n° 5, 1880).
- Stanislas Meunier.
- LES PREMIERS HOMMES
- ET LES TEMPS PRÉHISTORIQUES
- On a beaucoup écrit déjà sur l’histoire des origines de l’humanité, sur les découvertes que la science a faites de documents matériels se rattachant à la vie de nos premiers ancêtres, mais le sujet en lui-même est si vaste, les recherches qui contribuent chaque jour à le mieux éclairer se multiplient à un tel point, qu’il devenait nécessaire de recueillir les faits, en les coordonnant dans un ouvrage complet, qui les comprit tous. Cet ouvrage d’une haute importance vient d’être écrit par un savant spécialiste dont le nom est connu par tous ceux qui se sont occupés des investigations antéhistoriques, M. le marquis de Nadail-lac. L’œuvre que nous annonçons ne comprend pas moins de deux forts volumes enrichis d’innombrables gravures et de planches hors texte, dont un certain nombre ont figuré
- dans la Nature*. Il en est beaucoup d’autres inédites, et c’est parmi celles-là que nous avons choisi la curieuse figure ci-jointe, au sujet de laquelle nous empruntons le texte même du livre. Tous les chapitres différents de l'histoire des premiers hommes, sont successivement étudiés par l’auteur, qui passe eu revue, les temps préhistoriques, les époques paléolithique et néolithique de l’âge de pierre, les monuments mégalithiques et l’histoire des premières civilisations européennes ou américaines. M. de Nadaillac a su rester fidèle à la devise qu’il a choisie comme épigraphe de son beau livre : facta non verba. Mais les faits, admirablement groupés, sont exposés sous une forme excellente et concise, en un style simple et élégant, et presque toujours dans les considérations d’ensemble, avec une grande élévation de pensée et un profond amour de la vérité.
- Nous publions ici un extrait de ce livre remarquable relativement aux antiquités égyptiennes. G. T.
- C’est à Clieops et à Cephren, de la quatrième dynastie, que l’on doit les pyramides de Gizeh2, le monument le plus extraordinaire de l’orgueil humain. Sur les rochers du Sinaï, on peut voir encore aujourd'hui un bas-relief qui représente le roi Sne-frou de la troisième dynastie domptant les tribus nomades de l’Arabie Pétrée, et c’est à cette même dynastie que l’on fait remonter les curieux tombeaux d'un,trésorier du roi et de sa femme découverts il y a quelques années à Meidoum. C’est de la deuxième dynastie que datent les statues en pierre d’un fonctionnaire nommé Sepa et de ses deux fils, conservées au musée du Louvre; et c’est à la première dynastie qu’il faut rattacher les peintures qui couvraient le tombeau de Ti à Saqqarah. Ti était un fonctionnaire important de l’ancien empire, et grâce à ces peintures nous arrivons à connaître les détails les plus intimes de la vie des Egyptiens, contemporains des premiers temps de la monarchie.
- Poursuivons nos investigations; nous arrivons à l’époque des dynasties fabuleuses, des races de dieux et de héros, dont la légende mythologique est retra cée sur le murs du temple d’Edfou, mais que des inscriptions hiéroglyphiques plus sûres appellent le temps des Hor-Schesu, c’est-à-dire des serviteurs d’Horus, le dieu national par excellence. C’est là sans doute le gouvernement théocratique que raconte Hérodote, et c’est à ces ancêtres légendaires que les Égyptiens attribuaient, probablement avec raison, la fondation de plusieurs villes et de temples nombreux. Les inscriptions de Denderah mentionnent le plan d’un temple tracé sur peau de gazelle au temps des Hor-Schesu et qui aurait été retrouvé bien des siècles plus tard. 11 subsiste d’ailleurs en Égypte un monument au moins, antérieur à la première dynastie et qui remonte par conséquent à cette ère encore
- 1 Les Premiers hommes et les temps préhistoriques, par le marquis de Nadaillac, 2 vol. gc. in-8° avec 20 planches hors texte et 542 figures dans le texte. Paris, G. Masson, 1881.
- 2 Les matériaux des pyramides, selon Kolb (Cullur G&-schichte, I, p. 69), suffiraient pour élever une muraille d® 5 mètres de hauteur sur 50 centimètres d’épaisseur et 5000 kilomètres de longueur.
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- inconnue : c’est le temple d’Armachis, situé à côté du grand sphinx, et déblayé il y a une vingtaine d’années aux frais du duc de Luynes. Construit en blocs énormes de granit et d’albâtre oriental, soutenu par des piliers carrés monolithes, ce temple, véritable transition entre les mégalithes et l’architecture telle que nous la comprenons, n’offre ni une moulure, ni un ornement, ni un hiéroglyphe. Dans une inscription conservée au musée de Boulaq, le roi Clieops en parle comme d’un édifice dont l’origine se perdait dans la nuit des temps, et qui, enfoui sous les sables amoncelés par le vent du désert, avait fortuitement été découvert sous sou lègue.
- Le sphinx lui-même, ce rocher taillé assez grossièrement en forme de lion auquel on a ajouté une tête humaine construite par assises de pierres énormes, n’est pas beaucoup moins ancien. M.
- Lenormant le croit antérieur de plusieurs siècles aux grandes pyrami -des, dont il semble le gardien, et ces pyramides datent, répétons-le, de la quatrième dynastie.
- Mariette-bey a trouvé des sculptures qui remontent à 4000, peut-être à 4500 ans avant Jésus-CInist. A l’époque où l’on plaçait jusqu'ici la naissance du premier homme, l’Égypte était donc déjà en possession d’une civilisation avancée. Tous les animaux utiles étaient réduits à la domestication; Thinisétait une ville florissante ; une société était hiérarchiquement constituée ; cette société avait une langue, une écriture hiéroglyphique, une religion, un gouvernement : elle connaissait les sciences et les arts et elle produisait, dès ses débuts, des œuvres tellement parfaites, tellement supérieures à celles produites
- depuis, que l’on est tenté de considérer comme une longue décadence toutes les époques qui ont suivi celle connue sous le nom de VAncien Empire et qui embrasse les six premières dynasties.
- Pour comprendre ce qu’était l’art égyptien dès cette antiquité si reculée, il faut visiter les musées de Boulaq et du Louvre, de Berlin et de Turin; il faut avoir vu dans notre musée national, soit le petit scribe accroupi, soit les statues en pierre calcaire, qui remontent à la deuxième dynastie; mieux encore, à l’Exposition de Paris en 1867, les merveilleux bijoux de la reine Aah-hotep, contemporaine et probablement mère du roi Amosis, et surtout cette incomparable statue en bois, dont la renommée est devenue en quelques jours universelle (voy. figure ci-contre).
- C’est un portrait saisissant de réalité, l’homme est véritablement vivant, la bouche semble parler, les yeux regardent. L’expression calme, satisfaite, montre le fonctionnaire important, tel qu’il devait apparaître à ses subalternes. Et cet art, qui arrive de prime abord à des hauteurs que les plus habiles sculpteurs de la Grèce n’ont pu dépasser , n’a pas d’époque archaïque, ni d’enfance connue. On se demande, suivant l’expression de M. Renan, si la race qui a peuplé l’Égypte, dans ce passé si lointain, n’e;t pas arrivée dans la vallée du Nil avec une civilisation formée, avec une histoire, avec des arts, avec des connaissances acquises, tout ce qui fait un grand peuple.
- Le marquis de Nadaillac.
- Ancifcne statue de bois de Ra-Em-Ke, gouverneur de province sous la deuxième dynastie égyptienne (d’après une photographie).
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- LA GYMNASTIQUE DES ENFANTS
- L’utilité de l’exercice de la gymnastique pour le jeune âge est incontestable; insister sur ce point, serait tomber dans les redites et les banalités. Mais
- Fig. 1. Le trapèze.
- au point de vue pratique, cet exercice- offre de grandes difficultés, surtout pour les habitants des villes. Gomment installer chez soi un trapèze, des anneaux, une balançoire? Ne semble-t-il pas qu’il soit indispensable de fixer des pitons au plafond, ce qui ne peut se faire dans les apparte-
- Fig. 2. La balançoire.
- ments modernes sans des travaux difficiles à exécuter, ou de trouver dans des murs des points
- d’attache qui peuvent causer des dégradations ? Un Américain, M. Clark, a résolu le problème d’uue
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- Fig. 3. Détails du système de suspension pouvant être fixé par écartement eutre les deux montants d’une porte.
- manière tout à fait ingénieuse. Il a trouvé le moyen de suspendre très solidement un trapèze (fig. 1), une balançoire (fig. 2), etc., entre les montants d’une porte, et cela sans clous, sans pitons, sans entamer en quoi que ce soit le bois qui sert de support. M. Clark a imaginé à cet effet l’ingénieux système de suspension que représente notre figure 3. C’est une barre de bois B, terminée à ses deux extrémités par des pas de vis, qui peuvent s’engager plus ou moins
- dans deux gaines de bois, à l’extrémité desquelles sont fixées deux rondelles de caoutchouc C et C'. On place ce système entre les deux montants d’une porte ouverte, de telle façon que les rondelles de caoutchouc soient en contact avec les montants. Cela fait, on tourne vigoureusement la barre centrale B dans le sens indiqué par la llèche ; l’action des vis se traduit par l’écartement des gaines de bois, qui écrasent les rondelles de caoutchouc, et fixent le support avec une solidité remar-
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- quahle. Les cordes du trapèze ou de la balançoire s’adaptent à chaque extrémité du suppoit horizontal par l’intermédiaire de crochets, comme le montre la figure 5. Comme épreuve de la solidité du système, on peut placer impunément un poids de 100 kilogrammes à l’extrémité de ces deux cordes; un enfant ou un jeune homme peuvent donc s’y livrer sans le moindre danger aux exercices gymnastiques même les plus violents. Nous avons expérimenté l’appareil de M. Clark; il nous a paru très pratique, et nous avons la persuasion qu’il obtiendra un grand succès.
- ])> Z...
- BIBLIOGRAPHIE
- Synopsis des biatomées de Belgique, par le docteur Ilkmu Vax Heukck, directeur du Jardin Botanique d’Anvers, 1 vol. in-8°, avec six livraisons de planches. Anvers, édité par l’auteur. Prix, 7 fr. 50 le volume de texte et 75 centimes la planche.
- Cet ouvrage est une histoire complète des Diatomées de Belgique. L’auteur, en publiant ce livre, rend un véritable service aux micrographes. La connaissance des Diatomées est non seulement indispensable au géologue pour la détermination positive de beaucoup de terrains, au météorologiste pour l’étude des poussières atmosphériques, à l’hydrologue pour l’appréciation des eaux, mais en outre, l’étude des Diatomées, à laquelle se livrent tant d’amateurs, est aussi d’une importance majeure pour celiii qui veut parvenir à acquérir le maniement parfait du microscope.
- L’intérêt que présente la publication d’un Synopsis des Diatomées est encore augmenté par l'heureuse situation de la Belgique, au point de vue de l’étude de ces algues. — Une extrémité du pays, baignée par la mer du Nord, présente à peu près toutes les espèces marines, qui ont été signalées pour l’Angleterre par les nombreux observateurs anglais; l'extrémité opposée, les Ardennes, fournit ban nombre des espèces alpines de l’Europe, et la région centrale de la Belgique produit les espèces d’eau douce qui forment le fond de la flore européenne.
- Manipulations de chimie. Leçons pratiques à l'usage des élèves des établissements d'enseignement spécial, professionnel, primaire supérieur, et de toides les institutions, par M. René Leblanc, professeur de chimie de la ville de Reims. 1 vol. in—18, Paris, André-Guédon, 1881.
- Cet ouvrage, très concis, très pratique, est le résumé des expériences que l’auteur fait exécuter depuis plusieurs années, à l’école professionnelle de Reims, à des élèves de treize à seize ans. Les résultats obtenus par les élèves sont remarquables, et les dépenses faites peu considérables. La méthode est donc excellente, et le livre qui l’expose, digne d’être recommandé.
- Les Odeurs de Paris. Assainissement, par Jules Brin-Faut, ingénieur. 1 vol. in-18, Paris, J. Baudry, 1880.
- L’auteur, après avoir étudié les causes qui peuvent contribuer à infecter l’atmosphère de Paris, examine le remède. Le canal de Paris à la mer lui paraît être la seule solution complète du problème. Ce canal, qui aurait une longueur de iii kilomètres, coûterait 0(1 millions.
- Ministère de l'Agriculture et du Commerce. Exposition universelle internationale de 1878 à Paris. Rapports du jury international. L'horlogerie, par M. C. 8ai> nieu, 1 broch. in-8u. Paris, Imprimerie nationale, 1880.
- CHRONIQUE
- Lt* pliotuphonc. — L’appareil de M. Graham Bell continue à exciter à juste titre la curiosité du monde savant. Dans la réunion de la Société d'Encouragement du 20 octobre 1880, le merveilleux instrument a été présenté et expliqué par M. A. Bréguet. La séance était présidée par M. J. B. Dumas, à coté duquel était assis le jeune et illustre inventeur américain. Quelques jours après cette séance, le photophone était l’objet d’une communication à l’Académie des Sciences (voy. n“ 388 du 6 novembre 1880, p. 367). Mais nous croyons devoir émettre quelques observations à ce sujet. Dans cette communication faite par M. Janssen, il est proposé d’étudier les bruits du soleil à l'aide du photophone à sélénium. Rien ne prouve que les bruits rendus, ainsi perçus, correspondent à des bruits réels produits par une tache solaire pendant ses modifications de formes et d’intensité. L’expérience du disque du phénakisticopo démontre bien nettement, au contraire, qu’un bruit photophonique ne correspond pas toujours à un bruit réel. Cela est encore plus vrai par rapport à la seconde partie de la Note présentée par M. Janssen, qui propose de faire passer devant le récepteur du photophone, une série de photographies prises à des intervalles éloignés. On obtiendra dans ce cas, une note dont la hauteur dépendra du nombre de photographies passant devant l’appareil pendant une seconde, mais en aucune façon un bruit rappelant celui que produisent dans le soleil les transformations rapides de ses taches. L’idée émise par M. Janssen n’est donc, à notre avis, qu’un procédé pour manifester acoustiquement les modifications successives des taches du soleil, sans qu’on en puisse rien préjuger relativement aux bruits réellement produits à sa surface.
- Tremblement «le terr<* en Autriche. — Le 9 novembre 1880, vers sept heures quarante-cinq minutes du malin, Vienne ressentait une légère secousse de tremblement de terre, allant de l’ouest à l’est ; l’oscillation terrestre partait de la péninsule des Balkans par la Dahnatie, l’Istrie, la Carinthie, la Styrie, la Basse-Autriche, la Hongrie occidentale, et arrivait au Danube. Le centre du mouvement était, on le présume, eu Croatie, près d’Àgram; l'oscillation a duré dix secondes, elle était circulaire. Au bout de cinq minutes, puis au bout d’une demi-heure, le phénomène s’est reproduit avec un bruit formidable. Agram a été cruellement éprouvé. Presque toutes les maisons sont endommagées, beaucoup de personnes ont été blessées; la ville offre l’image de la désolation.
- On a constaté la dégradation de cinq cents maisons, toutes devenues inhabitables.
- On compte jusqu'à présent trente personnes blessées plus ou moins grièvement.
- Un nouveau tremblement de terre a eu lieu à Agram le U du même mois, à onze heures vingt-cinq minutes; il avait été précédé la veille par cinq légères scousses. La panique s’est renouvelée.
- Aouveau jeu pour apprendre la géographie.
- — M. Chayaux, de Lyon, a récemment imaginé un jeu
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- intéressant pour faciliter l’étude de la géographie aux enfants. Ce nouveau jeu, approuvé par la Société de Géographie de Paris, consiste en une grande carte planisphère du globe, accompagnée de sujets nombreux représentant des animaux, des végétaux, des drapeaux, des costumes, des villes et des paysages. Ces sujets, en carton peint, tiennent debout quand on replie la petite inscription qui les accompagne ; ils portent en outre un numéro correspondant à une lettre de la carte. En plaçant lui-même chaque sujet à la place qu’il occupe sur la terre, l’enfant apprend à connaître ce sujet; si c’est un végétal, il connaît le lieu qui le produit, son emploi, son utilité?; si c’est une ville, il connaît sa population, sa position, etc. La carte se plie dans une boîte contenant les nombreux sujets qui constituent le jeu tout entier.
- La statistique de Paris.— La Commission perma -nente de statistique s’est réunie dans les premiers jours de novembre aux Tuileries, sous la présidence deM.Vergniaud, secrétaire général de la préfecture de la Seine. Après une intéressante discussion, à laquelle ont pris part MM. Levasseur, de l’Institut; Marié-Davy, directeur de l’Observatoire de Montsouris; Georges Martin, membre du Conseil municipal de Paris ; Cochut, directeur du Mont-de-Piété ; Emile Ferry, maire du neuvième arrondissement; Paul Nouvel, avocat à la Cour d’appel; et les docteurs Bloch, Du Mesnil et Bertillon, la Commission a décidé la publication d’un Annuaire de statistique de la ville de Paris, qui devra contenir des renseignements officiels sur la population, la topographie, la climatologie, la situation financière, les écoles, les hospices, les cimetières, les marchés, les théâtres et les divers établissements municipaux de la capitale. La Commission a désigné cinq de ses membres pour préparer cet important travail.
- I>< ‘Ntruction (lesinsectes nuisibles. — M. E. Marchand, instituteur à la Ferté-Chevresis (Aisne), a récemment adressé à la Société d'Agriculture de France le compte rendu des résultats obtenus par la Société protectrice scolaire qu’il a fondée. Du Ie* avril au 15 juillet 1880, il a été détruit : 55 litres de hannetons, 15 putois au piège, 589 nids de chenilles, 1259 escargots, 7753 grosses limaces, 192 courtilières, 192 grosses chenilles (Bombyx processionnaires), 95 clairons des ruches , 250 callidies, 1500 chrysalides de papillons. De plus, 35 couvées d’oiseaux utiles ont été protégées avantageusement. 10 animaux domestiques ont été soignés ; 4 oiseaux ont été rappelés à la vie pendant les froids de l’hiver. La Société d’Agriculture a reçu une communication semblable de M. Fournier, instituteur à Saint-Antoine-Ginestière (Alpes-Maritimes). Pendant les deux mois d’avril et de mai, les élèves ont sauvé de la destruction 140 nids comprenant 598 oiseaux. Ils ont détruit, du mois de février au mois de mai, 664 972 insectes nuisibles, tels que chenilles, sauterelles, limaces, vers blancs, papillons, etc.
- Le Vésuve est actuellement en activité : deux courants de lave, vomis par le cratère, s’écoulent jusqu’à la base du cône.
- — Le département de la Marine et des Colonies vient d’établir la statistique des pêches maritimes pour l’année 1879. La valeur en argent des produits obtenus s’élève au chiffre de 88 079 849 francs et présente, sur l’année 1878, une augmentation de 1 108 128 francs.
- — M. Pauchon soutiendra, le 19 novembre à neuf heures, pour obtenir le grade de docteur ès sciences naturelles, la thèse suivante à la Faculté des sciences de Paris : Recherches sur le rôle de la lumière dans la germination. Etude historique, critique et physiologique.
- — Le Muséum d’histoire naturelle vient de s’enrichir d'une très remarquable collection de foraminifères fossiles, qui a été formée par M. Terquem, le paléontologiste bien connu, ancien conservateur du Musée de Metz.
- — Les journaux australiens du Queensland rapportent qu’on vient de découvrir à quelques milles de l’île Schnap-pers, près de Cooktown, une grande rivière qui coule entre des rives couvertes de broussailles, parmi lesquelles on trouve en nombre assez considérable des cèdres et d’autres arbres qu’on suppose être des ébéniers.
- — Le concours général d’animaux reproducteurs, d’animaux gras, d’instruments et de produits agricoles, de l’Algérie, se tiendra, en 1881, dans la ville d’Alger, du 2 au 11 avril.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 15 novembre 1880. — Présidence de M. Becqueiiki..
