La Nature
-
-
- LA NATURE
- UKVl)E UES SCIENCES
- ET DE LEURS Al’l'I.lCATIONS AUX ARTS ET A L’INDUSTRIE
- p.n.n. - vue 1/432
-
-
-
- LA NATURE
- BEVUE DES SCIENCES
- ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A I,'INDUSTRIE
- JOURNAL HEBDOMADAIRE ILLUSTRÉ
- ABONNEMENTS
- Paius. Un an............................. 20 fr. »
- Six mois.......................... 10 fr. »
- Union postale. Un an. . — Six mois,
- Départements. Un an................... 25 fr. »
- — Six mois...................... 12 fr, 50
- 20 fr. » lô fr. »
- Prix du numéro : 50 centimes
- LES VINGT-CINQ VOLUMES PRÉCÉDENTS SONT EN VENTE
- avec, i,e volume des tables des dix premières années
- A
- Imprimerie A. Lahure, rue, de Fleurus, 0, à Paris.
- p.n.n. - vue 2/432
-
-
-
- REVUE DES SCIENCES
- ET RE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L’INDUSTRIE
- JOURNAL HEBDOMADAIRE ILLUSTRÉ
- HONORÉ PA B V. I,E MINISTRE DE I,'INSTRUCTION PUBLIQUE U’UNE SOUSCRIPTION- POUR LES BIBLIOTHÈQUES POPULAIRES ET SCOLAIRES
- RÉDACTEUR EN CHEF
- GASTON TISSANDIER
- Bibliothèque
- QUATORZIÈME ANNÉE
- 1886
- P II K 511 E n S K 51 K S T ii E
- PARIS
- <;. MASSON, KDITEUlt
- LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
- Page de titre n.n. - vue 3/432
-
-
-
- ____ V" ' ’• ' '-•'**: “V- X' '=’ »< f- î’;-:
- %fp&m^Ap^' py^^yy^p^ypp'- -:y<pp ppp:p''pppp-p'-'p'^v**:-y ypp’-p- - .1. ;">-..y-y**/.
- Bp'îiÈA i’ v* fc'VifÇ'* ^ .**"•• -*.' • - : ' ;
- fef:5; f - : . •••'., > • • • •• - •'
- '. 't ?•/*. '-vPP - •v’: •'•''• •
- S* P\P''r
- • •”'• PP'P^rPm^'Pp - "/«•
- - 'v v?:
- • <t>v’*’ >--.
- . t/~V,
- itz * >- j*; .*> y
- . - ^ is$
- <ÏÏRm£* - .- A
- PlSr-'yy»,;
- * >* •;; •* * •
- «•
- V-
- •*"- ''!*--'c'.' P^ %•
- „>;7ïij
- •'**•% . *
- -V-Æy-V'
- .^^4.
- :w
- -yy seyy •
- >-.' Vv '
- a:'*.'". ;.-..X,v%.r*Ar.;; * • * •
- \f -.*
- '|pr<;
- WÆ" ywss//.
- V^SF v
- 3*&
- * îÆjjk -H Æ- Mv
- ¥:pf
- fcaStSssL
- Tfc«3*W
- ^!%vî.'.';:;'.:y*
- rZP'P^PppPi - ''• r
- iPp^Üp': v y
- 1 -t •
- •• * ; J
- :^4-
- ^ \ ’.'* •t , ’ 'i4"'
- âpjgg$ÿf ; y P. ••
- > «' ..y * f,.
- :
- ; >:' %S;
- ^ “' •'•• “•! «'‘: • 7< •' 'V:E‘. ”ï
- i-'*^-.:^- .i->
- sy. ^ ^’• ,
- { «/!. /; . • .v '*if'! •.
- •••^ ,
- y 'isiïîîfcf^v-.'
- - '.V ^
- . .• • « ,-
- <• *îîS^»-'*/'-- w.
- *-y>,ivyy^ 'i - -
- k-y”' 'y+t.ï
- f:-
- .3;- *••«**./,.•
- igSfi- • -• --.: ‘-•:
- «4 k
- vf'.* • ‘ • . Z- *:«^'* V:if ’ . ^ •’ * •*:.* ' *:***.'
- ùÿ :. ' ..*'*•.• . . 4- - * ,*rev .' *..*>..
- -'üSs."?5"i''’'..;.-.i%: *’ 'V
- 'y',yi4!. .*;• - ''.y &cÂÿêii!?>fL‘$&'-;
- p- '\f$r>y y k C; -> ^*.^* -
- tî *
- ^n%.#;f^*.w.:::-. • -
- ' ii
- f>Â-' '* "‘J : vV -y'-. . ' r
- yfv'
- m.
- 0&£*e!&jsj'JfF P mPiS&.ÿ&'-s'îte
- m-.
- »f '«s :'
- **v>.'. -. ;
- ywy
- y ÿvèy
- 'i,
- fC.v J:'--y' ^
- :! J ': r*' . •-. V» •
- ^|^;^y:;.rÿy y
- ^ï^*ypyp''
- &$$$£<?'*r-*.' Y *J\ :
- <. ••• ; .- • *'. .
- 1®^.** J
- :çt'.:
- .^F
- ^:4^^|.yf^yy*y y;. -C-f
- ' " y ry ' -
- mP? %!' i-yy .C' ::V.-!
- ,, .. - ,rf *.>.. . y rj^i;-
- •.>’:
- H '^;* '*-.,'
- ^i\d" -
- ^R;fypÿ'iy"k ••; -
- P- ' *•
- iÉSw^. .
- -y^aé^V*;'
- in?'*ü2
- y #**
- *. tjy* * - *
- f r, * ’
- ‘'\ 'i \:
- Ç; 34 ' t:;P-
- ;^‘;k' ¥*
- *»,** '** * '.. -v./
- :;£iP:'* w<*.
- ,. * .-î-ür Ç
- 'fi.* " à*'’. V;Vüï'»,:
- •*.v**. *5 * *> .*,•.’.. -
- :'P.Vk, /" -':.>>,•
- w~y \’*
- '•••-4.*. I* yy,‘' ^ • mBÊ;.y y
- "; V .«••*-; v^;V-;'$*#•>- ••* ..ÎWfc. ^>x.;•..
- n•'
- y-: '-y P'-pk-J
- feffefc^S::.^;*' - y
- * v:
- tSÉ^^saæsy-*- -v'^y..*. •:^ ';
- - yyyïy ;*î
- pp-pp
- |gy. vj.j5/r.“.:'v - *-
- pœ^'* v''.---' • :-' v
- *r “ ’'•' •*
- sp;? *;4v ;'‘’i y y
- liy|R’y; "'' ypèï'-p, PP
- n\
- >:
- C-L'*i — ' . ,v-.-:,:.* .... .*,
- V 5 •/ ’ ‘‘ ^;,t: ‘ •' '*
- p.n.n. - vue 4/432
-
-
-
- 1 4e ANNÉE. — N» 655.
- 5 DÉCEMBRE 1885-
- LA NATURE
- N-t,-.
- /£/ : . A^\
- •;-;;8««oniêKi£9|
- xV V
- 9
- REVUE DES SCIENCES
- ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L’INDUSTRIE
- NOTRE QUATORZIÈME ANNÉE
- En commençant le vingt-septième volume de notre collection, la quatorzième année de la fondation de La Nature, nous croyons de notre devoir de remercier nos nombreux lecteurs, amis fidèles de notre œuvre, qui veulent bien nous suivre, et encourager nos efforts.
- Sans avoir en aucune façon la prétention de nous comparer en quoi que ce soit, à l’immortel auteur des Essais, nous oserons cependant dire comme lui, en parlant de notre Revue : « Ceci est un livre de bonne foi. » Nous l’avons créé en 1873, au lendemain de nos désastres, dans le seul but de répandre les notions utiles, de divulguer les inventions nouvelles, les découvertes sans cesse renouvelées, et de faire aimer la science que nous aimons tant nous-même.
- Notre tirage, qui a commencé, par le chiffre de 2000 exemplaires, n’a pas tardé à monter a 5000, a 4000, à 5000; s’accroissant sans cesse d’année en année, il atteint aujourd’hui le chiffre de quinze mille (15 000).
- L’accueil si favorable que le public intelligent veut bien réserver à La Nature, est facilement explicable. Notre siècle appartient avant tout à la science et à ses applications; tout le monde veut être renseigné sur les progrès nouveaux, sur les observations les plus récentes, sur les appareils qui surgissent de toutes parts, dans le domaine infini de la physique, pu de la mécanique. La Nature est devenue un centre où les renseignements et les informations de ce genre abondent de tous les pays ; ses collaborateurs compétents les compulsent, les étudient et les présentent au lecteur, non sans les condenser sous la forme qui leur convient le mieux, s’efforçant de prendre ces deux mots pour devise : Clarté et concision. Les diagrammes, les figures explicatives, les gravures, les reproductions photographiques dont notre texte est rempli, sont les plus sûrs éléments de cette méthode éminemment favorable à notre époque de vie laborieuse et active.
- La Nature, qui s’adresse à tous, qui compte parmi aunée. — Ier semestre
- ses lecteurs les hommes les plus éminents, se préoccupe très vivement des intérêts de la jeunesse, avenir de notre patrie. La jeunesse française est aujourd’hui éminemment laborieuse, et avide de science, parce qu’elle a profité des terribles leçons d’un passé récent. Nous sommes avec elle de tout notre cœur et de toutes nos forces; nous ne lui parlerons jamais ici que de ce qui peut diriger son esprit vers le culte du Bien, vers l’amour de la Vérité. Comme' par le passé, nous lui apprendrons que si l’on veut* inspirer le respect de soi-même il faut savoir respecter les convictions des autres ; nous lui montrerons que le domaine de la Science est le véritable terrain de la concorde et de la conciliation, où le Travail règne en maître, pour le plus grand bien de ceux qui l’honorent.
- Nous attachons le plus haut prix à l’estime de nos lecteurs; leur témoignage de sympathie est notre plus belle récompense. Nous espérons qu’ils reconnaîtront, en nous suivant encore, que notre œuvre va toujours en s’améliorant dans la mesure de nos forces.
- En parcourant la collection de La Nature, on peut se rendre compte de l’étonnant progrès scientifique qui s’est manifesté dans un court espace de temps. Quand nous avons commencé notre premier volume, qui aurait pu croire qu’en,moins de treize ans, on allait avoir à enregistrer des inventions prodigieuses, comme*celles du téléphone et du microphone, des lampes électriques à incandescence, du photophone, du verre trempé; a signaler des découvertes comme celles du gallium, de la liquéfaction des gaz permanents, et des travaux qui ouvrent à la thérapeutique des horizons nouveaux comme ceux de Pasteur.
- Que de recherches exécutées depuis treize ans par l’activité scientifique, depuis les explorations des fonds de la mer par le Challenger jusqu’à celles du Travailleur et du Talisman ! Que de constructions grandioses réalisées, depuis les tunnels des Alpes, jusqu’au canal de Panama, destiné à réunir deux Océans! A peine toutes ces merveilles sont-elles enregistrées, qu’en voici d’autres qui s’annon-
- l
- p.1 - vue 5/432
-
-
-
- 2
- LA NATURE
- cent : le transport de la force motrice par l’électricité, la navigation aérienne par les aérostats dirigeables; puis demain d’autres encore apparaîtront, et ainsi de suite indéfiniment dans le cycle du progrès qui s’agrandit toujours. Nous continuerons, pour notre part, à suivre, et à faire connaître de notre mieux, ce mouvement de la science qui marche sans cesse. Gaston Tissandier.
- ——
- LA PLUIE D’ÉTOILES FILANTES
- DU 27 NOVEMBRE 1885
- Le phénomène des étoiles filantes de novembre a pris cette année une intensité assez rare ; cela était prévu à la suite des observations de la comète de Biéla ; il n’a été vu que dans peu de villes du Nord, où le ciel était généralement couvert, mais il a attiré l’attention d’un grand nombre d’observateurs dans le Midi. Notre collaborateur et ami, M. F. Zurcher de Toulon a voulu être le premier à nous signaler le phénomène, et dès samedi matin, 28 novembre, nous recevions de lui la dépêche suivante :
- Hier 27 novembre, dès le coucher du soleil, une magnifique pluie d’étoiles filantes a été observée, semblable à celle de même date, de 1872, décrite par Denza; cependant aucun bolide. Plusieurs égalant Yénus en éclat. Traînées de longueurs et couleurs diverses. Maximum huit heures, puis diminution rapide. Centre Gamma d’Andromède : F. Zurcher.
- Dans une lettre postérieure, adressée à M. Amédée Guillemin qui nous l’a communiquée, M. Zurcher rapporte qu’il y avait des groupes de 4, 6, 8, 10 et même 12 étoiles qui partaient ensemble. Il rappelle que Le Verrier lui écrivait, lors du phénomène de 1872 : « Nous avons passé par la comète de Biéla. La reproduction du phénomène, à treize ans de distance, est bien curieuse. »
- M. Henry Courtois, le savant astronome amateur du Lot-et-Garonne, nous a écrit la lettre suivante :
- J’ai observé hier 27, à l’entrée de la nuit, les étoiles filantes du 27 novembre 1885. Le spectacle quoique moins grandiose que le 27 novembre 1872, était splendide à six heures du soir ; les météores paraissaient s’éloigner d’un point situé entre Cassiopée et Bêla d’Andromède. A six heures du soir, un magnifique météore s’est dirigé de Cassiopée vers Bêta d’Andromède où il a disparu laissant une trace persistante ; il était suivi d’une longue queue et son éclat égalait celui de Vénus; un instant après, un autre météore s’est dirigé de Cassiopée vers Wéga de la Lyre, il était aussi brillant et également suivi d’une queue. Vers sept heures, le temps s’est couvert, ce qui a rendu les observations impossibles. (H. Courtois, à Muges, près Damazan, Lot-et-Garonne.)
- Nous avons reçu d’autre part, d’un de nos lecteurs de la Roche-sur-Yon, le récit que l’on va lire :
- Le phénomène prévu par les astronomes et porté à la connaissance du public par les journaux, s’est manifesté avec éclat. Dans notre localité, de sombres et larges
- nimbus encombraient le ciel, mais de temps à autre s’ouvraient entre les nuages inopportuns de vastes interstices qui ont permis aux observateurs de jouir du spectacle curieux de cette pluie de feux météorites qui éclatait parfois à l’instar d’un feu d’artifice. De six heures à sept heures du soir, il était impossible à un observateur seul, même attentif, de les compter : c’était par trois et quatre que ces lumières célestes s’élançaient des différents points de l’espace avec une direction générale de l'E. k l’W. ou E. S. W . A d’autres instants, je suis parvenu à en compter jusqu’à 95 en cinq minutes. (Rondenet, à la Roche-sur-Yon.)
- Un de nos lecteurs, de Nice, nous informe que le phénomène a été très bien observé dans cette région. Un de nos abonnés nous apprend qu’il en a été de même à Lille. De nombreuses observations analogues aux précédentes, nous ont été adressées de Niort, de Marseille, de Nîmes ; d’autres ont é>té faites dans le midi de l’Europe.
- M. le Dr F.-A. Forel nous envoie de Morges, en Suisse, une notice intéressante sur les observations faites dans son pays.
- La grande apparition des météores de la comète de Biéla a été observée partout. J’ai reçu des observations de Genève, Aigle, Neuchâtel, etc. Il semble que le feu d’artifice a été aussi brillant qu’en novembre 1872. Le nombre des étoiles filantes a été évalué à Genève de 50 à 60 par minute, le point d’irradiation était vers le centre d’Andromède. Le moment de l’apparition a été à Genève de 7 à 8 heures du soir.
- Nous reviendrons, s’il y a lieu, sur ce remarquable phénomène, et nous analyserons les autres communications qui pourront nous être encore adressées à ce sujet.
- —•*<><—
- SÉPULTURES MÉROVINGIENNES
- DÉCOUVERTES A MONTCEAUX , COMMUNE DE BULLES
- (oise)
- M. Lemagnen, propriétaire à Montceaux, a découvert, le 13 octobre 1885, une sépulture mérovingienne, peut-être unique en son genre, remontant au quatrième ou au cinquième siècle de notre ère. Elle renfermait un guerrier frank à l’état de momie, avec ses armes et tous ses vêtements.
- Malheureusement cette sépulture, si intéressante au point de vue de l’histoire et de l’archéologie, n’a pu être conservée malgré les grandes précautions prises par M. Lemagnen. Néanmoins elle a pu être examinée par un certain nombre d’antiquaires, entre autres par M. l’abbé Hamard, curé d’Hermes (Oise), savant archéologue qui en a fait le croquis sur place.
- Le tombeau était en pierre calcaire, recouvert de deux pierres plates de même nature et qui fermaient fort bien le sarcophage.
- Le guerrier mérovingien présentait, comme le montre la figure, un manteau en laine et une chemise de toile blanche. Son scramasaxen fer, la boucle de son ceinturon, la plaque, la contre-plaque et la plaque supplémentaire étaient intacts et dans la position donnée par le dessin. Des bandelettes en cuir, de deux centimètres de largeur, retenaient ses chaussures qui étaient en bon état de
- p.2 - vue 6/432
-
-
-
- LA NATURE.
- conservation. Aux pieds du soldat, était un vase funé- .
- raire. !
- AI. Lemagnen désirant j emporter chez lui le sarco- j phage, avait replacé les deux ! pierres sur le tombeau et ! mis de la terre par-dessus. Mais ces précautions devaient être inutiles, car des malfaiteurs sont venus secrètement, durant la nuit, enlever la terre, afin de s’emparer du guerrier et de ses ornements. A peine ces voleurs d’un nouveau genre eurent-ils touché au squelette, que tout tomba en poussière, os, vêtements, chaussures et armes.
- Parmi les nombreuses sépultures mises à jour à Alontceaux, on remarque celle d’une dame mérovingienne inhumée avec ses bijoux. Al. Lemagnen a recueilli deux grandes boucles d’oreilles en bronze doré enrichies de grenats de diverses couleurs, deux médaillons en argent chargés de filigranes et de verroteries, une boucle et une plaque de'ceinturon en bronze artistement ciselées, un beau style guiJloché et orné de verroterie. Il y avait encore une rouelle ou châtelaine en bronze doré avec dessins découpés à jour, et portant encore des objets de toilette suspendus : petits ciseaux, couteau, etc... Un collier de perles présentait des formes et des couleurs fort variées.
- Aux pieds de cette dame, le vase traditionnel en terre noire, orné de guirlandes de dessins sur la panse.
- Dans la tombe voisine d’un gallo-romain, on a découvert un plat en poterie dite de Samos, et auprès la carcasse d’un poulet. Eugène Vimont.
- ——
- LES TÉLÉGRAMMES MÉTÉOROLOGIQUES
- DES ÉTATS-UNIS
- On s’est préoccupé dans ces dernières années de la possibilité d’améliorer la prévision du temps en Europe, par la réception de télégrammes météorologiques des États-Unis. Le Comité international météorologique, dans sa dernière session, tenue à Paris en septembre dernier, a examiné cette importante question, qui figurait a son programme sous la forme suivante.
- Question (3. — Discussion de l’utilité des télégrammes météorologiques d’Amérique proposés pap M. le général llazen et organisation éventuelle de leur distribution en Europe.
- Dans cet ordre d’idées, j’ai soumis au Comité une méthode permettant de transmettre par voie télégraphique l’état de l’atmosphère sur l’Amérique du Nord, d’une manière assez détaillée, au moyen d’un nombre de mots très limités. Nous allons reproduire dans ses traits généraux cette proposition qui a été prise en considération.
- L’utilité des télégrammes quotidiens indiquant l’état du temps sur l’Amérique du Nord, nous paraît évidente, à cause de la solidarité qui existe entre les mouvements de l’atmosphère en différents lieux, rendue plus grande encore par le passage assez fréquent de dépressions de l’Amérique au nord de l’Europe. De plus les mouvements de l’atmosphère sur l’Amérique du Nord permettent, en les rapprochant de nos observations d’Europe, de préjuger dans une certaine mesure de ce qui se passe sur 1 Océan, et, en particulier, des déplacements des grands maxima et minima barométriques. Aussi M. lioffmever, dans son intéressant mémoire sur les tempêtes sur l’Océan, a-t-il compris les Etats-Unis dans le réseau qu’il considérait comme utile pour améliorer la prévision du temps en Europe. M. Rol-lin a d autre part indiqué, dans les Annales du Bureau central météorologique de France (t. 1, 1881) le parti que l’on peut tirer pour la prévision du temps, de la connaissance simultanée des dépêches d’Europe, de Sibérie et des États-Unis.
- Pour hâter la solution pratique de cette question, il faudrait trouver un moyen simple et peu coûteux d envoyer par le télégraphe les renseignements principaux sur letat du temps en Amérique. C’est ce que je me suis proposé de faire de la manière suivante.
- On remarque dans les cartes du temps certaines dispositions des lignes isobares qui se reproduisent très souvent. Par exemple, en Europe, ces lignes peuvent se grouper autour d’un centre de basses pressions voisines de l’Irlande, pendant que vers la Russie, la pression monte et que les isobares contournent un massif de hautes pressions. Ces dispositions caractérisent l’état de l’atmosphère, nous les désignerons sous le nom de type d’isobares.
- Tout le monde, je crois, est d’accord sur ce point, que ce qu’il nous importe de connaître, c’est l’allure générale des isobares en Amérique avec les faits saillants du temps, et non le détail de la distribution des pressions, les petites inflexions des courbes et les phénomènes locaux,
- Il nous faut donc savoir tout d’abord quel type d’isobares règne en Amérique. Or, l’étude suivie des cartes du Signal Service montre qu’il n’existe guère qu’une vingtaine de ces types, que l’on peut classer de la manière suivante en les caractérisant par la position des fortes pressions, qui est assez; stable ; 1° types avec maximum barométrique à
- Sépulture mérovingienne,
- A. Sarcophage eu pierre tendre ;— B, Manteau eu étoffe de laine; — C, Chemise en toile blanche ; — 1), Sera-rriasax en fer; — E, Boucle du ceinturon; — F, Plaque en fer; —G, Contreplaqué; — II, Plaqr.e supplémentaire; — I, Vase funéraire; — J, Bandelettes eu cuir de 0“,02 de largeur; — Iv,Développement de la chaussure ; — M, Pied du guerrier; — N, Cordonnets en cuir pour serrer la chaussure autour du pied ; — 0, Extrémités de la chaussure pressées autour de la jambe avec les bandelettes; — P, Tibias du guerrier.
- Ce personnage (comme presque tous ceux de l’époque mérovingienne), a les pieds dirigés vers l’Orient. (Quatrième ou cinquième siècle après J.—C.)
- p.3 - vue 7/432
-
-
-
- LA NATURE.
- l'Ouest ; 2° types avec maximum au Sud ; 5° types avec maximum à l’Est ; 4° types avec maximum au Nord; 5° types avec maximum au Centre.
- En désignant par une lettre chacun de ces types et chaque variante, on a un moyen très simple de transmettre la carte d’isobares dans ses grands traits.
- Ces indications sur la disposition générale des isobares peuvent laisser quelques points dans le vague. Outre la forme générale des isobares, il faut connaître les extrêmes du baromètre sur la carte. Pour cela, la cote du maximum barométrique principal est donnée par une lettre, et sa position pour le cas fréquent ou il y a deux maxima est indiquée aussi par une lettre qui correspond à la position du centre des hautes pressions, la carte d’Amérique étant divisée en un damier dont chaque carré porte une des 26 lettres de l'alphabet. Ainsi est constitué un premier groupe de trois lettres : BND,par exemple.
- La première lettre B indique quel est le type d'isobares du moment de l’observation; la seconde N, nous montre que le centre du maximum principal est dans la région N, qui correspond à l’Arizona; la troisième D nous dit que la pression au centre d’après la table conventionnelle est égale à 767mm.
- La position des mi-nima de pression n’est pas moins importante.
- On trouve généralement deux centres de basses pressions : l’un, par exemple, sur la région voisine du Pacifique, l’autre, sur le bassin des grands lacs, et il y a lieu d’être renseigné sur ces deux centres. Les basses pressions les plus éloignées de l’Atlantique, ou mieux de l’Europe, nous intéressent seulement au point de vue de la disposition des * isobares sur l’Amérique. Au contraire, la dépression la plus voisine de nous fait non seulement partie de la carte de l’Amérique, mais d’un moment a l’autre peut, par sa marche vers l’Est, influer sur la distribution des pressions sur l’Océan, agir sur le temps en Europe, quelquefois prendre place elle-même dans nos cartes quotidiennes. C’est évidemment le phénomène sur lequel doit porter notre attention. *
- La position du minimum le plus éloigné de l’Europe est fixée par une lettre désignant la région; la pression au Centre est aussi donnée par une lettre, ce qui forme les deux premiers signes du second mot ou groupe de trois lettres : le troisième indique la latitude du minimum le plus voisin de l’Europe. La longitude du minimum est
- indiquée par la première lettre du troisième groupe, la cote de la pression barométrique dans cette dépression, par la seconde lettre du troisième mot. La troisième lettre désigne l’intensité du vent dans la dépression. Si on le juge convenable, on pourra envoyer un quatrième mot dans lequel la première lettre indiquera la direction dans laquelle marche la dépression, depuis la dernière observation distante de huit heures; la seconde fera connaître la vitesse de translation dans les huit heures ; la troisième, l’augmentation ou la diminution de pression au Centre, dans le même intervalle.
- Ainsi donc, avec 4 mots de 3 lettres, on peut transmettre la situation du temps, avec des détails sur la marche et l’intensité de la dépression la plus voisine de nos côtes, c’est-à-dire tout ce qui nous intéresse.
- Le télégramme météorologique serait ainsi très court elles frais peu élevés. Nous donnons ci-contre
- un exemple de l’application de cette méthode à la carte du 3 janvier 1879.
- L’expression télégraphique qui sert à représenter cette situation de l’atmosphère est
- oin gwi uhn hvj
- dont le sens est le suivant :
- o, type d’isobares avec maximum de pression au centre des États-Unis, minium à l’Ouest et à l’Est, i, maximum principal dans la région i (Minnesota), n, la pression au centre du maximum est de777mm. <7, le minimum barométrique le plus éloigné est dans la région g sur la côte du Pacifique, w, la pression au centre y est de 762mm. i, le minimum le plus voisin de l’Europe est à la latitude de 45° u, et à la longitude de la Nouvelle-Ecosse, h, la pression au centre y est de 732n,m. n, la vitesse du vent y atteint 20 mètres par seconde, h, dans les hûit dernières heures, ce minimum a marché vers l’Est 15 Sud. v, la vitesse de translation du centre du minimum est de 40 kilomètres à l'heure, j, la pression a baissé au centre, depuis huit heures, de 6 millimètres.
- Pour traduire la dépêche en clair on emploie : 1° une série de 20 cartes donnant les types d’isobares ; 2° deux cartes des Etats-Unis divisées en damier ; 3° une table conventionnelle indiquant le sens des lettres, cette table occupe moins d’une page. On voit donc que cette méthode qui nous fournirait des renseignements assez précis est d’une application pratique très simple. L. Teisserenc de Bort.
- 777.2
- Carte des Isobares, aux États-Unis, le 3 janvier 1879, à 7 h. 35. T. M. de Washington.
- p.4 - vue 8/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 5
- FABRICATION MÉCANIQUE
- DES CARTOUCHES
- La fabrication des cartouches à douille de cuivre se fait mécaniquement depuis plusieurs années, et différentes machines ont été imaginées à cet effet. L’une des mieux comprises et des plus perfectionnées figurait à la section italienne de l’Exposition uni-verselled’Anvers.
- Elle était actionnée par une petite dynamo Gramme qui recevait le courant produit par une autre dynamo placée dans le hall des machines à environ deux cents mètres de là. L’inventeur et le constructeur de cette machine est M. Marelli-Sante, de Rome, qui a déjà fourni aux arsenaux de différents pays des machines analogues, mais moins complètes.
- Nous ne pouvons ici entrer dans tous les détails de construction; mais la vue d’ensemble que nous donnons, et qui a été faite d’après nature, fera com-prendre d’une façon suffisante le fonctionnement des principaux organes. La première opération se fait sur la partie droite de la machine ; elle consiste à amorcer les douilles. Celles-ci sont placées dans une sorte d’entonnoir A qu’on voit sur le haut de la figure où des crochets, montés sur un axe horizontal animé d’un mouvement de rotation, viennent les saisir et les engager dans un tube qui aboutit à un plateau à barillet B tournant autour d’un axe vertical. Les amorces ont été placées au préalable sur un second plateau D situé derrière le premier. Elles arrivent sous la
- douille au moment où celle-ci sortant du tube vient de tomber dans l’un des trous du barillet B. Un poinçon descend alors qui entre dans la douille et va sertir l'amorce au fond.
- Le plateau continuant à tourner amène la douille en face d’une ouverture par laquelle elle est refoulée dans le tube recourbé*C. Celui-ci est fendu sur une partie de son extrémité inférieure et par cette fente
- passe un petit levier qui a un mouvement de va-et-vient égal à la longueur d’une douille ; il les pousse toutes les unes derrière les autres et elles viennent tomber dans un second plateau à barillet pareil au premier, situé sur la partie gauche de la machine où se fait la série des opérations qui constituent le chargement proprement dit. La douille passe d’abord sous le cylindre P, qui contient .la poudre; une soupape s’ouvre et laisse tomber la quantité qui a été déterminée à l’avance. Le plateau continue à tourner et amène la cartouche commencée sous un tube qui contient les bourres et en-suite sous un poinçon qui s’abaisse et les enfonce en comprimant légèrement la poudre ; de là elle arrive sous un plateau où on a disposé les balles qui poussées par un poinçon viennent s’enfoncer et se fixer à l’extrémité de la douille. La cartouche ainsi terminée sort alors du plateau à barillet où elle est entrée munie seulement de son amorce et ^ elle tombe dans un couloir qui la conduit vis-à-vis d’un troisième plateau à barillet E qu’on voit à l’extrême gauche de la figure. 11 tourne autour d’un axe horizontal et chacun de ses trous vient passer
- Machine à amorcer, charger et contrôler les cartouches.
- p.5 - vue 9/432
-
-
-
- 6
- LÀ NATURE.
- successivement devant le couloir qui amène les car- ( touches. Celles qui ne dépassent pas le calibre voulu et n’ont subi aucune déformation entrent tout à fait dans les trous de ce barillet et sont entraînées par son mouvement de rotation. Un poinçon vient les faire sortir et tomber dans un panier disposé ad hoc quant à celles qui sont mal calibrées ou déformées, elles ne peuvent entrer entièrement dans les trous du barillet et dépassent plus ou moins. Elles sont entraînées quand même, mais la partie qui dépasse soulève un levier qui empêche le poinçon d’agir et de les faire tomber dans le panier des bonnes cartouches ; ce n’est qu’un peu plus loin qu’un deuxième poinçon les fait sortir du barillet et les rejette à part.
- On voit que la machine de M. Marelli-Sante fait tout automatiquement et supprime presque complètement la main-d’œuvre. Une femme et un apprenti suffisent pour la conduire et l’alimenter des fournitures nécessaires. La force nécessaire à son fonctionnement est d’environ un tiers de cheval-vapeur. Avec une vitesse de 40 à 45 tours à la minute, on peut faire 2500 cartouches à l’heure. Si l’un des organes fait défaut, ou si l’une des matières employées à la fabrication vient à manquer, une disposition spéciale rend folle à ce moment la poulie de commande et la machine s’arrête d’elle-même. Nous regrettons que la place qui nous est réservée ne nous permette pas d’entrer dans de plus grands détails au sujet du mécanisme, mais nous espérons que ces quelques explications suffiront à faire apprécier cette ingénieuse machine. G. Mareschal.
- ÉCLAIRAGE ÉLECTRIQUE A DISTANCE
- A QUÉBEC, AU CANADA
- Depuis plusieurs années, bon nombre de négociants et d’industriels de Québec se servaient de la lumière électrique. La Compagnie qui se chargeait des installations a eu l’idée, sur la suggestion de quelques-uns de nos électriciens, de mettre de côté ses dispendieuses machines à vapeur, pour transporter ses ateliers à la rivière Montmorency, une huitaine de milles en aval de Québec, sur les rives du Saint-Laurent. Son but était d’utiliser une partie de la force motrice de la célèbre chute Montmorency qui se trouve en cet endroit.
- La roue motrice qu’on y a installée ad hoc est une turbine horizontale du diamètre de *21 'pouces et large de 14 pouces, travaillant sous la pression d’une colonne d’eau de 160 pieds. Pour le service actuel on ne laisse passer dans la turbine que 2 pouces d’eau, et, dans ces conditions, elle développe assez de force pour actionner parfaitement une dynamo Thomson-Houston du type de 35 lampes, et deux autres du type de 25.
- Deux circuits distincts relient les dynamos, avec les lampes, à Québec. La longueur de chacun est de 34 milles et l’un d’eux alimente à lui seul au delà de 50 lampes. Le fil conducteur est en cuivre, épais d’environ 5 millimètres et sans enveloppe isolante. Il est installé sur des poteaux très élevés, à la manière des fils télégraphiques ordinaires, et, bien que ces conditions puissent paraître
- trop rudimentaires, la déperdition d’électricité, même en temps de pluie, est très faible eu égard à la longueur du parcours. L’affaibRssement du courant ne dépasse jamais un dixième d’ampère. Dans la ville, le fil est isolé par une enveloppe en coton.
- Le plant comprend dès maintenant au delà de 80 lampes à Québec, et ce nombre augmente tous les jours. Les trois dynamos qui fournissent le courant font 700 révolutions à la minute, et comme elles peuvent sans danger être poussées jusqu'à 1000 ou même 1200 révolutions, il sera facile d’avoir, quand on voudra, un courant plus intense sans augmenter le nombre des machines. Actuellement le courant, dans chacun des deux circuits, mesuré avec l’ammètre Ayrton-Perry, varie de 10 à 11 ampères; le plus souvent il se tient à peu près stable à 10 et demi. Quant à la force électromotrice, l’électricien qui a charge des dynamos croit qu’elle atteint 3000 volts aux bornes des machines.
- Voilà, en deux mots, notre installation électrique qué-becquoise. Je dois ajouter qu’au point de vue économique, l’utilisation de la chute Montmorency épargne plus de dépenses que n’en a exigé la nouvelle installation. Des gens bien renseignés affirment qu’aujourd’hui la Compagnie fait chaque jour un profit net de 15 à 20 dollars, ce qui conduit à un gain annuel de plus de 5000 dollars. Et comme les dépenses faites jusqu’ici ne dépassent guère 40 000 dollars, les actionnaires devront toucher de bons dividendes.
- Encouragé par ce premier succès, le gérant de la Compagnie étudie le problème de la transmission électrique de la force, de manière à utiliser doublement ses fils de ligne.
- Il est même fortement question de relier par un chemin de fer électrique Québec et le village de Sainte-Anne-de-Beaufré, distant de 21 milles et où se rendent chaque année au delà de 100 000 pèlerins. La force motrice serait encore et toujours empruntée à la chute Montmorency, et comme la force totale de cette dernière dépasse en moyenne 10 000 chevaux-vapeur, il y aura de la marge pour de nouvelles installations électriques.
- L’abbé J.-C.-K. Laflamme,
- Professeur à l’Université de Laval.
- Québec, 6 novembre 1885.
- NOUVEAUX MÉDICAMENTS
- l’hopéine et l'hypnose
- Les découvertes de la chimie, alcaloïdes nouveaux, composés de la série aromatique, ont, depuis quelques années, singulièrement étendu le champ de la pharmacologie et de la thérapeutique médicale. Chaque jour ce sont des composés inconnus jusqu’alors, doués de propriétés spéciales dont les uns n’ont qu’une vogue d’un moment, et dont les autres sont destinés à prendre une place définitive dans la thérapeutique.
- L’hopéine paraît rentrer, au moins d’après les premières expériences qu’on a faites, dans cette dernière catégorie. C’est un alcaloïde isolé du houblon et notamment des houblons sauvages d’Amérique, qui se présente sous la forme d’une poudre blanche cristalline, peu soluble dans l’eau, très soluble dans l’alcool, d’une saveur très amère, ayant un peu l’odeur du houblon.
- L’hopéine se rapproche, par ses effets narcotiques, des alcaloïdes de l’opium. Elle a, de plus, des propriétés antiseptiques très marquées. Le houblon et l’extrait de cette
- p.6 - vue 10/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 7
- plante sont doués de ce pouvoir antiseptique, qu’ils doivent vraisemblablement à l’alcaloïde nouvellement découvert. Les bières, dans la préparation desquelles entre une grande quantité de houblon, se conservent longtemps, sans aigrir, sans s’acidifier, alors même que le tonneau est entamé. Ce point a un certain intérêt industriel.
- Comme médicament, l’hopéine a des effets narcotiques très prononcés sans excitation consécutive. Le lupulin, poudre qu’on obtient par le tamisage des cônes de houblon, était déjà réputé pour ses propriétés anaphrodisia-ques et même narcotiques. MM. Smith, de Londres, et Roberts ont expérimenté l’hopéine sur les animaux et sur eux-mêmes, puis l’ont administrée à quelques malades avec le plus grand succès. A la dose de 5 milligrammes, prise à jeun, M. Smith a éprouvé, au bout d’un quart d’heure, une tendance au sommeil, difficile à surmonter. A 1 ou 2 centigrammes, on obtient un sommeil profond, qui survient quelques instants après l’ingestion du médicament. Le réveil n’est suivi d’aucune fatigue, d’aucune pesanteur de tête ou d’état nauséeux, comme cela est fréquent avec l’usage de la morphine. De plus, il ne semble pas s’établir une tolérance graduelle qui nécessite l’emploi de doses progressivement élevées. Une malade a eu un sommeil très calme, toutes les nuits, pendant un mois, en ne prenant que la même dose de 2 centigrammes. Roberts croit pourtant qu’à la longue, il doit se produire une accoutumance qui diminue un peu l’intensité des effets. L’habitude invétérée de l’alcool, du tabac, rend les sujets moins sensibles à l’action de l’hopéine. C’est du reste là un fait connu que cette résistance des alcooliques à un grand nombre de narcotiques.
- C’est un médicament destiné à remplacer la morphine ; mais il doit être manié avec une très grande prudence, car il est très toxique. 6 à 7 centigrammes, chez un enfant, 10 à 12, chez un adulte, peuvent amener des accidents sérieux. Pour corriger l’amertume insupportable de l’hopéine, Roberts propose de la donner dans de la bière concentrée ou dans un peu de vin de Porto.
- L’hypnone est également, comme son nom l’indique, un médicament hypnotique, narcotique. Ce n’est, du reste, qu’un nom destiné à rappeler ses propriétés. L’hypnone est, au point de vue chimique, le phénylméthyl-acétone ou acétophénone. M. le Dr Dujardin-Beaumetz et son assistant, M. Bardet, ont fait connaître à l’Académie les premiers résultats de leurs expériences.
- L’hypnone est un liquide, d’une coloration ambrée foncée, ayant une odeur qui rappelle à la fois l’amande amère et la benzine, peu soluble dans l’eau, et se décomposant dans l’organisme en acide carbonique et en acide benzoïque. Administrée à la dose de 5 à 10 centigrammes, mêlée à un peu de glycérine, l’hypnone détermine un sommeil très calme et profond. L’effet ne se produit qu’au bout de quelques heures ; en donnant le médicament vers 7 heures, le sommeil survient vers les 9 ou 10 heures. C’est chez les sujets alcooliques que les effets hypnotiques ont été le plus appréciables ; on obtient un calme plus complet qu’avec le chloral ou la paraldéhyde. Chez tous les malades, l’hypnone a paru bien tolérée ; l’odeur de l’haleine est rendue un peu désagréable par l’élimination de l’acétone par le poumon. Il sera intéressant de connaître les effets sur les diverses sécrétions, notamment la sécrétion urinaire. Ce sont des recherches à poursuivre ; mais il m’a paru bon de signaler ces deux agents, destinés à armer la thérapeutique contre le symptôme le plus pénible pour les malades qui souffrent, l’insomnie. Dr A. Cartaz.
- « LÀ NATURE » AUX ÉTATS-UNIS
- Dans notre livraison du 21 mars 1885, nous avons annoncé (p. 255) que M. Albert Tissandier venait de quitter Paris, pour entreprendre un long voyage aux États-Unis, et rapporter de nombreux documents, sur les industries américaines et sur les beautés naturelles dont ce magnifique pays abonde. M. Albert Tissandier a parcouru les différentes régions de l’Amérique pendant plus de six mois, il a visité les principales villes du Nouveau Monde, New-York, Philadelphie, Boston, Washington, Chicago, San-Francisco, etc., etc. Il a parcouru les régions presque absolument inconnues de l’Arizona, les pays magiques des canons et des défilés grandioses, il a été chez les Mormons, il a vu le lac Salé, l’exploitation des forêts et des mines, les grands arbres de la Californie, le parc National et ses geysers, la caverne gigantesque (mammouth cave), les fermes du Dakota et les chutes du Niagara. Sans cesse en correspondance avec nous, M. Albert Tissandier nous a raconté au jour le jour ses impressions d’observateur et d’artiste ; il a cru devoir conserver à ses lettres dont nous publierons ici des extraits, le ton familier du touriste, et le caractère des sensations du premier moment. Nous avons la conviction que ces récits inédits intéresseront nos lecteurs comme ils nous ont intéressé nous-mêmes. Notre frère a rapporté plus de cent cinquante dessins faits d’après nature, et plus de cinquante photographies. Nous avons choisi quelques-uns de ses plus curieux documents dont nos lecteurs auront la primeur.
- On ne saurait trop s’attacher à connaître, de ce côté de l’Atlantique, cet admirable pays des États-Unis où tout est grandiose, où la nature est majestueuse et puissante, et où l’homme est ingénieux, actif et laborieux. Comme nous le disait notre frère en revenant de son exploration, il n’est rien de plus instructif qu’un voyage aux États-Unis ; on y apprend ce qu’est la large existence en pleine lumière et au grand air, et ce qu’est le travail en pleine liberté.
- LETTRES D’AMÉRIQUE
- NEW-YORK. --- LES « ELEVATED )). - LES THEATRES.
- -- LA LUMIÈRE ÉLECTRIQUE AUX ÉTATS-UNIS
- Après douze jours de traversée, on est heureux de voir terre, surtout lorsque c’est l’admirable baie de New-York qui se présente à vos yeux, mais il faut se débarrasser des ennuis de la douane. L’administration américaine est inexorable; elle vous inflige un vrai supplice. A peine ai-je pu serrer la main démon ami G... qui m’attendait en dehors des barrières posées par les douaniers. Avec un peu de patience, beaucoup même, devrais-je dire, tout est terminé et mes malles me sont promises pour mon arrivée à l’hôtel. Me voici libre enfin et nous partons aussitôt avec mon compagnon faire une promenade dans la ville à l’aide des Elevated ou chemins de fer aériens1.
- Rien de plus curieux que ce chemin de fer qui décrit des courbes tortueuses à travers les rues et
- i
- 1 Voy. n° 398, 5 janvier 1881, p. 107, et n° 270, du3aoâ 1878, p. 151.
- p.7 - vue 11/432
-
-
-
- 8
- LA NATURE.
- fait des détours les plus invraisemblables. J’en ai gardé une impression des plus bizarres et certainement on ne peut pas se figurer une manière de voyager aussi pittoresque et aussi rapide. Les wagons passent quelquefois dans d’étroits passages des rues ; ils arrivent alors presque à toucher les maisons et on est tout étonné de se trouver de plain-pied avec une chambre à coucher ou un salon dont les fenêtres ouvertes ont vue sur votre voiture. On pourrait alors serrer la main du locataire. Il y a foule dans les wagons, bien entendu. Les dames, en toilette fort élégante, sont toujours assises malgré tout; aucun homme ne resterait à sa place si une lad y devait rester debout; la politesse la plus stricte est observée partout. Dans tous les lieux publics, une dame est toujours certaine de passer la première et d’être respectée.
- Tout ce monde se meut silencieusement,- personne
- Fig. 1. — Chemin de fer aérien de New-York. Vué en dessous.
- ne cause, on a l'air absorbé. Cela est étonnant, car on devait s’attendre a tout le contraire d’après la réputation que l’on a faite aux Américains. Le silence est, paraît-il, le grand mot d’ordre ici. Dans les bars, les restaurants, les rues, pas un cri, pas de conversations à voix haute. Ce silence est d’autant, plus curieux, que le mouvement des rues est vraiment fébrile. La masse des voitures, des tramways, du public enfin allant dans tous les sens, vous offre un spectacle d’une animation extraordinaire.
- L’endroit le plus curieux de New-York, pour avoir l’idée d’une fourmilière humaine toujours en travail, est certainement le carrefour de Chatham et New-Rowery.
- Les différences de niveau ont forcé les Elevated a avoir deux étages en cet endroit. On voit alors la foule monter constamment les escaliers; elle va
- Fig. 2. — Chemin de fer aérien de New-York. Vue en dessus.
- prendre ses.billets et remplir les wagons qui partent sans cesse. Cette partie aérienne du tableau serait déjà, une curiosité à elle seule, mais il y a en outre sous le chemin de fer, au travers des colonnes de fonte qui le supportent, un monde d’omnibus, de camionneurs, et de voitures de toutes sortes. Le public enfin se faufile dans ce dangereux labyrinthe aux barricades mouvantes forméés de roues et de chevaux galopant dans toutes les directions.
- Ce Temue-ménage perpétuel est remarquable, étourdissant même, mais on est forcé de reconnaître que si les Elevated sont commodes, ils n’offrent pas un aspect agréable et motivent les réclamations fréquentes des riverains. Le dessous de ce chemin de fer aérien est surtout particulièrement affreux. La boue y séjourne presque toujours; elle ne saurait sécher facilement sous les planchers à jour qui portent les trains en marche, l’aspect est donc noir et peu agréable pour le public.
- Au mois de juin dernier, M. Edison a fait des essais fort intéressants et qui paraissent devoir réussir complètement.. 11 s’agirait de remplacer les machines à vapeur des Elevated par l’électricité. Les voitures auraient alors beaucoup moins d’ébranlement ; cela préserverait les viaducs de fer construits et qui en certains endroits déjà, paraît-il, ont besoin de fortes réparations. Pour les riverains, il n’y aurait plus de fumée ni tous les désagréments des locomotives.
- Si la journée est occupée au milieu de ce tourbillon de foule affairée, le soir n’est pas moins curieux dans un autre genre. Barnum, par exemple, joint à son cirque inouï une ménagerie complète. Tous les monstres de la terre sont là sur une estrade : la femme squelette, les Aztèques, les nains et les géants, les albinos, les femmes à barbe, puis des échantillons superbes d’animaux divers, 20 éléphants savants, etc. Dans le grand amphithéâtre où plus de quinze mille personnes peuvent trouver place, trois cirques sont
- p.8 - vue 12/432
-
-
-
- Fig. 3. — Vue d’ensemble du chemin de fer aérien de New-York, en vue d’East-River. (D’après une photographie.)
- p.9 - vue 13/432
-
-
-
- 40
- LA NAT IJ K E.
- toujours occupés à la fois. Un voit tout un monde de clowns sautant, gesticulant au milieu des exercices des écuyers et écuyères, puis dans les combles de la salle, des saltimbanques des deux sexes occupés sur leur trapèze ou sur les cordes roides. Une musique infernale excite toute cette foule de clowns pendant deux heures durant, car il n’y a.pas d’entracte. On sort de là à dix heures et demie, absolument étourdi, mais on peut se vanter d’avoir vu un spectacle unique dans le monde entier.
- Je ne puis parler de toutes les salles de spectacle, leur directeur s’ingéniant à utiliser les lumières Edison de la façon la plus originale, mais il y un théâtre nouveau, le Lyceurn, ouvert depuis peu, qui offre une particularité assez curieuse.
- La salle contient 1200 personnes environ, elle est plutôt arrangée en salle de concert. La décoration est pleine de goût, sauf de rares détails; c’est un genre mélangé de persan et d’indien ; beaucoup de boiseries apparentes, surtout au plafond. Toutes ces boiseries sont incrustées d’argent, de nacre et d’ivoire (imitations, bien entendu).
- Le balcon de la première galerie est décoré de grandes rosaces de verre éclairées par la lumière Edison. Elles forment ainsi de grosses émeraudes encadrées de montures très délicates en argent et sont posées sur un fond marron du plus joli effet.
- Il n’y a pas de loges, mais trois avant-scènes situées de droite et de gauche, dont les séparations de bois ajourés et sculptés à l’indienne complètent l’effet gracieux de cette petite salle.
- L’idée originale de ce théâtre est d’avoir un orchestre de trente musiciens situé derrière la toile. Il est disposé sur un ascenseur aussi large que la scène même, et on le monte dans les frises lorsque l’entr’acte est terminé. Il redescend ensuite avec tous les musiciens aussitôt l’acte achevé.
- Cet orchestre mouvant est décoré d’une façon délicieuse. Colonnettes en bois niellé d’argent, lustres en forme d’œufs d’autruche rehaussés de mille perles de verres de couleurs diverses, vitraux chatoyants et banderoles de perles, tout cela"éclairé à la lumière
- Fig. 4.— Tourelle en elairage électrique (D'après nature.)
- fer pour l’é-de Détroit.
- est orné d’un vaste caisson rempli d’une centaine de globes de forme ovale suspendus par des fds d’or. Ils remplacent le lustre habituel et répandent dans la salle une douce lumière.
- La lumière Edison est fort employée à New-York dans les théâtres, les restaurants, les grands magasins et les clubs. Le First district central lighting Company se trouve non loin du pont de Brooklyn et il envoie la lumière dans la ville par 20 000 milles de conducteurs; 8 machines à vapeur de 150 chevaux sont en activité avec 8 dynamos de 1200 ampères1. Depuis l’année 4 882, où les premières installations ont été faites, il est facile de se rendre compte des progrès énormes de la lumière électrique dans la cité de New-York. La chambre des régulateurs et celle des instruments de mesure, la salle des dépôts des conducteurs de rechange, sont intéressants, mais la plus curieuse est celle où sont placées les machines et les dynamos. Toutes ces pièces différentes sont basses et construites en cloisons de planches; elles n’offrent aucun intérêt au point de vue de l’arrangement ou du goût, le côté pratique seul est remarquable. Tout cela est provisoire ; on voit que les agrandissements sont facilement faits au fur et à mesure des besoins du public. Les autres parties de la ville sont éclairées par les Compagnies Brush et Swan. Elles s’occupent principalement de l’illumination des rues et des places publiques. A Madi-son Square, entre autres, on peut admirer là grande couronne de lumière composée de six lampes qui se trouve suspendue en haut d’un mât de 50 mètres environ. Elles envoient leurs feux dans toute la place, et sous les beaux arbres du jardin on croirait volontiers à un clair de lune perpétuel.
- On monte tous les soirs cette couronne à l’aide d’une manivelle actionnant des poulies ; le matin on la redescend à la hauteur du balcon pour réparer ou nettoyer les appareils. Sur la place du Carrousel de Paris, l’appareil électrique offre un aspect agréable comme lumière, mais il est moins élevé et l’éclairage est loin d’être aussi intense que les
- Edison; c’est charmant. Enfin le plafond de la salle | ‘ * Voy. n° 488, du 7 octobre 1882, p. 208,
- p.10 - vue 14/432
-
-
-
- LA NATURE.
- H
- lampes Brusli dont Madison Square est pourvu1.
- Dans la ville de New-York ainsi qu’à San-Fran-cisco, etc., on s’est contenté d’un simple mat pour élever les lustres électriques Brush; mais dans la petite ville de Détroit, au bord du lac Saint-Clair, il y a une installation beaucoup plus jolie au point de vue de l’effet dans les rues ; elle est d’une hardiesse remarquable (fig. 4).
- C’est une carcasse triangulaire composée de tiges de fer assemblées en croix de Saint-André et ayant une élévation de 50 mètres environ. Cette sorte de tourelle a jour, d’une légèreté étonnante, est maintenue seulement en deux endroits de la hauteur par des fds tendus à des poteaux plantés dans les rues mêmes et qui ne figurent point sur notre croquis.
- Elle est posée sur une colonne de fonte à une certaine hauteur du trottoir pour ne pas gêner la circulation. Le gardien monte au premier balcon a l’aide d’une échelle ; là, il entre au centre du triangle dans une petite nacelle qu’il peut faire monter lui-même au balcon supérieur, en s’aidant des cordes enroulées autour des poulies. Un contrepoids qui descend au fur et à mesure que l’homme monte facilite l’ascension. Cent tours de ce genre éclairent la ville de Détroit, et elles sont placées à tous les 500 mètres environ. Dans les faubourgs, l’espace est plus grand, il est de 800 mètres. Pour les grandes places, les tours sont plus hautes, elles ont 60 mètres environ et sont munies de 8 lumières. Outre ces appareils électriques, la ville possède, comme New-York, les becs de gaz habituels.
- — A suivre. — ALBERT TiSSANDIER.
- RÉSISTANCE VITALE DES POISSONS
- On dit souvent que les poissons ont la vie dure. En voici un exemple bien remarquable qui nous est communiqué par M. Joussetde Bellesme, directeur de l’Aquarium du Trocadéro.
- Le 18 novembre dernier, un de nos grands commissionnaires en poisson d’eau douce aux Halles, M. II. Heydendave, recevait un assez fort lot de poissons qui lui étaient adressés de Gouda, centre de pêcheries situé aux environs de Rotterdam (Hollande). Ces poissons destinés à la vente étaient emballés et conservés avec de la glace. D’après la date d’arrivée, il était impossible qu’ils aient été pêchés postérieurement au 16 novembre; il est même assez probable qu’ils provenaient de pêches effectuées le 15. En les déballant, on s’aperçut qu’un brochet conservait quelques mouvements des ouïes. On eut alors l’idée de le laver à l’eau froide et de l’immerger dans un bassin, dans lequel les fonctions respiratoires de l’animal ne tardèrent pas à se rétablir. Au bout de quelques heures le brochet était revenu à l’état normal et paraissait très vif. M. Heydendave, enchanté de sa cure, fit don de ce poisson à l’Àquarium du Trocadéro, où l’on peut le voir.
- C’est un beau brochet, d’environ 70 centimètres de long, et dont la couleur dorée contraste avec la teinte plus sombre de nos brochets de Seine.
- Ainsi, voilà un poisson qui est resté hors de l’eau pen-
- 1 Voy. n° 470, du 3 juin 1882, p. 7.
- dant plus de quarante-huit heures, probablement durant trois jours, et qui, emballé sans la moindre précaution avec du poisson mort et des morceaux de glace, a pu effectuer un parcours de 450 kilomètres et revenir ensuite à la vie. C’est assurément là un fait de résistance vitale des plus intéressants à signaler, et il faut savoir bon gré à M. Heydendave d’avoir enrichi la science de ce cas extraordinaire. L’abaissement de la température a été évidemment très favorable à l’entretien des fonctions vitales. Le froid ralentit toutes les actions organiques, et chez les poissons notamment on connaît nombre d’espèces qui, lorsque l’hiver arrive, s’enfoncent dans des trous vaseux où elles doivent ne respirer que fort peu.
- On savait déjà que les carpes et les anguilles voyagent très bien à sec, maison n’avait jamais, croyons-nous, signalé d’une manière authentique un exemple de transport à aussi longue distance et dans de telles conditions, bien supporté par un brochet.
- LA. CENTENAIRE D’AUBERIYES
- La veuve Girard, l’archicenlenaire d’Auberives (Isère) dont nous avons donné le portrait dans notre livraison 622, du 2 mai 1885 (p. 557) èt qui semblait avoir dépassé l’àge de cent vingt-quatre ans, est morte le 10 novembre dernier après un mois de maladie. Notre correspondant, M. Ernest Odier, de Saint-André en Royans (Isère), nous écrit qu’il y a quelques mois il a fait présenter La Nature à la centenaire d’Auberives avec son portrait. M. Perrier, facteur, s’est chargé de cette mission. Quand elle a vu son portrait, la veuve Girard éprouva une grande surprise. « Et qu’est-ce que cela vaine rapporter? s’écria-t-elle.— Des étrangers viendront vous voir en plus grand nombre, lui répondit M. Perrier, et vous feront des présents, des cadeaux. — Eh bien, tout cela ne me fait pas envie, répliqua la centenaire, j’aimerais bien mieux retourner à mon petit pays des Boulognes ! »
- La veuve Girard a toujours beaucoup regretté son petit pays des Boulognes, bien qu’elle y ait vécu pauvrement. M. Perrier l’y a souvent rencontrée revenant des bois chargée d’un gros fagot, qu’il s’offrait à porter, mais la centenaire refusait toujours : « Grand merci, monsieur le facteur, répondait-elle, j’ai encore bon courage pour porter mon fagot. » Et la pauvre centenaire est morte sans revoir son pays natal !
- FILTRATION DES EAUX
- AÉRI-FILTRE MALLIÉ
- On ne saurait apporter trop d’attention à la pureté des eaux d’alimentation ; M. Pasteur et d’autres savants ont démontré que les eaux étaient non seulement les véhicules de toutes les épidémies, mais encore, par les matières organiques qu’elles contiennent, elles peuvent être la cause de fièvres et autres maladies, outre les goitres et la carie des dents dont sont atteintes les populations voisines des lacs et de certaines eaux stagnantes.
- Le principal moyen qu’on avait trouvé pour combattre leurs effets pernicieux était de les soumettre à l’ébullition.
- Les récents travaux ide Pasteur permettent de
- p.11 - vue 15/432
-
-
-
- 12
- LA NATURE
- remplacer l’ébullition par une filtration sévère à l’aide de la pression forçant l’eau à traverser une porcelaine spéciale qui arrête tous germes et microbes. Nous avons déjà fait connaître le filtre Chamberland1. Nous décrirons aujourd’hui l’aéri-filtre de M. Mallié, appareil basé sur un principe analogue.
- L’aéri-filtre donne, d’après le Rapport des expériences faites au Laboratoire municipal sous la direction de son chef M.
- Girard, des résultats qui ont établi que l’eau, au sortir de l’appareil est physiologiquement pure, exempte de germes ou microbes et essentiellement propre à tous les usages domestiques; de plus, cet appareil est disposé de façon à aérer l’eau qui devient ainsi en même temps légère et digestive.
- Le filtre est simple de construction et peut être nettoyé en quelques minutes de tous les résidus, de la chaux et autres matières en suspension qu’il a recueillis en quelques semaines, de manière à redevenir aussi bon que neuf et peut ainsi fonctionner indéfiniment.
- Le robinet qui supporte l’appareil peut être fixé partout et très rapidement sur n’importe quelle conduite. L’appareil est peu volumineux (0m,30 de hauteur) peu encombrant et peut être placé dans une office ou même une salle à manger.
- L’enveloppe en verre très épais protège ce vase filtrant et empêche le contact de l’air à l’eau qui s’échappe du filtre. Cela permet de constater le bon fonctionnement du filtre.
- i Voy. n° 587, «tu 30 août 1884, p. 109
- Le filtre pour ménage que nous représentons ci-contre (fig. 1) débite environ 60 à 80 litres par jour suivant la pression.
- Une disposition spéciale de l’aéri-filtre en batteries de 3 filtres sert à donner aux cafés, petits restaurants, hôtels, etc., une quantité d’eau suffisante à leurs besoins. Ils permettent de filtrer environ 250 litres par jour. Les batteries de 6 filtres à l’usage des hôpitaux, casernes, grands restaurants, etc., donnent environ de 600 à 650 litres par jour.
- Notre figure 2 montre la coupe du filtre Mallié. Le filtre en porcelaine spéciale est représenté en A ; l'eau y arrive sous pression par un ajutage E fixé à un robinet. Le vase en verre extérieur est figuré en B, il recueille l’eau purifiée, et laisse écouler l’eau par un téton inférieur. La fermeture est obtenue par un serrage figuré en C et qui est actuellement en voie de perfectionnement.
- La partie du chapeau D constitue un véritable réservoir contenant un certain volume d'air comprimé qui évite, grâce à son élasticité, les ruptures, conséquences des coups de bélier auxquels il fait coussin ; de plus, étant en contact avec l’eau à une forte pression, il la sature d’air ou plutôt en complète la saturation. Au sortir du filtre, l’eau apparaît troublée et presque laiteuse en raison du mouvement produit par • les minuscules globules d’air en suspension, et ce n’est qu’après un certain temps que l’eau prend une admirable limpidité tout en restant chargée d’oxygène, ce qui la rend très salubre.
- Fig. 1. —Aéri-filtre Mallié — Vue d’ensemble du système.
- Fig. 2. — Coupe de l’appareil avec ses différentes pièces démontées.
- p.12 - vue 16/432
-
-
-
- LA N AT LUE.
- 13
- L’ETUDE
- DES COURANTS DE L’ATLANTIQUE
- M. le prince héréditaire de Monaco, tant en son nom qu’au nom de M. le professeur Pouchet, a fait connaître à l’Académie des sciences une importante expérience qu’ils ont organisée sur les courants de l’Atlantique, et qui, par une heureuse fortune, a déjà donné des résultats. Le prince Albert s’est chargé d’aller sur son beau yacht à voile ï Hirondelle, qui n’en est point à ses premiers services rendus aux sciences, jeter à la mer tout un matériel flottant.
- La dépense de celui-ci avait été couverte avec partie d'une somme mise, il y a quatre ans, par le conseil municipal, à la disposition de M. le professeur Pouchet, pour un voyage scientifique aux Açores. Aucun meilleur usage n’en pouvait être fait.
- Au mois de juin dernier,
- V Hirondelle, commandée par le prince Albert, quittait le port de Lorient, emportant plus de 250 flotteurs de trois catégories :
- 1° des bouteilles ;
- 2° des sphères de cuivre ; 3° des barils. Dans chacun de ces flotteurs on avait mis un tube de verre scellé à la lampe et renfermant une pièce imprimée dont nous reproduisons ici le fac-similé. Le papier est roulé dans les tubes de verre de façon qu’on voie bien qu’il est écrit en plusieurs langues et que chacun y puisse reconnaître la sienne.
- Les bouteilles, par-dessus le bouchon, sont coiffées d’un gant en caoutchouc qui peut résister des mois à l’action de la mer, garantit le bouchon et l’empêche de pourrir.
- La fermeture définitive des sphères de cuivre et des barils a été faite à l’arsenal de Lorient ou le
- ministre de la marine s’était empressé de donner des ordres pour que ces petits travaux fussent exécutés.
- Les sphères sont formées de deux moitiés munies de rebords saillants s’appliquant sur un cercle de caoutchouc et fortement serrés au moyen d’écrous de cuivre. 11 fallait en effet indiquer que les sphères étaient destinées à être ouvertes et contenaient quelque chose.
- Les barils sont de solides petits tonneaux comme ceux qui servent au transport de la bière. Ils sont en chêne, à douves extrêmement fortes, cerclés de fer et sans autre ouverture que la bonde, soigneusement bouchée elle-même par une plaque de caoutchouc recouverte d’une doublure de cuivre. Iis sont goudronnés en dedans, galipotés en dehors et peints. On les a remplis de balle d’avoine afin que l’attention soit appelée sur leur contenu avant qu’on songeât à les mettre en usage.
- Pour éviter l’action des vents, il fallait que les flotteurs plongeassent presque entièrement dans l’eau. Il était à prévoir d’autre part qu’ils augmenteraient forcément de poids par des infiltrations possibles, par l’imbibition à la longue des douves des fûts, enfin parles animaux, quelques-uns à test calcaire qui n’allaient pas manquer de s’y fixer. Mais les notions positives manquaient et le temps aussi, pour régler un allègement progressif des deux sortes de flotteurs. Le prince de Monaco et M. Pouchet s’arrêtèrent à un moyen forcément approximatif. Voici en quoi il consiste. Autour de chaque baril on a adapté deux cerceaux ordinaires que rien ne garantit contre l’action de la mer et des tarets. Dans ces deux cercles on a passé un fil de fer qui devra aussi se rouiller et auquel est suspendue une gueuse du poids voulu pour que la
- Fig. 1. — Réduction à 1/4 par l'héliogravure de l’avis imprimé, placé dans les llotteurs, pour l’étude des courants aériens. (Cette réduction est lisible à la loupe.)
- Fig. 2. — Flotteur de cuivre.
- p.13 - vue 17/432
-
-
-
- U
- LA NAT LUE.
- force ascensionnelle du baril ne dépasse pas beaucoup un kilogramme. De cette manière la partie émergée ne représente pas même un décimètre cube.
- On compte qu’au bout de quelque temps les cerceaux de bois, les fils de fer seront rongés, que la gueuse tombera et que le baril si alourdi qu’il soit d’autre part, sera en état de flotter encore longtemps.
- Dans le même but chaque sphère métallique est enfermée dans un sac grossier en jute avec du sable et des pierres. On compte que le sable s’écoulera peu à peu ; le jute à la longue pourrira ou sera mangé (M. Bouchet a constaté que les crustacés pé-lasgiques, Copépodes et autres, quoique essentiellement carnassiers, attaquent cependant aussi les textiles végétaux) et la sphère allégée continuera de
- A% Point ou ont'été lancés lesflotteurs le 27 et z8 Juillet. B+* Point ou 2 bouteilles ont été trouvées le i5 Septembre C ♦ Point ou un baril à été péché le 15 Octobre
- surnager malgré les infiltrations s’il s’en est produit, et la charge vivante qui se sera certainement attachée à elle.
- U Hirondelle partit pour les Açores le 5 juin dernier. Après une relâche a Fayal, puis à Florès, elle alla gagner le lieu où devaient être jetés les flotteurs entre 100 et 200 milles environ au nord-ouest de Corvo, la dernière île de l’archipel du côté de l’Amérique.
- Le lancement des flotteurs eut lieu le 27 et le 28 juillet de mille en mille. Il ne dura pas moins de 56 heures et tout l’équipage du yacht y mit du sien, paraissant s’intéresser à l’entreprise autant que le commandant lui-même. Puis, cette tâche scientifique accomplie, l'Hirondelle mit le cap sur Lorient où elle arriva vers la fin d’août.
- Déjà trois des flotteurs ont été retrouvés et les documents renvoyés avec les constatations officielles à notre ministre des affaires étrangères.Deux bouteilles ont été recueillies sur la côte nord de San-Miguel tout à l’est des Açores, le 15 et le 16 septembre ; un
- bai il a été pêché au sud de Sainte-Marie, la dernière des îles du côté de l’Afrique, le 15 octobre (Voir la carte ci-contre). Les flotteurs avaient donc contourné ou traverse les Açores à raison de 18 kilomètres à peu près par vingt-quatre heures.
- Où se dirigent-ils maintenant? On peut en tous cas regarder comme probable qu’aucun n’attérira en Europe.
- Donc les eaux de l’Atlantique, même à plus de 100 milles au nord-ouestde Corvo, ne sont pas portées vers nos côtes, ne viennent pas échauffer la France. S’il existe en réalité un courant chaud dans le nord de l’Atlantique qui influence le climat de la Bretagne et des Charentes, force est d’admettre que ce courant, après avoir remonté au nord du côté de l’Amérique, s’incurve tout d’un coup vers l'est, dans la région même où.il trouve les glaces et les eaux froides descendant du nord, qui doivent, beaucoup contribuer à le refroidir.
- L’expérience que viennent de réaliser M. le prince héréditaire de Monaco, et M. G. Pouchet en appelle d’autres, et ce n’est pas, nous en sommes convaincus, la bonne volonté qui manque k ceux qui ont su déjà conduire à bonne fin cette première tentative. G. T.
- CHRONIQUE
- L’origine et l’évolution de la parure. — Dans un intéressant mémoire publié dans la Revue d'anthropologie, M. P. Mongolie constate que l’habitude de s’orner, de se parer, est aussi vieille que l’humanité. Il rappelle les nombreuses parures que l’on rencontre dans les gisements préhistoriques. A mesure que la chasse à l’animal devenait plus rare, une autre plus terrible commençait; l’homme se trouva obligé de disputer sa place à l’homme, la concurrence humaine devint la loi de nature. Le guerrier vainqueur était irrésistible ; le plus estimé, le plus admiré, était celui qui avait exterminé un plus grand nombre d’ennemis, qui portait sur tout le corps des marques de sang. C’est là l’origine de la coutume si répandue de se teindre en rouge en allant au combat; à Rome même aux anciens âges, le triomphateur montait au Capitole le corps teint avec du minium. Dans maints pays, c’est avec le sang humain que l’homme doit rougir son corps, ses enfants mâles, ses armes. La pratique du tatouage s’explique de la même manière. Le guerrier faisait parade de ses balafres. Il y a des peuples où ceux qui se sont distingués au combat ont le droit de se faire une cicatrice. La peinture épidermique fut en bien des régions combinée avec la sculpture de la peau. L’homme l’apportait les dépouilles de l’animal tué, il restait couvert de son trophée, ici peau de lion ou de panthère, là chevelure ou barbe humaine scalpée. Les héros se firent un masque, une coiffure de la tête des fauves tués ; la tête de lion devint la couronne des rois; le casque, tête d’aigle ou d’épervier, la coiffure des guerriers. Les dents, les os restèrent attachés au cou, au bras; quand les métaux vinrent, l’art de la parure entra dans une phase nouvelle ; la décoration s’éloigna de plus en plus de son caractère primitif, devint purement symbolique (in fine): croix d’honneur, palmes académiques. Ainsi s’explique la
- p.14 - vue 18/432
-
-
-
- LA NATURE
- 15
- première catégorie d’emblèmes destinés à manifester les prérogatives de celui qui les porte.
- « Un grand nombre de procédés, dit Tylor, de coutumes, d’opinions, ont été transportés par la force de l’habitude, dans un état social différent de celui où ils avaient pris naissance, et subsistent dès lors comme témoignages d’un ancien état moral et intellectuel dont un nouvel état est sorti. Ce que les sociétés anciennes considéraient comme une affaire sérieuse peut finir par n’ètre plus qu’un divertissement chez les générations suivantes »... C’est là l’histoire de nos pendants d’oreilles et de nos bracelets, chaînes plus ou moins déguisées, fers plus ou moins dégrossis.
- La vie apportée sur la terre par les météorites. — William Thomson a émis l’idée hardie que les premiers germes de la vie ont pu être apportés sur la Terre, jusque-là exclusivement minérale, par la chute d’un aérolilhe portant de la matière organisée, des cellules vivantes. Cette opinion a été partagée depuis par Pasteur. 11 y a, en effet, une barrière en apparence si absolue entre l’organique et l'inorganique, qu’on ne peut, dans l’état présent de la science, faire sortir le premier du second. Un peut bien remonter par la théorie de l’évolution, et avec quelque apparence de fondement, à de premiers êtres organisés, très simples, ancêtres des formes existantes ; mais il est impossible de se représenter les êtres primitifs sortant de la nature minérale. Qu’un aéro-lithe nous apporte la première cellule, et le problème sera résolu. Or, nous trouvons qu’avant Pasteur et William Thomson, l’idée de l’introduction de la vie organique sur la terre, par l’avénement d’un astéroïde portant des êtres organisés, se trouve déjà dans un ouvrage de 1821. On la verra exposée d’une manière assez explicite dans les Conjectures sur la réunion de la Lune à la Terre, par un ancien officier de marine. Le nom de l’auteur n’est pas donné. L’ouvrage a été imprimé à Paris, dans le format in-8°, et réimprimé en /1825. Il y en a une courte notice, par Francœur, dans le premier volume du Bulletin de Férussac. Mais on était si éloigné, à cette époque, des recherches sur la filiation des espèces et sur l’apparition de la vie auxquelles les progrès de la géogénie ont conduit notre génération, que l’auteur de l’article du Bulletin n’a pas même mentionné le passage du livre qu’il analysait, relatif à l’arrivée du premier être organisé. En signalant ce précurseur de William Thomson, nous n’avons nullement le dessin, dit le journal Ciel et Terre, d’amoindrir le mérite ni de contester l’originalité de l’hypothèse du savant écossais. Personne ne doute que cette hypothèse ne soit née dans son esprit. D’ailleurs, elle était le fruit de réflexions basées sur des connaissances étendues, tandis que l’opinion de l’ancien officier de marine ressemblait un peu à une conjecture faite au hasard.
- L-Épllation par l’électricité. — Au meeting annuel de l’association dermatologique américaine, le docteur Fox a rendu compte de la façon dont il a fait disparaître des poils, sur la figure de certaines de ses clientes, en employant l’électricité. Son procédé est des plus simples : une aiguille courbe en iridium est introduite dans le bulbe du poil, on fait passer un courant électrique, et il est foudroyé. Il faut une opération pour chaque poil. Le docteur Fox a cité le cas d’une cliente munie d’une véritable barbe et qui s’est soumise à cette opération 8000 fois ; il a fallu trois ans. Mais depuis, elle est tout à fait débarrassée, et c’est à peine si, bon .an mal an, il faut lui foudroyer quelques douzaines de poils follets. Le président, le
- docteur Hardaway, confirme les observations de son savant collègue; il a pratiqué lui-mêine ce genre de traitement depuis plusieurs années ; il ajoute que les taches de rousseur sont enlevées de même en les piquant avec cette aiguille électrisée.
- Hirondelle blanche.— Un observateur en Angleterre a rencontré une hirondelle complètement blanche, le 4 septembre dernier ; elle s’ébattait avec les autres, ce qui tend à prouver qu’il ne s’agit pas d’une espèce à part, mais seulement d’un cas d’albinisme particulier. Ce fait est tellement rare, que nous ne savons pas s’il a jamais été observé précédemment.
- Tremblements de terre. — Nous avons reçu avis des secousses suivantes observées dans la Suisse occidentale : 15 novembre, 2 h. 15 m. malin. Sion, Gryon, Ollon, soit la même région qui avait été ébranlée le 26 septembre dernier. — 18 novembre, 9 h. 25 m. soir. Chevroux et Cudrefin, rive S. E. du lac de Neuchâtel. — 20 novembre, 5 h. 45 m. matin. Gondo, versant sud du Simplon; Domo d’Ossola, Val Maggia. —21 novembre, 6 b. matin. Paverne (Yaud). F.-A. Forel, professeur.
- Morges, 22 novembre 1885.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 50 novembre 1885. — Présidence de M. l’amiral Jdrien de la Gravière.
- M. Bouley. — En entrant dans la salle, on sent qu’un grand malheur vient d’arriver. Tout le monde parle bas, toutes les figures sont consternées. M. Bouley, le président actuel de l’Académie, que nous avons vu à son fauteuil il y a si peu de semaines encore, est mort ce matin à 2 heures 1/2, à la suite d’une douloureuse maladie. M. Jurien de la Gravière, vice-président, dans un petit discours qu’une émotion poignante l’empêche de finir, exprime les regrets unanimes de l’Assemblée et lève la séance sans même que la correspondance ait été dépouillée. Stanislas Meunier.
- ..- -
- CONFÉRENCE « SCIENTIÀ »
- Le cinquième banquet de la conférence Scientia a eu lieu le jeudi 2(3 novembre dans les salons de Lemardelay. Il avait pour président M. Renan et était offert à M. Berthelot. Quatre-vingt-six convives assistaient à ce dîner qui a inauguré la deuxième année de la fondationi.
- 1 Voici les noms des assistants, que nous énumérons au hasard des places qu'ils occupaient à table : M,nc J. Adam, MM. Janssen, D' Yerneuil, Levasseur,P.I*.Dehérain,Bischoitsheim, G. Masson, Ch. Garnier, T.Philimon, président du Conseil municipal d’Athènes, de passage à Paris, Noblol, A. Guillaume, Dr A. Richet, DrU. Trélat, E. Trélat, de Laeaze-Dutliiers, À. Burdeau, Gauthier-Villars, père et fils, Ledoux, de Comberousse, Boulé, Lyon, l)r Mendelssohn, Ch. Buloz, E. Planchut, Bihot, Etard, Cahours, Ogier, Beau, Dr Laborde, Berthelot fils, Maunoir, Gley, Dénia rçay, A. de Rochas, l)r Nicolas, Richcmond, Désiré Charnay, Flammarion, Simonin, L. Figuier, Léauté, Liébaut, Appert, Clémandot, Ch. Lauth, Chabrier, prince Roland Bonaparte. J. Jackson, Alfred, Albert et Gaston Tissandier, I)r Landouzy, Dr Segond, Dr Riehelot, René Ménard, Poyet, West, Stanislas Meunier, Bureau, Max de Nansouty, Ch. Richet, Talansier. Seyrig, Moissan, E. Landrin, Georges Petit, Vallot, Dr Assaky, l)r Picqué, Jacques Passy, Marion, Dr Crémail, Ed. Hospitalier, Lucien Marc, Schiller, Vallerv liadot, Georges Serre, Farjasse, Filhol, J. de Comberousse, Dr Dagincourt, de Varigny.
- p.15 - vue 19/432
-
-
-
- 16
- LA NATURE.
- M. Renan a ouvert la série des toasts, et il a tenu l’auditoire sous le charme de sa parole, en rappelant la naissance de son amitié avec M. Ber-thelot, aux jours de leur première jeunesse. « Nous avions, a dit M. Renan, ce qui crée le principal lien entre les hommes, je veux dire la même religion. Cette religion était le culte de la Vérité. » Et l’orateur a glorifié la science qui est l’unique maîtresse de la Vérité, qui rectifie les erreurs de l’humanité; il a montré le rôle que M. Berthelot a tenu, dans les récentes conquêtes de la science, et dans le progrès de l'esprit. « ...Dans la plus philosophique des sciences, la chimie, vous avez porté les limites de ce que l’on sait au delà du point où s’étaient arrêtés nos devanciers.
- Dilater le Pomœrium, c’est-à-dire reculer l’en-ceinte de la ville, était à Rome l’acte de mémoire le plus envié. Vous avez dilaté, cher ami, au secteur où vous travaillez,
- 1 e pomœrium de l’esprit humain...
- Vivez longtemps pour la science, pour ceux qui vous aiment, vivez pour notre chère patrie, qui se console de bien des défaillances en montrant au monde quelques enfants tels que
- VOUS. 33
- M. Berthelot a répondu, avec une grande modestie, que si M. Chevreul, un de ses prédécesseurs au banquet de Scientia, avait pu se présenter comme le doyen des étudiants de France, il demandait qu’on ne lui refusât pas le titre d’étudiant tout court. « ...11 y a quarante ans que mon ami Renan et moi, nous travaillons ensemble dans des voies différentes, mais avec une philosophie commune. Nous avons choisi chacun notre part, comme Marthe et Marie dans l’Evangile; plus heureux quelles, aucun de nous deux ne regrette son choix et n’envie la part échue à l’autre. Notre curiosité est infinie et le domaine de la Vérité n’a pas de limites... »
- ’ M. Gaston Tissandier a résumé le passé de la conférence Scientia, et a fait remarquer qu’on avait le
- 0îiix>,ïts c-—
- Meuu du cinquième banquet de la Conférence Scientia, offert à M. berthelot, sous la présidence de M. lïeuan, le jeudi 28 novembre 1885. (Réduction 1/2 environ.)
- droit d’être fier, pour le pays et pour la science, des hommes illustres dont on avait célébré les travaux et la gloire. On ne saurait rencontrer nulle part ailleurs, des Chevreul, des Pasteur et des Lesseps, auxquels succèdent aujourd’hui des Berthelot et des Renan.
- M. de Comberousse a porté un toast à Mme J. Adam qui a bien voulu s’inscrire parmi les membres de la conférence Scientia et qui était assise à la droite de M. Berthelot. —M. Timoléon Philimon atrèséloquem-ment parlé du rôle de la France au point de vue de l’intelligence humaine; il l’a comparé à celui de la
- Grèce antique.— M. Janssen a terminé la série des allocutions, en unissant dans un même toast les noms de M. Bee-thelot et de M. Renan, et en faisant savoir aux assistants que c’est M. Berthelot qui a jadis décidé M. Renan à suivre la carrière de la science. « C’est à M. Berthelot, a dit M. Janssen, que la science doit la conquête de ce grand esprit, de ce grand artiste, de ce grand philosophe. » Nous reproduisons ci-contre le menu du dîner de Scientia ; nous en supprimons le nom des plats, lui retirant ainsi son côté matériel, pour n’en laisser subsister que la partie artistique, dont la très heureuse composition est due à M. Poyet. Le portrait de M. Berthelot est dessiné au centre des signes emblématiques de la chrysopée de la Cléopâtre, que le savant chimiste a définie dans un de ses récents ouvrages, Les origines de l'alchimie; l’auteur des innombrables découvertes qui l’ont placé au premier rang des maîtres, est représenté au-dessus du laboratoire d’un souffleur du moyen-âge, et à côté d’une cornue de verre qui est l’emblème de la science aux progrès de laquelle il a si puissamment contribué.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Pans.
- p.16 - vue 20/432
-
-
-
- Nc 654. — 12 DÉCEMBRE 1885.
- LA NATURE.
- 17
- »>w. \‘l -i ' -) '-i
- H.-M. BOULE Y
- Henry-Marie Bouley, né à Paris le 17 mai 1814, avait à peine vingt-trois ans lorsqu’il fut nommé chef de service des hôpitaux à l’École vétérinaire d’Alfort. En 1859, il devint professeur suppléant, et en '1849 il fut nommé titulaire du cours de pathologie chirurgicale et de manuel opératoire. 11 occupa cette chaire avec la plus grande distinction jusqu’en 1866, date de sa promotion au grade élevé d’inspecteur général des écoles vétérinaires, dont il a conservé les fonctions jusqu’au jour de sa mort.
- L’importance des travaux de Bouley lui mérita l’honneur d’être élu, en 1868, membre de l’Académie des sciences dans la section d’économie rurale en remplacement de Rayer. Il reçut la croix de commandeur de la Légion d’honneur en 1881 des mains de M. Dcvès, ministre de l’agiicülture du cabinet de Gambetta. Enfin, à la mort de Claude Bernard, il fut nommé, au Muséum d’histoire naturelle, professeur d’un cours de pathologie comparée.
- Jamais carrière consacrée à la science vétérinaire et aux grandes questions de l’hygiène des animaux, si importantes pour l’agriculture nationale, ne fut plus brillamment et mieux remplie que celle de notre regretté confrère. Ce n’est ni le lieu, ni le moment de rappeler en détail les travaux et les nombreux écrits de Bouley, mais je ne saurais me dispenser de citer quelques-uns de ses titres à la reconnaissance des savants, du corps vétérinaire tout entier et de l’agriculture française.
- A l’époque où notre confrère débuta dans la carrière de l'enseignement, la morve était fort mal connue ; le jeune professeur fit de cette maladie une étude approfondie, fort remarquée des savants et des praticiens.
- La péripneumonie du gros bétail est un des plus redoutables fléaux de l’agriculture. Nommé membre de la Commission chargée en 1850 d’étudier cette maladie, Bouley donna dans son rapport la démonstration certaine du caractère contagieux de cette affection, et posa, dès cette époque, le principe des Ue année. — ter semestre.
- moyens administratifs qui permettent de la combattre aujourd’hui avec tant de succès.
- En 1865, une maladie inconnue sévissait avec violence en Angleterre sur le bétail. Bouley fut chargé d’aller étudier sur place la cause du mal. Le jour même de son arrivée sur le territoire britannique, il reconnut que cette maladie meurtrière n’était autre que le typhus contagieux des bêtes à cornes. Il en informa par le télégraphe le gouvernement français, signala l’imminence du danger, indiqua les mesures à prendre d’urgence pour l’éviter, et parvint, par sa perspicacité et son énergie, à préserver notre pays d’un fléau qui fit perdre à l’Angleterre et à la Hollande près de 500 C00 têtes de gros bétail. A la suite de plusieurs missions accomplies dans les contrées où sévissait le typhus contagieux, Bouley démontra, d’une part, que cette maladie originaire des steppes de l’Europe orientale ne se développe jamais spontanément dans l’Europe occidentale où elle ne peut être introduite que par la voie de la contagion, et d’autre part, que dans tous les pays de cette dernière partie de l’Europe, on est toujours maître d’arrêter les ravages du typhus si l’on sait étouffer, par des sacrifices faits à propos, les foyers de la contagion partout où ils tendent à s’allumer. Ces faits bien établis ont servi de bases aux mesures sanitaires qui jusqu’à présent nous ont préservés des ravages de ce redoutable fléau. Préparé par ses études des maladies contagieuses et par ses nombreuses missions, Bouley a été l’un des principaux auteurs de la réforme de notre législation sur la police sanitaire des animaux. On lui doit un très grand nombre de rapports et de documents officiels sur cette matière. Jamais la science appliquée n’a mieux éclairé les principes d’une législation nouvelle. L’expérience est aujourd’hui complète, et l’on peut affirmer que cette législation, due en grande partie aux travaux de Bouley, a diminué dans une énorme proportion et tend à réduire de plus en plus les pertes de bestiaux qui pesaient si lourdement autrefois sur notre agriculture.
- Pendant toute sa vie, Bouley a été attaché à l’enseignement vétérinaire. Il avait pour ses collègues,
- H.-M. Bouley, président de l’Académie des sciences, né à Paris, le 17 mai 1814, mort à Paris, le 30 novembre 1885. (D’après une photographie de M. A. Liébert.)
- p.17 - vue 21/432
-
-
-
- 18
- LA NATURE.
- presque tous <ses anciens élèves, un attaeliement et un dévouement sans bornes. Il a puissamment aidé aux progrès que l’art vétérinaire a faits dans l’estime publique depuis un certain nombre d'années. « Nul, disait récemment notre illustre confrère M. Pasteur, n’a plus honoré que Bouley l’art vétérinaire. Par son talent, par son caractère, par son enthousiasme pour les choses de la science, il a triomphé de certains préjugés qui sournoisement empêchaient la profession vétérinaire de prendre la place qui lui est due. »
- Ce n’est point en effet à des mesures législatives, comme le supposent certaines personnes, ce n’est point à ce que l’on appelle la protection de l’État que l’on doit demander le relèvement d’une profession libérale. C’est par la valeur et la dignité personnelle de ses membres qu’elle obtient l’autorité qui fait sa force et sa grandeur. La profession vétérinaire, pour continuer à grandir et à s’élever, n’a besoin, comme l’a dit M. Pasteur, que de conserver à sa tète une élite de professeurs et de savants, élèves de Bouley et continuateurs de son œuvre.
- Bouley fut des premiers a comprendre les idées et les théories de M. Pasteur. Il croyait fermement et avec raison qu’elles sont appelées à renouveler la médecine et l’hygiène. Ce sera son honneur de n’avoir jamais perdu une occasion d’exposer, de développer et de défendre les doctrines du maître. 11 mettait aœ service de cette grande cause sa parole élégante et facile, son éloquence aimable et persuasive, la grâce et le charme naturel de sa personne, toutes ces qualités en un mot qui faisaient de lui, dans les discussions scientifiques, un conquérant par la parole.
- Depuis quelque temps déjà, Bouley ressentait les atteintes de la maladie à laquelle il devait succomber ; il en suivait les progrès sans se faire aucune illusion. Ses amis voyaient avec douleur cet homme si robuste encore il y a quelques mois, lutter inutilement contre la mort avec un courage et une fermeté qui faisaient l’admiration des confidents de ses souffrances et de ses pensées intimes.
- Bouley était aimé de tous ceux qui le connaissaient, il laisse un grand vide dans le sein des nombreuses sociétés savantes auxquelles il appartenait. Ses travaux resteront dans la science, et l’agriculture ne cessera pas d’en profiter ; ses confrères ne l’oublieront jamais, et sa vie si bien remplie par d’utiles labeurs servira longtemps de modèle à ceux qui viendront après lui1, Hervé Mangon, de l’Institut.
- LES TEMPS PRÉHISTORIQUES
- DANS LA NEVADA ET DANS LE NICARAGUA
- Les découvertes faites en Californie montrent que l’Éonnne a vécu dans ces régions, alors que les volcans étaient en pleine ignition ; d’autres découvertes
- . 1 Extrait du discours prononcé aux obsèques de M. Bouley, au nom de l’Académie des sciences, ‘
- ! (f î-. ‘ f
- permettent d’aftirmer que cet homme a été le contemporain et souvent la $ victime i des mammifères singulièrement redoutables qui l’entouraient et que l’on ne peut mieux comparer qu’à leurs congénères quaternaires en Europe.
- Ces temps reculés, dont aucun chronomètre connu ne permet de calculer la durée, ne seraient même pas de l’autre côté de L’Atlantique küimite extrême de notre race, s’il faut accepter îles faits nouveaux qui nous sont annoncés, ; n •
- La prison de Carson (Nevada) est située à'1300 mètres environ au-dessus du niveau de la mer, dans la carrière même dont les pierres ont été utilisées pour sa construction. On a recueilli dans les couches inférieures de cet immense dépôt calcaire, plusieurs fragments de défenses d’éléphants, des molaires d’équidés et avec elles des coquilles appartenant à des espèces encore vivantes dans le pays, des Âno-dontes et des Physas principalement. Ces mollusques avaient vécu dans un grand lac aujourd’hui disparu, auquel M. Clarence Ring a donné le nom de lac Lahontan1 et dont la carrière semble avoir marqué les limites extrêmes. Les déblais successifs ont mis au jour de nombreuses empreintes de pieds de mammifères tels que le mammouth, le cerf, le cheval, le loup, lahyène, venus se désaltérer dans les eaux du lac.
- Parmi ces empreintes on a distingué plusieurs séries offrant une certaine ressemblance à un pied humain, chaussé d’une sandale ou plus simplement recouvert d’un morceau de peau. Dans une des séries on a même remarqué que la forme de la sandale offrait une légère différence avec les autres.
- La première série à l’est de la carrière, la seule dont il est utile de parler, comprend seize empreintes imprimées dans un dépôt sédimentaire reposant sur un grès très compact. Le pied est tourné en dehors, contrairement à l’habitude des Indiens actuels qui marchent toujours les pieds très en dedans. La longueur des empreintes était de 47 centimètres2, leur largeur maxima de 20, et leur largeur minima prise au talon de il). La longueur du pas dépassait 0m,67 et la distance d’un pied à l’autre mesurée du centre de l’empreinte O111,50. Parmi les empreintes de cette série, on en a relevé huit régulièrement espacées, appartenant à un mammouth de taille remarquable. En se dirigeant vers le lac, pour y boire sans doute ou pour s’y baigner, il s’était croisé avec l’homme et le pas humain avait été effacé par celui du pesant mammifère. D’autres empreintes se rapportent à un équidé très voisin du cheval actuel et une dernière
- 1 Le lac Laliontan parait avoir deeupé, pendant la période quaternaire, toute la partie ouest de l’État de Nevada. Sa forme était très irrégulière et sa profondeur très variable. Les montagnes actuelles, de formation tertiaire, émergeaient de ses eaux sous la forme d’iles d’une étendue plus ou moins considérable.
- * La longueur des autres empreintes varie de 0”.45 à 0m,o2,
- p.18 - vue 22/432
-
-
-
- la nature,
- 19
- de forme ronde et d’un diamètre de 0U1,12 a été attribuée au machaïrodus1 dont le professeur Dent croît avoir retrouvé une dent dans des couches d’asphalte situées dans le comté de los Angeles (Californie). Les oiseaux sont aussi très nombreux. Presque tous les pas sont ceux d’un échassier de la taille du héron. Cet oiseau n’avait que trois doigts, du moins ce n’est qu exceptionnellement que l’on rencontre des empreintes où le quatrième est marqué. Le doigt le plus long mesure 0m,12 et le pas varie de 0m,50 à 0m,50.
- Une nouvelle découverte est venue ajouter à l’intérêt de celles de Carson. Un autrichien, M. Low, a relevé auprès du lac Managua (Nicaragua), des pas humains imprimés à une profondeur variant de 8 a 14 centimètres sur un tuf très poreux et recouverts de onze couches différentes ne mesurant pas moins de 11 mètres de puissance et formées presque toutes d un conglomérat d’origine volcanique 2. Ces empreintes se rapportent à trois personnes distinctes dont 1 une était un enfant. Nous ignorons si l’on a également trouvé quelques traces de mammifères ou d’oiseaux, nous savons seulement que les couches supérieures renfermaient im grand nombre de leuilles fossilisées, qui ne sont pas encore déterminées.
- A quel âge remontent les dépôts lacustres de Carson et les dépôts volcaniques du lac Managua? Une distinction est nécessaire pour les dépôts de Carson. M. Clarence King hésite entre le pliocène et le quaternaire inférieur. Écartons tout d’abord les coquilles ; toutes appartiennent, il est vrai, à des espèces actuellement vivantes, tandis qu’un tiers au moins des mollusques pliocènes a disparu, mais le petit nombre d’espèces conservées ne permet aucune conclusion. Les mammifères fournissent des indications plus sérieuses ; ni les éléphants, ni les chevaux n’ont vécu en Amérique durant le miocène. Au quaternaire, au contraire, deux espèces d’éléphants, YAmericanus et le Primigenius, parcouraient en hordes nombreuses le Nouveau Monde.
- M. Whitney affirme de son côté qu’aucun éléphant n’a survécu en Californie à l’époque quaternaire et qu’il n’a jamais été rencontré dans les graviers subjacents aux laves pliocènes. Les équidés paraissent sur le continent américain dès les temps tertiaires. Ils vivaient durant 1 eocène et le miocène; mais pendant ces périodes, Yequus est toujours poly-dactyle'et ce n’est guère qu’a la fin du pliocène que parait le cheval solipède. Or, c’ëst à ce dernier que se rapportent les diverses espèces reconnues à Carson. La faunç nous permet donc d'attribuer les empreintes dont il s’agit, soit au pliocène supérieur, soit au quaternaire inférieur, sans que cette distinction puisse tirer à grande conséquence, car tous les
- *'Le machaïrodus n’à jamais été signalé jusqu’ici en Amérique. L’empreinte pourrait être mieux rapportée au sinilodon, puissant carnassier assez commun dans l’Amérique du Sud.
- 3 M. Low a fait scier avec -grand soin les empreintes ; elles sont aujourd'hui au Musée de Vienne.
- géologues savent l’impossibilité où Ton est d’établir des limites absolument exactes entre ces périodes.
- Les dépôts volcaniques du Nicaragua n’autorisent pas des conclusions aussi affirmatives. Il est très probable, nous l’avons dit, que l’homme a vécu sur le continent américain, alors que les volcans étaient en pleine ignition, avant la grande extension des glaciers, dans des temps où la faune et la flore étaient bien différentes de la faune et de la flore actuelles. Mais si sur divers points de l’Amérique du Nord, la déjection des grandes masses de matières volcaniques a commencé dès le pliocène, nous savons qu’elle a continué durant le quaternaire et même durant les temps modernes. Toutes dates initiales ou finales font donc défaut, et s’il était même possible de les connaître, des phénomènes aussi terribles que les éruptions volcaniques ont dù amener des remaniements qui enlèveraient toute certitude à nos conclusions.
- Une seconde question se pose naturellement. Ces empreintes sont-elles dues à un homme? Les renseignements que nous possédons sur celles découvertes auprès du lac Managua ne sont pas encore assez complets pour permettre de la trancher. Quant aux empreintes de Carson, les photographies, les gravures, les moulages transmis en Europe, ne permettent point de les attribuer à un être semblable à nous. Nous ne connaissons dans le passé, si haut que nous remontions, aucune race de géants dont le pied dépasse 50 centimètres en longueur, 20 en largeur, et dont le pas égale celui signalé à Carson. Si ces hommes avaient vécu, on aurait retrouvé leurs ossements sur quelques points des continents baignés par l’Atlantique et le Pacifique; et tant que cette preuve ne sera pas faite, nous sommes en droit de résoudre par la négative leur existence. Il est non moins difficile d’admettre que dans des temps aussi reculés, l’homme fût déjà assez avancé en civilisation pour fabriquer et porter des chaussures. Nous attendrons donc des faits mieux justifiés, avant d’accepter l’homme préhistorique du Nicaragua ou de la Nevada.
- Marquis de Nadaillac.
- DE M. CH. PALMERS
- Nous ayons signalé à plusieurs reprises les tentatives intéressantes qui ont été faites dans les constructions de ce genre, la petite voiture à vapeur que représente la figure ci-après, et qui figurait à l’Exposition d Anvers, est un véhicule intermédiaire entre le phaéton à vapeur de MM. Dion, Bouton et Tré-pardoux l, et le tricycle à vapeur de M. PérauxL
- ‘Voy. n° t>49, du 7 novembre 1885, p. 357. s Voy. u° 480, du 12 août I8s2, p. 101.
- p.19 - vue 23/432
-
-
-
- 20
- LA NATURE
- C’est plutôt une locomotive routière portant le conducteur et pouvant remorquer une voiture montée sur roues d’acier et pesant 15 kilogrammes, qu'on attache à la suite du véhicule et sur laquelle deux personnes peuvent prendre place.
- Le véhicule moteur constitue un tricycle porté sur deux roues de lw,40 de diamètre à l’arrière et une roue directrice de 60 centimètres de diamètre a l’avant.
- La chaudière, chauffée au coke est un petit générateur système du Temple, ne pesant que quatre-vingts kilogrammes et d’une puissance d’environ deux tiers de cheval. Cette chaudière ne renfermant
- que quelques litres d’eau, se met très rapidement en pression et constitue, eu égard à cette faible quantité d’eau soumise à chaque instant à l’action de la chaleur, un véritable générateur inexplosible d’une sécurité presque absolue. La vapeur produite par ce générateur actionne un petit moteur à deux cylindres ayant 40 centimètres de longueur et 20 centimètres de large : les cylindres ont 4 centimètres de diamètre et 8 centimètres de course. Pour gagner de la place et du poids, la transmission de mouvement à l’arbre de la petite machine se fait sans bielles ; à cet effet les tiges des pistons sont munies de coulisses verticales dans lesquelles glissent les boutons des manivelles,
- Voiture à vapeur, système Palmers.
- comme dans les moteurs Rikkers. La vitesse du moteur étant très grande relativement à celle des roues motrices, on réduit la vitesse initiale dans le rapport convenable par un arbre intermédiaire.
- Une chaîne de Galle relie le moteur à l’arbre intermédiaire; deux chaînes à maillons ordinaires, placées de chaque côté et à chaque extrémité de l’arbre intermédiaire, transmettent le mouvement de l’arbre intermédiaire aux roues motrices. Ces chaînes permettent, par suite de leur flexibilité, l’emploi des ressorts très doux.
- . Le conducteur a sous la main tous les organes nécesairesa l’entretien du feu, à la mise en marche et à l’arrêt, ainsi qu’a la direction du véhicule.
- La chaudière est alimentée d’une façon continue
- par une pompe placée sur la gauche ; de plus, il y a sur la droite un injecleur minuscule pour parer à toute éventualité.
- La roue d'avant, qui est la roue directrice, est commandée par un volant et une vis qui permet de lui faire prendre toutes les directions : un système ingénieux rend le véhicule indépendant des chocs reçus par la roue directrice, ce qui assure la direction du véhicule et rend sa conduite plus facile.
- D’après les renseignements qui nous sont communiqués par M. Gh. Palmers, la vitesse de ce petit locomoteur ^ur routes pourrait atteindre 10 à 12 kilomètres par heure.
- p.20 - vue 24/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 21
- BASCULE A TIRELIRE
- DE M. EVERITT
- On trouve dans presque toutes les fêtes foraines, dans beaucoup de promenades publiques et même dans certains grands magasins de nouveautés, des balances ou bascules plus ou moins perfectionnées, où, moyennant une somme modique, chacun peut se faire peser. Mais toutes ces machines exigent la présence d’une personne qui pèse et perçoit la rétri-ljution. M. Everitt, de Londres, a pensé qu’il v aurait avantage à ce que la bascule fasse elle-même la perception, et il a été amené à imaginer le curieux appareil que représente notre première gravure et qui ne donne l’indication demandée qu’après versement de la somme fixée.
- Pour bien comprendre son fonctionnement, il faut distinguer trois parties. La première comprend le jeu de leviers supportant la plateforme et ne diffère pas de la disposition bien connue des bascules ordinaires. Nous ne la décrirons donc pas.
- Le crochet du dernier levier vient s’appuyer sur l’extrémité d’un ruban en acier k (fig. 2), qui le relie à la seconde partie. Celle-ci se trouve placée en arrière de l’appareil et elle est entièrement séparée de la troisième partie placée immédiatement derrière le cadran. (La ligne AB tracée sur la figure 5, projection horizontale, indique bien cette séparation.)
- Elle se compose d’un axe horizontal n, sur lequel s’enroule le ruban k, et qui porte, tournant avec lui, la poulie q et le bras du levier l (fig. 2). On voit de suite que tout objet placé sur la plate-forme fera tourner la poulie q dans le sens de la flèche jusqu’à ce que l’équilibre s’établisse par l’effet des contrepoids / et c. Un secteur denté r, fixé sur la poulie, communique le mouvement à un pignon s' monté sur un axe t '(fig. 2 et 3) ; une tige u se trouve fixée perpendiculairement k l’extrémité postérieure de cet axe et prend des positions différentes suivant l’importance des poids placés sur la plate-
- forme. C’est, en un mot, l’aiguille indicatrice, mais on ne la voit pas de l’extérieur. Pour connaître quelle position elle occupe, il faut mettre en mouvement la véritable aiguille indicatrice qni est solidaire de la troisième partie de l’appareil. On sait que pour cela il faut introduire une pièce de dix centimes dans une fente f ménagée k cet effet près du cadran. Cette pièce h vient tomber dans une boîte d (fig. 2) portée k l’extrémité d’un levier c'b' qui pivote en a'. II porte un secteur denté z actionnant un pignon y' (fig. 3) monté sur un axe x. Celui-ci porte k l’une de ses extrémités l’aiguille
- indicatrice v et k l’autre une tige qui est recourbée en crochet à l’un de ses bouts de façon à venir buter contre la tige u lorsqu’elle la rencontre.
- On comprend dès lors facilement le fonctionnement de l’appareil. Lorsqu’une personne monte sur la plateforme, la tige u prend immédiatement une certaine position ; puis, quand une pièce de dix centimes tombe dans la boîte, elle fait basculer le levier c'b' jusqu’à ce que la tige V vienne rencontrer n, dont la position est alors indiquée sur le cadran par l’aiguille v.
- Il nous reste maintenant quelques mots à dire pour expliquer les précautions prises afin que les pièces de dix centimes actionnent seules l’appareil. Disons d’abord que la fente par laquelle on les introduit a exactement leurs dimensions. La languette e (fig. 2) qui conduit de cette fente f k la boîte d, est percée d’une ouverture e3 qui laisse tomber toute pièce d’un diamètre plus petit avant qu’elle n’arrive à la boîte. En outre le fond i' de cette boîte est mobile et pivote en /, il est équilibré en k' de telle sorte que si une pièce trop lourde (en plomb par exemple) arrive, il bascule et la laisse tomber avant que son poids puisse agir sur le levier c'b'.
- On voit (fig. 2), à l’extrémité du fond i' un petit levier m' ; il est monté sur une charnière n' qui permet de le faire pivoter de bas en haut, mais non de haut en bas ; il se soulève donc k la rencontre du crochet o lorsque le levier bascule sous l’action
- Fig. 1. — Bascule à tirelire et à cadran donnant le poids sous l’action d’une pièce de dix centimes au’on y jette.
- p.21 - vue 25/432
-
-
-
- 22
- LA NATURE.
- de la pièce de dix centimes h': mais lorsqu’on est descendu de la plate-forme et que tout le système reprend sa position primitive, m' rencontrant o' force le fond mobile i' à s’ouvrir et la pièce tombe
- Fig. 2. — Détail du mécanisme. Coupe
- dans la boîte destinée à contenir la recette de la journée.
- La tige r' (fig. 2) qui est fixée sur la poulie r est attachée à un piston plein d’eau de façon «à ralentir
- —1
- Fig. 3. — Projection horizontale
- le mouvement de retour lorsqu’on descend de la plate-forme.
- Cette ingénieuse machine figurait cette année à différentes expositions en France et à l’étranger; elle a obtenu partout de la part du public un très grand succès. G. Mareschal.
- LE LABORATOIRE MUNICIPAL
- DE PORTO
- Le laboratoire municipal de chimie de Porto est dû à l'initiative éclairée de M. Correia de Barros, président actuel du Conseil municipal de Porto.
- Dans la séance du 26 septembre 1881 il exposait, dans un Rapport très étendu et très important sur les améliorations dont la ville de Porto était susceptible, la convenance de fonder un établissement où le public pouvait se renseigner sur la qualité ou la nature de substances alimentaires, moyennant une modeste rétribution.
- Cette pensée a été approuvée par le Conseil.
- M. Arnaldo Braga, professeur honoraire de l’Ecole polytechnique, en sa qualité de membre du Conseil municipal, a été chargé de la haute direction du laboratoire.
- Le monument destiné au laboratoire a été construit en
- 1883. Ce n’est, cependant, qu’au mois de janvier 1884 que l’établissement était en état de permettre que l’on commençât les travaux.
- La direction effective des services du laboratoire a été confiée à M. Ferreira da Silva, professeur de chimie à l’Ecole polytechnique et membre de la Société chimique dé Paris. s
- Les mois de février, mars et mai 1884 ont été consacres à l’installation du laboratoire.
- Le laboratoire a été ouvert au public le 2 juin
- 1884. Il se trouve au rez-de-chaussée et se compose : d’un laboratoire pouvant servir à quatre Chimistes; d’une salle pour les balances et dépôt de réactifs; d’une salle pour l’analyse volumétrique; d’une chambre noire ; d’une salle pour dépôt d’échantillons de genres alimentaires et de substances employées pour les frauder; d’un bureau du directeur ; d’un bureau de réception d’échantillons et d’une antichambre pour le public.
- Voici la disposition de ces pièces :
- Le laboratoire a trois tables de travail, avec armoire pour réactifs les plus usités et des robinets polit* gaz d’éclairage; à côté on a des robinets à eau et des cuvettes à fermeture hydraulique. Le chimiste a ainsi h sa disposition les moyens de travail les plus nécessaires. On trouve dans cette dépendance deux cheminées et. trois niches à évaporation où vont se rendre des tubes à eau et à gaz. Dans ces niches peuvent s’installer très commodément les bains-marie à niveau constant.
- Dans l’autre moitié de cette même salle on voit un grand fourneau a gaz pour incinérations, un fourneau à moufle, le fourneau de Perrot pour fusions, l’appareil d’analyse organique de Glaser, la lampe d’émailleur à gaz, la trompe soufflante de Lionnet, les trompes hydropneu-
- Robinet à gaz
- Plan d’ensemble du laboratoire de chimie municipal de Porto.
- p.22 - vue 26/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 23
- matiques à eau, l’appareil à distillation chauffé au gaz, les cuves au mercure et à l’eau, et le lavoir et évier. Deux tables sont disposées, l’une pour les gros pesages et pour les grandes cages à dessiccation, et l’autre pour l’appareil à dosage simultané de l’alcool dans quatre échantillons de vins. Dans cette table se trouve le réservoir a eau, constamment renouvelée, où peuvent se placer les crémomètres dans l’analyse du lait.
- Dans la salle des balances on trouve, entre autres, une balance de haute précision, système Bunge, donnant le 1/10 de milligramme; et d’autres appareils, tels que la machine pneumatique d’Edmond Carré pour la congélation de l’eau, l’essoreuse de Sourdat, une pile au bichromate à six éléments et la bobine Ruhmkorff.
- Dans la chambre noire est disposée une table avec le saccharimètre à pénombres de Laurent, le spectroscope ordinaire et celui de vision directe.
- Dans la salle où se trouvent les appareils jaugés et gradués pour les essais volumétriques, il y a deux grandes vitrines avec l’outillage en verre du laboratoire et quelques instruments de précision. Nous mentionnerons les thermomètres et les densimètres construits avec son habileté bien connue, par M. Baudin. Les vases en verre à extraits et les capsules de platine à fond plat pour incinérations se trouvent ici. Il y a encore à remarquer la presse de Samain et ordinaire, le laminoir et les appareils gazogènes d’Alvergniat, modification avantageuse de ceux de Sainte-Claire Deville.
- Le bureau du directeur a une grande vitrine avec des appareils, une table pour les observations microscopiques devant la fenêtre, une bibliothèque. Les microscopes sont construits par M. Nachet; il y en a trois modèles.
- Le personnel du laboratoire se compose actuellement du directeur, d’un aide-chimiste, d’un secrétaire et d’un homme de service.
- Les analyses que le public peut demander sont ou qualitatives ou quantitatives. Les premières se payent à 2 fr. 50 et donnent droit à un certificat du directeur, déclarant si l’échantillon analysé est bon, passable, mauvais, nuisible ou non nuisible.
- Les deuxièmes donnent droit à un bulletin, donnant la composition de l’échantillon analysé ; et leur taux est de 25 francs, ou de 12 fr. 50 selon le genre analysé.
- Le laboratoire municipal de Porto ne possède pas encore un service d’inspection comme celui de Paris. Pour réaliser cette organisation, il faudrait un accord entre la municipalité et l’administration. Le laboratoire de Porto est donc, en Portugal, un laboratoire essentiellement municipal, semblable à ceux qui fonctionnent actuellement à Lyon, à Saint-Etienne, à Marseille, à Rouen, au Havre, h Lille et dans quelques autres villes de France.
- I.ÈGENDE EXPLICATIVE DD PLAN D’ENSEMBLE.
- A. Laboratoire : AA. Cheminées. — B. Fourneau à vent. — C. Grand four carré pour incinérations. — D. Four Perrot. — E. Four de Carius. — F. Four de coupellation à gaz. — G. Grille de Glaser pour analyses organiques. — H. Cuve à mercure ordinaire. — 1 Cuve à mercure profonde. — J. Machine pneumatique à mercure d’Alvergniat. — K. Étuve à 9 portes. — L. Étuve Wiessnegg. — M. Trompe soufflante de Lionnet.— N. Niches à évaporation.— 0. Alambic Dupré pour dosage de l’alcool dans les vins.— P. Ar-moires-exsiccateurs Dupré. — Q. Cloches pour le vide. — R. Grand hlambic chauffé au gaz. — T. Balance de Roberval. — S. Lampe et table à émailleur au gaz. — U. Cuvette en fonte émaillée, à clôture hydraulique, pour écoulement de l’eau. — V. Évier en ardoise. — X. Lavoir. — Y. Tables de travail.
- B. Chambre voire : A. Évier en ardoise. — B. Table avec spectro-scopes et le saccharimètre à pénombres de Laurent.
- C. Salles de balances et dépôt de réactifs : A. Balances de préci-
- sion.— B. Bobine de Rulmlkorff.— C. Turbiné Sourdat,— D. Appareil gazogène Alvergniat. — E. Pile à bichromate à 6 couples.
- — F. Grande boîte aux réactifs, et, au-dessus, vitrine à produits-
- — G. Vitrine à produits chimiques, et, au-dessous, armoires d’instruments, — II. Machine Carré»
- D. Salle pour essais volumétriques : A. Laminoir. — B. Presse à percussion. — C. Presse Samain. — B. Burette double à remplissage automatique. — E. Appareils gazogènes Alvergniat. — F. Vitrine aux instruments gradués et aux liqueurs-titrées. — G. Vitrine à verrerie et aux ustensiles de porcelaine, de grès et de métaux précieux; articles en caoutchouc.
- E. Bureau du Directeur : A. Vitrine aux appareils. — B. Bureau.
- — C. Table pour microscopes. — D. Bibliothèque. 1
- F. Salle pour les collections de types alimentaires, et dépôts des scellés : A. Vitrine à collection des types alimentaires, et des substances employés à les frauder. — B. Bureau.
- G. Piècé pour la réception du public.
- H. Pièce pour réception des échantillons à analyser.
- LA PLUIE D’ÉTOILES FILANTES
- -r (. .
- DU 27 NOVEMBRE 1885
- t
- Nous compléterons ici lés documents que nous avons publiés à ce sujet dans notre précédente livraison (p. 2). Le phénomène qui apporte une importante confirmation à la théorie des étoiles filantes a pu être observé à Bruxelles, à Liège et à Louvain, à Londres où le ciel s’est éclairci pendant quelques heures, et dans plusieurs autres villes. En France, le phénomène a été observé, en outre des localités que nous avons mentionnées antérieurement, à Lorient, à Clermont, à Biarritz, etc. — M. Emile SoTël nous écrit du Havre que les nuages ayant momentanément disparu à sept heures du soir on a pu voir de nom-bruses étoiles filantes s’épanouissant en un bouquet dont le centre était le zénith. — M. Léon Arnoye, à Montauban, nous écrit que le phénomène a été observé dans cette ville, dans tout son éclat. De la région presque zénithale s’échappaient de véritables gerbes de fusées. Quelques-uns de ces météores se faisaient remarquer par une trajectoire très longue et très persistante. — M. P. Feyeux nous informe d’autre part que le phénomène s’est manifesté à Alger, depuis six heures du soir jusqu’à 9h,30. — L’Académie des sciences a reçu dans sa dernière séance de très intéressantes communications qui sont analysées plus loin (p. 50).
- LA PHOTOGRAPHIE ASTRONOMIQUE
- a l’observatoire de paris
- Quelques essais de photographie céleste tentés l’année dernière à l'aide d’un instrument tout à fait rudimentaire, ayant donné de bons résultats1, M. le directeur de l’Observatoire voulut bien autoriser la construction d’un appareil spécial dont nous donnons ci-joint un dessin (fîg. 3). La partie mécanique a été exécutée d’une façon extrêmement remarquable par notre habile artiste M. Gautier; nous avons taillé nous-mêmes l’objectif.
- Ce nouvel instrument se compose de deux lunettes juxtaposées, renfermées dans un tube métallique unique en forme de parallélépipède, et séparées dans toute la longueur par une mince cloison; l’un des objectifs, de 0m,24 d’ouverture et de 3m,60 de
- 1 L’épreuve de la Lune, reproduite ici par l’héliogravure, a été obtenue à l’aide de cet appareil provisoire (fig. 1).
- p.23 - vue 27/432
-
-
-
- 24
- LA NATURE.
- longueur focale, est destiné à l’observation visuelle et sert de pointeur; l’autre, de 0m,34 d’ouverture et de 5"\43 de foyer, est achromatisé pour les rayons chimiques et sert à la photographie. Les axes optiques de ces deux objectifs étant parallèles, tout astre maintenu au centre du champ de l’oculaire de la première lunette, produit son impression au centre de la plaque sensible de l’appareil photographique.
- L’équatorial est monté dans la forme dite anglaise, c’est-à-dire que le(centre du tube reste toujours dans l’axe polaire de l’instrument. Cette disposition permet de suivre un astre depuis son lever jusqu’à son coucher, sans qu’il soit nécessaire de retourner l’instrument dans le voisinage du méridien; elle a, de plus, l’avantage de donner, pour toutes* les régions du ciel, la position directe et la position inverse, ce qui permet d’éliminer certaines erreurs de décentrage.
- Il est muni, comme un équatorial ordinaire,-dé cercle horaire, de cercle de déclinaison et d’un mouvement d’horlogerie qui peut entraîner l’appareil pendant trois heures sans être remonté.
- Il existe , en outre, des mou-r vements indépendants de rappel • très lent permettant de maintenir l’axe dé la lunette sur un point déterminé du ciel, malgré quelque légère irrégularité dans le mouvement d’horlogerie, l’orientation de la lunette ou les variations de la réfraction atmo-
- Fig. 1. — Photographie de la Lune, obtenue à l’Observatoire de Paris, le 31 mai 1884. Reproduction directe .du cliché par l’héliogravure.
- sphérique. L’objectif photographique,' le plus grand qui ait encore été exécuté, est formé d’un système achromatique simple, et, quoique d’un rapport focal extrêmement court ,, il peut couvrir nettement, sans l’emploi d’aucun diaphragme, le champ très, considérable de 5 degrés de diamètre.
- Quoique monté depuis fort peu de temps, cet appareil a permis déjà d’exécuter de nombreux travaux. La carte, très réduite, reproduite ici (fig. 2), est un spécimen de ce qu’il est possible d’obtenir. Sur une surface représentant une étendue du ciel d’environ 5 degrés carrés, on peut compter plus de 3000 étoiles, dont 2 seulement sont visibles à l’œil nu, comprises entre la 6e et la 14e grandeur; on peut même distinguer, sur le cliché, les traces des étoiles de 15e grandeur,
- Fig. 2. — Photographie d’une portion de la Constellation du Cygne, obtenue à l’Observatoire de Paris, le 10 juin 1885, reproduite par l’héliogravure ; très réduite.
- trop faiblement indiquées pour supporter le report sur papier. Les étoiles de 14e grandeur se présentent sous un diamètre de 1/40 de millimètre.
- On comprend que des points aussi petits seraient facilement confondus avec les impuretés de la couche sert-J sihle, si on ne prenait la précaution de multiplier les poses. Dans la carte ci-contre (fig; 2), chaqué étoile, est formée d’un groupe de trois points formant un triangle équilatéral et dont chaque côté n’a pas plus de 1/12 de millimètre. À l’œil nu ces trois petits points paraissent’ se confondre en un seul ; mais si on les examine à-
- p.24 - vue 28/432
-
-
-
- p.25 - vue 29/432
-
-
-
- 26
- LA NATURE.
- l’aide d’une loupe un peu forte, les trois poses deviennent distinctes, et il est alors facile de reconnaître sur le cliché et d’éliminer tout ce qui n’appartient pas au ciel.
- La construction d’une telle carte, obtenue en trois heures, aurait certainement exigé plusieurs mois d’un travail assidu par les procédés ordinaires.
- Voici la durée de pose nécessaire pour obtenir l’image des étoiles1.
- lre grandeur........................ 0",005
- 2e................................... 0\0I3
- 3»................................ 0,03
- 4»...............:................ 0\08
- 3e............................... 0%2
- 6e, dernières étoiles visibles à l’œil nu. 0“.5
- 7e........................................ 1%3
- 8e................. , „........... 5'
- 9e................................ »
- 10M........................................i 20»
- 11° > grandeur moyenne dos astéroïdes > 50’
- 'JQ1® I ^ # ^ t . » <2 m
- 15e................................. 5m
- 14e.....................................15m
- 15' ) dernières étoiles visibles avec la ) 55m
- ? moyenne des grands instrù- [
- 16e ) ments................... . . } 1>>,23
- Tous ces cliiffres représentent un minimum • pour obtenir de bonnes reproductions sur papier, il faut tripler ce temps de pose.
- Ün voit par ce tableau que, entre la première et la dernière grandeur d’étoiles, la durée .de pose varie de 1 à 1 000 000. (Le rapport adopté entre leclat de deux grandeurs consécutives est 2,512.)
- En dehors de la construction des cartes célestes, comme autre étude très importante, nous pouvons signaler la découverte des astéroïdes, devenue aujourd’hui possible par la photographie. Les petites étoiles s’inscrivant sur le cliché comme un point pour ainsi dire mathématique, les planètes s’en distinguent par un petit trait parfaitement net, indiquant leur mouvement propre en grandeur et en direction pendant la durée de la pose : c’est ainsi que nous avons pu obtenir déjà le tracé d’une petite planète de 11e grandeur indiquant sa marche par un petit trait excessivement net au milieu des étoiles fixes.
- On pourra étudier de même le mouvement des satellites autour de leur planète, et peut-être en découvrir de nouveaux.
- L’étude des étoiles doubles et multiples sera grandement facilitée, et l’on pourra également appliquer la photographie à la recherche des parallaxes.
- Enfin il faut citer la photométrie comme une des branches de l’astronomie qui pourra recueillir maintenant de très utiles documents de l’emploi de la photographie.
- Remarquons, en terminant, que ces nouveaux progrès ont sensiblement augmenté la puissance de la vue humaine. Ils permettent en effet d’obtenir
- 1 Nous nous sommes servis pour ces expériences de plaques au gélatino-bromure de Monckhoven.
- l’image d’un astre qui resterait invisible avec des instruments de même ouverture que ceux dont la photographie fait usage.
- Paul et Prospf.r Henry.
- LES BICYCLES ET LES TRICYCLES
- EN ANGLETERRE
- Dans une communication récente à YInsiilulion of Mechanical Engineers de Londres, M. Robert E. Phillips a fourni des renseignements curieux et intéressants sur les cycles modernes ; nous allons rapidement les résumer. On peut apprécier combien les inventeurs se sont appliqués à perfectionner les bicycles et les tricycles pars ce fait que plus de 1000 brevets d’invention ont été pris sur la question jusqu’à la fin de 1883. En 1884, sous la nouvelle loi qui régit les brevets en Angleterre, il n’a pas été déposé moins de 657 spécifications. Il n’existe pas actuellement dans ce pays moins de 170 usines qui fabriquent 5000 modèles différents et occupent au moins 5000 ouvriers; la vente est de 40 000 appareils par an, ce qui, au prix moyen de 20 livres (500 francs) l’un, représente un mouvement d’affaires de 20 000 000 de francs. Le tableau suivant résume les différents résultats obtenus dans les courses les plus remarquables sur des terrains appropriés.
- (Les longueurs sont comptées en miles de 1609 mètres et les temps en heures et fractions décimales d’heure.)
- DISTANCE TEMPS de la course en heures. VITESSE MOYENNE en miles par heure.
- parcourue —^ —
- en miles Bicycle. Tricyle. Bicycle. Tricycle.
- 1 0,044 0,050 22,6 20,0
- 5 0,238 0,489 0,272 21,0 18,4
- 10 0,543 20,5 18,4
- 20 0,985 1,145 20,3 17,5
- 25 1,278 1,442 19,6 17,3
- 50 2,733 3,054 18,3 10,4
- 100 5,835 6,726 17,1 14,0
- Les courses sur des routes ordinaires, non spéciale ment appropriées, donnent des résultats différents :
- NATURE DE LA COURSE BICYCLES TRICYCLES
- heures. heures.
- Distance de 100 miles. De Land’s End à John O’Groat 7,19 7,58
- (900 miles) Même course, aller et retour, et de- Land’s-End à Londres 160,17 197,33
- (2050 miles) : . Plus grande longueur parcourue 456 »
- en 24 heures (en miles). . , . Vitesse moyenne en 24 heures (en 266,25 231,50
- miles par heure) 11,1 9,6
- Il résulte des chiffres des tableaux ci-dessus que, dans les courses courtes ou les courses de durée, le bicycle a l’avantage sur le tricycle au point de vue de la vitesse, mais lorsque la longueur du trajet augmente de 1 mile à 100 miles, la vitesse moyenne des deux espèces de cycles
- p.26 - vue 30/432
-
-
-
- LÀ NATURE.
- 27
- diminue de 5 à 5,5 miles par heure. Suit une classification méthodique des bicycles et des tricycles qu’on ne pourrait reproduire avec fruit qu’en donnant une description de chaque type, ce qui nous entraînerait trop loin.
- LES LITRES NOUVEAUX
- A cette époque de l’année les livres abondent, et notre table de travail en est remplie ; nous mentionnerons ici quelques beaux livres, édités avec luxe, et dignes de faire honneur aux bibliothèques qu’ils sont destinés à garnir.
- Les nouvelles conquêtes de la science
- par Louis Figuier. {Librairie illustrée.)
- Après ses ouvrages devenus classiques, les Merveilles de la science, les Merveilles de l’industrie, M. Louis Figuier vient de terminer la publication de ses Nouvelles Conquêtes de la science (4 vol. in-4°, avec de nombreuses gravures). Nous avons annoncé précédemment la publication des deux premiers volumes qui traitent de Y Électricité (1er vol.) et des Grands tunnels et railways métropolitains (2 volumes) ; nous signalerons aujourd’hui les deux volumes complémentaires qui font connaître les Isthmes et les canaux, d’une part, et les Voies ferrées dans les deux mondes, d’autre part. L’œuvre nouvelle de M. Louis Figuier a été couronnée par l’Académie française, et elle mérite de l’être, comme tout ce qui a été publié par notre savant confrère, que nous nous plaisons à appeler le père des vulgarisateurs de la science. M. Louis Figuier, par ses livres remarquables, où il sait si bien rendre la science accessible à tous, où il excelle à montrer l’enchaînement des faits par l’histoire, aura puissamment contribué à inspirer le goût de l’étude chez un nombre considérable de jeunes gens. M. Louis Figuier est un novateur, car ses premiers livres ont été écrits à une époque où l’on ne lisait guère que des romans. Il aura eu le grand mérite de montrer le premier que l’histoire réelle d’un inventeur, qui se trouvant aux prises avec les difficultés matérielles et morales, triomphe des obstacles par la persévérance, le travail, la volonté, est souvent tout aussi attrayante et incontestablement plus instructive, que celle d’un héros de convention dans une histoire fictive. Son nouveau livre aura certainement le succès de ses devanciers.
- j. Œuvres de Rabelais, illustrées par A. Robida.
- (Librairie Illustrée.)
- M. A. Robida, dont on connaît le talent, la verve et Y humour de dessinateur, de caricaturiste et d’écrivain, est comme beaucoup d’hommes d’esprit : il a la passion de Rabelais, et il a voulu illustrer ce livre étonnant qui a déjà séduit tant d’artistes. L’entreprise était téméraire; M. Robida a montré qu’elle n’était pas au-dessus de ses forces, en publiant le tome premier des Œuvres de Rabelais (grand in-4", édition conforme aux derniers textes revus par
- l’auteur, avec une notice et un glossaire par Pierre Jannet).— Les innombrables dessins de M. Robida sont l’interprétation la plus excellente que l’on puisse imaginer du texte de Rabelais; le livre est animé, vivant, grouillant d’une foule bariolée, et de personnages du bon vieux temps à l’humeur joyeuse; vignettes à chaque page, grandes illustrations hors texte, dessins en couleur, c’est une orgie de gravures et de peintures. Que d’esprit, que de goût, .que de franche gaieté M. Robida a su prodiguer dans cette œuvre incomparable! Elle restera assurément comme une des plus belles edî{ tions de Rabelais, et comme une des meilleures inj spirations de M. Robida. j
- i ?
- A travers l’Asie centrale, par Henri Mosf.r.1 • (Librairie Plon1.) i
- « Ni science, ni philosophie, ni politique, mais un récit sans prétention, gai ou émouvant suivant le& heures ou malheurs de la route, » dit modestement; l’auteur. Il y a beaucoup plus que cela dans cé beau livre, surtout à une époque où la question d’Orient toujours pendante, donne un grand intérêt d’actualité à l’étude des peuplades asiatiques, ap* pelées à entrer en relations avec l’Europe par l’intermédiaire de la Russie. M. Moser est un fin obser1-vateur, et un bon écrivain ; son livre en dehors de son intérêt géographique et ethnographique, est plein d’entrain et d’animation.
- L’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande, par P. Villars, (A. Quantin, éditeur.)
- Ce volume (grand in-4° de 676 pages, contenant 4 cartes en couleurs et 600 gravures, d’un choix excellent et d’une heureuse exécution) fait partie d’une collection considérable que vient d’entreprendre M. Quantin, sous le titre le Monde pittoresque et monumental. M. P. Yillars nous offre aujourd’hui Y Angleterre ; nous aurons, dans la suite, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Russie, etc. — Si Y Angleterre est un beau livre au point de vue typographique, il est d’un grand intérêt à lire et à étudier. L’auteur connaît à fond le pays qu’il décrit et il le décrit avec beaucoup d’exactitude, en un style correct, et sous une forme très agréable. La richesse des gravures fait en même temps de ce volume un véritable album de salon.
- Nous empruntons à M. Villars un intéressant passage sur la production du fer en Angleterre :
- « Bien que la production du fer soit loin d’égaler celle de la houille, elle vient immédiatement après celle-ci dans l’énumératiôn des richesses minérales de l’Angleterre. On trouve des mines de fer en abondance dans les provinces du Nord et de l’Ouest, et dans tous les districts qui renferment de la houille. C’est même la réunion des deux minéraux qui seule donne au fer une valeur industrielle, car le fer, loin de la bouille, n'a qu’une valeur relative,
- 1 1 vol. grand in-8 avec plan, 170 gravures, 16 héliotypies et une carte itinéraire du voyage à travers l’Asie centrale.
- p.27 - vue 31/432
-
-
-
- 28
- LA -NATURE
- puisqu’il est impossible, dans de pareilles conditions, de produire à bon marché....
- « Il y a en ce moment en Angleterre et dans le pays de Galles 770 haut» fourneaux, dont 550 sont en activité. Les plus importants sont ceux du district de Cleveland, en Yorkshire, dont la ville de Middlfesbrough est le point central.
- « C’est au minerai de fer qui abonde dans les environs, que cette ville doit son existence. On parle
- souvent du développement rapide de certaines villes de l’Amérique; le même fait se produit en Angleterre, et cependant personne ne semble s’en apercevoir. Pourquoi? Est-ce parce que cela se passe près de nous et que l’éloignement grossit les faits alors qu’il diminue les objets?... Middlesbrough, qui n’avait qu'une maison en 1820, compte maintenant plus de 55 000 habitants et prend tous les jours de l'extension. Les bords de la Tees, autrefois
- Hauts fourneaux à Middlesbrough (Angleterre). .
- déserts, sont maintenant le centre d’une activité fiévreuse.... (Voy. la gravure ci-dessus.)
- « Les hauts fourneaux d’Eston appartenant à MM. Bolckow et Yaughan sont, dit-on, les plus vastes du monde : on y emploie plus de 6000 ouvriers occupés à convertir le minerai en fer et le fer en acier. Aux forges fondées par eux sont venues s’en ajouter d’autres; il y a, aux environs de Middlesbrough, une centaine de fourneaux qu’on pourrait de loin prendre pour les tours de quelque gigantesque forteresse, sans le nuage de flamme et de fumée qui s’en échappe. Hauts de 25 à 30 mètres,
- ces énormes cylindres de briques sont d’une telle capacité que l’on peut y fabriquer 500 tonhes de fer par semaine. En 1880, il en est sorti 1500 000 tonnes de fer en gueuses. Tous Ces établissements, de création récente, sont admirablement installés et outillés; les machines sont construites sur les modèles perfectionnés et d’après les principes scientifiques reconnus par l’expérience comme étant les plus parfaits. Les forges fonctionnent nuit et jour, et la lumière électrique y est employée régulièrement; c’est un mouvement, une animation continuelle. »
- p.28 - vue 32/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 29
- Le Monde physique, par Amédée Guillemin.
- (Librairie Hachette et Ci0.)
- Entreprise depuis plusieurs années, la publication éditée sous ce titre est actuellement terminée. Elle comprend 5 forts volumes grand in-8°, contenant chacun des centaines de superbes gravures, et de
- nombreuses planches hors texte en chromolithographie. C’est un véritable monument élevé à la science; il restera comme la plus complète histoire de la physique à notre époque. Le premier volume comprend la pesanteur, la gravitation universelle et le son; le second, la lumière; le troisième, le magnétisme et Y électricité ; le quatrième, la cha-
- Fig. 1. — Expérience'sur lu formation des courants aériens. Fig. 2. — Déviation apparente des gouttes de pluie.
- leur; et le cinquième et dernier, la météorologie.
- M. Amédée Guillemin est un homme de grande érudition, qui, mieux que tout autre, était à même de mener à bonne fin un travail de si longue haleine. Ordonné, minutieux, correct, d’une exactitude scrupuleuse,'il ne sacrifie absolument rien à la vérité, et a tou-jours recours aux sources originales pour alimenter son texte.
- Son œuvre est une grande et belle entreprise, qui est destinée à rendre des services signalés aux. savants, aux gens du monde et à la jeunesse. La maison Hachette n’a rien négligé pour que le livre soit aussi beau que possible au point de vue typographique, et les gravures en .couleur sont particulièrement remarquables. Dans l’impossibilité où nous sommes d’en reproduire un spécimen dans notre texte, nous empruntons au livre de M. Guillemin quelques-unes des petites figures explicatives dont l’ouvrage abonde. Nous les accompagnons des explications qu’elles comportent.
- La figure t est une expérience bien connue de physique sans appareils due à Franklin. « Elle a pour but de mettre en évidence la production du vent, en tant qu’elle résulte de l’inégalité de température. Si l’on ouvre en hiver la porte qui fait communiquer deux chambres, l’une froide, l’autre bien chauffée, il se produit aussitôt un double courant d’air. L’air de la chambre chauffée, plus léger, pénètre en montant dans la chambre froide, tandis que l’air plus dense de celle-ci s’écoule par en bas pour le remplacer. En plaçant deux bougies allumées à la partie inférieure et à la partie supérieure de la porte, li direction contraire de leurs flammes indique nettement le sens de deux courants opposés. C’est la même raison qui détermine les courants ascendants à l’intérieur des cheminées sans lesquels le tirage ne serait pas possible, et qui produit les mouvements de l’air à l’intérieur d’un verre de lampe, le long des tuyaux de poêle. »
- Fig. 3. — Image double des objets vus à travers un cristal de spath d’Islande. Double réfraction.
- p.29 - vue 33/432
-
-
-
- 30
- LA NATURE.
- La figure 2 a pour but d’expliquer l’aberration de la lumière par une comparaison très heureuse que décrit M. Amédée Guillemin : « Un piéton qui resterait immobile, protégé par un parapluie contre une pluie tombant verticalement, ne recevrait pas une goutte ; qu’il se mette à courir dans une direction quelconque, il se trouvera atteint et croira recevoir la pluie obliquement, précisément en sens opposé à celui de la direction qu’il suit en courant. Si l’on suppose qu’il parcourt ainsi toute une circonférence de cercle, la pluie lui fouettera le visage, comme si elle venait successivement de tous les points de l’horizon. C’est un phénomène de tous points analogue à celui de l'aberration de la lumière, et dont les maximums et les minimums varieraient de meme, si l’on supposait que la pluie, au lieu de tomber verticalement, prenait en réalité toutes les directions possibles d’obliquité à l’horizon. La terre reçoit en tout temps, dans toutes les directions, des rayons de lumière émanés de toutes les parties de la voûte étoilée ; c’est une pluie continue de molécules, ou, si l’on préfère, d’ondes lumineuses. »
- La figure 3, qui représente le phénomène de double réfraction obtenu à l’aide d’un cristal de spath d’Islande, montre le soin avec lequel ont été exécutées toutes ces gravures de démonstration : elles sont d’une netteté parfaite qui n’exclut pas le côté artistique de ce grand et bel ouvrage. G. T.
- ; ——
- CHRONIQUE
- Le ptilt» artésien de Pesth. — La municipalité de la ville de Pesth a voté un subside de 100000 francs pour la construction d’un grand puits artésien destiné à fournir l’eau chaude nécessaire aux établissements et aux bains publics. Le puits a actuellement dépassé la plus grande profondeur de puits artésien connue, c’est-à-dire 951 mètres. Il fournit journellement près de 800 mètres cubes d’eau à une température de 70°C et on compte l’approfondir jusqu’à ce que l’eau débitée atteigne 80°.
- Une araignée phénoménale. — Madame veuve Canu, d’Argentan, a découvert dans sa maison une araignée de dimensions extraordinaires pour nos pays tempérés. L’abdomen de cet arachnide est particulièrement remarquable, d’abord à cause de sa grosseur qui atteint celle d’une volumineuse cerise, ensuite par quatre taches qui figurent presque une tête humaine et qui se trouvent sur son dos qui est légèrement aplati. Cette araignée, mise dans un bocal, n’est nullement farouche et se nourrit de mouches qu’on lui fournit avec prodigalité.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 7 décembre 1885. — Présidence de M. l’amiral
- JüRIEN DE LA GRAVURE.
- La pluie d'éloiles filantes du .27 novembre. — Nos lecteurs ont déjà eu le résumé d’un grand nombre d’observations de la pluie d’étoiles filantes qui sont tombées
- sur la terre, le 27 novembre dernier. Ils savent que ces météores, dont l’arrivée était prévue, représentent l’état ultime de la désagrégation spontanée dont la comète de Biéla a été le théâtre. C’est comme confirmation de cette importante notion acceptée généralement sans un contrôle suffisant que M. Faye signale un travail réalisé, à Upsal, par M. Ilildebrand Ilüdebrandson. Le ciel ayant été partagé entre 12 observateurs, 41 000 météores ont été notés en deux heures et demie. La trajectoire des plus remarquables ayant été portée sur la carte, il en est résulté la position précise du point radiant. Grâce à cette notion, et connaissant le demi-grand axe de l’ellipse suivie par les météores, les astronomes suédois ont pu calculer tous les éléments du phénomène. La trajectoire de la comète de Biéla ayant une inclinaison de 15°, son nœud ayant une longitude de 248°, la longitude de son périhélie étant de 109“, et son excentricité de 0,70, on trouve pour les éléments correspondants des astéroïdes de novembre : I5“, 240°, 109°, 0,75, c’est-à-dire l’identité.
- Comme on le pense, les communications relatives à ce grand phénomène sont extrêmement nombreuses aujourd’hui. Le savant directeur du Journal le Ciel, M. Vinot, annonce que, pour sa part seule, il a reçu 34 communications de ses correspondants. M. Ilirn a vu le phénomène à Colmar; M. Colladon, à Genève; M. Stéphan, à Marseille; M. Perrotin, à Nice; M. André, à Lyon; M. Denza, à Montcalieri. Dans cette dernière localité, on a vu 39 000 étoiles et l’on calcule que s’il avait été possible de tout voir, l’horizon de l’observatoire en aurait montré 150000. Comme l’hémisphère qui a reçu l’averse cosmique comprend un très grand nombre de pareils horizons, on peut avec M. Faye estimer le total des astéroïdes à plusieurs millions. Beaucoup d’entre eux ont abandonné des traînées lumineuses visibles pendant des minutes entières ; à Nice, un nuage incandescent d’un diamètre apparent supérieur à celui du soleil, est resté visible auprès d’a, de Cassiopée. Il résulte de ces faits que l’atmosphère terrestre s’est enrichie de beaucoup de particules matérielles, et qu’une grande quantité de chaleur y a été développée, que décèleraient peut-être des observations thermométriques dans des pays à météorologie très régulière.
- Des analyses spectrales ont été tentées par M. Thollon qui a constaté la présence de la raie D du sodium, comme l’avait du reste fait antérieurement M. Wolf dont l’analyse indiquait aussi le fer et le magnésium.
- Parmi ces innombrables observations, on fera sans doute une place à part avec M. Faye, à la lettre d’un fabricant de pruneaux du Midi qui se rendait, sans s’attendre à rien, à son clos de pruniers, récompensé d’ailleurs, récemment, nous dit-on, par une médaille d’argent. Il fut très surpris de voir, selon son expression, « neiger des étoiles » ; mais ce qui est plus digue encore d’éloge, car son industrie n’avait pas dù l’y préparer, il eut l’idée de soumettre ce phénomène grandiose à une observation très intelligente. Utilisant un appareil destiné jusque-là à la dessiccation des pruneaux, et se couchant dessous sur le dos il releva le direction des étoiles filantes qui passaient exactement au zénith. La conclusion est que ces météores croisaient le méridien sous un angle de 30° environ ; il ajoute que durant l’apparition, cet angle s’ouvrit progressivement d’une petite quantité.
- Application de l’osmose. — M. Albert Levallois a reconnu que des plantes fraîches placées dans des solutions aqueuses de sels suffisamment concentrées, leur abandonnent une quantité plus ou moins grande de leur eau
- p.30 - vue 34/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 51
- constituante. Des brauehes d’oranger ainsi plongées dans la solution de chlorure de calcium perdent une très notable partie de leur poids el deviennent cassantes. Leurs huiles essentielles ne se diffusent pas, et l’auteur pense que l’industrie des parfums pourra tirer parti de sa découverte en y trouvant le moyen de conserver à sec des plantes odorantes pour les distiller pendant l’hiver.
- Archéologie préhistorique. — M. E Rivière appelle l’attention de l’Académie sur une nouvelle station préhistorique, la station du Trou-aux-Loups, située aux portes de Paris. 11 s’agit d’un atelier de l’époque néolithique qu’il a découvert, au mois de mars de l’année dernière, dans les L is de Glamart, atelier ou station dans laquelle il a recueilli, à la suite de nombreuses recherches poursuivies depuis cette époque, près de neuf cents silex entiers ou brisés (silex de la craie), tes uns taillés, les autres simplement éclatés par la main de l’homme, quelques-uns enfin brûlés. Tous ces silex gisaient à la surface du sol ou à quelques centimètres de profondeur. Notre confrère cite parmi eux des fragments de haches polies, des grattoirs dont quelques-uns fort beaux (l’un d’eux mesure près de 9 centimètres de longueur) des lames, pointes, etc., enfin deux ou trois petits polissoirs. Cet atelier se trouve à quelques minutes à peine des dernières maisons du village de Clamart, au sommet du plateau d’où la vue s’étend assez loin du côté de Châtillon, à l’entrée du bois, dans un taillis où l’on a fait récemment une coupe assez considérable; il occupe une étendue de terrain très limitée, une centaine de mètres carrés seulement.
- Nature phanérogame des Sigillaires à tige lisse. — Un épi de Sigillaire presque identique de forme, de grandeur et d’organisation, avec l’épi de S. Brardii, a été récemment trouvé, dans le terrain houiller de Blanzy et, remis par M. Roche à mon savant collègue et ami M. Renault. L’étude de cet échantillon a fourni des renseignements précieux sur les organes fructificateurs de ces plantes curieuses et qui ont été l’objet de si nombreuses controverses.
- Traitement du diabète. —- Contrairement à la pratique généralement suivie, M. le docteur Boucheron, ancien interne des hôpitaux, conseille aux diabétiques de restreindre les aliments albuminoïdes et les alcools, tout en restreignant aussi les aliments hydrocarbonés. Par cette méthode, suivant l’auteur, le sucre et Pazotille disparaissent en trois ou quatre mois, la boulimie et la polydipsie sont les premiers symptômes qui s’atténuent; bientôt les forces reviennent avec l’amélioration générale.
- Varia, — Plusieurs réclamations de priorité concernent l’application du sulfate de cuivre au traitement du mil-dew. A celte occasion, M. de Lacaze-Duthiers rappelle un mémoire de Bénédict Prévost, de Genève, où, dès 1807, le sulfate de cuivre est recommandé contre la carie du blé. — Une comète a été découverte le l*r décembre à l’Observatoire de Paris ; l’état du ciel a permis de la revoir le 4 décembre ; elle a été observée à Alger, à Lyon et à Nice. — L’influence des lésions de la moelle sur la forme des convulsions dans les attaques d’épilepsie occupe M. Vulpian. — D’après M. Cazenave, de Lyon, beaucoup de pâtes alimentaires sont colorées en jaune par une matière tirée de la houille et qui est très nettement toxique. — M. le colonel Perrier annonce que le travail géodé-sique relatif au triangle Paris, Milan, Nice, est terminé dans les conditions les plus satisfaisantes. — M. le professeur Georges Pouchet décrit un mégaptère récemment échoué sur notre côte méditerranéenne. —- Un très inté-
- ressant mémoire de M. Lliôle concerne le chlorure de vanadium dont un échantillon très pur est déposé sur le bureau par M. Pehgot. C’est un liquide fumant, bouillant à 126°, et dont la densité est égale à 1,854.
- Stanislas Meunier.
- RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES
- NOUVEAU PANTIN ELECTRIQUE
- Voici un charmant petit jouet électrique que nous nous empressons de faire connaître à nos lecteurs.
- C’est d’un danseur ou plutôt d'une danseuse électrique qu’il s’agit. Le pantin est suspendu au bas d’un ressort à boudin, ou solénoïde, électriquement parlant, dont l’axe est occupé par un barreau aimanté, le tout maintenu par une colonne à potence. L’extrémité inférieure du ressort à boudin T (Voy. la figure ) traverse le pantin et se termine un peu au-dessous des pieds du sujet et à 0m,003 environ du niveau d’un godet G contenant du mercure. Ce mercure est en communication électrique avec l’une des bornes B comme l’est la colonne qui soutient le ressort avec l’autre borne BA. Ces bornes sont rattachées à une pile de courant relativement énergique (une pile-bouteille au bichromate de 1 litre suffit cependant). Les bornes B et B' sont signées convenablement afin que les pôles du solénoïde soient en concordance avec ceux du barreau aimanté qui le traverse. Les pôles de la pile sont rattachés respectivement à chacune des bornes portant le signe de leur notation. On met la pile en action, on fait plonger l’extrémité de la tige T dans le mercure en exerçant une traction sur le ressort et on lâche aussitôt. Lors du contact, la réaction du ressort tendu à laquelle se joint l’action attractive des spires du solénoïde qui constituent des courants parallèles et de même sens, fait remonter le pantin ; alors le courant se rompt, car la tige T quitte le mercure, la réaction du ressort cesse, l’action électrique n’existe plus. La pesanteur agit ensuite, le pantin retombe tout à coup, le contact se rétablit el une action ascensionnelle se manifeste comme la première fois à la suite de laquelle se répètent alternativement les mêmes effets qui font exécuter au pantin une danse d’autant plus rapide que le courant de la pile employée est énergique.
- Le petit appareil est construit par M. Bassée-Crosse; la disposition en est très simple : le jouet en lui-même est par suite peu coûteux et il a surtout le grand mérite à nos yeux de donner la démonstration des principes du solénoïde et d’une des lois d’Ampère. G. T.
- Petite danseuse électrique fonctiouuaut sous l’action d’un solénoïde.
- p.31 - vue 35/432
-
-
-
- 52
- LA NATURE.
- LE GRAND PEUPLIER DE SAINT-JULIEN
- TRÈS DE TROl'ES
- Dans notre beau pays de France, nous n’avons pas les Séquoias géants de la Californie, mais il se trouve encore ça et là de grands arbres, témoins séculaires de la gloire de nos ancêtres* et qui, souhaitons-le, verront celle de nos descendants.
- Dans notre livraison du 27 juin 1885 ( page 65 ), nous avons cité comme extraordinaire le peuplier du jardin botanique de Dijon, d’après une communication adressée à ce sujet par M. Joly à la Société nationale d'horticulture.
- Un de nos lecteurs, M. Dufeu, de Paris, nous communique quelques curieux documénts photographiques et manuscrits, au sujet d’un autre arbre remarquable de la propriété de M. Gustave Huot, agriculteur à Saint-Julien près de Troyes (Aube) ; nous les reproduisons ici.
- L’arbre dont il s’agit est un peuplier blanc de Hollande ; ses dimensions colossales, sa tige droite, saine et élevée, son bran-cliage immense et régulier, sa vigueur, sa santé, en font le plus beau monument 'végétal de la région ; il est, croit-on, trois fois centenaire.
- Yoici ses dimensions : circonférence de la tige .rez-de-terre,, 12m,65; à 50 centimètres, 8m,70; à 1 mètre, 7ra,35; à 2 mètres, 6“,50; à 9m,50, 5m,78; hauteur de la tige, 9m,50 ; hauteur totale de l’arbre, 4‘2m,60; circonférence de la tète, 80 mètres; 3 branches commencent le couronnement à 9m,50 du sol; la plus grosse a 4m,48 de tour.
- Ces • documents sont empruntés à l’Almanach du Nord-Est agricole et horticole de 1877. Les rensei-
- gnements suivants sont donnés par M. Ch. Baltet, lo pépiniériste bien connu.
- La lrê branche a 2m,80 dé circonférence ; la 2e 3m,70 ; la 3e 4,n,40.
- En 1852 le cube de la tige était de 32m,85 , en 1861 il était de 35™,04, soit une différence en plus de 2m,19. La tige aurait donc grossi en circonférence de 2 centimètres environ par année.
- Les jeunes rameaux ont l’épiderme de couleur vert olive for fement chargé d’un duvet blanchâtre, la feuille de couleur blanc d’argent mat à la face inférieure, vacille continuellement par suite de son pétiole aminci dans un sens perpendiculaire au limbe.
- Le peuplier de Saint - Julien est, comme on le voit, digne d’être men -tionné, à côté du peuplier de Dijon; malgré les orages, et les effets des grands hivers, il a gardé toute sa force et toute sa beauté ; il dépasse de quelques mètres la hauteur de deux maisons de cinq étages de Paris ; mais il n’atteint pas la moitié de quelques-uns des plus grands Séquoias de la Californie, dont le sommet des branches extrêmes dépasse parfois l’altitude prodigieuse de 100 mètres au-dessus du niveau du sol.
- Il y a en France un grand nombre d’autres arbres fort remarquables par leur taille et par leur âge; mais ce sont généralement des arbres à bois dur comme les Chênes,les Hêtres, les Châtaigniers, etc. Nous avons réuni jadis quelques détails au sujet de ces arbres extraordinaires dans' notre n° 40, du 7 mai 1874.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier,
- Le peuplier de Saint-Julien, près de Troyes. (D’après une photographie.)
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de FJeuru?, à Pans.
- p.32 - vue 36/432
-
-
-
- y 055.
- 19 DÉCEMBRE 1885.
- LA NATURE.
- 33
- LÀ LOCOMOTIVE À SOUDE
- SYSTÈME HOXINGMANN
- Nous avons précédemment donné quelques détails sur le condenseur Honingmann, et sur les essais qui ont été entrepris pour l’appliquer à la traction mécanique des véhicules sur les voies ferrées1. Ces essais ont été poursuivis, depuis cette époque, avec des résultats relativement satisfaisants, et bien que ce type de condenseur ne soit pas encore définitivement entré dans la pratique, on peut dire qu’il a supporté néanmoins cette première épreuve d’une applica-
- tion un peu prolongée, et qu’il en est sorti avec succès. Deux machines de ce type fonctionnent en effet d’une manière continue sur la ligne de tramway d’Aix-la-Chapelle à Burtscheid, et sur une section du chemin de fer allant à Juliers : M. Honingmann voulant défier les difficultés en quelque sorte, construit même actuellement une locomotive qu’il veut appliquer sur les rampes d’accès du tunnel du Saint-Gothard. Si cette audacieuse tentative donne des résultats favorables, l’inventeur réalisera ainsi un moteur silencieux fonctionnant poür ainsi dire sans aucun danger, sans produire aucune projection d’escarbilles, d’étincelles ou de fumée,
- Fig. 1. — Nouvelle locomotive à soude pour tramway, de M. Houiugmann.
- admirablement approprié par conséquent à la traction mécanique sur les lignes de tramways, notamment à l’intérieur des villes, et qui réussirait en même temps à remorquer des charges relativement importantes sur les fortes pentes de nos voies ferrées a peine accessibles aux locomotives. .
- L’appareil comprend une machine à vapeur sans foyer dont la chaudière est réchauffée par une dissolution de soude, ainsi que nous l’avons dit ; le principe, que nous rappellerons en peu de mots consiste a diriger la vapeur d’échappement dans une capacité fermée remplie d’une dissolution saline formant en quelque sorte une chaudière extérieure dans laquelle baigne la chaudière à vapeur proprement dite.
- » Voy. n6 562, du 8 mars 1884, p. 254.
- U* année. — t6r semestre.
- D’après une propriété connue des dissolutions salines, et généralement des, liquides ayant une haute température d’ébullition, l’absorption de la vapeur d’eau y produit un échauffement entraînant une élévation de température supérieure a celle même de la vapeur. Ce fait avait été observé déjà par Clément] Desormes, et il a été signalé depuis, en 1822, par Faraday qui indiquait qu’il se produisait toujours une élévation de température sur la boule d’un thermomètre, plongé dans un courant de vapeur d’eau lorsqu’on venait à y répandre un peu de sel. On avait songé déjà à utiliser cette propriété dans la pratique, et on pourrait citer à cette occasion les essais entrepris en Angleterre par M. Loftus Perkins en 1864, et en 1874 par M. Spence; mais ceux-ci sont restés toutefois jusqu’à présent sans
- 5
- p.33 - vue 37/432
-
-
-
- 54
- L A N A ÎT II U.
- application industrielle. Le sel employé par M. Honingmann est la soude du commerce contenant 10 à 20 pour 100 d’eau. La chaudière à vapeur est de forme quelconque, mais du type tubulaire pour multiplier les points de contact avec la dissolution de soude formant source de chaleur. On se rend facilement compte de l’action qui s’opère dans ces conditions : l’eau surchauffée est chargée au départ de la machine à une température de 200°, par exemple, qui correspond à une pression de 15 atmosphères, et la dissolution de soude fortement concentrée contenant au plus 20 pour 100 d’eau ne peut entrer en ébullition qu’a 220°. La vapeur qui se dégage de la chaudière est refoulée dans la dissolution de soude après s’être détendue dans les cylindres de la machine et y avoir effectué son travail utile ; elle est complètement absorbée dans le bain formé par cette dissolution quelle traverse dans toute sa hauteur. Celle-ci arrive ainsi graduellement a une température supérieure a 200° : elle réchauffe l’eau de la chaudière et contribue par suite a la production d’une nouvelle quantité de vapeur, la température de l’eau demeurant constante. Le même effet se produit tant que la dissolution n’est pas arrivée, par l’apport continu de vapeur d’échappement, à un degré de dilution déterminant l’ébul-Jitionà200°.L’absorption de va-peureesseàpartir de ce moment, et si le réservoir était ouvert à l’air libre, la vapeur se dégagerait alors dans l’atmosphère, sans contribuer désormais au réchauffement. Cette disposition était adoptée primitivement par M. Honingmann; mais actuellement le réservoir est complètement clos malgré la contre-pression qui en résulte dans les cvlindres et la vapeur s’y accumule en produisant une certaine pression qui a pour effet de relever le point d’ébullition de la dissolution et détermine par suite une nouvelle absorption de chaleur qui s’interrompt au moment où ce point est ramené à la température de la vapeur. Comme d'autre part, la marche même de la machine détermine une réduction continue de la pression et par suite de la température de la vapeur, celle-ci retombe bientôt au-dessous du point d’ébullition, et assure encore l’absorption. Il se produit un nouvel arrêt dès que l’égalité est atteinte, mais le phénomène d’absorption recommence un peu plus tard aussitôt que la température de la vapeur s’est abaissée, et la machine procède ainsi par périodes d’absorption alternativement reprises ou suspendues jusqu’à ce que le degré de dilution empêche toute nouvelle absorption. A ce moment, la dissolution de soude a perdu toute action, et elle doit être remplacée par une dissolu-
- lution fraîche, ou revivifiée pour servir à nouveau. Cette opération se pratique très simplement d’ailleurs par une simple évaporation dans des chaudières fixes installées au dépôt des machines.
- M. Honingmann a exécuté sur ce type de machine de nombreux essais pour déterminer les dimensions convenables à leur donner en pratique; nous n’y insisterons pas en raison des détails que nous avons déjà donnés dans le numéro du 8 mars 1884; nous décrirons seulement l’un des derniers types auxquels il s’est arrêté, et dont nous reproduisons la vue dans les figures 1 et 2, empruntées à la Revue générale des chemins de fer.
- La locomotive, représentée figure 1, présente une disposition analogue à celle des deux machines faisant le service du tramway d’Aix-la-Chapelle à Burtscheid, celles-ci sont seulement de dimensions plus réduites. La chaudière est verticale, elle a un diamètre de lm,20, elle est divisée en deux compartiments affectés, l’un à la dissolution saline, et l’autre à la production de vapeur. L’eau renfermée dans la chambre supérieure est échauffée par l’intermédiaire de 120 tubes eu laiton type Field, de
- 41 millimètres de diamètre, qui plongent dans la dissolution saline ; la surface de chauffe qui n’est au départ que de 5 mètres carrés va continuellement en augmentant à mesure que l’absorption de la vapeur d’échappement élève le niveau de la dissolution. Chacune des deux chaudières est munie d’un manomètre spécial, et l’ensemble est entouré de matière non conductrice pour prévenir toute perte de chaleur. La vapeur se rend aux cylindres par le tuyau H, et elle revient à la dissolution saline en suivant le tube E qui débouche dans le fond de la chaudière, par une extrémité de forme annulaire percée d’un grand nombre de petits orifices pour assurer le mélange intime. La pression de marche est de 4 à 5 atmosphères, et on prévient toute élévation anormale en alimentant en marche avec un injecteur comme dans les locomotives ordinaires. L’eau d’alimentation est renfermée, comme on le voit, dans une caisse à eau disposée au-dessous de la chaudière entre les essieux moteurs. La machine a deux cylindres de 0m,18 de diamètre, et 0‘“,22 de course, le piston actionne la roue motrice par l’intermédiaire de deux engrenages; celle-ci a 0*",70 de diamètre.
- La provision de soude emportée au départ est de 500 kilogrammes dans une dissolution à 80 pour 100. Avec ce chargement, la machine fait un service régulier de quatre heures et demie en remorquant la voiture du tramway sur une ligne de 1 kilomètre
- Fig. 2. — Locomotive à soude d’une grande puissance.
- p.34 - vue 38/432
-
-
-
- LA NATüHE.
- 35
- de longueur qui présente des rampes de 55 millimètres et des courbes de 20 mètres de rayon. Elle parcourt environ 27 kilomètres et vaporise 600 à 650 litres d’eau, ce qui représente une vaporisation de 19 litres par mètre carré et par heure en évaluant la surface de chauffe moyenne à 7 mètres carrés 5. A la fin du service, la pression est encore de 4 atmosphères dans la chaudière à vapeur, et de 1/3 d’atmosphère dans la chaudière à soude. La vaporisation des locomotives ordinaires atteint en moyenne 40 kilogrammes par mètre carré et par heure sur les machines à voyageurs, mais sur les machines à marchandises où le tirage est moins actif, on s’est contenté longtemps de 20 kilogrammes environ, tandis qu’on a reconnu maintenant qu’on pouvait atteindre sans difficulté des chiffres comparables à ceux des machines rapides. 11 faut bien observer, suivant la remarque présentée a la réunion des ingénieurs allemands par M.Lentz, directeur des ateliers Hohenzollern auprès de Düsseldorf, qu’il est impossible d’obtenir avec la machine Ho-ningmann une vaporisation aussi active que sur les locomotives chauffées à la houille, puisque sur celles-ci la température des gaz de combustion atteint facilement 1200° ou 1500° et sur la machine Honing-mann, la température de la dissolution de soude qui forme source de chaleur ne dépasse pas au départ 200° à 220° et au retour, elle surpasse à peine de 2° ou 5° la température de la chaudière à vapeur. Cette remarque montre qu’il est toujours difficile d’obtenir avec cette machine la même puissance de vaporisation qu’avec les locomotives ordinaires ; cependant M. Honingmann a essayé d’appliquer des machines de son type à la remorque des trains sur les voies ferrées et l’expérience paraît donner des résultats favorables.
- Les premiers estais ont été pratiqués avec une veille locomotive dont la chaudière a été transformée, et celle-ci a fait pendant dix jours le service régulier des voyageurs sur la section de Winselen à Stolberg de la ligne d’Aix-la-Chapelle a Juliers, et elle a servi en outre à des expériences importantes sur la marche de la température dans les deux chaudières. Les diagrammes relevés ont montré dans les pentes que la température de la soude est allée croissant comme celle de la vapeur à raison de la grande consommation de vapeur ; à la descente, la température de la soude est restée stationnaire.
- La température de la soude a varié de 168° au départ à 159° a la fin des essais ; elle n’a jamais dépassé de plus de 18° la température de la vapeur qui, partie de 158°s’est abaissée jusqu a 143°au cours du dernier voyage pour remonter k 152° à l’arrivée.
- M. Honingmann a fait enfin construire deux machines, et nous donnons (fig. 2), la vue de l’une d’elles, elles ont 6 roues accouplées de 1“',20 de diamètre et pèsent 45 tonnes, elles sont destinées k faire le service de la section d’Erstfehi k Goschenen sur la ligne du Saint-Gothard dont les rampes atteignent 25 millimètres. Actuellement l’une d’elles est mise en service
- sur la ligne d’Aix-la-Chapelle k Juliers où elle remorque un train de 3 k 10 voitures sur une section de 54 kilomètres présentant des rampes de 12 k 15 millimètres pour une différence de niveau de 200 mètres. La consommation kilométrique de vapeur varie de 0k,83 à lk,l suivant la charge remorquée.
- La machine fait journellement le voyage aller et retour, ce qui représente un trajet de 108 kilomètres, puis elle retourne au dépôt où sont installées les chaudières servant k concentrer la solution étendue. Celle-ci est refoulée dans les chaudières et remplacée par une dissolution revivifiée ; cette manœuvre peut s’exécuter d’ailleurs en un temps très court qui ne dépasse pas 20 minutes. Pour la machine de tramway dont le service est continu, on alimente la chaudière k vapeur pendant l’évacuation de la soude, ce qui fait tomber la pression k 1 atmosphère et demie, mais l’introduction de la dissolution concentrée suffit ensuite pour relever la pression qui remonte a 5 atmosphères. D’après les chiffres donnés par M. Honingmann, la consommation de charbon dans les chaudières fixes serait relativement faible, elle correspondrait k une dépense de 1 kilogramme pour une production de vapeur de 6 kilogrammes.
- Les expériences faites sur la ligne d’Aix-la-Chapelle k Juliers ont montré qu’on combattait efficacement la corrosion des tôles de fer formant les parois des chaudières k soude en ajoutant dans la dissolution concentrée une certaine quantité d’oxyde de fer. Cet oxyde en se déposant, forme sur les tôles un dépôt adhérent d’oxyde magnétique qui reste insoluble tant que la température de la dissolution ne dépasse pas 155°. Au delà, on doit remplacer le fer par du cuivre pour éviter toute corrosion.
- Les expériences dont la machine Honingmann a été l’objet sont encore beaucoup trop récentes, pour qu’il soit possible d’émettre une appréciation définitive au sujet de ce système malgré les premiers résultats favorables déjà obtenus ; mais on ne saurait méconnaître qu’il n’y ait là une application fort intéressante d’un principe nouveau en quelque sorte, et qui pourra rendre dans l’avenir des services réels pour l’exploitation des lignes de tramways et peut-être même de quelques sections particulières des voies ferrées. L. B.
- ÀR0IDÉES ORNEMENTALES
- Parmi les plantes de serre que la mode adopte successivement, les Aroïdées commencent k prendre place dans nos appariements ; on voit dans les salons élégants depuis quelques années une fleur remarquable par son coloris brillant et sa longue durée; c’est V Anthurium de Scherzer. La fleur, disons plus exactement, l’inflorescence (car les fleurs sont très petites et étroitement réunies en forme d’épi), est constituée par un corps cylindrique plus ou moins
- p.35 - vue 39/432
-
-
-
- 56
- LA AA TU HE.
- courbé en spirale; il est entouré ou plutôt accompagné par une sorte de feuille épaisse, coriace, d’un rouge éclatant comme lui. Dans les bouquets, cet Anthurium est d’un effet puissant.
- Une autre espèce, Y Anthurium d’André, plus grande, plus haute, mais aussi plus délicate, offre une fleur semblable; la feuille florale, également rouge, y est bien plus large, bien plus ornementale; la surface est lisse et brillante, d’un ton extrêmement beau. M. Edouard André, l’heureux voyageur qui a découvert cette belle espèce au cours de son voyage dans la région de l’Ecuador, a pu montrer la même fleur, à sept semaines d’intervalle, encore fraîche et brillante.
- Un certain nombre d’aroïdées, et c’est le plus grand nombre, sont cultivées pour leur feuillage qui est très ornemental.
- Elles présentent souvent des coloris très beaux ; on trouve les teintes les plus variées; vert sombre ou jaunâtre, brillant ou terne ; les nervures sont blanches, rouges, cristallines, etc. ; il y en a qui ont des reflets métalliques, des parties argentées, cuivrées, bronzées : le revers des feuilles offre quelquefois une opposition des plus singulières avec la face supérieure. La forme rappelle le plus souvent celle d’un fer de flèche ou d'un cœur ; elle est également très variable. On observe, ce qui est rare dans le règne végétal, des perforations, des incisions profondes, qui donnent une apparence tout à fait particulière au feuillage.
- La plante qui est représentée dans la gravure ci-dessus est intéressante à cause de la longueur très
- remarquable de son inflorescence et la couleur de ses fruits : c’est Y Anthurium hybride; cette espèce a été mise au commerce vers 1875, par M. Linden de Gand, le très habile horticulteur, célèbre à plus d’un titre.
- Les feuilles sont très longues, elles ont un mètre de long, leur queue ou pétiole mesure une longueur analogue : elles s’y attachent par une sorte d’articulation. Leur couleur est d’un v^rt intense, et elles sont munies de nervures élégantes ; leur disposition n’est pas raide et disgracieuse comme dans certaines espèces à feuilles très amples.
- Une fois la flo-raison passée, l’axe qui porte les fleurs grossit, s’allonge et atteint une taille considérable, près d’un mètre aussi ; il se couvre de petits fruits, blancs et roses, gros comme de petits pois sphériques, qui produisent un effet assez agréable. Cette plante a fleuri et fructifié abondamment au Muséum de Paris, en 1884.
- On sait que le Gouet ou Arum vulgaire, désigné souvent sous le nom de Pied-de-Yeau dans les campagnes, donne des fruits rouges, disposés en grappe, dressée à l’extrémité d'une courte tige verte: à l’instant où ses fruits sont formés, très souvent tout vestige de feuille a disparu et on ne sait à quelle plante rapporter cette production singulière. L’Arum vulgaire possède des feuilles assez élégantes, en fer de flèche dont la forme générale se retrouve dans beaucoup d’espèces de la famille des aroïdées et peut en donner une assez bonne idée.
- Floraison de Y Anthurium hybridum au Jardin des Plantes de Paris.
- p.36 - vue 40/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 37
- BAROMÈTRE ENREGISTREUR
- Nous avons construit depuis quelque temps un petit inscripteur barométrique qui nous a donné des résultats qui ont dépassé nos espérances. Cet appareil, d’une grande simplicité, facile à construire par tous, sera en outre accessible à toutes les bourses. Ces différentes raisons nous engagent à en donner une description succincte.
- Le tube rempli de mercure de notre inscripteur est semblable à celui des baromètres Redier, mais il en diffère en ce sens que ses chambres barométriques sont beaucoup plus grandes, leur diamètre intérieur est de 15 millimètres; elles sont réunies par un tube plus étroit, disposition fautive, car elle rend l’instrument un peu paresseux et surtout elle empêche qu’il soit complètement soustrait aux variations de la température.
- Dans la branche ouverte de ce tube se trouve un flotteur très léger actionnant le levier ou fléau F (fig. 1) par l’intermédiaire d’un fil de soie ciré. Ce fléau est formé par ce que l’on nomme vulgairement « flèche de la canne à sucre » , c’est la tige droite et rigide qui supporte la panicule de cette plante ; d’autres graminées, d’un port élevé, telles que les sorghum, les gynérium, pourraient fournir des tiges analogues.
- Ce fléau mesure 0m,55 de longueur totale, son poids est de 2 grammes ; il accomplit ses oscillations autour d’un axe a (fig. 2), formé par une fine aiguille d’acier, le traversant perpendiculairement à sa longueur et reposant dans deux fragments d’un tube de verre d’un très petit diamètre T (fig. 2), soudés aux extrémités des branches d'un aimant en forme de fer à cheval. Cet aimant A est destiné à supporter la plus grande partie du poids du fléau F et, par conséquent, à réduire au minimum les frottements de l’axe a sur ses coussinets de verre T (fig. 2). Une pince en bois P, fixée à la planchette du baromètre, soutient cet aimant et lui permet de se déplacer de haut en bas et d’avant en arrière,
- suivant les besoins du réglage de l’appareil. Le fléau est traversé à sa partie antérieure par une aiguille très fine S (fig. 4), se mouvant librement dans un petit canal de verre t et appuyant à la surface d’un cylindre mû par un mouvement d’horlogerie1. Pour assurer un bon contact entre l’extrémité de l’aiguille traçante et la surface du cylindre, cette aiguille est fixée au sommet d’un mince chaume de graminée R (fig. 3-4) adhérent par son autre extrémité au fléau de l’inscripteur; cette tige forme un ressort d’une très grande flexibilité. L’amplification des mouvements du mercure donnée par le levier est égale à 5 ; pour cet effet, le grand bras du levier possède une longueur de 0IU,50. celle du petit bras mesure 0m ,05 ; cette partie du fléau est terminée par un arc de cercle a (fig. 3), d’un rayon égal à sa longueur, sur lequel est fixé le fil qui supporte le flotteur. Cet arc sert non seulement à maintenir le fil vertical dans toutes les positions du fléau, mais encore il diminue le poids de la partie antérieure de ce fléau.
- Pour mettre l’appa* reil en fonction, il suffit de calculer le poids du flotteur f (fig. 1) de manière à ce que le levier puisse se mouvoir de haut en bas, sans inertie, dans toutes les positions possi bl es. Quand les frottements de toutes les pièces de l’appareil sont réduites au minimum, le poids excédent à ajouter au flotteur pour détruire l’équilibre horizontal du fléau, par exemple, est excessivement petit; c’est de la faiblesse de ce poids, du reste, que dépend en grande partie la sensibilité de l’instrument, car s’il excède, par exemple, le poids du mercure qui sera déplacé par une hausse ou une baisse de 1 /10e de millimètre, le flotteur n’en sera pas influencé et, par conséquent, les indications données par la courbe seront restreintes. C’est pour ce motif qu’il est nécessaire d’avoir un tube barométrique aussi large que possible afin de disposer d’une plus grande force. Pour éviter l’adhérence constante qui se produit
- 1 Ce mouvement très simple nous a été fourni par M. Destouche, à Paris.
- Fig. 1. — Baromètre enregistreur que l’on peut construire soi-même.
- p.37 - vue 41/432
-
-
-
- 58
- LA NATURE.
- dans le tube du baromètre entre ses parois et le mercure et qui empêche ce dernier de suivre immédiatement toutes les variations de la pression atmosphérique, nous nous sommes très bien trouvé de placer derrière la planchette qui supporte le tube de l’instrument une de ces petites pendules à mouvement bruyant nommées réveil-malin, que l’on trouve très facilement dans le commerce.
- L’enregistrement se fait sur un cylindre cy (fig. 1 ) faisant une révolution complète en sept jours. Ce cylindre mesure 0m,2133 de diamètre et 0m,30 de hauteur. Il est recouvert d’une feuille de papier fortement glacé que l’on recouvre de noir de fumée en promenant à sa surface la flamme d’une chandelle ou celle d’une lampe fumeuse comme cela se pratique habituellement. La courbe tracée, on détache cette feuille et on fixe l’image obtenue en la passant dans un bain formé d’une solution faible d’une résine dans l’alcool.
- Les courbes obtenues par l’instrument sont très nettes, et peuvent fournir au météorologiste des documents d’une grande précision.
- On gradue ce baromètre enregistreur par comparaison ; à cet effet, on pointe sur la courbe, à des heures voulues, la hauteur barométrique absolue
- obtenue avec un ba-Fig1.3 v romètre étalon, ces
- F \ points servent à déter-miner, une fois pour toutes, la hauteur d une ligne de repère tracée d’une manière continue à la base du cylindre par une pointe R (fig. 1 ). Quant aux divisions de la feuille par jours et par heures, on peut les tracer à la main lorsque la courbe est fixée, mais il est plus simple et plus exact de tracer un petit trait vertical sur la courbe tous les jours, à midi, par exemple, et de noter à côté la date, la hauteur barométrique absolue ainsi que la température du mercure de l’inscripteur1. C’est là la marche que nous avons suivie depuis dix-huit mois que ce barographe fonctionne à la station météorologique de Marly-le-Roi. G. Raymond.
- 1 Pour faire le relevé de la courbe barométrique, on peut faire un calibre avec une feuille de corne transparente, on grave sur cette feuille, avec une pointe, des ordonnées courbes d’un rayon égal à la longueur du grand bras du fléau ; ce sont les lignes horaires. Puis on trace des lignes parallèles à celle du repère et on les distance de cinq en cinq millimètres : ces traits forment l’échelle des hauteurs. Pour faire une lecture, on superpose ce calibre sur la courbe, en faisant coïncider les traits du calibre avec ceux tracés à midi, chaque jour, et avec la ligne de repère ; la lecture se fait ainsi immédiatement et sans calculs.
- LES HABITANTS DE MARS
- La nouvelle extraordinaire, d’une correspondance possible avec les Martiens et dont les journaux se sont occupés depuis quelques mois nous est arrivée d’Italie, en passant par la Belgique. Il y aurait dans la vallée de Teramo un astronome amateur, du nom de Gemignani, qui aurait construit un télescope de 18 mètres de longueur, supportant des grossissements de 6500 fois. Observant Mars avec assiduité depuis deux ans il a fini par distinguer de plus en plus nettement d’énormes foyers de lumière blanche, semblables à des foyers électriques, qui dardent leurs rayons à travers la lumière rouge de Mars, et qui sont disposés géométriquement au nombre de trois, toujours aux mêmes heures et offrant les dispositions variées que nous indiquons, avec des intermittences d’éclat. On arrivera, dit-on, à lire ces signaux comme on est arrivé à lire les hiéroglyphes ; du reste, un M. Nizardi s’en est déjà chargé. M. Giacopino, disciple émérite du P. Secchi, se déclare convaincu de la sincérité de la découverte. On le voit, rien n’y manque, pas même l’instrument qui a servi, ni les noms de ceux qui s’en occupent. Malheureusement, il y manque la nouveauté. Il y a longtemps, en effet, qu’il a été dit que lorsqu’on voudrait correspondre avec les habitants d’une autre planète, il faudrait employer des signes géométriques. En outre, si les habitants de Mars voulaient se faire reconnaître de nous, ce ne serait pas des signaux lumineux qu’ils nous feraient, ce serait des signaux noirs. Ils sauraient bien, en effet, que des lumières, si blanches soient-elles, échapperaient à la vision au milieu de la lumière solaire réfléchie. Les prétendus canaux d’il y a deux ans, s’ils disparaisent, pour reparaître ensuite, seraient beaucoup plus concluants. En 1832, un industriel-astronome a déjà trouvé moyen de mystifier ses contemporains en leur vendant des portraits d’habitants de la Lune, obtenus en éclairant avec une bougie quelconque 'image de notre satellite qui se trouvait dans sa lunette. Il ne faudrait pas, dit le journal le Ciel auquel nous empruntons ces informations, se laisser berner deux fois dans le même siècle.
- EXPÉDITION LEMSTROM
- EN FINLANDE
- Une expédition scientifique, défrayée par le gouvernement de la Finlande, et dirigée par le savant physicien Lemstrôm,*a recueilli, pendant les années 1883 et 1884, des observations météorologiques et magnétiques intéressantes dont il a déduit les résultats suivants :
- 1° Il existe une zone entourant le pôle Nord a dont la limite boréale se trouve située par 68 degrés de latitude, dans laquelle les courants terrestres sont plus variables et plus intenses que dans les zones voisines.
- 2° Près de Sodankyla on a- constaté l’existence d’un courant dirigé de l’atmosphère vers la terre. L’appareil employé était un réseau formé par des pointes conductrices; il fut placé au sommet du mont Orantunturi, haut de 350 mètres et il donna naissance à une lumière jaunâtre diffuse qui, soumise au spectroscope, produisit le spectre ordinaire de l’aurore boréale. Plus tard un véritable rayon d’aurore fut engendré sur le mont Pictarin-lunturi, voisin de Kultala. Par la mesure de l’un et de l’autre courant, on constata les lois connues des courants électriques. L’appareil était réuni à la terre par un fil
- p.38 - vue 42/432
-
-
-
- LA NATURE
- 39
- métallique et par une plaque de zinc plongée dans l’eau. Un appareil semblable fut placé sur la colline de Komat-tivaara, dont la hauteur ne dépasse pas 130 mètres. Il était composé d’un réseau carré de pointes de fer hautes de 0m,5 et dont chaque côté mesurait lm,5. Le tout était posé sur des isolateurs Mascart. Un fil qui traversait un galvanomètre conduisait à la terre.
- Les courants observés se dirigeaient de la terre vers l’atmosphère. Pour mesurer la force électromotrice, on la comparait à celle d’un élément Leclanché.
- Le courant atmosphérique fut aussi mesuré à Kultala et on porta encore trois appareils sur le Pictarintunturi. On avait de cette manière des instruments situés aux altitudes : 1-324 mètres, 11-334 mètres, III-246 mètres et IV-255 mètres. La distance entreletIVétaitde 549 mètres.
- A la suite de nombreuses expériences il fut constaté :
- a. Qu’entre deux appareils placés à la même hauteur il ne se développait aucun courant.
- b. Qu’entre II et I le courant marchait dans la direction II—I à travers l’air. Dans l’intervalle de quatre jours d’observation, la force électromotrice a varié entre 0,03 et 0,005 volts par mètre.
- c. Tout près du sol, se trouvait une couche chargée d’électricité positive. Le potentiel diminuait à partir du sol jusqu’à un minimum et augmentait ensuite de nouveau avec la hauteur.
- L’année était très défavorable pour l’observation des phénomènes lumineux. Ils ne sont visibles que par un temps tout à fait serein et seulement quand le clair de lune n’est pas intense. Il neigeait presque tous les jours, mais en petite quantité. Le nombre des aurores n’atteignit pas le dixième du nombre normal.
- On reconnut que l’appareil donnait fréquemment une lumière diffuse et que par l’introduction d’une machine de Holz dans le courant, la lumière augmentait d’intensité, — le clair de lune faisait disparaître le phénomène qui pourtant pouvait être reconnu alors à l’aide du spectro-scope ; — que pour la production du phénomène sous forme de rayon il fallait un ciel clair, une basse température et une pression atmosphérique relativement forte.
- M. Lemstrôm conclut que ce sont certainement des courants électriques qui donnent naissance aux aurores boréales ; que ces courants ont pu être mesurés par les moyens dont disposait l’expédition. Il considère également comme acquise l’existence d’une zone de courants terrestres analogue à celle qui existe dans l’atmosphère pendant les aurores polaires. F. Zurcher.
- CORRESPONDANCE
- MÉTIER DES TISSERANDS EN TRANSCAUCASIE.
- Lyon, 1er décembre 1885.
- Monsieur le Rédacteur,
- La description très intéressante d'un petit nqptier à tisser qu’a publiée précédemment La Nature (n° 647,
- du 24 octobre, p. 336), me rappelle les appareils simples et pratiques qu’emploient les tisserands en Transcaucasie pour la confection des rubans, des ceintures, des galons, etc., et auxquels j’ai vu produire les articles les plus riches et les plus variés. Peut-être quelque industrieux lecteur de votre publication sera-t-il tenté de construire un de ces petits métiers, qui sont plus qu’une récréation instructive, puisqu’on les emploie encore industriellement au Caucase.
- Tout l’appareil se compose de deux chevilles sur lesquelles se tend la chaîne, d’un paquet de vieilles cartes, d’un petit peloton de fil de trame et d’une lame de bois servant de battant; un couteau à papier convient fort bien pour cet office.
- Et maintenant qu’on se reporte à la figure ci-jointe et l’on comprendra au premier coup d’œil comment des objets aussi rudimentaires peuvent constituer un métier à tisser.
- Pour monter le métier, on passe le premier fil de la chaîne dans le haut de la première carte du paquet, et le second fil dans le bas de cette même carte ; on continue ainsi, en suivant l’ordre des fils de chaîne et celui des cartes : le troisième fil dans le haut de la seconde carte, le quatrième dans le bas de cette même carte, etc. On comprend fort bien qu’une fois cette opération terminée, et la chaîne étant convenablement tendue, les fils sont maintenus ouverts comme dans un véritable métierde t isser and. On donne alors un coup de trame, puis du revers delà main on fait basculer le paquet de cartes, de façon à ce que les fils qui se trouvaient en haut passent en bas et réciproquement. C’est le moment de donner un coup de battant avec le couteau à papier. Le fil de trame est ainsi parfaitement fixé, les fils se sont entre-croisés, et on n’a qu’à continuer pour avoir un tissu armure taffetas très régulier.
- Ce que ce petit métier présente surtout de curieux, c’est qu’il permet de tisser un grand nombre d’armures unies : le satin, le sergé, etc. Si, en effet, on emploie des cartes percées de quatre trous, dans chacun desquels passe un fil de chaîne, on comprend qu’on ne peut tisser les mêmes articles que sur un métier à quatre remisses suivant qu’on passe la trame à chaque quart ou à chaque trois quarts de révolution du paquet de cartes, suivant aussi la façon dont on fait tourner les cartes. Ce petit appareil offre donc des ressources variées à l’opérateur.
- Un détail pour finir : j’avais remarqué que les oustas qui se livrent à ce curieux travail, à Noukha, emploient toujours des cartes françaises; j’en demandai la raison : « Ce sont les meilleures, » me répondit-on, « les fils y glissent mieux. » Voilà donc pour nos vieilles cartes un emploi dont beaucoup ne se doutent guère ; et cela faisait dire à un de mes amis, qui avait peut-être quelques remords de jeu, qu’il était singulier de voir des cartes ne servir à quelque chose, qu’après avoir été mises hors d’usage.
- Veuillez agréer, etc. , Pierre Pagnon.
- Métier à tisser fait à l’aide de cartes à jouer et servant dans le Caucase.
- p.39 - vue 43/432
-
-
-
- 40
- LA NATURE.
- LÀ PHOTOGRAPHIE INSTANTANÉE
- La photographie instantanée, à laquelle les procédés au gélatino-bromure ont donné un si grand développement, compte un nombre de praticiens de plus en plus considérable; elle produit de jour en jour des résultats de plus en plus intéressants, dont les conséquences commencent déjà à se faire sentir dans toutes les branches de la science et de l’art. Les travaux de M. Muybridge et de M. Marey ont montré quelles incomparables ressources les nouveaux procédés au gélatino-bromure peuvent fournir à la physiologie, en ce qui concerne surtout l’étude de l’animal et de l’homme en mouvement.
- MM. Paul et Prosper Henry, les savants opérateurs de l’Observatoire de Paris, ont fait comprendre ici même l’intérêt de la photographie, au point de vue astronomique. Les artistes n’ont pas moins à emprunter à la photographie instantanée, qui leur fait voir la réalité de mouvements dont ils n’a-vaientjamaispu soupçonner 1 existence, par la raison qu’ils échappent à notre vision.
- A\ez-vous remarqué que dans des épreuves de photographie instantanée , il arrive souvent de voir figurés des personnages qui marchent, et qui cependant au point de vue de l’art, manquent de mouvement ? Cela tient à ce que la photographie saisit des positions extrêmes que notre œil ne perçoit pas, et que le peintre par conséquent n’a jamais représentées. Il est probable que les photographies instantanées accoutumeront peu à peu notre œil à ce mode de figuration auquel nous n’étions pas habitué jusqu’ici, et modifieront notre appréciation , tout en apportant au peintre des documents nouveaux. J’ai eu l’honneur d’assister dans l’atelier de M. Meissonier à la première exhibition que M. Muybridge faisait à Paris de ses photographies d’un cheval au galop, projetées sur un écran, et je me rappelle que notre grand peintre se frap-
- pait parfois le front d’étonnement en s’écriant : « Mais c’est une révélation : jamais je n’ai pu voir de semblables mouvements. »
- Si la photographie instantanée, qu’on a pu appeler déjà la photographie du mouvement, est quelquefois rude, et peu agréable au point de vue de l’art proprement dit, elle représente parfois la réalité, de la façon la plus merveilleuse et la plus étonnante.
- Des habiles opérateurs bien connus, MM. Lumière de Lyon, sachant l’intérêt que nous portons aux nouveaux procédés de la photographie, nous ont récemment adressé une série d'épreuves obtenues à
- l’aide de plaques extra-sensibles de leur fabrication. Nous avons choisi la plus curieuse d’entre elles que nous reproduisons ci-contre par l’héliogravure. Notre gravure typographique a été faite par M. Petit, directement, sur le cliché de verre de MM. Lumière et sans aucune retouche ; c’est donc la photographie elle-même que le lecteur a sous les yeux. Elle représente un homme qui lance un seau d’eau contre un mur qu’il veut nettoyer. C’est un chef-d’œuvre de photographie instantanée et c’est en même temps un délicieux tableau, plein de vie, de mouvement et d’expression.
- L ’ épreu ve ci-con tre a été obtenue par un plein soleil comme l’indique la vigueur de l’ombre portée. L’objectif employé est l’antiplanat de Steinheil sur lequel a été monté un obturateur provenant de la maison Tury et Amey de Genève. Le temps d’exposition a été de 1 /300 de seconde ; l’image a été révélée à l’oxalate de fer.
- Ah! si Niepce, Daguerre, Poitevin, pouvaient admirer ces résultats de la photographie moderne ! Us verraient de quels progrès immenses leurs successeurs ont enrichi leur œuvre.
- Et comme nous aurions plaisir à fêter aujourd’hui ces grands inventeurs ! Gaston Tissandier.
- *
- Reproduction directe par l'héliogravure (procédé Petit) d’une photographie instantanée de MM. Lumière. — Temps de pose, 1/300 de seconde. (Réduction de 1/3.)
- p.40 - vue 44/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 41
- LES HOMMES INCOMBUSTIBLES
- La brûlure est incontestablement le genre de don- | leur contre lequel l’organisme se révolte avec le
- ment manier des charbons ardents ou un fer rouge, toucher de la fonte ou du plomb fondu, ceux qui résistent aux flammes, à l’eau ou à l’huile bouillantes, ont de tout temps excité fortement l’admiration et la curiosité publiques.
- Les métaux en fusion. — Plonger la main dans un métal en fusion est une expérience connue dès la plus haute antiquité; l’histoire nous rapporte que Z oroastre, voulant confondre ses calomniateurs, se laissa verser sur le corps de l’airain fondu et n’en reçut aucun mal. Un grand nombre d’auteurs du moyen âge, notam-
- qui semblent y échapper, ceux qui peuvent impuné- j ment Ambroise Paré et Cardan, racontent avoir vu
- Fig. 1. — Ouvrier coupant un jet rte fonte liquéfiée avec sa main.
- plus d’énergie.La crainte de la brûlure est extrême chez l’homme comme chez les animaux, et l’on peut dire qu’elle existe dans le règne animal à l’état de puissant instinct.
- Les animaux sauvages craignent le feu, les animaux domestiques, le chien, le chat, peuvent en apprécier la chaleur, aimer à se chauffer ; mais qu’un tison vienne à tomber près d’eux, qu’une étincellejaillisse, immédiatement leur peur est extrême et ils se sauvent.
- Cette crainte, cette horreur de la brûlure, si puissante chez les hommes, fait que ceux
- Fig. 2. — Saltimbanque léchant un fer rougi au feu.
- p.41 - vue 45/432
-
-
-
- 42
- LA NATURE.
- des charlatans plonger les mains dans du plomb fondu et s’en laver le visage.
- De nos jours nombre de charlatans exécutent des expériences analogues. Dans les plomberies, les ouvriers mettent sans hésiter la main dans une bassine de plomb en fusion pour en retirer une pièce d’argent qu’y a jetée un visiteur. On voit souvent dans les fonderies des ouvriers couper avec la main un jet de fonte ou d’acier sortant du creuset (fig. 1).
- M. Boutigny, d’Evreux, qui a étudié cette question et dont nous rapportons plus loin la théorie, répéta ces mêmes expériences, et voici d’après lui le récit de ses premiers essais : « Cowlet ayant, dit-il, pris l’initiative, nous avons coupé le jet de fonte avec les doigts. Nous avons plongé les mains dans les moules et dans les creusets remplis de la fonte qui venait de couler d’un Wilkinson et dont le rayonnement était insupportable, même à une grande distance. Nous avons varié les expériences pendant plus de deux heures. Mme Coivlet, qui y assistait, permit à sa fille, enfant de huit à dix ans, de mettre la main dans un creuset plein de fonte incandescente; cet essai fut fait impunément. »
- L’explication de la résistance de l’organisme au contact des métaux en fusion dont la température est très élevée, le fer, le cuivre, se trouve, d’après M. Boutigny, dans l’état sphéroïdal dans lequel se met la légère humidité de la peau de l’expérimentateur.
- Sans entrer dans des détails que l’on pourra trouver dans les traités de physique, rappelons qu’une goutte d’eau tombant sur une plaque de métal fortement chauffée, au lieu de se vaporiser immédiatement, prend la forme d’une petite sphère et reste dans cet état jusqu’à ce que la plaque s’étant suffisamment refroidie la gouttelette s’évapore brusquement. Or, d’après M. de Boutigny, la multitude de petites 'gouttelettes d’eau qui occupent les pores de la peau, se trouvant tout à coup en contact avec un corps dont la température est excessivement élevée, comme la fonte en fusion, se mettent à l’état sphéroïdal, s’interposent entre la fonte et la surface de la peau et constituent pour celle-ci un véritable gant protecteur.
- Les incombustibles au fer rouge et aux flammes. — Dans l’antiquité, les exemples d'individus doués de l’incombustibilité sont très nombreux, les auteurs grecs et romains nous ont conservé le récit de leur pouvoir extraordinaire, l’attribuant le plus souvent à une intervention divine, mais d’autrefois à une préparation purement physique. Voici quelques-uns des exemples cités :
- Les prêtresses de Diane Parasya, à Castabala en Cappadoce, s’attiraient la vénération des fidèles en marchant pieds nus sur des charbons embrasés, d’après Strabon. Le même auteur raconte que les plus fervents adorateurs de la déesse Féronie acquéraient le pouvoir de marcher impunément sur des charbons ardents. « Ceux que la déesse daigne inspirer de son souffle puissant, dit-il, marchent, sans se faire aucun mal, sur des brasiers et des monceaux de cendres
- rouges ; ce prodige se renouvelle tous les ans à la fête de la déesse. »
- Les Hirpi, pendant la fête annuelle qu’on célébrait sur le mont Socrate en Etruric, renouvelaient le même miracle; leur prétendue incombustibilité héréditaire leur valait l’exemption du service militaire et plusieurs autres privilèges accordés par le sénat, de Rome. Mais Varron dit que cette incombustibilité n’était due qu’à un enduit avec lequel ils se frottaient la plante des pieds, et dont ils avaient le secret.
- Cette supposition d’une substance rendant incombustible se retrouve aussi dans un ancien conte oriental : le héros de ce conte traverse une eau qui bout sans le secours du feu et marche sur des lames d’acier rouges et brûlantes, cela grâce à une pommade dont il s’est frotté le corps.
- Les épreuves judiciaires par le feu montrent qu’un grand nombre d’individus étaient à même de se rendre ou d’être rendus, sans qu’ils le sachent, incombustibles.
- Dans lTIindoustan, l’ancienneté de ce genre d’épreuve remonte jusqu’aux dieux : Sitah, épouse de Ram (VIe incarnation de Wishnou), pour se disculper de soupçons injurieux, marcha pieds nus sur un fer rouge. « Le pied de Sitah, disent les historiens hindous, étant enveloppé dans l’innocence, la chaleur dévorante fut pour elle un lit de roses. »
- Un voyageur racontait, il y a quelques années, avoir vu encore dans l’Inde deux accusés soumis à l’épreuve judiciaire par le feu. L’un porta, sans se brûler, une boule de fer rouge.
- Le second fut horriblement brûlé par l’huile bouillante et déclaré coupable : il est vrai que son accusateur était un brahme.
- En Grèce, l’épreuve par le feu était aussi en usage. « Nous sommes prêts à manier le fer brûlant et à marcher à travers les flammes pour prouver notre innocence, » s’écrient dans Sophocle (Antigone) les Thébains accusés.
- Au moyen âge nous retrouvons l’épreuve par le feu plus employée que jamais. Pachymère, vers le treizième siècle, dit qu’il a vu plusieurs accusés prouver leur innocence en maniant le fer rouge.
- A Didymothèque, vers 1340, une femme accusée par son mari doit subir l’épreuve du fer rouge; elle avoue en confession son crime à l’évêque de la ville qui l’engage cependant à se soumettre à l’épreuve.
- Le jour de celle-ci, elle prend dans ses mains le fer rouge sur l’ordre de son mari, fait trois fois le tour d’une chaise, sur laquelle elle dépose le fer incandescent, et la paille de la chaise s’enflamme aussitôt .
- Au commencement du onzième siècle, dans le but de ramener au christianisme Suénon II, roi de Danemark et ses sujets, le diacre Poppon mit sa main et son bras nus dans un gantelet de fer rougi a blanc et alla au milieu des Danois terrifiés le déposer aux pieds du prince. Sa main retirée du gantelet était intacte.
- Un autre exemple datant de la même époque ;
- p.42 - vue 46/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 43
- Harold, fils de Magnus, roi de Norwège, prouve ses droits au trône en marchant impunément pieds nus sur des fers rougis au feu.
- On retrouve même cette incombustibilité chez des peuples sauvages. En Afrique, par exemple, des voyageurs portugais ont vu des Cafres se justifier d’une accusation en maniant des fers rouges.
- Chez les Yoloff (d’après le voyageur G. Mollien), si un homme nie le crime dont il est accusé, on lui applique sur la langue un fer fortement rougi; s’il est innocent, le fer ne lui occasionne aucune brûlure, et ce dernier fait se présente très fréquemment.
- Parmi les épreuves auxquelles sont soumis les apprentis sorciers des tribus Peaux-Rouges, le jour de leur consécration, se trouve la marche sur des charbons ardents.
- A plusieurs reprises on a pu voir, à Paris, des exhibitions d’arabes Aïssaoua marchant sur des plaques de fer rougies à blanc.
- L’épreuve du fer rouge au moyen âge était surtout réservée aux personnes qui, par suite de leur vieillesse, de leur état maladif ou de leur profession, comme les moines et les prêtres, ne pouvaient se justifier des accusations portées contre eux en combattant leurs accusateurs en champ clos, par le duel judiciaire.
- L’épreuve du feu avait un caractère religieux, elle se faisait dans l’église, sous la direction du clergé. Les fers étaient consacrés. Les prêtres diri-gaient tous les préparatifs, l’accusé restait sous leur garde les trois jours précédents et les trois jours suivants. Pour empêcher de sa part une préparation de ses mains, celles-ci étaient recouvertes et mises sous scellés pendant ces six jours. Il est permis de préjuger de ces faits que les accusés dont l’innocence devait être proclamée avaient, durant cette période, les mains soumises à une préparation les rendant incombustibles. Ceux qui devaient être déclarés coupables étaient, au contraire, mis dans l’impossibilité de se préserver de la brûlure.
- Ce n’est qu’à la fin du dix-septième siècle, vers 1677, que la question de l’incombustibilité humaine fut envisagée au point de vue scientifique, et cela> par le médecin Dodart, membre de l’Académie des sciences. Cette étude fut provoquée par les merveilleuses expériences qu’exécutait en ce moment, à Paris, un chimiste anglais nommé Richardson.
- Richardson marchait impunément pieds nus sur des charbons ardents. Il faisait fondre du soufre qu’il plaçait tout allumé sur sa main et le déposait ensuite sur sa langue où il achevait sa combustion. Il plaçait sur sa langue des charbons allumés, y faisait cuire un morceau de viande; un spectateur, au moyen d’un soufflet, activait l’action du feu.
- Il tenait un fer rouge dans sa main sans qu’il en restât la moindre trace de brûlure. Il prenait entre ses dents une barre de fer rouge et la lançait au loin. 11 léchait ce fer rougi comme le font de nos jours quelques saltimbanques dans les foires (fig. 2).
- Il avalait également des substances en fusion.
- Dans toutes ces expériences, sa figure restait calme sans donner le moindre signe de douleur.
- Dodart expliquait que ces expériences peuvent être exécutées sans le secours d’aucune préparation chimique, simplement en prenant quelques précautions, et aussi par suite du durcissement que peut acquérir l’épiderme sous l’influence d’une action souvent répétée.
- Indépendamment des faits relatifs aux substances enflammées (dont nous parlerons dans la suite de ce travail, en citant les mangeurs et les souffleurs de feu), Dodart fait remarquer combien l’épiderme des paysans est épais et insensible comparativement à celui des citadins, combien la main calleuse du travailleur est différente de celle de la femme oisive, combien devient dure la plante des pieds du campagnard ou de l’individu qui marche continuellement sans chaussure ; l’épiderme, dans ce cas, se change en véritable corne complètement insensible. Nous examinerons dans notre prochain article, les explications plus complètes que l’on peut donner de ces faits curieux. Guyot-Daubés.
- — A suivre. —
- L’INTELLIGENCE
- ET LE VOLUME DU CERVEAU
- M. le Dr Adolphe Bloch a publié dans la Revue d'anthropologie un savant mémoire sur les rapports qui existent entre l’intelligence et le volume du cerveau chez l’homme. Il arrive à formuler, d’après l’observation, les conclusions suivantes :
- 1°11 n’y a pas de rapport absolu entre l’intelligence et le volume du cerveau, car des individus très intelligents peuvent avoir un petit cerveau, au lieu que des individus très ordinaires peuvent avoir un gros cerveau. Cela est connu. D’un autre côté dans certaines races, dites peu intelligentes, l’on peut rencontrer un cerveau ou une capacité crânienne d’une ampleur relativement considérable. 2° Les raisons, qui font que le cerveau est plus ou moins gros, sont multiples; car le volume de l’encéphale peut être en rapport avec la taille, avec le poids du corps, avec la puissance musculaire. Enfin, le cerveau proprement dit peut devenir volumineux dans la race et dans l’individu par suite du degré de l’activité intellectuelle. 3° Le facteur le plus important dans le degré de l’intelligence chez l’individu, est la qualité de la cellule cérébrale. Cette qualité est constituée par l’impressionnabilité ou l’excitabilité plus ou moins forte de la cellule cérébrale envisagée comme substratum de l’intelligence. Cette impressionnabilité de la cellule peut être native ou acquise. La première est la marque d’une intelligence supérieure. La deuxième peut s’obtenir par un travail soutenu dont aucun homme de génie ne peut se passer. Certaines névroses peuvent aussi la produire. 4° Dans une race, ce sont des influences, ne dépendant pas de l’individu, mais agissant sur tous, qui contribuent au perfectionnement de l’intelligence et à la sélection des hommes remarquables. La nature et le degré de l’intelligence sont aussi variables suivant les races elles-mêmes, mais nulle part le volume seul du cerveau ne peut constituer le facteur principal de l’intelligence.
- p.43 - vue 47/432
-
-
-
- 44
- LA NATURE.
- LETTRES D’AMÉRIQUE1
- PHILADELPHIE. -- LES FILS TÉLÉGRAPHIQUES. - LE DIMANCHE ET LES PHARMACIENS-LIMONADIERS. ------ LES
- (( BOULES PAYANTES )) DES GRANDS MAGASINS. ----
- i/üSINE BALDAYIN.
- Un dimanche, à Philadelphie, n’est pas une chose absolument gaie, il s’en faut.
- 900 000 habitants sont chez eux, retirés et tranquilles, les rues sont presque désertes : c’est un vaste cimetière ! Dans les principales voies cependant les tramways courent encore et à la sortie du Temple, on voit quelques personnes se hâtant de rentrer chez elles.
- Sous les nombreux fils télégraphiques, téléphoniques et autres, les rayons du soleil ne sauraient vous atteindre. Les ombrages de fils métalliques les plus épais sont situés à l’angle de Chest-nut Street et de Third Street (fig. 4). Les poteaux télégraphiques remplacent les arbres, les feuilles vert tendre du printemps sont représentées par les isolateurs de verre ou de porcelaine perchés sur leur tige de bois. Us maintiennent l’immense toile d’araignée formée par les innombrables fils de fer.
- Les magasins restent ouverts en apparence dans les rues, il n’y a point de volets ; de sorte que les devantures sont brillantes et parées comme dans la semaine. Cette mesure gêne les voleurs, paraît-il; le soir, une lumière est placée dans le fond du magasin et les policemen pourraient voir facilement les travaux malfaisants de ces messieurs. Il est certain que le vol qui a eu lieu a Paris chez un bijoutier de l’avenue de l’Opéra, n’aurait pu être réalisé à Philadelphie. Les volets du magasin enlevés, nos sergents de ville auraient vu les
- 1 Suite. Vov. page 7.
- tentatives nocturnes de nos pick-pockets parisiens.
- Les rues désertes de Philadelphie ne sauraient vous retenir longtemps et on se sent attiré vers les rives de l’admirable Delaware.
- Les bassins grandioses remplis de navires de commerce et les belles lignes bleues tracées par les eaux du fleuve au courant rapide, offrent un spectacle superbe qu’on voit avec plus de plaisir le dimanche. On peut tout contempler à loisir et rêver à l’aise. Les autres jours, c’est le business perpétuel et l’ardeur fiévreuse du travail.
- Sous un des nombreux hangars situés auprès
- des bassins, je suis bientôt arrêté à la vue d’un assez grand nombre de spectateurs; beaucoup d’entre eux sont debout, quelques-uns sont assis sur des ballots de marchandises diverses, au milieu d’eux un soi-disant clergyman chante des canti-ques avec sa femme. Il fait ensuite un long discours sur la malignité des temps. Il menace la foule des foudres du ciel; Philadelphie, New-York, etc., seront brûlés, précipités dans les abîmes, si nous autres, pauvres audi teurs, nous ne voulons pas suivre ses préceptes.
- Après ces avis charitables, mais effrayants, écoutés sous un soleil ardent, on éprouve le besoin de se reposer un instant et même de prendre un rafraîchissement. Hélas, c’est dimanche! les bars, sans exception, sont fermés. Un pauvre touriste a soif cependant; comment faire? II est avec les règlements dominicaux des accommodements. Les bars sont fermés, vive le pharmacien ! On trouve chez lui tous les sodas et limonades inventés par la civilisation humaine. Les pharmaciens ont dans leur magasin, à côté de toutes les drogues, des vasques à l’antique en marbre rare; elles sont munies de beaux robinets à col de cygne et, pour quelques sous, on a le dimanche tous les rafraîchissements
- Fig. 1. — Les fils électriques aériens, à Philadelphie.— Angle de Chestnut Street et de Third Street. (D’après nature.)
- p.44 - vue 48/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 45
- réconfortants que les bars ne sauraient vous vendre ce jour-là. Nous autres Français, nous ne comprenons guère ces nuances, fort délicates, paraît-il; mais enfin le but est rempli; on avait soif, on a bu. Le touriste a trouvé ainsi de nouvelles forces et c’est le splendide Fairmount Park qui va l’attirer. Ce parc est aux environs de la cité, il est grandiose. De hautes collines, des arbres séculaires et la jolie rivière la Schuylkill le traversé. La nature a tout arrangé elle-même dans ces lieux charmants et il faut avouer qu’ils ne ressemblent en rien à notre bois de Boulogne.
- Le dimanche passé, Philadelphie reprend son mouvement extraordinaire. Les maisons de briques avec fenêtres aux chambranles de marbres reprennent leur aspect accoutumé. C’est la résurrection. Les magasins sont remplis de clientes venant faire leurs achats.
- Dans Chestnut Street, la rue élégante par excellence, les grands magasins de MM. Sharpless frères, qu’on peut considérer comme le Bon Marché ou le Louvre de Philadelphie , possèdent un appareil curieux; c’est le cash railway, le chemin de fer des recettes, qu’on peut appeler la houle payante. M. Lamcon en est l’inventeur. Rien de plus ingénieux et de plus commode, et le système est employé déjà dans plusieurs villes des Etats-Unis, Philadelphie, Cincinnati, San-Francisco, etc.
- Au Louvre et au Bon Marché, les dames surtout le savent, on est fort ennuyé pour aller payer à la caisse. Il y a toujours une bousculade à affronter. Dans ce beau magasin de Chestnut Street cela n’existe pas. Les acheteurs n’ont pas à se déranger. Ils payent directement à l’employé qui les a servis et s’assoient à l’aise. Celui-ci met l’argent et la note dans une boule de bois B (fig. 2). 11 la fait
- Fig. 2. — La Boule payante des
- monter jusqu’à la petite glissière CC qui s’abaisse aussitôt la boule reçue et la lance sur un petit chemin de fer incliné à rails de bois bordés de cuir pour éviter le bruit (Voir la coupe n° 1). La boule arrive ainsi au centre du magasin, aux bureaux de la caisse. Ces bureaux sont au nombre de deux; ils sont suspendus, comme la nacelle d’un ballon, au milieu du -grand Iiall de l’établissement. Ils communiquent cependant aux galeries par de légers escaliers en fer. Il y a tout un réseau de rails de bois pour le parcours de ces boules, correspondant aux différents comptoirs; ils desservent le rez-de-chaussée et le premier étage des magasins. Les acheteurs ont la vue perpétuelle de cette sorte de canalisation aérienne avec les boules courant en silence à leur destination respective. C’est un aperçu qui ne manque pas d’originalité.
- Les comptoirs sont nombreux, les boules on t toutes un diamètre différent et portent des numéros pour éviter la confusion. Les diamètres différents o b 1 i-gent la boule à suivre un em-brancli ement voulu, les rails grands magasins de nouveautés. de bois étant de
- largeur correspondante, et les numéros rappellent aux employés la place de leur comptoir. Lorsque le caissier central a reçu l’argent envoyé, il donne la monnaie, acquitte la note et met le tout dans la même boule. Il la lance sur le plan incliné inférieur. La boule arrive à destination, l’employé n’a plus qu’à tirer à lui le filet E (Voir détail n° 2), ouvrir la petite boîte et remettre le contenu à l’acheteur qui a pu attendre à sa place sans être inquiété. L’opération tout entière n’a pas duré plus de deux minutes.
- Si les magasins sont remplis d’une foule élégante, dans les usines de la ville, des armées d’ouvriers sont à leur intéressante besogne.
- p.45 - vue 49/432
-
-
-
- 4G
- LA NATURE.
- Les immenses ateliers Baldwin, entre autres, sont extraordinaires en leur genre. C’est la plus grande fabrique de locomotives et de wagons-réservoirs à pétrole des Etats-Unis.
- A l’entrée de ce palais du travail, grâce à la recommandation d’un de mes bons amis de la ville, on me remet obligeamment un laisser-passer pour visiter tous les ateliers.
- J’entre d’abord dans l’immense pavillon où s’achève le montage des locomotives et des wagons-réservoirs à pétrole. Le mouvement y est extraordinaire. On s’y fait cependant, on admire alors l’entrain des ouvriers et le soin qu’ils mettent à terminer et perfectionner leur œuvre; on pénètre ensuite dans un autre pavillon de même grandeur. L'a se trouvent les machines à vapeur destinées a percer ou à tailler les pièces de tôle et de fonte ; puis toutes les fonderies, les marteaux pilons en marche, les salles où la fonte liquide coule dans les moules, les nombreux ateliers où l’on fait les pièces de moindre importance pour les machines, tels que vis de toutes sortes, objets de cuivre ou d’acier, etc., les salles de dessins pour les modèles, etc.; on sort de là ébloui. Le bruit assourdissant des travaux vous fatigue dans ces forges de Vulcain où le mutisme absolu chez les ouvriers est commandé. Il est absolument défendu de causer ou de questionner les travailleurs enveloppés de flammes et de fumée qui sont occupés dans l’usine, où l’application et l’intelligence régnent en maîtres. Albert Tissandier.
- — A suivre. —
- ——
- CHRONIQUE
- Tremblement de terre en Algérie. — De fortes secousses de tremblements de terre ont fait sentir leur action sur un grand nombre de points de l’Algérie dans la soirée du 5 décembre 1885. A Alger les secousses ont eu lieu vers huit heures du soir. Les secousses ressenties dans cette ville n’ont pas été assez fortes pour produire une grande émotion parmi la population ; néanmoins elles ne sont point passées inaperçues, tant s’en faut. Sur d’autres points, il y a de grands désastres à signaler. En voici le résumé d’après les nouvelles qui nous sont parvenues.
- Province d’Alger. — Ménerville, Fort-National, Blida, Boufarik, Maison-Carrée, Ilammam-Rhira, Orléansville, Aumale, Médéa et Boghari, ont éprouvé presque à la même heure (huit heures et demie), jeudi soir, des secousses assez violentes de tremblement de terre. A Bou-Saâda (territoire militaire) le phénomène a été d’une plus grande intensité ; cinq secousses se sont produites de huit heures vingt minutes à deux heures cinquante-cinq minutes du matin. L’église, le presbytère, et 71 maisons se sont écroulées. Une jeune femme et un enfant ont été tués et plusieurs personnes blessées. La dépêche ajoute qu’une panique indescriptible s’est emparée delà population qui a passé toute la nuit hors des habitations.
- Province d’Oran. — Mascara et Saida semblent seules avoir été atteintes par la commotion terrestre.
- Province de Conslantine. — Celle-là a été terriblement éprouvée. C’est à M’Sila (territoire civil) que le cataclysme a fait le plus de désastres. Le nombre d’oscillations a été
- de 17 du jeudi soir à huit heures et demie, au vendredi à six heures et demie du matin. A dix heures et à une heure on sentait de nouveaux ébranlements du sol. Des dépêches datées de M’ Sila, 5 décembre quatre heures trente minutes du soir, enregistrent 341 maisons détruites sur 1200 et presque tout le reste lézardé. Le bordj,où habite l’administrateur, M. Albert, s’est effondré et c’est miraculeusement que lui et toute sa famille ont pu être sauvés. Le fort est également très endommagé. Les travaux de déblaiement poussés avec activité ont mis à nu 33 cadavres inhumés peu de temps après.
- Dix-sept indigènes ont été blessés, plusieurs assez grièvement. M. le secrétaire général de la préfecture de Con-stantine et M.le sous-préfet de Sétif se sont rendus sur les lieux du sinistre qu’ils ont visités en prodiguant des secours aux infortunés.
- Tout le monde est unanime à louer d’une façon spéciale l’héroïque et belle conduite de M. Albert, administrateur de la commune mixte de M’ Sila qui, dans ces tristes circonstances, quoique entouré de sa famille, a fait preuve à l’égard de ses administrés d’un grand dévouement. Il était assisté de son personnel auquel des félicitations ont été adressées.
- A Sétif, des oscillations dirigées du sud au nord se sont manifestées, la croix du clocher est tombée. Biskra même n’est pas resté étranger à cette agitation terrestre.
- Francis Drouet,
- Attaché au Cabinet du Préfet d’Alger.
- Alger, le 8 décembre 1885.
- La robe de Sitting-Bull. — D’après une curieuse communication que vient d’adresser M. de Semallé à la Revue d’ethnographie, Mgr Martin Merry, évêque et vicaire apostolique du Dakota, est récemment passé à Paris, porteur d’un présent tout à fait original envoyé au pape Léon XIII, par le fameux chef indien Sitting-Bull. C’est une robe en peau de bison, monument de sa conversion au catholicisme, exécuté suivant les procédés traditionnels des tribus des Prairies. On y distingue trois bandes ou enceintes concentriques entourant un sujet central. La bande extérieure nous montre Sitting-Bull, armé généralement d’une lance, détruisant ses ennemis, prenant des chevaux, etc. La seconde bande ou enceinte représente les squaws debout par groupes. Dans la troisième sont accroupis les guerriers du Conseil. Enfin, au milieu, on voit l’évêque debout, et à sa droite Sitting-Bull incliné, lui présentant le calumet. Les sorciers se sauvent, effrayés par la présence de la Bobe Noire, et emportent avec eux les engins de leurs sorcelleries.
- ---------
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 14 décembre 1885. — Présidence de M. l’amiral
- JCRIEN DE LA GRAVIÈRE.
- Paléontologie végétale. — Il résulte des recherches persévérantes de M. B. Renault, aide-naturaliste au Muséum, que les végétaux confondus sous le même nom générique de sigillariées appartiennent à deux groupes bien distincts. Ceux dont la tige est cannelée sont probablement des cryptogames voisines des Isoètes d’à présent, mais dont la structure interne n’est pas encore complètement connue. Ceux dont la tige est lisse sont au contraire très évidemment des végétaux phanérogames gymnospermes. C’est ce qui résulte du magnifique épi signalé par M. Renault à l’Académie et qu’il a bien voulu me faire examiner dans son laboratoire. On y voit fixés à des
- p.46 - vue 50/432
-
-
-
- LA N AT U II K
- 47
- bractées de forme très spéciale, des sacs polliniques et dans leur voisinage des grains de pollen parfaitement reconnaissables, ayant même conservé parfois leur couleur jaune-orangé originelle.
- Enrichissement en azote d'un sol maintenu en prairie. — Notre savant collaborateur, M. Dehérain, professeur au Muséum, donne les résultats d’une longue expérience commencée en 1875 au champ d’expériences de Grignon ; des parcelles dont la richesse en azote a été déterminée au commencement des essais, sont cultivées pendant trois ans en betteraves, pendant une année en maïs fourrage; on constate que pendant cette période leur teneur en azote combiné a beaucoup baissé et que les pertes sont bien supérieures aux prélèvements des récoltes. En 1879, ces parcelles sont mises en prairie, d’abord de sainfoin, puis de graminées, et l’on constate d’abord en 1881, puis en 1885, que bien que le sol n’ait pas reçu d’engrais, bien qu’on ait enlevé les récoltes, la terre s’est beaucoup enrichie. Pendant ces quatre dernières années, le gain surpasse 200 kilogrammes d’azote par hectare et par an.
- M. Dehérain attribue ce gain non seulement aux apports d’ammoniaque atmosphérique (M. Schlœsing), d’azote libre (M. Berthelot, puis M. Joulie,) mais aussi aux eaux souterraines chargées de nitrates que les longues racines des plantes vivaces de la prairie peuvent aller puiser dans le sous-sol. Ces nitrates nourriraient les plantes dont les débris s’accumulent dans les couches superficielles où par suite du mode même de culture la pénétration de l’oxygène est difficile et où les combustions qui déterminent la disparition de la matière organique, sont bien plus faibles que dans les terres remuées chaque année par le travail de la charrue.
- Le Scélidolhérium. — La galerie de paléontologie du Jardin des Plantes vient de s’enrichir d’un magnifique échantillon dont la description est présentée par M. Gau-dry au nom de M. le Dr Fischer, aide-naturaliste au Muséum. Il s’agit du squelette entier d’un grand édenté fossile des pampas, auquel on a donné le nom de Scèli-dothérium heptocephalum. M. le professeur Gaudry en met des photographies sous les yeux de l’Académie, et constate que loin de faire double emploi avec le Mégathérium, son voisin, il ajoute beaucoup à nos connaissances sur les édentés.
- Embryogénie. — M. le Dr Henri Gervais, aide-naturaliste au Muséum, disséquant des fœtus de cétacés, a retrouvé dans la région pelvienne de ces animaux deux points d’ossification correspondant évidemment à l’os iliaque et à l’ischion. C’est un fait important à l’appui de l’opinion qui fait dériver les cétacés et les Siréniens des animaux terrestres à l’encontre de l’ancienne théorie ter-l’ipète jadis en honneur et maintenant abandonnée.
- Transport électrique de la force. — On sait que lors de l’expérience récente répétée par M. Marcel Deprez entre Paris et Creil devant l’Académie des sciences, un accident imprévu est venu interrompre les mesures. M. Sartiaux, chef de la traction des chemins de fer du Nord, annonce que l’enquête ouverte à la suite de cet événement en a révélé la cause dans le contact inopiné du fil de transport avec un fil télégraphique,
- La phosphorescence. — C’est d’une manière toute spéciale que M. le secrétaire perpétuel signale les recherches de M. Henri Becquerel, aide-naturaliste au Muséum sur les propriétés phosphorescentes des composés de l’Uranium.
- Ayant à comparer l’absorption de la lumière par ces composés et l’émission de la phosphorescence à laquelle ils donnent lieu, l’auteur a pour la première fois substitué aux mesures d’intensités lumineuses l’étude des natures de radiations. La conséquence très nette consiste en ce que les raies spectrales de la lumière émise succèdent exactement à celles de la lumière absorbée de façon à constituer quant aux longueurs d’onde une progression dont l’auteur détermine la raison. C’est une voie nouvelle ouverte à l’optique.
- Activité chimique de la chlorophylle. — Il résulte d’expériences présentées par M. Paul Bert au nom de M. le ür Regnard que la chlorophylle, extraite des cellules végétales où elle est normalement emprisonnée et même précipitée de ses dissolutions, conserve la propriété de fabriquer de l’oxygène aux dépens de l’acide carbonique sous l’influence de la lumière solaire. C’est, comme on voit, le pendant de l’activité inverse conservée par l’hémoglobine extraite chimiquement du sang.
- Le microbe de la rage. — M. le professeur Hermann Fol (de Genève), veut bien m’adresser en même temps qu’à l’Académie le résumé de très remarquables recherches qui lui ont révélé, dans la moelle rabique, l’existence de certains éléments qu’on ne retrouve pas dans la moelle saine, ayant l’aspect de microcoques et mesurant en moyenne 2 dix-millièmes de millimètre de diamètre. Si l’on ensemence un milieu de culture approprié avec de l’encéphale rabique, il s’y développe, à l’étuve, un léger nuage qui tombe au fond le quatrième jour. Le dépôt, inoculé à des animaux sains, leur transmet quelquefois une rage bien caractérisée ; seulement la duréè de l’incubation est plus prolongée que celle du virus qui a servi à l’ensemencement. L’auteur n’a d’ailleurs pas recours à l’inoculation par trépanation. Il injecte le liquide virulent à l’aide d’une canule pointue qu’il introduit à travers la conjonctive dans le fond de l’orbite et il perce la lamelle osseuse, très mince chez les rongeurs, qui sépare l’orbite de la base du cerveau.
- Varia. — L’explosion fulminante des chaudières à vapeur occupe M. Luvini (de Turin). — M. Quesnault adresse une note sur les mouvements lents du sol. — Une importante série d’expériences a permis à M. Deslandes de préciser plusieurs faits relatifs au spectre de l’azote. — Les hydrates de l'acide arsénieux sont étudiés par M. Joly. — M. Cazin a suivi chez des embryons de poulets le développement de la couche cornée du gésier. — Comme suite à ses recherches sur l’albumine, M. Schutzenberger donne aujourd’hui la composition de la leucéine. — La comète Barnard a été observée à Paris par M. Bigourdan et à Alger par M. Trépied. Stanislas Meunier.
- LÀ MÉTHODE FRŒBEL
- Parmi les objets qui servent à l’enseignement de la première enfance, il en est peu d’aussi ingénieux, et d’aussi utiles que ceux de la méthode Froebel, bien connue à l’étranger, et bien digne d’être recommandée parmi nous. La méthode Frœbel consiste à donner aux jouets du premier âge, la forme d’objets qui sont susceptibles de l’instruire. Les balles qu’elle a adoptées, sont colorées de nuances diverses ; il en est de bleues,'de blanches, de rouges :
- p.47 - vue 51/432
-
-
-
- 48
- LA NATURE
- voilà la notion des couleurs qui apparaît à l’enfant. D’autres jeux sont formés de cubes, de cylindres, et de sphères en carton, avec lesquels l’enfant s’amuse tout aussi bien qu’avec des quilles vulgaires, mais qui lui permettent d’acquérir à son insu la notion des solides géométriques. Des multitudes de jeux d'adresse, de patience, à l’usage des deux sexes, font partie de la méthode Frœbel. Nous signalerons aujourd’hui à nos lecteurs un nouvel exemple des Travaux utiles qui font partie de cette nombreuse série de petits appareils usuels. Frœbel a appelé le marteau et l'enclume, le petit outillage que nous allons faire connaître, et qui est tout entier contenu dans une boîte de carton.
- L’enfant trouve dans la boîte, des modèles en
- papier peint très épais; il les découpe. Notre figure \ représenteâ par exemple, en 1 et 2, deux côtés d’un fauteuil à patin; quand cela est découpé, on perfore chaque côté du papier, suivant les traces indiquées, de petits trous cylindriques. Ces trous se font à l’aide d’une enclume de bois, d’un emporte-
- pièce et d’un petit maillet qui se trouvent dans la boîte. Une série de petits bâtonnets de bois blanc dont nous indiquons un morceau en TT' (fig. 1) sont également contenus dans la boîte ; il suffit de les passer à travers les trous du papier-carton perforé, pour obtenir le fauteuil dont on voit l’aspect dans le n° 3 (fig. 1).
- La figure 2 représente une série d’autres petits objets que l’enfant peut fabriquer avec son outil-
- £Jtfoi{iîu Sc.
- Fig. 2. — Spécimen de quelques objets confectionnés avec des papiers-cartons perforés et des baguettes de bois.
- lage, toujours formé de papiers-cartons qu’il découpe, qu’il perfore, et qu’il monte à l’aide des bâtonnets. On voit représentés des coquetiers, des paniers, des chevalets, • des caves à flacons, etc. — Il est facile de préparer soi-même et à peu de frais l’outillage nécessaire à ces petites opérations ingénieuses et récréatives.
- Les petits bâtons de bois sont coupés à la lon-
- gueur voulue pour chaque objet. Cette occupation est pour l’enfant un sujet de réflexion qui développe son aptitude à raisonner, en même temps qu’elle exerce son habileté manuelle. Dr Z...
- Le propriétaire-gérant : G. Tissajsdier. Imprimerie A. Lahure,' 9, rue de Fleuras, à Paris.
- p.48 - vue 52/432
-
-
-
- N» 656. - 26 DÉCEMBRE 1885.
- LA NATURE.
- 49
- U TMGTION ÉLECTRIQUE
- SUR LE CHEMIN DE FER AÉRIEN DE NEW-YORK
- La traction électrique présente de nombreux avantages sur la traction ordinaire par la vapeur dans les villes, et si le développement n’en est pas plus rapide, il faut l’attribuer d’une part à certaines difficultés techniques qui n’ont pas encore reçu de solution complète au point de vue pratique, et, d’autre part, à la question économique qui joue, chaque fois que le transport de force motrice à distance entre en jeu, un rôle important, souvent exclusif.
- Trois systèmes sont en présence : le système à accumulateurs1, qui convient plus spécialement à la traction des tramways existants, puisqu’il ne demande aucune modification de la voie ; le système à conducteurs aériens*, dont on a pu voir un spécimen à l’Exposition d’électricité en 1881, et enfin le système à rail-conducteur spécial, dont le premier type a fonctionné en 1879 à l'Exposition de Berlin3 .
- C’est a ce dernier type de chemin de fer électrique qu’il convient de s’adresser chaque fois qu’on dispose d’une ligne spéciale, réservée uniquement k l’exploitation du chemin de fer, comme c’est le cas du chemin de fer aérien de New-York.
- Fig. 1. — Vue d’ensemble de la station et du train électrique de YElevaled Railroad, à New-York.
- Les expériences poursuivies sur ÏElevated railroad présentent un intérêt tout particulier par ce fait qu’elles revêtent le caractère d’un concours entre le système de la Daft Company, qui a obtenu la permission d’équiper une certaine section de la neuvième avenue, et un autre groupe, connu sous le nom à'Edison-Field, auquel est réservée la seconde avenue.
- Ce sont les expériences de la Daft Company que nous font connaître les journaux américains auxquels nous empruntons les éléments de cet article.
- La longueur de la ligne est d’environ deux miles (3200 mètres); le courant qui lui arrive par un rail central isolé et retourne par les rails ordinaires, comporte trois machines génératrices Daft, commandées par un moteur a vapeur, plus une petite machine 14e année. — 1er seratstre
- spéciale destinée k l’éclairage de la station pendant la nuit, par des lampes k arc.
- La locomotive électrique qui a fonctionné pour la première fois sur la ligne, le 26 août 1885, porte le nom de Benjamin Franklin. Les figures 1, 2, 3, 4, la représentent en perspective, en vue latérale, en plan et en bout; dans la première gravure (fig. 1), que nous reproduisons d’après le Scientific American, un arrachement de la paroi de la locomotive en montre les dispositions intérieures.
- Cette locomotive se compose d’un châssis sur lequel est fixé le moteur électrique supporté par quatre roues : deux roues motrices de lm,20 de
- 1 Voy. n° 446, du 6 mai 1882, p. 355.
- a Voy. n° 436, du 8 octobre 1881, p. 289.
- 5 Voy. n° 347, du 24 janvier 1880, p. 119.
- 4
- p.49 - vue 53/432
-
-
-
- 50
- LA NATUHE
- diamètre, et deux roues d'arrière de 90 centimètres : la longueur totale de la locomotive ne dépasse point 4ra,o5 ; son poids est d’environ 9 tonnes. L’arbre de la dynamo tourne cinq fois et demie plus vite que celui des roues motrices, mais la vitesse tangen-• tielle de l’anneau n’est que 2,8 fois plus grande que celle des jantes des roues motrices.
- Le moteur lui-même n’est autre chose qu’un anneau de Gramme tournant entre des inducteurs Siemens. Le changement de marche s’effectue à l'aide d’un levier commandant quatre balais convenablement calés, deux pour la marche en avant, et deux pour la marche en arrière. Ces balais peuvent d’ailleurs être décalés à volonté suivant la vitesse et la charge, de façon à éviter les étincelles, quelles que soient l’allure de la machine et l’in tensité du courant qui la traverse. On modifie cette allure en agissant, à l’aide d’un commutateur approprié, sur le couplage des inducteurs de façon à faire varier la résistance intérieure de la machine et de modifier à volonté ses éléments de fonctionnement, vitesse et puissance*, sans introduire de résistances auxiliaires. La machine se trouve ainsi dans les meilleures conditions de rendement, quel que soit l’effort de traction.
- Le même principe est applique aux freins électriques dont on varie l’action en changeant aussi la résistance intérieure.
- Le contact avec le rail central isolé, s’effectue à l’aide d’un galet en bronze phosphoreux qu’on peut élever ou abaisser à volonté au moyen d’un levier.
- Sur l’axe de la machine et de chaque côté, sont disposées deux poulies dont la jante présente une surface ondulée, formant un certain nombre de cannelures circulaires dans lesquelles viennent s’engager des cannelures analogues ménagées, sur deux
- poulies de plus grand diamètre calées sur l’arbre moteur. Pour obtenir une adhérence suffisante et variable, le moteur est articulé sur un pivot horizontal placé à l’avant et repose par ses
- deux poulies sur les deux poulies plus grandes de l’axe moteur.
- En soulevant ou en abaissant l’extrémité d’arrière de la machine à l’aide d’une vis verticale manœuvrée par une roue à volant, on peut faire varier la pression entre les poulies cannelées et maintenir toujours une adhérence suffisante pour empêcher le glissement, sans gaspillage de travail par un excès de
- pression. La même vis permet de soulever entièrement la machine et d’effectuer facilement et rapidement l’enlèvement et la mise en place de l’anneau.
- Le moteur est construit pour développer une puissance mécanique de 75 chevaux-vapeur et une vitesse normale de 18 milles (29 kilomètres) à l’heure, mais pouvant atteindre à certains moments 4-0 miles (64 kilomètres) à l’heure.
- Pour amortir les chocs et les trépidations, tout le mécanisme est supporté par un système élastique composé de plaques alternatives de fer et de caoutchouc remplaçant les ressorts de suspension ordinaires. Le but de cette disposition est d’empêcher les déplacements relatifs que permettent les ressorts et dont la transmission par frottement ne saurait s’accommoder, tout en donnant une élasticité suffisante pour franchir les voies les plus mal entretenues sans trépidations extraordinaires.
- Le rail conducteur est en acier; il repose sur des supports en fonte en forme d’ombrelle, plantés sur des blocs de bois dur saturés d’asphalte, formant un isolement très suffisant en pratique.
- Nous n’avons pas encore de chiffres sur les conditions de fonctionnement de la locomotive suivant
- Fig. 2. — Elévation de la locomotive électrique.
- Fig. 5. — Plan de la locomotive électrique.
- Fig. -i. — Vue par l’avant de la locomotive électrique.
- p.50 - vue 54/432
-
-
-
- LA NATURE.
- les différentes vitesses, rampes, pentes et charges. Les expériences ont été faites surtout au point de vue de l’application. La locomotive a déjà parcouru plusieurs centaines de miles, traînant le plus souvent quatre voitures, et d’autres fois deux voitures seulement, pour étudier les différentes consommations de charbon. Les résultats ne pourront d’ailleurs être que très satisfaisants si l’on en juge par les résultats d’une ligne analogue établie à Baltimore, où une. locomotive franchit une courbe de 22,5 mètres de rayon sur une rampe de 1/16 sans aucune difficulté.
- Sans faire beaucoup de bruit, on voit que les Américains savent faire de bonne besogne, et n’attendent pas les conseils de la vieille Europe pour entreprendre de grandes expériences et surtout d’utiles applications. Nous ne perdrions rien à les imiter, en abordant les questions électriques par le côté pratique et non par le côté spéculatif. E. II.
- LE
- TREMBLEMENT DE TERRE DU NICARAGUA
- Dü 11 OCTOBRE 1885
- Il y a deux ans, au moment où quelques ingénieurs hostiles à l’œuvre de Panama s’efforçaient, de l’autre côté de l’Atlantique, de ressusciter l’idée, tant de fois abandonnée, d’un canal par Nicaragua, la nature se chargeait soudain, par une de ses manifestations les plus redoutables, de rappeler au monde l’impossibilité pratique d’un pareil projet : je veux parler du tremblement de terre du printemps 1884.
- Le même phénomène vient de se reproduire, et, cette fois, ses conséquences ont été terribles. C’est le 11 octobre 1885, à 9 heures et demie du soir, que se sont fait sentir les premières secousses ; elles ont été d’une violence extrême. « Les villes de Léon et de Chinandega, écrit un journal du pays, sont transformées en un monceau de ruines. A Managua, des bruits effrayants se firent soudain entendre, tels que nous les annonce l’Écriture sainte, pour le jour du Jugement dernier; il semblait que le pays tout entier s’abîmait, et qu’il n’allait plus rester pierre sur pierre. » Et, au milieu du fracas épouvantable des toits semant leurs tuiles, des murailles croulant à terre, et des mille objets venant se briser sur le sol, des cris s’élevaient, cris de douleur et d’angoisse de la population affolée, perdue dans une atmosphère étouffante, et ne sachant où chercher un refuge. Le tremblement a duré une demi-minute; il a été suivi, pendant toute la nuit et le jour suivant, de frémissements du sol, qui faisaient craindre de nouveaux désastres; aussi personne ne s’est-il résolu à rentrer chez soi, et chaque patio a vu s’élever des ranchos pour mettre les habitants à couvert des pluies diluviennes de cette saison ; plusieurs durent s’installer dans la rue.
- Le nombre des morts et des blessés a cependant
- été assez faible; cela tient sans doute au mode de construction des maisons, qui, pour la plupart, sont faites de torchis ou d'adobes, et n’ont qu’un étage. Les quelques édifices un peu importants de ce pauvre pays sont en ruine ; la cathédrale de Léon, le seul monument architectural de la République, présente de* toutes parts de larges crevasses qui peuvent amener la chute complète de ses murs.
- Toutes les églises ont souffert de même (fig. I).* Les dommages matériels sont énormes.
- C’est, comme toujours, sur la partie de l’isthme, comprise entre les grands Lacs et le Pacifique, que la secousse du 11 octobre s’est faite sentir (fig. 2) ; toutefois elle s’est étendue, mais en s’atténuant, jusqu’aux mines de la Libertad et à Juigalpa, dans la chaîne granitique des Andes. Elle a eu son centre d’intensité dans la région qui avoisine Léon et Chinandega; à Granada et à Rivas, quelques vieilles murailles seules sont tombées: au \Talle Ménier, dans l’admirable hacienda de cacao, de MM. Ménier, un toit découvert et un mur lézardé de bas en haut sont les seuls dégâts ; il est vrai de dire que l’habitation principale est construite en bois, et que tout est aménagé en prévision de ces accidents.
- La secousse a eu, comme il arrive souvent, son contre-coup sur les eaux de la mer; le capitaine d’un navire, alors à 20 miles du rivage, raconte s’être fort bien rendu compte du phénomène. D’autres prétendent qu’il y a eu éruption sous-marine; la question vaudrait la peine d’être examinée, ne fùt-ce qu’au point de vue pratique de la navigation dans ces parages.
- Toute cette région est volcanique; on y compte une douzaine de volcans; plusieurs sont en éruption permanente, et, parmi ces derniers, les plus remarquables sont : dans le lac de Granada, l’Ometepe, superbe cône de déjection, haut de 1780 mètres, qui, en avril 1883, a vomi des torrents de lave; dans le lac de Managua (voy. la carte, fig. 2), le Momotombo (2000 mètres), autre cône dont la cime jaune et chauve laisse échapper sans cesse une fumée bleuâtre; plus loin c’est l’Asososcà; puis, las Pilas, l’Orota, le Telica, le santa Clara, le Viejo (2100) mètres), le Chonco, le Goségüina, tous avec des sources d’eau chaude ou des cratères boueux. Certains semblent complètement éteints; tel est le Masaya, qui, depuis 1858, n’a plus donné signe d’activité; au siècle dernier, il fut le théâtre d’une explosion terrible, et ses laves couvrirent une plaine immense, où, après plus de cent ans, la végétation envahissante des tropiques n’a pu encore reconquérir ses droits. Rien de désolé comme ce linceul sombre plaqué çà et là de reflets rougeâtres, çà et là moisi, avec les tons grisaille du noir usé; sur les bords, des trous laissent passer quelques arbustes rabougris, comme harassés d’avoir eu à soulever la lourde chape qui pesait sur eux depuis si longtemps ; à droite et à gauche, la verdure l’encadre; au loin, vers le nord, le lac de Managua, mugissant sous Balisé qui le fouette, semble venir aü-devant de cet affluent gi-
- p.51 - vue 55/432
-
-
-
- 52
- LA NATURE.
- gantesque dont les flots se sont figés dans leur course; au sud, se dresse, menaçant, le monstre fauve, la gueule toujours béante ; lui aussi paraît avoir été frappé d’une immobilité soudaine; sans qu’il tressaille, on peut s’en approcher; mais, un jour peut venir où, secouant son sommeil de pierre, il jettera une fois encore son épouvantable rugissement, et recommencera à baver son horrible écume.
- Il existe aussi, dans le pays, plusieurs cratères d’explosion ; les plus remarquables sont, près de Managua, ceux de Tiscapa et d’Asososca; chaque année à la fin de la saison des pluies, des mouvements se produisent dans l’onde toujours tranquille, et une odeur insupportable d’acide sulfhydrique s’en exhale, empestant les environs; l'a encore, l’activité volcanique est loin d être éteinte.
- Les déjections de cette longue série de volcans se sont accumulées sur la contrée dans la suite des siècles ; la sierra de Managua est formée en grande partie de leur superposition ; là où se sont produits des éboulements, des dislocations, des failles, on en voit les couches parallèles de cendres, de scories et de boue alterner sur des épaisseurs considérables, parfois semées d’énormes blocs retombés là pêle-mêle, après l’explosion d’un nouveau cratère.
- La période d’activité volcanique, commencée il y a bien des siècles, se poursuit encore à l’heure actuelle; les tremblements de terre en sont les phéno- j mènes concomitants, et le sol se trouve soumis à | des remaniements continuels. Aucune éruption nou- j velle, de quelque violence, n’a signalé le trem- |
- blement de terre du 11 ; toutefois, depuis quelque temps, leSanta Clara et le Telica donnaient des signes manifestes de convulsions internes; des bruits sourds se faisaient entendre, et les habitants du voisinage commençaient à être inquiets; enfin, le Coségüina semblait aussi vouloir secouer le demi-
- sommeil qui a succédé à la terrible éruption de 1855. Les mouvements du sol ne sont pas toujours brusques : en certains points le relief de la contrée change insensiblement; ici des éminences s’élèvent; là, la vallée se creuse ; près de la ville de Léon, une colline lentement a surgi;àTipitapa, entrée du thalweg par lequel s’écoule vers le lac de Granada le trop - plein du lac de Managua, le lit de la rivière s’est exhaussé peu à peu, à tel point que ce n’est que dans les très fortes crues, que la communication directe peut s’établir; dans le voisinage, abondent d’ailleurs de
- toutes parts, les sources thermales sulfureuses.
- Ainsi, sans trêve, le Nicaragua est soumis à des bouleversements qui en changent continuellement la face; les Améii-cains le savent bien, d’ailleurs, et, l’an dernier, la commission que nous débarqua le Lakawan-na ne paraissait pas avoir en elle le feu sacré que donne la certitude du succès. Et, en effet, quelle sécurité les travaux d’un canal trouveraient-ils sur ce sol mouvant où s’abîmerait en un instant l’œuvre d’années et de millions : quand on bâtit sur le sable, on sait à quoi l’on s’expose. Marcel Blanchard.
- Fig. 1. — Eglise du Laborio, à Léon de Nicaragua, après le tremblement de terre du IL octobre 188o. (D’après une photographie.)
- Fig. 2. — Carte du tremblement de terre du Nicaragua.
- p.52 - vue 56/432
-
-
-
- LA NATURE.
- D3
- « ENCÀRTEUSE » ÉLECTRIQUE
- MACHINE A ENCARTER LES BOUTONS
- Les machines prennent de plus en plus la place de l’ouvrier dans l’industrie; tout se fait automatiquement, même les opérations les plus compliquées et que la main seule paraissait pouvoir exécuter. Les inventeurs ont maintenant du reste une ressource de plus à ajouter à celles de la mécanique : c’est l’électricité, qui leur permet de résoudre bien des problèmes insolubles sans elle. Nous en avons un exemple dans la curieuse machine que représente
- notre gravure et qui met à contribution les propriétés de l’électro-aimant. Elle est destinée à fixer les boutons de bottine, par trois ou quatre douzaines, sur les cartons tels qu’on les trouve dans le commerce. Les boutons sont versés sur un plan incliné A en forme d’éventail muni de rainures, qui à leur extrémité inférieure arrivent à n’avoir que la largeur d’un bouton. Ce plan incliné est animé d’un mouvement de trépidation qui sollicite constamment les boutons à descendre ; mais ils sont retenus à l’extrémité des rainures par un petit grillage B monté sur I une traverse. Les cartons, destinés à recevoir les boutons sont maintenus à la suite les uns des autres
- Nouvelle inaehine à encarter les boutons.
- par de petits crochets sur deux bandes de cuivre DD montées sur des. poulies de renvoi à la manière des courroies sans fin. Elles glissent sur la table (dont la partie antérieure a été enlevée pour montrer le mécanisme) et entraînent avec elles les cartons. Ceux-ci viennent ainsi passer sous le plan incliné et au-dessus d’un électro-aimant E dont le pôle M est en forme de peigne, disposé de telle sorte que chacune de ses dents soit placée sous Tune des rainures par lesquelles arrivent les boutons.
- Les choses étant ainsi disposées, voici comment fonctionne la machine. Elle reçoit son mouvement par la poulie à gorge qu’on voit à gauche. Au moyen de cames montées sur l’arbre de cette poulie, la traverse et le grillage B se soulèvent à intervalles
- égaux, de manière à laisser passer une rangée de boutons, puis retombent aussitôt. Les boutons sont reçus par le carton qui se trouve au-dessous d’eux et à ce moment un courant étant envoyé dans l’élec-tro E, chacune des dents du pôle M attire le bouton qui se trouve en face par sa queue, qui est en fer, bien entendu, et le tient dans une position verticale la tête en haut et la queue pressée contre le carton. La traverse C, qui est commandée par l’excentrique F s’abaisse alors sous l’action d’un fort ressort à boudin et vient appuyer sur les têtes des boutons, forçant les queues à traverser le carton où ils sont ainsi fixés. Le courant de l’électro est alors interrompu et les bandes de cuivre avancent d’une certaine quantité, déterminée par l’espace qui doit
- p.53 - vue 57/432
-
-
-
- 5i
- LÀ NATURE.
- exister entre chaque rangée de boutons. Elles reçoivent leur mouvement au moyen d’un rocliet H, monté sur l’arbre des poulies DD, qui agit à intervalles réguliers aussitôt que la traverse G commence à se relever. Lorsqu’un carton est rempli, une disposilion spéciale fait agir le rochet de plusieurs dents à la fois pour faire arriver immédiatement le carton suivant sous les rainures qui amènent les boutons.
- Une ouvrière est chargée de verser les boutons en A, et au fur et à mesure de l’avancement des bandes de cuivre, de placer à la partie postérieure de la table les cartons vides et d’enlever à la partie antérieure les cartons pleins.
- Cette machine est très curieuse à voir fonctionner; elle est construite par M. Olagnier à la manufacture de boutons de MM. Rosenwald. Les nombreux visiteurs de la dernière Exposition du travail au Palais de l’Industrie ont été à même d’en voir un modèle réduit qui était actionné par un petit moteur à gaz du système Forest; ce constructeur avait également installé un peu plus loin un autre moteur de son système qui actionnait la dynamo destinée à fournir le courant nécessaire à l’électro-aimant de la machine. Dans la pratique c’est le même moteur, bien entendu, qui fait tout fonctionner. G. Mareschal.
- —«•<><—
- L’ARITHMÉTIQUE EN BOULES
- Cet article a pour but l’exposition de quelques principes sur le calcul, et même sur l’arithmétique supérieure par des procédés de démonstration qui ne supposent au lecteur d’autres connaissances mathématiques que les quatre premières règles et les définitions de la géométrie élémentaire. C’est encore un essai de restauration des méthodes dont se servaient peut-être les ancêtres de la science, dans la Chine et dans l’Inde, pour arriver à la découverte des propriétés et des lois du nombre et de l’étendue. Nous n’ignorons pas que les savants qui s’occupent des origines de l’arithmétique et de la géométrie sont divisés sur la question de savoir si les solutions des problèmes relatifs à la mesure des surfaces et des volumes ont ou n’ont pas précédé celles des problèmes de même ordre dans le calcul des nombres polygonaux et des nombres figurés que nous définissons plus loin ; mais nous devons dire que cet article et le suivant viennent apporter un nouvel appoint à ceux qui prétendent que l’étude de l’arithmétique a précédé celle de la géométrie ; mais nous n’y reviendrons que plus tard, pour demeurer fidèle à notre méthode d’enseignement et de vulgarisation qui consiste toujours à passer du simple au composé ; nous commencerons par les questions les plus élémentaires.
- Avec des boules, des billes, des noix, ou mieux encore avec les pions d’un ou de plusieurs jeux de dames, nous pouvons successivement représenter les
- nombres entiers 1, 2, 3, 4, 5,..., ainsi que nous indiquons ci-dessous (fig. 1).
- Quatre Cinq
- Fi". 1. — Les cinq premiers nombres.
- L’arithmétique et par suite toutes les mathématiques reposent sur cet axiome, que le nombre est toujours égal à la somme de ses unités, quelle que soit la manière de les assembler ou de les grouper. Ainsi, en partageant le nombre 6 en deux parties on peut obtenir les dispositions représentées ci-contre (fig. 2).
- Donc le nombre 6 est la somme de 5 et de 1, par définition, mais aussi de 4 et 2, de 5 et 3, de 2 et 4, et enfin de 1 et 5. Par suite la somme de deux nombres ne change pas lorsque l’on intervertit l’ordre des nombres ajoutés; il en est de même pour la somme d’autant de nombres que l’on voudra.
- La multiplication de 4 par 6 est l’addition de six nombres égaux à 4 ; nous l’avons représenté (fig. 3) ;
- 0 0-0-0
- 0 0-- 0 0 4
- I H | 4
- 0 0"'0 0 4 0 0-0-0 4
- 0 0 0 0 4 ____
- .Le produit 4X6 Fig14. Le produit renversé 6*4
- le résultat s’appelle le produit de la multiplication ou le nombre rectangulaire de côtés 4 et 6. Si l’on fait tourner la figure d’un quart de tour, le nombre des unités ne change pas; on obtient alors le rectangle, (fig. 4) provenant de la multiplication de 6 par 4.
- La comparaison des figures 3 et 4 démontre cette proposition, que le produit de deux nombres ne change pas lorsque l’on intervertit l’ordre des facteurs, ainsi qu’on peut le constater sur la table de multiplication. Cette démonstration est classique.
- LES NOMBRES TRIANGULAIRES.
- Supposons toujours les nombres représentés par des boules juxtaposées en ligne droite et plaçons successivement (fig. 5) le premier nombre sur le second, les deux premiers sur le troisième, les trois premiers sur le quatrième, et les quatre premiers sur le cinquième, et ainsi de suite. Nous formons ainsi successivement ce que l’on appelle les nombres triangulaires. -
- 0 0 0 0 0 0 5 et I
- 0 0 0 0 0—0 4 et 2
- 0- 0~0 0-0 0 3et 3 0 0-0- 0- 0 0 l et 5
- Fig. 2. — L’addition.
- p.54 - vue 58/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 55
- Si Ton veut construire la table des nombres triangulaires, et la calculer aussi loin qu’on voudra, on écrit sur une première ligne les unités 1, 1, 1,... ; sur une seconde ligne les nombres successifs 1,2,5,...
- de telle sorte que chaque nombre de cette ligne soit la somme de celui qui le précède dans la ligne et de l’unité 1 qui est au-dessus de lui; c’est la loi même de formation des nombres entiers.
- Unités .... 1 I 1 1 1 1 1 1 t 1
- Entiers. ...1 2 3 4 5 ü 7 8 9 10
- Triangulaires. 1 5 6 10 15 21 28 30 45 55
- Sur une troisième ligne oii forme la suite des nombres triangulaires en ajoutant au dernier nombre obtenu, celui qui se trouve au-dessus dans la colonne suivante; ainsi, par exemple 28 = 21 + 7, et de même pour tous les autres. Pour avoir les cent premiers triangulaires, on a donc à faire cent additions successives de deux nombres.
- LA PILE D OBUS.
- Mais il vient se placer ici tout naturellement une question importante. Comment peut-on déterminer directement le centième triangulaire, ou plus généralement, comment peut-on calculer un triangulaire de rang donné?
- On sait que dans les arsenaux les projectiles emmagasinés sont de deux espèces : les uns sont des boulets destinés aux pièces lisses ; les autres, qui servent à la charge des pièces rayées, ont une forme cylindro-conique. Nous ne nous occuperons pour l’instant que de ces derniers. Une première tranche verticale représente un nombre triangulaire dont le profil est représenté (fig. 6). Pour donner plus de solidité à la pile, on place plusieurs rangées verticales semblables ; et le nombre total des obus est le produit du nombre des tranches par le triangulaire correspondant qu’il s’agit donc de calculer.
- Pour cela, considérons, par exemple, le cinquième
- Fig. 6. — La pile d’obus.
- triangulaire et plaçons à côté, en sens inverse (fig. 7) le même triangulaire représenté par des boules blanches ; nous formons ainsi un parallélogramme ; chaque ligne contient (5-4-1) boules et puisqu’il y a 5 lignes, le nombre total des boules qui repré-
- • 0-0-0-00 A
- o-o-o-o
- 0-0-0
- sente le double du 5fi triangulaire est le produit de 5 par 5 -h 1 ou 6 ; ainsi le 5° triangulaire est la moitié du produit de 5 par 6.
- Par cette démonstration absolument pareille à celle qui démontre (fig. 8) que l’aire du triangle est la moitié de l’aire du parallélogramme de même base et de même hauteur, on voit donc que : Le double d'un nombre triangulaire de rang quelconque est le produit du nombre qui indique son rang par le nombre suivant.
- Le rang est d’ailleurs égal au nombre de boules sur le côté, et nous considérons ces deux expressions comme équivalentes.
- Ainsi en résumé, on peut calculer les nombres triangulaires soit par additions successives de manière à les obtenir tous; mais aussi on peut les calculer isolément par une seule multiplication, ainsi que nous venons de le voir. Le second procédé sert de vérification au premier en calculant directement les triangulaires de dix en dix.
- Le tableau précédent peut être allongé indéfiniment dans le sens de la longueur, en ajoutant autant de colonnes que Ton veut ; mais on peut aussi l’allonger dans le sens de la largeur en ajoutant des lignes. Il existe deux procédés d’extension absolument différents : le premier donne la théorie des nombres polygonaux ; c’est, pour ainsi dire, l'arithmétique de Diophante; nous l’exposerons dans ce chapitre. Le second procédé donne la théorie des nombres figurés; c’est plus spécialement Y arithmétique de Fermât; nous l’exposerons dans un travail postérieur intitulé : l'arithmétique en bâtons.
- __ ^ suivre. _ EdOUABD LUCAS.
- LE SCARABÉE ÉLÉPHANT
- Le nom de Scarabée a été d’abord donné à tous les Coléoptères de forte taille et n’a pris une signL fication précise qu’après que Latreille eut établi sa famille des Lamellicornes (cornes ou antennes à lamelles flu petites feuilles). Ces Coléoptères offrent des antennes insérées dans une fossette profonde, sous les bords latéraux de la tête, toujours courtes, de neuf ou dix articles, terminées en une massue composée des derniers, disposés le plus souvent en
- p.55 - vue 59/432
-
-
-
- 56
- LA NATURE.
- éventail à la façon des feuillets d’un livre s’étalant surtout quand l’insecte vole, comme on le voit si bien dans l’antenue du Hanneton. Ces feuillets sont plus développés dans les mâles que dans les femelles, car l’antenne est le siège de l’odorat et probablement aussi de l’ouïe, sens qui aident puissamment les mâles dans la recherche des femelles.
- Les auteurs actuels ont restreint le nom de Scarabées à des Lamellicornes vivant à l’éjpt de larves de bois décomposé, réduit en fibres séparées ou même en poudre comme il se trouve dans la tannée. Ils se nourrissent donc de matières végétales et non d’excréments des grands Herbivores, nourriture qui caractérise d’autres Lamellicornes parmi lesquels les Rouleurs de boules, l’ancien Scarabée sacré des Egyptiens, dont les caractères sont très différents de ceux des vrais Scarabées. Ces derniers, pendant le jour, se cachent dans le bois pourri, les troncs des vieux arbres, sous les feuilles sèches, etc. Réveillés pendant la nuit, ils déploient leur activité, se préparent au vol par de longues aspirations à la façon des Hannetons, puis soulèvent simplement leurs élytres sans les écarter d’une façon complète. Leur vol est lourd et bruyant et s’entend de très loin. Presque tous ces Scarabées possèdent des organes stridulants formés généralement de rides transverses ou flexueuses, de rugosités situées sur la partie terminale et arrondie de l’abdomen qui déborde un peu les élytres, sans se terminer en pointe courbe comme chez les vrais Hannetons, le Hanneton commun et celui du châtaignier. Sur ces rides, vient frotter le bord postérieur des élytres; parfois ce sont les élytres qui portent les stries. Les larves qui vivent dans le vieux bois, et certaines pendant plusieurs années, se construisent à la fin de leur existence une coque solide au moyen des débris ligneux qui les entourent; l’adulte attend quelque temps après qu’il est éclos de la nymphe, jusqu’à ce que ses téguments aient acquis la dureté nécessaire pour s’ouvrir un passage, ce qui nécessite une durée assez longue pour les mâles, souvent armés de cornes monstrueuses et d’excroissances étranges exigeant une solidification complète. Nous avons, en France, un typé de ces Scarabées bien connu des enfants sous le nom de Rhinocéros ou de Licorne. C’est YOryctes nasicornis, rare dans les forêts où il ne trouve pas facilement le bois très vermoulu dans lequel il doit vivre, commun au contraire par le fait de l’homme dans les tanneries et dans les couches à melons des maraîchers formées de tannée ou écorce de chêne très divisée, en entier d’un brun marron luisant, de 27 à 56 millimètres de long, à corps très convexe, à pattes épaisses et robustes. Le mâle a sur la tête une forte corne un peu arquée, remplacée par un simple tubercule pointu chez la femelle, le corselet des mâles a de chaque côté une impression fortement ponctuée, excavé en avant, relevé au milieu en une saillie obtusément tridentée, dans les femelles il est seulement très ponctué.
- A la taille près, cette forme donne parfaitement
- l’idée des énormes et massifs Scarabées des vieux arbres des régions les plus chaudes de l’Amérique, qui sont les géants des Coléoptères. Les différences sexuelles sont tranchées d’une manière saisissante. Le plus souvent les mâles ont le corselet ainsi que la tête surmontés de prolongements ên forme de cornes ou de pointes de l’aspect le plus étrange, d’excroissances dont on ignore en général la signification physiologique. Ces ornements doivent être inutiles aux femelles qui en sont dépourvues; ils seraient même incommodes et gênants à un haut degré lorsqu’elles s’enfoncent dans les arbres vermoulus pour y pondre leurs œufs. De plus petite taille en général que leurs mâles, elles ont souvent le corselet élargi d’avant en arrière et recouvert de rugosités granuleuses, ce qui facilite leur pénétration dans la terre, dans le terreau, dans les troncs pourris où elles déposent leurs œufs. Le type le plus connu de ces insectes est le Scarabée Hercule \ du genre Dynastes (roi, fondateur de dynastie), qu’on trouve à partir des Antilles dans l’Amérique méridionale chaude jusqu’aux environs de Rio-Ja~ neiro, où il est rare, et qui forme sa limite méridionale d’extension. Cette grande espèce, souvent rapportée, est assez répandue dans les collections. Beaucoup moins fréquent est le Scarabée Eléphant (.Megasoma ou Megalosoma Elephas, Fabricius), dont le nom de genre veut dire corps grand, corps massif. Il est très anciennement connu, car il est grossièrement figuré par un ancien historiographe des insectes, Moufet, dans son Theatrum insectorum, London, 1634. Moufet le donne comme du Mexique et rapporte naïvement qu’il n’a pas de femelle, qu’il est à lui-même son propre auteur. Une croyance analogue datant des Pharaons a longtemps régné à propos de l’Ateuque ou Scarabée sacré de la Basse-Egypte. Les voyageurs, très ignorants, surtout autrefois, rapportaient depuis longtemps les insectes aux belles couleurs ou aux formes étranges , achetés pour les cabinets des riches curieux. La collection du Muséum possède six Scarabées Eléphants, cinq mâles et une seule femelle, notés comme provenant du Guatémala, de Cayenne et de la Colombie. La taille des mâles varie en longueur, sans la corne, de 80 à 55 millimètres, avec une largeur médiane de 47 à 53 millimètres. (Voy. la gravure ci-contre.) La femelle a 58 millimètres de long sur 31 de large. Ces différences s’expliquent par des accidents de nourriture de la larve qui ne trouve pas toujours à satisfaire tout son appétit.
- Les deux sexes ont le fond du corps noir, couvert en dessus d’une courte pubescence d’un ferrugineux grisâtre. Sur la tête du mâle, est au milieu une longue corne plissée en dessus, d’un noir très brillant, bifide et recourbée au bout, qu’on a comparée à la trompe de l’Eléphant ; à sa base et en dessus est un tubercule recourbé, à duvet ferrugineux. Le corselet offre latéralement deux pointes presque
- 1 Voy. n° 450, du 14 janvier 1882, p. 104.
- p.56 - vue 60/432
-
-
-
- Le scarabée éléphant (Megasoma elephas) de la Colombie, mâle et femelle. (D’après des individus de la,collection cntomologique
- du Muséum d’histoire naturelle de Paris.) Grandeur naturelle.
- p.57 - vue 61/432
-
-
-
- 58
- LA NATURE.
- droites à bout d’un noir brillant (simulant les défenses) ; au centre un mamelon mousse. Il y a un grand écusson un peu cordiforme. Les élytres sont bombées, avec deux ou trois côtes a peine apparentes, arrondies au bout, comme chez tous les vrais Scarabées et recouvrant l’abdomen. Les pattes sont d’un noir brillant, assez épineuses, les jambes de devant dentelées; les tarses, de cinq articles, se terminent par deux crochets entre lesquels est une pulville en forme de tige avec un pinceau de poils; c’est un organe de tact. La femelle a la tête et le corselet noirâtres et granuleux, avec très peu de duvet, la base des élytres et les épaules sans duvet, la tête et le corselet sans cornes, avec un petit tubercule central sur la tête et deux petites pointes, à peu près d’un millimètre, sur le chaperon. Les antennes, pareilles dans les deux sexes, ont une tige de sept articles, puis une masse de trois feuillets.
- Il y a des insectes qui dépassent en longueur les massifs Scarabées, ainsi certains Phasmes dans les Orthoptères et surtout des formes fossiles des houilles de Commentry, si bien étudiées par M. Charles Brongniart. Les gros Scarabées américains présentent la limite de hauteur possible pour les insectes, car il ne faut pas croire qu’avec l’organisation de chaque type animal la nature puisse lui donner une grandeur quelconque compatible avec les fonctions vitales. Un Scarabée ne pourrait pas atteindre la hauteur de certains gros Crustacés, qui ont des dimensions comparables à celles d’un Lièvre. Chez les Crustacés le sang revient au cœur dorsal par des vaisseaux cylindroïdes ; dans les Insectes le sang chemine, sauf une petite aorte vers la tête, dans des lacunes, c’est-à-dire dans les intervalles entre les viscères accolés, par suite comme entre des lames parallèles. Or la physique nous apprend que l’ascension des liquides mouillants, dans ce dernier cas, est moitié de ce qu’elle est dans un tube fermé de toute part ayant pour diamètre la distance des lames. On voit donc dans quelle condition d’infériorité sont les insectes pour que le sang remonte à la région dorsale où sont les cœurs dont les systoles doivent lui rendre l’impulsion. Il est facile d’imaginer des géants dans toutes les classes animales, il serait souvent fort mal aisé de les faire vivre. Les vieux Parisiens se souviennent du gros Eléphant de la Bastille, modèle provisoire de charpente et de plâtre qu’un illustre écrivain a donné pour domicile nocturne à Gavroche. Si quelque magicien avait pu animer ce massif simulacre, il serait resté étalé et aplati sur le sol sans pouvoir marcher. C’est l’eau avec le principe, d’Archimède qui permettent la locomotion des Cachalots et des Baleines qui demeurent échoués sur les rivages.
- En nous bornant aux Mammifères, nous dirons qne les plus grandes espèces dans un groupe donné sont les aquatiques. Ainsi l’ordre des Cétacés dépasse tous les autres pour la taille; les Phoques présentent les plus grandes espèces de l’ordre des anciens Carnassiers, telle le Macrorhine, ou jadis
- Phoque à trompe de Péron, presque détruit maintenant, atteignant jusqu a 10 mètres; dans la tribu des Mastéliens, la Loutre est l’espèce de la plus forte dimension. Le genre Desman, à sécrétion musquée abondante, a une espèce très rare et terrestre, le Besman des Pyrénées, plus petite qne le Desman de Moscovie, à pattes palmées et à queue comprimée en aviron. Maurice Girard.
- LE
- CODE DES SIGNAUX DE CHEMINS DE FER
- La sécurité de l’exploitation des chemins de fer repose surtout sur l’exacte observation des signaux. Les règlements de toutes les Compagnies sans exception contiennent l’article suivant : Tout agent, quel que soit son grade, doit obéissance passive aux signaux. C’est dire que la question des signaux présente une importance capitale. Et, en effet, l’existence des voyageurs est d’autant mieux garantie que le système des signaux est meilleur et qu’il est mieux observé.
- Depuis la création des chemins de fer français, c’est-à-dire depuis un demi-siècle au plus, les différentes Compagnies ont été laissées libres de mettre en usage les signaux qui leur paraissaient remplir le mieux les conditions requises, et l’administration supérieure, tout en se préoccupant des inconvénients que pourrait présenter, à un moment donné, la diversité des appareils optiques ou acoustiques employés, n’a pas cru devoir leur imposer des règles uniformes à cet égard. On a considéré que l'industrie des chemins de fer était encore à son début, et qu’il ne pouvait qu’être profitable de laisser expérimenter différents systèmes, afin d’en bien constater les avantages ou les inconvénients : c’est de là qu’est résultée la grande diversité dans les moyens employés pour transmettre les indications nécessaires aux mécaniciens chargés de la conduite des trains. Les seules conventions à peu près uniformes qui se soient établies sont relatives aux couleurs : ainsi, sur toutes les lignes, le rouge signifie danger, arrêt; le vert, prudence, ralentisse-ment; le blanc, voie libre, marche. Quoi qu’il en soit, et malgré des différences souvent très notables dans la forme des signaux, ceux-ci ont toujours été partout disposés et organisés dans les conditions voulues pour assurer la sécurité, pourvu que leurs indications fussent respectées.
- En Angleterre, au contraire, l’uniformité existe depuis longtemps : on se trouvait en présence d’un nombre considérable de Compagnies, dont les réseaux étaient très enchevêtrés les uns dans les autres, et l’uniformité absolue de réglementation s’imposait sans conteste : on est arrivé ainsi à un règlement commun en 583 articles, auxquels chaque Compagnie ajoute, si elle le veut, des articles additionnels, mais dont elle ne peut rien retrancher. Ainsi le London and South Western en a ajouté 3 ;
- p.58 - vue 62/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 59
- le London and JSorth Western en a ajouté 13, etc.
- Les funestes événements de 1870-1871 ayant fait ressortir clairement le rôle considérable des chemins de fer au point de vue stratégique, on a été amené à prendre une série de mesures en vue de la défense de notre territoire : c’est ainsi que le personnel des compagnies a été organisé militairement en neuf sections techniques destinées à être mobilisées en cas de guerre, et qu’on a rédigé un nouveau règlement très complet sur le service des transports militaires parchemins de fer. La question de l’uniformité des signaux a été soulevée encore une fois devant la Chambre des députés, et le Comité de l’exploitation technique des chemins de fer a été consulté à ce sujet. Ce comité, présidé par M. Brame, inspecteur général des ponts et chaussées, a adopté le texte d’un Code des signaux ayant pour objet d’unifier le langage des signaux optiques et acoustiques échangés entre les agents des trains et les agents de la voie ou des gares. Cet important travail a été, il y a quelques jours, l’objet d’un rapport remarquable adressé au ministre des Travaux publics, par M. A. Picard, directeur général des ponts et chaussées, des mines et des chemins de fer. Le ministre, adoptant les conclusions de ce rapport, a pris un arrêté qui institue le code des signaux et le rend obligatoire sur tout le réseau français dans un délai qui sera déterminé, pour chaque compagnie, par une décision ministérielle spéciale.
- La mise en vigueur du nouveau code des signaux va nécessiter des transformations, et, par suite, des dépenses assez considérables sur certaines lignes : c’est ce qui explique la résistance opposée pendant longtemps par plusieurs compagnies à cette unification. On a mis en avant les dangers auxquels on serait exposé pendant la période de transformation et les inconvénients qu’il y a toujours à modifier les règlements et les habitudes du personnel : on a fait observer que les trains ne passent presque jamais d’un réseau sur un autre, du moins sans changer de machine; que les parcours communs, tels que ceux de Sainte-Colombe à Châtillon-sur-Seine, ou de Morvillars à Delle, sont de peu d’étendue, et qu’au besoin on pourrait avoir recours à un pilotage des trains; enfin, en ce qui concerne les transports stratégiques, on a fait valoir que les trains militaires devant être remorqués et conduits, sur chaque réseau, par les machines et le personnel de la compagnie exploitante, la différence des règlements des divers réseaux qu’ils auront à traverser ne saurait influer en rien sur la sécurité et la régularité de leur circulation d’un bout de la France à l’autre. Mais ces objections n’ont pas convaincu l’administration, et elle a pensé avec juste raison que, malgré tout le soin et toute l’habileté qui ont présidé à la préparation des transports militaires, certaines éventualités pourraient se produire, à la suite desquelles les agents de la traction seraient amenés à passer d’un réseau sur un autre : aussi le ministre des Travaux publics n’a-t-il pas hésité à donner la con-
- sécration officielle aux systèmes de signaux reconnus les meilleurs par le Comité de l’exploitation technique des chemins de fer.
- Nous allons résumer brièvement les principales dispositions du nouveau code des signaux.
- Signaux fixes. — Les signaux fixes sont les disques, les signaux carrés d’arrêt absolu, les sémaphores, les signaux de ralentissement, les indicateurs de bifurcation et les signaux d’aiguilles.
- Le disque ou signal rond (fig. 1) peut prendre deux positions : l’une parallèle et l’autre perpendiculaire à Taxe de la voie. Le disque effacé, c’est-à-dire disposé parallèlement à la voie, le jour, ou présentant un feu blanc, la nuit, indique que la voie est libre. Le disque fermé, c’est-à-dire présentant au train sa face rouge perpendiculaire à la voie, le jour, ou un feu rouge, la nuit, commande l’arrêt. Le disque doit être suivi d’un poteau indiquant, par une inscription, le point à partir duquel le signal fermé assure une protection efficace (fig. 2).
- Le signal carré d'arrêt absolu (fig. 3) peut prendre également deux positions : l’une parallèle et l’autre perpendiculaire à l’axe de la voie. Le signal effacé, c’est-à-dire disposé parallèlement à la voie, le jour, ou présentant un feu blanc, la nuit, annonce voie libre. Le signal fermé, c’est-à-dire présentant au train, le jour, perpendiculairement à la voie, un damier rouge et blanc, ou un double feu rouge, la nuit, commande l’arrêt absolu, c’est-à-dire qu’il ne doit être franchi sous aucun prétexte.
- Le sémaphore (fig. 4) consiste [en un mât muni de bras mobiles pour les signaux de jour, et de lanternes pour les signaux de nuit. Il est destiné à maintenir entre les trains les intervalles nécessaires. Le bras qui se présente à gauche, en regardant le sémaphore vers lequel un tram se dirige s’adresse seul à ce train. Le jour, le bras étendu horizontalement et présentant sa face rouge commande l’arrêt ; le bras incliné à angle aigu commande le ralentissement; le bras rabattu indique que la voie est libre. La nuit, le sémaphore commande l’arrêt par un feu donnant en même temps le vert et le rouge;’ le ralentissement par le feu vert; enfin le feu blanc annonce voie libre.
- Le signal de ralentissement (fig. 1) n’est autre chose qu’un disque peint en vert. Ce signal fermé, c’est-à-dire présentant au train sa face verte perpendiculaire à la voie, le jour, ou un feu vert, la nuit, commande le ralentissement. Le même signal effacé ou présentant un feu blanc annonce voie libre.
- L'indicateur de bifurcation est formé, soit par une plaque carrée (fig. 3) peinte en damier vert et blanc et éclairée la nuit, soit par une plaque (fig. 5) portant le mot bifur., également éclairée la nuit.
- Le signal d'aiguilles (fig. 6) se compose d’une flamme simple ou double peinte en violet et présentant la nuit un feu violet : il sert à indiquer la position des aiguilles et la direction qu’elles donnent.
- Signaux à la main. — Les signaux à la main s’exécutent, le jour avec un drapeau vert ou rouge ;
- p.59 - vue 63/432
-
-
-
- 60
- LA NATURE
- la nuit avec une lanterne pouvant donner, à volonté, un feu blanc, vert ou rouge. Pendant le jour, le drapeau roulé indique que la voie est libre; le drapeau vert déployé commande le ralentissement ; le drapeau rouge déployé commande l’arrêt. Pendant la nuit, le feu blanc annonce voie libre ; le feu vert commande le ralentissement; le feu rouge commande l’arrêt. A défaut de drapeau rouge, l’arrêt est commandé, soit en agitant vivement un objet quelconque, soit en élevant les bras de toute leur hauteur. A défaut de feu rouge, toute lumière vivement agitée commande l’arrêt.
- Signaux de trains. — Tout train circulant de jour doit porter, à l'arrière du dernier véhicule, un signal de queue, consistant, soit en une plaque
- rouge, soit dans la lanterne d’arrière dont tout train doit être muni la nuit. Tout train, circulant la nuit, doit porter à l’avant au moins un feu blanc, et à l'arrière un feu rouge; vers la partie supérieure du dernier véhicule, sont placées deux autres lanternes disposées de façon à lancer un feu blanc vers l’avant et un feu rouge vers l’arrière.
- Signaux acoustiques. — Parmi ces signaux, il faut distinguer : les signaux détonants, les signaux de mécaniciens, enfin les signaux faits au moyen du sifflet de poche, de la corne et de la cloche du tender.
- Les signaux détonants ou pétards servent à compléter les signaux optiques, lorsque, soit de jour, soit de nuit, ces derniers ne sont pas suffisamment
- Signaux de chemins de fer adoptés pour toutes les lignes françaises. (D’après le nouveau Code.)
- perceptibles par suite de troubles atmosphériques ou pour toute autre cause.
- Le mécanicien communique avec les agents des trains ou de la voie par le sifflet de sa machine. Un coup de sifflet prolongé commande l’attention et annonce la mise en marche ; deux coups de sifflet brefs et saccadés ordonnent de serrer les freins ; un coup bref, de les desserrer. Aux bifurcations, le mécanicien demande la voie en donnant le nombre de coups de sifflet prolongés correspondant au rang qu’occupe la voie qu’il doit prendre, en comptant à partir de la gauche. Voici la signification de ces signaux. Iæ mécanicien doit donner : un coup pour prendre la première voie ; deux coups pour prendre la deuxième voie; trois coups pour prendre la troisième voie; quatre coups pour prendre la quatrième voie.
- L’ordre du départ d’un train est donné au conducteur de tête par le chef de gare au moyen d’un coup de sifflet de poche.
- Le conducteur de tête commande à son tour au mécanicien la mise en marche du train, au moyen d’un coup de cornet. Le train étant en mouvement, le conducteur de tête communique avec le mécanicien par la cloche du tender : un coup de cloche commande l’arrêt. Si le train mis en marche doit être aussitôt arrêté pour une cause quelconque, le chef de gare en donne le signal par des coups de sifflet saccadés, et le conducteur de tête sonne la cloche du tender.
- Alexandre Laplaiche,
- Commissaire de surveillance administrative des chemins de fer.
- p.60 - vue 64/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 61
- ÉQUATORIAL D’AMATEUR
- Parmi les instruments intéressants à divers titres qui figuraient à T Exposition du travail au Palais de l’Industrie, nous voulons signaler un nouveau pied de lunette astronomique (du genre des équatoriaux) qui, par les conditions de sa forme, de la simplicité du mécanisme, et de son prix réduit, semble appelé à servir efficacement la cause de l’astronomie.
- Ce nouvel équatorial, ainsi que l’indique la figure ci-jointe, se compose essentiellement :
- 1° D’une plate-forme en fonte ouvragée, mesurant en longueur 0m,40, et dans sa partie verticale 0m,37 : c’est elle qui supporte les deux arbres d’acier et leurs cercles gradués de 17 et de 20 centimètres de diamètre ;
- 2° D’un mouvement d’horlogerie monté sur châssis de fonte et renfermé dans une solide cage de noyer : le régulateur est un court pendule battant la demi-seconde , ou bien, au gré du client, un volant 'a ailettes mobiles sur pivot ;
- 3° D’un trépied en sapin du Nord supportant le système.
- L’inventeur a voulu mettre à la disposition des astronomes amateurs une monture équatoriale qu’ils pourraient emporter en excursions ou en villégiature, et régler instantanément à la latitude du lieu d’observation. Dans ce but, l’arbre antérieur, appelé arbre horaire, est maintenu par sa base dans un coussinet pivotant tandis que le coussinet supérieur glisse sur deux rainures en arc de cercle : ce qui permet une plus ou moins grande ouverture d’angle proportionnée au degré de latitude du lieu d’installation.
- Mais il fallait, en prévision du déplacement de l’arbre horaire, ménager un contact constant : 1° entre la vis tangente et le cercle des ascensions droites mobile par le réglage des diverses latitudes ; 2° entre le pignon denté de cette même vis sans fin et la roue motrice du mouvement d’horlogerie qui, lui, est à demeure dans le socle de l’équatorial.
- Le premier contact est obtenu, en donnant comme support à l’axe de la vis sans fin deux bras qui ont leur point d’attache au coussinet pivotant de l’arbre horaire, de telle sorte que le déplacement de cet arbre, dans un sens ou dans un autre, entraîne nécessairement le déplacement des deux supports de la vis tangente, laquelle est à portée constante d’engrenage avec les dents de la roue ou cercle horaire.
- Pour établir le second contact, entre le pignon denté de la vis sans fin et le mouvement d’horlogerie, on a interposé entre ce pignon et la roue motrice une roue intermédiaire pouvant, au moyen d’une platine qui la supporte décrire un arc de cercle autour de la roue. De celte disposition il résulte que la roue intermédiaire est par sa partie inférieure en continuel contact avec l’engrenage, tandis que sa partie supérieure, grâce à son déplacement en arc de cercle va toujours rejoindre le pignon denté de la vis sans fin, quelle que soit la place où l’ait fixé le réglage de la latitude du lieu d’observation.
- 11 y a, par ce double jeu, engrenage constant entre les deux parties de l’instrument dont l’une est fixe et l’autre doit subir les modifications des diverses latitudes.
- Un trépied de fonte, avec cage d’horlogerie à plaque tournante, facilite, pour les amateurs qui le désirent, la détermination exacte de la méridienne.
- Ce nouvel équatorial, inventé par M. l’abbé Blain, aumônier des sourds-muets de Poitiers, et construit par la maison Lussault frères, a reçu du jury de l’Exposition du travail, une médaille d’argent. La Commission a reconnu les avantages que présentait, pour les observations astronomiques et la démonstration des lois qui régissent les mondes, ce modèle simplifié et d’un prix accessible aux Facultés, aux lycées et aux cabinets d’amateur. * Nous croyons que cet ingénieux appareil sera apprécié par tous ceux qui auront occasion d’en faire usage.
- p.61 - vue 65/432
-
-
-
- 62
- LA NATURE.
- CHRONIQUE
- Xou»elle lampe & incandescence. — M. Delau-rier vient de construire une nouvelle lampe électrique à incandescence. Voici en quoi elle consiste : « Au lieu de faire le vide, comme dans les lampes ordinaires, je m’arrange, dit l’auteur, pour qu’il y ait de l’acide carbonique et de l’azcte dans la mienne. Pour qu’il en soit ainsi, au lieu d’un seul filament dans l’ampoule en verre, j’en mets deux et je la bouche hermétiquement sans faire le vide. En faisant passer un courant assez fort dans un des fils, qui doit être gros et court, on pourra le brûler assez pour qu’il ne reste plus d’oxygène dans la lampe. Il ne faut cependant pas trop chauffer pour que l’ampoule ne se brise pas par la dilatation brusque du verre. On pourra opérer cette combustion de l’oxygène et du fil de carbone par un courant électrique puissant mais intermittent. Je ferai remarquer que, après le refroidissement, le volume du gaz doit être exactement le même que celui de l’air avant l’opération, s’il ne se forme pas d’oxyde de carbone. »
- Les ïlns français en Angleterre. — La consommation des vins français prend en Angleterre des proportions de plus en plus satisfaisantes au préjudice des vins d’Espagne qui étaient autrefois les seuls accueillis dans ce pays. Suivant un relevé officiel, la consommation des vins de France en Angleterre a été, du 1 "janvier au 31 octobre de cette année, savoir : en vins rouges, de 3 434 097 gallons, contre 5556 049 pendant la période correspondante de 1884, soit une augmentation sensible; en vins blancs, de 1 286516 gallons, contre 1 255 118, soit une augmentation importante. La consommation des vins espagnols a été, toujours pendant la même période, en vins blancs et rouges, de5308085 en 1885, contre 3404696 en 1884, soit une diminution de près de 100 000 gallons. (On sait que le gallon anglais vaut environ 4 litres 1/2.)
- Peinture à 1844 francs 33 centimes le centimètre carré. — Parmi les œuvres d’art composant la collection de feu Lord Dudley se trouvait le tableau intitulé : Les Trois Grâces, par Raphaël, 1506. Ce bijou, qui ne mesure que sept pouces anglais (0m,l828) vient d’être acquis par le duc d’Aumale, pour la modeste . somme de vingt-cinq mille livres sterling. Cette somme, convertie en francs au taux de 25 francs 25 centimes par livre sterling, représente 651250 francs, et un petit calcul démontrera que le coût du centimètre carré de cette (peinture ne s’élève pas à moins de la somme mentionnée en tête de ce paragraphe. La fable du centime placé à intérêts composés, à la naissance du Christ ne sera bientôt plus une chimère si le prix des peintures continue à,suivre cette marche ascendante : le tableau en question, ainsi qu’un autre de même dimension et de même valeur artistique ét possédé actuellement par h National Gallery, ont été achetés dans la première partie du siècle présent par Sir Thomas Laurence pour une somme d’environ ' 7000 francs chacun. J. B.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance publique annuelle dutl décembre 18§5
- Présidence de M. l’amiral Jurien de la Gravière.
- Discours de M. Jurien de la Gravière. — Les premières paroles du vice-président de l’Académie, remplissant, par suite du décès de M. Bouley, les fonctions de
- président, sont un hommage au caractère de l’illustre mort. L’Académie, contrairement à ce qui avait lieu depuis longtemps, a eu sa grande séance avant la fin de l’année. « M. Bouley, dès les premiers mois de sa présidence, n’avait cessé de stimuler le zèle des Commissions, de leur rappeler la date à laquelle il était désirable que leurs rapports fussent déposés. Sa voix a été entendue : au jour fixé nous étions prêts... M. Bouley se sentait mourir et il voulait avoir la joie suprême, avant d’entrer dans l’éternel repos, de proclamer les noms des nombreux lauréats qui sont tout à la fois l’espoir de la science, et, pour la plupart, le légitime orgueil de notre pays.
- « Bien peu s’en est fallu que ce vœu touchant ne fût réalisé. M. Bouley est mort le 30 novembre, il n’y a pas-un mois. »
- Ensuite 31. Jurien de la Gravière rappelle la séance mémorable du 26 octobre 1885 — l’avant-dernière que M. Bouley ait présidée — pendant laquelle M. Pasteur annonçait qu’il guérissait la rage.
- Après un regret donné à l’absence momentanée, nous l’espérons, de M. Jamin, l’orateur salue les morts, trop nombreux, de l’Académie, pendant cette année de 1885 : Dupuy de Lôme, Serrel, Rolland, Desains, Tresca, Milne— Edwards, Bouquet, Robin, Bouley, (( neuf confrères, neuf flambeaux éteints dans l’espace d’une seule année. »
- Prix décernés :
- Géométrie. — Prix Bordin. — Etude générale du problème des déblais et remblais de Monge. Le prix est partagé de la manière suivante : M. P. Appel, deux mille francs, M. Otto Ohnesorge, mille francs. — Prix Fran-cœur, M. Emile Barbier.
- Mécanique. — Prix extraordinaire de six mille francs.
- — Progrès de nature à accroître l’efficacité de nos forces navales. Le prix est partagé de la manière suivante : M. Hélie, deux mille francs, MM. Ilugoniot, Doneaud du Plan, Ph. Hatt et Lucy, mille francs. — Prix Poncelet, à M. Henri Poincarré. — Prix Montyon, à M. Amsler-Laffon. — Prix Plumey, à M3I. Bienaymé et Y. Daymard.
- — Prix Dalmont, à M. Félix Lucas. — Prix Fourneyron porté exceptionnellement à trois mille francs, à 31. Jean-Daniel Colladon.
- Astronomie. — Prix Lalanie, à M. Thollon. — Prix Damoiseau : le concours est prorogé à l’année 1886.
- — Prix Valz, à M. Spærer.
- Physique. — Prix Bordin. Rechercher l’origine de l’électricité atmosphérique. Le prix est décerné à M. Edlund. — Grand Prix des sciences mathématiques : le concours est prorogé à l’année 1877. — Prix Lacazc, à M. Gernez. >
- Statistique. — Prix Montyon, à MM. le Dr de Pietra Santa et 0. Keller.
- Chimie. — Prix Jacker. Le prix est partagé : MM. Prunier et R. D. Silva ont une somme de quatre mille francs chacun, et 31. G. Rousseau une somme de deux mille francs. — Prix Lacaze, à 31. A. Ditte.
- Géologie. — Prix Delesse, à 31. A. deLapparent.
- Botanique. — Prix Barbier, à 31. R. Dubois, Heckel et Schlagdenhauffen. — Prix Desmazières, à 31. Leclerc du Sablon. —Prix Montagne, à 31. Patouillard.
- Anatomie et zoologie. — Grand Prix des sciences physiques. Etude de la structure intime des organes tactiles dans l’un des principaux groupes d’animaux invertébrés. Le prix est décerné à M. Joannès Chatin. — Le prix Bordin est prorogé à l’année 1887. — Prix de Gama Ma* chado, à 31. Paul Girod.
- t
- p.62 - vue 66/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 63
- Médecine et chirurgie. — Prix Montyon, à MM. Augustin Charpentier, L.-H. Farabœut', J. Regnauld et E. Vil-lejean. — Prix Brcant, à M. le l)r Mahé. — Prix Godard, à M. E. Desnos. — Prix Lallemand, à M. le Dr Grasset.
- Physiologie. — Prix Lacaze, à M. Buclaux. — Prix Montyon, à M. C.-À. Rémy.
- Géographie physique. — Prix Gay, à M. le capitaine Refforges.
- Prix généraux. — Prix Montyon, Arts insalubres, à M. Ch. Girard et Chamberland. — Prix Cuvier, à M. Van Beneden.— Prix Trèmont, partagé entre MM. Bourbouze et Sidot. — Prix Gegner, à M. Valson. — Prix Petit d’Ormoy, Sciences mathématiques, à M. G.-H. Halphen.
- Prix Petit d’Ormoy, Sciences naturelles, à M. Sappey.
- — Prix Laplace, à M. Coste, sorti le premier, en 1885, de l’Ecole polytechnique.
- Discours de M. J. Bertrand, secrétaire perpétuel. — L’éminent académicien avait à faire deux éloges : celui de M. Charles Combes, membre de la section de mécanique, et celui de M. de la Gournerie, académicien libre.
- « Si Combes, a-t-il dit, n’a pas laissé de chef-d’œuvre immortel, peu de savants plus laborieux ont appliqué plus utilement une science plus assurée et plus haute. Aucun n’a fait paraître, avec plus de droiture dans l’esprit, plus de sagesse dans les affaires. Aucun n’a caché plus de mérite sous une modestie plus insouciante et plus candide. Aucun n’a laissé le souvenir d’un cœur plus dévoué, d’une bienveillance plus sincère. Aucun n’a réuni à un plus haut degré ces dons d’une aimable et belle nature, plus rares peut-être que le génie, plus précieux certainement que la gloire, a De la Gournerie, qui a débuté dans l’art de l’ingénieur par la construction du phare des Héaux de Bréaux, est le constructeur de la digue du Croisic qui, depuis quarante ans,' brave le flot sur une longueur de 860 mètres. Il fut chargé ensuite de l’exécution du port de Saint-Nazaire. « Un échec aurait été grave; on oublia le succès. » Notons dans son Eloge un passage curieux :
- « La perspective, à l’Ecole polytechnique, est résumée et montrée, comme en raccourci, dans quelques épures simples et faciles. Attentif à la pratique et gardien de la théorie, de la Gournerie, pour les concilier, conférait sans cesse les principes à la tradition. Les judicieuses conclusions, mises à profit à l’Ecole des Beaux Arts, fortement établies dans ses leçons au Conservatoire des Arts çt Métiers, forment la partie la plus originale et resteront la trace la plus profonde, peut-être, d’un enseignement toujours admiré. i
- (( Plus d’un tableau vanté par les bons juges blesse dans ses détails les règles de la perspective. En corrigeant par compas les contrariétés théoriques, de la Gournerie gâta d’excellentes gravures. Avec l’incorrection disparaissait la grâce. Singulier problème et utile leçon! Quelle apparence que la justesse puisse éloigner la perfection? Les règles d’Euclide sont trop droites, ses préceptes sont" absolus, ses conventions trop subtiles. Les jeux de l’entendement se jouent à la rigueur. L’art est plus étendu et, sans transgresser la règle assouplie, le goût peut rester libre et demeure souverain. Est-ce fantaisie? Non pas. Insouciance? "Moins encore. C’est nécessité et justice. Le spectateur s’approche, regarde chaque détail, s’éloigne, les embrasse d’une seule vue, et, de [ près comme de loin, veut ouvrir les deux yeux. Le géo- , mètre ignore ces licences, le peintre les suppose. Cette différence démêle l’énigme et explique la contradiction. De la Gournerie discute les expédients nécessaires, cher-
- che la limite des tolérances permises, et celte savante élude forme l’originalité de ses leçons et la supériorité du beau livre qui les résume. » Stanislas Meunier.
- RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES
- SUR LES CARRÉS MAGIQUES
- Un problème bien connu est le suivant : avec les as, rois, dames et valets d’un jeu de cartes, former un carré tel que dans chaque ligne, colonne et diagonale, on ail une carte et une seule de même valeur, une carte et une seule de même couleur.
- Il est susceptible d’un certain nombre de solutions qu’on peut obtenir comme il suit :
- Formez un carré magique de 16 cases avec les chiffres 1, 2, 3, 4 en ne répétant qu’une seule fois un de ces chiffres dans une même ligne diagonale, puis adjoignez-lui en un second obtenu tout simplement en faisant tourner le premier de 90°, par exemple :
- ) nif 1 Vjsr i
- ! Hfi «j ♦ K
- 1 jtjPfc WfgLi I IglA
- WÊmr s¥+ .1 1
- Fig. 2.
- Supposez alors que 1 représente l’as, 2 le valet, 5 la dame et 4 le roi, dans le premier carré ;
- 1 le carreau, 2 le cœur, 3 le pique, 4 le trèfle, dans le second carré.
- En rapprochant les deux carrés ci-dessus, vous avez la solution. Comme on le voit facilement, cette solution peut avoir de nombreuses variantes. L. Gutode.
- p.63 - vue 67/432
-
-
-
- 64
- LA NATURE.
- LE « YACHTING » EN FRANCE
- La navigation de plaisance prend, depuis quelques années, en France, une extension considérable.
- Nous donnons ici quelques chiffres curieux de statistique, empruntés à l’intéressante Liste des yachts français, publiée par MM. Vuillaume et Clerc.
- Il y a actuellement dans les ports français plus de 600 yachts de plaisance d’un tonnage dépassant 5 tonneaux. Dans ce nombre on compte environ 150 yachts à vapeur, dont quelques-uns, comme la Velléda, à M. II. Menier, dépassent 600 tonneaux; d’autres atteignent environ 100 tonneaux, comme les
- goélettes de M. Jules Verne ou de MM. Menier. Les cotres ou sloops à voile sont au nombre de 300. Les yachts de plaisance français de plus de 5 tonneaux donnent un tonnage total de 17 000 tonneaux.
- Parmi les plus belles goélettes à vapeur à hélice, nous citerons Eros, de 750 tonneaux, à M. le baron Arthur de Rothschild (Havre) ; Saint-Joseph, de 750 tonneaux, à M. le marquis dePreaulx (Nantes) ; Margaret, de 164 tonneaux, à M. le baron Oppen-heim (Havre) ; Korrigan, de 175 tonneaux, à M. le comte de Montaigu (Nantes) ; Gabrielle, de 260 tonneaux, à M. Siéber (Havre); Naïade, de 169 tonneaux, à M. Verminck (Marseille) ; puis viennent plusieurs goélettes de 250, de 170, de 100 tonneaux
- Canots de plaisance éclairés à la lumière électrique.
- et au-dessous. Le plus grand bateau à vapeur français d’amateur est la Bretagne, de 1172 tonneaux. C’est un trois-mâts de 76 mètres de longueur, appartenant a M II. Say. La machine compound à deux cylindres est de 120 chevaux nom.
- Le plus petit bateau â vapeur est le Microbe, de 4 tonneaux, appartenant à M. Mors, et dont nous avons précédemment donné la description.
- Le canotage de rivière n’est pas moins cultivé en France, et nos principaux fleuves, pendant la saison deté, comptent aussi de nombreux amateurs. Sur la Seine et sur la Marne, aux environs de Paris, c’est par milliers que l’on pourrait citer les canots et les yoles. Pour de si petites embarcations, les machines à vapeur ne sauraient être employées, mais les mo-
- teurs dynamo-électriques sont très fréquemment usités. Depuis quelques années M. Trouvé a livré plusieurs centaines de machines dynamo-électriques pour des canots d’amateur. Pendant la saison dernière, de nombreux bateaux de plaisance étaient aussi munis d’un système de lumière électrique qui servait de fanal pendant la nuit. La lampe à incandescence, placée au centre d’un réflecteur, est alimentée par une batterie de 6 éléments au bichromate de potasse de M. Trouvé. Notre gravure représente l’aspect de ce curieux éclairage.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier,
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- p.64 - vue 68/432
-
-
-
- N° 657. — 2 JANVIER 1886.
- LA NATURE.
- 65
- LES DINOCÉRÀTIDÉS DU WYOMING
- Tous les naturalistes ont entendu parler des étonnantes découvertes paléontologiques qui ont été faites en Amérique dans les territoires de l’Ouest1. Depuis l’établissement du chemin de fer qui traverse l’Amérique, des côtes de l’océan Atlantique à celles de l’océan Pacifique, des contrées jusqu’alors fermées à la civilisation et à la science ont été explorées. On y a trouvé une multitude d’animaux fossiles dont plusieurs sont très différents de ceux que nous connaissons en Europe. *
- La région du Wyoming, comprise entre les mon-
- tagnes Rocheuses, à l'est et la chaîne du Wahsatch, à l’ouest, est une de celles qui ont fourni le plus de surprises aux paléontologistes. A lepoque éoeène, la mer qui l’occupait pendant lepoque crétacée a été remplacée par de vastes lacs d’eau douce, sur les bords desquels s’est épanouie une riche végétation et s’est développée la famille des gigantesques Pachydermes auxquels on a donné le nom de Dinocératulés. M. Marsh vient de publier un grand ouvrage sur ces étranges créatures, et il a bien voulu m’envoyer, pour le Jardin des Plantes, une série de modèles qui permettent de s’en faire une idée très exacte.
- La vue des crânes de Dinocératidés explique
- Crâne d’un Dinocératidé, d’après un des modèles envoyés par M. Marsh au Muséum d'histoire naturelle de Paris.
- (1/6 de grandeur naturelle.)
- pourquoi on leur a donné leur nom (cîuv<k, terrible, xépaç, corne). Jamais on n’avait vu de tètes aussi cornues : les os du nez portent deux petites protubérances osseuses; les maxillaires produisent au-dessus des canines deux fortes protubérances; une troisième paire de protubérances encore plus grosses et plus extraordinaires est formée par les pariétaux; elles se continuent avec une énorme crête qui borde le haut de la partie postérieure de la tête, laissant un grand creux dans le milieu; il n’est pas aisé de comprendre quel pouvait être l’aspect d’une pareille tête à l’état vivant.
- 1 Voy. n0 29, du 20 décembre 1873, p. 33; n° 44, du 4 avrifl874, p. 284.
- U’ aanéf.. — 1* semeatre.
- Le cerveau n’est pas moins étonnant; il laisse complètement à découvert les lobes olfactifs ainsi que le cervelet, et il est plus petit que dans aucun autre Mammifère: il a l’aspect d’un cerveau de reptile. M. Marsh a constaté que la petitesse du cerveau est un caractère propre à plusieurs Mammifères du tertiaire inférieur; cet organe a pris plus de développement chez les genres du tertiaire moyen et surtout chez ceux de l’époque actuelle. Gomme il y a en général quelque relation entre le développement du cerveau et celui de l’intelligence des animaux, on peut croire que les anciens Mammifères ont eu moins d’intelligence que ceux d’aujourd’hui.
- 5
- p.65 - vue 69/432
-
-
-
- LA NATURE.
- G(i
- Evidemment, le Coryphodon est l’animal fossile qui, par ses membres et sa dentition, se rapproche le plus des Dinocératidés ; mais notre éminent confrère, M. Hébert, auquel on doit une étude sur le Coryphodbn, jugera sans doute que cet animal est encore bien éloigné des Dinocératidés. Malgré leur taille énorme et certaines dispositions de leurs membres, les grandes bêtes cornues des Western-Territories ne peuvent être rapprochées des Probos-eidiens, car elles n’avaient ni trompe, ni incisives supérieures et, bien que leurs pattes présentent de la ressemblance avec celles des Eléphants, elles diffèrent en ce que leur cuboïde supporte l’astragale, et non le naviculaire. En réalité, les Dinocératidés sont des créatures qui, après avoir contribué à donner une physionomie propre au monde éocène, ont disparu sans laisser de postérité.
- On éprouve quelque étonnement en voyant apparaître, dès l’époque du tertiaire inférieur, des bêtes si puissantes, car les recherches qui ont été faites dernièrement en Amérique, comme celles qui ont eu lieu en Europe, n’o:it jusqu’à présent fourni que des Mammifères secondaires assez chétifs.
- Outre son grand \olume sur les Dinocératidés, M. Marsh a déjà fait paraître un volume sur les oiseaux fossiles qui ont eu des dents, et il va bientôt en donner un troisième sur les Dinosauriens, ces gigantesques et étranges reptiles qui ont joué sur les continents de l’époque secondaire le rôle que les Mammifères ont joué sur les continents de l’époque tertiaire.
- Avant les vastes travaux de M. Marsh sur les Vertébrés fossiles des Western-Territories, il y a eu ceux de M. Leidv, qui ont été aussi très importants. M. Cope, qui a fait de grandes publications sur les mêmes animaux, vient, cette année, de consacrer un gros volume à leur étude. M. Osborn commence à suivre les exemples de MM. Leidy, Marsh et Cope. L’ensemble des découvertes de ces naturalistes a singulièrement enrichi le domaine de la paléontologie. Les savants de notre vieille Europe ne peuvent manquer de suivre avec un intérêt sympathique les courageuses et fécondes explorations des savants de la jeune Amérique1. Albert Gaudry,
- de l’Institut.
- L’ARITHMÉTIQUE EN BOULES
- (Suite. Yoy. p. 54)
- LES NOMBRES CARRÉS.
- Plaçons des boules aux sommets de carrés égaux distribués comme ceux des cases d’un échiquier. Nous avons représenté dans la figure 1 le carré de 5 ; ce carré est un nombre rectangulaire dont les côtés sont égaux; par conséquent, le nombre des unités qu’il renferme est 5x5 ou 25. Nous savons donc calculer, par multiplications successives, tous les carrés; ainsi le nombre des cases de
- 1 Note présentée à l’Académie des sciences.
- l’échiquier de 8 cases de côté est 04; le nombre des cases du damier de 10 cases de côté est 100; mais pour le nombre des sommets de toutes les cases, on doit augmenter le côté d’une unité. Ainsi, dans la figure 9, il y a 16 cases et 25 sommets; de même, le nombre des sommets de l’échiquier est 81 et le nombre des sommets du damier est 121.
- Contrairement à ce que nous avons fait pour les nombres triangulaires, nous trouvons ici tout d'abord le procédé de calcul pour chaque carré pris isolément ; nous allons chercher le procédé par lequel on peut les obtenir par additions successives. Dans ce but,
- ^ous déterminerons ce qu’il faut ajouter à un carré pour obtenir le carré suivant ; nous avons représenté par des boules blanches, dans la figure 2, le nombre qu’il faut ajouter à chacun des carrés pour obtenir le carré suivant. Ce nombre que l’on appelle accroissement, excès ou différence, est formé d’une ligne brisée à angle droit et renferme successivement 3, 5, 7, 9 unités, c’est-à-dire continuellement 2 en plus; il en sera toujours de même, comme il est facile de s’en convaincre. Ainsi les accroissements des carrés sont représentés par les
- o~o~o
- m
- 00-0-0-0
- Fig. 2. — Les accroissements des carrés.
- nombres impairs et l’on voit alors d’une manière évidente que le second carré est la somipe des deux premiers impairs 1 et 3 ; que le troisième carré est la somme des trois premiers impairs; que le quatrième carré est la somme des quatre premiers impairs, et ainsi de suite. On a done cette proposition : La somme des premiers impairs à partir de 1 est égale au carré de leur nombre On la trouve dans l’arithmétique de Nicomaque, de Gérase, qui vivait vers la fin du premier siècle de T ère chrétienne.
- LA TABLE T)ES CARRÉS.
- 2 22 2 2222 2
- Impairs ... 1 5 5 7 9 11 15 15 17 19
- Carrés ... 1 4 9 16 25 7*6 49 64 81 100
- Nous profiterons du théorème précédent pour construire rapidement la table des carrés. Sur une
- Fig. 1.
- Le carré de cinq.
- p.66 - vue 70/432
-
-
-
- LA NATUHF
- première ligne on écrit constamment le nombre 2 ; sur une deuxième ligne on forme successivement les impairs en ajoutant 2 au dernier impair obtenu; sur une troisième ligne, on forme les carrés en ajoutant au dernier carré obtenu le nombre placé au-dessus de la colonne suivante ; ainsi, par exemple, 49 = 56-1-13. On vérifie d'ailleurs le calcul en plaçant à l'avance les carrés des nombres terminés par des zéros, et on doit les retrouver dans le courant de l’opération.
- La table des carrés est d’une extrême importance pour l’arithmétique théorique et pratique, et nous pensons que son emploi est beaucoup plus utile et plus étendu que celui de la table des logarithmes. Nous y reviendrons plus d’une fois dans le courant de cet ouvrage. Nous supposerons donc que l’on possède une telle table, que l’on peut rapidement construire soi-même d’après les indications précédentes. Il n’est pas douteux que c’est par son secours que Fermât a obtenu et démontré la plupart de ses inventions arithmétiques.
- Nous nous servirons de cette table pour résoudre diverses questions. On reconnaîtra tout d’abord si un nombre est carré en le cherchant dans la table, puisque les carrés sont rangés par ordre de grandeur, et nous supposerons d’ailleurs que ce nombre
- Fig. 3 — Théorème de Diophnnte.
- ne dépasse pas les limites de cette table, et par exemple cent millions, si l’on a calculé la table des dix mille premiers carrés. Gomment reconnaître maintenant avec la table des carrés si un nombre donné est triangulaire; on se servira pour cela du théorème suivant que l’on trouve dans l’arithmétique de Diophante :
- Voctuple d'un triangulaire augmenté de l'unité est toujours un carré. La démonstration de ce théorème résulte immédiatement de la vue de la figure 3 ci-dessus.
- Inversement, tout carré impair diminué de l'unité est l'octuple d'un triangulaire.
- Par conséquent pour savoir si 55 est un triangulaire, on le multiplie par 8 et l’on ajoute 1, ce qui fait 441 ou le carré de 21 ; donc 55 est un triangulaire; pour avoir son côté, on prend la moitié du côté du carré diminué préalablement de 1 et l’on trouve 10. Ainsi 55 est le dixième triangulaire.
- 67
- LES RESTES DES CARRÉS.
- A la seule inspection de la table des carrés, on reconnaît immédiatement que ceux-ci sont terminés par l’un des chiffres 0, 5,1,4,6, 9 et ne sont jamais terminés par l’un des quatre chiffres 2, 3,7, 8 ; cela résulte de ce que le dernier chiffre d’un produit est le même que celui du produit de ses deux derniers chiffres. On peut donc affirmer que si un nombre est terminé par 2,3,7, 8, il ne peut être un carré parfait. On dit que les nombres 0,5,1,4,6,9 sont les restes des carrés par 10, et que les autres sont des non-restes ou des non-résidus.
- De même les triangulaires ne sont jamais terminés par l’un des chiffres 2, 4, 9, 7, parce- que leur octuple augmenté de l’unité donnerait pour dernier chiffre un non-reste de carré ; ces observations permettent de simplifier dans beaucoup de cas les recherches pour savoir si un nombre est triangulaire ou carré.
- LES DÉCOMPOSITIONS d’üN CARRÉ.
- Si nous plaçons au-dessous du tableau des triangulaires la ligne des carrés, nous obtenons ainsi la nouvelle table :
- Unités .... 1 1 t 1 1 1 1 1 1 1
- Entiers. ... 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
- Triangulaires. 1 3 6 10 15 21 28 36 45 55
- Carrés .... 1 4 9 16 25 36 49 64 81 100
- On reconnaît immédiatement que tout carré est la somme du triangulaire de même rang et du triangulaire précédent. Cette propriété est visible sur la
- Fig. 4. Fig. 5.
- figure 4; de même la figure 5 nous montre que tout nombre carré est égal à son côté augmenté de deux fois le triangulaire de rang précédent.
- — A suivre. — EDOUARD LüCAS.
- L’AFFAISSEMENT DU PONT-NEUF
- A PARIS
- Lors des fortes crues de la Seine qui ont eu lieu vers le milieu du mois de décembre 1885, une des piles, du côté amont du Pont-Neuf, à Paris, s’est alfaissée, probablement par suite d’un affouillement du sol déterminé par les eaux. Cette pile est une de celles qui se trouvent au milieu du pont, dans sa partie qui traverse le petit bras de la Seine et unit le quai des Orfèvres au quai des Augustins. L’accident a produit un grand émoi à Paris, car s’il est dans le monde des ponts plus importants que le Pont-Neuf,
- p.67 - vue 71/432
-
-
-
- 08
- LA A ATI K K.
- il en est peu qui soient aussi célèbres, et dont l’histoire se rattache à tant d’événements.
- Les ingénieuzs de la Ville ont immédiatement pris les précautions nécessaires pour éviter que l’accident ne puisse s’aggraver dans des proportions inquiétantes. Onainterrompu la circulation des voitures, ne laissant qu’un étroit chemin de passage pour les piétons du côté aval. On a débarrassé le tablier du pont de tout le poids qui le chargeait, dalles des trottoirs, pavés, moellons du sol; on a enlevé les becs de gaz, coupé les canalisations de gaz et d’eau. Les matériaux inutiles ont été jetés dans la Seine, à la base même de la pile affaissée, afin de former à sa base un talus de consolidation et de tasser le sol du fond de la rivière. Ces travaux ont été exécutés sous la haute direction de M. Alphand. Notre première gravure
- (fig. 1) montre l’aspect du Pont-Neuf quelques jours après l’accident, on voit que l’affaissement de la pile a déterminé un curieux plissement du tablier, qui forme une courbe très appréciable. A la surface de l’eau est amarré le chaland où des ouvriers jetaient les matériaux au fond du fleuve.
- La partie endommagée du Pont-Neuf va être reconstruite, et un nouveau chapitre va s’ouvrir dans l’histoire de ce Pont qui touche de si près à celle de Paris. Il a été édifié du temps de Henri 111 qui y mit lui-rnême la première pierre le 30 mai 1578. « Le Pont-Neuf, dit Piganiol de la Force dans sa Description historique de la ville de Paris (nouvelle édition, 1775), s’étend sur les deux bras de la Seine qui ont formé l’île du Palais. C’est un des plus beaux ponts de l’Europe. Sa longueur est de
- Fig. 1. — Vue du Pout-Xeul, à Pari», montrant l'affaissement de la jiile du milieu. 22 décembre 1885. (D'après nature.)
- soixante et dix toises, et sa largeur qui est de douze a été partagée en trois parties. Celle du milieu a cinq toises et sert pour les carrosses et autres voitures. Les deux autres sont des banquettes élevées des deux côtés pour la commodité des personnes qui sont à pied. Ces banquettes s’élargissent en demi-cercles sur chaque pile du pont, et c’est là qu’on tendait tous les jours ouvriers de misérables tentes qui embarrassaient la route et offusquaient la vue de ce pont, qui est charmante du côté du cours de la rivière. Ces boutiques ont été supprimées en 1756. »
- Le Pont-Neuf fut commencé le jour même ou Henri III avait vu mettre en terre ses plus chers mignons, de Quelus et de Maugiron. « Les rieurs, dit Piganiol de la Force, disaient qu’il donnerait à ce pont le nom de Pont-des-Pleurs. » Jacques An-drouet en fut l’architecte. Les travaux furent inter-
- rompus jusqu’au règne de Henri IV, qui le fit achever en 1604 sous la direction de Guillaume Marchand.
- La Samaritaine était un des ornements du Pont-Neuf. Ce bâtiment important avait été construit sous le règne de Henri III, à la seconde arche du Pont-Neuf du côté du Louvre (fig. 2). Il renfermait une pompe qui élevait l’eau du fleuve et la distribuait par plusieurs conduites au Louvre et à quelques autres quartiers de la ville. Ce monument de la Samaritaine, reconstruit en 1772, avait été édifié avec beaucoup d’art et de goût, comme on le voit ci-contre, d’après la reproduction que nous donnons d’une ancienne gravure du temps de Louis XIII (fig. 5).
- La Samaritaine était très aimée des promeneurs parisiens qui venaient en écouter le carillon. Elle fut abattue en 1813.
- La statue de Henri IV qui est sur le terre-plein du
- p.68 - vue 72/432
-
-
-
- LA X A T ntl’
- 09
- Pont-Neuf a été commencée en 1614 et ne fut Pendant de longues années, et pendant tout le complètement achevée que longtemps après, en 1655. dix-septième sièode surtout, le Pont-Neuf était le
- Fig. 2. — Le Pont-Neuf au dix-septième siècle, d’après une gravure de Perelle.
- 1. Les tours Saint-Jean. — 2. La pompe de la Samaritaine. — 3. Le portail Saint-Gervais. — 4. Le Pout-au-Change. — 5. Horloge du Palais — 6. La Sainte-Chapelle. — 7. Tours de Notre-Dame. — 8. Collège des Quatre-Nations.
- Fig. 5. — La Samaritaine. Façade donnant sur le Pont-Neuf. (D’après une gravure du dix-septième'siècle.)
- centre de Paris. Là s’y réunissaient toutes les petites industries parisiennes, là y venaient tous les pro-
- meneurs et les flâneurs : Charlatans, colporteurs, bouquinistes en plein air, porteurs d'eau, chanteurs
- p.69 - vue 73/432
-
-
-
- 70
- LA NATURE.
- et musiciens nomades, arracheurs de dents, farceurs et comédiens populaires, tout affluait à ce cœur bruyant de la grande Ville, dont le cheval de bronze et la Samaritaine formaient les deux pôles1. Plusieurs gravures de l’époque représentent le fourmillement prodigieux de ce qui était alors le « roi
- des Ponts. » G. T.
- *" —
- LE LUCIGÈNE
- L’action est égale et contraire à la réaction, nous enseigne un axiome de mécanique. C’est ce que semblerait établir la lutte aux péripéties desquelles nous assistons depuis quelques années entre les machines dynamoélectriques et les piles secondaires et primaires, entre les foyers électriques à arc, à incandescence et les brûleurs à gaz perfectionnés; entre le gaz au charbon ou à l’eau et le gaz d’huile, etc. La dernière production signalée se rapporte à un système d’éclairage au moyen d’un mélange d’huiles lourdes d’hydrocarbone et d’air sous faible pression, dans la proportion de quatre volumes d’air pour un volume d’huile.
- Un réservoir cylindrique contenant environ 130 litres de créosote est muni d’un brûleur auquel se rendent deux tuyaux concentriques, le tuyau intérieur descendant jusqu’au fond et le tuyau extérieur n’allant qu’à la surface. L’air comprimé arrivant par l’espace annulaire, refoule la créosote par le tube intérieur, et celle-ci, avec une portion de l’air comprimé sous pression, brûle vivement, une fois allumée, la lumière défiant l’action du vent ou de la pluie. Un foyer éclaire efficacement un cercle d’un rayon d’environ 200 mètres. Cette lumière est donc essentiellement applicable pour tous les travaux en plein air comme les travaux de ports, constructions de ponts (elle est employée aux travaux du Forth Bridge), gares de marchandises, éclairages de docks, etc., et surtout en cas d’accidents de chemins de fer, chaque fois que dans un sinistre de cette catégorie la chaudière de la locomotive ne sera pas endommagée et pourra fournir la vapeur nécessaire à la production de la force motrice.
- Nous ne voyons pas pourquoi l’emploi de ce système ne serait pas général en cas d’accident de chemin de fer. une chaudière à mise en pression rapide, comme la chaudière Field suffirait à tous les besoins et nous ne sachons pas que le service des pompes à incendie à vapeur dépende d’une production de vapeur indépendante ou hasardée.
- Les inventeurs du système sont MM. Lvle et Hannav.
- J. B.
- UNE SÉPULTURE PRÉHISTORIQUE
- Une découverte fort intéressante au point de vue préhistorique a été faite au commencement de cette année à Dampont, petit hameau dépendant de Ws-Marines, seconde station du chemin de fer de Paris à Dieppe (après Pontoise). Un tombeau a été fouillé ; il remonte à l’époque de la pierre polie et répond parfaitement, par ses dispositions, au fameux Cimetière des Anglais de Vauréal, situé à deux lieues environ et décrit par M. Stanislas Meunier dans sa Géologie des environs (le Paris, mais il en
- 1 Victor Fournel. Les rues du vieux Paris. Firmin- Di-dot, 1879.
- diffère par les particularités suivantes : Trois crânes trépanés en ont été extraits, la couronne de trépan est aussi nette que si elle venait d’être pratiquée par un chirurgien exercé. La dalle qui sépare les deux chambres est percée d’une ouverture qttadrangulaire munie d’une feuillure dans laquelle une fermeture de bois pouvait être maintenue à l’aide d’une poutre, pour laquelle deux trous ont été creusés de chaque côté dans l’épaisseur du grès. La couronne des dents appartenant aux squelettes renfermés dans la chambre funéraire, est manifestement usée et prouve que leurs possesseurs se nourrissaient surtout de grains ou de racines. Les objets transportables ont été déposés chez le garde-chasse et mis gracieusement à la disposition des visiteurs. J’ai recueilli quelques silex, un fragment de maxillaire inférieur et quelques ossements, et les ai déposés au Muséum d’histoire naturelle. Il serait à désirer que les instruments, haches, poteries grossières, ainsi que les crânes restés dans la petite exposition installée chez le garde-chasse, fussent visités parle plus grand nombre possible de personnes compétentes.
- Dr Tiielmier.
- ALLUMOIRS ÉLECTRIQUES
- AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE
- J’ai eu l’occasion de me procurer récemment une bien curieuse brochure in-8° de 36 pages, imprimée à Strasbourg, il y a plus d’un siècle, en 4780, et intitulée Description et usage de quelques lampes à air inflammable, par F.-L. Ehrmann, démonstrateur de physique expérimentale à Strasbourg. Cet opuscule donne la description, le croirait-on? de véritables allumoirs électriques, analogues à ceux que nos constructeurs ont imaginés dans ces dernières années. Il nous a semblé curieux de faire connaître ces ingénieux appareils dans lesquels les inventeurs mettaient à profit l’inflammabilité du gaz hydrogène récemment découvert, sous l’influence de l’étincelle électrique obtenue au moyen d’un électrophore. « Il y a quelques années, dit l’auteur en 1780, que M. Néret a donné la description d’un réchaud à air inflammable. Ces lampes sont d’autant plus commodes, surtout la nuit, qu’étant couché on peut se procurer dans l’instant, par leur moyen, de la lumière, sans être obligé de se servir du briquet et respirer l’odeur du soufre des allumettes. »
- La première lampe que nous allons décrire et que nous reproduisons est, d’après M. Erhmann, de l’invention de M. Fürstenberger, « citoyen de Bâle et physicien très éclairé. » La figure 1 représente l’appareil ; il consiste essentiellement en deux flacons communicants A et B séparés par une tubulure E, a robinet R. Ces récipients sont munis de viroles H et D qui les relient à la tubulure.