- Compressibilité de l'oxygène. — On sait que Régnault a insisté sur la difficulté offerte par l’étude de la com -pressibilité de l'oxygène; difficulté qui proviendrait de Foxydabilité du mercure. M. Àmagat ayant répété les expériences, annonce que l’affinité de l’oxygène pour le mercure n’est pas, à beaucoup près, aussi grande qu’on l’a cru. Au bout de plusieurs jours de contact avec le métal, le volume du gaz n’avait pas varié d’une manière sensible.
- A cette occasion, M. Chevreul rappelle qu’avant les expériences de Régnault, Dulong admettait l’action de l’oxygène à froid sur le mercure : il pensait que l’oxyde formé, en se dissolvant dans le métal, lui retire la propriété de faire un ménisque dans les tubes de verre.
- Lavoisier connaissait les mêmes faits, car il a construit deux baromètres dans lesquels la surface du mercure est absolument plate : chose remarquable, depuis près d’un siècle qu’ils sont construits, et au témoignage de M. Dumas, ces baromètres se sont maintenus sans aucune modification. Ajoutons enfin, avec M. Boussingault, qu’on a tort de faire bouillir le mercure lorsqu’on construit un baromètre. Une trace d’air laissée dans la chambre donne au mercure une mobilité extrêmement favorable à l'observation.
- Liquéfaction de l'ozone. — Poursuivant leurs belles recherches sur l’ozone, MM. Hautefeuille et Chapuis annoncent aujourd’hui deux faits très intéressants.
- En premier lieu, l’ozone, qu’il est si difficile de liquéfier quand il est simplement mélangé à l’oxygène, devient liquide très aisément quand il est associé à l’acide carbonique. Le produit est un liquide d’un très beau bleu, ce qui confirme la notion déjà acquise sur la couleur propre de l’ozone.
- D’un autre côté, ce résultat fournit le moyen de savoir si lors delà décomposition électrolytique de l’acide carbonique, l’oxygène se sépare à l’état ordinaire ou à l’état d’ozone. MM. Hautefeuille et Chapuis observent que l’cf-*
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- fluve électrique détermine dans l’acide carbonique l’apparition de la couleur bleue caractéristique, et concluent avec certitude que les produits de la dissociation de l'acide carbonique sont l’oxyde de carbone et l’ozone.
- Expériences sur le phylloxéra. —11 parait qu’au sortir de l’œuf, le phylloxéra éprouve un impérieux besoin de lumière. C’est ce qui résulte de l’expérience suivante, décrite par M. Fabre : Dans un tube de verre, on met une racine chargée de toutes jeunes larves, extrêmement agiles, comme on sait, et l’on place ce tube dans un cylindre de papier opaque qui n’en laisse sortir qu’une extrémité. Les bestioles se précipitent toutes vers le point éclairé. A peine y sont-elles, qu’on fait glisser le cylindre de façon à plonger tout le petit monde dans la nuit et à éclairer, au contraire, l’autre bout de sa prison de verre : aussitôt, une nouvelle émigration se produit, et l’on peut répéter dix et douze fois cette manœuvre sans que les insectes se lassent de renouveler leur pérégrination. C'est en vertu du même appétit pour la lumière que les phylloxéras à peine nés grimpent le long et jusqu’à la surface du sol.
- Or, à ce sujet, M. Fabre constate que l’année actuelle, et sans qu’on en sache la cause, parait tout à fait défavorable à l’évolution du parasite. Tandis que, d’après ce qu’on sait, on devrait en ce moment, aux environs d’Avignon, en trouver la terre toute couverte, il ne s’y montre qu avec une extrême rareté. Ayant disposé les choses dans un local, de telle sorte que, suivant les précédents acquis, on eût dû y trouver des milliers de phylloxéras, ce ne fut qu’avec les plus grandes peines qu’on en recueillit... trois.
- Il serait évidemment prématuré de fonder des espérances sur ce fait, bien qu’il ait été observé simultanément dans plusieurs régions ; mais il est cependant agréable à constater.
- La Bibliothèque de la Nature.— C’est d’une manière tout particulièrement flatteuse, que l’illustre secrétaire perpétuel signale l’apparition des deux premiers volumes de la Bibliothèque de la Nature. Nous n’avons pas à revenir sur ces ouvrages, qui ont été analysés dans notre dernier numéro ; disons seulement que les éloges que M. Dumas leur a accordés si largement, sont le meilleur gage du succès si mérité qui les attend.
- Mentionnons encore, à l’actif de la séance : un mémoire de M. Berthelot relatif à la benzine; — une note d’électromagnétisme par M. Pellerin ; — une lecture de M. Delesse sur un curieux procédé d’enrichissement des terres plombeuses par un courant d’air forcé ; — une communication de M. Würtz sur des propriétés nouvelles de la papaïne; — enfin, des recherches de MM. Mallard et Le Chatellier sur la température d’inflammation des gaz qui peuvent se trouver dans l’atmosphère des mines.
- Stanislas Meunier.
- APPABEIL ÉLECTRIQUE AVERTISSEUR
- DES INCENDIES
- On a déjà imaginé un certain nombre d’appareils qui ont pour but de faire entendre une sonnerie électrique d’alarme, dès que la température du milieu où ils sont placés s’élève au-dessus de la moyenne normale. On connaît l’avertisseur, qui con-
- siste en un simple tube thermométrique à mercure; quand le mercure s’élève au-dessus d’un certain niveau par suite d’une élévation de température anormale, il arrive à toucher deux fils de platine séparés l’un de l’autre et mis en relation avec une pile électrique et une sonnerie; en les touchant, il ferme le circuit et la sonnerie fonctionne.
- M. G. Ilupré vient de faire construire chez M. l)u-boscq un appareil basé sur le même principe, mais dont Indisposition est nouvelle et originale.
- Deux tiges métalliques AB, CI) sont mises en re-
- Appareil électrique avertisseur des incendies.
- lation avec la pile et la sonnerie électrique par l’intermédiaire des boutons R et Q. La tige CD est séparée de la première tige AB, qui est fixe, par une petite masse de suif placée à la partie inférieure, des deux tiges (voir la figure ci-dessus). Si la température vient à s’élever par suite d’un incendie, le suit entre en fusion, la tige CI), sollicitée par le poids E, s’abaisse et arrive en contact avec la tige AB; le contact s’établit, comme on le voit ci-dessus, à la partie supérieure du système. Le circuit est alors fermé; la sonnerie d’alarme se fait entendre.
- Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandikr.
- Imprimerie A. Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.
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- N8 39 1 . ~ 27 NO VE MB HE 1880.
- LA NATUHL.
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- APPAREIL ACOUSTIQUE
- POUR RECONNAITRE EN MER LE LIEU DE PRODUCTION d’un SON
- Depuis longtemps, la fréquence des collisions en mer par temps de brume, et les épouvantables catastrophes qui en résultent, ont attiré l’attention des marins ; bien des physiciens ont cherché le moyen d’assurer la sécurité delà navigation au milieu des brouillards, qui rendent si dangereux le parcours des routes océaniques, surtout dans les régions où
- elles se trouvent le plus abondamment fréquentées. C’est dans le but d’éviter les rencontres, que les bâtiments sont pourvus de cloches, de trompes et de sifflets à vent ou à vapeur. Ces instruments, qui doivent servir à signaler la présence d’un navire dans un rayon plus ou moins étendu, ne remplissent qu’imparfaitement le but : le bruit qu’ils font, est parfois perçu, mais avec une netteté insuffisante pour qu’on puisse juger nettement de la direction d’où proviennent les ondes sonores. Le nouvel instrument que nous représentons, est dû à un Américain, le professeur Mayer. 11 est destiné à déterminer la direction et aussi la distance ap-
- Emploi (lu nouveau topophone de M. le professeur Mayer.
- proximative de la trompe ou du sifflet d’alarme. L’action de cet appareil est basée sur ce fait que, si deux ondes sonores de même hauteur parviennent simultanément aux oreilles, le son perçu est doublé; si, au contraire, les deux ondes sont séparées par une demi-longueur d’onde, les deux sons se neutralisent et l’oreille ne perçoit rien. L’appareil se compose de deux boîtes résonantes, montées sur un support qui les réunit; il repose sur les épaules de l’observateur comme les bretelles d’un porteur de lait. Le fond des deux boîtes est réuni aux oreilles par un tuyau flexible de caoutchouc dont on peut réduire la longueur à volonté. L’observateur donne aux tuyaux la même longueur de chaque côté, et il tourne sur lui-même jusqu’à ce que les résonnateurs lui transmettent le son maximum, h* année. — 2* semestre.
- 11 est alors en face de la source sonore. En raccourcissant l’un des tuyaux de manière à séparer deux ondes par une demi-longueur, il doit entendre le son minimum, et cette épreuve doit confirmer la première. En faisant diverses observations dans une même bordée, et à l’aide d’un calcul très simple de trigonométrie, il peut sc rendre compte de la distance approximative de la cloche d’alarme ou de tout autre instrument faisant entendre un son.
- Cet appareil, qui a reçu le nom de topophone, a récemment été expérimenté par la marine militaire des États-Unis; notre gravure en donne le mode d’emploi tel qu’il doit être usité à bord d’un navire1.
- 1 D'après Y Engineering.
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- LA N AT U R E.
- LIGNE ÉLECTRIQUE SOUS-MARINE
- DE MARSEILLE A ALGER
- Le temps n’est plus où notre colonie algérienne était sans communication télégraphique avec la mère patrie.
- De Marseille partent aujourd’hui cinq câbles à destination de l’Algérie; trois de ces lignes appartiennent au gouvernement français et vont aboutir à Alger; les deux autres, à une compagnie anglaise (Eastern Telegraph C°) et aboutissent à Bone.
- La dernière en date de ces lignes, a été posée au mois de septembre par la India Rubber, Gutta-Percha and Telegraph Works C°, qui a ses ateliers à Silvertown, près de Londres, et qu’on désigne généralement par le nom de cette localité.
- C’est de cette ligne récemment ouverte au public que nous voulons parler aujourd’hui.
- M. Cochery, ministre des postes et télégraphes, avait fait poser l’an passé un câble entre Marseille et Alger, et en même temps il avait abaissé à dix centimes par mot la taxe des dépêches de France en Algérie. Ces deux mesures corrélatives avaient eu le résultat voulu et prévu; le nombre des dépêches avait rapidement augmenté. Les-espérances avaient même été dépassées, car, bien qu’on exploite en duplex le câble de 1879, c’est-à-dire par l’envoi simultané de dépêches dans les deux sens, il s’est trouvé que l’abondance du tratic dépassait souvent la capacité de transmission des deux câbles de l’Etat.
- C’est dans ces conditions que le ministre a mis en adjudication la fourniture et la pose d’un troisième câble de Marseille à Alger. La Compagnie de Silvertown, qui avait déjà posé les deux premiers câbles, concourut; son prix de soumission fut inférieur à ceux de ses concurrents ; elle obtint la fourniture au prix de 1 592 500 francs. Elle avait devant elle trois mois pour fabriquer 525 milles marins de câble télégraphique, pour le conduire à Marseille, et le coucher au fond de la mer, entre la France et l’Algérie. C’était peu sans doute, c’était assez,paraît-il, avec les grandes ressources de production et de travail des ateliers de Silvertown.
- Je dois à l’amitié de M. M. Gray, directeur général, et de M. Robert Gray, son fils, ingénieur en chef de la Compagnie, d’avoir assisté à la belle opération de la pose. Je ne suis pas près d’oublier l’hospitalité que j’ai reçue à bord de leur navire, la Dacia, et les jours agréables que j’y ai passés.
- Nous devons d’abord décrire le câble, tel que, dans ses principaux traits, le cahier des charges l’avait prévu. Il se compose de trois types différents; le câble côtier de fort diamètre, le câble intermédiaire un peu moindre, et enfin le câble de grands fonds, qui est le principal. Los figures jointes à notre texte représentent en vraie grandeur ces trois types. Le conducteur unique du câble est formé d’une
- corde de sept fils de cuivre d’environ 7 dixièmes de millimètre de diamètre. Cette corde est couverte de trois couches d’enduit Chatterton, alternant avec trois couches de gutta-percha ; le principal isolant est la gutta-percha, mais le Chatterton est. nécessaire pour emplir les petits vides laissés entre les fils de cuivre, faciliter l’adhérence de la gutta-percha avec la corde métallique conductrice et aussi celle d’une couche de gutta avec la précédente. Ce conducteur et son enveloppe isolante constituent l’âme du câble ; elle est recouverte d’une enveloppe de chanvre tanné qui a pour objet de la protéger contre l’armature métallique.
- Cette enveloppe de chanvre et l’armature, diffèrent seules du câble de mer profonde au câble côtier ; la figure montre la composition de ces enveloppes ; on voit par exemple que le câble côtier est entouré de quinze fils d’acier galvanisés de 2 millimètres 1/2.
- Il nous faut dire un mot du navire la Dacia, porteur du câble. C’est un grand vapeur à hélice, à trois mâts, de 1800 tonneaux. Un capitaine et trois officiers dirigent le navire avec leur équipage. Un personnel nombreux d’ingénieurs mécaniciens, électriciens, hydrographe, assisté de contre-maîtres et d’ouvriers spéciaux, est destiné aux manœuvres proprement dites du câble.
- Nous sommes, au départ de Londres, cent seize personnes à bord; et quand, le dimanche, en pleine mer, par un temps splendide, tous les hommes en grande tenue, la revue est passée par le capitaine, le spectacle ne laisse pas de faire impression.
- Toute l'expédition est sous les ordres uniques de Robert Gray, qui, au physique comme au moral, paraît destiné à commander. Infatigable, familier avec la mer, occupé de tous ses subordonnés, cherchant constamment à égayer le voyage, plein d’attentions affectueuses pour ses amis, il suffit à tout pendant le voyage de Londres à Alger et pendant la laborieuse cioisièie qui suit dans la Méditerranée.
- Le navire contient dans ses cales de grandes cuves étanches de tôle de fer. Ces cuves contiennent : l’une les deux câbles d’atterrissement (côtier et intermédiaire), les deux autres le câble de mer profonde, en deux parties qu’on soudera pendant la pose.
- Ces câbles sont logés au fond de ces cuves avec un soin minutieux et une extrême perfection ; chaque spire touche la précédente sans aucun intervalle laissé entre elles. Celte perfection est nécessaire pour le facile déroulement du câble.
- Le pont du navire est encombré d’engins variés que nous passerons rapidement en revue.
- A l’arrière, les conduits par lesquels passe le câble au moment de descendre à la mer; le dynamomètre destiné à indiquer constamment la tension que le câble suspendu au bateau exerce sur lui-même; les freins au moyen desquels on ralentit le débit du câble, et une série de conduits allant aboutir aux trois cuves dont nous avons parlé.
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- A l’arrière encore, un appareil de sondage sur lequel nous aurons à revenir.
- À l’avant, une quantité de bouées en tôle, peintes en rouge, et dont une au moins mérite une mention particulière. Cette bouée, parfaitement étanche, contient du gaz d’éclairage comprimé; elle est surmontée d’un petit phare à lentilles de Fresnel, qui pourrait brûler six semaines durant. Si un gros temps, si un accident surviennent, s’il faut couper le câble au milieu de l’opération, on l’attache à cette bouée, on va réparer ses avaries et on revient au point que jour et nuit marque cette bouée. Heureusement nous n’avons pas eu à mettre en œuvre ces moyens extrêmes, et un temps magnifique a favorisé toutes nos opérations.
- A l’avant, enfin, une grande machine à vapeur destinée à relever les câbles à la suite des accidents de pose ou pendant les réparations, pourvue d’un dynamomètre et d’une série de conduits, ou rigoles métalliques, comme ceux de l’arrière.
- Nous arrivons à Alger le 21 septembre dans l’après-midi; dès le lendemain on descend à terre les instruments destinés à la correspondance télégraphique et aux essais électriques, et le 23 au matin, on commence la pose du câble d’atterrissement. On l’achève pour partir, le 24 au matin, à destination de Marseille.
- Celte opération, du 23 septembre, a été faite avec un plein succès, par des moyens nouveaux, et perfectionnés sur ceux qu’on avait employés l’année dernière. Le dessin pittoresque qui accompagne notre texte la représente à un moment particulier que nous indiquerons tout à l’heure.
- Le point d’atterrissement est déterminé depuis longtemps ; c’est le même auquel aboutissent déjà les deux câbles existant, celui de 1871 et celui de 1879. Ce point est à Hussein-Dey, village à six kilomètres d’Alger, l’une des premières stations du chemin de fer d’Alger à Blidah et à Oran. On y a construit une maisonnette où se rejoignent les câbles sous-marins, les câbles souterrains qui les prolongent jusqu’à Alger et d’autres lignes encore. Cette maisonnette, qu’on appelle la hutte, en langue d’électricien, est tout au bord de la mer; elle est montée sur une espèce de cave et ne présente qu’une seule pièce au rez-de-chaussée.
- Le navire est ancré à quelque distance de la côte, dans un point choisi avec soin, déterminé par des alignements pris sur la côte et marqué exactement sur la carte.
- Une embarcation amène à terre une première corde, on la passe sur deux grandes poulies amarrées sur le sable à 100 mètres l’une de l’autre; on amène du bord une seconde corde qu’on attache à la première, et on constitue ainsi un triangle dont la base est à terre et le sommet au navire. La machine à vapeur du navire (celle qui est placée à l’avant) peut, en tirant l’une de ces cordes, mouvoir tout le système. Un mât est improvisé sur le rivage, auquel on hisse des drapeaux au moyen
- desquels les ordres sont donnés par le commandant de L expédition à terre et exécutés par le navire qui dispose de la force. Ces dispositions prises, on attache le câble télégraphique à la plus forte des deux cordes, qui part de l’arrière du navire, et on commence à le débiter lentement en tirant l’autre corde. Mais il faut éviter que le câble aille toucher le fond, parce que le frottement qui s’y produirait ne permettrait pas de le faire avancer ; on l’attache donc en même temps à la grosse corde et à des bouées faites de toile caoutchoutée, gros ballons gonflés d’air qu’on espace de 30 ou 40 mètres les uns des autres.
- Tout ce cortège de bouées portant le câble, s’avance avec lenteur vers le rivage; il y touche enfin, et c’est cet instant que représente le dessin qui illustre nos explications, et qui a été fait d’après un croquis d’après nature de M. Page, hydrographe de l’expédition.
- Pendant que ces mauœuvres se sont exécutées, on a creusé une tranchée étroite du point où le câble doit sortir de l’eau jusqu’à la hutte.
- Dès que le bout du câble touche le rivage, on détache la première bouée; un peu plus tard, on détache la seconde, et ainsi de suite au fur et à mesure qu’elles viennent toucher terre.
- Le câble est alors, à bras d’hommes, amené dans la direction voulue; il arrive enfin à la hutte, on le met dans la tranchée et on le recouvre de terre.
- La partie du câble qui est dans l’eau n’est pas enterrée, mais le mouvement des vagues fait que son poids l’enfonce peu à peu dans le sable, et cette opération naturelle se fait avec une grande rapidité ; on la voit même commencer et progresser presqu’à vue d’œil.
- Dès que le bout du câble a pénétré dans la hutte, la correspondance télégraphique et les essais commencent entre la terre et le navire au travers du câble côtier et de l’intermédiaire, qui ont été soudés ensemble à l’usine même, avant l’embarquement.
- La première partie de l’opération à faire à Alger est terminée; tous les engins sont ramenés à bord, et le navire commence à s’éloigner dans la direction arrêtée d’avance, bien à l’est des lignes suivies pâlies câbles de 1871 et de 1879.
- Quand on a laissé aller la presque totalité du câble d’atterrissement, on en scelle l’extrémité, c’est-à-dire qu’on l’isole soigneusement. Dès ce moment, toute communication cesse entre le navire et la terre; les essais ne sont plus possibles que de terre, et ils sont différents de ceux qui se faisaient. précédemment.