- Le vase inférieur A est rempli de gaz hydrogène que l’on a recueilli sur une cuve à eau. Le vase supérieur B contient de l’eau. Si l’on ouvre le robinet R, l’eau tombe dans le gazomètre inférieur A, et chasse l’hydrogène par le tube g. A cet effet, on a ouvert le robinet S. Le gaz hydrogène s’é-
- p.70 - vue 74/432
-
-
-
- LA NA TL KL.
- 71
- chappe en K ; si l’on fait jaillir une étincelle électrique entre les deux points métalliques oo, qui glissent entre deux cylindres de métal m et de verre n à l'extrémité de supports isolants LL on détermine l’inllammation du gaz combustible, et l’on
- peut allumer ainsi une bougie qu’on en approche. Lorsqu'on veut éteindre la lampe, on ferme d’abord le robinet S qui conduit le gaz, puis le robinet R pour arrêter l’écoulement de l’eau. L’étincelle électrique est obtenue au moyen d’un élec-trophore, comme cela est indiqué dans la gravure suivante (fig. 2).
- Cette figure 2 représente un autre allumoir électrique ou lampe à air inflammable pour nous servir de l’expression du temps, imaginée par M. Erbmann et son jeune frère. Une bouteille A
- Fig. 2. — Autre allumoir électrique de la même époque.
- remplie d’bydrogène est enfermée dans un grand bocal B plein d’eau. Cette bouteille A porte à sa partie inférieure, un orifice que n’indique pas la figure, et que l’on peut ouvrir et fermer extérieurement, par une petite vis placée au fond de l’appareil. Quand l’orifice est ouvert, l’eau pénètre dans le vase A, en chasse l’hydrogène qui s’échappe par l’orifice supérieur II, le robinet R fixé à la boîte D
- étant ouvert. L’électrophore L K permet de faire jaillir l’étincelle entre les tiges métalliques I G et d’allumer une petite mèche placé dans la llamme ainsi produite de l’hydrogène.
- M. F.-L. Ehrmann décrit encore quelques autres lampes analogues dans sa brochure, mais nous ne croyons pas devoir prolonger cette notice que nous avons écrite dans un intérêt purement historique. Gaston Tissandier.
- LES CIMENTS DE LA PORTE-DE-FRANCE
- La fabrication des ciments constitue une des branches les plus importantes de l’industrie de la région du Dauphiné. Pendant leur séjour à Grenoble, les membres de Y Association française ont pu étudierde près, en 1885, les diverses opérations d’exploitation des carrières, de cuisson des calcaires qui fournissent les ciments si renommés de ce pays. Un groupe fort nombreux a visité la belle exploitation de la société dite de la Porle-de-France, qui comprend sous la même raison sociale, trois maisons occupées de cette fabrication : les maisons Dumollard et Viallet, Arnaud, Vendre et Carrière, Dupuy, de Bordes et Cie.
- Sur les flancs du mont Radiais, aux pieds duquel est située la ville de Grenoble, s’étagent successivement le couvent de Sainte-Marie d’en haut, le fort Rabot et la Bastille. Du haut de la forteresse (485 mètres d’altitude) le visiteur voit se dérouler un des plus merveilleux panoramas que l’on puisse rencontrer. Si l’on poursuit l’ascension, on arrive sur un des contre-forts du mont Rachais, le mont Jalla, au sommet duquel se trouvent les galeries d’exploitation de MM. Dumollard et Viallet; on est encore loin de la pointe du Rachais (1035 mètres d’altitude), mais on domine de plus de 300 mètres la Bastille. C’est dire que le panorama est encore plus grandiose. Pour arriver jusque-là, but de l’excursion industrielle, la promenade était longue et un peu pénible, sous les chauds rayons d’un soleil d’août; mais les excursionnistes ont été vite dédommagés de leur peine par l’accueil si cordial et si aimable des directeurs et des ingénieurs de la société et par l’étude des détails si intéressants de cette exploitation.
- C’est dans les flancs du mont Jalla que le colonel Breton découvrit en 1842 le filon qn’on exploite actuellement; ce filon ou plutôt ces filons, car, à côté du principal qui a environ 4 à 5 mètres de largeur, il en existe de moins importants, s’étendent du haut en bas de la montagne, avec une inclinaison d’environ 15 degrés. Ils sont formés par une couche de calcaire argileux, bitumineux, de couleur noire à grains très fins, à cassures conchoïdes. La proportion d’argile est d’environ 24 pour 100. C’est la teneur la plus apte, d’après les recherches de Yicat, à donner un ciment parfait. Tout calcaire marneux homogène contenant, naturellement ou par suite de mélanges convenables, de 23 à 50 pour 100
- Fig. 1. — Allumoir électrique inventé en 1780, par Fürstenberger.
- p.71 - vue 75/432
-
-
-
- n
- LA N A T U K K
- d’argile, peut, par une cuisson bien dirigée, donner des ciments. Au-dessous de 23 pour 100 il ne produirait que des chaux : chaux grasse ou maigre, si la proportion d'argile est inférieure à 10 ou 12 pour 100; chaux hydraulique, si elle est comprise entre 12 et 20. Au-dessus de 30 pour 100 d’argile, le calcaire ne donne qu’un ciment médiocre .
- L’exploitation du calcaire se fait dans 40 galeries superposées ayant chacune 3m,50 de hauteur séparées par des plafonds de même épaisseur ; quelques-unes dépassent un kilomètre de long. Pour assurer la régularité de la fabrication, on a du créer diverses installations ; la plus importante, située à la partie supérieure de la couche, présente un grand intérêt au point de vue de l’art de l’ingénieur. Elle comprend l’exploitation de 20 galeries, étagées sur une hauteur d’environ 140 mètres, dont la principale se trouve à la cote 400 mètres au-dessus du niveau supérieur des fours. Les pierres extraites des galeries supérieures (au nombre de 14) y sont amenées dans la galerie centrale par des puits inclinés ; celles provenant des 6 galeries inférieures y sont remontées par un monte - charge et chargées dans des wagonnets qui roulent, par simple déclivité de niveau, sur une voie ferrée établie sur le flanc de la montagne et d’une longueur de plus de 800 mètres.
- Pour franchir les 400 mètres qui séparent cet étage de l’usine des fours, on ne pouvait songer à aucun système de puits, de plan incliné; le rocher est à pic sur une grande hauteur et plus bas, le sol est hérissé d’obstacles de toute nature. La disposition adoptée est celle d’un câble aérien, d’une portée énorme. Entre la gare de départ et la gare d’arrivée,-la distance verticale est de 310 mètres. 11 s’agissait d’établir un câble de 600 mètres, sans supports intermédiaires et capable de supporter des charges constantes de 1000 kilogrammes par wagonnet. La
- portée était double de celle qu’on avait donnée jusque-là à ces câbles et la charge dépassait de moitié les charges ordinaires. Le résultat complet ne fut pas obtenu du premier coup. On avait d’abord relié les deux gares par deux câbles de fil d’acier de 45 millimètres de diamètre servant de support aux caisses de transport. Pour assurer la traction (descente et remonte) d’une façon régulière, on avait eu l'idée de relier les caisses par un câble de retenue ; mais la résistance offerte par cette masse de 600 kilogrammes déterminait de grandes irrégularités dans le mouvement et des changements rapides de
- tension dans les câbles de retenue, d’où des accidents nombreux et une usure très notable.
- On remédia à ces inconvénients en reliant les caisses à la partie inférieure par un câble semblable au premier, de façon à équilibrer les poids. La régularité de tension est assurée dans ce câble sans fin de 1200 mètres de longueur par son enroulement à la gare d’arrivée, sur une poulie portée par un wagon tendeur qui glisse sur un plan incliné de 20 mètres de long, suivant les variations de la tension. Les résultats de cette installation, la plus importante qu’on connaisse en Europe sont parfaits. Je dis en Europe, car en Australie, les mines de diamants sont tapissées de câbles de toute dimension pour remonter les terres au niveau du sol. Les wagonnets glissent rapidement, sans oscillations sur le câble, avec une vitesse de 6 mètres à la seconde. Dès que le wagonnet est chargé, une sonnerie électrique donne le signal de la mise en marche, et la caisse, pleine de calcaire, descend pendant que remonte la caisse vide. Les besoins croissants de l’exploitation ont nécessité l’adjonction d’un second câble, disposé de la même manière, et l’on peut voir sur la figure 1 les quatre câbles, qui de loin représentent de vrais fils télégraphiques, traverser le précipice qui sépare les deux usines. (Voy. détails, fig. 2 et 3.)
- Fig. 1.— Exploitation des ciments de la Porte-de-France, près de Grenoble. Vue d’ensemble du câble automoteur servant au transport de la pierre à ciment. (D’après une photographie.)
- p.72 - vue 76/432
-
-
-
- Fig. 3. — Exploitation des ciments de la Porte-de-Frânce, près Grenoble. Partie intérieure du câble aérien avec le détail des wagonnets.
- (D’après une photographie.)
- p.73 - vue 77/432
-
-
-
- 74
- LA N AT U H K.
- L’établissement Arnaud, Vendre et Carrière, qui fait partie de la société et qui est situé à mi-hauteur du mont Jalla, a une installation analogue pour descendre les calcaires de ses galeries. Le câble est de moindres dimensions; il n’a qu’une portée de 500 mètres.
- A la gare d’arrivée, au point d’attache inférieure du câble, les pierres sont encore loin des fours ; elles y arrivent par un puits vertical de 90 mètres de hauteur et tombent dans les wagonnets qui les conduisent par une galerie de 400 mètres dans 47 fours, d’une capacité moyenne de 80 mètres cubes, qui cuisent sans arrêt le précieux calcaire.
- Pour la cuisson, la pierre est mélangée par couches alternatives à de l’anthracite; la durée de l’opération est variable. Au défournement, on trie les pierres surcuites, vitrifiées, de couleur noire, donnant le ciment lent, dit Portland naturel de la Porte-de-France, et les pierres cuites, non vitrifiées, de couleur jaunâtre, de densité inférieure, donnant le ciment prompt, enfin les incuits que l’on rejette.
- Ces produits sont transportés aux moulins de Saint-Robert et de Grenoble, la force motrice manquant au voisinage des fours.
- Sorti des moulins, le ciment passe sur des blute-ries où il est tamisé et de là est emmagasiné dans de vastes silos de la capacité totale de 20 mille mètres cubes.
- La fabrication comporte quatre variétés de ciments :
- 1° Ciment prompt ;
- 2° Portland naturel à prise demi-lente ;
- 5° — artificiel à prise lente ;
- 4° Ciment blanc.
- Je me bornerai à citer les principales applications de ces diverses variétés, bien connues des ingénieurs : avec le ciment prompt, les conduites d’eau sous pression, adoptées dans un grand nombre de villes; les conduites en béton de ciment pour les transmissions électriques, télégraphe et téléphone, appliquées pour la construction d’une partie du réseau télégraphique souterrain ; les égouts et conduites à grande section, les revêtements et consolidation de tunnels, etc. Avec le ciment Portland artificiel à prise lente, la confection des trottoirs, dallages, rues et chaussées. À Grenoble, on a remplacé le pavé de plusieurs rues par un dallage en ciment qui résiste admirablement aux intempéries des saisons. Pour qui connaît le pavé pointu abominable, de plusieurs de nos petites et même de nos grandes villes, on ne peut que souhaiter à la Société Delune de la voir chargée, à bref délai, à défaut de pavage en bois, de la réfection de toutes les chaussées de France. Les membres de l’Association française ont conservé de cette visite le plus charmant souvenir et je suis heureux, pour ma part, de l’occasion qui m’est offerte d’exprimer aux propriétaires et directeurs de cette exploitation mes sincères remerciements. Dr A. Cartaz.
- LA NYCTÉRIBIE
- On sait combien l’histoire des parasites révèle de particularités intéressantes, soit au point de vue de l’organisation, soit au point de vue du développement. Nous allons étudier succinctement un parasite, assez généralement peu connu.
- La Nyctéribie (Nycleribia vcspertilionis Latr.) vit aux dépens de la Chauve-souris grand fer à cheval (Rhi-nolophus unihastatus) que l’on trouve assez fréquemment dans le midi de la France. Ce parasite est un Diptère que l’on place généralement à côté des Hippoboscides ; il mesure à peu près de 3 à 5 millimètres de longueur. A un grossissement modéré, la Nyctéribie offre un aspect
- Gr.nat-
- Parasite de la chauve-souris. (Nycteribia vesperlilionis Latr.) — 1. Nyctéribie grossie et grandeur naturelle. — 2. Tarse d’une patte. — 5. Stigmate.
- des plus bizarres ; avec ses six pattes démesurément longues, ses poils, ses griffes, elle ressemble plus à une araignée qu’à un Diptère dont elle n’a pas du tout le faciès caractérisque.
- Quand on prend une Chauve-souris infestée de ces parasites (celles que j’ai eues entre les mains en avaient de 5 à 5), on voit les Nyctéribies qui courent rapidement sur les poils, puis s’enfoncent et disparaissent, mais sur le sol elles sont inaptes à se mouvoir avec agilité. Tout en elles est disposé de façon à s’attacher à leur hôte assez solidement pour résister aux mouvements du vol.
- Tout le corps et surtout les pattes sont revêtus de longs poils, qui contribuent à lui donner sa singulière physionomie ; ce sont tous des poils tactiles, c’est-à-dire mobiles et insérés dans une cupule. Ces poils affectent souvent une disposition pectinée, sur le thorax et le premier article de la troisième paire de pattes.
- p.74 - vue 78/432
-
-
-
- LA N A Tlî HE.
- 7o
- Le tarse est merveilleusement disposé pour la préhension; outre les griffes terminales, il y a deux appendices latéraux, armés de pointes courtes, qui les aident puis samment, en agissant comme les deux mors d’une pince.
- L’armature buccale esi tout entière dorsale, de sorte que les Nyctéribies sucent le sang renversées sur le dos. Ce fait a été constaté par diverses observateurs, mais la raison me semble difficile à trouver.
- Il n’y a pas d’ailes (ce qui jure un peu avec le nom de Diptères), mais les balanciers subsistent, de sorte que si l’on admet que les balanciers représentent les ailes de la deuxième paire chez les Diptères, on est amené à admettre que la première paire d’ailes s’est seulement atrophiée. On voit parfaitement le mouvement de ces balanciers chez les Nyctéribies vivantes.
- Le premier article de l’abdomen recouvre les suivants en formant une espèce d’élvtre ; enfin deux appendices pourvus de quatre longs poils terminent le corps.
- Il y a deux stigmates placés entre les deux premières paires de pattes, comme chez les Hippobosques, chaque stigmate est recouvert par un peigne dont l’usage est tout à fait inconnu.
- Les Nyctéribies ne subissent pas de métamorphoses, du moins d’après Latreille.
- On voit combien le parasitisme peut déformer le plan général du Diptère; mais on retrouve toujours les grands caractères morphologiques qui permettent de rattacher la Nyctéribie à ce groupe. L. Cuénot,
- Licencie es sciences naturelles.
- U CATASTROPHE DE CHANCELADE
- PRÈS DE PÉRIGUEUX
- Les carrières de Chancelade, dont l’écroulement subit a fait de nombreuses victimes et a eu dans toute la France un douloureux retentissement, sont situées à 7 kilomètres de Périgueux, dans la vallée de la Beauronne, et tout près du chemin de fer de Périgueux à Paris. Elles étaient exploitées depuis un grand nombre d’années. Plus de 200 000 mètres cubes en ont été extraits et employés à divers usages. La pierre de Chancelade, d’abord très tendre, durcit à l’air, et n’est pas gélive quand elle a perdu son eau de carrière.
- La partie exploitée représente a peu près un segment de cercle dont le diamètre serait de 350 mètres et la flèche de 200. La surface fouillée est d’environ 5 hectares, et la hauteur des bancs de bonne qualité est de 5 à 6 mètres. De nombreux piliers, ménagés assez irrégulièrement, soutenaient le plafond de la carrière.
- A un moment donné, tous ces piliers se sont écrasés pour ainsi dire instantanément, ensevelissant sous leurs débris six victimes; la montagne tout entière s’est affaissée, des fissures nombreuses se sont produites à sa surface et ont déterminé la chute ou l’ébranlement de toutes les constructions établies sur le coteau, et formant le petit hameau d’Empeyraud bas.
- En même temps, le front de la carrière, projeté en avant, s’éboulait à grand fracas, et ensevelissait
- sous ses débris plusieurs personnes qui suivaient le chemin dit de la Beauronne.
- Nous ne connaissons aucun exemple d’un écrasement aussi subit et aussi général. II a fallu que les piliers aient supporté depuis longtemps une charge supérieure à leur limite d’élasticité ; sans doute ils s’étaient lentement désagrégés, et l’ébranlement, produit par la chute du premier d’entre eux, aura déterminé la destruction complète de cette masse en partie désorganisée.
- Telle est, au point de vue purement matériel, la catastrophe de Chancelade. II nous reste à en taire en quelque sorte l’historique, à décrire l’impression qu’elle a produite, et à faire connaître les efforts qui ont dû être faits pour sauver les victimes.
- Le dimanche 22 octobre 1885, dans l’après-midi, les personnes qui se trouvaient aux environs deCban-celade entendirent un grondement sourd et de peu de durée, ressemblant assez au bruit du tonnerre. On vit en même temps sortir des ouvertures des carrières, comme de la bouche d’un canon, un immense nuage de poussière et de gravats. Les spectateurs comprirent qu’un éboulement venait d’avoir lieu dans les carrières, mais ils ne purent en ce moment se faire une idée complète du désastre.
- Plusieurs personnes, parmi lesquelles le maire de la commune, se rendirent immédiatement à Périgueux pour prévenir les autorités. Aussitôt, le général commandant la division, le préfet, les ingénieurs, des médecins, partirent pour Chancelade.
- Le spectacle qu’ils aperçurent à leur arrivée était navrant. Sur la colline, des maisons détruites, dont on ne voyait plus que les toits au niveau du sol ; les bouches des carrières obstruées par des éboulements qui fermaient sur divers points le chemin de la Beauronne; les ateliers ou maisons, aux abords des carrières, renversés. Un bloc énorme, détaché de la colline, surplombait et menaçait de s’ébouler sur la voie ferrée. Partout le chaos et l’image de la désolation ; les parents des victimes erraient affolés au milieu des ruines.
- Les premiers renseignements pris, on courut au plus pressé. Des ouvriers, dont on ignorait encore le nombre, étaient ensevelis dans les carrières; la nuit tombait, et la colline étant encore en mouvement, on ne pouvait rien tenter de ce côté; mais des femmes, des enfants, enterrés sous les décombres des maisons, étaient peut-être vivants encore et devaient être dégagés immédiatement. On escalada le coteau, sillonné de fissures qu’il fallait à chaque instant enjamber ou sauter, et on parvint au petit hameau d’Empeyraud bas, composé de six ou sept maisons dont les décombres étaient confondus. La nuit venait, on se procura des torches, des lanternes, des pioches, et sur divers points on organisa le déblaiement.
- D’un amas de débris partaient des gémissements; c’était une jeune femme ensevelie avec son enfant. Heureusement le plancher de sa maison avait, en
- p.75 - vue 79/432
-
-
-
- 76
- LA N AT U UE.
- s’écroulant, formé un petit réduit dans lequel elle avait pu être préservée de l’écrasement. Après avoir enlevé les premiers décombres, on put la toucher et même la voir. Tout le monde rivalisa de zèle, et en creusant, à travers les débris, une sorte de galerie étayée, on parvint à la dégager au milieu de dangers sérieux ; car à chaque instant les décombres menaçaient de s’ébouler sur les sauveteurs. Une grosse pierre, provenant du manteau de la cheminée, qui s’engageait sous les éboulis, et pesait sur les jambes de la malheureuse, paralysa longtemps les efforts des sauveteurs. Enfin, vers minuit, elle fut retirée dans un état assez satisfaisant. Elle est aujourd’hui rétablie. Le corps de son enfant ne put être dégagé que le lendemain.
- Pendant que ce sauvetage s’accomplissait, on retirait des ruines d’une autre maison deux cadavres, ceux d’un enfant, et d’une femme âgée. Ils paraissaient avoir été étouffés, presque sans souffrance, au moment de la chute de la maison.
- Le même soir, une reconnaissance le long des carrières put permettre d’apprécier la difficulté ou pour mieux dire la presque impossibilité d’arriver par là aux ouvriers ensevelis. Toutes les ouvertures étaient fissurées ou obstruées; l’une d’elles était presque entièrement remplie par les eaux que l’ébou-lement avait fait refluer, et on ne pouvait alors y entrer qu’en bateau.
- Le lendemain fut consacré à l’exploration des carrières. Des hommes dévoués s’engagèrent à plusieurs reprises au péril de leur vie au milieu des masses rocheuses en voie d’écrasement. Ils eurent le bonheur d'en sortir sains et saufs ; mais leur excursion fut inutile. En vain ils essayaient d’appeler ; ils n’entendaient que le bruit de nouveaux éboulements qui se produisaient autour d’eux. Ils ne trouvaient aucun passage qui ne fut fermé par des éboulis, et rien ne leur permit d’espérer qu’on pût arriver par cette voie jusqu’aux carriers ensevelis. Ce même jour, le père d’un de ces malheureux ouvriers, désespéré, s’engagea à son tour dans ce dédale, à la recherche de son fils. On ne l’a plus revu et on ignore sur quel point des carrières et de quelle manière il a trouvé la mort.
- Il parut dès lors impossible d'arriver par les carrières jusqu’aux ouvriers ensevelis, morts ou vivants.
- Au moment de la catastrophe, ils étaient occupés à creuser, au fond de la carrière, une galerie d’avancement, à l’endroit du plan où est indiqué un forage. On supposait que, surpris par l’éboule-ment, ils avaient pu être enfermés dans cette gale-
- rie restée intacte, parce qu’elle était creusée dans le massif même de la montagne. 11 aurait fallu pour cela que l’éboulement, absolument instantané pour les personnes placées à l’extérieur, n’eût été précédé, à l’intérieur, par aucun craquement précurseur de l’écrasement des piliers. Cette hypo-_ thèse est bien peu vraisemblable, et elle est contredite par l’affirmation de la veuve d’un des carriers, qui s’était engagée dans les galeries quelques instants avant la catastrophe, à la recherche de son mari. Elle distinguait déjà les voix des ouvriers, lorsqu’elle entendit le bruit sourd d’un grand éboule-ment. Epouvantée, elle rebroussa chemin et réussit à sortir des carrières avant la catastrophe.
- Il est donc probable que les ouvriers, prévenus par ce premier mouvement, avaient quitté leur travail et cherchaient leur salut dans la fuite lorsque tout s’est éboulé. Peut-être ont-ils été écrasés à quelques mètres seulement de l’entrée des carrières.
- Quoi qu’il en soit, on admettait alors que les ouvriers ne pouvaient exister sains et saufs que dans la galerie où ils travaillaient. Deux moyens
- se présentaient à l’esprit pour arriver jusqu’à eux. Le premier consistait à pratiquer dans la montagne soit un puits, soit un trou de forage, afin d’arriver ainsi à la galerie d’avancement, dont un des propriétaires des carrières indiquait, sur le sol de la colline, l’emplacement probable. Nous disons probable, parce qu’il n’existait aucun plan exact des nouvelles galeries.
- Mais ce puits ou ce trou de forage devait être ouvert dans des terrains rocheux extrêmement durs, coupés par des couches d’argile, d’une épaisseur de 63 mètres. Le percement devait prendre un temps considérable, et il paraissait impossible de délivrer par ce moyen les malheureux carriers.
- M. Tournaire, inspecteur général des mines, envoyé à Chancelade par M. le ministre des Travaux publics, pensa qu’en suivant l’extrême limite des exploitations, vers la gauche (Voy. le plan figure 2), on aurait chance de rencontrer des galeries non entièrement éboulées, et de se rapprocher ainsi peu à peu du point indiqué. Ce travail fut immédiatement commencé, sous sa direction ; il était hardi, dangereux même ; et on fut bientôt obligé de l’interrompre à la suite d’un éboulement qui menaça d'écraser un certain nombre de personnes, parmi lesquelles le préfet du département1.
- Nous ne parlerons que pour mémoire d’une ten-
- 1 Le chemin suivi par M. Tournaire a, depuis, été entièrement obstrué par des ébou) ements.
- Terrains récents. Eboulis et dépôts meubles. 3*rrt,Mhi,argü^s0ke. A
- / f( ùüaùre piancjtpmatrv avec.
- ,/ \ moyen < *1**'."*™rrrrrm^v
- monienm Conanenj I B™0
- /'•J . r'1 ts^rnc’1
- tutne ülMu-eTrlTaftut ^
- , moyen { Gakmr& bien* g&f-
- 280 zns 26S 30 zw 2»o aoasTi71» m m üiwmm n» tâta vu
- Fig. 1.— Carrières de Chancelade. Prolilen travers avec indieationdes couches géologiques
- p.76 - vue 80/432
-
-
-
- LA AATUUE
- 77
- tative faite par des carriers de Jonzac pour percer, à travers la montagne, à l’aide d’un trépan, un trou de quelques centimètres, qui, dans leur opinion, devait permettre d’entrer en communication avec les carriers, s’ils existaient encore et de leur faire passer quelques aliments. Cette tentative échoua par suite d’une avarie à la tige du trépan, qu’on ne put retirer et qui resta dans le trou de forage.
- Une tentative plus sérieusefut commencée le 14 novembre par un comité d’initiative privée, formé à Périgueux. L’exécution du forage fut confiée à une des premières maisons de Paris, qui se mit immédiatement à l’œuvre, munie des engins les plus perfectionnés. Le diamètre du trou était de 0m,20. Les travaux se continuent très activement, sans autres incidents que ceux qu’on doit s’attendre à rencontrer en pareil cas, et dont on doit toujours tenir compte dans ses prévision s.
- Le 26 décembre, ce forage était arrivé à 58 mètres. Le percement moyen a donc été d’environ 1 m,40 par jour et l’opération aura duré plus de six semaines.
- Les journaux ont annoncé que le but du comité d’initiative était de se procurer, par le moyen du trou de forage, des photographies de la cavité, prises à la lumière électrique* alin de savoir si elle renferme les cadavres des carriers. Si ce but n’est pas atteint, la tentative du comité aura toujours eu pour résultat de fournir des données assez positives sur le temps qu’il aurait lallu pour arriver jusqu’à la galerie au moyen d’un puits praticable, et pour en retirer les ouvriers morts ou vivants.
- Ici se termine l’historique des tentatives faites pour délivrer ces infortunés.
- Il nous reste à faire connaître quelques effets curieux de la catastrophe de Chancelade.
- Au premier moment, la masse d’air contenue dans les galeries a été si violemment comprimée, qu’elle a produit les effets les plus variés et les plus singuliers.
- Un jeune enfant a été enlevé par cette sorte de trombe et jeté violemment à quelque distance dans
- les prés, pendant que ses parents, qui étaient en dehors delà sphère d’action de l'ouragan, étaient écrasés par des éboulis.
- L’air chassé avec violence a déposé, comme une sorte de crépissage, les menus gravats provenant des carrières sur les murs d’une maison voisine. Des arbres ont été déracinés, une charrette et des poutres enlevées et transportées au loin.
- Un phénomène qui a excité la plus vive émotion s’est produit deux ou trois jours après la catastrophe. Une fumée abondante est sortie par les fissures du terrain et même par les orifices des carrières. De nombreuses explications de ce phénomène ont été données; aucune ne satisfait complètement I l’esprit. L’une des plus vraisemblables consiste à
- penser que des bougies laissées par les explorateurs ont pu met • tre le feu à des amas de paille et de fumier desséchés , qui servaient dans une partie des carrières à la culture des champignons. On a pensé dans le public que cette- fumée provenait d’un feu allumé par les carriers,pour attirer l’attention sur leur situation ; mais cette hypothèse parait peu vraisemblable et le résultat le plus certain de la pro-duction d’une aussi grande quantité de fumée
- aurait été tout d’abord de les faire périr par asphyxie.
- Beaucoup plus tard — il y a dix jours à peine — on a vu ou cru voir sortir de nouveau de la fumée de quelques fissures et du trou de forage.
- Il est permis de penser que l’air, chaud et saturé d’humidité, que contiennent les cavités restant dans les carrières, aura été expulsé soit par un tassement du coteau, soit par suite d’un abaissement de la pression barométrique, et qu’en se mêlant à l’atmosphère extérieure plus froide, il aura développé une vapeur qu’on aura prise pour de la fumée, d’autant plus facilement qu’à la suite du premier incendie, l’atmosphère des carrières a pu conserver une odeur de brûlé. Nous tiendrons les lecteurs de La Nature au courant des nouveaux phénomènes qui pourraient se produire et des résultats du forage entrepris par le comité d’initiative.
- (Haut)
- y v
- A dn«fn ibouienitrï
- Fbadures simples aafic affaissement . Adjonctions ^ cvrnp UmcnfaireJ’
- fraturesCttæc deuils hksrt....«^1 — ou phxn A>«ifnWn....... — •»*»-.
- Fig. 2. — Plan de surface et souterrains des carrières de Chancelade.
- p.77 - vue 81/432
-
-
-
- 78
- LA NAT U LE.
- Les événements de Chaneelade et leurs diverses péripéties ont donné lieu, dans la presse locale et dans le public, à de violentes polémiques auxquelles nous voulons rester étranger dans cet article. Nous nous sommes efforcé d’exposer, en quelque sorte scientifiquement, les faits tels qu’ils se sont produits, sans discussion et sans appréciation, laissant aux lecteurs le soin d’en tirer les conclusions qu’ils ju- , geront convenable.
- CHRONIQUE
- La péninsule de Kola. — M. Charles Rabot a communiqué récemment à la Société de géographie les résultats de la nouvelle exploration qu’il a entreprise dans l'Europe arctique. Ce voyageur a visité, l’été dernier, la Laponie russe ou péninsule de Kola, une des régions les moins connues de l’Europe. Les cartes figuraient cette presqu’île comme un pays de plaines ; M. Rabot y signale, au contraire, l’existence de chaînes de montagnes atteignant et même dépassant l’altitude de 1000 mètres. Ces chaînes formeraient entre l’océan Glacial et la mer Blanche trois grands reliefs séparés les uns des autres par de larges dépressions couvertes de forêts, de marais et de lacs.
- Un canon sous-marin. — L’artillerie sous-marine vient de s’enrichir d’un canon monstre, fabriqué aux Etats-Unis pour le compte du gouvernement britannique, et récemment amené à l’arsenal de Woohvich par un lieutenant de la marine anglaise, chargé d’aller en prendre livraison en Amérique. Ce canon est l’invention du capitaine Ericson et est destiné au lancement sous-marin de projectiles ou de torpilles. Le canon et le projectile ont environ la même longueur : malgré que la différence de poids soit considérable, celui-ci ne pesant qu’une tonne tandis que 40 tonnes d’acier entrent dans la construction de celui-là. Le canon a 9 mètres de long, un alésage lisse de 0m,41 et se charge par la culasse; la lumière est axiale et est scellée, prévenant l’échappement des gaz résultant de la combustion de la poudre. Le projectile a 7m,50 de long et il est creux. Il est déchargé à l’avant d’un navire, à une profondeur de 2m,70 au-dessous de la ligne de flottaison. Le projectile traverse à la décharge une membrane en caoutchouc dont la gueule du canon est pourvue pour empêcher au repos l’eau de rentrer dans Pâme ; il est muni d’une aiguille à percussion armée sur un ressort de sûreté d’une tension d’environ 500 kilogrammes et sa position est déterminée par un taquet l’arrêtant à quelques centimètres de la membrane en caoutchouc. Une charge de poudre de 9 kilogrammes est, dit-on, suffisante pour un tir précis à 270 mètres sous l’eau ; cependant une précision convenable à cette distance est considérée douteuse. Le projectile est lesté, de manière à rester immergé et sa profondeur d’immersion ainsi que sa position latérale, sont maintenues au moyen d’une plaque supérieure laquelle s’ouvre au moment où le projectile sort du canon, et agit à la façon d’un gouvernail. Ce nouvel engin sera probablement essayé prochainement à Portsmouth. J. B.
- Alliage ayant l’aspect de l’or. — On obtient un alliage ayant entièrement l’aspect de l’or avec 16 parties de cuivre, 1 de zinc et 7 de platine. Cet alliage est exclusivement malléable et peut être laminé et étiré en feuilles et en fils excessivement minces lorsqu’il est dépourvu de fer. 1/2000 de fer diminue déjà sensiblement la malléabilité de l’alliage. Ce dernier ne subit aucune altération
- lorsqu’il est exposé aux actions atmosphériques et n’est pas attaquable par l’acide azotique. On fait d’abord fondre en présence d’une certaine quantité de borax, et sous une couche de charbon en poudre, le cuivre et le platine, puis on ajoute, en enlevant la masse en fusion du feu et en ajoutant convenablement la quantité voulue de zinc.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 28 décembre 1885. — Présidence de JI. l’amiral
- JCRIEN DE LA. GRAVIÈRE.
- M. Tulasne. — M. le président annonce à l’Académie la perte qu’elle vient de faire en la personne de M. Tulasne décédé à Ilyères le 22 décembre, à la suite d’une attaque d’apoplexie. M. Tulasne était entré à l’Académie des sciences le 9 janvier 1854 en occupant le fauteuil d’Adrien de Jussieu. D’un caractère très timide il ne prit que rarement la parole dans les séances ; sa santé toujours chancelante le força de quitter Paris pour Hvères, dès 1864. On sait quels importants travaux il laisse sur les végétaux inférieurs et cependant presque toutes ses recherches sont circonscrites dans une période de vingt-cinq années. Elles ont porté principalement sur les champignons, et dans le champ de leur étude il a non seulement agrandi, mais réformé. Ce qu’il a publié sur les lichens est également considérable et l’on sait que ce sont ses travaux qui ont ruiné la doctrine allemande du pollen embryon.
- Oscillations du sol. — Les gouvernements de Suède et d’Italie ont organisé depuis longtemps des commissions chargées d’étudier les mouvements du sol. Un député de la Manche, M. Quesnault, qui a étudié les mouvements des côtes de ce département a sollicité pour la France l’organisation d’une commission semblable. Le ministre, par une lettre, demande à l’Académie de choisir quelques-uns de ses membres pour étudier la question.
- La marine des anciens. — Un ouvrage de M. le contre-amiral Serre sur les marines de guerre des anciens est présenté et analysé par M. le Président. L’auteur, qui s’était occupé d’abord de la marine grecque, a eu de grandes difficultés à se faire une opinion. Il admet que les navires grecs avaient des superpositions de rangs de rames qui servaient en temps ordinaires ou dans les revues, mais qu’en cas de combat on ne conservait qu’un seul rang, une autre disposition étant absolument impossible. A ce propos M. Jurien de la Gravière fait observer que, sous Napoléon Ier lorsqu’il s’était agi d’une descente en Angleterre, on avait essayé tous les systèmes de bateaux à rames et qu’un chantier pour leur construction avait été installé aux Invalides. La marine romaine qui est étudiée également dans cet ouvrage n’aurait pas été, d’après M. Serre, ce que les historiens les plus autorisés ont cru. Polybe aurait d’ailleurs un peu abusé de la crédulité de ses contemporains. Les trirèmes carthaginoises, loin de pouvoir contenir 500 hommes, n’auraient été que de petits bâtiments mus par trois paires de rames. La réalité d’une pareille assertion impliquerait de graves erreurs dans nombre de descriptions historiques. M. Jurien de la Gravière qui, du reste, ne partage pas les opinions de M. Serre sur la marine antique, constate que la marine actuelle tend à se rapprocher de la marine ancienne, car on donne un grand développement, en Russie et en Allemagne au moins, aux flottilles côtières. C’est l’apparition de ces flottilles qui a déterminé beaucoup d’hommes spéciaux à chercher des enseignements dans l’antiquité.
- p.78 - vue 82/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 79
- Les cyclones. —• Grâce au téléphone, deux observateurs peuvent déterminer la hauteur des nuages, leur vitesse, en faisant leurs observations simultanément; on peut obtenir ainsi des résultats intéressants. Dans une note, présentée par M. Mascart, M. llildebrandson résume des observations qu’il a faites pendant dix ans. 11 a constaté que pendant les mouvements giratoires de l’air, les nuages inférieurs ont des mouvements convergents ; à une hauteur moyenne ils suivent des directions circulaires; enfin dans les parties supérieures de l’atmosphère ils ont des mouvements divergents. Eu étudiant les mouvements verticaux des cirrus, l’auteur a toujours vu qu’au voisinage des cyclones ces nuages suivaient une marche ascendante.
- Les Annélides. — Un travail important de M. Saint-Joseph sur les Annélides de Dinart et de Saint-Malo est présenté par M. Milne-Edwards ; 186 espèces dont 44 nouvelles y sont décrites. Dans ces 186 espèces, 42 se retrouvent dans les mers du Nord et 87 dans la Méditerranée; l’une d’elles était venue du Groenland à la suite du grand hiver de 1879-1880; elle s’est reproduite pendant deux ans et a disparu.
- Electricité. — L’un de nos physiciens les plus sympathiques et les plus célèbres, M. Gaston Planté, vient d’adopter une disposition nouvelle pour sa machine rhéostatique de quantité, et il signale quelques-uns des effets qu’elle lui a permis d’obtenir et qui imitent des coups de foudre extraordinaire et certaines particularités des trombes. Par exemple, si l’on fait déboucher le courant de cet appareil à la surface d’un liquide conducteur par un fil métallique introduit jusqu’à 2 ou 3 millimètres de l’extrémité d’uu tube capillaire, il se produit un véritable jet d’eau continu, formé de gouttelettes extrêmement fines qui s’élèvent à plus d’un mètre de hauteur.
- Le passage des étincelles par le tube immergé dans le liquide est accompagné de chocs violents ainsi que d’un bruit très intense, et la force mécanique en jeu dans cet étroit espace est si considérable, qu’elle détermine quelquefois la rupture du bassin en verre dans lequel se fait l’expérience.
- Si le pôle qui débouche dans le tube est positif, l’autre électrode étant entièrement plongée dans le liquide, le jet d’eau se produit également, mais s’élève à une hauteur moindre que si ce pôle est négatif.
- Lorsque l’électrode aboutit simplement à la surface du liquide, sans que son extrémité soit renfermée dans un tube de verre qui l’isole partiellement, le liquide n’est projeté qu’à une hauteur de 0m,50 environ, mais forme une gerbe de gouttelettes plus grosses, et le vase dans lequel se fait l’expérience, se trouve bientôt presque entièrement vidé par cette projection en dehors du liquide qu’il contenait.
- Enfin si, renversant la disposition de l’appareil, l’extrémité du petit tube capillaire, près de laquelle se termine le fil, est tournée vers le haut, au lieu de plonger dans le liquide, et maintenue simplement humectée par de l’eau salée, l’autre électrode touchant d’ailleurs la partie supérieure du tube, l’étincelle produite et constamment renouvelée, affecte la forme d’une flamme irrégulière, accompagnée d’une bruyante crépitation, due à la fois à la pulvérisation mécanique de l’eau, à la détonation des gaz provenant de sa décomposition, et. à la combustion du sodium mis en liberté.
- Eléments de botanique. — Le savant professeur de botanique du Muséum d’histoire naturelle, M. Van
- Tieghem, vient de publier, chez Savy, un Traité élémentaire de botanique générale, appelé certainement au plus grand succès. C’est un résumé admirablement condensé du gros ouvrage du même auteur, et qui, malgré son petit format, est au courant des derniers progrès de la science.
- Encyclopédie Frémy. — Cette magnifique publication continue de paraître avec une activité qui fait le plus grand honneur à l’éditeur, Mm“ Ch. Dunod. Quatre nouveaux fascicules viennent de voir le jour : la Porcelaine, par M. Dubreuil, président de la chambre de commerce à Limoges; le Molybdène, le Vanadium et le Titane, par M. Parmentier, professeur à la Faculté des sciences de Montpellier ; le Cuivre et le Mercure, par MM. Rousseau et Joannin ; Y Analyse chimique des végétaux, par le Dr Dragendorff et de Schlagdenhauffen. Dès maintenant,
- Y Encyclopédie chimique est un monument incomparable.
- Varia. — M. Chatin rappelle ses travaux sur la respiration végétale. — M. Mascart analyse un travail sur les limites de la mousson dans la mer des Indes et dans les mers de Chine. — Citons une note de M. Carette sur les produits d’oxydation de l’acide sébacique. — M. le général Favé rappelle que ce fut en 1873 que l’on fit les premiers essais de transports de la force par l’électricité. La machine est au dépôt de l’artillerie. Stanislas Meunier.
- ——
- DEUX NOUYEÂUX JOUETS
- LES VALSEURS. -- LA TOUPIE HARMONIQUE
- On ne saura jamais combien d’enseignements l’on peut tirer d’un simple jouet qui, pour l’observateur superficiel, n’est souvent qu’un objet futile.
- Deux nouveaux jouets que nous apporte l’année nouvelle nous serviront à prouver ce que nous avançons : le premier illustre des phénomènes mécaniques, le second y joint des phénomènes acoustiques, pour ne pas dire musicaux.
- Observez d’abord ces jeunes valseurs (fig. 1) : dès qu’ils seront en mouvement, leur légèreté nous surprendra et nous fera oublier qu’ils sont en plomb l’un et l’autre : c’est la jeune femme qui est l’âme du mouvement; sa jupe bleue et constellée d’étoiles n’est qu’un lourd volant auquel on imprime un mouvement de rotation rapide en enroulant une ficelle autour de sa taille, et tirant cette ficelle rapidement, tout en tenant le cavalier entre le pouce et l’index de la main gauche.
- Sous cette forme, nous avons un giroscope d’une forme simple, et si nous n’avons pas eu soin de tenir le couple danseur dans une position parfaitement verticale, nous éprouverons, lorsque nous .voudrons le poser sur la surface plane et unie où il doit prendre ses ébats, une résistance spéciale qui nous démontrera parfaitement bien le principe connu en mécanique sous le nom de conservation de l’axe de rotation.
- Une fois posé, le couple se met à valser, de moins en moins vite, à mesure que s’épuise la puissance vive emmagasinée dans le volant représenté par les jupes de la danseuse.
- p.79 - vue 83/432
-
-
-
- 80
- LA NATURE.
- Le mouvement complexe produit dans le système mécanique ainsi livré à lui-mème est plus facile à concevoir qu’à expliquer.
- On peut s’en faire une idée en considérant que le danseur constitue un poids en porte-k-faux sur l’axe de rotation ; ce poids a pour effet de faire pencher l’axe et tend à le faire tomber toujours du même côté; mais dès que les pieds du danseur touchent le sol, ils y prennent un appui en même temps qu’ils diminuent l’action oblique sur l’axe de rotation.
- Lorsque l’axe est vertical, c’est lui qui sert de centre instantané de rotation, et le danseur entraîné par frottement tourne autour de la danseuse. Dès que ses pieds touchent le sol, c’est l’inverse qui se produit : la danseuse tourne autour du danseur comme axe. En réalité, ces mouvements que nous avons séparés pour l’explication, se produisent simul-lanément et la résultante est une véritable valse autour d’un axe instantané de rotation placé entre les deux danseurs.
- La toupie harmonique (fig. 2) est fondée sur d’autres , principes. Pour en comprendre le fonctionnement , il faut se reporter à une expérience que nous faisions tous au collège : un bouton percé de deux trous et un bout de fil en faisaient tous les frais. On formait une boucle fermée avec le fil après avoir eu soin d’engager les deux extrémités du fil dans les deux trous, puis après avoir fait faire quelques tours au bouton pour communiquer au fil une torsion initiale, on exerçait une traction sur les deux extrémités de la boucle à l’aide des deux index. Le bouton prenait un mouvement de rotation rapide, et en vertu de la puissance vive acquise enroulait
- le fil en sens inverse; on exerçait une nouvelle traction, et ainsi de suite, le bouton recevait ainsi un mouvement de rotation alternatif.
- C’est, ce jouet perfectionné qui constitue la toupie harmonique : le bouton classique est remplacé par une sorte de boîte eu fer-blanc dont les extrémités sont garnies de deux hélices, une à chaque extrémité. Sous l’influence d'une rotation rapide, ces hélices aspirent l’air extérieur et le refoulent vers la circonférence avec d’autant plus de force que la vitesse est plus grande ; l’air ainsi insuftlé traverse un jeu d’anches et les met en vibration ; il s’échappe ensuite par des ouvertures ménagées sur l’équateur.
- Les hélices sont disposées en sens inverse de telle sorte que l’une agit pendant la rotation dans un sens, et l’autre pendant la rotation, en sens inverse ; on produit ainsi deux accords successifs, de la le nom d'harmonique donné à l’instrument.
- Malgré l’ingéniosité de ce nouveau jouet, nous préférons, pour notre part, la disposition décrite ici même l’année dernière1 et à laquelle on communiquait le mouvement initial comme aux petits valseurs que nous venons
- de décrire. La
- mise en marche de
- la toupie harmonique demande un certain effort, et la ficelle casse souvent, ce qui en rend l’emploi difficile et même un peu dangereux pour les jeunes enfants auxquels ce jouet est destiné. Dr Z...
- 1 Voy. n° 616, du 21 mars 1885, p. 256.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissanmer.
- imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- p.80 - vue 84/432
-
-
-
- V 058. — a JANVIER 1886.
- LA NATURE.
- SI
- LE TÉLÉPHONE COLSÛN
- 'JIL:,-,#:..
- WMÊÊt''
- - '-AK'
- Cet appareil vient (l’être dernièrement
- d’expériences à la suite |------------------
- desquelles il a été définitivement adopté dans l’armée. Nous pensons que nos lecteurs en liront la description avec intérêt. Son mode de construction est basé sur la conception théorique des lignes de force que l’inventeur, M. le capitaine du génie Colson, expose de la façon suivante dans son Traité élémentaire d'électricité : « A chaque position de la plaque de fer-blanc d’un téléphone magnétique par rapport aux pôles de l’aimant correspond une certaine répartition des lignes de force; celles-ci se déplacent lorsque la plaque vibre ; si la bobine est rencontrée par ces lignes en mouvement, il se développe dans son fil une différence de potentiel qui est, d’après la loi de Faraday, proportionnelle à leur nombre. Un téléphone transmetteur sera donc d’autant plus énergique, toutes choses égales d’ailleurs , que les lignes de force mises en mouvement par les déplacements de la plaque, et rencontrant le fil de la bobine, seront en plus grand nombre. De même un téléphone récepteur sera d’autant plus
- puissant que les I' -.j n Fig. 3.
- lignes de lorce
- mises en mouvement par les variations des 14* année. — lnr scmeslre.
- Fig. 1. — Soldat muni du téléphone Colson.
- l’objet | induits qui parcourent la bobine, et rencontrant la —-—-----------------------------j plaque, seront plus nom-
- breuses. On voit par conséquent que, d'une façon générale, il y a intérêt à faire passer au travers de la bobine et de la plaque le plus grand nombre possible de lignes de force. »
- Pour obtenir ce résultat, la plaque vibrante, en fer-blanc mince, a été placée entre les deux pôles de l’aimant. L’un, qui porte la bobine de fil fin, agit d’un côté et au centre de la plaque, tandis que l’autre se prolonge en un épanouissement et agit sur le bord et de l’autre côté; une rondelle de cuivre le sépare de la plaque qui se trouve ainsi entièrement plongée dans le champ magnétique. Les lignes de force la traversent dans le sens des rayons.
- Ce téléphone est construit par M. de Branville avec le pl us grand soin sous la forme de transmetteur (fig. 2) et sous celle de récepteur (fig. 3). On voit enAl’aimantavec son pôle central P et son pôle excentrique P'. Ce dernier traverse la plaque vibrante M par un trou garni de caoutchouc, la rondelle de cuivre R, et va se relier à l’anneau de fer doux F formant l’épanouissement polaire. Ces pièces sont enfermées
- — Récepteur. Pièces démontées.
- courants | dans une cuvette en cuivre nickelé et maintenues
- 6
- p.81 - vue 85/432
-
-
-
- 82
- LA NAT IKK.
- au moyen d’un couvercle G qui se visse sur la cuvette. La résistance de la bobine est de 200 ohms pour le transmetteur, comme pour le récepteur.
- Le transmetteur a 9 centimètres de diamètre, il est muni d’un cornet amplificateur. On le règle au moyen d’une vis fixée dans le fond de la cuvette et qui permet d écarter ou de rapprocher de la plaque le noyau qui constitue le pôle central de l’aimant. Le réglage une fois fait se maintient indéfiniment. Le récepteur n’a que 6 centimètres de diamètre, son réglage est fait une fois pour toutes par le constructeur. Un des avantages du téléphone Colson est d’ètre indéréglable. Il possède, en outre, une puissance et une netteté remarquables; il n’est pas nasillard, ce qui tient sans doute à ce que toutes les molécules de la plaque sont plongées dans le champ magnétique, et à ce que les actions des deux pôles ont lieu concentriquement à la plaque. Ainsi que nous le disions en commençant, cet appareil commence à être apprécié et fait déjà l’objet de plusieurs applications dans l’armée. Le transmetteur est employé par le service de l’artillerie dans l’organisation des observatoires de tir; le récepteur est ajouté au matériel de la télégraphie militaire; ailleurs les deux petits récepteurs sont maintenus sur les oreilles de l’opérateur au moyen d’une courroie jugulaire, tandis que le transmetteur est suspendu dans un étui maintenu par une bretelle sur la poitrine, le cornet à portée de la bouche comme le représente notre première gravure (fig. 1). On a laissé l’étui ouvert pour faire voir le transmetteur; le compartiment vide au-dessous est destiné à recevoir les récepteurs pour le transport ainsi que les courroies et les cordons souples. Cette disposition permet de faire l’appel sans le secours d’appareils spéciaux ; elle a en outre l’avantage de laisser à l’homme placé en observation, l’entière liberté, ce qui est indispensable dans un grand nombre de cas.
- Dans certaines applications on peut, bien entendu, combiner les récepteurs avec un microphone; cependant en ligne aérienne comme en ligne souterraine le transmetteur produit des effets comparables comme intensité et comme netteté à ceux qu’on obtient avec les transmetteurs à pile.
- On peut organiser des postes entièrement magnétiques en ajoutant au transmetteur et aux deux récepteurs un appel phonique Sieur qui les actionne énergiquement et leur fait produire un son très intense et tout à fait suffisant pour l’appel. 11 serait intéressant d’essayer ce téléphone sur un réseau de ville, et à grande distancé sur les lignes télégraphiques munies du système Van Rysselberghe, comme celles qui sont établies entre Rouen et le Havre, entre Reims et Paris. On obtiendrait certainement d’excellents résultats, car, ainsi que nous avons pu en juger récemment, dans le téléphone Colson, la voix a une intensité remarquable tout en conservant parfaitement son timbre. G. Mareschal.
- LETTRES D’AMÉRIQUE1
- PITTSBURG ; LE GAZ .NATUREL ET LE PÉTROLE. UNE
- VILLE DE QUATRE MOIS. LE PLAN INCLINÉ DE CINCINNATI.
- A Philadelphie, j’ai laissé mes amis pour voyager dorénavant sans compagnon. Mais dans ce pays d’Amérique on n’est jamais seul, j’ai grand plaisir à le dire. Combien de fois, durant mes longues excursions, ai-je été touché de la bienveillance extrême des Américains et de leur sympathie pour un Français isolé dans leur immense territoire, poussé simplement par son désir de voir et de s’instruire. Ils sont toujours prêts à vous obliger et leur complaisance pleine de cordialité est telle, qu’il faudrait être bien ingrat pour l’oublier.
- Me voici à Pittsburg, ville toujours enveloppée des fumées des usines dont elle est pleine, mais très pittoresquement située sur les rivières l’Al-Ieghany et le Monongahela qui forment à elles deux le superbe fleuve l’Ohio (fig. 1).
- Cette ville est sale, l’odeur constante des fumées y est désagréable, on n’en voit le côté pittoresque qu’au travers des vapeurs noires et cependant on éprouve du plaisir à y rester quelques jours. C’est l’ardeur au travail qu’on admire en ces lieux, et qui vous laisse dans l’esprit des traces inoubliables.
- Avec les aimables lettres données par le célèbre professeur Hayden, de Philadelphie, le savant géologue qui a découvert une grande partie de Yel-lowslone Park et les bons conseils de M. Ashburner, le geologist in charge of Pensylvanta, j’ai pu visiter l’intéressante usine Bessemer andC0 et les localités ou le pétrole est recueilli, dans Butler County.
- L’usine Bessemer est située à 10 milles de Pittsburg. Elle est construite sur le bord du Monongahela près City Farm. On y fabrique l’acier par les procédés Siemens, mais au lieu de houille, c’est le gaz naturel qu’on emploie comme combustible pour la plupart des opérations métallurgiques et dans le foyer des chaudières multiples qui font agir les machines de l’usine. L’eau d’alimentation est élevée du Monongahela par des machines hydrauliques.
- 6000 tonnes de houille étaient employées par mois; avec le nouveau combustible, l’usine fait une économie considérable.
- Le gaz naturel de l’usine Bessemer vient des environs de Murrayville situé à 14 milles de City Farm, c’est la Acme gas C° de Lyon qui le fournit. Jusqu’à Braddick les tuyaux de conduite ont 0m,18 de diamètre *et, de là à l’usine, ils n’ont plus que 0m, l5. Depuis deux années que ce gâz est utilisé, il semble que sa pression à Murrayville n’ait pas diminué. Il arrive froid à la surface de la terre, 0 degré environ, mais son expansion au dehors des tubes le rend plus froid encore , la glace se produit sur leur bord.
- On estime que dans l’épaisseur de la terre ce gaz
- l
- Suite. Yoy. p. 44.
- p.82 - vue 86/432
-
-
-
- LA A AT LUE.
- 83
- doit avoir environ 14 k 15°. La profondeur des puits est de près de 420 mètres.
- L’usine Bessemer produit tous les mois 7000 tonnes d’acier, et bientôt elle sera montée pour en donner 10 000. Les saumons qu’elle fournit à l’industrie varient de 25 à 2000 kilogrammes, elle fabrique aussi des rails d’acier pour les chemins de fer, des essieux pour les voitures, etc., etc.
- La plupart des usines de Pittsburg consomment aujourd’hui le gaz naturel, et tous les jours on cherche k forer des puits nouveaux. S’ils sont abondants à Murrayville, ils le sont plus encore sur les bords de l’Alleghany ; on en trouve un peu partout dans ces régions. Les grandes villes n’emploient point pour l’éclairage le gaz naturel k cause de sa qualité très inférieure au gaz de houille, mais, en revanche, il est fort employé dans les petites localités. C’est ainsi que la nouvelle petite cité de Mac Bride située au milieu des bois de Butler County a pu être éclairée.
- Mac Bride avait quatre mois d’existence lorsque j’y fus, en avril 1885. Elle possédait déjà 1000 habitants environ. Un des propriétaires de puits, M. Campbell, a bien voulu me conduire k cette petite localité, située k 6 milles de distance de Butler City.
- Le pays est charmant : partout des coteaux boisés de beaux arbres, des cours d’eaux ; mais il est difficile de se faire idée des chemins horribles qu’il faut prendre.
- Les chevaux ont souvent de la boue jusqu’au ventre ; ils se tirent en barbotant de ces vilains passages. Quant k nous, ce sont des éclaboussures sans fin que nous envoient les roues de notre buggy, et des cahots à vous faire sauter k tous moments hors de cette petite voiture à deux places, merveille d’élasticité et de légèreté. Quand M. Campbell m’a demandé si nos routes, en France, étaient mieux entretenues que celles de son pays, je n’ai pu m’empêcher de rire en lui montrant notre ligure mouchetée d’éclaboussures, mélange d’huile, de pluie et de sable. Je ne suis pas sur cependant qu’il m’ait cru sur parole quand je lui ai raconté que nos chemins étaient propres, unis comme un parquet et admirablement entretenus.
- Nous arrivons, et je vois la grande rue de la ville avec ses maisons de bois. Mac Bride a un bureau télégraphique et postal. Elle possède quelques boutiques, un bureau de tabac, un hôtel, un skating rink pour les jeunes gens, enfin une école et un trottoir de planches le long des maisons pour éviter de patauger dans la boue (fig. 2) ; tout cela terminé en quatre mois, c’est k peine croyable.
- Ces régions de Butler County étaient connues depuis vingt-cinq ans environ, époque où l’on cherchait le pétrole, mais les fouilles avaient été mal conduites sans doute et ces lieux étaient restés non exploités. Depuis quelque temps, de nouvelles fouilles ont été faites et ont donné de beaux résultats. De lh la création immédiate de cette nouvelle cité k la-
- quelle on a donné le nom d’un des principaux propriétaires de puits à pétrole de l’endroit.
- Aux environs de Mac Bride on voit une quantité d’échafaudages en forme de tours de 82 pieds de hauteur environ. Ce sont 1k les puits à pétrole. Ils sont en pleine exploitation : pendant la durée du mois de mars 1885, 95 d’entre eux donnaient par jour en moyenne 53 900 barrels. Thorn Creek, localité voisine, en fournissait 7329.
- Le produit d’une bonne journée, pour un seul puits, donne 200 barrels d’huile; on en a pompé quelquefois jusqu’à 700, mais c’est un rendement qui ne continue pas longtemps.
- Auprès des puits sont installées de grandes cuves pouvant contenir environ 600 barrels.
- L’huile s’écoule de là dans des réservoirs de volume beaucoup plus considérable. Dans le pays du pétrole il y a plus de 2000 de ces réservoirs. Ils sont la source de petits fleuves maintenus dans des tuyaux de 5 pouces de diamètre qui vont porter l’huile dans les grandes villes telles que Cleveland, Buffalo, Pittsburg, etc.
- Pour pomper l’huile et l’amener à la surface de la terre on emploie des machines à Vapeur. Mais la vapeur nécessaire est produite par l’eau des petits ruisseaux de Mac Bride et par le gaz naturel qu’on trouve en même temps que l’huile en cette région. La houille n’est employée que par exception. Les puits sont situés sur les collines à des hauteurs différentes; souvent la même machine k vapeur fait marcher quatre ou cinq pompes. Sur les hauteurs plus de 60 puits viennent d’être creusés et ils fonctionnent tous au grand contentement des propriétaires.
- La profondeur de ces puits varie entre 1400 et 1800 pieds. Les tuyaux traversent différentes couches de sable et d’eau salée, etc. On reconnaît assez facilement les bons sables qui renferment l’huile ; il y a aussi des soins k prendre pour connaître leur qualité1. S’il se trouve une roche pendant l’opération du creusement, la dynamite est employée pour la briser. Le gros tuyau qui sert de base au puits a G pouces de diamètre, on en met ensuite d’autres qui n’ont pas plus de 2 pouces.
- Mac Bride possédait en avril 200 puits k pétrole. Ils coûtent à établir une somme d’environ 4000 dollars, bien vite regagnée si la récolte est bonne. Le barrel d'oil vaut actuellement 78 cents (4 francs environ) ; il valait, il y a une vingtaine d’années, 12 dollars (60 francs).
- Il y a quelques années c’était la région qui avoisine Oil City2 qui fournissait le plus d’huile, mais maintenant le rendement paraît décroître et ce sont les régions de Butler County, Yenango et Brad-ford qui sont devenues les centres les plus importants.
- Revenu k Butler City après mon excursion k Mac
- 1 Voy, n° 275, du 24 août 1878, p. 207, et n« 640, du 5sep* tembre 1885, p. 215.
- - Yoy, u° 208, du 20 mai 1877, p. 408.
- p.83 - vue 87/432
-
-
-
- LA NATUBF
- 81
- Bride, je dois dire encore le plaisir que j’ai éprouvé de l’aimable accueil de plusieurs personnes de la petite ville, mais je ne pouvais rester longtemps avec ces nouveaux et sympathiques amis. Après les adieux, il faut remettre sa valise entre les mains d’un porteur pour aller à la gare, mais est-ce bien un porteur? C’est un jeune homme presque correctement habillé qui m’offre de me prendre mon léger paquet. Je le lui confie et nous marchons de compagnie. Sachant que j’étais Français, le voilà qui me parle de mon pays et du désir qu’il a de voir Paris. 11 me fait une foule de questions dénotant beaucoup d’intelligence et un grand désir de s'instruire. Il
- me portait cependant ma valise et a bien accepté aussi un pourboire à la gare. Mon curieux porteur m’a souhaité un bon voyage en me serrant la main.
- Jamais je n’ai vu, en France,- de commissionnaire semblable. Nous sommes loin d’avoir un sentiment naturel d’égalité aussi complet qu’en Amérique et cependant toujours plein de convenance et de politesse.
- — Vous êtes d’un pays bien plus ancien que le nôtre, m’a-t-on dit souvent, et vous avez encore des préjugés qui n’existent pas chez nous.
- Revenu à Pittsburg, j’ai visité les curieux plans
- Fig. 1. — Vue de Pittsburg. Côté du mont Washington. (D’après nature, par M. Albert Tissandier.)
- inclinés à l’aide desquels on fait l’ascension du mont Washington situé de l’autre côté du Monon-gahela; il en a été parlé dans La Naturel. J’insisterai seulement sur ceux de la ville de Cincinnati qui sont d’ailleurs plus intéressants encore.
- Toujours bcàties sur le même plan, ces cités américaines n’ont point de caractère différent; monuments peu curieux, rues toujours mal entretenues, leur situation naturelle seule les rend pittoresques.
- Cincinnati est admirablement posée sur les rives de l’Ohio. Son superbe pont suspendu, construit en 1865, est le premier modèle de celui de Brooklyn de New-York; il relie la cité a des faubourgs déjà fort
- 1 Voy. nü 586, du 23 octobre 1880, p. 527.
- populeux. Cincinnati couvre actuellement tout le large espace compris entre le fleuve et les monts Adam, Auburn, Harrison, etc.
- La ville grandissant toujours, on ne pouvait cependant songer à enlever les montagnes ; les Américains n’ont point cédé, ils portent sur les sommets : tramways, chevaux et voyageurs. La circulation ainsi établie, un second Cincinnati non moins grand que le premier se construit tous les jours sur les monts et il s’étend, s’augmentant sans cesse.
- Le croquis que j’ai pris d’une voiture de tramway sur plan incliné (fig. 5) représente le système qui relie le bas de la ville au sommet du mont Adam.
- Le car arrive directement sur la plate-forme qui
- p.84 - vue 88/432
-
-
-
- 85
- LA NATURE.
- est montée sur une charpente de fer dont Je poids est Après un arrêt de quelques instants seulement, de 18 tonnes malgré son apparence d’extrême légèreté. pour que les employés puissent s’assurer que tout
- est bien en place, l’ascension commence et en moins de trois minutes, les 80 mètres de hauteur de la montagne sont gravis.
- La longueurdu trajet parcouru est de 510 mètres, l’angle d’in-clinaison étant de 19°.
- La charpente de fer est munie de roues, et deux gros câbles qui vont s’enrouler autour d’un treuil de fonte lui font faire l’ascension.
- En même temp^ qu’un tramway monte, un autre descend, les câbles s’enroulent et se déroulent sur le même treuil. Pour éviter tout accident, un câble de fer est placé entre les deux autres; celui-là est
- attaché au centre des deux charpentes de fer et glisse autour d’une large poulie. Si les câbles se rompaient
- malgré toutes les prévisions, ils maintiendraient en équilibre les cars montant et descendant et un accident sérieux ne saurait arriver.
- Le poids du car, compris chevaux, voyageurs, est de 9 tonnes; la machine à vapeur nécessaire pour faire faire l’ascension des plates-formes est de 600 chevaux.
- Au sommet du mont Adam , a l’arrivée même des tramways, un immense établissement construit en bois, est installé pour recevoir les voyageurs. C’est
- Fig. 5. — Voiture de tramway élevée sur un plan incliné, à Cincinnati. (D’après nature, par M. Albert Tissandier.)
- p.85 - vue 89/432
-
-
-
- 86
- LA NATURE
- une brasserie colossale pouvant contenir plus de 5000 personnes. Des terrasses d’où l’on domine toute la ville et les courbes grandioses décrites par l’Obio, des salles de bals d’hiver et d’été, des jeux de toutes sortes, des orchestres, sont les principaux attraits de ce curieux établissement. Loin d’être, comme à Philadelphie, d’une sévérité excessive pour le dimanche, les Américains de Cincinnati aiment à s amuser et ils vont dans ces immenses brasseries passer avec leur famille une partie du jour et de la soirée. Sur les différents monts de la cité, il existe plusieurs endroits analogues où l’on joue d’assez bonne musique. L’élément allemand domine assez à Cincinnati pour avoir apporté cette différence de mœurs dans la ville où l’on est moins rigide que dans quelques autres cités des Etats-Unis.
- Albert Tissandier.
- — A suivre. —
- LE BUREAU YERITAS
- La bibliothèque spéciale installée par le Bureau Yeritas au Palais de l’Industrie, lors de l'Exposition du travail, nous a fourni l’occasion d’apprécier l’importance et la diversité des fonctions de cette Société, peu connue dans le public étranger aux affaires maritimes, mais dont l’action s’étend sur la marine marchande de toutes les nations du globe. Nos lecteurs nous sauront gré de leur communiquer les renseignements que nous avons recueillis sur l’organisation et le mode de fonctionnement de cet important service.
- Le Bureau Veritas exerce un contrôle général sur la construction et l’entretien des navires de commerce, k cet effet, il publie des règlements de construction et de classification soigneusement revus chaque année et tenus au courant des progrès de l’art naval : ces règlements servent de base à l’estimation de la valeur des navires, tant au point de vue des échantillons des matériaux qu’à celui de la main-d’œuvre et de l’état d’entretien. Des experts au nombre de 200 environ, choisis parmi les hommes les plus expérimentés en matière de construction navale, résident dans les principaux ports du monde ; ils sont chargés de surveiller la construction des navires qui demandent à être classés, d’essayer les matériaux, de vérifier leur concordance avec les prescriptions du règlement et de contrôler le travail des constructeurs; puis, quand ces navires ont' pris la mer, ils les visitent périodiquement, à des époques fixées par le règlement, et adressent à l’administration des rapports détaillés qui servent à statuer sur la classification méritée dans chaque cas. Les renseignements ainsi obtenus sont résumés dans un registre publié chaque année avec suppléments mensuels : les assureurs maritimes, les armateurs, les affréteurs, y trouvent des indications indispensables pour leur industrie.
- Au siège de la Société un bureau technique comprenant un ingénieur en chef qui exerce son autorité sur tout le personnel des experts, deux ingénieurs et un certain nombre de dessinateurs, a pour mission d’examiner les plans de navires à construire, et d’indiquer les modifications à apporter aux projets qui lui sont soumis de décider, d’après les rapports des experts, la classification à donner aux navires visités ; enfin, de poursuivre les études nécessaires à l’amélioration des règlements,
- dont l’influence sur les méthodes de construction est considérable.
- En outre du registre dont il vient d’être parlé, le Bureau Veritas publie annuellement un répertoire général de la marine marchande du monde entier, contenant la liste de tous les voiliers au-dessus de 50 tonneaux et de tous les vapeurs au-dessus de 100 tonneaux, avec l’indication des registres auxquels ils sont classés, les lettres de signaux, les dimensions principales, le tonnage, le nom du constructeur, du capitaine, du propriétaire, etc.
- Le Bureau Veritas publie encore tous les mois un état des navires de toutes les nations perdues en mer ou avariées, avec les causes des accidents : cette statistique, reproduite par un grand nombre de journaux, est bien connue du public.
- Enfin, le Bureau Veritas prépare actuellement un ouvrage qui portera le titre de Guide maritime universel, et qui contiendra des renseignements détaillés sur les ressources de tous les ports du monde au point de vue technique, en outre de toutes les indications pratiques nécessaires aux navigateurs.
- Telles sont les principales attributions du Bureau Veritas ; cette société, fondée en 1828, est établie à Paris dans le local qu’elle occupe encore actuellement, depuis 1832. Son importance s’est accrue d’une façon continue et se développe tous les jours, malgré la concurrence d’autres institutions analogues dont la plus importante est le Lloyd’s Register, fondé à Londres en 1834. Le Registre Veritas renferme actuellement environ 11 500 navires, c’est-à-dire quelques centaines de plus que le Registre anglais, malgré l’avantage que donne à ce dernier sa nationalité.
- L’AÉROSTAT DIRIGEABLE
- DE CHAI. A IS-JIEUDON
- Expériences de I88S*.
- La question de la navigation aérienne par les aérostats allongés à hélice préoccupe au plus haut degré l’opinion publique, depuis les expériences qui ont été exécutées dans ces dernières années à l’aide des aérostats à propulseurs électriques. Nous avons commencé, mon frère et moi, à exécuter les premières tentatives ; nous devons reconnaître que les officiers de Chalais-Meudon ont obtenu des résultats bien plus concluants, avec des ressources plus considérables, il est vrai, et dans un atelier installé d’une façon grandiose ; mais comme nous l’avons déjà dit, ce qu’il importe de considérer, ce sont les résultats obtenus et non les moyens à l’aide desquels on a pu les obtenir. Lorsqu’il s’agit de question s aussi importantes, qui touchent à de si grands intérêts, les considérations de personnes doivent à notre avis disparaître ; et nous ne discuterons jamais de droits de priorité quand les intérêts de la patrie ou de la science se trouvent en jeu. La navigation aérienne est appelée à changer la face du monde : c’est un problème immense au succès duquel personne "ne saurait être indifférent.
- Nous applaudissons donc au succès obtenu par le capitaine Renard et ses collaborateurs et nous publions le Mémoire que le savant officier a récemment présenté à l’Académie des sciences; nous le ferons suivre de quelques considérations qui résumeront l’état de la question. G. T.
- 1 Voy. Tables des matières des précédents volumes.
- p.86 - vue 90/432
-
-
-
- LA NATURE
- 87
- RAPPORT DE H. I.E CAPITAINE RKN’ARI).
- Nous avons fait connaître l’année dernière les résultats obtenus au moyen du ballon dirigeable construit aux ateliers militaires de Chalais1.
- Le même aérostat a exécuté en 1885 trois ascensions nouvelles dont nous allons rendre compte sommairement dans cette note.
- Disons d’abord qu’avant de recommencer une nouvelle campagne, le ballon dut être modifié dans certaines parties. Il s’agissait, en effet, de combler les lacunes des essais de 1884 et d’exécuter surtout des mesures exactes de la vitesse du ballon par rapporta l’air ambiant. L'expérience nous ayant montré que pour exécuter convenablement des mesures, un équipage de deux aéronautes était insuffisant, il fallut tout d’abord alléger l’appareil. J’y réussis facilement en modifiant le mode de construction de certaines parties (ventilateur, piles, commutateurs, voile de queue, etc.).
- La machine motrice ayant donné lieu à divers accidents (notamment le 12 septembre où l’anneau mobile fut mis hors de service et dut être remplacé par un anneau construit chez M. Gramme, et le 8 novembre (2e ascension) où le courant fut fermé en court circuit par suite de la chute de parties de fiis de balais), je résolus de la remplacer, d’y substituer un nouveau moteur à deux balais seulement, plus faciles à visiter et à remplacer.
- Je la remplaçai par une autre dont la construction fut confiée à M. Gramme. Notre éminent ingénieur électricien me livra un moteur excellent, admirablement équilibré et d’un poids sensiblement égal à celui du premier.
- La transmission du mouvement dut aussi être modifiée. Gomme, en raison des déformations inévitables de la nacelle, le pignon calé sur le moteur et la roue fixée à l’arbre de l’hélice étaient exposés à des variations dans leurs positions relatives, variations qui avaient produit l’année dernière des dégrèvements partiels et des ruptures de dents, je suspendis tout le train d’engrenages à l’arbre même de l’hélice. De plus, l’arbre du pignon lut relié à celui du moteur par un manchon à calage élastique permettant au train de se déplacer notablement sans que la transmission cessât de se produire et constituant une sorte de double joint à la cardan.
- Enfin des précautions minutieuses furent prises pour assurer le graissage continu at le refroidissement des coussinets du pignon qui pouvait, à un moment donné, être lancé à la vitesse de 5500 tours par minute.
- Un premier es«ai fait dans le hangar de Chalais nous donna une entière confiance dans le nouveau dispositif : le moteur tournant à 5600 tours pendant plusieurs heures développa facilement une force motrice de neuf chevaux.
- On profita de cette expérience pour mesurer la
- 1 Note sur un aérostat dirigeable, par WM. Ch. Renard et A. Krebs, 18 août 1884; hôte du 10 novembre 1884.—
- poussée de l’hélice. On trouva qu’elle était reliée à l’intensité du courant par la formule H = 0,755 C—17,5 (Il poussée de l’hélice en kilogrammes, G courant en ampères).
- Cette formule se vérifie très exactement pour des valeurs de G variant de 0 à 108 ampères. On peut admettre sans grande erreur qu’elle s’applique au cas où le ballon obéit librement à l’effort de l’hélice G
- Enfin je m'attachai à améliorer la pile pour prolonger la durée de son action sans augmenter son poids et je fus assez heureux pour y réussir en modifiant légèrement la composition du liquide des éléments.
- J’arrive au procédé très simple, mais très exact, destiné à la mesure de la vitesse propre. Comme l’hélice est à l’avant du ballon, on ne peut songer à employer un anémomètre dont les indications seraient trop fortes ; en revanche, rien ne gêne pour l’emploi d’un loch aérien.
- Je l’organisai de la manière suivante ;
- Un ballon en baudruche de 120 litres de capacité fut rempli en partie de gaz d’éclairage de façon à rester exactement en équilibre dans l’air. Ce ballon fut attaché à l’extrémité centrale d’une bobine de fil de soie ayant exactement 100 mètres de longueur.
- Le plus léger effort suffit à dérouler $ette bobine quand on tire le fil central. L’autre extrémité du fil est enroulée autour du doigt de l’opérateur. Pour faire une mesure, on lâche le ballon, qui s’éloigne rapidement vers l’arrière et qui, arrivé à l’extrémité, produit sur le doigt qui retient le fil un choc sensible. L’instant du départ et celui du choc final sont pointés sur un chronomètre indiquant les dixièmes de seconde.
- Bien que l’effort transmis au petit ballon pendant le déroulement du fil fut très faible, il fallait en tenir compte. Des essais répétés dans un local fermé montrèrent que le ballonnet dérivait de 7 mètres à la minute ou de 0111,117 par seconde sous l’influence de ce léger effort. Si donc on appelle t la durée du déroulement en secondes, le chemin parcouru par l’aérostat dirigeable pendant l’opération du déroulement sera 100 -+- 0,117 t et la vitesse sera donnée par la formule
- Les choses étant ainsi préparées, on profita du premier beau jour pour essayer le nouveau mécanisme en l’air. Cet essai eut lieu le 25 août et
- Ces deux communications ont été faites à l’Académie par M. Hervé-Mangon.
- 1 Bien que pour le même courant moteur, l’hélice tourne un peu plus vite (1/5 environ) quand le ballon est libre, que quand il est retenu par une corde, ce qui augmente un peu la part de la résistance au mouvement dépendant du frottement des ailes dans l’air; comme il ne s’agit là que d’une différence portant sur un terme de correction, on peut, comme première approximation, appliquer la formule au cas du ballon eu marche. Des essais en petit ont confirmé cette manière de voir.
- p.87 - vue 91/432
-
-
-
- 88
- LA NATURE.
- j i /
- i j / / /
- r~ /i r i -
- f- y /
- e' T~ /x
- ! j / è 1/
- H g -- -- i 7/ 7 1
- fy i
- I y feint éfal oujl 9 à;! L V1*1 i Vf £sse «SS©
- © U £. A- M / i /ira£ 1 est;
- a. Aile r. r/ Reto ur.l Desc ente
- ~É~ f
- E Z fi. • / > i 1
- O .. i r
- if i —y
- / / i i /
- // J T~ j i
- .'25 30m
- 451
- 151”
- [[Temps qu'on aurait employé à parcourir Vrtmè^j ra»V© si la vi+^<sp du vent avait été nulle (kVmnutes^
- Fig. i,— Ascension de l’aérostat dirigeable la France le 22 septembre 1885. Diagramme du parcours horizontal sur le sol, dressé par M. le capitaine Renard.
- montra que le nouveau mécanisme ne laissait rien à désirer.
- Ascension du 25 août. — La première ascension eut lieu le 25 août par un temps sec et un ciel pur.
- Le ballon gonflé depuis un certain temps ayant perdu une notable partie de sa force ascension-nelle,jefusobligé de renoncer pour cette fois au troisième aéronaute, et je partis seul avec mon frère le capitaine Paul Renard. Le vent soufflait de l’est.
- La vitesse mesurée à une faible hauteur au moyen de ballons perdus ne paraissait pas supérieure à 5 mètres par seconde. En nous basant sur les évaluation ^approximatives n de _
- l’année dernière, nous comptions obtenir à peu près 7 mètres de vitesse propre. Aussi fûmes-nous très étonnés de ne pouvoir remonter le courant aérien qui régnait à 250 mètres au-dessus du vallon de Chalais.
- L’hélice lancée à 55 tours par minute marchait avec une régularité parfaite ; cependant nous reculions, lentement à la vérité, mais continuellement. Voulant néanmoins prolonger l’expérience et craignant d’être entraînés au-dessus des bois du côté de Chaville, j’obliquai le cap un peu à droite et bientôt, sous l’action combinéè du vent et de la vitesse propre, l’aérostat se dirigea vers le sud et vint pla-nér^àtf-dessus du plateau dénudé de Villacou-
- blay, très favorable à l’atterrissage. Le mouvement de recul continua à se produire, et, après 50 minutes de voyage, l’aérostat vint descendre près de la ferme de Yillacoublay où je l’avais dirigé tout en reculant, et où l’équipe des ouvriers militaires de Chalais nous attendait. Cette première expérience, qui nous don-
- nait pleine confiance dans notre mécanisme moteur, nous causa néanmoins une déception. Nous avions trop présumé de nos forces, les vitesses du ballon évaluées sans mesures directes l’année dernière étaient moins grandes que nous ne l’avions cru, et,
- d’autre part, le vent régnant à 250 mètres était évidemment plus fort que dans le voisinage du sol.
- 30’
- 15V4
- 15b
- <u
- y
- //
- •tf/
- S-/
- Cs /
- lob
- <v/
- jgf
- <7
- f/
- par rapport /au sol s'est trouvée propre____^Virage au Point duJour'
- 4 5U
- /
- Nous sentions la nécessité d’exécuter enfin des mesures précises de vitesse et nous attendîmes patiemment un temps très maniable.
- En raison du mauvais temps, l’expérience définitive ne put avoir lieu que dans le courant du mois suivant.
- Ascension du
- Fig. 2.-
- 22 septembre. — Le 22 septembre, le vent soufflait du N. N. E., c’est-à-dire de Paris, et sa vitesse dans les basses régions variant de 3 mètres à 3'“,50 par
- seconde, nous décidâmes le départ. Cette fois, le ballon était monté par trois aéronautes :
- Le capitaine Paul Renard, chargé des mesures et des observations diver-M. Duté-Poitevin,
- ses
- aéronaute civil employé à l’établissement de Chalais, et moi. (J’avais conservé la manœuvre du gouvernail et de la machine motrice.)
- Le départ eut lieu à 4 h. 25 m. par un temps humide et brumeux. L’hélice fut mise en mouvement et le cap dirigé sur Paris; nous eûmes d’abord quelques embardées, mais je réussis bientôt à les éviter
- Carte des voyages aériens de l’aérostat dirigeable la France en 1885, dressée par M. le capitaine Renard.
- et dès lors, malgré le vent, le ballon, s’engageant au-dessus du village de Meudon, traversa le chemin de fer au-dessus de la gare à 4 h. 55 m., et atteignit la Seine à 5 heures vers l’extrémité ouest de l’île de Billancourt.
- A ce moment, nous exécutâmes une mesure de
- p.88 - vue 92/432
-
-
-
- Fi*. 3. _ L’aérostat dirigeable la France, au-dessus du Point-du-Jour, à Paris. Fae-similé d’une photographie instantanée exécutée à l’Observatoire d’astronomie physique de Meudou ° (Communiquée par M. Janssen, de l’Institut, directeur de l’Observatoire de Meudon.)
- p.89 - vue 93/432
-
-
-
- 90
- 1 j A NATURE.
- vitesse. Elle fut trouvée exactement de G mètres j par seconde1. Cependant le ballon, continuant sa course contre le vent, se rapprochait des fortifiea- 1 tions de Paris. |
- A 5 h. 12 m., après 47 minutes de voyage, il entrait dans l’enceinte par le bastion 65. j
- Le temps très brumeux se chargeait de plus en plus, le brouillard humide nous alourdissait et nous forçait à sacrifier de très grandes quantités de lest. Dans ces conditions, il était imprudent de nous éloigner davantage et le retour fut décidé.
- Le virage s’effectua facilement, et, favorisé cette fois par le courant aérien, l’aérostat se rapprocha de son point de départ avec une rapidité surprenante.
- Nous n’apercevions plus Chalais, complètement caché par le brouillard, et nous dûmes nous diriger en prenant successivement comme point de direction le pont de Billancourt et la gare de Meudon.
- Onze minutes suffirent pour nous ramener au-dessus de la plaine d’atterrissage et nous faire parcourir ’au retour un chemin qui nous avait coûté à l’aller 47 minutes d’efforts.
- L’aérostat vira de bord pour tenir tète au vent, et 10 minutes plus tard la nacelle touchait le sol de la pelouse des départs.
- Le ballon s’était élevé à 400 mètres d’altitude seulement pendant ce voyage.
- Ascension du 25 septembre. — Le lendemain, devant M. le général Campenon, ministre de la guerre, et M. le général Bressonnet, président du comité des fortifications, le ballon la France exécuta une nouvelle ascension qui réussit aussi bien que celle de la veille.
- On y renouvela les mesures de vitesse et les résultats des deux journées furent concordants. L’itinéraire fut sensiblement le même que le 22 septembre. Le vent était plus faible et nous portait vers Paris. La durée du trajet fut de 17 minutes à l’aller et de 20 minutes au retour. L’atterrissage fut très facile et le ballon revint exactement à son point de départ.
- Le voyage ne put pas être prolongé davantage faute de lest, l’ascension de la veille ayant fait perdre au ballon une partie de sa force ascensionnelle.
- Formides du travail. — Les expériences que nous venons de décrire nous ont permis d’établir sur des bases sérieuses les formules fondamentales qui peuvent servir à l’évaluation de la résistance des ballons analogues à la France, en y comprenant le filet et la nacelle.
- Nous croyons devoir les donner ici, car elles diffèrent profondément de celles qu’on pouvait déduire des essais antérieurs, très incomplets, dont nous avons dû nous-mêmes nous contenter pour l’établissement de potre projet.
- Les résistances mesurées sont beaucoup plus grandes que nous l’avions cru et que le monde le croyait avant nous.
- 1 Durée du déroulement : 17", d’où
- v = ~ + 0,t 17 =f»,882 + 0,117 = 5m, 999.
- Si l’on désigne par B la résistance en kilogrammes du ballon la France se mouvant par la pointe ; par v sa vitesse en mètres par seconde; par @ le travail de traction directe (travail moteur en kilogramme t re s) ; par T le travail de l’arbre de l’hélice (en kiiogrammètres) et par T' le travail aux bornes du moteur (en kiiogrammètres), on déduit de nos expériences les tormules suivantes :
- R —1,189 r2 0 1,189»*
- l'J ) T = 2,5001>3
- { T' = 2,800
- A l’allure de 10 mètres, qui suffirait pour avoir la direction dans la plupart des cas, on aurait :
- R = 118k*îm,9.
- 0 = 1189 kiiogrammètres.
- T =2300 kiiogrammètres ou 31 chevaux.
- T'= 2800 kiiogrammètres.
- D’une manière générale, on aurait pour un ballon de diamètre D (en mètres) :
- / R = 0,01683I)2V2 \ 0 = 0,01685 D2 i’3 j T = 0,0526 D2 »3 ( T'= 0,0397 D2»3
- Nous terminons cette note en résumant dans un tableau les résultats obtenus dans les sept ascensions du ballon la France. Les vitesses des ascensions de l’année dernière ont été rectifiées d’après les résultats des ascensions des 22 et 25 septembre 1885.
- CC H o -o
- t/3 y xi o O 3> S B O Se ^ a J O g ë CQ c/3
- 'S H ZZ y DATES a S B o g. OBSERVATIONS
- O < -
- £7 t/3 OS 3 ea vh CO «J
- a S s O o Ï5 H g
- ëc o>
- î 9 août, 1884. 42 4m,58 Le ballon est rentré
- à Chalais.
- 2 12 septembre 1884. 50 5m,45 Avarie de machine.
- — Le ballon descend à Yélisy.
- 5 8 novembre 1884. 55 6m 00 Le ballon rentre à
- Chalais.
- 4 8 novembre 1884. 35 3“,82 Le ballon rentre à
- Chalais.
- 5 25 août 1885. 55 6;n,00 Vent supérieur à la
- vitesse propre. — Atterrissage à Vil-lacoublay.
- 6 22 septembre 1885. 55 6“,00 Le ballon rentre à
- Chalais.
- 7 23 septembre 1885. 57 6™, 22 Le ballon rentre à
- Chalais.
- L’aérostat est rentré cinq fois sur sept à son point de départl.
- 1 Le rapport que nous publions a été lu à l’Académie des sciences le 23 novembre 1885 par M. le capitaine Renard, et a été inséré dans la Revue scientifique le 28 du même mois. Nous y ajoutons le diagramme et la carte publiés dans les Comptes rendus de l’Académie, le 7 décembre 1885, et lare-production de la magnifique photographie exécutée par M. Jans-scn à l’Observatoire de Meudon.
- p.90 - vue 94/432
-
-
-
- LA NATURE.
- Di
- Il résulte des expériences dont on vient de lire la description, qu’un aérostat allongé d’une forme favorable à son passage au milieu du fluide où il est immergé, et muni d’un propulseur mécanique, peut se diriger dans l’atmosphère et remonter des courants aériens, toutes les fois que ces courants ont une vitesse inférieure à sa vitesse propre. Ces faits étaient indiqués par la théorie, ils étaient évidents depuis les mémorables tentatives de Giffard,en 1852 et en 1855, mais ils n’avaient jamais reçu d’une façon aussi probante la consécration de l’expérience. L’aérostat de Chalais-Meudon n’est dirigeable que chaque fois que le vent a une vitesse inférieure à 6 mètres à la seconde; son moteur électrique ne fonctionne, en outre, que pendant une durée limitée, et assez courte ; on sera conduit ’a objecter qu’on se trouve là dans des conditions de fonctionnement bien restreintes, et qu’il y a loin, de semblables résultats, à la navigation aérienne rendue pratique. Cela est vrai assurément, mais nous ne devons pas oublier que le vieux proverbe « il n’y a que le premier pas qui coûte » s’applique parfaitement aux applications de la mécanique, et aux découvertes en général. Le paquebot à vapeur qui va du Havre à New-York, en neuf jours, n’a pas été construit tout à coup et d’une seule pièce, il a eu pour ancêtre, le minuscule bateau à vapeur de Papin, le modeste navire du marquis de Jouffroy, le bateau de Fulton, et de bien d’autres inventeurs. Il en sera de même pour la navigation aérienne.
- On vient de voir que les mesures du capitaine Renard nous donnent des chiffres un peu décevants ; il faudrait, d’après ses essais, une machine de 51 chevaux de force pour donner au ballon la France une vitesse propre de 10 mètres à la seconde. Cela est assurément difficile à obtenir actuellement, en considération du faible poids qu’un tel moteur devrait avoir pour ne ne pas excéder la force ascensionnelle du ballon. Mais le problème devient beaucoup plus facile en augmentant le volume des aérostats, parce que la résistance n'augmente que comme la surface des ballons, tandis que la force ascensionnelle s'accroît comme le cube des dimensions. Comme l’a très bien dit Alphonse Pénaud : « Pour les ballons, le volume c’est la puissance, la surface c’est l’obstacle. » Or la surface ne croissant pas avec lé volume, il y a un immense avantage à construire de très grands aérostats, auxquels il est possible de donner actuellement la vitesse propre favorable pour se diriger dans l’atmosphère, presque constamment, sauf les jours de grands vents ou de tempêtes; les navires aériens, dans ces circonstances, devront rester à terre au port de remisage.
- La navigation aérienne n’est plus aujourd’hui qu’une affaire d’argent, de travail et de persévérance; il n’y a aucune impossibilité matérielle à la réaliser.
- Nous voudrions qu’en dehors de l’usine de Chalais-Meudon, spécialement consacrée aux opérations militaires, ce grand problème soit poursuivi par l’initiative privée, avec le concours de quelque Mécène de la science, qui consacrerait une fraction de sa fortune à la réalisation d’une si belle entreprise.
- Nous allons avoir l’occasion de décrire prochainement l’Observatoire du mont Hamilton fondé en Californie par M. James Lick, ce richissime Américain, qui n’a pas consacré moins de trois millions et demi de francs à la construction de cet établissement !
- Il faudrait que la navigation aérienne puisse trouver en France, un autre James Lick (?) Ne désespérons pas, puisque l’astronomie y a bien rencontré un Bischoffsheim.
- Gaston Tissandier.
- LE TIMBRE ET LÂ COULEUR
- Dans son article sur la Musique des couleurs \ M. de Brial attribue le phénomène de l’audition colorée à une simple association d’idées; je vais essayer de montrer que certaines personnes perçoivent bien réellement la sensation d’une couleur quand elles entendent un son, et que c’est à cette propriété, possédée, plus ou moins inconsciemment, par beaucoup de personnes qu’il faut attribuer les rapprochements unanimement établis entre le timbre et la couleur.
- M. le Br Charles Féré a exposé dans la Revue philosophique2 et dans divers rapports de la Société de biologie le résultat de ses recherches relatives à l’action des impressions sensorielles sur l’organisme humain. Il a établi nettement les points suivants :
- 1° L’intensité de la sensation de l’ouïe et celle de la sensation de la vue croissent proportionnellement à l’amplitude et à l’intensité de l’onde sonore ou lumineuse; par suite, la vibration semble pouvoir être considérée comme l’unité d’excitation pour l’ouïe et pour la vue.
- 2° L’excitation de l’un quelconque de nos sens se traduit par un effet appréciable au dynamomètre et qui peut avoir pour résultat de faire entrer en action un autre sens3.
- On comprend, dès maintenant, comment l’audition d’un son peut provoquer la perception d’une couleur; mais, grâce à l’obligeance de M. le ÏKFéré, je puis serrer de plus près encore la question et mettre sous les yeux du lecteur l’appareil dont il s’est servi, ainsi que la reproduction exacte des tracés qu’il a obtenus dans ses études sur l’action des couleurs.
- Le jeune et savant médecin de la Salpêtrière ayant reconnu que, parmi les hystériques de l’hospice, quelques-unes paraissaient être impressionnées différemment suivant la nature du rayon lumineux qui frappait leurs yeux, il chercha à comparer entre elles ces impressions en se servant de l’une de leurs manifestations les plus faciles à mesurer, c’est-à-dire au moyen de l’effort musculaire développé par la main sous leur influence.
- Pour cela, le sujet prend à la main, ainsi que
- 1 La Nature. 1885, 2e semestre, p. 545.
- - Octobre 1885.
- 3 J’ai déjà dit que, chez plusieurs personnes de ma connaissance, une saveur ou une odeur éveillaient parfois l’idée d’un son et inversement. Un professeur de philosophie m’écrivait, il y a quelques jours : « Ne croyez-vous pas que, chez certaines personnes, les sensations visuelles peuvent être suggérées non seulement par les perceptions de l’ouïe, mais aussi par toute espèce de perception sensorielle? Autrefois, je souffrais assez fréquemment de maux d’intestins, de maux de dents, de maux de tête, etc.; j’associais très spontanément, à ces diverses sensations de douleurs, diverses sensations colorées. C’était d’ailleurs quelque chose de très confus, et, comme la psychologie subjective et objective m’importait peu à cette époque, je serais incapable de vous donner maintenant à ce sujet aucun renseignement précis. »
- p.91 - vue 95/432
-
-
-
- 92
- LA NATURE.
- l’indique la ligure 5, un dynamomètre à ressort métallique qui, à l’aide d’un levier coudé et d’une tige, transmet l’effort à un tambour en caoutchouc rempli d’air; la pression de l’air se transmet elle-même, au moyen d’un tube en caoutchouc, jusqu’à un style qui inscrit ses oscillations sur un cylindre tournant autour de son axe sous l’action d'un mouvement d’horlogerie1.
- L’appareil étant mis en marche, le sujet opère avec la main une série de contractions au commandement d’une autre personne, et ces contractions
- Jaune.
- Contraction normale.
- Orandé.
- Violet
- Fig. 1.— CoHtractions d’un sujet sensible à l’état de veille sous l’inQuenee des diverses couleurs du spectre.
- produisent sur le cylindre des courbes de formes variables suivant la nature de la lumière perçue.
- La figure 1 montre ces courbes, d’abord sous l’inQuenee de la lumière normale, puis sous celle des lumières rouge, orangée, jaune, verte, bleue et violette. On voit qu’elles ont une forme bien caractérisée pour chaque couleur, et cette forme se reproduit non seulement quand on fait agir la même cou-
- Fig. 2. — üodilication de la contraction normale d'un sujet sous l’influence de l’interposition d’un verre rouge.
- leur sur le même sujet, mais encore quand la même couleur agit sur des sujets différents2. La courbe normale se rapproche beaucoup de la courbe jaune ;
- 1 Cet appareil sort des ateliers de JI. Collin, constructeur à Paris ; il est un perfectionnement du dynamographe de Du-chenne (de Boulogne).
- â Le Dr Féré a obtenu des résultats concordants avec plusieurs sujets même non hystériques; toutefois le nombre des expériences n’est point encore assez grand pour que I on puisse considérer cette loi comme générale. La sincérité de ces expériences dynamométriques est corroborée par d’autres expériences sur l'énergie des mouvements purement rellexes. Par exemple, lorsqu’on frappe sur un tendon, le mouvement involontaire qui suit le choc est plus considérable si le sujet est soumis à l’influence des rayons rouges.
- ce qui est tout naturel puisque les rayons jaunes tiennent une place prépondérante dans la lumière solaire.
- La figure 2 montre comment s’opère la modification de la courbe normale quand on pose brusquement un verre rouge devant les yeux du sujet.
- Ainsi, en généralisant ce qui n’est mis en évidence que pour des sujets exceptionnellement sensibles, on pourrait dire que notre esprit perçoit les couleurs à la suite de certains mouvements vibra-
- , Contraction normale Hallucination iaune
- a I état de somnambulisme. J
- Hallucination rouge Hallucination verte.
- Fig. 5. — Contractions obtenues par la suggestion des idées de couleurs sur un sujet à l’état somnambulique.
- toires communiqués à notre organisme tout entier par les vibrations de ce que l’on appelle l’éther. On peut aller plus loin et dire que, si notre esprit évoque l’idée d’une couleur, notre organisme entier entrera dans l’état vibratoire correspondant à cette couleur.
- En effet, mettant en somnambulisme l’un de ses sujets, M. le l)r Féré lui a suggéré de voir rouge, orangé, jaune, vert, etc., et, par les procédés décrits
- Polarisation du vert.
- Polarisation de l'oranée.
- Fig. i. — Polarisation du vert et de l’orangé.
- plus haut, il a obtenu les courbes reproduites dans la ligure 3, où l’on remarque les mêmes formes caractéristiques que dans la figure l, mais moins tremblées, parce que le sujet était mieux isolé des causes perturbatrices.
- La figure 4 montre la transformation des courbes correspondant aux hallucinations du vert et de l’orangé en courbes correspondant aux complémentaires de ces couleurs sous l’inQuenee de l’approche d’un aimant.
- En résumé, on voit que les contractions musculaires exercées sous l’inQuenee de diverses couleurs semblent dénoter chez le sujet des états vibratoires variés où les vibrations diffèrent non seulement par
- p.92 - vue 96/432
-
-
-
- LA A AT U KL.
- 93
- l’intensité, mais encore par la forme. Or, nous savons que dans les courbes tracées sur les appareils enregistreurs par les extrémités vibrantes d’un corps sonore, c’est la forme de la courbe qui est la caractéristique du timbre A II y a là un rapprochement qui, pour n’être point rigoureux, n’en mérite pas moins d’ètre noté parce qu’il est confirmé par d’autres observations.
- On se rappelle en effet2 que, dans les phénomènes de l’audition colorée, c’est le timbre qui joue le principal rôle pour la vision de la couleur; et ce rapport intime entre le timbre et la couleur est tellement senti par certaines races que les Allemands appellent le timbre la couleur du son (Klangfarbe).
- Ce que bien des gens ne considéraient jusqu’à ce jour que comme des comparaisons plus ou moins
- hasardées est en réalité l’expression d’une impression physique; je vais en citer quelques exemples.
- Dans son Esthétique, M. Eugène Véron dit : « Si l’on emploie des instruments qui ne donnent qu’un son fondamental, on ne produit que de la musique terne, de la musique grise; elle se colore au contraire avec des cordes dont rien ne gêne la vibration et qui, par conséquent, émettent un son fondamental augmenté d’un grand nombre de sons harmoniques. »
- M. Sully-Prudhomme, dont on ne saurait contester l’autorité en pareille matière, est du même avis 1 : « Il existe, dans les divers sons qu’émet un même corps vibrant, une qualité essentielle et la plus constante de toutes, celle qui persiste sous toutes les variations de hauteur et d’intensité que
- Fig. 5. — Dynamomètre Collin servant à enregistrer les courbes produites par les efforts musculaires.
- peut subir sa sonorité : c’est le timbre. Aussi est-ce par son timbre que chaque instrument de musique est surtout spécifié. Tandis qu’il y a des notes communes à tous les instruments, chacun d'eux a son timbre qui lui est exclusivement propre. De même, il existe dans les sensations visuelles une qualité qui est propre à chacune et persiste quand varie la quantité de lumière reçue par le corps et la vivacité de sa coloration ; c’est ce qu’on appelle précisément sa couleur, qualité qui spécifie sa relation essentielle et la plus constante avec le nerf optique. Ainsi un
- 1 I/acuité du son détermine l'amplitude de la vibration et par suite la hauteur de la courbe; l'adjonction des harmoniques qui constitue le timbre fait varier la forme de la courbe en contrariant le développement régulier de la vibration.
- 2 Voir à ce sujet les articles sur Y Audition colorée, publiés par La Nature (1885, 1er semestre, p. 506 et 406; 1885, 2e semestre, p. 274.
- corps rouge, par exemple, reste coloré du même rouge bien qu’il soit plus ou moins éclairé et que ce rouge soit plus ou moins vif, comme lorsqu’un aquarelliste délaie dans plus ou moins d’eau la couleur donnée par un même pain de vermillon. Cette couleur spécifique est pour l’œil la qualité qui correspond au timbre pour l’oreille. »
- D’après Berlioz2, c’est par l’emploi de divers instruments qu’on peut colorer la mélodie, l’harmonie, le rythme. Meyerbeer désignait certains accords de Weber dans la Chasse de Lutzow comme des accords pourprés, et M. Eugène Fromentin dit5 d’un morceau de musique : « La palette de Rubens y retentit déjà dans les quelques notes dominantes, le rouge, le noir et le gris. Inversement, M. Eugène
- 1 L’expression dans les Beaux-Arts.
- 2 Grand Traité d'instrumentation.
- 5 f.en maîtres d'autrefois.
- p.93 - vue 97/432
-
-
-
- 04
- LA NATURE.
- Sylvestre analysait ainsi le tableau d’Eugène Delacroix représentant le Naufrage de Don Juan : « Delacroix poursuit entre le bleu et le vert l’immensité du ciel et de la mer, fait retentir le rouge comme le son des trompettes et tire du violet de sombres gémissements. »
- Tous ces écrivains, tous ces artistes, ne sont-ils point, à des degrés divers, des sensitifs, comme cet ancien élève de l’Ecole polytechnique qui décrit ainsi ses impressions et les circonstances où pour la première fois il s’en rendit compte ?
- « Je travaillais avec plusieurs camarades dans une salle d’étude, lorsque l’un d’eux qui discutait tout bas avec son voisin éleva la voix et dit en s’adressant à nous tous : N'est-ce pas que Va est rouge ? Sans quitter mon travail, je répondis : c'est évident, car pour moi le son a est rouge. A cette réponse, tous nos camarades partirent d’un grand éclat de rire, car aucun d’eux ne comprenait. 11 en résulta une grande discussion et, séance tenante, on nous soumit à cette expérience : on nous montrait successivement des objets de couleur quelconque, en nous demandant quel était à notre avis le son correspondant. En général, nos réponses étaient peu différentes, cependant elles n’étaient jamais identiques. Je me souviens, par exemple, d’un livre dont la couverture était vert d’eau un peu sali par l’usage ; je donnai pour syllabe correspondante bæil, tandis que mon camarade donna, je crois, meil ; ces deux sons ne sont pas les mêmes, mais ils se ressemblent néanmoins.
- « Une des différences qui existaient entre nos appréciations provient de ce que pour moi le son é est jaune terne tirant sur le gris, tandis que mon camarade le trouvait gris perle.
- « J’ai essayé de définir soit la couleur que je perçois pour les sons les plus simples, soit inversement les sons auxquels je pense en voyant un objet coloré. Voici le résultat auquel je suis arrivé :
- « a rouge; â grenat ; é jaune grisâtre ; ê jaune orangé ; e jaune. — i brillant, reflet métallique.— o bleu ; ô gros bleu : ô (prononcé comme dans trône par les Marseillais), bleu de Prusse clair. — u violet.
- — eu vert jaunâtre ; ou bleu sale. — ai groseille vif ; ei jaune brillant; oi bleu de ciel limpide; ui violet éblouissant (métal chauffé au blanc soudant).
- — aê orange. — ia rouge mélangé de gouache blanche; ieu gris perle; iu gouache blanche. — di blanc mat ; id blanc légèrement translucide comme le blanc d’œuf cuit dur.
- « Le blanc absolu ne peut pas s’exprimer par un son; d’ailleurs il n’existe pas dans la nature. De même aucun son ne peut rendre le noir, et c’est le silence absolu qui en donne le mieux l’idée.
- « Les consonnes modifient les tons et, en général, les salissent. Le son n nazillard implique l’idée d’une couleur terne, le son b indique une couleur passée : ainsi des papiers vieux, poussiéreux, ont une couleur qu’on peut exprimer par le son beu, b un.
- « Le son des grosses cloches, du canon dans le lointain, les notes basses du piano, sont des sons bruns tirant plus ou moins sur le rouge; —un coup de canon entendu de près est brun avec des points brillants.
- « La lumière du soleil par un beau ciel pur se représente assez bien par l’accord parfait obtenu avec des timbres d’argent ou de verre donnant un son très limpide. — Le reflet de la lune sur la mer par un temps calme donne l’idée de notes aiguës et piquées comme une série de petits coups de sifflet doux et harmonieux, et, si mes souvenirs ne me trompent point, on a orchestré ainsi cet effet dans un opéra.
- « D’après ce qui précède, on voit qu’en général la couleur d’un objet est représentée par un son assez complexe, et il est aussi difficile de rendre la couleur qu’on voit par un son bien approprié que de trouver sur sa palette les couleurs qui rendent l’effet qu’on veut reproduire. »
- La comparaison est très juste, et la sensibilité exceptionnelle dont est doué notre correspondant expliquera au lecteur ce qu’on m’a rapporté d’un peintre distingué de Paris : cet artiste n’emporte en général avec lui dans ses excursions qu’un crayon noir et du papier ; pour se rappeler les teintes, il se contente d’inscrire sur ses croquis des voyelles et des diphtongues aux endroits convenables, de telle sorte qu’on peut véritablement dire de lui qu'il peint avec des sons. àlhert de Rochas.
- CHRONIQUE
- Une sonde magnétique. — Une application ingénieuse de l’aimant aux opérations des mines a récemment été faite à Edimbourg. En creusant un puits par forage, on a trouvé nécessaire de relier le puits, à une profondeur de 200 pieds, avec un puits existant à 18 pieds 3 pouces de là, au moyen d’un passage souterrain. On creusa ce passage de l’ancien puits dans la direction où on pensait trouver le nouveau, mais on ne trouva pas celui-ci après avoir dépassé la distance entre les deux. En effet, le puits avait dévié de la verticale et il s’agissait maintenant de trouver sa position à la profondeur indiquée. M. Andrew Haddow, un ingénieur des mines, eut l’idée d’appliquer le magnétisme pour trouver la vraie position du trou. 11 se procura donc huit aimants droits qu’il plaça bout à bout de manière à en faire un long aimant et il les lia ensemble entre deux longues lattes en bois. On descendit alors cette tige magnétique dans le puits jusqu’à la profondeur du passage souterrain dans lequel on avait placé un compas magnétique. Le pôle sud de l’aimant était en bas, et le pôle nord en haut ; le pôle nord de l’aiguille magnétique se déplaça d’abord à l’ouest, ensuite à l’est du zéro, ce qui prouvait que la tige était à l’ouest du compas. Un nouveau passage fut construit dans cette direction et M. Haddow trouva alors, en observant les déviations de l’aiguille à différents points et en les marquant sur un plan du terrain, l’endroit où passait la tige magnétique et où se trouvait par conséquent la vraie position du puits.
- p.94 - vue 98/432
-
-
-
- LA N A TLUK
- Ü5
- Une sonde chimique.— Lu ville de Boston (Etats-Unis d’Amérique) a en main un projet de reconstruction de ses égouts. Des sondages ont dù être exécutés à divers endroits pour déterminer la hauteur des eaux souterraines et ceux-ci ont été faits économiquement de la manière suivante : environ vingt tubes d’essais de petits diamètres ont été enfoncés dans le sol à des profondeurs plus grandes que celles des eaux souterraines ; un ruban métallique gradué, et lesté au moyen d’une petite masse de plomb, fut descendu successivement dans chacun desdits tubes; un bouchon, enfoncé dans la masse de plomb, portait une aiguille verticale et à la pointe supérieure de celle-ci était enfoncé un petit morceau de métal potassium; la position du morceau de métal correspondait au zéro du ruban gradué et l’altitude du rebord supérieur de chaque tube d’essai avait été rigoureusement déterminée par une expérience préalable. Le ruban gradué étant descendu lentement, un éclair et une explosion simultanés, causés par le contact du potassium avec l’eau, indiquaient le moment de ce contact et, à ce moment, la lecture faite de la division du ruban gradué correspondant au rebord du tube donnait la profondeur de l’eau à cet endroit. J. B.
- Le menthol et les crayons antimigraine. —
- Nous avons récemment parlé du menthol et de ses propriétés thérapeutiques (n° 647, du 24 octobre 1885, p. 354). M. Blankenberg nous a écrit à ce sujet que le menthol associé à la parraffme est bien en effet la base du crayon autimigraine ; mais l’addition de paraffine a surtout pour but de diminuer le prix de revient ; presque tous les crayons que l’on vend aujourd’hui à bas prix renferment beaucoup de paraffine. M. Blankenberg nous adresse un crayon uniquement composé de menthol du Japon absolument pur. Les crayons à paraffine ont l’aspect de la bougie ; le crayon à menthol pur a un aspect cristallisé. Un seul coup d’œil permet d’apprécier la différence. Quand on fait agir le crayon sur la peau, on constate aussi que son action est plus énergique. La sensation de froid est intense et la réaction plus forte. Ce crayon se fabrique en France où, parait-il, on purifie aussi le menthol tout comme en Allemagne et en Angleterre. Si nous sommes envahis par les crayons de provenance étrangère, nous le devons encore à une question douanière. M. Blankenberg fait remarquer que, il y a deux ans environ, le droit de douane d’importation était de 25 francs le kilogramme de crayons finis; depuis, ce droit a été réduit à 1 fr. 20, au même taux que le menthol brut. Or beaucoup de maisons parisiennes préfèrent acheter directement des crayons finis. Aussi, généralement, a-t-on renoncé à purifier le menthol à Paris, dans l’impossibilité où l’on s’est trouvé ainsi de lutter avec le commerce étranger; et d’autant mieux que les crayons allemands arrivent sur le marché à bas prix, mélangés à la paraffine.
- Ustensiles en nickel pour laboratoires. —
- M. F. Stolbe recommande l’emploi du nickel pour la fabrication de certains appareils de laboratoire en remplacement d’objets en platine dont le prix est beaucoup plus élevé. Le nickel ne s’oxyde pas ; il résiste très aisément à la chaleur rouge, et, dans bien des cas, il peut remplacer avantageusement le platine. Il faut toutefois prendre certaines précautions, ne pas exposer les objets en nickel au contact du charbon ou du coke incandescent, ni à l’action prolongée de flammes de gaz d’éclairage ; le nickel deviendrait en effet cassant (peut-être à la suite d'une combinaison avec le carbone). Lorsqu’on chauffe des
- objets en nickel à l’aide du gaz, il faut avoir soin de donner le plus d’air possible à la (lamine; ces objets sont spécialement utiles pour le recuit et l’incinération de certaines substances, et pour la fusion à l’aide d’alcalis ou de nitrates alcalins. M. Stolbe cite certaines expériences qu’il a laites avec des creusets en nickel et dit, entre autres, que l’on peut sans danger les employer pour la décomposition des minéraux à l’aide d’acide sulfurique concentré et de spath fluor.
- —-------
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 4 janvier 1886. — Présidence de M. l’amiral
- JüBIES DE LA GbAVIÈBE.
- Séance très courte consacrée en grande partie au renouvellement du bureau. Les votants étant au nombre de 52, 28 voix appellent M. Gosselin au fauteuil de la vice-présidence. Son concurrent, M. Hervé-Mangon, réunit 23 suffrages ; 1 bulletin est au nom de M. Duchartre. On renouvelle aussi les pouvoirs de la commission centrale administrative qui continuera d’ètre composée de M. Freiny et de M. Becquerel.
- Culture de la betterave à sucre. — Notre savant collaborateur, M. Dehérain, professeur au Muséum, adresse, en collaboration avec M. Porion, un très important mémoire d’agronomie analysé par M. Peligot. Les auteurs ont voulu savoir si la loi actuelle, qui fait porter l’impôt qui pèse sur l’industrie sucrière, non plus sur le sucre achevé,mais sur la betterave pénétrant à l’usine, était favorable aux intérêts des cultivateurs. Ils ont fait un marché avec une sucrerie stipulant que le prix de la betterave serait d’autant plus élevé que la richesse en sucre était elle-même plus considérable; ils ont semé des graines appartenant aux variétés Vilmorin et Deffin, les betteraves étant bien terrées, et la fumure composée de tourteaux, d’azotate de soude et de superphosphates, ils ont vendu leurs racines de 35 à il francs la tonne; le produit brut à l’hectare a varié de 1500 à près de 1900 francs, laissautun pioduit net de 700 à 960 francs.
- Ces résultats ont été obtenus non seulement sur de petites parcelles d’expériences, mais sur des pièces de plusieurs hectares et il en découle manifestement que sous l’empire de la loi votée en 1884, la culture de la betterave peut être très avantageuse.
- Fougères fossiles. — Deux de nos paléobotamstes les plus distingués, M. Bernard Renault, aide-naturaliste au Muséum, et M. R. Zeiller, communiquent le résultat de leurs études sur les troncs de Fougères du terrain houiller de Coinmentry : ils ont constaté que les genres Caulop-teris et Ptychopteris ne représentent que des parties différentes des mêmes troncs, les Caulopteris correspondant à la surface externe de l’écorce, les Ptychopteris au pourtour du cylindre ligneux central, généralement sillonné par les racines adventives qui descendaient sous l’écorce. Ils ajoutent que le faisceau foliaire formé d’une simple bande à son origine, soude ensuite ses deux bords et se ramifie de manière à donner naissance à une cicatrice annulaire fermée, accompagnée à son intérieur d’une seconde cicatrice en forme de V renversé. Ils ont reconnu en outre l’identité des fossettes observées sur l’écorce des Caulopteris avec les fossettes aérifères des tiges de Fougères arborescentes actuelles.
- Causeries scientifiques. — M. le secrétaire perpétuel Bertrand présente, avec les plus grands éloges, la 23° et la 24° année des Causeries scientifiques de Henri de Bar-
- p.95 - vue 99/432
-
-
-
- 96
- LA NATURE.
- ville. Dans ces deux charmants volumes, le brillant vulgarisateur aborde successivement de 400 à 500 sujets différents et presque partout il fait preuve d’une grande compétence en même temps que d’un grand talent d’écrivain. M. Bertrand signale spécialement les chapitres relatifs aux dragages zoologiques du Talisman et au passage de Vénus. 11 aurait pu allonger beaucoup cette liste et tout le monde a été de son avis quand il a dit qu’il pensait bien faire en appelant l’attention des amis des sciences sur cette utile et agréable publication.
- Histologie. — On se rappelle comment un de nos histologistes les plus autorisés, M. Vignal, a protesté contre les assertions de M. Adainkievicz qui pensait démontrer l’existence d une véritable circulation sanguine dans chaque cellule nerveuse. D’après cet anatomiste étranger, la cellule serait enveloppée d’un réseau artériel et son prétendu noyau ne serait autre chose qu’un cul-de-sac en communication avec tout le système veineux. L’attaque de M. Vignal portait sur le mode opératoire de M. Adam-
- kiewicz ; or celui-ci, dans une réponse qu’il adresse aujourd’hui, laisse précisément de côté le point de vue technique. Il se borne à s’étonner que par trois ou quatre expériences, son contradicteur puisse prétendre à annuler ses centaines d’observations à lui. Dans ces conditions, il est à présumer que cette réponse n'aura rien de décisif.
- Varia. — M. Charles Richet continue ses études sur l’action toxique des sels alcalins et ses premiers travaux sur cette question sont l’objet d’une réclamation de priorité de la part de M. James Black (de San-Francisco). — La morphologie de l’oeuf chez les insectes occupe M. Sabatier. — Les observations magnétiques faites au parc de Saint-Maur sont adressées par M. Moureaux. — En signalant un traité de météorologie récemment publié à Hombourg, M. Faye se félicite d’y voir adoptée la plus grande partie de sa théorie cyclonique. — Un nouveau système de canaux est proposé par M. Nouguès. Stanislas Meunier.
- LES CANOTS-PLIANTS DE - BEBTHON
- On a souvent cherché à construire des canots portatifs qu’un homme puisse facilement transporter à terre, et mettre lui-même à l’eau pour s’en faire une embarcation. Le système que nous allons faire connaître aujourd’hui est très bien combiné, il est d’une grande légèreté, très facilement démontable, et obtient depuis plusieurs années un succès très appréciable.
- Les canots-pliants de M. Ber thon sont en toile vernie imperméable ; leur forme de canot est obtenue à Laide de deux arêtes rigides en bois, qui sont additionnées de traverses transversales que l’on met en place et que l’on retire soi-même très facilement. Le modèle que nous représentons (fig. 1) est ponté à l’aide du tissu huilé. Il est muni d’une rame godille a deux palettes et d’une petite voile. La figure 2 montre le canot plié et transporté à terre.
- M. Ber thon en confectionne un autre modèle encore plus simple, qui est muni de deux avirons à la façon d’un canot ordinaire. Ce modèle qui est très usité en Angleterre par les pêcheurs et par les chasseurs de gibier d’eau, a été également adopté depuis plusieurs années par la marine française, qui l’a rendu réglementaire pour le service des défenses mobiles. Chaque torpilleur, aujourd’hui, a dans son armement un ou deux de ces canots, composés chacun de deux moitiés indépendantes qui peuvent se mettre à la mer séparément ou eon-jugées ensemble au moyen d’une simple tige de fer. Ces canots tiennent très bien la mer, et sont très précieux pour explorer les parages où les torpilleurs ne pourraient s’aventurer sans danger.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- p.96 - vue 100/432
-
-
-
- N' 659. - 16 JANVIER 188 6.
- LA NATURE.
- LE LABORATOIRE ARAGO
- STATION ZOOI.OGIQUE DE UANYULS- SUR - MER
- Un grand nombre des lecteurs de La Nature intéressent aux progrès de la zoologie, et ils ont
- encore présent à la mémoire, un article récemment publié dans ce journal sur la station zoologique de Roscoff1. O’est à l’autre bout de la France que nous allons les transporter aujourd’hui pour leur présenter le laboratoire maritime de Banvuls, situé dans un des coins les plus pittoresques des
- Fig. 2. — Vue intérieure de l’aquariuni du Laboratoire Arago. (D'après nature.)
- Pyrénées-Orientales et placé sous les auspices du grand Arago, un enfant du pays. Que ceux qui désirent en outre connaître l’historique de sa fondation, consultent le volume des Archives de zoolo-li° année. — 1er semestre
- gie expérimentale paru en 1881; ils trouveront là quelques pages qui, dès l’instant où M. de Lacaze-
- 1 Voy. u° 648, du 51 octobre 1885, p. 544.
- 7
- p.97 - vue 101/432
-
-
-
- 98
- LA NAT l! U K
- Luthiers les a signées, ont pris place dans l’histoire de la science.
- « Je désire, écrivait alors le savant professeur, compléter une station d’été par une station d’hiver, pour permettre de s’éloigner des conditions défavorables que chacune d’elles présente en son moment, pour pouvoir éviter les grandes chaleurs qui s’opposent souvent au travail en revenant au Nord pendant qu’elles sévissent, et fuir les mauvais temps en abandonnant le Nord pour le Midi, et cela en se retrouvant pour ainsi dire dans le même établissement, dans les mêmes conditions de travail, avec le même matériel et les mêmes moyens.
- x Réaliser ces améliorations, paraît être l’idéal d’une organisation bien propre à faire progresser la zoologie française. »
- Soutenu par une infatigable énergie, secondé par le généreux concours du département des Pyrénées-Orientales et de la ville de Ba-nyuls *, M. de La-caze - Duthicrs a réalisé cet idéal, et voici la quatrième année que la station zoologique du Midi ouvre ses portes aux savants français et étrangers.
- Le laboratoire Arago s’élève à l’extrémité du promontoire de Fontaulé bordant au sud la baie de Banyuls (fig. 1).
- A l’est la pleine mer, l’élégante mer Méditerranée, a l’ouest les derniers sommets des Pyrénées avec leurs crêtes décharnées dominées par la Tour-du-Diable, et au pied des collines le village de Banyuls assis derrière ses bateaux de pêche. Les bâtiments de la station, adossés aux roches du promontoire, sont construits sur une base rectangulaire dont le grand côté n’a pas moins de 50 mètres. Une large terrasse longeant la façade et conduisant directement à un môle qui s’avance jusqu’à l'île Grosse, domine de quelques mètres un quai inférieur de plain-pied avec une jetée perpendiculaire au môle. La balancelle du laboratoire est à l’ancre, à l’extrémité de cette jetée qui est le véritable quai d’embarquement.
- La disposition intérieure de l'établissement est
- 1 Le conseil général du département et le conseil municipal de Banyuls ont contribué, pour une large part, à la fondation de la station, et la commune de Banyuls assure en outre uu Laboratoire une rente annuelle.
- des plus simples et des [dus commodes. Le rez-de-chaussée a été réservé à l’aquarium avec toutes ses dépendances et au logement du gardien, les cabinets de travail étant tous situés au premier étage, à l’exception d’un seul destiné aux recherches de physiologie et qui est placé à l’entrée de l’aquarium. On comprend l’utilité d’une pareille disposition qui isole les travailleurs du va-et-vient du personnel et surtout des visiteurs souvent très nombreux, quelquefois un peu bruyants. Le [dan ci-joint (fig. 5) donne la distribution des divers étages mieux que foule description ne saurait le faire.
- Suivons maintenant un travailleur arrivant au laboratoire. Nous entrons à sa suite dans un vestibule sur lequel s’ouvre le logement du gardien, cl de là nous montons au premier étage. Ici, de part et d’autre d’un long corridor sont distribués les
- cabinets de travail, la bibliothèque, salle de collection , cabinet de réception du directeur, magasin d’instruments, réactifs, etc. Seule, la salle de conférence, distraite de cet ensemble, est placée au deuxième étage, où le directeur et le préparateur ont chacun leur pied-à-terre dont, par discrétion, je ne ferai pas l’inventaire; acest Spartiate,'!) disait en visitant l’établisse m en I, M. Dumont, le regretté directeur de l’enseignement supérieur.
- Arrivé au premier étage, le nouvel hôte du laboratoire est installé dans un cabinet de travail à lui seul destiné et dont l’emménagement est des mieux compris. En face du travailleur une large fenêtre ; devant, à droite et à gauche des tables que commande un fauteuil tournant; dans un angle une armoire surmontée d’étagères ; je ne parle pas d’un assortiment complet de cuvettes, flacons, etc.
- Voilà donc le naturaliste entouré de ses instruments, muni de tous les réactifs qu’il désire, tout étonné de se trouver chez lui à 200 lieues de Paris, si commodément, si libéralement. Mais ce n’est pas tout : il lui faut des matériaux de recherche, des animaux; qu’à cela ne tienne, le lendemain, le soir même peut-être de son arrivée, le bateau de la station rapportera une ample moisson et, si le cœur lui en dit, il pourra lui-même assister à la pêche, traîner le chalut, le faubert, ou tirer sur la drague,
- REZ DECHAUSSEE
- flot»..
- mw. -v •
- Terrasse inferieure
- 1er ETAGE
- Réservoir d eau ; (120n?c)
- A.Cabinets detravail. B.Préparatei
- Fig. ô. — Plan du Laboratoire Arago, à Bauyuls-sur-Mcr.
- p.98 - vue 102/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 1)11
- car ici pas de marées et partant pas de longues excursions sur la grève. Il ne faudrait pas croire pour cela que l’abondance des matériaux de travail soit moindre qu’à Roscoff, et si le naturaliste ne peut recueillir lui-même à la main qu’un nombre d’animaux relativement restreint, les engins de pêche fournissent et au delà tout ce qu’on peut désirer.
- Chaque jour le patron des embarcations du laboratoire vient prendre les ordres du directeur ou de son représentant, puis il met à la voile; l’équipage est robuste et actif, le bateau bon voilier et les fonds d’une merveilleuse richesse, c’est dire que chaque soir la récolte est abondante. Les animaux demandés sont distribués à chaque travailleur et les autres vont prendre place soit dans la collection, soit dans les bacs de l’aquarium sur lequel nous allons maintenant attirer l’attention.
- C’est une vaste salle de 250 mètres carrés de superficie autour de laquelle sont disposés dans l’épaisseur des murs 8 grands bacs recevant la lumière de l’extérieur et dans lesquels un jet sous une pression de 10 mètres, renouvelle constamment l’eau et l’oxygène (fig. 2). Depuis trois ans les mêmes animaux vivent là en captivité, ils s’y nourrissent et bon nombre s’y reproduisent. Voici des Actinies qui à leur moment rejettent des nuées d’embryons; plus loin des milliers de Pentacrines fixés un peu partout, là une Filigrane tapisse la glace d’un bac de ses réseaux délicats, les Dendrophyllies bourgeonnent, les Ilydraires laissent échapper leurs méduses et dans le bac des Mollusques les délicates pontes de Doris, de Bulles et d’Àplysies s’accrochent aux rameaux des Gorgones tandis que d’énormes Tritons se promènent lentement.
- Ces bacs avec leur population si bien vivante font justement l’admiration des visiteurs ; ils servent de réservoir aux travailleurs qui ont, en outre, leurs bacs spéciaux disposés au milieu de la salle. Ceux-ci, dont les plus petits ne contiendront pas moins de 250 litres d’eau seront supportés par de belles tables de marbre et constamment pourvus d’eau et d’oxygène. Là, le travailleur élèvera commodément ses animaux et à chaque instant il pourra les observer en circulant librement autour d’eux.
- Ne sortons pas de l’aquarium sans nous arrêter auprès d’un grand bassin elliptique placé au milieu de la salle et alimenté par un jet d’eau sans cesse jaillissant. Ce bassin est très propre à recevoir toutes sortes d’animaux et convient très bien aux grosses espèces qui réclament beaucoup d’eau et un grand espace. C’est là que le physiologiste pour ses expériences a sous la main de nombreux individus. Enfin, toutes les eaux qui ont circulé dans la grande salle de l’aquarium sont recueillies par une canalisation spéciale et conduites au dehors, en dessous du perron d’entrée dans un réservoir où fourmille tout un monde de Bernard-VErmite au milieu de Poulpes, d’Astéries, d’Eponges, d’Ascidies et de Mollusques de toutes formes.
- Telle est l’organisation de l’aquarium ; voyons maintenant par quels moyens est assurée la circulation incessante de l’eau de mer.
- Revenons au premier étage en suivant le corridor dont nous avons déjà parlé, nous arrivons de plain-pied sur une terrasse supérieure dominant la pleine mer à l’est du batiment. Là, un moulin à vent à régulateur automatique actionne une pompe qui aspire l’eau du large et l’emmagasine à 15 mètres de hauteur dans un réservoir en maçonnerie creusé dans la roche. C’est de ce réservoir dont la capacité est de 120 mètres cubes que vient toute l’eau alimentant l’aquarium; une pareille réserve d’eau est nécessaire pour faire face aux calmes subits qui se produisent quelquefois dans la belle saison. D’ailleurs, si un arrêt est nécessité par un accident quelconque, une petite installation hydraulique est là, avec sa pompe de secours, son réservoir, etc., toujours prête à fonctionner.
- J'en ai dit assez pour montrer quelles incomparables ressources offre la station de Banyuls; il serait superflu d’insister. Je dois ajouter cependant que le laboratoire Arago, quoique spécialement destiné aux études zoologiques est aussi largement ouvert aux botanistes pour lesquels les sujets d’études sont sans nombre tant au point de vue de la flore marine que terrestre ; en outre un cabinet spécial destiné aux études d’agriculture est réservé pour les savants qui veulent faire des études dans la région.
- Les travailleurs ont bien compris les avantages précieux offerts par un laboratoire installé de la sorte et si largement ouvert à tous, aussi ont-ils accouru, alors même que les maçons n’avaient point achevé leur besogne. Depuis lors, ils n’ont cessé de s’y succéder à chaque campagne et les travaux datés de Banyuls sont déjà nombreux.
- Apprécier le mérite du savant qui a doté la France d’établissements tels que les laboratoires de Banyuls et de Roscoff, n’appartient qu’à l’un de scs égaux, mais nous, ses élèves, nous avons le droit de publier sou dévouement à la science, nous avons le devoir de dire ce que M. de Lacaze-Iluthiers a fait pour la zoologie française. H. Prouho.
- FABRICATION
- DES PLAQUES SÈCHES PHOTOGRAPHIQUES
- AU GÉLATINO-BROMURE D’ARGENT
- Les amateurs de photographie sont devenus légion, à tel point que nous nous rappelons cet été, nous trouvant pendant quelques jours à l’une de nos stations maritimes, avoir vu les opérateurs avec leurs chambres noires se toucher presque les uns les autres sur la plage à l’heure du bain. Il est peu de touristes aujourd’hui qui ne soient devenus photographes ; aussi n’est-il pas étonnant que la fabrication des appareils et des produits photographiques ait pris un développement considérable. Nous avons
- p.99 - vue 103/432
-
-
-
- IOi)
- LA NATURE
- déjà donné précédemment.1 une statistique de la fabrication des glaces au gélatino-bromure qui évaluait
- à 50 millions de francs le montant de la production annuelle en Europe. Quelques autres documents
- Fig. 1. — Fabrication tics plaques sèches photographiques. Couchatje de l’ëmulsiou au gélatino-bromure d’argent sur les verres.
- analogues publiés sur le papier sensibilisé montreront à quel chiffre d’affaires s’élève le trafic photographique.
- Le papier qui sert a faire les images, est fabriqué à peu près entièrement par une seule maison française et cette fabrique livre annuellem ent 50 000 rames de papier. Ce papier est ensuite recouvert d’une couche d’albumine et rendu sensible. Le papier ainsi préparé vaut au bas mot 300 francs la rame, sa production atteint donc le chiffre de 15 millions de francs. Les autres pa
- 1 Yoy. n 645, du 26 septembre 1885, p. ‘201.
- piers sensibles au gélatino-bromure d’argent, papiers au charbon, etc., montent au chiffre de 5 millions.
- Si l’on ajoute à cela les 'produits chimiques et l’ébénisterie, on arrive encore au total annuel de 50 millions de francs.
- On voit que la fabrication des glaces , ou plaques sèches, atteint à elle seule la moitié de la fabrication totale des objets photographiques. Tous les photographes de profession, tous les amateurs, s’en servent aujourd’hui. En est-il beaucoup qui connaissent leur mode de fabrication? Nous ne le croyons pas. Pour notre part nous avons voulu nous en rendre compte ; nous nous
- Fig. 2 — Le séchoir des plaques recouvertes de l’émulsion
- p.100 - vue 104/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 101
- sommes adressé à cet effet à l’un de nos plus grands fabricants français, M. I). Hutinet qui a bien voulu nous montrer, dans tous ses détails, son usine de l’avenue Parmentier à Paris. Il nous a semblé intéressant pour tous, et très instructif pour les praticiens, de connaître le mode de confection des plaques sèches dont ils se servent constamment. C’est ce qui nous a décidé à écrire la présente notice.
- Les plaques sèches sont des verres recouverts d’une émulsion au gélatino-bromure d’argent.
- Leur fabrication comprend une série d’opérations que nous allons passer en revue.
- 1° préparation de l'émulsion. — line grande quantité de formules ont été publiées dans les traités spéciaux. Une des plus simples est la suivante. On introduit (en opérant dans une pièce éclairée par la lumière rouge ru-bis)dansun flacon à large ouverture :
- Eau distillée,
- 300 centimètres cubes ; bromure d’ammonium,
- 18 grammes; bonne gélatine,
- 12 grammes.
- Lorsque la gélatine est gonflée, on porte le flacon dans un bain-marie et on élève la température à 40°. Dans un autre flacon on fait dissoudre 27 grammes d’azotate
- Fig. 3. — Le découpage des plaques.
- Fig. A.
- d’argent cristallisé
- soin de remuer l’émulsion avec une longue baguette de verre et de continuer l’ébullition du bain-marie pendant 15 à 20 minutes; après quoi on laisse tomber la température de 55" à 40" environ et l’on ajoute 12 à 15 grammes de gélatine, préalablement
- gonflée dans un peu d’eau distillée.
- Après ces opérations' successives, on verse l’émulsion dans une cuvette et on la laisse refroidir dans l’obscurité. Après la prise en gelée, on la lave pour la débarrasser des sels inutiles et nuisibles; on lapasse à travers un filtre et on la recueille dans une mousseline posée sur un tamis. On lave pendant 20 minutes sous un robinet. L’émulsion est alors remise dans le flacon où l’on introduit une troisième dose de gélatine, 12 a 15 grammes, que l'on fait fondre
- avec l’émulsion qui peut être alors coulée sur les verres.
- 2°Etendagede l'émulsion sur les verres. — Lorsqu’il s’agit d’une grande fabrication, Yéten-daeje ou le couchage de l’émul-sion sur les verres, offre de très sérieuses difficultés. Le temps du couchage des verres doit être aussi court que possible, car l’émulsion change constamment être exécutée très
- dans 150 centimètres cubes d’eau distillée tiède. On verse la solution d’argent en un mince filet de liquide dans la gélatine qu’un mouvement circulaire du bras tient constamment agitée, même lorsque les deux liquides sont réunis dans le même flacon. On reporte ensuite le flacon dans le bain-marie dont on élève la température jusqu’à l’ébullition. On a
- Machine à paqueter les plaques.
- d’état ; l’opération doit promptement pour que
- donc
- a couche soit bien homogène. Le couchage à la main est toujours imparfait à cause de l’inégalité d’épaisseur de la couche qui est toujours plus considérable du côté où on a fait couler la gélatine en penchant, le verre.
- L’opération du coulage de l’émulsion se fait mécaniquement dans l’usine de M. Hutinet. Notre obli-
- p.101 - vue 105/432
-
-
-
- 102
- LA NATURE.
- géant cicérone nous était absolument indispensable pour visiter ses ateliers, car seuls nous n’aurions osé faire un seul pas à cause de l’obscurité qui y règne. A notre entrée dans le laboratoire, nous n’avons rien aperçu que des murs noirs et quelques foyers lumineux rouges. Mais peu à peu l’œil se fait aux ténèbres, il trouve bientôt appréciable la lumière de petites lanternes à verres rouges posées çà et là. Nous avons peu à peu aperçu des ombres; c’étaient les ouvriers au travail; enfin, après un quart d’heure, notre œil étant fait à cette obscurité, nous sommes montés à l’atelier de couchage où se trouve la machine que représente notre première gravure (fig. 1).
- Cette pièce mesure en longueur 20 mètres. Les verres préalablement nettoyés ont exactement la largeur qu’ils doivent conserver une fois coupés ; leur longueur est de im,20. Chaque verre est posé sur deux courroies sans fin qui sont actionnées par une machine à vapeur.
- Le verre, ainsi entraîné, passe sous un rouleau qui appuie très légèrement sur sa surface, un contrepoids servant à l’équilibrer. L’émulsion est contenue dans un récipient chauffé au bain-marie, et que l’on voit au milieu de notre figure; elle s’écoule lentement et en quantité voulue à l’aide d’un robinet en verre et tombe dans une cuvette ayant la largeur du rouleau. Cette cuvette est percée à sa base de petits trous qui permettent à l’émulsion de se répandre uniformément sur le rouleau, qui, dans son mouvement de rotation, couvre le verre d’émulsion. Les verres sont placés les uns à la suite des autres. Ils continuent leur marche sur une longueur de 12 mètres et, pendant ce temps, l’émulsion est figée.
- 5° Séchage des verres. — Au bout de la table, les verres sont pris et placés dans le séchoir (fig. 2). Il se compose de rayons en bois dans une pièce qui a une ventilation peu appliquée jusqu’alors. L’air pris du dehors passe à travers des tampons de ouate et il vient se chauffer sur les tubes où circule de la vapeur sous le double plancher du séchoir ; après s’ètre ainsi chauffé, il monte dans les quatre coins de la pièce jusqu’au plafond, pour se répandre ensuite dans toutes les parties de celle-ci. Au-dessous des rayons, et de chaque côté, se trouvent des claies laissant passer l’air qui est appelé par le tirage de la cheminée d'usine de 24 mètres de hauteur. Ainsi l’air chaud, arrivant par le haut, descend en se chargeant de l’humidité produite par le séchage des plaques. De cette manière il y a peu ou point de poussière, les plaques sont placées sur les rayons la face émulsionnée en dessous.
- 4° Découpage des plaques. — Une fois sèches, c’est-à-dire six à huit heures après leur mise en rayon, les plaques sont portées dans l’atelier de découpage. A l’aide d’une machine très simple qu’une seule ouvrière fait agir, chaque plaque est coupée à la grandeur voulue (fig. 3). Cette machine est composée de deux rainures en bois dont on fixe la largeur à volonté à l’aide d’écrous. Comme
- nous l’avons indiqué, la largeur exacte de la grande plaque est faite avant le couchage; elle est introduite dans cette glissière qui vient se buter à un endroit fixe de manière que la distance comprise entre la règle qui doit guider le diamant et une plaquette qui arrête la glace, soit de la longueur nécessaire au format de la petite plaque qui est alors coupée à l’aide d’un diamant.
- Pendant le coupage, les glaces sont examinées une à une par d’autres ouvrières ; celles qui ont quelque défant sont rejetées tandis que les autres sont remises au paquetage.
- 5° Mise en paquet. — La machine à paqueter (fig. 4) se compose de trois parties essentielles à rainures ; celle du dessous dépasse l’affleurement de la table; elle a six rainures; de petits papiers tuyautés qui y sont préalablement placés s’adaptent exactement dans ces rainures; de chaque côté de la rainure du dessous, s’élèvent deux autres planchettes verticales mobiles à rainures et correspondant aux divisions de celle de la table. Les glaces sont introduites une par une dans ces rainures, et, lorsqu’il y en a six, on place dessus des papiers tuyautés. Cela fait, le système du bas, par un mouvement mécanique, descend au-dessous de l’affleurement de la table en même temps que les deux planchettes verticales s’écartent; les six glaces sont alors serrées entre elles par l’ouvrière et séparées par les petits papiers tuyautés. Elles sont ensuite paquetées et deux paquets sont placés ensemble dans une boîte. Une bande de papier est collée sur l’ouverture des boîtes, qui peuvent après ce travail, être transportées au jour.
- Toute cette fabrication demande de grands soins et un agencement considérable. M. D. Hutinet nous faisait remarquer que pour combattre pendant l’été la chaleur pour le couchage des glaces il avait été obligé de faire un petit canal au-dessus des glaces qui ne sont pas encore figées et que ce canal était alimenté par de l’eau à 12° provenant d’un puits qu’il avait dû faire forer à 40 mètres de profondeur. Gaston Tissandier.
- EXPOSITION DE L’OUTILLAGE
- DES TRAVAUX PUBLICS
- L’Exposition de l'Outillage des travaux publics organisée à la salle des États, du Louvre, par le syndicat des entrepreneurs de travaux publics de France, sous la présidence d’honneur de M. Ferdinand de Lesseps, vient d’être close après une durée d’une vingtaine de jours. Le caractère un peu spécial de cette manifestation industrielle ne nous a pas permis de lui consacrer dans La Nature une description en rapport avec l’importance qu’elle présentait pour les intéressés. Mais l’idée primordiale des organisateurs, de montrer que l’industrie nationale pouvait suffire à satisfaire à tous les besoins des grandes entreprises modernes, mérite les plus grands éloges, et l’empressement de nos constructeurs à répondre à l’appel qui leur était fait, prouve qu’elle a été hautement appréciée
- p.102 - vue 106/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 105
- Hâtons-nous d’ajouter qu’ils ont amplement justifié la confiance que leur témoignent les organisateurs. L’ensemble des appareils représentés démontre que nos chantiers peuvent s’affranchir du concours des constructeurs étrangers. Dragues, excavateurs, locomotives et voies pour entreprises, tout le matériel indispensable à l’exécution économique des grands travaux est étudié avec un soin judicieux, les modèles sont adaptés aux cas les plus divers de la pratique, les dimensions sont établies largement en vue des efforts à vaincre, sans préoccupation d’un bon marché plus apparent que réel, car les répara lions et les arrêts sont bien plus préjudiciables à la production que le prix élevé des appareils quand ils répondent aux conditions de résistance nécessaire.
- Une excellente innovation, due à l’initiative du comité d’organisation, consiste à demander aux exposants de publier leurs catalogues et notices dans un format uniforme, afin qu’ils puissent être réunis ultérieurement en volume.
- Nous féliciterons, en terminant, le comité d’organisation, composé de MM. Dulau, président ; Gellercet, vice-président ; Couvrcux fils, commissaire; Ch. Bourdon, secrétaire et de plusieurs autres membres, du succès qui a couronné leur œuvre, succès qui les encouragera, nous l’espérons, à la renouveler dans des conditions de temps et de local qui permettent de la rendre plus complète encore. G. R.
- LES HOMMES INCOMBUSTIBLES
- (Suite et lin. — Yoy. i>. 4t.)
- Nous allons chercher à donner l’explication des faits que nous avons cités précédemment.
- Le durcissement de l’épiderme, chez les ouvriers, doit être d’abord pris en sérieuse considération.
- En 1774, à la forge de Laune (près la Ferlé-Rernard) un homme marchait, sans se faire aucun mal sur des barres de fer ardentes, tenait sur sa main des charbons embrasés et les soufflait avec sa bouche; la peau de cet homme était épaisse et naturellement enduite d’un suintement gras et onctueux.
- Les Aïssaoua ne semblent devoir leur faculté do marcher sur des fers rouges qu’au simple durcissement do leur épiderme, les Arabes avant l’habitude de marcher toujours pieds mis, et cela depuis leur enfance.
- On voit quelquefois des forgerons mettre un morceau de fer chauffé au rouge dans leurs mains et le transporter à quelques pas. Nous avons même vu un jeune ouvrier aux mains très calleuses transporter un morceau de fer rouge, à une distance de 100 mètres, et cela à la suite d’un pari; seulement, pendant ce transport, il jetait rapidement et continuellement le morceau de fer d’une de ses mains dans l’autre de façon à éviter un contact trop prolongé.
- Nous avons vu aussi un maréchal ferrant prendre avec la main et jeter un fer rougi, qui était tombé sur la cuisse d’un cheval entravé. Certains maréchaux prennent également avec leurs mains, dans le feu de la forge, un fer à cheval chauffé a blanc et le posent sur l’enclume. Un vieil ouvrier de la Com-
- pagnie des omnibus (dépôt de U Alma) exécute celte prouesse avec la plus grande tranquillité.
- Les cuisinières prennent entre leurs doigts un charbon embrasé tombé de leur fourneau.
- L’ouvrier de la campagne éteint également une chandelle entre le pouce et l’index, ou en raccourcit la mèche. Il étouffera de même le papier en flamme avec lequel il vient d’allumer sa pipe.
- Ce sont, là des exemples d’incombustibilité à des degrés divers dns au simple durcissement de l'épiderme par le travail.
- Cela ne suffit [tas cependant pour expliquer d’une façon complète les tours des individus s’exhibant on public comme incombustibles.
- Les expériences du médecin et chimiste italien Sémentini ont montré qu’il existe en effet des préparations, des enduits qui, mis sur la peau, la rendent absolument insensible au contact du feu ou des corps incandescents.
- Au commencement de ce siècle, un Espagnol se montra à Paris comme doué d’une incombustibilité surnaturelle; ses expériences étaient à peu près celles de Richardson, dont nous avons parlé dans notre précédent article; elles eurent également pour effet de provoquer parmi les médecins et les savants français, des discussions sur la manière dont elles pouvaient être obtenues.
- A peu près à la même époque, un Italien nommé Lionctti exécuta des tours d’incombustibilité à Naples et fut soigneusement observé par Sémentini, alors premier professeur de chimie à l’Université de cette ville.
- Lionctti commençait par promener une barre de fer rouge sur ses cheveux sans que ceux-ci fussent brûlés, il la faisait ensuite passer sur ses bras et sur ses jambes. De la pointe du pied ou du talon il frappait à plusieurs reprises un morceau de fer rougi à blanc; il mettait un fer rouge entre ses dents; il buvait de l’huile bouillante, trempait ses doigts dans du plomb fondu et en faisait tomber des gouttes sur sa langue ; il y passait aussi une baguette de 1er rouge sans paraître en souffrir le moins du monde. Il exposait son visage à la flamme de l’huile, ou aux vapeurs qui se dégageaient quand on versait sur des charbons embrasés, de l’acide sulfurique, azotique ou chlorhydrique.
- Sémentini résolut de chercher le secret de ces expériences. 11 remarqua notamment qu’au moment où l’incombustible promenait sur sa tôle une barre de fer rouge, il se dégageait de ses cheveux une quantité considérable de vapeur blanchâtre et opaque; qu’il en était de mênte quand ses bras, ses jambes ou ses pieds, se trouvaient être en contact avec la barre rouge; que lorsqu’il versait sur sa langue du plomb fondu ou la touchait d’un fer chaud, la surface de celle-ci était couverte d’un enduit blanc à peu près semblable à la saburre qu’y dépose la fièvre. Sémentini conclut de ces observations (jue Lionelti se servait de préparations qui préservaient momentanément l’épiderme et résolut de déterminer la nature de celles-ci.
- p.103 - vue 107/432
-
-
-
- 104
- LA NATURE.
- Ses premiers essais n’eurent aucun résultat. Enfin après s’être soumis à tles frictions répétées d’acide sulfureux, il put s’appliquer sur la peau impunément une barre de fer rouge. Continuant ses essais il trouva qu’une dissolution d’alun avait la même propriété. Un jour, par hasard, ayant frotté de savon la surface de sa main préalablement imprégnée d’alun, il trouva que l’incombustibilité de celle-ci avait beaucoup augmenté. 11 osa alors mettre un fer rouge sur sa langue.
- Il découvrit même qu’une couche de sucre en poudre recouverte de savon suffit pour rendre cet organe complètement insensible.
- Sémentini, à la suite de toutes ces expériences, de tous ces essais réitérés, était parvenu à être beaucoup plus incombustible que le charlatan qui lui avait suggéré ce genre d’étude.
- Tel est, d’après le savant chimiste, le secret de l’homme incombustible au fer rouge et aux charbons ardents. Il est certain que les pauvres saltimbanques qui exécutent dans les fêtes foraines des expériences de ce genre, emploient, soit la préparation découverte par le chimiste italien, soit d’autres du même genre.
- Les mangeurs de feu.
- — Les incombustibles joignent ordinairement à leurs expériences l’ingestion plus ou moins réelle de substances en-llammées. Nous venons de le voir pour ceux dont nous avons parlé,
- Lionetti, l’Espagnol et Richardson. Un témoin enthousiaste des expériences de ce dernier racontait ceci (dans les Transactions philosophiques) : « 11 avalait du fer fondu, de la poix, du soufre, de la cire mêlés ensemble, le tout enflammé de façon que la flamme sortait de sa [bouche, et cette composition faisait autant de bruit dans sa gorge qu’un fer chaud qu’on trempe dans l’eau. »
- En outre, comme nous l’avons vu, il mettait dans sa bouche des charbons ardents, et faisait cuire sur ceux-ci un morceau de viande.
- Vers la même époque (fin du dix-septième siècle), le médecin Thoisnard assurait avoir vu une dame a Orléans qui faisait dégoutter sur sa langue de la cire d’Espagne allumée.
- De nos jours, manger du feu est devenu un simple tour d’adresse exécuté par des acrobates, des saltimbanques, s’exhibant en public.
- Tous ces faits, qui semblent d’abord si extraordinaires, s’expliquent, en somme, très facilement. Dodart, à propos des expériences de Richardson, faisait remarquer que la langue, si sensible aux saveurs, est relativement peu impressionnable, surtout à sa surface, à la chaleur. On voit des personnes très délicates avaler des mets à une température extrêmement élevée. 11 fait remarquer que le charbon se dépouille de son calorique sitôt qu’il est éteint et que beaucoup de personnes peuvent placer sur leur langue un petit morceau de charbon incandescent pourvu qu’elles humectent celle-ci d’un peu de salive. Dodart montre que le charbon sur lequel Richardson faisait cuire un morceau de viande ou une huître, était à plus d’un pouce de sa langue, qu’il avait soin de l’envelopper d’un morceau de chair et que le soufflet qui était censé attiser le feu, servait plutôt à rafraîchir la langue du physicien qu’à embraser davantage le charbon. Pour le mélange enflammé de poix, de soufre et de cire, Dodart assure qu’il a pu y tenir le doigt pendant deux secondes sans ressentir aucune douleur. Il fait observer que la plupart des matières enflammées (pie l’on porte à la bouche s’éteignent aussitôt que celle-ci est fermée, et que la nature du gaz qui s’exhale de nos poumons doit encore hâter cette extinction.
- Cette dernière remarque est l'explication du tour attribué à un capitaine de navire qui, « avalant devant quelques Hottentots de l’eau de-vie enflammée, les vit se prosterner à ses pieds et fut proclamé par eux le plus grand féticheur de l’univers. »
- Souffler du feu, des flammes* de la fumée, n’est guère plus difficile. On voit journellement ce tour exécuté dans les plus pauvres baraques foraines, par les pitres des carrefours (fig. 1) ou bien encore dans les cirques.
- Les procédés employés par les souffleurs de feu sont des plus simples. Certains mangeurs d’étoupes enflammées se contentent de faire une petite pelote d’étoupe qu’ils pressent fortement, puis ils l’allument et la laissent se consumer presque en totalité; alors l’enroulant dans de l’étoupe nouvelle pour préserver la muqueuse de la bouche du contact de la pelote incandescente, ils soufflent doucement en
- Fig. 1. — Saltimbanque avalant (les éloupes enflammées.
- p.104 - vue 108/432
-
-
-
- Fig. 2. — Expérience de liquide combustible, brûlant sur un chapeau, sur un mouchoir, etc., sans produire d’incendie, exécutée
- au Conservatoire des ,\rts et Métiers en 1881,
- Fig. 5. — Homme vêtu d’un costume incombustible, sauvant un entant d'un incendie
- p.105 - vue 109/432
-
-
-
- 106
- LA NATURE.
- ayant soin do no rospiror qno par lo nez et. projettent ainsi de la famée et des étincelles. Un autre procédé plus perfectionné consiste à introduire dans la bouche une sorte de fourneau de pipe en lerre ou en métal bourré de matières charbonnées, et à souf-11er doucement par un mécanisme analogue à celui que l’on emploie quand on se sert du chalumeau en chimie.
- Les liquides volatils. — Quelques liquides ont la propriété de s’enflammer et de brûler sans endommager les objets sur lesquels ils sont répandus ou sur la peau sans produire sur celle-ci de sensation douloureuse. Ce sont, en général, des liquides très volatils comme les essences, l’éther, etc. Certaines personnes mettent un pou d’éther dans le creux de leur main, l’allument et le laissent briller sans éprouver la moindre sensation de brûlure. Il y a quelques années, l’inventeur d’un nouveau produit pour l’éclairage, M. Kordig, a fait devant plusieurs sociétés savantes et dans une soirée donnée par M. Hervé Mangon au Conservatoire des Arts-et-Mé-tiers, de très curieuses expériences. Voici comment La Nature en rendait compte à cette époque :
- « M. Kordig verse abondamment le liquide sur son chapeau et il le fait brûler; une grande flamme s’élève jusqu’au plafond ; au grand étonnement des spectateurs, il place son chapeau sur sa tète et attend que la flamme se soit éteinte; le chapeau est intact (fig. 2). L’opérateur répand du liquide sur le parquet, où il le fait brûler, le parquet n’est nullement endommagé. On peut verser quelques gouttes du liquide dans le creux de la main et l’y faire brûler sans éprouver une sensation de chaleur appréciable. » Un explique comment des substances peuvent brûler sur des objets sans les endommager, ou sur la peau sans occasionner de brûlure, de la façon suivante : Ces substances, éther ou essence, sont très volatiles, leur tension de vapeur est considérable et, en réalité, quand elles brûlent, ce n’est que leur vapeur qui est enflammée. Celle-ci, même alors, tend à emprunter du calorique au liquide. D’où celui-ci peut rester à une température relativement basse, tandis que sa surface est en flamme ; c’est là l’explication rationnelle de ce fait très curieux, un liquide brûlant dans la main sans blesser celle-ci.
- Les vêtements incombustibles. — On a cherché à obtenir des vêtements incombustibles permettant de pénétrer impunément au milieu des flammes, soit pour sauver des personnes, soit pour combattre plus aisément les incendies. Parmi les essais faits dans ce sens, on cite ceux du chevalier Àldini ; ses vêtements étaient formés de toile métallique et de drap fort, imbibé d’alun ; la tète était préservée par un capuchon d’amiante, les mains garnies de gants également en amiante. Pour montrer l’efficacité de son vêtement, l’inventeur a exécuté, vers 1830, une série de curieuses expériences : ainsi, revêtu de son costume, il prit une barre de fer rouge qu’il porta plus de cinquante pas, put enflammer de la paille par son seul contact et revint la mettre dans le four-
- neau. 11 porta, une autre fois, une poutre enflammée. 11 put se promener sur une grille de fer au-dessous de laquelle brûlaient des fagots. Entre une série de feux lormantun couloir de, plus de 10 mètres de, long rempli de flamme et de fumée, six hommes revêtus du costume incombustible passèrent à petits pas. Un des expérimentateurs traversa la fournaise en portant un panier recouvert d’un tissu métallique et dans lequel se trouvait un enfant. Des hommes courageux, à l'aide de costumes incombustibles, ont pu, dans des incendies, pénétrer ainsi au milieu des flammes et opérer de merveilleux sauvetages (fig. 3).
- 11 y a quelques années, des expériences ont également été faites à Paris avec un vêtement incombustible d’un autre système : ce vêtement se composai! de plaques d’éponges juxtaposées et réunies de façon à former une enveloppe complète. Ces éponges, une fois imbibées d’eau, constituaient une véritable cuirasse liquide qui, interposée entre les flammes et le corps, préservait celui-ci de toute brûlure. De temps en temps, un jet de pompe était dirigé sur l’expérimentateur pour maintenir les éponges toujours humides et, conserver au vêtement son incombustibilité. Cuyot-Daurès,
- H.-M. STANLEY
- ET SON OUVRAGE SUR LE CONGO.
- Depuis sa descente du Congo, depuis qu’il a reconnu, contre l’avis de Livingstone et de tous les géographes de son temps, que le Lualaba et la chaîne de lacs qui l’alimente est la tête du Congo et non celle du Nil, M. II. M. Stanley s’est classé au premier rang des explorateurs contemporains. Le très important ouvrage qu’il vient de publier sur le Congo et la fondation de son Etat libre contient des données trop nouvelles et trop intéressantes sur l’Afrique centrale pour que La Nature n’en donne pas un résumé à ses lecteurs.
- A peine était-il de retour en Europe, que Stanley entrait en relations avec le roi des Belges, Léopold II, qui avait conçu le projet d’ouvrir an commerce et à la civilisation l’immense area que le voyageur venait de parcourir.
- Dès que son état de santé le lui permit, Stanley fut mis à la tête d’une expédition organisée par le Comité d’études du haut Congo qui allait devenir, peu de temps après, l’Association internationale africaine.
- Il commence par recruter à Zanzibar une partie des noirs qui l’ont accompagné pendant son premier voyage et arrive, le 14 août 1879, devant l’embouchure du Congo à la pointe de la Banane.
- Un bâtiment chargé de chaloupes à vapeur démontées, de vivres, de provisions de toute sorte, d’objets de campement et d’outils de toute nature, l’a précédé. Il s’agit de transporter tout ce matériel
- p.106 - vue 110/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 107
- jusqu’au point terminus de la navigation du Congo, c’est-à-dire au pied des chutes Yellala qui ont arrêté l’expédition Tuckey en 1816. Ce devait être la première étape du voyageur, et, si elle ne fut pas exempte de certains dangers, car on n’était encore aucunement familiarisé avec la navigation de ce fleuve immense, au courant violent, qui ne peut être comparé qu’au fleuve des Amazones, elle ne mérite pas du moins (pion s'y arrête longtemps.
- Quand on aura cité les factoreries de Conta da Lenlia cl de Borna, on aura enregistré toutes les localités occupées par les blancs à'cette époque. Si Stanley se plaint de la monotonie de la navigation sur le bas Congo, de sa solitude et du manque absolu des marques de la présence de l’homme, il n’en est plus de même aujourd’hui, et l’on ne compte plus les steamers, les péniches, les barques, les canots qu’on croise sur le fleuve devenu le siège de factoreries importantes sur lesquelles flottent côte à côte les pavillons de l’Angleterre, de la Hollande ou de la France.
- Si peu connu que fut le cours inférieur du Congo, il l’était un peu du moins, mais plus le voyageur se rapprochait de Yellala, plus la solitude se faisait, plus il lui semblait difficile de réunir les documents (pii lui faisaient défaut pour la navigabilité du fleuve à toutes les époques de l’année. Son expérience personnelle, celle des quelques Européens qui l’accompagnaient allaient y suffire.