- On achève le déroulement du câble d’atterrissement; on arrête, on jette à la mer une ancre spéciale dite champignon, à laquelle on attache une grande bouée surmontée d’un mât et d’un drapeau pour la rendre plus facile à découvrir. A cette bouée est attaché le câble par l’intermédiaire d’une chaîne. On détermine le point sur la carte aussi exacte-
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- ment que possible. Puis on continue sans dérouler de câble dans la direction que devra avoir la ligne quand elle sera achevée, et on place encore une bouée avec son ancre pour jalonner la route.
- Cela l'ait, le navire a terminé sa tâche à Alger; il revient près du port pour reprendre les électriciens laissés à terre pour faire les essais du câble d’atterrissement.
- Le lendemain ‘24, de grand matin, on part pour Marseille. Nous avons à bord de nouveaux botes; M. Wunschendorff, ingénieur délégué spécialement pai le ministre pour suivre toutes les particularités de la pose, et procéder ensuite à la réception du câble après les essais électriques ; M. Amiot, chef du service des câbles sous-marius, et MM. T ongas et Thévenin, sous-ingénieurs, tous appartenant au Ministère des Postes et Télégraphes.
- Le voyage d’Alger à Marseille n’est pas un voyage direct et ordinaire ; nous avons à faire une série de sondages pour connaître le fond sur lequel le câble va être déposé et notamment pour rechercher si un bas-fond, marqué douteux sur quelques cartes, dans le prolongement de la ligne des Baléares, existe réellement.
- Ces sondages sont faits avec un appareil récemment combiné par sir William Thomson, et méritent de nous arrêter un moment. L’appareil présente un grand tambour de zinc, dont la circonférence a deux yards ou un l’athom (brasse anglaise)1 et la largeur environ un pied. Sur ce tambour est enroulé un lil d’acier à piano, d’un diamètre de 1 millimètre 14, environ. A raison de la grande dimension du cylindre et de la finesse du fil, on peut, sans erreur sensible, calculer chaque spire de fil déroulé par une révolution du cylindre pour un 1a-tliom. Le fil est entraîné par un poids de fonte de fer de 15 kilogrammes environ, qui remplace ce qu’on appelle communément le plomb de sonde. Ce cylindre de fonte de fer se termine à la partie inférieure par un tube creux maintenu par une vis latérale. Ce tube est à demi fermé par une feuille de caoutchouc coupée suivant deux lignes diamétrales, de manière à former comme des lèvres ou une soupape grossière. Quand la sonde touche le fond, la vase pénètre dans le tube; lors de la remontée, elle est en grande partie retenue par la soupape; de sorlc que non seulement on connaît le niveau, mais la nature du fond.
- Au début de la descente, le poids de fonte seul
- 1 Le yard a 01 centimètres et le t'atliom par coioéijiicul 182 centimètres.
- Câble ûlcctriipic sous-marin de Marseille à Alger (coupe
- Câble côtier.
- Câble intermédiaire.
- Câble de mer profonde.
- entraîne le fil; à mesure que le fil est déroulé, son poids s’ajoute à celui de la sonde, il importe de régulariser ce mouvement de descente, et. à cet effet, un frein automatique a été combiné, comme nous allons le dire.
- Le tambour de zinc entraîne dans son mouvement, au moyen d'engrenages, plusieurs axes dont nous verrons l’usage; l’un d’eux porte un cylindre autour duquel une corde s'enroule, serrée par un poids au bout d’un levier. C’est là le frein. Naguère, le poids était déplacé à la main sur le levier et l’action du frein augmentée par conséquent à mesure que le poids moteur déroulé dans l’eau augmentait. Ce procédé provisoire a été perfectionné par M. Robert Cray; le poids est maintenant commandé par une vis sans fin, qui marche elle-même par les engrenages dont nous avons parlé, de telle sorte que le changement du poids qui agit sur le levier se fait d’une manière tout à fait progressive et automatique.
- Malgré ces précautions prises dans la construction de l’appareil, on ne l’abandonne pas à lui-même; un homme tient à la main un frein supplémentaire au moyen duquel on peut arrêter le mouvement d’une manière presque instantanée.
- Un compteur fait partie de l’appareil et montre à tout instant de la descente combien de fathoms ont été filés.
- Quand la sonde touche le fond, on en est averti par le ralentissement de la descente; on arrête, et on commence à relever lentement, au moven d’une manivelle. On s’aperçoit à l’effort plus giand nécessaire au rele-vage, (pie la sonde cesse de toucher le fond; on note alors l’indication du compteur, qui donne la profondeur en fathoms au point où on se trouve, et dont la position géographique est déterminée par les officiers du navire avec toute la précision possible à bord.
- 11 reste à remonter la sonde; si on songe que la descente occupait une durée de 15 à 18 minutes dans les grands fonds de la Méditerranée, on comprend que la question de relever la sonde est fort importante. Cette opération se fait, à bord de la Dacia, au moyen d’une petite machine à vapeur, et il faut à peu près le même temps [jour remonter la sonde qu’il lui en a fallu pour descendre par son poids.
- Le compteur marche en sens inverse pendant cette seconde période et montre, le moment venu, que la sonde est tout près; le mouvement doit être alors ralenti pour éviter toute chance d’accident; on arrête la machine à vapeur et on achève de ramener la sonde à bras d’homme.
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- Pour éviter que le fil d’acier se rouille dans l’intervalle de ces séjours dans la mer, d'où il revient mouillé, il faut naturellement prendre des précautions ; voici en quoi elles consistent. On a deux tambours chargés de fil de sonde; on les monte alternativement sur la machine, et dans les intervalles, on les conserve dans de grandes boîtes de zinc pleines d’une solution concentrée de soude ou de potasse.
- Nous avons rencontré de grandes profondeurs sur notre route; nous avons trouvé jusqu’à 1560 fa-thorns, soit 2800 mètres. Nous avons constaté que le fond ne se relève pas dans la ligne des Baléares,
- vers le point douteux. Nous avons reconnu un fond assez égal sur toute la ligne que le câble devait suivre.
- Enfin, l’expédition arrive à Marseille le 27 septembre dans l’après-midi.
- Les opérations préliminaires occupent la journée du 28, et le 29 dès le matin, on entreprend la pose du câble d’atterrissement, qui aboutit, avec cinq autres, au château Borély, au bout du Prado, près de Marseille.
- Cette opération n’est complètement achevée que tard dans l’après-midi; on part aussitôt, en route pour Alger. Le navire se met en marche, lentc-
- Pose (lu câble télégraphique sous-muiin de Marseille à Alger. Le navire la üacia en vue des côtes d’Algérie.
- ment, pour opérer la pose du câble côtier.
- Nous sommes accompagnés par la Charente, navire français appartenant au Ministère des Télégraphes, placé sous le commandement d’un lieutenant de vaisseau et sous les ordres de M. Amiot. Nous échangerons chaque jour, à midi, nos observations avec elle. C’est un attrait de plus du voyage, que cette navigation faite de conserve.
- J’avais eu le plaisir de visiter, à Marseille, ce navire, qui est fort bien aménagé pour la pose des câbles sous-marins, et pourvu d’engins très perfectionnés. La Charente vient à Alger pour prendre livraison d’une partie de câble qui a été acquise par le gouvernement français, et qui sera transbordée de la Dacia, une fois la pose achevée.
- Quand nous avons presque achevé la pose du câble intermédiaire, nous arrêtons pour passer au câble de grand fond ; ce n’est plus de la cuve n° 1 (de l’arrière) que va partir le câble; ce sera de la cuve ri° 2 (au milieu du navire).
- Bientôt après, nous nous remettons en route et nous augmentons beaucoup notre vitesse; nous prenons la marche que, sans grand changement, nous devons garder jusqu’à la côte d’Afrique. Cette vitesse a atteint par moment sept nœuds, c’est-à-dire sept milles marins à l’heure. Nous marchons ainsi sans encombre pendant trois jours avec un seul arrêt pour le passage de la cuve n° 2 à la cuve n° 5.
- Celte manœuvre se fait suivant des règles depuis
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- longtemps arrêtées ; elle ne présente pas, à proprement parler, de difficultés, mais elle demande une grande attention et un grand soin. On les pousse jusqu’à loger dans la cuve n° o, les dix ou douze dernières spires de la cuve n° 2 ; on se remet alors en route, et quand l’épissure est à la mer, on reprend la vitesse normale.
- La pose se continue avec la même régularité qu auparavant, et toutes les dispositions sont si bien prises, que le câble se débite pour ainsi dire tout seul. Dans la cuve, huit à dix hommes surveillent son départ; mais leur rôle actif se borne à ralentir le câble quand se déroulent les petits cercles; et dès qu’on arrive à des diamètres un peu grands, ils n’ont qu’à suivre l’opération, qui se fait seule, par des procédés d’une extrême simplicité, mais dont la description serait difficile à faire sans dessins.
- Vers deux heures, chaque jour, on arrête un moment les essais électriques dits de continuité, et on se met en correspondance avec Marseille. On télégraphie au Ministre des Postes et Télégraphes le progrès satisfaisant de l’opération; on donne Je même avis à Londres aux administrateurs de la Société; enfin, on a la gracieuseté, une fois, de me proposer d’envoyer de mes nouvelles à ma famille; j’accepte avec reconnaissance, et je date ma dépêche de 59° 17' de latitude, 5° 2' de longitude est de Greenwich, c’est-à-dire du milieu de la Méditerranée, hors de toute vue des côtes et des îles.
- Chaque soir, on allume deux fanaux électriques, non pas pour éclairer la marche du navire, mais pour faciliter les opérations qui se font sur le pont. Ce sont des machines Gramme qui actionnent des lampes Serrin, et qui éclairent d’une manière brillante tout l’arrière du navire, et laissent l’avant dans l’obscurité, que les officiers de marine trouvent favorable à leur examen constant de l’horizon.
- Enfin, nous arrivons en vue de notre première bouée, la plus éloignée de terre ; nous la dépassons sans noüs arrêter ; déjà nous sommes en vue de la côte algérienne, et nous marchons sans hésiter vers notre dernière bouée, celle à laquelle est attaché le câble d’atterrissement d’Alger.
- On relève le câble, on fait la soudure, et l’opération est terminée. Nous avons posé en tout 487 milles marins de câble, soit 902 kilomètres.
- Le lendemain et le surlendemain se font les essais électriques, dont les résultats sont pleinement satisfaisants.
- Nous n avons parle qu en passant des épreuves électriques qui se continuent sans désemparer pendant toute la fabrication, pendant toute la durée de la pose, et que 1 on fait meme durant le vovage, de la fabrique au point ou doit être placé le câble.
- Alf. Niaudet.
- LES
- PORTS MILITAIRES DE L’ALLEMAGNE1
- If. - WILHELMSHAVEN
- En parlant du port militaire de Kiel, j’ai promis de vous conduire à Wiihelmshaven, centre des forces navales de l’Aliemagne dans la mer du Nord. Wil-helmshaven me laisse l’impression d’un triste séjour, j>eu attrayant pour quiconque recherche des sites pittoresques ou agréables. J’y suis allé deux fois, d’abord avec les membres du Congrès d’économie politique tenu à Brême en septembre 1876, puis au mois de mai de cette année, avant de partir pour l’Angleterre. A mes deux visites, j’y ai trouvé un ciel gris, couvert, nuageux, une température humide et froide. La ville occupe une plage de sable, basse, plate, aride, monotone, à l’entrée du golfe de la Jade ou Jagde. Quand on arrive parle chemin de fer de Brême ou d’Oldenbourg, la voie, après avoir contourné le bord méridional du golfe, se bifurque à Sande, envoyant une de ses branches à Jever, tandis que l’autre va aboutir à Wiihelmshaven. Chemin faisant, vous voyez de vastes pacages avec des groupes de chevaux, de vaches ou de moutons, qui regardent curieusement passer les trains rapides avec leur panache de fumée. Dans la campagne, sont disséminées des maisons de fermes, pareilles aux constructions du versant lorrain de nos Vosges, larges, avec des toits déprimés et à simple rez-de-chaussée. Des lignes d’arbres bordent les chemins, tandis que d’autres arbres, groupés en bouquets, abritent les habitations contre les vents dominants et égaient un peu le paysage, où l’œil ne rencontre sans cela que des fossés pleins d’eau, derrière lesquels est parqué le bétail.
- La voie ferrée, avant d’entrer en ville, passe à côté d’un fort, nouvellement construit, tourné du côté de terre, ainsi que deux ou trois autres ouvrages de même nature échelonnés sur votre gauche à l’arrivée. Derrière le fort, vient un fossé, large comme une rivière. Puis un pli de terrain aux talus revêtus de gazon, surmonté d’une route de circonvallation, forme une sorte d’enceinte d’une étendue immense où paissent des troupeaux de vaches en liberté. Par-ci, par-là se dressent quelques moulins à vent sur de petites buttes. Avant d’atteindre la station, on voit un alignement de maisons qui paraît former une cité ouvrière. Toutes construites sur le même modèle, avec toits en tuiles rouges et formant deux logements chacune, ces maisons ont deux portes sur la façade et quatre fenêtres. Des avenues larges, pavées en briques, bordées de trottoirs et plantées d’arbres, toutes droites, conduisent de la station dans les diverses parties de la ville et du port. L’espace ne manque pas et les construc-
- 8 \ov. la Nature, n° 540 du 6 décembre 1879, p. 5.
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- tions ne sont pas resserrées du tout. On passe successivement devant l’hospice, bâtiment froid et nu, suivi d’une petite église en style ogival, bâti en croix, avec des vitraux en couleur, une flèche hardie et des clochetons jaunes, qui paraissent comme dorés à certains moments. Viennent ensuite quelques maisons particulières, un hôtel, des boutiques, les établissements de la marine, de grandes casernes à trois et quatre étages, flanquées de pavillons, des arsenaux, des ateliers, des chantiers de construction, des magasins de toutes espèces. Des sentinelles font faction devant les établissements enclos pour écarter les visiteurs indiscrets. Les bassins pour la construction des navires sont à sec ou remplis d’eau, avec revêtement de briques. La brique se trouve dans toutes les constructions, car la pierre manque dans le pays.
- Une grande activité règne actuellement sur les chantiers et dans les arsenaux, dans les bassins flottants et les docks de carénage. Partout le bruit des machines, des voitures lourdement chargées qui circulent, des gens affairés. Wilhelmshaven n’est pourtant pas une ville de commerce, quoique un acte du 16 février 1864 autorise dans le golfe de la Jade l'établissement d’une place de commerce et d’artisans défendu jusqu’alors. De commerce, il n’y en a que pour l’approvisionnement de la ville, peuplée, lors du recensement de 1875, de 10 102 habitants, marins et militaires compris. Actuellement, il y a trois navires sur chantier. Dans le port flottent de puissants cuirassés. Presque toute l'activité se concentre dans les ateliers de construction et sur les chantiers, très animés et très bruyants, ceux-là en contraste avec l’aspect désert des voies, qui se prolongent sur des longueurs interminables à travers les autres quartiers de la place. Ne me demandez pas de vous décrire en détail les ouvrages de fortifications qui défendent le port, déjà garanti contre les attaques du dehors par la conformation des côtes, très basses et d’un accès difficile pour les vaisseaux d’un fort tirant. Le môle et les batteries côtières qui se trouvent du côté de la mer, ainsi que le service de l’artillerie des forts du côté de terre, se fait au moyen de chemins de fer, comme à Strasbourg, chez nous. Tous les édifices publics, et je n'en vois guère d’autres, offrent la même architecture, massive et solide. Quelques-uns, l’observatoire maritime notamment, décèlent une certaine élégance et sont construits avec goût. Point de vue, d’ailleurs, dans l’intérieur de la ville. On y est enfermé comme dans un trou. Pour jouir d’une perspective étendue, ou pour voir la mer, il faut monter au haut des remparts, sur les ouvrages de fortifications ou auprès des batteries côtières, où les artilleurs de marine s’exercent à la manœuvre.
- Wilhelmshaven est un port exclusivement militaire, établi depuis 1865. Déjà Napoléon Ier songea à créer un port militaire dans le golfe de la Jade, et fit étudier un projet qu’il n’eut pas le temps de mettre à exécution. En 1855, la Prusse acquit du
- gouvernement d’Oldenbourg deux bandes de territoire sur les côtes du golfe, en vue de cet établissement. Kiel appartenait alors encore au Danemark, et les Prussiens éprouvaient le besoin d’un port militaire pour la création de leur marine. Toutefois, les travaux du port ne furent sérieusement commencés qu’en 1865, à la suite de nouvelles acquisitions territoriales. Ces travaux n’avancèrent d’abord que lentement, à cause des difficultés du terrain. On n’inaugura le port que le 17 juin 1869. Il mesure à l’intérieur une longueur de 576 mètres sur 220 mètres de large. Son entrée ou le canal qui le relie avec la mer a une longueur de 110 mètres. Dans le golfe, le chenal ou la passe de navigation conserve 11 mètres d’eau à marée basse, dans le voisinage de l’entrée. Un puits artésien, foré à 211 mètres de profondeur, alimente la ville d’eau potable en quantité suffisante. L’établissement du port a coûté 75 000 000 de francs; les fortifications, 45 000 000 de francs. Ces dépenses, auxquelles s'ajoutent des sommes bien plus considérables pour la construction et l’équipement des navires, donnent la mesure de l’importance attachée par la Prusse à la création d’une marine de guerre respectable. Au point de vue administratif, la ville de Wilhelmshaven et le district prussien de la Jade se rattachent à la landrostei ou département d’Aurich, province de Hanovre.
- Découpé dans l’immense lais de mer, dans les dépôts de sédiment bas et plat dont se compose le territoire du Hanovre depuis la Hesse et le Harz, le golfe de la Jade, Jadebusen, semble provenir d’un ancien estuaire de la Weser, successivement élargi à la suite de violentes tempêtes, d’érosions et d’affaissement successifs. Aujourd’hui la AVeser passe de l’autre côté des bancs de Mellum, à côté du phare du Hohen Weg, chemin élevé, dont nous reproduisons le dessin. Ce phare mesure une hauteur de 109 pieds et éclaire à 16 milles de distance. Le nom du golfe lui vient de la Jade ou Jagde, petite rivière qui prend sa source près de Loy, à 4 kilomètres de la ville d’Oldenburg, et dont le cours ne dépasse pas une longueur de 22 kilomètres. Sa superficie actuelle atteint 190 kilomètres carrés et pourra s’étendre encore sous l’effet de soudaines irruptions de la mer. Le plus ancien de ces cataclysmes dont les chroniques fassent mention, rasa, en 1066, le château fort de Mellum, dont l’emplacement est encore marqué par un banc de sable entre le canal de la Jade et la bouche actuelle de la Weser. La partie méridionale du golfe, où les eaux atteignent encore par places une profondeur de 6 à 7 brasses au-dessous de la marée basse, a été creusée en 2118 et en 1221. De nouveaux désastres survinrent en 1511, pendant une violente tempête, qui détruisit et engloutit d’un coup cinq paroisses. Sur tout le littoral de la mer du Nord, on conserve le souvenir de catastrophes semblables. Rappelons notamment celle qui creusa le golfe sinueux du Dol-lart, dont le nom signifie furieux et reste comme
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- une réminiscence sinistre de la tempête à la suite de laquelle les flots de la mer ont englouti à la fois quarante villages en se précipitant dans l’estuaire de l’Ems. Plus tard encore, la marée de Tous-les-Saints, survenue d;;u.. la nuit du 1rr novembre 1570. rompit toutes les digues élevées des bouches de la Meuse jusqu’à la pointe de Skagen, dit M. Elisée Reclus, en noyant cent mille personnes. Et depuis cette époque encore, combien de levées de défense percées, combien de villages détruits et de champs inondés! L’affaissement graduel du sol, constaté sur le littoral des Pays-Bas, de la Poméranie et de la Prusse orientale, ne paraît pas épargner la Frise germanique. M. Prestel, un géographe allemand, évalue à 5 mètres 1/2 par an, en moyenne, le progrès des envahissements de la mer sur toute la côte qui se prolonge du Texel à ja pointe du Danemark. Cela fait pour le continent européen, depuis le treizième siècle, une perte de 600 000 hectares : plus que la superficie de notre ancien département du Haut-Rhin.
- L’entrée de la Jade, les bouches de la Weser et de l’Elbe, qui conduisent aux deux grands ports de Brême et de Hambourg, places de commerce les plus importantes de l’Allemagne, ces trois embouchures s’ouvrent en face de Pile de Helgoland, vers 54° de latitude nord, en avant d’une côte sablonneuse que la haute mer recouvre sur de vastes étendues. Les chenaux navigables, découpés dans les estuaires, sont marqués par des phares et par des feux flottants assez nombreux. 11 y a deux feux flottants à l’entrée de la Jade et un troisième au débouché de la Weser sur les deux côtés du banc de Mellum, où une langue sablonneuse émerge encore à marée haute. Sur le grand banc de Mellum, Alte Mellum et Hohe Weg, s’élève le phare fixe de la Weser, dont il a été question plus haut et dont nous reproduisons le dessin. Sur la rive occidentale du canal de la Jade se trouvent tout d’abord le phare de l’ilot de Wangeroog, puis ceux de Scliil-ligshôrn et de l’ancrage de Hock-Siel, l’un à la pointe de la terre ferme, près de l’entrée du passage, l’autre vers le milieu de ce passage, avant d’arriver à Wihelmshavcn. Au sud de Wilhelmshaven, le golfe de la Jade s’élargit, et ses contours, marqués par la terre ferme, dessinent, ainsi que nous l’avons dit, la figure d'un cœur. L’entrée du golfe atteint ou mesure le tiers de la largeur maximum à l’intérieur. Le port même de Wilhelms-haven s’ouvre sur la pointe à gauche de l’entrée du golfe, à 40 kilomètres environ de distance de l’ilot de Wangeroog, qui marque le débouché de la Jade. Au point appelé Aussen-Jade, en face de Wangeroog, et où stationne le premier bateau-phare, la profondeur du chenal atteint 6 brasses au-dessous du niveau des basses eaux pris comme 0. En allant vers Wilhelmshaven, cette profondeur varie ensuite de 4 à 10 brasses le long du passage indiqué aux navires du plus fort tirant. Près de Helgoland, la profondeur de la mer descend à 28 brasses. Dans
- le cours de la Weser, jusqu’à la hauteur de Bre-merhaven et de Geestemüde, la hauteur de l’eau à marée basse se réduit à 2 brasses entre la Rob-ben-Plate et le Lang-Liidjen-Sand. La majeure partie du golfe de. la Jade se met à sec pendant les basses eaux, et c’est seulement à marée haute que ses contours rappellent la forme d’un cœur, marquée plus haut.
- En 1870, l’amirauté allemande a fait paraître une nouvelle édition de la carte hydrographique des bouchas de la Jade, de la Weser et de l’Elbe (Jade, Weser nnd Elb Mundungen, Bl. VII), à l’échelle d’un cent millième, d’après les levés du capitaine Grapow, effectués pendant les années 1867 et 1868. D’après cette carte, le temps du port à Wilhelmshaven est 12 heures 55 minutes, la durée de la marée 6 heures 10 minutes, la durée du reflux
- 6 heures 14 minutes, la hauteur moyenne des marées 11 pieds 5 pouces ou 5m,65. A Helgoland, la hauteur moyenne des marées est de 8 pieds 6 pouces ou 2m,80, à Hambourg, dans l’Elbe, 6 pieds 4 pouces, ou 21,1,10. Cette hauteur des marées varie d’ailleurs suivant la direction et la force du vent, suivant la pres-
- I sion atmosphérique indiquée par le baromètre. Elles s’élèvent jusqu’à 10 pieds au-dessus de la moyenne ordinaire avec les vents d’Ouest et les tempêtes du Nord-Ouest, de même qu’elles descendent de quelques pieds au-dessous du 0 des basses eaux avec des tempêtes persistantes du Sud-Est. A Cuxhaven, il y a eu, le 4 février 1825, à une heure du matin, une marée de 22 pieds 6 pouces au-dessus du 0 pendant une tempête d’Ouest-Nord-Ouest ; une autre marée de 20 pieds 7 pouces, avec une vitesse du courant de 50 à 60 pieds par seconde, le lPr janvier 1855, pendant une tempête du Nord-Ouest; par contre, la marée basse est restée, le 15 mars 1859, à 5 pieds au-dessous du 0 par une tempête du Sud< Est, et, 5 pieds 5 pouces le 24 février 1844 à midi, avec une vitesse de 59 pieds par seconde, pendant de violents vents d’Est. Ajoutons que la déclinaison magnétique à Wilhelmshaven, rapportée au milieu de l’année 1875, a été 15° 10' ouest, avec une décroissance annuelle moyenne de 7,8 minutes.
- A l’heure qu’il est, les travaux du port de Wilhelmshaven ne sont pas encore terminés. On est en train notamment d’achever un nouveau bassin pour les bateaux torpilleurs, et on poursuit la construction d’une seconde entrée donnant accès dans le port principal au moyen d’écluses.
- Le plan pour la création de la Hotte allemande, soumis au Parlement en 1875, mentionne les différents ouvrages à exécuter et le nombre de navires dont doit disposer la marine militaire, à savoir : 8 frégates cuirassées, 6 corvettes cuirassées,
- 7 monitors, 2 batteries flottantes, 20 corvettes ordinaires à vapeur, 6 avisos, 18 chaloupes canonnières, 28 bateaux torpilleurs, 5 brigs à voiles, 2 bâtiments d’artillerie, soit ensemble 80 vaisseaux, sur lesquels il ne reste plus à exécuter que 5 corvettes, dont 1 cuirassée, et 4 canonnières cuirassées
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- Carte des bouches de la Jade, de la Weser et de l’Elbe (d’après la carte de l’Amirauté allemande et les levés du capitaine Grapow).
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- également. C’est comme on voit une puissance fort respectable, et dès maintenant le pavillon allemand, sans représenter des forces navales de premier ordre, fait déjà fort bonne figure dans les diverses mers du globe. Le personnel de la flotte, commandé par un vice-amiral et trois contre-amiraux, comprend deux divisions de matelots avec un effectif de 6000 à 7000 hommes, 400 mousses, un bataillon d’infanterie de marine fort d’un millier d’hommes, 288 machinistes, 780 chauffeurs, 465 ouvriers de diverses professions, etc., etc. D’après le projet de création de la flotte soumis au Reichstag en 1875, les dépenses extraordinaires nécessaires à supporter en l’espace de dix ans, sont évaluées à 165 millions de francs, rien que pour la construction et l’équipement des navires, tandis que les dépenses pour l’achèvement et l’aménagement des établissements maritimes de Wilhelmshaven, de Kiel et de Danzig doivent s’élever en outre à 132 millions pour la période décennale de 1873 à 1882. Un seul cuirassé, la frégate Kônig Wilhelm, celui qui a le plus fort tonnage (5958 tonnes), lancé le 25 avril 1868, a coûté une somme ronde de 12 600 000 francs! Depuis quelque temps, il est aussi question de créer un canal de navigation reliant les deux ports de Wilhelmshaven et de Kiel, praticable aux vaisseaux de guerre. Passant de la mer du Nord à la mer Baltique, au sud du Danemark, ce canal, facile à établir, permettrait aux navires allemands d’éviter la traversée du Sund.
- Charles Crad,
- Député de l'Alsace au Parlement allemand.
- NÉCROLOGIE
- W. LatiBell. — Le 5 octobre 1880 est mort à Mai-(lentiead (Angleterre), à l’âge de quatre-vingt-deux ans, le célèbre astronome amateur W. Lassell. Comme Iler-schell et lord Ross, Lassell ne se servait que de télescopes construits de ses propres mains. Les premiers miroirs télescopiques qu’il polit mesuraient 17,5 et 22,5 centimètres de diamètre. C'est avec ce dernier qu’il observa la sixième étoile du trapèze dans la nébuleuse d’Orion. Plus tard, ayant construit un miroir de 60 centimètres d’ouverture et de 6 mètres de distance focale, d’un poli et d’une pureté remarquables, Lassell découvrit en septembre 1847 le satellite de Neptune, et, le même mois de l’année suivante, Ilyperion, le huitième satellite de Saturne. En 1851, il ajouta au système d’Uranus deux satellites intérieurs à ceux découverts par W. flerschell en 1787, puis ayant transporté son télescope à l’île de Malte, il y fit de nombreux dessins de groupes d’étoiles et de nébuleuses ; entre autres un dessin très soigné de la nébuleuse d’Orion. Entre temps, il avait entrepris la construction d’un télescope de lm,20 d’ouverture et I1m,l0 de distance focale. Il l’installa à Malte en 1861. Aidé de M. A. Marth, il fit avec cet instrument, jusqu’en 1866, de nombreuses observations des satellites de Neptune et d’Uranus, et découvrit 600 nébuleuses. Il revint alors en
- Angleterre et installa dans son observatoire de Maiden-liead son télescope de 60 centimètres; celui de lm,20 n’existe plus. Les travaux et découvertes de Lassell, dit le journal Ciel et Terre, lui valurent en 1849 la médaille d’or de la Société astronomique d’Angleterre, et en 1858 celle de la Société Royale du même pays.
- LES TAPIS TURCS
- Depuis un certain temps, les tentures et les tapis turcs sont l’objet d’une très grande faveur pour la décoration de nos intérieurs. Ce succès s’explique très bien par la beauté et l’harmonie des ornements, et surtout par la solidité de leur teinture et de leur fabrication, qui les rend propres à un très long usage. Les tapis turcs connus sous la désignation de tapis de Smyrne se fabriquent dans toute l’Anatolie, mais principalement dans trois villes : Ouchak, Gheurdès et Koula, qui donnent chacune à leurs produits un cachet particulier.
- C’est à Ouchack surtout, que se fabriquent les tapis à haute laine. Les femmes turques s’en occupent presque seules. 11 n’a été permis que depuis quelques années aux femmes grecques de tisser des tapis à haute laine; par contre, les femmes grecques fabriquent exclusivement cet autre produit à double face, appelé dans le pays Kilim grec.
- Les procédés de fabrication sont simples et faciles : un grand châssis posé verticalement, porte dans le haut un cvlindre en bois sur lequel on passe la chaîne, qui est tendue par une traverse également en bois. A la partie in-féiieure de ce châssis, un autre cylindre reçoit le tapis à mesure qu’il est exécuté.
- Les ouvrières sont assises devant le cadre qui porte la chaîne. Pour composer le dessin elles prennent les fils de laine teints et préparés d’avance et les nouent à la chaîne par des nœuds coulants. Elles passent ensuite la trame à la main, serrent les nœuds avec un grand peigne de bois, et enfin nivellent la partie tissée avec des ciseaux. Tout ce travail est exécuté avec une dextérité et une précision incroyables.
- D’ordinaire chaque ouvrière n’exécute que la partie du dessin qui lui est assignée. Aussi connaît-elle de mémoire le nombre de fils qu’elle doit employer et n’est-elle jamais indécise pour composer une nuance. Mais quand il s’agit d’exécuter un nouveau dessin, on choisit l’ouvrière la plus experte pour composer, sur le croquis qui lui est soumis, un modèle, qu’elle livre ensuite aux autres femmes qui doivent tisser le tapis. Ces dernières se servent de l’envers du modèle pour en compter les points et en confectionner la pièce voulue. Avec cette méthode de fabrication, le tapis ne présente aux regards que les têtes des laines égalisées, sans laisser voir ni la chaîne ni la trame. La durée de pareils tapis est indéfinie.
- On compte à Ouchack 2000 métiers, dont 600 environ sont en activité toute l’année.
- La fabrication occupe en moyenne 4000 ouvrières et ouvriers, soit 3000 femmes et 500 jeunes filles pour le tissage, et 500 hommes pour le lavage des laines et la teinture. Le salaire des ouvrières, est de 4 francs à 4 fr. 80 par semaine.
- Chaque femme tisse par jour, en moyenne, de 20 à 25 centimètres de longueur, sur 60 centimètres de large.
- Pour l’exécution d’un tapis d’environ 4 mètres de large, on emploie ordinairement six femmes, qui travaillent à
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- 08 centimètres de distance environ les unes des autres.
- Les Turcs n’ont point d’école dans les arts ; ils n’ont fait qu’imiter l’école persane, qui dérive elle-même de l’école arabe. Les dessins des tapis turcs sont un mélange d’arabesques, de médaillons et de rosaces.
- Ouchak consomme annuellement 660 000 kilogrammes de laine brute, qui donnent 50 p. 100 de laines filées. La production annuelle des tapis de haute laine d’Ouchak a considérablement augmenté depuis quelques années et elle atteint actuellement environ 104 000 mètres carrés, dont 4000 seulement sont expédiés en Turquie et en Égypte, et 100 000 sont exportés à l’étranger; la Grande-Bretagne en reçoit 53 000, la France 22 000 et les États-Unis d’Amérique 16 000.
- Société française de physique. — Séance du 5 novembre. — Présidence de M. Mascart. — M. le Président résume une note de M. Sehwedoff sur l’origine de la grêle; M. Sehwedoff considère la grêle comme ayant une origine extra-terrestre, et comme analogue aux météorites. — M. Dufet communique les résultats de mesures opérées sur l’angle des axes optiques de cristaux contenant des proportions variables de sulfate de zinc et de sulfate de magnésie. L’angle des axes était calculé au moyen de cette loi, établie précédemment par M. Dufet, que la différence d’indice entre un mélange de deux sels isomorphes et un des sels composants est proportionnelle à la composition atomique du mélange. L’expérience vérifie les résultats du calcul M. Dufet indique la manière dont il a opéré pour obtenir avec le plus de précision possible les indices principaux des deux sels purs qui servent à calculer ceux des mélanges. — M. Rolin présente un héliotrope pouvant se transformer en héliostat, et qui repose sur le principe de l’antiparallélogramme de Peaucellier. — M. Mascart présente, au nom de M. Duboscq, un refractomètre interfèrent iel destiné aux gaz. Les franges d’interférence que l’on observe sont les franges de Talbot; les bilames destinées à séparer les rayons et à obtenir les franges sont manœuvrées, ainsi que les autres pièces mobiles de l’instrument, par des vis de rappel qui rendent facile le réglage de l’instrument.— M. Joubert a calculé une formule représentant les résultats de ses expériences sur les machines à courants alternatifs qui animent les foyers électriques.
- LES ORIGINES ET LE DÉVELOPPEMENT
- DE LA VIE
- (Suite. — Voy. p. 18, 67, 134, 215 246, 299 et 347.)
- I,A DIVISION DU TRAVAIL DANS LES COLONIES LINÉAIRES
- Dans toute colonie linéaire, deux individus occupent une position particulière qui peut amener chez eux des transformations spéciales ; ce sont l’individu antérieur et l’individu postérieur. Le premier doit porter les organes des sens et divers autres organes destinés à la recherche et à la pré-
- hension des aliments. Ces organes sont peu développés chez les Lombriciens ; chez les Sangsues, l’extrémité postérieure et l’extrémité antérieure s’élargissent en ventouses destinées à fixer l’animal, et, au moins à l’extrémité postérieure, plusieurs anneaux se soudent pour former la ventouse ; chez les Annélides marines, le premier individu est plus nettement spécialisé ; il porte un nombre variable d’yeux et d’antennes, souvent des fossettes garnies de cils vibratiles qui sont peut-être des organes d’olfaction. Le ganglion nerveux qu’il contient, situé par exception au-dessus du tube digestif, fournit des nerfs à tous ces organes de sensation spéciale et est en communication avec tous les autres ganglions nerveux; on peut donc le considérer comme le centre ou aboutissent toutes les sensations. Il mérite à cet égard le nom de cerveau, et l’on peut donner de même le nom de tête à l’individu qui le contient.
- Mais cette tête n’est pas exactement comparable à la tète des animaux supérieurs, des Insectes ou des Vertébrés, par exemple; elle ne représente que la partie de celle-ci qui porte les organes des sens ; cette tète est en réalité l'individu sensitif; après avoir porté la bouche, elle s’étend au-dessus d’elle, de telle sorte que celle-ci semble appartenir à l’individu suivant , qui peut, du reste, posséder en outre des appareils tactiles plus ou moins développés ; enfin derrière lui un certain nombre d’anneaux, même chez les iYaïs et les Dero, présentent des modifications particulières, apparaissent ainsi que la tête, comme productions nouvelles, lors de la formation de nouveaux individus, et sont par conséquent associés dans une certaine mesure aux fonctions céphaliques. En réalité, c’est donc non pas un anneau, non pas un individu, mais un ensemble d’anneaux, un groupe d’individus qui correspondent chez les Annélides à la tête des animaux supérieurs; mais dans ce groupe, un individu a une prééminence bien marquée, et c’est à lui que l’on restreint cette dénomination.
- Il est facile de démontrer d’ailleurs que ses qualités particulières ne sont qu’une exagération de qualités qui appartiennent ou ont également appartenu aux autres anneaux.
- Dans un assez grand nombre d’Annélides, divers anneaux se montrent pourvus d’organes des sens. Les Myxicoles, les Amphicorines, dont la tête est garnie de branchies, portent des yeux à leurs anneaux postérieurs; lorsqu’elles quittent le tube qu’elles habitent, ce qui arrive assez souvent, elles marchent l’extrémité postérieure du corps en avant. Il semble que ce soit cette extrémité qui, dans cette circonstance, prend le rôle de tête. Plusieurs espèces d’Amphicorines et de Myxicoles possèdent des yeux sur tous les anneaux du corps ; il en est de même des Polyophthalmes, des Tomopteris (fig. 1) et de plusieurs espèces d’Eunices. Les organes de l’audition sont très ordinairement situés dans l’anneau buccal et sont même relégués chez les Wartelia
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- dans le quatrième anneau. Ainsi tous les ganglions nerveux d’une Annélide peuvent être le siège des mêmes facultés que ceux que l’on considère comme constituant plus particulièrement le cerveau : tous ces ganglions sont donc équivalents. 11 y a cependant entre les ganglions de la tête et ceux des autres anneaux une différence importante de position ; les ganglions de la tète sont situés au-dessus du tube digestif, tous les autres, unis entre eux par une paire de cordons longitudinaux, sont, au contraire, situés au-dessous du tube digestif et forment par conséquent une double chaîne ventrale que l’on désigne sous le nom de chaîne ganglionnaire. Le ganglion de cette chaîne le plus voisin de la bouche est uni aux ganglions cérébraux par une paire de cordons latéraux qui embrassent le tube digestif, de telle sorte que les ganglions cérébraux, les cordons latéraux et le premier ganglion de la chaîne ventrale, forment autour de cette chaîne un collier complet, le collier oesophagien. Pourquoi cette disposition très générale? Elle tient uniquement à un changement de position de l’anneau céphalique, qui, après avoir porté la bouche, passe graduellement au-dessus d’elle avec tous les organes qui dépendent de lui; d'ailleurs les faits que nous avons relatés montrent qu’entre les divers ganglions, malgré ces différences de situation, il y a équivalence physiologique complète.