- Dans une localité qui paraît réunir toutes les conditions désirables, facilité d’accès, voisinage des chutes, fertilité, possibilité de défense avec un petit nombre d’hommes, à Yivi, M. Stanley achète un terrain, l’approprie, y élève ses maisons de bois, y creuse dans le roc un jardin, installe des étables et des magasins à provisions ; bref, en fait une tête de ligne.
- Ces travaux achevés, il part afin de reconnaître la contrée jusqu’à la cataracte d’Issanghila et de déterminer les endroits les plus propices pour l’établissement d’une route carrossable de 15 pieds de large par laquelle, vu l’impossibilité où il se trouve de faire passer ses embarcations par-dessus les cataractes, il compte les traîner sur des wagons jusqu’à l’endroit où il trouvera un bief navigable.
- Le récit de ces travaux d’Ilercule, l’expression n’est pas exagérée, qui lui demandent une année entière, dans un pays fort accidenté, où les gorges et les ravins, les rivières et les torrents succèdent aux collines dont quelques-unes n’ont pas moins de 1000 mètres de haut, est on ne peut plus instructif. Jusqu’alors Stanley n’a été qu’un journaliste, un reporter devenu par occasion explorateur ; il devient ingénieur, préside à la construction des plans, à l’empierrement des chaussées, à l’ouverture, à travers les rochers et les bois, sur les pentes abruptes des collines, d’une route qui'dui permet, à force de voyages et grâce à l’aide des naturels aussi bien qu’à l’endurance de ses compagnons, de transporter jusqu’à Issanghila son matériel et ses provisions.
- C’est pendant l’exécution de ces travaux que S tan . ley reçut la visite de notre compatriote de Brazza, qui, après avoir installé à Stanley pool un petit poste et s’être fait céder par le Makoko un territoire en toute propriété, regagnait la cote, épuisé par un long-voyage dont le point de départ avait été l’estuaire de l’Ogoué.
- Les populations que Stanley avait jusqu’alors rencontrées l’avaient accueilli amicalement et s’étaient empressées de lui fournir les travailleurs et les vivres dont il avait besoin. Aussi superstitieuses que les noirs de la côte, ces tribus sont exploitées par des sorciers qui leur vendent bien cher des amulettes et des r/risgris et qui leur font adorer de bizarres idoles, recouvertes de loques bigarrées agrémentées de plumes aux couleurs éclatantes.
- A peine arrivées à Issanghila, les embarcations sont lancées sur le fleuve. Elles remontent le courant jusqu’à Manyanga où une nouvelle station est établie et de là gagnent Stanley pool, sorte de lac formé par le fleuve, au milieu duquel se trouve l’île Banni. Sur la rive méridionale du Congo, Stanley installe un nouvel établissement, Léopoldville. Là, cette future capitale de l’Etat libre du Congo est représentée par un fortin dressé sur une colline qui commande le pays, par quelques centaines de huttes indigènes et de magasins à provisions dont les environs ont été entourés de jardins potagers. La situation paraît bien choisie. L’eau et le bois sont abondants, la terre est fertile, les indigènes paraissent animés de dispositions bienveillantes et la position stratégique de Léopoldville qui domine tout le pool permet une résistance facile.
- Au-dessus de Stanley pool, sur la rive méridionale du Congo, débouche un important cours d’eau, le Koua,chez les Wabuma. Stanley en entreprit la reconnaissance et apprit qu’il reçoit sur sa rive sud une grosse ri vière, le Mbileh, qui n’est vraisemblablement que le cours supérieur du Kuango. Le Mfini, qui forme le cours supérieur du Koua n’est autre, ainsi que nous venons de l’apprendre par la très intéressante exploration du lieutenant Wissmann, que le Kassaï. Déjà, au cours d’un voyage accompli pendant les années 1881 et 1882 de concert avec le docteur P. Pogge, le lieutenant Wissmann avait exploré une partie du cours supérieur du Kassaï et reconnu un certain nombre de ses affluents entre lesquels le Louloua ; il vient cette fois-ci de résoudre un problème très important, qui préoccupait depuis longtemps les géographes; et cette découverte le range du coup au premier rang des voyageurs africains.
- C’est après son intéressante découverte, en 1882, que Stanley reprit la route d’Europe où l’accueil bienveillant qui lui fut fait ne put lui faire oublier l’ennui que lui avaient causé les découvertes et les travaux de ses émules sur le noir continent. Il eut même le tort de laisser trop ouvertement percer sa mauvaise humeur en plus d’une occasion et de trai-
- p.107 - vue 111/432
-
-
-
- 108
- LA NATURE.
- ter notamment notre compatriote, M. de Brazza, avec un dédain blessant et une injustice flagrante.
- A la fin de l’année, Stanley regagnait le Congo et le 9 mai 1882 partait de Léopoldville pour le liant fleuve avec deux chaloupes à vapeur et deux embarcations portant quatre-vingts hommes d’équipage et les approvisionnements nécessaires.
- On ne faisait guère par jour que 25 milles et l’on descendait à terre tous les soirs pour renouveler les provisions de combustible et d’eau potable. Nul incident extraordinaire ne vint marquer cette navigation presque toujours paisible. Enfin par 0°,1/ de latitude nord fut fondée la station dite de l’Équateur dans une région fertile, chez des peuples bienveillants qui s’empressaient de livrer aux Européens toutes les provisions qu’ils pouvaient désirer à très bon marché.
- Equator station est presque à l’embouchure d’un gros cours d’eau, le Buruki ou Mo-hindu, la rivière noire qui pourrait être la tète du Kassai.
- Stanley reprit alors la route de Léopoldville afin d’y chercher son courrier d’Europe avec de nouvelles instructions. Trois mois plus tard il était a la station de l’Equateur prêt à s’élancer de nouveau 5 ou G00 milles plus loin. C’est ce qu’il fit jusqu’aux chutes qui ont gardé son nom où, sous le commandement, d’un Écossais nommé Binnia, il organisa un nouvel établissement de traite et de commerce.
- Mais déjà la contrée avait été envahie par les Arabes et les demi-sang, encore plus barbares, venus de la côte orientale d’Afrique, et ils avaient procédé, de concert, à leurs ravages accoutumés pour recueillir des esclaves, marchandises dont le prix s’est considérablement accru depuis que presque tous les marchés officiels se sont fermés et qu’on ne peut plus s’en défaire que d’une façon clandestine.
- Stanley, partout où il passa, eut la chance de nouer des relations amicales avec les indigènes. Ces mêmes peuples, qu’il nous représentait en 1879 comme des cannibales acharnés, qui lui livraient sur le Congo combat sur combat et qui le poursuivaient comme le loup chasse la brebis dont il compte se repaître, étaient devenus si calmes, si bienveillants, qu’on ne peut les reconnaître. L'un d’eux, le
- chef des Wenyas, disait même à Stanley au moment où celui-ci allait reprendre la route de l’ouest :
- « Allez en paix, vos hommes seront mes enfants pendant votre absence. Je me charge de les nourrir et, jusqu’à votre retour, je rêverai toutes les nuits que je vous revois. »
- Stanley, après avoir conclu tout le long du fleuve des traités de paix et d’alliance et avoir assuré par cette reconnaissance pacifique, qui tranche si étrangement avec sa primitive descente du Congo si mouvementée et si belliqueuse, reprit la route d’Europe où sa présence était nécessaire au Congrès qui allait régler le sort et les limites du nouvel Etat fondé par le roi des Belges.
- Mais ces détails étaient déjà en partie connus et la presse quotidienne nous avait tenus au courant des actions du reporter colonisateur ; ce ne sont pas eux, d’ailleurs, qui donnent au nouvel ouvrage qu’il
- vient de publier son originalité et son intérêt.
- Ce sont ses vues sur l’avenir du nouvel Etat, sur ses ressources et les moyens pratiques de les con-quérir. Nous avons dit que, sur une longueur de 226 kilomètres, le Congo est barré par des chutes et des rapides, mais •au - dessus il forme, jusqu’aux Stanley falls, sur un cours de 1789 kilomètres, un bassin parfaitement navigable.
- La partie de l’Afrique qu’il traverse est largement arrosée, très fertile et nourrit une population de 45 millions d’habitants. Ivoire, caoutchouc, arbres propres à tous les usages, mines, terres fécondes, telles sont ses ressources que Stanley, en se grisant un peu de ses propres paroles, évalue à des milliards.
- C’est ce noyau de l’amande, pour nous servir d’une de ses expressions, qu’il faut avaler. Naturellement l’explorateur n’en ferait qu’une bouchée, n’étaient les dentelures du sol entre Vellala et Is-sanghila.
- Un canal latéral n’étant pas possible pour atteindre son objectif, M. Stanley a pensé à un chemin de fer et, comme dit un proverbe latin, « en forgeant on devient forgeron, » il s’est improvisé ingénieur en perçant les routes destinées au passage de ses bateaux.
- En réduisant les dépenses au minimum, les frais
- Les idoles de Banza-Ouvana, village du Congo.
- p.108 - vue 112/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 109
- d’établissement nedépasseraient pas 15 500 000 francs, et 25 millions suffiraient pour relier, par une seule ligne à une voie, Vivi à Léopoldvilîe. Que serait cette dépense auprès des bénéfices de la vente d’articles européens aux do millions d'habitants? Que serait-ce auprès des trésors inappréciables que donneraient au commerce européen les ressources iné-
- puisables d’un aussi vaste pays, fertile, riche en denrées de toute sorte?
- On comprend que nous ne suivions pas l’auteur dans le développement de ces vues hypothétiques, mais il était bon de les indiquer, parce que si ses évaluations sont exagérées, il n’en est pas moins vrai qu’il y a là un champ immense ouvert à l’ini-
- E.JffOfiJZU Sc.
- "F
- VàÏI SAHARA iocéeHAHD
- Ÿ*Louis ° --
- 'DESERT' £§ f vS^endieftÿ JMO&L
- ' ~Sifg K V-
- n>rsn
- Cartes des progrès de la decouverte de l’Afrique. (Les parties teintées représentent les régions inconnues.
- tiative de nos commerçants ; et au moment où tout le monde se plaint de voir les marchés se fermer, la concurrence se faire plus active, il est bon de signaler ce débouché qui vaudra plus pour le commerce du monde entier que n’a rapporté la découverte de l’Amérique. Stanley aura été l’un des ouvriers de la première heure, un des plus tenaces et des plus habiles, et les services qu’il aura rendus à
- l’humanité, à la civilisation, sont considérables. Ce n’est pas une raison cependant pour oublier notre compatriote Savorgnan de Brazza qui, avec des moyens infiniment plus modestes, presque seul et sans autre argent que de maigres souscriptions ministérielles auxquelles il dut joindre une partie de sa fortune personnelle, sut assurer à la France un immense territoire et montrer par des voies exclu-
- p.109 - vue 113/432
-
-
-
- MO
- LA NATURE.
- sivement pacifiques à ces populations barbares combien notre civilisation est supérieure à l’état misérable dans lequel elles ont été jusqu’ici maintenues par des despotes impuissants, jaloux, de leur semblant d’autorité et ennemis de tout progrès. La Nature parlera prochainement des grandes entreprises de M. de Brazza. Gabriel Marcel.
- NÉCROLOGIE
- Le D' Dechambre. — M. le docteur Amédée De-chambre, membre de l’Académie de médecine et de la Société des hôpitaux, médecin du Conseil d’Etat, officier de la Légion d’honneur, a succombé le 6 janvier, à l’âge de soixante-quatorze ans, aux suites d’une hémorragie cérébrale.
- L’Académie de médecine perd, en lui, un de ses plus dignes associés, le corps médical parisien, un de ses membres les plus distingués, la presse scientifique, le plus respecté, le plus incontesté de ses directeurs.
- Le Dr Dechambre avait fondé en 1853 la Gazelle hebdomadaire de médecine et de chirurgie qu’il n’avait cessé de diriger depuis cette époque. Directeur du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, qui compte aujourd’hui plus de quatre-vingts volumes, il a su élever à la médecine un monument comparable à celui qui a rendu a jamais illustre le nom de Littré.
- M. Dechambre était justement considéré par tous ses confrères comme l’arbitre des questions déontologiques, et son dernier liyre peut être regardé, à bon droit, comme un traité des droits et des devoirs du médecin. Tout à la fois savant, écrivain, moraliste, M. Dechambre laisse après lui un grand nombre de travaux qui touchent à toutes les branches de la médecine, et son nom restera toujours vénéré comme celui de l’un des plus laborieux et des plus honnêtes parmi les médecins contemporains.
- CHRONIQUE
- Concours international d’appareils anti-cryptogamiques et insecticides. — Le Ministère d’agriculture, industrie et commerce du royaume d’Italie, dans le but de favoriser et de faciliter l’application des remèdes en solution, eu poudre ou en mélanges contre les cryptogames et les insectes parasites des plantes eulli- j vées, et surtout l’usage du lait de chaux contre le Pero-nospora de la vigne (mildew), a établi d’ouvrir un Concours international qui aura lieu à l’Ecole royale de viticulture et œnologie de Conégliano (près de Venise).
- Le Concours comprendra : pompes et instruments d’arrosement, d’irrigation et de pulvérisation. Les prix destinés sont les suivants: 1 médaille d’or et 500 francs;
- 3 médailles d’argent et 150 francs chacune; 5 médailles de bronze.
- Les concurrents devront envoyer les demandes d’admission avec brève description des objets, à la direction de ladite Ecole royale de viticulture avant le 22 février 1886. A ces demandes on devra encore noter les prix de chaque objet que l’on envoie au concours.
- Le tunnel sous la Manche. — Le 23 décembre 1885 a eu lieu l’assemblée générale annuelle de la Submarine Continental Railivay Company Limited, dont
- sirE.-W. Walkins, M. P., est le Président. Sir Watkins, en proposant l’adoption du rapport, dit que le tunnel dont les travaux sont» complètement arrêtés depuis trois ans, ne montre aucun symptôme d’avarie. Environ 2 kilomètres ont été percés, depuis l’entrée à la base du puits, dans la direction de la Fiance. Une tour servant d’observatoire a été construite au-dessus de l’entrée, et depuis 15 mois, environ 50 000 à 75 000 francs ont été dépensés, en grande partie pour la construction de ladite tour et aussi pour le maintien du tunnel dans des conditions de drainage et de ventilation telles, qu’il soit possible, à tout moment, d’y conduire des groupes d’ingénieurs et de leur montrer les l’ésultats merveilleux qui ont été obtenus. Sir Watkins se propose, avec la sanction des actionnaires, de dépenser encore un peu plus d’argent en frais parlementaires, pour arriver à connaître l’opinion de la nouvelle Chambre des Communes sur le sujet. Tout récemment, les autorités militaires de Douvres ont prié l’ingénieur de la Compagnie du tunnel sous-marin de poser un tuyau allant de l’entrée du tunnel à l’extrémité de la jetée de Douvres, dans l’intention d’essayer l’emploi de l’air comprimé à la manœuvre du canon de 81 tonnes installé dans la tourelle à cet endroit. Cela fut fait, et les autorités militaires ont maintenant un agent précieux à leur disposition. Sir Watkins est toujours aussi confiant et plein d’espoir dans l’avenir du tunnel et espère qu’un changement d’opinion s’opérera forcément avec des explications plus détaillées et lorsque les avantages du projet auront reçu la considération calme qu’il mérite. J. B.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 11 janvier 1886. — Présidence de M. l'amiral
- JcRIEX DE LA GrAYIÈRE.
- De, Saint-Venant. — Une nouvelle perte est venue cette semaine éprouver l’Académie des sciences. Un membre de la section de mécanique connu par de très importants et très savants travaux, M. Barré de Saint-Venant, est mort mercredi dernier à Saint-Ouen près Vendôme. 11 avait contracté peu de jours avant, pendant un court voyage à Paris, la fluxion de poitrine qui l’a emporté. Né en 1797, il sortait de l’École polytechnique en 1816 pour entrer dans le service des poudres et salpêtres d’où il passait plus tard dans celui des ponts et chaussées. En 1852, il prit sa retraite avec le grade d’ingénieur en chef.
- Le véritable Métropolitain. — Sous ce titre, un de nos plus savants ingénieurs, depuis longtemps connu des lecteurs de La Nature, M. Ch. Tellier, adresse un projet destiné à fixer l’attention. Il s’agit d’établir dans Paris un chemin de fer mettant en rapport mutuel les principales gares, les halles, les postes, et n’apportant cependant par son installation aucun trouble sensible dans nos habitudes. La voie serait construite sous forme d’un pont prenant la Seine suivant son axe depuis le Point du Jour jusqu’au pont de Charenton. Des embranchements raccorderaient ce grand travail au chemin de ceinture. M. Tellier a étudié son projet à fond et va le soumettre à l’appréciation des Chambres.
- Culture rationnelle du blé. — C’est comme suite à leur récent travail sur la betterave, que MM. P.-P. Dehé-rain et Porion exposent à l’Académie par l’intermédiaire de M. Peligot les résultats obtenus dans la culture du blé
- p.110 - vue 114/432
-
-
-
- LA NATURE.
- à Wadrecques (l'as-de-Calais) el à Bloringhen (Nord). Ko employant le blé à épi carré et en lui donnant de fortes fumures, les auteurs ont réussi à obtenir plus de 50 hectolitres dans un cas, plus de 60 dans un autre ; ce sont là des rendements considérables et qui laissent entre les mains des cultivateurs des bénéfices notables.
- Les brillants résultats ne peuvent être obtenus qu’avec des variétés présentant une grande résistance à la verse ; aussi les auteurs pensent-ils que les efforts des agronomes doivent être dirigés actuellement vers la découverte de variétés plus prolifiques et moins délicates que celles qu’on trouve habituellement. Le succès déjà obtenu dans la recherche de ces variétés montre que très probablement on pourra, en poussant les recherches dans ce sens, tirer le plus grand profit de l’extrême plasticité que présentent presque toutes les plantes cultivées.
- Un bolide. — Mon savant ami, M. Charles Durier, vice-président du club Alpin, me communique l’observation d’un bolide qu’il a faite le 17 novembre en compagnie de M. Paul Joanne. Ces messieurs suivaient à 6 heures du soir environ le quai des Tuileries et allaient vers les Champs-Elysées quand, un peu avant le pont de Solférino, ils aperçurent dans le ciel, (jp côté du Troca-déro, une boule lumineuse d’un vert d’émeraude brillant et de la grosseur apparente d’une orange, mais de forme un peu allongée dans le sens vertical. Après une trajectoire de 20 à 25 degrés dirigée vers le nord, le météore s’est éclipsé sans bruit.
- Photographie solaire. — On examine avec le plus vif intérêt la photographie d’une tache solaire obtenue à l’observatoire de Meudon par M. Janssen. On y voit que les facules où le télescope ne discerne que des amas de lumière sont réellement constituées par les mêmes granulations (grains de riz ou feuilles de saule) dont est faite toute la surface solaire. Ce qui ajoute beaucoup d’intérêt à ce résultat, c’est que la photographie a été obtenue avec des rayons violets, c’est-à-dire extrêmement peu lumineux. 11 confirme l’assertion déjà énoncée par M. Janssen que la photographie astronomique n’est pas seulement propre à l'enregistrement des faits, mais constitue encore un procédé de découvertes.
- Vitesse du son. — Une conduite d’eau de 6 kilomètres et demi environ destinée à la ville de Grenoble a fourni à M. Yiolle le moyen d’étudier la transmission du son à grande distance. L’explosion d’un coup de pistolet détermine d’abord une onde extrêmement confuse ; mais on la voit bientôt se simplifier; elle se réduit même finalement à une onde unique dont, par des réflexions successives, on a pu suivre la propagation jusqu’à 50 kilomètres : elle est insensible à l’ouïe.
- Election de candidats. — La mort de M. Yvon Villar-ceau a laissé vacante une place au Bureau des longitudes. L’Académie soumettra au choix du Ministre une liste de deux candidats portant : en première ligne, M, Bouquet de la Grye et en seconde ligne M. Callandreau.
- Transmission de la pustule maligne. — D’après les expériences de M. Felz, professeur à la Faculté de Nancy, le virus charbonneux subit dans la terre une atténuation progressive, comparable à celle qu’on sait lui infliger dans les laboratoires. Durant la première année d’enfouissement, il est mortel sans exception aux lapins; la deuxième année, il ne lue qu’une partie des lapins inoculés ; la troisième année, il n’en tue plus du tout, quoique restant funeste pour les cochons d’Inde.
- Varia.— M. Mourcaux annonce qu’il s’est produit samedi dernier une perturbation magnétique de plus de 1 degré, c’est-à-dire d’une intensité tout à fait exceptionnelle. — Les hydrates de l’acide hypophosphorique sont étudiés par M. Joly. — Des expériences démontrent à M. Yulpian que les lésions du bulbe rachidien déterminent l’hémianesthésie alterne. Stanislas Meunier.
- ---^ v”>——
- ÉLECTRICITÉ PRATIQUE
- Les montres et les machines dynamo-électrique*. — C’est un accident assez frequent que les montres soient arrêtées et mises momentanément hors de service par le voisinage des machines dynamoélectriques : plusieurs visiteurs des expositions de ces dernières années, en ont été victimes ; il n’est donc pas sans intérêt de signaler les causes du mal ainsi que les remèdes à y apporter dans l’état actuel de nos connaissances.
- On sait que tout corps magnétique placé dans un champ magnétique, s’aimante dans la direction des lignes de force de ce champ, et avec d’autant plus d’intensité, que ce champ est lui-même plus intense.
- Les machines dynamo-électriques produisant autour d’elles des champs magnétiques intenses, il en résulte que toute pièce d’acier placée dans ce champ s’y aimantera et conservera l’aimantation qui lui aura été communiquée par le champ.
- Faisons remarquer en passant que ce champ magnétique intense produit autour de la machine, constitue une imperfection de cette machine : l’idéal, non réalisé jusqu’ici, serait celui d’une machine dont le champ extérieur serait nul,, toutes les lignes de force étant concentrées sur la bobine induite.
- En attendant des machines plus parfaites, ne rayonnant que peu ou point de magnétisme, il faut se mettre en garde contre ce rayonnement magnétique qui a pour effet d’aimanler fortement le spiral des montres et d’immobiliser ses mouvements. L’aimantation des axes et celle du ressort moteur n’ont qu’une importance secondaire, et le plus souvent il suffit que le spiral soit désaimanté, pour que la montre reprenne sa marche normale.
- Passons à l’examen des moyens préventifs ou curatifs de ces accidents.
- Moyens préventifs. — Le plus simple est de laisser sa montre chez soi ou au vestiaire avant de s’approcher des machines dynamo-électriques. C’est le moyen employé par les membres de l’Académie des sciences le 5 décembre 1885, lorsqu’ils visitèrent les installations de transport de force motrice de M. Marcel Deprez à Creil.
- Un autre moyen préventif consiste à modifier la nature du spiral en l’établissant avec un métal non magnétique suffisamment élastique. Nous possédons une montre ainsi construite par M. Webster, de Londres, qui reste insensible aux actions perturbatrices des champs magnétiques produits par les
- p.111 - vue 115/432
-
-
-
- 112
- LA NATURE.
- machines les plus puissantes. Le spiral est en palladium. D’autres métaux ou alliages donnent également de bons résultats et sont employés par d’autres constructeurs.
- Ici le moyen préventif consiste, comme on le voit, à rendre l'organe susceptible de s’aimanter, indemne à la maladie : c’est une sorte de vaccination par substitution d’organe.
- Un dernier moyen préventif consiste à imiter la disposition imaginée par sir VV. Thomson dans son galvanomètre marin pour le mettre à l’abri de toutes les actions magnétiques extérieures. 11 consiste à enfermer la montre dans une boîte entièrement eu fer : les lignes de force du champ magnétique de la dynamo trouvant un chemin incomparablement plus facile à travers la boîte en fer qu’à travers la montre elle-même passent toutes dans l’enveloppe et ne forment pas de champ magnéti-q u e à 1 ’ i n t é-rieur : la montre ne peut donc s’aimanter.
- Moyens cura: tifs. — Lorsqu’on n’a pas pris les précautions n é-cessaires pour empêcher l’aimantation, il faut forcément la détruire pour remettre la montre dans son état primitif.
- Un procédé radical, mais long et pénible, est souvent employé par les horlogers : on démonte l’instrument pièce par pièce, on détrempe ces pièces en les chauffant, ce qui fait disparaître l’aimantation, et on les retrempe à nouveau.
- En 1881, M. lliram-Maxim a construit une machine à désaimanter les montres, décrite dans le Scientifie American du 27 août de la même année. Cette machine se compose en principe d’un électro-aimant droit horizontal, tournant autour d’un axe vertical passant par son milieu et d’un châssis dans lequel on place la montre à désaimanter. Ce châssis est susceptible de deux mouvements : l’un autour de son axe vertical, l’autre d’éloignement lent de l’électro-aimant tournant. On commence par placer le châssis portant la montre à désaimanter très près de l’électro et on met la machine en mouvement à l’aide d’une manivelle : la rotation de l’électro, celle de la montre et son éloignement, produisent des aimantations contrariées dans tous les sens et graduellement décroissantes. Sous l’action de ces variations d’aimantation rapides, la montre conserve une
- aimantation nulle et perd celle qu’elle avait accidentellement acquise.
- Le principe de la machine de M. Maxim peut s’appliquer très simplement sans aucun appareil. 11 suffit, pour désaimanter une montre, de l’approcher d’un des pôles d’une machine dynamo et de l’éloigner lentement en la faisant tourner entre les mains dans tous les sens. Un produit les mêmes effets qu’avec la machine et la montre se trouve désaimantée.
- Nous recommandons ce dernier procédé aux ingénieurs et aux ouvriers électriciens.
- Borne automatique de M. «le Commettes. — Les bornes ordinaires à vis ou à trou présentent certains inconvénients dans tous les cas où l’on fait des expériences nombreuses et où il est nécessaire de pouvoir substituer rapidement un appareil à un autre, modifier des montages, changer des tils, etc.
- La borne comporte un noyau central A venant reposer sur le socle de l’appareil par un épaule-ment D, et une partie mobile formant un cylindre creux muni d’un rebordB à sa partie supérieure et d’un épaulement G à sa partie inférieure. Un ressort intérieur maintient le rebord plat C fortement appliqué sur l’embase.En appuyant le pouce sur la tète A et en prenant le rebord entre l’index et le médius, on soulève le corps cylindrique mobile. On peut alors insérer entre C et D soit un fil roulé en boucle, soit une lame portant une encoche préalablement soudée au fil de liaison. En abandonnant ensuite la borne à elle-même, le ressort vient pincer le fil ou la lame, et assurer un contact suffisant lorsqueJes parties en présence sont bien propres. L’emploi de cette borne est tout indiqué pour les expériences de cours, conférences, appareils médicaux, télégraphiques et téléphoniques, etc., dans tous les cas enfin où l’on a besoin d’établir des communications fréquemment et avec rapidité entre des appareils électriques ; aussi cette description est-elle bien à sa place dans une note consacrée à l'électricitépratique. E. H.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Borne automatique de M. de M. de Combettes.
- A
- Imprimerie A. Lahure, 9, me de Fleurus, à Paris.
- p.112 - vue 116/432
-
-
-
- N'° GlîO.
- 25 JANVIER 1 886,
- LA NATURE
- 115
- N.-W. KOBELKOFF OU L’HOMME-TRONC
- On raconte que, deux cul-de-jalle causant enseni- I es bien plus estropié que moi ; aussi on te donne ble, l’un disait à l'autre : « Tu as de la chance, lu | bien davantage. » 11 est malheureusement exact que
- Fig. 1. — Représentation deJN.-W. Robelkoff, dit l’Artiste-Tronc, à Paris, au boulevard Saint-Martin. (D’après nature.)
- deux jambes. Nous les décrirons plus loin en détail.
- L’artiste-tronc a un corps gros et bien musclé, le cou très court; il paraît fort et robuste. Dans le petit boniment qu’il débite au public, il raconte qu’il est âgé de trente-quatre arts, qu’il est né en Sibérie, à Troizk, gouvernement d’Orenbourg; sa mère avait eu treize enfants avant lui, tous constitués d’une façon normale. 11 a, dit-il, une excellente santé et n’a jamais été malade. 11 voyage et se montre par curiosité depuis 1870; il a parcouru la Russie, la Suède, la Norvège, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie. Il s’est marié en Autriche, en 1876, et a actuellement cinq enfants, cinq garçons bien constitués. Il se quels la plupart de ses spectateurs seraient obligés nomme îücolaï Wassiliewitsch Kobelkoff, se qua-
- d’employer, suivant les cas, leurs deux mains ou leurs \iik d'artiste-tronc; ses affiches portent : « Le phé-
- IilaiiD(!t‘. — l,T semestre. 8
- pour les pauvres individus auxquels il manque un ou plusieurs membres et qui n’ont d’autres ressources que la mendicité, pour ceux-là , les plus impotents, les plus monstrueux, seront ceux qui exciteront au plus haut point la pitié et la charité publique, ce seront ceux-là qui, aux yeux de leurs confrères, auront le plus de « chance ». Un individu, qui s’exhibe en ce moment à Paris sous le nom d’artiste - tronc et auquel il manque non seulement les deux jambes, mais encore les deux bras, utilise son infirmité d’une façon toute différente; cet individu, en effet, exécute en public une série d’actes, de tours d’adresse et même de tours d’acrobatie pour la répétition des-
- Fig. "2. — Nieolaï-Wassiliewitseh Kobelkoff. (D’après ime photographie.)
- p.113 - vue 117/432
-
-
-
- LA AA T LUE.
- nomène merveilleux, la plus grande curiosité du siècle ! »
- Ajoutons que l’artiste-tronc a l’air d’ètre très content de son sort, sa physionomie est souriante ; dans ses séances, en attendant que « la société » soit assez nombreuse, il cause et rit avec ses enfants, de jolis petits blonds (notre première gravure représente l’un d’eux) (lîg. 1), ou dit quelques paroles aimables aux personnes qui. entrent. Sa figure respire la franchise et la bonhomie (fig.*2).
- Au point de vue anatomique, l’artiste-tronc a été examiné plusieurs fois par des commissions médi-1 cales, notamment à Lyon, il y a quelques mois, où i il a séjourné pendant quelque temps.
- Il a deux rudiments de cuisse : dans l’une, la droite, le fémur a environ 15 centimètres de longueur; dans l’autre, il est un peu plus long et a de 20 à 22 centimètres.
- Le bras gauche manque complètement, un os arrondi, représentant la tête de l’humérus, occupe seul l’articulation de l’épaule.
- Le bras droit est représenté par une sorte de moignon conique de 20 centimètres de longueur, composé d’une partie de l’humérus recouvert de muscles bien développés; on distingue, notamment, le deltoïde, le gros muscle de l’épaule et du haut du bras, le grand rond et tous les muscles qui s’insérant d’une part sur les parois de la poitrine ou sur l’omoplate agissent sur la tête de l’humérus et sur la première portion de celui-ci; mais les muscles qui, chez l’homme bien constitué, partent de cette dernière région et vont agir sur la main ou l’avant-bras tels que les biceps, le brachial et le triceps, sont atrophiés et soudés par leur extrémité ; ils forment le sommet du cône du moignon, et ils semblent influer sur sa mobilité.
- C’est ce rudiment de bras que l’artiste-tronc utilise d'une façon des plus ingénieuses en l’opposant a sa joue, à son menton, à son corps, pour exécuter la série des curieux exercices qui font l’étonnement des spectateurs.
- Voici la description de ces exercices : l’artiste-tronc étant placé sur une chaise auprès d’une table sur laquelle se trouvent divers objets, prend un porte-plume, le fixe entre son bras et sa joue, trempe la plume dans un eperier, puis sur des carrés de papier, écrit le nom de chacun des spectateurs et le leur offre comme souvenir. L’artiste-tronc, sur notre demande, a écrit les lignes ci-contre à l’intention de nos lecteurs (fig. 3). Son écriture, comme on le voit, est très régulière avec de belles volutes aux majuscules, et un paraphe digne d’un professeur d'écriture.
- Il coupe du papier avec des ciseaux. Il prend une carafe, la débouche, verse du liquide dans un verre, place celui-ci sur son bras et l’approche de ses lèvres. Il prend une fourchette, pique des morceaux de pain placés dans une assiette et les porte à sa bouche. A l’aide d’une cuiller il fait le simulacre démanger du potage. Il tire sa montre d’une poche
- de côté, en ouvre le boîtier en pressant sur le bouton, regarde l’heure et remet la montre dans sa poche. 11 enfile une aiguille; pour cela il prend celle-ci dans sa bouche et la fixe sur une pelote; il saisit alors le fil entre ses lèvres, le fait passer par le chas de l'aiguille?, maintient avec son bras l’extrémité du fil qui dépasse, retourne la pelote, saisit ce bout de fil de nouveau entre ses lèvres et l’attire complètement. 11 exécute au tableau noir un calcul élémentaire. À l’aide d’un crayon ou d’un pinceau il trace sur une feuille de papier un dessin. 11 prend un pistolet, l’arme, vise une bougie allumée, tire et éteint la bougie.
- Au point de vue acrobatique, l’artiste-tronc saute de sa chaise sur le sol, puis il exécute une série de bonds simulant la course par une suite de flexions et de détentes de la colonne vertébrale ressemblant un peu aux efforts des individus exécutant la course en sac. 11 fait aussi une sorte de culbute : se renversant en arrière de façon à avoir le corps vertical porté sur les épaules et la nuque, il se redresse tout à coup et revient à la position normale. Enfin comme
- 'ç>{
- i. — Spécimen de l’écriture de l’artiste-tronc. Réduction de moitié par l’héliogravure.
- exercice de force il porte un homme de taille moyenne placé debout sur son rudiment de bras.
- Tels sont les exercices de l’artiste-tronc.
- L’histoire des monstres humains a enregistré déjà un certain nombre d’exemples d’enfants nés sans membres. Les tératologistes les placent dans la classe des monstres par défaut et dans la catégorie des ectroméliens, c’est-à-dire des individus aux membres avortés. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire dans son traité de tératologie ou Histoire générale et particulière des anomalies de Vorganisation chez l'homme et les animaux, en cite plusieurs cas. L’année dernière même, les journaux médicaux ont signalé la naissance, en Espagne, d’une petite fille née sans bras ni jambes, mais bien vivante et d’une bonne constitution.
- En basse Bretagne nous avons vu, en 1875, au milieu de tous les mendiants qui garnissaient les deux côtés d’une route aboutissant à une petite ville (Saint-Pol-de-Léon) où se tenait un pardon, une petite fille de deux à trois ans n’ayant pas de membres, étendue sur un peu de paille ; son père et sa mère à genoux de chaque côté égrenaient leurs chapelets en marmottant des prières ; les sous tombaient abondamment dans la sébile placée près de la petite fille ; suivant la croyance du pays, les femmes, en faisant l’aumône à cette enfant, préservaient
- p.114 - vue 118/432
-
-
-
- LA NAT U U K.
- o
- pour l'avenir les leurs d'une pareille infirmité.
- Un certain nombre d'iiommes-troncs se sont exhibés en public et ont mérité, par leur adresse, que leurs noms passassent à la postérité.
- Ainsi un écrivain anglais du seizième siècle, Stow, raconte avoir vu à Londres, en 1581, un Hollandais qui, de naissance, n’avait que deux bouts de bras, sans mains « dont il se servait assez adroitement pour lancer, tout en chantant, une tasse qu’il recevait et renvoyait en l’air, des deux côtés alternativement ; il lançait également une flèche vers un but déterminé avec dextérité, faisait des armes et maniait la hache. » De plus, Stow donne sur cet individu le renseignement suivant : « il buvait chaque jour au moins dix pintes de la meilleure bière qu’il pouvait se procurer. »
- Le fameux Mathieu Buchinger, né à Anspach, en 1674, vint au monde sans mains, sans pieds et sans jambes; à la place des bras il avait, dit un auteur contemporain, « deux excroissances qui ressemblaient plutôt à des nageoires de poisson qu’a des bras humains », mais dont il se servait avec beaucoup d’adresse; il écrivait notamment d’une façon très lisible, mangeait en se servant d’une fourchette ou d’une cuiller, buvait dans un gobelet, etc. Le portrait de ce monstre est conservé au Bristish Muséum de Londres.
- Notons cette particularité que Buchinger, malgré sa difformité, se maria quatre fois.
- Au milieu du siècle dernier on exhibait en France, et notamment à la foire de Saint-Germain, une soi-disant jeune Vénitienne qui, n’ayant que des tronçons de bras, sans mains, « enfdait une aiguille très fine, faisait un nœud au fil avec sa langue, cousait, filait, tricotait et coupait avec des ciseaux toutes sortes d’étoffe ; même elle jouait du violon. »
- Il y a une cinquantaine d’années, un homme-tronc était célèbre en Angleterre, bien qu’il ne s’exhibât pas en public, c’était un jeune lord possesseur d’une immense fortune qui était né sans bras et sans jambes. Il avait reçu une excellente éducation, était uoué de beaucoup d’esprit, aimait la société; il assistait à toutes les fêtes et réceptions de l’aristocratie anglaise. Dans les salons on l’installait sur un escabeau très élevé dans une sorte de corbeille contenant un coussin sur lequel il se tenait debout. Malgré sa difformité, ce jeune homme aimait passionnément les chevaux et l’équitation; on le plaçait sur une selle d’une forme spéciale à laquelle on l’attachait à l’aide d’une courroie, les rênes de son cheval étaient fixées à ses épaules ; il parvenait ainsi à diriger sa monture.
- Les hommes-troncs sont donc non seulement de curieux exemples de ces singulières anomalies qui se rencontrent parfois dans l’espèce humaine, mais ils montrent aussi comment des individus à force de patience, do labeur et d’ingéniosité, parviennent à suppléer aux organes qui leur manquent.
- Guyot-Daubes.
- BOLIDE OBSERVÉ A TOULON
- Le 8 janvier, à 6k,10m du soir, un magnifique bolide est apparu à Toulon. Il a été aperçu par M. d’Agnel, agent voyer principal, qui nous a donné les renseignements suivants :
- De forme circulaire et d’un éclat au moins double de celui de la planète Vénus, visible actuellement au couchant, le bolide a franchi assez lentement l’espace qui s’étend entre la constellation de Cassiopée et l’étoile Aldébaran, auprès de laquelle il s’est progressivement éteint. La traînée qu’il a laissée jusque-là était très brillante et en ligne droite. Elle s’est ensuite élargie latéralement en devenant sinueuse et a semblé former deux bandes lumineuses parallèles avec un intervalle plus sombre au milieu, comme celles qu’on observe dans la queue des comètes. Elles ont fini par se confondre dans une nébulosité unique qui a subsisté pendant près d’un quart d’heure.
- Nous apprenons que le météore a été aperçu à Marseille et de plusieurs points de la côte. F. Zurcuer.
- ——
- LES FILS MICROMÉTRIQUES
- 1)ES LUNETTES ASTRONOMIQUES FU,S d’araignée. — FILS DE PLATINE. — FILS DE 5IAILLECIIORT.
- Un de nos lecteurs nous a demandé récemment quelques renseignements sur ce sujet qui intéresse tout à la fois les amateurs d’astronomie et les curieux. — Quelle est l’araignée, nous demandait notre correspondant, qui fournit aux astronomes les fils tendus sur le réticule des lunettes? Comment arrive-, t-on à tendre ces fils si minces et si délicats qu’on les voit à peine? Quels sont les autres fils qui peuvent remplacer Les fils d’araignée? Comment les fabrique-t-on?
- Ces questions nous ont paru dignes d’être étudiées ; nous avons été les résoudre à l’Observatoire de Paris. MM. Henry frères, les savants astronomes, nous ont initié à leurs procédés, et ils ont eu l’obligeance de nous remettre, pour que nous la fassions dessiner, l’une des araignées dont ils tirent habituellement les fils les plus fins qui leur servent pour la construction de leurs réticules. On utilise aussi les fils extraits des cocons de diverses araignées; ces derniers sont d’un diamètre un peu plus considérable que les précédents. M. Fraissinet, secrétaire de T Observatoire, nous a procuré d’autre part quelques échantillons de fils métalliques micrométriques; nous allons transmettre à notre correspondant et à nos lecteurs, tout ce que nous avons appris.
- L’araignée dont il est question plus haut est VEpeire des jardins (Epeira diadema), appelée aussi Porte-croix. L’individu qué nous figurons ci-après dans deux positions différentes (fig. 1) est un mâle ; la femelle est deux fois plus grosse. On conserve l’Epeire des jardins dans une petite boîte de carton , percée de trous ; on lui donne de temps en temps une mouche qui lui sert de nourriture. Cette araignée s’apprivoise très bien, et après quelques jours de captivité, elle vient chercher elle-même à l’extrémité de vos doigts, le repas
- p.115 - vue 119/432
-
-
-
- 116
- LA NATURE.
- Fis- 1.-
- que vous lui présentez. L’araignée de Pellisson ne
- serait donc pas une
- fable.
- Quand vous voulez tendre les fils de votre araignée sur le réticule d’un micromètre de lunette astronomique, vous avez d’abord pris soin de tracer, à la machine à diviser, les sillons dans lesquels doit se loger le fil. Vous prenez un crayon que vous présentez devant l’araignée en la contraignant de se placer sur ce perchoir improvisé; l’araignée ne tarde pas à se suspendre à son fil, quelle tient elle-même tendu verticalement, le poids de son corps formant fil à plomb. Vous présentez alors le fil ainsi tendu à la place qu’il doit occuper sur le réticule, et vous le fixez en haut et en bas sur le cuivre, au moyen d’une gouttelette de résine arcanson fondue à l’extrémité d’une pointe.
- Le fil est coupé aux endroits voulus et vous procédez de la même façon pour le fil suivant.
- En retournant le réticule de 90°, vous fixez de même les autres fils qui se trouvent perpendiculaires aux premiers, comme le montre la figure 2. Il y a généralement cinq fils tendus sur le réticule, mais il peut y en avoir un plus grand nombre.
- On se sert quelquefois, à la place des fils d’araignée, des fils de platine, dits de NVollaston. Ces fils s’obtiennent de la façon suivante :
- On prend un fil de platine très fin, directement étiré à la filière; on l’enveloppe d’une gaine d’argent que l’on obtient en plongeant le platine dans l’argent fondu. Cela fait, on étire aussi fin que possible le fil obtenu, puis on le soumet à l’action de l’acide nitrique qui dissout la gaine d’argent et laisse
- Araijnée des jardins, dont les fils servent aux micromètres des lunettes astronomiques.
- Fig. 2. — Fils d’araignée tendus sur le réticule d’une lunette astronomique.
- Fig 5. — Fils micrométriques vus au microscope. (Grossissement 250 diamètres.) — 1. Fil de platine à la Wol-laslon. — 2. Fil de raaiilecliort. — 3. Fil d’araignée.
- intact le fil intérieur de platine insoluble. On obtient
- ainsi des fils de platine qui ont 1/50 de millimètre de diamètre et beaucoup moins encore. Un habile métallurgiste, M. Mou-chel, est arrivé à étirer directement des fils de maillechort, en les faisant passer dans des filières de diamant ou de rubis ; il confectionne ainsi des fils qui ont aussi 1/50 de millimètre de diamètre, et leur fabrication peut être citée comme un tour de force de délicatesse.
- L’idée nous est venue, ayant a notre disposition quelques échantillons de fils micrométriques, de les examiner au microscope sous un même grossissement de 250 diamètres. Le fil de platine de Wollaston, obtenu par écrasement dans une gaine d’argent, est assez irrégulier à la surface, il n’est pas poli, et à l’aspect d’une barre rugueuse et noire. Le fil de maillechort, au contraire, est brillant et poli, comme une barre d’argent ; quant au fil d’araignée, il est bien plus mince que ses rivaux, et celui que nous avons examiné n’atteignait pas 1/100 de millimètre de diamètre ; il était, sous le microscope, d’une délicatesse admirable, et d’une transparence parfaite. Ici encore la nature a le dessus sur l’art humain.
- Nous avons dessiné l’aspect des trois fils micrométriques que nous avons examinés ; nous plaçons ce dessin sous les yeux de nos lecteurs (fig. 5), heureux s’ils trouvent autant d’intérêt à lire notre notice, que nous en avons eu à en recueillir les documents et a l’écrire. Gaston Tissandier.
- p.116 - vue 120/432
-
-
-
- LA NA'JTHE.
- i 17
- LE GRAND GALVANOMÈTRE
- DE I,’UNIVERSITÉ DE CORNEI.I,
- Le temps est loin, bien que quelques années seulement nous en séparent, où l’on appréciait les inten-
- sités des courants en degrés de déviation d’une boussole quelconque, sans qu’on puisse jamais avoir deux chiffres concordants.
- Grâce aux travaux de Y Association britannique et du Congrès international des électriciens, une véritable révolution s’est produite.
- Grand galvanomètre de l’Université de Cornell, aux États-Unis.
- Les appareils de mesure électrique vont se perfectionnant chaque jour, et l’on peut dire qu’ils ont atteint aujourd’hui le môme degré de précision que les appareils les plus délicats appliqués aux mesures. géométriques ou géodésiques.
- Le grand galvanomètre représenté ci-dessus réalise toutes les conditions exigées d’un appareil de
- haute précision, et satisfait à toutes les conditions indiquées par la théorie pour atteindre la plus grande exactitude compatible avec les moyens actuels d’investigation.
- Il a été construit sur les plans du professeur Anthony pour le laboratoire de physique de l’Université de Cornell, Ithaca, N.-Y. Les bobines sont
- p.117 - vue 121/432
-
-
-
- 118
- LA NATURE.
- établies d’après le principe du galvanomètre d’Helmholtz, et le cadre comporte trois circuits distincts, chacun d’eux formé par deux bobines parallèles placées symétriquement de chaque côté d’un point central où se trouve l’aiguille, la distance des plans des deux bobines étant, égale à leur rayon.
- Le but des grandes dimensions données à ces bobines est multiple : on peut d’abord déterminer leurs dimensions avec une grande précision et les introduire dans la formule qui fait connaître l’intensité du courant ; on peut ensuite négliger l’erreur due aux dimensions de l’aiguille ; on peut aussi lire des déviations sur un cercle gradué en fractions de minute; on peut enfin utiliser l’appareil à une détermination précise de l’intensité horizontale du magnétisme terrestre.
- Le circuit destiné aux courants intenses qui peuvent atteindre et dépasser 250 ampères est formé de quatre bobines d’un seul tour, constituées par des barres de cuivre de 19 millimètres de diamètre. Deux de ces bobines ont 2 mètres de diamètre, les deux autres lm,60. Pour des courants plus faibles, on emploie deux bobines de lm,50 de diamètre, roulées avec un fil de 2 millimètres de diamètre faisant 56 tours.
- L’aiguille se compose d’un certain nombre de fils d’acier très fins, collés sur un disque circulaire en aluminium, de sorte que leurs pôles se trouvent tous sur une circonférence de 5 centimètres de diamètre. Elle se meut au centre d’une cavité percée dans un gros bloc de cuivre, ce qui rend ses mouvements apériodiques; l’aiguille est suspendue à unfil de soie, avec des dispositions spéciales pour le centrage.
- Les lectures se font à la lunette sur un cercle gradué de lm,27 de diamètre, ce qui assure une grande précision. Notre gravure représente le mode d’emploi de l’instrument, et donne la position qu’occupent les expérimentateurs.
- L’appareil est monté dans un bâtiment isolé construit entièrement sans fer et mis à l’abri de toutes les causes d’irrégularité du champ magnétique terrestre; mais comme ce dernier subit des variations incessantes, il faut le déterminer à nouveau chaque fois qu’on a besoin de faire une mesure de haute précision. On fait usage à cet effet d’une méthode spéciale proposée par sir W. Thomson, a l’aide d’une bobine suspendue à un fil de bronze phosphoreux qui se substitue à l’aiguille et à son fil de soie. Les combinaisons de circuits et de bobines permettent de mesurer des courants variant entre 1 milliampère et 250 ampères. Le but que s’est proposé M. Anthony en faisant construire le gigantesque appareil dont nous venons de donner une description sommaire d’après les journaux américains, est, en dehors des recherches de haute précision, d’avoir un appareil d’enseignement et d’expérience pour le cours à'Electrical engineering qu’il professe, aussi bien que de pouvoir étalonner avec une précision suffisante les instruments employés dans l’industrie. Nous ajouterons que les publications américaines
- qui ont signalé le bel appareil de M. Anthony, n’ont pas manqué de le présenter sous la formule très goûtée de l’autre côté de l’Atlantique : « Le plus grand galvanomètre du monde. »
- THÉORIE DE LA CONSTITUTION DES GAZ
- TRAVAUX UE M. HIRN
- Les théories scientifiques sont sans cesse sujettes à variations. Quelle hypothèse paraissait mieux établie que la théorie dite kinétique (ou cinétique) des gaz, et en vertu de laquelle on considère ceux-ci comme formés de molécules indépendantes, parfaitement élastiques, se mouvant en tout sens, à grande vitesse et allant incessamment frapper les parois des vases où ils sont enfermés? N’est-ce pas à l’aide de ces données qu’on s’expliquait les phénomènes de pression, de température, de détente, etc. ? Cette théorie n’a-t-elle pas été l’objet d’importants travaux à l’étranger et n’avait-elle pas reçu une sorte de confirmation par les expériences si neuves, si originales et si intéressantes de M. Crookes sur la matière radiante? — C’est cependant cette théorie que M. Hirn combat et renverse dans un nouveau mémoire1 que M. Faye a présenté de sa part dans une des dernières séances de l’Académie. Exposons rapidement les objections que l’auteur fait à la théorie cinétique des gaz et voyons comment il procède. Soumettant l’hypothèse au calcul, il cherche une conclusion inhérente au sujet et susceptible d’être soumise à une vérification expérimentale, ce qui doit permettre d’en constater la réalité ou la non-réalité. La conclusion trouvée est la suivante : la résistance qu’un gaz ainsi constitué oppose au mouvement d’un corps quelconque devrait être une fonction immédiate de la température, c’est-à-dire devrait varier quand la température varie. Aussitôt, M. Hirn institue des expériences très délicates et conduites avec le plus grand soin entre des écarts de température de 0° à 200°. Ces expériences démontrent que la conclusion trouvée ne se vérifie pas, puisque la résistance du gaz maintenu à la même pression s’est montrée indifférente aux variations de température. Donc l’hypothèse kinétique mise en défaut sur une de ses conséquences essentielles doit être rejetée.
- Les idées de M. Hirn n’ont pas été admises en Belgique, où son mémoire avait d’abord été présenté. Les académiciens de Bruxelles rendaient justice à son mérite, mais pensaient que les expériences en elles-mêmes étaient trop délicates et trop difficiles pour trancher définitivement la question. L’adhésion aux idées de M. Hirn ne se faisait pas. C’est alors que, reprenant le problème par un autre côté, il est
- 1 Recherches expérimentales et analytiques sur les lois de l’écoulement et du choc des gaz en fonction de la température; conséquences physiques et philosophiques qui découlent de ces expériences, suivies des réflexions générales au sujet des rapports de MM. les commissaires examinateurs de. ce mémoire, par G. A. Hirn. (In-i°, avec figures. Paris, Gau-thier-Villars, éditeur, 1885.)
- p.118 - vue 122/432
-
-
-
- LA A AT LH K.
- J19
- arrivé à montrer le point faible de la théorie kinétique des gaz. En effet, cette hypothèse impose une limite parfaitement nette à la vitesse d’écoulement d’un gaz, passant, d’un réservoir à pression déterminée et à température constante, dans une enceinte où la pression est moindre. Le calcul montre que cette limite est de 485 mètres par seconde pour l’air lorsqu’il s’élance dans le vide. M. Hirn institue de nouvelles expériences dans lesquelles il fait varier la pression de 40 centimètres a 1 centimètre dans le récepteur, et il arrive à cette conclusion que la limite de vitesse n’existe pas. En effet, avec la pression d’un centimètre dans le bief d’écoulement, la vitesse atteignait 4206 mètres par seconde, chiffre plus de huit fois supérieur à 485 mètres. Il est permis d’ajouter que, si le vide avait été poussé plus loin, cette vitesse aurait encore augmenté.
- Voilà donc encore une fois l’hypothèse cinétique en désaccord avec une de ses conséquences naturelles. « Cette fois, dit M. Fave, l’expérience porte sur un fait saillant qui n’exige pas d’effort d’analyse pour son interprétation ; elle est relativement facile à contrôler; enfin, elle intéresse l’étude si souvent reprise de la loi d’écoulement des gaz, car la formule la plus récente, celle de Weissbach, se trouve ébranlée du même coup. Je pense donc que cette fois les physiciens n’hésiteront pas à reprendre la question au point où M. Hirn vient de la placer et que leurs résultats, dûment vérifiés dans plusieurs laboratoires, prendront dans la Science une place considérable, indépendamment de leur valeur critique par rapport à l’hypothèse susdite. » —M. Faye n’a pas été surpris des résultats obtenus par M. Hirn, car il considérait comme très factice l’ingénieuse hypothèse généralement admise sur la constitution des gaz. I)r Tison.
- PÊCHE A LA BALEINE
- Le duc de Sutherland, dont l’un des passe-temps favoris est la pêche, ou plus correctement la chasse k la baleine, se propose d’inaugurer un nouveau système lors de la prochaine saison. Il vient, à cet effet, de faire armer son yacht à vapeur Sans Peur d’un canon à deux coups, de lm,55 de long, l’âme de l’un étant rayée et celle de l’autre lisse. Le canon rayé est destiné à lancer, sur tout gros gibier de mer comme requins, marsouins, etc., mais plus particulièrement baleines, un projectile explosif en acier de 285 grammes ou un projectile plein de 570 grammes, l’effet voulu étant de tuer le destinataire d’abord, puis de l’amener à bord au moyen d’un harpon lancé simultanément avec le projectile, par le canon à âme lisse; le harpon entraînant avec lui une corde d’acier enroulée sur une bobine placée sur le pont du yacht. Ce procédé qui estime variante du harpon explosif, constitue, sur celui-ci, un perfectionnement en ce sens que ce dernier avait une telle action locale que les chairs étaient trop déchirées pour donner au harpon aucune prise sur la victime tandis que le nouvel engin tuant d’abord l’animal laisse au harpon toute sa prise sur celui-ci. Ce système a beaucoup de chances d’être adopté parles baleiniers. MM. les cachalots n’ont qu’à bien se tenir. J. B.
- LES EUCALYPTUS GÉANTS
- DE 1,’aUSTUALIE
- Un botaniste français, Lhéritier, découvrit le premier, en 1788, dans la Tasmanie, la variété d’Eu-calvptus qu’il décrit sous le nom d'Obliqua. Quelques années plus tard, en 1792, Labillardière, botaniste qui faisait partie de l’expédition envoyée à la recherche de Lapeyrouse, remarqua, en abordant en Australie, des arbres géants dont les branches partaient à 60 mètres du sol. C'étaient des Eucalyptus globulus, ainsi appelés à cause du bouton auquel sont attachées les Heurs.
- Pendant longtemps, les semis, faits en Europe, restèrent chez nous à l’état de plantes de serre ou de collection, jusqu’au moment où M. F. Mueller, parcourant, en 1852, les forêts de la colonie de Victoria, fut frappé de la merveilleuse végétatation de ces forêts et eut l’idée de faire servir l’Eucalyptus au reboisement des régions dénudées du midi de l’Europe. Notre compatriote, M. Ramel, appelé en 1854 par ses affaires en Australie, s’enthousiasma pour cette idée dont il s’est fait l’apôtre pendant trente années, et ses généreux efforts furent enfin couronnés de succès. Aussi, dans l’histoire de l’introduction de l’Eucalyptus, la reconnaissance publique ne voudra pas séparer les deux noms de Mueller et de Ramel, l’un véritable prophète de l’avenir, l’autre enrôlé, toute sa vie, dans une mission de propagande.
- Dès 1862, l’Algérie vit réussir ses premières plantations : MM. Cordier, Trottier, Arlès-Dufour, Bertherand, Certeux, etc., contribuèrent pour une grande part à seconder les efforts de M. Ramel qui voulait, dit-il, faire reculer le désert devant son arbre colonisateur.
- En effet, par ses proportions gigantesques, par sa croissance rapide, par la résistance de son bois, par ses propriétés médicales, l’Eucalyptus répond à une foule de besoins de premier ordre : c’est l’arbre de la colonisation par excellence. Son introduction dans le midi de l’Europe et au nord de l’Afrique, comptera comme la plus intéressante acquisition de la sylviculture dans le dix-neuvième siècle. C’est là qu’est peut-être la solution du problème de l’utilisation des déserts et du repeuplement des portions de l’Europe aujourd’hui presque abandonnées faute de végétation.
- En France, à Hyères surtout et dans la région environnante, on fit, dès 1864, des essais des variétés d’Eucalyptus connues alors, et ces variétés se sont accrues successivement par des envois répétés de graines d’Australie, au point t|u’on en connaît aujourd’hui plus de 150. Les unes préfèrent les terrains humides aux terrains secs, celles-ci sont alpestres et croissent à des altitudes considérables, celles-là sont de première grandeur, d’autres ne sont que des arbrisseaux. On voit par là quelle confusion doit régner dans leur classification, mais
- p.119 - vue 123/432
-
-
-
- 120
- LA NATURE.
- aussi quelles ressources on trouve dans une plante semblable.
- Aujourd’hui, dans le Midi, les Eucalyptus se trouvent dans toutes les grandes propriétés et y ont atteint déjà des proportions considérables. L'a, ils trouvent, comme dans leur pays d’origine, des sols et un climat analogues à ceux de l’Australie. C’est dans ce dernier pays que se développent si bien d’autres végétaux qui peuplent les forêts, comme les Acacia deal-bata, les Grevilea robusta, les Mimosa, etc., qu’on rencontre depuis Fréjus jusqu’à Gênes et dont les rameaux sont envoyés en si grande quantité sur le marché de Paris.
- Un trait commun à tous les Eucalyptus est l’existence de glandes oléifères dans la feuille, l’écorce et toutes les parties vertes de la plante ; c’est aux huiles essentielles sécrétées par ces glandes que les Eucalyptus doivent les odeurs balsamiques que l’on re-marque à leur approche et qui diffèrent beaucoup suivant les variétés.
- Un autre de leurs caractères est l’exsudation des substances oléo - résineuses des feuilles sous forme de poudre impalpable qui
- communique à la plante une teinte plus ou moins glauque ou blanchâtre. Quelle influence exacte ont les huiles essentielles et les odeurs balsamiques sur l’éloignement des insectes ou des miasmes, et finalement sur la santé humaine, personne ne l’a encore expliqué; toujours est-il qu’on a observé dans beaucoup d’endroits, et surtout en Algérie, une modification sensible dans la mortalité coïncidant avec des plantations considérables de ce qu’on appelle en Espagne « l’arbre à fièvre ».
- Qn a beaucoup contesté celte propriété assainis-
- Fig. 1. — Eucalitfihis globulus du jardin Dognin, à Cannes, d’après une photographie.)
- santé de l’Eucalyptus, mais comme il s’agit d’arbres à croissance rapide, on ne peut nier que les plantations peuvent servir à former des rideaux protecteurs contre les miasmes paludéens portés par les vents. On aurait dans l’Eucalyptus un effet tout contraire à celui que produit le Mancenillier. En outre, étant données les conditions dans lesquelles se forment les marécages, c’est-à-dire le défaut d’aération d’un sol riche en matières organiques, la
- stagnation de l’eau qui l’imprègne , puis la haute température qui favorise la fermentation, il est certain qu’un arbre qui a une végétation puissante et qui, de plus , possède certaines propriétés aromatiques, doit, par le rapide drainage du sol, exercer sur l’atmosphère une influence exceptionnelle, telle qu’on l’accorde d’ailleurs à toute végétation.
- Je ne parle ici que pour mémoire des nombreux produits qu’on extrait de l’Eucalyptus pour les maladies des voies respiratoires et qui agissent comme le goudron et la résine que l’on emploie journellement pour les affections des membranes muqueuses. Les trappistes du couvent des Trois
- Fontaines, près de Rome, et plusieurs pharmaciens d’Alger, de Paris, de Genève, etc..., font des préparations diverses dont les effets sous formes d’essences, de poudre en feuilles, de capsules, ou de sirops, rendent les plus grands services à la thérapeutique par leurs propriétés désinfectantes, antiseptiques et fébrifuges.
- Tout le monde a entendu parler des « Séquoia gigantea » ou arbres géants de la Californie, et j'ai publié une description de la vallée de l’Yosomite où se trouvent ces merveilles végétales du nouveau
- p.120 - vue 124/432
-
-
-
- Fi-
- Furalyptus géants de l'Australie. — Abattage d’un Ironr. (D’après une photographie communiquée pur le liaron Von Mueller
- ^directeur du Jardin botanique de Melbourne.'
- p.121 - vue 125/432
-
-
-
- 122
- LA NATURE.
- monde1. Ce qu’on connaît moins, ce sont les Eucalyptus géants de l’Australie qui ont les mêmes proportions que les Séquoia 2 3 *. Je dois à l’obligeance du baron Ferd. von Mueller, directeur du Jardin botanique de Melbourne, quelques photographies faites par M. N.-J. Caire et représentant les troncs de la variété d’Eucalyptus qui semble avoir atteint les plus grandes dimensions, c’est-à-dire de l’Amygdalina5. Nous reproduisons ici l’un de ces curieux documents (fig. 2). Le paysage est pris près des sources de la rivière Yarra-Yarra, au nord-est de Port Philip. La photographie, qui montre un bûcheron occupé à abattre un de ces arbres gigantesques, ne donne qu’une idée imparfaite de la riche végétation de ce pays, et je n’ai pu me procurer en Europe des vues de l’arbre entier. Mais pour ceux qui n’ont pas visité nos plantations du midi de la France ou de l’Algérie, je dirai quelques mots d’un Eucalyptus parvenu déjà à un certain degré de développement : c’est l’Amygdalina Yera, variété introduite et semée en 1870, par M. le prince P. Troubetzkoy, dans sa propriété d’Intra, sur le lac Majeur; l’arbre a aujourd’hui 25 mètres de hauteur et 2m,10 de circonférence à 1 mètre du sol.
- L’Amygdalina atteint des proportions gigantesques; chose importante, il pousse droit comme une flèche, son bois est très serré, et il supporte jusqu’à 9 et 10 degrés de froid, ce qui le rend très précieux pour la région méditerranéenne; enfin, il l’emporte sur les autres variétés par sa richesse en huile essentielle qui, on le pense, joue un rôle dans l’assainissement des lieux marécageux.
- Des expériences ont été faites par M. A. Marchais, l’habile jardinier chef de la villa Thuret à Antibes, sur le rendement d’essence contenue dans 100 kilogrammes de feuilles fraîches d’une vingtaine de variétés d’Eucalyptus. Celles qui en contenaient le moins seraient le Rostrata, l’Occidentalis et le Calo-phylla qui n’en contiennent que 125 grammes; celles qui en contiennent le plus seraient le Globulus, le Siteroxylon et le Leucoxvlon, de 1 kilogramme à 1 kil. 125, enfin, l’Amygdalina en aurait fourni 1 k. 560.
- 1 Yoy. n° 525, du 23 juin 1883, p 51.
- 2 Mentionnons ici une bonne mesure prise par le Gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud, dans le genre de celles qu’on a prises aux États-Unis pour isoler et réserver la vallée de Yosomite et le Parc national de Yellowstone. En Australie, on a réservé une des parties les plus intéressantes de la colonie pour en faire un parc national. Ce parc aura une étendue d’environ 900 hectares, dans le district de Ulawara, avec une façade de sept milles sur l’océan Pacifique. Inutile d’ajouter qu’on trouve là des forêts de Palmiers, de Fougères arborescentes, d’Eucalyptus et de toutes les espèces végétales indigènes. Deux rivières le traversent, le « Bolacreek » et le «Port Ilacking river » : un chemin de fer en construction en rendra les abords faciles. Aussi compte-t-on en faire un des parcs les plus vastes et les plus pittoresques du globe.
- 3 Dans le remarquable ouvrage publié par le baron Von
- Mueller, depuis 1879, sous le titre Eucalyptographia, et dont l’auteur avait amassé les matériaux depuis un grand nombre d’années, on voit citer un Amvgdalina dont la hauteur dépasse
- 150 mètres, et la circonférence 30 mètres, c’est-à-dire la hauteur de la cathédrale de Strasbourg ; ses premières branches sont à 100 mètres du sol.
- Pour montrer combien diffèrent d’aspect les diverses variétés d’Eucalyptus, je donne un peu plus haut la vue de la variété la plus connue chez nous et la plus fréquemment plantée en Algérie, l’Eucalyptus globulus (fig. 1). Cette figure a été photographiée dans la magnifique propriété de M.I)ognin,sur la route de Cannes à Antibes1 ; l’arbre, planté en 1867, a 30 mètres de hauteur et lm,25 de diamètre.
- Ch. Joly,
- Vice-président de la Société nationale d’horticulture
- de France.
- MANŒUVRE A. DISTANCE DES ROBINETS
- RES COMPTEURS A G ÀZ
- Dans les grands incendies de théâtre et de bâtiments publics survenus depuis quelques années, il y a presque toujours eu des hommes qui ont été victimes de leur dévouement en voulant aller fermer le compteur à gaz. Ces appareils ne sont pas toujours d’un accès facile, et, pour éviter de pareils accidents, M. Lenaerts, de Bruxelles, a imaginé une disposition qui permet d’opérer la fermeture à distance et sans s’exposer. Cette disposition
- Robinet à contact électrique signalant une fuite par omission
- de fermeture.
- A. Clef. — 11. Encoche ménagée sous la clef. — C. Ressort isolé
- par la pièce E. — E. Ébonite. — c. Fil conducteur. — Le négatif
- de la pile est relié à la conduite du gaz.
- très simple consiste à munir la clé du robinet d’un bras de levier, assez long et assez lourd, qui est maintenu dans la position d’ouverture par un fil de platine. Celui-ci fait partie d’un circuit électrique qui peut être fermé soit en appuyant sur des boutons placés en différents points du batiment, soit par le fonctionnement d’avertisseurs automatiques d’incendie; aussitôt que le courant passe, le fil de platine fond et le levier abandonné à lui-même retombe et ferme le robinet. Pour les théâtres, où l’obscurité résultant de cette fermeture pourrait occasionner de graves désordres, M. Lenaerts complète son appareil de sauvetage en disposant en différents points des lampes à incandescence. Le levier du robinet, dont nous venons de parler, fait manœuvrer, en tombant, le commutateur qui doit les allumer.
- Ces dispositions nécessitent l’entretien d’une batterie de piles ou d’accumulateurs, mais c’est un petit inconvénient en comparaison des malheurs qu’on peut éviter par leur application.
- 1 Nous renvoyons nos lecteurs à la description qui a été donnée du jardin Dognin dans une étude précédemment publiée : Les jardins du littoral méditerranéen, n° 587, du 50 août 1884, p. 201, et n° 591, du 27 sqitembre 1884, p. 263. ;. . . G. T.
- p.122 - vue 126/432
-
-
-
- LA N A T U R K.
- 123
- L’inventeur a cherché les moyens d’étendre son idée au confort domestique, pensant qu’il était nécessaire, dans les maisons particulières, de fermer tous les jours le compteur tant pour s’assurer du fonctionnement régulier du robinet, que pour éviter les accidents qui peuvent résulter d’une fuite. Mais comme peu de personnes consentiraient à installer et entretenir des appareils électriques, il a disposé deux systèmes de transmission, analogues aux mouvements des sonnettes ordinaires, et par lesquels on commande, d’un point quelconque de la maison, la manœuvre d’une poulie à gorge rendue solidaire du robinet. On pourrait faire l’objection suivante : c’est que, dans une maison importante, il peut arriver qu’on ferme le compteur sans savoir qu’il reste un bec allumé quelque part; il se produira par là, lors de la réouverture, une fuite qui rendra le remède pis que le , mal. Pour éviter cet inconvénient, M. Lenaerts a pensé à une disposition qui nous paraît pratique, surtout là où existe déjà une installation de sonneries électriques ; c’est de disposer le robinet comme le représente la figure ci-contre, de façon à ce que dans la position ouverte pour le gaz il ferme un circuit électrique comprenant une sonnerie et, si l’on veut, un tableau indicateur; une seconde interruption étant faite dans le circuit par l’ouverture du compteur, la sonnerie ne fonctionne lorsqu’on fermera celui-ci que si l’un des becs est resté ouvert. Les différentes dispositions que nous venons d’exposer nous paraissent devoir rendre de réels services dans bien des cas et méritaient d’être signalées. G. M.
- LA NUMÉRATION ÉCRITE
- CHEZ LES CHINOIS
- Dès la plus haute antiquité les Chinois ont possédé la numération parlée décimale, et l’ont appliquée à leur système de poids et mesures. Mais les hommes de génie qui ont fait tant de découvertes surprenantes, n’ont point eu l’idée d’inventer un caractère spécial faisant les fonctions de notre zéro. Malgré les rapports intimes qu’ils ont eus avec l’Inde, à laquelle ils ont pris mille superstitions, ils n’ont point adopté ce signe essentiel qui est le fondement de toute numération écrite.
- Ce qui rend leur indifférence plus difficilement explicable, c’est qu’ils possèdent un symbole spécial pour indiquer l’absence d’une quantité, d’une qualité, ou même d’une unité. Mais ce caractère ne fait pas partie de la série numérique, c’est un nom substantif qui figure exclusivement dans la langue écrite.
- Dans les derniers siècles, les missionnaires ont essayé de l’introduire dans l’arithmétique et de le combiner avec les caractères qui représentent les unités des différents ordres, en un mot, d’importer le système arabe, en remplaçant les chiffres dont noiis nous servons par leurs analogues de l’écriture mandarine; mais l’empire de la routine est si puissant, que cette tentative n’a eu aucun succès, et que les Chinois se servent encore aujourd’hui d’un système de numération aussi barbare que celui des anciens Romains. L’absence de zéro les oblige à adopter un caractère spécial pour désigner les di-
- zaines, un autre pour les centaines, un troisième pour les mille, etc., etc. Cependant, ce qui rend plus difficile a comprendre l’obstination avec laquelle ils repoussent ce terme, c’est qu’ils savent joindre le signe dix et le signe cent au signe mille pour dire dix, ou cent mille, etc., etc.
- Nous n’avons pas cru nécessaire de joindre à ces caractères (fig. 2) la prononciation figurée, qui n’est pas du reste la même pour toute la Chine, et qui diffère notablement d’une province à une autre.
- Les signes numéraux de la langue mandarine sont susceptibles de recevoir plusieurs formes, la forme usuelle, une forme abrégée pour les écritures courantes, et une forme compliquée pour rendre les altérations plus difficiles. C’est de cette dernière
- Fig. 1. — Appareil à calcul chinois.
- que l’on se sert pour les billets de banque, les lettres de change et les effets de commerce, en un mot dans toutes les circonstances où l’on veut empêcher, suivant l’expression vulgaire, d’ajouter des queues aux zéros.
- Il n'est pas hors de propos de rappeler que, dans les mêmes circonstances, nous employons un procédé analogue, et que dans les reçus ou dans les actes notariés, etc., nous écrivons les nombres en signes alphabétiques.
- Mais l’absence du zéro est un obstacle considérable à la propagation des méthodes et des procédés triangles de notre arithmétique décimale. Afin de faire comprendre toute l’importance de cette funeste lacune, nous n’avons pas cru qu’il fût possible d’agir d’une façon plus éloquente, qu’en reproduisant d’après Perny la table de multiplication chinoise (fig. 3). Nous l’avons empruntée à son grand dictionnaire, mais pour la rendre plus facilement intelligible, nous avons accompagné chaque nombre
- p.123 - vue 127/432
-
-
-
- m
- LA N AT (J HE.
- de la transcription littérale avec des signes algébri- | ques et des chiffres européens dont cli a-cun connaît le sens.
- La complication de l’écriture des nombres a conduit les Chinois à imaginer un petit instrument nommé souampan qu’on trouve dans les mains de tous les négociants, et quelque ingénieux qu’il soit, cet objet singulier doit être considéré comme un signe de l’infériorité de leur arithmétique, mais nous devons reconnaître qu’ils s’en servent avec une étonnante dextérité.
- Cet appareil ( fig. 1 ) se compose de dix lignes verticales, séparées par une ligne horizontale, et semblable aux bouliers en usage dans les écoles primaires pour faire comprendre aux enfants les principes des quatre règles.
- Deux conventions fort simple sont nécessaires et suffisantes pour l’usage du souampan. La première s’applique à toutes les colonnes verticales.
- Chacune des deux boules placées au-dessus de la barre horizontale représente cinq unités, tandis que celles qui sont placées au-dessous ne repré-sentent qu’une unité du même ordre. La seconde s’applique à la valeur représentative de chaque colonne verticale, et est la même que la convention fondamen-
- cliiffres significatifs. Si la sixième colonne à droite représente des unités, la septième représente des dizaines, la huitième des centaines, la neuvième des mille, et la dixième des dizaines de mille. Dans ce cas la cinquième représentera des dixièmes, la quatrième des centièmes , la troisième des millièmes, la seconde des dix-millièmes et la première des cent-millièmes.
- Ainsi, ce peuple manque tellement d’idées générales, qu’il n'a pas songé à transporter sur le papier le. système de numération qui se trouve pour ainsi dire matériellement réalisé sur son boulier !
- Ni les Américains, ni les Anglais, conservantun attachement si blâmable pour leur système de poids et mesures, et ne comprenant point par conséquent d’une façon complète les avantages de la numération décimale, ne possèdent les qualités nécessaires pour être ses instituteurs ; ne semble-1-il pas que nous soyons destinés par notre logique à être ses professeurs, et a le tirer, par notre vaillante initiative de son esclavage intellectuel quarante fois
- séculaire. W. de Fonvieli.e.
- —1
- taie réglant
- la valeur de nos
- Chiffres usuels — — — m 31 -t- s\ t A K t
- Chiffres simplifiés I «1 Ul X % -A *f % t
- Chiffres compliqués M SC Ê: m ft B $ m n
- 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
- W * 1 t n ..m.» M ü if m ± #
- Cent Mille WOMille Million (Millions tOOMdlions Billion lûBillions 100Billions Trillion tOTnIBons fOOTriUians Zéro
- Fig. 3. — Caractères de la numération chinoise.
- p.124 - vue 128/432
-
-
-
- LA NAT U UK.
- 125
- LE CYCLOÏDOTROPE
- Tel est le nom d’un appareil de récréation optique très ingénieux, que nous présente M. Geo. M. Hopkins dans le Scieniific American. Le but de l’appareil est de tracer des courbes symétriques et de formes variables à l’intini sur des plaques de
- verre ; les courbes sont ensuite introduites dans des appareils de projection pour produire des effets variés.
- La figure 1 représente le cycloïdotrope ; quelques-unes des courbes des formes les plus simples obtenues avec l’appareil, sont reproduites au-dessous (fig- 2)-
- Les gravures de l’appareil s’obtiennent sur des disques en verre : ces disques en verre sont main-
- Fig. 1, — Cycloïdotrope, appareil pour tracer de» courbes symétriques.
- tenus sur une platine mobile à l’aide de deux ressorts munis de molettes exerçant leur pression aux extrémités d’un même diamètre. On imprime un mouvement de rotation continu a la platine qui supporte le disque de verre à l’aide d’une manivelle et d’un petit engrenage. Cette platine porte 202 dents et commande un pignon portant 33 dents. Sur ce pignon est montée une manivelle de longueur variable, ajustable à volonté; il peut recevoir un levier à l’extrémité duquel est fixée la pointe traçante.
- Un fil permet d’éloigner ou d’approcher à volonté la pointe traçante de la surfaee du disque.
- La glace est préparée au noir de fumée sur une bougie, une lampe, un bec de gaz, ou mieux encore, en la recouvrant d’une couche de collodion convenablement teinté avec une couleur d’aniline.
- Lorsque le disque de verre préparé est en place, on laisse retomber la pointe traçante sur le verre en détendant le fil qui la maintenait éloignée, et on met le système en mouvement en agissant sur la manivelle. A cause des dispositions complexes du disque, du pignon, de la manivelle et de la bielle qui porte la tige traçante, on obtient une série de ev-
- eloïdes qui viennent se juxtaposer et finissent par former un réseau de lignes symétriques et de formes variables à l'infini avec les rapports des longueurs et les positions relatives données aux différents organes.
- On peut rendre le dessin encore plus joli et plus curieux quand on recouvre les deux faces du disque de verre, de collodion diversement coloré; on peut produire , par exemple, une face bleue et l’autre rouge. En faisant le tracé sur la face bleue, les lignes paraîtront rouges sur un fond bleu; en faisant le tracé sur la face rouge, les lignes paraîtront bleues sur un fond rouge. Si l’on opère les tracés sur les deux faces, les points d’intersection des deux tracés apparaîtront naturellement en blanc, et les tracés eux-mêmes de deux couleurs différentes.
- En dehors des effets produits par les deux couleurs, on peut obtenir une illusion d’optique des plus curieuses due à l’épaisseur du verre qui sépare les deux tracés. Il suffît de projeter l’image et de mettre au point l’un des tracés, il semblera détaché de l’écran de plusieurs pouces et paraîtra flotter dans l’air.
- En imprimant un mouvement de rotation rapide au disque et en l’arrêtant brusquement, les tracés
- Fig. 2. — Spécimen de quelques-unes des courbes obtenues.
- p.125 - vue 129/432
-
-
-
- 126
- LA NATLUE
- sembleront tourner en sens inverse. On obtient ainsi des effets curieux et intéressants en substituant ces figures aux disques peints ordinaires du chroma-trope.
- Le cycloïdotrope exhibé depuis quelque temps en Amérique à titre de récréation, produit toujours d’après M. Geo. Hopkins, un murmure de satisfaction et de surprise parmi les spectateurs. Espérons qu’il rencontrera le même succès après avoir franchi TA tlantique.
- LÀ LUCERNAIRE
- Tout le monde connaît les Actinies, auxquelles des formes gracieuses et de brillantes couleurs ont fait donner le nom d’Anémones de mer.
- L’élégant animal que nous présentons aujourd’hui aux lecteurs de La Nature mériterait entre tous un nom de fleur tant il ressemble à une corolle animée.
- Fixée sur des algues par un pédoncule formant ventouse, la Lucernaire épanouit ses huit bras reliés par des membranes minces et transparentes , en 1 un disque coloré de brun fauve, piqueté détachés d’un beau vert émeraude peut-être lumineuses au sein des profondeurs. Chacun de ses bras est terminé par une pe-lotte hérissée de petits suçoirs qui servent à l’animal pour saisir sa proie lorsqu’il se contracte brusque-mentpour l’emprisonner dans son disque au centre duquel se trouve la bouche. On dirait alors d’une de ces plantes carnivores qui ont tant étonné les naturalistes par la rapidité de leurs contractions.
- Les Lucernaires sont assez rares. Lorsque la mer baisse plus que de coutume, dans les jours de grandes marées, on peut les trouver sur les rochers découverts.
- On voit alors comme une petite masse gélatineuse brune, contractée, pelotonnée, fixée à quelque fucus ; c’est la Lucernaire dont rien ne fait soupçonner alors l’élégante sveltesse.
- Portée dans un bocal rempli d’eau de mer limpide, elle s’épanouit, sort un à un chacun des petits suçoirs qui terminent ses bras, puis abandonnant son algue elle nage par des contractions régulières de son ombelle jusqu’aux parois du vase sur lesquelles elle s’attache.
- La symétrie rayonnée et le pédoncule de cette singulière Actinie font penser à ces autres calices animés, aux Crinoïdes, dont M. Perrier a écrit l’histoire ici même; et, pour peu qu’on soit transformiste, on serait tenté de voir dans la Lucernaire l’ancêtre de la Comatule.
- Mais, revenons à notre prisonnière qui se referme au moindre attouchement ; on peut la conserver très longtemps en captivité. J’ai eu il y a quelques années l’occasion d’en observer une pendant plusieurs mois au laboratoire de la Faculté de Toulouse ; elle venait de Roscoff. Non seulement elle avait parfaitement supporté le voyage
- dans un flacon bouché, mais encore en aérant quelquefois l’eau de son bocal elle vécut tout un hiver jusqu’au jour où elle fut disséquée. Un bras détaché du disque peut vivre isolément, mais on n’a pas, à notre connaissance, constaté la reproduction de l’animal entier par le bras, comme cela a été fait pour l’Astérie ou étoile de mer. Pour conserver les Lucernaires et en général toutes les Actinies dans l’alcool, il faut préalablement les tuer sans les contracter.
- On arrive à ce résultat en mélangeant goutte à goutte de l’eau douce à l’eau de mer dans laquelle vivent les animaux.
- Ils sont alors saisis par une stupeur progressive qui les envahit et les fait passer insensiblement de l’engourdissement à la mort. P. de Sède.
- CHRONIQUE
- Un monolithe monstre. — Les visiteurs à l’Exposition d’Anvers de 1885 ont pu admirer les énormes spécimens de granits, de marbres, et de pierres d’autres sortes, exhibés dans les jardins, et provenant de diverses carrières belges. Rien d’aussi considérable n’a cependant, croyons-nous, été exposé ni produit d’analogue au bloc de granit qui vient d’être extrait des carrières de Monson, dans l’état de Massachusetts, aux États-Unis. Le bloc en question n’avait pas moins de 108 mètres de long sur 5m,30 de large et 0m,90 à lm,20 d’épaisseur, cubant par conséquent 320 mètres cubes. Les plus grandes précautions ont dù être prises par les ouvriers carriers pour extraire ce bloc dont la valeur, en une seule masse aurait été considérable s’il avait pu être aisément transporté dans une des grandes villes du pays. Le monolithe a dù être cassé en morceaux pour les besoins ordinaires du bâtiment. J. B.
- Sol d’atelier économique. — On peut établir économiquement un sol d’atelier par les deux procédés suivants : le premier donne une surface dure et résistante ; il est employé avec succès pour les chapes de voûtes. Le second est encore plus économique, mais il donne un sol moins dur; il a été employé dans les magasins de l’arsenal’ de Toulon comme revêtement de la surface de la voie et de l’entrevoie du chemin de fer de service.
- Premier procédé. — Pilonner fortement le sol de l’atelier après avoir humecté au besoin le sous-sol par un arrosage préalable. Appliquer sur cette surface bien nivelée une couche de 0m,06 (six centimètres) d’épaisseur de mortier pulvérulent ayant la composition suivante : chaux de Teil en poudre, 540 kilogrammes ; sable tamisé, fin, 945 kilogrammes; eau 70 à 75 litres.
- Ce mortier est pulvérulent. On bat fortement la couche étendue sur le sol, avec une savate ou un pilon, jusqu’à ce que le mortier ait assez de consistance pour résister à la pression du doigt, puis on unit la surface en y passant fortement de plat de la truelle. On recouvre ensuite provisoirement cette surface de sable qu’on maintient constamment humide afin que le durcissement du mortier se fasse dans de meilleures conditions. Si l’on était pressé, on remplacerait la chaux du Teil par du ciment de Portland ou mieux encore par du ciment Yicat à prise lente qui durcirait beaucoup plus rapidement que la chaux.
- Après la prise du mortier, on enlève le sable, on lave la surface du mortier, puis lorsqu’elle est sèche on y éterid
- Lucernaires sur un fucus. (Demi-grandeur naturelle.)
- p.126 - vue 130/432
-
-
-
- LA A AT LU K.
- J -27
- (rois couches successives de goudron de houille (coaltar). Enfin on la saupoudre avec du sable sec et très lin.
- Deuxième procédé. — On recouvre le sol de l’atelier préalablement nivelé et damé, d’une couche d’argile sablonneuse qu’on pilonne fortement. Puis on étend à la surface de cette argile une légère couche, de goudron de houille chaud et appliqué au pinceau de manière à en laisser le moins possible à la surface. Ou laisse sécher cette première couche et on en passe une seconde de la même manière. Ensuite on saupoudre la surface de sable fin et bien sec. On obtient ainsi au bout de quelques jours une surface unie, assez résistante, qu’on croirait bitumée et qui a l’avantage de no coûter que dix à quinze centimes par mètre carré. A. Gobin,
- Ingénieur en chef des pouls et chaussées, à Lyon.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 18 janvier 1886. — Présidence de M. l’amiral
- JüRIEN DE LA GrAVIÈUE.
- Monument à Saussure. — Le maire de Chamonix, en annonçant qu’au mois d’août 1887 aura lieu la célébration du centenaire de la première ascension du mont Blanc par Horace Bénédict de Saussure, ajoute qu’en même temps sera inauguré un monument en l’honneur de l’illustre géologue. Les clubs alpins français, suisse et italien se sont associés d’avance à cette solennité et l’Académie des sciences est invitée à en faire autant. En conséquence, une liste de souscription est dès maintenant ouverte au secrétariat de l’Institut.
- Histoire de la marine. — Poursuivant avec la plus louable activité une œuvre dont plusieurs fois déjà nous avons entretenu nos lecteurs, M. l’amiral Paris dépose la troisième livraison de sa reconstitution des anciens navires. On y voit par exemple une galéasse, comme il en existait encore sous Louis XIV avec ses neufs galériens à chaque rame et ses mille marins ne disposant chacun pour vivre que de 7/10 de mètre! On y voit la trière athénienne restaurée par M. l’amiral Serre, la trière vénitienne, un navire américain avec six mâts, etc., etc.
- Photographie stellaire. — C’esl avec une très grande admiration qu’on examine les belles photographies de constellations présentées par M. Mouchez au nom de MM. Henry. M. Fave demande que la section d’astronomie soit invitée à en faire très prochainement l’objet d’un rapport et M. Faye se félicite de voir si complètement confirmées ses prévisions sur les services astronomiques qu’on doit attendre de la photographie.
- Spcctroscopie. — Un savant américain bien connu, M. Lengley, poursuivant de grandes études de physique du globe, a été amené a mesurer la longueur d’onde des radiations obscures. L’appareil qu’il emploie est si délicat que l’auteur a reconnu que la glace fondante émet des rayons dont la longueur d’onde est de 1 centième 1/2 de millimètre. De sorte que la distance si grande du temps de Newton entre les vibrations sonores et les ondes calorifiques et lumineuses est presque entièrement comblée.
- Géologie espagnole. — Dans un travail présenté par M. Hébert, M. Bertrand signale l’identité des couches jurassiques et crétacées du sud de l’Espagne avec celles
- des régions précédemment étudiées. Pour le lias et ses subdivisions, l’identité se poursuit jusque dans les petits détails de la manière la plus remarquable.
- Choléra. — Le fameux docteur Ferrand émet l’avis que dans ses injections anlicholériques, le bacille mort agit, par sa composition chimique, pour tuer le bacille vivant. La cause qui procure l’immunité (?) serait donc la même que celle qui amène la mort.
- Election. — Le décès de M. Tresca ayant laissé vacante une place de membre dans la section de mécanique, la liste de présentation portait : en première ligne M. Boussinesq et en seconde ligne ex æquo et par ordre alphabétique, MM. Marcel Deprez, Kretz, Léauté et Sarrau. Au premier tour, les votants étant au nombre de 55, M. Marcel Deprez réunit 25 suffrages, M. Boussinesq 23, MM. Léauté et Sarrau chacun 3, et M. Kretz en a 1. Aucun candidat n’ayant la majorité, on procède à un second vote, cette fois M. Boussinesq est élu par 29 voix contre 26 données à M. Marcel Deprez.
- Varia. — M. le docteur George fera au Conservatoire des Arts et Métiers, dimanche, 24 janvier, à 2 heures 1/2, une conférence sur l’hygiène du vêtement. — Un nouveau niveau à mesure, imaginé par M. Gauthier, va être adopté par l’Observatoire de Paris. — L’action du sulfure d’antimoine sur le sulfure de potassium occupe M. Ditte. — L’origine de l’enveloppe celluleuse externe des œufs d’insectes doit, d’après M. Pérès (de Bordeaux), être rat-; tachée à la paroi intérieure du cul-de-sac sécréteur, des œufs. — Une étude sur les palmiers. éocènes de l’ouest de la France est présentée par M. Crié (de Rennes).
- Stanislas Meunier.
- --------
- BRÛLÉES VIVES
- Le public s’est vivement ému, dans ces derniers temps, de ce drame effroyable, dont tous les journaux quotidiens ont donné le récit : une jeune fille, brûlée vive chez ses parents à Paris, par la combustion de sa robe auprès du feu de la cheminée, et morte dans des souffrances horribles, au milieu des flammes qui l’environnaient. De semblables catastrophes ne sont malheureusement pas très rares.
- Pendant l’Exposition des inventions tenue l’année dernière à Londres, un fumeur imprudent ayant jeté une allumette-bougie sur le sol, à l’heure où la foule était réunie dans le jardin autour des fontaines et jets d’eau électriquement éclairés tous les soirs, le feu prit à l’habillement d’une spectatrice qui se sauva affolée, activant ainsi les flammes qui la dévoraient : la pauvre patiente mourut de ses brûlures dans les quarante-huit heures. La foule qui l’entourait ne montra guère plus de présence d’esprit, tout le monde se sauvant à l’envi. Un ouvrier électricien se trouvant la et ayant vu le danger, jeta la victime par terre et l’enveloppa de son patelot qu’il avait promptement quitté. Les flammes furent éteintes, mais il était trop tard.
- De nombreux accidents de personnes, la plupart dus à des explosions de lampes à pétrole, ont été signalés récemment ; on a été encore impressionné à Londres par la nouvelle de l’accident arrivé a
- p.127 - vue 131/432
-
-
-
- 128
- LA NATURE.
- deux jeunes lilles du monde aristocratique. L’une d’elles, au moment de partir pour un bal, et tenant a la main une bougie, vit sa toilette légère s’allumer, un courant d’air ayant fait dévier la 11 anime à l’ouverture d’une porte au moment de passer d’une chambre dans l’autre.Enveloppée soudainement dans les flammes, elle s’échappa terrifiée, et sa sœur, également habillée en toilette de bal, entendant ses cris et n’écoutant que son courage, se précipitait sur elle pour la sauver, mais elle paya de sa vie cet acte d’héroïsme , car elle fut aussi brûlée et ne survécut a ses souffrances que quelques heures. La première victime est affreusement brûlée et il est peu probable quelle survive elle-même.
- M. John Marshall, écrivant au Time* sur ce sujet dramatique, dit avec raison que le seul remède, en pareille occurrence , est de se coucher par terre et de prendre la position horizontale.
- Toute personne ainsi atteinte devrait s’étendre immédiatement contre le sol et toute personne venant au secours devrait tout d’abord commencer par jeter la victime par terre si elle n’y était déjà. M. Marshall donne la théorie à l'appui de sa thèse, et celle-ci est facile à comprendre. L’écrivain rappelle que dans une salle d’hôpital où il était de service, le feu ayant pris à des pansements d’une nature très inflammable le long du lit d’un malade, un étudiant les jeta au milieu de la salle et après des efforts inutiles pour éteindre le feu avec ses pieds, commençait k brûler lui-même lorsqu’à la grande
- surprise de tous, y compris l’étudiant en question, M. Marshall se jeta sur lui avec la plus grande rapidité, il le saisit au collet, lui donna un croc-en-jambes,
- l’étendit et le maintint par terre. Un assistant arriva alors et éteignit le fe.u en y jetant l’eau d’un simple pot d’eau.
- M. Marshall conclut en recommandant que des notices convenables avec texte explicatif, soient affichées sur les murs des écoles à l’entrée de l’hiver, et ajoute qu’une impression ineffaçable serait produite sur l’esprit des enfants par la simple démonstration de deux mannequins habillés légèrement, enflammés en même temps dans une position verticale et dont l’un serait jeté par terre deux secondes et l’autre trente secondes environ après le moment de l’allumage.
- Un conçoit, en effet, que si le feu prend aux vêtements, on active la flamme en se sauvant ; on ne tarde pas à être environné d’un brasier ardent. En se couchant au ;contraire, le feu se produit superficiellement; on peut l’étouffer avec ses mains, et les secours sont plus faciles. Notre première gravure (fig. 1), montre une dame brûlant, debout et entourée de flammes; dans notre deu x ième gravure (fig. 2), on a supposé que la victime était tombée à terre évanouie ; le vêtement ne brûle qu’au-dessus du corps avec beaucoup moins de violence. J.-A Beri,y.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier. Imprimerie A. Lalmre, rue de Fleurus, à l’aris.
- Fig. 1. — Étal d'une dame dont les vêtements sont en combustion, et qui active les flammes en se tenant verticale et en courant.
- l'ig. 2. — Dans cette gravure, on a représenté une dame dont la robe a pris feu et qui est tombée évanouie par la frayeur. Celte ligure montre que si l’on se couche par terre horizontalement, quand le feu a pris à ses vêtements, les Ranimes, au lieu d’entourer le corps, ne se produisent que superficiellement et avec moins d’intensité.
- p.128 - vue 132/432
-
-
-
- N° GG 1
- 50 JANVIER 1886
- LA NATURE
- 120
- L’OBSERVATOIRE LIGK
- SUR LE MONT HAMILTON (CALIFORNIE)
- James Lick naquit en 1796 dans le comté de Le Lanon (Pensylvanie). Après avoir exercé à Philadel
- pi lie toute espèce de métiers, depuis celui de marchand de meubles et de pianos jusqu’à celui de directeur de théâtre, il se rendit, à Page de trente-cinq ans, dans l'Amérique du Sud, et s’établit à Buenos-Ayres, où il amassa une fortune de 45 000 dollars (225 000 francs). En 1847, il émiJ
- Fig. 1. — Vue d’ensemble de l’Observatoire du mont Hamilton, en Californie.
- Fig. 2. — Vue intérieure de la salle du grand cercle méridien à l’Observatoire du mont Hamilton.
- gra dans la région où se trouve actuellement San-Francisco, et plaça sa fortune en biens-fonds. Après un quart de siècle, il se trouva à la tête d’un capital cent fois plus considérable, que, par un acte fidu-\ 4e année. — lor semestre.
- ciaire, il mit entre les mains d’un conseil d'administration. 11 mourut à l’âge de quatre-vingts ans, un de ses principaux legs était une somme de 700 000 dollars (5 500 000 francs) destinée à la
- 9
- p.129 - vue 133/432
-
-
-
- 150
- LA NATl UK
- construction d’un grand observatoire sur le mont HamiltonC
- Le mont Hamilton, situé dans le comté de Santa-Clara, fait partie de la grande chaîne qui longe le Pacifique, et se trouve à 55 milles environ au sud-est de San-Francisco, et à 13 milles à vol d'oiseau de San-José, la ville la plus proche, à laquelle il est relié par un excellent chemin de montagne, et avec laquelle une ligne téléphonique le met en correspondance. U a trois sommets; le plus méridional, haut de 4500 pieds environ, fut choisi pour y construire l’Observatoire, et, comme il était très aigu, on fut obligé de l’épointer; 45 000 tonnes de rocs furent abattus, et on obtint un plateau présentant la forme d’un ovale irrégulier, long de 450 pieds, et ayant environ 235 pieds dans sa plus grande largeur; 1660 acres (670 hectares) de terrains situés autour de la montagne devinrent une dépendance de l’observatoire.
- Le conseil d’administration institué par M. Lick s’adressa a M. Sherburn W. Burnham, aux profes-
- Fig. 3. — Plan de l’Observatoire du mont Hamilton.
- seurs Holden et Newcomb et au capitaine Floyd, qui visitèrent le mont Hamilton, y firent des observations astronomiques, et étudièrent la disposition à donner aux bâtiments, dont les plans furent faits sous leurs yeux. On commença les travaux au printemps de 1880, et on les poussa activement. En 1881 on installa la lunette méridienne de 4 pouces et l’équatorial de 12 pouces, avec lesquels on observa le passage de Mercure. En 1882, on construisit deux réservoirs, l’un d’une capacité de 85 000 gallons (386 mètres cubes), qui est alimenté par l’eau d’une source voisine, l’autre, de 70 000 gallons (318 mètres cubes), qui reçoit les eaux pluviales. Dans cette même année, on observa le passage de Yénus. Le professeur Todd avait été chargé de diriger les travaux; l’emploi du photohéliographe donna d’excellents résultats, et on obtint des reproductions très exactes du soleil. L’é-
- 1 Ces sortes de libéralités sont fréquentes en Amérique, où l’initiative individuelle joue un si beau rôle pour le grand bien du pays. Ou ne saurait trop propager de si louables exemples. (1. T.
- dipse solaire du 16 mars 1885 fut aussi photographiée â l’observatoire Lick dans les meilleures conditions atmosphériques.
- Parmi les principaux instruments de l’Observatoire, il faut citer le cercle méridien de Repsold, dont les objectifs, d’un diamètre de 6 pouces 1/3, ont été faits par MM. Clark. La construction qui l’abrite a 43 pieds sur 45; les murs en sont doubles; le mur intérieur est de bois, le mur extérieur de fer, et ils sont assez éloignés l’un de l’autre pour qu’on puisse pénétrer dans l’espace qu’ils laissent libre ; les dispositions prises en vue d’obtenir la même température entre les deux murs et dans la pièce sont irréprochables.
- Outre les instruments déjà mentionnés, on trouve dès à présent dans l’Observatoire : une lunette méridienne de 4 pouces construite par Fauth; un appareil de mesures fait par Stackpole, et donnant les coordonnées tant polaires que rectangulaires; cinq horloges de Dent, Frodsham, Hohnü et Howard ; quatre chronomètres de Négus ; un télescope équatorial de 6 pouces 1 /5 ; un cercle vertical de Repsold de 2 pouces. L’établissement possède un atelier contenant des tours et tous les instruments nécessaires, et une bibliothèque astronomique composée avec grand soin, et qui a déjà coûté près de 5000 dollars ; un système de communications électriques réunit toutes les pièces d’observation et les pièces contenant les horloges.
- Le principal travail qui reste encore à faire, c’est de construire le grand télescope et d’édifier l’énorme dôme qui devra l’abriter. MM. Clark ont été chargés de faire l’objectif. M. Feil, de Paris, leur a déjà fourni d’abord la lentille de crown ; depuis peu, ils ont également en main la lentille de flint qui va leur permettre de commencer le travail. On espère que le télescope pourra être terminé en 1887. A partir de cette époque, l’Observatoire sera dirigé par les recteurs de l’Académie de Californie.
- Et maintenant, quelle sera la puissance de cet énorme télescope? Tous les astronomes qui ont observé les corps célestes du haut du mont Hamilton ont remarqué que l’homogénéité extraordinaire de l’atmosphère leur a permis d’adapter à leur télescope des oculaires qui grossissent deux ou trois fois autant que ceux qu’on emploie ordinairement. 11 y a donc lieu d’espérer qu’on trouvera chaque année quelques nuits où l’on pourra se servir avec avantage des pièces qui donnent le plus fort grossissement, lequel est de 3500 diamètres. La distance de la lune à la terre ne serait plus alors théoriquement que de 60 milles; mais les conditions idéales de vision ne peuvent jamais être atteintes; en tenant compte de différentes influences perturbatrices, et, entre autres, de celle de l’atmosphère terrestre, on peut espérer que l’observateur verra la lune comme il la verrait sans télescope si elle était éloignée de 100 milles. Si le point observé sur la lune était bien éclairé par le soleil, il est possible qu’il y pût distinguer assez nettement des objets dont la masse ne
- p.130 - vue 134/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 131
- serait pas plus grande que celle des plus grands monuments de la terre.
- Cherchons maintenant à nous rendre compte des avantages que l’observatoire Liek présentera sur les autres. L’altitude à laquelle il se trouve placé n’y fera pas paraître les objets célestes beaucoup plus brillants qu’on ne les voit ordinairement, ainsi que beaucoup de personnes le supposent; mais, ce qui est incomparablement plus important, l’homogénéité de l’atmosphère ambiante ne permettra pas seulement aux astronomes de faire usage de beaucoup de nuits claires qui, à des stations moins élevées, ne seraient pas très propices aux observations ; elle donnera encore à leurs travaux une extrême précision. Il en résultera qu’on sera obligé d’inventer, pour éliminer les erreurs personnelles et les erreurs dues aux instruments, des méthodes meilleures que celles qu’on possède actuellement. Les erreurs dues à la vision, dans la détermination des coordonnées d’une étoile, seront si petites que deux ou trois observations suffiront pour fixer sa position de la façon la plus précise.
- L’inllueuce de l’altitude sur l’atmosphère est moins heureuse pendant le jour qu’elle ne l’est pendant la nuit, et, s’il faut en juger par des expériences faites du mois de juillet au mois de décembre, les observations diurnes n’y réussissent pas mieux qu’à des stations moins élevées.
- Il ne faut pas omettre de faire ressortir ce fait que, de l’observatoire Lick, grâce à la hauteur exceptionnelle à laquelle il est situé, on commande une partie du ciel beaucoup plus grande que de l’une quelconque des autres stations situées à la même latitude. Du haut du mont Hamilton, on peut explorer des régions de l’hémisphère austral qu’il est impossible d’étudier dans nos laboratoires septentrionaux. A la latitude du mont Hamilton, le 53e parallèle de déclinaison australe coïncide à peu près avec l’horizon sud, et, parmi quarante-deux nouvelles étoiles découvertes par M. Burnham pendant son séjour sur la montagne en 1879, vingt se trouvent entre le 50e et le 40° degré de déclinaison sud (c’est-à-dire entre les limites de 23° et de 13° de hauteur maxima au-dessus de l’horizon), et cinq de ces étoiles sont entre le 40e et le 45e parallèle (c’est-à-dire entre les limites de 13° et de 9°).
- En général, aux altitudes ordinaires, les vents violents nuisent aux travaux micrométriques. D’après M. Burnham, les vents modérés ne semblent pas troubler l’homogénéité de l’atmosphère. Voici une expérience que j’ai faite à cet égard sur le mont Hamilton, et qui, autant que je sache, n’avait encore été faite nulle part. Dans la nuit du 2 décembre 1882, le vent ayant une grande intensité, je ne pus apercevoir Jupiter et Saturne qu’avec très peu de netteté ; dirigeant alors ma lunette vers Sirius, je vis son compagnon aussi distinctement que l’on peut voir un satellite de Jupiter dans de bonnes conditions atmosphériques.
- Ce qu’il faut signaler aussi comme un fait des
- plus heureux, c’est l’absence de nuages, pendant la plus grande partie de l’année, à la hauteur de l'Observatoire. Même pendant la saison pluvieuse, on y trouve parfois des périodes de plus de soixante-dix heures consecutives pendant lesquelles le ciel est parfaitement clair, tandis que la partie inférieure de la montagne est enveloppée comme d’une mer de nuages. On a tiré de ces nuages d’excellentes photographies.
- L’observatoire Lick possède dès à présent un nombre inusité d’instruments, tous d’excellente qualité.
- Les Irais de construction et d'installation n’absorberont guère que les 5/3 du legs de M. Lick. Les revenus du capital restant seront affectés à son entretien;* peut-être ne suffiront-ils pas; mais les services que ce bel établissement est appelé à rendre à la science donnent le droit d’espérer que des ressources lui viendront du dehorsl.
- David P. Todd.
- —x>«—
- LE MERCURE ENT SERBIE
- Un a découvert dernièrement, ou plutôt retrouvé, une mine do mercure à Schuppiastena, près de Belgrade.
- Pendant la construction de la ligne de chemin de fer qui passe par cette vallée, on trouva un bloc de quartz imprégné de sulfure de mercure. On chercha la provenance de cette roche et l’on fut assez heureux pour en retrouver le gisement en remontant la vallée à un endroit ou de nombreuses excavations firent reconnaître une ancienne mine, dont l’exploitation semble remonter au temps des Romains.
- Une galerie avait déjà permis, à l’automne dernier, de constater la continuité du filon sur une profondeur de 19 mètres ; ce filon est sillonné et parsemé de veines et d’amas de cinabre et de cristaux de calomel, en même temps que de nombreuses gouttes de mercure métallique. La gangue est un quartz corné, parfois crevassé et prenant alors l’apparence d’un silex calciné. Le filon de quartz a été reconnu sur une longueur de 8 kilomètres environ ; on y a trouvé de la saussurite et diverses roches chromées; il est compris entre des bancs de serpentine. L’exploitation de cette mine paraît devoir être très fructueuse, dit le Fer, mais elle ne parait point encore sortie de la période d’organisation.
- On sait qu’il n’existe que quelques mines de mercure dont le produit soit livré au commerce. Outre la célèbre mine d’Almaden, en Espagne, Idria (en Carniole, Autriche) fournit environ 10000 bouteilles, et New-Almaden, en Californie, la plus forle part des 100000 bouteilles de mercure versées annuellement sur le marché. On ne peut guère citer que pour mémoire leâ mines de Toscane et de Moschell-Landsberg (Palatinat). Quant à celles de l’Amérique du Sud, presque toute leur production est absorbée par le traitement des minerais d’argent.
- 11 est fort désirable qu’un accroissement sensible de la production européenne vienne faire baisser le prix du mercure qui est supérieur à 4 francs le kilogramme et à 55 francs le litre, et permette en même temps d’étendre l’emploi de ce précieux métal.
- 1 Traduit et abrégé par M. E. Puimppi.
- i —»
- p.131 - vue 135/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 152
- NOUVEL
- APPAREIL DE MICROPHOTOGRAPHIE
- DE M. YVON
- Cet appareil que nous représentons ei-dessous (fig. 1) permet de faire de la photographie microscopique soit avec un objectif seul, soit avec un objectif et un oculaire, soit enfin de fixer les spectres d’absorption ou d’émission. La disposition extérieure de l’instrument est la même que celle du microscope, mais le corps présente un diamètre de
- 10 centimètres et une hauteur de 0IU,30, que l’on peut porter à 0m,45 au moyen d’un tirage.
- 11 est fermé par une boîte horizontale à glissières qui peut recevoir divers châssis, contenant soit une glace spéciale pour la mise au point, soit les plaques sensibles au gélatino-bromure. La platine qui supporte l’objet que l’on veut photographier se meut au moyen d’une vis micrométrique que l’on voit en avant de l’appareil et dont la tête est graduée, ce qui per met de déterminer une fois pour toutes la valeur de la correction que l’on doit effectuer lorsque le foyer chimique de l’objectif ne coïncide pas avec le foyer optique. Le pas de vis de la pièce qui porte l’objectif, se prolonge dans l’intérieur de l’appareil, et l’on peut y visser un tube à tirage destiné à recevoir soit un oculaire, soit une lentille divergente dont j'expliquerai plus loin l’usage, soit un microspectroscope.
- Sous la platine porte-objet, se trouve un obturateur à déclenchement mécanique, ce qui permet de déterminer rigoureusement le temps de pose, et surtout de faire arriver brusquement et supprimer de même l’action de la lumière sur la plaque sensible, ce qui est une bonne condition pour obtenir des images nettes.
- L’éclairage de l’instrument est obtenu au moyen d’une lampe à incandescence alimentée par une batterie Trouvé de 6 éléments1. On obtient ainsi une
- 1 L'auteur se sert avec le plus grand avantage du photophore de Trouvé.
- Fig. 1. — Disposition de l’appareil pholoruierograpliiquc de M. Yvon
- intensité lumineuse sensiblement constante, ce qui permet de dresser un tableau des temps de poses, variables avec le grossissement employé.
- La mise au point rapide pour déterminer l’ensemble de l’image se fait au moyen d’un châssis garni d’un verre dépoli ; lorsque l’on a fait choix de la partie de la préparation que l’on veut photographier, on fixe cette dernière sur le porte objet au moyen de presselles, puis on procède à la mise au point rigoureuse.
- Pour cela, M. Yvon fait pratiquer au centre de la glace dépolie un trou dans lequel se trouve enchâssée
- une loupe achromatique faisant fonction d’oculaire. Cette loupe est à tirage et on la règle une fois pour toutes de manière à ce que son foyer coïncide e fortement avec le plante la face inférieure de la glace dépolie.
- En regardant dans cette loupe, on substitue à l’image réelle une image virtuelle dont on peut apprécier facilement tous les détails; la mise au point devient dès lors très facile. On peut également se servir d’une glace sur laquelle on promène une loupe pour la mise au point.
- Lorsque l’on veut obtenir de bons clichés, il ne faut se servir que de l’objectif seul ; le grossissement obtenu est, il est vrai, moins considérable que si l’on avait ajouté l’oculaire, mais la netteté de l’image fait une ample compensation. Après la mise au point, la durée du temps de pose est l'élément le plus important à déterminer. La constance de l’intensité lumineuse rend cette opération facile; le temps de pose doit être exactement mesuré avec un compteur à seconde.
- On fait successivement plusieurs clichés en augmentant ou diminuant pour chacun le temps de pose d'une seconde.
- Avant de procéder au développement, on marque avec une pointe sèche le nombre de secondes : on obtient ainsi une série dans laquelle on choisit le meilleur et l’on note le temps de pose correspondant.
- Avec le même objet, ce temps varie suivant le grossissement employé. Avec le même objectif, il
- p.132 - vue 136/432
-
-
-
- LA NAT U UK.
- 135
- dépend de l’épaisseur et surtout de la coloration de l’objet; d’une manière générale, on est toujours porté à donner au temps de pose une durée trop
- giande. Voici quelques chiffres à titre de renseignements.
- Avec l’objectif n° 6, sons tirage, la durée de la
- pose pour obtenir de bons clichés de diatomées ou d’objets non colorés, aeares, coupes végétales translucides, etc., varie de 2 à 4 secondes; avec tirage, il faut poser de 5 à C secondes.
- Avec les objectifs à immersion homogène n° 10, la durée de la pose doit être de 20 à 50 secondes ; avec le n° 15, de 40 à 00 secondes.
- Pour les préparations histologiques colorées, le
- Fig. 4. — Trichodecte ou pou du poulet. Gross. 46/1.
- temps de pose est plus considérable et environ double. Les préparations colorées à l’acide osmique donnent les meilleurs clichés ; avec l’objectif 0 sans tirage, le temps de pose varie de 8 à 20 secondes.
- Avec les préparations teintes aux couleurs d’aniline, il faut, suivant la couleur, faire varier non
- Fig. 5. — Corne et papilles du sabot du cheval. Gross. 26/1.
- seulement le temps de pose, mais encore Y intensité de l'éclairage; ce que l’on obtient facilement, soit au moyen d’un rhéostat, soit par la manœuvre de la pile. 11 ne faut pas oublier que, pour la photographie microscopique, l’ordre photogénique des couleurs est inverse. La lumière eu elfet traverse
- p.133 - vue 137/432
-
-
-
- 154
- LA NATURE
- l’objet : le fond étant éclairé, le contraste sur le cliché sera d’autant plus grand que la couleur de la préparation se rapprochera plus du rouge ; autrement dit, pour la photographie à la chambre noire, par réflexion, l’ordre photogénique des couleurs suit celui du spectre : violet, indigo, bleu; pour la photographie microscopique par transmission, il laut commencer par le rouge. On obtient très facilement de bons clichés avec les préparations colorées à la fuchsine, à l'acide picrique, au picro-carmin, tandis qu’il est beaucoup plus difficile de les obtenir lorsque l’objet est coloré en bleu ou en violet.
- Ainsi qu’il a été dit précédemment, la netteté des images obtenues avec l'objectif seul est très grande, mais le grossissement n’est pas considérable, et on ne peut l'accroître que par le tirage. C’est ce qu’a fait le Dr Roux, sur les indications duquel M. Vériek a construit une chambre noire présentant un tirage de lm,20. M. Yvon a obtenu un résultat, analogue, sans augmenter la longueur de l’appareil. Pour cela il suffit de mettre au lieu et place de l’oculaire une lentille concave achromatique. On peut, avec des lentilles de courbures différentes, obtenir un grossissement aussi considérable que l’on veut. L’addition de cette lentille augmente la divergence des rayons qui la traversent et produit le même effet qu’une augmentation de tirage.
- Nous reproduisons (page 135) par l'héliogravure quelques-uns des clichés que M. Yvon a directement obtenus au moyen de son appareil, et qu’il a bien voulu nous communiquer.
- Lés trois premières gravures (fig. 2,5 et 4) représentent des acarus, gale du cheval et pou du poulet; la troisième reproduction (fig. 5) donne la photographie micrographique des curieux poils et papilles qui se trouvent sous le sabot du cheval. Elles montrent les services que peuvent rendre aux micrographes le nouvel appareil que nous venons de décrire.
- COMÈTES ATTENDUES EN 1886
- La première comète périodique dont le retour pourrait être observé cette année est celle de Weiss.
- C’est en 1873 que l’éminent directeur de l’Observatoire de Tienne découvrit cette comète; il crut pouvoir l’iden- | tifier avec une autre qui avait été trouvée par Pons en ! 1818. La nature de son orbite indiquant une période peu j supérieure à six ans et l’astre n’ayant été revu à aucune , autre époque, il est possible, sinon probable, surtout si l’on considère que les observations faites par Pons avaient été fort nombreuses, que les déductions de Weiss n’étaient pas exactes et que la comète de 1873 n’a pas de période assignable.
- Une comète périodique dont le retour a déjà été observé celle de Tempel-Swift, est aussi attendue en 1886. Découverte le 27 novembre 1869 par Tempel, à Marseille, on reconnut que des éléments paraboliques ne pouvaient représenter les observations et l’on soupçonna que* son orbite pouvait être elliptique. Elle fut revue en 1880 par Swift à Rochester (E.-U.) et par Lohse à Dun Echt; lors de cette seconde apparition, les observations s’étendirent
- du 11 octobre 1880 au 22 janvier 1881 et permirent de déterminer définitivement l’orbite de cette comète périodique, et de l’identifier avec celle qui avait été observée en 1869. Sa période fut trouvée approximativement égale à cinq années et demie, de manière qu’elle a dû repasser à sa moindre distance (au périhélie) vers le mois de mai 1875. A cette époque la comète n’a pas été revue, mais cette circonstance s’explique aisément par les positions relatives des orbites de la Terre et de la comète, et elle se représentera pendant longtemps encore, lors des passages d’ordre pair. Cette année, l’astre passera au périhélie vers le mois de mai et il est peu probable qu’on puisse l’observer. En revanche, on a observé les passages de novembre 1869 et 1880 et on pourra observer celui de 1891.
- La troisième comète périodique de 1886, celle de Winnecke, atteindra son périhélie au mois d’août. Cette comète a été découverte en 1858; Winnecke montra que son orbite est elliptique et identique à celle d’une autre comète qui fut observée en 1819. Sa période est voisine de cinq années et demie ; elle a été observée en 1819, 1 >«58, 18r'9, 1875 et 1880. Elle ne pourra être aperçue qu’au moyen de lunettes.
- Enfin, une quatrième comète devrait passer au périhélie en 1886 : c’est celle de Biéla. Mais on sait que cet astre, après s’ètre dédoublé sous les yeux des observateurs en 1846, s’est montré une dernière fois en 1852 et que, depuis, il n’a été revu à aucun de ses passages de 1859, 1866, 1875 et 1879.
- On a supposé que cette comète aurait été aperçue en 1872, mais le fait n’est pas certain. On sait, d’autre part, qu’elle paraît avoir été désagrégée par les Léonides (météorites du 13 novembre), dont l’orbite coupe la sienne, et que les particules qui composaient l’astre pourraient bien se mouvoir dans leur orbite ancienne et se présenter périodiquement à nous sous la lorme d’une averse d’étoiles filantes, dont la dernière avait été prédite, et a été observée le 27 novembre 1885 i.
- --C-Ç-0-
- LES FLÀMMÂNTS
- Comment doit s’écrire le nom français vulgaire des oiseaux que les anciens appelaient Phénico-ptères. et quelle place ces singuliers volatiles doivent-ils occuper dans la classification? Ce sont là deux questions sur lesquelles les ornithologistes n’ont pas toujours été d’accord. Dans les ouvrages classiques on trouve en effet aussi souvent Flamant que Flam-mant (par deux ni) et le genre d’oiseaux ainsi désigné est tour à tour rangé parmi les Palmipèdes et parmi les Echassiers, à moins que, pour tourner la difficulté, on ne le mette dans un groupe spécial, incertœ sedis.
- Pour ce qui est de l’orthographe, nous nous rangeons sans hésitation à l’opinion de Buffon qui fait dériver Elammant de flamme et qui pense que ce nom, comme le mot latin Phœnicopterus, fait allusion aux taches d’un rouge flamboyant qui couvrent une partie des ailes de l’oiseau. « Nos plus anciens naturalistes français, dit Buffon, prononçaient flam-
- 1 D’après Ciel et Terre.
- p.134 - vue 138/432
-
-
-
- LA NATURE.
- *35
- bant ou flammant; peu à peu l’étymologie oubliée permit d’écrire flamant ou flamand, et d’un oiseau couleur de feu ou de flamme on fit un oiseau de Flandre; on lui supposa même des rapports avec les habitants de cette contrée où il n’a jamais paru. » Gesner, en effet, n’avait pas craint d’affirmer que les Pbénicoptères étaient, pour la plupart, originaires des Flandres et cpi’ils offraient dans leurs dimensions exceptionnelles certaines analogies avec la stature élevée des Flamands; mais avant Buffon le naturaliste Willughbv s’était, déjà chargé de faire justice de ces idées bizarres.
- D’autre part, si les Flarnmants rappellent les Canards par la structure de leur bec, garni de lamelles cornées sur le bord des mandibules, et par la conformation de leurs pieds, dont les doigts antérieurs sont reliés par des membranes natatoires, ils se rattachent aux Echassiers par la hauteur de leurs tarses, par la gracilité de leur cou, par les formes élancées de leur corps et par la disposition de leur charpente osseuse. C’est donc à tort que Linné, Wagner et M. Gray avaient rangé parmi les Palmipèdes, à côté des Anatidés, les Pbénicoptères dont la véritable place est dans l’ordre des Echassiers, où ils constituent néanmoins un groupe quelque peu aberrant. Ce groupe, il est vrai, n’est pas très riche en espèces, mais il présente une physionomie tellement caractérisée qu’il mérite d’être élevé au rang de famille distincte. En effet, tout en ressemblant par les teintes de leur plumage aux Ibis roses et aux Spatules de l’Amérique tropicale et aux Tantales de l’Indo-Cbine et de l’Afrique orientale, les Flarnmants diffèrent complètement de ces Échassiers par leur bec très épais et comme brisé vers le milieu, avec la mandibule supérieure beaucoup moins développée que la mandibule inférieure et s’adaptant sur celle-ci comme le couvercle d’une tabatière. En dépit de ses formes étranges, ce bec est admirablement adapté au genre de vie de l’oiseau ; c’est un instrument de pêche que le Phénicoptère manœuvre avec beaucoup d’adresse pour recueillir dans la vase les coquillages et les vers dont il fait sa nourriture.
- Les Flarnmants ne se rencontrent que dans les contrées chaudes ou tempérées de l’Ancien et du Nouveau Monde et ils sont complètement étrangers à l’Europe septentrionale, aussi bien qu’à l’Australie et aux îles de l’Océanie. Tous ont les mêmes allures, les mêmes mœurs, le même régime, et ils ne diffèrent les uns des autres que par les proportions des diverses parties du corps ou par la livrée plus ou moins éclatante. Sur le pourtour du bassin méditerranéen et dans l’Inde, ils sont représentés par une espèce à plumage blanc, nuancé de rose et rehaussé par deux plaques d’un rouge carmin sur la partie antérieure des ailes dont la pointe est d’un noir profond. Cette espèce qui porte les noms scientifiques de Phénicoptère rose (Phœnicopterus rosevs) et de Phénicoptère des anciens (Phœnicopterus antiquorum) était en effet bien connue des Romains et se trouve citée à plusieurs reprises dans l'Histoire
- naturelle de Pline, dans les œuvres de Suétone et dans les Satires de Martial, mais, chose curieuse, ne figure point dans {'Histoire des animaux d’Aristote. Du reste les Flarnmants ne paraissent pas, à beaucoup près, être aussi répandus sur les côtes de la Grèce qu’ils ne le sont en Italie et en Espagne. Dans le sud de cette dernière contrée ces oiseaux au brillant plumage se montrent en hiver le long des côtes, partout où il y a des lagunes et des marais salants, lis nichent même en grand nombre sur quelques îles de l’embouchure du Guadalquivir, où ils ont été observés récemment par un naturaliste anglais, M. A. Chapman. « Les îles habitées par les Flarnmants, dit M. Chapman l, sont situées à six milles de distance environ des côtes basses de la marisma, que l’on n’aperçoit point à cette distance. Quand je visitai ces îles au mois de mai, je fus frappé de l’aspect désolé du paysage. Seuls des groupes d’oiseaux rompaient la monotonie de cette vaste étendue d’eau et remplissaient les airs d’une clameur continue. A quelques mètres de nous, des Échasses, que la longueur de leurs pattes obligeait à s’enfoncer dans l’eau jusqu’aux genoux, cherchaient paisiblement leur nourriture, tandis qu’un peu plus loin de petites troupes d’oiseaux de rivage, les uns blancs, les autres noirs, se jouaient au soleil. C'était, pour la plupart, des Pluviers à collier, des Bécasseaux et des Courlis, ces derniers en plumage de noces. Un Busard de marais était houspillé et pourchassé par une horde de Vanneaux, et de temps en temps un vol de Canards, passant à une grande hauteur au-dessus de nos têtes, nous rappelait que l’hiver venait seulement de finir. Les derniers plans du paysage étaient occupés, dans toutes les directions, par des centaines de Flarnmants, les uns posés et formant de petits groupes ou des masses serrées, les autres volant le cou droit et les pattes étendues et dessinant sur le ciel des bandes brillantes ou des nuées d’un rose vif. Souvent nous voyions passer une paire d’oiseaux bien adultes, à livrée rouge, accompagnés d’un autre individu portant encore le costume du jeune âge. Mais ce qui produisait l’effet le plus extraordinaire, c’était l’innombrable multitude de Flarnmants qui, tout à fait à l’horizon, traçait une raie blanche presque continue entre l’azur du ciel et la teinte verte de la mer. »
- Cette raie blanche, toutefois, n’avait point partout la même épaisseur; sur certains points elle s’élargissait comme si les oiseaux eussent été empilés les uns sur les autres. A quoi pouvait tenir cette singulière apparence? Les maxima d’épaisseur de la ligne correspondaient-ils, comme l’affirmait Felipe, le chasseur espagnol qui accompagnait M. Chapman, à des pajareras, c’est-à-dire à des groupes de nids? M. Chapman résolut d’en avoir le cœur net et s’étant mis bravement à l’eau avec son guide, il reconnut bientôt que çà. et là une foule de Flam-
- 1 Note sur l’ornithologie de l’Espagne, publiées dans le journal Y Ibis, en 1884.
- p.135 - vue 139/432
-
-
-
- 156
- LA N ATI! KL.
- niants se tenaient les uns debout sur un îlot, les autres à demi plongés dans l’eau environnante. Par suite les corps des oiseaux n’étaient pas tous au même niveau et dessinaient trois ou quatre lignes superposées.
- Après avoir traversé péniblement un large chenal, M. Chapman réussit enfin à aborder, avec son compagnon, sur un des îlots où les Flammants avaient établi leur résidence, et là il se trouva en présence d’une foule de nids très rapprochés les uns des autres et donnant au terrain qui les portait l’aspect d’une vaste table, couverte de vaisselle. Ces nids, en effet, consistaient en des monticules de boue de 2 à G pouces de haut creusés au sommet d’une dépression circulaire et conservant souvent l’empreinte du corps de l’oiseau. Au milieu d’eux se trouvait une sorte de mare, remplie d’eau saumâtre que les oiseaux avaient évidemment formée en creusant le sol avec leur bec pour extraire le limon nécessaire à la construction de leurs nids. Enfin autour de cette_ colonie principale étaient disséminés d’autres nids, les uns isolés, les autres réunis deux à deux et émergeant de quelques pouces au-dessus de la surface de l’eau qui en cet endroit n'était d’ailleurs pas très profonde.
- Lors de cette première visite, le 9 mai, M. Chapman trouva les nids complètement vides et quelques jours après il ne put encore, malgré toutes ses recherches, découvrir un seul œuf; cependant, celte fois, étant parvenu, en rampant pour ainsi dire dans l’eau, à s’approcher à une distance d’une soixantaine de mètres sans éveiller l’attention des sentinelles, il avait vu nettement, avec sa lorgnette, les Flammants couchés sur leurs nids, leurs longues pattes repliées sous leur corps, avec les talons dépassant légèrement l’extrémité de la queue, la tête reposant sur la poitrine, et le cou gracieusement enroulé et à demi enfoncé dans les plumes du dos, à la manière des Cygnes au repos. Ce n’est que le 26 mai que le guide de M. Chapman put lui rapporter quelques œufs. Comme le fait observer ce naturaliste, on ne comprend pas quel mobile pousse les Flammants à retarder autant le moment de la ponte et la période d’incubation; car de cette façon, quand les jeunes sont complètement élevés, les marais d’alentour sont depuis longtemps desséchés et chaque famille se trouve échouée au milieu d’un véritable désert. Or tout le monde sait que les Phé-nicoptères ne sont heureux que lorsqu’ils ont autour d’eux des lagunes où ils peuvent barboter tout à leur aise.
- M. llenke, qui a séjourné plusieurs années dans la ville d’Astrakan, a vu, sur les bords de la mer Caspienne, les Flammants nicher absolument dans les mêmes conditions qu’à l’embouchure du Guadal-quivir. Leur principale colonie était située sur une bande de sable qui était comme perdue au milieu d’une vaste lagune : elle comprenait, vers la fin de juillet, plus de 169 nids, en forme de cône, excavés au sommet et entièrement formés d’un limon noi-
- râtre tout imprégné de sel. Pour se procurer cette boue, les oiseaux avaient dù percer, à grands coups de bec, la croûte dure qui couvrait la surface du sol. Lors de la visite de M. llenke, la lagune était desséchée et ressemblait à une vaste plaine toute saupoudrée de sel, mais, à d’autres époques, l’eau devait s'élever jusqu’à un pied au moins du sommet des nids. Ceux-ci étaient en partie occupés et contenaient les uns deux ou trois œufs à coquille rugueuse, les autres des jeunes en duvet. Pour nourrir ceux-ci, les parents s’en allaient chaque soir à une distance de 25 milles, chercher de grosses grenouilles dans une mare d’eau douce.
- Enfin l’enquête faite par M. J.-W. Clark, dans la Camargue, auprès des habitants du pays, enquête dont les résultats ont été consignés dans le journal l'Ibis, en 1870, confirme les observations de MM. Chapman et llenke. Un berger interrogé par M. Clark se rappelait en effet avoir trouvé, il y a une vingtaine d’années, sur la langue de terre qui sépare 1 étang de Valcarès de la mer, des tas de sable très rapprochés les uns des autres et excavés au sommet, qu’un chasseur lui avait affirmé être des nids de Flaminant.
- Ainsi se trouve justifiée la description du P. Labat, qui nous dépeint les nids du Flammant des Antilles (Phœnicoplerus ruber) comme de petits amas d’argile ou de fange, émergeant du sein d’un marécage et supportant les œufs que l’oiseau dépose simplement sur la terre battue; mais en revanche, tout semble prouver que Catesby s’est trompé en affirmant que les Phénieoptères ne couvaient pas tout à fait à la façon des autres oiseaux, mais qu’ils se tenaient sur leurs nids les jambes pendantes, à la manière d’un homme assis sur un tabouret.
- Les œufs du Flammant rose sont à peu près de la grosseur d’un œuf d’Oie, mais de forme beaucoup plus allongée et d’un blanc crayeux. Il y en a deux ou trois par nid, et au bout de trente ou trente-deux jours d’incubation, les petits viennent à la lumière et se montrent d’abord couverts d’un duvet très léger, d’un blanc de neige. Ce duvet est assez rare pour laisser apercevoir la peau, qui est d’une teinte grisâtre sur le corps et d’un noir profond dans l’espace compris entre l’œil et le bec. En outre, chez les jeunes, les pattes sont d’un brun noirâtre au lieu d’être d’un rouge carmin comme chez les vieux, et les mandibules, qui n’offrent pas encore la brisure caractéristique du bec de l’adulte, sont également d’une teinte foncée, tandis que, chez l’oiseau parvenu à son développement complet, elles sont roses avec la pointe noire.
- Les jeunes Flammants vont à l’eau presque au sortir de l’œuf et sont très difficiles à capturer. Avec l’âge, leur caractère devient encore plus méfiant, et la chasse des Phénieoptères présente, surtout en plein jour, des difficultés exceptionnelles. Ces oiseaux, en effet, ne fréquentent que les endroits découverts, et ils se font garder par des sentinelles qui, en cas de danger, avertissent la bande
- p.136 - vue 140/432
-
-
-
- Flaminauts. (D’après les individus vivant actuellement au Muséum d'histoire naturelle de Paris.)
- p.137 - vue 141/432
-
-
-
- 138
- LA NATURE.
- par un cri retentissant, comparable à un appel de trompette. Il paraît cependant qu’au moment de la mue, les Flammants, ayant perdu les grandes pennes de leurs ailes, sont incapables de s’envoler et se laissent prendre à la main. M. Crcspon raconte dans son Ornithologie du Gard, qu’au mois de juin 1828, on prit de la sorte, dans l’étang de Yalcarès, une grande quantité de ces grands Échassiers, qui furent vendus à vil prix sur le marché. En 1819, suivant le même auteur, une quarantaine de Flammants furent assommés par des chasseurs qui les avaient rencontrés, les pieds pris dans la glace d’un étang voisin d’Aigues-Mortes. Mais, nous le répétons, il est rare que la capture des Phénicoptères puisse s’opérer aussi facilement, et les chasseurs sont obligés de surprendre ces oiseaux en se glissant au milieu des herbes ou de les faire tomber dans des fdets tendus entre deux barques de pêche. C’est par ce dernier procédé que sont pris la plupart des Flammants que l’on voit dans les jardins zoologiques.
- En captivité, les Flammants perdent leur défiance naturelle et s’habituent rapidement à leur nouvelle existence; ils reconnaissent leur gardien et vivent en bonne harmonie avec d’autres volatiles, comme on peut s'en assurer en étudiant le petit troupeau qui vit à la ménagerie du Jardin des Plantes. Sans insister sur les autres espèces de la famille des Phé-nicoptéridés, ce qui nous entraînerait beaucoup trop loin, nous rappellerons que l’espèce commune était tenue en haute estime par les gourmets de l’antiquité. C’est ainsi qu’Apicius avait réduit en corps de doctrine l’art d’assaisonner les Phénicoptères, que le célèbre Héliogabale faisait servir sur sa table des plats entièrement composés de langues de Flammants, et que Yitellius jugeait ce mets digne de figurer au milieu des cervelles de Faisans et des langues de Murènes. Du reste, si l’on croit Brehm, la réputation de la langue de Phénicoptère est parfaitement méritée, et le Flammant rôti constitue l’un des mets les plus exquis que l’on puisse manger.
- E. OüSTALET.
- CURIOSITÉS POSTALES
- EN ANGLETERRE
- Parmi les nombreux objets étranges, animés ou inanimés, confiés aux soins de T Administration postale par des gens naïfs et crédules, ou peut-être en avance sur leur siècle, nous extrayons des rapports annuels récents du Postmaster General la liste amusante suivante : poissons, saucisses, oiseaux à empailler, crème fouettée, fruits, salades, gelées, petits chats vivants, rats morts, etc. Il y a quelques années, un jeune épagneul vivant fut trouvé dans la boîte aux lettres du bureau de poste de Lombard Street, ayant une adresse sur étiquette en parchemin attachée autour du cou; le colis fut dûment livré à destination. Il est avéré que de temps en temps des paquets contenant des articles étranges continuent à être confiés à la poste, tels que des vers à soie vivants, dés souris, des lézards et des tortues. Un gentleman
- excentrique, passionné pour l’histoire naturelle, a éprouvé une grande déception lorsqu’on lui refusa de transmettre un serpent vivant. Ultérieurement, cependant, par exception, et pour ne pas heurter d’une façon exagérée les sentiments du naturaliste, le service postal ayant acquis la conviction que le serpent en question n’était autre qu’un favori ayant été en visite, consentit à en entreprendre la transmission, et le vertébré en question fut dûment, distribué par messager spécial.
- Un autre côté curieux du service postal est celui qui concerne le département des lettres retournées ou perdues (dead leltcr office). Il n’est pas peu étrange de voir que sur 3 792 89 i lettres, duquel nombre les destinataires de 511 660 n’ont pu être retrouvés, 11 505 ne portaient aucune suscription malgré qu’elles contenaient des valeurs montant à 85 000 francs. Une autre année, sur 3 millions et demi de lettres mal adressées, 80 000 contenant des valeurs n’ont pu être distribuées, 540 n’ayant aucune suscription; en outre, près de 11 000 objets de valeur furent trouvés dans les boîtes aux lettres du pays, ainsi qu’environ 50 000 timbres-poste. Le nombre totaf de lettres sans aucune suscription était de près de 15 000.
- En 1881, sur plus de 5 500 000 lettres avec suscriptions erronées ou insuffisantes reçues, 475 000 ne purent ni être distribuées aux destinataires ni retournées à leurs envoyeurs. Une contenait un chèque de 2500 francs qui n’a pas été réclamé depuis; au sceau d’une autre était attachée une livre sterling que l’envoyeur avait oublié de détacher et qui lui fut renvoyée par la poste ; 27 000 n’avaient aucune suscription; 1340 contenaient des valeurs d’environ 125 000 francs. Environ 30 000 articles furent trouvés sans couvertures, celles-ci étant trop faibles et ayant laissé échapper leur contenu.
- En 1882, sur 5 454 885 lettres à retourner aux envoyeurs, 542 811 ne purent l’être; 26 750 n’avaient pas de suscription et parmi celles-ci 1507 contenaient des valeurs dépassant 150 000 francs.
- En 1883, sur 5 651 443 lettres à renvoyer, 562 291 ne purent l’être; 26 293 n’avaient pas de suscription et 1604 contenaient environ 150 400 francs de valeurs.
- L’année 1884 accuse environ les mêmes chiffres.
- Dans une occasion, un paquet contenant une montre et 50 francs fut remis à la poste sans être ni recommandé, ni scellé, ni attaché, et dans une autre une montre en or et un médaillon, empaquetés négligemment, furent adressés en Amérique, sans autre indication de l’envoyeur ou du destinataire.
- En 1881, une compagnie de Hull remit à la poste 300 000 circulaires pesant environ 20 tonnes et‘dont l’affranchissement coûtait environ 60 000 francs. Le tout fut expédié et distribué, sans confusion ni délai, dans les quarante-huit heures, sept wagons supplémentaires ayant été requis.
- En 1883, une maison de Londres expédiait, un seul jour, 132 000 lettres, et une autre, 167 000 cartes postales ; d’autres maisons de Londres envoyèrent, d’un coup, l’une 144 000, l’autre, 456 000 circulaires.
- Cette année, une boîte expédiée par l’intermédiaire du nouveau service des colis postaux arriva à Greenock et fut ouverte par les autorités en-conséquence d’un bruit étrange et inexplicable provenant de l’intérieur. Un hibou ordinaire, presque mort d’inanition, fut découvert et fut, après avoir été soigneusement nourri et ramené à des conditions normales, expédié par rail à son destinataire.
- A Birmingham, deux chèques, l’un de 2925 francs, l’autre de 500 francs, l’un payable au porteur et l’autre
- p.138 - vue 142/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 159
- non croisé, lurent déposés dans une boîte aux lettres sans enveloppes ni adresses.
- A Liverpool, en janvier dernier, une circonstance advint, laquelle, si elle était fréquemment répétée, causerait les plus graves ennuis au service postal. Quelqu’un, influencé par des motifs d’économie ou par toute autre raison, écrivit une lettre de vingt-six mots sur le dos d’un timbre-poste de 10 centimes. Cette lettre d’un nouveau genre ayant été dûment distribuée, la farce fut renouvelée ; mais la troisième fois, le message ayant été écrit sur le dos d’un timbre de 5 centimes au lieu de 10, la somme de 10 centimes fut réclamée et obtenue à la distribution, par le facteur, pour affranchissement insuffisant.
- Le service postal, si admirablement organisé, n’est pas toujours à l’abri des reproches, mais l’administration a la satisfaction de ne pas recevoir que des plaintes. Il v a quelques années, un citoyen américain, débarqué en Angleterre et ignorant l’adresse actuelle de sa sœur, lui adressa une lettre à
- Upper Norwood ou autre part.
- Il reçut une réponse dans les délais ordinaires dans laquelle sa sœur l’informait que sa lettre lui avait été remise sur l'impériale d’une diligence, dans le pays de Galles. (Upper Norwood est un environ de Londres). L’Américain, en complimentant le Post Office, remarque qu’il doute qu'aucun autre pays puisse montrer quelque chose d’analogue ou voudrait, à aucun prix, prendre une pareille peine.
- Pendant la semaine de Noël, environ 16 millions de lettres, au delà du nombre ordinaire, passent par le bureau central (dont environ 210 000 chargées, pesant 5 tonnes). Le nombre moyen de lettres passant par ce bureau, en temps ordinaire, est d’environ 15 millions, de sorte que la correspondance extraordinaire due à l’habitude d’envoyer des cartes et des présents à Christmas est de plus de 100 pour 100 plus élevée que la correspondance ordinaire. Plus de 1200 employés temporaires assistent les 1800 clercs employés régulièrement, portant leur nombre à plus de 5000 et des malles spéciales sont fréquemment dépêchées, dans la journée, de Londres en province. J. A. Bf.rly.
- Londres, 18 janvier 1886.
- — "
- MÉG4L0SC0PE ÉLECTRIQUE ET PILE
- DD D' BOISSEAU DD ROCHER
- Les efforts qui furent tentés pour arriver à faire l’examen direct des cavités du corps humain, principalement de l’estomac et de la vessie, remontent déjà à une époque assez éloignée. Nélaton, l’un des premiers, s’occupa de cette question et^ce nom seul prouve quelle importance on attachait à sa solution. Les recherches qui furent faites n’aboutirent pas cependant; et il fallut l’invention de la lampe électrique à incandescence, il fallut surtout qu’on arrivât à en réduire les dimensions à des proportions telles que le globe de verre n’ait que 3 ou 4 millimètres de diamètre, pour que le problème puisse être résolu d'une façon pratique. Différents appareils fu-
- rent alors construits pour les divers organes qu’il y avait intérêt à examiner par ce procédé. Plusieurs ont été décrits ici même ; mais, s'ils étaient suffisants dans tous les cas où l’œil peut voir directement, ou par réflexion, une assez grande surface do la cavité à examiner, ils devenaient tout à fait insuffisants lorsqu’il s’agissait d’un organe tel que la vessie ou l'estomac, où, malgré un éclairage de la cavité tout entière, l’oeil ne peut apercevoir qu’un seul point par le tube, ou sonde, ayant servi à l’introduction de la lampe. Dans de telles conditions on ne peut faire qu’un diagnostic imparfait, car il est alors impossible d’apprécier la position ou l’importance d’un calcul de la vessie, ni la nature des lésions ou des ulcérations de l’estomac. Tous les appareils imaginés jusqu'à présent péchaient donc par un même point : le champ d’observation de l’instrument était beaucoup trop restreint. L’appareil que M. le Dr Boisseau du Rocher a présenté dernièrement à l’Académie des sciences, à l’Académie de médecine et à diverses Sociétés savantes est tout à fait perfectionné sous ce rapport ; et, si par ses dispositions électriques il rappelle ses devanciers, il en diffère totalement par ses dispositions optiques qui sont telles qu’on peut voir, par l’orifice d’une sonde d’un très faible diamètre, une surface d’un diamètre moyen de 15 centimètres. Le nom de mégaloscope donné à cet instrument signifie voir l'image agrandie (piyai, grand; st/wv, image; cswirsiv, voir). La forme de l’instrument varie, bien entendu, suivant la nature de l’organe à examiner. Nous n’entrerons pas dans les détails de mécanisme, quelquefois très délicats, nécessités par certains d’entre eux et que M. Mathieu, le constructeur bien connu, a exécutés avec une perfection remarquable. Nous donnons seulement (fig. 1) un schéma de l’un des plus simples qui nous servira à décrire le principe optique. Le bec droit peut être remplacé par un bec recourbé, suivant les besoins.
- A l’extrémité inférieure de l’instrument on place la lampe à incandescence dans une cavité L ménagée à cet effet et qui forme réflecteur. Un peu au-dessus, et du même côté, se trouve ménagée une ouverture A où est placé un prisme de 3 millimètres de côté. De tous les rayons qui tombent sur la surface de ce prisme, l’œil placé derrière, à l’autre extrémité du tube, ne pourrait recevoir que ceux qui sortent parallèlement et on retomberait dans le défaut signalé plus haut, d’un trop petit champ d’exploration; mais deux lentilles B et B', à court foyer, sont placées immédiatement derrière et recueillent tous les rayons divergents émanés de la partie éclairée FFt pour en donner une image microscopique //j réelle et renversée dans l’espace; c’est-à-dire qu’on obtient l’image excessivement réduite de l’objet examiné. Il suffit alors de regarder cette image avec une lunette CD montée à l’extrémité supérieure de l’instrument pour lui rendre sa grandeur normale.
- L’objectif C donne une première image FF2 réelle, renversée et agrandie de ffi et l’oculaire D donne
- p.139 - vue 143/432
-
-
-
- 440
- LA NATURE
- AF
- une seconde image aérienne et virtuelle FF3 encore agrandie. Gomme nous le disions tout à l’heure, les lentilles C et D sont calculées de manière à ce que la somme des deux grossissements donne à l’objet examiné sa grandeur normale. Si on veut le voir en plus grande dimension, on ajoute un objectif D' qui constitue une véritable loupe et donne une image FF4 très agrandie.
- Tel est le système optique de ces instruments.
- Il est à remarquer qu’il est presque utile de diminuer, dans une certaine limite, le diamètre du tube, ou sonde, qui le porte ; car les lentilles RB' étant des demi-boules, la longueur des foyers diminue avec le diamètre, et le champ observé est d’autant plus considérable. En pratique, le diamètre adopté est d’environ 0 millimètres. En second lieu, il faut observer que la mise au point proprement dit est nulle ; car l’image réduite qui se forme dans l’espace ne se déplaçant que d’une très faible quantité en rapport avec le plus ou moins grand éloignement de l’objet observé, l’œil de l’observateur fait lui-même inconsciemment sa mise au point.
- Il était nécessaire, pour compléter cet appareil, de fournir au praticien la source d’électricité indispensable à son fonctionnement.
- M. le Dr Boisseau du Rocher avait reconnu par expérience que toutes les piles, plus ou moins portatives, destinées aux usages médicaux, n’étaient pas toujours commodes et il a imaginé l’ingénieuse disposition représentée dans les figures 2 et 3, qui est construite par M. Chardin. C est une pile au bichromate, à un seul
- Fig. 1. — Schéma du mégaloseope électrique.
- Fig. 2. — Pile à circulation par pression d’air, de M. le Dr Boisseau du Rocher.
- Fig. ?. — Principe de la pile montrant la disposition des réservoirs.
- liquide, qui est surtout destinée à la galvano-caus-
- tique, mais qu’un modèle réduit, muni d’un rhéostat G placé dans le couvercle, permet d’employer lorsqu’il s’agit de l’éclairage du mégaloscope. Elle se compose de deux cuves C et B placées l’une sur l’autre (fig.3). La première C ouverte à la partie supérieure reçoit les éléments zinc-charbon; la seconde B, fermée de tous côtés, est réunie à la première par un tube placé en B qui descend jusque près du fond et sert à introduire le liquide excitateur. Sur un second tube, partant de la paroi supérieure, on fixe une poire en caoutchouc par laquelle on peut introduire de l’air; la pression force alors le liquide à monter et à immerger plus ou moins les éléments placés en C. Pour que le liquide redescende dans le vase inférieur, il suffit de donner issue à l’air introduit et pour cela on n’a qu’à enlever la poire de dessus le tube où elle est placée. Cette disposition est très ingénieuse, très simple et rend la pile essentiellement transportable, car le liquide une fois dans le compartiment inférieur ne peut pas s’échapper même si on renverse complètement la pile.
- Les appareils de M. le Dr Boisseau du Rocher sont appelés à rendre de très grands services ; ils opéreront une véritable révolution dans la pathologie et dans la thérapeutique des maladies de la vessie et de l’estomac. On ne saurait trop attirer trop féciliter leur inven-G. Mareschai,.
- l’attention sur teur.
- eux, ni
- p.140 - vue 144/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 141
- VOITURE A VAPEUR DE M. BOLLÉE
- SIOIIÈLE II'AMATEUR
- Nous n’avons jamais manqué d’enregistrer les lentaiives faites par les mécaniciens, pour appliquer la vapeur à la locomotive terrestre sur les routes, et le nombre des voitures à vapeur que nous avons décrites est déjà considérable1. Parmi les constructeurs les plus persévérants, nous mentionnerons MM. Bolléc père et fds au Mans; nous avons précédemment fait connaître une voilure à vapeur que ces mécaniciens avaient construitei. M. Amédée
- Bollée nous adresse aujourd'hui quelques documents sur un petit modèle de voiture à vapeur qu’il vient de construire et d’expérimenter. Nous reproduisons ci-dessous l’aspect de la voiture, d’après une photographie qui a été faite par M. Sollier, amateur-praticien au Mans. Nous donnons en outre les détails de construction que nous transmet M. Bollée.
- Le châssis de la voiture, entièrement en 1er et en acier, a lm,90 de longueur sur 0m,85 de largeur; il repose sur quatre roues en acier par l’intermédiaire de ressorts, afin d’éviter les cahots de la route. Les roues motrices, placées à l’arrière, ont 1 mètre de diamètre, elles sont commandées par un mouvement
- Voilure à vapeur de M. Bollée. l'etit modèle d’amateur. (D’après une photographie.)
- différentiel qui fait que dans les courbes les 2 roues peuvent prendre des vitesses différentes. Les roues directrices d’avant ont O"1,80 de diamètre; elles ont un système de montage particulier qui rend la voiture inversable et la direction entièrement facile.
- Le générateur placé à l’avant, porte tous les appareils réglementaires. 11 est d’un système nouveau permettant une grande surface de chauffe pour peu de poids ; le nettoyage en est très facile. 11 renferme 35 litres d’eau, volume relativement considérable qui a pour effet de maintenir la pression plus régulière. 11 peut déployer facilement 2 chevaux 1/2.
- A l’épreuve, la pression a été de 20 kilogrammes
- 1 Voy. notamment n° Gi9 du 7 novembre 1885, p. 357.
- Voy. n° 524 du tü juin 1883, p. 53.
- par centimètre carré quoique la pression ordinaire ne soit que de 8 kilogrammes. Pendant la marche, l’alimentation de l’eau se fait par une pompe, et dans les arrêts par un injecleur. La machine motrice est à l’arrière, elle est à changement de marche et à détente ; sa puissance est de 200 kilogrammètres.
- Les voyageurs, placés derrière la chaudière, sont au nombre de deux, celui de droite a sous la main tous les organes nécessaires à la marche de la machine.
- Le combustible placé de chaque côté du générateur peut suffire pour faire 20 lieues. Le poids de la voiture vide est de 050 kilogrammes. Elle remonte facilement les plus fortes rampes, et sa vitesse moyenne est de 25 kilomètres à l’heure. À différentes
- p.141 - vue 145/432
-
-
-
- 142
- LA NATURE.
- reprises M. Amédée a obtenu des vitesses de 55 à 40 kilomètres.
- Le système peut affecter les formes et les dimensions les plus variées. Dans les machines de luxe, la chaudière est à l’arrière comme dans le modèle de calèche à vapeur qui figurait à l’Exposition de 1878 et que nous avons représenté dans La Nature en 1885. C’est avec une machine semblable que le constructeur a effectué un trajet de 12 kilomètres en 17 minutes. G. T.
- CHRONIQUE
- La conférence « Seientia ». — Le sixième dîner de la conférence Scienlia a été offert à M. P. Savorgnan de Brazza le jeudi 21 janvier. Il a été présidé par M. Jans-sen,de l’Institut, qui a souhaité la bienvenue à notre grand explorateur. Plus de quatre-vingts convives ont pris part au banquet. Mlle de Brazza et Mme Adam assistaient à la réunion. Au dessert, M. Janssen a éloquemment exposé l’œuvre toute pacifique de M. de Brazza : « Grâce à vous, a dit M. Janssen en terminant, la France étend son protectorat et son influence prépondérante, d’une part sur une vaste étendue des rives du Congo, et d’autre part sur tout le bassin de l’Ogooué et du Niari, c’est-'a-dire sur un ensemble de territoire grand comme la France et l’Italie réunies. » M. de Brazza a répondu avec une grande modestie ; il a fait comprendre, non sans finesse, les difficultés de sa lâche diplomatique avec les habitants du Congo : « Je n’entends pas grand’chose à la politique des blancs, mais je n’entendais rien à celle des noirs qui a ses surprises et ses casse-cou, comme l’autre. » — M. le Dr 'Prélat a porté un toast au Dr Ballay et au frère de M. de Brazza qui sont actuellement au centre de l’Afrique. — M. Broch, ancien ministre de Norvège, actuellement directeur du Bureau international des poids et mesures, a bu à la santé de M. Janssen, « l’illustre explorateur d’un autre monde », qui après avoir suivi les découvertes faites sur la terre, a fait lui-mème d’importantes découvertes dans un domaine bien autrement immense que cette infiniment petite planète.
- Les statues de Nicolas Leblanc et de Denis
- Papin. — La statue de l’inventeur de la soude artificielle dont l’exécution s’accomplit actuellement, grâce à une souscription internationale dont nous avons entretenu nos lecteurs, sera placée dans l’un des côtés de la cour d’honneur du Conservatoire des Arts et Métiers. M. le colonel Laussedat a obtenu, du Ministre du commerce, l’autorisation de mettre de l’autre côté de la cour, la statue de Denis Papin.
- « Les branches de l’industrie moderne, a dit le savant directeur du Conservatoire, même les plus variées, rentrent toutes dans l’une de ces grandes divisions : les arts chimiques et les arts mécaniques. La statue de Nicolas Leblanc symbolise merveilleusement les arts chimiques y celle de Denis Papin, cet autre grand homme, également méconnu de son temps, qui a, le premier, construit des machines fixes et automobiles, dont le principe avait été à peine entrevu avant lui, symboliserait également bien les arts mécaniques. On ne saurait contester, dans tous les cas,que le rapprochement de ces deux grandes figures, dans le meme lieu, à la porte de notre grand musée industriel, produirait le meilleur effet sur l’esprit de tous ceux qui viennent le visiter, dans le dessein de s’instruire,
- et ferait grand honneur à notre pays, aux yeux des étrangers eux-mêmes. » —• Il s’agirait de reproduire en bronze la statue de Papin érigée à Blois. Les frais nécessaires seront couverts par une souscription nationale, faite sous les auspices de la chambre syndicale des mécaniciens, chaudronniers et fondeurs de Paris. Les souscriptions doivent être adressées au secrétaire-trésorier de cette chambre syndicale, M. Bougarel, 24, rue de Dunkerque à Paris.— Nous applaudissons pour notre part à ce projet, qui consacrera le souvenir de deux hommes, à peu près égaux par les services rendus à l’humanité, et que l’on peut considérer, hélas ! comme deux frères de malheur et d’infortune.
- Production houillère en Angleterre. — La
- statistique minérale des 20 années écoulées pendant la période 1864-84 nous enseigne que, tandis que la production de cuivre en Angleterre est descendue de 30 250 000 francs en 1864 à 550 000 francs en 1881, celle du plomb de 50400 000 francs en 1864 à 2 250 000 francs en 1884; celle de l’argent de 4 400 000 francs à 1 700 000 francs, et celle d’autres métaux de 4 900 000 francs à 6 300 francs ; la valeur du charbon extrait a augmenté de 579 925000 francs à 1 086150000 francs. En 1872, l’extraction totale de 5001 mines était de 123500000 tonnes. En 4875, l’année de la famine de charbon, 526 nouvelles houillères étaient mises en exploitation, et en 1874 et 1875, 406 autres. En 1876, le nombre des houillères en exploitation était poi’té à 4002, mais en 1884 il était réduit à 3554. La quantité moyenne extraite par mine en 1876 était de 33 520 tonnes. Cette moyenne s’est élevée, en 1883, à 45170 tonnes, ce qui représente une augmentation d’environ 33 pour 100. L’octroi n’existe pas en Angleterre, mais un droit d’entrée sur le charbon a été établi par Charles Ier (1625-1649) et subsiste encore, variant suivant les besoins du jour. Il est actuellement de 1fr,7.5 par tonne; sur cette somme 80 centimes sont retenus par la corporation de la City, et 95 centimes par le Métropolitan Board of Works. Cette taxe a rapporté près de 200 000 000 de francs depuis 1861.
- Morts résultant d’explosion des mines. — Le
- nombre des mineurs tués en Angleterre, par des explosions de mines déterminées par la combustion du grisou, en 1885, a été de 525, contre 65 en 1884 et 134 en 1883. La majorité des sinistres arrivés en 1885 est attribuée à l’emploi de lumières nues et de la poudre pour l’abatage et peut par conséquent être prévenue. Deux de ces explosions, l’une ayant lieu en juin à la houillère de Clifton Ilull, et l’autre en décembre à celle de Mardy (pays de Galles), coûtèrent respectivement la vie à 178 et 79 mineurs. J. B.
- —«x£>o--
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 25 janvier 1886. — Présidence de M. l’amiral Jdrien de la Gravière.
- Le Cymodoceiles parisiensis. — Adolphe Brongniarl a signalé dans le calcaire grossier des environs de Paris un fossile végétal fort répandu dans certaines localités, sous le nom de Caulinites parisiensis. Il consiste généralement en tiges plus ou moins ramifiées présentant comme des articulations successives, si bien que Watelet en a décrit divers spécimens sous le nom de Corallinites, les rapprochant des algues calcaires actuelles appelées coral-
- p.142 - vue 146/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 145
- Unes. M. le professeur Bureau, étudiant l’intéressant dépôt tertiaire d’Àrthon (Loire-Inférieure) que j’ai eu naguère la bonne fortune de visiter avec lui, y a trouvé en abondance, dans une mince couche de calcaire marneux jaunâtre, les vestiges du même végétal. Mais dans ce gisement, la plante, beaucoup mieux conservée qu'à Paris, présente, outre les tiges, des feuilles, des bractées et des racines dont l’examen a permis à l’auteur une détermination complète. Sa conclusion est qu’il s’agit d’une phanérogame pélagique, de la famille des naïadées, voisine des Potamots et des Zostères, mais plus encore du Cymo-docea de la mer Rouge et de la Méditerranée. M. Bureau donne une description détaillée de cet intéressant type botanique éocène, remarquable ’a la fois par son extension géographique et par sa longue durée qui va de la hase du calcaire grossier jusqu’aux marnes marines inférieures au gypse. Il lui attribue le nom de Cymodoccites parisiensis.
- Géologie de la Guyane française. — Mettant à profit les carnets d’observation rédigés et les échantillons recueillis par le docteur Crevaux, lors de ses trois premiers voyages ’a la Guyane, M. Ch. Vélain, maître de conférences à la Sorbonne, présente, par l’intermédiaire de M. Hébert, une esquisse géologique préparatoire de celte région. Il résulte de la carte jointe à ce travail que le fond du pays est constitué par des roches cristallopliylliennes (gneiss granitoïde, gneiss gris et schistes amphiboliques) recoupées par des dykes puissants de roches éruptives orientés généralement de l’est à l’ouest, c’est-à-dire perpendiculairement au cours des rivières, et dont les types dominants sont le granité, le diorite et surtout les granu-lites, les unes à mica noir et les autres à amphibole. Bans le sud s’étalent des schistes et des quartziles; sur les côtes et à l’embouchure des fleuves sont d’épaisses alluvions. Il doit y avoir aussi de l’éocène supérieur, car j’y ai signalé dans le temps de la bauxite. On verra avec intérêt, dans le travail deM. Vélain, plusieurs descriptions microscopiques de roches remarquables.
- Racines des Calamodendrons. — Depuis longtemps un très savant botaniste, M. B. Renault, aide-naturaliste au Muséum, défend l’opinion que les Calamodendrons, généralement considérés comme des cryptogames voisines des prêles, sont réellement des phanérogames. Son mémoire d’aujourd’hui est, suivant l’expression de M. Duehartre qui l’a présenté, un complément très heureux de ses publications antérieures. M. Renault, en effet, y démontre l’existence, dans la racine des Calamodendrons, d’un détail de structure très important et qui jamais n’a été rencontré dans les cryptogames : il s’agit de la présence, dans les racines, de bois secondaire très développé : le cylindre ligneux, par la disposition de ses faisceaux primaires et par celle du bois secondaire plus extérieur, simule un rameau de plante dipluxylée; l’écorce, très épaisse, renferme de grandes lacunes aériennes formées par des bandes rayonnantes aboutissant à la périphérie, à une couche cellulaire épaisse, elle-même limitée extérieurement par du liège dont les cellules renferment de nombreux filaments entre-croisés rappelant un mycélium de champignon. On voit que c’est un résultat très important qui aura des conséquences toutes naturelles au point de vue du classement.
- L'appareil digestif du Phylloxérai — M. le Dr Lemoine, professeur à l’Ecole de médecine de Reims, poursuit ses merveilleuses études anatomiques sur le Phylloxéra
- punclala, considéré successivement à ses différents âges et sous ses différentes formes. L’orifice buccal, petit, étroit, s’ouvre au milieu des divers appendices buccaux (lèvre supérieure, trompe, stylets) déjà décrits chez le Phylloxéra vaslatrix. A la bouche, fait suite une dilatation pharyngineuse longue, étroite, en partie chitineuse et qui se dilate et se resserre sous l’influence des muscles circonvoisins. Vient alors un œsophage court et étroit, une poche stomacale largement dilatée et qui représente plus du tiers de la longueur totale du tube digestif. C’est là que s’accumule la prodigieuse quantité de sève pompée par l’animal. L’intestin qui fait suite est d’abord étroit, puis relativement large, et ne présente plus qu’une simple courbure. M. Le Dr Lemoine, avec sa patience et son habileté ordinaires, est parvenu à étudier les éléments anatomiques de toutes ces parties. Les glandes annexées à la partie antérieure du tube digestif sont nombreuses, développées et peuvent d’après leur situation être classées en glandes maxillaires, thoraciques et linguales. Dans les formes sexuées ces glandes existent également, bien que fort réduites ; le tube digestif, toujours sans fonction, est représenté le plus souvent par une petite poche ovalaire jaunâtre. Parfois cette poche se prolonge jusqu’à la bouche en constituant un véritable •estomac ; parfois, mais rarement, elle se prolonge jusqu’à la partie postérieure du corps sous la forme d’un intestin. Ces diftérentes apparences sembleraient indiquer divers stades d’arrêt dans le développement normal d’un tube digestif qui dans les formes sexuées reste toujours rudimentaire, étroit et sans courbures.
- Une photogravure. — Nos lecteurs ont eu déjà la reproduction de la photographie instantanée, prise à Meu-don par M. Janssen, de l’aérostat dirigeable monté par M. le capitaine Renard. L’illustre directeur de l’Observatoire d’astronomie physique offre aujourd’hui aux membres de l’Académie et aux représentants de la presse qui assistent à la séance, une reproduction par la photogravure et de grand format de la photographie dont il s’agit. Elle sera conservée comme un document précieux de la navigation aérienne.
- Election. — La nomination de M. Bunsen à un siège d’associé étranger, a laissé vacante une place de correspondant dans la section de chimie. La liste de présentation portait : en première ligne : M. Reboul (de Marseille) ; en second ligne ex-æquo et par ordre alphabétique : MM. Ditte (de Caen), M. Isambert (de Poitiers), M. Raoult (de Grenoble). Les votants étant au nombre de 41, M. Reboul est nommé par 55 voix; M. Raoult en réunit 5 ; il y a 1 billet blanc.
- Varia. — M”' Paul Thénard offre à l’Académie le buste en marbre de son mari; c’est un très beau morceau de sculpture dû au ciseau de M. Lefèvre et qui est très ressemblant.— Au nom de M. Sappev, M. Gosselin dépose un exemplaire du monumental volume sur le système lymphatique de l’homme. — D’après M. Blondlot, le cuivre chauffé au rouge dans un courant d’azote, contracte avec ce gaz une combinaison qui est ensuite détruite, de sorte qu’une lame de platine placée dans le tube se couvre de cuivre transporté. — D’après M. Relier, les nuances dont s’enveloppe le Balanoglosse, échinoderme vermi-forme bien connu, dégage une très forte odeur d’iodo-forme. Stanislas Meunier.
- p.143 - vue 147/432
-
-
-
- 144
- LA NATURE.
- LES
- ANCIENNES CORPORATIONS
- d’arts et métiers
- Les corporations, connues sous le nom de maîtrises et jurandes, qu’il ne faut pas confondre avec les sociétés de comparfnonage, n’ont été officiellement organisées en France que sous Henri III par l’édit de décembre 1581. A la fin du dix-huitième siècle, elles comprenaient six corps de marchands :
- Drapiers et merciers. — Epiciers. — Bonnetiers, pelletiers et chapeliers. — Orfèvres, batteurs d’or et tireurs d’or. — Fabricants d’étoffes et de gaze, tissu-riers et rubaniers. — Marchands de vin;
- Et 44 communautés d’arts et métiers :
- Amidonniers. — Arquebusiers, fourbisseurs , couteliers. —
- Bouchers. — Boulangers. — Brasseurs. — Brodeurs, passementiers, boutonniers. — Gartiers.
- — Charcutiers. — Chandeliers.
- — Charpentiers. — Charrons. —
- Chaudronniers, balanciers, potiers d’étain. — Coffretiers, gainiers.
- — Cordonniers. ,— Couturières, découpeuses. — Couvreurs, plombiers , carreleurs paveurs. —
- Ecrivains. — Faiseuses et marchandes de modes, plumassières.
- — Faïenciers, vitriers, potiers de terre. — Ferrailleurs, cloutiers, épingliers. — Fondeurs, doreurs, graveurs sur métaux. — Fruitiers, orangers, grainiers. —
- Gantiers, boursiers, ceinturiers.
- -— Horlogers. — Imprimeurs en taille douce. — Lapidaires. —
- Limonadiers, vinaigriers. — Lin-gères. — Maçons. — Maîtres en fait d’armes. — Maréchaux ferrants et éperonniers. — Menuisiers, ébénistes, tourneurs et laye-tiers. — Paumiers. — Peintres, sculpteurs. — Relieurs, papetiers colleurs et en meubles.—Selliers, bourreliers. —Serruriers, taillandiers, ferblantiers, maréchaux grossiers.— Tabletiers, luthiers, éventaillistes. — Tanneurs, corroyeurs, hongroyeurs, peaussiers, mégissiers, parcheminiers.
- — Tailleurs, fripiers d’habits et de vêtements, en boutique et en échoppe. —Tapissiers, fripiers en meubles et ustensiles, miroitiers.—Teinturiers. — Tonneliers, boisseliers. — Traiteurs, rôtissiers, pâtissiers. .,
- On voit que les professions libres étaient, entre autres les suivantes : Bouquetières. — Brossiers. —
- Cardeurs. — Barbiers. — Coiffeurs. — Jardiniers.
- — Maîtres de danse. — Bouchonniers. — Vanniers.
- — Vidangeurs, etc.
- Les corporations formaient, dans les villes, de véritables corps constitués ayant à leur tête des syndics et gouvernés par des règlements spéciaux tendant h prévenir et à punir les fraudes envers le client ainsi qu’à concilier équitablement les intérêts opposés du patron et de l’ouvrier.
- Dans les cérémonies publiques elles marchaient, ainsi que les professions libres, à la suite de leurs massiers et de leurs bannières portant l’image de leurs patrons : saint Eloi pour les ouvriers en métal (orfèvres, serruriers, etc.); saint Biaise pour les ouvriers en pierre (maçons, meuliers, etc.); saint Fiacre pour les ouvriers en terre (potiers, tuiliers, etc.) ; saint Joseph pour les ouvriers en bois (charpentiers, menuisiers); saint Marc pour les vitriers ; saint Corne pour les barbiers, chirurgiens, etc. ; saint Amand pour les brasseurs; saint Nicolas pour les ouvriers en cire; le Saint Sacrement pour les bouchers; saint Jean-Baptiste pour les pelletiers, gantiers, tanneurs, etc. ; saint Crépin pour les cordonniers; l’Annonciation pour les tisserands de fil ; Notre-Dame pour les ouvriers travaillant à la confection du drap de laine ; Notre-Dame la Riche pour les tisseurs de soie ; saint Maurice pour les teinturiers; sainte Luce par les tailleurs; saint Se ver pour les bonnetiers ; sainte Claire pour les brodeuses ; saint François pour les fabricants de tapisserie ; saint Paul pour les cordiers; saint Jean-Porte-Latinc pour les fabricants de papier, les imprimeurs et les relieurs.
- Le beau bâton dont nous publions le dessin appartenait à la corporation des charpentiers et menuisiers de Blois dont l’enfant Jésus tient les outils entre les mains. II remonte certainement fa l’origine de la Société, c’est-à-dire à la fin du seizième siècle et se trouve aujourd’hui à l’église* Saint-Louis de cette ville. M. Mieusement, photographe des monuments historiques, a bien voulu en faire un cliché spécialement pour les lecteurs de La Nature. A. R.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissakciek. Imprimerie A. Lahure, 0, rue de Heur us, à Paris.
- Bâton de la corporation des charpentiers du seizième siècle, existant à l’église Saint-Louis, à Blois. (D’après une photographie.)
- p.144 - vue 148/432
-
-
-
- N« 662.
- 6 FÉVRIER 4 886.
- LÀ NATURE.
- 1'
- LÀ TÉLÉPHONIE DOMESTIQUE
- LE BOUTON-TÉLÉPHONE
- On n’est plus à compter les postes téléphoniques variés combinés par différents constructeurs dans le but de satisfaire aux besoins spéciaux de la téléphonie domestique : le problème est d’une solution délicate, car les appareils doivent être à la fois simples; peu volumineux, d’une installation-facile et d’un prix assez modique pour en rendre l’application possible dans tous les cas où l’on consent a établir des sonneries électriques ordinaires, avec ou sans tableau indicateur, suivant l’importance des locaux à desservir.
- En construisantle bouton-téléphone, M. Barbier s'est proposé de substituer aux boutons de sonnerie ordinaires un appareil de même forme et de mêmes dimensions permettant d’entrer en communication verbale directe avec la personne appelée par la sonnerie. Dans sa disposition la plus simple, l’appareil ne comporte que deux fds qui servent alternativement a l’appel par sonnerie ou à la conversation par téléphone magnétique, suivant que le bouton est dans la position de repos ou tenu à la main (fig. 4).
- Le bouton lui-même se compose d’un petit téléphone magnétique servant alternativement de transmetteur et de récepteur, disposé dans l’intérieur du bouton, et d’une planchette circulaire fixée au mur sur laquelle vient 44e innée. — iw semestre
- se placer le bouton-téléphone dans sa position de repos ; il est maintenu dans cette position par quatre lames élastiques dans lesquelles il s’introduit a frottement. La figure 5 montre la disposition intérieure du commutateur établi sur la planchette fixée au mur. Une lame élastique rompt le circuit téléphonique, et il suffit d’appuyer sur le bouton disposé sur la face antérieure de l’appareil pour actionner la sonnerie du poste que nous appellerons poste de service.
- En prenant le téléphone à la main, on ferme le circuit sur le téléphone et la conversation peut s’engager dès quet le poste de service a décroché lui-même son bouton-téléphone. Examinons maintenant les cas principaux qui peuvent se présenter.
- Le plus simple est celui dans lequel un certain nombre de boutons-téléphone répartis dans un appartement ont à communiquer avec le poste de service. Le diagramme (fig. 5) montre comment, dans ce cas, s’effectue le montage. 11 n’y a rien de changé dans l’installation générale que la substitution de boutons-téléphones aux boutons ordinaires, et l’adjonction au poste de service d’un bouton téléphonique spécial. Ce bouton spécial diffère des autres par deux particularités :
- 1° Il n’a pas de bouton d’appel, puisque le poste de service ne peut qu’être interpellé et ne peut pas interpeller lui-même.
- 2° il est muni d’un commutateur spécial (fig. 4), ayant pour effet de mettre la sonnerie sur la ligne
- 10
- Fig. !. — Vue d’ensemble du boulon-téléphone.
- Fig. 2. — Poste de service d’une installation de boutons-téléphones avec tableau indicateur et appels par ce poste de serviee.
- p.145 - vue 149/432
-
-
-
- «6
- LA NATURE.
- lorsqu’il est accroché, dans sa .position de repos, et de supprimer la sonnerie en mettant le téléphone sur la ligne lorsqu’on prend le bouton à la main.
- 11 est bon de convenir qu’on sonnera une fois lorsqu’on voudra parler dans le téléphone, et deux fois pour faire venir la personne de service. Le même appareil servant à la fois de transmetteur et de récepteur, on doit porter alternativement l’appareil à l’oreille et à la bouche, suivant que Ton écoute ou que l’on parle. Il y a là une petite difficulté pratique qu’un peu d'habitude fait aisément disparaître, et qu’on peut d’ailleurs résoudre à l’aide de postes à
- deux boutons-téléphones dont l’un sert à parler et l’autre à écouter.
- Un deuxième cas qui se présente est celui dans lequel l’installation de sonnerie comporte un tableau indicateur. Les communications entre les différents appareils s’établissent alors comme l’indique le diagramme (fig. 6). Il n’y a absolument rien de changé au mode de fonctionnement, si ce n'est que le poste de service est avisé chaque fois de l’endroit d’où part l’appel.
- Dans les cas que nous avons examinés jusqu’ici, le poste de service ne doit pas et ne peut pas inter-
- Sonnene
- Bouton
- Fig. S. — Montage simple de boulons-téléphones sans tableau indicateur ni appel par le poste de service.
- Fig. 3. — Commutateur d’un bouton-téléphone simple.
- Fig. A. — Commutateur d’un bouton de poste de service.
- SonnjSrîë"
- I l\ 1—I -CD
- ' ©'
- Fig. 6.— Boutons-téléphones avec tableau indicateur.
- 7. — Boutons-téléphones avec tableau indicateur et appel par le poste de service.
- peller les différents postes. Il en sera ainsi le plus généralement, mais il est telles circonstances où le poste de service doit pouvoir attaquer les différents postes de boutons-téléphones avec lesquels il est en communication. On a recours alors à une installation un peu plus complexe, représentée d’ensemble (fig. 2)et en diagramme (fig. 7.)
- Pour rendre l’appel possible, on a pensé à utiliser le téléphone lui-même comme appareil avertisseur. À cet effet, une bobine d’induction munie de son trem-bleur, placée au poste de service, envoie dans la ligne des courants induits qui agissent sur le téléphone et lui font produire un bruit particulier assez intense pour être entendu dans toute la pièce. A l’aide de boutons spéciaux, on dirige ces courants induits sur
- l’une ou l’autre des lignes pour n’interpeller que le poste avec lequel on veut entrer en communication.
- Mais, pour que ses appels puissent être faits, les téléphones des différents boutons doivent toujours être en circuit. Il faudrait donc que la pile toujours fermée sur ces téléphones dépensât d’une façon continue, ce qui est inacceptable, ou installer des fils supplémentaires spéciaux, ce qui serait une complication.
- La difficulté a été levée d’une façon très élégante et ingénieuse par l’application des coupe-circuit électrolytiques de M. le docteur dlArsonval. Le coupe-circuit se compose de quatre petits couples secondaires constitués par deux lames de fer plongeant dans une pâte humide à base de potasse, her-i métiquement fermés. Lorsqu’un courant traverse
- p.146 - vue 150/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 147
- ces petits couples, ils se polarisent en moins d’une seconde et développent une force contre-électromo-trice qui arrête complètement le passage du courant, pourvu que la force électromotrice de la source soit inférieure à la force contre-électromo-tricc des coupe-circuit. Le courant de la pile se trouve donc annulé, à cause de sa faible force électromotrice, tandis que les courants périodiques de la bobine d’induction, qui présentent une grande tension, franchissent facilement l’obstacle créé par le coupe-circuit.
- Ces coupe-circuit sont disposés dans le socle de chaque bouton-téléphone dont ils n’augmentent pas sensiblement les dimensions, puisque chaque clément n’a pas plus de 1 centimètre de diamètre et 4 centimètres de longueur.
- La clef à contacts multiples établie au poste de service sert à fermer à la fois le circuit inducteur de la bobine sur la pile, et le circuit induit sur la ligne du bouton-téléphone interpellé. Lorsqu’un des boutons-téléphone veut appeler le poste de service, il lui suffit d’appuyer sur son bouton qui met le coupe circuit en court-circuit. On supprime ainsi la force électromotrice de polarisation de ce coupe-circuit, et la pile du poste de service envoie alors un courant qui traverse sa propre sonnerie et l’actionne ainsi que le tableau indicateur correspondant au bouton-téléphone.
- Le poste de service engage alors la conversation en décrochant son appareil récepteur, ce qui établit toutes les communications sur téléphone, et en maintenant le doigt appuyé sur un bouton numéroté qui relie son appareil à la ligne de l’interpellant. Une fois la conversation terminée la mise en place des appareils dispose automatiquement toutes les communications pour un nouvel appel.
- On peut même installer des boutons-téléphones avec poste central, permettant d’établir des communications directes entre les différents boutons-téléphones, mais l’installation comporte alors des commutateurs, des annonciateurs, etc., ce qui enlève au système sa plus belle qualité : la simplicité.
- Sans s’exagérer l’importance des applications réservées au bouton-téléphone, il est cependant bon nombre de cas dans lesquels il remplit toutes les conditions exigées pour les usages domestiques; la substitution des boutons-téléphones aux boutons ordinaires se trouve alors tout indiquée, surtout lorsqu’on met en parallèle les services que peuvent rendre les
- uns et les autres. E. H.
- ——
- LÀ VASELINE
- ET SON EMPLOI DANS L’ALIMENTATION Recherches de M. le D' R. Dubois1.
- Sur le rapport de M. Riche, le conseil d’hygiène et de salubrité de la Seine a considéré comme une falsification condamnable la substitution de la vaseline au beurre et
- 1 Yoy. l’article précédemment publié sur la Vaseline t n°blO, du 7 février 1885, p. 157.
- aux graisses dans la confection des préparations alimentaires et dans la pâtisserie. Le comité consultatif d’hygiène ayant eu connaissance de ce rapport, a examiné la question et a conclu à la prohibition de la vaseline pour cet emploi sur le territoire français. Mais, de part et d’autre, on n’a pas, faute d’expériences sur l’action de ce corps dans l’organisme, prononcé sur ce point important de savoir si la vaseline est ou n’est pas un produit toxique. On sait seulement que la vaseline a été employée à l’étranger, particulièrement en Allemagne, dans la bronchite, l’asthme, la phtisie ; qu’en Amérique et en France on a fait usage dans les mêmes cas des huiles lourdes de pétrole ; il n’a pas paru que son ingestion ait amené des effets nuisibles.
- M. le Dr R. Dubois a fait des essais en vue de résoudre celte question. Deux chiens ont été mis en observation au laboratoire de physiologie de la Faculté des sciences de Paris. Ces animaux (un griffon et un épagneul) ont été exclusivement nourris avec de la soupe dans laquelle la graisse, qui entre ordinairement dans sa composition, est totalement remplacée par de la vaseline : ils ont absorbé en dix jours 400 grammes de vaseline. Le chien griffon, plus vorace que l’épagneul, a mangé 250 grammes envi ron de ce carbure d’hydrogène, soit 25 grammes par jour, et l’épagneul 150 grammes, soit 15 grammes par jour. Pour un homme du poids de 40 kilogrammes, cela représente des doses quotidiennes de 100 grammes et de 60 grammes, quantité de beaucoup supérieure à celle que l’on peut introduire dans un gâteau.
- Malgré cette alimentation dépourvue de graisse et de viande, le poids des animaux a peu varié ; il a un peu augmenté cependant. L’état général est très bon ; il n’y a eu ni perte d’appétit, ni vomissement, ni diarrhée, mais les matières stercorales sont toujours demi-solides et jaunâtres.
- La température rectale n’a pas beaucoup varié non plus, elle a toujours été en moyenne de 59 degrés.
- La soif ne parait pas exagérée ; les urines, presque sans odeur, un peu pâles, ne contiennent ni sucre ni albumine. La quantité d’urée rendue est très faible, on n’en trouve guère que 4 à 5 grammes par litre, ce qui donne une quantité totale d’urée rendue par jour de 5 à 6 grammes au maximum. 11 convient de faire remarquer que ces chiens ne peuvent trouver d’aliments azotés que dans le gluten du pain qui y existe en faible quantité.
- On peut donc dire que les pétroles lourds, inodores, connus dans le commerce sous le nom de vaseline, sont bien tolérés par le tube digestif, malgré la constitution de ces carbures d’hydrogène qui ne se prêtent ni à l’oxydation ni à la saponification comme les graisses.
- La vaseline n’est donc pas susceptible, chez les chiens tout au moins, de déterminer des accidents toxiques aigus ou simplement des perturbations de quelque importance lorsqu’elle est administrée à haute dose.
- La suite de ces recherches apprendra si l’usage prolongé de cette substance est également exempt d’inconvénients. Il est nécessaire, avant de se prononcer sur ce point, de multiplier le nombre des expériences et de rechercher chaque jour si quelque modification particulière ne se produit pas dans la nutrition. Il est intéressant, en outre, de savoir si la vaseline introduite dans les voies digestives est réellement absorbée, ce qui n’est pas certain1.
- 1 Journal de chimie et de pharmacie. — On nous a affirmé que l'emploi des bonbons de vaseline était assez usité en An* gleterro. (Note de la Rédaction.) >
- p.147 - vue 151/432
-
-
-
- 148
- LA NATURE.
- UNE ORCHIDÉE RÂ.RE
- I.E (( VANDA LOWII ))
- Le Van<ia Loxvii est originaire de Bornéo. Quoique introduit en Europe dès 1840, il est encore très rare, car son introduction présente de grandes difficultés. 11 est vigoureux et pousse bien dès qu’on a trouvé la place qui lui convient. Les feuilles en sont longues, larges et d’un beau vert luisant; c’est une plan>e d’un effet très ornemental même sans fleurs. 11 lui faut la même température et le même traitement que les autres Vandas, c’est-'a-dire la serre à Orchidées des Indes avec une température variant
- selon les saisons de 18° à 26° centigrades de chaleur. 11 se plaît très bien dans un panier fait d’orme-galeux ou de pitch-pin avec un compost de spha-gnum, tessons et morceaux de charbon de bois. Les tiges florales sont très longues, flexibles, et ainsi que les pédoncules de fleurs velus ; il en est de même de la partie postérieure des pétales et des sépales, mais le duvet en est plus fin et plus clair-semé.
- Cette Orchidée présente un cas remarquable de dimorphisme, c’est là une de ses grandes curiosités. Elle a sur chaque hampe florale et à sa base deuv, plus rarement trois fleurs de couleur et de forme entièrement différentes des autres; elles sont d’un jaune d’or clair, avec des points bruns, le labelle
- Le Vanda Lowii, actuellement cultivé dans les serres de M. de Rothschild, à Ferrières. (D’après une photographie.)
- est petit et rose pâle, les pétales et sépales sont courts et larges. Les autres fleurs sont d’un beau rouge foncé légèrement maculé de crème, les pétales et sépales sont plus longs et plus étroits que dans les fleurs jaunes ; le labelle est le même. La durée des fleurs en parfait état est d’au moins un mois.
- Le spécimen que nous représentons ci-dessus appartient à M. le baron de Rothschild; il a été cultivé par M. Bergman dans les serres du domaine de Ferrières; il s’est trouvé une fleur de la base de la hampe florale qui était absolument intermédiaire entre les deux genres ayant un sépale de l’un et un pétale de l’autre. La plante dont nous donnons la gravure et qui est le plus beau spécimen de France mesurait lm,80 de haut, panier non compris, ce
- dernier ayant 25 centimètres de haut et 60 centimètres carrés. Elle a une tige principale de la base de laquelle partent quatre autres fortes tiges, donnant naissance à trois pousses plus petites. Elle porte 120 feuilles mesurant en moyenne 70 centimètres de long, toutes parfaites de santé et de nuance. Les 17 tiges florales avaient chacune 2m,50 de long avec une moyenne de 28 à 30 fleurs, ce qui nous donne un total d’environ 450 fleurs. Cette même plante, moins forte naturellement, avait fleuri en 1880 avec 2 tiges; en 1883 avec 11 tiges et 280 fleurs, et cela toujours au mois de juillet. C’est certainement une des plantes les plus intéressantes du genre Orchidée.
- p.148 - vue 152/432
-
-
-
- LA NATURE
- H9
- LES EFFETS DU COURANT ELECTRIQUE
- PRODUIT PAR LA MACHINE RHÉOSTATIQÜE
- Le flux d’électricité, obtenu à l’aide de l’appareil que nous avons désigné sous le nom de machine rhéostalique 1, présente des propriétés particulières quand l’appareil est déchargé en quantité, et permet de produire des effets qui diffèrent notablement de ceux qu’on obtient avec les piles voltaïques ou avec les machines ordinaires à électricité statique.
- Dans la machine rhéo-statique de tension, des condensateurs à lames de mica sont successivement associés en quantité pendant la charge et réunis en tension pendant la décharge.
- Dans la machine rhéostatique de quantité (fig. 1), ces condensateurs restent associés en quantité pendant la charge et pendant la décharge. Séparés par des plaques minces d’ébo-nite, ils forment une pile verticale disposée au-dessous d’un commutateur qui peut être animé d’un mouvement rapide de rotation, et les réunit alternativement, soit, à l’aide des ressorts G et B, avec une batterie secondaire de huit cents couples, destinée a les charger, soit, h l’aide des ressort? CetE, avec les branches d’un excitateur, ou de tout autre appareil destiné à être traversé par les décharges.
- Nous avons déjà signalé quelques-uns des effets particuliers produits par le courant sui generis qui résulte de cette série continue de décharges de condensateurs, rechargés sans cesse avec une grande rapidité par une source d’électricité voltaïque de haute tension. Ces effets sont à la fois mécaniques et calorifiques ; mais l’action mécanique joue un rôle beaucoup plus important que l'action calorifique.
- Si l’on introduit, par exemple, un fil de platine,
- 1 Yoy. La Nature, 5° année, 1er décembre 1877, p. 13.
- I en relation avec l’un des pôles de la machine rhéostatique de quantité, dans un tube capillaire ouvert à ses deux extrémités, et si l’on fait plonger le tube dans un vase d’eau salée, l’autre pôle étant en communication avec le liquide, des étincelles accompagnées d’un bruit sec particulier, apparaissent à l’extrémité du tube ; en même temps, à chacune d’elles correspond un saut brusque du liquide dans le tube, et comme ces étincelles se succèdent avec une extrême rapidité, le liquide n’ayant pas le temps de redescendre, est sans cesse élevé par saccades jusqu’à une hauteur de 0m, 25 à 0,m30, suivant la force électromotrice du courant. On obtient ainsi une sorte de bélier hydro-électrique dont les effets sont produits par une action mécanique de l’électricité.
- Lorsque le tube capillaire est réduit à une hauteur de 0m,20, le liquide apparaît sous forme de gouttes lumineuses à l’extrémité supérieure, et retombe en nappe le long du tube, tant que dure le passage du courant.
- Si l’on ne donne au tube qu’une longueur de 0m,03, et si le fil de platine introduit à l’intérieur s’arrête à 2 ou 3 millimètres de l’extrémité du tube plongé dans le liquide, de manière à limiter ainsi dans un espace exigu la quantité de matière soumise à l’action directe du courant, il se produit un véritable jet d’eau continu, formé de gouttelettes extrêmement fines qui s’élèvent à plus de 1 mètre de hauteur (fig. 2).
- Le passage des étincelles par le tube immergé dans le liquide est accompagné de chocs violents et d’un bruit très intense ; la force mécanique en jeu dans cet étroit espace est si considérable, qu’elle détermine quelquefois la rupture du bassin en verre dans lequel se fait l’expérience.
- Si le pôle qui débouche dans le tube est positif* l’autre électrode étant entièrement plongée dans le liquide, le jet d’eau se produit également, mais
- Fig. 1. — Machine rhéostatique de quantité.
- Fig. 2. — Expérience du bélier hydro-électrique.
- p.149 - vue 153/432
-
-
-
- LA NATURE.
- \h 0
- s élève à une moindre hauteur que si ce pôle est négatif.
- Lorsque l’électrode aboutit simplement 'a la surface du liquide, sans que son extrémité soit renfermée dans un tube de verre qui l’isole partiellement, le liquide n’est projeté qu’à une hauteur de flm,50 environ, mais forme une gerbe de gouttelettes plus grosses, et le vase dans lequel se fait l’expérience se trouve bientôt presque entièrement vidé par cette projection, en dehors, du liquide qu’il contenait.
- Enfin, si, renversant la disposition de l’appareil, l’extrémité du petit tube capillaire, près de laquelle se termine le fil, est tournée vers le haut, au lieu de plonger dans le liquide, et maintenue simplement humectée par de l’eau salée, l’autre électrode touchant d’ailleurs la partie supérieure du tube, l’étincelle produite et constamment renouvelée affecte la forme d’une fiamme irrégulière, accompagnée d’une bruyante crépitation, due à la fois à la pulvérisation mécanique de l’eau, à la détonation des gaz provenant de sa décomposition, et à la combustion du sodium mis en liberté.
- L’expérience représentée (lîg. 2) imite d’une manière frappante l’effet d’un coup de foudre extraordinaire observé, le 50 juillet i884, à Dibnitz, dans le Mecklembourg-Schwérin, et pendant lequel un jet d’eau, partant du sol inondé par la pluie, s’est élancé sur le trajet même d’un éclair, et a pénétré dans une habitation par le trou étoilé que cet éclair avait percé dans la vitre d’une fenêtre.
- Ces expériences expliquent aussi comment, lorsqu’une trombe, fortement chargée d’électricité au point de manifester des effets lumineux ou des globes de feu à son extrémité, vient à atteindre la surface de la mer, il peut se produire tout autour une abondante gerbe d’eau pulvérisée, et quelquefois une ascension de l’eau le long du corps nuageux ou dans l’intérieur même du canal vaporeux de la trombe. Gaston Planté.
- LETTRES D’AMÉRIQUE1
- I.OCISVILLE ET LES CIMETIÈRES. - MAMMOTH CAVE. ---
- KANSAS CITY
- Louisville offre moins d’intérêt que Pittsburg ou Cincinnati quoiqu’il y règne cependant encore assez de mouvement. Des rues entières, proches du centre, sont bordées de charmantes villas construites en bois pour la plupart; elles sont entourées de jar^ dins et ombragées par de beaux arbres. Ce sont les installations riches et luxueuses du Kentucky. Sur les bords de l’Ohio, superbe en cet endroit, Louis-ville possède un pont pour le chemin de fer. Il passe au-dessus des rapides du fleuve; sa charpente de fer, posée sur de nombreuses piles en granit, a 1610 mètres de longueur. Ce travail est vraiment beau, mais les rues de la ville sont bien droites et
- 1 Suite. VoVi p. 7, 44 et 82.
- monotones et les quelques monuments qui s’y trouvent n’offrent aucun intérêt artistique.
- Une visite bien curieuse cependant est celle du cimetière Cave hill.
- On entre dans un parc anglais bien dessiné et planté d’arbres superbes. Les tombes construites, au lieu d’être serrées comme les nôtres, au point de se toucher, sont au contraire suffisamment espacées. Les colonnes, les obélisques se détachent gracieusement au milieu des fleurs et de la verdure foncée des pins. Si les monuments remarquables que nous avons dans nos cimetières ne se rencontrent guère dans ceux des américains, on n’y voit pas en revanche ces affreuses petites chapelles en forme de guérite qui pullulent chez nous et qui nuisent tant au bel effet des constructions artistiques qu’il est presque impossible de voir puisqu’elles sont étçuffées dans ces vilains cadres1.
- Ce qui attire le plus le touriste à Louisville, c’est l’excursion de Mammoth cave; il faut seulement six heures de temps pour s’y rendre. Le chemin de fer vous mène d’abord à Cave citij, puis on monte dans un char-à-bancs attelé de 4 chevaux pour aller à travers bois jusqu’aux grottes, par des routes impossibles. On ne pourrait pas croire au nombre de cahots épouvantables, aux trous et aux ornières du chemin, si l’on n’en était soi-même la victime. Mais il faut bien s’habituer à ce genre de voyage aux États-Unis et on rit de bon cœur. Les dames américaines qui faisaient l’ornement de notre petite excursion, étaient les premières à nous donner le signal; elles étaient enchantées, et plus le char-à-bancs étaient secoué, plus elles semblaient heureuses ; nous tâchions seulement de leur donner nos châles et couvertures pour adoucir les cahots, puis c’étaient encore de nouveaux éclats de rire. Il est vrai que si les routes n’existent pas, pour ainsi dire, le paysage est charmant ; les forêts du Kentucky sont belles au printemps. Elles semblent illuminées par les fleurs
- 1 Les cimetières des Etats-Unis sont, en quelque sorte, des bois sacrés. Les oiseaux, certains d’y être respectés, sont heureux d’y vivre ; ils chantent dans les fleurs et les grands arbres. A Pittsburg, à Philadelphie, ce sont des parcs splendides avec d’admirables points de vue, mais à Cincinnati le cimetière est encore plus remarquable.
- Le Spring grave Cemetery possède un lac, une rivière artificielle et des arbres séculaires. Il est hors la ville sur des collines boisées d’où l’on peut admirer les belles villas et propriétés construites sur les hauteurs voisines, au bord du lac et au milieu de petites îles de verdure plantées dans les eaux. Des tombeaux formés de colonnes de granit rose ou des marbres précieux du pays, sont parmi les roseaux et les plantes aquatiques ; partout des gazons soigneusement entretenus. Dans ce parc de grande surface on rencontre même souvent des lièvres qui se sauvent à peine en allant se cacher doucement à l’abri des tombes. Ils ont confiance, comme les oiseaux, dans les visiteurs qui viennent faire leur pèlerinage. Ces lieux sacrés ne sont point tout à fait publics. Il faut pour y entrer une permission spéciale, facile à obtenir d’ailleurs. A San-Francisco enfin, le cimetière est tout à fait merveilleux, il domine la ville presque tout entière avec la baie et son cadre de montagnes bleuâtres. Les tombes sont littéralement noyées dans les belles fleurs qui se plaisent auprès de l’océan Pacifique.
- p.150 - vue 154/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 451
- et sont égayées par les oiseaux à l'éclatant plumage, comme le cardinal huppé si recherché pour nos volières, etc., etc. ; il faut donc oublier les petits ennuis.
- L’entrée des cavernes est placée dans les bois sous les chênes et les pins, au bas d’un chemin en pente. Elle est pour ainsi dire fermée par une légère cascade qui s’échappe goutte à goutte des mousses délicates qui poussent sur les rochers (fig. 1); puis ce sont les bords de Green river presque voilés sous les arbrisseaux {le Dog wood ou Cornus florida) dont les bractées très développées de l’involucre sont blanches comme la neige.
- Les teintes bleues du Phlox divaricata et le Podophyllum peltatum (May apple) au beau feuillage vert, l’IIeucbera Americana, Y Adiantum peda-tum, etc., contribuent à faire de ces bois un véritable paradis. On passe volontiers la belle saison dans cette jolie partie du Kentucky. Cela est facile, grâce au grand hôtel qui s’y trouve — c’est une énorme construction en bois. — Elle se compose de grandes galeries à deux étages comme nous en voyons dans les anciens cloîtres. Dans le jardin intérieur, des pins élevés servent d'abri contre les rayons du soleil. Les touristes ont une chambre meublée des plus sommairement, c’est presque la cellule d’un moine, elle donne sur ces galeries fort primitives d’aspect ; il y a ainsi place pour quatre à cinq cents personnes. Les provisions ne sont pas aisées à avoir à Mammoth cave, aussi la nourriture y est-elle simple. Mais ce n’est pas dans cette dernière partie du programme qu’il faudrait chercher l’agrément du voyage. Il ne faut penser qu’au charme des bois de Green river, aux merveilles de Mammoth cave et des cavernes avoisinantes. On ne peut guère se figurer leur étrangeté.
- Ces immenses souterrains sont presque partout assez élevés pour pouvoir marcher à l’aise. La température y est égale et douce. D’après les expériences faites, la plus haute température, dans quelque point des cavernes que ce soit, est de 15° centésimaux et la plus basse de 11°. La moyenne en été paraît être de 12°, et en hiver de 11°,50. Les stalactites sont moins nombreuses que dans d’autres grottes connues comme le Trou du Han en Belgique1, etc., mais le travail accompli par les eaux depuis des siècles, y est merveilleux. Les roches creusées prennent souvent les formes les plus bizarres; elles sont polies, usées par la force des anciens courants. La masse des eaux a dû être énorme, car des galeries hautes de 10 mètres et souvent plus, ont été remplies entièrement. Les torrents s’écoulaient, rapides, effroyables, creusant des sillons dans les bancs de grès ou de calcaire. Le passage curieux, le Fat mans misery ou le Désespoir des gens obèses, en est un exemple frappant. Ce couloir étroit, dans lequel il faut s’introduire un à un pour aller plüs loin dans les grottes, fait de nombreux détours ; il a une
- 1 Voy. n‘>57G, du 14 août 1880. p. 1G3.
- centaine de mètres de longueur et arrive parfois à avoir à peine un mètre de hauteur. Il est certain qu’une personne un peu forte de taille ne pourrait s’introduire dans ce sillon de pierre. Nous voyons à présent les traces de toutes ces révolutions étranges. Une première visite de quatre heures, dans laquelle on passe en revue les principales curiosités décrites précédemment dans La Nature1 ne pouvait suffire pour tout bien examiner. II y a des endroits difficiles pour les dames; nous sommes descendus cependant jusqu’à la rivière souterraine sur b s bords du Styx. Malheureusement, en mai 1885, les eaux étaient trop basses pour pouvoir aller en bateau, ce qu’on peut faire en d’autres saisons et il a fallu rebrousser chemin. Le lendemain c’était un dimanche, mais grâce à l’obligeance du propriétaire des cavernes, j'ai obtenu la faveur d’avoir un guide. Lorsque j’ai expliqué que mon but était de faire des croquis pour La Nature, toutes les difficultés ont été aplanies et j’ai pu rester sept heures entières dans Mammoth cave.
- On me prête alors un costume complet pour pouvoir ramper à l’aise dans la boue des galeries basses et passer dans des trous étroits comme des tuyaux de cheminées. Peut-être même sont-ils un peu dangereux, mais ces passages ne sont pas bien longs à franchir : il s’agit de 5 ou 4 mètres à descendre ou à monter. Ces lieux sont glissants et de nombreuses gouttelettes d’eau vous arrosent. On s’accroche aux légères saillies des rochers; elles forment une sorte d’échelle naturelle. L’obscurité rend les choses mystérieuses et fantastiques et malgré soi on éprouve une certaine émotion. Si l’on a quelque peine à passer sans encombre dans ces sombres détours, on a bientôt sa récompense lorsqu’on se trouve au fond d’un des plus noirs gouffres qu’on puisse rêver, le Gorins Dom.
- Le guide allume un paquet de feux de Bengale ; aussitôt le saisissement vous prend. Il n’y a que dans Y Enfer du Dante qu’on puisse voir des choses semblables (fig. 2). Ce gouffre peut avoir cent mètres de hauteur environ, il est entièrement creusé par les eaux et relativement assez étroit. C’est une sorte de puits dont les parois sont usées, déchiquetées. On voit d’immenses draperies qui semblent presque détachées des murailles : ce sont d’épaisses stalactites ; aux lueurs des flammes, on croit les voir remuer, elles prennent mille nuances différentes et les gouttes d’eau qui descendent lentement le long des pierres s’échappent ensuite comme autant de perles lumineuses. En montant encore vers un autre endroit de Gorins Dom, on a d’autres aspects non moins beaux que le premier, mais il n’y a plus de stalactites. Mon guide avait des lumières assez vives pouvant durer chacune quelques minutes, de sorte que, malgré les douches légères qui arrosent l’album du touriste il est cependant possible de dessiner.
- 1 Voy. n° 410, du 21 mai 1881. p. 58".
- p.151 - vue 155/432
-
-
-
- 152
- LA NATURE.
- Dans d’autres lieux encore, les voûtes de pierres sont portées par six colonnes ciselées par les eaux. Des stalactites forment les chapiteaux. C’est le temple Egyptien. Ces blocs de pierre ont 26 mètres de hauteur et 8 mètres de diamètre environ ; ils forment au fond de la grotte une sorte d’exèdre im-
- mense. Pendant le temps que je dessinais, mon guide chantait des chansons indiennes. Tout à coup j’entends des plaintes au fond d’un précipice, on appelle au secours ; puis c’est une dame sans doute qui vient d’éteindre sa lampe, elle est effrayée, voilà un drame affreux ! mais mon guide
- rit aux éclats. Il est ventriloque et me donne pour me distraire cette émotion originale.
- Au plus bas de Mammoth cave, à 250 pieds de profondeur, les entomologistes peuvent faire de curieuses récoltes d’insectes. On rencontre entre autres, un grand nombre de sauterelles aveugles, très vivaces cependant. Elles ont des antennes fort lon-
- gues et les pattes très hautes. Elles sautent à merveille et on a peine a les atteindre, aidé par la faible lueur de la bougie que chacun a dans ses mains. Dans la rivière souterraine on pèche aussi une sorte de poisson aveugle et un joli crustacé de couleur blanche.
- On rêve à toutes ces belles choses pendant la
- p.152 - vue 156/432
-
-
-
- Fifç. 2. — Une vue intérieure île Mammot.'i Cave; le Gorin's Dont. (D’après nature, par M. Albert Tissaudier.)
- p.153 - vue 157/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 45 t
- nuit qu’il faut passer en chemin de fer pour se rendre à Saint-Louis. Aù point de vue des Américains, cette ville est antique : sa fondation date de Louis XV. C’est à lui qu’elle doit son nom. Les travaux exécutés sur le Mississipi, —un pont gigantesque qui a coûté 50 000 000 de francs, et les célèbres water works ou pompes à vapeur construites pour amener les eaux du fleuve dans la ville, sont grandioses et dignes d’être admirés.
- Il faut après Saint-Louis visiter Kansas city, la jeune capitale du Kansas. Celle-ci date de'quarante-cinq années à peine. Vers 1839, c’était un hameau; en 1857, elle devient une petite cité de 5000 habitants; en 1867, elle possède un chemin de fer, et la voilà devenue une ville de 15000 âmes en 1869.
- Elle augmente encore jusqu’à l’invraisemblance : en 1872, les habitants sont au nombre de 42000; én 1885 enfin, Kansas est une grande cité de 120000 habitants. Après cela, comment la ville ne serait-elle pas dans un désarroi constant? Ses rues, ses maisons, subissent des changements extraordinaires. Dans les premiers temps, les habitants bâtissaient leurs maisons sur les terrains naturels de la localité ; il y a de nombreuses collines sur les bords du Missouri et de Kansas river, les maisons de iTois se construisaient sur les pentes et les rues montaient et descendaient suivant les besoins. A présent cet état de choses devient impossible : les Américains de Kansas city, découpent leurs collines pour abaisser tous ces niveaux de fantaisie. Un monde d’ouvriers est occupé à ce gigantesque travail d’aplanissement.
- Une nouvelle percée est à peine tracée, que déjà des rails sont posés provisoirement. Les tramways circulent remplis d’une foule affairée. On ne prend pas garde à la poussière ou à la boue ; les charrettes pleines de terres enlevées, les poutres qui soutiennent les maisons de bois perchées encore sur les collines non démollies, les ouvriers au travail, rien ne saurait être un obstacle, le tramway passe. A côté d’énormes blocs de terre à déblayer, une boutique luxueuse s’installe déjà. Des villas élégantes sont construites sur les nouveaux alignements à peine terminés. Tout auprès, on voit de petits escaliers de bois, posés pour le service des anciennes maisons perchées encore sur les talus qu’il faudra détruire. La ville s’étale dans les campagnes, grandissant toujours. C’est une fourmilière envahissante, qui donne au voyageur un exemple plein d’enseignement pour l’avenir. Quel sang bouillonnant, quelle force vitale il y a, dans ce grand pays des États-Unis!
- A Kansas city, les habitants jouissent avec raison de cette prospérité étonnante. Leurs abattoirs rivalisent déjà avec ceux de Chicago et de Cincinnati, leurs usines de toutes sortes se multiplient. « Dans quelques années, disent-ils, notre ville sera la plus grande d’Amérique. »
- Cela ne nous paraît pas impossible.
- Albert Tissandier.
- LES TUNNELS SOUS LÀ MERSEY
- ET SOUS LA SEVEBX
- La cérémonie d’ouverture du tunnel sous la rivière Mersey a eu lieu le 20 janvier, avec la plus grande pompe et au milieu de grandes réjouissances, à Liverpool et à Birkenhead. Le tunnel réunit ces deux villes, aboutissant au centre de chacune d’elles. De grands préparatifs avaient été faits pour la réception du prince de Galles, qui assistait à la cérémonie de l’ouverture.
- Le tunnel en question est percé, à une assez grande profondeur au-dessous du lit de la Mersey, dans une couche de grès rouge offrant toutes garanties de sécurité et d’étanchéité, il a 7“”,70 de large, une hauteur totale de 7 mètres, dont 5ra,80 au-dessus de la double ligne de rails dont il est pourvu. Le trajet du train d’inauguration s’est effectué en quatre minutes. Le percement, commencé en 1870 par le foncement d’un puits à Bir-kenhead fut abandonné jusqu’en 1879, époque à laquelle il fut repris par le major Isaac et complété sans interruption grâce à l’énergie de ce dernier. Une galerie d’essai fut d’abord entreprise, des deux côtés à la fois, les opérateurs se rencontrant exactement au même point, au milieu du fleuve. Les résultats ayant répondu aux espérances, le travail du tunnel fut poussé vigoureusement, la machine à tunneller actionnée à l’air comprimé du colonel Beaumont rendant les plus grands services. Trois mille terrassiers furent employés sans interruption* aux travaux de percement du tunnel et de l’enlèvement des déblais; cette entreprise n’a pas coûté moins de 25 millions de francs pour être amenée à bonne fin. Une semaine environ avant la cérémonie, un train de charbon traversait pour la première fois le tunnel de la Severn.
- Ce tunnel est d’une longueur totale de sept kilomètres dont plus de 5 1/2 se trouvent sous le lit du fleuve. Il fut inondé dans le cours de sa construction et pompé à sec quelque temps après l’accident. Le tunnel et les travaux de construction et raccordement de voies, auxquels il a donné lieu a coûté environ 45 500 000 francs. J.-A. B.
- CONSOMMATION DU THÉ EN ANGLETERRE
- Le thé est une boisson consommée en Angleterre depuis plus de deux siècles. L’importation de ce produit, à Londres seulement, ne représente pas moins de 100 000 000 de kilogrammes. De cette quantité, environ 60 000000 dekilogrammes proviennent de Chine, les ports d’exportation étant principalement Hongkong, Shangaï, Canton et Foo Chow Foo; 27 000 000 de kilogrammes environ proviennent des Indes Anglaises, le port d’exportation étant Calcutta, et le reste provient principalement de Ceylan et de Java. Des flottes de steamers magnifiques sont engagées au transport du thé et effectuent le passage de Chine à Londres, par voie du canal de Suez (à peu près 11 300 kilomètres en six semaines environ).
- Une course intéressante a lieu tous les ans entre les navires faisant le transport du thé. Une forte sommé d’argent est décernée au navire arrivant le premier avec un chargement de thé de la saison ; de plus, ce thé, acheté d’avance à un prix relativement élevé procure au gagnant une source de profit. Il est remarquable que des navires ayant quitté la Chine en même temps, arrivent à Londres, à quelques heures d’intervalle seulement. J.-A.B.
- — A suivre. —
- p.154 - vue 158/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 155
- LE FROID
- La merveilleuse constitution de l’homme lui permet de braver l’excès du froid comme celui de la chaleur. Nous voulons citer quelques chiffres; ils montrent que des hommes de la même race que nous, peuvent supporter des différences de température qui confondent l’imagination et qui entraîneraient certainement la destruction de tous les autres êtres de la création.
- Au mois d’octobre dernier, les commissaires anglais et russes, réunis à Meruchak pour la délimitation des frontières de l’Afghanistan, signalaient un froid de
- — 4° F. (—50° C.) et ce froid était regardé comme très modéré. D’après les relevés officiels publiés par la Commission météorologique de la confédération du Canada, le plus grand froid observé en ces dernières années fut en 1873, à Pembroke, dans le IJaut-Outaouais ou le thermomètre descendit a
- — 42° C.1.
- On cite, dans l’Amérique du Nord, des températures plus rigoureuses encore ; ainsi le capitaine Back parle à Fort-Reliance d’un froid de — 56°,74 C. Iakoutsk (Sibérie) passait pour le lieu habité le plus froid du globe; certes, c’était à bon droit, car la température moyenne de l’année entière oscille autour de 0° et celle du mois de janvier s’abaisse jusqu’à — 45°. Les phénomènes physiques, les différences dans la distribution des terres et des mers jouent un rôle considérable qui n’e'tait guère soupçonné, il y a quelques années, dans les conditions climatériques. Ainsi Iakoutsk n’est qu’à 6° plus au nord qu’Edimbourg, et les îles de la Nouvelle-Zemble dans l’océan Arctique, vers le 75° de latitude, ont une température moyenne plus élevée, grâce au Gulf-Stream, si bien étudié par le commandant Maury, une des gloires scientifiques des Etats-Unis. Ce courant d’eau chaude se renouvelant sans cesse se fait sentir, nous dit-on, jusque dans ces latitudes élevées. Il existe un point habité où le froid est plus intense encore, paraît-il, qu’à Iakoutsk, c’est Werko-jansk, à une latitude un peu supérieure à 67° et où la colonne thermométrique est descendue, au mois de janvier, jusqu’à —55° C.
- Les explorateurs, les navigateurs, qui parcourent avec une si indomptable énergie les continents déserts et les mers couvertes de glaces perpétuelles ont eu à supporter des températures plus rigoureuses encore.
- Le plus grand froid dont parle Nordenskiôld dans un de ses derniers voyages fut de —47°,7 C.
- Le lieutenant Greely, dans l’expédition qui s’est si fatalement terminée, raconte que pendant un long séjour à Discoverv-Bay, la température maxima ne dépassa jamais —t— 52° F. et le thermomètre descendit, aux jours les plus froids, à — 66 F., soit une
- 1 Rappelons que la congélation du mercure commence à
- — 59° C. Seul l’alcool, à un haut degré, résiste à des froids plus rigoureux.
- différence de 118°. M. Martin, voyageant dans la Sibérie orientale, raconte que le 28 novembre 1882, par 59° de latitude et 132° de longitude, le thermomètre placé sur des pics à découvert, marquait
- — 50° 1/2 R., soit environ —63° C. ; et je puis assurer, ajoute-t-il dans une lettre adressée à la Société de géographie de Paris, que ces données sont exactes, car je me servais de trois thermomètres pour les contrôler. Dans la dernière expédition polaire entreprise par les Anglais, dès le mois de novembre, le thermomètre descendait à 60° C. au fort Rae près du grand lac de l’Esclave. Le 25 janvier 1883, il marquait — 65° C. à bord de la Varna et de la Dymphna, bloquées par les glaces dans la mer de Kara, à l’est du détroit de Way-gatz.
- Le froid le plus rigoureux subi par l’homme serait celui dont parle M. Gibier, reporter du New-York Herald et attaché, en cette qualité, à l’expédition envoyée à la recherche de Franklin, sous les ordres du lieutenant Schwatka. M. Gilder, dans les lettres adressées à son journal, durant l’hiver de 1879-1880, si rigoureux, on s’en souvient, dans nos propres climats, parle d’un froid de —103° C. qu’il ramène plus tard, faut-il ajouter, à —71°C. Ces chiffres ont été reproduits par un grand nombrS de journaux et de revues, et ils ont été donnés par Schwatka lui-même dans une séance de la Société de géographie de New-York. Un froid aussi extraordinaire était absolument inconnu jusqu’ici et nous avons quelque peine à l’accepter comme sérieux, surtout en présence des observations de M. Kluls-cliak qui cumulait à bord les deux postes importants de cuisinier et dp météorologiste attitré de l’expédition. Il nous apprend que le froid le plus intense que ses camarades et lui eurent à souffrir fut le 3 janvier 1880, à 6 heures du matin, où le thermomètre descendit à — 57° C. L En adoptant ce dernier chiffre qui nous paraît plus sincère, il reste acquis que des hommes de race blanche ont pu endurer pendant cinq mois, de novembre 1879 à la fin de mars 1880, un froid continu de —40° à
- — 57°-C.,et cela sans qu’un seul d’entre eux soit mort ou ait même été sérieusement malade.: Cette santé si remarquable au milieu des cruelles souffrances qui ne furent pas épargnées à l’expédition, tenait en partie à ce que les hommes avaient été acclimatés par un séjour au camp Daly depuis la mi-aoùt 1878 jusqu’à la fin de mars 1879 et qu’ils avaient déjà eu à subir sur ce point une différence de température de 65° entre le maximum et le minimum extrêmes (+14° G. et —510 C.). Après leur départ du camp, les mois d’avril et de mai offrirent des écarts non moins considérables; — 5° et — 37° en avril, -h 13° et —19° en mai.
- 1 Durant ce voyage, des chiffres à peu près semhiables se répètent souvent. Ainsi nous voyons à Starvation Cove, où les membres de l’expédition séjournèrent assez longtemps, un froid de —56° C. en décembre, et de — 55° en novembre et en février.
- p.155 - vue 159/432
-
-
-
- 156
- LÀ NATURE.
- Les Américains avaient adopté le genre de vie des Innuits qui les accompagnaient. Comme eux, ils se nourrissaient de la viande crue des phoques et des morses, ils absorbaient des quantités considérables de matières huileuses et graisseuses, échappant ainsi au scorbut, cause de si cruels ravages parmi les baleiniers qui fréquentent ces parages. Dès les premiers jours, ils avaient abandonné leurs tentes pour vivre à terre dans des iglom formés de blocs de neige taillés en parallélépipèdes allongés et divisés au besoin par des blocs semblables en plusieurs compartiments séparés. Renonçant enfin à tout le confort d’une société civilisée, ils portaient uniquement des vêtements de peau de renne qui coupent toute transpiration, tandis qu’au contraire elle est excitée par des chemises de toile comme celles que nous portons.
- Dans d’autres climats, la chaleur arrive à des excès non moins intolérables, la colonne ther-Tnométrique monte souvent en Algérie à -+- 50°
- C. et M. Duveyrier l’a vue dans le pays des Touaregs à —f-67°,7 C.
- Nous nous proposons de revenir sur les chaleurs extrêmes supportées par l’homme. Nous nous contenterons de comparer ici ce dernier maximum avec un des mi-nima (— 65° C.) qui nous paraît le plus sérieux. Cette comparaison nous apprend que la différence de température que peuvent supporter, comme nous le disions en commençant, des hommes de race blanche comme nous, des Européens comme nous, n’est pas moindre de 150°!
- Marquis de Nadaillac.
- ——
- GRAVURE AU JET DE SARLE
- APPAREIL PERFECTION.NÉ
- La gravure que nous publions ci-dessus d’après le Scientific American, représente un perfectionnement dù à M. Mathewson, de Londres, de l’appareil imaginé par M. Tilghman pour couper, percer et graver la pierre, le métal et le verre au moyen d’un jet de sable1. Jusqu’à présent l’emploi de la vapeur,
- 1 Voy. n° 214, du 7 juillet 1877, p. 96.
- dans les machines de ce genre, était impossible dans la majorité des cas : on ne pouvait manier les objets sans se brûler, et, lorsqu’on voulait opérer sur du verre, il était brisé par la chaleur due à la condensation de la vapeur; en outre, les plaques découpées qui servaient de modèles étaient empâtées par le sable humide; on était d’ailleurs obligé de sécher après chaque opération le sable employé. Maintenant, grâce à la disposition adoptée par M. Mathewson, la vapeur n’arrive pas jusqu’aux objets mis en œuvre, et le sable est séché au cours même du travail. C’est ce dont notre gravure permet de se rendre facilement compte. La vapeur entre par le tuyau
- inférieur M dans le sens de la flèche; en ouvrant le robinet D, on en détourne une petite portion, qui pénètre dans le tuyau d’aspiration I, lequel aboutit en C à la partie supérieure de la chambre E. Cette aspiration de vapeur produit un fort courant d’air dans la direction indiquée par les flèches ; ce courant d’air, sèche le sable et entraîne toute la vapeur et toute l’humidité à travers le tuyau I dans la cheminée.
- Le rédacteur américain auquel nous empruntons ces documents a vu fonctionner l’appareil Mathewson, et il a constaté quiil donne les meilleurs résultats. On s’en sert pour graver une plaque de verre qui doit être placée en G pour donner un grand poli à des plaques d’acier laminé, que l’on chauffe ensuite et qu’on lamine de nouveau; après ces divers traitements, elles résistent parfaitement aux influences atmosphériques. Cet appareil permet également de graver avec une étonnante rapidité le granit ou toute autre pierre.
- Les machines les plus récentes sont munies d’une pédale; en appuyant sur cette pédale, on établit la communication entre le sable et la vapeur; dès qu’on relire le pied, celte communication cesse. En réglant la pression, on peut modifier l’intensité de l’action du sable. Avec une pression de 1/4 d'atmosphère, et en employant du gros sable, on peut obtenir en deux minutes un trou de 5 centimètres de diamètre dans une plaque de verre d’une épaisseur de 12 millimètres. E. Piiilipi-i.
- Nouvel appareil de M. Mathewson pour la gravure au sable.
- II. Réservoir de sable porphyrisé.— I. Tuyau d’aspiration. — M. Tuyau d’arrivée de la vapeur.— A. Tuyau d’accès du sable entraîné, — F. Chambre de circulation de l’air destiné à sécher le sable lancé en B. — G. Verre à graver. — E. Chambre métallique. — K. Porte pour le nettoyage et le montage de l’appareil.
- p.156 - vue 160/432
-
-
-
- LA NATURE,
- 157
- LAMPE UTILISANT LA CHALEUR PERDUE
- On sait combien il est important dans l’industrie d’utiliser, avec le moins de perte possible, la chaleur produite par la combustion du charbon; on sait aussi combien cette perte est considérable, malgré les efforts qui sont faits pour la diminuer. Il en est à peu près de même dans l’économie domestique; nos cheminées, par exemple, ne nous donnent qu’une très minime fraction de la chaleur produite par notre combustible, et c’est le conduit de la cheminée et l’air extérieur que nous chauffons, bien plus que notre appartement. Il n’est pas un des appareils que nous mettons chaque jour en usage qui ne soit susceptible d’être perfectionné au point de vue économique.
- Un habile constructeur parisien, M. Legrand, s’est fait cette observation en considérant une lampe à huile ou à pétrole. Il s’est dit que la chaleur perdue qui s’échappe à la partie supérieure du verre de lampe, est considérable , et qu’au lieu d’être incommodé de ses effets, il serait bien plus agréable de l’utiliser pour chauffer ses pieds ou faire bouillir une tasse de thé, et il a apporté la solution de ce curieux problème, en imaginant la disposition que représente la gravure ci-contre.
- M. Legrand place une petite chaudière G au-dessus de la lampe ; cette chaudière est munie d’un niveau d’eau D; elle s’alimente par un réservoir de verre supérieur B dans lequel on verse de l’eau. Le vase supérieur B, renferme une tubulure A avec bouton, formant robinet, et permettant de régler le débit de l’eau dans la chaudière ou le générateur. A la surface de l'eau on voit en EE, dans cette chaudière, un tube qui se prolonge en F le long du support, et conduit la vapeur produite jusqu’aux robinets G et H. Le premier robinet G est muni d’un tube courbé que l’on introduit dans une théière, ou même directement dans une tasse contenant le liquide que l’on veut chauffer. L’élévation de température se produit assez vite par l’accès de
- la vapeur d’eau. A la partie inférieure du tube F, le robinet II permet de laisser échapper la vapeur par l’orifice J; où l’on place une petite cuvette K qui reçoit l’eau de condensation. On peut encore adapter en J un tube de caoutchouc qui conduit la vapeur dans un chauffe-pied «t boule d’eau. La petite cuvette K n’est mise en place que lorsque l’on ne se sert point du chauffe ; on y recueille les gouttelettes d’eau condensée comme on le voit sur la figure.
- En outre des avantages offerts par cette utilisation économique de la chaleur perdue, le nouveau système contribue à répandre dans l’air ambiant une petite quantité de vapeur d’eau salutaire, qui combat l’effet de sécheresse, déterminé par la combustion d’une lampe ordinaire.
- Nous avons sous les yeux un modèle de l’appareil, qui fonctionne très régulièrement. A vrai dire, il y a là une complication un peu considérable du matériel d’une lampe, mais les personnes habiles de leurs mains et les amateurs de petits appareils domestiques ingénieux et rationnels, feront, nous le croyons, bon accueil à un système qui mérite tout au moins d’être signalé pour le caractère incontestable d’originalité qu’il présente.
- Notre figure représente un appareil de petite dimension ; il est inutile d’ajouter que l’on peut très facilement construire des appareils plus considérables, installés même à poste fixe au-dessus d’un bec de gaz, dont la chaleur perdue est très considérable. Nous croyons qu’il y aurait un réel intérêt \ étudier le problème à ce point de vue ; il ne manquerait pas de trouver un nombre d’applications plus importantes et plus considérables. Les dispositions, on le conçoit, pourraient varier à l’infini, selon la place dont on dispose et le lieu où l’appareil serait aménagé. Dans les cuisines, dans les offices, dans les bureaux, ces systèmes ne manqueraient assurément pas de rendre des services, et le prix de leur installation serait probablement assez vite compensé par l’économie qui résulterait de leur emploi. G. T.
- Lampe utilisant la chaleur perdue pour chauffer au moyen de la vapeur d’eau, une théière, ou un chauffe-pieds.
- p.157 - vue 161/432
-
-
-
- LA NATURE.
- iôS
- NÉCROLOGIE
- La Landelle. — Né le 5 mars 1812, M. Gabriel de la Landelle, qui vient de mourir à la suite d’une longue maladie, était un ancien officier de marine il appartenait surtout à la littératuropar ses travaux, mais il touchait aussi à la science par ses études sur la navigation aérienne au moyen du plus lourd que l'air. M. de la Landelle était un aviateur passionné et convaincu, qui a pris part au mouvement soulevé par M. Nadar, en faveur du plus lourd que l'air ; il a publié sur ce sujet un grand nombre d’écrits et de mémoires intéressants. M. de la Landelle, à la fin de sa vie, s’était quelque peu rallié à la cause de la direction des aérostats, et il a porté un grand 1 intérêt aux expériences récentes qui ont été exécutées au moyen des aérostats allongés à hélice, munis de moteurs dynamo-électriques. M. de la Landelle était un homme de cœur et de talent, plein de charme et d’aménité qui sera regretté par tous ceux qui l’ont connu.
- Jules Guérin. — Ce célèbre médecin, membre de l’Académie de médecine, est mort le mois dernier à l’âge de quatre vingt-cinq ans; il était né à Boussu, ancien département de Jemmapes, le 11 mars 1801. 11 fut reçu docteur en médecine en 1826, et il prit bientôt la direction de la Gazette de santé, l’un des plus anciens journaux scientifiques. En 1830, il lui donna le nom de Gazette médicale de Paris. En 1837, Jules Guérin remporta le grand prix de chirurgie, au sujet des méthodes orthopédiques. Officier de la Légion d’honneur, M. Jules Guérin, auteur d’un grand nombre de travaux estimés, était membre de l’Académie de médecine depuis 1842.'
- Il avait le tempérament du polémiste; souvent trop passionné, il s’est signalé notamment comme un des adversaires les plus ardents des doctrines deM. Pasteur, qui a su répondre à ses objections par l’éclatante démonstration des faits.
- CHRONIQUE
- Le centenaire d’Arago. — Le centenaire de la naissance de François Arago, arrivant le 26 lévrier prochain, un comité de savants, de publicistes et de personnes qui prennent souci de nos gloires nationales, s’est formé sous la présidence de M. l’amiral Mouchez pour organiser une fête commémorative, et ouvrir une souscription publique destinée à élever une statue à ce grand homme sur le boulevard qui porte son nom, en face de l’Observatoire, où il s’est immortalisé. M. Floquet, président de la Chambre des députés et député des Pyrénées-Orientales, qu’Arago représenta pendant un si grand nombre d’années dans nos assemblées politiques, a été nommé président d’honneur. Il prononcera un grand discours dans le banquet qur terminera la fête, et où M.Fayea accepté la mission de retracer l’ensemble de la vie scientifique de François Arago. D’après le plan qui a été adopté, et pour l’exécution duquel M. l’amiral Mouchez vient d’écrire au préfet de la Seine, la fête commencerait le 25 février par une réception faite dans les salons de l’Observatoire, par la famille Arago, sous les auspices du directeur actuel. Le buste d’Arago, qui se trouve maintenant dans un des vestibules du rez-de-chaussée de l’Observatoire, serait transporté à la place que la statue doit occuper. Les députations qui se réuniront en cortège à l’Observatoire, défileront devant l’image de l’illustre astronome. Deux discours seront prononcés a
- cette occasion, l’un par M. Mouchez, et l’autre par M. Goblet, Ministre de l’instruction publique. Le bureau du Conseil municipal, dont Arago fut longtemps membre, s’est empressé d’adhérer au projet. Mais le nouveau président devant être nommé quelques jours seulement avant la cérémonie, il est impossible de déterminer la part qu’il réclamera dans la cérémonie. Un ballon doit aussi être lancé du carrefour de l’Observatoire.
- L’étoile nouvelle d’Orlon. — Située par 5 h. 49, 69°51, de sixième grandeur, à 20' de /.l d’Orion, celle étoile a été vue pour la première fois le 21 décembre, par M. Gore, en Irlande. Elle est rouge orangé, avec un spectre qui la rapproche des étoiles du 5e type. En sorte que cette étoile diffère complètement de celles de la Couronne et du Cygne qui ont montré les caractères d’une conflagration d’hydrogène subie, et que c’est probablement une nouvelle variable du genre de o de la Baleine. Le 25 décembre, dit le journal Le Ciel, l’étoile n’avait pas diminué de grandeur.
- Nouveau navire de guerre.—Un navire-torpille, (un vrai navire de guerre et non pas un torpilleur), Archer, a été lancé, l’avant-veille de Noël, aux chantiers de M. J, et G. Thomson, à Glasgow. Archer est le premier d’une série de six navires, du type Scout dont la construction a été confiée à ladite maison, et dont les plans ont été choisis parmi ceux de 58 compétiteurs. Nous donnons brièvement, ci-après, les détails les plus intéressants concernant ce bateau d’un nouveau type : longueur entre perpendiculaires 69 mètres, largeur au maître-couple 11 mètres, profondeur 5ra,80, déplacement 1630 tonnes en conditions normales et 1810 tonnes avec équipement complet et approvisionnement complet de charbon et vivres, etc., vitesse garantie 16 1/2 nœuds (30 kil. 7) ; les constructeurs espèrent atteindre une vitesse du 18 nœuds (55 kil. 5) ; force motrice 4000 chevaux indiqués, deux hélices ; poids des machines, 550 tonnes ; armement, 6 canons rayés de 15 centimètres se chargeant par la culasse, et montés sur affûts à pivot, huit mitrailleuses et dix tubes à torpilles distribués comme suit : un à l’avant, un à l’arrière, tous deux au-dessus du niveau de l’eau; deux de chaque côté, protégés par la poupe ; un de chaque côté, à découvert, au milieu du navire, et deux autres tubes placés sous l’eau, et dont un de chaque côté du navire. Avec les deux hélices tournant dans le même centre, le navire fait un tour complet en quatre minutes, décrivant un cercle de 27 mètres de diamètre; avec une hélice tournant marche avant et l’autre marche arrière, le temps occupé est le même mais le cercle décrit est beaucoup plus petit. La surface du gouvernail est de 9m2,25. L’approvisionnement de charbon est suffisant pour un voyage de 13 000 kilomètres à une vitesse de 18 1/2 kilomètres par heure ou d’environ 4600 kilomètres à pleine vitesse. Le navire est construit en acier et les parties de la coque les plus exposées à l’action corrosive de l’eau ont été galvanisées. L'Archer constitue certainement un engin de destruction formidable et nous avons cru intéressant de donner à nos lecteurs un aperçu de ses caractéristiques les plus remarquables. J.-A. B.
- Sur les incrustations et sur le nettoyage des statues en bronze1.— Les produits de décomposition des poussières organiques et notamment l’ammoniaque agissent assez énergiquement sur la patine des monuments en bronze. On sait que la patine est constituée par une
- 1 Dingler's polytechnisches Journal, et Bulletin de la Société’ chimique de Paris.
- p.158 - vue 162/432
-
-
-
- LÀ NATURE.
- 159
- couche d’hydrates et de carbonates de cuivre. Sous l’action réductrice des poussières dont le dépôt est facilité par une surface tant soit peu rugueuse, la couche verte prend par places une teinte noire du plus désagréable effet due à la formation d’oxyde. Si l’action est prolongée, les statues finissent par se recouvrir d’une couche assez épaisse et adhérente de couleur noire. Ces incrustations sont constituées en majeure partie par des poussières atmosphériques, renfermant de la silice, des sels d’ammonium, des phosphates et le cuivre provenant de la décomposition du bronze ; le métal existe dans les incrustations à l’état de sulfure ou à l’état métallique finement divisé, ce qui lui donne une couleur noire. Une teneur élevée en plomb ne paraît pas s’opposer à la formation de la patine, car certains bronzes chinois et japonais qui renferment jusqu’à 15 pour 100 de plomb, présentent souvent un très bel aspect. Le meilleur moyen de nettoyer les statues en bronze consiste dans l’emploi d’une dissolution aqueuse de cyanure de potassium qui dissout les composés noirs du cuivre des incrustations sans attaquer le bronze. Pour que le bronze conserve une belle patine, jl est bon d’avoir une surface le plus polie possible. En ce qui concerne le nettoyage des statues en marbre, il est bon de les laver avec de l’eau ayant séjourné sur des fragments de marbre et saturée ainsi de carbonate de calcium. On évite ainsi l’action dissolvante des eaux pures qui renferment toujours de l’acide carbonique. On peut également remplacer l’eau pure par une dissolution très étendue et limpide de silicate de sodium. G. de B.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 1er février 1886. — Présidence de M. l’amiral
- JüRIEN DE LA GrAVIÈRE.
- En prenant place au fauteuil, M. le président annonce que, toute affaire cessante, l’Académie se formera en comité secret à quatre heures : il en est résulté une séance extrêmement peu fournie.
- Tremblement de terre expérimental. — En revenant de sa mission géologique en Andalousie, M. Fouqué avait manifesté son intention de soumettre certains points des phénomènes sismiques à une étude expérimentale. Il annonce aujourd’hui les premiers résultats que lui a fournis cette direction toute nouvelle. Grâce aux bonnes dispositions de M. Schneider, il a pu se servir du marteau-pilon de 100 tonnes pour rechercher avec quelle vitesse se propagent les vibrations dans le sol. Ayant choisi une station à une distance convenable de l’usine à laquelle il était relié par un téléphone, il y installa un bain de mercure : l’oreille annonçait la chute du marteau et l’œil indiquait les oscillations du métal liquide. On trouva que, suivant le sens des couches du grès permien qui constitue le terrain, la vibration fait 1200 mètres par seconde; tandis que dans le sens perpendiculaire elle en fait 1050 environ. M. Fouqué s’étant ensuite transporté à Meudon dont le sol est sableux et M. Janssen ayant fait construire par lui un mouton spécial, il trouva que dans ces nouvelles conditions géologiques, la vibration ne fait plus que 320 à 560 mètres par seconde. Dans les deux cas on trouve que de petites ondulations précèdent le maximum : sur le grès l’ébranlement qui suit le choc dure à peu près une seconde; il se prolonge trois ou quatre fois plus sur le sable.
- Malgré le soin apporté à ses expériences, M. Fouqué n’en a pas accepté les résultats sans quelque sçrupule : en
- effet le moment où a lieu le choc est indiqué par l’oreille et le moment d’arrivée de l’onde sur le bain est indiqué par l’œil. Or on sait que les erreurs personnelles de ces deux organes diffèrent beaucoup entre elles et il en résulte que leur collaboration introduit dans l’expérience des causes évidentes d’inexactitude. Aussi l’auteur s’est-il préoccupé dë rendre son dispositif plus homogène, et pour cela il élimine l’oreille. Un mécanisme électrique enregistre le mouvement du choc et le mouvement du bain est recueilli par une plaque sensibilisée sur laquelle il se photographie. Jusqu’ici ce deuxième mode opératoire n’a pas été employé sur le terrain ; mais M. Fouqué met sous les yeux de l’Académie quelques plaques obtenues dans des essais préliminaires tentés au collège de France. On y voit l’effet des coups de pied donnés sur le sol du laboratoire, ou même celui de voitures passant dans la rue.
- Astronomie égyptienne. — Un professeur de Montpellier, M. Romicux, ayant adressé naguère à l’Académie, des recherches sur l’astronomie égyptienne, M. Oppert, de la classe des inscriptions et belles-lettres, a été prié de donner sur elle une opinion motivée. Il a remis aujourd’hui son rapport qui sera lu avec un très vif intérêt, mais dont'nôus n’osons, après une simple audition incomplète, donner un résumé. Ce que nous pouvons dire, c’est qu’il -recommande le travail de M. Romieux à la bienveillante attention de l’Académie des sciences.
- Nature de l'éther des physiciens. — Le si regretté commandant Trêves, dont la fin tragique a été si prématurée, avait déposé deux plis cachetés relatifs, l’un à la matérialité de l’éther, l’autre à la pondérabilité de ce milieu. Mme Trêves transmet des passages du testament de son mari conformément auxquels M. le secrétaire perpétuel remettra les plis en question à M. l’amiral ( Bourgeois.
- Varia. — Notre savant confrère, M. le Dr Nicolas, est parti avec M. de Lesseps pour organiser le service médical à Panama. — La constante de la réfraction occupe M. Gaillon: — M. le Dr Antonin Bossu offre, par l’intermédiaire de M. Larrey, la IIe édition de son Anthropologie; nous reviendrons sur cet ouvrage.
- Stanislas Meunier.
- UNE CARICATURE
- SUR LA DÉCOUVERTE DE IA VACCINE
- JEPWXER. — M. PASTEUR
- Trois mois se sont écoulés depuis le jour où M. Pasteur a fait connaître à l’Académie des sciences les résultats de ses admirables expériences sur les moyens de prévenir la rage après morsure: Depuis ce jour, poursuivant lentement et sûrement la mission qu’il s’est donnée, l’illustre savant applique la méthode scientifique créée par lui de toutes pièces et qui semble jusqu’ici ne lui réserver que des succès.
- Rien ne paraît fait, n’est-ce pas, pour inspirer une plus profonde admiration? Aucune découverte ne serait plus utile et plus glorieuse pour le pays!
- Il s’est rencontré, cependant, deux ou trois personnes qui, n’ayant pas la moindre idée du problème a résoudre, ne soupçonnant pas les immenses difficultés qu’il recèler ont osé plaisanter de sa solution
- p.159 - vue 163/432
-
-
-
- 160
- * LA NATURE.
- possible. Le rire est à la portée de tout le monde, mais, Dieu merci ! il ne prouve rien, là moins que partout ailleurs.
- Que ce triomphe de la science française soit définitivement acquis, qu’il soit seulement probable, il n’en est pas moins juste de s’incliner avec respect devant des travaux, qui tels qu’ils sont, représentent une somme de dévouement et de savoir dont les rieurs sont absolument incapables, qu’ils le veuillent ou non.
- Presque toutes les grandes découvertes ont trouvé d’obscurs détracteurs, elles ont été, dès leur début, l’objet de plaisanteries de nationalités indécises, analogues à celles qui ont accueilli les recherches de M. Pasteur.
- On aurait dù comprendre que c’est à l’avenir seul qu’il appartient de juger sainement de ces choses. On se prend à espérer pourtant, quand, faisant un retour vers le passé, on songe qu’une question de même nature a divisé nos ancêtres.
- * Edouard Jenner, par sa grande découverte de la vaccine, avait déjà pris, dans la science, la place qui lui appartenait, que beaucoup de ses con frères, gens éclah rés cependant, discutaient encore , soit dans son pays, soit dans le nôtre, la valeur de ses travaux. Aujourd’hui, la preuve est faite; peut-être l’égoïste humanité a-t-elle quelque peu oublié le nom de l’un de ses plus dévoués, de ses plus passionnés serviteurs? Elle n’en a pas moins bénéficié de l’inappréciable bienfait qu’elle lui doit.
- La gravure que nous publions ici, et qui fait partie de notre collection personnelle, est de toute rareté. Elle se l’apporte aux discussions scientifiques soulevées par l’introduction de la vaccine en France et par les difficultés singulières qu’elle rencontra dans ses premières applications. La Faculté de médecine y est violemment attaquée. L’auteur de cette caricature a eu le bon esprit de ne point signer son œuvre; nos contemporains ne montrent pas autant de réserve.
- Jenner est né en 1749, dans le comté deGlocester, à Berkeley. L’histoire a gardé le nom du premier sujet auquel il inocula la variole : C’était un jeune garçon du nom de James Phipps. Cette mémorable expérience fut effectuée le 14 mai 1796, Jenner n’en a publié les résultats que deux ans plus tard, à
- Londres, dans un ouvrage intitulé : An inquiry into lhe causes and effects of the variolae vaccinae.
- La première classe de l’Institut (Academie des sciences) s’était adjoint Jenner comme correspondant le 20 juin 1808; elle lui décerna le titre à'associé étranger, le 13 mai 1811.
- 11 ne sera pas sans intérêt de consigner ici le nom du jeune enfant auquel M. Pasteur a inoculé la rage. Il s’appelle Joseph Meister. Au moment de l’inoculation, il était âgé de neuf ans; son père est marchand épicier à Meissengott, près de Schlestadt. Le 4 juillet 1885, à 8 heures du matin, Joseph Meister a subi les attaques d’un chien l’econnu enragé ; le 6 juillet, c’est-à-dire 60 heures après l’événement il a été inoculé. Aujourd’hui, sept mois après, sa santé ne laisse rien à désirer.
- La seconde expérience tentée par M. Pasteur n’est pas moins saisissante. Le jeune Jean-Baptiste Jupille, qui en a été l’objet, a été frappé sur un
- champ de bataille où les plus .hardis ne se hasardent pas toujours. L’Académie française lui a décerné un Prix de vertu, dans sa séance du 19 novembre 1885.
- M. Maxime du Camp, directeur de l’illustre Compagnie, a raconté ainsi qu’il suit, la généreuse, action qui lui est due :
- Pendant qu’il gardait son troupeau, des enfants qui jouaient auprès de lui ont été attaqués par un chien enragé. Il se jeta devant eux pour les protéger; à coups de fouet, il voulut chasser l’animal qui se précipita sur lui et lui saisit la main gauche qu’il déchira avec ses crocs. Sanglant et lacéré, il n’eut même pas la pensée de fuir, il fit face à la bête féroce et lutta contre elle. De la main droite il ouvrit la gueule écumante, en dégagea sa main gauche, lia le museau du chien à l’aide de la lanière de son fouet, puis il l’assomma à coups de sabot. Le chien était mort, les enfants étaient sauvés, mais Jupille était couvert de morsures. Il n’était pas seulement blessé, il était empoisonné par le virus rabique et destiné à expirer dans d’horribles souffrances.
- M. Pasteur a entrepris le traitement de Jupille, le 20 octobre dernier, six jours pleins après l’événement que nous venons de rapporter.
- ' Ernest Maindron.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Caricature du temps de Jenner sur la vaccine. Réduction 1/3.
- Imprimerie A. Labure, 9, rue de Fieurus, à Pans.
- p.160 - vue 164/432
-
-
-
- N° 605.
- 13 FEVRIER 1886.
- LA NATURE
- 161
- î.
- LA STATUE DE CLAUDE BERNARD
- CÉRÉMONIE D’INAUGURATION DU 7 FÉVRIER 1886
- Il y a un peu plus d’un an, dans notre livraison du 27 décembre 1884, nous parlions ici même de l’essai de mise en place, à l’entrée du collège de France à Paris, de la statue de l’illustre physiologiste, essai qui venait d’avoir lieu devant les membres de la Commission du monument. Aujourd’hui c’est de la cérémonie d’inauguration définitive qu’il va être question.
- Cette cérémonie a eu lieu dimanche dernier, 7 courant, sous les auspices de M. le Ministre de l’instruction publique, avec la simplicité qui convient à une solennité de la science.
- Un certain nombre d’invitations avaient été adressées au monde savant, et c’est devant deux cents personnes environ , parmi lesquelles MM. Renan,
- Bertrand, Berthelot,
- F rémy, Ran vier, Sap-pey, Paul Bert, Das-tre, Chauveau, etc., qu’a eu lieu l’inauguration. Malgré le froid vif, un nombre égal de curieux stationnait dans la rue des Ecoles, contenus par une barrière placée devant l’escalier du collège de France, à la partie supérieure duquel se dresse la belle statue dont M. Guillaume, membre de l’Institut, est l’auteur. Par une attention touchante, la fenêtre du laboratoire où Claude Bernard tiavailla pendant quarante années, et qui est située au coin de la rue Saint-Jacques, avait été ornée de drapeaux tricolores et d’une guirlande de verdure entourant cette inscription : « Laboratoire de Claude Bernard. » <
- Notre gravure représente, d’après une photographie, ti° année. — l'r semestre
- la belle œuvre de M. Guillaume; l’illustre physiologiste a l'attitude du penseur, la main gauche soulevée vers le menton dans un geste qui lui était familier.
- M. Paul Bert a d'abord pris la parole au nom du comité d’organisation, et a glorifié l’œuvre du maître <jui reste entière ; on a pu la perfectionner sur certains points, mais elle n’a été entamée nulle part.
- Après M. Paul Bert, M. Berthelot a prononcé un discours au nom du collège de France. Nous citerons quelques passages de cette remarquable allocution que nous regrettons de ne pouvoir reproduire tout entière.
- En 1841, Claude Bernard débuta au collège de France, comme préparateur de Magendie, l’un des promoteurs de la méthode expérimentale en physiologie et en médecine : maître célèbre autrefois et que son élève devait éclipser. Ce fut, en effet, sous les auspices de Magendie que Bernard se forma d’abord, dans ces humbles et méritoires fonctions de préparateur , si propices aux jeunes gens qui savent profiter des ressources à la fois matérielles et morales que l’on trouve dans le laboratoire d’un maître
- autorisé...
- Je connus Claude Bernard à ses débuts, vers 1848, au moment où il exécutait ses recherches sur les fonctions du pancréas, qui lui valurent l’année suivante le grand prix de physiologie expérimentale, et au moment même où il entreprenait ses premiers essais sur la fonction glycogénique du foie. C’était à titre de chimiste que les services d’un jeune étudiant étaient réclamés par un homme déjà connu par plus d’une découverte. Son zèle sincère pour la science, son absence absolue de charlatanisme, l’esprit de curiosité toujours éveillé et la méthode certaine qu’il portait dans ses inventions, m’attirèrent tout d’abord vers lui ; sa bonhomie et son affabilité achevèrent de m’attacher, par les liens d’une amitié qui devait aller
- 11
- La statue de Claude Bernard, inaugurée devant le collège de France, à Paris, le 7 février 1886.
- p.161 - vue 165/432
-
-
-
- 162
- LA NATURE.
- se resserrant toujours par suite d’une sympathie favorisée par les circonstances. En effet, je ne tardai pas à le connaître de plus en plus encore, devenu son collègue d’abord comme préparateur du cours de chimie, et bientôt comme membre de la Société de biologie.
- La Société de biologie figure à cette solennité à juste titre : non seulement parce qu’elle a pris l’initiative de la souscription publique pour la statue que nous avons devant nous, et parce que Bernard a été son second président perpétuel, mais surtout parce que c’est devant elle que Bernard a exposé d’abord le détail et le cours successif de ses grandes découvertes.
- La Société de biologie, fondée sons l’impulsion de l’esprit positif, est demeurée fidèle à l’esprit profond de son règlement, rédigé autrefois par Ch. Robin. Elle a été, dès son origine, et elle est restée un centre puissant d’initiative scientifique, plus vivant et plus libre que les académies. Elle était peuplée alors de jeunes gens qui s’appelaient : Robin, Broca, Charcot, Verneuil, Laboul-bène, Yulpian, Sappey, Brown-Séquard, Rouget, P. Lorain et bien d’autres amis que j’oublie, les uns vivants et présents ici, les autres disparus. Sous la présidence amicale de Rayer, avec la vive sympathie et le franc abandon de la jeunesse, nous y échangions nos idées en nous communiquant l’élan et l’esprit d’initiative. Mais Claude Bernard était l’étoile et le favori de la Société.
- Ces découvertes qu’il présentait ainsi librement et au fur et à mesure de leur accomplissement, dans le petit cénacle de la Société de biologie, il les avait exécutées d’abord dans son laboratoire du collège de France, et il ne tardait guère à en reproduire l’exposition avec plus d’ampleur et de certitude dans nos amphithéâtres.
- C’est ici qu’il a fait et publié ses recherches, à la fois physiologiques et chimiques, sur les fonctions du pancréas, sur la glycogénèse animale, sur les mécanismes qui président à l’action des poisons et des médicaments actifs : alcalis végétaux, curare, oxyde de carbone, chloroforme, sur les actions du système nerveux qui règlent la circulation et les sécrétions ; c’est ici qu’il montrait comment les lois des phénomènes physiologiques normaux sont en même temps celles des phénomènes pathologiques et, par conséquent, celles de la médecine.
- Il professa pour la première fois dans cette enceinte en 1847, comme suppléant de Magendie. Après la mort de Magendie, il fut nommé, en 1855, titulaire du cours de médecine, devenu par son enseignement un cours de physiologie expérimentale. C’était là qu’il fallait le voir et l’entendre, parlant d’inspiration, exposant la découverte nouvelle qu’il pressentait et dont son auditoire avait les prémices. Cette parole impromptue, cette éclosion pour ainsi dire spontanée de la conception de l’inventeur, sous les yeux et avec l’incitation morale et le concours de l’auditeur, naissait de l’expérience‘même que Bernard reproduisait devant le public : c’était dans les organes de l’animal ouvert qu’il trouvait de soudaines illuminations.
- Rien de moins oratoire que ses leçons, et cependant rien de plus saisissant pour l’auditeur, rien de plus fructueux pour l'élève que cet exemple pour ainsi dire incessant, cette démonstration par le fait de la méthode par laquelle on fait les découvertes. Elle était particulièrement à sa place au collège de France. Peut-être eût-elle été moins heureuse dans une autre enceinte : à la Faculté des sciences, par exemple, où l’enseignement des sciences présente par sa destination même un caractère plus ferme et plus dogmatique. Aussi Claude Bernard ne s’y trouvait-il pas complètement à l’aise, même dans la
- chaire créée pour lui en 1854, et qu’il remplit pendant quatorze ans. C’était surtout dans notre vieil amphithéâtre, ou mieux encore dans ce laboratoire, informe, mal éclairé, mal ventilé, mal organisé de toutes façons, mais où il avait débuté comme préparateur et passé sa vie de savant...
- Après M. Berthelot, M. Chauveau, de Lyon, a célébré Claude Bernard, campagnard, aimé de tous ses voisins de son ermitage de Saint-Jullien, où il se retrempait des fatigues de la vie parisienne.
- M. Dastre, professeur suppléant à la Sorbonne, a rendu un bel hommage à la vie privée du grand physiologiste. Après une allocution de M. Frémyau nom du Muséum d’histoire naturelle, M. Renan a terminé la cérémonie, et il a su avoir quelques heureuses paroles à l’égard des étudiants représentés par une délégation.
- Heureux les jeunes, leur a-t-il dit, car ils ont la vie devant eux, tandis que nous l’avons derrière nous. Et la vie, messieurs, est une belle et bonne chose, quand on en fait bon usage, comme le maître que nous fêtons. Laissez-moi espérer que vous serez ses continuateurs et que, parmi vous, il trouvera des successeurs.
- M. Guillaume, qui assistait a la cérémonie, a reçu les éloges mérités dont sa belle œuvre a été jugée digne aux yeux de tous.
- CORRESPONDANCE
- SUR LA RÉSISTANCE DE LA1R AU POINT DE VUE DE LA NAVIGATION AÉRIENNE.
- Athenœum Club, London S. W., 5 février 1886.
- Monsieur le Rédacteur,
- J’ai lu avec beaucoup d’intérêt la notice publiée dans La Nature du 9 janvier (p. 86) sur les dernières expériences du ballon dirigeable de MM. Renard et Krebs. Suivant les sentiers tracés par MM. Tissandier dans l’emploi de l’électricité comme force motrice, ils ont obtenu un réel succès dans la solution du problème de la navigation aérienne; on peut espérer que l’incrédulité et les sarcasmes qui vous ont poursuivi au début, vont maintenant cesser.
- En donnant la formule relative à la résistance de l’air, M. Renard dit :
- « Les résistances mesurées sont beaucoup plus grandes que nous l’avions cru et que tout le monde le croyait avant nous. »
- Je désire faire remarquer sur ce point que des résistances presque aussi grandes que celles trouvées pour le ballon la France, avaient été indiquées auparavant, en se basant sur des données fournies par des expériences nautiques.
- La formule de Dupuy de Lomé (qui a probablement servi tout d’abord de guide à MM. Renard et Krebs) se rapportait à un ballon dont la longueur était seulement égale à 2,4 fois le diamètre. Mais la longueur du ballon la France est égale à 6 fois son diamètre, et, tout naturellement, une augmentation de longueur entraîne une augmentation de frottement.
- Dans une note1 écrite par moi en 1881, j’ai donné
- 1 Minutes of Proceedings of the Institution of civil en* gineers, Vol. LXV1I, p. 379*380.
- p.162 - vue 166/432
-
-
-
- LA NATURE
- 163
- deux équations permettant de déterminer la résistance d’un ballon allongé, en tenant compte de la longueur. Elles étaient fondées sur les expériences nautiques, en y ajoutant l’estimation de Dupuy de Lôme relative au filet et à la nacelle. Voici ces formules (d diamètre, / longueur, v vitesse) :
- I. Par le frottement de l’enveloppe :
- Il = 0,0000477dfo‘2
- (en mesures françaises) R = 0,00251 cUv*
- II. Par le déplacement : It=:0,0000886(d205l,:!
- (en mesures françaises) R = 0,00466(d"2l)S v*.
- En faisant l = Qd, ces formules donnent :
- I. R = 0,0151 dV.
- II. R = 0,0154d‘2vL
- La formule de M. Renard est :
- R = 0,01685dV2.
- On voit donc que les dernières déterminations concordent, à dix pour cent près, avôc les formules.
- Je conclus de cette concordance à l’exactitude générale et à la valeur des vues présentes de MM. Renard et Krebs sur la résistance de l’air.
- Je ferai remarquer en terminant que M. Renard a trouvé seulement 0,52 comme rendement de son hélice ; mais comme on obtient dans la marine des rendements plus élevés (près de 0,70), espérons que cet écart laissera une marge importante pour de nouveaux progrès dans des expériences futures. William Pôle, F. R. S.,
- Secrétaire honoraire de Y Institution of civils engineers.
- ÉCLAIRAGE ÉLECTRIQUE DE L’ELDORADO
- A PARIS
- C’est avec plaisir que nous constatons les progrès que fait l’éclairage électrique. Ses applications se multiplient malheureusement avec lenteur, mais elles permettent de constater tout le parti que l’on peut en tirer, de résoudre les difficultés pratiques qui se présentent avant de permettre les grandioses applications que nous rêvons encore en France et que nous souhaitons voir bientôt devenir une réalité. Parmi les installations récentes faites à Paris, une des plus remarquables est certainement celle du café et du théâtre de l’Eldorado. Cette application nouvelle de l’arc à l’éclairage total d’un théâtre est le premier pas fait dans cette direction et nous nous plaisons à constater qu’il a été on ne peut plus heureux; les résultats obtenus, fixité de lumière, répartition bien uniforme de l’éclairage même sur la scène, et tous les avantages qu’apporte avec elle la lumière électrique, absence de chaleur, d’odeur, conservation des peintures..., etc., prouvent une fois de plus que l’éclairage électrique est parfaitement pratique, et qu’il est bien l’éclairage de l’avenir. Pour des raisons qu’il serait oiseux d’énumérer ici, l’installation a été faite sans autre appareil de rechange qu’une dynamo, il y a une seule chaudière dont la vapeur est envoyée à une machine à vapeur qui commande la transmission actionnant sept machines électriques montées sans débrayage.
- Un accident ou même un incident survenant à l’une quelconque des parties de cette installation amène forcément un arrêt total; c’est donc on ne peut plus osé que d’éclairer un théâtre dans ces conditions, mais jusqu’à ce jour le succès a couronné cette entreprise.
- La vapeur est fournie par une chaudière tubulaire Collet; la machine à vapeur horizontale à un seul cylindre a été construite par MM. Orly et Granddemange ; comme nous l’avons dit, elle actionne une transmission générale qui règne dans toute la longueur de la salle des machines et commande deux groupes de machines Gramme type d’atelier, excitées en dérivation et construites par la maison Ducominun.
- Chaque machine alimente 5 lampes Cance montées en dérivation aux bornes de la dynamo, c’est-à-dire que chacune d’elles a son circuit distinct. Ce n’est évidemment pas une solution économique et applicable à de grands espaces, mais on assure l’indépendance absolue de chaque foyer, ce qui, dans le cas particulier d’un service public et surtout d’un théâtre, est une condition primordiale, car, de la salle des machines, on peut régler le fonctionnement de chaque lampe. A cet effet, sur le circuit de chacune d’elles sont placés des appareils qui permettent d’en régulariser la marche et de les protéger contre tout excès anormal de courant.
- Chaque lampe est protégée par un coupe-circuit à fil de plomb fusible ; il présente cette particularité que : lorsqu’un plomb a été fondu, on peut très aisément lui en substituer un autre et laisser durer une extinction aussi peu de temps que possible.
- La rupture de ce fil ne doit avoir lieu que dans un cas impossible à éviter, car un indicateur de courant donne assez exactement à chaque instant l’intensité dans chaque lampe, valeur qui peut être corrigée à l’aide d’un rhéostat métallique en fil de maillechort dont on peut faire changer la résistance sans interrompre le courant.
- Une disposition particulière de double commutateur à deux directions, a été ajoutée pour permettre de substituer à volonté la machine de secours, à l’une quelconque des dynamos de l’installation, dans le cas où le fonctionnement viendrait à être interrompu en marche ; il est donc possible de parer à un accident survenu à l’une quelconque des machines électriques.
- La partie la plus originale et la plus remarquable de cette installation est certainement l’éclairage de la rampe. Rompant avec les idées admises et appliquées jusqu’alors, c’est-à-dire au lieu d’avoir une grande quantité de foyers de faible intensité, M. Cance leur a substitué des foyers à arc; au cas particulier, ils sont au nombre de six, trois de chaque côté de l’axe. Il était indispensable de les disposer de telle sorte que la répartition de la lumière fût uniforme, afin d’éviter les ombres portées sur la scène, ce qui eut été très disgracieux. Pour atteindre ce but, les foyers sont renfermés dans une
- p.163 - vue 167/432
-
-
-
- 164
- LA NATURE.
- boite rectangulaire dont les parois peintes en blanc réfléchissent les rayons lumineux dans toutes les directions et les laissent émerger sous forme d’un faisceau angulaire à axe vertical. On concentre sur la scène, à l’aide de réflecteurs, les rayons qui, par ces réflexions multiples, se dirigent vers la salle ; et pour que la lumière ne soit pas trop crue et ne gêne pas les acteurs, les rayons traversent des verres opales. Pour réaliser des effets de scène, faisceaux de couleur, crépuscule ou obscurité relative, une série de rideaux de couleur et d’épaisseur différente peuvent se déplacer devant ces verres et donner brusquement ou lentement la teinte voulue.
- Lorsque l’on veut faire l’obscurité complète, on éteint les foyers de la scène et de la rampe, mais on les remplace par une résistance équivalente afin de ne pas changer le régime de marche du moteur.
- M. ( iance a construit un rhéostat spécial dans lequel la résistance est formée par une masse liquide à laquelleon amène >
- le courant par une série de lame s métalliques qui plongent sensiblement de toute leur hauteur. En faisant varier les surfaces directement en présence, on change la résistance liquide interposée entre les deux séries d’électrodes.
- Cet appareil a l’avantage d’être très facilement réglable d’une façon continue et de moins craindre leséchauffements que les spires métalliques des rhéostats ordinaires. Ayant examiné tous ces appareils de détail, terminons en donnant la description de la lampe employée dans cette remarquable installation. Elle est a point lumineux fixe,
- et montée en dérivation : par suite, les solénoïdes de réglage sont dans le circuit.
- Les deux charbons sont portés dans des traverses réunies par des cordelettes s’enroulant de telle façon sur des poulies de renvoi, que le charbon inférieur, négatif, se déplace moitié moins que le charbon supérieur qui est positif. Pour effectuer le réglage, on agit sur le porte-charbon supérieur; il est relié à un écrou qui passe dans une vis mobile seulement autour de son axe. Un frein commandé par les solénoïdes agit sur la vis : si la pression est assez forte pour l’èmpêcher de tourner, l’écrou demeure fixe et les charbons restent à la même distance; si les solénoïdes agissent avec moins de force, c’est-à-dire si l’arc augmente au delà d’une certaine limite, le frein se dcssmçr, la vis tourne et g. les enarbons se rapprochent d’une certaine quantité, ce qui ramène l’arc à sa longueur normale.
- Ce réglage sensible s’opère avec sûreté et sans à-
- coup ; il en résulte un fonctionnement régulier et par suite une lumière fixe et sans variation bien sensible, tant que le courant qui l’alimente reste constant.
- Par sa marche régulière, par la qualité de la lumière et surtout par les détails ingénieux imaginés et appliqués par M. Cance, cette installation de lumière électrique d’une importance mécanique relativement faible, est certainement l’une des plus remarquables de Paris. X..
- Ingénieur des Arts et Manufactures.
- Fig. 1.— Lampe Cance.— Vue d’ensemble et détail du mécanisme.
- Fig. 2.— Éclairage électrique système Cance.— ,Vl. Indicateur d’intensité du courant. Pi0 2. Coupe-circuit. — JV° 3. Rhéostat.
- p.164 - vue 168/432
-
-
-
- LA NATURE
- 165
- LES EXPLOSIONS DE TORPILLES
- Il est difficile de se rendre compte des effets produits par l’explosion des torpilles sous-marines sans
- avoir assisté à des expériences de ces engins, aussi sommes-nous heureux de pouvoir mettre sous les yeux de nos lecteurs quelques reproductions de photographies instantanées prises pendant des explosions exécutées dans la rade de Portsmouth. Voici les
- Fig. 1.— Explosion d’une torpille reposant sur fond de vase.
- renseignements qui nous sont adressés sur ces expériences, mais que nous n’avons pu contrôler.
- La figure 1 représente l’explosion d’un torpille,
- Fig. 2. — Explosion d'une torpille portée par une chaloupe.
- reposant sur un fond de vase, ainsi qu’on peut en juger par la nature boueuse de la gerbe.
- La figure 2 représente l’explosion d’une torpille
- Fig. 3. — Explosion d’une torpille chargée de poudre à canon.
- portée par une chaloupe, au bout d’un espar : d’après les dimensions de l’embarcation, le diamètre à la base de la gerbe peut être évalué à 20 mètres environ, et sa hauteur à 50 mètres au moins, ce qui indique une forte explosion.
- Fig. <t. — Explosion d’une torpille chargée de fulmi-éoton.
- La figure 5 représente une gerbe dont la base peut avoir 120 a 150 mètres de diamètre, mais dont la hauteur est relativement faible ; elle est évidemment due à une torpille de fond chargée de poudre à canon, dont l’expansion n’est pas instantanée, tan-
- p.165 - vue 169/432
-
-
-
- 166
- LA NATURE.
- dis que la gerbe n° 4 doit être attribuée à une torpille chargée de fulmi-coton : cette matière étant beaucoup plus brisante que la poudre, l’effet se localise davantage, mais par contre la force de projection est beaucoup plus considérable, et la gerbe affecte une forme pointue.
- Tous ces dessins mettent en lumière une particularité intéressante : c’est qu’en dehors d’une zone profondément troublée par l’explosion et nettement limitée, la surface de la mer reste parfaitement plane. On le voit surtout dans le n° 2 où la chaloupe porte-torpille a conservé après l’explosion sa flottaison normale. L’effet de la torpille est donc tout à fait local et les objets placés en dehors de son cercle d’action n’en ressentent aucune atteinte, c’est ce qui explique comment un bateau-torpilleur peut détruire un navire sans éprouver lui-même la moindre avarie; mais il faut évidemment que la charge de la torpille, et surtout son immersion, soient en rapport avec la longueur de l’espar auquel elle est fixée, sans quoi le bateau porte-torpille se trouverait lui-même engagé dans la zone dangereuse. En France, la hampe des torpilleurs a 8m,50 environ de longueur ; la torpille est immergée de 2m,50 et sa charge est de 16 kilogrammes de fulmi-coton.
- Quant aux effets destructeurs des torpilles, ils sont dus au phénomène connu sous le nom de bélier hydraulique : la pression énorme qui résulte de la production d’une grande masse de gaz sous l’eau, se transmet instantanément par le liquide incompressible aux corps placés au-dessus, et le liquide lui-même, agissant comme un véritable projectile, démolit par son choc les murailles des navires les plus solides; la puissance du jet qui accompagne l’explosion en mer libre, permet de se rendre compte de la violence du choc que doit subir un navire placé juste au-dessus d’une torpille. D’autre part on comprend aisément que les effets de l’explosion soient limités à un cône assez étroit, car c’est dans la direction où la résistance est la moindre que les gaz doivent tendre à se dégager; il se produit dans la masse liquide une action analogue à celle du poinçon qui sert dans les chantiers à percer les trous de rivets dans les tôles : on sait que le trou produit par cet outil est légèrement conique, et que sur les bords de ce cône il ne se produit pas de déchirure sensible ; de même le trou que fait la torpille au sein de la masse liquide est nettement limité et les parties voisines n’en portent aucune trace, comme on peut le voir par les dessins de la page 1651.
- ——
- L’ARITHMÉTIQUE EN BOULES
- (Suite. Voy. p. 5i)
- LES NOMBRES PENTAGONAUX.
- La figure 1 représente le cinquième nombre pentagonal; on formerait le sixième nombre penta-
- 1 D’après le Journal de la marine et la Revue maritime et coloniale.
- gonal en ajoutant des boules au delà du contour EPQR. Ainsi les nombres pentagonaux sont formés par des boules placées sur des enceintes ou contours successifs d’un pentagone régulier; le premier pentagonal est représenté par la boule A; le second pentagonal par cette boule et les quatre boules blanches aux sommets du pentagone régulier de côté AB; le troisième pentagonal par les boules précédentes et celles qui se trouvent sur le pentagone de côté AC et ainsi de suite.
- Puisque le contour extérieur EPQR a trois côtés, EP, PQ, QR. on voit que, d’un contour au suivant, le nombre des boules augmente de trois unités. Par suite, le tableau des pentagonaux se fait comme celui des carrés, mais en remplaçant la première ligne des nombres tous égaux à 2, par des nombres tous égaux à 5.
- LA TABLE DES PENTAGONAUX.
- O ô ô ô o o o 3 3
- Triples moins 2 1 4 7 10 15 1(3 19 22 25 28
- Pentagonaux. . 1 5 12 22 35 51 70 92 117 145
- Ainsi, en continuant le tableau précédent, on
- peut calculer tous les pentagonaux par additions successives ; mais si l’on veut calculer isolément un pentagonal de rang donné, il suffit de consulter la figure 2, qui nous montre immédiatement l’exactitude de cette proposition : A | § | | 0 B
- Tout pentagonal Fi„ 2
- est égal à son côté
- AB augmenté de trois fois le triangulaire de rang précédent.
- Cette proposition correspond à celle qui résulte, pour le carré, de la vue de la figure 5 ; mais si l’on ajoute le côté AB de la figure 2 au triangle placé au-dessus et formé de boules blanches, on en déduit la propriété correspondante à celle de la figure 4 pour le carré, et que l’on énonce ainsi : Tout pentagonal est la somme du triangulaire de même rang et du double du triangulaire précédent.
- Il nous reste maintenant à résoudre la question suivante : Comment reconnaître qu’un nombre donné est pentagonal? Mais il résulte immédiatement de l’étude de la figure 3 que : Le triple de tout nombre pentagonal est un nombre triangu-
- p.166 - vue 170/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 167
- laire dont le rang est le triple moins un du rang du pentagonal. Inversement, tout triangulaire dont le rang est un triple moins un, est le triple d’un pentagonal. Par conséquent, un nombre étant donné, pour savoir si ce nombre est un pentagonal, on le
- Fig. 3. — Le triple pentagonal.
- multiplie par 3, et le produit doit être un nombre triangulaire. Par conséquent, en appliquant le théorème de Diophante : Le produit par 24 d'un nombre pentagonal étant augmenté de l'unité donne un carré dont le côté est le sextuple moins un du côté du pentagonal. Inversement, tout triangulaire dont le rang est un sextuple moins un est le produit plus un d’un nombre pentagonal par 24.
- On reconnaît encore facilement qu’un nombre pentagonal ne peut être terminé par l’un des chiffres 4, 8, 3, 9; parce que, s’il en était ainsi, le triple de ce nombre serait terminé par 2, 4, 9, 7 et que l’un de ces, chiffres ne peut être le dernier chiffre d’un nombre triangulaire.
- LES NOMBRES HEXAGONAUX.
- La figure 4 représente le 5e nombre hexagonal; il est formé en plaçant des boules à égale distance
- Fig. 4. — Le cinquième hexagonal.
- sur les contours successifs d’hexagones réguliers ayant pour sommets communs le sommet A, et dont les côtés sont respectivement 1, 2, 3, 4; on pourrait construire la table des nombres hexagonaux en remplaçant dans la première ligne de la table des carrés ou des pentagonaux les nombres 2 ou les nombres 3 par le nombre 4; on peut aussi calculer di-
- rectement un nombre hexagonal de rang quelconque en observant (fig. 4) que : Tout nombre hexagonal est égal à son côté AB augmenté de quatre fois le triangulaire de rang précédent.
- Si l’on réunit les boules blanches du triangle P à celles du côté AB, on a encore cette proposition : Tout hexagonal est la somme du triangulaire de même rang et du triple du triangulaire précédent.
- Mais le calcul de la table des nombres hexagonaux est inutile, et les résultats se déduisent de la table des triangulaires , car il résulte de la proposition précédente et de la vue de la figure 5 que : Tout hexagonal est un triangulaire de côté impair et réciproquement. Édouard Lucas.
- — A suivre. — - ^
- LES ÉLÉPMNTS SA.VA.NTS
- « L’éléphant est un gros animal qui mange avec sa queue, » d’après la définition qu’attribuait M. Charles Monselet à son jeune fils. En effet, l’éléphant est un animal paradoxal sous bien des rapports; non seulement il « mange avec sa queue », mais encore cette grosse masse renferme une intelligence extrêmement développée ; de plus, quoique son espèce vive à l’état sauvage, il possède une aptitude à la domestication qui ne se rencontre, à un pareil degré, chez aucun autre genre d’animaux ; malgré sa force et ses moyens de défense, il obéit aux ordres de l’homme; enfin, on ne se douterait pas, eh voyant l’extérieur de l’animal, qu’il est doué de véritables dispositions acrobatiques.
- Sous le rapport du développement de l’intelligence comme sous celui de l’aptitude à exécuter des tours de force, d’agilité ou d’adresse, l’éléphant est prédisposé à devenir animal savant.
- 11 y a lieu toutefois de distinguer entre les individus des deux grandes races d’éléphants, la race d’Afrique et celle d’Asie; les animaux de l’une et de l’autre diffèrent entre eux par des caractères bien tranchés. Une visite au Muséum d’histoire naturelle permet, du reste, de les comparer facilement ; l’une et l’autre y sont en effet représentées.
- La race d’Afrique l’est par un jeune animal qui n’a atteint encore qu’une taille moyenne ; l’autre, la race d’Asie, par un superbe éléphant adulte.
- L’éléphant d’Afrique (le petit) se distingue par la forme de sa tête, qui est plus ronde, il a le front bombé au lieu d’être presque droit ; de plus ses
- p.167 - vue 171/432
-
-
-
- 168
- LA NATURE.
- oreilles sont infiniment plus grandes, ce caractère suffit, à première vue, pour distinguer les deux races; à chaque pied de derrière il n’a que trois ongles tandis que l’autre en a quatre; sa peau est aussi plus brune, plus foncée. La dentition n’est pas la même; leléphant d’Afrique n’a qu’une molaire à chaque mâchoire tandis que l’éléphant d’Asie en a deux ; en outre, la race africaine a les défenses infiniment plus développées que l’autre. Presque tout l’ivoire employé dans l’industrie nous vient d’Afrique. Les trafiquants d’ivoire du Congo, par exemple, achètent parfois aux naturels des défenses d’éléphants ayant 2 mètres et même 2m,50 de longueur et pesant 50 à 60 kilogrammes; jamais les défenses de l’éléphant indien n’atteignent de telles dimensions.
- L’éléphant d’Afrique et l’éléphant d’Asie ont, au point de vue du caractère, des qualités communes de courage et de dévouement les uns pour les autres parmi les animaux d’une même troupe; on cite à ce sujet un grand nombre d'exemples extrêmement touchants : des jeunes ne voulant pas abandonner le cadavre de leur mère, de vieux mâles s’exposant aux coups des chasseurs pour protéger un camarade blessé , essayant de le soutenir, de l’entraîner avec eux dans
- la forêt; d’acharnement dans la poursuite d’un ennemi; de désir de vengeance pour une attaque, une blessure, etc.
- Mais l’éléphant d’Asie joint à celles-là un certain nombre de qualités que ne possède pas son confrère d’Afrique ; l’éléphant d’Asie est le seul domesticable, le seul dont on puisse utiliser les services d’une façon pratique et continue. L’éléphant d’Afrique peut être dompté, mais il n’a jamais les qualités d’obéissance et de soumission qu’acquiert l’éléphant d’Asie ; avec lui on doit toujours craindre la révolte ou la fuite.
- La domestication de leléphant de l’Inde est, au contraire, relativement facile : lorsqu’un éléphant sauvage a été pris au piège, grâce à la trahison de ses congénères déjà domestiqués, qu’il a eu les membres saisis et attachés à l’aide de fortes cordes, qu’il a été roué de coups et qu’il a passé plusieurs jours dans une diète absolue, le pauvre animal mou-
- Fig. 1. — L’éléphant en vélocipède.
- rant de faim, désespéré de cette accumulation de malheurs, après des accès de colère, est pris d’un profond désespoir; si à ce moment une personne lui apporte de la nourriture, lui parle avec douceur, semble le consoler, l’éléphant a assez d’intelligence pour voir en lui un ami, et lorsque celui-ci, après l’avoir soigné et nourri pendant une semaine, détache enfin les liens qui le retenaient captif, l’éléphant a pour lui une reconnaissance telle, qu’il lui voue un dévouement et une obéissance sans bornes ; il l’adopte pour son maître, ce sera son cornac.
- C’est alors que commence « l’éducation de l’éléphant » ; celui-ci est placé entre deux autres camarades qui seront ses éducateurs, ils doivent non seulement lui indiquer par l’exemple ce qu’il aura à faire, mais aussi le châtier et le maintenir en cas de désobéissance ; l’on est même autorisé à croire que cette dernière fonction est exercée par eux avec un
- certain plaisir en voyant l’énergie avec laquelle ils administrent à leur pauvre camarade des volées de coups de trompe sur la tête et principalement sur le nez et les oreilles ; chacun de ces coups serait de force à assommer un bœuf, et lorsque enfin le cornac semble s’apercevoir de la correction que subit son protégé et vient y mettre fin, celui-ci voit en lui non un complice,
- mais un défenseur et sa reconnaissance à son égard n’en est qu’augmentée.
- Au bout de quelques semaines, cet éléphant vivant au milieu de camarades domestiqués depuis longtemps semble avoir perdu le souvenir des forêts qui l’abritaient autrefois et de son ancienne vie sauvage, il obéit à son cornac, travaille, porte et traîne des fardeaux et exécute enfin une série de choses plus ou moins extraordinaires, suivant son intelligence personnelle ou l’éducation qui lui a été donnée.
- On a pu voir au Jardin d’Acclimatation, en 1881, l’adresse et l’intelligence avec lesquelles les éléphants exécutaient les ordres de leurs cornacs. Les Cynga-lais exhibés dans cet établissement faisaient accomplir aux éléphants qu’ils avaient amenés une série d’exercices et de travaux des plus curieux; par exemple, ils leur faisaient traîner des pièces de bois, déplacer des blocs de pierre, défaire et reformer des tas de bois et autres exercices analogues.
- p.168 - vue 172/432
-
-
-
- LA NATURE
- 169
- A un autre point de vue, l’éducation de l’éléphant peut être dirigée de façon à ce que celui-ci arrive à mériter le titre de « savant » ou tout au moins celui d’ « acrobate. »
- Les auteurs anciens nous ont laissé un certain nombre de récits concernant des éléphants savants.
- Ainsi, suivant Pline, « l’éléphant est de tous les animaux celui qui approche le plus de l’intelligence humaine. Il observe, il médite et se souvient; il entend le langage de l’homme, cause lui même avec ses semblables et manifeste un goût particulier pour les beaux-arts et les lettres. »
- Fig. 2. — Exercices exécutés par des éléphants à l'Hippodrome de Paris.
- Arrien rapporte avoir vu un éléphant qui avait deux cymbales à ses deux jambes de devant, une troisième a sa trompe avec laquelle il frappait en mesure alternativement sur les deux premières et faisait ainsi danser une troupe de jeunes éléphants. Du reste, suivant Buffon, « l’éléphant est fort amateur de musique et il apprend aisément à se remuer en
- cadence et à joindre même quelques accents au bruit des tambours et des trompettes. »
- De nos jours on voit des éléphants jouer de l’orgue de Barbarie, de la grosse caisse; l’année dernière on a pu voir aux Folies-Bergère un des éléphants de la « princesse Shéhérazade » souffler avec la vigueur d’un soulllet de forge dans une corne
- p.169 - vue 173/432
-
-
-
- 170
- LA NATURE.
- analogue à celles des tramways, tirer un son non moins bruyant d’un sifflet de métal, et en aspirant et soufflant d’une façon alternative, jouer d’une de ces petites flûtes-accordéon semblables à celles que l’on donne aux enfants.
- Les Romains aimaient beaucoup les exercices d’équilibre et fréquemment des acrobates s’élevaient sur des cordes inclinées tendues de la surface du sol au sommet d’un monument. Sur ces cordes ils se livraient à des pantomimes ayant le plus souvent un caractère guerrier, simulant des luttes, des combats ; on rapporte que dans une de ces pantomimes militaires on vit dans l’amphithéâtre de Rome un éléphant faire l’ascension de la corde tendue, en portant un cavalier sur son dos.
- Au spectacle des gladiateurs donné par Germa-nicus, on vit des éléphants danser la pyrrhique et aussi exécuter des tours d’équilibre sur la corde raide, même y faire le saut périlleux.
- Il y a quelques mois, une troupe d’éléphants exhibés à l’Hippodrome a montré, pour ainsi dire, tout ce que l’on peut enseigner comme tours de curiosités à ces animaux.
- Ces tours faits par deux éléphants, Jock et Jenny, disait l’affiche, présentés par M. Sam Lockart, étaient les suivants :
- Les deux éléphants arrivaient, seuls, côte à côte, en tenant a l’extrémité de leur trompe, chacun par un bout, le fouet du dompteur. Ils faisaient ainsi le tour de la piste. Le dompteur alors se présentait.
- Au commandement, les éléphants se couchaient, faisaient le mort (fig. 2, n° I): le dompteur montait sur le corps ou sur la tête de l’un d’eux.
- L’un des éléphants assis, pour ainsi dire, sur le sol, le dompteur se suspendait à sa trompe ou se couchait entre ses énormes pattes.
- Jock allait s’asseoir sur une sorte de tabouret, de pouf, ses pattes de devant relevées, le corps vertical, sa camarade Jenny se dirigeait alors de son côté, lui appuyait ses pattes sur le dos, le poussait et prenait sa place sur le tabouret.
- Parmi les tours d’équilibre exécutés par ces éléphants, on peut citer : étant monté sur un baquet, se tenir debout sur les pattes de derrière (fig. 2,n° 2); se tenir sur les pattes de devant en s’appuyant sur sa trompe (fig. 2, n°3) ; tenir relevées deux des pattes diagonales (fig. 2, n° 4).
- L’un d’eux faisait d’abord rouler un cylindre en appuyant sur lui ses pattes de devant, puis il montait complètement sur ce cylindre et le faisait progresser tout en se tenant en équilibre sur la partie supérieure (fig. 2,n°5).
- Le tour d’équilibre le plus extraordinaire exécuté par ces animaux était celui de la balançoire. Cette balançoire consistait en un tréteau sur lequel était placée horizontalement une planche faisant bascule. L’un des éléphants grimpait sur cette planche et arrivait jusqu’en son milieu, la planche alors se relevait et devenait horizontale; l’éléphant restait quelques instants immobile, puis il faisait un pas,
- la planche s’inclinait, touchait le sol de l’autre côté, et l’éléphant redescendait.
- Les deux éléphants montaient sur cette même planche, faisaient basculer celle-ci alternativement d’un côté puis de l’autre, par un simple déplacement de leur centre de gravité (fig. 2, n° 8), comme les enfants qui, à la campagne, s’amusent à se balancer à l’aide d’une planche placée sur une barrière. A un moment donné les deux éléphants restant immobiles se maintenaient en équilibre sur la planche horizontale.
- Un des éléphants marchait sur des bouteilles. Naturellement, celles-ci étaient de forts cylindres de bois, fixés solidement sur un large madrier; ces cylindres avaient la forme d’une bouteille, et le goulot de chacune de celles-ci était recouvert d’une plaque de fer de la largeur des deux mains sur lequel l’éléphant posait son large pied. Dans un premier exercice l’éléphant franchissait deux rangées de ces bouteilles placées côte k côte, mais ensuite il passait sur une seule ligne de ces bouteilles, ce qui, pour une énorme masse %omme l’éléphant, constituait un chemin de bien peu de largeur (fig. 2, n° 10).
- L’éléphant musicien. — Cet éléphant venait se placer devant un orgue de barbarie, dont il saisissait la manivelle avec sa trompe et la faisait tourner en balançant sa grosse tête. Auparavant on lui avait posé sur le nez un énorme lorgnon, et placé devant lui un pupitre sur lequel se trouvait un soi-disant cahier de musique, il en avait tourné les pages, semblant chercher le morceau qu’il devait exécuter. Tout en jouant de l’orgue, il appuyait en cadence son pied sur une pédale faisant frapper le tampon d’une grosse caisse (fig. 2, n° 6).
- L’éléphant danseur. — Pendant que le premier éléphant jouait de l’orgue et de la grosse caisse, le second, aux pattes de devant duquel on avait attaché des bracelets k grelots, dansait, levant successivement ses pattes, suivant k peu près la mesure marquée par son camarade (fig. 2, n° 7).
- Le repas des éléphants. — Ce repas amusait beaucoup les spectateurs. Les éléphants, le cou entouré d’une serviette, allaient se placer à une table, devant laquelle ils s’agenouillaient sur leurs pattes de derrière tandis que les pattes de devant restaient dressées, position que les éléphants semblent prendre avec la plus grande facilité. On leur apportait alors sur deux plateaux des petits pains qu’ils saisissaient avec leur trompe et de chacun desquels ils ne faisaient qu’une bouchée. Quand leur plat était vide, l’un d’eux, prenant une clochette, l’agitait violemment jusqu’à ce qu’on les eût servis de nouveau (fig. 2, n° 9). A la fin du repas, le dompteur présentait à un des éléphants une grande pancarte qui représentait la note à payer; celui-ci faisait entendre un grognement de protestation, qui avait pour résultat de provoquer l’hilarité du public ; puis il prenait des pièces de cinq francs dans une poche placée k sa serviette, et les déposait sur un plateau.
- p.170 - vue 174/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 171
- L'éléphant en vélocipède. — Bans les derniers mois du séjour de M. Lockart et de ses éléphants à l’Hippodrome, l’un de ceux-ci exécutait un exercice bien curieux, c’était une promenade en vélocipède.
- Ce vélocipède consistait en une espèce de petit chariot dont les roues de devant étaient munies de deux larges pédales sur lesquelles l’éléphant plaçait ses pieds antérieurs; puis portant le poids de son corps successivement sur l’une ou sur l’autre il faisait agir les bielles, tourner les roues et par suite avancer le vélocipède, et cela avec une vitesse assez grande pour obliger à courir la personne qui l’accompagnait. Ses deux pieds de derrière reposaient sur deux plateaux fixés à l’essieu des roues postérieures. Les changements de direction étaient donnés par le cornac qui, dans ce but, faisait agir une vis placée à l’arrière, qui changeait le parallélisme des roues (fig. 1).
- Le spectacle de cet éléphant, coiffé d’une calotte de jockey, d’une taille appropriée à la grosseur de sa tête, appuyant avec énergie et à mouvements précipités sur les pédales de son vélocipède, était très curieux et très amusant. Guyot-Daubès.
- LE GÀZ NATUREL AUX ÉTATS-UNIS
- Dans une notice que nous avons précédemment publiée, M. Albert Tissandier a donné quelques renseignements intéressants sur le gaz naturel, employé en Pensylvanie L Un récent rapport, adressé à ce sujet par M. A. Carnegie à Ylron and Steel Institute, nous permet de publier quelques détails complémentaires qui sont dignes d’être enregistrés.
- La découverte du gaz naturel en Pensylvanie remonte seulement à quelques années.
- Il y a environ sept ans, une compagnie forait un puits à Murrayville, 'a 30 kilomètres environ de Pittsburg. On était parvenu à la profondeur de 400 mètres, lorsque la sonde fut brusquement refoulée et projetée en l’air à une grande hauteur, tandis que la chèvre était brisée et les fragments dispersés par un terrible échappement de gaz.
- Le bruit causé par la colonne gazeuse s’entendait à 10 kilomètres. On ajusta des tuyaux de 5 centimètres .à la bouche du puits et on enflamma le gaz, ce qui produisit une flamme énorme qui éclaira tout le pays. Bien que le puits ne fût pas à une bien grande distance d’usines métallurgiques, on laissa brûler en pure perte ce combustible naturel pendant cinq ans. A cette époque, le charbon était moins cher qu’aujourd’hui et on ne voulait pas mettre une somme assez importante aux travaux de conduite du gaz. On dépensait 3 francs 75 centimes de combustible par tonne de rails achevés, et cette dépense ne paraissait pas assez importante pour justifier l’immobilisation de plusieurs millions de francs.
- Il y a deux ans, une compagnie offrit de poser les conduites et d’amener le gaz à ses frais dans les
- 1 Voy. n° 658 du 9 janvier 1886, p. 82.
- usines, moyennant le payement annuel d’une somme égale à la somme dépensée pour le charbon, jusqu’à concurrence du prix d’établissement des conduites, l’annuité étant, après, réduite à la moitié de la somme qui aurait été dépensée pour le charbon. Il a suffi de dix-huit mois pour payer la conduite, et maintenant les forges réalisent une économie de moitié sur leur dépense précédente de combustible. Depuis, d’autres compagnies ont établi des lignes de conduites des puits jusqu’à des distances de 25 à 30 kilomètres.
- M. Carnegie, en visitant le district principal du gaz naturel à Murrayville, a constaté l’existence de neuf puits, dont l’un est estimé débiter 800000 mètres cubes de gaz par 24 heures.
- A Murrayville, la sortie du gaz a lieu avec une vitesse telle, par des tubes de 0m,I5 de diamètre, que le gaz ne s’enflamme qu’à une distance de près de 2 mètres de l’orifice. La flamme forme une colonne de feu, sans donner la moindre apparence de fumée.
- Il y a actuellement onze lignes de conduites différentes pour desservir les établissements industriels des environs de Pittsburg. Le diamètre maximum atteint 0a,,305 ; le diamètre de 0‘“,20 est très employé; à l’origine on n’avait posé que des tuyaux de 0m, 15. On perd encore actuellement la plus grande partie du gaz en attendant que son emploi soit devenu général dans les usines.
- On estime que l’emploi général du gaz économise le travail journalier de 5000 ouvriers. A côté de l’économie, il y a la question très importante de la pureté du combustible, avantage capital pour la métallurgie, la verrerie et autres applications industrielles.
- En présence de la quantité indéfinie du gaz dont on peut disposer, on n’a pas jusqu’ici cherché à l’économiser et on n’a employé pour le brûler que des dispositions primitives. Notre gravure représente un bec de gaz naturel aux environs de Pittsburg. C’est un tube à l’extrémité duquel le gaz enflammé produit une torche immense. On s’occupe maintenant d’employer ainsi ce gaz pour l’éclairage, pour lequel il a une grande supériorité sur le gaz de houille ; on dit même, que fût-il cher au lieu d’être bon marché, il y aurait encore avantage à l’employer pour l’éclairage à cause de la beauté de sa flamme.
- L’emploi du gaz naturel a amené un résultat très appréciable à première vue. Une région, primitivement aussi noire qu’aucun district métallurgique au monde, n’a pas tardé à devenir aussi propre qu’un pays où la houille serait inconnue. Des aciéries où on voyait trente chauffeurs nus jusqu’à la ceinture, travaillant pendant huit heures (soit 90 chauffeurs pour les 24 heures), au chauffage des chaudières dévorant 400 tonnes de combustible par jour, n’exigent plus qu’un seul homme pour veiller à l’alimentation de tous les générateurs. On ne sait plus ce que c’est que la fumée. Les parois des anciennes soutes à charbon avoisinant les fours à puddler sont aujourd’hùi peintes en blanc.
- Il ne faut pas se dissimuler qu’il y a certaines
- p.171 - vue 175/432
-
-
-
- 172
- LA NATURE.
- précautions à prendre avec l’emploi du gaz. Les canalisations sont à surveiller; les fuites de gaz ont quelquefois amené des explosion®, surtout en hiver, lorsque la terre est gelée et s’oppose à l’infiltration du gaz qui, alors, se répand dans des espaces où il peut s’enflammer. Dans les usines, on place autant que possible les tuyaux hors du sol. A côté de ces avantages, le nouveau combustible a un pouvoir calorifique considérable.
- Le gaz naturel est, après l’hydrogène, le combustible gazeux le plus puissant; il est en même temps très économique , parce qu’on peut utiliser presque toute sa capacité calorifique. Comme il est très pur et notamment exempt de soufre, il est bien supérieur à la houille pour les applications industrielles. Son emploi est très avantageux pour la production de lavapeur;onpeut régler l’arrivée de l’air d’une manière constante, sans que l’ouverture des portes vienne amener des refroidissements ; on n’a plus besoin d’hommes que pour surveiller l’alimentation d’eau, et encore on peut s’en dispenser si l’on consent à s’en rapporter à des appareils automatiques. La durée des chaudières est prolongée, car on n’a plus à craindre les effets dangereux des dilatations et contractions amenées par les courants d’air froid qui viennent frapper directement les parois chaudes des surfaces de chauffe.
- M. S.-A. Ford, des aciéries d’Edgard Thomson, une des premières autorités du jour sur la question, a fait de nombreuses analyses du gaz naturel; il constate tout d’abord que la composition du gaz est très variable d’un puits à l’autre. Ainsi, par exemple,
- Éclairage par le gaz naturel, en Pensylvanie, aux environs de Pitlsburg.
- pour l’azote, la proportion varie de 0 à 25 pour 100, pour l’oxygène, de 0,4 à 4 pour 100, etc., le gaz naturel de 50 à 72 pour 100 de gaz des marais et de 9 à 55 pour 100 d’hydrogène pur. Il contient en outre du gaz oléfîant, de l’oxyde de carbone, de l’éthylène, etc.
- 11 est difficile de formuler des prévisions sur la permanence des énormes quantités de gaz qui se
- trouvent en Pensylvanie ; mais, lorsqu’on voit des territoires d’huile qui donnent 70000 barils de pétrole par jour et dont la production s’accroît d’année en année depuis vingt ans, on ne peut s’empêcher d’admettre l’opinion des personnes compétentes, qui pensent que la région gazifère suffira aux besoins de Pittsburg et de ses environs, au moins pendant la génération actuelle.
- Dans un travail réc ent, M. J. Lowthian-Bell a fait observer avec beaucoup de justesse que les énormes volumes de gaz débités par les puits dont il a été question, feraient supposer, a moins d’ad -mettre une condensation sous des pressions dépassant tout ce qu'on peut admettre raisonnablement,
- l’existence de cavités souterraines d’une étendue non moins difficile à admettre; comme, de plus, on constate que la pression considérable sous laquelle le gaz se débite n’a pas varié sensiblement depuis plusieurs années, on e>t conduit à conclure que le gaz se produit constamment, au fur et à mesure de sa consommation par une réaction qui nous est encore inconnue.
- p.172 - vue 176/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 173
- APPAREIL PHOTOGRAPHIQUE
- A MISE AU rOINT AUTOMATIQUE
- Le touriste photographe, en voyage ou en promenade, sait combien il est souvent long et difficile d’obtenir une bonne mise au point avec les appareils ordinaires. Monter l’appareil sur son pied , s’entourer la tête d’un voile noir, embarrassant quand il y a du vent, bien chercher la mise au point sur le verre dépoli, ce qui nécessite parfois l’emploi d’une loupe si l’on n’a pas de bons yeux, constituent une série d’opérations délicates et qui né-
- cessitent souvent un temps plus considérable que celui dont on peut disposer en voyage.
- M. Molteni a récemment imaginé et construit un appareil qui n’offre plus aucun de ces inconvénients; cet appareil ne renferme plus de glace dépolie, il fonctionne sans rideau noir, la mise au point sc
- faisant automatiquement ; il se replie sur lui-même pour former une boîte compacte, solide, ne craignant pas les chocs et très facile à transporter à la main
- (iÿ i).
- Le système se compose d’une boîte solide dans laquelle se trouvent renfermés les châssis. Pour mettre l’appareil en fonction, il suffit de relever les deux couvercles, comme le montre
- Fig. 1. — Appareil photographique à mise au point automatique : à gauche, vu pendant qu’il fonctionne ; à droite, replié pour le transport.
- Fig. 2. — Appareil d'agrandissement photographique à lampe de pétrole.
- la figure d (dessin de gauche); en appliquant l’œil au couvercle-arrière qui porte une petite ouverture, on embrasse par le cadre du couvercle-avant le sujet qui devra être photographié. Cette disposition remplace avec avantage la glace dépolie ; on voit directement le paysage ou le modèle à reproduire; on se
- rend mieux compte de l’effet produit, et si un objet disparate gâte le tableau, il est aperçu immédiatement.
- Les sujets photographiés étant bien dans le cadre, on met l’objectif au point pour la distance à laquelle se trouve l’objet principal; cette mise au
- p.173 - vue 177/432
-
-
-
- 174
- LA NATURE.
- point se fait automatiquement grâce aux divisions que porte la coulisse de l’objectif. Ces divisions ont été déterminées exactement une fois pour toutes, lors du réglage de l’appareil; il suffit donc, si le modèle est à 3, 4, 5, 10, 20 mètres, de placer le repère à la division indiquée. Pour les distances au delà d’un certain éloignement, la position de l’objectif ne varie plus. S’il s’agit de petites distances, 3 à G mètres, il faut les mesurer assez exactement avec un mètre; de 8 à 15 mètres on peut les mesurer au pas, mais au delà, on peut les apprécier à l’œil sans crainte de fausser le résultat.
- Ayant mis le châssis dans la coulisse, comme on le voit sur le côté de l’appareil, il ne reste plus qu’à poser; s’il s’agit d’une pose de une à plusieurs secondes, l’appareil doit être placé sur un pied, et l’opération se fait comme d’habitude en retirant le bouchon et en le remettant après le temps voulu ; mais pour les vues d’objets en mouvement qui doivent être prises instantanément, l’objectif ayant été muni de l’obturateur instantané, on tient l’appareil à la main, on regarde l’objet par le viseur et au moment jugé convenable, on fait partir la détente.
- L’opération terminée, il suffît de rabattre les deux couvercles pour reprendre son chemin, l’appareil à la main, à la recherche d’autres sujets à photographier.
- Les chambres de ce système se construisent pour épreuves de différentes dimensions (8 centimètres sur 9) (9 centimètres sur 12) (et 13 centimètres sur 18); il est vrai que cette dernière dimension commence à être plus volumineuse que les deux premières, son poids en permet pourtant encore le transport; le modèle représenté, correspond à la dimension 9x12, et c’est celle qui paraît la plus pratique ; une photographie de cette taille est déjà assez grande pour être examinée directement et présenter de l’intérêt; quant aux épreuves 8x9, elles sont principalement destinées à être vues à l’aide d’un appareil de projection.
- Un appareil 8x9 permet de rapporter, sous un petit volume, une nombreuse collection de clichés qu’au retour on transforme facilement en positifs; ces positifs peuvent être projetés avec un petit appareil muni d’une lampe qui les montre sous les dimensions de 1 mètre, lin,50 et 2 mètres de haut; on peut même aller au delà, en employant des éclairages plus puissants, tels que la lumière oxhydrique.
- On peut en outre faire des agrandissements directs, à l’aide d’un appareil spécial tel que celui que nous reproduisons (fig. 2); il est analogue aux appareils de projection, et il a été modifié pour répondre aux conditions exigées pour les agrandissements photographiques.
- Si l’on veut agrandir un cliché 8x9 ou 9x12, on le place dans la coulisse de l’appareil, et l’image est reçue sur une feuille de papier sensible placée plus ou moins loin de l’objectif, suivant la taille que l’on veut avoir ; généralement on se contente d’un
- agrandissement de trois, quatre ou cinq fois, ce qui donne de jolies épreuves, à condition, bien entendu, que le négatif à agrandir soit dans de bonnes conditions.
- Si l’on veut obtenir plusieurs épreuves agrandies, au lieu d’opérer sur le négatif, il est préférable de faire un petit positif au châssis-presse ou à la chambre noire, et de projeter l’image de ce positif sur une plaque sensible; on obtient alors un grand négatif qui sert à tirer autant d’épreuves qu’on le désire, exactement comme avec les négatifs ordinaires. G. T.
- CHRONIQUE
- Fausse nouvelle d’un ballon perdu en mer.
- — Plusieurs journaux de Paris ont enregistré, soit dans leurs télégrammes, soit dans leurs nouvelles diverses, les aventures apocryphes d’un prétendu ballon nommé Le Fugitif, qui aurait disparu au large du Finistère, 'a la suite d’une ascension exécutée à Brest, et qui, deux jours après, aurait exécuté sa descente sur les côtes normandes. Nous avons reçu, de l’Union républicaine du Finistère, des renseignements qui nous permettent d’affirmer que la bonne foi de nos confrères de la presse politique a été surprise : aucun ballon n’est parti de Brest, quoique l’auteur de cette fausse nouvelle ait donné son nom ainsi que celui de deux compagnons de voyage qui auraient partagé ses périls et sa délivrance. Tous les ans, à peu près à la même époque, on essaye par un procédé analogue de tirer parti de la sympathie de nos confrères pour les aéronautes en péril au-dessus de l’Océan. On s’efforce ainsi de donner au même personnage une célébrité de mauvais aloi. L’an dernier on en faisait un rival de M. Lhoste qui, seul jusqu’à ce jour, est parvenu à passer de France en Angleterre, à deux reprises différentes, ainsi que nous l’avons rapporté. (La Nature, 1883, 2e semestre, p. 83 et 287.)
- Torpilleur sous-marin. — L'Iron, du 8 janvier, donne une description détaillée d’un type de torpilleur sous-marin qui a été inventé par un ingénieur français, M. Goubet, et dont le gouvernement russe aurait apprécié la haute valeur comme instrument de défense des ports. D’après l’écrivain anglais, une commande de 300 bateaux de ce type, aurait été faite par la Russie, et 50 auraient déjà été livrés depuis 1883. Le bateau Goubet est de la même forme que le bateau Nordenfelt, mais beaucoup plus petit. 11 n’a, en effet, que 5m,03 de long sur 98 centimètres de large et lm,82 de hauteur. Il ne doit porter que deux hommes qui s’asseoient, dos à dos, au-dessous du panneau par lequel ils sont entrés, et qui se ferme au moyen d’une coupole portant sept ouvertures fermées par des lentilles à travers lesquelles on peut observer. C’est l’électricité qui fournit la force motrice; mais il y a un appareil pour fournir la force à bras nécessaire pour la sûreté du bateau, si les accumulateurs se trouvaient insuffisants. C’est au moyen de pompes, quand on veut remonter, que l’on rejette l’eau, par l’introduction de laquelle, dans un double fond cellulaire, on a obtenu l’immersion du bateau. L’air vicié par la respiration est rejeté de la même manière, et un réservoir d’air comprimé en fournit le remplacement. Deux réservoirs sont placés à chaque extrémité du bateau et un pendule au centre pour fournir le moyen d’assurer l’équilibre du
- p.174 - vue 178/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 175
- bateau par une pompe à double effet. Le bateau Goubet navigue à fleur d’eau jusqu’à la distance à laquelle il croit pouvoir s’approcher impunément de son ennemi ; il plonge alors, et va lui attacher sa torpille sous la quille, au moyen d’une ligne garnie de chevilles à pointes aiguës, puis il s’éloigne d’environ 250 mètres, déroulant un fil qui détermine l’explosion de la torpille par l’électricité. Le bateau ne déplace pas un demi-tonneau ; sa vitesse n’est que de 5 nœuds.
- Les blés Indiens. — Le développement que prend chaque année la culture du blé aux Indes préoccupe à juste titre les autres pays""producteurs de celte céréale. Un rapport du Consul général des Etats-Unis à Berne donne à ce sujet des considérations qui méritent d’ètre signalées. En 1881, les Etats-Unis ont importé en Europe 155 575 600 boisseaux de blé, sur lesquels 82 550 921 ont été achetés par l’Angleterre; mais le prix de cet article s’étant graduellement élevé, l’Angleterre a cherché à se fournir de blé dans une autre contrée. Un des pays qui on t attiré son attention a été l’Inde orientale, et cela n’a point été en vain, car on a exporté de ce pays pour l’Europe, et particulièrement pour l’Angleterre, les quantités ci-après : en 1878-1879, 1 950 125 boisseaux; en 1879-1880 , 4098560 boisseaux; en 1880-1881, 13 896166 boisseaux; en 1881-1882, 37 078 670 boisseaux. Ainsi donc, les exportations de blés de l’Inde, à destination de l’Europe, augmentent tous les ans. Les personnes compétentes estiment que l’Inde pourra exporter prochainement, si elle ne le fait déjà, environ 320 millions de boisseaux de blé. Ce qu’il faut retenir des faits relevés par le rapport du Consul général des Etats-Unis à Berne, c’est l’accroissement rapide que prend la culture du blé dans les Indes, accroissement encouragé par l'Angleterre, et auquel ne peuvent manquer de contribuer le développement des moyens de communication par la construction d’un grand réseau de voies ferrées, et le perfectionnement des engins agricoles.
- Prix do l’éclairage électrique des rues aux Etats-Unis. — Le prix payé par les différentes villes, aux Etats-Unis, pour l’éclairage électrique des rues, est assez intéressant à connaître ; nous donnons ici quelques chiffres à ce sujet. La ville de Boston paye 3 francs 05 par foyer et par soirée, tandis que New-Yor|k paye 3 francs 15 ; à Philadelphie, le prix est de 3 francs et à Baltimore de 3 francs 05; Rochester ne paye que 2 francs 05, Buffalo 2 francs 55 et Cleveland 0 franc 30 par heure. La ville de Détroit a traité pour 400 foyers au prix de 450 000 francs par an, Minneapolis et la Nouvelle -Orléans donnent 1000 francs par an et par lampe.
- * Vêtements incombustibles. — M. Shiston, de Stockholm, a inventé un vêtement incombustible au moyen duquel on peut passer une heure au milieu des flammes les plus ardentes sans être incommodé. Le costume se compose de deux enveloppes : la première, sur le corps, est une étoffe caoutchouquée, la seconde est en peau de taupe. Les deux se réunissent pour se rattacher à un casque spécial qui recouvre la tête et la figure du pompier, à l’instar de celui du scaphandrier, et par lequel arrive l’air respirable, en même temps qu’un courant d’eau fraîche qui remplit l’espace resté libre entre les deux enveloppes et les empêche de s’échauffer. Toutes les expériences déjà faites ont donné les résultats les plus satisfaisants, d’après le journal espagnol el Correo militar,
- auquel nous empruntons ces renseignements, avec la Revue maritime. Il n’y aurait donc plus qu’à souhaiter la popularisation de l’invention et son application dans les corps de pompiers de tous les pays.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 8 février 1886. —- Présidence de M. l’amiral
- JüRIE.V DE LA GraVIÈRE.
- Le départ de M. Paul Bert. — Au moment de quitter la France, M. Paul Bert prie l’Académie de lui accorder un cougé dont il lui est bien difficile d’ailleurs de pressentir aujourd’hui la durée. « En présence, dit-il à peu près, des difficultés que je vais rencontrer, je compte beaucoup à la fois sur la méthode lente et sage, la méthode scientifique dont s’inspirent vos travaux, et aussi sur le respect que doit inspirer chez les lettrés d’Orient mon titre de membre de l’Institut de France. Quand la pacification du pays sera accomplie, j’appellerai à moi les jeunes savants d’Occident, et je crois qu’il en est parmi eux qui tiendront à montrer à leurs collègues de l’Asie h grandeur de notre pays. Je compte sur eux, non seulement pour affirmer ainsi notre supériorité morale, mais aussi pour soumettre le Tonkiu à une exploitation en règle. Nous avons, en effet, à remplir la tâche la plus noble : servir à la fois la science et la France. J’aurai alors recours à l’Académie pour lui demander ses conseils, et je suis sur que l’on apprendra ici avec satisfaction le succès de mes efforts. La longueur, et pourquoi ne pas le dire, les risques du voyage, m’autorisent presque à prendre le langage des adieux. Je prie donc l’Académie de recevoir l’expression de mes sentiments de respect : de tous mes titres, de tous mes grades d’Occident, le seul que j’emporterai et qui figurera dans les documents officiels sera celui de membre de l’Institut de France. »
- Flore du Tonkiu. — Un des plus intrépides botanistes voyageurs, M. Balansa, à qui l’on doit déjà l’exploration de la Nouvelle-Calédonie et du Paraguay, vient d’adresser au Muséum d'histoire naturelle le premier herbier qui ait été recueilli au Tonkin. Grâce à la collaboration de M. Parison, aide-naturaliste, M. le professeur Bureau a pu faire rapidement l’étude de cette collection. Dans une lecture écoutée avec grand intérêt, il y signale une foule de végétations remarquables : l’arbre à suif et deux plantes oléagineuses originaires de la région et dont la culture s’est répandue au Japon et en Chine; un diaspyros recherché comme ornement et comme ombrage; trois figuiers ; une magnifique bignoniacée ; deux cycas (C. cir-cinalis et revoluta) ; beaucoup de plantes grimpantes : une vigne sauvage, une asperge volubile, des smilacées, deux palmiers à tige de rotin.
- Dans le delta, les rizières sont riches en espèces variées. Sur les collines à sol gréseux pousse le Rhus suc-cedanea, anacardiacée qui donne en Chine une cire que le commerce commence à apprécier. Les Annamites, toutefois, n’en ont pas encore tiré parti. M. Bureau signale avec cet arbre une simarubée connue déjà dans l’Inde et aux Moluques, dont le bois amer, comme celui du Quassia amara, possède des propriétés fébrifuges et antidysentériques, dont les indigènes ne paraissent pas soupçonner l’énergie. Des escarpements calcaires, hauts de 100 mètres, portent dans le voisinage une flore où figurent des cycas ou oxalis, une balsamine, une euphor-
- p.175 - vue 179/432
-
-
-
- 176
- LA NATURE.
- biacée cactiforme, le Bœhmeria, ou orlie de Chine, qui parait spontanée. Les collines qui limitent le delta au nord sont couvertes de forêts aux arbres peu élevés, à feuilles persistantes, où dominent des légumineuses, des cupulifères, des myrtacées, des sapotacées, des rubiacées, des ficus, et qui renferment un pin, trois palmiers, dont l’un est acaule. L’exploration de M. Balansa a compris 400 kilomètres carrés.
- Cycailées houillères. — Deux botanistes bien connus, MM. Renault et Zeiller, signalent une série d’espèces nouvelles de Cycadées houillères qui vraisemblablement ont porté quelques-unes des graines nombreuses dont la scructure interne a été comparée à celle des Cycadées vivantes et qui sont si communes dans les mêmes terrains. Ils donnent la description : 1° d’une espèce nouvelle de Noeggeralhia, genre dont les espèces connues sont extrêmement rares, le N. Schtieideri, trouvé dans les grès houillers de Longpendu ; 2° d’un Plerophyllum, le P. Grand’Euryi, le plus ancien du genre, recueilli à Mont-maillot (Blanzy); 5° ils appellent l’attention sur cinq espèces de Zamiles, entre autres le Z. carbonarius. Le genre Zamites, qui ne dépassait pas le Lias, descend ainsi d’un seul coup et avec de nombreux représentants dans le terrain houiller.
- Le fait saillant qui domine cette communication est de démontrer l’existence, à l’époque de la houille, d’une abondance relative de plantes cyca-diennes, que la présence de graines laissait seulement soupçonner.
- Election. — Le décès de M. Desains ayant laissé une
- place vacante dans la section de physique, la liste de présentation portait, en première ligne, M. Lippmann; en deuxième ligne, ex œquo et par ordre alphabétique, MM. II. Becquerel, F. Lucas, Le Roux; en troisième ligne, exœqvio et par ordre alphabétique, MM. Routy, Mercadier et \iolle. Les votants étant au nombre de 51, M. Lippmann est élu par 51 suffrages; 20 voix se portent sur M. Becquerel.
- Paléoelhnologic. — La 10° livraison du bel ouvrage consacré par notre savant confrère, M. Emile Rivière, à l’antiquité de l’homme dans les Alpes-Maritimes, paraît aujourd’hui. La publication de ce volume, qui vient d’être couronné par l’Académie des sciences, sera très prochainement terminée, et nous nous réservons d’en rendre compte alors à nos lecteurs d’une manière spéciale.
- Varia. — M. Ranvier pose sa candidature à la place vacante dans la section d’anatomie. — M. de Chevrens a observé, à Zika-Wey (Chine), la dernière pluie d’étoiles filantes; elle a commencé à 8 heures du soir, c’est-à-dire alors qu’il était midi à Paris. — M. Mouchez invite les
- Appareil ancien pour regarder les Vues d’optique.
- membres de l’Académie à s’associer à la solennité dont sera entouré, le 26 de ce mois, le centenaire de la naissance d’Arago. — MM. Mouschketoff et Ilomanewsky présentent une belle carte géologique du Turkestan russe à l’échelle de 1/1 260 000. — Le major général Yennkoff a rédigé pour le gouvernement de Nijni-Nowgorod une étude géologique sur le Tchernoïzem. —Une étude des échinides éocènes de la famille des spalanginces est présentée par M. Milne Edwards au nom de M. Casseau. — M. le docteur Leudet, de Rouen, lit un mémoire sur la tuberculose pulmonaire. Stanislas Meunier.
- LES VUES D’OPTIQUE
- Les amateurs d’estampes savent qu’il existe un certain nombre de gravures anciennes, dont la légende est écrite en lettres retournées, que l’on ne peut pas lire directement, mais par réflexion
- dans une glace. Un de nos lecteurs nous a demandé l’explication de ce fait, qui nous a paru offrir un intérêt assez général pour être traité ici même. Ces gravures à lettres retournées, généralement coloriées, constituent ce que nos pères appelaient des vues (l'optique. Ils les regardaient au moyen d’un appareil spécial, qui était en réalité une sorte de monostéréoscope
- 'a grande lentille. Nous reproduisons ci-dessus cet appareil, d’après un modèle ancien. La gravure était posée sur une table à plat, à l’envers, par rapport au spectateur; celui-ci regardait à travers une grande lentille biconcave, et il voyait l’image agrandie et retournée delà gravure sous un certain grossissement, grâce à un miroir incliné à 45° comme le montre notre figure. La gravure apparaît verticale dans l’appareil ; son texte devient lisible, et les sujets qu’elles représentent, prennent une apparence de relief très remarquable. Cet appareil ancien peut être très facilement construit, son usage est très utile, pour considérer des gravures, des dessins, des aquarelles, qui prennent un relief très appréciable, et un aspect très agréable. G. T.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier. Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- p.176 - vue 180/432
-
-
-
- y 06i
- 20 FEVRIER 188 0
- LA NATURE
- LE CONGO FRANÇAIS
- 6
- Pour la troisième fois depuis dix ans, M. P. Savor-gnan de Brazza est revenu des régions de l’Afrique
- v-
- 177 <* %
- centrale, qu’il a explorées avec une rare persévérance, au prix des plus grands obstacles, et qu’il a pacifiquement conquises à la France.
- Nous résumerons ici les résultats obtenus par la récente mission de notre vaillant compatriote,
- Fig. 1.— Les chefs des rives du Congo, mettant leurs mains dans celles de 11.1‘. Savorgnan de Brazza, en signe d'abandon
- de leurs territoires.
- "ITINÉRAIRES RELEVÉS parles Membres de la Mission de l'Ouest-Africain.
- 1Ô°à l’Est du .Héfùh'rn d /bnsVl °
- Fig. 2. — Carte du Congo français, montrant le tracé des voyages de M. P. Savorgnan de Brazza, dressée par les soins ' de la Société de géographie.
- d’après le discours qu'il a prononcé à l’assemblée / extraordinaire de la Société de géographie réunie à Paris sous la présidence de M. Ferdinand de Les-seps, le 21 janvier 1886.
- I4a année. — Ier semeslre.
- Un retour en arrière ne sera pas inutile pour bien faire comprendre l’importance des résultats obtenus par M. de Brazza. Vers 1859, Du Chaillu avait signalé le bassin de l’ügôoué et reconnu les sources
- 12
- p.177 - vue 181/432
-
-
-
- 178
- LA NATURE,
- de quelques-uns de ses aflluents du Sud. Depuis eette époque, l’Ügôoué fut oublié et les explorations portèrent principalement sur l'estuaire du Gabon et * le Cours inférieur des fleuves qui s’y jettent.
- En 1872, le marquis de Compiègne et M. Marche s’engagèrent résolument vers les régions inexplorées, et ils parvinrent jusqu’à la rivière Lindo, affluent de l’Ogôoué, où l’hostilité des Pahouins les contraignit de faire balte et de revenir sur leurs pas. En 1875, M. Savorgnan de Brazza partait à son tour, accompagné par le docteur Ballay et par M. Marche, et commençait brillamment cette série de conquêtes géographiques, qui devait placer son nom en première ligne sur la liste des grands explorateurs.
- M. deBrazza, dans les nouvelles expéditions qu’il vient d’exécuter, avec le concours de son fidèle compagnon le docteur Ballay, avec celui de M. de Chavannes, de son frère Jacques de Brazza, et de quelques collaborateurs dévoués à son œuvre, aura achevé sa mission. 11 a revu le roi .Makoko, dont l’influence est prépondérante au Congo1. Le roi est resté fidèle à son amitié et à ses promesses, et son visiteur lui a remis au nom de la France les traités qui unissent désormais les deux nations.
- Makoko, dit M. de Brazza, me reçut avec une pompe peu usitée et des démonstrations de joie excessives. Tout d’abord, dans une chanson improvisée en mon honneur et faisant allusion aux faux bruits qui avaient couru sur mon compte, aussi bien en Afrique qu’en Europe, il disait au peuple présent :
- En vérité, en vérité, vous tous, qui êtes là, voyez. Voilà celui qu’on disait mort; il est revenu. Voilà celui qu’on disait pauvre ; voyez ses présents.
- Et il désignait un magnifique tapis et un coussin de velours, que nous avions placés sur ses peaux de lion.
- Le peuple reprenait en chœur et en manière de refrain :
- « Ceux qui ont ainsi parlé sont des menteurs. » Puis, suivant le cérémonial admis, se levant en même temps que moi, et faisant le même nombre de pas, Makoko me donnait une vigoureuse accolade, ne se lassant pas de sourire à son ancien ami....
- C’était un spectacle bien étrange que cette nombreuse réunion, foule compacte accroupie, où, dans la bigarrure des étoffes à couleurs vives, le mouvement d’une lance ou le déplacement d’un fusil faisait passer des éclairs...
- Makoko trônait sur ses peaux de lion, négligemment ; accoudé sur des coussins, entouré de ses femmes et de ses favoris. En face, à quelques pas de lui, M’pohontaba, l’un de ses premiers vassaux, et les autres chefs assis à terre sur des peaux de léopard, attendaient que le souverain donnât le signal du palabre. Nous étions entre les deux groupes, un peu sur le côté. Makoko, sans se lever, souhaita la bienvenue à tout son monde ; il expliqua en quelques mots le but de la réunion, puis, chaque chef, M’pohontaba en tète, vint à genoux protester de sa fidélité à Makoko, seul vrai chef, disaient-ils, seul propriétaire et souverain de tous les territoires batékés. Tous se déclarent, comme autrefois, heureux et fiers d etre placés sous la | rotection de notre drapeau et le jurent sur les fétiches et par les mânes de leurs pères. A mon tour je rappelai le passé en quelques mots ; mes hommes présen-
- 1 Yoy. Mission de l’Ogôoué, par M. P. de Brazza, n° 494, du 18 novembre 1882, p. 587.