- Les Annélides marines mènent deux modes d’existence principaux, entre lesquels il existe du reste de nombreux intermédiaires. Les unes, telles que les Néréides, dont il a été parlé dans notre précédent article, sont errantes, passent leur temps à chasser, explorant sans cesse les algues et les rochers, ne s’abritent que par intervalles à l’intérieur d’un tube gélatineux sécrété par leurs téguments, et abandonnent bientôt ce tube pour se remettre en route. D’autres, au contraire, se con-
- struisent avec le plus grand soin une sorte de maison qu’elles ne quittent que fort rarement, et qui tantôt est enfoncée sous terre, tantôt est* fixée à quelque rocher, tantôt enfin demeure mobile, auquel cas l’animal la transporte avec lui. On dit, en les opposant aux précédentes, que ces Annélides sont sédentaires. Les tubes qu’elles habitent sont quelquefois simplement creusés dans le sable, d'autres fois ils sont formés d’une sorte de sécrétion
- ayant la consistance du parchemin, comme les tubes des Sigalions, des Spirorbes (fig. 4, n° 2) ou des Chétoptères (fig. 4, n° 1); souvent de petits cailloux, des coquilles, des grains de sable, sont agglutinés par cette sécrétion ; enfin les Serpules produisent un tube calcaire. Assez fréquemment ce tube a la forme d’un U ; mais il est plus souvent encore à peu près droit. Dans le premier cas, lorsque la marée se retire, le fond du tube demeure rempli d’eau, et l’animal demeure ainsi baigné de liquide; à marée haute, ce liquide peut être renouvelé presque constamment. Dans le second cas, le tube est souvent bouché à l’une de ses extrémités toujours amincie, et l’animal n’est mis en rapport avec le monde extérieur que par l’extrémité large.
- Ce sont là des conditions particulières d'existence qui amènent, dans les anneaux qui constituent l’Annélide, des différences considérables. Ces anneaux, à peu près semblables entre eux chez les Annélides errantes, où ils sont tous dans les mêmes rapports avec le milieu extérieur, deviennent au contraire très polymorphes chez les Annélides sédentaires, et dès lors il se fait entre eux une nouvelle division du travail physiologique. Dans les espèces qui habitent des tubes en U, comme les Arénicoles ou les Chétoptères (fig. 4, n° 1), l’appareil respiratoire, les branchies, se localisent à la région moyenne du corps ; parfois l’anneau antérieur et l’anneau postérieur se transforment en opercules. Quand le tube
- Fig. 1.
- A.nséudes. -- 1. Tornopteris vilrina, jeune, grossi 13 fois.— a, les yeus céphaliques et le cerveau, b, tentacules de la deuxième paire, portant chacun une longue soie, c, tentacules de la première paire, d, antennes f, pieds en forme de rames, portant les yeux segmentaires — 2. Un des yeux segmentaires portés par les pieds, grossi 200 fois. — a, pigment, b, cristallin, c, cellules de nature indéterminée entourant l’œil.
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- LA NATURE.
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- d'iiabitalion est droit, la localisation de l’appareil ! Ristylies (fig. 3), les Spirorbes (fig. 4, n° 2) et autres respiratoire se fait au contraire vers la région an té- j Annélides formant la famille des Céphalobranches, rieure du corps, comme chez les Térébelles (fig. 2), ; où les branchies sont toutes assemblées vers la tète où il existe une sorte de région thoracique couverte j et forment sur elle deux élégants panaches parfois de branchies, tandis que la tète porte de longs fila- | ornés des plus vives couleurs. Ces panaches respi-ments préhenseurs qui vont de toutes parts chercher j ratoires ne sont autre chose que des antennes moles cailloux dont l’animal construit son tube, ou les j difiées; une autre paire d’antennes porte, chez les objets qui doivent servir à son alimentation. Cette j Serpules, les Spirorbes et quelques autres genres, localisation atteint son maximum chez les Amphico- un petit opercule destiné à fermer le tube lorsque rines, les Myxicoles, les Sabelles, les Serpules, les l’animal se rétracte; souvent une seule de ces der-
- Fig. 2. Fig. 5
- Fig. 2. — AxNéuuiis sédentaires. — Terebella Edutardsi, demi-grandeur naturelle. — t, tentacules mobiles, b, branchies; s, soies locomotrices. — Fig. 5. — 1. Distylia volutifera. — b, branchies, c, voile céphalique, s, soies locomotrices. — 2. Hermella alvcolala. o, soies formant l’opercule du tube, t, tentacules, b, branchies, s, soies locomotrices, q, queue.
- nières antennes se développe, l’autre avorte. Il peut en être de même pour les branchies céphaliques elles-mêmes.
- On peut constater chez certaines Annélides sédentaires une série de phénomènes remarquables. En même temps que la région antérieure du corps prend un développement plus grand, l’extrémité postérieure du corps tend au contraire à s’atrophier; les appendices charnus disparaissent, les soies se modifient ou manquent sur une étendue plus ou moins grande, parfois même entièrement, comme chez les Phoronis ; le volume des derniers anneaux diminue considérablement; cela est déjà évident
- chez certaines Serpules ; chez les Pectinaires, remarquables par la texture admirablement régulière de leur tube de grains de sable et par le peigne doré formé de soies modiliées qui orne leur tête, ces derniers anneaux forment une sorte de plaque qui se recourbe sous le corps à peu près comme l’abdomen des Crabes ; enfin chez les Hermelles (fig. 3, n°2), ils forment une sorte de queue que l’on prendrait au premier abord pour un parasite attaché à l’animal. Toutefois cette queue est encore traversée par un prolongement extrêmement grêle «lu tube digestif. Il est évident que ces appendices, ces anneaux rudimentaires témoignent d’une réduction graduelle du
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- LA NATUIIË.
- nombre des anneaux du corps. On ne saurait douter que cette atrophie de l’extrémité postérieure ait en partie pour cause l’état d’inactivité auquel elle est condamnée en raison de la localisation à l’extrémité antérieure de toutes les fonctions de relations; mais cette réduction se rattache en même temps à une catégorie plu? générale de phénomènes.
- C’est en effet une règle générale que la marche progressive de l’individualisation d’une colonie im-
- Fif?. L
- Annélides sédentaires. — 1. Chetopterus Yalencinii, demi-grandeur naturelle. — a, antennes, c, expansion céphalique, i, pieds supérieurs du dixième anneau relevés en forme de cornes; m, anneaux modifiés de la région moyenne du corps. — ‘2. Spirorbis lœvis, grossie 20 fois. — a, région antérieure pourvue de soies b, région moyenne dépourvue de soies locomotrices. (l, œsophage, c, estomac, f, intestin, g, anneaux femelles, h, anneaux mâles. I, glandes secrétant le tube calcaire. k, tentacule portant l’opercule et servant, en même temps de poche d’incubation, t. les branchies. — 3. Coquille de Spirorbe grossie 2 fois.
- plique une réduction graduelle du nombre des individus associés, en même temps qu’un perfectionnement plus grand et une union plus intime des individus restant, comme s’il v avait une sorte de balancement entre le fini des parties composantes et leur multiplicité.
- 11 y a de grandes Annélides errantes, telles que les Eunices ou certaines Phyllodoces, qui produisent peut-être de nouveaux anneaux durant toute leur existence; leur taille paraît illimitée, et le nombre des anneaux varie comme celui des polypes chez un Siphonophore d’un individu à l’autre; puis ce nombre devient constant pour chaque espèce, con-
- stant pour toute l’étendue du genre, constant, pour chaque région du corps, et il est alors généralement très limité. A ce moment, chaque anneau semble avoir un rôle déterminé à remplir, devient absolument inséparable de ses compagnons; l’individualisation a atteint son plus haut degré. Mais, pour former un tout indivisible en apparence, l’animal n’en résulte pas moins, dans ce cas, de la fusion d’un plus ou moins grand nombre d’individus distincts.
- Entre ces individus dont l’unité est si évidente et de simples colonies très voisines encore de celles des Ténias, nous avons pu suivre tous les intermédiaires. Nous avons nettement retrouvé dans les transformations diverses du type annélide les lois mêmes qui ont présidé aux transformations des colonies irrégulières; seulement, dans le cas des Annélides, l’individualisation a été poussée plus loin. Nous n’en sommes pas moins en droit d'affirmer que les mêmes procédés de constitution de l’individu ont été mis en usage dans les deux cas, que tous les vers annelés ne sont, en définitive, que des colonies individualisées d’une forme particulière.
- S’il eu est ainsi, les divers individus associés doivent naître successivement les uns des autres; il ne doit sortir de l’œuf qu’un individu unique, progéniteur de tous les autres. C’est à l’embryogénie de venir continuer nos conclusions.
- Edmond Perrier,
- Professeur administrateur du Muséum d'IIistoire naturelle de Paris.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du ‘22 novembre 1880.— Présidence de M. Becquerel.
- Nouvelle gelée végétale. — Le fruit du Phytolacca Kempferi a fourni à M. Terreil un acide qui, séparé de ses sels, offre cette particularité de se prendre en gelée lorsqu’on élève sa température. I)e plus, et à l’inverse de toutes les gelées végétales connues jusqu’à ce jour, celle-ci est parfaitement soluble dans l’alcool.
- Cristallisation du soufre. — On sait depuis longtemps que le soufre visqueux passe peu à peu à l’état cristallin, M. Brame montre que chaque cristal produit, devient un centre de transformation pour le soufre visqueux situé dans le voisinage. La cristallisation gagne progressivement, sous la forme singulière de cercles concentriques jusqu’à une distance variable avec diverses circonstances précisées par l’auteur.
- Météorologie. — C’est avec des éloges tout particuliers que le Secrétaire signale deux nouveaux volumes des Annales du Bureau central météorologique dus à l'activité infatigable de M. Mascart. L’un d’eux est relatif à l’étude des orages en France en 1879, l’autre à la météorologie générale.
- Exploration géographique. — Par l’intermédiaire de M. de Lesseps, M. Wiener, vice-consul de France à Guaya-quil, fait parvenir une relation du voyage qu’il vient de faire de Quito au Para, le long des rives du Napo, affluent de l’Amazone. L’auteur a suivi à peu près l’itinéraire de
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- LA NATUHE
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- Bizarre; niais il a mis à contribution tous les moyens scientifiques dont nous disposons et qui manquaient absolument, il y a trois cent cinquante ans, au premier explorateur. Le principal résultat de cette belle expédition est que la région traversée ne peut pas continuer à être purement et simplement un pays de transit; son sol fécond, où prospèrent à l’envi le sucre, le caoutchouc et le cacao, doit être sans retard mis en culture.
- Sources thermales. — Grâce à un échantillon exposé au Champ-dc-Mars en 1878, et qu’il a soumis à l’analyse, M. Boussingault est aujourd’hui en mesure de compléter ses études sur les sources thermales du Venezuala. Leur composition comme leur température les rapproche des eaux siliceuses des volcans islandais. L'auteur remarque en outre qu’elles sont d'autant moins chaudes qu’elles paraissent au jour aune altitude moins élevée: 6 à 7 mètres correspondant à cet égard à 1 degré environ.
- Botanique fossile. En continuant ses belles recherches sur la flore houillère silicifiée d’Autun, M. Renault vient de découvrir une plante nouvelle, le Poroxijlon Edwardsii, dont il a pu étudier la structure avec une minutieuse précision.
- Paléontologie. — Nous ne faisons que mentionner les Recherches géologiques sur les terrains tertiaires de la France occidentale, dont M. Hébert a présenté un fascicule au nom de l’auteur, M. G. Vasseur. Ce fascicule, en effet, ne comprend que les planches IV et XIX de ce bel ouvrage, et nous ne saurions donner dès maintenant qu’une idée fort incomplète de l’ensemble, sur lequel nous reviendrons en temps convenable. Disons seulement qu’il s’agit d’une faune malacologique de l’âge de notre calcaire grossier supérieur, et qui, à Bois-Gouët, se signale par une richesse inespérée d’espèces et de genres nouveaux pour la science. Les deux planches que nous avons sous les yeux ont été obtenues par les procédés de phototypie ; elles sont d’une délicatesse telle, qu’on peut les étudier à la loupe, comme on ferait des originaux eux-mêmes.
- Complétons le bilan de celte séance, d’ailleurs fort courte, en citant : plusieurs notes de M. Gosselet sur la géologie du nord de la France, qui sont renvoyées au prix Bordin; — des tables de M. Angot, pour calculer les hauteurs au moyen des observations barométriques ; — des documents adressés par M. Aristide Dumont au sujet du projet de canal dérivé du Rhône; — des expériences sur l’influence de la lumière sur la germination, par M. Po-chon; — la description de certaines anomalies d’une algue d’eau douce observée par M. Sirodot ; — le résultat des observations de petites planètes exécutées à Greenwich et à Paris pendant le troisième semestre de l’année courante; — enfin un mémoire de M. de Marçay sur les composés auxquels donne naissance, en présence de réactifs convenables, le sulfure d’azote, découvert naguère par MM. Fordos et Gélis.
- Stanislas Meunier.
- MÉTÉOROLOGIE D’OCTOBRE 1880
- Première décade. — Pendant les trois premiers jours, de fortes pressions barométriques avec beau temps dominent sur l’Europe occidentale.
- Le 4, la première dépression importante pour nos régions se montre à l’ouest de Brest (755 millimètres). Elle se creuse les jours suivants : son
- centre oscille du 4 au 8 entre la Bretagne et les îles Seilly, puis se dirige franchement vers l’Est; il se trouve le 9 au sud-ouest du Havre (745 millimètres), redescend le 10 vers le Mans, et la dépression se comble dans cette région. Le passage de ce cyclone a amené du 5 au 9 un temps très mauvais sur les côtes de la Manche et de l’Océan. Le 6, le baromètre passe par un premier minimum à Paris, et la température est très élevée le 5 et le 6. Les pluies sont très fortes en Bretagne le 4, torrentielles le 5 et le 6 sur le nord-ouest de la France et sur l’Angleterre.
- Deuxième décade. — Le régime anticyclonique domine sur l’Europe occidentale, le baromètre est très élevé et surpasse 772 millimètres le 14 à Paris. Le temps est généralement beau et les bourrasques passent dans le nord-est de l’Europe.
- Troisième décade. —Le 20, une dépression présentant la forme d’une ellipse très allongée (750 millimètres) occupe toute la Manche. Elle offre deux foyers, l’un à Cherbourg, l’autre près du Havre, et se propage dans la soirée vers Paris, où le baromètre baisse avec une excessive rapidité. Elle traverse ensuite la Belgique et arrive le lendemain en Allemagne, où elle forme un cyclone important dont le centre est à l’ouest de Dantzig (752 millimètres). Elle gagne le 25 la Finlande et disparaît le 24 vers l’Oural. Des pluies très fortes tombent le 21 sur les deux versants français et anglais de la Manche ; le 22 elles se propagent en Allemagne et le 25 en Finlande.
- En France, les pluies ne cessent pas après le passage de cette bourrasque. Si nous nous reportons en effet à la carte du 22, nous voyons qu’un autre cyclone (aperçu la veille en Gascogne) a son centre à l’ouest de Lorient et amène des gros temps par vents d’est sur les côtes de la Manche et de la Bretagne. Les pluies prennent une très grande importance, puis deviennent torrentielles sur la Manche, en Bretagne, en Vendée, en Alsace. Une température élevée domine en même temps sur le sud de la France, tandis que le froid est très grand dans le Nord. A Bruxelles, un froid pareil n’a jamais été constaté avant le mois de novembre; à Paris, le thermomètre descend jusqu’à — 4°,2 dans la nuit du 24 au 25. Delà neige tombe le 21 à Paris, le 25 à Bruxelles. Du 24 au 26., des aurores boréales qui se montrent dans le nord de l’Europe annoncent l’arrivée de nouvelles bourrasques.
- La carte du 27 nous montre en effet qu’un dernier cyclone venu de l’Ouest a son centre au sud de Valentia : les vents prennent de la force et la mer s’agite sur nos côtes océaniennes. Du 27 au 28, la dépression traverse le sud de l’Angleterre, une violente tempête souffle sur la Manche le 28, sur la Manche et l’Allemagne le 29. A Paris la température, extrêmement basse le 24 et le 25, est devenue très élevée le 27 et le 28. En même temps le baromètre a subi ces deux jours un abaissement considérable. Il se relève le 50 et le calme se rétablit. Les pluies ont été encore très fortes en France et ont amené une crue rapide des fleuves. La Seine, qui marquait
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- LA NATURE
- CARTES QUOTIDIENNES DU TEMPS EN OCTOBRE 1880
- D'ijiiftâ le Bureau central météorologique de France (Réduction 1/8).
- Mercredi 6
- Lundi
- Mardi &
- Vendredi 15
- L undi18
- Mardi 19
- Mercredi 20
- £ Tvü^dTTë
- Mercredi 27
- Jeudi 28
- Vendredi 29
- Samedi 30
- 1111,70 le 26 au pont d’Austerlitz, a atteint le 1er novembre un maximum de om,10.
- En résumé, le mois d’octobre 1880 surtout pendant la troisième décade, a été caractérisé par des variations extrêmement brusques des divers éléments météorologiques : pression barométrique, température, humidité, magnétisme terrestre. La variation diurne de la température, forte au printemps et à l’automne, a atteint 16° dans la journée du 24, et en deux jours le thermomètre, exposé au nord et abrité, a varié de 22°. La déclinaison de l’aiguille
- D i manche 31
- aimantée a également subi des oscillations considérables. Enfin la scintillation observée à Bruxelles par M. Monti-'gnv était excessive. Des perturbations 'profondes ont donc eu lieu dans l’équilibre atmosphérique, elles vont peu à peu envahir complètement la France et produire les violentes tempetes qui en novembie traversent nos régions. E. Fron.
- Le Propriétaire-Gérant ; G. Tissandier.
- Imprimerie A. I ahure, rue de Kleurus, 9, à Paris.
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- INDEX ALPHABÉTIQUE
- Abeiiles et ratlineriesde sucre (Ruches d’), 51.
- Académie des Sciences (Archives de 1’), 50, 159, 367.
- Académie des Sciences (Comptes rendus des séances hebdomadaires) , 15, 31, 46, 63, 79, 95, 111, 127, 142, 159. 175, 190, 208, 222, 238, 255, 271, 287, 302, 335, 352, 383, 399, 415.
- Acide carbonique contenu dans l’atmosphère, 46, 111.
- Acoustique pour la mer (appareil), 401.
- Afrique (Conquête scientifique de P), 190.
- Acides métalliques, 256.
- Aimant en médecine (De P), 75.
- Alcool et strychnine, 66.
- Alcool (Synthèse de P), 231.
- Alimentaires (Matières), 384.
- Allemagne (Ports militaires de P), 406.
- Alligators (Cuirsd’), 170.
- Allumeur automatique de lumière électrique, 63.
- Amateur de sciences au dix-septième siècle (Le cabinet d’un), 317.
- Alpes (Carte des), 111.
- Alpinistes italiens (15e congrès des), 138.
- Anesthésie chirurgicale, 49.
- Antiseptique (Liquide) 15.
- Appareil de démonstration des lois de la pesanteur, 355.
- Aquariums, 131.
- Arboriculture, 384.
- Architecture des oiseaux, 40, 200.
- Aréomètres (Variations des), 352.
- Army-Worm dans le New-Jersey (Les ravages de P), 155.
- Association française pour l’avancement des Sciences, 94, 127.
- Astronomes (Études des élèves), 1.
- Atmosphère (Composition de P), 15.
- Aurore boréale observée par le capitaine Hall, 97.
- 8e année. — 2® semestre.
- B
- Ballon libre (Photographie instantanée en), 391.
- Ballons du siège de Paris (Monument commémoratif des), 272.
- Baromètre à glycérine, 123.
- Barométrique (Balance), 208.
- Basse-cour (Élevage des animaux de), 60.
- Bateau pliant, 340.
- Bâton cassé au-dessus de deux verres, 46.
- Bell (Une visite à M. Graham), 307.
- Bibliothèque de la Nature, 369.
- Bière (Industrie de la), 379.
- Blatte orientale (Des effets thérapeutiques de la), 270.
- Bobines Siemens (Perfectionnements apportés aux), 158.
- Borchardt, 95.
- Bore (Classification du), 319.
- Botanique (Atlas de), 303.
- Botanique fossile (Nouveaux progrès de la), 290.
- Botocudos en 1878 (Les), 161.
- Bougie électrique de M. Jamin (La nouvelle), 59. .
- Boulets de canon (Vitesse des), 65.
- Brésil (Exploration géologique au), 63.
- Broca (Paul), 111, 177.
- Bryozoaires (Les), 134.
- c
- Café par la chicorée (Falsification du),
- 86.
- Café (Pulpe de), 535.
- Cambodge (Ponts de l’ancien), 225.
- Canal interocéanique, 145.
- Cap-Breton (Fosse de), 152.
- Capillarité dans la teinture (Iniluence de la), 338.
- Carica papaya, 232.
- Carrés magiques, 81.
- Centenaire (Un), 147.
- Chair de porc (Insalubrité de la), 122.
- Chaleur solaire (Utilisation de la), 191.
- Chambre noire faite avec un tonneau, 315.
- Charbon (Étiologie du), 111.
- Charbon (Origine du), 127.
- Charbon (Préservation du), 159.
- Charbon (Nouvelle étude sur le), 287.
- Château tombé à la mer (Un vieux), 30
- Chaux cristallisée, 79.
- Chemin de fer funiculaire du Giessbaeh,
- 000.
- Chemin de fer funiculaire du Vésuve, 147.
- Chemin de fer sous-marin entre la France et l’Angleterre, 174.
- Chemins de fer aux États-Unis (Les),
- 202.
- Chemins de fer à voie étroite en Franc 186.
- Chenilles (Ravages causés par les), 107
- Chimie de l’amateur (La), 263.
- Chimiques à l’Exposition universelle do 1878 (Les grands produits), 129, 243.
- Chine (Terrains incultes de la), 286.
- Chlore (Industrie du), 129.
- Chloroforme (Préparation du), 384.
- Chlorophylle (Verdissage des conserves alimentaires par la), 167.
- Chlorure d’hydrogène (Un nouveau), 143.
- Chrome'(Étude sur le), 31.
- Chrome en Californie (Dépôts de), 207.
- Circonférence (Rectification de la), 334,
- Cire du Ficus gummiflua, 79.
- Climat d’une île de guano, 286.
- •Colonies linéaires, 299, 411.
- Comète du sud (La grande), 174.
- Conduites d’eau souterraines et les grands hivers (Les), 95.
- Congélation (Explosions par), 209.
- Congrès des vignes françaises, 259.
- Conservation des animaux et des plantes, 326.
- 27
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- INDEX ALPHABÉTIQUE.
- Conservatoire desArtsetMétiers,94,575. Coralliaircs (Les), 18, 67.
- Coton et paille (Construction des maisons de), 334.
- Crânes des races humaines, 331, 363. Cristallisation de l’étain, 256,
- Cuirs d’alligator, 171.
- Cuivre et conserves alimentaires, 119. Cyclographe de M. Worthington, 80.
- D
- Dents de lait (Précocité des), 246. Dépotoirs des environs de Paris, 174. Déserts en Amérique (Culture des), 66. Désinfectant imprévu, 302.
- Digestifs d’origine végétale (Sur les ferments), 232.
- Dombes (Amélioration de la), 116. Düsseldorf (Exposition industrielle et artistique de), 235.
- E
- Eaux souterraines du Val d’Orléans, 250.
- Éboulement dans la forêt d’Ëvreux, 174, Éclairage du grand Opéra à Paris, 338. Écrevisses (Maladie des), 155.
- Effluve électrique, 159.
- Égouts de Paris (Projet d’achèvement des), 207.
- Électricité polaire des minéraux, 160. Électrique (Allumeur automatique de lumière), 63.
- Électrique au grand Opéra (Lumière), 219, 239, 254.
- Électrique d’Edison (Lampe), 54. Electrique à Paris (Usines), 268. Électriques dans le Sahara (Effets), 294. Électrique sous-marine de Marseille à Alger (Ligne), 402.
- Élevage des animaux de basse-cour, 60. Entomologie, 491.
- Éruption du volcan Fuego, 206, 000. Érythroplîléine, 31.
- Étain (Cristallisation de F), 256. États-Unis (Immigration aux), 259.
- Etna (Etat actuel de 1’), 231. Ethnographie (Musée d’), 182, 207. Expédition scientifique du «Travailleur», 154.
- Explorations zoologiques sous-marines à la Fosse de Cap-Breton, 152. Explosions par congélation, 209. Explosions spontanées, 143.
- Exposition de Bruxelles en 1880, 323. Exposition industrielle de Düsseldorf, 235.
- F
- Ferments digestifs d’origine végétale, 232.
- Fleurs (Couleurs des), 255.
- F’olie (Statistique de la), 238.
- Fonds de la mer (Expédition française pour l’exploration des), 126.
- Forces naturelles (Utilisation des), 354, 379.
- Foudre (Curieux effets de la), 66. Foudre (La mortalité par la), 94.
- Foudre sur les arbres (Effets de la), 322. Frein continu à air comprimé, système Westinghouse, 91.
- Fromage (Ferments du), 567.
- Fuego dans le Guatemala, 206, 259. Fulgurites calcaires, 358,
- G
- Gascogne (Exploration sous-marine dans le golfe de), 226.
- Gastrodisque du cheval, 176.
- Gaudin (M. A.), 174.
- Gaugain, 47.
- Gaz de liège, 583.
- Géants et nains, 62, 257.
- Gelée végétale (Nouvelle), 414.
- Genève (Géologie du canton de), 65. Géographie (Jeu pour apprendre la), 598. Géographique (Exploration), 414. Germes (Timorée des), 258.
- Gibier (Disparition du gros), 539. Glaciers (Les moulins des), 57.
- Graphite dans la Nouvelle-Zélande, 15. Grêle du 20 août 1880, 240.
- Gril hydraulique de MM. Clark et Slan-ficld, 65.
- Grisoumètre électrique, 570.
- Grotte à stalactites, 251.
- Grotte delle Palombe en Sicile, 86. Grottes du Han, 163.
- Guêpes et Guêpiers de France, 310. Guyane française et ses produits forestiers oléagineux, 275.
- Gymnastique des enfants, 397.
- H
- Han (Grottes du), 163. llatterie ponctuée (L’), 191.
- Havre (Le), 585.
- Heure vraie (Sur un moyen pratique d’avoir T), 269.
- Hiboux protégés en Angleterre (Les), 186.
- Histoire naturelle des animaux, 198. Hommes (Les premiers), 395.
- Humidité et organisme humain dans les mines, 154.
- Hydrate nouveau, 15,
- Hydrothérapique de Gaston Bozérian (Appareil), 77.
- I
- Illapel au Chili (Destruction par le tremblement de terre du 15 août 1880), 551.
- Incendies (Appareil électrique avertisseur des), 400.
- Insectariums, 151.
- Insectes nuisibles (Destruction des), 599. Institut agronomique, 351.
- Iles de la Heine-Charlotte, 287.
- Iode (La vapeur d’), 95.
- Isonèphes (Courbes), 180,
- J
- Japon (Richesses minérales du), 286. Jeûne de quarante jours du Dr Tanner (Le), 207.
- Jupiter (La lumière propre de), 390.
- K
- Kaloula (Le), 356.
- L
- Lait condensé (Fabrication du), 590. Laboratoires scientifiques à l’étranger (Les), 2.
- Lac de Tibériade (Faune du), 256. Lampe électrique d’Edison, 51.
- Langues celtiques (Les), 28.
- Lanterne de diffusion pour la lumière électrique, 125.
- Lassell, 410.
- Lentille à foyer variable du docteurCusco 53.
- Le Verrier et son œuvre, 102.
- Le Verrier (Statue de), 102.
- Liège (Gaz de), 383.
- Lissajous, 79.
- Locomotives américaines et locomotives françaises, 171.
- Loups (Destruction des), 78.
- Lumière électrique au grand Opéra , 219.
- Lune (Distance apparente de la), 128. Lunettes (Correction des), 95.
- M
- Machine à écrire de M. Mailing Hansen, 384.
- Machine à impression deM. Alissoff, 337.
- Machine à vapeur (Les progrès de la), 387.
- Machines dynamo-électriques de Siemens et llefner-Alteneck, 100.
- Maladie du Saint-Gothard, 31.
- Médaille commémorative, 142.
- Melbourne et l’Exposition universelle de 1880,
- Mer intérieure d’Algérie, 287. *
- Métallurgie électrique, 110.
- Métaux (Les nouveaux), 95.
- Météorites d’Emmet-Countv, 47.
- Météorite, 95.
- Météorologie de mai, juin, juillet, août, septembre, octobre 1880, 47, 145, 223, 503, 367, 415.
- Météorologique aux États-Unis (Mois), février, mars, avril, mai, juin 1880, 11, 112, 287, 510.
- Météorologique international des États-Unis (Le service), 22.
- Météorologique observé à Courtry (Phénomène), 298.
- Métrologique (Nouveau bureau), 518
- Mica chez les Indiens (Emploi du), 71.
- Minéraux primitifs (Reproduction artificielle des), -394.
- Mines (Humidité dans les), 154.
- Miroirs magiques, chinois et japonais, 26.
- Missions scientifiques françaises à Sumatra, 42,
- Mortalité par la foudre, 62.
- Morve (Contagion de la), 238.
- Moteurs à air chaud, 187.
- Moteur à pétrole, 588.
- Moteurs de petite puissance. Le moteur Tyson, 11.
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- INDEX ALPHABÉTIQUE
- 419
- Moulins des glaeiers (Les), 57.
- Mousses (Structure des), 128.
- Moutons algériens (Résistance des), 80. Musée d’Ethnographie, 182, 207.
- Myer (Albert), 502.
- N
- Nains et géants, 02, 257.
- Narcolepsie, 31.
- Narcotique (Un nouveau), 171.
- Nébulosité du ciel en Europe, 180. Nègres (Crânes des races), 331, 503. Nevada (Curiosités naturelles du), 520. Niagara privé d’eau (Chute du), 214. Nickel malléable (Procédé pour rendre le), 175.
- Nids de l’Oxipogon de Guérin, du Ram-phomicron, 40, 200.
- Niger (Expédition scientifique au), 502. Nuages (Coloration des), 238.
- O
- Observatoire de Paris, 1.
- Odeurs de Paris, 289, 518.
- Oiseaux (Architecture des), 40, 200. Oiseaux empaillés du Muséum d’histoire naturelle de Londres, 27, 70-Optique géométrique à la Faculté de médecine de Paris (Enseignements de F), 283, 529.
- Orages de juillet 1880, 134, 159.
- Orages volcaniques, 366.
- Oranges aux États-Unis (Les), 30. Oxygène (Compressibilité de 1’), 399. Ozone (Production de P), 142, 599. Ozone (Propriétés de 1’), 289.
- P
- l’apaïne-Caricine, 232.
- Pallanzani (Statue de), 552.
- Papier d’archives, 123.
- Papin (Statue à), 191, 222.
- Parfums (Région des), 127.
- Paulownia, 113.
- Pellagre en Italie, 320, 352,
- Pénaud (C. A.), 550.
- Pendules mystérieuses de M. Rosset, 95. Pesanteur à Paris (La), 270.
- Pétrole (Moteur à), 388. Pharmaceutiques de secours (Boîtes), 59.
- Photographie instantanée en ballon libre, 391.
- Photographie solaire, 95, 112. Photophonc (Le), 270, 273, 519, 334, 335, 341, 367, 398.
- Phylloxéra, 31, 111, 352,383,400. Physique sans appareils (La), 7, 46, 71, 108, 183, 251, 280. 356.
- Physique solaire, 222.
- Pierres cassées du Sahara (Les), 90.
- Pile Reynier, 155,
- Pinières de la Sologne, 234.
- Planétaire (Un nouveau), 17.
- Plantes qui se naturalisent en Californie, 78.
- Plan incliné de Pittsburgh, 527.
- Plans inclinés automoteurs des mines de la Grand'Combe (Gard), 52.
- Pluies en France (Régime des), 145. Podomètre (Un nouveau), 160.
- Poids et mesures (Commission internationale des), 318.
- Pluie de sang au Maroc, 262. I’olyphemus (Le), 159.
- Pont de Syzran sur la Volga, 559.
- Pont de Tav (Enquête sur la catastrophe du), 193.
- Ponts de l’ancien Cambodge, 225. Postales aux États-Unis (Cartes), 255. Poussières de l’air, 79.
- Prix académiques, 289.
- Prix Volta, 78.
- Prolilographe de M. Dumoulin, 51. Prurigo du Rouget, 315.
- Pulpe de café, 355.
- Pulvérisateur agricole, 298.
- Q
- Quinquinas à Java (Les), 112.
- R
- Racine de Pandanus, 552.
- Radiographe de M. Winstanley, 211.
- Rails en Europe (Production des), 30.
- Ramie (Histoire de l’introduction de la), 98, 150.
- Réfrigération humaine, 122.
- Reproduction des dessins industriels et des plans par des procédés photographiques, 166.
- Reptiles fossiles, 335.
- Robinet (Un bon système de), 294.
- Rond dans les pinières de la Sologne (Maladie du), 234.
- Rouget (Prurigo du), 315.
- Routes (Inclinaison des), 211.
- Rytiodus dans le falun aquitanien (Découverte d’un squelette entier de), 321.
- S
- Sang dératé (Résistance au), 46, 552.
- Seine-Maritime (Le département de la), 585.
- Sels (Solubilité des), 159.
- Sénégal au Niger (Du), 274.
- Sicile et la science (La), 127.
- Signaux par l’éclairage, 158.
- Singes aux Indes (Apprivoisement des). 127.
- Sinistre aérien (Un), 111, 206.
- Siphon du canal Saint-Martin (Le), 167.
- Société botanique de Franco, 7, 62, 74, 126.
- Société chimique de Paris, 7, 45, 74, 126,190, 214, 390.
- Société des Amis des sciences, 351.
- Société française de physique, 6,18, 62, 99,214,391,411.
- Société géologique de France, 6,18, 62, 126.
- Sociétés savantes des départements à la Sorbonne (Réunion générale des) , 10.
- Soja hispida (Le), 15.
- Soufre (Cristallisation du), 414.
- Source intermittente dans le Centre-Amérique, 14.
- Stalactites (Grotte à), 251.
- Station chronométrique à Besançon, 79.
- Statistique de Paris, 399.
- Statistique (Une singulière), 15.
- Statistique graphique (La), 26b.
- Statue de Denis Papin à Blois, 222.
- Steamer modèle, 158.
- Sucre (Statistique de la consommation du), 14.
- Sumatra (Missions scientifiques françaises à), 42.
- Superphosphate de chaux (Fabrication du), 381.
- Syphon recorder de sir William Thomson, 220.
- T
- Tahiti annexée aux colonies françaises, 305.
- Tapis turcs, 410.
- « Taquin », nouveau jeu mathématique, 81,266.
- Teinture des fibres (Influence de la capillarité dans la), 338.
- Télégraphe hydrostatique, 573.
- Télégraphie sous-marine, 220, 362.
- Téléphone de M. Hopkins, 308.
- Téléphoniques à Paris (Les communications), 203, 241.
- Tempêtes de l’Atlantique septentrional et la prévision du temps en Europe (Les), 55.
- Terre (Poids de la), 255.
- Terre (Régions profondes de la), 46.
- Thé en Chine (Commerce du), 127.
- Thermomètre extra-sensible, 151.
- Tibériade (Faune du lac de), 256.
- Tombeaux antiques en Sicile, 175.
- Torpille (Fonction électrique de la), 87, 139.
- Tourniquet électrique de MM. de Fon-vielle et Lontin, 15.
- Trains de voyageurs (Suppression des arrêts des), 291,362.
- Tranchées (Machine à creuser les), 309.
- Travailleur (Campagne scientifique du), 175.
- Tremblement de terre à Manille, 159.
- Tremblement de terre au Chili, 314.
- Tremblement de terre dans la Turquie d’Asie, 206.
- Tremblements de terre à Smyrne, 320.
- Tremblements de terre (Échelle d’intensité des), 366.
- Tremblements de terre en Autriche, 398,
- Tremblements de terre (Urigine des), 14.
- Tremblements de terre en Suisse et en Italie, 94,118, 275, 322.
- Tremblements de terre et leur étude scientifique, 35, 85.
- Tremblements de terre des îles Philippines, 289.
- Tremblements de terre (Prévision des époques des), 331.
- Trombe observée à Norwich, en Angleterre, 213.
- Tuniciers (Les), 215.
- Turquoises en Perse (Mines de), 169.
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- 420
- INDEX ALPHABÉTIQUE
- U
- Usines électriques à Paris (Les), 268.
- V
- Végétaux utiles, 413.
- Verdissage des conserves alimentaires par la chlorophylle, 166.
- Verre (Procédés pour couper le), 320. Verre trempé (Sur les dangers du), 239.
- Viande (Altération de la), 111.
- Vie (Origines et développement de la), 18, 67,134, 215, 246, 299, 541, 411. Vigne nouvelle (Une), 255.
- Vignes du Soudan, 383.
- Vignes françaises à Clermont-Ferrand (Congrès des), 259.
- Vignes philloxérées (Guérison des), 80. Vision des nombres (De la), 196.
- Voiture mécanique au dix-septième siècle (Une), 160.
- Volcan Fuego dans le Guatemala (Éruption du), 206, 239, 286.
- w
- Wilhelmshavcn, 406.
- Z
- Zébu (Un nouveau), 160.
- Zinc (Diffusion du), 80.
- Zoologique sous-marine du navire de l’État, le 'Travailleur (Exploration], 226.
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- LISTE DES AUTEURS
- PAll ORDRE ALPHABÉTIQUE
- B. (A.). — Sur un moyen pratique d’avoir l’heure vraie, 269
- Bâclé (L.). — Plans inclinés automoteurs des mines de la Grand’Combe (Gard), 52. — Frein continu à air comprimé, système Westinghouse, 91. — Le chemin de fer funiculaire du Vésuve, 147. — L’enquête sur la catastrophe du pont de Tay, 193. — L’exposition industrielle et artistique de Düsseldorf, 235. — Le chemin de fer funiculaire à crémaillère du Giessbach, 295. — Plan incliné de Pittsburgh (États-Unis), 327. —Le pont de Syzran sur la Volga, 359.
- Baret (Louis). — Sur l’origine des tremblements de terre, 14.
- Bert (Paul). — Une première leçon de l’histoire naturelle des animaux, 198-
- Bertillon (J.). — Les langues celtiques, 28. — Paul Broca, 177. — De la vision des nombres, 196. — Nains et géants, 257.
- Blerzy (H.). — L’assainissement de la Dombes, 116.
- Boissay (Ch.) — Les chemins de fer à voie étroite en France, 186. — L’inclinaison des routes, 211.
- Bonnier (Gaston). — Les laboratoires scientifiques à l’étranger, 2.
- Brun (J.). — Les pierres cassées du Sahara, 90. — Sur une pluie de sang au Maroc, 262. — Fulgurites calcaires observées dans le Jura, 358.
- Cléhàndot (L.). — Lanterne de diffusion pour la lumière électrique, 125.
- Cortambert (E.). —Tahiti annexée aux colonies françaises, 305.
- Cortambert (Richard).— Melbourne et l’Exposition universelle de 1880, 121. — Le département de la Seine-Maritime. Chef-lieu : le Havre, 385.
- Decaisne (J.). — Historique de l’introduction de la Ramie, 98, 150.
- Delauney (J.). — Prévision des époques des grands tremblements de terre, 351.
- Delfortiue (E.).— Découverte d’un squelette entier de Rytio-dus dans le falun aquitanien, 321.
- Desmarets (Paul). — Photographie instantanée en ballon libre, 391.
- Devillario (H.). — Ravages causés par les chenilles, 107.
- Drée (St. de).— Les mines de turquoises en Perse, 169.
- Eckorst (Emilio). — Sur le tremblement de terre du 15 août 1880 au Chili, 314.
- Franck (Dr François). — Sur la fonction électrique de la torpille, comparée à la fonction musculaire, 87, 139.
- Fron (E.). — Météorologie de mai, juin, juillet, août, septembre, octobre 1880, 47, 143, 223, 303, 367, 415.
- Fuller (le Révérend Dr). — Comment la chute du Niagara se trouva privée d’eau le 31 mars 1848.
- Gaillot. — Le Verrier et son œuvre, 102.