- taient les armes, ou sonna aux champs et je fis à Makoko la remise des traités au nom de la France. Procès-verbal de la cérémonie fut dressé et signé, et on se rendit sous le « hall » improvisé où se trouvaient, exposés à l’admiration de tous, les présents destinés à chacun.
- Un peu plus tard, dans un palabre solennel, le délégué du roi, présenta à M. de Brazza les chefs des deux rives du Congo, et leur ordonna de n’obéir qu’à lui. Tous les chefs s’agenouillèrent alors, et placèrent leurs mains dans celles de M. de Brazza en signe d’abandon. Notre gravure (fig. 1) reproduit l’aspect de cette scène touchante d’après un des croquis de voyage de M. de Chavannes.
- Notre carte (fig. 2) montre l’importance des possessions que le patriotisme de M. de Brazza aura données à son pays, possessions plus grandes que la France elle-même, et riches en beautés naturelles. Brazzaville, par exemple, est, sur les rives du lac Stanley-Pool, parsemé d’îlots verdoyants ; le gibier y est abondant, les éléphants y abondent, les bananes et les ananas y procurent de-délicieux aliments.
- Il nous a fallu, dit le courageux voyageur, au docteur Ballay et à moi, dix ans pour atteindre ces résultats. Dans ces dix années, nous avons dépensé 2 250 000 francs. Notre crédit moral auprès des indigènes et notre manière d’agir ont été pour nous l’équivalent des sommes considérables qu’a dù dépenser l’Association internationale africaine. Notre lenteur même a valu à notre autorité de s’établir dans ces contrées sans coûter de sang ni b l’Europe, ni à l’Afrique, et sans amener aucun froissement ni aucun trouble dans la politique générale de la France.
- Après avoir indiqué l’importance de ces résultats, nous rendrons hommage au caractère de ceux qui les ont obtenus, et à la mémoire des braves qui sont morts à la tâche. Voici en quels termes touchants M. de Brazza raconte la mort de ses compagnons, et particulièrement celle de M. de Lastours :
- Deux des nouveaux membres de la mission, MM. Ta-buret et Desseaux, venaient de succomber à la côte, et M. de Lastours, pris d’un accès de fièvre pernicieuse au moment où il allait se mettre en marche, me suppliait de descendre en hâte à Madiville, recevoir ses dernières volontés. S’il est une situation cruelle, c’est bien celle de se voir placé entre le cœur et la raison, entre les devoirs d’humanité et le devoir absolu de poursuivre sa tâche sans regarder derrière soi.
- Un de mes plus zélés collaborateurs se mourait et me suppliait de l’assister à ses derniers moments ; le courant de foudre de l’Ogôoué pouvait me porter près de lui en moins de deux jours ; j’hésitai un instant, puis, le cœur l’emportant sur la raison, je sautai en pirogue, et arrivai à temps pour serrer encore une main qui semblait vouloir se souder à la mienne dans une dernière étreinte, pour fermer des yeux qui s’éteignirent dans les miens.
- M. de Lastours était un Français dans toute l’acception du mot, un de ces dévoués aux grandes idées, un de ces hommes au chaleureux courage, qui aiment leur patrie par-dessus tout.
- Puissent aujourd’hui ces paroles payer à ceux qui dorment là-bas le juste tribut de regrets qu’on n’est pas en droit d’accorder au cours de l’œuvre. Ce n’est qu’après la
- p.178 - vue 182/432
-
-
-
- LA N AT U lt Eu
- 179
- lutte qu’on peut songer à compter ses morts et à les pleurer. Les nôtres gardent éternellement sur les rives de l’Ügôoué et du Congo, le nom de la France, martyrs de la foi patriotique et du dévouement au pays, muettes sentinelles endormies dans les plis du drapeau national.
- D’autres victimes devaient être encore frappées par la lièvre : nous citerons la mort du quartier-maître Le Briz, un de ces obscurs héros de l’exploration :
- Le joui’ même où notre flottille de quinze pirogues atteignait le poste du bas Âlima, dit M. de brazza, M. de Chavannes y arrivait; la vue de nos pavillons en berne lui annonça de loin qu’il allait apprendre de tristes nouvelles. Lui aussi nous en apportait : le quartier-maitre Le briz venait de succomber sur le Congo. En brave marin, il était mort comme il l’eùt fait sur le pont de son vaisseau un jour de bataille. Quand vint la dernière minute : « Je m’en vais, dit-il d’une voix ferme encore ; vous direz à M. de brazza que j’ai toujours fait mon devoir. » 11 semblait ne regretter de la vie que la satisfaction du devoir accompli.
- C’est avec une telle abnégation que s’accomplissent les grandes choses. M. P. Savorgnan de Brazza aura été le digne chef de ces hommes de cœur et de vaillance; son nom méritera de rester a jamais dans la mémoire de ses compatriotes, non pas tant peut-être pour les richesses qui lui seront dues, que par la manière dont il les aura obtenues.
- M. de Brazza aura montré, encore une fois, qu’il y a au-dessus de la force brutale, l’esprit de bienveillance et de justice; il aura fait voir par les heureux résultats de sa diplomatie, que la meilleure politique est celle qui est, basée sur la bonne foi et la franchise. Ces peuplades primitives du Congo, il aura eu le bonheur d’en faire la conquête, non par la violence, mais par la bonté, sachant gagner leur con-liance par ces sentiments magnifiques qui élèvent l'homme, et qui sont souvent l’apanage du vrai courage : l’amour de ses semblables et le dévouement à leurs intérêts. Gaston Tissanmer.
- IA SÉCURITÉ EN CHEMIN DE FER
- On n’a pas encore oublié l’émotion profonde qui s’est emparée de l’opinion publique à l’occasion du crime commis récemment dans un train de la ligne de l’Ouest, et dont l'auteur a réussi, jusqu’à présent, à déjouer les investigations de la justice. L’infortuné préfet de l’Eure, M. Barrême, qui avait passé la journée à Paris, et qui rentrait à son poste par l’express de Paris à Cherbourg, venait d’être assassiné dans un compartiment de première classe et jeté sur la voie sans avoir pu appeler à son secours, et sans que les voyageurs des.compartiments voisins ou les agents du train eussent eu le moindre soupçon du drame qui s’accomplissait.
- Ce tragique événement a attiré de nouveau l’attention sur les divers moyens mis par les Compagnies à la disposition du public pour faire appel aux
- agents d’un train en marche en cas de danger ou d’accident. La Chambre des députes elle-même s’est faite l’écho des préoccupations du public et, pendant la séance du 16 janvier 1886, un membre a posé une question à M. le Ministre des travaux publics relativement aux transformations qu’il y aurait à apporter au matériel des chemins de fer. Sans entrer dans de longs détails sur la discussion qui s’est engagée à ce sujet au sein de la Chambre, bornons-nous à dire qu’elle a été close par le vote de l’ordre du jour suivant, adopté par le Gouvernement.
- « La Chambre, prenant acte des déclarations du Gouvernement relatives aux mesures à prendre en ce qui concerne la sécurité des voyageurs, notamment aux modifications qu’il pourrait y avoir lieu d’introduire dans le matériel roulant, passe à l’ordre du jour. »
- Comme conséquence de cet ordre du jour, M. le Ministre des travaux publics vient de nommer une commission composée d’hommes spéciaux, chargée de rechercher les perfectionnements actuellement réalisables, tant dans le matériel roulant que dans le service des agents des trains. Cette commission devra fournir son rapport dans un délaide trois mois.
- Malheureusement on pourrait citer déjà de nombreux exemples de crimes commis dans les trains de chemins de fer. Quelques-uns même ont eu uu certain retentissement. Le 6 décembre 1860, le président Poinsot était assassiné dans un wagon de première classe delà ligne de l’Est par le légendaire Jud qui, quelques semaines auparavant, avait déjà, dans les mêmes conditions, tué et volé le docteur lleppé, et qui, depuis lors, a toujours dépisté les recherches delà police. Le 9 juillet 1864, vers dix heures du soir, un nommé Muller assassinait, dans un wagon du A’ortk London Railway, M. Briggs, caissier d’une des principales maisons de banque d’Angleterre, lui volait sa montre, sa chaîne, sa bague, jetait son cadavre sur la voie et se réfugiait en Amérique; cette fois le meurtrier fut découvert, ramené en Angleterre, jugé, condamné et pendu à Londres. C’est à la suite de divers événements de ce genre que les compagnies françaises réservèrent des compartiments spéciaux pour les dames voyageant seules, et que l'on commença à tenter quelques essais pour mettre les voyageurs en rapport avec les agents chargés de la conduite des trains.
- Une commission d’enquête fut nommée en 1863, avec mission de « rechercher les mesures d’ordre et les dispositions matérielles qu’il conviendrait de prescrire aux Compagnies afin d’assurer la sécurité des voyageurs » ; mais les travaux de cette commission n’amenèrent pas grand changement à l’ancien état de choses. Une nouvelle commission instituée en 1879 par le ministère des travaux publics pour examiner « les moyens de prévenir les accidents de chemins de fer, » s’occupa aussi de la mise en communication des voyageurs avec les agents des trains, et émit l’avis qu’il y avait lieu :
- 1° « D’inviter les Compagnies à prendre le?
- p.179 - vue 183/432
-
-
-
- m
- LA NATURE.
- mesures nécessaires pour donner aux voyageurs le moyen de faire appel aux agents, de recommander, comme ayant fait ses preuves, sous ce rapport aussi bien que pour les communications entre agents, le mode de communication électrique en usage dans les Compagnies du Nord et de Paris-Lyon-,Méditerranée ;
- 2° « De les inviter à prendre des mesures pour que la circulation le long des trains, par les marchepieds, fut toujours possible, au moins pour un des agents, soit en adaptant des marchepieds et des mains courantes aux wagons à marchandises admis dans les trains de voyageurs, soit en plaçant convenablement ceux qui n’en seraient pas munis ;
- 3° « D’appeler leur attention sur l’utilité qu’il y aurait, pour prévenir des tentatives criminelles, à établir des communications partielles entre les compartiments voisins d’une même xToiture, par exemple, au moyen d’ouvertures de dimensions restreintes, fermées par des glaces ;
- 4° « D’appliquer ces diverses mesures d’abord aux trains express et aux trains directs ou de long parcours, pour les étendre progressivement à tous les trains de voyageurs. »
- Ces conclusions furent immédiatement converties par le Ministre des travaux publics en prescriptions réglementaires à l’adresse des Compagnies, qui furent invitées à réaliser les innovations indiquées dans tous les trains express ou directs effectuant des parcours de 25 kilomètres ou plus sans arrêts. La
- circulaire ministérielle a aujourd’hui reçu pleine et entière exécution sur presque toutes les lignes françaises.
- Au moment où la nouvelle commission va se réunir pour délibérer sur les mesures supplémentaires qu’il conviendrait d’adopter pour augmenter la sécurité des voyageurs dans les compartiments de chemins de fer, nous avons pensé qu’il pourrait être de quelque intérêt pour les lecteurs de La Nature de résumer ici les dispositions adoptées jusqu’à ce jour par les ditfférentes Compagnies pour mettre le public en rapport avec les agents des trains en marche, et d’indiquer au moins sommairement quelques-unes des améliorations proposées.
- Sur le réseau de Paris-Lyon-Méditerranée, on fait usage de l’intercommunication électrique système Prud’homme, que nous avons déjà eu l’occasion de décrire dans ce journal1. Une boîte mobile contenant une pile et une sonnerie est disposée dans le fourgon d’avant et dans le fourgon d’arrière : la communication est établie entre les deux extrémités du train à l’aide de deux fils métalliques posés sous le châssis des wagons et constituant deux circuits correspondant à la sonnerie d’avant et à la sonnerie d’arrière. Dans chaque compartiment, un bouton d’appel fixé au plafond, à côté de la lampe, est relié aux fils conducteurs dont nous venons de parler et permet d’utiliser le circuit électrique que ceux-ci réalisent pour faire communiquer les voyageurs avec les agents des
- Fig. 1. — Intercommunicalion Prud’homme. Bouton d’appel des Compagnies Paris-Lyon-Méditerranée et du Midi.
- Fig. 2. — Vue d’un train d’émigrants de la Compagnie générale transatlantique avec plates-formes et passerelles permettant la circulation des agents et des voyageurs d’un bout à l’autre du train.
- trains (fig. 1). En outre, la Compagnie a fait placer dans toutes les cloisons séparant les compartiments deux petites glaces triangulaires sans tain, qui facilitent, si nous pouvons nous exprimer ainsi, une communication optique entre les voyageurs de compartiments contigus.
- Sur le réseau du Midi, l’intercommunication électrique Prud’homme a également été adoptée depuis quelque temps, avec certaines modifications de détail.
- La Compagnie du Nord, qui emploie aussi l’appareil Prud’homme depuis une vingtaine d’années, a mis à la disposition des voyageurs un commutateur d’appel tout différent du précédent. Une ouverture triangulaire est pratiquée à hauteur des yeux, dans chaque cloison de voiture, et fermée de part et d’autre par deux vitres d’environ un millimètre et demi d’épaisseur. Entre ces vitres, on aperçoit, des deux compartiments contigus, un anneau suspendu à une
- chaînette (fig. 3). Pour faire appel aux agents du train, il faut briser la vitre, tirer l’anneau et, dit l’écriteau placé dans chaque compartiment, agiter le bras en dehors de la portière de droite par rapport au sens de la marche du train. On conviendra que ce mode de fonctionnement présente bien des complications. Si vous êtes attaqué par un malfaiteur, il est peu probable qu’il vous accorde le temps de briser la glace et de tirer la chaînette; il est encore moins certain qu’il vous permette d’ouvrir la fenêtre et d’agiter le bras du côté de l’entrevoie. Quoi qu’il en soit, la traction de la chaînette peut, par l’intermédiaire d’une petite manivelle, imprimer un mouvement de rotation d’un quart de cercle à une tringle disposée dans l’épaisseur de la cloison du compartiment et faisant saillie de chaque côté du wagon; un commutateur placé à une extrémité de
- 1 Yoy. n° 501, ilu 27 septembre 188 ï, p. 258.
- p.180 - vue 184/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 181
- cette tringle terme alors le circuit, et la sonnerie fonctionne dans les fourgons. Chaque extrémité de la tringle porte un petit voyant peint en blanc, qui est ordinairement horizontal, et qui vient occuper une position verticale lorsque l’appareil est mis en mouvement : ce petit voyant sert à appeler immédiatement l’attention des agents du train sur le compartimen t qui a donné le signal d’alarme.
- Il est représenté en V sur notre gravure (fig. ?>).
- L’appareil auquel la Compagnie de l’Est a accordé la préférence repose encore sur l'emploi d’un courant électrique ; mais il diffère des précédents par de nombreux détails. Dans chacun des deux fourgons extrêmes, se trouve une boîte contenant une pile composée de six éléments de Leclanché et une
- sonnerie. Deux fils isolés parcourant toute la longueur du train mettent en communication, d’une part, les deux pôles positifs des deux piles, et, d’autre part, leurs deux pôles négatifs. Pour fermer le circuit, il suffit d’agir sur l’un des commutateurs placés dans
- les voitures. Ces commutateurs se composent d’une boîte métallique circulaire disposée au plafond de chaque compartiment, et munie d’un bouton spécial fixé au bout d’une corde. En tirant sur le bouton, on amène la corde, et on fait tourner ainsi autour de son axe un disque placé dans la boîte, lequel communique avec un des fils; ce disque est muni d’une saillie qui vient buter contre un ressort en communication avec le second fil : dès lors, le courant passe et les sonneries fonctionnent dans les deux
- Fig. 4. — Communication entre les wagons de la Compagnie internationale des wagons-lits des grands express européens.
- (D’après une photographie.)
- fourgons. Le bouton abaissé ne peut être remis en place par le voyageur et sert à indiquer le compartiment d’où l’appel est parti.
- Le système en usage depuis peu sur le réseau d’Orléans est également fondé sur l’emploi de l’électricité qui actionne une sonnerie placée dans
- les fourgons. Les commutateurs mis à la disposition des voyageurs dans les compartiments sont disposés verticalement sur les cloisons qui séparent les compartiments. Le bouton d’appel une fois abaissé ne peut être relevé que par les agents de la Compagnie, à l’aide d’une clef spéciale, et en même temps
- p.181 - vue 185/432
-
-
-
- 182
- LA NAT CH K.
- que lu sonnerie fonctionne un petit volant apparaît extérieurement vers la partie inférieure du compartiment dont il s’agit.
- Enfin, sur le réseau de l’Ouest, le système d'intercommunication adopté repose sur l’emploi de l’air comprimé : à cet effet, un tuyau vertical de petit diamètre s’embranche à chaque voilure, sur la conduite générale du frein Westinghouse dont tous les trains sont pourvus,' et, se termine, à la partie supérieure, par un sifflet disposé à l’extrémité de la toiture du wagon. Une poignée placée au plafond, dans l’intérieur de chaque compartiment, et qu’il suffit de tirer, permet de donner une issue à l’air comprimé et de faire fonctionner le sifflet dont nous venons de parler, en même temps qu’un second sifflet installé sur la machine fonctionne aussi sous l’influence de la dépression produite dans la conduite générale. Le sifflet placé sur la machine sert à avertir les agents du train; le sifflet placé sur le wagon indique la voiture d’où est parti l’appel; enfin la poignée qui demeure abaissée désigne le compartiment.
- Tels sont, quant à présent, les divers systèmes adoptés en France pour assurer la sécurité des voyageurs dans les trains en marche. Mais, dira-t-on, si quelque mauvais plaisant s’avisait un beau jour de faire fonctionner sans motif plausible la sonnerie ou le sifflet d’alarme? — Eh bien! il n’v reviendrait pas deux fois, car l’autorité a prévu le cas : une bonne amende de seize à trois mille francs, et au besoin un mois d’emprisonnement le feraient réfléchir sur les inconvénients de provoquer des arrêts intempestifs de trains.
- Il est certain que les appareils d’intercommunication que nous venons de passer en revue ne sont pas exempts de tout reproche : la preuve, c’est que M. Barrême a été tué sans que son assassin lui eût laissé le temps ou le moyen de faire usage du signal d’alarme qui se trouvait dans le compartiment. Parmi les autres procédés mis en avant pour rendre, sinon totalement impossibles, du moins beaucoup plus rares, les crimes de ce genre, nous nous bornerons à indiquer les principaux seulement, qui sont : 1° l’établissement de marchepieds et de mains courantes sur toute la longueur des trains de voyageurs; — 2° la fermeture à clef des compartiments; — 5° l’emploi de glaces dormantes entre les compartiments contigus d’une même voiture; — 4° enfin l’adoption des wagons à couloir.
- Aujourd’hui, toutes les Compagnies ont pris les dispositions nécessaires pour que les agents puissent circuler d’un bouta l’autre des trains de voyageurs, ou du moins d’un bout à l’autre du groupe de voitures contenant les voyageurs : pour cela, il n’y a eu qu’à adapter des marchepieds et des mains courantes à tous les véhicules entrant dans la composition de ces trains. Sur certains réseaux, tels que ceux de Paris-Lyon-Méditerranéc et du Midi, le contrôle de route s’est toujours effectué pendant la marche des trains par des agents circulant sur les
- marchepieds. Sur d’autres réseaux, au contraire, celui de l’Est par exemple, il a toujours été interdit aux agents des trains de passer d’une voiture à l’autre par les marchepieds pendant la marche, et cela pour une bonne raison, c’est que certains ouvrages d’art de ce réseau ne présentent pas une ouverture suffisante pour que cette circulation puisse avoir lieu sans danger; sur les lignes de cette seconde catégorie, la continuité des marchepieds et des mains courantes est donc une précaution à peu près illusoire. D’ailleurs, si les marchepieds peuvent permettre l’arrivée inopinée d’un agent, ils peuvent aussi servir à favoriser la fuite d’un assassin.
- Quant à la fermeture à clef des compartiments, nous croyons qu’il n’v faut pas songer; elle serait pour les voyageurs une torture morale à laquelle notre caractère se prêterait difficilement. En effet, vous représentez-vous, au moment du départ du train, un employé venant donner un tour de clé à chacune des portières et vous emprisonnant irrémédiablement avec le premier individu venu, qui peut-être a l’intention de vous dévaliser, dans un compartiment dont vous ne pourrez sortir que quand on aura bien voulu venir vous délivrer? Non, cela n’est pas possible. Plutôt courir des dangers que d’obtenir la sécurité à ce prix !
- L’emploi de glaces dormantes de petite dimension a été, nous l’avons dit plus haut, tenté par la Compagnie de Paris-Lyon-Méditerranée. Ce moyen n’apporte probablement qu’un faible appointa la sécurité des voyageurs. Néanmoins, il est plutôt utile que nuisible, et il mériterait peut-être d’être généralisé. On a bien parlé aussi de séparer les compartiments par une grande glace sans tain tenant toute la largeur de la cloison : cette glace mettrait tous les voyageurs d’une même voiture en communication optique; seulement, en cas de collision ou de déraillement, il serait à craindre que le bris de ces glaces n’entraînàt des accidents hors de proportion avec leur utilité en temps ordinaire.
- Reste le système des wagons à couloir, qui est peut-être appelé à fournir une solution à la question qui nous occupe.
- On sait qu’il existe deux types bien distincts de wagons à voyageurs : le type anglais, à compartiments transversaux s’ouvrant sur les deux côtés de la voiture, et le type américain, à couloir longitudinal s’ouvrant sur une plate-forme aux deux extrémités de chaque voiture, et permettant la circulation d’un bout à l’autre du train pendant la route au moyen de passerelles qui unissent les plates-formes. Or c’est le type anglais qui a prévalu chez nous. Pourquoi? Probablement parce que la plupart des voyageurs français cherchent à s’isoler en chemin de fer. Chez nous, chacun voudrait s’emparer d’un compartiment tout entier pour lui seul. Au théâtre, à l’église, aux courses, nous ne voyons aucun inconvénient à nous installer à côté de nos semblables ; mais en chemin de fer, nous semblons les fuir instinctivement. Dans d’autres pays, au contraire, les
- p.182 - vue 186/432
-
-
-
- LA N A'ITL K.
- 183
- voyageurs cherchent à éviter la solitude. Ainsi voyez ce qui se passe en Amérique. Chez les Yankees, avons-nous dit, on circule à volonté d’un bout du train à l’autre ; toutes les classes se trouvent, par conséquent, confondues et il n’existe qu’un seul prix, ce qui, d’ailleurs, n’exclut nullement le conlort. Il est certain que les pick-pockets exercent quelquefois leur industrie dans ces trains ; mais, à coup! sûr, on n’y pourrait assassiner personne. Toutefois, les voyageurs qui veulent jouir d’un privilège n’ont qu’à s’adresser à la compagnie Pullmann qui, moyennant un supplément de prix, les admet dans les voitures de luxe qu’elle fait adjoindre à tous les trains.
- 11 n’y a pas jusqu’à l’Inde qui n’ait imité et même dépassé l’Amérique. Ainsi, sur la ligne de Bénarès à Calcutta, circulent des wagons irréprochablement aménagés pour les malades ou les dormeurs : chaque wagon est divisé en quatre compartiments garnis de sofas et de coussins rembourrés et contient en outre une petite salle de bain dont les voyageurs et les voyageuses ne dédaignent pas de faire usage.
- En France cependant, quelques bons esprits ont plaidé la cause des wagons à couloir, témoin les lignes suivantes écrites jadis par Théophile Gautier : « Sur les chemins de fer suisses et allemands, les wagons n’ont pas la même installation que les nôtres. Les wagons français sont d’excellentes voitures très bien rembourrées, capitonnées et passementées ; ils représentent l’idéal de la berline ou de la diligence, et, sous ce rapport, on ne peut adresser aux compagnies le moindre reproche, pour la première classe du moins. Les wagons suisses sont des salons avec de grands fauteuils à la Voltaire, une table au milieu, un tapis, une glace; on s’y promène comme dans une chambre. Nous approuvons beaucoup cet aménagement : il est vrai, il est logique, et il sera, nous l’espérons, bientôt suivi partout. Un train de chemin de fer doit offrir la même accommodation qu’un steamer maritime ou fluvial : c’est le steamer terrestre. Remplacez les voitures par des chambres communiquant entre elles, d’un bout à l’autre du convoi, pratiquez dans ces compartiments plus ou moins vastes un ou plusieurs salons, une salle à manger, un café, une tabagie, une bibliothèque, un dortoir avec des cadres comme dans les vaisseaux. A l’extérieur de la chose, faites circuler une galerie, rendez praticable la plate-forme, ou plutôt le pont de ce navire à roulettes, et alors seulement la locomotive à vapeur sur railway aura rompu avec la vieille routine. N’est-il pas ridicule d’atteler à une fde de fiacres l’irrésistible machine de Stephenson ? »
- En terminant, nous devons dire qu’on a tenté en France, dans ces dernières années, et non sans quelque succès, divers essais de wagons à couloir connus sous le nom ale sleeping-cars. Nous avons eu l’occasion d’entretenir nos lecteurs des conditions d’installation de ce nouveau matériel, et nous avons voyagé avec eux tant dans les trains d’émigrants (fig. 2) de la Compagnie transatlantique1 (fig. 4), qui circulent entre
- 1 Vov. n° 041, du 12 septembre 1885, p. 235.
- Bâle ou Modane et le Havre, que dans les trains de luxe de la Compagnie internationale des wagons-lits, qui font le service de Paris à Constantinople (Orient Express *) et de Calais à Borne (Nice-Rome Express). Nous avons vu que les voyageurs peuvent facilement circuler d’un bout à l’autre de crs trains, au moyen des passerelles qui relient les wagons entre eux, et il est certain que l’infortuné préfet de l’Eure serait encore de ce monde s’il était monté dans un sleeping-car, comme il en circule sur les lignes de la Compagnie de l’Ouest.
- Nos lecteurs sont maintenant au courant de l’état actuel de la question. Dans trois mois, la commission d’enquête qui vient d’être instituée aura fait connaître le résultat de ses travaux et fourni son rapport au Ministre des travaux publics. Nous nous réservons de revenir alors sur ce sujet qui intéresse tout Je monde, puisqu'il y va de la vie de chacun.
- Alexandre Laplaiche,
- Commissaire de surveillance administrative des chemins de fer.
- —<*>«—
- LES ARBRES ET LA FOUDRE
- A propos d’un coup de foudre récent qui a particulièrement endommagé deux arbres situés dans le bois de Richmond, dans le voisinage d’arbres n’ayant subi aucun dommage, M. G. Symons pose quelques questions des plus intéressantes : Pourquoi tel arbre situé dans le voi -sinage d’arbres plus grands est-il frappé de préférence? De quoi dépendent les différences souvent notables que l’on constate dans les dégâts que la foudre occasionne à deux arbres voisins? — Comment expliquer la préférence que la foudre a pour l’orme et pour le chêne?... Au sujet de cette dernière question, M. Symons rappelle que, dès 1787, il avait été reconnu en Amérique que les essences le plus souvent endommagées sont l’orme, le noyer, le chêne et le pin, et qu’en 1860 il avait établi que la foudre a, en Angleterre, une préférence marquée pour l’orme, le chêne, le frêne et le peuplier.
- Sur 265 cas qui ont été relevés durant les dix dernières années, la revue allemande Das Wetter trouve 165 cas de coups de foudre ayant frappé des chênes.
- Il paraît certain que la conductibilité de l’essence particulière d’un arbre joue ici un rôle considérable et peut-être prédominant. On a quelquefois attribué la tendance de la foudre vers certains arbres à la présence de métaux dans ses pores ou dans sa sève, mais cette hypothèse est inadmissible et même absurde ; car la présence du fer est de nature à accroître la conductibilité qui seule peut garantir contre les effets destructeurs. D’ailleurs, la présence simultanée du fer et du tannin à l’intérieur des chênes, ne pourrait manquer de se trahir par la teinte noire que ce mélange prend à l'air, comme chacun le sait du reste. Ce n’est pas la hauteur d’un arbre qui signale celui-ci à la foudre, mais c’est sa conductibilité spéciale, ainsi que celle du terrain où il prend pied; enfin, il y a lieu de prendre en considération la manière dont l’arbre communique avec le sol et, ici, la forme, l’état et la composition des racines, ainsi que le terrain avoisinant, jouent Ud rôle certainement capital1.
- 1 D’après Ciel et Terre.
- --------
- p.183 - vue 187/432
-
-
-
- 181
- LA NATURE.
- CURIOSITÉS AËROSTÀTIQUES
- DE L’ORIGINE DES BALLONS
- Un groupe inédit de Clodion.
- Nous avons eu l’occasion de signaler les objets multiples que nous avons recueillis au sujet de l’origine des aérostats. Plusieurs de nos lecteurs ont bien voulu nous communiquer des documents inédits, qui nous permettent de rassembler les matériaux les plus complets, destinés a une grande Histoire des ballons à laquelle nous travaillons depuis de longues années, et dont le premier volume paraîtra à la fin de la présente année1.
- Parmi ces documents, nous nous bornerons à citer ceux qui nous ont été adressés sur le ballon de Bagnols, dont l’ascension eut lieu dans cette ville en 1785 (fig. I)2 * 4.
- Nous insisterons avec un peu plus de détails sur un ancien groupe en terre cuite de Clodion que reproduit la gravure ci-après (fig. 2). C’est une curiosité qui nous parait digne d’attirer l’attention.
- Voici dans quelles circonstances cette terre cuite a été exécutée. Après l’ascension de Charles et Robert, aux Tuileries, le 1er décembre 1783, la Direction générale décida qu’un monument serait élevé à la gloire des Montgolfier, sur l’emplacement même où le ballon s’était élevé , c’est-à-dire sur le bassin situé en face le château actuellement en ruines. Presque tous les sculpteurs de l’Académie prirent part à ce concours, et il existe plusieurs de ces projets représentés en dessins, en aquarelles ou en estampes. Clodion exécuta successivement deux compositions en terre cuite; l’une d’elles compre-
- 1 Cette Histoire des ballons sera éditée avec grand luxe,
- par MM. Launette et C‘\ dont on connaît les magnifiques
- publications illustrées.
- 4 On parla beaucoup jadis du globe de Bagnols, qui fut construit dans le Gard en 1785 sous la direction de MM-Madier, Gensoul, Blanchard, Teste et Roussel. Le musée de Bagnols, fondé par M. Léon Alègre, possède un dessin représentant ce grand ballon à air chaud (fig. 1 ) Ce dessin a servi à l’exécution d’une gravure qui se trouve dans la galerie des Estampes à la Bibliothèque nationale. — Dens ses excellentes notices biographiques du Gard, Léon Alègre donne de curieux détails sur le globe de Bagnols. Le ballon avait 14 mètres et demi de diamètre, et sa hauteur était de 20 mètres. Il s’éleva le 18 avril 1785 devant plus de dix mille spectateurs. « Darroussin est prêt à monter dans la nacelle avec Ballet dont le fils, de
- nant un grand nombre de petits Amours, gontlant un ballon à air chaud, et surmontés de Renommées, a été décrite par M. II. Thirion dans son bel ouvrage, les Adam et les Clodionl’autre, qui est restée à peu près inconnue jusqu’à ces derniers temps, est actuellement en notre possession.
- Ce groupe authentique qui a 55 centimètres de hauteur et qui porte la signature de Clodion, comprend plusieurs personnages. D’une part, un Génie gonile un ballon à air chaud à l’aide d’une torche enflammée. Deux petits Amours, d’autre part, présentent à une femme assise, qui doit personnifier la Gloire ou la France, le médaillon des frères Montgolfier. Ce médaillon est à peu près la reproduction de celui que venait de faire Houdon. Les noms d’Etienne et de Joseph de Montgolfier y sont inscrits. Derrière le motif principal, se trouvent deux autres Amours, et un Temps avec sa faux qui est de la même grandeur que les sujets principaux. Ces derniers personnages ne se voient pas sur notre gravure. L’ensemble est d’une composition très heureuse.
- Ce groupe de Clodion nous a été cédé par M. le baron Ponsard, commandeur de la Légion d’honneur, ancien préfet, qui a bien voulu se dessaisir de cette pièce hors ligne, en faveur de notre collection. Ce Clodion appartenait, en 1825, à M. Lucien Tibon, un des rares collectionneurs de l’époque, qui en fit présent en témoignage d’estime et de reconnaissance pour des soins exceptionnels, à M. le docteur Bellemain d’Epogny, beau-père de M. le baron Ponsard. M. Lucien Tibon était fils de M. le comte Tibon, gouverneur de la Banque; sa sœur avait épousé le marquis de Cambacérès.
- Le groupe de terre cuite que nous décrivons ici' est,
- o
- douze ans, Battait la caisse par la ville et appelait le public au lieu de l’ascension. « Sonné li clas de moun paire (je sonne le glas de mon père), » disait le jeune gamin en tapant plus fort... Gensoul avait la direction des cordages, sous les ordres de Madier le grand chef... » L’ascension eut lieu aux applaudissements de la foule, — la montgolfière revint vers terre à Saint-Alexandre, à quelques mètres du sol; Darroussin voulut sauter de la nacelle et il se cassa la jambe. .*
- Le ballon fut porté avec pompe à Bagnols, et on le conserva à l’Hôtel de Ville. En 1792, on en utilisa la toile pour servir à l’habillement des volontaires ; avec l’étoffe du ballon, on fit des sarreaux, espèces de blouses amples et commodes.
- 1 Les Adam et les Clodion, par IL Thirion, I vol. in-4°. l’aris, A. Quantin, 1885.
- blchellc en toijcs'
- o t 2 3 i 5 G
- Fig. 1. — Le globe de Bagnols (Gard), élevé dans cette ville en 1795. (D’après le dessin qui existe au Musée de Bagnols.)
- p.184 - vue 188/432
-
-
-
- Groupe en terre cuite de Clodion. A lu gloire des Montgollier. (Collection Tissaudier.)
- p.185 - vue 189/432
-
-
-
- 186
- LA NATl'LK.
- de l’avis des connaisseurs, une composition d’un grand intérêt tant au point de vue de l’art, qu’en ce qui concerne l’histoire des aérostats. C’est à ce double titre que nous l’avons fait figurer dans La Mature1. Gaston Tissanuier.
- TORPILLEURS ANGLAIS
- Il peut être intéressant pour nos lecteurs d’apprendre à quel degré de perfection la construction des bateaux connus sous le nom de bateaux-torpilles ou torpilleurs est arrivée en Angleterre.
- La maison Yarrow, bien connue de toutes les marines du monde pour sa spécialité de bateaux-torpilles, a actuellement en main des commandes pour 55 bateaux de ce genre. Le 24 décembre dernier le torpilleur Falke construit pour le compte du gouvernement autrichien, quittait les chantiers pour effectuer, sous la surveillance des représentants dudit gouvernement, ses essais de vitesse.
- Le Falke a 41 mètres de longueur, 4m,25 de largeur et 2m,75 de profondeur, tirant 0m,68 à l'avant et lm,36 à l’arrière ; son déplacement est de 88 tonnes. 11 est construit entièrement en tôle d’acier dont l’épaisseur varie depuis 3 à 6 millimètres dans le corps jusqu’à 25 millimètres k l’avant, le bateau étant destiné à éperonner. La machine, k trois cylindres, est du type compound k condenseur à surface, et les chaudières, du type locomotive, une innovation qui sera probablement adoptée d’une façon générale, peuvent fournir assez de vapeur pour développer une force de 1400 chevaux indiqués à la machine.
- Le bateau est muni de deux tubes destinés à la décharge, parallèlement à la quille, de deux torpilles Whi-tehead, et ne contient pas de torpille de réserve, tout poids mort ayant été éliminé en vue d’obtenir un maxi -mum de vitesse.
- Deux mitrailleuses Nordenfelt sont placées, une de chaque côté du bateau. L’équipage est distribué, contrairement k ce qui a lieu dans les navires de toutes les autres nations, les officiers k l’avant, les matelots à l’arrière, ceux-ci ayant ainsi les avantages du bruit et de la trépidation de l’hélice.
- Le poste du capitaine est dans une tourelle surélevée située au milieu du bateau, la section de celui-ci à cet endroit étant presque circulaire; l’hélice, qui est à deux ailes, est forgée dans un bloc d’acier. Le bateau est gouverné soit à la vapeur, soit k la main, par deux hélices placées l’une à l’avant et l’autre k l’arrière.
- La vitesse moyenne de six essais, atteinte, aux essais du mille, a été de 41kil,287 par heure, le bateau étant armé en guerre, c’est-à-dire avec son équipage complet et 16donnes de munitions et provisions. Cette vitesse est la plus grande qui ait été atteinte jusqu’ici. Aux essais de durée, effectués pendant une heure entière, k toute vitesse, ledit bateau a fourni une vitesse de 36 kilomètres. Ce dernier résultat a été obtenu avec une pression de 9k,500 par centimètre carré et 360 révolutions de la machine par minute, le gouvernail obéissant promptement et la trépidation due au mouvement de l’hélice étant à peine perceptible. J.-A. B.
- 1 Les personnes qui s’intéressent spécialement aux questions de l’art aérostatique, trouveront le catalogue completde notre collection dans le Bulletin des Beaux-Arts, excellente publication artistique, publiée par M. Fabré, quai des Grands-Augustins, à Paris.
- LES VARIÉTÉS DE GRENADIERS
- CULTIVÉES EN GRÈCE
- Parmi toutes les grenades cultivées dans notre pays, la variété appelée Caravéla (y.apdSsXa) est la meilleure, mais ces fruits ne se conservent que pendant peu de temps.
- La variété appelée Politica (îwXtTiy.a), c’est-k-dire grenade de Constantinople [Poli (la ville) se dit communément pour Constantinople ; il paraît qu’elle en est originaire], se conserve pendant plusieurs mois; on suspend les fruits par le moyen de ficelles attachées en l’air.
- Une troisième variété est cultivée seulement dans le jardin dendrologique comme arbuste d’ornement ; elle a des fleurs blanches et simples ; les fruits sont rares et de mauvaise qualité.
- Une autre variété présentant des fruits rouges et petits est produite par un grenadier d’ornement, k fleurs doubles, panachées de jaune et de rouge.
- Le grenadier à fruits aigres « [i £uvrfstap-o;) » donne des fruits aigres ou acides qui ont un nom spécial aussi (ÇuvcpsÆ’ov); ces fruits se conservent pendant plusieurs mois quand ils sont suspendus par le moyen de ficelles ; on les utilise pour la confection de remèdes de famille ; on s’en sert également pour assaisonner un mets spécial que nous appelons Colyva (xo'Xuëa) c’est-à-dire du froment bouilli qu’on prépare et qu’on apporte aux messes commémoratives.
- Les petites grenades de Constantinople ou petites Politica (p-taoà TîsXtrty.a) sont sans doute une variété de celle qui a été décrite plus haut; les fruits sont plus petits, mais ne sont pas d’aussi bonne qualité. Us se conservent et se mangent pendant l’hiver.
- Il y a encore une variété de grenadier dont les fruits se fendent et qui par conséquent ne peuvent s’expédier au loin. Ils sont en général de petite taille; ils ont une graine petite, blanchâtre et ligneuse; c’est plutôt une variété sauvage. Ce mot sauvage signifie que cet arbuste se trouve, en Grèce, naturalisé dans toutes les régions cultivées et surtout dans les vignobles.
- Nous avons encore deux autres variétés de grenadier; mais elles sont ornementales ; l’une a des fleurs de couleur jaune, l’autre de couleur rose ou rouge ; doubles dans l’un et l’autre cas ; ces variétés donnent quelquefois des fruits qui ressemblent beaucoup k ceux de l’arbuste à fleurs panachées décrits plus haut; ils sont à peine mangeables. De toutes ces variétés de grenadiers, les plus usitées, ou presque les seules usitées aujourd’hui comme plantes à fruits comestibles ou utilisables*, sont les Caravéla, les Politica et les grenadiers à fruits aigres. Les autres sont des variétés ornementales (il y en a quatre), ou des arbustes servant pour taire des haies autour des vignobles ; les gens du peuple en mangent les fruits parce qu’ils les trouvent à leur portée, poussés naturellement.
- L’écorce des grenadiers dans plusieurs provinces de la Grèce s’emploie comme substance tinctoriale et donne une couleur jaune. P. Gennadius,
- Inspecteur de l’agriculture, en Grèce.
- Photographies astronomiques
- DE MM. PAUL ET PROSPER HENRY
- J’ai eu l’honneur, il y a dix-huit mois, de présenter à l’Académie des sciences les premiers essaishle photographie stellaire faits par MM. Henry, à l’observatoire
- p.186 - vue 190/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 187
- de Paris, avec un appareil provisoire, dans le but I spécial de faciliter la construction de la Carte écliptique. La réussite de ces premiers essais m’avait décidé à accepter leur proposition de faire construire de suite par M. Gautier un grand appareil définitif dont ils se chargeaient de faire eux-mêmes l’objectif photographique de 0'",?>41. L’instrument a été mis en place en avril et, dès le mois de juin, j’ai pu présenter à l’Académie les premières très belles épreuves obtenues dans la voie lactée.
- Depuis lors, MM. Henry ont continué leurs travaux avec un succès qui a dépassé toutes nos espérances. Les résultats obtenus sont jugés par des astronomes les plus compétents de l’étranger comme étant la perfection même et présentant la plus grande importance pour l’avenir de l’Astronomie. À l’observatoire de Paris, nous obtenons maintenant couramment en une heure de pose des clichés de 6° à 7° carrés sur lesquels sont reproduits avec un éclat et une pureté de contours extrêmes tous les astres au nombre de plusieurs milliers jusqu’à la 16e grandeur, c’est-à-dire bien au delà de la visibilité que donnent nos meilleures lunettes sous le ciel de Paris. Nous avons même obtenu bien des étoiles de 17e grandeur qui n’ont sans doute jamais été vues encore.
- Les images des étoiles ayant un diamètre proportionné à leur grandeur, on en tirera certainement une donnée fort intéressante pour les mesures photométriques. Outre les étoiles, on découvre aussi quelquefois sur les clichés d’autres objets invisibles dans nos plus grands instruments. Telle est la nébuleuse près de l’étoile Maïa, dans les Pléiades, qui est venue se dessiner comme une petite queue de comète très brillante touchant à l’étoile, et qui n’avait jamais été encore signalée, bien que l’amas des Pléiades soit une des constellations les plus étudiées de notre ciel. (Voyez la gravure ci-après.)
- La mesure des étoiles doubles et multiples va se trouver grandement simplifiée à l’avenir, par la possibilité d’opérer ces mesures avec autant de facilité que de précision sur des photographies.
- Sur l’épreuve de Saturne, la séparation de Panneau, qui est de 0",4, étant très visible, on peut espérer obtenir des étoiles doubles distantes de cette quantité. Nous avons obtenu déjà de belles images des principales planètes ; et, sur le cliché de Neptune, le satellite a pu être photographié dans toutes les parties de son orbite, et même dans sa position la plus rapprochée, qui est actuellement inférieure à 8". Nous espérons donc pouvoir appliquer la photographie, non seulement au service régulier de la Carte du ciel, mais aussi à l’étude des étoiles doubles et à la recherche d’astres encore inconnus.
- ..... Parmi les principales photographies déjà obtenues, je^crois devoir citer les suivantes :
- 1° Quarante-deux grandes épreuves de la Voie lactée et de diverses régions du ciel ; 2° une photo-
- 1 Yov. n° 654, itu 12 décembre 1885, p. 25.
- graphie des environs de s Lyre qui montre après deux heures de pose des étoiles beaucoup plus faibles que la debilissima d’Herschel et inférieures à la 16e grandeur; 5° une épreuve faite dans les environs de Véga, qui montre des étoiles plus faibles encore que les précédentes; quelques-unes de ces étoiles n’ont certainement jamais été vues; 4° photographies des amas d’Hercule, de Sobieski, d’Ophiu-chus, de Persée et plus de six cents épreuves d’étoiles doubles ou multiples. Quelques-unes de ces épreuves, destinées à des mesures micrométriques, ont été faites avec une pose très courte; elles se rapportent aux Pléiades, à Præsepe et Ophiuchus ; 5° la nébuleuse d’Orion a été photographiée avec succès; une pose de deux heures, beaucoup trop longue pour les parties lumineuses, montre au contraire avec une très grande netteté les plus faibles détails; 6° on a obtenu enfin des résultats non moins remarquables dans la photographie des planètes et dans la photographie spectrale.
- C’est donc un vaste et nouveau champ d’études ouvert à l’activité des astronomes. Profitant d’une soirée de beau temps, tout astronome pourra en effet recueillir avec un appareil photographique comme le nôtre deux ou trois clichés contenant chacun plusieurs milliers d’astres d’une pureté de définition et d’une exactitude absolue déposition, qui, transportés dans son cabinet de travail, lui procureront plusieurs mois de recherches fructueuses, à l’aide d’un simple microscope muni d’une vis micrométrique.
- Cette étude se fera en outre avec bien plus de facilité et moins de fatigue qu’à l’aide de ces lunettes de dimensions exceptionnelles qu’on construit aujourd’hui à grands frais dans divers observatoires, sans qu’on soit encore assuré qu’elles apporteront une supériorité bien sensible sur les instruments de moyenne dimension actuellement en usage, et qui ne peuvent d’ailleurs être utilement employées que par de rares belles nuits. Quand on voit avec quelle extrême facilité on peut obtenir ainsi, en une heure, ces Cartes d’amas d’étoiles qui auraient exigé des années de travail assidu par les anciens procédés, on comprend qu’il s’impose aujourd’hui un devoir impérieux aux astronomes, c’est, d’entreprendre immédiatement le levé de la Carte complète du ciel, pour léguer aux astronomes des siècles futurs l’état du ciel à la fin du dix-neuvième siècle. Ce sera le monument scientifique le plus considérable de cette époque; il augmentera de valeur avec le temps et donnera certainement lieu à bien des découvertes inattendues et à des études du plus haut intérêt.
- J’ai déjà dit comment ce vaste travail, réparti sur tout le globe entre huit ou dix observatoires bien situés, pourrait se faire sans grands frais, en quelques années, et permettrait de fixer ainsi la position actuelle de vingt ou trente millions d’étoiles; plusieurs observatoires ont déjà offert leur concours, s’ils trouvent la possibilité de se procurer les appareils nécessaires.
- Il paraît bien indispensable d’établir le plus tôt
- p.187 - vue 191/432
-
-
-
- 188
- LA NATURE.
- possible une semblable entente; car, si l’on n’y réussissait pas, plusieurs observatoires entreprendront certainement bientôt de faire isolément de la photographie stellaire, chacun à une échelle et par des procédés plus ou moins différents. Il en résulterait un regrettable désordre dans l’ensemble du travail, beaucoup de lacunes, de doubles emplois, de forces et de temps perdus. Une réunion des directeurs des principaux observatoires ou de leurs représentants pourrait bien facilement établir cette entente si désirable.
- La seule objection, peu sérieuse d’ailleurs, qui ait été faite jusqu’ici, est celle de la déformation possible des images, provenant de quelque défaut de l’objectif; mais cette déformation est absolument insensible dans l’appareil de l’Observatoire, sur des images de 2° 50' à 5° de diamètre, et les méridiens.et les parallèles pourront facilement se tracer sur les Cartes à l’aide d’un instrument spécial, qui est en construction. Il est bien évident d’ailleurs que des Cartes célestes ne peuvent, pas plus que des Cartes géographiques et toute construction graphique , donner des positions absolues avec la même rigueur que le calcul ; il sera toujours nécessaire de faire des Catalogues d’étoiles fondamentales, servant de point de repère; mais ce que les Cartes célestes donneront avec une extrême précision, c’est la position relative des astres voisins,
- qui est le document le plus important pour découvrir bien facilement leurs mouvements propres. On pourra alors les rapporter aux fondamentales les plus voisines, en cherchant à reconnaître s’il y a quelque loi commune à établir dans la marche de ce nombre infini d’astres.
- Quand on se rappelle que c’est au milieu de l’atmosphère si troublée, si défavorable de Paris, qu’ont été obtenues les photographies d’étoiles inférieures a la 16e grandeur, il est difficile d’imaginer la quantité prodigieuse d’astres nouveaux qui viendraient se révéler sur les clichés de MM. Henry si ces astronomes pouvaient établir leurs appareils sous le ciel si pur des tropiques ou dans des stations aussi favorables que le Pic du Midi ; il est permis de croire qu’ils obtiendraient peut-être alors des étoiles
- Nébuleuse près de l’étoile Slaïa, découverte par la photographie, invisible dans les instruments de l'Observatoire de Paris.
- de 18e grandeur et qu’on pourrait pénétrer bien plus profondément dans le ciel qu’on n’a pu le faire jusqu’ici; leurs clichés prendraient, sans doute, à quelque distance, l’apparence d’une nébulosité continue, comme le ciel lui-même dans les belles nuits tropicales. Bien des corps inconnus ayant une marche sensible pendant une heure ou deux de pose, comme les petites planètes, les comètes, la planète transneptunienne, si elle existe, ou des satellites encore inconnus, révéleraient leur existence par le tracé de leur route au milieu des étoiles fixes, comme cela a déjà eu lieu pour Pallas.
- Les astronomes de l’étranger qui s’occupent plus spécialement de photographie céleste, auxquels j’ai envoyé quelques-unes de nos épreuves, en ont été très vivement frappés et reconnaissent tous la nécessité d’entreprendre le plus tôt possible ce grand travail d’ensemble. M. Common, à qui l'on doit la splendide photographie de la nébuleuse d’Orion , m’écrivait, il y a peu de jours encore, que ce progrès réalisait un grand changement dans l’astronomie d’observation et formait un nouveau point de départ pour la science astronomique.
- Quelques autres, il est vrai, ont trouvé ces photographies trop belles pour y croire et ont émis des doutes sur leur authenticité, les uns croyant à des retouches sur les clichés, d’autres allant jusqu’à supposer qu’on leur avait envoyé des photographies d’après des dessins ou des gravures ; c’était le plus bel éloge qu’ils pouvaient faire de l’œuvre de MM. Henry. Par leurs persévérants travaux et leur très grande habileté en optique, ces deux astronomes viennent donc de réaliser un progrès d’une haute valeur qui fait grand honneur à l’observatoire de Paris et à la Science française. J’espère donc que l’Académie appréciera, comme ils le méritent, les services rendus à la science par ces deux habiles astronomes; si elle voulait bien donner sa haute approbation au projet de construction de la Carte du ciel que l’observatoire de Paris propose aux observatoires étrangers, ce projet aurait beaucoup plus de chances d’être adopté. Contre-amiral Mouchez,
- Directeur de l’Observatoire de Paris.
- p.188 - vue 192/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 189
- MOTEUR A GAZ VERTICAL
- SYSTÈME BÉNIER
- Les moteurs à gaz construits par M. Dénier sont destinés à la production de petites forces motrices. Les plus puissants ne produisent pas plus de quatre chevaux-vapeur; les plus faibles, du modèle représenté dans la figure ci-dessous, sont établis surtout pour remplacer l’homme à la pédale ou à la manivelle, et produisent respectivement 1/8, 1/5 ou 1/5 de cheval-vapeur (8, 15 ou 25 kilogrammètres par seconde,) a des vitesses de 140, 130 et 120 tours par minute.
- Les dispositions spéciales à ce modèle ont été combinées dans le but de rendre le moteur facile à installer, à mettre en marche, à arrêter et à conduire par le premier venu, conditions indispensables dans un moteur de petite puissance auquel on ne peut consacrer une surveillance active et continue.
- Au point de. vue du principe de fonctionnement, le moteur Bénier est à simple effet, sans compression. Le mélange d’air et de gaz pénètre dans le cylindre pendant une certaine fraction de la course à la pression atmosphérique.
- L’inflammation se produit alors, la pression monte à quatre ou cinq atmosphères et la détente se produit jusqu’à la fin de la course.
- 11 y a donc un coup de piston moteur par tour, lors de la descente du piston : la tige de ce piston agit par compression, et la bielle qui commande la manivelle de l'arbre moteur par traction. On peut s’expliquer cette action en se reportant à la figure ci-dessus. On voit en effet que la liaison du piston et de la bielle n’est pas directe, mais s’effectue par l’intermédiaire du balancier B. Cette disposition mécanique présente plusieurs avantages :
- 1° Elle réduit l’action oblique de la bielle sur le piston dans une grande mesure et s’oppose ainsi à l’ovalisation du cylindre ;
- 2b Le point d’articulation du balancier et de la bielle motrice est choisi de telle sorte que l’allumage se produise au moment où le rayon de la manivelle est perpendiculaire à la direction de l’axe de la bielle. 11 en résulte que la pression maxima
- s’exerce au moment où la manivelle possède la plus grande vitesse, ce qui est une condition favorable;
- 3° L'emploi du balancier et des deux bielles parallèles, l’une commandée par le piston, l’autre agissant snr la manivelle, réduit les dimensions et le poids du moteur qui devient ainsi très compact et d’une installation d’autant plus facile.
- Le système de distribution se compose d’un tiroir à plusieurs orifices commandé par une came D contre laquelle il reste toujours pressé par l’action des ressorts à boudin.
- Des lumières convenablement distribuées assurent l’introduction du gaz et de l’air ainsi que l’allumage par un petit bec veilleur. L’évacuation des produits de la combustion pendant le retour du piston s’effectue par une soupape que vient soulever une came spéciale E.
- Le refroidissement s’effectue à l’aide d’une circulation d’eau dans une double enveloppe : c’est du reste toujours la même eau qui est employée à cet usage, en ayant soin de l’amener dans un réservoir où elle se refroidit ; une capacité de 200 litres est suffisante pour les moteurs au-dessous de un tiers de cheval-vapeur.
- Ce refroidissement par circulation d’eau est, surtout pour des moteurs de petite puissance, une complication habilement supprimée dans les moteurs Bishop et Forest pour lesquels le refroidissement est obtenupar l’air ambiant. La consommation de gaz des trois types de 8, 15 et 25 kilogrammètres par seconde est respectivement de 400, 600 et 750 litres à l’heure.
- Les types plus puissants, établis pour fournir jusqu’à quatre chevaux-vapeur ne diffèrent des petits moteurs que par des dispositions de détail. Le cylindre est placé au milieu du bâti et l’arbre est coudé au lieu d’employer une manivelle en porte-à-faux, comme dans le modèle représenté ci-dessus. La dépense en gaz est de 1400 litres par cheval-heure pour les moteurs de un cheval et 1200 litres environ par cheval-heure pour celui de quatre chevaux.
- Ce moteur est spécialement appliqué par des couteliers, charcutiers, épiciers, boulangers, imprimeurs, pâtissiers, etc., en un mot par un certain nombre d’industriels qui utilisent de faibles forces motrices
- Moteur à gaz système Bénier,
- p.189 - vue 193/432
-
-
-
- 190
- LA NAT LUE.
- d’une façon intermittente, et tiennent surtout à avoir sous la main un appareil simple, peu délicat et toujours prêt à fonctionner.
- LES TEMPS PRÉHISTORIQUES
- AU NICARAGUA
- Dans La Nature du 12 décembre 1885, M. le marquis de Nadaillac, après avoir décrit les documents paléontologiques de l’état de Nevada, en Amérique, cite, comme pouvant appuyer l’hypothèse de l’homme pliocène, des découvertes récentes faites au Nicaragua. L’auteur ajoute d’ailleurs que les renseignements qu’il a pu obtenir sur ces dernières sont encore fort incomplets et ne permettent aucune conclusion.
- Or, c’est moi qui ai constaté les empreintes dont
- Tuf constituant une pierre tré3 tendre.
- Tuf, pierre plus compacte
- Tuf terreux noir... Tuf terreux jaune
- Tuf terreux ii
- Tuf pierre tendre
- Cendres
- Tuf pierre tendre. Tuf pierre tendra Tuf sableux
- Coupe de la carrière au Managua, au Nicaragua.
- il s’agit; elles ont été mises à jour dans une carrière située au bord du lac de Managua (Voy. la carte de La Nature du 26 décembre), près de la ville du même nom, à environ 200 mètres du bâtiment de l’Ecole des Arts et Métiers, où j’habitais alors. Le propriétaire de la carrière ayant raconté le fait à ses amis, l’un d’eux, M. Low, commerçant établi dans le pays depuis plusieurs années, vint me rejoindre au lieu cité. Sur mon conseil, le gouvernement ordonna le transport de ces pierres au Palacio Nacio-nal; mais, à cette époque, je dus m’absenter, et quand, dans la suite, je voulus les revoir, on ne put me les retrouver.
- Il n’y a guère de doutes â émettre sur l’origine de ces empreintes : ce sont bien des pieds d’hommes qui ont laissé l'a la trace de leur passage; leur forme et leurs dimensions sont celles d’un pied d’Indien et n’offrent rien d’anormal, rien qui rappelle les empreintes gigantesques de Carson (Nevada); la longueur du pas est de 40 à 45 centi-
- mètres. Quant à la profondeur tle l’impression, elle atteint à peine 8 à 10 millimètres.
- L’âge ne peut en être fixé; rien ne prouve cependant qu’il soit antérieur à la période actuelle; les formations qui les portent sont, en effet, de celles qu’on voit encore s’édifier de nos jours; elles se composent d’un tuf ponceux plus ou moins ténu, plus ou moins argileux, et de cendres : ce sont là les. produits les plus ordinaires des volcans du Nicaragua. Dans la carrière de Managua, les dépôts ont la disposition indiquée par la figure ci-contre.
- Ainsi, les matières ponceuses vomies par les cratères environnants se sont étendues sur le pays en nappes immenses; soumises a l’action des grandes pluies qui accompagnaient sans doute l’orage volcanique, leurs éléments, de faibles dimensions, se sont peu à peu désagrégés, se sont agglutinés, et, en se desséchant, ont pris une consistance plus ou moins forte. C’est pendant une période d’accalmie de l’activité plutonique, que les habitants des régions voisines se sont hasardés sur ce sol nouveau encore humide et y ont laissé la trace de leurs pas; ils en ont été vite chassés par un déluge de cendres brûlantes qui, s’étendant sur la couche tout entière comme un manteau protecteur, ont rempli les empreintes et les ont conservées intactes à travers les siècles. L’aspect poreux des éléments de celte cendre montre que le sol sur lequel elle est tombée était encore loin d’être sec.
- Les éruptions se sontévidemmentsuccédé à des intervalles fort rapprochés, sinon la végétation s’y serait promptementdéveloppée, et, aveesesrestes, on trouverait aujourd’hui ceux d’animaux. Or, il n’en est rien.
- Y a-t-il longtemps que cette phase de l’activité des volcans s’est produite? D’après des fossiles trouvés ailleurs dans des tufs ponccux analogues, on sait que son commencement date au moins du quaternaire inférieur ; mais elle s!est continuée tout en perdant peu à peu de son intensité, et l’on peut même dire qu’elle dure encore. En maints endroits la terre arable n’a pas eu le temps de se former; en certaines localités, le sol est composé d’un tuf noir où la végétation est presque nulle ; en d’autres points, de fines scories affleurent le sol cultivé; enfin, c’est de nos jours, en 1835, que le Cosegüina a couvert de cendres toute la République.
- Quant à l’épaisseur de sol qui recouvre ces empreintes, elle n’est pas, à beaucoup près, aussi considérable que celle indiquée, d’après M. Low, par M. de Nadaillac ; elle atteint, non pas 11 mètres, mais à peine 3m,40, et, toute chargée d’incertitude que soit la chronologie ethnologique déduite de l’épaisseur des couches de stratification, il faut cependant en tenir compte.
- En somme, on ne doit pas attacher une importance trop grande à cette découverte ; de nouvelles observations sont nécessaires, et, avec M. de Nadaillac, « nous attendrons des faits mieux justifiés, avant d’accepter l’homme préhistorique du Nicaj ragua. » Marcel Blanchard.
- p.190 - vue 194/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 191
- CHRONIQUE
- lünipoisoiincuicnt par les moules. — Le 17 octobre dernier, un certain nombre d’ouvriers de Wil-helmshaven cueillaient sur des véhicules qui avaient été immergés dans la mer, des moules (Mylilus edulis)\ ces moules étaient attachées sur du bois et non sur du cuivre. Ceux qui en mangèrent tombèrent presque tous malades; on constata dix-neuf cas d’empoisonnement, dont quatre mortels. M. Sehmidtmann observa avec soin les symptômes de l’intoxication; ils consistèrent essentiellement en : sensation de eonstriction à la gorge, fourmillements dans les membres, légère excitation psychique, pouls dur à 80-90, pas d'élévation de la température, dilatation des pupilles qui ne réagissent plus à la lumière, sans que la vision souffre, parole difficile, sensation de lourdeur et de raideur des jambes, nausées, vomissements, sensation de froid aux jambes, puis de tout le corps, légère anxiété, sueurs abondantes, puis sommeil tranquille. D’après ses expériences, M. Sehmidtmann a cru pouvoir conclure qu’il s’agit d’une paralysie du centre moteur. Dans une autopsie on trouva le cœur vide, affaissé sur lui-même, les poumons congestionnés, le sang réagissait d’une manière particulière au contact de l’air; la muqueuse intestinale était le siège de lésions inflammatoires, la rate très tuméfiée; le foie renfermait des infarctus hémorragiques; ailleurs encore des lésions congestives. M. Sehmidtmann envoya à M. Virchow, auteur de cette communication, des moules d’iau saumâtre comme celles qui avaient été mangées et des moules d’eau de mer ; il y avait des différences de coloration de la coquille et de la chair. M. Virchow lit sur les animaux des expériences qui concordèrent avec celles de M. Sehmidtmann; le poison pouvant être extrait par l’alcool est évidemment de nature chimique; ce n’est pas une ptoinaïne, car les moules étaient fraîches. 11 est probable que ce poison se rapproche de ceux des poissons qui, d’après Schreiber, sont de deux sortes : l’un qu’on observe dans les poissons frais, l’autre dans les poissons conservés et qui est probablement une ptoinaïne. M. Salkowski, qui a fait des expériences avec les mêmes moules, trouve que l’action de leur principe toxique rappelle celle du curare.
- L’âge du cuivre. — On vient de découvrir, près de Blois, une petite hache en cuivre pur ; il y a quelques années, on en avait découvert une autre. Ces trouvailles sont à noter parce que, jusqu’à présent, on avait admis que, dans ces régions, l’àge de bronze avait succédé immédiatement à l’àge de pierre.
- ——
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 15 février 1886. — Présidence de M. l’amiral
- JüRlEN DE LA GrAVIÈRE.
- M. Jamin. — L’Académie a levé, en signe de deuil, sa séance ouverte seulement à 4 heures. Elle venait d’assister aux obsèques de son secrétaire perpétuel pour les sciences physiques, M. Jules-Célestin Jamin. Né à Ternes (Ardennes), le 50 août 1818, M. Jamin, à sa sortie de l’Ecole normale supérieure, fut professeur au collège Bourbon (aujourd’hui lycée Condorcet), puis à l’Ecole polytechnique. A la mort de Despretz, en 1865, il obtint la chaire de physique de la Faculté des sciences et rem-
- porta un grand succès dans ^.t enseignement, grâce à la lucidité extrême de ses démonstrations. Quand M. Duruy, alors ministre, fonda les conférences publiques de la Sorbonne, ce fut à M. Jamin qu’il en confia l’inauguration : ce fut un véritable événement qui souleva l’enthousiasme de la foule. La section de physique de l’Académie des sciences ayant, en 1868, à remplacer Douillet, ce fut M. Jamin qu’elle choisit; en 1884, il la quitta pour monter au fauteuil de secrétaire perpétuel laissé vacant par Dumas.
- Les travaux de M. Jamin concernent des branches fort diverses de la physique; c’est l’optique qui l’occupa d’abord et il a publié de très belles applications des interférences à la mesure des indices de réfraction des gaz ; à la mesure de l’indice de réfraction de l’eau ’a différentes pressions; à la mesure de l’indice de la réfraction de la vapeur d’eau. Plus tard il a découvert une série de faits très intéressants dans le domaine de la capillarité. La Nature a décrit des aimants qu’il prépara par des procédés nouveaux et qui sont remarquables par leur puissance. Enfin on sait qu’il a apporté des modifications sensibles au système d’éclairage électrique de M. Jablochkoff. C’est sur l’hygromètre qu’il a porté les derniers efforts de son activité.
- Varia. — Avant de se former en comité secret, l’Académie entend simplement la liste, sans détail, de quelques-unes des pièces de la correspondance. Nous mentionnerons : un mémoire de M. Laffitte intitulé : Défense de la vigne par la destruction de l'œuf d'hiver du phylloxéra ; — une note sur l’emploi de l’acide sulfureux contre le mildew ; — des recherches de M. Renard sur P électrolyte des sels; — enfin des remarques de M. Léopold Hugo sur des constructions géométriques relatives au nombre 10, et un travail de M. Picard sur les périodes des intégrales doubles. Stanislas Meunier.
- LE PAPIER ET LES INDUSTRIES
- QUI S Y RATTACHENT
- La formidable consommation de papier qui s’est laite depuis quelque temps donne un nouvel intérêt à une communication de M. de Boutarel faite sur tout ce qui se rattache à la fabrication et au commerce du papier. M. de Boutarel commence, dans son Mémoire, par passer en revue l’outillage des travaux manuscrits de la papeterie et de l’imprimerie. La production générale des plumes, des crayons, des caractères d’imprimerie, des planches héliographiques varie beaucoup selon les différents peuples. Si l’on prend l’ensemble de ce que fournissent les grands appareils d’élaboration, les résultats auxquels on arrive sont fort curieux.
- Les plumes métalliques atteignent dans le monde entier à une production dont la valeur est à peu près de vingt millions de francs; il en est de même pour les caractères d’imprimerie. La quantité de crayons produits annuellement doit s’élever, d’après des calculs approximatifs, à deux cents millions de pièces. Une seule maison parisienne grave chaque année plus de 50 000 dessins héliographiques. Or, comme il y a trente maisons ’a Paris dans cette industrie, il est permis d’évaluer la production totale à 900 000 planches. Si l’activité est la même en Angleterre, en Allemagne et aux Etats-Unis, le total des clichés livrés au commerce doit dépasser trois millions.
- Les renseignements positifs sur la production asiatique
- p.191 - vue 195/432
-
-
-
- 192
- LA NATURE.
- nous font defaut; mais, pour s’en tenir aux documents qui offrent des bases authentiques, on est fondé à croire que l’outillage de la papeterie, en y comprenant les constructions qui l’abritent, doit s’élever à un milliard de capital dans le monde entier, somme à laquelle il faut joindre un fonds de roulement presque égal. Avec la puissance du matériel typographique, des appareils de fabrication appliqués aux matières premières, la production du papier a augmenté dans des proportions très considérables. Insignifiante aux Etats-Unis au commencement de ce siècle, elle dépassait déjà 500 000 tonnes en 1863. La papeterie européenne produit un million de tonnes par an.
- Un si rapide accroissement de la consommation a mis la fabrication à une rude épreuve. La matière première a failli se trouver insuffisante. En effet, bien que la population ait augmenté et que le bien-être se soit relativement développé, la production des chiffons ne peut guère dépasser 800 000 tonnes par an. Il a donc fallu recourir au vieux papier, à la paille, au bois, et enfin, pour les produits de qualité supérieure, à un végétal que l’Algérie fournit heureusement en abondance, l’alfa.
- On emploie en Europe et en Amé-ri que pour 500 millions de francs environ de ces différentes matières premières. Dans cette somme, il convient d’attribuer 350 millions aux chiffons, 20 millions à la paille et au bois, 100 millions à l’alfa et au vieux papier. A ces évaluations, il faut ajouter le prix du combustible et des produits chimiques employés pour la fabrication. On arrive donc à un milliard de francs, représenté par 1 500 000 tonnes de papier.
- 1 200 000 tonnes servent pour le papier à écrire. Avec l’encre qu’il nécessite, elles atteignent une valeur de 160 millions de francs. La librairie réclame 80 000 tonnes. Les journaux et revues en dépensent 500 000 ; enfin il en faut 120 000 pour le commerce, les administrations particulières et publiques.
- Ce n’est pas tout : la pâte à papier sert encore à beaucoup d’autres usages. M. de Boutarel ajoute donc à son énumération les mentions suivantes : 60 000 tonnes de carton pour le cartonnage et la reliure ; 60 000 tonnes de papier de tenture, dont la seconde élaboration, triple ou quadruple la valeur et constitue une industrie d’un produit annuel de 20 millions ; 60 000 tonnes de papier buvard, de papier de soie et de papier à filtrer; 70 000 tonnes de papier d’emballage. Ces différentes espèces brutes et ouvrées représentent une valeur de 600 millions de francs qui, jointe à celle du papier à écrire et des produits de seconde élaboration, fait un total de 2 milliards 500 millions de francs,' auquel on
- peut encore ajouter 1500 millions pour le travail des industries de transport et du commerce de détail. En supposant que les memes faits se produisent seulement pour moitié en Asie, il en résulte que l’industrie humaine tire chaque année de la paille, des copeaux et des chiffons une valeur de six milliards.
- LA SCIENCE PRATIQUE
- PORTE ABAT-JOUR A ROTATION SPHÉRIQUE
- Quand une lampe est munie d’un abat-jour ordinaire, on est contraint de retirer l’abat-jour, dans le cas où l’on veut éclairer une partie de la pièce, autre que la surlace de la table sur laquelle la lampe est placée. M. Bara, ingénieur, a récemment imaginé un système très pratique qui permet d’incliner l’abat-
- jour, dans une direction quelconque, comme le montre notre figure. Le porte abat-jour à rotation sphérique est d’un emploi très commode et nous le recommandons à nos lecteurs. Ce petit appareil, intéressant en lui-même, n’est pas moins curieux par le mode de fabrication spéciale qu’il a nécessité. Il n’était pas facile d’obtenir la pièce à surface sphérique du porte abat-jour; voici comment elle est confectionnée par le constructeur, M.E. Lieux, estampeur. Un cylindre métallique mince est placé dans un moule d’acier de la forme sphériqne voulue; un bouchon de caoutchouc est introduit dans le cylindre de métal qu’il remplit; cela fait, ce bouchon élastique est fortement comprimé au moyen d’un balancier analogue à ceux dont on se sert à frapper les monnaies ; il agit par écrasement sur le cylindre métallique, et lui fait prendre la forme sphérique du moule d’acier. Les autres pièces du porte abat-jour sont confectionnées par les procédés ordinaires ; notre figure en fait suffisamment comprendre les dispositions et le montage, pour qu’il ne soit pas nécessaire d’insister plus longuement sur cet utile perfectionnement d’un petit matériel de la vie domestique. Dr Z...
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Porte abat-jour à rotation sphérique. — A gaucho, détail du porte abat-jour; à droite, mode d'emploi.
- Imprimerie A. Lal u'e, 9, rue de Fieurus, à Pans.
- p.192 - vue 196/432
-
-
-
- N* GG5. - 27 FÉVRIER 188G.
- LA NATURE.
- 193
- J. JAMIN
- La science française, déjà si cruellement éprouvée par la mort successive et récente de quelques-uns de ses plus éminents représentants, tels que les Dumas, les Wurtz, les l)u Moncel, les Bourdon, les Dupuy de Lomé, les Serret, les Eugène Rolland, les Desains, les Tresca, les Milne Edwards et les Robin, vient encore de perdre un de ses physiciens les plus distingués, un de ses maîtres les plus éloquents, en la personne de M. J. Jamin, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences.
- Les obsèques de Jamin ont eu lieu le lundi 15 février, au milieu de la grande affluence de ses collègues, de ses élèves, de ses amis et de ses admirateurs ; plusieurs discours ont été prononcés sur sa tombe, au nom de l’Académie des sciences, de la Faculté des sciences, de l’Ecole polytechnique, etc.
- Nous emprunterons à l’allocution de M. Troost, de l’Institut, les principaux passages qui résument les événements de la vie si bien remplie du professeur et du physicien.
- Jules Jamin est né le 31 mai 1818 au village de Termes dans les Ardennes ; il était fds d’Antoine-Pierre Jamin, qui, engagé volontaire en 1795, nommé capitaine et décoré sur le champ de bataille de Friedland, avait, après 1815, donné sa démission de colonel de dragons, et s’était retiré dans son pays natal. Jamin fut d’abord élève dans une petite pension de la ville de Vouziers, et, comme on lui trouvait d’heureuses dispositions, son père se décida, non sans quelque appréhension sur le résultat, à l’envoyer au collège de Reims. Il fut bientôt rassuré : à la fin de la première année, Jamin avait remporté neuf prix. Il put dès lors continuer ses études, qui, en 1838, furent couronnées par le prix d’honneur des Sciences, dans un concours général entre les collèges de Paris et des départements.
- Au mois d’octobre de la même année, l’élève du collège de Reims était reçu le premier à l’Ecole normale supérieure, et, trois ans après, en 1841, il en sortait premier agrégé des sciences physiques.
- Il fut alors envoyé au collège de Caen, où il succéda à Desains qu’il devait retrouver plus tard comme collègue à la Sorbonne, et auquel il ne devait survivre que quelques mois. Au bout de deux ans, le baron Thénard, qui con-lic aaoée. — lor semestre
- naissait bien le personnel des sciences physiquesSrfr-wr avait la haute direction, le rappela à Paris et lui confia la suppléance d’un cours de physique au collège Bourbon (depuis lycée Condorcet.) L’année suivante, en 1844, il devenait professeur au collège Louis-le-Grand, y continuait des travaux commencés àCaen, et se faisait recevoir, en 1847, docteur ès sciences' physiques, avec une thèse devenue classique, sur la réflexion de la lumière à la surface des métaux.
- La précision, l’élégance et la solidité de son enseigne ment, la valeur de ses travaux scientifiques, tout le désignait pour une chaire de l’enseignement supérieur; aussi, dès 1852, il était nommé professeur de physique à l’Ecole polytechnique; il y fit son cours avec succès pendant vingt-neuf ans, c’est-à-dire jusqu’au mois de mars 1881,
- où il donna sa démission.
- En 1863, il avait été appelé, comme professeur, à la Faculté des sciences, où jusqu’au dernier jour, il attira un nombreux auditoire avide de l’entendre. C’est dans ces deux chaires de la Sorbonne et de l’Ecole polytechnique qu'il déploya son admirable talent d’exposition, son incomparable habileté à simplifier les questions les plus ardues, à traduire, par des dispositifs d’appareils propres à frapper les regards, la solution de bien des problèmes difficiles. Le charme de sa parole achevait de convaincre, et les plus ignorants étaient étonnés et ravis d’avoir si bien compris...
- Les qualités que Jamin déployait dans ses leçons orales se retrouvent dans le Traité général de Physique, qui reproduit son cours de l’Ecole polytechnique, et où les maîtres aussi bien que les élèves trouvent le tableau exact de l’état actuel de la science. Il a su, en s’adjoignant un habile collaborateur, le maintenir constamment au courant des progrès accomplis...
- Jamin n’était pas seulement physicien; son esprit était ouvert à toutes les manifestations de l’intelligence. A l’Ecole normale, en préparant son agrégation de physique, il avait trouvé le temps de passer sa licence ès sciences naturelles. A Caen, il allait le dimanche, avec ses élèves, faire des excursions de botanique et de géologie. Mais c’est seulement à son retour à Paris que sa puissante nature, son esprit élevé, ses goûts distingués, purent se développer à l’aise, et que sa belle intelligence put prendre un libre essor. Il fut, d’ailleurs, favorisé par les circonstances. Il s’est toujours rappelé avec bonheur comment à l’âge de 25 ans, il se trouva tout à coup enveloppé, pour ainsi dire, dans un milieu particulièrement intelligent et éclairé. Il prenait ses repas dans une pension de la rue de l’Estrapade avec plusieurs de ses collègues qui ont laissé
- 13
- J. Jamin, secrétaire perpétuel (le l’Académie des sciences, né dans les Ardennes, le 51 mai 1818, mort à Paris, le 12 février 1885. (D’après une photographie do M. Truchelut.)
- p.193 - vue 197/432
-
-
-
- 194
- LA NATURE.
- un nom dans la science ou dans l’Université : avec Lefebvre, l’éminent professeur du collège Rollin, avec Saisset, Barni, Suchet, de La Provostaye, avec Faurie, qui souvent y amenait son ami Sturm. Le dîner était suivi de longues causeries, de dissertations sur les sciences, sur la philosophie, la musique, les beaux-arts. Jamin y prenait une part très active, car il était merveilleusement doué pour tout comprendre. Il aimait la musique, il était peintre. Habitué à se lever de grand matin, il dessinait, il peignait, et, le dimanche, il allait, avec un de ses collègues, étudier au Louvre les œuvres des maîtres.
- Il fit le portrait fort réussi de Lefebvre ; sa famille conserve plusieurs de scs toiles, et l’église de Termes possède un tableau de sa composition.... Mais les arts et la littérature n’occupent que ses heures de loisirs ; il produit en même temps les plus importants de ses travaux scientifiques, travaux qui devaient, en 1868, ie faire entrer à l’Académie des sciences.
- Dans ces recherches, il a embrassé les sujets les plus variés. En dehors de ses travaux d’optique, de magnétisme et d’électricité, qui demeurent ses plus beaux titres de gloire, ses études sur la compressibilité des liquides, sur la capillarité, l’hygrométrie, les chaleurs spécifiques, le point critique des gaz, etc., attestent l’originalité et la souplesse de son génie. Pour lui, enseigner était inventer, et, comme il était professeur dans l’âme, les sujets s’offraient à lui en foule et le trouvaient toujours prêt.
- Par leur ordre historique et leur enchaînement, ses Mémoires offrent le tableau des progrès de la physique en France depuis le milieu du siècle jusqu’à nos jours. Élève et admirateur de Cauchy, c’est par des travaux d’optique expérimentale que Jamin a débuté, et c’est aussi à l’optique qu’il est revenu le plus fréquemment avec une prédilection marquée.
- 11 s’applique tout d’abord à imaginer des méthodes de mesure assez délicates pour contrôler les résultats analytiques de Cauchy, et son premier Mémoire est sa belle étude de la réflexion de la lumière à la surface des métaux. H cherche et découvre ensuite la polarisation elliptique de la lumière réfléchie par les substances vitreuses au voisinage de l’angle de la polarisation, prévue par la théorie de Cauchy, et découvre du même coup la polarisation elliptique négative de la fluorine, que personne n’avait soupçonnée. 11 publie un grand Mémoire sur les anneaux colorés; il invente un appareil d’interféfénees utilisant la lumière réfléchie sur les faces opposées de plaques épaisses transparentes, et en fait les plus belles et les plus ingénieuses applications.
- Lorsque en 1868, M. Duruy, alors Ministre de l’instruction publique, fonda l’École pratique des Hautes Études et dota les laboratoires de recherches, Jamin profita des puissants moyens mis à sa disposition. Les progrès si rapides, si imprévus de la science électrique, s’imposaient à l’attention générale, ils fournirent un nouvel aliment à son activité. Secondé à la première heure par de jeunes travailleurs encore inexpérimentés, il pense, il agit pour tous, il mène de front dix travaux différents, dont un seul aurait absorbé tous les loisirs, toute la puissance de réflexion d’un chercheur moins infatigable....
- Cruellement frappé par des deuils de famille, il trouvait au milieu des travailleurs, qui réclamaient constamment son aide et ses conseils, un apaisement à son immense douleur. Depuis quelque temps, il semblait surmonter ses chagrins et reprendre une partie de son activité première. Il avait succédé ’a son illustre maître
- M. Dumas, comme secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences; personne n’était plus apte que lui à remplir cette délicate fonction. Il avait remplacé Milne Edwards comme doyen de la Faculté des sciences ; il était à l’apogée de sa réputation.
- J. Jamin pouvait espérer vivre de nombreuses années, et contribuer à travailler encore aux progrès de la science, quand une cruelle maladie triompha de sa constitution pleine de force et de vitalité, et le conduisit au tombeau. Que sa belle existence serve d’exemple à ses élèves, et inspirent ceux qui seront appelés à lui succéder !
- ——
- LES PARFUMS ARTIFICIELS
- DES COXFISEURS ET DES LIQUORISTES
- Depuis plusieurs années, les confiseurs et les liquo-ristes emploient dans la confection de leurs produits, sous la dénomination commerciale de parfums artificiels, des éthers chimiquement constitués par le valérianate amylique, le butyrate amylique, le butyrate éthylique, l’éther propylique, l’alcool caprylique, etc.
- Ils peuvent ainsi communiquer à ces produits l’odeur et la saveur de la pomme, de la poire, de l’ananas, de la fraise et de la framboise. Non seulement ces imitations peuvent rendre inutile l’intervention des fruits correspondants, mais avec beaucoup moins de frais et avec une similitude parfaite, elles donnent des résultats sensoriels plus accentués.
- Cette pratique constitue incontestablement une atteinte à la moralité commerciale, puisqu’il y a fraude sur la provenance. En outre, quoique chaque unité comestible ne se trouve renfermer qu’une quantité négligeable de la substance, il était néanmoins du devoir de l’hygiène de constater expérimentalement même, l’innocuité de la falsification, à plus forte raison si elle peut être dangereuse et dans quelle proportion elle peut l’être. Ces recherches intéressantes ont été entreprises par deux 'savants expérimentateurs, MM. Poincaré et Yallois.
- Les différents parfums artificiels ont été introduits chez divers animaux, tantôt par la voie sous-cutanée, tantôt et beaucoup plus souvent par la voie stomacale. Voici quels ont été les résultats obtenus.
- 1° Il faut une dose assez forte des divers parfums pour produire des phénomènes appréciables, non seulement chez les chiens, mais encore chez les cobayes. En général, leur injection reste sans effet chez le chien, jusqu’à la dose de 5 à 8 et même 12 centimètres cubes, et chez le cobaye, jusqu’à celle de 5 à 6 centimètres cubes.
- 2° Quand la dose nécessaire est atteinte, les symptômes se montrent presque instantanément et ont toutes les apparences d’une haute gravité.
- Après avoir énuméré les effets produits sur les animaux, les expérimentateurs arrivent à la conclusion suivante.
- Sur le terrain de l’hygiène pratique, on peut déclarer : que la quantité de parfum nécessaire pour produire des accidents appréciables est telle qu’on île saurait redouter les effets de la quantité infinitésimale qu’en renferme chaque unité alimentaire1.
- 1 D’après les Annales d'hygiène et le Journal de chimie et de-pharmacie. ^
- p.194 - vue 198/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 195
- LES FUSILS À RÉPÉTITION1
- Nous signalions, il y a un an à peinei, la tendance des puissances européennes à l’adoption d’une arme de guerre à répétition. Depuis lors, cette tendance n’a fait que s’accuser et il convient, en conséquence, de saisir nos lecteurs d’une question dont la solution est partout recherchée avec une ardeur plus que fiévreuse.
- Ce n’est, d’ailleurs, pas d’aujourd’hui que la question se pose. La première arme à répétition qui ait été expérimentée pratiquement —en 1862 —est celle de l’américain Spencer, le compatriote de Samuel Colt, inventeur du revolver. Un détachement d’éclaireurs français en fut muni au cours de la guerre de 1870-1871. On vit ensuite apparaître les systèmes Henry et Henry-Winchester dont Osman-Pacha tira si bon parti lors de la défense de Plewna (1877-1878). Lorsque les Russes arrivaient à 100 mètres des ouvrages de la place, les Turcs faisaient usage de leurs armes à répétition ; le feu devenait, en un instant, si intense, que l’attaque était paralysée bien avant l’épuisement des cartouches emmagasinées dans les carabines de la défense.
- H s’est produit, depuis lors, nombre de types très divers. La Suisse a essayé le mousqueton et le fusil Vetterli; la France, les systèmes Hotchkiss, Krag, Kropatschek. L’Autriche a expérimenté les modèles Früvirth, Spitalsky, Manulicher, Werndl et Valnnsberg ; la Suède, le système Jarmann ; l’Espagne, le type Pieri. 11 s’est, en outre, inventé nombre de procédés originaux parmi lesquels on peut citer les systèmes William-Trabue, Sporer et Hœrl, But-termilch, Schulhof, etc. H s’en produit encore tous les jours. C’est par heures qu’il faut compter, si l’on veut suivre lqg progrès qui s’accomplissent ét se tenir au courant de la question.
- Quel est donc l’intérêt qui s’attache à la solution tant recherchée d’un tel problème?
- L’emploi des armes à répétition a pour effet d’augmenter la rapidité du tir, du fait cl’une diminution du temps consacré à l’opération du chargement. Qr l’expérience des dernières guerres prouve surabondamment que le succès se prononce en faveur du combattant qui sait, au moment décisif, exécuter un feu roulant des plus violents et, ce faisant, couvrir son adversaire d’une grêle de projectiles. Les Allemands professent que l’usage d’une arme à magasin est surtout avantageuse en ce sens qu’elle permet d’exécuter un tir, non invariablement continu, mais intermittent, méthodiquement réglé, rationnellement dirigé et prenant à volonté les proportions d’un ouragan. Ils estiment qu’une armée munie de fusils à répétition aura toujours grande supériorité morale sur une légion de combattants qui n’en seraient point pourvus. En somme, ce qu’on veut aujourd’hui, c’est moins un tir de précision,
- * Voy. n° 69, du 26 septembre 1874, p. 266,
- 2 Voy. n° 607, du 17 janvier 1885.
- exécuté par des hommes adroits et exercés, qu'une pluie torrentielle de balles lancées par des novices ne comptant qu’un temps de service limité et n’ayant, par conséquent, qu’une instruction militaire incomplète. Ce qu’on demande, ce sont des outils faits pour satisfaire aux besoins d’un art mis à la portée de tous; ce qu’on recherche, c’est la quantité substituée à la qualité.
- On a soulevé plus d’une objection sérieuse à l’encontre de l’adoption en principe d’une arme de guerre à répétition; mais, qu’on le veuille ou non, cette arme est celle de l’avenir. On cite, à ce propos, un mot du général allemand de Schellendorf : « 11 en sera, dit-il, du fusil à répétition comme du fusil à aiguille ; après la pi’ochaine guerre, tout le monde en voudra. » L’usage de cette arme s’impose donc à toutes les puissances et, à aucun point de vue, la France ne saurait se désintéresser de la question. Il faut qu’elle prenne part aux études qui se poursuivent avec ardeur.
- Comment s’obtient la répétition, c’est-à-dire le moyen de tirer successivement certain nombre de coups sans avoir à. recharger l’arme? De diverses manières. On peut adopter le type des armes à canons multiples; le système revolver; un mécanisme faisant passer automatiquement les cartouches du magasin dans la chambre ; un autre mécanisme du même genre que le précédent, mais permettant, à volonté, soit le tir continu, soit le tir par coups successifs ; enfin, un chargeur à main ou automatique, appareil accessoire indépendant de l’arme, mais pouvant facilement s’y annexer à volonté.
- Cela posé, quelles sont les conditions à remplir par un bon fusil à répétition? Une arme de ce genre doit être dotée, jusqu’à 600 ou 700 mètres de portée, d’une trajectoire assez tendue pour que la flèche n’en dépasse point en hauteur la taille moyenne de l’homme. Il faut que le mécanisme de répétition soit assez perfectionné pour que, sans désépauler, le tireur puisse faire, à jet continu, emploi de toutes les cartouches enfermées dans le magasin. Le mode de chargement de ce magasin doit être assez ingénieux pour que le soldat puisse le remplir aussi facilement, aussi rapidement qu’il remplace aujourd’hui la cartouche simple rejetée par l’extracteur. En outre, il faut que le mécanisme servant à l’introduction de la cartouche dans la chambre fonctionne correctement, depuis le premier coup jusqu’au dernier, afin que le tir n’ait point d’interruptions à subir ; que le passage du tir par coups successifs au tir roulant rapide, ou réciproquement, s’effectue d’une manière simple; que le magasin puisse, jusqu’au moment décisif, garder intact l’approvisionnement qu’il contient; que le poids de l’arme ne dépasse point la moyenne du poids généralement admis pour les armes portatives; que le centre de gravité Un soit convenablement situé; que l’entretien du mécanisme soit simple et facile; que le prix de revient n’en soit pas trop élevé. Telles sont, sommairement expo-
- p.195 - vue 199/432
-
-
-
- m
- LA NATURE.
- Fig. 1. — Fusil Kropatschek
- A cette classe appar-
- sées, les conditions à remplir. Comment a-t-on essayé d’y satisfaire jusqu’à présent? De bien des manières. Mais, avant d’aller plus loin, il convient de procéder à une classification des tentatives qui se sont produites. Les fusils à répétition actuellement en service, ou soumis à des expériences méthodiques, peuvent se répartir en quatre catégories.
- La première comprend les armes à magasin tubu laire, organisé à l’intérieur dufùt. Placées dans ce tube les unes à la suite des autres, les cartouches arrivent successivement au transmetteur (transférer), d’où elles passent dans la boîte de culasse. Ce type est celui des fusils Henry - Winchester, Vetterli,
- Frühwirtb, Kro-patschek, etc.
- La deuxième catégorie est formée d’armes à magasin tubulaire sans transmetteur. Un mécanisme spécial fait arriver la cartouche directement dans la boîte de culasse tient le fusil Mannlicher.
- Dans la troisième se rangent les armes qui n’ont pas, à proprement parler, de magasin. Là, les cartouches se rangent simplement les unes à côté des autres dans un transmetteur de forme particulière. Le fusil Spitalsky offre un spécimen de ce type.
- La quatrième classe se compose d’armes à magasin tubulaire, ménagé dans la crosse. De là, les cartouches arrivent directement dans la boîte de culasse sans le jeu d’aucun transmetteur. De ce type sont les fusils Spencer,
- Hotchkiss, Evans,
- Schulhof, etc.
- Eu égard aux limites restreintes du cadre de notre étude, nous ne saurions prendre cette classification pour guide. Nous devons, abstraction faite de l’ordre sus-indiqué, nous borner à l’exposé de quelques uns des types les plus intéressants.
- Yoici d’abord le Kropatschek:
- M. le lieutenant-colonel Kropatschek, de l’artillerie autrichienne, s’est proposé d’adapter un mécanisme de répétition très simple au fusil français Gras, modèle 1874f.et cet officier supérieur nous semble avoir atteint son but. Le mécanisme comprend essentiellement (fig. 1) un magasin tubulaire T, muni à l’avant d’un ressort à boudin ; un
- auget A destiné à recevoir la cartouche qui sort du tube, et pouvant tourner autour d’un axe Z, à l’effet d’amener ladite cartouche à hauteur du canon; un arrêt de cartouche C, espèce de levier à ressort, tournant autour d'un axe 0. Point n’est besoin, ce nous semble, d’entrer dans les détails de construction ; le jeu de l’appareil est facile à comprendre.
- Le Kropatschek est œuvre de mérite appréciable. 11 est, en effet, suffisamment simple ; le magasin, Tauget et la chambre renferment ensemble neuf cartouches ; les mécanismes de tir roulant rapide
- et de tir par coups successifs sont tout à fait indépendants. D’autre part, on reproche à l’arme d’être un peu lourde ; au mécanisme, de comporter des pièces un peu délicates et sujettes à s’user du fait d’un frottement répété.
- Passons au Mauser (fig. 2). Le fusil à répé-il s’agit n’est autre chose que le résultat
- Fig. 2
- tition dont
- de la transformation de l'ancien Mauser à un coup. Cependant l’arme à laquelle les Allemands ont adapté le mécanisme que nous allons très sommairement décrire n’est pas identique au modèle 1871, actuellement en service dans leur armée ; elle en diffère du fait de quelques perfectionnements.
- Le magasin (fig. 2) consiste en un canal cylindrique creusé dans le fût, sous le logement du
- canon ; les car-touches enfermées dans ce canal sont chassées d’avant en arrière par un ressort à boudin, armé d’un piston. L’au-get À est mobile autour d’un axe
- fixé à sa boite. Moyennant le jeu combiné d’une targette, d’un levier de targette et d’un ressort d’auget, la cartouche est introduite dans le canon de l’arme. Celle-ci sert, à volonté, de fusil à un coup ou à répétition.
- La Gazette de Cologne nous apprend que le système Mauser a définitivement prévalu en Allemagne et que la transformation des 5 millions de fusils Mauser, actuellement en service ou en magasin, ne nécessiterait guère qu’une dépense de 50 à 60 millions. Nos voisins d’outre-Vosges possèdent un outillage complet spécialement propre à cette transformation de l’ancien Mauser. Ils ont, d’ailleurs,
- Fusil Mauser.
- p.196 - vue 200/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 197
- un autre outillage destiné à la fabrication d’une arme nouvelle, — à fabriquer de toutes pièces. Jaloux de ne point se laisser devancer dans la voie du perfectionnement, ils se mettront à l’œuvre aussitôt qu’une autre puissance européenne aura fait mine d’y entrer.
- Mentionnons à présent le type Evans.
- La plupart des fusils à répétition dont le magasin est établi dans la crosse sont affectés d’un commun inconvénient, celui de ne comporter qu’un nombre restreint de cartouches. M. Evans est parvenu à en enfermer trente-cinq dans la crosse de son arme (figure 3).
- A l’intérieur de cette crosse se trouve, en effet, un arbre à compartiments, mis en mouvement du seul fait du jeu de l’appareil de fermeture. Une bande d’acier hélicoïdale, entourant l’arbre, fait avancer les cartouches jusqu’à ce qu’elles soient arrivées, l’une après l’autre, dans la chambre. Cette arme a été soumise, en Russie, à des expériences qui ont donné des résultats satisfaisants. La marine russe est déjà munie de nombre d’armes de ce système.
- Tous les fusils à répétition sont affectés de ce défaut que, après épuisement des cartouches du magasin, on est, afin de remplir celui-ci, tenu de dépenser un temps relativement considérable, temps durant lequel le tireur demeure sans défense. Pour abréger la durée notable du laps nécessaire à l’introduction successive — et une à une — des cartouches, on a eu l’idée de faire usage de magasins mobiles, de la contenance de 8 à 10 cartouches, et pouvant se remplacer rapidement. Ces magasins ou chargeurs, dont il existe aujourd’hui nombre de modèles, sont de deux espèces distinctes : les uns, simples cartouchières", offrent quelques facilités au tireur ; les autres, dits magasins automatiques, sont organisés de telle sorte que les cartouches viennent d’elles-mêmes prendre place dans la chambre.
- Parmi les appareils du premier genre il convient de citer la cartouchière américaine de la Providence Tool Company. Cette cartouchière consiste en un magasin de bois, foré de huit trous dans chacun
- desquels se loge une cartouche; elle se revêt d’une armature en acier au moyen de laquelle on la fixe au fusil. Chaque tireur porte deux ou trois de ces cartouchières et peut en vider une en moins de dix-huit secondes.
- Le chargeur Kruka est d’un type analogue à celui de la cartouchière ci-dessus mentionnée. M. Kruka, armurier de Prague, est l’inventeur d’une espèce de réservoir qui, pouvant s’adapter à toute espèce de fusil, accroît singulièrement la rapidité du feu. Les cartouches à tirer sont enfermées,
- par groupes de 6 à 10, dans des boites en carton à compartiments. De la main gauche, le tireur maintient une boite contre son fusil et, dès lors, il peut tirer de 6 à 10 coups sans avoir à recharger son arme. En 1877-1878, les Russes qui bloquaient Plewna avaient fait venir 50 000 chargeurs rapides de ce modèle. Depuis lors, M. Kruka a conçu un nouvel appareil offrant l’avantage de pouvoir s’adapter au fusil, sans que le soldat ait besoin de le maintenir en place. Ce modèle a été essayé, en 1879, au camp de Krasnoë-Selo. Toutes les troupes russes armées du fusil Rerdan sont aujourd’hui pourvues de chargeurs Kruka. Une cartouchière russe peut contenir
- quatre de ces appareils.
- Le chargeur à main Former n’est autre chose qu’une cartouchière perfectionnée. Il consiste en une boîte en cuir, dans laquelle sont disposés deux rails inclinés sur lesquels glissent les bourrelets des cartouches. Celles-ci tombent successivement dans une pochette d’où, moyennant un simple coup de main du tireu>-, elles passent dans la chambre.
- Les chargeurs automatiques sont d’un intérêt pratique bien supérieur à celui des cartouchières. Au premier rang de ces appareils accessoires se placent les chargeurs Lœwe, Lee et Former.
- Confectionné en tôle d’acier, le chargeur automatique Lœwe affecte en coupe la forme d’un U majuscule; son poids à vide est de 350 grammes, et de 812 grammes alors qu’il renferme les onze cartouches réglementaires. Il s’adapte à l’arme et s’en détache à volonté. On le place, pour s’en servir, au-
- Fig. i. — Chargeur Lee.
- p.197 - vue 201/432
-
-
-
- m
- LA NATURE.
- dessous de la boîte de culasse et là, il fonctionne automatiquement du fait de la manœuvre de cette culasse. Chaque fois que le cylindre est amené en arrière, une cartouche se présente ; si l’on referme le tonnerre, la cartouche suivante se trouve, par suite de ce mouvement, sur le point d’arriver dans la l*oîte de culasse. Le fonctionnement du mécanisme de répétition n’exige, ainsi qu’on le voit, aucun mouvement spécial. C’est le chargeur Lœwe que les Allemands ont essayé d’adapter à leur fusil Mauser.
- Construit également en tôle d’acier, le chargeur Lee contient cinq cartouches superposées, actionnée^ par un ressort en forme de AV couché (fig. 4). Ce magasin se charge, et se met très facilement en place; un homme exercé, prétend l’inventeur, n’a besoin que de cinq secondes pour accomplir cette opération. Un bon tireur, ajoute-t-il, peut vider quatre magasins en quarante secondes, et tirer par conséquent un coup par chaque intervalle de deux secondes.
- Le chargeur automatique Former — que le tireur porte sur le dos — se compose essentiellement d’une poche en cuir, dans laquelle fonctionne une roue à palettes, et d’un tuyau d’alimentation reliant la poche en cuir au fusil. Un mécanisme très simple, que l’homme peut faire jouer à volonté, provoque les tours de la roue, entre les palettes de laquelle ont été méthodiquement disposées des cartouches. Celles-ci arrivent successivement à l’orifice inférieur du tuyau, d’où elles glissent dans la culasse.
- Ainsi que nous le disions au début de cette étude, toutes les puissances d’Europe et d’Amérique rivalisent aujourd’hui d’activité. Partout l’esprit d’invention fait merveille; partout on fait expériences sur expériences. A ne parler ici que de nos voisins d’outre-Vosges, nous savons que, outre les 2000 Mau-ser actuellement en essai dans divers régiments de l’armée allemande, ils viennent d’expérimenter — à Spandau et à Darmstadt — les fusils Hebler, Garde, William-Trabue, Sporer et Hœrl. Ces armes à répétition ont même été distribuées à des compagnies entières.
- En France, les expériences auxquelles il a été, jusqu’à ce jour, procédé ont été concluantes en faveur de l’adoption des armes à répétition, mais à mécanisme indépendant organisé de telle sorte que le tireur puisse n’avoir recours à l’exécution d’un tir roulant rapide que sur l’ordre précis de ses chefs. Une Commission, formée d’officiers d’artillerie et d'infanterie, a été instituée par le Ministre de la guerre et réunie à Versailles à l’effet d’examiner s’il convient de transformer le fusil Gras, d’y adapter un chargeur, ou de proposer un modèle neuf, à fabriquer de toutes pièces. Cette dernière solution, qui serait évidemment la meilleure de toutes, nous semble difficilement réalisable à raison des complications budgétaires auxquelles elle donnerait lieu. Aucune décision, que nous sachions, n’a encore été prise à cet égard; et, en attendant celle qui doit intervenir, le Ministre de la guerre fait expéri-
- menter concurremment par des bataillons de chasseurs à pied le fusil Vetterli à répétition, le Werndl à répétition et aussi le système proposé par M. Vetterli pour transformer en arme à magasin le fusil Gras, modèle 1874. Cinquante Kropatschek ont, en outre, été essayés à Épinal par le 10e bataillon de chasseurs. Enfin, des fusils de ce modèle ont été mis à la disposition de nos troupes du Tonkin.
- La question de la répétition est encore loin d’être résolue, d’autant plus qu’elle se complique, pour toutes les puissances, de celle d’un changement de calibre. Lieutenant-colonel Hennebert.
- LETTRES D’AMÉRIQUE1
- UTAH ET ARIZONA. --- UN MOIS A KANAB ET SUR Lï
- PLATEAU DE KAÏBAB.— LES INDIENS. — LES (( CANONS ))
- DU COLORADO. — LES MORMONS.
- Les régions du sud de l’Utali, la province des Mormons, et du plateau de Kaïbab, le nord de l’Arizona, sont presque ignorés des Américains. Comment les Européens les connaîtraient-ils? M. Powell, le directeur du Geological Survey de Washington, a fait depuis quinze années de nombreuses explorations dans ce curieux pays. Aidé par M. Thompson et par d’autres géologues, il a dressé des cartes remarquables de ces contrées tout à fait extraordinaires. Grâce à M. Powell et à ses bons conseils, j’ai pu entreprendre ce voyage d’exploration ; je ne saurais trop le remercier ici de sa bienveillance et de son charmant accueil.
- De Sait Lake city, on va en chemin de fer jusqu’à Milford ; de là, avec la voiture de la poste et des chevaux on arrive à Kanab au bout de quatre jours. L’aspect de ce village est sévère. La rivière, presque toujours en partie desséchée, produit cependant à l’époque de la fonte des neiges, de terribles inondations; l’eau enlève tout sur son passage, ses bords sablonneux et la végétation. De grandes roches s’étageant en nombreux gradins (Triassic Escarp-ment) de couleur rouge foncé, l’abritent vers le nord, au sud les ronchos interminables. Des haies de rosiers jaunes ferment les enclos de chaque habitation et des acacias donnent un peu d’ombre aux avenues. L’eau de la rivière Kanab est amenée dans le village par un aqueduc à ciel ouvert, elle permet la culture de quelques maigres légumes et des arbres fruitiers qui alimentent 500 habitants environ. Kanab est le point central des excursions aux grands carions ; nous commençons par celle du mont Trum-bull et la vallée de Toroweap.
- La vie ordinaire du touriste dans les déserts, s’organise à peu près ainsi : Lever à 4 heures du matin ; mon guide Mormon, Nathan Adam, prépare le repas. G’est du saumon conservé, du lard qu’on a acheté à Kanab, puis il faut fabriquer le pain.
- 1 Voy. p. 7, 4i, 82 et 150.
- p.198 - vue 202/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 199
- Nathan le fait trois fois par jour, pour chaque repas. Ce sont des sortes de galettes cuites dans une poêle devant le feu ardent des branches desséchées qu’on trouve presque toujours sur sa route. On se met ensuite à la recherche des chevaux, qui sont depuis la veille au soir mis en liberté à l’heure du campement. Les pauvres bêtes cherchent elles-mêmes leur nourriture pendant la nuit et n’ont souvent à manger que de maigres herbes et point d’eau quelquefois. L’objet principal de la conversation du guide, est de savoir où l’on pourra faire une halte auprès d’une source afin de remplir les gourdes et avoir de l’eau pour les chevaux. Nous avons passé quelquefois la journée sans eau potable ; avec la chaleur ardente qu’il y a dans les sables, l’eau conservée devient chaude, à peine buvable. Le café est alors la grande ressource, mais les pauvres chevaux n’ont rien, ou bien c’est de l’eau croupie dans quelque trou de rocher, restes d'un orage récent, ou de la neige fondue, souvenir de l’hiver. On se repose un moment dans l’après-midi, et, le soir vers sept heures, ce sont les préparatifs pour s’endormir sous les étoiles.
- Les Mormons voyagent ainsi dans T Arizona; cela étonne bien un peu le touriste parisien le premier jour, mais l’originalité du voyage et les splendides paysages rachètent largement toutes les petites misères de cette vie sauvage.
- Notre première étape est Pipe Spring, endroit bien connu des Mormons; c’est l’un des rares endroits où se trouve une source fraîche et d’aimables habitants.
- Nous laissons Pipe Spring pour entrer dans le vrai désert; c’est l’aridité et son aspect désolé. Les chevaux marchent péniblement dans les sables mous et poussiéreux. Le moindre souffle d’air soulève au loin de petits tourbillons de sable et sous les pieds de nos chevaux de nombreuses et brillantes fleurs ornent notre chemin, mais nous sommes au mois de juin, plus tard le soleil aura tout brûlé. Chevauchant toujours, nous rencontrons quelques antilopes et une troupe de chevaux sauvages tout effarouchés de nous voir dans leur domaine.
- A la fin du jour, nous quittons les régions sablonneuses pour approcher du mont Trumbull. De nombreuses scories qui recouvrent la terre attestent les révolutions passées. Ce volcan, éteint aujourd’hui, vomissait des roches brûlantes et inondait les plateaux de l’Uinkaret d’immenses coulées de laves.
- Les siècles ont passé sur tous ces souvenirs des anciens âges. On côtoie longtemps des bancs entiers de roches basaltiques et de scories presque enterrées sous la végétation et brisées par le temps ; puis nous descendons péniblement auprès d’une grandiose coulée de lave relativement plus récente sans doute. La végétation n’a pu encore l’envahir, elle est splendide, effrayante avec son aspect désolé, noire comme l’Erèbe lui-même; elle semble vous montrer le chemin des enfers souvent décrits par les poètes.
- En admirant toutes ces scènes étranges, nous
- sommes bientôt dans la vallée de Toroweap en vue des canons.
- La Nature a. précédemment donné, d’après M. Po-well, la description de cet endroit merveilleux1. Ce sont des précipices effroyables de 6 à 800 mètres de profondeur, au fond duquel on voit le Colorado rouler ses eaux. La couleur rouge des rochers de grès sur lesquels on marche, arrondis, usés par les neiges des hivers, et tout parsemés de fleurs brillantes, d’agaves qui atteignent quelquefois plus de 4 mètres de hauteur et de cèdres rabougris, forment avec les horizons sans limite de murailles bleuâtres, un spectacle vraiment unique au monde.
- Il faut retourner à Kanab après ce premier voyage qui dure sept journées, et préparer la deuxième excursion, plus belle encore.
- Nathan, mon guide, apprend à son retour que les Indiens sur lesquels il comptait et qui campent souvent autour du village, viennent de partir pour aller chasser le daim dans le plateau de Kaïbab. Un Indien seul peut nous mener dans ces forêts vierges sans aucuns sentiers. Sous les grands pins et les épaisseurs du feuillage, il semble que l’Indien ait l’instinct du pigeon voyageur. Un instant, nous désespérons de ce contretemps fâcheux, mais les .Mormons du village nous disent que nous pouvons aller au campement des Indiens situé a une journée de marche de Kanab, à Mangum Spring et que peut-être, s’ils sont encore l'a, nous trouverons à nous entendre avec l’un d’eux, pour avoir le guide nécessaire. Nous partons aussitôt et le soir même heureusement nous arrivons à l’endroit désiré. Les Indiens étaient encore là.
- L’installation de ces pauvres gens est misérable, sept à huit tentes placées dans la clairière de la forêt et en plein soleil; une vingtaine de personnes en tout, femmes et enfants abrités sous des tentes faites de branches d’arbre et à peine couvertes d’une peau de bête ou d’un morceau d’étoffe. A côté d’eux, près de la source, deux cabanes d’Américains qui vivent isolés dans ces lieux pour élever des troupeaux, et moi-même enfin, avec mon guide et nos chevaux, nous formons toute la population bien éphémère de cet endroit sauvage.
- Les Indiens Utes ont une physionomie assez caractéristique. A mon arrivée auprès d’eux, ils sont venus aussitôt pour me voir, poussés par la curiosité, et se sont installés auprès de mon feu. Parmi eux quelques jeunes hommes sont bien faits de leur personne, leurs cheveux noirs, longs comme ceux des femmes, sont nattés par devant. Les tresses sont entremêlées de fils de laine rouge à la manière des anciens Gaulois. Ils ont de beaux yeux généralement, et des dents superbes; les pommettes de leurs joues sont larges et ils ont le teint de couleur des anciens bronzes florentins à reflets dorés. Les Utes sont souvent en haillons et de coupe européenne.
- Nathan savait quelques mots d’indien, cela a suffi
- 1 Yoy. n° 576, du 14 juin 1884, p. 23.
- p.199 - vue 203/432
-
-
-
- 200
- LA NATURE
- Fig. 1. — Sables de grès vert, près de Panguiteh, dans lTtab. D’après nature, par M. Albert Tissandier (22 juin 1885).
- pour la conversation et pour les pourparlers avec ces pauvres gens, puisqu’il fallait un guide de bonne volonté. La soirée n’aurait pu durer bien longtemps, les étoiles brillantes semblaient nous inviter au sommeil et bientôt on se quitta pour aller s’envelopper dans ses couvertures sur les feuilles séchées et l’herbe de la clairière. Le lendemain avant notre départ, j’ai été auprès des Indiens à mon tour pour leur rendre leur visite de la veille et j’ai pu voir les femmes. Elles sont moins bien que les hommes, ces pauvres créatures chargées des travaux pénibles du camp. Leurs cheveux noirs sont beaux cependant, et leurs yeux ont des étincelles étranges lorsqu’ils vous regardent, mais la figure est fanée et flétrie. Usées existence nomade faite de
- Fig. 2. —Carte du Voyage de M. Albert Tissandier dans l’Utah et l’Arizona.
- vieilles peut-être à vingt ans. L’une d’elles portait sur son dos, dans une sorte de hotte en osier, son bébé, dont la figure était peinte d’ocre jaune comme celle de quelques-uns des hommes. Pauvre enfant, quel aspect bizarre il avait ainsi ! Son corps, emmaillotté, était enfoui dans la hotte; la tête, seule visible, est maintenue à la hauteur du front par une sorte de bandelette d’osier; cela évite ainsi les secousses produites par la marche de la mère, mais le bébé est debout et garde forcément cette position; il est donc fort mal k l’aise. L’Indienne s’assoit avec son bébé derrière son dos ou l’accroche aux branches d’un arbre. Un long
- O
- de bonne heure par cette privations, elles sont déjk
- ruban est passé dans la hotte et elle le pose sur son front pour porter le petit être.
- Pendant toute cette visite, Nathan me trouve un
- p.200 - vue 204/432
-
-
-
- p.201 - vue 205/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 202
- guide, c’est John Panichkos; sa figure est peinte, elle est tout entière de jaune d’ocre. Sur les paupières et sous les sourcils, il a du rouge vermillon et deux ronds, fort bien faits de vermillon également, sur les joues. Le cou est orné de deux rangs de perles de verres bleues et blanches. Mon guide est parfait ainsi et nous quittons Mangum Springpour courir encore à travers les forêts.
- Dès le lendemain matin, mon John paraissait fort ennuyé, Nathan m’explique pourquoi; la peinture de la figure de l’Indien est partie et il a oublié d’emporter ses poudres colorées. J’ai bien ri de ce malheur en voyant mon jeune John avec sa figure naturelle ornée de ses dents blanches et de ses yeux superbes.
- Cette seconde excursion a duré treize jours; nous avons vécu dans ces pays abandonnés du Kaïbab. Rien n’est plus grandiose et plus intéressant.
- On ne fait que monter et descendre dans les forêts épaisses; les arbres morts, tombés à terre, forment des obstacles perpétuels. Dans quelques parties des
- Fig. 4. — Une boîte aux lettres dans les déserts de lTtah.
- bois, le feuillage est tellement serré qu’à une dizaine de pas on ne saurait se voir; puis ce sont des régions brûlées par les Indiens. Souvent nous étions forcés de nous faire jour au travers des branches avec nos mains, nos pauvres chevaux exténués; nous-mêmes nous avons eu bien des écorchures et nos habits souvent déchirés.
- En haut d’une montée d’arbres séculaires, l’Indien nous lait signe de regarder au travers du feuillage, et voici qu’un panorama merveilleux se montre à nos yeux. C’est le Scotingat canon. Un entassement féerique de murailles bâties les unes sur les autres formant des amphithéâtres gigantesques, des tours, des forteresses pour les Titans, éclairés par les rayons du soleil couchant, est devant nos yeux; on est saisi d’admiration : c’est la contrée des rêves. Les couleurs étranges des rochers rouges, éclatants de blancheur ou gris d’argent, ne sauraient se décrire; il faut ajouter encore l’immensité du tableau, car ces murailles, ces plateaux fantastiques qui les dominent s’en vont à l’horizon jusqu’à l’infini se perdre dans le bleu du ciel.
- Les autres journées sont de plus en plus intéres-
- santes et nous arrivons au point le plus grandiose, le Sublime Point. On se trouve au plus haut point du plateau de Kaïbab sur une sorte de cap à plus de 2600 mètres au-dessus du niveau de la mer (fig. 5). On découvre de là tout le pays des canons de l’Arizona. A vos pieds, au fond de précipices de près de 2000 mètres de profondeur, ou voit couler le Colorado entre de hautes murailles et se perdre dans des détours fantastiques.
- Le retour de Kanab à Sait Lalce city offre aussi des paysages fort curieux, plus bizarres peut-être que ceux des canons de l’Arizona, s’ils sont moins grandioses, et les couleurs des rochers de grès de l’Utah sont encore plus étonnants.
- Pour arriver à Panguitch il faut suivre, pendant une grande partie du chemin, le lit même de la rivière de Kanab. Les talus naturels qui l’encaissent sont des sables de grès de couleur crème ; par-dessus ces talus nous voyons des monticules couleur orange et couverts en partie de cyprès au feuillage foncé-Viennent ensuite des murailles en grès rose veiné de blanc, enfin à l’horizon les White Clifs, énormes rochers mamelonnés d’une blancheur éblouissante. Nous les côtoyons longtemps, Kanab river est bordé dans cet endroit par un long banc de pierres volcaniques; les White Clifs les dominent. Ils sont de la période glaciaire, on distingue aisément sur ces pierres de grès polies par les siècles, les longues stries formées par les glaces de ces époques ignorées.
- A Panguitch, j’ai pu dessiner un endroit étrange situé dans les montagnes qui entourent la fertile vallée dans laquelle la petite cité est construite. Au milieu de terrains de grès vert, presque vert pomme, se trouve une quantité de rochers de même matière-Us forment de hautes collines dénudées et sans consistance. Les neiges de l’hiver en fondant et les orages tracent mille ruisseaux le long de ces hauts talus et les déforment de toutes manières. Une quantité de pierres en forme de rognons sont souvent restées sur le haut de petites buttes degrés qui s’éboulent peu à peu (fig. 1). On ne saurait visiter de lieux plus bizarres. Cette couleur verte des premiers plans et les murailles roses qu’on voit à l’horizon au milieu des forêts, forment un spectacle absolument invraisemblable.
- Toute cette partie sud de l’Utah est souvent fertile, grâce aux travaux d’irrigation faits par les Mormons; la longue vallée baignée par Sevier river est peuplée de nombreux bestiaux et de chevaux. Ils vivent la en liberté ou sont encore sur les hauts plateaux des montagnes. Quelques familles de Mormons vivent isolées dans ces ranchos sans fin à la manière des anciens peuples pasteurs. C’est l’abandon complet dans ces régions lointaines. Ils ne reçoivent que de rares nouvelles du dehors; point de lettres fréquentes à espérer dans ces prairies. Un facteur passe cependant avec sa voiture primitive, où il y a place encore pour un voyageur. La route est à peine tracée, mais dans un
- p.202 - vue 206/432
-
-
-
- LÀ NATURE.
- . 205
- endroit connu et respecté de tous, il trouve dans les herbes une petite boîte de bois blanc clouée sur un poteau, et peut y déposer une lettre ou un petit paquet. Le pauvre Mormon qui attend une nouvelle descend alors de la montagne pour voir s’il n’y arien pour lui dans cette boîte qui est la Providence de tous (fig.4), et il retourne heureux dans sa pauvre cabane de bois, s’il a trouvé la missive attendue.
- Ces Mormons sont pieux et paraissent avoir une foi vive dans leur bizarre religion. Presque tous d'ailleurs n’ont qu’une femme, mais de nombreux enfants. Ils sont hospitaliers et bons pour les étrangers. Leur fréquentation est agréable; quoique éloignés de la grande civilisation, ils sont instruits et s’intéressent à toutes choses. On ne saurait oublier leur accueil cordial et touchant; ils vous traitent en parent et cherchent à vous obliger autant qu’ils le peuvent. Albert Tissandier.
- — A suivre. —
- ——
- EXPLOSIONS DE POUSSIÈRES
- CHARBONNEUSES
- Dans une des dernières séances de la Société de l'industrie minérale de Saint-Etienne, M. Chansselle a fait une très intéressante communication sur ce sujet. L’honorable ingénieur a rappelé qu’il s’est produit, à la fin de l’année 1885, à la houillère de Mardy (sud du Pays-de-Galles), une violente explosion quia fait un grand nombre de victimes. La Western Mail {Malle de l'Ouest, journal de Cardiff), du 30 décembre 1885, annonce la mort de la 8P victime, et plusieurs autres ouvriers brûlés sont dans un état très inquiétant.
- D’après ce journal, l’opinion générale est que cette explosion a eu pour cause l’inflammation des poussières fines de houille, et non celle du grisou.
- Un examen soigneux et minutieux des travaux de la houillère de Mardy a été fait par une commission composée des ingénieurs les plus habiles et les plus expérimentés des deux vallées de Rhondda, MM. David Evans (des houillères de Ferndale, Bowyngallt et Blaengwawr), Herbert Kirkhouse (houillères de Tylorstown), William Jenkins (houillères de Cwmpark, Bwlfa et Ogwore ’Valley), William Thomas (houillères de Brynawel, Peutre, Gelly, Ty’nybadw et Glyn Mardy), William James et James Thomas.
- Dans la partie ouest des travaux, la commission a reconnu plusieurs éboulements considérables dans les voies du roulage. En s’élevant au-dessus, on apercevait la cloche ainsi formée absolument exempte de grisou. Dans d’autres parties des travaux, il ne fut trouvé que des traces très minimes de gaz.
- Un point a été examiné avec soin, celui qui se compose des galeries aboutissant à la recette intérieure dans toutes les directions. On y avait trouvé 36 cadavres et il paraît avoir été le principal siège de l’explosion. Une étrange découverte y fut faite par la commission. Toute la surface du sol était recouverte d’une couche de suie brune, excessivement fine, recouvrant tous les objets.
- 11 est évident que cette poussière de houille brûlée a joué un rôle très important dans l’œuvre de destruction qui s’est accomplie. Elle était aussi fine que de la farine, et parfaitement exempte de grains, ce qui prouvait que la substance de la poussière de houille avait conti-
- nué de fournir un aliment au feu tant qu’elle avait duré.
- L’auteur de l’article de la Western Mail croit que c’est la première occasion où des ingénieurs des mines ont accordé une attention aussi suivie, après une explosion, à l’aspect des poussières charbonneuses. En Angleterre, c’est possible. Mais nous savons tous combien la chose a été examinée de près en France. En Angleterre, c’est M. Gallowav, ancien inspecteur royal des mines, qui, le premier, a appelé l'attention sur le rôle destructif important des poussières charbonneuses dans les explosions.
- L’opinion delà commission d’ingénieurs que nous avons citée est que l’explosion de Mardy a été causée par la chute sur le sol de la recette intérieure d’une de ces lampes ouvertes, dans lesquelles on brûle de la paraffine, que les Anglais appellent comètes, et qui servent à éclairer les accrochages. L’huile enflammée aura produit une déflagration rapide de la poussière de houille; brûlant comme l’éclair, cette poussière aura produit du carbone incandescent en particules très fines, avec expansion d’air, et par conséquent, une explosion. Il est évident pour tous que la totalité de la fine poussière de la mine a été consumée, et que c’en est le résidu qui recouvre toute la surface sous forme de suie.
- Cette très intéressante découverte, dit l’auteur de l’article, peut avoir une grande importance pour l’avenir de l’exploitation des houillères, car il est certain que, s’il est prouvé que les poussières charbonneuses sont le plus dangereux facteur dans les explosions, les ingénieurs des mines ont quelque chose à faire pour sauvegarder la vie des hommes dont ils ont charge, l’arrosage périodique et obligatoire de toutes les parties des travaux dans les mines de charbons à vapeur. Les ingénieurs de la commission recueillirent une grande quantité de cette suie et l’emportèrent avec eux. .
- M. Chansselle a observé par places de cette suie très légère, non répandue sur le sol, mais pendant en stalactites le long des parois des galeries. Il a ajouté que l’arrosage se fait régulièrement dans beaucoup de mines françaises, au moins l’arrosage du sol des galeries; quanta l’arrosage des parois, il est moins utile et peu durable, et celui des fronts de taille peut être considéré comme impossible. /
- LE CLINOMÈTRE
- Un nouvel appareil pour mesurer l’amplitude des oscillations des navires vient d’être inventé par un colonel de l’armée anglaise. Il remplace efficacement le pendulum d’antique mémoire et peut être comparé à un niveau d’eau courbe. Il a la forme d’un arc de cercle et est monté sur un arc gradué dont le zéro correspond à la position normale, et la bulle d’air contenue dans le tube circulaire ayant une tendance naturelle à se placer au point le plus élevé revient toujours à ce point, sa position comparée aux divisions de l’arc de cercle graduée, ou plutôt lue sur celui-ci, donnant l’angle d’inclinaison du navire. La bulle d'air met cinq secondes à parcourir un arc de 120°, vitesse amplement suffisante pour les besoins de la pratique. Le tube est fermé à un bout et bouché à l’autre au moyen d’un bouchon dont le déplacement longitudinal permet de régler la dimension delà bulled’air. L’avantage de cet appareil sur l’ancien système, c’est que le mouvement du navire n’ayant plus à agir sur des masses, les indications obtenues sont beaucoup plus correctes. Cette disposition est applicable
- au nivellement. J.-A. B.
- --------
- p.203 - vue 207/432
-
-
-
- 204
- LA NATURE.
- FONÇAGE DES PUITS DE MINE
- FAR LA MÉTHODE DE CONGÉLATION DE M. FŒTSCH
- Nous avons signalé déjà dans un numéro précédent, cette méthode de fonçage si originale pour la traversée des terrains aquifères1 ; nous y revenons aujourd’hui pour en donner une description complète d’après l'intéressante notice publiée récemment sur ce sujet dans les Annales des mines par M. Le-breton. Cette méthode consiste, ainsique nous l’avons dit, à solidifier en quelque sorte, en le congelant, une partie du terrain mouvant et aquifère qui occupe la position du puits projeté, de manière à permettre d’y creuser à la main sans avoir d’épuisement important à effectuer. Pour y réussir, on enfonce dans le sol une série de tubes verticaux traversant la couche aquifère et pénétrant même d’une certaine profondeur, 0m,50 à 0™,60, à l’intérieur de la couche solide sous-jacente. Ces tubes, sont disposés de manière à constituer une sorte de polygone enveloppant la section du puits avec des côtés de 0m,50 à 1 mètre de longueur. On les ferme ensui te hermétiquement à l’extrémité inférieure, et on introduit dans chacun d’eux, comme l’indiquent les figures 1 et 2, un tube central plus petit pour amener le liquide réfrigérant. On établit une circulation continue , en dirigeant le liquide dans le tube central, et le faisant remonter ensuite dans l’espace annulaire compris entre les deux tubes. Le liquide s’échauffe dans son trajet aux dépens du terrain ambiant, dont il soustrait le calorique, et, au bout d’un certain temps, pourvu que la différence des températures soit suffisante, il arrive à déterminer la congélation autour de chacun des tubes d’une certaine zone qui s’étend progressivement jusqu’à transformer en une masse de glace la région de terrain avoisinante. On peut alors procéder au fonçage sans craindre les venues d’eau, mais il faut avoir soin évidemment de prévenir la liquéfaction de la glace en maintenant pendant le travail la circulation du courant froid.
- Le liquide employé à cet effet par M. Pcetsch d’Ascherslelen, l’inventeur de la méthode, est une dissolution de chlorure de magnésium, ou quelquefois de chlorure de calcium dont le prix est moindre. %
- 1 Yoy. n° 564,*du 22 mars 1884, p. 270.
- Elle tient 19 pour 100 du premier sel, et présente une densité de 1,17 avec nne chaleur spécifique de 0,9; elle se solidifie dans ces conditions vers —40°. Le liquide est mis en mouvement par une pompe spéciale, située à gauche, à l’orifice du puits dans un batiment représenté en partie dans le haut de la figure 2 ; il est réparti par la grosse conduite extérieure repliée sur le contour du carré formé par les trous, et celle-ci l’amène dans les tubes centraux suivant le parcours indiqué parles flèches. Il remonte par les grands tubes, et arrive àla surface dans le tuyau collecteur intérieur d’où il retourne à la machine à froid pour se dépouiller de la chaleur absorbée dans la traversée du terrain. L’obturation des tubes et des conduites est suffisamment parfaite pour que les pertes du liquide par les fuites soient insignifiantes.
- La machine employée pour faire le froid est celle de M. F. Carré, qui opère, comme on sait, en utilisant l’affinité de l’eau pour l’ammoniaqi;e, elle permet d’obtenir d’ailleurs des températures particulièrement basses de — 25° à —50° qu’on réaliserait difficilement avec les autres types de machines à froid. Nous ne reviendrons pas ici sur la description de cette machine, en raison des détails que nous avons déjà publiés à diverses reprises à ce sujet; on trouvera d’ailleurs dans le numéro cité des Annales des mines une vue complète de l’installation de celte machine à Wusterhau-sen; disons seulement que le rendement moyen atteint environ 20 pour 100. Les tubes sont enfoncés dans le terrain par des trous verticaux forés à travers la couche aquifère, soit au moyen de la pompe à sable, si la faible consistance du sol le permet, soit à la main dans le cas contraire.
- Dans l’installation représentée sur la figure 2, les tubes s’élèvent jusqu’auprès de la surface du sol, mais si la couche aquifère est trop éloignée de l’orifice du puits, on pourra creuser celui-ci en pleine section, jusqu’à la région des eaux et poser ensuite les tubes en leur donnant seulement la longueur suffisante pour traverser cette couche. Il conviendra toutefois de donner au puits dans la partie supérieure une section élargie entourant le polygone des tubes, ou tout au moins de l’agrandir au niveau supérieur de ceux-ci pour bien les reporter en dehors de la section utile du puits.
- Les tubes employés par M. Pœtsch sont des cylin-
- Fig. 1. — Fonçage des puits par la méthode de congélation.
- 1. Vue de la fermeture du fond du tube extérieur. — 2. Figure montrant, par une teinte grise, la zone de terre gelée.
- p.204 - vue 208/432
-
-
-
- LA NATURE
- 205
- (1res en tôle de 4,um a’épaisseur ayant 22 centimètres de diamètre. Ils sont enfoncés dans le trou foré à mesure de l’approfondissement, puis on les ferme hermétiquement à la partie inférieure pour prévenir l’écoulement du liquide réfrigérant. Cette fermeture, qui doit se faire de l’extérieur, s’opère généralement suivant la disposition représentée (fig. 1, n° 1) en introduisant par l’intérieur du tube des bouchons en plomb qui viennent se loger dans un ajustage tronc-conique terminant le tuyau, et on dispose au-dessus trois couches superposées de ciment, de gypse et d’argile qui complètent la fermeture. On introduit ensuite les petits tubes centraux, qui sont percés par le bas, comme l’indique la figure, pour livrer passage au courant.
- L’action réfrigérante du liquide, en chaque point de son parcours à l’intérieur des tubes, dépend essentiellement de la différence de température que la colonne ascendante présente en ce point avec celle du sol ; celle-ci varie d’ailleurs sur toute la longueur des tubes, en raison de l’échange continuel qui s’opère dans deux sens contraires avec le sol ambiant et la colonne descendante du tube central agissant comme réfrigérant. On se rend compte de ce fait par le calcul, et on peut déterminer également les conditions à observer pour réaliser le minimum de température au bas des tubes, ce qui permet d’obtenir en ce point la zone de refroidissement la plus étendue. La région refroidie prend alors l’aspect d’une surface de révolution autour de l’axe du tube dont la méridienne est une courbe logarithmique tendant à se rapprocher du tube à la surface suivant le tracé indiqué (fig. 1, n"2.)On attend toujours pour commencer
- le fonçage que les zones de glace ainsi déterminées autour de chaque tube aient pris une extension suffisante pour se rejoindre et former une barrière continue interceptant toute communication avec les eaux extérieures.
- Dans les premières applications qu’il a faites de sa méthode, M. Pœtsch produisait la congélation complète de toute la région de terrain comprise à l’intérieur
- du polygone des tubes, et il transformait celle-ci en une masse compacte où il opérait le fonçage sans avoir aucun épuisement à effectuer ; mais actuellement, il préfère commencer le fonçage aussitôt qu’il a pu fermer la barrière de glace sans pousser la congélation plus loin. 11 diminue ainsi en effet la durée de la période de congélation , et même celle du fonçage, car cette opérai ion s’exécute dans des conditions beaucoup plus faciles et économiques sur un terrain sans consistance que sur la gLice, et on peut même estimer que l’avancernent est ainsi quadruplé. L’épuisement, limité a la faible quantité d’eau comprise à l’intérieur de la colonne de glace est d’ailleurs très faible et ne gêne pas les travaux. Le fonçage proprement dit ne présente en général aucune difficulté spéciale, résultant de la basse température ; il convient seulement de faire le cuvelage assez rapidement à mesure du fonçage pour éviter de fatiguer la barrière protectrice de glace. Pour ce cuvelage, il est nécessaire d’employer du bois bien sec, car autrement la congélation de l’eau contenue dans les puits ferait éclater le bois humide.
- La méthode Pœtsch a déjà reçu en Allemagne différentes applications qui ont donné des résultats généralement satisfaisants, cl montré tout l’intérêt
- Tig. 2. — Coupe d'un puits l'oueo dans les teriaius aquifères, par la méthode do congélation de M. Pœtsch.
- p.205 - vue 209/432
-
-
-
- 206
- LÀ NATURE.
- qui s’y a Hachait pour la traversée des terrains sans consistance ou ébouleux. Dans l’applicalion la plus récente faite à la mine de Kônigs Wusterhausen près Berlin, l’installation du puits représentée ci-contre, comprenait 16 tubes de 50 mètres de longueur, distants d’un mètre d’axe en axe, posés à Üm,50 en dehors du puits. Celui-ci avait une section rectangulaire de deux mètres de côté sur quatre mètres. La congélation a duré 50 jours, et le bloc de glace obtenu s’est étendu à la surface jusqu’à lm,50 en dehors des tubes. Le volume d’eau envoyé par la pompe dans les tubes atteignait 521 litres par minute, représentant 1 mètre cube par tube et par heure. La dépense résultant de la congélation proprement dite s’est élevée à 750 francs environ par mètre, chiffre auquel il convient d’ajouter les frais de fonçage, 1500 francs environ, ainsi que ceux d’amortissement du matériel, ce qui porte la dépense totale à 2500 francs environ par mètre. Ce chiffre aurait pu être réduit sans doute dans une proportion assez sensible, ainsi que le remarque M. Lebreton dans l’étude citée, car on reconnaît par le calcul qu’on aurait pu augmenter l’écartement des tubes en le portant à lm,50 de manière à en diminuer le nombre, et à éviter toute congélation à l’intérieur de la section du puits. *
- Il faut observer d’ailleurs que les prix ainsi indiqués sont peu différents de ceux qu’entraînerait l’application des méthodes ordinaires dans des terrains de consistance moyenne, et ils deviennent bien plus avantageux que ceux-ci dans les terrains aquifères et ébouleux. La méthode Pœtsch paraît donc particulièrement bien appropriée à la traversée de ces terrains, tant que l'épaisseur de la couche n’est pas trop forte, et il y a lieu de penser qu’elle recevra de nombreuses applications dans l’avenir, non seulement par le fonçage des puits de mine, mais aussi pour les fondations des piles de ponts, par exemple, et même peut-être pour l’exécution de galeries obliques ou horizontales. L. B.
- CHRONIQUE
- Guérison expérimentale de la tuberculose.
- — M. le professeur Yerneuil a récemment publié dans la Gazette hebdomadaire de médecine une lettre qui a vivement attiré l’attention publique, au sujet des recherches à entreprendre pour guérir la tuberculose (phtisie). « Sauver un rabique, dit M. le Dr Verneuil, est un miracle » que M. Pasteur réalise aujourd’hui. Pour la tuberculose, qui cause tant de victimes, on n’a pas encore fait grand’-chose ; pour réussir, « il faut chercher, chercher encore, chercher longtemps, chercher toujours, » c'est-à-dire s’adresser à la méthode expérimentale. A cet effet, il est nécessaire d'avoir des travailleurs, un outillage, une direction et de l’argent. Ce dernier facteur est l’âme de l’organisation ; M. le Dr Yerneuil a pris à notre avis une voie excellente pour arriver au but qu’il poursuit; il s’adresse à l’initiative privée, et ouvre une souscription parmi ses confrères de la Faculté, parmi les savants et les gens du monde. M. le Dr Yerneuil, MM. les DM Bouchard, Brouar-
- del, Charcot, Cornil, Fournier, Grancher, Lannelongue, Potain, Damaschino, ont souscrit chacun pour 500 francs, M. le Dr Lereboullet, rédacteur en chef de la Gazette de médecine, MM. les D" Dieulafov, Reclus, M. G. Masson, ont souscrit chacun pour 100 francs. M. Pasteur a lui-même envoyé sa souscription, ainsi que beaucoup d’autres médecins dont la liste serait trop longue à publier. Il nous suffira de dire que M. G. Masson entre les mains duquel se font les versements a déjà reçu plus de 6000 francs en quatre jours, et que c’est à lui que l’on doit adresser les souscriptions.
- L’étiage des ponts à Paris. — Un de nos lecteurs a remarqué que les indications données par les échelles d’étiage des différents ponts de Paris ne sont pas concordantes, et nous en a demandé la raison. Ce fait s’explique par cette circonstance que l’échelle de chaque pont était établie autrefois en prenant comme point de départ le niveau des basses eaux au moment de la construction du pont. Comme ces ponts ont été bâtis à des époques très différentes, il en résultait nécessairement de grandes différences dans les indications. Pour parer aux inconvénients qui résultent de ces écarts, l’administration a décidé de remplacer ces échelles par une échelle unique qui a pour origine le niveau de la mer. Les ponts récents sont munis d’une semblable échelle qui sera peu à peu appliquée aux ponts anciens.
- Une rivière en feu. — Une rivière d’eau brûlant est un fait assez rare (nous insistons sur l’expression rivière d’eau pour éviter toute confusion avec la rivière de pétrole de Jules Yerne dans Michel Sirogoff.) Il s’est présenté, l’année dernière, sur la Clyde, non loin de Glasgow, des milliers de spectateurs étant attirés par ce curieux spectacle. Des bulles d’air avaient déjà été observées, à la surface de la rivière, sans attirer particulièrement l’attention ; quelques-unes avaient environ üm,50 de circonférence. Un pêcheur ayant jeté enflammée l’allumette avec laquelle il venait d’allumer sa pipe, cet endroit de la rivière s’enflamma et se mit à brûler en émettant une vive lumière. Ce phénomène est attribué à des dégagements de gaz s’échappant, au travers de fissures, des galeries de mines situées au-dessous du lit de la rivière. 11 n’est pas absolument nouveau, plusieurs cas analogues ayant été notés, et entre autres celui de llolms dans la paroisse de Caddcr, du même comté de Lanarkshire en 1829, où un feu qui pouvait être éteint et rallumé à volonté a brûlé à la surface de la rivière pendant plusieurs années, activé par des gaz s’échappant des fissures existant dans des roches calcaires voisines. Des trous creusés à des profondeurs variant entre 140 et 150 mètres, au-dessus de certaines mines de charbons, ont plusieurs fois donné lieu à des émissions abondantes de gaz, lequel, une fois allumé, brûlait pendant plusieurs semaines. J.-A. B.
- Suites d’un incendie. — Un commencement d’incendie qui s’est produit récemment à Boston a eu les conséquences les plus inattendues. Le bâtiment dont il s’agit consistait en un magasin-ou entrepôt contenant une grande quantité de balles de jute. Ce magasin était tellement bourré de marchandises qu’on avait littéralement muré les fenêtres avec les balles; si bien que l’incendie s’étant déclaré, les pompiers ne purent lancer l’eau par les fenêtres et se virent obligés de crever la toiture. Malgré cela, l’incendie fut rapidement étouffé, et les pompiers, afin de l’éteindre plus sûrement, envoyèrent l'eau en très grande abondance. Ce surcroît de précaution eut des conséquences désastreuses, car l’eau gonflant peu à
- p.206 - vue 210/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 207
- peu les balles de jute, celles-ci se dilatèrent tellement que les murailles, ne pouvant pas résister à une pareille poussée, ont été renversées, non sans dommage pour les magasins avoisinants qui ont été fort éprouvés.
- lue locomotive colossale. — La Compagnie de construction de locomotives de Philadelphie connue sous le nom de Baldwin Locomotive Works vient de construire pour le chemin de fer Dom Pedro Segundo, au Brésil, une locomotive à marchandises avant les particularités suivantes, lesquelles peuvent se dispenser de qualifications : poids de la machine et de son tender 112 tonnes; cinq paires de roues de lm,15 de diamètre avec truck à Pavant : poids sur les roues motrices 65 tonnes. Cylindres 0m,56 x 0m,66. Surface de chauffe des tubes 170 mètres carrés.
- lies bêtes fauves en Algérie. — Bans les onze années de 1875 à 1884, il a été tué 202 lions en Algérie pour lesquels le gouvernement a donné 10 000 francs de primes. Bans la même période il a été détruit 1214 panthères, pour lesquelles il a été versé 18 000 francs; puis 10 000 francs pour 1882 hyènes, et 40 000 francs pour 27 000 chacals. — Les grands félins sont à peu près détruits aujourd’hui surtout dans les provinces d’Oran et d’Alger, et le lion du désert ne sera bientôt plus qu’un mythe.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 22 février 1886.— Présidence de M. l’amiral
- JURIEX DE LA GrAVIÈRE.
- Travaux de Vobservatoire de Rio-Janeiro. — Par l’intermédiaire de M. Faye, M. Cruls adresse une série de mémoires astronomiques fort intéressants. Par exemple, les variations de l’étoile récemment apparue dans la nébuleuse d’Andromède sont suivies avec le plus grand soin. Sonjdécroissement a été absolument régulier, depuis le 15 septembre où elle avait l’éclat d’une étoile de 7“ 1 /2 grandeur, jusqu’en décembre où, étant seulement de 10° grandeur, elle a cessé d’être visible dans les instruments employés.
- La comète de Bamar a été observée avec continuité, tant que l’a permis le temps, obscurci pendant des mois entiers par un brouillard sec, dont la nature n’est pas bien connue.
- Enfin la pluie d’étoiles filantes du 27 novembre a donné lieu à des remarques curieuses; elle semble toutefois avoir été beaucoup moins abondante que celle dont l’Europe a eu le beau spectacle.
- Remaniement des constellations. — L’actif directeur de l’observatoire populaire, M. Léon Jaubert, propose de remplacer les constellations en usage, si compliquées et si arbitraires, par une division rationnelle du ciel. Dans les modèles exposés au Trocadéro, l’auteur représente la voûte étoilée par des hémisphères concaves. Ces hémisphères portent, dessinées dans leur concavité, les étoiles simples, doubles, multiples, les principales nébuleuses, la voie lactée ainsi que les coordonnées des ascensions droites et des déclinaisons. L’équateur céleste, l’écliptique et les délimitations des constellations en usage aujourd’hui y sont également figurés. On a indiqué par des traits renforcés et d’une autre teinte l’équateur, les cercles parallèles placés aux 20°, 40e, 60e, 80e degrés tant pour l’hémisphère nord que pour l’hémisphère sud. On a également figuré de la même manière le méridien prin-
- cipal qui passe par les équinoxes, c’est-à-dire aux intersections de l’écliptique et de l’équateur célestes, et qui divise la sphère céleste en deux parties égales. De la môme manière les méridiens coupant l’équateur aux 50°, 60°, 90% 420°, 150°, 180°, 210°, etc.... degrés, ont été renforcés, soit de deux heures en deux heures. Chaque hémisphère se trouve ainsi divisé en 50 régions célestes ou constellations indiquées par des numéros d’ordre en commençant par le pôle nord. Chaque petite calotte polaire comprise entre le 80° et le 90e degré est divisée, par le méridien principal, en deux régions égales.
- L’auteur a en outre essayé de classer les étoiles d’après l’intensité de leur éclat obtenu à l’aide d’un appareil nouveau qu’il se propose de décrire prochainement.
- Physique solaire. — Comme il le fait tous les ans, M. Tacchini résume l’état de la surface solaire et annonce que 1885 a été plus riche en taches que 1884.
- Trombes. — A propos de la discussion pendante entre M. Faye et M. Mascart, M. Lalanne rapporte deux exemples de trombes dans lesquelles il y a évidemment eu aspiration de l’eau. L’une a ravagé le vallon de Bourgogne entre Etretat et Fécamp, recouvrant le sol de très nombreux poissons de mer ; l’autre, observée par le père de M. Dupuy de Lôme, a jeté des poissons sur le pont d’un navire voguant en plein océan.
- Propriétés du fer. — M. Isambert, professeur a la Faculté des seieflfces de Poitiers, a reconnu qu’un mélange d’acide chlorhydrique et d’hvdrogène est sans action sur le fer à la température rouge : plus on chauffe, plus on peut introduire d’acide chlorhydrique dans le mélange. C’est, comme on voit, l’analogue des observations de M. Debray sur la nullité d’action d’un mélange de vapeur d’eau et d’hydrogène sur le protoxyde de fer.
- Polarisation rotatoire magnétique. — M. Cornu décrit une très ingénieuse méthode qui lui a permis de procéder, en commun avec M. Pothier, à la vérification expérimentale de la loi de Yerdet. Il a fait usage d’un électro-airnant très particulier, l'appelant celui de J. Nicklès, et le liquide dont il a fait usage est précisément la dissolution de l’iodure de mercure dans l’iodure de potassium dont M. Thoulet fait un emploi si élégant dans les recherches d’analyse minéralogique.
- Election de candidats. — La mort de M. Tresca ayant laissé vacante, au Conservatoire des arts et métiers, la place de professeur de mécanique appliquée aux arts, l’Académie propose au choix du Ministre une liste de deux candidats compi'enant : en première ligne M. Hirsch et en seconde ligne M. Alfred Tresca.
- Roche nouvelle. — Au cours d’une récente exploration du royaume de Choa, M. Aubry a recueilli, sur les rives du Nil bleu, une roche constituant des plans et des nappes associés au terrain jurassique. L’examen lithologique montre qu’il s’agit d’un type non représenté en Europe et qui a cependant quelques analogies avec nos phonolithes.
- Varia. — M. Bichat (de Strasbourg) s'occupe du dédoublement des composés optiquement inactifs par compensation. — D’après M. Lacroix, les roches éruptives du Nord de l’Irlande sont intermédiaires entre les basaltes et les granits (?). — M. Grand’Eury émet l’opinion que le nombre des genres et des espèces de végétaux fossiles des terrains houillers devra être considérablement restreint. — Les manganites alealino-terreux occupent M.Rousseau,
- p.207 - vue 211/432
-
-
-
- 208
- LA NATURE
- — M. Filhol pose sa candidature à la place vacante dans la section de zoologie par le décès de M. Milne Edwards.
- — Grâce à l’emploi de procédés particuliers, M. Lecoq de
- Boisbaudrant est parvenu «à préparer la terbine à un état de pureté inconnu jusqu’ici. Stanislas Meunier.
- UNE POMPE A INCENDIE
- AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE
- La Nature a publié précédemment1 le dessin et la description d’une pompe fort originale du seizième siècle. Nous croyons intéressant de compléter ce document en signalant un appareil du même genre, qui peut donner une idée de ce qu’était la mécanique
- au commencement du dix-huitième siècle. La gravure ci-dessous est reproduite d’après l’ouvrage de Salomon de Caus, ingénieur et architecte de Son Altesse palatine, intitulé « les raisons des forces mouvantes » et publié en 1615. Nous donnons le texte original relatif à cet appareil.
- Problesme xx. — Machine fort necessaire par laquelle l'on peut donner grand secours aux maisons qui seroyent enflambees.
- Ceste machine est fort experimentee en Alemaigne et ay veu le grand et prompt secours qu’elle peut aporter, car encores que le feu fut 40 pieds haut, ladite machine y ietlera son eau par le moyen de quatre ou cinq personnes qui hausseront et abaisseront vne longue branche en forme de leuier, ou la branche de la pompe est ata-
- Une pompe à incendie au commencement du dix-septième siècle, d’après Salomon de Caux (1615).
- chée, ladite pompe est facille à entendre, par dedans il y a deux soupapes, vne en bas pour ouurir quand l’on hausse la branche, et en rabaissant elle serre, et vne autre ouure pour laisser sortir l’eau, et au bout de ladite machine, il y aura vn homme, lequel tiendra la pipe de cuiure, la tournant d’vn costé et d’autre, suyuant le lieu ou le feu sera, quand on veut hausser ou abaisser ledit tuyau, se sera par le moyen d’vn autre tuyau ioin-gnant, marqué, et faut que lesdits tuyaux l’vn mouue d’vn costé et d’autre, ’a celle fin que l’on puisse tourner, hausser et baisser ledit bout. Suiuant l’occasion, et d’autant que l’eau qui est recueillie sur la roue est pleine d’ordures, et que facillemenl les soupapes pourroyent estre einpechees de serrer par icelles, pour ceste occasion à la cuue dans quoy l’on verse l’eau, il y aura vne treille au millieu, de trous menus comme vne bien grosse espingle et serois d’advis (veu la grande utilité que ceste machine peut aporter au besoing, et le peu de coust
- d’icelle) qu’a chacune paroisse de ville il y en eut vne, laquelle à vn besoing se peut trainer par trois ou quatre hommes ou le feu pourroit estre, et alors mettant de l’eau dans la cuue, elle est poussée en haut, sans péril d’hommes, n’y atirail d’eschelles, et faut noter, que si les soupapes sont de cuir (comme l’on vse en beaucoup de lieux), alors il sera besoing que ladite cuue soit tousiours plaine d’eau, autrement ledit cuir venant a se secher, ferait manquer la machine au besoing.
- L’ouvrage de Salomon de Caux renferme un grand nombre d’autres descriptions curieuses, en particulier sur les applications de la chaleur solaire, dont on a tant parlé, il y a quelques années.
- A. Stouck,
- Ingénieur des Arts et Manufactures.
- Le propriétaire-g. ranl : G. Tissàndier.
- 1 Voy. u° G28. du 13 juin 1885, p. 32.
- Imprimerie À. La hure, y, rue de Fleurus, à Paris.
- p.208 - vue 212/432
-
-
-
- N* 666. — 6 MARS 1886.
- LA NATURE.
- 209
- LE CENTENAIRE DE FRANÇOIS ARARO
- On a célébré la semaine dernière, le vendredi 26 février, à Perpignan, le centième anniversaire de la naissance de François Arago. Nous croyons devoir
- rappeler brièvement à ce sujet le caractère de l’œuvre prépondérante du grand physicien et du célèbre astronome.
- Nous avons déjà donné la biographie de François Arago, à propos de l’inauguration de sa statue, élevée dans le chef-lieu des Pyrénées-Orientales, aux
- J
- François Arago, d’après le tableau d'Henri Seheller.
- frais d’une souscription publique1. Nous ne reviendrons pas sur ce qui a été dit ici-même, mais nous insisterons sur les causes de la persistance de la popularité qui s’attache à son nom.
- On ne peut pas direqu’Arago ait été, à proprement
- 1 Voy. n° 329, du 20 septembre 1879, p. 245. li* année. — l*r semestre.
- parler, un vulgarisateur, quoique aucun savant n’ait fait autant pour mettre les sciences à la portée du public. Mais on peut affirmer que c’est d’Arago que date la vulgarisation scientifique. En effet, c’est grâce à lui que l’Académie des sciences de Paris a établi la publicité des séances et a créé cet admirable journal qui se nomme les Comptes rendus.
- U
- p.209 - vue 213/432
-
-
-
- 210
- LA NATURE.
- Non seulement Arago avait créé la publicité des séances, mais il ne reculait devant aucune peine, aucun soin, aucune veille, pour rendre cette publicité sérieuse et fructueuse. 11 s’acquittait de ses fonctions de secrétaire perpétuel pour la division des sciences physiques, comme d’une véritable magistrature. Il mettait toute son éloquence, toute son érudition, toute la puissance de sa haute intelligence, au service des savants dont il avait à faire connaître les travaux. Il était un véritable artiste dans le dépouillement de la correspondance. Pour l’apprécier sous ce point de vue, il faut lire les feuilles des Débats, du National ou de la Réforme, où quelques-unes de ses remarques ont été conservées. Les membres de l’ancienne Académie, que la mort n’a pas moissonnés, pourraient donner également d’utiles détails sur ces séances, dont la réputation est à juste titre restée légendaire, et dont le souvenir n’est effacé par rien de ce que nous avons entendu depuis lors.
- Arago avait encore deux autres moyens de se tenir en comminunication avec le public. Tout le monde a nommé Y Annuaire du Bureau des longitudes et les discours annuels des séances solennelles.
- Quoique nous ne puissions examiner le rôle politique d’Arago sans sortir des limites de notre recueil, nous ne pouvons nous empêcher de dire que sa conception des pouvoirs publics se trouve écrite a plusieurs reprises dans la biographie de Carnot, de Bailly, de Condorcet, etc., etc., delà façon la plus nette et la plus explicite. Il est l’adversaire déterminé de la violence, de quelque part qu’elle vienne. L’honneur national, l’intégrité du territoire et la liberté, sont pour lui les biens les plus précieux, et ne sauraient être achetés au prix de trop grands sacrifices. A trois reprises différentes, on le vit affronter les discordes civiles pour arrêter le sang qui coulait dans les rues de Paris.
- Comme orateur politique, il était d’une rare éloquence, et son intervention dans les débats parlementaires était prépondérante. Mais il s’attachait à ne prendre surtout la parole devant la Chambre, que dans les questions d’ordre scientifique. C’est ainsi qu’il aborda la tribune, pour l’établissement des phares, l’amélioration des ports, l’établissement de la télégraphie électrique, les fortifications de Paris, la construction des chemins de fer, les récompenses nationales à accorder aux savants ou les travaux à exécuter à l’Observatoire.
- Comme écrivain, Arago apporta le plus grand soin à ses travaux, et on le vit, à la fin de sa carrière, se consacrer presque complètement à l’édition définitive de ses œuvres.
- Les Notices scientifiques, malgré le peu de prétention de leur titre, étaient de véritables mémoires dans lesquels Arago abordait les questions les plus élevées de la physique et de l’astronomie. 11 avait soin, il est vrai, de les rendre accessibles à tout homme instruit et réfléchi, mais sans jamais
- rien sacrifier de la rigueur de la démonstration. En effet, il était persuadé qu’il n’y avait pas d’idée abstraite qui ne gagnât à être exprimée sous une forme intelligible. Son clair génie avait horreur des complications.
- Quoique complets, les Mémoires n’ont point encore vu le jour à cause de certaines révélations qu’ils renferment.
- La mort n’a pas permis à Arago d’achever la rédaction de Y Astronomie populaire. La fin de l’ouvrage a été composée avec des publications diverses. Il serait à souhaiter,qu’une édition fût faite de ce qui appartient à l’illustre savant.
- Les découvertes personnelles d’Arago sont très nombreuses. Nous ne pouvons les énumérer toutes, mais nous les rangerons sous deux catégories distinctes. Dans la première classe, nous placerons une multitude de recherches ingénieuses, les unes exécutées par Arago, les autres suggérées par lui, et ayant pour but l’étude abstraite de la lumière. Le but principal d’Arago, en les exécutant, était d’établir la réalité de la théorie des ondulations. C’est ainsi qu’il fut conduit à s’occuper de la polarisation, de construire le polariscope, et même le polarimètre. C’est de là qu’est sorti le procédé saccharimétrique basé sur l’observation des teintes colorées, et si fréquemment usité aujourd’hui.
- Dans la seconde catégorie, nous rangerons des recherches dont il est plus facile d’énoncer les résultats et d’apprécier l’importance. Nous citerons en première ligne la découverte de l’électro-aimant en collaboration avec Ampère, et celle du magnétisme de rotation dans laquelle Arago fit preuve d’une pénétration merveilleuse. A côté de ces inventions de premier ordre, il importe de joindre la corrélation des orages magnétiques et des aurores boréales, ainsi que l’observation des protubérances rosacées des éclipses totales. Quoique ces faits fussent connus, ils étaient tombés dans l’oubli ; c’est Arago qui les a remis en honneur.
- Les recherches photométriques ont tout particulièrement occupé Arago. C’est par suite de la persistance avec laquelle il a continué ce genre d’études, qu’il a été menacé de cécité complète, pendant les derniers temps de sa carrière.
- Il n’y a guère de branches de l’astronomie dans laquelle il n’ait apporté quelque hypothèse, ou des arguments nouveaux.
- Un comité de savants et de publicistes s’était constitué à Paris, sous la présidence de M. le contre-amiral Mouchez, pour célébrer aussi dans la capitale la mémoire de François Arago. Une fête devait avoir lieu à l’Observatoire; un grand banquet à l’Hotel de Ville. Le refus de subvention de la part du Conseil Municipal n’a pas permis de mettre à exécution ce projet. Mais le nom d’Arago n’en est pas moins glorieux et retentissant, dans la mémoire de tous ceux qui ont le culte de la science et l’amour de la vérité,
- p.210 - vue 214/432
-
-
-
- LA N AT ü U K.
- ‘211
- LA RAGE
- TRAITEMENT PROPHYLACTIQUE DE M. PASTEUR
- Il y a juste dix ans, Bouley, chargé de rédiger l’article Rage du Dictionnaire encyclopédique, écrivait en tête de son travail les lignes suivantes : « La question de la Rage, vieille de tant de siècles, est toujours nouvelle cependant, car cette maladie reste toujours grosse de toutes ses menaces et tout autant féconde en désastres que dans le passé. » Huit jours avant sa mort, Bouley, surmontant, k force d’énergie, les douleurs et les fatigues causées par l’affection qui devait l’emporter, présidait la séance de l’Académie et avait la suprême satisfaction d’entendre M. Pasteur annoncer qu’on pouvait désormais combattre la rage avec la certitude du succès, grâce aux vaccinations prophylactiques dont il faisait connaître le détail.
- De toutes les maladies qui affligent l’humanité, seule, la rage était restée jusqu’ici réfractaire aux traitements les plus variés, les plus audacieux. La phtisie, le cancer qui entrent pour une si large part dans les tableaux de la mortalité de tous les pays, peuvent être, dans certains cas, trop rares malheureusement, enrayés, guéris même par les moyens thérapeutiques. Tous les médecins vous citeront des exemples de tuberculeux amenés à guérison parfaite, tous les chirurgiens vous donneront des faits probants d’extirpation, suivie de guérison radicale, d’une tumeur carcinomateuse, quand elle est accessible à leurs instruments. Mais la rage! aucun fait de guérison n’a encore pu être rapporté. Aussi comprend-on l’émotion produite par l’annonce de la découverte d’un moyen de prévenir la rage, et a-t-on le droit de dire, avec Bouley, que la date de cette séance de l’Académie restera k jamais mémorable dans l’histoire de la médecine et k jamais glo-, rieuse pour la science française, puisqu’elle est celle d’un des plus grands progrès qui ait jamais été accompli dans l’ordre des choses médicales.