- Gariel (C. M.).— Lentille à foyer variable du docteur Cusco, 33. — Le siphon du canal Saint-Martin, 167.— L’Exposition de Bruxelles en 1880, 323.
- Garnier (Ch.). — Sur l’éclairage électrique du grand Opéra de Paris, 239.
- Girard (Ch.). — Les grands produits chimiques à l’Exposition universelle de 1878. Industrie du chlore, du brome et de l’iode; fabrication du superphosphate de chaux, 129, 243, 381.
- Girard (Maurice). — Réunion générale des sociétés savantes des départements à la Sorbonne (avril 1880), 10. — L’alcool et la strychnine, 66. — La réfrigération humaine, 122. — La structure des mousses, 128. —Le Gastrodisque du cheval, 176. — La maladie du rond dans les pinières de la Sologne, 234. — Du Sénégal au Niger, 274. — Guêpes et guêpiers de France, 310. — Le télégraphe hydrostatique, 373.
- Guébhard (Ad.). — La physique sans appareils, 46.— L’enseignement de l’optique géométrique à la Faculté de médecine de Paris, 283, 329.
- Grad (Ch). — Les ports militaires de l’Allemagne: Wilhelms-haven, 406.
- Hagenbach (Ed.). — Explosions par congélation, 209.
- Hamy (E. T.). — Missions scientifiques françaises à Sumatra, 42. — Le musée d’Ethnographie, 185.
- Harmand (Dr). — Les ponts de l’ancien Cambodge, 225. — La Guyane française et ses produits forestiers oléagineux, 275.
- Heim (Albert). — Les tremblements de terre et leur étude scientifique, 35, 83.
- Henrez (Prosper). — Suppression des arrêts des trains de voyageurs. Système d’accrochage des voitures par les trains en marche, 291, 362.
- Hospitalier (E.). — Moteurs de petite puissance ; le moteur Tyson, 11. —Lanouvelle bougie électrique de M. Jamin, 39.
- — Machines dynamo-électriques et régulateur à courants continus de MM. Siemens et Hefner-Alleneck, 100. — La métallurgie électrique, 110. — Les moteurs à air chaud, 187. — Les communications téléphoniques à Paris, système Edison et système Gower, 203, 241. — Sur l’éclairage électrique à l’Opéra, 254. — Les usines électriques de Paris ; le Salon de peinture; l’avenue de l’Opéra, 268. — Le photophone de MM. Graham Bell et Sumner Tainter, 273, 341.
- — L’utilisation des forces naturelles et leur emmagasinement, 354, 379.
- Lapeyrère (E.). — Synthèse de l'alcool, 231.
- Letort (Ch.). — Les progrès de la Bibliothèque nationale à Paris, 43.
- Mégnin (P.). — Le Prurigo du Rouget, 315.
- Meunier (Stanislas).— Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, 15, 31, 46, 63, 79, 95, 111, 127, 142, 159, 175, 190, 206, 222, 238, 255, 271, 287, 302, 319,
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- 422
- LISTE DES AUTEURS PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE.
- 355, 352, 366, 383, 399, 415. —Les moulins des glaciers, 57. — Nouveaux progrès de la Botanique fossile, 290. — Reproduction artificielle des minéraux primitifs, 394
- Milne-Edwards (Alph.) — Compte rendu sommaire d’une exploration zoologique sous-marine faite dans le golfe de Gascogne par le navire de l’Etat « le Travailleur», 226.
- Moreau (Armand). — Phénomène météorologique observé à Courtry (Seine-et-Marne), 298.
- Mouchez (E.). — Observatoire de Paris. Organisation des études des élèves astronomes, 1.
- Moureaux (Th.).—Mois météorologique aux Etats-Unis, 11, 112, 287, 310. — Régime des pluies en France pendant l’année 1878, 145. — Le service météorologique international du « Signal Service » des États-Unis, 22.
- Nadaillac {le marquis de). — Les premiers hommes et les temps préhistoriques, 395.
- Niaudet (A.). — Pile Reynier, 155. — Ligne électrique sous-marine, de Marseille à Alger, 402.
- Olivier (Louis). — Sur les oiseaux empaillés, 70.
- Oustalet (E.). — L’architecture des oiseaux ; le nid de l’Oxy-pogon de Guérin; le nid du Ramphomicron microrhyncum, 40, 200.
- I’errier (Ed.). — Les origines et le développement de la vie. Les coralliaires. — Transformation des colonies de polypes hydraires en coralliaires. — Les Bryozoaires. — Les Tuni-ciers. — La vie sociale et le développement des Tuniciers.— Les colonies linéaires. — La division du travail dans les colonies linéaires, 18,67,134, 215, 246, 299, 547, 411.
- Pevrieux.— Sur les dangers du verre trempé, 239.
- Pjarron de Mondesir. — Le dernier mot du « Taquin », 266.
- Poisson (J.). — Les végétaux utiles, souvenir de l’Exposition de 1878, 113.
- Prunier. — Falsification du café par la chicorée, 86.
- Renou (E.). — De la nébulosité du ciel en Europe. Courbes iso-nèphes.
- Rev (Dr Philupe). — Les Botocudos en 1878, 161.
- R. (L.). — Gril hydraulique de MM. Clark et Stanfield, 65.
- Richer (Dr P.). — De l’aimant en médecine, 75.
- Rogée (Dr). — Sur la grêle du 29 août observée à Saint-Jean-d’Angély, 240.
- Sausset. —Sur une chambre noire faite avec un tonneau, 515.
- Sauvage (E.).— L'Ilatterie ponctuée, 191.
- S. (H.). — Les tempêtes de l’Atlantique septentrional et la prévision du temps en Europe, 55.
- Sauvage (E.). — Le Kaloula, 336.
- Simonin (L.). —Les chemins de fer aux États-Unis, 202.
- Sircodlon (V.). — Sur un bâton cassé au-dessus de deux verres, 46.
- Soubeiran (J. L.). — Insalubrité de la chair de porc de provenance américaine, 122.
- Springer (Maurice). — L’anesthésie chirurgicale, 49.
- Tedeschi di Ercole (V.). — La grotte delle Palombe sous les monti Rossi, en Sicile, 86. — Treizième Congrès des alpinistes italiens, 138. — Découverte de tombeaux antiques en Sicile, 175. — L’état actuel de l’Etna, 231. — Le pulvérisateur agricole du docteur Ursino, 298.
- Thiersant (P. de). — Curieuse source intermittente dans le Centre-Amérique, 14. — Sur le volcan Fuego, dans le Gua-témala, 238.
- Thouvenot. — Sur un thermomètre extra-sensible, 151.
- Tissandier (Gaston).— La physique sans appareils, 7, 71,108, 185, 251, 280, 356. — Miroirs magiques chinois et japonais, 27. — Les carrés magiques à propos du « Taquin», jeu mathématique, 81. — Une aurore boréale observée par le capitaine Hall, 97. — La statue de Le Verrier, 102. — Les explorations zoologiques sous-marines à la Fosse de Cap-Breton, 152. — L’expédition scientifique du «Travailleur» pour l’étude des fonds de la mer, 154. — Excursion aux
- grottes du Han, en Belgique, 163. — Le radiographe de M. D. Winstanley, 211. — La chimie de l'amateur, 263. — Monument commémoratif des ballons du siège de Paris, 272.
- — Les tremblements de terre des îles Philippines, 289. — Une visite à M. Grahnm Bell, 507.— De l’intluence delà capillarité dans la teinture des fibres végétales ou animales, 338. — L’éclairage du grand Opéra de Paris, 558. — La Bibliothèque de La Nature, 369. — Les agrandissemenis du Conservatoire des Arts et Métiers à Paris, 375.
- Trouvé (G.). — Perfectionnements apportés aux bobines de genre Siemens, 158.
- Yerneau (Dr). — Les crânes des races humaines par MM. de Quatrefages et Ifamy. Les races nègres, 331, 363.
- Vignes (E.). — Le papier d’archives, 123. — Les cuirs d’alligator, 170.— Avantages de la lumière électrique aux théâtres et particulièrement au grand Opéra, 219. — Précocité des dents de lait, 246. — La disparition du gros gibier, 339. — La fabrication perfectionnée du lait condensé, 590.
- X... — Aquariums et insectariums, 131.
- Z... (Dr). — Boîtes pharmaceutiques de secours et pharmacies portatives, 59.— Nouvel appareil hydrothérapique de M. Gaston Bozérian, 77. — La gymnastique des enfants, 597.
- Articles non signés. — Société géologique de France, 6, 18.
- — Société française de physique, 6, 18, 99, 214, 391, 411. — Société chimique de Paris, 7, 45, 74,190,214, 391.— Société botanique de France, 7,74. —Tourniquet électrique deMM.de Fonvielle et Lontin, 15. — Un nouveau planétaire, 17.
- — Le profilographe de M. Dumoulin, 31. — Les oiseaux empaillés du Muséum d’histoire naturelle de Londres, 27. — Les ruches d’abeilles qt les raffineries de sucre, 51. — La lampe électrique d’Edison, 54. — Elevage des animaux de basse-cour, 60. — Allumeur automatique de lumière électrique, système Reynier, 63. — Curieux effets de la foudre, 66. — Culture des déserts en Amérique, 66.
- — L’emploi du mica chez les Indiens, 71. — Le cyclographe de M. AYorthington, 80. — Les pendules mystérieuses de M. Rosset, 95. — Les tremblements de terre du 28 juin et du 4 juillet observés en Suisse, 118. — Le cuivre et les conserves alimentaires, 119. — Un baromètre à glycérine, 125.
- — Les orages des 13, 16 et 17 juillet 1880. — Une voiture mécanique au dix-septième siècle, 160. —Reproduction des dessins industriels par des procédés photographiques, 166.— Verdissage des conserves alimentaires par la clilorophylle, 166. —Un nouveau narcotique, 171. —Locomotives américaines et locomotives françaises, 171. —Les hiboux protégés en Angleterre, 186. — Le premier chercheur d’or, 203. — Balance barométrique de M. Redier, 208. — Une trombe observée à Norwich en Angleterre, 213. — La télégraphie sous-marine. Le syphon recorder de sir William Thomson, 220.
- — Sur les ferments digestifs d’origine végétale. Suc de Ca-rica papaya (papaïne-caricine), 232.— Les eaux souterraines du val d’Orléans, 250. — Une grotte à stalactites, 251. — Curieuse expérience sur la cristallisation de l'étain, 256. — Le Congrès des vignes françaises à Clermont-Ferrand, 259.
- — L’immigration aux États-Unis, 259. — La slalistique graphique au ministère des travaux publics, 260. — Tremblement de terre en Suisse, 275. — Un bon système de robinet, 294. — Effets électriques observés dans le nord du Sahara, 294. — Téléphone de M. Hopkins, 508. — Machine à creuser les tranchées de chemin de fer aux États-Unis, 509. — Le cabinet d’un amateur de sciences au dix-septième siècle, 317. — Procédés pour couper le verre, 320. — Effets de la foudre sur les arbres, 322. — Curiosités naturelles du Nevada, 326. — Conservation des animaux et des plantes, 326.
- — Machine à impression de M. Alissoff, 537. — Bateau-pliant, 540. — Appareil de démonstration des lois de la pesanteur, 353. — Télégraphie sous-marine, 562. — Le gri-soumètre électrique, 571. — Sur l’industrie delà bière en Europe, 579. — Machine à écrire de M. Mailing-Hansen, 384.
- — Les progrès de la machine à vapeur, 387. — La machine à pétrole de M. Brayton, 388. — Appareil électrique avertisseur des incendies, 400. — Appareil acoustique pour reconnaître en mer le lieu de production d’un son, 401. — Les tapis turcs, 410.
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- TABLE DES MATIÈRES
- N. B. Les articles de la Chronique, imprimés dans ce volume en petits caractères, sont indiqués
- dans notre table en lettres italiques.
- Astronomie.
- Observatoire de Paris. Organisation des études des élèves
- astronomes (E. Mouchez).............................. 1
- Un nouveau planétaire................................ 17.
- Le Verrier et, son œuvre (Gatllot)..................102
- La lumière propre de Jupiter (L. Niesten)...........390
- Photographie solaire...........................93, 142
- Correction des lunettes. . ......................... 95
- Distance apparente de la lune..........................128
- La grande comète du sud................................174
- La pesanteur à Paris...................................270
- Physique.
- La physique sans appareils (G. Tissandier) 7, 71, 108,
- 183, 251, 280, 356 Tourniquet éleetrique de MM. de Fonvielle et Lontin. . 15
- Miroirs magiques chinois et japonais (G. Tissandier) . . 26
- Lentille à foyer variable du Dr Gusco (G. M. Gariel) . . 33
- La nouvelle bougie électrique de M. Jamin (E. Hospitalier) ................................................ 39
- La physique sans appareils (A. Gcébhard).................. 46
- Sur un bâton cassé au-dessus de deux verres (V. Sircoulon;. 46
- La lampe électrique d’Edison.............................. 54
- Allumeur automatique de lumière électrique, système
- Reynier................................................. 63
- Machines dynamo-électriques et régulateurs à courants continus de MM. Siemens et Hefner-Alteneck (E. Hospitalier)...............................................100
- La métallurgie électrique (E. Hospitalier)................110
- Un baromètre à glycérine..................................123
- Lanterne de diffusion pour la lumière électrique (L. Clé-
- mandot).................................................125
- Sur un thermomètre extra-sensible (Thocyenot) . . . . 151
- Pile Reynier (A. Niaddet) ................................155
- Perfectionnements apportés aux bobines du genre Siemens (G. Trouvé)........................................158
- Les communications téléphoniques à Paris. Système Edison. Système Gower (Ed. Hospitalier) .... 203, 241
- Explosions par congélation (Ed. Hagenbach).............209
- Le radiographe de M. D. Winstanley (G. Tissandier) . . 211
- Avantages de l’application de la lumière électrique aux théâtres et particulièrement au grand Opéra (E. Vignes). 219 La télégraphie sous-marine. Le syphon recorder de sir William Thomson............................................220
- Sur l’éclairage électrique du grand Opéra de Paris (Ch.
- Garnier) (E. Hospitalier)............... 239, 254,
- Les usines électriques de Paris. Le Salon de peinture.
- L’avenue de l’Opéra (E. Hospitalier)................
- Sur un moyen pratique d’avoir l’heure vraie (l’abbé A. B.). Le photophone de MM. Graham Bell et Sumner Tainter
- (E. Hospitalier)................. 270, 273, 341,
- L’enseignement de l’optique géométrique à la Faculté de
- Médecine de Paris (Ad. Guébhard)............. 283,
- Une visite à M. Graham Bell (G. Tissandier)...........
- Téléphone de M. Hopkins...............................
- Sur une chambre noire faite avec un tonneau (Sausset). Télégraphie sous-marine. Le « Repeater » Van Choate. ,
- Le grisoumètre électrique..............................
- Le télégraphe hydrostatique (Maurice Girard)...........
- Photographie instantanée en ballon libre (P. Desmarets).
- Appareil électrique avertisseur des incendies..........
- Appareil acoustique pour reconnaître en mer le lieu de
- production d'un son.................................
- Ligne électrique sous-marine de Marseille à Alger (A.
- Niaudet)............................................
- Le prix Volta.........................................
- Sur l'effluve électrique..............................
- Électricité polaire des minéraux......................
- La Commission internationale des poids et mesures.
- Nouveau Bureau métrologique............................
- Le photophone.............................. 319 , 334,
- Variations des aréomètres. ...........................
- Le photophone appliqué à la physique solaire . , .
- Chimie
- Falsification du café par la chicorée (Prunier).......
- Le cuivre et les conserves alimentaires...............
- Le papier d’archives (E. Vignes)......................
- Les grands produits chimiques à l’Exposition universelle de 1878. Industrie du chlore ; brome et iode; fabrication du supersphosphate de chaux (Ch. Girard). 129,
- 243,
- Reproduction des dessins industriels et des plans par des
- procédés photographiques............................
- Verdissage des conserves alimentaires par la chlorophylle.
- Synthèse de l’alcool (E. Lapetrère)...................
- Sur les ferments digestifs d’origine végétale. Suc de
- Carica papaya (papaïne-caricine)....................
- Sur les dangers du verre trempé (Peïrieux)............
- Curieuse expérience sur la cristallisation de l’étain. . . La chimie de l’amateur (G. Tissandier)................
- 338
- 268
- 269
- 398
- 329
- 307
- 308 315 362 371 373 591
- 400
- 401
- 402 78
- 159
- 160 318 318 335 352 367
- 86
- 119
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- 166
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-
- 424
- TABLE DES MATIÈRES.
- De l’influence de la capillarité dans la teinture des fibres
- végétales ou animales (G. Tissandier)..............
- La fabrication perfectionnée du lait condensé (E. Vignes).
- Le Soja hispida ......................................
- Liquide antiseptique................................ .
- Hydrate nouveau......................................
- Étude sur le chrome..................................
- La cire du Ficus gummiflua . ........................
- Les nouveaux métaux.............................
- La vapeur d’iode.............................. .
- Production de l'ozone.................................
- Explosions spontanées................................
- Un nouveau chlorure d'hydrogène......................
- Solubilité des sels...........................
- Procédé pour remire le nickel malléable..............
- Acides métalliques...................................
- Les odeurs de Paris . ......................... .
- Propriétés de l'ozone................................
- Dissociation.........................................
- Un désinfectant imprévu, ............................
- Les odeurs de Paris..................................
- Classification du bore.............. ................
- La pulpe de café................................
- Les ferments du fromage, ............................
- Le gaz de liège..................... . .
- Préparation du chloroforme...........................
- Matières alimentaires................................
- Compressibilité de l’oxygène.........................
- Liquéfaction de l’ozone..............................
- Nouvelle gelée végétale..............................
- Cristallisation du soufre............................
- Météorologie. — Physique du globe. Géologie. — Minéralogie.
- Mois météorologiques aux États-Unis (Th. Movreaux). 11,
- 112, 287,
- Curieuse source intermittente dans le Centre-Amérique
- (P. de Thiersant)................................
- Sur l’origine des tremblements de terre (L. Bauet) . . . Le service météorologique international du Signal Service
- des États-Unis (Th. Moureaox)....................
- Les tremblemeuts de terre et leur étude scientifique
- (Albert Heim).................................35,
- Météorologie de mai, juin, juillet, août, septembre, octobre 1880 (E. Fron). . 47, 143, 223, 305, 367, Les tempêtes de l’Atlantique septentrional et la prévision du temps en Europe (H. S.)......................
- Les moulins des glaciers (Stanislas Meunier).........
- Curieux effets de la foudre observés en Suisse pendant
- l’orage du 17 juin 1880 .......................... .
- La grotte delle Palombe sous les Monti Rossi, en Sicile.
- Les pierres cassées du Sahara (J. Brun)..............
- Une aurore boréale observée par le capitaine Hall (G. T.). Les tremblements de terre des 28 juin et 4 juillet, observés en Suisse.....................................
- Un baromètre à glycérine...........................
- Les orages des 15, 16 et 17 juillet 1880 ..........
- Régime des pluies en France pendant l’année 1878 (Th.
- Moureaux)........................................
- La nébulosité du ciel en Europe. Courbes isonèphes
- (E. Renou).......................................
- L’éruption du volcan Fuego dans le Guatemala (P. de
- Thiersant).......................................
- Balance barométrique de M. Redier..................
- Le radiographe de M. D. Winstanley (G. Tissandier) . . Une trombe observée à Norwich, en Angleterre. . . . Comment la chute du Niagara se trouva privée d’eau le
- 31 mars 1848 (Dr Fuller).........................
- L’état actuel de l’Etna (V. Tedeschi di Ercoi.e)...
- Sur le volcan Fuego dans la Guatemala (P. de Thiersant). Sur la grêle du 20 août observée à Rochefort et à Saint-
- Jean-d’Angély (C.) (Dr Rogée)....................
- Les eaux souterraines du val d’Orléans.............
- Une grotte à stalactites...........................
- Sur une pluie de sang au Maroc (J. Brun).............262
- Les tremblements de terre des îles Philippines, 18, 20 et
- 22 juillet 1880 (G. Tissandier)....................289
- Effets électriques observés dans le nord du Sahara. . . 294
- Phénomène météorologique observé à Courtry (Seine.-et-
- Marne).............................................298
- Sur le tremblement de terre du 15 août 1880 au Chili
- (E. Eckhorst)......................................315
- Effets de la foudre sur les arbres...................322
- Curiosités naturelles du Nevada .....................326
- Prévision des époques des grands tremblements de terre
- (J. Delauney). ....................................531
- Eulgurites calcaires observées dans le Jura (J. Brun) . . 558
- Reproduction artificielle des minéraux primitifs (S. Meunier) .......................................... 394
- Le graphite dans la Nouvelle-Zélande ... . . 15
- Composition de l’atmosphère.......................... 15
- Un vieux château tombé à la mer...................... 30
- Proportion d’acide carbonique contenu dans l’atmosphère .........................................46, 111
- Constitution des régions profondes de la terre. ... 46
- Les météorites d’Emmet-County..................... 47
- La mortalité par la foudre........................ 62
- Géologie du canton de Genève...................... 63
- La chaux cristallisée............................. 79
- Poussières de l’air............................. 79
- Diffusion du zinc................................. 80
- Tremblements de terre en Suisse et en Italie . .94, 522
- La mortalité par la foudre........................... 94
- Météorite............................................ 95
- Tremblement de terre à Manille.......................159
- Orage ... 159
- Éboulement dans la forêt d’Évreux....................174
- Tremblement de terre dans la Turquie d'Asie. . . . 206
- Coloration des nuages................................238
- Le Bureau central météorologique.....................271
- Tremblements de terre en Suisse. ....................275
- Phénomènes volcaniques dans le Guatemala .... 286
- Climat d’une lie de guano............................286
- Les tremblements de terre de Smyrne ...... 320
- Destruction de la ville d’Ulapel au Chili, par le tremblement de terre du 15 août 1880 ................ 351
- Échelle d’intensité des tremblements de terre .... 366
- Les orages volcaniques...............................366
- Tremblements de terre en Aidriche....................398
- Sciences naturelles. — Zoologie. — Botanique.
- Paléontologie.
- Les origines et te développement de la vie. Les coral-liaires. — Transformation des colonies de polypes hy-draires en coralliaires. — Les Bryozoaires. — Les Tuniciers. — La vie sociale et le développement des Tuniciers. — Les colonies linéaires. — La division du travail dans les colonies linéaires (Ed. Perrier). 18,
- 67, 134, 215, 246, 299, 347, 4M Les oiseaux empaillés du Muséum d’histoire naturelle de
- Londres................................................... 27
- L’architecture des oiseaux. Le nid de l’Oxypogon de Guérin. Le nid du Rhamphomicron microrhyncum
- (E. Oustalet)................................... 40, 200
- Sur les oiseaux empaillés (Louis Olivier).................. 70
- Historique de l’introduction de la Ramie (J. Décaissé). 98, 150 Les végétaux utiles. Souvenirs de l’Exposition de 1878
- (J. Poisson)............................................. 413
- La structure des mousses (M. Girard).......................128
- Aquariums et insectariums (X...).......................... 131
- Les explorations zoologiques sous-marines à la Fosse de
- Cap-Breton (G. Tissandier) ...............................152
- Exploration zoologique sous-marine faite dans le golfe de Gascogne par le navire de l’État le Travailleur (Alph.
- Milne-Edwards)............................................175
- Le Gastrodisque du cheval (Maurice Girard).................176
- L’Hattérie ponctuée (Ë. Sauvage)...........................191
- 338
- 391
- 15
- 15
- 15
- 31
- 79
- 95
- 95
- 142
- 143
- 143
- 159
- 175
- 256
- 271
- 271
- 302
- 302
- 318
- 319
- 335
- 367
- 383
- 384
- 384
- 399
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- 414
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-
- TABLE DES MATIÈRES.
- 425
- Une première leçon de l’histoire naturelle des animaux
- (Paul Bertj.........................................198
- Compte rendu sommaire d’une exploration zoologique sous-marine, faite dans le golfe de Gascogne par le navire de l’État le Travailleur (Alph. Milne-Edwabds). 226 La Guyane française et ses produits forestiers oléagineux
- (Dr J. Harmand).....................................275
- Nouveaux progrès de la botanique fossile (Travaux de
- M. Renault) (S. Meunier)..................., 290
- Guêpes et guêpiers de France (M. Gi-ard)................510
- Découverte d’un squelette entier de Rytiodus dans le
- falun aquitanien (E. Delfortrie)....................521
- Conservation des animaux et des plantes.................526
- Le Kaloula (E. Sauÿage).................................356
- La disparition du gros gibier (E. Vignes)...............559
- Plantes qui se naturalisent en Californie............... 78
- Les Ravages de V « Army-Worm » dans le New-Jersey. 155
- Maladie des écrevisses..................................155
- Un nouveau zébu.........................................160
- Entomologie.............................................191
- De la couleur des fleurs................................255
- Faune du lac de Tibériade...............................256
- Atlas dè botanique. ... 303
- Reptiles fossiles.......................................335
- Rotanique fossile...................................... 415
- Paléontologie.. . „.....................................415
- Géographie. — Voyages d’exploration.
- Missions scientifiques françaises à Sumatra (E. T. Hamy). 42 Melbourne et l’Exposition universelle de 1880 (Richaro
- Cortambert)......................................120
- L’expédition scientifique du Travailleur pour l’étude des
- fonds de la mer (G. Tissandier)..................154
- Excursion aux grottes du Han, en Belgique (G. Tissandier). 163 Les mines de turquoises en Perse (St. de Drée) .... 169
- Les ponts de l’ancien Cambodge (Dr J. IIarmand) .... 225
- La Guyane française et ses produits forestiers oléagineux
- (Dr J. Harmand)..................................275
- Tahiti annexée aux colonies françaises (E. Cortambert) . 305
- Le département de la Seine-Maritime; chef-lieu : le Havre
- (R. Cortambert)............................... 385
- Les ports militaires de l’Allemagne (Ch. Grad).......406
- Exploration géologique du Brésil..................... 63
- Carte des Alpes......................................111
- Expédition française pour l’exploration des fonds de
- la mer...........................................126
- Nouveau jeu pour apprendre la géographie.............839
- La région des parfums................................127
- Conquête scientifique de VA frique...................190
- Le poids de la terre.................................255
- Les terrains incultes de la Chine....................286
- Richesses minérales du Japon.........................286
- Les lies de la Reine-Charlotte.......................287
- Expédition scientifique au Niger.....................302
- Expédition arctique....................................519
- Exploration géographique......................• 414
- Anthropologie.— Ethnographie. — Sciences préhistoriques.
- Les langues celtiques (J. Bertillon)................... 28
- Les Botocudos en 1878 (Dr Philippe Rey)................161
- Le musée d’Ethnographie (E. T. Hamy).......... 182, 207
- De la vision des nombres (J. Bertillon!................196
- Nains et géants (.1. Bertillon)........................257
- L’immigration aux États-Unis...........................259
- Du Sénégal au Niger (Maurice Girard)...................274
- Les crânes des races humaines par MM. de Quatrefages et
- Hamy. Les races nègres (Dr Verneau)....... 331, 565
- Les premiers hommes et les temps préhistoriques (le marquis de Nadaillac).....................................395
- Géants et nains..................................... • 62
- Découverte de tombeaux antiques èn Sicile .... 175
- Mécanique. — Art de l’ingénieur — Travaux publics. — Arts industriels.
- Moteurs de petite puissance. Le moteur Tyson (E. H.) . 11
- Le profilographe de M. Dumoulin....................... . 31
- Plans inclinés automoteurs des mines de la Grand’Combe
- (Gard) (L. Iîaclé).................................... 52
- Le cyclographe de M. Worthington......................... 80
- Frein continu à air comprimé, système Westinghouse
- (L. Bâclé)............................................ 91
- Les pendules mystérieuses de M. Rosset ....... 95
- La métallurgie électrique (E. Hospitalier)...............110
- L’assainissement de la Dombes (II. Blerzy)............116
- Le chemin de fer funiculaire du Vésuve (L. Bâclé). 147
- Une voiture mécanique au dix-septième siècle..........160
- Le siphon du canal Saint-Martin (C. M. Gariel). . . . 167
- Les cuirs d’alligator (Ed. Vignes).......................170
- Locomotives américaines et locomotives françaises ... 171
- Les chemins de fer à voie étroite en France (Ch. Boissay). 186
- Les moteurs à air chaud (E. Hospitalier)..............187
- L’enquête sur la catastrophe du pont de Tay (L. Bâclé). 193 Les chemins de fer aux États-Unis (L. Simonin) .... 202
- L’inclinaison des routes (Ch. Boissay)...................211
- Les ponts de l’ancien Cambodge (Dr Harmand) .... 225
- Suppression des arrêts des trains de voyageurs. Système d’accrochage des voitures par les trains en marche
- (Prosper Haniiez)..........................„ 294, 362
- Un bon système de robinet . . ...................294
- Le chemin de fer funiculaire à crémaillère du Giessbach
- (L. Bâclé)...........................................295
- Machine à creuser les tranchées de chemin de fer aux
- États-Unis...........................................309
- Procédés pour couper le verre.........................320
- Plan incliné de Pittsburgh (États-Unis) (Li Bâclé) , . . 327
- Machine à impression de M. Alissoff...................337
- Appareil da/üémonstration des lois de la pesanteur et des
- divers principes de mécanique................... 353
- L’utilisation des forces naturelles (E. Hospitalier) 354, 379
- Le pont de Syzran sur la Volga (L. Bâclé).............359
- Machine à écrire de M. Mailing Hansen.................584
- Les progrès de la machine à vapeur....................387
- Le moteur à pétrole de M. Brayton.....................388
- Les tapis turcs.......................................410
- Vitesse des boulets de canon ............................ 63
- Une station chronométrique à Besançon.................... 79
- Les conduites d'eau souterraines et les grands hivers. 95
- Le canal interocéanique..................................143
- Un nouveau podomètre.....................................160
- Le chemin de fer sous-marin entre la France et l’Angleterre............................................. 174
- Les dépotoirs des environs de Paris......................174
- Utilisation industrielle de la chaleur solaire . . . ., 191
- Projet d’achèvement des égouts de Paris..................207
- Dépôts de chrome en Californie...........................207
- La pesanteur à Paris................................... 270
- La mer intérieure de l’Afrique...........................287
- Emploi du coton et de la paille pour la construction des maisons aux États-Unis........................... 334
- Physiologie. — Médecine. — Hygiène.
- L’anesthésie chirurgicale (Maurice Springer)............. 49
- Boîtes pharmaceutiques de secours et pharmacies portatives (Dr Z.).......................................... 59
- L’alcool et la strychnine (M. G.)........................ 66
- De l’aimant en médecine (Dr P. Richer) ....... 75
- Nouvel appareil hydrothérapique de M. Gaston Bozérian
- (Dr Z.)............................................... 77
- Sur la fonction électrique de la torpille, comparée à la
- fonction musculaire (Dr Fr. Franck)............87, 139
- Insalubrité de la chair de porc de provenance américaine
- (J. L. Soubeiran) ....................................122
- La réfrigération humaine (M. G.) . . .................122
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-
-
-
- 426
- TABLE DES MATIÈRES.
- Ravages causés par les morsures des serpents et des chiens
- enragés dans l’Inde..............................
- Un nouveau narcotique^..............................
- Le gastrodisque du cheval (Maurice Girard) ... . . . Sur les ferments digestifs d’origine végétale; suc de Ca-
- rica papaya (Papaïne-caricine)...................
- Précocité des dents de lait (Ed. Vignes)............
- Le Prurigo du Rouget (P. MégninI....................
- La gymnastique des enfants (Dr Z...)................
- La narcolepsie......................................
- Effets physiologiques de Vérythrophléine............
- La maladie du Saint-Gothard.........................
- Résistance au sang de rate..........................
- Altération de la viande.............. ..............
- Etiologie du charbon...................................
- Origine du charbon..................................
- Le choléra et les Japonais..................... • •
- Un centenaire.......................................
- Préservation du charbon.............................
- Lejeune de 40 jours du docteur Tanner...............
- La théorie des germes...............................
- Contagion de la morve...............................
- Statistique de la folie ............................
- Effets thérapeutiques de la Blatte orientale . . . .
- Nouvelle élude sur le charbon.......................
- 7,es odeurs de Paris................................
- Nature de la pellagre..........................o20,
- Le sang de rate.....................................
- 167
- 171
- 176
- 252
- 246
- 515
- 597
- 51
- 51
- 51
- 46
- lit
- 111
- 127
- 147
- 147
- 159
- 207
- 258
- 258
- 258
- 270
- 287
- 319
- 352
- 352
- Agriculture.— Acclimatation. — Pisciculture, etc.
- Élevage des animaux de basse-cour.................
- Culture des déserts de l’Amérique................
- Les hiboux protégés en Angleterre.................
- La maladie du rond dans les pinières de la Sologne
- (M. Girard).......................................234
- Le Congrès des vignes françaises à Clermont-Ferrand . 259
- Le pulvérisateur agricole du docteur Ursino (V. Tedeschi
- di Ercole)..........’...........................298
- A propos du phylloxéra........................31, 352
- La destruction des loups......................' • 78
- Résistance des moutons algériens.................. 80
- Guérison des vignes phylloxérées. . . .""7 .... 80
- Destruction du phylloxéra.........................Ht
- Les quinquinas à Java.............................112
- Une vigne nouvelle................................255
- Nouvelles du phylloxéra...........................383
- La vigne du Soudan ...................................383
- Arboriculture.....................................384
- Destruction des insectes nuisibles. ...... . 599
- Art militaire. — Marine.
- Gril hydraulique de MM. Clark et Stanfield (L. R.). . . 65
- Rateau pliant........................................ 340
- Les ports militaires de l’Allemagne : Wilhelmshaven (Ch.
- Grad)...............................................166
- Production de signaux par l’éclairage de la vapeur. 158
- Un steamer modèle......................................158
- Le Polyphemus..........................................159
- Aéronautique.
- Monument commémoratif des ballons du siège de Paris . 290
- Photographie instantanée en ballon libre (P. Desjia-
- rets)............................................591
- Un sinistre aérien..........................111, 206
- Notices nécrologiques. — Histoire de la science.
- La statue de Le Verrier (G. Tissandier)......... . 102
- Paul Broca.................................. 111, 177
- Marc-Antoine Gaudin. ......................... , 174
- l e général Albert Myer...........................302
- C. A. Pénaud .....................................350
- W Lassell.........................................410
- Les archives de VAcadémie...................51, 159
- Gaugain........................................... 47
- M. Lissajous...................................... 79
- M. Borchardt................................« . 95
- Dommage aux grands hommes......................... 127
- Médaille commémorative ............................142
- Statue à Papin.....................................191
- I.a statue de Pallanzani.......................... 352
- Sociétés savantes. — Congrès et associations scientifiques. — Expositions.
- Société géologique de France...........6, 18, 62, 126
- Société française de physique. 6, 18, 62, 99, 214, 391, 411 Société chimique de Paris. 7, 45, 74, 126, 190, 214, 59t
- Société botanique de France............ 7, 62, 74, 126
- Académie des sciences (comptes rendus des séances)
- (S. Meunier). 15, 51, 46, 63, 79, 95, 111, 127,
- 142, 159, 175, 190, 222, 238, 255, 271, 287,
- 319, 555, 352, 366, 583, 599, 415 Réunion générale des Sociétés savantes des départements
- à la Sorbonne (M. Girard)............................. 10
- 15e Congrès des alpinistes italiens (V. Tedeschi di Ercole). 158 L’Exposition industrielle et artistique de Düsseldorf
- (L. Raclé)............................................235
- L’Exposition de Bruxelles en 1880 (C. M. Gariel) . . . 325
- Association française pour l'avancement des sciences.
- 94, 127
- Le Conservatoire des Arts et Métiers.................... 94
- Société des Amis des sciences...........................351
- Variétés, — Généralités. — Statistique.
- Les laboratoires scientifiques à l’étranger (G. Bonnier) . 2
- Les progrès de la Bibliothèque Nationale, à Paris (Ch.
- Letort)............................................ 45
- Les ruches d’abeilles et les raffineries de sucre .... 51
- L’emploi du mica chez les Indiens..................... 71
- Les carrés magiques à propos du « Taquin », jeu mathématique (G. Tissandier).................................... 81
- Les chemins de fer aux États-Unis (L. Simonin) .... 202
- Le premier chercheur d’or.................................203
- La statistique graphique au Ministère des Travaux publics. 260 Le dernier mot du « Taquin » (Piarron de Mondesir) . . 266
- Une visite à M. Graliam Bell (G. Tissandier)..........307
- Le cabinet d’un amateur de sciences au dix-septième
- siècle.................................................317
- Les agrandissements du Conservatoire des Arts et Métiers
- à Paris (G. Tissandier)................................375
- Les cours publics du Conservatoire des Arts et Métiers. . 378 Les cours publics de la Faculté des Sciences de Paris . . 378
- Les cours de l’École des Mines............................378
- Sur l’industrie de la bière...............................579
- Les progrès de la machine à vapeur....................387
- Statistique de la consommation du sucre................... 15
- Une singulière statistique................................ 15
- Les oranges aux Etats-Unis............................... 30
- production probable des rails en Europe.................. 30
- Le commerce du thé en Chine...............................127
- Apprivoisement des singes aux butes.......................127
- La Sicile et la science ..................................127
- Jjégion d’honneur.........................................158
- Curiosités statistiques..................................175
- Cartes postales aux États-Unis. ..........................255
- Les prix académiques..................................... 271
- Rectification de la circonférence . ......................354
- L'Institut agronomique......................... . • • • 551
- Statistique de Paris..................................... 599
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- TABLE DES MATIERES
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- Bibliographie.
- Notices bibliographiques. 50, 59, 74, 82, 195, 221,
- 267, 283, 310, 355, 374, 598 La Bibliothèque de la Nature (G. Tissandier).......369
- Correspondance.
- Curieuse source intermittente dans le Centre-Amérique
- (P. de Thiersant). ........................... 14
- Sur l’origine des tremblements de terre (L. Baret) . . . 14
- Sur un bâton cassé au-dessus de deux verres (V. Sir-
- coulon)................................................... 46
- La physique sans appareils (A. Guébhard)................. 46
- Sur les oiseaux empaillés (Louis Olivier)................ 70
- Ravages causés par les chenilles (H. Devillario) . . . . 107
- Sur un thermomètre extra-sensible (Thouvenot) .... 151
- Sur un sinistre aérien (Un lecteur assidu)...................206
- Sur le volcan Fuego, dans le Guatemala (P. de Tihersant). 239 Sur l’éclairage électrique du grand Opéra de Paris (Ch.
- Garnier)..................................................239
- Sur les dangers du verre trempé (Peyrieux)...................239
- Sur la grêle du 20 août observée à Rocheforl et à Saint-
- Jean-d’Angely (C...) (Dr Rogée)...........................240
- Sur l’éclairage électrique à l’Opéra (E. Hospitalier) . . 254
- Sur un moyen pratique d’avoir l’heure vraie (l’abbé A. B.). 287 Curieuse racine de Pandanus (Un abonné).....................352
- FIN DES TABLES.
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- errata
- Page 65, col. 1, ligne 6. Au lieu de : 30 cent. 50 de
- hauteur lisez : 30 pouces 1/2 (pouces anglais)
- Page 175, col. 2, ligne 1. Au lieu de : 1000 personnes
- lisez : 1 000 000 personnes
- Page 175, col. 2, ligne 5. Au lieu de: 353 millions lisez :
- 33 millions
- Page 269, col. 2, ligne 22. Au lieu de : par une boucle un
- peu large lisez : par un petit anneau métallique
- Page 280, col. 2, ligne 9. Au lieu de : une assiette en guise
- de nappe lisez : une serviette en guise de nappe.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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