- C’est en 1880 que M. Pasteur entreprit ses premières recherches sur la rage. Un enfant atteint de cette maladie venait mourir dans le service du Dr Lannelongue, k l’hôpital Trousseau. On recueillit de la salive, on isola un élément microbien ; mais ce microbe inconnu jusqu’alors, et qu’on pouvait, a priori, considérer comme l’élément générateur de la maladie ne donnait pas la rage. C’est alors que M. Pasteur, convaincu que le virus n’avait pas pour unique localisation la sécrétion de l’appareil salivaire, eut l’idée de le rechercher dans les centres nerveux. 11 trouvait, et il le montrait par des séries d’inoculations décisives, que le cerveau, le bulbe rachidien, la moelle tout entière, étaient des centres de localisation du virus. Cette découverte l’amenait bientôt à imaginer une méthode d’inoculation qui abrégeait considérablement la période si longue et si variée comme durée, de l’incubation. Si les centres nerveux étaient les foyers principaux de la virulence,
- pourquoi ne chercherait-on pas k inoculer d’emblée la maladie sur le terrain où elle se localise, où le virus se développe et présente son maximum de puissance? Les faits confirmèrent cette hypothèse et l’inoculation directe sous la dure-mère, après la trépanation, mettait l’expérimentateur en possession d’une méthode propre k développer la rage en un très court espace de temps.
- Cette opération est d’une exécution assez simple; le crâne est mis k découvert par une petite incision cruciale, le trépan est appliqué sur l’os, et en quelques tours, détache une rondelle osseuse. C’est cette phase de l'opération que représente notre dessin (fig. t). L’inoculation est alors pratiquée en poussant l’aiguille de la seringue chargée du produit rabique, sous la dure-mère. La plaie est fermée par deux points de suture.
- Cette première solution avait une importance considérable, car s’il eût fallu attendre des semaines, des mois, le résultat d’inoculations sous-cutanées, il eût été presque impossible de suivre régulièrement l’enchaînement des expériences par séries. On pouvait donc obtenir la rage k volonté et dans un délai très court. Il ne s’agissait plus que de mettre a profit les connaissances antérieures sur l’atténuation des virus et à essayer par des cultures successives, k diminuer d’une façon progressive la nocivité du virus rabique. M. Pasteur se trouva k ce moment en présence d’une difficulté qui eût fait reculer plus d’un expérimentateur. Le virus rabique ne peut être cultivé comme les virus du charbon, du choléra des poules et de tant d’autres affections. Il se présente en effet sous une forme différente des virus connus jusqu’à présent; on ne trouve ni bacilles, ni microcoques. Ce sont tout simplement de fines granulations moléculaires, que l’on peut colorer par les sels d’aniline, mais dont aucune culture n’a pu réussir encore. M. Pasteur a essayé les liquides les plus divers, liquides organiques, sérum, liquide céphalo-rachidien, bouillons de tous genres ; l’insuccès a été constant. N’y a-t-il donc pas de microbe rabique? Non, si l’on entend un bacille, un élément bien défini, analogue plus ou moins à celui du rouget, du charbon, etc., mais il existe sous la forme de ces fines granulations. Présentez k M. Pasteur ou à un de ses collaborateurs deux cerveaux, l’un sain, l’autre rabique ; ils vous diront, k la simple inspection du bulbe au microscope, lequel appartient k l’animal enragé.
- A défaut de cultures pouvant établir si le virus allait en s’atténuant, M. Pasteur a cherché k inoculer des doses de plus en plus faibles du virus rabique. A un chien, il injecte un centimètre cube de liquide virulent ; k un autre un centième de centimètre ; k un troisième, une dose encore moindre. Tous les trois contractent la rage, et c’est précisément celui qui a reçu la dose la moins forte qui est souvent le plus violemment contaminé. L’inoculation de petites quantités est loin, on le voit, de créer l’immunité.
- Mais si le virus* ne peut être atténué par des cuL
- p.211 - vue 215/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 21-2
- turcs, il peut varier suivant les espèces animales, il peut offrir des degrés différents de virulence par des inoculations d’une espèce animale à une autre. Cette prévision était fondée et a été le point de départ de la méthode qui a permis de rendre des chiens réfractaires à la rage. Si l’on transporte la rage du chien au singe, puis du singe au singe, la virulence du virus s’affaiblit à chaque passage. Si ce virus affaibli est ensuite reporté sur le chien, le cobaye ou le lapin, il reste atténué : l’inoculation directe dans le cerveau ne produit aucun accident et crée une immunité pour les inoculations les plus virulentes.
- Ce procédé, sur les détails duquel je ne peux
- Fig. 1. — Trépanation d’un lapin, au laboratoire de
- m’étendre, ne constitue pas une méthode pratique, susceptible d’applications faciles et certaines à l’espèce humaine. Il fallait un moyen plus prompt et capable, comme le dit M. Pasteur, de donner une sécurité parfaite sur les chiens. Des expériences multiples ont permis de triompher de cette difficulté.
- En pratiquant des inoculations par séries que l’on pourrait appeler descendantes, c’est-à-dire en faisant des passages successifs d’un animal à un autre de la même espèce, on arrive à obtenir un degré de virulence d’une fixité propre à chaque espèce animale, fixité si bien assurée qu’on peut affirmer, à quelques heures près, l’éclosion de la maladie. Si l’on inocule, par exemple, la rage d’un chien à un lapin, les symp
- M. Pasteur. (Dessin de M. C. Gilbert, d’après nature.)
- tomes se montrent au bout d’une quinzaine de jours d’incubation. Si l’on passe du premier lapin à un second, puis à un troisième et ainsi de suite, la virulence semble s’exalter en ce sens que la durée d’incubation est diminuée de plus en plus. Après vingt-cinq passages, elle n’est plus que de huit jours ; après vingt-cinq autres plus que de sept jours. C’est là vraisemblablement le minimum de durée de l’incubation, car en poursuivant l’inoculation jusqu’à la quatre-vingt-dixième série, le chiffre de sept jours n’est pas modifié. On est donc assuré d’avoir, dans ces conditions, un virus rabique, pur, d’une fixité constante, et en telles quantités qu’il serait nécessaire; il suffit d’inoculer un plus ou moins grand nombre d’animaux.
- Ceci ne nous donne pas un virus atténué, c’est au contraire un virus d’une activité puissante. Mais si l’on prend les moelles de ces lapins, moelles contenant le virus dans toute leur étendue, et qu'on les expose par fragments à l’action d’un air sec, on voit la virulence s’éteindre progressivement, suivant le volume du fragment, les conditions de température extérieure, et disparaître même tout à fait. Il suffira donc de prendre un de ces fragments à un moment donné, pour avoir le virus atténué, comme on aurait pu l’avoir par une série de cultures. Qu’on inocule le virus le plus faible, puis successivement, par gradation, le virus de plus en plus actif et l’on aura ainsi rendu l’organisme de l’animal soumis à ces inoculations réfractaire à la rage. C’est ce que
- p.212 - vue 216/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 213
- l’expérience démontre et voici comment M. Pasteur arrive à rendre les chiens réfractaires à la rage, en temps relativement court.
- « Dans une série de flacons, dont l’air est entretenu à l’état sec, par des fragments de potasse déposés sur le fond du vase, on suspend chaque jour un bout de moelle rabique fraîche de lapin mort de rage, rage développée après sept jours d’incubation. Chaque jour également on inocule sous la peau du chien une pleine seringue Pravaz de bouillon stérilisé, dans lequel on a délayé un petit fragment d’une de ces moelles en dessiccation, en commençant par une moelle d’un numéro d’ordre assez éloigné du jour où l’on opère, pour être bien sûr
- que cette moelle n’est pas du tout virulente. Des expériences préalables ont éclairé à cet égard. Les jours suivants, on opère de même avec des moelles plus récentes, séparées par un intervalle de deux jours, jusqu’à ce qu’on arrive aune dernière moelle très virulente, placée depuis un jour ou deux seulement en flacon. Le chien est alors rendu réfractaire à la rage. On peut lui inoculer du virus rabique sous la peau ou même à la surface du cerveau par trépanation sans que la rage se déclare. »
- Le problème de la prophylaxie de la rage était trouvé ; une cinquantaine de chiens, traités par ce moyen, restaient depuis de longs mois absolument à
- Fig. i. — Les opérations de vaccine de la rage, au laboratoire de M. Pasteur. (Dessin de M. C. Gilbert, d’après nature.)
- l’abri de toute inoculation la plus virulente. L’immunité que l’on déterminait chez le chien garantissait le succès pour les cas de rage humaine, si l’on pouvait traiter à temps les victimes. La rage a chez l’homme une durée d’incubation qui varie de trois à quatre semaines à quelques mois. Si donc on vient à pratiquer, dès le début, une série d’inoculations d’intensité croissante, on arrivera, avant l’explosion des accidents, à développer dans l’organisme une imprégnation qui confère au malade la même immunité que chez le chien. Il est clair qu’arrivé à la période où éclatent les symptômes de la maladie, dont l’évolution à ce moment ne dépasse guère deux à trois jours, le malade ne peut bénéficier de ce traitement. C'est tout comme si l’on vaccinait un malade
- en pleine évolution de variole; le préservatif est impuissant.
- M. Pasteur ne devait pas tarder à trouver l’occasion de confirmer, par l’application chez l’homme, la rigueur de ses expériences. Les journaux ont tous reproduit l’histoire du jeune Meister et du berger Jupille; je me contenterai donc de résumer les traits principaux de ces deux observations.
- Au mois de juillet 1885, Meister, enfant de neuf ans, était gravement mordu par un chien enragé; les plaies, profondes, sont au nombre de quatorze et n’ont été cautérisées que douze heures après la morsure avec de l’acide phénique, dont la puissance, en pareil cas, est assez illusoire. Il arrive au laboratoire de M. Pasteur deux jours plus tard. Sur l’avis
- p.213 - vue 217/432
-
-
-
- 214
- LA NATURE.
- de MM. Vulpian et Grancher, professeurs a la Faculté de médecine, que l'enfant était, vu la gravité et le nombre des morsures, presque fatalement exposé à prendre la rage, M. Pasteur n’hésita pas a tenter l’inoculation de ses virus atténués. Une première inoculation est faite avec du bouillon stérilisé contenant un fragment de moelle de lapin desséchée, par le procédé que j’ai indiqué, depuis quinze jours. Le lendemain, une nouvelle inoculation fut faite avec une moelle de quatorze jours, puis ainsi de suite, jour par jour, avec une moelle de douze, de onze jours et successivement de neuf à un jour. Simultanément des lapins étaient inoculés comme témoins avec le même produit. Les cinq premières inoculations n’étaient pas virulentes, c’est-à-dire avec les moelles de quinze à sept jours ; mais toutes les autres, de sept à un jour, étaient virulentes et déterminèrent la rage dans le délai indiqué, chez les animaux. Dans les dernières séances, on avait donc inoculé à l’enfant le virus rabique le plus virulent, celui du chien renforcé par une foule de passages de lapins à lapins, virus qui donne la rage à ces animaux après sept jours d’incubation, après huit à dix jours aux chiens. Le succès a été décisif et l’enfant se porte à merveille, depuis huit mois bientôt que le traitement a été appliqué. 11 a échappé à la rage qui aurait pu se développer du fait de ses morsures, et si l’on veut, comme quelques sceptiques, dire que le chien n’était pas enragé, l’enfant a résisté aux inoculations du virus rabique, à son maximum de puissance, du fait de ces atténuations progressives.
- Les cas de morsures par chiens enragés sont assez nombreux, d’autant plus nombreux, comme on l’a établi par les statistiques, que l’administration appli-. que moins énergiquement les mesures de police contre les chiens errants. A coup sûr, la cautérisation, mais une cautérisation énergique, au fer rouge, et à très court intervalle du moment de la morsure, met à l’abri du développement de la rage. Mais si, pour une raison ou pour une autre, la cautérisation est tardive, si elle n’a pu être appliquée, si elle a été mal faite, la maladie peut apparaître, à de longs mois, laissant le malheureux en proie à la terreur d’un condamné à mort, ou le frappant, alors qu’il a déjà oublié une blessure quelquefois insignifiante.
- L’histoire du jeuneMeister a été bien vite connue; quelques jours plus tard, le berger Jupille, mordu aux deux mains, venait se soumettre au traitement; puis, dès que la communication à l’Académie eut été répandue par les journaux, le laboratoire de la rue d’Ulm devint une véritable clinique d’hôpital. De tous côtés, des victimes de chiens enragés arrivaient réclamer le bénéfice du traitement de M- Pasteur. C’étaient les gens de Brie1, comme les appelait
- 1 Les gens de Brie, MM. Orsat, Dubois, Ruby, Vannier, Bouchin, avaient été mordus tous les cinq, deux d’entre eux gravement, par le même chien qui avait parcouru les rues de Brie-Comte-Robert, mordant en même temps une vingtaine
- familièrement le maître, des étrangers, des Allemands, des femmes, des enfants etc., tout immonde qui, chaque matin, venaient remplir le cabinet attenant au grand laboratoire. Les journaux américains ne sont pas les derniers à publier la nouvelle du succès de notre compatriote, et voici qu’un beau jour, quatre enfants débarquent au Havre, sous la conduite du Dr Frank Billings, pour subir les inoculations préventives. Les quatre enfants, de 5, 10 et 14 ans, avaient été mordus le 2 décembre par le même chien, deux d’entre eux gravement. Grâce à la générosité des habitants de Newark,qui ouvrirent une souscription publique, et de la Compagnie transatlantique, on put envoyer en France les petits blessés. Arrivés à Paris le 21 décembre, ils étaient soumis immédiatement au traitement (dix inoculations), et repartaient le 2 janvier pour l’Amérique, où ils sont devenus la proie d’un Barnum qui les exhibe en public.
- Le professeur Grancher a bien voulu se charger de pratiquer les inoculations sous les yeux du maître qui surveille tous les préparatifs, examine les malades et a pour chacun une parole bienveillante qui les rassure et relève leur moral.
- Les liquides contenant en suspension les fragments de moelle virulente atténuée, sont apportés tout fraîchement préparés du matin. Un aide charge la seringue hypodermique du liquide convenable, variant, comme pour le jeune Meister, de virulence suivant le jour. Chaque malade passe devant M. Grancher, les vêtements relevés au-dessus de la ceinture, et l’injection est pratiquée à la région abdominale (fig. 2). Cette injection se fait un jour à droite, le lendemain à gauche, sans que le malade éprouve d’autre sensation que celle de la petite piqûre sous-cutanée. La dose varie un peu, suivant qu’il s’agit d’un adulte ou d’un enfant ; le contenu d’une seringue entière pour les premiers, soit environ un centimètre cube de liquide, une demi-seringue pour les enfants au-dessous de 14 ans. Les plaies résultant des morsures sont pansées par l’interne de M. Grancher et les malades rentrent chez eux pour revenir le lendemain subir une nouvelle injection. Huit à dix jours de traitement, soit huit à dix inoculations, suffisent pour la série d’inoculations graduées, depuis la plus atténuée jusqu’à la plus virulente. Plus de trois cents malades ont suivi ce traitement prophylactique; lundi dernier, M. Pasteur a fait connaître à l’Académie les détails de ces nombreuses observations. Nos lecteurs trouveront plus loin (p. 223), le résumé de cette communication. Notre grand savant compte une belle victoire de plus dans sa lutte contre les maladies contagieuses1. Dr A. Cartaz.
- d’animaux, chiens, poules, etc. Le chien a été nettement reconnu enragé; inutile d’ajouter que tous les animaux mordus ont été abattus.
- 1 Voy. la notice sur la rage, n° 576, du 14 juin 1884,
- p. 22.
- —
- p.214 - vue 218/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 215
- L’USINE CENTRALE D’ÉLECTRICITÉ
- DE LA VILLE DE TOURS
- Nous avons déjà fait ressortir ici, il y a quelques mois *, les difficultés que présente la distribution de l’énergie électrique dans un rayon un peu étendu autour d’un centre commun de distribution, et indiqué les raisons qui justifient l’emploi des transformateurs. Rappelons-en brièvement le but.
- Pour diminuer la perte d’énergie dans une canalisation de quelque longueur, sans faire usage de conducteurs trop gros, trop encombrants et trop coûteux, il faut réduire le plus possible l’intensité du courant, ce qui conduit à l’emploi de hautes tensions, de hauts potentiels. Mais ces hauts potentiels ne sont pas directement utilisables, et il est impossible de les mettre à la disposition des clients, car ils présentent de grands dangers. H faut donc modifier ces courants, les transformer, réduire leur force électromotrice et augmenter leur intensité, de façon à supprimer tous les dangers qu’ils présentent et à les rendre directement utilisables dans les appareils électriques ordinaires d’un usage courant : c’est le rôle des transformateurs. On peut même affirmer, dans l’état actuel de la science, qu’un transport d’énergie électrique à potentiel élevé est incompatible avec une distribution de l’énergie électrique ainsi transportée sans l’emploi de transformateurs : c’est sur le choix de ces transformateurs que les avis sont encore partagés. Les uns, comme M. Marcel Deprez, cherchent à utiliser la force motrice produite à distance, force motrice qui pourra ensuite être utilisée à volonté pour actionner des générateurs électriques de moindre tension et de plus grande intensité destinés à effectuer de la distribution dans un rayon de faible étendue.
- Il est bien certain, que, même dans le cas fort improbable où l’on réussirait à transporter économiquement de la force motrice à l’aide de courants continus à une tension de 6000 volts, le problème de la distribution et de la division de cette force motrice, ne serait pas encore résolu. 11 n’y a pas d’ailleurs de grandes espérances à fonder sur cette utilisation de grandes forces naturelles à distance, lorsqu’on tient compte du prix de revient de l’installation, des pertes inévitables, de la complexité du système, et enfin de l’instabilité des forces naturelles. Il faut tellement compter avec cette instabilité, que pour l’éclairage électrique de Lucerne par le système Zipernowsky, on a prévu l’installation d’une machine à vapeur de 250 chevaux destinée à parer aux arrêts éventuels de la force motrice hydraulique.
- Quelques expérimentateurs comme MM. Gaulard et Gibbs, d’une part, MM. Zipernowsky, Déri et Blathy, d’autre part, font du transport à l’aide de courants alternatifs de haute tension, et de la distribution en passant par des transformateurs.
- 1 Voy. n° 651, du 21 novembre 1885.
- D’autres enfin, et c’est le système en cours d’exécution à Vienne, font du transport à l’aide d’un courant continu, en chargeant des groupes d’accumulateurs en tension, et de la distribution à l’aide de ces accumulateurs convenablement groupés pour réduire le potentiel dans la canalisation de distribution.
- Toutes nos préférences sont, en principe, pour ce dernier système, à la condition d’escompter un peu les progrès dont les accumulateurs sont encore susceptibles : le courant continu permet des applications plus variées que les courants alternatifs; les accumulateurs qui, dans le cas particulier, ne sont que des transformateurs différés, permettent de séparer le temps de la production, de celui de l’utilisation, et de parer éventuellement aux besoins d’une consommation maxima bien supérieure à la puissance de production de l’usine, et même à un arrêt complet de cette usine, ce qui présente une grande sécurité pour l’exploitation.
- Mais laissons de côté les distributions à courant continu par accumulateurs et l’avenir qui les attend, pour nous occuper du présent, et de l’intéressante application des transformateurs faite à Tours, par M. E.-L. Naze, pour l’éclairage de la ville.
- L’usine centrale que représente la figure 2, est établie place du Palais-de-Justice, à l’une des extrémités de la rue Royale, et la canalisation principale qui s’étend jusqu’aux bords de la Loire, présente environ 1 kilomètre de développement. Une distribution de cette étendue aurait exigé une canalisation fort coûteuse pour maintenir un potentiel constant et uniforme sur toute sa longueur. 11 est cependant indispensable de maintenir ce potentiel constant, et on pourra se rendre compte de la nécessité de cette constance, par ce fait qu’une lampe Edison, marchant normalement h 100 volts et produisant 16 bougies, gagne ou perd sensiblement une bougie par volt en plus ou en moins. Une différence de 4 volts, a différents instants, correspondrait donc à un écart total de 4 bougies sur 16, soit le quart de la puissance lumineuse normale.
- Pour éviter ces variations de potentiel si préjudiciables aux qualités de la lumière, ainsi qu’à la durée des lampes, M. Naze s’est arrêté à une combinaison qui consiste à établir deux réseaux distincts : un réseau de transport canalisant à 850 volts, alimentant un certain nombre de transformateurs dont les circuits induits alimentent un réseau de distribution, spécial à chacun d’eux, et indépendants les uns des autres, distribuant à 50 volts seulement.
- La force motrice est produite par deux machines à vapeur de MM. Weyher et Richemond, à deux cylindres ou compound. Dans des installations de cette nature, les machines à deux cylindres sont préférables aux machines à longue détente dans un seul cylindre, parce que le couple moteur étant plus constant, les variations de vitesse dans chaque tour deviennent insensibles. L’une de ces machines a une puissance nominale de 100 chevaux, l’autre de 150 chevaux. Elles commandent chacune une transmis-
- p.215 - vue 219/432
-
-
-
- 216
- LA NATURE.
- sion intermédiaire en deux parties, manchonnables à volonté, chaque partie de la transmission intermédiaire commandant elle-même une machine génératrice et son excitatrice. Le manchonnage des machines permet de les faire travailler séparément ou simultanément à volonté.
- Les machines génératrices sont du système Siemens a courants alternatifs, type W100. Elles portent 30 bobines chacune, sur lesquelles 28 seulement sont utilisées, les deux autres restant en circuit ouvert. Les 28 bobines utilisées sont couplées par 7 en tension et par 4 en dérivation. A 550 tours par minute et une excitation d’environ 25 ampères, la machine produit 66 ampères et 850 volts aux bornes. Avec l’excitation totale de 40 ampères, le même couplage donnera la même intensité, avec 1250 volts aux
- bornes, ce qui représente 82500 watts, ou 112 chevaux électriques. A 850 volts, la machine ne produit actuellement, à pleine marche, que 56 000 watts ou 75 chevaux électriques disponibles.
- Chaque machine est consacrée à l’alimentation d’un des côtés de la rue. Les transformateurs sont disposés en certains points de la canalisation principale, et montés en dérivation, comme dans le système Zipernowsky. On peut voir un de ces transformateurs vers la droite de la figure 1 ; c’est celui qui est disposé à l’usine, dans la salle de mesures et de réglage, où il sert à la fois à l’éclairage de l’usine et à la vérification du bon fonctionnement du système.
- Il se compose de quatre colonnes, dont les noyaux sont conjugués deux par deux, de façon à constituer un circuit magnétique fermé. Les circuits inducteur
- Régulateur du potentiel. Electro-dynamomètre. Transformateur à quatre eolonnes. Petit transformateur.
- Fig. 1. — Disposition des appareils de réglage et des transformateurs, à Tusine centrale d’électricité de Tours.
- et induit, sont constitués par des disques de cuivre fendus, soudés entre eux et séparés par des cartons d’amiante. Les quatre circuits inducteurs de quatre colonnes formant ui^ groupe de transformation sont reliés en tension; lés quatre circuits induits sont montés en dérivation. Le couplage des disques dans chaque colonne, et des colonnes entre elles, est tel qu’une différence de potentiel d’environ 825 volts aux bornes du circuit primaire d’un transformateur maintient une différence de potentiel de 50 volts seulement aux bornes du circuit secondaire, quel que soit le nombre de lampes allumées à chaque instant, depuis zéro jusqu’à un maximum de 250 ampères représentant la puissance de débit d’un transformateur à 4 colonnes. Dans ces conditions, chaque appareil ne distribuant pas à plus de 100 ou 150 mètres tout autour de lui, la perte de pression dans la ca-
- nalisation est très faible, et la distribution assurée à l’aide de lampes de 48 volts. Les lampes de 16 bougies prennent environ 1 ampère, les lampes delObougies, 0,6 ampère, ce qui correspond très sensiblement à 5 watts par bougie, pour l’un ou l’autre type..
- Chaque colonne représente 4 chevaux de distribution, soit 16 chevaux par groupe de 4 colonnes. Lorsqu’on distribuera à 1250 volts, chaque groupe constituant un transformateur aura 6 colonnes et pourra distribuer 24 chevaux sous un potentiel de 50 volts et une intensité de 575 ampères.
- Pour vérifier le potentiel aux bornes de chaque machine génératrice, on fait usage, à défaut de voltmètre industriel et pratique pour la mesure des courants alternatifs, de 17 lampes à incandescence de 50 volts montées en tension et placées en dérivation sur les bornes de cette machine. En fermant le cîr-
- p.216 - vue 220/432
-
-
-
- p.217 - vue 221/432
-
-
-
- 218
- LA NATURE.
- cuit sur ces 17 lampes, elles" éclairent à leur puissance normale si le potentiel est normal ; elles sont un peu faibles si le potentiel est trop faible, et un peu poussées si le potentiel est trop élevé. C’est un galvanoscope très sensible dont le seul inconvénient, sans importance dans le cas particulier, est de dépenser plus d'un cheval électrique pour la mesure pendant tout le temps que le courant est fermé sur les lampes.
- On maintient le potentiel constant aux bornes de la machine, quelle que soit à chaque instant la dépense dans la canalisation, en agissant sur l’excitation de l’excitatrice à l’aide de résistances variables introduites dans son circuit. Actuellement ce réglage se lait à la main. Lorsque le potentiel dans la canalisation de transport sera porté à 1250 volts, ce réglage s’effectuera automatiquement à l’aide d’un appareil représenté à gauche de la figure 1. Ce régulateur se compose d’un fléau de balance aux extrémités duquel sont suspendus deux cylindres en fer; l’un de ces cylindres est placé au milieu d’un solénoïde à fil fin branché sur les barres de la machine; l’autre plonge dans une cavité renfermant du mercure. L’attraction plus ou moins grande du solénoïde incline plus ou moins le fléau, et fait plonger plus ou moins l’autre cylindre dans le mercure. 11 se produit ainsi une dénivellation de ce mercure qu’on meta profit pour introduire une résistance variable dans le circuit d’excitation. La sensibilité de l’appareil se règle en déplaçant un contrepoids mobile sur une tige verticale fixée sur le fléau. On limite ainsi les variations de potentiel aux bornes de la machine, et on le maintient pratiquement constant.
- Tels sont les caractères principaux de l’installation de Tours. Il y aurait encore bien des détails à donner sur la manière de compter l’éclairage aux abonnés, sur les compteurs d’électricité à l’étude, sur des transformateurs auxiliaires qui retransforment le courant de 50 volts et le portent a 400 volts pour alimenter deux lampes à arc en tension, etc. (L’un de ces petits transformateurs est dessiné à droite de la figure 1.)
- Ce que nous venons de dire suffit à montrer quelles ressources on a su tirer des appareils de transformation de M. Gaulard dans leur application à une distribution d’éclairage électrique.
- Une expérience un peu prolongée fera connaître ,les avantages et les inconvénients de ce système; ^ais il y a là, dans tous les cas, une heureuse et intelligente initiative que nous nous plaisons à signaler. E. Hospitalier.
- Tours, le 20 février 1886.
- —o.<^<—
- L’ARITHMÉTIQUE EN BOULES
- (Suite et lin. — Voy. p. 166.)
- LES NOMBRES POLVGOHAUX.
- En continuant le mode de construction des nombres pentagonaux et hexagonaux, on apprend à con-
- struire tous les nombres polygonaux. Pour cela, on figure un polygone régulier d’un nombre quelconque de côtés en plaçant une boule à tous les sommets. Si l’on joint un sommet déterminé à tous les autres et si l’on place des boules à une distance double, triple, quadruple de ce sommet, on obtient des sommets de polygones de côtés doubles, triples, quadruples. Puis l’on place sur les côtés de ces polygones des boules dont la distance est toujours égale au côté du polygone primitif. On a les deux propositions suivantes analogues à celles qui ont été indiquées plus haut :
- Tout polygonal est égal à son rang augmenté d'autant de fois le triangulaire préeédent qu'il y a d'unités dans son rang diminué de deux.
- Tout polygonal est égal au triangulaire de même rang augmenté d'autant de fois le triangulaire précédent qu'il y a d'unités dans son rang diminué de trois.
- D’ailleurs, pour construire tous les polygonaux dont le nombre des côtés est donné, il suffit de remplacer dans la table des carrés ou des pentagonaux la première ligne contenant les nombres 2 ou les nombres 5, par des nombres tous égaux au nombre des côtés diminué de deux unités.
- Les nombres octogonaux donnent lieu à la proposition suivante : Le triple plus un d'un octogonal est un carré dont le côté est le triple moins un du côté de l'octogonal.
- Mais, pour démontrer ce théorème, nous remarquerons d’abord que tout octogonal est égal au pentagonal de même rang augmenté du triple du triangulaire de rang précédent ; cette propriété résulte de la décomposition d’un pentagonal par une diagonale menée du sommet qui correspond à l’unité. Cela posé, la figure 1 nous montre que : Le nonuple plus un
- Fig. \. — Le nonuple triangulaire.
- d'un triangulaire est un triangulaire dont le côté est le triple plus un du côté du premier. Si l’on superpose le côté A2A3 de cette figure sur le côté A2A3 de la figure 3 (page 467), en tenant compte de la décomposition de l’octogonal en un pentagonal et trois triangles du rang précédent, on démontre l’avant-dernière proposition, car on forme ainsi un losange dont le nombre des boules est un carré.
- p.218 - vue 222/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 21'J
- Par suite, un octogonal ne peut être terminé par l’un des chiffres 7, 4, 2, 9; car s’il en était autrement, son triple plus un ou le carré serait terminé
- Fig. 2. — Le double décagonal.
- par 2, 5, 7, 8; ce que nous avons reconnu impossible.
- Les nombres décagonaux donnent lieu à la propriété suivante : Le double plus un d'un décagonal
- est un triangulaire dont le rang est le quadruple moins deux de celui du décagonal.
- En effet, tout décagonal vaut un triangle de même rang augmenté de sept triangles de rang précédent; or (fig. 2), en ajoutant l’un des triangulaires ombrés aux sept triangulaires en boules blanches ou noires, on forme le décagonal. — 11 résulte de cette proposition qu’un décagonal ne saurait être terminé par l’un des chiffres o, 4, 8, 9,
- Deux PRORLÈMES DE FERMAT.
- La théorie des nombres polygonaux se trouve dans Y Arithmétique de Diophante, et les formules qui servent à les calculer sont reproduites dans la Géométrie de Boèce, et dans un recueil encyclopédique du quinzième siècle, ayant pour titre : Margarita philosophie a. Cette théorie semble avoir été abandonnée à cause de son peu d’application pratique; mais elle a occupé les plus grands géomètres, et en particulier, Fermât. Nous indiquerons, d’après des manuscrits originaux et inédits, la solution
- TARLE DES NOMBRES POLYGONAUX.
- NOMBRE 2° 3° ! ' " 5e 6° 1 ! - ! 9c 10“
- Triangulaire 7} 0 10 15 21 1 28 56 45 55
- Carré 4 9 16 25 56 49 64 81 100
- Pentagonal 5 12 22 55 51 70 92 117 145
- Hexagonal 0 la 28 45 66 91 120 155 190
- Heptagonal 7 18 54 55 81 112 148 189 255
- Octogonal 8 21 40 65 96 153 176 225 280
- Nonagonal 9 24 46 75 111 154 204 261 525
- Décagonal 10 27 52 85 126 175 252 297 570
- de deux problèmes fondamentaux; cette solution est beaucoup plus simple que toutes celles qui ont paru jusqu’ici dans les essais de restauration d’un passage obscur du Diophante. Ces deux problèmes sont les suivants : 1° Étant donné un nombre, trouver de combien de manières ce nombre peut être polygonal; 2° Trouver un nombre qui soit polygonal autant de fois quon voudra et trouver le plus petit de ceux qui satisfont à la question.
- Pour résoudre ces deux problèmes, nous commencerons par construire la table des nombres polygonaux jusqu’au décagonal, d’après les méthodes de calcul que nous avons exposées. Ces nombres sont renfermés dans le tableau ci-dessus que l’on consulte comme la table de Pythagore.
- A l’inspection de cette table, on reconnaît facilement qu’il est plus simple de la calculer par colonnes, car en passant dans chacune d’elles d’une ligne à la suivante tous les nombres augmentent d’une même quantité, à savoir le triangulaire de la colonne précédente. Par suite, pour savoir de combien de manières un nombre donné est polygonal, il suffit de le diviser par les triangulaires successifs en ne conservant que les divisions dans lesquelles le reste représente le triangulaire qui précède le diviseur. Le second problème se ramène de même à déterminer un nombre qui, divisé par des nombres donnés, donne des restes donnés; la solution en est connue. Édouard Lucas.
- p.219 - vue 223/432
-
-
-
- 220
- LA NATURE.
- LA COMBE DE PÉGUÈRE
- PRÈS CAUTERETS (HAUTES-PYRÉNÉES)
- La station thermale de Cauterets, l’une des plus importantes des Pyrénées, est située dans une vallée secondaire du gave de Pau, à une altitude de 924 mètres au-dessus de la mer, au fond d’une gorge, d’aspect étrangement sauvage, enserrée par des montagnes abruptes qui s’élèvent par escarpements successifs avec intervalles garnis de bois ou de gazon. Les principaux établissements et les habitations sont bâtis au pied du versant nord du
- pic de Péguère, dont le sommet (2200 mètres) les domine d’une hauteur d’environ 1300 mètres.
- A une distance de 2 kilomètres en amont dans la direction nord-sud, on rencontre, le long du versant est du Péguère, le groupe des thermes les plus fréquentés de Cauterets, la source si renommée de la Ilaiilère, puis celles du Mauhourat, du Petil-Saint-Sauveur et du Pré.
- Entre les deux premières, se dresse un vaste cône d’éboulis, formé par une agglomération de blocs j dont les dimensions, gigantesques à sa base, vont en | diminuant graduellement à mesure que l’on appro-! che de son sommet, où elles se réduisent à celles de
- Fig 1. — Vue d'ensemble de la combe de Péguère, près Cauterets (Hautes-Pyrénées), montrant le cône d’éboulis.
- (D’après une photographie.)
- petits moellons ordinaires (fig. 1). Ce cône est dominé par un escarpement, d’une hauteur de 200 mètres, à parois rocheuses presque verticales, dont l'arête supérieure (1400 mètres d’altitude), presque horizontale, forme le débouché d’un vaste couloir, véritable canal d’écoulement des blocs, d’une largeur moyenne de 150 mètres, à fond rocheux, le plus souvent sans berges et à profil en travers généralement plat et parfois même convexe vers le ciel (fig. 2). Les pentes y varient de 70 à 80 pour 100, et la différence de niveau des points extrêmes atteint 400 mètres.
- A partir de la cote 1800 mètres, le couloir fait place à une combe, creusée dans la roche vive, dont le point culminant atteint 2030 mètres. Son profil
- en long va se redressant de plus en plus vers l’amont et présente une pente moyenne de 100 pour 100; la hauteur des berges varie de 10 mètres à 50 mètres, et la surface totale de la plaie vive ne dépasse pas 2h,50 en projection horizontale.
- Le pic de Péguère, tout entier composé de roche granitique, présente cette particularité, commune d’ailleurs à toutes les montages voisines du même massif, que, sur les crêtes, la roche est disloquée en tous sens parfois à d’assez grandes profondeurs. Les berges vives de la combe en donnent une preuve frappante ; elles sont formées de blocs de toutes dimensions et à arêtes vives, produits par la dislocation de la roche primitive, présentant entre eux des vides plus ou moins grands, garnis de terre
- p.220 - vue 224/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 221
- sablonneuse et placés dans un état d’instabilité des plus menaçants. La moindre commotion, le plus léger effort, l’action seule de la pesanteur peut déterminer un éboulement dans ces berges, mais c’est surtout à l’eau qu’on doit attribuer les fortes débâcles. En hiver, elle s’infiltre en abondance dans les innombrables fissures de la roche, s’y congèle et la fait éclater en tous sens; au printemps, au moment d’une fonte subite de neige ou de grosses pluies persistantes, les sables terreux qui garnissent les intervalles des blocs sont entraînés par les eaux, et l’équilibre instable une fois rompu , la débâcle se produit avec tous ses caractères du transport en masse.
- Les blocs mis en mouvement se précipitent par immenses bonds, sur ces pentes rocheuses et presque lisses de 80 à 100 pour 100, sc brisent dans leur course désordonnée et mitraillent parfois de leurs débris rétablissement de la R ai Hère ou celui de Mauhou-rat. Celte plaie liideu se tend à s'étendre de plu» en plus, et ne tarderait pas à compromettre la sécurité de la ville même de Caute-rels, si des mesures promptes et énergiques n’étaient pas prises pour conjurer un pareil danger.
- La combe de Péguère n’est évidemment pas de formation récente. Dans toute cette région montagneuse on trouve de vieux cônes d’éboulis entièrement semblables, surmontés d’anciennes combes, à pentes tout aussi fortes, creusées dans des sols tout à fait identiques et cependant absolument inoffensives aujourd’hui. L’observation indique immédiatement que cette innocuité tient exclusivement à la présence de la végétation ligneuse et herbacée, dans toute l’étendue du bassin de réception.
- La montagne de Péguère, elle-même, fournit un précieux sujet d’observations de ce genre. Sur son
- versant est, en effet, entre la llaillèrc et Cauterets, on rencontre la combe de la Glacière, aujourd’hui dans une période d’absolu repos. Semblable en tous points à la combe de Péguère, mêmes dimensions, cône analogue, profils identiques, elle a du fonctionner jadis de la même manière ; mais aujourd’hui, admirablement gazonnée, embroussaillée et boisée de la base au sommet, les gelées et les pluies n’y ont plus la moindre puissance d’affouillement sur les parties terreuses, dont le maintien assure et perpétue la stabilité dns blocs qui occupent son
- bassin de réception.
- Sous les débris granitiques à cassure fraîche et blanchâtre qui recouvrent le cône de la combe de Péguère, on rencontre à une assez faible profondeur les anciens ébou-lis, qui démon-trent qu’après une longue période d’acçalmie les phénomènes torrentiels ont repris une nouvelle activité, duc â une seule et unique cause, l’imprudence et l’insouciance de l’homme. 11 y a peu d’années, en effet, que cette combe, gazonnée comme ses voisines , peut-être plus accessibles alors, était la route journellement suivie par les troupeaux de moutons passant de la vallée de Cambasque dans celle de Marcadaou. Le piétinement des animaux, joint à l’abus du parcours, n’a pas tardé à excorier le sol; les gazons entamés, déchirés, ont été entraînés, la terre a suivi et, la roche une fois mise â nu, l’érosion a développé progressivement ses effets destructeurs sous l’action puissante des agents atmosphériques.
- L’observation en indiquant les causes de ces phénomènes torrentiels, fournit les moyens d’y mettre fin en démontrant que la végétation seule peut arriver à panser et à cautériser la plaie vive de la combe de Péguère. On ne saurait se dissimuler que
- p.221 - vue 225/432
-
-
-
- 222
- LA NATURE.
- le traitement présentera des difficultés exceptionnelles, dues à l’extrême déclivité des pentes, à la nature du sol et à la rigueur du climat ; mais elles ne seront pas insurmontables, et, dans peu d’années, la sécurité rendue à cette station thermale de premier oidre justifiera, une fois de plus et d’une façon éclatante, l’observation de Yiollet-le-Due dans son Étude sur le mont Blanc :
- a 11 n’est pas dans la nature de petits moyens, ou plutôt, l’action de la nature ne résulte que de l’accumulation de petits moyens. L’homme peut donc agir à son tour, puisque ces petits moyens sont à sa portée et que son intelligence lui permet d’en apprécier les effets. » Dejiontzey,
- Inspecteur des forêts.
- LES ANNONCES EN ANGLETERRE
- Maeaulay a écrit quelque part : « L’anuonce est aux affaires, ce que la vapeur est au commerce, la grande puissance impulsive. »
- Les Américains et les Anglais croient éminemment à cette maxime si l’on en juge par la quantité d’annonces de
- toutes sortes avec lesquelles le public de ces deux contrées est journellement appelé à se familiariser. Les annonces n’augmentent pas seulement en quantité, mais s’améliorent aussi en qualité.
- La mode est aux annonces mouvantes ; la mécanique et l’électricité s’en mêlant, les combinaisons les plus variées sont journellement produites dunslebut d’attirer
- Petit appareil automatique anglais pour plus particulière- . les annonces commerciales. ment l’attention du
- public ou du client.
- Parmi les plus récentes, nous citerons un mécanisme que nous avons remarqué à Londres, servant à démontrer l'efficacité des grenades extinctrices d’incendie. Sur une petite scène représentant un salon meublé, dans lequel la lampe de table renversée a mis le feu au parquet, aux tentures, au tapis de table, etc., chaque fois qu’un petit personnage du tableau ayant dans la main droite une des grenades en question fait le simulacre de la lancer sur le commencement d’incendie, celui-ci s’éteint comme par magie.
- Le mécanisme, un mouvement d’horlogerie, faisant mouvoir la poupée, manœuvre aussi un robinet à gaz, l’ouvrant pour produire le simulacre de l’incendie, et le fermant presque totalement pour l’extinction. Un petit jet spécial représente la flamme de la lampe renversée, et les parties brûlant sont en tissu mince d’amiante.
- Un autre appareil, appartenant aussi à la catégorie des
- appareils à mécanisme d’horlogerie, est exhibé dans la vitrine d’un magasin d’Oxford Street; il est désigné sous le nom de Patent Automatic Advertising Machine.
- L’appareil consiste en une boîte élégante dans la partie inférieure de laquelle se trouve un mouvement d’horlogerie se remontant deux fois par jour. Ce mécanisme fait tourner un cylindre contenu dans la partie centrale de l’appareil et muni de vingt-cinq doubles cartes-annonces, soit cinquante annonces dont la révolution complète s’effectue en cinq minutes ou un temps plus court si cela est désirable. Les cartes-annonces peuvent être changées ad libitum. Enfin à la partie supérieure de l’appareil se trouvent deux figures grotesques ayant pour les profanes, l’air d’actionner, au moyen d’un arbre à double manivelle, le mécanisme du tambour, tandis qu’elles sont réellement mises en mouvement par le mouvement d’horlogerie placé à la base (fig. ci-contre.) Une ailette modératrice double, tourne au-dessus de la tête des deux sujets, complétant l’appareil et ajoutant à l’attraction des curieux. Cet appareil est vendu 120 francs.
- L’annonce prend chaque jour une extension de plus en plus considérable en Angleteri’e et aux États-Unis. On connaît la réclame d’un célèbre fabricant de cirage américain qui avait fait apposer, de distance en distance et pour le bénéfice des touristes sur les rives du Mississipi, l’annonce : « Essayez le cirage de Brown », réclame qui ne tarda pas à tourner contre son auteur dont l’ennemi juré, son seul concurrent réellement sérieux, profita, en apposant immédiatement après chacune des susdites affiches la mention : « si vous ne pouvez vous procurer celui de Smith ».
- Un produit médical annoncé dans tous les journaux anglais, à grands renforts d’illustrations, se vend 3 francs la bouteille. Le contenu coûte 15 centimes ; la bouteille 5 centimes; l’enveloppe 35 centimes; le coût individuel de chaque bouteille revient à 70 centimes. Si l’on ajoute à cela une commission de 25 pour 100 aux intermédiaires, le profit par bouteille représente encore la modeste somme de 1 fr. 25 ou 833 pour 100.
- Ces hauts faits sont cependant surpassés par l’offre faite récemment à la grande chanteuse Nilson par un industriel américain, d’un extra-payement de 500 francs par soirée, si elle voulait consentir au lieu de chanter la chanson du Roi de Thulé, dans le rôle de Gretchen, de « Faust », en tournant le fuseau traditionnel, ’a la chanter en faisant fonctionner devant elle une machine à coudre représentant le dernier mot du progrès, et ornée d’une plaque portant les noms et adresse du fabricant et éclairée électriquement. L’éminente artiste, inutile de le dire, a préféré s’en tenir à son vulgaire fuseau.
- J.-A. Bercy. <
- Londres, 27 février 1883.
- CHRONIQUE
- L'instinct chez les vers de terre. — Les jardiniers connaissent bien cette habitude qu’ont les vers de terre de s’emparer des feuilles tombées des arbres et de les enterrer à demi dans leurs trous. Nous trouvons à ce sujet dans les Proceedings of the Academy of naturel sciences of Philadelphia (séance du 44 novembre 1882) la curieuse communication suivante : M. Potts présente une boite pleine de terre montrant que les vers de terre y ont enfoui des feuilles de saules-pleuveurs. Beaucoup de ces feuilles ont été attirées en terre par le pétiole ; ce moyen, qui est naturellement le plus simple, est consi-
- p.222 - vue 226/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 225
- déré par Darwin, dans son ouvrage sur les vers de terre, comme une preuve de l’intelligence de ces humbles créatures. M. Mechan fait remarquer que, quoique ayant vu en Angleterre les feuilles attirées dans la terre ainsi que le décrit Darwin, il n’a jamais vu ce fait en Amérique, bien que depuis nombre d’années il se trouvât dans des conditions très favorables pour observer cette étrange habitude du ver de terre. M. Potts dit ensuite que le terrain au-dessous du saule-pleureur était couvert de lombrics, dont plusieurs de grande taille. Le temps humide qu’il faisait depuis deux semaines les avait amenés à la surface et en même temps les feuilles du saule, vertes et succulentes, tombaient en abondance. Les vers de terre s’en emparaient, durant la nuit, les emportaient, dans leurs trous ; pour enfouir un pouce de la feuille, il leur fallait un jour, ou une nuit de travail. Pendant le jour, l’aspect du voisinage du saule-pleureur était très curieux. Dans les plates-bandes, dans les pelouses, dans les allées sablées, et même entre les joints des briques de pavage, partout où les galeries des lombrics avaient atteint la surface, les actifs habitants avaient « planté » leurs feuilles verticalement ; quelquefois une seule feuille, souvent en touffes de 0, 8 ou plus, simulant assez bien un jardin d’enfant. En creusant au-dessous des touffes, il trouvait généralement les vers ayant une extrémité près de la base des feuilles. Le phénomène n’est pas entièrement nouveau ; mais jamais il n’avait rencontré ces (( plantations des vers » (worm plantings)en aussi grande quantité.
- Une algue gigantesque. — Le capitaine John Slone commandant le navire the Clever a rapporté à Mon-tevidéo quelques débris d’une algue gigantesque qu’il a recueillis dans les environs de l’équateur. Ayant été surpris par un calme plat dans ces régions, les matelots aperçurent, à quelque distance du navire, un corps flottant à la surface de l’eau, paraissant d’une longueur extraordinaire. Sous la conduite du second du navire, quelques hommes furent en canot dans cette direction, et aperçurent alors avec surprise une algue de dimensions gigantesques; ils la côtoyèrent sur une longueur de plus de 500 mètres et en .rapportèrent quelques morceaux au navire. Examinée par des botanistes, cette plante a été reconnue pour être un superbe échantillon du Macrocyslis pyrifera.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 1er mars 1886. — Présidence de M. l’amiral
- JüRIEN DE LA GRAVIÈRE.
- La rage. — Comme toutes les fois que M. Pasteur doit parler, la salle est comble avant la séance. Cette fois le célèbre microbiste récapitule ses succès dans le traitement de la rage. Le 25 février, date où il écrivait son mémoire, les malades vaccinés étaient au nombre de 550 ; mais aujourd’hui, 1er mars, ils sont 385 : 35 en 4 jours! Tous d’ailleurs, sauf un, sont guéris ou en voie de guérison; aussi l’Académie éclate-t-elle en applaudissements unanimes quand M. Pasteur, fortement appuyé par M. Vul-pian, émet le vœu qu’un établissement vaccinal soit immédiatement créé à Paris. M. de Freycinet, président du conseil, déclare que le gouvernement prêtera certainement son concours à cette nouvelle institution. M. Pasteur annonce que les gouverneurs de la banque de France et du Crédit foncier sont sympathiques ; les souscripteurs auront donc toutes garanties ; il espère que le Ministre des finances autorisera les percepteurs à re-
- cevoir les dons. {D’ailleurs, suivant son estimation, il faudra environ 50 000 francs par an. Si les fonds arrivent en quantité suffisante, il faudra s’occuper du traitement d’autres maladies microbiennes : la diphtérie et peut-être même la tuberculose sur laquelle M. Yprneuil a récemment appelé l’attention.
- Elections. — Le décès de M. Tresca ayant laissé vacante une place dans la section de mécanique, le doyen de celle-ci, M. Phillips, a présenté une liste de candidats portant : en première ligne, M. Marcel Deprez; eu seconde ligne ex æquo et par ordre alphabétique : MM. Kretz, Léauté et Sarrau. 52 membres prennent part au vote. M. Marcel Deprez est nommé par 36 suffrages contre 6 donnés à M. Léauté, 6 à M. Sarrau et 4 à M. Kretz.
- L’Académie procède à l’élection d’un candidat qui sera proposé au choix du ministère pour remplacer M. Serret au Bureau des’ longitudes. 38 voix désignent M. Cornu; il y a deux suffrages pour M. Résal et 7 billets blancs.
- Théorie des trombes. — On se rappelle que dans la dernière séance, M. Lalanne avait objecté à M. Fayc l’exemple de trombes qui ont jeté des poissons dans un ravin à 1 kilomètre de la mer et sur le pont d’un navire. M. Faye rétorque celte argumentation en recourant très spirituellement, d’une manière presque exclusive, à la description donnée, il y a quarante-sept ans, de la trombe de Châtenay, par le même M. Lalanne. Il en résulte que le météore développe un vent horizontal de 72 mètres par seconde et une pression dans le même sens de 460 kilogrammes par mètre carré; aussi l’eau des mares et des rivières est-elle lancée de eôté avec les poissons qu’elle contient jusqu’à des distances considérables.
- D’ailleurs, comme le fait remarquer M. Faye, le régime qui, suivant lui, règne dans les trombes, obéit à une des grandes lois de la nature ; les moindres inégalités de vitesse dans les filets juxtaposés d’un courant fluide, se convertissent en gyrations emportées par le courant générateur et descendant de façon à concentrer la force vive développée dans un espace de plus en plus restreint. Ces tourbillons se montrent dans nos rivières, dans les courants de la mer, comme à la surface du soleil où ils ont toutes les tailles, depuis les pores imperceptibles jusqu’aux taches où la terre tout entière se mouvrait à l’aise.
- M. Lecoq de Boisbaudran, tout en admettant les grandes lignes de la théorie de M. Faye, persiste à croire que, dans certains cas au moins, il y a aspiration et il explique le fait par une sorte de réflexion du mouvement tourbillonnaire, soit à la surface de la terre, soit à la surface de l’eau. Cette tentative de conciliation est d’ailleurs repoussée par M. Faye qui n’admet l’aspiration à aucun degré.
- De son côté,M. Mascart, tout en protestant de son indépendance par l’apport à toute théorie, pose en fait qu’il faut avant tout rendre compte de deux faits auxquels M. Faye n’a pas accordé une attention suffisante : une dépression barométrique sous la trombe, et les vents horizontaux convergents vers l’axe des météores.
- Guide de physique pratique. — Tous les amis de la physique apprendront avec plaisir la publication, par la librairie Dunod, de la traduction du Leitfaden der prak-lischen Physik de Kohlrausch, la vade-mecum de tout étudiant allemand. Elle est due à la collaboration essentiellement compétente de mon savant ami, M. J. Thoulet, professeur à la Faculté des sciences de Nancy, et de M. IL Lagarde, chargé de cours à la Faculté des sciences
- p.223 - vue 227/432
-
-
-
- 224
- LA NATURE,
- de Besançon. Toutes les questions délicates des divers chapitres de la science sont successivement passées en revue, depuis l’installation et la vérification d’une balance, jusqu’à la mesure de l’intensité d’un courant. J’ai surtout remarqué la lucidité avec laquelle sont exposés les points les plus difficiles de l’électrostatique. On n’hésitera pas à recommander ce bon livre à tous les physiciens.
- Le simædosaurc. —
- L’infatigable Dr Victor Leni oine, professeur à l’Ecole de médecine de Reims, signale la présence dans les couches éo-cènes inférieures de Sézanne (Marne), du Simœdosaure, reptile déjà signalé par lui à Cernav (même département).
- Le fait a une importance considérable en contribuantà préciser les différences très importantes qui séparent le Simœdosaure du Champosaure décrit àErquelines par M. Dollo (de Bruxelles).
- Cartes géologiques à grande échelle. — Dans une note qui sera lue avec un grand intérêt, M. Ernest Van den Broeck étudie la question si agitée en Belgique des levés géologiques à grande échelle. Nous reviendrons très prochainement sur ce grand sujet, à propos des beaux résultats que le gouvernement belge obtient dans le levé géologique du pays tout entier. Notons seulement aujourd’hui que la thèse défendue par M. Yan den Broeck a su se concilier l’un des géologues les plus marquants de l’Angleterre, M. Archibald Geikye.
- Varia. — M. Faye dépose le deuxième volume de VAn-nuaire de l'Observatoire de Rio-Janeiro. — On annonce que la séance trimestrielle des cinq Académies aura lieu le 5 avril prochain. Stanislas Meunier.
- L’ENREGISTREUR SOLAIRE
- Depuis quelques années l’observation d’un élément important pour la météorologie et la climato-
- logie est faite dans différents pays. C’est celle du nombre 1 d’heures pendant lesquelles le soleil luit dans la journée. La constatation a lieu automatiquement à l’aide d’un enregistreur solaire invenlé par le savant anglais Campbell et perfectionné pour l’usage des stations dépendantes du bureau météorologique de Londres, par le professeur Stokes, membre de la Société royale. Trente stations le possèden t dans les Iles Britanniques; dans le réseau des stations du Canada, on en compte quatorze; il s’en trouve un dans les observatoires de Saint-Pétersbourg, de Magdebourg, de Vienne, de Pola. Nous pensons qu’il est destiné à un usage général. Cet instrument (fig. 1) est très simple. Il se compose d’une sphère de verre qui agit comme une lentille. L’image du soleil est reçue sur une bande de carton étendue dans un cadre de forme courbe placé à la distance focale. Pendant que le soleil luit, sa chaleur concentrée creuse un sillon et lorsqu’il se couche ou qu’il est masqué par un nuage, la brûlure s’arrête. Il est évident que cette méthode ne peut servir à indiquer la mesure de l’intensité de la radiation solaire, mais seulement le temps pendant lequel la chaleur est assez intense pour produire la brûlure. Nous représentons (fig. 2) les observations de l’observatoire d’Aberdeen, en Ecosse, où les lignes horizontales correspondent au temps du soleil brillant. A la place du tracé automatique, les observations sont aussi données dans certaines stations par des tableaux numériques utiles aux comparaisons climatologiques. F. Zurcher.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- 6*dum*tm ÿdaraatin midi 3*!ctasoir 6hdu soir
- tfïdu matin C^du matin
- 3*dusoir BlMusoir
- Fig. f. — Spécimen des sillons tracés par l’enregistreur solaire à Aberdeen, pendant six mois. (Réduct. de moitié.)
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus à Paris.
- p.224 - vue 228/432
-
-
-
- N° 06 7.
- 15 MARS 188 6.
- LA NATURE.
- 225
- RAPPORTS
- DES INSECTES ET DES PLANTES
- LA FACULTÉ PROTECTRICE PAR IMITATION
- 11 y a plus d’une année nous consacrions ici quelques lignes à la fécondation des fleurs par les insectes,
- et nous montrions que beaucoup d’entre elles ne sauraient se reproduire sans la visite de ces derniers. Nous avons vu les artifices employés par elles pour attirer ces hôtes inconstants, et les avantages qu’il leur fallait acquérir et conserver pour ne pas perdre les faveurs des bourdons, des mouches, des papillons, messagers d’amour que la nature met à leur portée.
- Papillon Callima Inachis volant ; le même, les ailes fermées, imitant la feuille de l’arbre sur lequel il est posé.
- Si l’insecte trouve auprès des plantes un repas parfumé, il y rencontre aussi souvent un abri sûr, et dissimulé dans le feuillage il peut éviter la poursuite acharnée de ses ennemis. Pour le papillon, surtout, tout est danger, dès qu’il vient à quitter son abri. La rapidité de son vol ne suffit pas toujours à U8 année. — ior semestre.
- assurer sa fuite. Tous les pirates de haut vol fondent sur lui. Les oiseaux insectivores ne lui laissent pas un instant de répit ; les grandes libellules le pourchassent ; les guêpes et les frelons lui font une chasse sans merci.
- L’infortuné se réfugie dans un buisson. Soins inu-
- 15
- p.225 - vue 229/432
-
-
-
- 226
- LA NATURE
- tiles. Il y a dans l’épaisseur du feuillage bien des ennemis dissimulés. Les fourrés sont endroits à mauvaises rencontres. Ici c’est la couleuvre ou la vipère qui s’élance sur le malheureux insecte, là c’est la fauvette des buissons qui convoite en lui la pâture assurée d’une couvée criarde. C’est miracle s’il échappe à ce danger ; sa livrée brillante le dénonce à toutes les convoitises. Le voilà tombé de Charybde en Scylla. L’œil glauque d’une grenouille, d’une rainette, est fixé sur lui, et le pauvret disparaît dans la gueule ouverte du monstre.
- Les admirables papillons des pays tropicaux, de couleurs encore plus éclatantes, sont désignés ainsi à leurs ennemis. Aussi doivent-ils déployer mille ruses, mille artifices, pour échapper à la mort. La nature est venue en aide à certains d’entre eux, et le papillon que nous figurons, si éclatant qu’il puisse être de couleur, se dissimule admirablement pour échapper aux dangers. Aussi cette espèce est-elle fort répandue.
- Le lacis inextricable de la forêt tropicale pullule de monstres de toutes sortes ; et nulle part la lutte pour l’existence s’y étale avec tant de férocité. Dans cette nature luxuriante, tout se dispute l’air, le soleil, la vie. Le droit de vivre n’appartient pas à tous, et des légions de fourmis circulent sur le sol, tapis vivant, mettant à mort tout être assez imprudent pour se laisser saisir. Dans cette apparence de tranquillité, dans ce silence de la forêt vierge, tout est vivant. Mais la vie, si intense qu’elle soit, est latente, chaque être cache la sienne à l’égal d’un crime; se dénoncer, c’est périr. La branche s’agite : c’est un insecte; la liane se détord et siffle : c’est un serpent; un morceau d’écorce tombe : c’est un lézard; une feuille se détache et s’envole : c’est un papillon.
- Dans les forêts de la Malaisie et des Indes orientales voltigent ces splendides papillons, appartenant à la famille des Nymphalides, les Callima. Cousins de nos Mars et de nos Sylvaim, ils fréquentent comme eux les grands bois. Mais on les voit, dans leur vol incertain, fréquenter les buissons où ils disparaissent avec une merveilleuse rapidité, sans que l’œil puisse les y découvrir.
- Le célèbre naturaliste anglais, R. Wallace, qui a écrit sur l’archipel malais, où il voyagea plusieurs années, un livre qui reste le modèle du genre, nous y parle d’une espèce de Callima (C. paralecta), qu’il a observée à Sumatra.
- ... Une autre espèce sur laquelle je dois attirer l’attention est le Callima paralecta... Les ailes sont en dessus d’une riche couleur pourprée, variée de cendré. En travers des ailes supérieures s’étale une large bande d’un orangé éclatant, ce qui rend cette espèce très apparente quand elle vole.
- Cette espèce n’est pas rare dans les bois secs et fourrés, et je me suis souvent efforcé d’en capturer sans succès ; car, après avoir parcouru en volant une courte distance, le papillon entrait dans un buisson parmi les feuilles mortes, et, quel que lût mon soin à trouver sa place, je
- ne pouvais jamais le découvrir, à moins qu’il ne partît à nouveau pour disparaître bientôt dans un endroit semblable.
- A la fin, je fus assez heureux pour voir l’endroit exact où s'était posé le papillon ; et, bien que je l’eusse perdu de vue pendant quelque temps, je découvris qu’il était fermé devant mes yeux, mais, que dans cette position de repos, les ailes ainsi fermées, il ressemblait à une feuille morte attachée à une petite branche, de façon à tromper certainement,même des yeux attentivement fixés sur lui.
- .J’en ai capturé plusieurs spécimens au vol, et j’ai été à même de comprendre comment cette merveilleuse ressemblance se produisait.
- Les ailes supérieures sont terminées à leur extrémité par une fine pointe, exactement comme celle des feuilles de beaucoup d’arbres et d’arbustes des tropiques ; les ailes inférieures, au contraire, sont plus larges et terminées par une queue large et courte. Entre ces deux pointes, court une ligne courbe et sombre, qui représente exactement la nervure médiane de la feuille, et d’où rayonnent de chaque côté des lignes légèrement obliques qui imitent fort bien les nervures latérales. Ces lignes se voient plus clairement sur la partie externe de la base des ailes et sur le côté interne vers le sommet et vers le milieu. Elles sont produites par des stries et des marques très communes chez des espèces voisines, mais qui se sont modifiées et renforcées de manière à imiter plus exactement la nervulation des feuilles.
- La teinte de la face inférieure varie beaucoup, mais elle est toujours de couleur grisâtre ou rouge, comme celle des feuilles mortes. Cette espèce a l’habitude de rester toujours sur une petite branche, parmi des feuilles mortes ou serrées, et dans cette position, les ailes fer-mées et pressées l’une contre l’autre, elle présente exactement l’aspect d’une feuille de grandeur ordinaire, légèrement arrondie et dentée. La queue des ailes forme une tige parfaite et touche la branche, pendant que l’insecte est supporté par les pattes du milieu, que l’on ne peut remarquer parmi les brindilles qui l’entourent.
- La tête et les antennes sont disposées entre les ailes de façon à être cachées complètement ; et une petite entaille pratiquée à la base des ailes, permet à la tête de se retirer suffisamment.
- Ces divers détails se combinent pour produire un déguisement si complet et si merveilleux que tous ceux qui l’observent en sont étonnés, et les habitudes de l’insecte sont telles qu’elles utilisent toutes ces particularités, en les rendant profitables, et cela de manière à ne laisser aucun doute sur ce singulier cas d’imitation qui est certainement une protection pour l’insecte.
- La fuite rapide est suffisante pour le sauver des ennemis qu’il rencontre dans son vol, mais s’il était aussi visible lorsqu’il s’arrête, il n’échapperait pas longtemps à la destruction à cause des attaques des reptiles et des oiseaux insectivores qui abondent dans les forêts des tropiques1.
- Dans mes voyages en Malaisie, j’ai pu observer des papillons de cette famille; de même dans l’Inde; et rien n’est plus extraordinaire que de voir ces papillons disparaître brusquement sous vos yeux dans le moindre buisson.
- L’espèce que nous figurons ici (Callima Inachis),
- 1 The Malaii Arcliipelaqo, by Alfred Russel Wallace. — London, 1872.
- p.226 - vue 230/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 227
- habite toute l’Inde où elle est commune. C'est un beau papillon de neuf centimètres d’envergure. Les ailes ont leur dessus gris perle estompé de cendre bleue, à reflets bleu métallique. Les ailes supérieures sont traversées par une large bande souci, et leur extrémité est brun velouté, tirant au noiràlre.
- En dessous les ailes sont d’un brun jaunâtre uniforme tirant sur le gris et rappelant tout à fait le ton de certaines feuilles sèches, et traversé par des lignes foncées semblables aux nervures de la feuille, dont la grosse nervure est simulée par une forte ligne brune coupant diagonalement l’aile inférieure et la supérieure, de la queue de la première à la pointe recourbée qui termine la dernière.
- Le ton général du fond peut varier beaucoup, du gris au brun, au rougeâtre souvent varié de pique-tures noires, de lunules blanchâtres.
- Le rebord intérieur des ailes inférieures forme une large gouttière soyeuse dans laquelle le ventre du papillon disparaît complètement.
- La ressemblance entre le papillon posé sur une tige et une feuille sèche est aussi complète que chez l’espèce de Sumatra.
- Les grandes différences que l’on observe dans une nombreuse série d’individus du Callima Inachis, suffisent pour montrer que ce caractère de protection n’a pas dû être assuré à cette espèce dès le début, si l’on doit admettre que c’est tant par sélection des individus présentant ce caractère au plus haut degré, que par l’extinction des individus qui ne le possédaient pas ou inaptes à l’acquérir, que ces avantages ont été assurés à l’espèce. 11 y a dans l’Inde beaucoup de papillons appartenant à des groupes voisins qui présentent à un degré bien moindre cette apparence de feuille sèche.
- Cette remarquable application de la forme et de la couleur à un but protecteur, se remarque dans beaucoup d’autres êtres; et nous pourrions, sans sortir de la région indo-malaise, citer de nombreux exemples d’insectes qui la possèdent. Beaucoup d’Orthoptères de la grande famille des Phasmides ressemblent étonnamment à des branches. Dans leur extrême jeunesse, ces êtres bizarres ont l’apparence de brindilles ; et plus tard, à mesure que leur taille augmente, ils ressemblent a des rameaux, puis à des branches, car certaines espèces atteignent de fortes dimensions. Un autre Orthoptère, la Phyllie feuille sèche ne dément nullement par son aspect le double nom qu’on lui a donné, cette apparence de feuille soit verte, soit sèche, se retrouve plus ou moins parfait, dans un grand nombre de sauterelles.
- Tout le monde connaît, dans nos climats, ces singulières chenilles, nommées arpenteuses, et qui restent souvent des heures entières, fixées sur une branche dans une immobilité complète. L’attitude verticale ou oblique qu’elles affectent dans cette pO’ sition leur donne tout a lait l’apparence d’une brindille sèche, et les rend absolument inappréciables à l’œil dans les buissons dépouillés qu’elles fréquentent a l’automne. Beaucoup de papillons de nuit ont
- une livrée qui leur permet de passer la journée fixés à l’écorce des arbres sur laquelle leur masse grisâtre ne représente qu’une rugosité de plus. De petites phalènes ressemblent absolument aux lichens sur lesquels elles aiment à se poser, une petite araignée partage avec elles cette singulière et utile propriété.
- Maurice Maihdrok.
- LES CHEMINS DE FER k CRÉMMLLÈRE
- PROGRÈS RÉALISÉS DANS LA CONSTRUCTION, PAR M. ART
- Nous avons signalé déjà dans La Nature les applications les plus curieuses des lignes à crémaillère au moyen desquelles les voies ferrées sont arrivées à grayir des pentes absolument infranchissables pour une locomotive à simple adhérence. Ce type de voie remonte pour ainsi dire à l’origine des chemins de fer, puisque la machine construite en 1811 par Blenkinsop, directeur des houillères deMiddleton,qui constitue en quelque sorte la première locomotive, était munie d’une roue dentée engrenant avec une crémaillère ; mais cette disposition se trouva ensuite complètement abandonnée en présence du succès décisif des machines à simple adhérence. Bien que cette idée ait fait cependant l’objet de nombreux brevets, surtout en Amérique, elle ne reçut aucune réalisation pratique avant la construction du chemin de fer d’Indianopolis à Madison, établi sur ce type, en 1847, par M. Carthcart. Cette ligne, dont le trafic était relativement important, resta exploitée dans ces conditions jusqu’en 1868, époque à laquelle M. Sylvestre Marsh terminait la construction de la célèbre ligne du Mont-Washington, commencée depuis 1866. Celle-ci, dont nous donnons la vue dans la figure 1, présente une pente moyenne particulièrement forte, atteignant 0m,27 par mètre, et supérieure, par conséquent, a celle du Righi qui est de 0m,22. L’exploitation y fut commencée primitivement à l’aide du système Fell,mais le peu de succès de cette application décida ensuite à adopter une locomotive toueuse se remorquant par une crémaillère fixée sur la voie. L’installation est la même que celle que nous avons déjà décrite à propos du Righi et nous n’y insisterons pas. La locomotive a seulement sa chaudière mobile sur les deux tourillons qui la supportent, et celle-ci reste toujours verticale malgré les variations du profil. Pour prévenir tout déraillement, la machine est munie de rouleaux de friction suspendus au châssis qui restent au contact du rail central formant crémaillère et sont retenus par ses rebords latéraux.
- En Europe, l’étude des voies à crémaillère a été poursuivie par M. Riggenbach, qui a attaché son nom à ce type spécial, et nous avons examiné déjà les applications les plus curieuses qu’il a réalisées. Rappelons, par exemple, outre les deux voies allant au Righi, au départ d’Arth sur le lac de Zurich et de Witznau sur le lac des Quatre-Cantons, la ligne
- p.227 - vue 231/432
-
-
-
- 2*28
- LA NATURE.
- funiculaire du Giessbach et la ligne mixte de Rors-cîiach-Heiden qui comprend une partie en voie ordinaire prolongée par une crémaillère. Nous pourrions citer également la ligne de Kahlenberg, près de Vienne, en Autriche, celle du Schwabenberg, près de Rude, le chemin industriel d’Ostermündingen relié à la ligne de Berne à Thun, les lignes de Wasseralfingen, de Riitli, d’Oberlahnstcin, etc.
- Dans ces différentes applications, la voie est toujours établie dans des conditions uniformes, d’après le type consacré au Righi tel que nous l’avons décrit. Cette disposition présente toutefois des inconvénients assez sensibles auxquels il convenait de remédier pour assurer le succès industriel des voies à crémaillère dans la pratique courante, en dehors des cas spéciaux où elle s’était limitée jusque-là.
- La crémaillère, établie en forme d’échelle fixée sur la voie, exige une construction très coûteuse en raison de la nécessité de percer les montants, de découper et river les échelons ; en outre, elle conserve toujours nécessairement les mêmes dimensions, et il est donc impossible de proportionner sa résistance aux efforts qu’elle doit supporter. Les échelons, posés toujours à la distance uniforme de 100 millimètres , sont trop écartés pour le passage des trains rapides, et il se produit déjà des chocs sensibles dès que la vitesse dépasse 8 kilomètres à l’heure. Enfin il est très difficile d’enlever les corps étrangers qui viennent s’insérer entre les montants.
- D’autre part, la locomotive elle-même doit recevoir une roue dentée de grand diamètre pour engrener avec les échelons de la crémaillère, celle-ci est commandée par des engrenages intermédiaires en acier qui doivent être établis avec une grande précision pour éviter les chocs et les ruptures. Cette disposition, très coûteuse déjà, entraîne en outre des frottements considérables qui absorbent une grande partie de l’effort moteur et amènent une usure rapide de ces pièces.
- Enfin les locomotives mixtes destinées à fonctionner en même temps comme machines à simple
- adhérence sur les voies lisses sont installées dans des conditions très défectueuses, ainsi que nous l’avons signalé déjà, en parlant de la ligne de Rorschaeh-Heiden ; les roues motrices par adhérence doivent effectuer une rotation complète en même temps que la roue dentée et avoir, par conséquent, un diamètre absolument égal au sien. Cette condition ne peut évidemment pas rester longtemps réalisée, car les roues d’adhérence s’usent avec une grande rapidité, et présentent bientôt un développement inférieur à celui qui leur est imposé par la rotation de la roue toueuse. Elles subissent par suite des glissements continuels qui accélèrent encore l’usure et aggravent les chocs en service.
- Tous ces inconvénients sont évités dans le système
- de crémaillère de M. Abt, de Zurich, dont nous allons donner la description d’après l’étude publiée dans le Génie civil, par M. Abadie.
- La crémaillère dont nous représentons la vue (fig. 2) est formée des lames dentéesmain-tenues parallèles par l’action des supports (pii les rattachent aux traverses. Elles sont posées verticalement avec leurs dentures croisées. Les lames sont en acier, et les dents sont taillées en développante de cercle. Le nombre et l’épaisseur de ces lames, ainsi que le pas des dentures , peuvent varier dans des limites assez étendues, ce qui permet de les proportionner toujours à l’effort de traction développé par la locomotive. Toutefois, on se borne en général à quatre types distincts qui paraissent répondre à tous les besoins de la pratique, et on les désigne ordinairement par le type de voie auquel ils s’appliquent. On a ainsi les crémaillères pour voies principales, pour voies secondaires, chemins de fer sur routes et chemins funiculaires.
- Les crémaillères pour voies principales sont formées de trois lames parallèles constituant en quelque sorte autant de crémaillères distinctes, la denture de chacune d’elles chevauchant sur celles des deux autres. Ces trois lames sont entretoisées par des coussinets spéciaux rattachés aux traverses sur la voie par des tirefonds. Les lames sont maintenues à
- Fig. 1. — Le chemin de fer du mont Washington aux États-Unis. (D’après une photographie.)
- p.228 - vue 232/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 229
- l’extrémité par des coussinets éelisses qui assurent l’invariabilité du pas entre les deux lames successives. On s’attache enfin à ne pas laisser sur le même coussinet les extrémités de trois lames à la fois.
- Sur les lignes secondaires, on se borne à poser deux lames parallèles fixées dans les mêmes conditions.
- Pour les chemins de fer sur routes, M. Abt a même disposé un type de crémaillère qu’il a pu installer sur la plate-forme même des routes sans produire aucune dépression ni saillie pouvant entraver la circulation des autres véhicules. La crémaillère est constituée à cet effet d’une simple bande en acier posée au niveau de la chaussée et percée de trous
- équidistants dans lesquels s’engagent les dents de la roue toueuse de la locomotive. Cette bande est fixée par de petites cornières, sur les ailes verticales d’un fer en U ou de grandes cornières fixées elles-mêmes sur les traverses de la voie. L’ensemble de cette crémaillère constitue ainsi une sorte de poutre creuse qu’il est facile de nettoyer par la simple injection d’un courant d’eau en raison de la forte pente que présentent ces voies. Sur les lignes un peu importantes on dispose généralement une double rangée, de trous formant en quelque sorte une double crémaillère à denture croisée pour le remorquage des trains.
- La disposition de crémaillère adoptée par M. Abt
- Fig. 2. — Locomotive à crémaillère de M. Abt.
- présente des avantages très marquées au point de vue de l’exploitation, car elle assure un contact continu avec les dents de la roue toueuse, plusieurs dents se trouvant toujours simultanément en prise. Il ne se produit aucun choc dans ces conditions, ce qui permet d’augmenter la vitesse de marche et d’atteindre sans inconvénient 20 et même 25 kilomètres à l’heure. Gomme c’est surtout sur les voies mixtes que les lignes à crémaillère peuvent trouver leur application vraiment industrielle, l’exploitation doit être faite au moyen de locomotives mixtes marchant à simple adhérence sur la voie lisse, et engrenant avec la crémaillère par une roue toueuse ; il importait donc d’assurer l’entrée de la locomotive sur les parties en crémaillère sans avoir besoin d'ar-
- rêter la marche. M. Abt a réussi à assurer cet engrenage sans choc et sans arrêt au moyen d’une pièce spéciale analogue a celle que nous avons décrite dans le numéro du 20 août 1881 à propos de la ligne de Ilorschach-Heiden. Celle-ci est formée d’un bras de crémaillère mobile autour d’un axe horizontal, et dont l’extrémité libre repose sur des ressorts en spirales appuyés sur la traverse. Cette pièce était appliquée déjà avec l’ancien type de crémaillère; mais, dans la disposition nouvelle de M. Abt, l’entraînement s’opère avec d’autant plus de facilité que le mécanisme des roues toueuses est indépendant de celui des roues motrices par adhérence, et les dents de la partie mobile arrivent progressivement à engrener sans qu’il se produise aucun'
- p.229 - vue 233/432
-
-
-
- 230
- LA NATURE.
- glissement résultant de la différence de diamètre des deux types de roues motrices.
- La machine dont nous figurons l’aspect (fig. 2), est une locomotive tender avec une chaudière unique, mais elle possède un double mécanisme moteur actionnant l’un, les roues d’adhérence, et l’autre, les roues dentées. Les roues d’adhérence, au nombre de six, sont accouplées et commandées par le mécanisme des deux cylindres extérieurs.
- Les roues toueuses sont rattachées, au contraire, aux pistons des deux cylindres intérieurs placés sous les côtés delà boîte à fumée. Chacune des deux paires de cylindres est munie d’une distribution spéciale assurant l’indépendance parfaite des deux mécanismes ; toutefois, celui des roues dentées ne peut pas fonctionner seul, indépendamment des roues d’adhérence.
- La machine est munie à l’arrière d’un train articulé assurant, avec beaucoup de facilité, le passage dans les courbes.
- Les roues dentées sont portées sur deux arbres spéciaux, elles sont formées chacune de la réunion de plusieurs disques accolés en nombre égal à celui des lames parallèles. Ces disques ont leurs dentures croisées comme celle des lames de la crémaillère, de manière à obtenir un engrènement continu ; en outre, ils ne sont pas calés d’une manière rigide sur les arbres, mais on s’est attaché à leur laisser une certaine liberté d’oscillation en interposant une matière élastique autour des boulons de fixation, ce qui leur permet d’engrener toujours exactement, malgré les variations inévitables que présentent toujours les dents de la erémaillère. Cette disposition caractéristique des plus ingénieuses assure une marche extrêmement douce sans aucun choc, avec une répartition parfaite de l’effort de traction. Pour assurer l’arrêt du train en cas d’avarie, la locomotive est munie de freins à friction et de freins à air comprimé d’une grande puissance, les uns agissent sur les arbres porteurs des roues dentées et les autres sur les essieux moteurs. L’action simultanée de ces différents freins suffît pour arrêter sûrement le mouvement de la machine et immobiliser le train en le rattachant à la crémaillère.
- La locomotive étudiée par M. Abt pour les lignes à voie normale du Hartz pèse 42 tonnes, elle peut développer un effort de traction de 12 tonnes obtenu en combinant l’action des deux mécanismes ; elle peut réaliser une vitesse de 12 kilomètres à l’heure et remorquer un train de 240 tonnes sur une rampe de 30 millimètres.
- Ces nouvelles dispositions si intéressantes, comme on voit, paraissent donc appelées à donner un nouvel essor aux lignes à crémaillère qui deviennent ainsi d’une application réellement industrielle et l’essai qui en a été fait d’ailleurs, notamment sur la grande ligne du Hartz, de Blankenburg à Tanne avec des conditions de rampe très variées, a donné, en effet, les résultats les plus satisfaisants. L. P.
- LES PREMIERS ASCENSEURS
- La première idée des ascenseurs, comme celle de la plupart des inventions modernes, n’est pas nouvelle. Il y a deux cents ans, on fabriquait déjà des chaises volantes destinées à transporter des personnes aux différents étages d’un édifice par un mécanisme analogue à celui qui fait monter les plats des cuisines en sous-sols aux salles à manger, ou les livres d’une bibliothèque aux diverses galeries; on en trouve la description suivante dans le Recueil de machines (11 vol. in-4°), publié en Allemagne au siècle dernier, par Léopold de Planitz.
- « Supposez une longue gaine à peu près quarrée, formée par quatre murailles, dans un des angles de l’hôtel : cette gaine sera éclairée latéralement par nombre de petites croisées, et l’on y ménagera une seconde gaine pour y recevoir un fort contrepoids de plomb. Celui-ci sera attaché à une corde qui fera deux ou trois révolutions sur un gros cylindre horizontal de bois, fixé au-dessus de la gaine, perpendiculairement au mur de celle dans laquelle entre ce poids ; l’autre bout de la corde soutiendra une espèce de cage quarrée, dans laquelle on aura ménagé une chaise avec un petit marchepied.
- « Sur l’axe de ce cylindre est enabré ou monté un pignon oblique, qui engrène dans une vis sans fin : l’axe de cette dernière est perpendiculaire à la gaine dans laquelle entre le contrepoids, et reçoit de plus une large poulie qui est presque dans le même plan vertical que l’extrémité du marchepied de la chaise.
- « A quelque distance de cet axe, mais toujours dans le même plan horizontal, on trouve au haut de la grande gaine, un second axe parallèle à celui qui porte lavis sans fin, et qui est garni d’une poulie comme lui. Sur chacune de ces deux poulies passe une corde sans fin, c’est-à-dire une corde attachée par les deux bouts ; cette corde traverse le marchepied de la chaise en deux endroits et passe ensuite sur deux poulies immobiles fixées verticalement dans le fond de la grande gaine. Ces deux cordes doivent être bien parallèles et perpendiculaires au fond de la gaine-Voilà en deux mots en quoi consiste cette mécanique si utile. Nous allons dire un mot de ses usages.
- « Comme il y a presque équilibre, entre le contrepoids et la pesanteur du fauteuil rempli d’une personne un peu grosse (car il vaut mieux manquer par excès que par défaut), un domestique fait descendre le fauteuil, en tirant une corde, et l’arrête ensuite vis-à-vis de la porte de la gaine : la personne qui veut monter dans la chaise volante s’assied et prend les deux cordes perpendiculaires dans ses mains. On retire 'alors l’arrêt qui fixait la chaise, et le contrepoids l’enlève.
- « Pour peu que cette personne veuille se soulever, si elle trouve cette allure trop prompte, elle la modère en pressant, tant soit peu, les deux cordes qui font alors les fonctions d’un frein. En effet, cette corde passant sur une poulie énabrée, sur l’axe d’une vis sans fin, menée par le pignon qui est sur le même arbre que le cylindre du contrepoids, la descente de ce dernier peut être retardée; si la pression devient très forte, la chaise volante s’arrête.
- « Lorsque la personne est arrivée à l’étage où elle veut aller, elle pèse un peu sur les deux cordes qu’elle tenait dans ses mains, et pousse une espèce de loquet avec son pied ; ce loquet arrête la chaise vis-à-vis du seuil de la porte par où elle doit entrer. On a cru inutile de recommander ici d’avoir d’excellentes cordes de fil et dlen
- p.230 - vue 234/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 231
- changer de temps en temps, ainsi que de disposer la chaise de manière qu’elle soit en face la porte d’entrée. Je me rappelle d’être descendu dans la chaise volante du château Saint-Ange à Rome ; mais comme nous nous y trouvâmes deux, et qu’il n’v avait point de corde pour servir de modérateur ou de frein à la descente du contrepoids, nous entraînâmes ce dernier avec tant de violence, que nous crûmes être précipités. Dans ce cas, il est facile de retarder sa marche et même de l’arrêter sur le champ, en faisant sortir deux pièces de bois de chaque côté du fauteuil ; ces pièces seront logées dans des coulisses horizontales. Lorsqu’on veut descendre dans de pareilles chaises, il faut y ajouter un petit contrepoids qui surmonte la différence qui se trouve entre la pesanteur de la chaise, plus celle de la personne et celle du gros contrepoids : un domestique les remonte ensuite. » A. R
- CANON A DYNAMITE
- Depuis plusieurs années déjà, l'artillerie de mer surtout se préocupe de l’application de la dynamite au chargement des obus de rupture, en remplacement de la poudre ordinaire dont la force explosive est incomparablement moindre : cette substitution donnerait en effet au projectile une puissance destructive beaucoup plus forte dans l’attaque des cuirassements, et dans cette lutte continuelle du canon et des cuirasses dont nous suivons les péripéties, elle assurerait sans doute à l’artillerie d’une manière presque définitive, la supériorité qu’elle paraît acquérir par l’emploi des projectiles d’acier capables de traverser les cuirasses en acier ou en métal mixte.
- Malgré ces essais, il ne semble pas que l’application de la dynamite au chargement des obus de rupture puisse être réalisée prochainement; mais cette question a fait néanmoins aux États-Unis, l’objet d’expériences suivies qui paraissent appelées à donner des résultats pratiques, et nous avons cru devoir, en raison de l’intérêt du sujet, en donner un compte rendu résumé d’après une notice publiée récemment dans l'Engineering.
- Le lieutenant Zalinsky, qui s’est consacré à ces recherches, emploie une composition spéciale à base de gélatine, qui serait moins dangereuse que la dynamite ordinaire, en ce qu’elle est moins sensible aux chocs, mais qui possède cependant à volume égale une puissance explosive double de celle-ci. Pour lancer les projectiles ainsi chargés, il reconnut immédiatement dans ses premiers essais, qu’il fallait renoncer au canon h poudre, dont l’emploi était trop dangereux, et il y substitua les canons pneumatiques marchant à l’air comprimé sous forte pression, ce qui lui permit d’obtenir dans l’âme du canon un effort continu et presque constant pendant tout le parcours du projectile. Il faut remarquer d’ailleurs qu’on arrive déjà sur les canons ordinaires par l’emploi des poudres à conflagration lente, convenablement dosées pour chaque type de canon, à réaliser un effort bien mieux gradué, la composition de la poudre étant calculée de manière à ce que la com-
- bustion se prolonge jusqu’à la sortie du projectile, mais on comprend que l’emploi de l’air comprimé venant d’ailleurs d’un réservoir de grand volume doit assurer une pression encore plus uniforme.
- Les premiers essais furent pratiqués au fort La-fayetle, dans la rade de New-York, sur des projectiles de 3 centimètres environ de diamètre qu’on lançait au moyen d’un tube en laiton de 8m,50 de longueur; et d’après les résultats publiés, on aurait réussi à atteindre une portée de 2100 yards (1920 mètres) avec une pression moyenne de 500 livres par pouce carré, soit 35 kilogrammes par centimètre carré. Les principales expériences furent poursuivies toutefois sur des calibres plus gros, et on appliqua d’abord un canon du calibre de 10 centimètres ayant 12 mètres de longueur. On s’en servit en particulier pour déterminer le meilleur tracé à donner aux projectiles, et on reconnut qu’il convenait sur ceux-ci de soulager le culot, de manière à rapprocher le centre de gravité de la pointe de l’ogive; on réduisit en même temps le diamètre à l’arrière pour faciliter la sortie du projectile. Les obus tirés recevaient une charge de dynamite de 17k,7 environ, celle-ci était disposée auprès du culot, et mélangée avec du sable bien sec, remplissant la chambre de l’obus.
- L’explosion était déterminée à l’aide d’une petite batterie au chlorure d’argent, renfermée dans l’obus et donnant au moment de l’impact, une décharge électrique qui faisait éclater une amorce spéciale placée à l’intérieur de la charge de dynamite.
- La figure 1 reproduit sommairement, la disposition de cette fusée électrique. A la pointe de l’obus est ménagé, comme on voit, un plongeur en acier renfermant la batterie au chlorure d’argent, celle-ci est en relation par la fusée proprement dite, rattachée au fil c avec l’amorce C, et le fil de retour s’arrête à un contact b formant le fond de la fusée, mais qui se trouve isolé des parois latérales par une couche d’ébonite. Le piston plongeur est maintenu écarté du fond de la fusée par des ressorts en acier interposés qui empêchent ainsi toute transmission du courant. Celui-ci ne peut s’établir que lorsque le piston plongeur est refoulé à l’intérieur de l’obus d’une quantité suffisante pour briser les ressorts antagonistes et fermer le circuit. L’explosion ne se produit donc que lorsque le projectile arrive au contact de la cuirasse attaquée, et qu’il y pénètre même d’une quantité appréciable. Cette dernière propriété donne, d’après l’inventeur, un intérêt tout spécial au type de fusée adopté par lui, car les dégâts produits dans la muraille se trouvent ainsi aggravés en raison de la résistance même qu’éprouve le dégagement du gaz provenant de l’explosion lorsque le projectile est déjà engagé.
- On fit, pour l’étude de cette question, différentes expériences de tir pour lesquelles on employa comme
- O
- C' •
- Fig. 1.— Coupe de l'obus. à dynamite.
- p.231 - vue 235/432
-
-
-
- 232
- LA NATURE.
- cible des plaques de blindage en fer provenant d’un vaisseau anglais, le « Nankin », récemment échoué dans le port de New-York. On plaça celles-ci en les superposant au nombre de six, de manière à obtenir une épaisseur de 12 à 13 centimètres, et on les fixa contre les murailles du fort Lafayette qui servirent de massif. Un premier projectile non chargé, du poids de 15k,6 tiré à une distance de 55 mètres, traversa trois plaques, tandis qu’un autre projectile chargé de dynamite et muni d’une simple fusée percutante ne put pénétrer qu’une plaque seulement, on réussit au contraire a briser les six plaques en employant la fusée retardative avec contact électrique, et la muraille d’arrière fut elle-même détério-
- rée. Le lieutenant Zalinsky se proposait de doubler la charge de dynamite de ces projectiles de 40 centimètres en la portant à 2k,7, mais il dut interrompre les essais du fort Lafayette en raison des réclamations des propriétaires voisins qui se plaignaient des dégâts produits sur leurs constructions par les commotions résultant de ces tirs.
- Fort néanmoins des premiers résultats obtenus, M. Zalinsky se décida à aborder un calibre encore plus gros et il fit construire un canon pneumatique de 21 centimètres. Ce canon qui est représenté sur la figure 2 avec son projectile, est formé d’un tube en fer de 12mm d’épaisseur revêtu d’une couverte en cuivre de lmm,5, il a 18 mètres de long, et dé-
- Fig. 2. —Canon pneuraatiquo a'okus de dynamite du lieutenant Zalinsky, aux États-Unis. (D’après une/pliotographie.)
- passe ainsi de lm,10 la longueur du canon Krupp de 425 tonnes. 11 est placé, comme on voit, sur une plate-forme supportant les appareils d’élévation et de direction du tube, les pompes de compression et les réservoirs d’air comprimé. Tout cet ensemble forme un mécanisme assez délicat qui permet d’assurer le tir et la manœuvre du canon sans jamais perdre de vue le but visé. L’approvisionnement d’air contenu dans les tubes formant réservoir d’air comprimé, permet de tirer six coups a la pression de 453 kilogrammes par pouce carré, mais on peut obtenir néanmoins un tir continu en maintenant les pompes en fonction pour remplacer la perte d’air à chaque tir.
- Le canon ainsi installé, marchant à la pression de 453 kilogrammes, peut lancer un projectile de 45 kilogrammes à une portée de 3300 mètres; mais on se propose d’ailleurs de doubler la pression en la por-
- tant à 900 kilogrammes, les tubes servant k la construction du canon ayant pu supporter un effort de 1500 kilogrammes sans déformation. Le lieutenant Zalinsky compte attaquer avec ce canon des plaques de blindage de 28 centimètres d’épaisseur, et il pense réussir k les briser en employant des charges de dynamite allant jusqu’à 45 kilogrammes.
- Les résultats de ces expériences ne sont pas encore connus, si elles ont été exécutées, et on ne saurait donc porter actuellement une appréciation bien précise sur ce type de canon pneumatique ; mais on ne saurait nier néanmoins que ces nouveaux engins ne paraissent appelés, selon toute probabilité, à jouer un rôle considérable dans l’artillerie de l’avenir surtout pour le lancement des torpilles.
- p.232 - vue 236/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 235
- L’OBSERVATOIRE MÉTÉOROLOGIQUE
- DE LIMOGES ET LA SOCIÉTÉ « GAY-LUSSAC ))
- Il vient de se créer à Limoges une Association scientifique qui par l’intelligente et généreuse ini-
- tiative de son fondateur et par le nombre et la compétence de ses membres, motive la sympathie et doit attirer l’attention de tous ceux qui aiment la science et ont souci de ses progrès.
- Un fervent admirateur des sciences et un travailleur ardent, M. Paul Garrigou-Lagrange, frappé de
- Fig. 1. — Vue d’ensemble de l’Observatoire météorologique de Limoges. (D’après une photographie.)
- la situation spéciale de Limoges, ville importante placée au centre d’une vaste région limitée à l’est par les monts de l’Auvergne et du Cantal, à l’ouest par les plaines du Poitou et de la Charente, au nord et au sud, par les deux plus grands fleuves de France, la Loire et la Garonne, presque à cheval sur la ligne de partage des eaux de leurs bassins, à une altitude élevée (300 mètres environ), conçut le dessein de créer et d’organiser à Limoges un Observatoire de physique générale et de météorologie.
- L’entreprise était hardie, et si la création d’un Observatoire à l’aide des seules ressources particulières du fondateur eût éloigné les moins timorés, à
- cet établissement, il fallait des observateurs, il fallait surtout la confiance que donne le voisinage, le
- concours autant moral que réel de compagnons de travail dévoués, désintéressés et surtout compétents. Or la vieille cité limousine, si industrielle et si artistique à la fois, réunit dans ses murs, des savants, des ingénieurs, des industriels habiles, et des propriétaires profondément attachés à leur ville et pleins de zèle pour tout ce qui peut contribuer à sa renommée et à sa prospérité. On pouvait donc tenter d’associer toutes ces intelligences, toutes ces volontés, dans un but scientifique.
- La construction de l’Observatoire météorologique a été confiée à un architecte de talent, M. Jules Tixier ;
- Avenue de l'Observatoire
- ZJtOljlEV^C.
- Fig. 2. — Plan de l’Observatoire de Limoges.
- p.233 - vue 237/432
-
-
-
- LA NATURE
- 234
- son œuvre répond parfaitement à sa destination.
- L’emplacement d’un Observatoire qui doit être aussi un lieu de réunion et de travail, est difficile à trouver dans une ville importante et essentiellement industrielle. Il fallait de l’air, de l’espace, un éloignement assez grand du mouvement et du bruit d’une grande ville, et cependant une proximité suffisante du centre, pour faciliter les visites des sociétaires.
- Un vaste terrain situé dans la partie nord-ouest de Limoges, dominant toutes les maisons avoisinantes et à quelques pas d’un jardin public fréquenté, le jardin d'Orsay, fut l’emplacement choisi par le fondateur, et les constructions s’élevèrent rapidement.
- L’aspect général du bâtiment est gracieux et élégant; sous la corniche du toit couvert de briques rouges court un revêtement de plaques émaillées; on dirait d’une de ces élégantes villas des bords de la Manche, et les plantations du jardin de i500 mètres de superficie qui entoure les constructions complètent le rapprochement (fig. 1).
- Dans ce jardin, un monticule artificiel judicieusement aménagé et d’un accès facile, que l’on peut apercevoir à droite du plan (fig. 2), sert à asseoir l’abri semblable à tous ceux en usage dans les stations météréologiques pour la série complète des thermomètres. Près de là, un puits de 12 mètres de profondeur donne la température de la couche d’eau du sous-sol et permet d’en observer les variations. Enfin des pluviomètres sont installés dans la partie la plus découverte du jardin.
- Le bâtiment de l’Observatoire proprement dit occupe une superficie de plus de 200 mètres carrés. Un sous-sol sec et bien éclairé sert à l’installation des appareils magnétiques; le rez-de-chaussée renferme trois grandes pièces communiquant entre elles et se développant sur une longueur de 23 mètres. Ce sont des salles de réunion disposées aussi bien pour des séances générales que pour le travail des commissions et les divers services de rédaction et d’administration. A côté se trouve un laboratoire et une serre chaude.
- Le premier étage sert de logement au directeur et quelques salles y sont réservées, si l’installation des bureaux, des archives ou des collections l’exige.
- Au second étage se trouve une pièce spécialement affectée aux observations barométriques ; elle s’ouvre au nord et est soustraite autant que possible aux variations extérieures de température. En avant de cette salle et dans la tour carrée de l’Observatoire, est ménagée une pièce que de vastes baies, ouvrant à l’est, au sud et au nord, éclairent admirablement; elle est destinée aux études micrographiques.
- Enfin, deux plates-formes dominent le bâtiment, l’une située à 15 mètres du sol et l’autre à 20 mètres environ ; sur ces plates-formes sont disposés les anémomètres et les autres appareils servant aux observations d’électricité atmosphérique et de météorologie générale.
- Tous les instruments en usage dans l’Observatoire ont été reçus par l’intermédiaire du bureau central
- de météorologie; ils ont été vérifiés et étalonnés. L’abri du jardin renferme des thermomètres secs, humides, à maxima et à minima et un thermomètre enregistreur. D’autres sont disposés pour mesurer la température du sol et des eaux profondes. Deux pluviomètres, l’un du modèle ordinaire de l’Association scientifique, l’autre, un pluviomètre décuplateur, sont installés dans le jardin. Les baromètres de Fortin et le baromètre enregistreur sont judicieusement placés; enfin, aux anémomètres ordinaires et enregistreurs sont ajoutés des appareils spéciaux imaginés par M. Paul Garrigou-Lagrange.
- Dès à présent les observations se font régulièrement et d’une façon suivie. Le service normal comprend trois observations : à sept heures du matin, à deux et à six heures du soir, et ces observations sont transmises par deux dépêches quotidiennes au bureau central de météorologie, lequel de son côté échange les siennes. Ce service régulier a commencé le 5 novembre 1885.
- Enfin pour compléter et généraliser les travaux de météorologie entrepris, 33 stations pluviomé-triques disséminées sur tout le département de la Haute-Vienne, fonctionnent régulièrement et permettent d’établir un bulletin mensuel de météorologie avec diagrammes résumant les observations et présentant un haut intérêt au point de vue des études de climatologie locale.
- L’Observatoire à peine achevé, son fondateur chercha des collaborateurs dévoués qui voulussent bien lui apporter leur concours. Comme nous l’avons dit précédemment, Limoges offrait à ce point de vue des ressources spéciales, et l’Association, placée sous le nom et le patronage d’un éminent compatriote, Gay-Lussac, fut rapidement et heureusement constituée.
- Les membres de la société sont répartis dans sept sections :
- 1° Section des sciences mathématiques, physiques et chimiques ; 2° Section des sciences naturelles et biologiques; 3° Section de météorologie; 4° Section des sciences agronomiques; 5° Section des arts industriels; 6° Section des sciences économiques; 7° Section libre.
- Chacun apporte donc le concours de ses aptitudes spéciales et de son dévouement au bien commun.
- A peine constituée, la société « Gay-Lussac » a eu son bulletin mensuel, « le Gay-Lussac, » auquel un éditeur de la région qui est aussi un savant et aimable écrivain, M. Paul Ducourtieux, a apporté le précieux concours de son imprimerie et de son expérience. Le premier numéro a paru en janvier dernier et par le luxe de son impression et la compétence de ses rédacteurs, tous membres de la société, s’est montré à la hauteur de sa mission.
- Tel est le résultat inespéré d’une initiative généreuse : pour don de joyeux avènement, l’exposition régionale de Limoges en 1886 offre à la société Gay-Lussac, par une exposition scientifique, artistique et industrielle dont la ville de Limoges lui a
- p.234 - vue 238/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 235
- confié l’organisation, le moyen de se faire connaître dès ses débuts, à tous ceux qui s’intéressent à ces hautes manifestations de l’esprit humain. G. de T.,
- Ancien élève de l’École Centrale.
- LÀ PHOTOGRAPHIE PRATIQUE
- LAVEUR AUTOMATIQUE
- Beaucoup de nos lecteurs s’occupent de photographie, et chaque fois que nous en trouvons l’occasion nous leur signalons les appareils qui peuvent les aider à obtenir de bons résultats. Celui que nous allons faire connaître, imaginé par M. Gorceix, capitaine du génie, est fort simple et peu coûteux ; il permet d’obtenir un lavage complet et rapide des clichés et épreuves photographiques, sans la moindre surveillance. Les insuccès qui au début découragent souvent les photographes amateurs, proviennent pour la plupart d’un lavage incomplet; on ne peut pas croire que les substances qui ont imprégné la gélatine soient si rebelles au lavage et on se lasse de balancer la cuvette ou de changer l’eau. Le laveur automatique se charge de faire ces deux opérations.
- Il se compose de deuxaugets prismatiques triangulaires accolés par leurs petites hases, comme le montre la figure. Un axe horizontal passe un peu au-dessus du centre de gravité du système et repose par deux tourillons sur
- Laveur automatique à bascule de M. Gorceix.
- deux montants verticaux, de telle sorte que le système peut osciller en faisant prendre à la cloison commune aux deux augets, deux positions faisant à droite et à gauche un angle d’environ 15° avec la verticale. Les montants sont fixés sur les bords d’une cuvette qui porte un ajutage d’écoulement; ils sont réunis à leur partie supé rieure par une traverse munie d’un tube par où arrive l’eau d’une façon continue. Elle tombe dans le compartiment qui se trouve au-dessous, élève le centre de gravité latéralement et lorsqu’il se trouve au-dessus de l’axe le système bascule, une partie de l’eau est rejetée dans la cuvette inférieure; le reste, retenu par un petit rebord, baigne la plaque et pénètre dans la gélatine. Far suite du jeu de bascule, l’autre auget est venu sous le filet d’eau, il se remplit donc à son tour et produit de nouveau le renversement de son côté. Ces mouvements se continuent tant qu’il arrive de l’eau et leur fréquence dépend du débit qu’on peut régler à volonté au moyen d’un robinet.
- On voit que le lavage se fait très méthodiquement une fois l’opération en train : le cliché baigne pendant un certain temps dans l’eau, lui abandonnant une partie des sels qu’il contient, puis une grande masse d’eau vient diluer cette dissolution et est évacuée en partie, de sorte que le titre du liquide descend assez rapidement pour qu’il n’y ait plus bientôt que des traces innappréciables de substance dans l’eau et le lavage est alors complet.
- Lorsqu’il s’agit de débarrasser des épreuves sur papier d’hyposulfite de soude, opération qui demande à être faite
- avec beaucoup de soin pour que les images soient durables, on recouvre les deux augets au moyen d’une toile métallique à larges mailles qui retient les épreuves sans gêner la circulation de l’eau.
- Ce laveur est construit par la maison P. Rousseau. La dimension courante correspond aux plaques 13/18, on place une de ces plaques de chaque côté sur le fond des augets ou deux plaques 9/12, en ayant soin dans ce cas de les séparer par deux petits chevalets en forme de T renversé. La substance qui sert à la fabrication doit résister à l’action des produits employés en photographie et néanmoins être d’un prix modique. L’inventeur s’est arrêté au zinc recouvert de bitume de Judée et ensuite insolé. Si à la longue la couche disparaissait, rienneserait plus simple que de la renouveler.
- Cet appareil, d’un usage excessivement simple et d’une si grande commodité, est appelé certainement à faire partie du laboratoire de l’amateur photographe, car il ne coûte pas beaucoup plus que les cuvettes qu’il remplace et évite beaucoup de peine et d’insuccès. G. M.
- LA CONSTITUTION DES TACHES SOLAIRES
- ET LA PHOTOGRAPHIE EX ASTRONOMIE
- Par RI. JitNSSEN
- En présentant à l’Académie des sciences, dans la séance du 11 janvier 1886, une image photographique de la grande tache qui était visible sur le Soleil le 22 juin 1885, M. Janssen s’est exprimé ainsi :
- « Cette tache, qui mesure près de 2' pour le noyau principal, est une des plus grandes qui aient été observées ; mais, pour nous, le principal intérêt de cette photographie réside dans un fait de struc-lure qu’elle révèle avec une très grande netteté.
- « On sait que la région lumineuse qui entoure la pénombre des taches apparaît, dans les lunettes, comme un amas de matière plus brillante. Or la photographie que nous mettons sous les yeux de F Académie donne une précieuse analyse du phénomène et montre que ces amas n’ont pas une constitution différente de celle de la photosphère en général et qu’ils sont formés, comme celle-ci, par des éléments granulaires dont la sphère paraît être la forme normale. L’augmentation si sensible d’éclat que présentent ces plaques qui entourent les pénombres, la Photographie l’explique en montrant que, dans ces régions, les éléments granulaires sont plus serrés, possèdent plus d’éclat et que le fond lui-même est plus lumineux.
- « L'a ne s’arrêtent pas les indications de notre image photographique. On voit, en effet, que les stries des pénombres sont constituées elles-mêmes par une granulation disposée en chapelets. Mais, tandis que sur les bords de la pénombre la granulation est très brillante et très serrée, dans la pénombre même cette granulation est moins lumineuse, plus rare, laissant des vides obscurs entre les files de grains. On remarque que les grains deviennent moins lumineux et moins gros, en général, vers le noyau où ils paraissent se dissoudre.
- « La tache en question présente deux ponts très
- p.235 - vue 239/432
-
-
-
- 236
- LA NATURE.
- remarquables et un amas isolé et très brillant de matière qui les réunit. Or la photographie nous montre que cet amas et les ponts qui s'y rattachent sont formés d’éléments granulaires semblables à tout le reste.
- « Nous possédons déjà plusieurs photographies, dans les dernières obtenues et les plus parfaites, qui révèlent des faits semblables touchant les stries, les pénombres et leurs bords. 11 est donc infiniment probable que ces faits ont un grand caractère de généralité. Cependant je ne voudrais rien affirmer à cet égard avant que des observations plus nombreuses soient venues en donner la démonstration.
- « Le Soleil a été étudié depuis si longtemps et par des observateurs si habiles, qu’on a dû sans doute entrevoir ces faits quand des circonstances atmosphériques très favorables s’y prêtaient, mais la photographie seule pouvait les révéler avec certitude.
- « 11 est très important de savoir que la matière lumineuse qui forme la surface solaire a partout la même constitution. Il y aura, relativement à la mécanique solaire,des conséquences à tirer de ces faits, mais pour le moment je désire seulement attirer l’attention de l’Académie sur le fait photographique , très important à mes yeux, qui nous révèle ces phénomènes.
- « Il faut bien remarquer, en effet, que l’image fixée sur la plaque photographique a été formée avec des rayons violets de la région G. Ces rayons impressionnent faiblement la rétine. Dans les lunettes astronomiques qui sont achromatisées pour des rayons beaucoup moins réfrangibles, l’image des rayons violets est non seulement très peu visible, mais encore elle n’aurait aucune netteté. On voit donc que l’image photographique des phénomènes dont nous venons de parler serait d’une vision à peu près impossible dans les lunettes, et, quant aux détails délicats de structure qui font tout l’intérêt de ces phénomènes, ils seraient absolument invisibles.
- « C’est là un lait de la plus haute importance, puisqu’il montre que des objets célestes qui, à raison de la nature de leur radiation très réfrangible, échapperaient à notre investigation par les lunettes, peuvent être révélés par la photographie.
- « Nos photographies solaires nous offrent des exemples nombreux du fait que j’avance ici, et c’est même par elles que mon attention a été d’abord attirée sur ce point, mais j’ai eu ensuite l’occasion de le vérifier avec les photographies d’étoiles. Ainsi, par exemple, en 1881 et 1882, une photographie de la constellation d’Orion notamment m’a montré que des étoiles, à peine visibles dans mon télescope de 0ra,50 d’ouverture, venaient très accusées sur la plaque, photographique.
- « C’est que le rayonnement de ces étoiles était beaucoup plus riche en rayons photographiques qu’en rayons oculaires.
- « Dans une note présentée à l’Académie le 31 décembre 1877, dans la notice insérée dans Y Annuaire du Bureau des longitudespour V année 1879 et dans le discours d’ouverture du Congrès de l’Association française pour l’avancement des Sciences tenu à la Rochelle en 1882, je disais que la photographie n’offrait pas seulement, comme on le croyait généralement, le moyen de fixer les images lumineuses , mais qu’elle constituait une méthode de découvertes dans les Sciences, et spécialement en Astronomie. J’ajoutais que la couche sensible de la plaque photographique, en raison de cette admirable propriété de nous donner la fixation des images, de les former avec un ensemble de rayons beaucoup plus étendu que ceux qui affectent notre rétine, et enfin de permettre l’accumulation des actions radiantes pendant un temps, pour ainsi dire, illimité; que cette couche sensible, disais-je, devait être considérée comme la véritable rétine du savant.
- « Je termine donc en exprimant le vœu que cette belle méthode photographique soit pratiquéè de plus en plus par ceux qui se vouent aux progrès de l’astronomie physique ; il y a là une si grande moisson à faire que nous n’aurons jamais trop d'ouvriers. Cette carrière leur promet de beaux travaux et d’importantes découvertes1. »
- 1 Le beau résultat que MM. Henry viennent d’obtenir en constatant par la photographie l’existence d’une nébuleuse dans les Pléiades prouve l’exactitude de ces idées, idées que j’émettais déjà en 1877.
- Tache solaire du 22 juin 1883. Reproduction par l’héliogravure d’un cliché photographique obtenu à l’Observatoire de Meudon.
- p.236 - vue 240/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 237
- ÉCLAIRAGE ÉLECTRIQUE DOMESTIQUE
- Nous savons, par le nombre considérable de lettres que nous recevons à ce sujet de nos lecteurs, combien le problème de l’éclairage électrique domestique intéresse et préoccupe le public. On nous demande souvent quel est le système que nous préconisons. Tant que la distribution de l’électricité à domicile ne sera pas réalisée, il ne faut pas songer avec les ressources actuelles de la physique, à obtenir pratiquement et économiquement l’éclairage complet de tout un appartement, à l’aide de piles primaires ou secondaires, mais on peut obtenir un éclairage partiel, momentané , qui est susceptible de rendre les plus grands services.
- Notre collaborateur,
- M. Ed. Hospitalier, si compétent en électricité, a décrit ici même l’ingénieux allumeur-extincteur de M. Radi-guet, appareil des plus utiles, puisqu’il permet d’allumer une lampe électrique dans la chambre où l’on entre, tout en éteignant simultanément celle que l’on avait précédemment allumée dans la chambre que l’on vient de quitter. Ce système s’applique à un appartement, aux différents étages d’une maison, de la cave au grenier, en permettant de ne se servir que d’une seule batterie de quatre ou six éléments'.
- C’est celui que nous
- avons adopté; c’est donc celui que nous recommandons actuellement. Nous avons fait installer dans notre appartement un éclairage électrique de ce genre; il fonctionne depuis plusieurs mois, à notre entière satisfaction. Nous le décrirons sommairement, dans la pensée que nous pourrons rendre service à ceux de nos lecteurs qui voudraient imiter notre installation. Une pile de six éléments, dont nous allons parler tout à l’heure, est installée dans un cabinet de notre grenier. Une canalisation de deux fils est établie jusqu’à notre appartement, et se relie aux lampes à incandescence posées dans les différentes pièces. Le soir en rentrant dans l’obscurité, un bouton-commutateur nous permet d’éclairer l’antichambre; nous
- 1 Voy. n0 639, du 29 août 1883, p. 196.
- ouvrons la porte du salon ; en touchant un bouton, nous éteignons l’antichambre et nous éclairons le salon; la même manœuvre a lieu pour traverser le cabinet de travail, jusque dans la chambre à coucher. En outre, des lampes à incandescence sont placées dans un cabinet noir rempli de livres ; nous l’éclairons sans crainte d’incendie; dans les ivater-closels, etc. La même pile suffit pour tout cet éclairage, qui ne fonctionne pas d’une façon continue, mais qui à tout moment peut être utilisé dans une pièce ou dans une autre, pendant quelques minutes, pour chercher une allumette, faire passer un visiteur, rentrer le soir, etc.
- Arrivons à présent à la source d’électricité, à la
- pile qui fait partie de l’installation de M. Ra-diguet. Cette pile à deux liquides, genre Poggen-dorff, ne fonctionne pas à circuit ouvert; il suffit d’en renouveler le bichromate tous les deux mois, si la durée de fonctionnement totale de l’éclairage ne dépasse pas vingt à trente minutes par jour.
- Cette pile vient d’être récemment soumise à de nouveaux perfectionnements qui en font un appareil très pratique. Elle se compose : d’un vase extérieur en grès émaillé de bonne qualité, contenant une dissolution concentrée, acide, de bichromate de potasse, d’un cylindre de charbon dont la tête est paraffinée, au milieu duquel est placé un vase poreux dont la tète et le fond sont aussi paraffinés. Ce vase poreux contient l’eau acidifiée avec de l’acide sulfurique au l/d 0“ en volume. Le zinc, qu’il contient également, y reste constamment immergé ; sa partie inférieure baigne constamment dans du mercure contenu dans une cuvette dont les surfaces extérieures sont inclinées. Cette cuvette a une importance capitale et c’est grâce à elle que le zinc peut rester immergé sans usure, à circuit ouvert.
- Si l’on se contente de verser du mercure dans le fond des vases poreux, outre qu’il en faut une grande quantité par suite de la forme convexe du fond, on remarque que rapidement, après quelques heures de fonctionnement, le mercure se couvre de sulfate de zinc et que cette espèce de crasse finit par adhérer au zinc et au mercure et couvre complètement ce dernier. A la place où le zinc et le mercure sont en
- Pile liadiguet pour l’éclairage électrique domestique.— Détail de la cuvette de bois contenant du mercure pour amalgamer le zinc.
- p.237 - vue 241/432
-
-
-
- 238
- LA NATURE,
- contact, il se produit une espèce de soudure, qui supprime complètement tout contact entre le zinc et le mercure et par cela même empêche le mercure de monter dans les pores du zinc. La cuvette de M. Radiguet remédie à cet inconvénient; le sulfate de zinc formé glissant sur les surfaces extérieures, le mercure reste propre et en contact constant avec le zinc.
- L’eau acidulée des vases poreux est changée tous les quinze jours, soit après sept à huit heures d'éclairage. Le même bichromate peut servir pour quatre charges du vase poreux, soit trente heures environ, les lampes ne dépensant qu’un ampère.
- Le système d’éclairage que nous avons installé comporte, comme nous l’avons dit, six éléments de cette pile, qui nous permettent de faire fonctionner des lampes à incandescence de trois bougies.
- Gastox Tissaxdieu.
- —x><.—
- CHRONIQUE
- Dissémination naturelle de l’or. — Divers journaux américains ont reproduit un Mémoire lu, en 1861, devant une Société savante d’Amérique, par M. William du Bois, qui était alors aide-essayeur de la Monnaie de Philadelphie. Ce Mémoire était relatif à des recherches faites, à cette époque, à la Monnaie, sous la direction de M. Eckfeldt, essayeur en chef. Il résulte de ces recherches, que l’or existe dans la nature en bien plus grande abondance qu’on ne le croit. Seulement, son état d’extrême dissémination fait qu’il est très rarement exploitable avec avantage. La plupart des échantillons examinés au laboratoire dirigé par M. Eckfeldt, contenaient de l’or. Ainsi la galène (sulfure de plomb) d’Ellenville, dans l’Etat de New-York, contient 17 1/2 grains d’or par tonne. (Le grain vaut 65 milligrammes). La galène de New-Britain (Bucks Countv, Pensylvanie) contient 2 1/4 grains par tonne. Le plomb d’Espagne en saumons, qui est très pur, contient 12 grains par tonne. Divers échantillons de cuivre ont été également essayés. On a analysé un cent (centième de dollar) de 1882 et on a trouvé 1/14 500 d’or. Même proportion dans un demi-penny anglais. — Proportion un peu plus forte dans un cent américain de 1843. Par contre, le cuivre du Lac-Supérieur ne contient aucune trace d’or. Un échantillon d’antimoine métallique a donné 1/440 000. Un échantillon de bismuth 1/400000.
- La plus curieuse constatation a été faite sur les argiles qui constituent le sol de Philadelphie. On y a trouvé 1/1 224 000 d’or. D’après cela, on a calculé que le terrain compris dans les limites de la ville, telle qu’elle était en 1861, contenait 126 millions de dollars, en supposant à la couche d’argile une épaisseur moyenne de 4m,50.
- L’éclipse historique de Colomb. — Le journal Ciel et Terre publie quelques renseignements au sujet de cette éclipse, et sur la date à laquelle on peut la rapporter. A son quatrième voyage, Colomb, étant à la Jamaïque, rencontrait une certaine hostilité delà part des Indiens, qui refusaient de continuer à le fournir de vivres. Dans cette conjoncture, le grand navigateur les menaça d’enlever le soir même à la lune, sa lumière. L’astre fut, en effet, éclipsé peu d’heures après, circonstance qui frappa profondément les Indiens et acquit à Colomb un immense prestige. De la réalité du fait historique, il ne peut exister
- aucun doute. En voici du reste les autorités les plus directes : F. Colombo, Yita e falti del aliniranle, Vene-zia, 1571, cap. 103; Gomara, Ilistoria general de las Indias, Médina, 1553, eap. 24; Las Casas, Relacion de la destruyeion de las Indias Occidentales, Sevilla, 1552, part. Il, cap. 33. Quant à la date de cet événement, il faut une certaine attention pour la déterminer, car la plupart des relations sont vagues en ce qui touche les époques des circonstances qu’elles rapportent. On peut affirmer, cependant, qu’il s’agissait de l’éclipse totale de lune visible aux Antilles dans la soirée du 29 février 1504. Le milieu de cette éclipse a dû arriver à la Jamaïque quelques minutes après 7 heures.
- Procédé de blanchiment des matières grasses de toutes sortes. — Dans tous les procédés connus qui ont pour but le blanchiment des matières grasses, on se sert des agents oxydants ou chlorurants, tels que chlore et ses dérivés, sels ou acides oxygénés, permanganate de potasse, chlorate de potasse, chlorures décolorants, bichromate de potasse, bioxyde de manganèse, etc., en union avec les acides sulfurique, chlorhydrique et autres. On arrive ainsi à un blanchiment assez coûteux et souvent imparfait.
- Ayant observé que les matières grasses blanchissaient superficiellement par l’action seule de l’air, ce qui est du reste fort connu, je me suis borné à rendre cette action plus rapide et plus efficace en réduisant les matières grasses à blanchir en vésicules impalpables, offrant une surface maximum à l'action de l’oxygène de l’air. On parvient à ce but aisément, en se servant des pulvérisateurs de liquides connus dans l’industrie, comme ceux de Boi-vin, Kœrling, des frères Agnelli, etc. Dans ces appareils, la pulvérisation est obtenue par l’entraînement du liquide et son choc contre une veine ou jet d’air comprimé, de vapeur ou du mélange des deux. Les matières grasses liquides et chauffées au point voulu, suivant leur nature, sont entraînées ainsi par le pulvérisateur qui en provoque la division à l’infini et forment un véritable brouillard qui vient se condenser au fond d’une capacité ou chambre close munie d’un orifice de dégagement pour le gaz ou l’air. Les matières grasses liquéfiées s’écoulent du récipient, blanchies au point voulu. Pour des substances très colorées, on peut leur faire subir ainsi plusieurs opérations, si une seule ne suffit pas. On pourrait également faire agir par entraînement sur les matières grasses, des gaz quelconques actifs au lieu d’air, tels que le chlore, ou ses composés gazeux, de l’air ozoniné, de l’acide sulfureux, etc. Mais en général, l’air seul est suffisant pour une bonne décoloration. Ce procédé assez simple, qui ne réclame pas de réactifs coûteux, produit un blanchiment extrêment rapide et économique. Grognot,
- Ingénieur, ù Ghantenay-sur-Loire.
- Empoisonnements par les conserves de to* mates. — D’après Doggett, qui s’est livré à de longues et minutieuses recherches bibliographiques, les cas d’empoisonnement par les conserves d’aliments seraient plus fréquents en Angleterre et en Amérique, qu’en Allemagne et en France. Après avoir rappelé les opinions des auteurs, qui attribuent la cause de ces empoisonnements, les uns à la formation d’un sel toxique d’étain, les autres à celle d’un sel de plomb, il analyse chacun des cas qu’il a observés et attribue trois d’entre eux à la formation, dans la boîte de conserve, d’un sel corrrosif d’étain, probablement le chlorure d’étain, et les quatre autres cas à celle d’un sel de plomb. Quoi qu’il en soit, il n’est pas
- p.238 - vue 242/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 239
- douteux que les tomates donnent très fréquemment lieu à un acide susceptible de se combiner avec les métaux qui entrent dans la soudure et de former avec eux un sel éminemment toxique.
- Reproduction de dessins par transmission de signaux. — Le lieutenant de volontaires Glen et son collègue M. Willink vient d’imaginer un système de reproduction de dessins au moyen de signaux quelconques : télégraphiques, héliographiques, lampes, drapeaux, etc. D’après ce système, un fac-similé de dessin quelconque tel que croquis, dessin, photographie, chromo, lithographie, etc., se trouvant entre les mains de l’opérateur, peut être reproduit à distance, et à une échelle quelconque, par l’intermédiaire de signaux et ce, avec le degré de précision qu’il peut être nécessaire d’adopter. Cette méthode est basée sur un système de petits carrés correspondant avec des lignes verticales ou horizontales de lettres tirant leur signification d’un code de couleurs, ombres, courbes connues. L’idée est celle de la détermination d’un point par sa longitude et sa latitude ou autrement par son abscisse et son ordonnée. J.-A. B.
- Les terres arables aux États-Unis. — On
- évalue à 10 000000 le nombre d’acres de terre qui s’étendent le long de l’océan Pacifique aux États-Unis et sont propres à la culture du blé. La Californie en possède 5000 000, ou un bon quart; l’Orégon, 18000 000; le territoire de Washington, 16000000 ; le Colorado et l’Idaho, 100000 000 ; le Montana, l’Utah et le Wyoming, 7 000000. Toutes ces terres sont encore vierges; jamais la charrue ne les a retournées.
- —o<0>«—
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 8 mars 1886.— Présidence de M. l’amiral
- JüRIEN DE LA GrAVIÈRE.
- Le cyclone où s'est perdu le Renard. — M. l’amiral Cloué, dans une communication qui a vivement intéressé l’Académie, reconstitue, grâce aux nombreux journaux de mer qu’il a compulsés, la trajectoire et les particularités du cyclone qui, du 30 mai au 4 juin de l’année dernière, a traversé l’océan Indien depuis les îles Laquedives jusqu’à Aden. Plus de 42 grands navires en ont subi les atteintes, et 5, au nombre desquels figure le Renard, y périrent corps et biens. A 250 milles à l’est de Socotora, le vaisseau anglais Merguy passa par le centre de la tempête, le 30 mai, vers midi. Le Rouen qui transportait de la cavalerie au Tonkin, et qui a perdu tous ses chevaux, mit quatre heures seulement pour parvenir du bord du cyclone à son centre, tandis qu’il lui en fallut treize pour gagner, du centre, le bord opposé : c’est précisément l’inverse de ce qui a lieu d’habitude. Le 1er juin, le Fabert qui se trouvait au nord-ouest de Socotora, reçut des rafales du nord-est, chargées de tant de sable que l’équipage eut beaucoup à en souffrir. Ce sable, arraché à l’ile, avait fait les trois quarts du tour du cyclone. Juste au même moment le Jason qui était au nord de la trajectoire du météore recevait un vent inverse. -Le Peshawur parvint le même jour, à huit heures du soir, au contact de l’ouragan ; il en coupa la trajectoire à minuit, pour trouver ensuite des vents opposés. Se croyant hors d’affaire, il se dirigea à l’ouest vers la mer Rouge ; mais à quatre heures du matin, il rattrapa la tempête. A midi il est de nouveau au centre, il recoupe une seconde fois la trajectoire à neuf heures du soir. A minuit la mer est tellement
- démontée, que le navire est ingouvernable, et que le centre du tourbillon le rattrape et le dépasse à trois heures du matin. A six heures, l’orage était terminé. Aden fut ravagé et plusieurs maisons y furent complètement démolies. Dans la rade, la frégate la Bacchante pensa être détruite, et pourtant le baromètre ne fut aucunement troublé. A partir d’Aden, la trajectoire du cyclone dirigée jusque-là franchement à l’ouest, s’infléchit de 13° au sud, et c’est alors, devant Obock, que le Renard a dû sombrer en moins d’un quart d’heure. Une caravane partie depuis huit jours de Sangallo, fut, le 4, à dix heures et demie du matin, rattrapée en plein désert par le météore. Il résulte de la carte mise par M. Cloué sous les yeux de l’Académie, que le tourbillon mesurant d’abord 150 milles de diamètre, et animé d’une vitesse de 2 nœuds, s’est constamment rétréci, et a constamment progressé de plus en plus vite. U a dû se terminer dans le continent africain sous la forme d’une simple trombe. En terminant son travail, l’auteur exprime le vœu que des postes sémaphoriques qui eussent en juin dernier, sauvé des centaines d’existences, soient enfin édifiés sur des points convenables des côtes.
- Institut Pasteur, — La Commission nommée pour examiner le projet d’hôpital antirabique, lit dès aujourd’hui son rapport 'par l’organe de M. Vulpian. Voici en substance ses conclusions : 1° un établissement pour le traitement de la rage après morsure, sera établi à Paris sous le nom d’institut Pasteur ; 2° il admettra des Français et des étrangers ; 3° une souscription sera ouverte en France et à l’étranger; 4° l’emploi des fonds sera réglé par une commission comprenant MM. Jurien de la Gra-vière, Gosselin, Bertrand, Pasteur, Vulpian, Marey, Hervé Mangon, Paul Bert, de Freycinet, Camille Doucet, Wallon, Delaborde, Jules Simon, Magnen, Christophe, A. de Rothschild, Béclard, Brouardel, Dr Grancher; 5° les souscriptions seront reçues à la Banque de France et au Crédit foncier, chez les receveurs généraux et particuliers. Le nom des souscripteurs sera inséré au Journal officiel.
- Analyse immédiate des roches. — M. Thoulet, professeur à la Faculté des sciences de Bourg, décrit un procédé véritablement mathématique d’analyse immédiate des roches. Il consiste, dans le cas de deux minéraux constituants, à établir deux équations donnant leurs proportions relatives d’après la densité de chacun d’eux et celle de la roche ; s’il y a trois minéraux, les trois équations nécessaires sont procurées parla considération supplémentaire des dilatations cubiques. Si on mesure celles-ci à deux températures différentes, on a les quatre équations relatives au cas d’une roche à quatre éléments.
- Varia. — M. Vulpian donne d’excellentes nouvelles de la santé de M. Chevreul dont il promet la présence lundi prochain. — M. le docteur Fischer, aide-naturaliste au Muséum, pose sa candidature à l’une des places vacantes dans la section de zoologie. — Un mémoire de M. Le Chartier, professeur à la Faculté des sciences de Rennes, concerne les accidents d’incendie causés par le transport en chemin de fer de l’acide nitrique concentré. — M. Léon Laurent présente par l’intermédiaire de M. Cornu un appareil propre à la vérification des objectifs destinés aux instruments de précision. — La description orographique et géologique du Turkestan russe est offerte par MM. Mouch-ketoff et Romanewsky. Stanislas Meunier.
- -...
- p.239 - vue 243/432
-
-
-
- 240
- LA NATURE.
- FLORAISON DE QUELQUES CYCADËES
- DANS LES SERRES DU JARDIN DES PLANTES DE PARIS
- Tout le monde connaît les Cycas; ce sont des plantes à feuilles épaisses et coriaces, dont les folioles sont disposées très près les unes des autres de façon a simuler de grandes et longues plumes d’oiseau.
- Il ne faut pas croire, en voyant leurs feuilles coriaces, que les plantes sont robustes sous notre climat et qu’elles supportent facilement le séjour dans les appartements; il n’en est rien.
- Elles y exigent des soins assidus et réclament instamment l’atmosphère humide de la serre : c’est l'a qu’elles peuvent bien vivre et s’accroître.
- Pour fructifier, elles doivent avoir atteint une faille considérable et un âge avancé.
- 11 existe au Muséum d’histoire naturelle une petite espèce de Cycadée qui, chaque année, fleurit abondamment. Elle est représentée ci-contre; le dessin la fait voir environ au tiers de sa taille. C’est une plante voisine des Cycas, le Zamia cendré ( Z. fur fur a-ced).
- La tige au lieu d’être simple s’est divisée deux fois en deux parties. L’extrémité de chacune de ces courtes ramificatures est couronnée par un petit nombre de feuilles à folioles coriaces et épaisses.
- La base est garnie d’éeailles nombreuses, entre lesquelles s’échappe, pour trois des extrémités, une inflorescence mâle.
- Ce sont des corps en forme de Pomme de Pin,
- présentant des écailles hexagonales. Ces écailles portent les anthères qui caractérisent les fleurs mâles.
- Chaque année la souche présente le développement des cônes mâles. La souche, striée transversalement, montre les traces laissées par la chute des écailles et des feuilles.
- On peut voir au Jardin des Plantes, en ce moment, un Cera-toramia Mexi-cana qui fleurit très souvent et qui est chargé de trois longs cônes mâles. Il y a également un Cycas, âgé, présentant le commencement d u développement de ses graines.
- Les graines naissent sur des sortes de feuilles profondément divisées et couvertes d'un épais duvet couleur chamois. Elles forment une sorte de couronnement au sommet du Ironc. Les graines sont rouges; elles ont actuellement la grosseur d’une noix.
- Cette fructification ne s’était pas montrée depuis un certain nombre d’années : elle est relativement assez rare dans nos serres, et nous avons cru devoir la signaler à nos lecteurs.
- Les serres du Muséum d’histoire naturelle de Paris offrent un grand nombre de curiosités analogues, bien dignes d’attirer l’attention des amateurs de botanique ; nous avons déjà eu précédemment l’occasion de mentionner les cultures qu’on y a pu faire, quand elles présentaient un caractère particulier; nous espérons avoir l’occasion de revenir sur des sujets analogues.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissanwer.
- Floraison du Zamia furfuracea.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- p.240 - vue 244/432
-
-
-
- *V 6 G 8.
- ‘20 MARS 1 88G,
- LA NATURE
- CONDENSATION DES FUMÉES PAR L’ÉLECTRICITÉ STATIQUE
- Fig. 1.
- Nous avons précédemment signalé à nos lecteurs les remarquables résultats industriels qui ont été obtenus en Angleterre par M. Lodge, sur la condensation des fumées par l’électricité statique1.
- Nous allons aujourd’hui revenir sur ce fait, à un point de vue plus spécialement seientili-que, et décrire les appareils de démonstration qui permettent de le mettre en évidence et de l’étudier.
- M. 0. Hempel, le constructeur de ces appareils, les a récemment présentés 'a la Société des électriciens; avant de les faire fonctionner, il a résumé l’histoire de cette curieuse découverte; nous emprunterons à ce mémoire les docu-
- 1 Voy. 11° 639, du 29 août 1885, p. 194.
- 14* JDBét. — lw stmfcrtr*
- ments de la présente notice.
- A la suite des recherches de Tyndall sur les poussières de l’air, MM. Clark et Lodge ont reconnu qu’un corps dont la température est supérieure à celle du milieu ambiant, est enveloppé d’une mince couche d’air, absolument exempte de poussières. M. Lodge, professeur à Liverpool, eut l’idée d’étudier le phénomène ea employant l’électricité, et il remarqua que les. décharges électriques produites à haute tension par les machines statiques, avaient la propriété de condenser les poussières ou les fumées de toute nature, au milieu desquelles on en déterminait la production. Cette remarque ne tarda pas 'a trouver son application dans
- 16
- p.241 - vue 245/432
-
-
-
- 2 42
- LA NATURE.
- l’industrie métallurgique, pour condenser les fumées dangereuses et les poussières de plomb dans l’usine Walker, Parker et Ce, l’une des plus importantes de l’Angleterre. Les résultats obtenus furent merveilleux, et l’attention des savants se porta d’autant plus sur le nouveau mode de traitement, qu’il intéressait à la fois la santé des ouvriers et l’économie industrielle.
- Les expériences de M. Lodge sont de celles qui vont devenir classiques, et qu’il est utile de faire connaître et de propager. C’est dans ce but que les deux appareils représentés ci-contre (fig. 1 et 21 ont été construits par M. Hempel, qui a bien voulu les faire fonctionner devant nous.
- Le premier appareil, de grande dimension, est destiné à montrer les effets de l’électricité sur les fumées en mouvement (tîg. 1). Il est formé d’un fourneau où sont bridées les matières propres à produire la fumée qui doit traverser l’appareil. Ces fumées se dégagent d’abord dans une boîte verticale munie de carreaux de verres qui permettent de voir ce qui s’y passe intérieurement ; cette boîte est reliée par un long tube de verre a une seconde boîte analogue, mais disposée horizontalement, et surmontée d’un tuyau d’évacuation et de tirage, dont on peut régler le débit. Les deux boîtes contiennent, opposés en regard les uns des autres, des peignes de cuivre que l’on met en relation avec les deux pôles d’une machine électrique à plateau de Tœpler-Voss, de Hamsden ou de Holtz, etc.
- On fait brûler, par exemple, de l’amadou dans le fourneau; les fumées abondantes qui se dégagent traversent tout l’appareil. Si alors on fait fonctionner la machine électrique afin que la décharge se produise entre les peignes, immédiatement la fumée se met à s’agiter, à tourbillonner, et ne tarde pas à disparaître en se condensant; les boîtes et le tube deviennent aussi transparents qu’avant l’expérience.
- La fumée de l’amadou peut être avantageusement remplacée par celle qui se produit en mettant en contact de l’acide chlorhydrique et de l’ammoniaque. Les fumées blanches et très épaisses de chlorhydrate d’ammoniaque, se condensent très rapidement sur les peignes électrisés.
- Le petit appareil, représenté figure 2, est beaucoup plus pratique pour la démonstration ; il s’applique aux effets de l’électricité sur les fumées au repos, et donne une idée très nette du phénomène.
- C’est un -cylindre de verre percé latéralement de deux ouvertures portant les peignes métalliques entre lesquels se dégage l’électricité. Il est monté sur un socle à trois pieds, contenant le petit fourneau où l’on produit la fumée. Un tube adapté à la partie supérieure sert de cheminée de tirage. On fait brûler dans le fourneau du papier nüré, de l’amadou, ou bien l’on fait dégager par une réaction chimique les vapeurs sur lesquelles on veut expérimenter. Quand le cylindre de verre est plein de fumée, on tourne le plateau de la machine électrique reliée avec les peignes, l’électricité passe entre ceux-ci, et le vase
- de verre, trouble et nuageux, devient presque aussitôt transparent, les fumées qu’il contenait s’étant, condensées.
- L’expérience réussit parfaitement avec la fumée de tabac qui se condense vite et qui a l’avantage d’ètie produite facilement en fumant.
- Ces phénomènes sont remarquables; ils s’adressent tout à la fois au savant, à l’industriel, à l’hygiéniste ; ils nous montrent en outre, que le champ des découvertes est infini, puisque des effets aussi nouveaux peuvent être produits à l’aide de l’électricité statique, dont on pouvait croire toutes les propriétés connues, depuis si longtemps qu’elle est étudiée par les physiciens. Gastox Tissaxdieu.
- L’ORIGINE DU LANGAGE
- Le problème de l’origine du langage est un de ceux qui, de tout temps, ont hanté les esprits curieux. Hérodote rapporte que Psammétique, roi d’Egypte, confia à un berger deux enfants nouveau-nés avec l’injonction formelle de les faire nourrir par des chèvres, d’empêcher qu’on leur fît entendre aucun langage et de recueillir soigneusement le premier mot qu’ils prononceraient. D’après la légende, ce mot fut Bâ/o; qui signifiait pain en phrygien, d’où l’on conclut que le phrygien était la langue primitive de l’humanité, saris réfléchir que le mot Bs/.ôç dérivait d’une racine signifiant cuire au four qui s’est conservée dans les langues germaniques, et qu’il supposait les idées antérieures de farine, de feu, de four, etc. La même expérience fut, dit-on, ordonnée par l’empereur souabe Frédéric II, par Jacques IV, roi d’Ecosse, et par un des empereurs rnogols de l’Inde; naturellement elles donnèrent lieu à des conclusions différentes.
- De nos jours, au lieu d’aborder cette question délicate, brusquement et au hasard, on a procédé par cheminements méthodiques.
- On a comparé entre elles les différentes langues, on les a classées par famille et on a constaté que ces familles pouvaient se réunir en trois groupes, répondant à trois âges différents du langage considéré comme un organisme se développant suivant des lois qui lui sont propres.
- Dans le premier âge, représenté encore aujourd’hui par les Chinois, chaque idée correspond à une racine monosyllabique; la même racine désigne, par exemple : grand, grandeur, être grand, grandement et le sens particulier qu’il faut lui attacher dépend de sa place dans la phrase. Dans le second âge, qui comprend les langues touraniennes, les racines s'agglutinent pour donner naissance à des mots représentant des idées plus complexes. Enfin, dans le troisième âge, dit des langues à flexions, un certain nombre de racines perdent tout sens propre et servent, en s’accolant à d’autres mots, à déterminer des sens de relation : telles sont les formes de la conjugaison et.de la déclinaison.
- p.242 - vue 246/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 24 3
- Toute la question revient donc à savoir comment ont pu prendre naissance les racines des langues monosyllabiques.
- Ici nous ne pouvons procéder que par le raisonnement, car les racines que nous retrouvons dans les langues actuelles sont très probablement différentes de celles qui ont été créées dans l’origine; elles ont dû se modifier bien des fois, sous l’influence des causes perturbatrices que nous constatons encore aujourd’hui, pendant les centaines de siècles écoulés entre le moment où les premiers hommes commencèrent à exprimer leurs pensées par des sons et celui où l’écriture commença à les enregistrer.
- On est généralement d’accord pour admettre que l’onomatopée a joué un grand rôle dans l’attribution des noms des animaux; quoi de plus naturel en effet que d’appeler un chat miaou on un coq cokerico ? Certains cris, pour ainsi dire instinctifs, ont pu également servir à exprimer quelques sentiments comme la joie, la douleur, l’étonnement; c’est ainsi que M. F. Tylor fait remarquer que le cri de détresse des femmes fidjiennes oilé a donné naissance au verbe oile (se lamenter), qui n’est point sans analogie avec le latin ululare et l’anglais to wail (gémir). Mais, quelle que soit la fécondité que l’on accorde à ces racines primitives pour former des mots nouveaux prenant d’autres sens par suite d’associations d’idées, il n’en reste pas moins si difficile de comprendre comment les premiers hommes ont pu traduire par des sons, je ne dis pas leurs pensées, mais simplement les impressions de leurs sens, que la Société de linguistique de Paris a décidé qu’elle ne perdrait plus son temps à l’étude d’un problème insoluble.
- Voici en quels termes ce problème est posé par Max Muller, le plus célèbre d’entre les maîtres qui ont concouru à la formation delà science du langage.
- « Si l’on nous demandait de rechercher comment les images qui se peignent au fond de l'œil, comment toutes nos sensations pourraient être représentées par des sons, et transformées en sons de façon que ces sons traduisissent nos propres impressions et éveillassent celles des autres, nous regarderions sans doute une pareille question comme venant d’un fou qui, mêlant les choses les plus hétérogènes, voudrait changer la couleur en son et le son en pensée. » (La science du langage, p. 370.)
- Voici maintenant comment le savant professeur d’Oxford entrevoit la possibilité de ces mystérieuses transformations :
- « Il y a dans le monde physique une loi presque universelle, tout ce qui est frappé résonne ; chaque substance rend un son particulier. Nous pouvons reconnaître la pureté plus ou moins grande, la composition plus ou moins parfaite des métaux, à leurs vibrations, à la réponse qu’ils nous donnent. L’or ne sonne pas comme l’étain : le bois ne sonne pas comme la pierre, et des sons différents sont produits par différentes percussions; cette même loi atteint également l’homme, la plus délicatement organisée
- de toutes les œuvres de la nature. L’homme rend aussi des sons ; dans son état primitif et parfait, il n’était pas seulement doué de la puissance de traduire ses perceptions par des onomatopées, ni, ainsi que le font les bêtes, d’exprimer ses sensations par des cris. 11 possédait, en outre, la faculté de donner une conception articulée aux conceptions de sa raison. Cette faculté, il ne se l’était pas donnée à luir même. C’était un instinct, un instinct mental aussi irrésistible que tout autre. En tant qu’il a été produit par cet instinct, le langage appartient clairement au domaine de la nature. Mais l’homme perd scs instincts à mesure qu’ils lui deviennent inutiles, et ses sens s’atrophient dès qu’ils cessent d’être exercés. Ainsi la faculté créatrice qui donne une expression articulée à toutes les conceptions de notre esprit lors de leur première éclosion, cette faculté; dis-je, disparut sitôt quelle fut dénuée d’objet. Aux premier âges de l’humanité le nombre de ces types phonétiques a dû être presque infini ; c’est seulement peu à peu et au moyen de ce procédé d’élimi* nation naturelle dont l’histoire primitive des mots nous fournit un autre exemple, que les groupes de racines plus ou moins synonymes se sont réduits à un seul type déterminé. » (Ib., p. 418:)
- Eh bien ! cette faculté de changer la couleur en son par communication de mouvements vibratoires, faculté que Max Muller soupçonnait seulement et qu’il croyait perdue, elle existe encore chez un grand nombre de personnes.
- Les lecteurs de La Nature qui ont suivi les articles publiés ici même sur Y Audition colorée1 et, en particulier, celui du 9 janvier 1886, intitulé Le timbre et la couleur, ont pu reconnaître que :
- 1° Une excitation de l’un quelconque des sens, et même une douleur interne, pouvait éveiller chez certains sujets une sensation sonore et par suite se traduire par un mot;
- 2° De toutes ces transformations, celle de la couleur en son, et inversement, est de beaucoup la plus ordinaire ;
- 3° Chez différents sujets, un même son ne correspond pas toujours à une même couleur ; il y a cependant quelques personnes qui éprouvent des sensations presque identiques et un certain nombre de concordances se reproduisent d’une façon à peu près générale ;
- 4° La faculté de l’audition colorée paraît plus développée dans certaines races que dans d’autres.
- Nous pouvons donc supposer, avec Max Müller, que les races primitives étaient beaucoup mieux douées sous ce rapport que les races actuelles; et comme, de tout temps, le vulgaire a imité machinalement les natures supérieures, il suffit, d’unepart, que deux hommes aient senti de la même façon pour créer une langue, d’autre part, que deux autres hommes se soient rencontrés sur des concordances différentes pour créer une autre langue.
- Albeut, de Rochas*
- 1 18 avril, 30 mai et 5 octobre 1883.
- p.243 - vue 247/432
-
-
-
- 244
- LA NATURE.
- LE FILTRE MAIGNEN
- CLARIFICATION, PURIFICATION PAR LE FILTRAGE
- Le plus souvent, les eaux dont on dispose, pour la cuisson des aliments, l'alimentation ou les opérations industrielles, contiennent , outre les selsen dissolution qu’elles ont empruntés aux terrains traversés, de nombreux organismes microscopiques provenant de causes diverses et variables telles que décomposition, fermentation de matières animales ou végétales, des poussières, des corpuscules en suspension, etc.
- Les notions élémentaires d’hygiène impliquent la purification de ces eaux dès qu’elles doivent entrer dans l’alimentation, c’esl-à - dire dès qu’elles peuvent s’introduire dans l’organisme.
- C’est le but du filtrage.
- On peut diviser les phénomènes qui se passent dans l’intérieur d’un filtre, en deux opérations bien distinctes : la clarification, qui sépare de la masse liquide les corps en suspension et la purification qui enlève des matières en dissolution.
- La première est purement mécanique.
- La deuxième donne probablement lieu à des actions chimiques.
- Le nombre des substances employées pour effectuer la séparation des matières en suspension est excessivement nombreux et la quantité d’essais en tous genres, prouve que depuis longtemps on attachait une grande importance au filtrage. Depuis le papier employé dans les laboratoires, le feutre, le noir animal jusqu’à l’éponge, l’argile cuite et l’amiante, on peut
- dire que toutes les substances ont été essayées; il s'agit de trouver une matière ayant des pores assez fins pour 11e laisser passer que des liquides en arrêtant tout corpuscule solide si ténu qu’il soit. On suppose que les germes les plus ténus ont un diamètre de 6/10 000 de millimètre et un volume de 1 /10 000 000
- de millimètre cube. Ces chiffres seuls suffisent à montrer quelle doit être la délicatesse des pores d'une substance destinée à un bon filtrage.
- M. Friederich Dreyer,ingénieur viennois, inventeur d’un système de filtrage particulier, a fait des études approfondies sur cette question, desquelles il résulte que l’amiante est la substance qui présente les fils les plus fins; l’analyse microscopique m outre qu’un fil d’amiante est plus fin qu’un fil de toile d’araignée et à fortiori qu’un fil de soie, de laine, de coton ou que les pores d’une éponge. Dans l’une de ces dernières, il faut d’après le même auteur cent mille bacilles de la phtisie pour couvrir la surface de la projection de l'un deux; il est donc certain que le filtrage d’eaux à travers une couche d’éponge, de sable, si épaisse qu’elle soit1, ne saurait arrêter les spores ou les bactéries, et autres infinemeut petits.
- L’eau est clarifiée, mais n’est pas purifiée.
- De plus, si nous mettons en dissolution dans l’eau soit des sels de plomb, de fer, d’arsenic, etc., à la sortie d’un filtre à sable et analogues, nous les retrouvons presque complètement.
- Préoccupé de l’importance de cette question,
- 1 En général, à travers toutes les substances employées, la pierre, le charbon aggloméré, etc.
- Fig. 1. — Filtre'de ménage. — K* 1. Coupe transversale. — N" 2. Vue d’ensemble de l’appareil à une plus petite échelle.— N* 3. Montage du filtre.— -N° 4- Nettoyage
- Fig. 2. — Filtre dit Service.
- p.244 - vue 248/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 245
- M. Maignen a combiné, à la suite de nombreux travaux, une série de modèles de filtres qui, non seulement clarifient, mais purifient l’eau qui les traverse.
- Voyons comment ils sont composés, et nous examinerons ensuite les résultats qu’ils permettent d’obtenir.
- La figure 1 représente un filtre <le ménage vu en coupe.
- Sur un cône en terre cuite M percé de trous qui doivent livrer passage à l’eau filtrée, et prolongé par deux cylindres de faible diamètre, on fixe un tissu spécial, en amiante. A sa surface on dépose uniformément une couche de poudre de charbon extrêmement fine obtenue à l’aide d’une préparation particulière. L’inventeur lui a donné le
- nom de carbo-calcis ; les particules en sont si ténues qu’il admet qu’une couche de 1 millimètre de cette matière, sur une surface de 1 décimètre carré, présente une surface filtrante d’environ deux millions de
- centimètres carrés. Par-dessus cette poudre impalpable, on place ducarbo-calcis en grains C, et tout cet ensemble est contenu dans un vase en grès libre sur sa grande base par laquelle on verse l’eau à filtrer, et percé d’un trou sur sa petite base; c’est par cet orifice que l’eau filtrée s’écoule par un ajutage cylindrique, dont le joint est fait à l’amiante, dans le réservoir R où on la puisera au fur et à mesure des besoins.
- Un chapeau B également en grès et pci'cé de trous,
- I
- Fi<ï. 3. — Filtre de poehe, dit filtre-montre.
- maintient le charbon et répartit l’eau à purifier d’une façon uniforme dans toute la masse de la matière filtrante. On voit de plus que l’air circule librement dans la chambre M où tombe l’eau filtrée et que, par conséquent, elle est parfaitement aérée.
- L’eau mise en A traverse d’abord les interstices laissés entre les grains de carbo - calcis, et se dépouille des particules les plus grossières , puis arrive à la couche de poudre et à l’amiante sur lesquels s’opère le travail le plus intéressant, la purifi-
- p.245 - vue 249/432
-
-
-
- 246
- LA NATURE.
- cation. Ajoutons que le déhit est largement suffisant, même si l’on opère sans pression.
- L’eau purifiée est recueillie dans un vase cylindrique qui sert d’enveloppe à tout l’appareil. On peut le décorer comme le représente la figure 1 (n° 2), pour que cet appareil ne soit pas rejeté des appartements, c’est-à-dire du lieu où sa présence est le plus nécessaire.
- * Pour étendre d’une façon uniforme la couche de carbo-calcis en poudre, c’est-à-dire pour commencer le montage du filtre, on verse une certaine quantité de cette poudre dans un vase, ainsi que l’indique le n° 3; on agite aussi bien que possible et l’on jette sur le filtre cette eau noircie par la poudre de charbon; l’eau passe à travers le tissu d’amiante, et dépose une couche régulière de charbon sur toute la Surface du cône filtrant.
- Cette opération donne un filtre homogène, ce qui a la plus grande importance, car, si sur une partie se trouvaient des pores plus grands que dans une autre, l’eau les traverserait de préférence, en entraînant avec elle les impuretés les plus dangereuses. Cette condition est entièrement comparable à la solidité d’une chaîne dont la force dépend de la résistance du maillon le plus faible.
- Toutes les parties de ce filtre étant distinctes l’une de l’autre, le nettoyage peut se faire avec la plus grande facilité; on démonte l’appareil en retirant successivement le déversoir B, le cône filtre M et avec lui le charbon; on rince toutes les parties du filtre et on lave à grande eau la surface du tissu d'amiante n° 4 (fig. 1), on la brosse au besoin, et l’on remonte le filtre en y mettant une nouvelle charge de carbo-calcis. On peut même porter au feu le tissu d’amiante, pour détruire tous les germes et microbes qu’il a pu arrêter dans l’épaisseur de son tissu.
- Cette facilité de nettoyage complet, jointe à l’im-putrescibilité des matières employées, constitue les qualités les plus précieuses de cet appareil ; car il est évident que s’il n’est pas possible de retirer les impuretés arrêtées à la surface, ou dans l’épaisseur de la masse filtrante, l’eau qui la traversera ensuite, sera tout au moins aussi mauvaise, sinon plus, qu’avant son passage dans le filtre; c’est pourquoi les filtres que l’on ne peut nettoyer dans toute leur masse doivent être absolument proscrits.
- Diverses formes ont été données à cet appareil dont nous étudierons ensuite les propriétés.
- Pour économiser l’espace occupé, on lui donne souvent une section rectangulaire ainsi que le représente la figure 2, qui est la coupe d'un filtre dit « service » dont la forme extérieure rappelle celle de nos anciennes fontaines domestiques dont l’usage est malheureusement trop répandu.
- On peut le munir d’un flotteur qui le remplira automatiquement, si l’on dispose d’une conduite alimentée par une distribution d’eau.
- C’est là une des nombreuses formes de ce filtre qui a reçu les applications les plus diverses. L’armée
- anglaise l’a adopté pour la purification des eaux fournies aux troupes, et dans la dernière expédition du Nil, les soldats placés sous les ordres de lord Wol-selcy en étaient tous munis. Le transport de certains filtres spéciaux, dits filtres à baquets, s’est fait à dos de mulet, ou à dos de chameau; il existe également d’autres modèles de plus grandes dimensions montés sur roues pouvant filtrer de 2000 à 4000 litres à l’heure, grâce à la grande surface de leurs nombreux châssis filtrants.
- En dehors de ces appareils permettant de traiter de grandes quantités d’eau pour les besoins collectifs, les officiers et soldats étaient munis d’un filtre portatif spécial de très faible dimension. Celui des officiers, dit filtre-montre, a été ainsi nommé à cause de sa forme et de son faible volume. On peut sans difficulté le placer dans sa poche et l’employer, ainsi que le représente la figure 3, pour boire directement dans un cours d’eau ou même dans une mare dont l’eau n’est pas potable. Grâce aux puissantes propriétés du filtre, l’eau est purifiée et peut être absorbée sans inconvénients. C’est par conséquent un filtre de touriste qui peut rendre de grands services en maintes circonstances.
- Il se compose comme les précédents d’un petit châssis filtrant dont l’intérieur communique avec un ajutage que l’on prend entre ses lèvres; un tube de caoutchouc amène l’eau dans une boite cylindre à l’extérieur du châssis disposé identiquement comme nous l’avons vu pour le filtre de ménage. En aspirant par cet ajutage on fait monter l’eau dans l’appareil et la différence de pression donne un débit suffisant.
- Dans le filtrage de grandes quantités d’eau, pour les applications industrielles, par exemple, on emploie une série de grands filtres formés également jje châssis démontables : la figure 4 montre l’aspect d’une salle de filtrage dans laquelle on nettoie l’un des appareils.
- Pour montrer l’efficacité de ces engins, nous , ne pouvons mieux faire que de citer quelques expériences faites au dernier congrès d’hygiène de Londres, et répétées au congrès international pharmaceutique de Bruxelles; elles nous montrent que le filtrage est loin d'avoir dit son dernier mot et que la théorie entière en est encore à faire.
- Si dans un filtre en plein fonctionnement on verse 15 grammes d’acétate de plomb liquide, au bout d’un quart d’heure, cette eau filtrée, traitée par le suif-hydrate d’ammoniaque, ne donne pas de coloration noire, bien que ce réactif soit très sensible.
- Si dans le même filtre on vérse une solution de sulfate de fer, le cyanure jaune de potassium nous montre qu’aucune parcelle de fer n’a traversé le châssis filtrant.
- Des phénomènes analogues se produisent si l’on filtre de l’urine fermentée, des sels d’autres métaux tels que le cuivre, le zinc et même d’arsenic. En démontant le filtre, on les retrouve déposés à l’état insoluble sur la couche de carbone pulvérisé.
- p.246 - vue 250/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 247
- Il en est de même pour le vin. Si l’on verse dans le filtre une bouteille de vin rouge titrant 8 degrés d’alcool, au bout de quelques instants il a passé un liquide incolore presque aussi limpide que de l’eau pure ayant le goût fade d’une eau à laquelle on a ajouté quelques gouttes d’alcool.
- Si l’on titre le degré hydrotimétrique de l’eau avant et après le passage dans le filtre, on constate qu’après cette opération il a été réduit d’environ moitié.
- On connaît également la propriété que possède le charbon d’absorber 80 à 90 fois son volume de gaz ammoniac, sulfureux ou chlorhydrique.
- Ces qualités réunies font de la surface filtrante que nous venons de décrire un laboratoire où se réalisent des opérations, des réactions que nous ne connaissons pas exactement. Cette fixation des produits à la surface du filtre est-elle due à une action moléculaire simplement mécanique, ou se passe-t-il des phénomènes d’oxydation assez intenses pour transformer la matière organique, et faire passer à l’état de sels insolubles les particules en dissolution, qui, précipitées dans le filtre, y sont arrêtées mécaniquement? Nous ne le savons pas encore d’une façon certaine; cependant il paraît probable que la division à laquelle le liquide filtré est soumis produit un état de division qui favorise l’oxydation, soit par l’oxygène de l’air contenu en dissolution, soit autrement, mais très probablement au même titre qu’un courant d’hydrogène lancé sur une éponge de mousse de platine se combine à l’oxygène de l’air pour donner de l’eau.
- Une probabilité en faveur de cette explication, c’est que si l’on dose l’oxygène à la sortie du filtre, on en constate toujours moins qu’à l’entrée; il paraît probable que le gaz qui a disparu a contribué à la précipitation et à l'arrêt des sels métalliques.
- Quelle est l’explication de ce phénomène?
- Comment s’accomplit la purification dans le filtrage?
- Nous n’en savons encore rien; des expériences ultérieures nous l’apprendront sans doute.
- Mais les résultats acquis doivent être mis à profit, pour éviter la propagation des maladies contagieuses, quelles que soient leurs causes ; car, malheureusement, l’eau et l’air en sont les deux véhicules les plus actifs, et d’autant plus dangereux pour l’organisme humain qu’ils sont absolument nécessaires à sa vitalité. X...,
- LETTRES D'AMÉRIQUE’
- SAN-FRANCISCO. - CHINA TOWN. — WOODWARDS
- GARDENS.
- San-Francisco est une ville dont on a bien parlé : quand on l’a vue, on comprend que les voyageurs ont raison de vouloir la visiter. Elle a cinquante ans
- 1 Suite. Voy. p. 7, 44, 82, 150 et 108.
- (l’àge à peine : que de choses étonnantes cependant elle réserve aux étrangers !
- L’arrivée à San-Francisco est faite pour le plaisir des yeux et pour exciter l’intérêt. Le chemin de fer s’arrête à Benicia et on le fait passer sur un ferry boat magnifique. Il faut traverser la baie de San-Pablo, pour reprendre la voie sur l’autre bord à San-Costa1. Le ferry boat le Solano est superbe : sur son pont quatre voies sont posées pour placer les trains. Un plan incliné muni de charnières d’un côté, et maintenu de l’autre par des chaînes à la manière d’un pont-levis, fait descendre les wagons et la machine sur le ferry ; il en est de même à l’autre rive pour reprendre le niveau de la voie du chemin de fer, car il faut bien obéir à la différence de hauteur des eaux. La manœuvre se fait sans bruit et fort aisément ; cette manière de transporter un train tout entier a quelque chose de hardi et d’élégant tout à la fois : c’est bien américain. Gomme le Solano n’a pas la longueur d’un train, celui-ci est coupé en deux par moitié, et il se rejoint facilement sur l’autre rive. r
- Peu de temps après le départ de San-Costa, nous sommes à Oakland. Là tout le monde descend, on est en vue de la baie de San-Francisco. 11 faut se rendre vers un autre immense ferry boat qui peut contenir six mille personnes. Salles d’attente énormes sur le pont, galeries couvertes pour les voyageurs, etc. En vingt minutes la baie est traversée; vingt minutes d’admiration, on peut le dire. San-Francisco, planté sur ses collines de cent mètres de hauteur environ, semble s'approcher, venir au-devant de vous, avec les innombrables navires qui remplissent ses bassins. On voit les quais, les berges, puis les palais somptueux sur les hauteurs. Tout cela resplendit au soleil et vous annonce par avance gaieté et plaisir.
- Enfin nous débarquons, j’arrive à Palace hôtel.
- Palace hôtel est bien nommé, c’est un vrai palais, mais quelle bizarre architecture ! La cour surtout, fort grande et couverte, rappelle ces beaux monuments de stuc découpé, qu’on vend dans les rues et dans lesquels on peut mettre des lumières. Les fenêtres garnies de papier rouge sont lumineuses, et vous avez un beau château éclairé à giorno. Voilà Palace hôtel. Il faut dire cependant que l’organisation de cet hôte! est admirable. Le voyageur y est fort bien, avec le plus grand confort possible; belles chambres, cabinets de toilette, salle de bains et le reste. Dans l’hôtel, des salons élégants, pour les bals, les dîners et réunions de toutes sortes; enfin rien ne manque, et c’est vraiment merveilleux.
- La ville est des plus pittoresques, ses nombreuses collines en feraient un endroit impossible, mais il y a les Cable railwayi. Voilà le rêve réalisé pour le public, c’est là le plus agréable moyen de transport;
- 1 Yoy. n° 411, du IG avril 1881, p. 312.
- 2 Voy. n° 240, du 5 janvier 1878, p. 92, et n° 447, du 24 dé-
- cembre 1881, p. 59. Voy. aussi Tramways funiculaires de Chicago, n° 550, du 15 décembre 1883. p. 33. ’*
- p.247 - vue 251/432
-
-
-
- LA NATURE
- 248
- quand pourrons-nous monter ainsi aux Buttes Montmartre? Pas de chevaux, une vitesse égale pour les montées et les descentes, les sièges des voitures aisés d’accès et commodes, on ne peut demander mieux. 11 y a de plus une quantité de ces voitures à câbles, de sorte qu’on n’a jamais à attendre. San-Francisco possède encore des tramways à chevaux et des voitures. Le mouvement des rues est considérable, moins fort cependant qu’à New-York. Rien n’est plus agréable pour le touriste que de prendre les Cable railway pour cinq sous.
- Us vous font parcourir cette ville si pittoresque par des montées et des descentes sans fin (fig. 1), toute pleine d’aperçus variés et de vues délicieuses de la ville et de la baie.
- Une des grandes curiosités de San-Francisco est China town. La colonie des Chinois est fort intéressante à visiter, et certainement la chose la plus amusante de San-Francisco. Je ne sais pourquoi cet endroit a la réputation d'être affreux, ignoble de saleté. Les Chinois sont des êtres détestables, m'a-t-on dit souvent, on devrait les chasser d’Amérique, puis toutes sortes de récits épouvantables sur leur compte.
- Il me semble que cela est bien exagéré. La grande raison de la haine consiste en ceci : les Chinois travaillent presque pour rien, et le peu qu’ils gagnent est conservé par eux. Lorsqu’ils ont économisé une petite fortune bien minime, ils rentrent dans leur patrie. Les Américains disent qu’ils font du tort à leurs compatriotes en travaillant à bas prix, ce qu’ils ne sauraient faire eux-mêmes, et qu’enfin ils emportent leurs dollars en Chine, sans en laisser une parcelle aux Etats-Unis. On voit cependant partout les traces de l’utile travail des Chinois, c’est le plus
- pénible qu’ils acceptent, et qu’ils exécutent patiemment et sans se plaindre.
- Située dans le centre de la ville, China town possède une rue principale d’une grande gaieté. Bordée de petites boutiques arrangées.à la chinoise, on dirait une foire perpétuelle. Les marchands de feux d’artifice, les bijou tiers-horlogers, les fruitiers, les marchands d’étoffes, rivalisent de zèle pour leur devanture toujours propre et brillante, ornée d’affiches chinoises, de couleurs éclatantes, et de lanternes bariolées. Dans tout cela, une foule de Chinois vêtus très proprement avec leur tunique de soie noire et leur calotte cachant leur crâne rasé, puis enfin leur longue queue. On entre dans les magasins, dans les cafés où les Chinois fument l’opium, dans les petites ruelles où ils habitent, sans être aucunement contrarié. Dans le grand théâtre de China town, on jouait une pièce à grand succès. C’est une salle de 400 à 500 personnes, elle est ornée très simple ment; des banquettes au rez-de - chaussée et une galerie au premier étage, l'arm i les spectateurs, j’étais, je pense , le seul Européen ; tous les Chinois paraissaient s’amuser beaucoup. L’Européen ne comprenait rien à la pièce, mais la vue des brillants costumes des acteurs, la musique, et la joie des autres spectateurs, tous du sexe masculin, suffisaient amplement à sa curiosité. Sur la scène, il n’y a point de décors, le principal ornement est l’orchestre placé au centre ; il est composé de tam-tams, de cithares et d’instruments de bois très sonores. La musique ne s’arrête guère et fait un bruit assourdissant ; elle accompagne la voix des acteurs qui psalmodient ou chantent dans un ton très élevé. Les
- Fig. 1. — Tramway funiculaire de San-Francisco (cable railway) fonctionnant dans Telegrapli Hill. (D’après une 'photographie.)
- p.248 - vue 252/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 249
- personnages de la pièce jouent devant l’orchestre ; I de portières d’étoffe placées de droite et de gauche, ils peuvent sortir de la scène par des baies munies | et quelques spectateurs sont assis, comme dans l’an-
- Fig. 2. — Le bateau-annulaire (rotary boat) dans Woodwards Garde ns, à San-Franciseo. (D'après nature )
- cien temps, sur les bas côtés du théâtre. Quant à la pièce, elle représentait, je crois, une lutte entre des rois et des reines.
- Les dieux du ciel et de l’enfer se mêlaient à ces disputes et finissaient par juger le différend à la grande satisfaction du public.
- Les costumes et surtout les masques des guerriers et des dieux étaient fort curieux. Les étoffes de satin, brodé de plaques dorées et orné de rondelles de mica, faisaient, à la lumière du gaz, un effet superbe, de sorte que le coup d’œil'd’ensemble était charmant.
- Il y a quelques endroits misérables de la colonie chinoise, qu’il est bon de visiter en compagnie d’un
- homme de la police; on voit ainsi les salles où vont coucher tout un groupe de Chinois dans des salles
- basses et sans air. Cela est le côté affreux de cette colonie bizarre. Comment peu -vent-ils vivre ainsi empilés, y passer la nuit et dormir? C’est une odeurrépugnante et malsaine. 11 y a, depuis peu, des ordonnances de police pour défendre ces tristes et misérables asiles.
- Les rues de San - Francisco, dans les quartiers américains, sont remplies de boutiques élégantes, et partout le soir des cafés-concerts et des théâtres vous offrent de nombreuses curiosités Quand on a marché de tous côtés, dans la
- Fig. 5. — Les cireurs de bottes nègres, à San Francisco. (D’après nature.)
- p.249 - vue 253/432
-
-
-
- 250
- LA NATURE.
- journée, pour être un peu présentable le soir, il est facile de rentrer à l’hôtel pour réparer le désordre de sa toilette, mais la grande question est la chaussure. Aucun domestique ne consentirait à vous cirer vos bottes ; il en est de même d’ailleurs dans tous les Etats-Unis. Pour eux, c’est chose déshonorante, c’est la besogne des nègres, peut-être encore des pauvres Italiens, mais des Américains, jamais !
- Dans le sous-sol des hôtels, il y a donc des nègres pour cette besogne, et les rues sont pleines de petites boutiques, où les habitants viennent s’asseoir sur de bons fauteuils. Us lisent les journaux, pendant que le nègre polit leurs chaussures et brosse leurs habits pour la modique somme de cinq sous (fig. 5).
- Avec tous ces centres divers de distraction, il y a encore aux extrémités de la ville de jolis jardins qui servent pour les concerts en plein air ou les bals publics. Les Woodwards gardens entre autres sont des plus courus.
- Le directeur donne des fêtes de nuit. 11 y a des spectacles de toutes sortes, des serres pleines de belles fleurs, un aquarium, des collections d’animaux empaillés, des phoques et des serpents à sonnettes vivants, une ménagerie, une chambre noire qualifiée de magique, un restaurant, etc. Au milieu de cet ensemble, un jeu pour les enfants m’a paru charmant. C’est 1 eRolary boat. Je l’ai figuré par un croquis (fig. 2). Dans un petit bassin orné de plantes aquatiques, on a installé une sorte de bateau circulaire muni de banquettes. Cent personnes environ, mamans et bébés, peuvent s'y asseoir. On descend fort aisément dans ce bateau d’un nouveau genre ; il est placé presque au niveau d’un quai de départ, sur lequel est construit un charmant débarcadère orné de' bancs pour les parents et abrité par des arbres. Il v a trois mâts avec des voiles que le vent gonfle assez souvent et qui aident à faire tourner la machine, puis des rames sont attachées sur les bords intérieurs de la barque tournante. Les enfants rament à qui mieux mieux et la font mouvoir ainsi eux-mêmes, aussi vite qu’ils peuvent, en riant et en poussant des cris de joie. Ce bateau annulaire est maintenu par un pivot central caché dans les fleurs à l’aide de six fils de fer. Il ne peut pas verser, bien entendu ; d’ailleurs le bassin sur lequel il est installé a fort peu de profondeur.
- Autour de San-Francisco, des excursions sont à faire en grand nombre : l’hôtel Monterey avec ses jardins délicieux et son établissement de bains au bord du Pacifique; la merveilleuse vallée La Yose-mite et les arbres géants (Big trees) de Calaveras et Mariposa.Mais je ne dirai rien ici de cette excursion, car La Nature a donné déjà de nombreux détails1 sur ces végétations extraordinaires, célèbres dans le monde entier. Albert Tissandier.
- — A suivre. —
- 1 Yoy. n° 101, (tu 8 mai 1875, p. 560 ; n° 155, (lu 20 mai 1876, p. 385; n° 524, du 16 juin 1883, p. 54: n° 530,du 28 juillet 1883, p.129.
- UN LACTOMÈTRE
- Le lactomètre usuel, ou pèse-lait, n’est qu’une variante de l’aréomètre; il a l’inconvénient, pour les usages domestiques, de nécessiter l’emploi d’un récipient et d’une quantité assez considérable du lait à essayer pour former une colonne d’une longueur suffisante ’a l’immersion du corps de l’aréomètre et de sa longue tige. L’appareil suivant est remarquable par sa simplicité. Il est composé de deux parties : l’une, représentée en plan et en section (fig. 1 et 2) est en ébonite et contient, au centre, un petit godet d’une profondeur infinitésimale; l’autre (fig. 5), est un disque en verre, clair et par conséquent transparent au centre, et dont la surface restante est divisée en six parties ou secteurs incomplets. Chacun de ces secteurs est teinté en une couleur grise dont le ton va en croissant depuis le gris léger ou presque blanc jus-
- 1 3
- Fig. 1 à 3. — Lactomètre.
- i
- qu’au gris très foncé ou presque noir; un vernis opaque, dont le disque est revêtu à la face postérieure, isole ces teintes de la couleuDlnoire du disque en ébonite.
- Lorsqu’une simplg goutte de lait est déposée dans le godet ou soucoupe centrale du disque en ébonite et que le disque est placé dessus, la goutte de lait s’épanouit, étant donné le peu de profondeur de la coupe, et vient remplir l’espace circulaire central du disque en verre correspondant et superposé à ladite soucoupe. Le mariage du blanc du lait et du fond noir de la soucoupe produit une teinte plus ou moins grisâtre suivant la qualité du lait. Si le lait est crémeux, le blanc l’emporte sur le noir et le gris obtenu est léger. Si au contraire le lait est très pauvre, le fond noir prédomine et la teinte grise accusée est très foncée. Une comparaison entre la couleur obtenue et la nuance de l’un des secteurs, qui sont annotés de descriptions correspondant aux diverses qualités du lait, indique la composition de celui-ci. J.-A. Berly.
- HISTOIRE DE LA SCIENCE
- MESMER. --- LE DOIGT MAGIQUE
- Mesmer est né sur les bords du lac de Constance, à Itzmang, en 1734. Reçu docteur de la faculté de médecine de Vienne en 1766, il publia dès cette époque un ouvrage relatif à l'Influence des planètes sur le corps humain.
- « Les corps célestes, disait-il, exercent, par la force qui produit leurs attractions mutuelles, une influence sur les corps animés, spécialement sur le système nerveux, par l’intermédiaire d’un fluide subtil qui pénètre tous les corps et qui remplit tout l’univers. »
- p.250 - vue 254/432
-
-
-
- LÀ NATURE,
- 251
- Ce fut là le point de départ de la doctrine mal définie, dont il se fit Tardent propagateur.
- L’existence de Mesmer fut extraordinairement agitée. Esprit actif et cultivé, il eut, dès son début, la satisfaction de grouper autour de lui d’ardents défenseurs et d’appeler, sur ses expériences, non pas, il est vrai, l’attention des savants, qui se récusèrent, mais celle d’un public nombreux dont la crédulité servit singulièrement ses desseins.
- Quoique la science ne fût point, à la fin du dix-huitième siècle, en possession des précieux moyens d’investigation dont elle dispose aujourd’hui, il n’est pas impossible cependant que Mesmer, éclairé par ses recherches, ait été véritablement convaincu de l’importance des phénomènes qui lui étaient révélés. On peut sans doute lui reprocher le caractère mystérieux qu’il leur imprimait; les pratiques bizarres auxquelles il se livrait dans le but de frapper l’imagination de ses malades; plus encore que tout cela, peut-être, l’amour immodéré des richesses auquel il sacrifia toute considération; mais il est équitable de reconnaître que, s’il n’en a pas exactement mesuré la portée, il a sûrement entrevu une partie des phénomènes hypnotiques si utilement étudiés de nos jours.
- C’est seulement en 1775 que Mesmer publia le résultat de ses recherches sous le titre de : Lettre à un médecin étranger sur leu cures magnétiques. Plus tard, en 1784, il prit soin de conserver, dans un ouvrage intitulé : Précis historique des faits relatifs au magnétisme animal, le souvenir des luttes qu’il eut à soutenir soit à Vienne,- soit à Paris, avec les corps scientifiques auxquels il s’adressa.
- « Le magnétisme animal, disait Mesmer, dans le Précis historique, est un rapprochement de deux sciences connues : l'astronomie et la médecine. C’est moins une découverte nouvelle qu’une application de faits aperçus depuis longtemps, à des besoins sentis de tous les temps. »
- « Par cette expression magnétisme animal, je désigne donc une de ces opérations universelles de la nature, dont l’action, déterminée sur nos nerfs, offre à l’art un moyen universel de guérir et de préserver les hommes. »
- Violemment attaqué, puis éconduit par les médecins viennois, Mesmer s’arma pour le combat et pensant trouver meilleur accueil en France, il y vint au mois de février 1778.
- Jean-Baptiste Le Roy, alors directeur de TAcadémié des sciences, fut l’un des premiers savants français qui assistèrent à ses expériences. Il parut frappé de leurs résultats, et consentit à présenter l’auteur à l’illustre compagnie. Mesmer raconte plaisamment la séance à laquelle il assista dans cette circonstance.
- « A mesure que les académiciens arrivoient, il s’établissoit des comités particuliers, où se traitoient sans doute autant de questions savantes. Je supposois avec vraisemblance, que lorsque l’assemblée seroit assez nombreuse pour être réputée entière, l’atten-
- tion,"divisée jusqu’alors, se fixeroitsur un seul objet. Je me trompois : chacun continua sa conversation; et lorsque M. Le Roy voulut parler, il réclama inutilement une attention et un silence qu’on ne lui accorda pas. »
- Cette inutile démarche ne rebuta point Mesmer, Le 22 août 1778, il écrivait de Créteil, où il s’était retiré avec quelques malades privilégiés, une lettre pressante dont il priait Le Roy de donner lecture à l’une des plus prochaines assemblées.
- La lettre de Mesmer fut lue dans la séance du 29 août. Elle n’a pas laissé d’autre trace au procès-verbal de l’Académie, que les lignes qui suivent : ,
- « M. Le Roy a lu une lettre de M. Marner, relative a son...animal. J’ai été chargé de lui répondre
- que l’Académie ne doit point s’en mêler. »
- En rédigeant le procès-verbal, la minute en fait foi, Condorcet avait écrit : Mesmer et magnétisme animal, mais le copiste que cette grosse question de mesmérisme laissait sans doute fort indifférent, a traduit Mesmer par Marner. Le mot magnétisme ne lui étant probablement pas familier, il Ta laissé en blanc, confiant à plus expérimenté que lui, le soin de le rétablir.
- Les relations de Mesmer avec la Société royale de médecine de Paris furent autrement mouvementées. Il put un instant espérer atteindre le but si obstinément poursuivi par lui.
- Quelques mois après son arrivée k Paris, Mesmer s’était lié avec d’Eslon, premier médecin du comte d’Artois. Vivement sollicité par les doctrines magnétiques, d’Eslon suivait le traitement des malades de Mesmer, lui en présentait de nouveaux, et rapidement converti, s’offrait bientôt à saisir la Société royale de médecine des expériences poursuivies sous ses yeux. Mesmer accepta avec empressement les propositions de ce généreux et imprudent ami. Dans l’assemblée générale du 18 septembre 1780, d’Eslon donna lecture à la Société, d'un Mémoire préparé et rédigé de concert avec Mesmer. L’effet de cette lecture fut absolument inattendu. A la suite d’un vote de la Compagnie, le nom de d’Eslon fut rây<é du tableau des médecins de la Faculté et les propositions de Mesmer furent rejetées sans plus ample examen.
- Tout cela ne suffit point à décourager le tenace expérimentateur. Chose assez bizarre, la vogue dont ses exploits étaient entourés, devint d’autant plus vive, d’autant plus irrésistible, que les principales sociétés savantes du pays, refusant de se prononcer, paraissaient, non sans quelque raison, proclamer le charlatanisme de l’auteur.
- Pour la foule, Mesmer devint une sorte de martyr. Profitant habilement de la situation, il se fit, dans la plus haute société parisienne, de fanatiques partisans, qui créèrent en sa faveur un mouvement particulièrement favorable, avec lequel il fallut bientôt compter.
- Louis XVI lui fit alors proposer une pension viagère de 20000 livres, à laquelle il ajouta l’offre
- p.251 - vue 255/432
-
-
-
- 252
- LA NATURE.
- d’une maison pour y établir une clinique magnétique, mais le rusé viennois refusa et préféra à cette solution, l’organisation d’une souscription, qui couverte bientôt par ses plus fervents adeptes s’éleva rapidement à 540000 livres. En acceptant cette combinaison, Mesmer s’engageait à la divulgation publique de sa doctrine et de ses procédés; cependant, le moment venu de satisfaire aux engage-ments qu’il avait librement consentis, il se déroba, fit naître des discussions blessantes pour ses protecteurs, indignes de lui-même, et enfin lassa si bien ses souscripteurs, que chacun d'eux se préoccupa de rentrer en possession des fonds qu’il avait étourdiment versés.
- D’autres amis, riches et généreux, s’offrirent à lui venir en aide; il accepta leur secours, dissipa follement une partie des sommes qui lui étaient confiées, et voyant que son crédit baissait chaque jour, sentant que tout allait lui manquer, il se résolut à quitter la France et se rendit en Angleterre en 1781. C’est de là qu’il rentra dans son pays où il mourut oublié, le 5 mars 1815.
- Des nombreuses expériences que rapporte .Mesmer, quelques-unes sont présentées avec art.
- Celle de Ml,e de Berlancourt, par exemple, mérite de fixer l'attention :
- « Mllfi de Berlancourt, dit-il, m’avait été amenée, sous les auspices de M. d’Eslon, par M. Didier fils, que j’ai dit avoir été présent à mes expériences. Depuis cette époque, Mlle de Berlancourt a suivi mes traitements. Rien ne ressemble moins aujourd’hui à la personne malheureuse que j’ai dépeinte. Elle voit, parle et agit avec une vivacité qui va quelquefois jusqu’à nous alarmer et qui même a pensé' lui être funeste. Chérie de nous tous, je ne l’envisage plus que je ne sente le plaisir inexprimable d’avoir donné la vie (j’ose me servir de cette expression), à l’objet qui en est le plus digne. Si les circonstances me permettent d’achever sa cure, je me croirai des droits
- Fac-similé d’une ancienne caricature sur Mesmer. Le doigt magique. (Collection d'estampes de l’auteur.)
- à la reconnaissance de la société, pour lui avoir rendu une personne qui possède les qualités du cœur et de l’esprit au degré le plus éminent. Puisse ce très foible hommage me faire pardonner par les gens austères, la liberté que je prends d’appeler en témoignage public une demoiselle que sa délicatesse devoit peut-être préserver de cet éclat. »
- Mlle de Berlancourt était une jeune fille de vingt-deux ans, atteinte d’une paralysie partielle. C’est à elle, sans aucun doute, que se rapporte la caricature très curieuse et très rare que nous publions ici.
- Pourquoi le graveur lui a-t-il donné ce titre : Le
- doigt magique? Mesmer l'explique lui-même. 11 rapporte en effet que, à l’issue de la séance de l’Académie des sciences, il se rendit chez Le Roy, où, en présence de plusieurs personnes, M. A ..voulut bien se prêter à ses expériences.
- « J’offris à ces Messieurs dit Mesmer , une preuve que notre organisation est sujette à des pôles, ainsi que je l’avais avancé. Ils y consentirent et en conséquence, je priai M. A... de mettre un bandeau sur ses yeux, Cela fait, je lui passai les doigts sous les narines à plusieurs reprises, et changeant alternativement la direction du pôle, je lui faisais respirer une odeur de soufre ou je l’en privais à volonté. Ce que je faisais pour l’odorat, je le faisais également pour le goût, à l’aide d’une tasse d’eau. »
- Et plus loin : « Lorsque, par exemple, je promène sous mon doigt une douleur fixe occasionnée par une incommodité quelconque ; lorsque je la porte à volonté du cerveau à l’estomac, de l’estomac au bas-ventre et réciproquement du ventre à l’estomac et de l’estomac au cerveau, il n’y a que la folie consommée ou la mauvaise foi la plus insigne qui puissent méconnaître l’auteur de sensations pareilles. «
- Ernest Maindron.
- p.252 - vue 256/432
-
-
-
- LA NATUllE.
- 253
- LES ÎGMNES
- Ce genre des Iguanes a été formé par Laurenti aux dépens du groupe des Lacerta, de Linné. Puis ils furent successivement divisés en plusieurs groupes par Daudin, Cuvier, Wagler, üuméril et Biberon. Ces deux derniers auteurs ne conservèrent le nom d’iguanes qu’à un très petit nombre d’espèces dont voici les caractères : Un grand fanon mince sous le cou, les plaques céphaliques polygonales, plates et carénées, un double rang de petites dents palatines, les dents maxillaires finement dentelées sur les bords (çe qui leur permet de scier les végétaux dont ils font leur nourriture). Une crête sur le dos et la queue, les doigts longs, inégaux, laqueue longue, grêle, comprimée, couverte de petites écailles polygonales, égales, imbriquées, carénées. Les pores fémoraux sont disposés suivant une rangée. La membrane du tympan est grande et à fleur de tète. Les Iguanes font leur nourriture principale de végétaux et de fruits; d’après quelques auteurs, ils mangent des insectes. Les Indiens disent qu’ils sont carnassiers. La chair de l’Iguane est très recherchée par les indigènes ; dans quelques localités elle est regardée comme malsaine et propre à rappeler les accidents vénériens. Les Iguanes logent habituellement dans des trous qu’ils creusent dans le sable, souvent, dans des terriers d’Agoutis abandonnés. Ils pondent des œufs qu’ils enfouissent dans le sable comme presque tous les sauriens. Ils abandonnent leurs œufs à l’incubation solaire ; ces œufs sont elliptiques, blanchâtres, à peu près de la grosseur d’un œuf de pigeon. Les Iguanes se trouvent toujours sur les arbres qui avoisinent les cours d’eau. Quand ils sont surpris, ils se réfugient dans la cime ; le plus souvent ils se précipitent dans l’eau, car les Iguanes sont d’excellents nageurs.
- Crevaux rapporte qu’un Iguane qu’il avait surpris vint s’assommer sur le bord de sa pirogue en voulant plonger.
- Habituellement les Indiens chassent l’Iguane avec de longues flèches. Ils emploient aussi des chiens dressés à cet usage. Quand l’Iguane est dans un arbre, le chien donne de la voix ; lorsqu’il est à terre,
- il l’arrête. De même que l’Autruche, l’Iguane se croit à couvert quand il se cache la tète, ce qui permet de le prendre très facilement à la main. Une fois capturé, les Indiens lui passent une lanière dans les deux mâchoires afin de l’empêcher de mordre, puis lui attachent les pattes sur le dos. Ainsi mutilée, la pauvre bête est portée sur le marché où, grâce à son extrême vitalité, elle peut être conservée assez longtemps.
- Nous connaissons trois espèces d’iguanes : Ylguana tuberculata (Delicatissima de Laurenti) habite l’Amérique méridionale et les Antilles; Ylguana Rhinolpha, de Wiegmann, propre au Mexique et à Saint-Domingue; Ylguana Nudicollis (n’ajias de tubercules sur le cou), se trouve à la Martinique, à la Guadeloupe et au Brésil. L’Iguane commun ( lguana tuberculata ). Cet Iguane a été dessiné d’après un individu, offertà l’Aquarium du Havre par M. Tan-querey capitaine à bord delà Villede Maranhao) (Yoy. la figure) ; il peut atteindre deux mètres de long ; mais la queue à elle seule mesure plus de la moitié de celle longueur. Cette espèce possède sous le tympan et sur les épaules deux grandes taches jaunes bordées d’une ligne noirâtre, le cou présente de nombreux tubercules, les doigts des membres postérieurs sont très longs et inégaux. Le fanon est denticulé près du menton. Le dessous de l’animal est jaune verdâtre, le dessus est vert, quelquefois bleuâtre ou ardoisé ; car les Iguanes ont la propriété de pouvoir changer de couleur. Le corps et la queue sont habituellement rayés de bandes d’un brun plus ou moins sombre, bordé d’une ligne plus claire et légèrement jaunâtre. Cette espèce était autrefois très commune dans file de Bahama. Aujourd’hui elle y est presque éteinte. On la trouve encore assez communément au Brésil et dans les Guy ânes.
- Mon père ayant reçu dernièrement sept individus de cette espèce leur trouva l’estomac rempli d'une noix que nous n’avons pu déterminer. L’Iguane de l’Aquarium du Havre que nous avons dessiné l’année dernière dans cet établissement, est un spécimen très remarquable et très intéressant. Gaston Noury.
- Iguane de l’Aquarium du Havre. (D’après nature.)
- p.253 - vue 257/432
-
-
-
- 254
- LA NATURE.
- LE FUSIL A RÉPÉTITION
- ET LE FUSIL A PETIT CALIBRE 1
- Le but principal du fusil à répétition est d’obtenir sur le champ de bataille au moment décisif une intensité de feu plus grande. Cette intensité du feu n’est recherchée uniquement que pour obtenir un effet utile plus considérable en augmentant le nombre de cartouches tirées, l’habileté des tireurs restant dans tous les cas semblable à elle-même. Ce but étant bien défini, il est naturel de se poser les deux questions suivantes, qui sont depuis longtemps mises à l’étude et depuis quelque temps presque résolues à notre école normale de tir.
- 1° Le fusil à répétition augmente-t-il d’une façon notable l’intensité du feu ?
- 2° N’y a-t-il pas un autre moyen, plus sur et plus avantageux, d’augmenter l’effet utile d’un tir de combat ?
- De nombreuses et concluantes expériences, faites successivement dans toutes les conditions, en présence et sous la direction des officiers les plus autorisés en la matière, ont donné les résultats suivants :•
- Le fusil à répétition — si l’on s’en sert de la manière suivante : charger le magasin, tirer toutes les cartouches qu’il contient, recharger le magasin, tirer à nouveau, etc., — n’augmente en aucune façon la rapidité du tir de notre fusil actuel.
- Le fusil à répétition — si l’on s’en sert de cette seconde manière : tirer les cartouches du magasin, puis exécuter la charge séparée comme avec le fusil ordinaire — tire 17 cartouches, pendant que le fusil Gras en lire 16. Le peu d’importance de cette différence tient à ce que : — 1° Dans la charge, le petit levier qui immobilise le magasin se relève parfois de lui-même, une fois le magasin vidé, et interrompt ainsi la manœuvre de la charge simple; — 2° Sur un champ de tir, et à plus forte raison dans le combat, le tireur qui ne songe qu’à l’intensité de son feu, ne compte pas le nombre de cartouches brûlées, tire la dernière sans savoir que c’est la dernière, et ne s’aperçoit que le magasin est épuisé que lorsqu’il a fait une fois la manœuvre à vide.
- Dans ces conditions, il ne parait pas que le mince accroissement de l’intensité du feu vaille la peine d’un changement ni même d’une transformation dans l’armement. — Ajoutons à cela les inconvénients inhérents à tout fusil à répétition : la lourdeur de l’arme, une fois le magasin chargé et conservé pour le moment opportun, lourdeur qui incommode considérablement le tireur, surtout quand le magasin est sous le canon ; — et la surveillance, à peu près impossible, qui incombe aux officiers, chargés d’empêcher les hommes d’user le magasin avant le temps.
- Il est un autre facteur que l’intensité du feu, pour augmenter l’effet utile à un moment donné, sans augmenter la consommation des munitions; c’est le pour-cent. 11 est évident que, tout en cherchant à perfectiouner l’instruction du tir, ce n’est pas de l’éducation du soldat qu’il faut attendre ce résultat. Il faudrait le mettre en possession d’une arme qui le forçât pour ainsi dire à atteindre le but visé.
- Or le fusil à petit calibre est une arme qui remplit cette condition pour le moment de l’action où on désire augmenter l’effet utile du feu, c’est-à-dire aux distances rapprochées. — Il est deux erreurs qui dispersent les coups en dehors du but: l’erreur de direction et l’erreur de hauteur; or, pour une ligne de tirailleurs, qui devient fort
- 1 Yoy. n° 0(» >, du 27 février 1886, p. 165.
- dense vers 500 mètres, l’erreur de direction n’est plus possible à commettre; la .ligne est toujours atteinte, et la balle frappe dans le tas. Mais l’erreur en hauteur, si facile à commettre sur un but aussi peu élevé qu’un homme à genou, est la principale cause des balles perdues, tant par suite d’un défaut de visée que par une erreur dans l’appréciation des distances. — Notre fusil actuel fait disparaître l’erreur en hauteur, jusqu’à 250 mètres, c’est-à-dire que la flèche de la trajectoire à 250 mètres ne dépasse et n’atteint môme pas la hauteur d’un homme ; et que par conséquent, pourvu que la ligne de mire soit prise sur un homme situé entre 0 et 250 mètres, l’erreur de la mise au point delà hausse disparaît,d’erreur de l’appréciation des distances disparaît, Je coup porte, et l’hotnme est atteint. Le pour-cent est donc plus considérable, quelle que soit la force des tireurs, et l’effet utile est augmenté sans qu’on ait consommé plus de cartouches.
- Mais cette distance de 250 mètres est trop faible. On a donc cherché à obtenir des trajectoires tendues avec des flèches minimum. C’est ce problème qui se trouve résolu dans les fusils à petit calibre. Le fusil à 8 millimètres a une portée de but en blanc de 600 mètres, c’est-à-dire que tout homme placé dans le plan vertical de la trajectoire entre 0 et 600 mètres sera atteint par le projectile. L’augmentation de l’effet utile se produit donc dès 600 mètres, avec l’intensité et la fatalité que je signalais naguère. Tout soldat devient tireur malgré lui, et le feu se trouve être plus meurtrier que si l’on avait simplement augmenté la dépense des munitions. D’ailleurs, le fusil à petit calibre est moins lourd que le fusil actuel, et en portant le même poids de munitions, le soldat aurait un plus grand nombre de cartouches, ce qui est un point important à considérer.
- Telles sont les raisons pour lesquelles le fusil à petit calibre doit être préféré au fusil de 11 millimètres, au fusil à répétition, et même à un fusil qui serait un compromis entre le fusil à répétition et le fusil à petit calibre, et dans lequel les deux principes auraient leur application sans donner toute leur efficacité. A. de P.
- --------
- NÉCROLOGIE
- Félix I^eblanc.— Nous avons le regret d’annoucerla mort de M. Félix Leblanc, professeur de chimie à l’Ecole centrale des arts et manufactures, vérificateur en chef du gaz de la ville de Paris, vice-président de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, etc. Longtemps collaborateur de l’illustre Dumas, M. Félix Leblanc a laissé son nom attaché à de remarquables travaux de chimie ; nous mentionnerons surtout ceux qui se rattachent à l’étude de l’oxyde de carbone. Félix Leblanc s’est aussi beaucoup occupé de l’électricité. Il faisait partie de la Commission d’expériences nommée lors de l’Exposition d’électricité en 1881, pour examiner les appareils exposés, et les travaux qui lui sont dus, ont assurément contribué au progrès de la science.
- Vérificateur en chef de la ville de Paris, il sut organiser un service d’essais scientifiques de premier ordre, constamment imité en province et à l’étranger. Vice-président de la Société d’encouragement à laquelle il consacrait une partie importante de son temps avec un infatigable dévouement, M. Leblanc laissera partout un grand vide et d’unanimes regrets parmi ses nombreux amis.
- p.254 - vue 258/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 255
- CHRONIQUE
- L’Institut Pasteur. — Le comité de patronage de l’Institut Pasteur dont nous avons parlé précédemment (p. 259) s’est réuni le 12 mars. Il a nommé président M. l’amiral Jurien de la Gravière, et secrétaire M. le docteur Grancher. Le comité avait déjà reçu, à cette date, de nombreuses souscriptions. Les souscriptions sont,reçues à la Banque de France, au Crédit foncier et dans leurs succursales, chez tous les trésoriers-payeurs généraux, chez les receveurs particuliers, les percepteurs, et.par les membres du comité dont voici la liste complète :
- MM. l’amiral Jurien de La Gravière, président de l’Académie des sciences; Bertrand, de l’Académie des sciences et de l’Académie française ; Yulpian, de l’Académie des sciences; Marey, de l’Académie des sciences; Paul Bert, de l’Académie des sciences ; Bichat, de l’Académie des sciences ; Charcot, de l’Académie des sciences ; Hervé Mangon, de l’Académie des sciences; de Freycinet, de l’Académie des sciences ; Camille Doucet, secrétaire perpétuel de l’Académie française; Wallon, secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres; vicomte Delaborde, secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts; Jules Simon, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences morales et politiques;Magnin, gouverneur de la Banque de France; Christophle, gouverneur du Crédit foncier; Alphonse de Rothschild, membre de l’Institut; Béclard, doyen de la faculté de médecine, secrétaire perpétuel de l’Académie de médecine ; Brouar-del, professeur à la faculté de médecine, président du comité consultatif d’hygiène de France ; Grancher, professeur à la faculté de médecine de Paris.
- Les souscriptions sont centralisées au Crédit foncier. Le Journal officiel du 14 mars a publié la première liste qui s’élève au chiffre de 242000 francs. Le comte de Lau-hespin a souscrit pour 40 000 francs ; la Banque de France, le Crédit foncier, MM. Rothschild frères, pour 40 000francs, l’Institut de France pour 50000 francs, Mme J. Grancher pour 10000 francs, etc.— Nous .applaudissons au succès de cette souscription, qui a le double mérite de répondre à l’appel de l’initiative privée, et de patronner une fondation basée sur les plus grands et les plus admirables travaux scientifiques de notre époque. — La Nature a envoyé sa souscription au siège du Crédit foncier.
- L’huile de bambou. — Un des compagnons de M. Savorgnan de Brazza, M. Manas, a créé sur l’Alima une-industrie nouvelle, la fabrication de l’huile de bambou, que M. Ponel prépare aussi depuis quelque temps dans les mêmes régions. « Cette huile, écrit le P. Augouard dans les Missions catholiques (n° du 12 février 1886, p. 82) est excellente pour les machines et remplace avantageusement l’huile qu’on fait venir à grands frais d’Europe, et qui souvent fait défaut lorsque les vapeurs en ont le plus grand besoin. C’est une précieuse découverte... Le goût de cette huile est assez agréable, et lorsqu’elle est suffisamment préparée et décantée, elle remplace, sinon avantageusement, du moins fort convenablement, l’huile d’olive pour la cuisine. » Il serait utile d’acclimater le bambou oléifère de l’Alima dans les territoires marécageux de nos autres colonies.
- Le» forêt» de la France. — Yoici quelques chiffres extraits du dernier rapport de l’Administration des forêts : les beis et les forêts, en France, couvrent une surface de 8396151 hectares, dont 1 012 688 à l’État, 1 967 846 aux communes et le reste, 5415 567 aux particuliers. De
- 1826 à 1884, 465058. hectares ont été. défrichés et 57 267 replantés. La valeur des forêts de l’Etat est estimée à 1500 millions, et leur revenu annuel est de 50 à 55 millions. Les frais d’administration, de surveillance, d’entretien, d’exploitation, sont énormes : ils montent k 17 772 000 francs, environ la moitié du revenu, et ne laissent pas 19 millions de revenu net; soit 1 1/2 pour cent du capital et 19 francs par hectare, tandis que les bois des particuliers rapportent en moyenne 28 et50 francs. Il faut dire, en plus, que les droits de chasse, qui se vendent fort cher, sont compris dans ce revenu. Décidément, l’Etat est mauvais administrateur.
- A propos des premiers ascenseurs. — L’invention remonte à Louis XIV. Dangeau rapporte (Journal éd. avec notes de Saint-Simon, l. III, p. 265) que M. Le Prince s’en servait k Paris et k Versailles. Un certain M. Thonier avait aussi fait faire une machine de même genre, mais un jour elle cassa, et il se rompit bras et jambes (Furelc-riana, 1696, p. 159.)
- Un maître chien. — Le chien Plinlimmon qui a obtenu le premier prix à l’Exposition récente de chiens de race Saint-Bernard, k Londres, pèse 92 kilogrammes; il parait être le plus gros des chiens connus passés et présents.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 15 mars 1886. — Présidence de M l’amiral Jurien de la Gravière.
- Fructification des Calamodendrons. — Comme conclusion d’un travail présenté par M. Duchartre, M. Renault annonce que les fructifications des Calamodendrons sont en forme d’épis rappelant ceux des Annularia, mais ils ne renferment qu’une seule espèce de corps reproducteurs. Les épis sont formés de verticilles, de bractées, alternativement fertiles et stériles ; chaque bractée fertile de forme peltée porte quatre sacs, ces sacs renferment les corps reproducteurs réunis par quatre et enveloppés de la cellule mère cuticularisée ; k la rupture du sac ils s’échappent et sont disséminés par tétrades, qui ont été rencontrées dans le canal micropylaire de certains Trigo-nocarpus et dans la chambre pollimque des Gnetopsis. Les corps reproducteurs sont donc des grains de pollen, les Calamodendrons des Phanérogames gymnospermes. Ce résultat vient confirmer les vues déjà émises à la suite de l’étude des tiges et des racines par l’auteur.
- Histoire de la science. — On a fait beaucoup de bruit récemment en Allemagne autour d’un mémoire dans lequel M. Peters s’est attaché k prouver qu’une règle conservée k l’Observatoire de Paris sous le nom de toise du Pérou n’est pas, quoi qu’on en ait dit, celle dont se sont servis au siècle dernier Bouguer et La Condamine dans leur célèbre voyage géodésique dans l’Amérique du Sud. M. Wolf établit aujourd’hui d’une manière irréfutable la parfaite authenticité de cet appareil historique. Il demande eu outre qu’une Commission de l’Académie soit nommée pour donner à ses conclusions une consécration tout à fait officielle, et MM. Fave, Janssen, Mouchez, Wolf et Perrier sont désignés dans ce but.
- Transformation du bois. — Le savant directeur des mines de Commenlry, M. H.Fayol, appelle l’attention sur des morceaux de bois de chêne qui en neuf années seule-j ment de service ont pris, à s’y tromper, l’appa»encc de la
- p.255 - vue 259/432
-
-
-
- 256
- LA?NATURE.
- houille. Ces morceaux de bois ont subi leur métamorphose dans les fondations d’un marteau-pilon de l’usine de Mières (Espagne). L’aspect de ce bois est celui d’une houille fibreuse à parties brillantes séparées par des parties ternes; l’aspect, le toucher rappellent absolument la houille. M. Renault, du Muséum, qui a examiné les parties brillantes au microscope a constaté que les vaisseaux, les fibres ligneuses et le parenchyme ligneux ont conservé tous leurs caractères, et que les ponctuations ou ornements des vaisseaux sont parfaitement nets. L’analyse chimique donne des chiffres analogues à ceux qui appartiennent au lignite, et il n’y a pas à douter que la coloration très noire ne soit due surtout à la présence du tanna te de fer.
- Flore du Tonkin. — M. Bureau, professeur au Muséum, ht la suite de ses recherches si importantes sur la Flore du Tonkin. Dans sa première communication, il s’occupait du Delta; cette fois, avec la collaboration de MM. Poisson, aide-naturaliste, et Franchet, il étudie la région nord-est de notre colonie.
- Elections. — Le décès de M. Bouquet ayant laissé vacante une place dans la section de géométrie, une liste de présentation est affichée qui porte, en première ligne,
- M. Halphen ; en deuxième ligne et æquo et par ordre 'alphabétique,
- MM. Appel, Picard et Poincarré. Les volants étant au nombre de 51,
- M. Halphen est élu par 49 suffrages contre 1 donné à M. Picard et 1 à M. Poincarré. L’Académie nomme une Commission de six membres auxquels s’adjoindra M. le Président, chargée de préparer une liste de candidats à la place de secrétaire perpétuel en remplacement de M. Jamin. Sont élus MM. Gosselin, Duchartre, de Quatrefages, Boussingault, Pasteur et Dau-brée. *
- Sables diamantifères du Cap. — L’une des dernières livraisons des Annales des mines contient un travail ou M. Moulle étudie en détail la géologie générale et les mines de diamants de l’Afrique du Sud. Dans une note que veut bien présenter en mon nom M. le secrétaire perpétuel, je m’empresse de constater que mes assertions relatives à la présence du granit dans les alluvions verticales diamantifères sont définitivement confirmées; et je donne une analyse microscopique d’un granit type de Doyl’s Rush. M. Moulle cherche à expliquer l’ascension des sables à diamants dans les pans par de véritables éruptions de gaz hydrocarbonés. Dans mon opinion, cette théorie compliquée est absolument inutile, et je ne vois aucune raison pour modifier la théorie d’alluvionnement vertical que j’ai proposée. 1
- Varia. — M. William Crookes fait connaître le spectre de fluorescence désigné par M. de Marignac, de Genève, sous le signe provisoire Y*. — Une méthode de séparation et de dosage du cuivre, du cadmium, du nickel, du cobalt, du manganèse et du fer est proposée par M. Carnot. — MM. Lévy et Bergeron étudient les roches éruptives de l’Andalousie. — D’après Gazagnères, les coléoptères possèdent un organe spécial de la gustation à la face inférieure du labre; il consiste en une éminence garnie de poils creux qui sont en rapport avec des canalicules où se ramifient des nerfs.
- Stanislas Meunier.
- UN DOUBLE BATEAU
- La gravure ci-dessous qui est empruntée à une publication russe, représente un curieux spécimen
- de double bateau genre périssoire que vient de construire un amateur. On pourrait en quelque sorte considérer ee système comme une sorte de patins aquatiques, car le canotier a un bateau pour chaque jambe; il se tient debout comme le montre notre dessin, et tà l’aide d’une grande pagaie, il se dirige à la surface de l’eau, avec une vitesse assez considérable.
- Les deux petits bateaux peuvent se rapprocher l’un de l’autre, et être maintenus en position au moyen de deux attaches transversales. L’une de ces traverses sert alors de banquette au yachtman ; celui-ci prend place au milieu des deux esquifs, entre lesquels il s’asseoit ; s’il y a de la brise, il ouvre un grand parasol qui sert de voile et entraîne la curieuse embarcation.
- Il va sans dire que ce système ne saurait être recommandé que comme ces périssoires dont se servent les amateurs de natation. 11 nous paraît prudent de n’en faire usage que pendant les chaleurs, avec un costume léger qui puisse permettre de faire sans inconvénient un plongeon en cas de chavirement de la légère et curieuse embarcation.
- Dr Z...
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Un nouveau baleau-périssoire russe.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus à Paris.
- p.256 - vue 260/432
-
-
-
- N° 669,
- 2 7 MARS 1886
- LA NATURE,
- CANON SOUS-MARIN D’ÉRICSSON
- Depuis l'apparition des torpilleurs, le mode de lancement des torpilles a subi de nombreuses modi-
- fications. L’air comprimé, primitivement employé, a été presque exclusivement remplacé dans la marine française par la poudre, qui a le triple avantage d’être moins coûteuse, de ne pas exiger à bord un matériel encombrant comme celui destiné à produire
- Fig. 1. — Le canon sous marin d’Ericsson, placé au-dessous de la flottaison d’un navire de guerre.
- l’air comprimé, et enfin de donner à la torpille une plus grande vitesse initiale. La pratique a démontré qu’avec certaines précautions, on n’avait pas à craindre les inflammations prématurées de la torpille.
- L’Angleterre nous suit aujourd’hui dans cette
- M® «née. — i*r ufflwlre.
- voie, et on va essayer à Portsmouth un canon sous-marin construit par le célèbre ingénieur américain Ericsson. Ce canon en acier d’une seule pièce a 9 mètres de longueur et 41 centimètres de diamètre. La torpille qu’il lance à 7m,50 de long et pèse environ une tonne. Sa portée serait, d’après
- 17
- p.257 - vue 261/432
-
-
-
- 258
- LA NATURE.
- l’inventeur, de 270 mètres sous l’action d’une charge de poudre de 9 kilogrammes. Ce canon, qui doit être placé a 2m,70 au-dessous de la flottaison, lance donc la torpille dans un milieu homogène, dont la densité est la même que celle de ce projectile, ce qui doit, d’après l’inventeur, empêcher toute déviation.
- Le mécanisme de cette arme est fort simple. La figure 1 donne l’ensemble de l’installation à bord.
- Le canon, placé dans l’axe du navire, repose sur un bâti en cornières solidement fixé sur la quille, de sorte que le pointage s’opère au moyen du navire lui-même. Sa bouche passe à travers un trou ménagé dans l’étrave, et est fermée par deux obturateurs. L’un d’eux, placé à l’extérieur, s’ouvre et se ferme de l’intérieur du navire par un mécanisme qui sera décrit plus loin ; l’autre, destiné à être emporté par le projectile, est placé dans l’âme de la pièce.
- L’obturateur extérieur A dont les détails sont représentés par la figure 5 (n° 1 ), est formé d’un disque de gutta-percha adapté sur un siège métallique.
- Il vient pendant la marche s’appliquer sur la bouche du canon.
- Cet obturateur est relié à un levier coudé B tournant sur un axe fixé sur l’étrave au-dessus de la bouche et manœuvré de l’intérieur du navire par une bielle D traversant l’étrave dans un tube qui porte à son extrémité un presse-étoupes F. La bielle D est elle-même manœuvrée par un piston à vapeur. Cette figure montre aussi l’obturateur H placé dans l’àme du canon et destiné à être chassé par le projectile. Il se compose d’un disque en bois H garni d’un cuir embouti et portant à son centre un trou J fermé par une pièce en gutta-percha. Le cuir embouti est appliqué sur la paroi du canon par des ressorts d’acier, et est muni de taquets venant se loger dans une rainure pratiquée près de la gueule du canon, lorsqu’on l’a poussé par l’intérieur. Le bruit que font les ressorts en se détendant, indique quand il faut cesser de le pousser. Cet obturateur ne présente que peu de résistance du côté du canon, de sorte qu’il est facilement emporté par le projectile. De plus, comme son centre n’est formé que de gutta-percha, il ne résiste pas à l’action de l’air comprimé par l’inflammation de la charge, de sorte que lorsque la torpille veut frapper l’obturateur, sa pointe qui porte le percuteur ne rencontre plus rien, ce qui ôte toute crainte d’inflammation dans l’àme du canon. ,
- La figure 5 (n° 2) montre la fermeture de la culasse et le mode de chargement. La culasse a une fermeture à vis analogue à celle des anciennes pièces de la marine française. Elle est traversée par un tiou K dans lequel vient glisser une tige L destinée à maintenir la gargousse dans l’axe de l’âme pour soustraire la paroi de celle-ci au contact de la poudre en ignition et aux érosions qui peuvent en résulter. Cette tige sert aussi de conducteur à l’étincelle électrique qui vient enflammer la charge quand elle a traversé la gargousse M, la tige L vient pénétrer dans un renflement ménagé à l’arrière du piston N interposé entre la gargousse et la torpille. Le piston N est en métal et porte un segment analogue à ceux existant sur les pistons de machines à vapeur.
- La torpille (fig. 1) est formée d’une partie cylindrique terminée à l’arrière par une partie tronc-conique qui vient s’appuyer sur le piston et 'a l’avant par un cône portant le percuteur qui doit
- enflammer la charge de la torpille.
- Le percuteur est représenté figure 3 (n° 3). Il se compose du percuteur proprement dit a glissant à frottement doux dans une douille b vissée à l’extrémité antérieure de la torpille, et portant en c une garniture pour empêcher les rentrées d’eau. Le percuteur a est maintenu en place par un fort ressort à boudin d qui s’appuie à sa partie d’arrière sur une rondelle rapportée dans la douille b et maintenue en place par le manchon e portant les amorces fulminantes. La pointe extérieure du percuteur est taillée en biseau pour l’empêcher de glisser le long du bordé du navire qu’il vient frapper.
- La densité de la torpille doit être celle de l’eau dans laquelle elle est appelée à agir, et sa vitesse dans l’eau dépasse 30 mètres par seconde. En raison de cette grande vitesse initiale, elle n’a pas de mécanisme moteur comme les torpilles Whitehead, Lay, etc., de sorte que son prix de revient est bien moins élevé.
- Outre ce dispositif, Ericsson en a imaginé un autre pour appliquer son canon aux navires existants. La figure 2 fait comprendre cette installation disposée sur un paquebot.
- Deux de ses canons sont placés de chaque côté du navire, parallèlement à son axe, et reposent sur des supports solidement fixés au navire. La seule modification vient du mode de chargement qui dans
- Fig. 3. — Détails du mécanisme du canon sous-mariu. — N® 1. L’obturateur. — N" 2. La culasse. — N* 3. Le percuteur.
- p.258 - vue 262/432
-
-
-
- LA NATURE.
- ‘259
- ce cas a lieu par la bouche. L'obturateur extérieur prend alors la forme d’une calotte en gutta-pereha entourant la bouche et maintenue par un collier. Pour charger la pièce, il faut l’amener à hauteur du pont à l’aide de palans frappés sur une vergue et présenter la charge au moyen d’un pistolet analogue à ceux qui portent les embarcations le long du bord. Quand elle est chargée, on met en place l’obturateur, et on la redescend sur ses supports; il ne reste plus alors qu’à enflammer la charge au moyen de l’étincelle électrique.
- Gomme on le voit, ce canon est fort simple, son projectile relativement peu coûteux, et cette nouvelle invention d’Ericsson continue dignement les travaux sur l’artillerie navale et la cuirasse, qu’il a commencés par le Monitor si célèbre par le combat d’Hampton-Road. G. Hart.
- ~^<><—
- LES MASQUES
- CHEZ LES PEUPLADES SAUVAGES
- J’écrivais récemment, dans la Revue d'anthropologie, que le génie de l’homme, toujours le même à travers le temps et à travers l’espace, était un des faits qui doivent le plus frapper ceux qui étudient le vieux passé de l'humanité. Les mœurs, les usages, les coutumes même les plus futiles, en témoignent avec une curieuse précision. Les masques, par exemple, ne paraissent pas une de ces inventions simples qui puissent venir spontanément à l’esprit de l’homme, et cependant nous les rencontrons à toutes les époques et chez tous les peuples, tantôt terribles, tantôt grotesques, tantôt en écorce ou en bois, tantôt en cuir ou en carton1. Ils servaient pour les cérémonies religieuses et pour la bataille, pour le théâtre et pour le plaisir. Les Grecs les portaient sur la scène, les Chinois récemment encore les revêtaient dans l’espérance d’intimider leurs adversaires; les Romains possédaient des masques tragiques et des masques comiques. On a recueilli des masques dans les fouilles de Pompéi comme dans les tombes de l’Egypte, chez les Assyriens comme chez les Birmans ou les Japonais, chez les Battas comme chez les sauvages habitants de la Nouvelle-Calédonie ou des îles Garolines. Les voyageurs racontent des danses masquées au Pérou, au Mexique, sur toute la côte nord-ouest du Pacifique, jusqu’aux rives de l’océan Arctique et aux glaces perpétuelles.
- Dans la Mélanésie les sacrificateurs portent des masques aux fêtes religieuses et ces masques sont ensuite suspendus aux parois des moraï en l’honneUr des morts. Aux Nouvelles-Hébrides, les masques sont en noix de coco peints en noir, en rouge ou en blanc; des défenses de sangliers sont attachées des
- 1 W. H. Dali, On Mashs, Labrels and certain aboriginal customs with an inquiry of their geographical distribution. Extrait du magnifique volume que le Bureau d’Ethno-logie de Washington vient de faire paraître, aux frais du gouvernement des Etats-Unis et sous la direction du major PowelL
- deux côtés de l’ouverture qui marque la bouche; sur d’autres points on se sert de crânes véritables, peints en couleurs brillantes et ornés de longuès chevelures artificielles. Les reliques humaines devenant plus rares ou plus difficiles à obtenir, on les remplaça par des représentations plus ou moins fantaisistes; de là sans doute chez nombre de peuples l’origine première des masques. Nous reproduisons un de ceux-ci (fig. 1) acheté aux îles des Amis et offert au musée National de Washington, et un autre provenant delà Nouvelle-Irlande,auprès de la Nouvelle-Guinée (fig. 2). Ce dernier est en bois de conifère ; le menton, la bouche, le nez, une partie des oreilles sont peints en rouge, le reste du visage est noir. L’un et l’autre donnent une idée assez exacte des masques dont se servent aujourd’hui encore les Polynésiens.
- Il est facile de citer des faits analogues dans toute l’Amérique. Les Péruviens (fig. A), les Mexicains, plaçaient des masques sur le visage de leurs morts et aujourd’hui encore la même coutume existe chez les Aléoutes. Les masques dont se* servaient les Mexicains pour les funérailles étaient en marbre, en porphyre, en obsidienne. Il y avait là un souvenir religieux; nous lisons dans Sahagun1, qu’au mois Izcalli,on fabriquait un mannequin en l’honneur de Xieuhleuctli, le dieu du feu, et on lui mettait un masque en mosaïque orné de turquoises et de plusieurs bandes de pierres vertes (calchuihuitl). Ce masque, ajoute l’historien espagnol, était fort beau et resplendissant. A Cuzco, dit à son tour Garcilasso de la Vega2, les Péruviens assistaient aux processions de la Fête-Dieu, revêtus de peaux de bêtes, et avec une tête imitant celle de l’animal. Ainsi déguisés, ils se livraient à des danses et à des sauts, imitant, autant qu’ils le pouvaient, l’animal qu’ils représentaient, comme ils avaient coutume de le faire aux fêtes des Incas.
- Les masques ne servaient pas seulement aux rites religieux. Chez les Zunis, ils étaient le signe d’une redoutable association. Les Indiens du cap Flatterv pratiquent aussi des cérémonies où les seuls initiés peuvent assister. Dans ces occasions, tous, hommes, femmes et enfants, portent des masques 'en bois léger. Les uns figurent des têtes humaines (fig. 5), les autres des animaux, généralement des hibous, des ours ou des loups. Mais c’est chez les lroquois que ces associations, dont les membres ne paraissaient que masqués, semblent avoir pris le plus grand développement (fig. 5). Les Ga-go-sa3 étaient des démons privés de corps et ne possédant qu’une tête hideuse. Leur mission était de répandre sur les hommes les pestes et les maladies; l’association était fondée dans l’espérance de les rendre propices. Les membres étaient admis après une initiation accom-
- 1 Histoire générale des choses de la Nouvelle-Espagne. Traduction Jourdanet, ehap. xxxvii, p. 160.
- 2 Los Comentarios reales, liv. VIII, ch. î. Voy. aussi Pur_ chas, His Pilgrimes, éd. 16*26, liv. IX, ch. xn, p. 946.
- 5 Les Américains ont traduit ce mot par F aise Faces. Morgan, Heport to Hegent's University. New-York, 1852.
- p.259 - vue 263/432
-
-
-
- 260
- LA NATURE.
- pagnée de cérémonies scrupuleusement observées. Un rêve où l’on avait cru avoir un Ga-go-sa décidait l’initiation, un rêve contraire permettait de la répu-
- dier à la condition de donner un festin aux initiés. Une seule femme pouvait être admise; elle devenait la reine et c’était par elle que les membres commu-
- Fig. 1. — Masque des peuplades des îles des Amis. — Fig. 2. — Masque des habitants de la Nouvelle-Irlande. —
- Fig. 3. — Masque des Zunis.
- niquaient avec les non-initiés. Les Iroquois croyaient que les False Faces étaient doués de la faculté de triompher de gré ou de force des vrais Ga-go-sa, en guérissant ou en prévenant les maladies; et, en 1849, le choléra exerçant de grands ravages dans l’Etat de New-York, on vit les membres de l’association parcourir les villages précédés de leur reine, marchant en file indienne avec des masques hideux, des couvertures déchirées sur leurs épaules et une crécelle en écaille de tortue à la main. Ainsi accoutrés, ils se livraient à leurs pratiques habituelles qui se terminaient invariablement par une danse échevelée à laquelle leurs patients eux-mêmes prenaient part.
- Cette association, à première vue assez étrange de l’art de guérir et de pratiques secrètes, se rencontre dans toute l’Amérique du Nord. Partout le shaman ou l’homme de la médecine, qui joue un si grand rôle dans les tribus indiennes, paraît chez les malades qui l’appellent, revêtu d’un costume bizarre et porteur d’un masque qui varie selon la maladie qu’il prétend guérir. Ces masques semblent renfermer toute la science du médecin, aussi a-t-il
- soin de les léguer à son successeur comme la partie la plus précieuse de son héritage. Nous donnons un de ces masques (fig. 6), provenant de la côte nord du Pacifique. 11 représente un aigle ; le bec est noir, la caroncule au-dessus du bec et la langue sont rouges, et il est entouré de bandelettes de peau de cygne encore revêtues de leur duvet.
- L’aigle ou l’oiseau du tonnerre que ce masque figure a trait à un vieux mythe encore en honneur chez les Indiens du Pacifique. Cet oiseau, d’une taille gigantesque, enlève facilement une baleine entre ses serres; le battement de ses ailes produit la foudre et les poissons qu’il lance dans les airs paraissent des éclairs aux yeux des mortels.
- Plus nous pénétrons dans l’extrême Nord du continent américain , plus les masques sont nombreux. Les llaidahs de Pile du Prince de Galles, comme les habitants de l’île de Vancouver, les portent constamment dans leurs fêtes et dans leurs danses. Us sont généralement en bois de cèdre ; certaines parties du visage sont peintes en rouge, les sourcils et les moustaches sont remplacés par de petites bandes de drap bleu et la
- Fig. 4. — Masque péruvien placé sur le visage des morts.
- p.260 - vue 264/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 261
- barbe ordinairement peu fournie chez ces hommes, par quelques poils de renard insérés dans le menton. Le musée de Washington possède un de ces masques (fui est fort curieux (fig. 7). Il est couronné d’une tiare formée d’ongles d’ours, et un anneau en fil de cuivre est passé dans les narines. C’est là un ornement, si on peut l’appeler ainsi, aujourd’hui à peu près abandonné par les naturels du pays.
- Les masques des Innuits, une des principales branches des Esquimos, diffèrent complètement de
- ceux en usage chez les Peaux-Rouges; ils sont surtout remarquables par la grossièreté de leur exécution (fig. 8) Ceux de l’île Diomède dans la baie de Norton sont à citer sous ce rapport. Ils sont en épicéa, peints à l’ocre rouge et témoignent d’efforts peu heureux pour atteindre le grotesque. Souvent ces masques sont ornés de longues plumes d’oiseau, qui, en s’agitant dans les rondes rapides, ajoutent à l’effet. Souvent aussi, quand le choeur entonne un refrain, le masque s’ouvre au moyen de cordons que les dan-
- Fig. S à 10. — Masques chez les peuples sauvages.
- o. Masque des Ga-go-sa. — 6. Masque de médecin Iroquois. — 7. Masque en bois de cèdre des habitants des îles Vancouver. 8. Masque des Innuits-Esquimos. — 9. Masquette de femme de l’Alaska. — 10. Masque mortuaire Aléoute.
- seurs tiennent dans leurs mains et les spectateurs à leur grande joie aperçoivent une seconde tète grimaçante ou terrifiante. Lesmasquesdes Innuits sontpeints en blanc avec de grandes lignes rouges, bleues ou noires et ornés de plumes et de petits morceaux de bois. Quelquefois on dispose autour un morceau de peau de renne ou bien on insère entre les lèvres des dents de chien, de veau marin, à leur défaut des imitations en bois; puis on attache aux joues, au front, sur la tête, des figures d’animaux, de petites mains humaines, tout ce que la fantaisie de l’artiste
- peut lui suggérer pour arriver à un résultat bizarre.
- Il était interdit aux femmes de danser avec des masques ; elles se contentaient dans ces occasions de porter à la main des masquettes pouvant mesurer de trois à quatre pouces de longueur et figurant des oiseaux au be& démesurément long, des renards, des loups, des veaux marins, voire même des hommes. Nous reproduisons une de ces masquettes (fig. 9) recueillie dans l’Alaska auprès de la rivière Kuskok-wim. La figure est sculptée en très faible relief, elle est entourée de peau de cervide couronnée de deux
- p.261 - vue 265/432
-
-
-
- 262
- LA NATURE.
- plumes d’oiseau. Le tout produit l’effet le plus étrange. Une autre branche des Esquimos, les Aléoutes, sont également masqués pendant les danses qu’ils exécutent au son du tambour. Les deux sexes dansent ensemble ; les hommes sont nus, les femmes vêtues de costumes bizarres. Les danses sont suivies de cérémonies mystérieuses et de pratiques shammaniques. C’est surtout quand une baleine vient échouer sur le rivage que ces réjouissances sont brillantes. Les hommes dans ces occasions portent des têtes descendant jusqu’aux épaules et imitant divers animaux marins. Ces têtes sont maintenues par de petites barres de bois placées k la hauteur de la bouche et que le danseur tient dans ses dents. D’autres fois, les femmes également nues dansent k leur tour, mais les hommes ne doivent pas se montrer à -elles. Plus souvent encore les deux sexes se mêlent dans d’horribles orgies. C’est là un fait qui se présente trop fréquemment dans les récits des voyageurs.
- Nous avons déjà dit que les Aléoutes plaçaient des masques sur le visage des morts. Ces masques ne devaient porter aucune ouverture pour éviter que les esprits mauvais ne parvinssent k s’introduire et k s’emparer du cadavre. Par la même raison sans doute, les masques mortuaires devaient présenter une apparence terrifiante (fig. 10), tandis que ceux dont les Aléoutes se servaient pour leurs fêtes se rapprochaient de leur propre type.
- Partout, on le voit, se retrouvent chez des races en apparence si dissemblables des idées communes, des usages communs ; que leur pensée première soit due au sentiment religieux ou au désir d’association, au plaisir ou à la peur, ils se transmettent de génération en génération, ils survivent aux empires, aux peuples eux-mêmes. Moins ces usages ont d’importance, plus leur durée semble longue; le masque frivole apporte sous ce rapport un nouvel enseignement que ni l’historien, ni le philosophe ne doivent dédaigner. Marquis de Nadajllac.
- LES ARÈNES NAUTIQUES
- OU LE NOUVEAU CIRQUE DE PARIS
- Le nouveau cirque que MM. Oller viennent d’établir sur l’emplacement de l’ancienne salle Valen-tino, rue Saint-Honoré, permet de faire succéder, pendant la saison d’hiver, aux exhibitions ordinaires des gymnastes et aux exercices équestres, des exhibitions et des joutes nautiques exécutées dans l’enceinte de la même piste, et de transformer pendant l’été l’installation actuelle en une vaste piscine de natation analogue à celles de la rue Rochechouart1 et de la rue de Château-Landon.
- Ces conditions toutes nouvelles ont nécessité des
- 1 Vov. tables des matières des années précédentes.
- dispositions spéciales dont nous allons donner les principaux détails.
- Le centre de la salle est occupé par une cuve en béton de 25 mètres de diamètre intérieur et de 5 mètres de profondeur sur la plus grande partie de sa surface. Au centre se trouve la piste de 13m,50 de diamètre limitée par une couronne en treillis métalliques portée par 20 piliers en fer. Sur ces piliers viennent s’arc-bouter les arbalétriers également métalliques qui portent les gradins et les loges, surmontées d’un vaste promenoir. Toute la charpente est entièrement démontable.
- La cuve forme une piscine permanente, au centre de laquelle est placé un ascenseur hydraulique soutenant un plancher à claire-voie de même diamètre qrte la piste. Sur ce plancher on étend un tapis de 0m,05 d’épaisseur en fibre de coco, destiné k remplacer la couche de tan des pistes ordinaires, et qui, tout en donnant au pied des chevaux un aussi bon point d’appui, a l’avantage de supprimer complètement la poussière.
- L’eau qui remplit la cuve jusqu’à la hauteur du plancher filtre au travers quand on abaisse l’ascenseur. La première partie du programme consiste donc à enlever le tapis et à faire descendre le plancher.
- Manœuvre du tapis. — Cette opération, représentée dans la figure 1, n’était pas sans difficulté, car le tapis a 13m,50 de diamètre; il pèse 2000 kilogrammes, et la flexibilité de ce long rouleau ne permettait pas de le manoeuvrer comme un fardeau long mais rigide. On commence par replier les bords de manière à former un rectangle, puis deux équipes roulent le tapis parallèlement à l’axe du couloir de sortie, et en marchant l’un vers l’autre. Des courroies fixées à demeure sous le tapis servent k maintenir l’enroulement. On amène alors, k chaque bout, un chariot composé de deux poutres portées par des roues, et réunies seulement à la partie supérieure par des entretoises, ce qui permet de les conduire au-dessus du tapis. On engage sous le rouleau quatre élingues (deux pour chaque chariot), qui passent sur des crochets portés par les montants des poutres, et on soulève ainsi le rouleau : puis on passe dessous des tringles qui viennent, le supporter. Ces dispositions achevées, il est prêt k être enlevé par des équipes agissant sur chacun des chariots (fig. 1). L’opéralion dure environ dix minutes.
- Ascenseur portant le plancher de la piste. — Le plancher devait présenter une rigidité suffisante pour pouvoir supporter sans trépidations sensibles les chocs inhérents aux exercices équestres. A cet effet il est soutenu par vingt poutrelles en treillis rayonnant du centre à la circonférence entretoisées à leurs extrémités et en des points intermédiaires par une série de couronnes métalliques. L’ensemble repose sur la tête du piston de l’ascenseur.
- Les conditions imposées k M. Edoux, chargé de la construction de l’ascenseur, se résumaient ainsi :
- 1° Pour le service d’hiver, l’appareil devra pou-
- p.262 - vue 266/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 265
- voir disparaître, au cours même d’une représentation, de manière à transformer très rapidement la piste en une piscine destinée aux exercices nautiques.
- 2° Pendant la saison d’été, le plancher sera maintenu dans la piscine à une hauteur de 0U,90 au-dessous de la surface de l’eau, de manière à former le fond de la partie du bain réservée aux personnes ne sachant pas nager, tandis que la partie périphérique constituera le grand bain.
- Le piston plongeur de l’ascenseur peut, sous l’action de l’eau comprimée, monter ou descendre dans un cylindre à garniture étanche, établi au centre de la cuve. Quatre pompes conjuguées fournissent le volume d’eau nécessaire qui s’élève à 300 litres environ par manœuvre : la pression varie de 25 à 55 atmosphères suivant la plus ou moins grande hauteur d’immersion de la piste. Le poids total de l’ensemble mobile est d’environ 30 000 kilogrammes et la hauteur de course est de 5 mètres. La descente s’effectue en 1 à 2 minutes; la montée est un peu plus lente, 5 à 6 minutes, et exige une force de cinq chevaux.
- Le guidage d’une plate-forme de 150 mètres carrés de surface et sa fixation, une fois la course terminée, exigeaient des dispositions particulières. Le premier est assuré au moyen de coulisseaux fixés à la couronne métallique qui relie les poutrelles du planchèr, et glissant à frottement doux sur des'guides verticaux parfaitement dressés.
- La fixation s’opère au moyen d’un mouvement de repos à baïonnette. Les 20 piliers fixes qui supportent les gradins sont pourvus de sabots sur lesquels on fait reposer les 20 poutrelles du plancher. A cet effet, lorsque le pistou est à bout de course, on fait tourner la piste, au moyen d’une couronne dentée et d’un pignon manœuvré à la main, de la quantité nécessaire pour dégager les coulisseaux de leurs guidages, et on amène ainsi chaque poutrelle au droit des piliers. En communiquant alors un léger mouvement de descente à la piste, les poutrelles viennent reposer sur les sabots : ceux-ci sont d’ailleurs pourvus de plaques isolatrices en caoutchouc destinées à amortir toutes les trépidations.
- La descente s’effectue par la manœuvre inverse : on soulève d’abord légèrement la piste pour dégager les poutrelles des sabots et on replace les coulisseaux sur leurs guidages par un mouvement de rotation. Puis on fait évacuer l’eau sous le piston.
- Malgré la rigidité du plancher et l’excellente assiette due au mode de fixation que nous venons de décrire, M. Edoux a jugé convenable de soutenir la piste en des points intermédiaires entre la tête du piston et les piliers des gradins. A cet effet, il a disposé symétriquement cinq colonnes à. lm,50 de l’axe du piston. Leurs têtes s’engagent librement dans des colliers portés par les bras d’un croisillon pentagonal ; ce dernier est maintenu par une couronne fixe sur la tête du piston, en sorte que dans le mouvement ascensionnel, les colonnes sont relevées en même temps que la piste, et sont entièrement déga-
- gées de leurs gaines, lorsque la piste est à bout de course. On imprime au croisillon et aux colonnes un mouvement de rotation analogue à celui qui est communiqué au plancher pour l’appliquer sur ses sabots, et les colonnes viennent reposer sur des patins scellés dans le fond de la piscine.
- A la descente, elles sont ramenées dans l’axe de leurs gaines et y rentrent progressivement.
- Pour satisfaire à la seconde partie du programme (dispositions pour la piscine de natation) les 20 piliers fixes du pourtour sont munis d’autant de supports articulés, fixés à une hauteur correspondant à celle que l’on veut donner au petit bain. Pendant la saison d’hiver, les supports sont tournés de manière à ne pas empêcher la montée et la descente de la piste.
- Alimentation et vidange de la piscine. — Comme nous l’avons dit plus haut, la piscine est constituée par la cuve centrale : elle contient 1200 mètres cubes d’eau chauffée à 23° environ. On la remplit une première fois à l’aide de pompes puisant dans un puits de 80 mètres de profondeur, qui donne une eau à 12°, puis on la chauffe avec les eaux de condensation des machines à vapeur actionnant les appareils d’éclairage; le volume d’eau chaude envoyé par heure est de 50 mètres cubes. Comme les machines emploient le graissage dans les cylindres, les eaux de condensation avant d’arriver à la piscine, passent par deux bacs dégraisseurs d’où elles sortent à la partie inférieure, en sorte que la tranche la plus légère contenant les matières grasses s’écoule par un trop-plein. On obtient ainsi un dégraissage largement suffisant. Néanmoins, pour plus de sécurité, la piscine elle-même est pourvue d’un trop-plein formé par une gouttière circulaire capable d’enlever seulement la tranche supérieure de l’eau qu’elle renferme. La vidange progressive du reste s’effectue au moyen d’un siphon débouchant vers le fond et dans lequel l’eau chaude, arrivant à la partie haute de la piscine, refoule peu à peu l’eau la plus froide. Des éjecteurs mettent la branche horizontale du siphon en communication avec l’air afin qu’il ne s’amorce pas et ne prenne pas ainsi un débit supérieur à l’alimentation.
- Si l’on veut opérer rapidement l’évacuation de l’eau, on se sert des pompes d’alimentation des machines motrices en les mettant en communication avec la piscine par un jeu de joints-vannes. Elles peuvent également, par une autre manœuvre, puiser dans les becs à eau chaude et refouler dans un réservoir supérieur si l’on veut faire des effets de jets d’eau, cascades, etc.
- L’eau se maintient facilement à une température de 23°, car les pertes de chaleur sont relativement faibles. Elles sont d’ailleurs combattues par l’envoi d’air chaud qui débouche à 40° sous les gradins.
- En été, on enlèvera la charpente des gradins, et on disposera ainsi d’une piscine ayant 25 mètres de diamètre. L’alimentation à raison de 50 mètres cubes par heure permettra le renouvellement intégral de l’eau en deux jours. L’installation des cabines cofn-
- p.263 - vue 267/432
-
-
-
- 264
- LA NATURE.
- prendra deux étages, l’un à la hauteur des loges, l’autre au niveau de la piscine. Le premier s’établira en supprimant les cloisons des loges qui seront transportées dans le couloir adjacent, actuellement extérieur à la salle, laissant ainsi devant les cabines un promenoir en encorbellement. Le second sera organisé dans la galerie circulaire qui entoure la piscine : des panneaux actuellement disposés contre le mur seront avancés jusqu’au milieu de la galerie, et on y pratiquera des séparations au moyen de cloisons. Le nombre des cabines sera de 60 à chaque étage.
- La piscine se composera de deux parties d’inégale profondeur : la partie centrale reposant sur le plancher abaissé seulement de 0ra,90 et porté par les supports articulés dont nous avons parlé plus
- haut formera le petit bain, qu’une passerelle fera communiquer avec la galerie extérieure, et la partie périphérique constituera le grand bain avec une profondeur de 3 mètres environ.
- Chauffage et ventilation. - Outre les conditions ordinaires à réaliser pour assurer convenablement cette partie du service, on avait à se préoccuper d’éviter les condensations qui n’auraient pas manqué de se produire sur les murs et sur le plafond, au grand détriment des peintures, et la pluie qu’elles auraient déversée sur les spectateurs. M. Jules Soli-gnac, ingénieur de M. Oller, et M. Albert Robin, ingénieur, associé de MM. Pierron et Dehaître, sont parvenus à annuler complètement les condensations en envoyant dans la salle dont la capacité est de 15 000 mètres cubes, un cube d’air bien supérieur
- Fig. 1. — Les arènes nautiques ou le nouveau Cirque de Paris. — Manœuvre du tapis recouvrant'Ua piste. Ce tapis enroulé est enlevé; au-dessous, est une bâche de toile qui recouvre le plancher ajouré.
- aux besoins ordinaires delà ventilation, 40000 mètres cubes par heure. Un ventilateur, de 2m,25 de diamètre, aspire l’air pur au-dessus du toit et le refoule dans les gaines de trois calorifères du système Michel Perret, dont nous avons antérieurement donné la description dans La Nature1. L’air chaud se répand dans un carneau général qui forme l’une des parois de la galerie circulaire ménagée autour de la piscine, et arrive avec une température de 40° aux bouches disposées sous les gradins et à la hauteur du plancher du promenoir et des couloirs; il est évacué par la coupole supérieure dont on peut, à volonté, obturer les orifices. Si la température s’élève un peu trop, on supprime momentanément l’arrivée d’air chaud et la salle se ventile alors par les interstices des portes;
- 1 Voy. Tables des matières des armées précédentes.
- mais dans tous les cas il ne se produit aucun courant d’air froid puisque la ventilation est alimentée pendant l’arrêt par Pair chaud des couloirs. En fait, le réglage de la température est extrêmement facile et fonctionne dans des conditions remarquables d’égalité, entre 18° et 20°, effet bien rarement obtenu dans les salles actuelles.
- Pour préparer la salle, avant l’entrée des spectateurs, on la chauffe sur elle-même en faisant aspirer l’air qu’elle contient par le ventilateur et en fermant complètement l’évacuation par la coupole.
- Eclairage. — L’éclairage est entièrement fait à l’électricité, mais M. Solignac l’a habilement varié suivant la grandeur des surfaces et la nature des besoins à satisfaire. La piste reçoit la lumière de huit lampes-soleil à verres opalescents , et d’une étoile supérieure de dix bougies Jablochkoff disposées
- p.264 - vue 268/432
-
-
-
- Fig. 2. — Coupe des arènes nautiques (nouveau Cirque) montrant la disposition de la piscine et de Paseenseur de la piste
- p.265 - vue 269/432
-
-
-
- 266
- LA NATURE.
- horizontalement. En outre, nne guirlande lumineuse, composée de 400 lampes à incandescence Edison, et épousant les courbes des voussures, règne autour du promenoir. Les diverses colorations de ces lumières s’harmonisent parfaitement entre elles et avec le ton jaune clair de la décoration des murs. Le vestibule d’entrée est éclairé par des lampes a incandescence qui forment autant de clous d’or faisant ressortir les poutres apparentes qui encadrent les caissons du plafond. C’est également a ce système qu’est emprunté l’éclairage des couloirs et celui des 60 loges réparties sur le pourtour du cirque au-dessus des gradins ; des tulipes à teinte rosée tamisent la lumière à l’extérieur, et la reflètent de l’intérieur, constituant ainsi des réflecteurs transparents du plus charmant aspect. A l’entrée sont placées cinq lampes k arc Street et Maquaire, et quatre lampes-soleil dans le café.
- Pour n’avoir à redouter aucune extinction totale, les lampes à incandescence, au nombre de 1200, d’un demi-ampère chacune, sont placées sur trois circuits différents, de telle manière que si l’un d’eux vient à manquer, la lumière se trouve encore suffisante. Dans les loges, par exemple, sur cinq lampes, deux sont sur une dynamo Edison de 25 chevaux, deux sur une autre, et une sur une batterie de 60 accumulateurs, qui se chargent pendant le jour au moyen d’une des dynamos. Les lampes à arc et les bougies Jablochkoff sont alimentées par deux machines k mouvement alternatif du système Maquaire, excitées par deux petites dynamos Gramme.
- Les machines motrices sont au nombre de trois; deux d’entre elles font chacune 60 chevaux et sont accouplées sur le même volant qui transmet le mouvement par une série de câbles en chanvre k une poulie k gorges multiples qui actionne les deux Edison et les deux Maquaire. La troisième machine est de la force de 50 chevaux et peut, avec l’une des deux premières, suffire k l’éclairage. Toutes sont du système Gorliss, et ont été construites par MM. Le-couteux et Garnier.
- Les chaudières sont du système Collet et pourvues des grilles dites immergées de M. Michel Perret permettant, comme scs foyers, de brûler des combustibles menus et sans grande valeur.
- Les dispositions architecturales ont été étudiées et établies par MM. Gridaine et Sauffroy, architectes; l’ornementation générale est traitée avec un goût et une richesse absolument remarquables, et les grandes fresques de M. Delaunay qui représentent des sujets équestres, décorent d’une manière fort heureuse le pourtour du promenoir. Quant aux services techniques, ils ont été organisés sous la direction de M. Jules Solignac, et lui font véritablement honneur ainsi qu’a ses divers collaborateurs par leur excellent fonctionnement. En résumé, les Arènes Nautiques ne méritent pas seulement d’attirer le concours du public par un élément tout nouveau d’attraction dû k l’ingénieuse combinaison de M. 011er, mais aussi l’attention des ingénieurs pour le soin et le
- succès avec lesquels ont été résolues les questions techniques imposées par son programme tout spécial. C. Richoü,
- Ingénieur des Arts et Manufactures.
- LE CONTRASTE DES COULEURS
- M. Rosenstiehl a publié, il y a quelques mois, dans La Nature *, un arlicle sur les lois de la vision où il rapporte une expérience très nette faite par M. le Dr Gillet de Grand-mont devant la Société française de physique. D’un autre côté, M. le Dr Beclard2 a constaté que l’impression d’une couleur sur une rétine éveille, sur le point identique de l’autre rétine, l’impression de la couleur complémentaire: ainsi, fermant l’un des yeux, fixez avec l’œil ouvert et pendant longtemps un cercle rouge, puis fermez cet œil et ouvrez celui qui était fermé, vous verrez apparaître une auréole verte. Il résulte de ces expériences et des travaux antérieurs de M Chevreul que notre œil se comporte comme si les fibres qui lui font percevoir une couleur déterminée, ne pouvaient être mises enjeu pendant quelque temps sans tendre à devenir insensibles et à faire entrer en action à leur tour les autres fibres de façon à leur donner une impression résultante se rapprochant le plus possible de celle qu'il est habitué à subir au contact de la lumière blanche.
- C’est en vertu de cette propriété de notre organe de la vision que, quand on met une teinte A à côté d’une teinte B, on voit le bord de cette dernière teinte se modifier comme si l’on en avait retiré tous les rayons colorés appartenant à la teinte A. Supposez par exemple une teinte violette placée à côté d’un gris composé de violet et de vert, le bord du gris contigu au violet deviendra vert; ce bord serait devenu jaune si le gris avait été composé de violet et de jaune au lieu de violet et de vert; ce phénomène peut s’énoncer d’une façon plus brève, mais moins exacte, en disant que le bord de la teinte B change de nuance par l’adjonction de la complémentaire de A.
- Un effet analogue se produit pour les gris non teintés, c’est-'a-dire formés simplement de blanc et de noir. Placez un gris foncé à côté d’un gris plus clair, vous verrez, à côté de la ligne de jonction, le bord de l’un devenir plus clair et celui de l’autre plus foncé, comme si l’on ôtait au premier du noir et au second du blanc.
- Comme, quand on regarde simultanément deux couleurs voisines l’une de l’autre, on fixe successivement son œil sur l’une et sur l’autre, ces couleurs subissent, par l’effet de leur juxtaposition, une modification double : d’abord à l’égard de la nuance, car chacune des deux couleurs se teindra de la complémentaire de l’autre; puis à l’égard du ton, la couleur claire paraissant plus claire et la couleur foncée paraissant plus foncée.
- De là un certain nombre de conséquences importantes à noter au point de vue esthétique.
- 1° Les rapprochements de couleurs les plus agréables sont ceux où les couleurs composantes donneraient par leur mélange de la lumière blanche ou légèrement jaunâtre comme celle du soleil ; c’est en effet le cas où l'effort de perception tend vers le minimum et M. Charles Henry3 a montré que, dans toutes les excitations senso-
- 1 1885, l“r semestre, p. 265.
- 2 Traité de physiologie (1866), p. 863.
- 3 Principes d’esthétique mathématique et expérimentale.
- p.266 - vue 270/432
-
-
-
- LÀ NATURE.
- 267
- rielles, cette condition était la déterminante de la sensation de plaisir.
- 2° Deux couleurs complémentaires rapprochées î’uac de l’autre s’exaltent mutuellement, chacune des deux se doublant, pour ainsi dire, par l’effet du contraste. Les rapprochements les plus agréables sont ceux où la luminosité est maxima, comme pour le jaune et le bleu ; les moins agréables sont ceux où la luminosité est ininirna, comme le vert bleuâtre et le rouge, ou le vert jaunâtre et le violet. On peut améliorer ces derniers contrastes en les rendant plus lumineux par l’introduction de la lumière blanche, c’est-à-dire par l’emploi de nuances claires.
- 5° Les rapprochements de couleurs non complémentaires peuvent donner lieu à des effets désagréables, à cause des teintes fausses produites sur chacune d’elles par le mélange avec le complémentaire de l’autre. Celte partie de la question n’a point encore été bien étudiée ; il est probable qu’une teinte, comme une note, est fausse quand elle est produite par la combinaison de vibrations qui ne concordent pas à des intervalles suffisamment rapprochés pour que l’œil puisse saisir inconsciemment la loi du rythme.
- 4° Les effets plus ou moins désagréables du rapprochement de deux couleurs peuvent être complètement adoucis par l’introduction en quantité suffisante de blanc dans l’une ou l’autre de ces couleurs : ainsi la dureté du rouge opposé au bleu fait place à la douceur quand ces couleurs deviennent du rose et de l’azur.
- 5° L’introduction du blanc dans une couleur diminue sa valeur ou son ton; il Y appauvrit quand la couleur est déjà très lumineuse comme le jaune. L’introduction du noir rehausse au contraire le ton.
- 6° On peut produire l’effet de l’introduction du blanc ou du* noir dans une couleur, en opposant à cette couleur du noir ou du blanc. Les fonds noirs souffrent quand ils sont opposés à des couleurs fournissant des complémentaires lumineuses. — Les fonds gris pur vont généralement bien parce que ce gris est produit par le mélange de toutes les couleurs qui se neutralisent et qu’ils laissent aux teintes voisines non seulement leur couleur mais leur tonalité propre.— Quand un gris doit servir de repoussoir à une couleur, il faut le teindre légèrement de la complémentaire et le foncer plus ou moins suivant que l’on veut adoucir ou renforcer cette couleur.
- 7“ Les couleurs allant, dans le spectre, du vert au rouge sont appelées par les peintres des tons chauds parce qu’ils rappellent les teintes du feu; les couleurs qui vont du vert au bleu et au violet sont au contraire dits des tons froids. On réchauffe un ton en lui opposant un ton froid et inversement. C’est pour cela que les brunes choisissent pour leur parure habituelle le jaune, le rouge et le brun qui adoucissent la dureté de leur carnation,* tandis que les blondes aux yeux bleus et à la peau rose réchauffent leur teint par le contraste d’étoffes de même couleur, mais plus ou moins foncées suivant qu’elles ont plus ou moins à combattre la fadeur.
- Il y a longtemps que femmes et artistes appliquent toutes ces règles; mais, comme M. Jourdain, la plupart font de la prose sans le savoir. Or, le rôle de la science dans l’art est, comme le fait justement remarquer M. Charles Henry, « non de créer la beauté, mais d’épargner à l’artiste des hésitations et des essais inutiles en assignant la voie dans laquelle il peut trouver des éléments esthétiques toujours plus riches, et de fournir à la critique des moyens rapides de discerner la laideur souvent informulable, quoique sentie. » Albert de Rochas.
- LES OASIS TUNISIENNES
- Les chercheurs n’atteignent pas toujours le but qu’ils poursuivent, mais ils trouvent souvent la récompense de leurs efforts en quelque genre de succès auquel nul indice apparent ne leur ouvrait le droit de prétendre. C’est ainsi que, s’étant attaché à la recherche d’un moyen de remédier aux inconvénients de la surdité, un praticien célèbre a rencontré la découverte du téléphone.
- Gallus, escam quærens, margaritam reperit.
- Ainsi l’étude du problème de la mer intérieure à ouvrir dans l’est de l’Afrique septentrionale, a fait concevoir à M. Ferdinand de Lesseps un projet dont l’exécution nous semble de nature à renouveler la face d’un magnifique territoire, abandonné, depuis tant de siècles, au caprice dissolvant des intempéries atmosphériques.
- On se rappelle que le lieutenant-colonel Roudaire voulait restituer le fameux lac Triton des âges héroïques, c’est-à-dire mettre en communication les Chtout’t" (pluriel de Chott) Djérid, R’arsa et Melr’ir (fig. 2). Approuvée et reconnue pratique par M. de Lesseps, la conception de Roudaire se heurtait à mille difficultés dont il ne nous appartient d’apprécier ni les raisons, ni les tendances. Du reste, notre vaillant camarade est mort à la tâche, il y a plus d'un an. C’est alors que la direction des travaux de la mer intérieure africaine fut remise aux mains de M. le commandant Landas. Toutefois, en vue d’avoir raison de certaines oppositions violentes, M. de Lesseps estima qu’il convenait de restreindre momentanément l’étendue du programme de l’œuvre de Roudaire. 11 crut devoir vaincre des résistances passionnées par un exposé de faits séduisants. C’est ainsi que se fit jour en son esprit l’idée de création des Oasis tunisiennes.
- On désigne sous la dénomination générique à'oasis les îlots de verdure qui parsèment la région saharienne au sud du 54e ou 55e parallèle. La culture de ces vergers s’effectue à l’ombre protectrice du palmier-dattier, cet arbre magnifique qui, aux termes d’un dicton arabe, doit avoir constamment « le pied dans l'eau et la tête dans le feu », d’où il suit qu’il n’y a d’oasis que là où le cultivateur peut disposer d’une source d’eau vive coulant sans interruption, jour et nuit.
- Au cas où ces conditions sont remplies, l’oasis comporte trois étages de cultures. C’est d’abord, à partir du haut, le palmier dont la tête s’élève à 15 ou 18 mètres au-dessus du sol, et s’épanouit en large bouquet. Du fait de leur contiguïté, ces panaches dactylifères recouvrent l’oasis d’une voûte impénétrable aux rayons du soleil, et sous laquelle cependant l’air circule sans difficulté.
- Sous cet épais berceau de feuillages enlacés se développe une végétation splendide. On y rencontre de . véritables forêts de citronniers, d’orangers, d’oliviers
- p.267 - vue 271/432
-
-
-
- 268
- LA NATURE.
- abritées des ardeurs solaires, ainsi que du froid provenant du rayonnement nocturne. On y trouve des grenadiers, des amandiers, des abricotiers, des pêchers; on y reste ébahi devant la grosseur des ceps de vigne, l’énormité du tronc des figuiers.
- Rez terrre s’étendent des cultures potagères, carrés d’oignons, de navets, de carottes; des planches de « ramie », plante textile employée, depuis quinze ans, dans toutes les grandes fdatures de l’Europe, et qu’on 11e trouve qu’en petite quantité en Chine et dans les Indes.
- Enfin, dans les intervalles encore adombrés des jardins de palmiers, croissent des bananiers, des plantes fourragères, des céréales. On y fait venir la patate, le maïs, la canne à sucre, le sorgho, le coton.
- Opérant sous les auspices de M. de Lesseps, le commandant Landas a formé le projet de doter la région des Chtout't' d’oasis artificielles, nous voulons dire de grandes exploitations agricoles, méthodiquement distribuées sur le territoire tunisien. De l’eau!... de l’eau en quantité suffisante, toute la question est là. C’est l’inéluctable condition du succès. Or, en 1879, lors de l’expédition du colonel Itoudaire, on avait examiné le terrain des Chtout't' et étudié très attentivement le régime des eaux qui y circulent, à différents niveaux, dans le sous-sol.
- Une seconde expédition, dirigée dans le même sens par M. de Lesseps, poursuivit en 1883 ces études hydrologiques, et l’on crut pouvoir affirmer l’existence de nappes considérables au cœur des masses minérales de la région considérée. C’est sur ces indications que le commandant Landas s'est mis à l’œuvre auprès de l’Oued-el - Melah ; nous sommes heureux d’apprendre que ses travaux ont abouti à des résultats remarquables. Un forage de 90 mètres de profondeur a fait jaillir au-dessus du sol une gerbe dont le débit ne mesure pas -moins de 8000 litres à la minute (voy. fig. 1, le site de ce puits artésien). Obtenu le 20 mai 1885 — cette date mérite qu’on la consigne — le succès dépassait toutes les espérances que l’on avait pu concevoir. La création d’un groupe d’oasis européennes devenait dès lors chose possible. En conséquence, M. de Lesseps sollicita et obtint du Bey de Tunis un décret portant concession de 10 000 hectares de terrains à prendre dans la province de Gabès. Telle est la superficie que le « Grand Français » se propose de eomplanter de palmeraies, à l’ombre desquelles croîtront les essences d’arbustes et les plantes ci-dessus énumérées.
- L'auteur du projet compte avec raison sur le ren-
- dement des vignobles, des champs de maïs et des orangeries, mais c’est surtout l’exploitation du. dattier qui doit assurer le succès de l’opération. Les oasis de l’Algérie comprennent ensemble près de trois millions de dattiers donnant un revenu total de plus de soixante millions de francs. Au Mzab, par exemple, à chacun de ces arbres précieux est attribuée une valeur de 800 francs passés. Dans le Djérid, province occidentale de la Tunisie, un palmier de bonne et fine espèce rapporte, bon an mal an, de 25 à 50 kilogrammes de dattes, soit, en argent, de 12 à 14 francs. La datte constitue presque, à elle seule, toutes les ressources alimentaires des Sahariens; elle jouit de propriétés nutritives de premier ordre. Mais le fruit n’est pas tout dans la culture du palmier ; sa tête fournit la matière première du « lakmi » boisson sucrée, d’un goût agréable et qui devient alcoolique du fait de la fermentation. Sa feuille sert à tresser des couffins, des paniers, des éventails; le pédoncule de cette feuille renferme des filaments qui s’emploient à fabriquer des cordages extrêmement résistants.
- La création des oasis implique nécessairement celle de nombre de centres de population et de fermes, notamment de fermes « autru-chières ». 11 ’n’est pas hors de propos v d’entrer dans quelques détails concernant ce sujet spécial. On sait que les Anglais ont établi au Cap des « autrucheries » dont la production se traduit par une recette annuelle de 35 millions de francs. Londres a pris le monopole du commerce de la plume d’autruche dont le centre se trouvait autrefois à Paris. Quelques négociants français ont bien fait en Algérie divers essais d’élevage, mais ils n’ont point tardé à reconnaître que le climat du littoral s’oppose à la bonne reproduction ainsi qu’a la conservation du plumage de l’autruche. Tout autres sont les conditions climatériques de la région des Chtout't’, région qui était jadis un habitat naturel du grand volatile aux belles plumes. Là, sans avoir à craindre de mécomptes, on peut facilement fonder nombre de ces établissements autru-chiers qui font la fortune du Cap. Là se trouvent un bon sol, arénacé, gypseux; de l’eau douce; d'abondants éléments de nourriture appropriée aux besoins de l’espèce; une température qui convient excellemment à sa constitution. Dans ces conditions favorables, il ne sera pas difficile d’élever, à côté des oasis tunisiennes, la belle race d’autruches de Barbarie, race essentiellement rustique et vigoureuse. Les femelles de nos possessions algériennes pondent une quarantaine d’œufs; les mâles ont aux
- Fig. 1. — Puits artésien et port de l’Oued-el-Melah,
- p.268 - vue 272/432
-
-
-
- LA NATURE.
- cm
- ailes des plumes frisées blanches;sur le corps, des plumes noires magnifiques. Or les frais généraux annuels qui grèvent l’entretien d’un couple d’autruches sont d’environ 150 francs; le revenu brut en plumes s’élève à 325 francs, chiffre auquel viennent s’ajouter la valeur des œufs et celle des autruchons. 11 y a là, mieux qu’au Cap, des fortunes à faire 1 Telles sont les productions principales à tirer des terrains de la concession faite à M. de Lesseps par le gouvernement beylical. 11 est évident que le fait des plan tâtions et établissements divers à créer doit amener dans la province de Gabès un mouvement prononcé d’importation et d’exportation. De telles
- opérations commerciales impliquent, il n’est pas besoin de le dire, des points d’embarquement et de débarquement faciles. Or, de Bône aux frontières de la Tripolitaine, la côte est dépourvue de tout port ou abri maritime. Ce littoral, qui subit les effets d’un soulèvement lent, n’offre à la navigation que des plages à pente douce, et les bâtiments du plus faible tonnage sont obligés de s’en tenir à distance. A la hauteur de Sfax, par exemple, il leur est impossible de mouiller à moins de deux kilomètres de ce rivage inhospitalier. On a bien, de ci de là, construit quelques appontements, mais de tels appareils sont d’une insuffisance notoire. Les navires qui ten-
- LEGENDE
- 4V-W- Ch, de fer en expl°"
- rbaJfJJj Routes Limites
- ~53o V' X. Chottl DFld Vw'.Vfr'
- Carte de la Tunisie.
- tent d’y accoster ne peuvent, le plus souvent, débarquer ni passagers, ni marchandises. Un tel état de choses, s’il devait se perpétuer, serait singulièrement préjudiciable à l’extension des transactions commerciales, ainsi qu’au développement de la production agricole. La création d’un port dans le sud de la Régence serait, par conséquent, d’un intérêt considérable.
- La justesse de ces considérations ne pouvait échapper à l’éminent esprit de M. de Lesseps qui, avec les 10000 hectares de terrains ci-dessus mentionnés, a obtenu la concession d’un port à établir à l’embouchure de l’Oued-el-Melah. Tel est le point de la côte qui a été reconnu le plus avantageux au double point de vue des intérêts du commerce et de la défense du territoire Tunisien. Le futur port ne
- manquera pas d’accaparer tout le tonnage des mauvaises rades qui s’échelonnent de Sousa à Zarzis, c’est-à-dire tous les articles d’exportation actuelle, tels que dattes, alfas, éponges, laines, huiles, spar-terieset autres marchandises, auxquelles se joindront les produits des oasis européennes actuellement en projet.
- Le port de l’Oued-el-Melah a donc de l’avenir, un avenir certain.
- Les travaux à exécuter doivent comprendre l’établissement d’une jetée et d’un « épi » ; le creusement d’un chenal d’accès et celui du port proprement dit (fig. 1). La jetée mesurera 1400 mètres de longueur, de son enracinement à la courbe 7 au-dessous du niveau de marée basse (la marée est d’environ deux mètres dans le golfe de Gabès).
- p.269 - vue 273/432
-
-
-
- 27 0
- LA NATURE.
- 8a direction inclinera légèrement vers le sud-est, alin que les navires, vapeurs ou voiliers, puissent entrer au mouillage de l’Oued-el-Melah par des souffles de nord-est, lesquels sont les mauvais vents de ces parages. Le grand ouvrage hydraulique sera fait en enrochements de calcaires marmoréens très durs et protégé, du côté du large, par un revêtement de blocs artificiels.
- L’ « épi » du sud sera fait pour abriter les navires contre les vents du sud-est, lesquels sont généralement peu violents. Il n’aura que 400 mètres de long. Le chenal d’accès mesurera 50 mètres de largeur au plafond et 7 mètres de profondeur à marée basse. M. de Lesseps pense ne devoir attribuer au port qu’une superficie provisoire de 50000 mètres carrés ; son dessein est de l’agrandir au fur et à mesure des besoins du commerce.
- L’œuvre tunisienne de M. Ferdinand de Lesseps ne sera pas moins glorieuse pour lui que celle du percement des isthmes de Suez et de Panama.
- Lieutenant-colonel Henjîebert.
- NÉCROLOGIE
- P.-J. Hetzel. — Quoique lïetzel, qui vient de mourir à l’âge de soixante-douze ans, appartienne surtout au monde littéraire, nous devons aussi saluer sa mémoire, car l’éminent éditeur a joué un rôle prépondérant dans l’œuvre de la vulgarisation scientifique. En 1864, Hetzel en fondant avec la collaboration de M. J. Macé le Magasin d'éducation et de récréation, a créé une publication justement célèbre, et qui contient en grand nombre de véritables chefs-d’œuvre de 1’ensefgneinent récréatif. C’est dans cette remarquable Revue que M. Jules Verne a publié ses romans, que M. Macé a inséré l'Histoire de la bouchée de pain, et que de nombreux écrivains ont semé la science et l’esprit sous l’habile direction de M. Hetzel. Sous le pseudonyme de Stahl, M. Hetzel a publié des livres aussi utiles que charmants à lire : La morale familière, Les patins d’argent et des quantités d’albums pour les enfants, qui resteront comme les modèles du genre. Que de bons livres a édités M. Heizel! S’il avait le don de bien écrire, il avait aussi celui de juger les hommes, et un grand nombre de jeunes écrivains lui doivent le succès. H savait encourager et conseiller la jeunesse; la finesse de son esprit, le tact de son jugement, la bonhomie de ses entretiens, captivaient tous ceux qui avaient le bonheur de le connaître et de l’apprécier. G. T.
- ——
- CHRONIQUE
- Un diamant monstre. — En août 1884, un fin diamant blanc de 457 carats, découvert dans l’Afrique du Sud, arrivait du Cap et était acheté par un syndicat de marchands de diamants de Londres et de Paris. Ce joyau a été confié à l’un des plus adroits ouvriers tailleurs de diamant qui espère en avoir terminé la façon en avril prochain, après douze mois de travail. Ainsi qu’il avait été prédit, cette pierre se trouvera être le brillant le plus merveilleux qui existe, dépassant en poids, et, croit-on aussi, en couleur, pureté et lustre, tous les brillants his-
- toriques et de Couronnes du mondé. La pierre presque finie pèse 250 carats, mais sera réduite à un peu moins de 200 carats, en vue de lui donner la meilleure forme et le plus grand lustre possibles. Le Koh-i-noor pèse seulement 106 carats; le Régent 136 5/4 carats; l’Etoile du Sud 125 carats et le Piggott 82 1/4 carats. Le Grand-Mogol pèse 279 carats, il est vrai, mais c’est une pierre épaisse, seulement taillée en rose et qui, si elle était convenablement taillée en brillant, ne pèserait probablement pas plus de. 140 carats.
- La totalité des diamants découverts aux champs de diamants de l’Afrique du Sud (South African diamond fields) en 1885 n’a pas été moindre que 2 440 788 carats dont la valeur est estimée à un peu plus de 63 millions et demi de francs. La valeur moyenne du carat, prise pour l’année, a été de 25 fr. 50, les variations au-dessus et au-dessous de ce prix étant légères. La quantité de diamants trouvée en 1885 est plus considérable que celle des années 1885 et 1884, mais malgré l’augmentation de quantité, la valeur en 1885 est au-dessous de celles des années précitées.
- Stephenson et la vache. — Lorsque les projets Stephenson étaient examinés par la Commission parlementaire chargée de considérer le projet de loi d’établissement de voies ferrées, un des membres, mal avisé, demanda à l’iuventeur ce qui se passerait si, malgré les palissades qu’il songeait à employer pour protéger la voie, une vache se frayait un passage et allait se trouver en collision avec un train. Chacun connaît la réponse à la fois typique et modeste du grand ingénieur : (( Ce serait une mauvaise affaire pour la vache. » Stephenson ne connaissait peut-être pas, il y a cinquante ans, ce dont une vache de Sheffield était capable. L’une de celles-ci a offert, il y a quelques jours, à tout le personnel de la gare, un sport qui n’a pas duré moins de trois heures : s’échappant d’un wagon au garage, elle s’est enfuie dans la direction de Victoria station qu’elle a passée à toute vitesse. Le chef de gare est monté sur une locomotive pilote et a commencé la chasse, l’animal poursuivant sa course effrénée jusqu’à la station suivante de Wood Ilouse Junc-tion. Arrivée là, la vache a repris sa course en sens inverse, renversant et blessant sérieusement un porteur et un cantonnier. Dans l’intervalle, tous les trains avaient été arrêtés. Un obstacle composé de fils de fer et de cordages avait été placé, à la station, en travers de la voie, mais la bête les a franchis d’un bond. Une chasse à courre eut alors lieu à laquelle tout le personnel disponible y a pris part, quelques-uns à leur grand regret, car la vache ne les a pas ménagés. Enfin après une course échevelée de trois heures, pendant lesquelles la vache a eu possession de 4 kilomètres de la voie ferrée, un ouvrier réussissait à abattre l’animal d’un coup de fusil.
- Sphéromètre Hervier. — M. Hervier ingénieur à Paris, a eu l’idée, dit la Chronique industrielle, de faire servir les mètres pliants ordinaires, divisés en doubles-décimètres ou en décimètres, à la mesure du diamètre des cylindres, et des sphères. On inscrit le corps rond en question dans un triangle isocèle formé par les trois premières branches du mètre. La troisième branche, qui forme la base du triangle, porte une graduation sur laquelle on lit le diamètre cherché. Cette graduation pourrait se calculer facilement si l’on ne tenait pas compte de la largeur des branches ; mais la correction nécessitée par la largéur des branches donnerait lieu à des calculs compliqués. On a préféré déterminer la graduation empiriquement. On peut
- p.270 - vue 274/432
-
-
-
- 271
- LA Aï A T U KL.
- ainsi mesurer des cercles de 50 millimètres et au-dessous avec le mètre à dix branches, et de 105 millimètres et au-dessous avec le mètre à cinq branches.
- LA CATASTROPHE DE CHANCELADE
- PRÈS DE PÉRIGUEUX 1
- Le forage entrepris à Chancelade le 14 novembre, est terminé depuis quelque temps. Ce travail a exigé en tout 77 jours. La profondeur du trou a été de 67 mètres. Son diamètre a été réduit à 0ra,12 par suite des divers tubages qu’il a été nécessaire de faire. L’intention hautement déclarée du comité d’initiative ayant été de prouver qu’il était possible de secourir à temps les mineurs, l’opération devait être et a été effectivement conduite avec toute l’activité possible ; on avait eu tout le temps nécessaire pour choisir la meilleure maison et compléter l’installation. Il est donc difficile d’admettre qu’un forage entrepris au lendemain de la catastrophe eût abouti plus promptement.
- Le forage du comité a présenté deux phases successives : la première, pendant laquelle il ne s’est produit que des incidents inévitables dans des travaux pareils : obstruction momentanée du trou de forage, déviation des tubes employés dans l’argile, etc. Pendant cette période, l’avancement moyen a été de 1 m,40 par jour. Vers la fin de l’opération, le trépan s’est engagé et on est resté assez longtemps sans pouvoir le retirer et recommencer le sondage. Cet accident est assez fréquent ; il se serait très probablement produit, et aurait même pu avoir des conséquences plus graves, si les travaux avaient été commencés trois semaines plus tôt, car alors le massif rocheux était encore en équilibre instable, les crevasses s’ouvraient presque à vue d’œil et le moindre déplacement latéral eût rendu impossible la continuation du forage. Néanmoins, comme il aurait pu à la grande rigueur ne pas avoir lieu, faisons-en pour le moment abstraction. L’avancement moyen ayant été de lœ,40 pendant la période normale, il eût fallu au moins, dans ce cas, 47 jours pour arriver au fond du trou ; et comme la décision à prendre, l’installation et les travaux préparatoires faits par les carriers de Jonzac, dont le comité d’initiative a profité, auraient pris au moins trois fois vingt-quatre heures ; c’est seulement au bout de 50 jours qu’on eût pu, non pas même retirer les cadavres des malheureux ensevelis, mais seulement communiquer d’une façon très précaire avec la cavité où on supposait qu’ils étaient restés vivants.
- Il est à remarquer que les médecins présents sur les lieux fixaient à 8 jours le temps pendant lequel ces malheureux pouvaient encore exister dans les déplorables conditions où ils se trouvaient placés. Pour percer une galerie praticable, il fallait au moins deux mois. Une dépêche adressée à l’un des députés de la Dordogne par une maison de Paris ne promettait qu’un avancement de 1 mètre par jour au plus. Nous laissons aux lecteurs de La Nature le soin de dégager la conclusion qui ressort des chiffres que nous venons de donner.
- Dans la première quinzaine de ce mois, un tube contenant des appareils photographiques et une lampe électrique a été descendu dans la cavité. Des épreuves ont été obtenues ; on s’occupe de les agrandir. Les renseignements publiés à ce sujet sont connus et divergents. Il
- 1 Suite. — Voy. n° 657, du 2 janvier 1886, p. 75.
- semble cependant démontré que la galerie que l’on supposait intacte est entièrement disloquée, et que le sol es t jonché d’éboulis, sous lesquels serait enseveli un mineur, dont la tête est, dit-on, visible sur l’image photographique obtenue. Nous tiendrons les lecteurs au courant de cette phase curieuse de la catastrophe de Chancelade, et nous reproduirons, s’il y a lieu, quelques-unes des photographies obtenues.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 22 mars 1886.— Présidence de M. l’amiral JCRTEV DE LA GnAVIÈRE.
- Sur la figure de la terre. — C’est avec un très vif intérêt qu’on écoute M. Faye exposer ses idées sur la constitution de la croûte terrestre. Les travaux des géo-désistes concordent pour démontrer que notre terre est un ellipsoïde de révolution dont l’aplatissement est de 1/280 000. D’après M. Clarke, chef du département géo-désique en Angleterre, la mesure de la pesanteur a présenté des anomalies dans toutes les îles éloignées des côtes, et ces anomalies sont toutes de même signe : partout la.pesanteur s’est montrée plus intense qu’elle n’eût dû être selon la théorie, le nombre des oscillations du pendule en vingt-quatre heures étant trop fort à Porto-Bello de 3,85, aux Gallapagos de 2,45, à Saint-Thomas de 6,86, à l’Ascension de 6,15, etc. La cause de ces excès est d’ailleurs facile à trouver dans l’attraction propre des masses rocheuses, plus forte que celle de l’eau dont elles tiennent la place, et, par conséquent, la pesanteur est la même sur la mer que sur la terre. Si l’on se rappelle que la mer a une profondeur moyenne de 4500 mètres, et que la densité de l’eau est seulement 1, tandis que celle des roches est 2,5, on conviendra que ce résultat est bien étonnant. Pour que la moindre attraction de l’eau soit compensée, il faut qu’il y ait sur la mer des masses rocheuses surabondantes. En second lieu, les mesures faites dans l’Inde depuis le niveau de la mer jusqu’à des altitudes de 5000 mètres ont montré que la pesanteur est plus faible que la théorie ne l’indique, et que le pendule donne en vingt-quatre heures, au cap Comorin, un déficit de 0 oscillation, 53 ; à Bangalore, de 3,32; à Dammarjidda, de 4,43; à Dehera, de 9,30; à Moré, de 22,8. De sorte que pour compenser le grand volume des masses rocheuses qui devraient exercer une attraction prépondérante, il faut qu’il y ait dans la profondeur une cause de diminution de la densité. Pour M. Faye, ces faits indiquent que la croûte terrestre est beaucoup plus épaisse sous les océans que sous les continents, et la cause de cette inégalité réside tout entière dans les facilités que la masse liquide apporte au refroidissement des régions profondes.
- Toxicité de l’urine. — M. le professeur Boucheron lit un intéressant travail dont la conclusion est que l’urine constitue un poison énergique. D’après ses calculs, l’homme sain sécrète par kilogramme de son poids et dans les vingt-quatre heures de quoi tuer 465 grammes de sa propre substance; de sorte qu’en deux jours et quatre heures, il fabrique de quoi se tuer tout à fait. Voilà certes un résultat inattendu.
- Méthémoglobine. — M. Hayem a reconnu qu’un certain nombre de substances toxiques et médicamenteuses transforment, dans l’organisme, l’hémoglobine en méthémoglobine. Ce sont, par exemple, le nitrite d’amyle, le chlorate de potasse, etc. Le corps produit étant incapable
- p.271 - vue 275/432
-
-
-
- 272
- LA NATURE.
- d’attirer foxygèue plonge le sang dans un état asphyxique; et il est bon que les médecins soient prévenus d’un pareil effet.
- Mort apparente. — Après avoir anesthésié un animal, M. le docteur Lafont en excite le nerf vague. Immédiatement la circulation et la respiration sont arrêtées, et par conséquent, il y a mort apparente. Après un temps qui varie de 5 à 6 minutes, l’animal revient à la vie. L’auteur tire de ces faits des conséquences sur la théorie de la syncope.
- Chimie organique. —C’est d’une manière particulièrement élogieuse que M. Cahours présente des recherches faites par MM. Colson et Gautier sur quelques dérivés du système. Ce travail très intéressant a été exécuté au laboratoire de M. Gai, à l'École polytechnique.
- Varia. — M. le professeur Bureau pose sa candidature à la place vacante dans la section de botanique. — Un nouvel étalon pratique d’intensité de courant estprésenté par M. Marcel Deprez.— M. Lallemand expose ses idées sur l’origine des tremblements de terre. —
- L’oxydation des acides gras occupe M. Ca-rette. — M. Figuier a étudié la synthèse du cyanure d’ammonium.
- — MM. Lévy et Ber-geron décrivent les roches cristallines de l’Andalousie. — Un procédé de dosage du zinc, du cobalt, du nickel, du manganèse et du fer, a été imaginé par M. Carnot.
- — Une étude calorimétrique des métaux à haute température est transmise par M. Debray au nom de M. Pouchot.
- — M. E. Maindron offre une notice biographique sur
- J.-B. Dumas. Stanislas Meunier.
- NOUVEAU VÉLOCIPÈDE
- A PÉDALE PERFECTIONNÉE
- Nous donnons ci-dessus l’aspect d’un vélocipède qui a été construit aux Etats-Unis.
- Le perfectionnement consiste dans l’addition d’un court bras de levier fixé à l’axe du bouton de manivelle ; il est supporté par une tige mobile attachée à la partie supérieure de la fourche, et qui lui permet de suivre le mouvement de la manivelle sans éprouver presque aucun frottement. Cette modifica-
- tion n’ajoute qu’un kilogramme au poids du vélocipède, tandis qu’elle augmente la force dont on dispose pour le faire mouvoir; en même temps elle diminue considérablement la course du pied. Dans les descentes on peut se servir de l’axe du bouton de manivelle comme de pédale; dans ce cas la course du pied est diminuée encore davantage. Ajoutons qu’avec ce système un homme de petite taille peut se servir d’un bicycle de très grande dimension : il lui suffit d’abaisser la tige, ce qui se fait en deux minutes.
- On remarquera que le levier est disposé de telle sorte que, au point de la révolution où la manivelle a la plus grande puissance, la pédale, l’axe
- principal et l’axe du bouton de manivelle sont sur la même ligne, qui est à peu près perpendiculaire à la direction de la pression; on obtient par là une force plus grande qu’on n’en aurait avec le levier seul. Grâce a l’angle que le levier fait avec la ligne des points morts quand il est au-dessus ou au-dessous d’elle, la pression du pied s’exerce pendant plus de la moitié de la course de la manivelle, de sorte -qu'avec deux manivelles les portions efficaces des révolutions empiètent l’une sur l’autre, et qu’en réalité les points morts sont supprimés. En variant les longueurs relatives des deux bras de levier et celle de la manivelle, on peut obtenir soit une augmentation de vitesse, soit une augmentation de force. D’après le témoignage des connaisseurs, ce modèle est de beaucoup supérieur à tous les autres, tant au point de vue de la force qu’au point de vue de la vitesse. S’il est nécessaire, on peut mettre des articulations à boules sur l’axe du bouton de manivelle, de façon à réduire le frottement à son minimum.
- Cette pédale a été inventée par M. G.-J. Taylor, (de Sait Lake City, Utah), à qui l’on peut s’adresser pour plus de détails1. E. Philippi.
- 1 D’après le Scientific American.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Bicycle américain à pédale perfectionnée. (D’après une photographie.)
- imprimerie A. Lahure, y, rue de Fleuras, à Paris.
- p.272 - vue 276/432
-
-
-
- y 670. — 5 AVRIL 1880.
- LA NATURE.
- ‘275
- LE BÂTEAU SOUS-MARIN
- SYSTÈME KOUDE.NFELT
- La question de la lutte du torpilleur et du gros cuirassé est aujourd’hui, peut-être, celle qui préoc-
- cupe le plus vivement le monde des marins ; elle est suivie avec intérêt par le public tout entier qui recueille avidement les arguments contraires des deux systèmes en présence, en attendant qu’une grande bataille navale vienne fournir la démonstration effective de la supériorité indiscutable de
- Fig. 1. — Le bateau sous-marin de M. Nordeufelt.
- l’un d’eux. Jusqu’à présent, les torpilleurs ne paraissent pas encore bien en état de poursuivre toujours la lutte avec fruit, ils tiennent en effet difficilement la haute mer ainsi que l’ont montré les essais de bataille navale pratiqués récemment en Angleterre, et ils ne peuvent sans doute pas traverser les filets de protection à mailles serrées dont s’entourent les cuirassés.On peut se demander enfin , si la voie d’eau qui détermine l’explosion d’une torpille produira nécessairement une avarie bien grave dans le gros navire, car avec le système de construction actuel enveloppant le cuirassé d’un réseau de com-L \ année. •— 1er semestre.
- partiments étanches, la voie d’eau devra se localiser à un compartiment isolé sans entraîner d’autre
- accident.
- Quoi qu’il en soit, pour obtenir avec les torpilles un effet plus sûr, on se préoccupe actuellemen t d’arriver à les lancer au moyen de bateaux sous-marins qui puissent atteindre le cuirassé avec certitude dans les points les plus dangereux de sa coque inférieure en évitant le filet pare-torpilles et la cuirasse métallique qui protège sa ceinture contre les chocs des projectiles de l’artillerie ennemie.
- Les principales nations d’Europe s’occupent attentivement de cette question, et font à ce sujet
- 18
- p.273 - vue 277/432
-
-
-
- 274
- LA NATURE.
- des expériences suivies dont les résultats ne sont pas divulgués. Les études exécutées d’autre part par les divers inventeurs montrent enfin que, si la question n’est pas encore entièrement résolue à la connaissance du public, elle ne doit pas du moins être considérée comme irréalisable. M. Nordenfelt en particulier, qui s’y consacre actuellement, a créé un type de bateau sous-marin qui a vivement excité la curiosité; nous reproduisons à ce sujet quelques dé lails empruntés à une revue maritime étrangère, et à une conférence faite le 29 janvier dernier à Londres par M. Nbrdenfelt devant les hauts fonctionnaires de l’amirauté anglaise et les princes de la famille royale.
- M. Nordenfelt attribue l’insuccès des diverses tentatives entreprises antérieurement pour réaliser les bateaux sous-marins principalement à leurs dimensions trop restreintes qui n’avaient pas permis de leur donner une force motrice suffisante, tant pour les diriger que pour leur assurer les moyens de monter et de descendre facilement en mer. Le type de bateau auquel il s’est arrêté marche à la vapeur avec un équipage de 3 hommes au plus, et il peut parcourir
- Fig. 3. — Figure schématique du bateau sous-marin de M. Nordenl'eit.
- a. Chaudière. — b. Cylindre de la machine motrice principale. — v. Ventilateur. — d et e. Réservoirs d’eau chaude. — f. Tourelle du commandant. — g. Communication avec le réservoir latéral. — h. Pendule régulateur du timonier.
- d’après l’inventeur 150 milles au moins sans avoir à renouveler sa provision de charbon. L’appareil d’immersion est formé de deux hélices latérales à axe vertical actionnées par une machine à vapeur spéciale; l’enfoncement est réglé par une valve automotrice commandant le débit delà machine motrice. On emploie en outre à cet effet un réservoir auxiliaire d’eau froide dans lequel on peut faire pénétrer suivant les cas jusqu’à 4 mètres cubes d’eau.
- Pour assurer la position horizontale du navire sous l’eau dont le maintien est absolument indispensable, les gouvernails placés à l’avant sont munis de contrepoids qui ramènent toujours le bateau dans sa position normale.
- M. Nordenfelt s’est attaché, dit-il, à conserver le moteur à vapeur afin de donner plus d’indépendance à son navire qui peut renouveler toujours les provisions d’eau nécessaires sans avoir besoin d’aller à terre. Il a évité l’emploi de l’électricité estimant que les batteries et accumulateurs auxquels il aurait fallu avoir recours constituent des appareils trop délicats susceptibles de dérangements fréquents pouvant compromettre ainsi le salut du navire. Les craintes de M. Nordenfelt sont peut-être un peu exagérées à ce point de vue, et il se prive ainsi d’un auxiliaire particulièrement précieux qui aurait été au contraire tout a fait approprié à la manœuvre
- d’un navire sous-marin puisque les moteurs électriques ont l’avantage énorme de ne pas vicier l’air, de ne produire ni bruit, ni fumée; d’être peu encombrants, etc. Nous croyons, d’ailleurs, que cette question est suivie avec attention dans différents pays étrangers qui expérimentent l’application des moteurs électriques à ce type de navires.
- Nous avons représenté sur les figures 1 et 2 le dessin du bateau Nordenfelt essayé à Stockholm. Celui-ci présente, comme on voit, la forme d’un cylindre effilé aux tleux extrémités pour diminuer les résistances. La largeur maxima est de 5in,65, la longueur totale de 19m,50, la hauteur maxima au milieu est de 3n,,25, le déplacement total de 60 tonneaux, la vitesse sur la base mesurée est de 9 nœuds. L’équipage prévu est de trois hommes, qui se tiennent au centre du navire devant le foyer de la chaudière. La tourelle du commandant qui fait saillie à la partie supérieure est munie d'une fermeture qui*donne accès à un escalier en échelle descendant à l’intérieur du bateau. Une coupole en verre permet d’ailleurs d’observer la mer quand le bateau est émergé. Le bateau est construit entièrement en tôles d’acier doux renforcées par des cornières intérieures. La machine principale fait mouvoir l’hélice de poupe assurant le déplacement horizontal du navire, ainsi que la pompe à air, les pompes alimentaires de la chaudière et les pompes de circulation d’eau chaude: elle est du type compound à condensation (fig. 5). Le cylindre à haute pression a Üm,50 de diamètre, et celui de basse pression 0m,63 ; la course unique des deux cylindres est de 0m,28. Une seconde machine motrice à deux cylindres ayant O"1,4 0 de diamètre et 0m.15 de course fait mouvoir un ventilateur à tirage forcé, ainsi que les deux hélices latérales à axe vertical destinées à assurer l’enfoncement du bateau. La chaudière qui alimente les machines est du type ordinaire à retour de flamme, les produits de la combustion sont évacués dans une boîte spéciale voisine de la coupole, et rejetés extérieurement à la partie inférieure pour éviter la fumée qui trahirait la présence du bateau.
- Lorsque le bateau est enfoncé, la vapeur est fournie par la chaleur accumulée dans deux réservoirs d’eau bouillante contenant 8 tonnes disposés, l’un à Lavant, l’autre en arrière. L’eau des réservoirs est maintenue d’ailleurs continuellement chaude, en établissant un courant d’échange continu avec la chaudière au moyen de trois pompes de circulation commandées par la machine principale. Les réservoirs peuvent être vidés d’ailleurs en cas de besoin pour alléger le navire, s’il est nécessaire de remonter à la surface.
- En temps normal, le bateau navigue en flottant à la surface avec son réservoir à eau froide vide, mais lorsqu’il arrive assez près de l’ennemi pour être aperçu, il commence à s’enfoncer de manière à ce que la coupole seule arrive au niveau de l’eau. A cet effet, on introduit de l’eau dans le réservoir à eau froide, et on ferme toutes les issues de prises
- p.274 - vue 278/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 275
- d’air et la cheminée, ainsi que le foyer de la chau- I dière. Les hélices latérales sont mises en mouvement pour déterminer l’enfoncement, la profondeur étant toujours réglée ainsi que nous l’avons dit par la valve automatique commandée elle-même par la pression d’eau extérieure qui ouvre ou ferme le débit de vapeur: quant à l’invariabilité de la position horizontale, elle est garantie par les gouvernails compensés spéciaux dont nous avons parlé.
- En approchant du navire qu’il veut attaquer, le bateau s’enfonce complètement, et peut atteindre 20 mètres environ de profondeur d’eau, d’après M. Nordenfelt. Il lance ensuite mécaniquement une torpille mobile de 4“,26 disposée à l’avant du bateau.
- Les expériences auxquelles ce bateau fut soumis ont été exécutées à Stockholm les 22,23 et 25 septembre dernier en présence des délégués de toutes les nations européennes, du Brésil et du Japon.
- Dans la journée du 22 et 23, le navire fit diverses évolutions en restant émergé, mais la vitesse n’aurait guère dépassé 6 nœuds à l’beure. Un essai d’enfoncement occupa une demi-heure. Dans la journée du 25, l’équipage étant réduit à deux hommes, comprenant le commandant et le mécanicien, le chauffeur s’étant en effet blessé la veille, on essaya de simuler l’attaque d’une canonnière et le bateau dut approcher en s’immergeant depuis le point où il aurait pu être aperçu.
- Il fit ce parcours à vitesse assez faible, mais il dut remonter à différentes reprises à la surface pour reprendre l’air. D’après les rapports officiels, l’appareil destiné à assurer l’horizontalité de la position ne fonctionnait pas encore d’une manière qui puisse donner pleine confiance, et le navire est obligé trop souvent de remonter à la surface, s’exposant ainsi au danger d'être découvert. La vitesse de marche du navire immergé est trop faible et ne dépasse pas 3 nœuds. Il paraît enfin que l’armement qu’il peut recevoir est insuffisant pour sa défense.
- On voit par là que si le problème n’est pas encore entièrement résolu, la question est entrée cependant dans la pratique, et comme l’a observé le duc d’Edimbourg après la conférence de M. Nordenfelt, cet inventeur a fait un grand pas vers la solution d’un problème important qui jouera un rôle considérable dans les guerres maritimes de l’avenir. On peut se demander toutefois en supposant que le problème soit entièrement résolu, comment il sera pos • sible à l’équipage du bateau sous-marin si rapproché du navire ennemi au moment de l’explosion, de s’échapper assez à temps pourn’être pas détruit lui-même par le coup qu’il aura tiré. X...,
- Ingénieur.
- LÀ ROUE SANS ESSIEU
- LE CRAPAUD ROULANT
- L’Exposition de machines qui accompagne chaque année le concours agricole au Balais de l’Industrie
- j apporte habituellement son contingent de nouvelles inventions mécaniques intéressantes. Parmi celles-ci, nous en citerons deux en particulier qui présentent un intérêt tout spécial, car elles s’appliquent à des appareils qui ne paraissaient pas susceptibles de modification, et qui se sont transmis en effet pour ainsi dire sans aucun changement à travers les siècles, depuis que l’humanité en a fait usage : nous voulons parler de la roue ordinaire des véhicules, et du rouleau servant à transporter les fardeaux.
- Le système de roue nouvelle exposé par M. Suc est représenté dans les figures 1 et 2 ; il supprime complètement les essieux avec les coussinets, fusées, boites à graisse, etc. La roue est invariablement fixée au châssis qu’elle entraîne et elle avance en communiquant un mouvement de rotation à sa jante extérieure B (fig. 2), formant une sorte de rail circulaire enroulé autour de la roue A, et qui tourne en appuyant sur le sol; elle substitue ainsi un frottement de roulement à la circonférence au frottement de glissement des fusées dans leurs coussinets.
- On se représentera cette disposition en se figurant deux rails à gorge B posés parallèlement sur le sol et sur lesquels le roulement s’effectuerait. Dans cette gorge sont logées en effet des boules en acier T servant à effectuer la rotation, et qui sont retenues à distance les unes des autres par un guide C percé d’alvéoles du diamètre des billes. Sur celles-ci, on vient poser deux seconds rails à gorge renversée A de manière à embrasser les billes, et si l’on fait glisser l’ensemble des deux rails supérieurs sur les rails inférieurs qui resteront fixes, le déplacement s’opérera par une simple rotation des billes. Si maintenant, on courbe le tout pour constituer une roue, le rail supérieur A vient former la jante fixe de cette roue, embrassée concentriquement par le guide à alvéoles C contenant les billes, et extérieurement par le rail inférieur B qui devient mobile dans cette disposition. Les deux rails intérieurs formant jante des deux roues qui se font face sont reliés invariablement au châssis de la voiture qu’ils supportent, et les rails extérieurs restent libres afin de tourner pendant la rotation.
- La jante est garnie à l’intérieur de montants en fer ou en bois parallèles ou croisés, ou même d’une toile pleine qui lui donne une résistance suffisante, et elle est rattachée à la voiture par des ressorts interposés dont le nombre et la disposition peuvent être quelconques, avantage que ne présentent pas les roues à essieux, celles-ci étant reliées nécessairement à la voiture par un ressort reposant sur la boite à graisse de la fusée.
- Ajoutons enfin que dans cette disposition, la voiture peut être descendue aussi bas qu’on peut le désirer sans avoir à se préoccuper de l’installation de l’essieu; cette roue peut donc s’appliquer sans difficulté à tous les types de véhicules, et leur communiquer ainsi, par l’abaissement du plancher inférieur de la voiture, une stabilité bien supérieure à celle qu’elles peuvent présenter autrement. On peut rame*
- p.275 - vue 279/432
-
-
-
- 276
- LA NAT UH E.
- ner le plancher au ras du sol, et permettre par suite aux personnes âgées ou infirmes de monter sans difficulté dans la voiture; on augmente donc la sécurité en cas d’accident puisque la chute à redouter est pour ainsi dire nulle.
- Les inconvénients qui s’opposeront sans doute en pratique à la généralisation de cette disposition si ingénieuse tiennent à la complication qu’elle entraîne à la jante, et sur tout à la difficulté d’éviter les boues qui ne manqueront pas de s’accumuler à l’intérieur des gorges, surtout pendant les temps pluvieux lorsque les routes ne seront pas bien nettoyées ; les boues ou le gravier devront gêner la rotation des billes, et entraîner des frottements énormes. 11 serait intéressant en tous cas d’avoir les résultats d’expériences comparées permettant d’apprécier l’effort de traction exigé par ce type de roue par rapport au type ordinaire dans les différents cas de la pratique, soit sur des rues pavées en bois, en pierre ou en macadam,ou sur des routes dans un état d’entre tien ordinaire.
- Signalons également un autre type de roue sans essieu qui figurait aussi à l’Exposition agricole où il était appliqué à un tonneau à purin. 11 s’agissait simplement d’ailleurs de deux roues ordinaires tournant autour de fusées fixes; toutefois l’essieu intermédiaire reliant les fusées était supprimé, et il était remplacé par le tonneau lui-même formé par un cylindre de révolution dont l’axe coïncidait avec celui de l’essieu fictif. Cette disposition, des
- plus remarquables, permettait d’abaisser beaucoup le tonneau et d’augmenter son volume tout en assurant
- le parfait équilibre de la charge puisque le centre de gravité reste toujours au-dessous du point de suspension et coïncide avec lui seulement dans le cas où le tonneau est plein.
- Dans l’exposition de M. Suc, nous devons mentionner enfin l’appareil de transport des fardeaux auquel il a donné le nom de crapaud roulant. Celui-ci, qui est représenté ci-contre (fig. 3), est destiné à remplacer avantageusement le ro u leau antique employé sans doute aussi depuis l’origine de l’humanité pour faciliter le roulement des fardeaux qu’on veut déplacer. L’inconvénient du rouleau est de ne permettre le déplacement que dans le sens unique où sa rotation propre peut s’effectuer lorsqu’il est en place, tandis que le crapaud roulant peut être tiré dans un sens quelconque.
- Cet appareil se compose de trois billes]sphé-riques de six centimètres de diamètre dont les centres sont maintenus dans une position invariable aux sommets d’un triangle équilatéral. Ces billes sont encastrées sans pouvoir tomber, entre deux plateaux rivés sur une âme en tôle rattachant cet ensemble ; elles obéissent sans difficulté à l’effort qui les sollicite, quelle qu’en soit la direction, puisque deux quelconque d’entre elles peuvent toujours pivoter autour de la troisième, et elles assurent ainsi le déplacement indifférent du fardeau qu’elles supportent. L. B.
- Fig. 1. — Chariot à roues sans essieu.
- Fig. 2. — Détail de la roue sans essieu.
- A. Houe intérieure. — B. Jante extérieure tournant à l'aide des boules d’acier. — C. Guide percé d’alvéoles pour retenir les boules.
- Fig. 3. — Le crapaud roulant.
- p.276 - vue 280/432
-
-
-
- LA NATURE.
- ‘277
- SIGNÀLEUR OPTIQUE DE POCHE
- Fig. 1. — Signaleur optique de poche. Appareil ouvert.
- Fig. 2. — Mode d’emploi du signaleur de poche.
- La Nature, dans un article précédemment publié (samedi 1er août 1885), a donné, après un court historique de la question, une description très détaillée des appareils de M. le colonel Mangin, que Ton emploie dans la télégraphie optique en campagne ou dans les forteresses.
- Ces appareils très ingénieux rendent de bien importants services à l’armée. Le grand modèle, d’un poids et d’un matériel considérables, en rapport avec sa grande puissance, est destiné au service des places fortes; le petit modèle, transportable à dos d’homme, sert en campagne, placé sur un trépied, pour la transmission des signaux.
- Ce dernier appareil est encore trop lourd; il pèse 55 kilogrammes. L’homme qui est chargé de sa manœuvre ne peut se déplacer aisément et facilement ; il ne peut suivre les péripéties du combat, franchir rapidement, l’appareil au dos, à travers les terrains labourés ou détrempés par les pluies, des distances de cinq ou six kilomètres. La nouvelle disposition des troupes pour le combat, la tactique nouvelle, exigent qu’une vedette
- ... -5cont...
- Fig. 3. — Coupe du signaleur de poche.
- A. Miroir réflecteur plan - concave ; a. Bouton pour faire mouvoir ce miroir. — B. Miroir réflecteur plan. — C. Lunette coudée, renfermantun cône eu verre, indiquant le passage des rayons lumineux. — DD'. Système de lentiles de projection.— D. Plan convexe.— L' Biconvexe. — E'. Lampe à essence minérale. — E. Place qu’elle occupe lorsqu’on doit s’en servir. — F. Point focal commun aux deux lentilles D et D’. — M. Réflecteur de la lampe. — O. Obturateur à touche ou interrupteur.
- terminé, puisse signaler instantanément, comme une vigie, tout incident particulier; qu’un officier de cavalerie en reconnaissance ait la faculté de maintenir, malgré la distance, son contact avec le général en chef et de lui communiquer directement le résultat de son exploration ; que le commandant en chef du corps d’armée puisse, comme un amiral, envoyer à tous les échelons ses ordres avec la plus grande célérité.
- Les signaux optiques ou lumineux sont les plus apparents; ils sont plus faciles à diriger et sont en quelque sorte instantanés. Un instrument d’optique léger, commode, d’un petit volume, facile à manœuvrer, ne nécessitant aucune mise au point, aucune recherche pour faire des signaux, pouvant se placer dans une sacoche de selle et au besoin dans la poche, remplirait donc les conditions désirées. Ces conditions sont, je crois, réunies dans le petit appareil que je nomme Signaleur optique; elles en font, par conséquent, un instrument essentiellement pratique. optique se compose théoriquement
- placée en un lieu dé - [
- Ce Signaleur
- p.277 - vue 281/432
-
-
-
- 278
- LA NATURE.
- d’un miroir plan A, mobile autour d’un axe a. Au-dessus de lui, est un second miroir plan B, fixe et incliné à 45°; il est placé en regard d’un système de lentilles DI)' verticales. L’une D est plan-convexe, l’autre D' est biconvexe. Les sommets des cônes formés par les faisceaux convergents coïncident au point F. — Les rayons solaires réfléchis par le mi -roir A sont déviés par le miroir B et projetés sur la face plane de la lentille D ; cette lentille réfracte les rayons lumineux et les réunit en foyer au point F. Mais, comme ce point F est aussi le foyer de la lentille D', ces rayons lumineux sont captés de nouveau par cette lentille et émis à l’extérieur parallèlement à son axe principal, c’est-à-dire vers l’infini.
- Les rayons lumineux reçus par le miroir A sont donc émis vers l’infini par la lentille D', sous la forme d’un faisceau à rayons parallèles et par conséquent sont visibles à une très grande distance.
- Cette théorie, absolument vraie pour les rayons solaires qui arrivent de l’infini vers le miroir A, n’est plus exacte pour les rayons lumineux émanés d’un foyer distant de quelques centimètres, comme par exemple une lampe de pétrole. Ces rayons ne convergeront plus en foyer au point F et, par suite, leur émission n’aura pas lieu parallèlement à l’axe principal des lentilles, à moins de déplacer la lentille J)' et de chercher par des tâtonnements à obtenir la coïncidence des sommets des cônes des faisceaux convergents.
- Pour éviter toutes manœuvres, toujours trop longues et fort intempestives en campagne, afin de rendre l’instrument apte à fonctionner également bien, soit avec les rayons du soleil, soit avec ceux d’une lampe à pétrole ou d’une bougie, sans aucune mollification de l’appareil, il a fallu avoir recours à une combinaison très simple.
- La face inférieure du miroir plan A est doublée d’un miroir concave d une courbure calculée; la lampe se meut sur un tiroir d’une longueur constante, égale à la distance focale du miroir concave. Cette lampe est surmontée d’un réflecteur concave, donl le foyer est à la flamme de la lampe. Un ressort à boudin permet d’élever la lampe à une hauteur déterminée par rapport au centre du miroir concave.
- Il résulte de ces diverses combinaisons, basées sur les lois de l’optique, que les rayons lumineux émis par la lampe à pétrole, et concentrés sur le miroir concave, seront réfléchis par ce miroir, en un faisceau à rayons parallèles, vers le miroir plan B et, point capital, qu’ils iront former leur loyer au point F, comme les rayons solaires ; leur émission par la lentille D' se fera donc parallèlement à l’axe principal.
- Le signaleur se trouve ainsi réglé pour fonctionner indifféremment avec le soleil ou avec une lampe. Condition très importante en campagne, à plusieurs points de vue.
- Dans la première construction du signaleur optique, un miroir parabolique était placé entre la
- lentille D et son foyer F. Un petit miroir concave occupait le foyer du miroir parabolique et recevait, par une ouverture pratiquée au centre du miroir parabolique, les faisceaux lumineux convergents émanés de la lentille I).
- Plusieurs expériences comparatives ont démontré qu’il était bien préférable de produire l’émission des rayons lumineux avec la lentille D'; le faisceau est plus dense et porte mieux. Ces résultats sont évidemment supérieurs à ceux fournis par une lanterne munie d’un réflecteur.
- Appareil. — Le signaleur optique est formé par deux tubes de cuivre de cinq centimètres de diamètre, glissant l’un dans l’autre comme ceux d’une lunette.
- Le tube supérieur contient le miroir plan B, percé d’un trou à son centre; il reçoit, à angle droit, le manchon de cuivre qui renferme les deux lentilles DD', supporte une petite lunette coudée C et l’obturateur à touche ou interrupteur.
- Cet interrupteur est une sorte de clef de clarinette qui soulève ou abaisse une lame métallique 0, glissant devant l’ouverture d’un diaphragme placé au foyer des deux lentilles. Les signaux sont extrêmement rapides et d’une très grande facilité d’exécution.
- Le tube inférieur porte le miroir plan-concave A. Au-dessous est logée une petite lampe à essence minérale et à mèche d’amiante, pouvant brûler dix heures.
- Cette lampe est fixée suivant le mode dit à bayon-nette, sur un tiroir qui permet de l’amener au dehors. Un ressort à boudin placé en dessous la fait saillir à volonté; enfin, le porte-mèche s’allonge pour former le complément de la hauteur déterminée que doit occuper la flamme de la lampe.
- Les deux tubes enfoncés l’un dans l’autre donnent une lunette de douze centimètres de longueur; lorsqu’ils sont tirés, ils forment une longueur totale d’environ vingt centimètres. —Ces dimensions permettraient de transporter aisément cet instrument dans un étui, comme une jumelle.
- Émission des signaux. — Le signaleur présente le miroir A vers le soleil et fait tourner le bouton a jusqu’à ce qu’il aperçoive les rayons lumineux dans la lentille D'. 11 prend l’appareil d’une main, par le tube inférieur; il place l’autre main sur le tube supérieur, de telle sorte que le j ouce et les deux derniers doigts entourent le tube et que l’index et le médius appuient sur la touche.
- Il élève l’appareil à la hauteur du visage et vise avec la lunette coudée, en appuyant l’oculaire contre son sourcil, la personne à qui s’adressent les signaux; dès qu’il l’a trouvée, il s’assure de l’existence, dans l’intérieur de la lunette, d’un petit éclat scintillant, formé par un rayon lumineux qui traverse le centre du miroir A et vient frapper la base d’un petit cône de verre enchâssé dans la lunette. 11 presse ou lâche alternativement la touche et produit ainsi des éclats ou des traits lumineux qui correspondent aux signes de l’alphabet Morse.
- p.278 - vue 282/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 271)
- Si les rayons du soleil font défaut, le signaleur fait sortir le tiroir qui porte la lampe, retourne le miroir plan-concave A, allume la lampe et envoie ses signaux comme il Ta fait avec le soleil.
- Des essais d’émission de signaux ont été faits dans le parc de Versailles, du bassin de Neptune à la porte Saint-Antoine ou vers le plateau de Sa tory, à des distances de mille à douze cents mètres, seulement pour vérifier le fonctionnement de l’appareil, sans chercher sa portée ; quelques essais ont également été faits avec succès devant des olficiers. M. le baron Nugues, général du génie, à qui j’ai eu l’honneur de soumettre Je signaleur optique, en a fait une appréciation des plus favorables. Enfin, sur ma demande, M. le Ministre de la guerre, par une lettre du 28 octobre 1885, a bien voulu autoriser la présentation de cet instrument à la commission de télégraphie militaire. I)r E. Gavoy.
- LA FIGURE DE LA TERRE
- Le lundi 1er mars, la Société géologique a commencé une série de conférences qu’elle se propose de faire faire par quelques-uns de ses membres, dans ses réunions périodiques, à l’effet de résumer un certain nombre de questions générales, d’ordre géologique. C’est à M. de Lapparent, le savant auteur du Traité de géologie désormais classique qu’est échu l’honneur d’inaugurer ces conférences. Le sujet choisi par le conférencier était la figure de la terre, et M. de Lapparent a fait connaître des faits extrêmement intéressants que nous résumerons brièvement.
- Cela a été une notion courante pendant fort longtemps, que le niveau moyen des mers demeure identique à lui-même, sans varier, sans changer. Les mers, sollicitées à la fois par la pesanteur et par l’action centrifuge, étaient considérées comme ayant pris leur position d’équilibre d’une façon telle que la terre aurait la figure d’un ellipsoïde de révolution; en outre, aucune modification ne survenant dans l’action, ou dans l’intensité de ces deux forces, la figure de la terre, et celle des océans en particulier, serait invariable. Si donc, malgré cette stabilité nécessaire, infaillible, du niveau des mers, il se produisait des changements dans les lignes de rivage — et il s’en est produit beaucoup, — ces changements ne pourraient être attribués qu’à la mobilité de l’écorce solide, de la terre ferme. C’est ainsi que l’on a parlé de l’émersion de certaines portions de notre globe, de l’immersion de telles autres, et Ton a pu montrer d’une façon péremptoire qu’ici la terre ferme gagne du terrain, qu’ailleurs elle en perd. La Nouvelle-Zemble, le Spitzberg, l'Ecosse, le Chili, sont de bons exemples de régions émergées, tandis que la Scanie et la Bretagne représentent des contrées en voie d’immersion. Or, d’après la théorie qui attribue au. niveau moyen des mers une constance et une stabilité absolues, il ne faudrait invoquer, pour expliquer ces immersions et émersions, que des mouvements du sol, de l’écorce solide.
- Sans vouloir trop discuter la possibilité de ces mouvements du sol, M. de Lapparent se demande si Ton ne pourrait pas invoquer d’autres causes, et si en particulier, on ne pourait expliquer les phénomènes dont nous venons de parler par des modifications survenant dans l’équilibre de la masse des mers.
- L’on sait que le pendule, librement suspendu, prend toujours la direction verticale, attiré qu’il est par la masse terrestre. Mais Ton sait aussi que le voisinage d’un relief montagneux empêche le pendule de prendre sa position d’équilibre, ou plutôt, modifie celle-ci très sensiblement : il attire le pendule, comme le fait le reste de la masse terrestre, mais son action est nécessairement assez faible; elle ne Test toutefois pas assez pour n’être pas appréciable, et Ton a reconnu que le pendule prend une position d’équilibre différente de celle qu’il prendrait en l’absence de la chaîne de montagnes : cette position est la résultante des deux actions d’attractions différentes, et d’inégale intensité. Du moment où ce fait est certain — et il est absolument hors de conteste — on peut et doit se demander si les terres fermes ne doivent pas exercer sur les masses océaniques une action identique à celle qu’elles exercent sur le pendule, si elles n’attirent pas la mer à elles, et si le niveau de celle-ci ne se trouve pas surélevé dans le voisinage des continents et des îles par rapport au niveau moyen, idéal. Saigey, le premier, en 1842, puis Fischer, Listing et Bruns, ont étudié cette question et sont arrivés à conclure qu’effectivement le voisinage des masses solides de l’écorce exerce une influence très nette sur les masses liquides. Listing prenant en considération les déformations considérables qui doivent résulter de cette influence, a créé le nom de géoïde
- ABC. Surface des mers dans l’hypothèse d’un sphéroïde non déformé. — DEF. Surface réelle relevée de DG et FH sur les côtes, déprimée de BE au milieu de l’Océan.
- pour désigner l’ellipsoïde terrestre, déformé par les attractions locales. Par le calcul, ils sont arrivés à conclure que ces attractions ont une intensité telle, qu’elles peuvent écarter la surface de la mer, de mille mètres, par rapport au niveau de l’ellipsoïde moyen. Les continents attirent à tel point les masses liquides que, si Ton supposait développé sur une surface plane, le segment océanique compris entre le Havre et New-York, par exemple, un navire quittant cette dernière ville se trouverait d’abord sur le sommet d’une colline liquide qu’il descendrait à mesure qu’il s’éloignerait du continent, pour arriver, vers le milieu de son trajet, au fond de la vallée dont il commencerait alors à remonter la pente opposée, pour finir par arriver au sommet d’une deuxième colline liquide, dont le point culminant serait le Havre. Un fait qui contribue à démontrer que le niveau des mers, à distance des continents, et au milieu des masses océaniques, est inférieur au niveau moyen, c’est l’excès d’attraction du pendule. M. Faye, il est vrai, dans un travail publié il y a peu de temps par la Revue scientifique, a voulu montrer que cet excès d’attraction peut être dû à ce que les mers refroidiraient considérablement l’écorce solide sous-jacente, d’où épaississement très considérable de celle-ci, d’où enfin, excès d’attraction. A ceci, M. de Lapparent répond qu’à travers les plusieurs kilomètres d’épaisseur qu’il nous faut attribuer à notre croûle terrestre, l’action réfrigérante des mers, à supposer celles-ci à la température de 1° ou 2°, ne saurait sepropoger. Il a cité à ce propos un exemple topique. A Iakoutsk, la moyenne annuelle de la température du sol, à la superficie est non de 1° ou 2°, mais de —10° C. Eh bien, à 125 mèlres au-dessous du sol, la température est de 0° au plus; on y trouve déjà
- p.279 - vue 283/432
-
-
-
- 280
- LA NATURE.
- l’eau jaillissante et liquide, preuve que le refroidissement se propage bien peu dans l’écorce, et qu’il est vile contrebalancé par la chaleur intérieure du globe. Comment vouloir, après cet exemple, croire à la propagation de la réfrigération de 0° ou 1“, mettons même de — 1° ou—2°, à travers une épaisseur de plusieurs kilomètres? En somme, s’il y a excès d’attraction du pendule au-dessus du niveau des mers, ce n’est pas qu’il y ait une épaisseur plus grande de la croûte terrestre ; cela tient à la dépression du niveau des mers, dépression due à l’attraction de celles-ci par les masses continentales.
- Il faut conclure de ce qui précède, que toutes les mesures faites jusqu’ici, reposant sur la théorie de la régularité de la figure de la terre, sont erronées : la terre présente une figure très irrégulière, et pour en déterminer la valeur moyenne, tout est à refaire selon les indications de Bruns.
- Mais la figure de la surface océanique n’est pas seulement irrégulière : elle varie, comme nous l’avons vu plus haut ; il y a des traces incontestables de ces variations, et nous avons vu que certaine théorie voudrait expliquer ces variations par la mobilité de l’écorce solide seule. Soit, acceptons l’hypothèse de la mobilité des terres émergées, mais n’v a t-il que celle-ci de possible? Non, assurément, et il y a lieu tout d’abord de tenir compte de différents agents tels que l’action des courants et des vents, l’inégalité des marées selon la profondeur des fjords où elle se fait sentir. Mais ces agents ne peuvent être invoqués que pour expliquer des déplacements peu considérables de lignes de rivage. Il est un autre agent, et des plus intéressants, que signale M. de Lappa-rent. Supposons, dit-il, que dans un pays montagneux, entouré de mers, il se crée, par suite de conditions météorologiques, des amas de glace, des glaciers immenses; comme dans les régions polaires où il s’en trouve ayant plus de 100 kilomètres de largeur, et plusieurs milliers de mètres de hauteur. Les amas de glace n’auront-ils pas pour effet, tout comme un continent ou une montagne, d’attirer autour d’eux les masses liquides, et le niveau de la.mer, autour d’un même pays, ne sera-t-il pas successivement élevé, et abaissé, si la quantité des glaces s’accroît, puis diminue, successivement? A des proportions différentes de quantités de glace, ne devra-t-il pas correspondre des niveaux différents, dans la masse liquide, des lignes de rivage différentes? La déduction paraît parfaitement logique, et il est à remarquer, selon Penck, que les piys où il s’est produit des déplacements sérieux des lignes de rivage, aux époques quaternaire et actuelle, (Norvège, Groenland) sont précisément ceux où les phénomènes glaciaires se sont manifestés avec le plus d’intensité. Il semble donc que l’on doive établir un rapport direct entre les oscillations du niveau marin, et les variations qu’ont présentées les anciens glaciers, le niveau étant bas quand les glaciers n’existaient pas, étant plus élevé quand ceux-ci ont commencé de se développer, étant très élevé quand ils ont atteint leur maximum de puissance, pour redevenir très bas quand ils ont disparu. Le phénomène paraît très vraisemblable, et le calcul indique qu’il est possible, l’attraction exercée par la glace étant plus que suffisante pour expliquer des variations très importantes du niveau océanique. Ajoutons que dans le golfe de Naples, l’on a constaté l’existence d’oscillations du niveau marin, liées aux oscillations des laves renfermées dans les cheminées du Vésuve : elles s’expliqueraient par le même mécanisme : le niveau monterait ou s’abaisserait selon qu’il y aurait, ou qu’il n’y aurait pas,
- abondance de laves, c’est-à-dire d’une matière lourde susceptible d’une attraction considérable sur les masses liquides, comme sur le pendule.
- En somme l’hypothèse émise par M. de Lapparent est fort plausible, et la solution qu’il propose pour certains cas n’est pas dénuée d’élégance. Quand bien même il n’y aurait pas lieu d’adopter sa théorie d’une façon exclusive, ce que lui-même ne fait d’ailleurs pas, il faut lui reconnaître deux avantages. Elle ne se trouve en contradiction avec aucun phénomène connu, et se rattache au contraire à des théories positives et d’une grande généralité ; d’autre part, elle peut expliquer certains faits malaisément explicables par d’autres hypothèses. C’est plus qu’il en faut pour attirer sur elle l’attention de ceux qui s'intéressent aux sciences naturelles, et au problème de notre globe.
- L’ARBRE FOSSILE DE MEONS
- HOUILLERES DE SAINT-ETIENNE
- On vient de découvrir, aux Houillères de Saint-Étienne, un arbre fossile remarquable.
- Cet arbre pétrifié, qui est placé debout, a été rencontré dans une carrière de pierres située non loin du château de Méons, près de l’ancien puits Saint-Claude, du puits Verpilleux actuel, et des fours à coke de Méons. Cette carrière est exploitée pour fournir des remblais aux travaux souterrains du puits Verpilleux.
- Le tronc a une hauteur d’environ 5 mètres ; le diamètre, de 0m,50 en haut, arrive en bas, à la naissance des racines, a environ 1 mètre. 11 était complètement enfermé dans les bancs de rocher, qui sont sensiblement horizontaux, et il a fallu beaucoup de précautions pour le dégager sans le détériorer. Il repose sur un lit de schiste accompagné d’une petite veine de charbon.
- Ce tronc, dont on a fait plusieurs photographies (nous reproduisons l’une d’elles dans la gravure ci-contre), se rapporte, d’après M. Grand’Eury, le savant paléontologiste, professeur à l’Ecole des Mines de Saint-Etienne, membre de l’Institut, à l’espèce fossile connue sous le nom de Syringodendron al-ternans, Stern. Outre ses dimensions, il est remarquable par les changements de caractères que l’on voit s’y produire, tant en haut qu’en bas du tronc. Il est prolongé en bas par des racines de Stigmaria étalées. La forme Sigillaria commence à se dessiner en haut. C’est un arbre qui a poussé avec son plein diamètre, comme un énorme bulbe. La tige, dont on ne voit que le commencement, avait l’aspect d’une colonne cannelée surmontée d’un grand bouquet de feuilles linéaires terminales. L’intérieur, sans consistance ligneuse, a disparu, et il ne reste de la tige que l’écorce, ornée de cicatrices foliaires persistantes, ressemblant à des sceaux, d’où le nom de Sigillaria donné par Brongniart à leurs empreintes. Ces végétaux poussaient très rapidement, et leurs tiges simples s’élevaient, sans changer de diamètre, jusqu’à 50 et 40 mètres, et plus, de hauteur; on en
- p.280 - vue 284/432
-
-
-
- L arbre iossile de Méons (Houillères de Saint-Étienne). D’après une photographie
- p.281 - vue 285/432
-
-
-
- 282
- fi A NATURE.
- a mesuré une sur plus de 50 mètres de long, couchée à plat au toit d’une couche de houille, aux mines de l’Escarpelle (Nord).
- A côté de ce curieux arbre deMéons, à 15 mètres à peine de distance, on a découvert la partie supérieure d’un autre arbre du même genre, qui paraît avoir des cicatrices foliaires plus nettes, mais qui est de dimensions moindres.
- Le bassin houiller de Saint-Etienne a déjà montré bien des fois des troncs fossiles de grandes dimensions. Ceux de la mine du Treuil ont été cités et figurés dans tous les cours de géologie. 11 paraît y avoir à Méons une forêt fossile analogue à celle du Treuil.
- FABRICATION DES VERRES
- DESTINÉS A LA HAUTE OPTIQUE
- La fabrication des verres destinés aux usages de l’optique fut l’objet de longues et savantes recherches; Faraday, Doland, Herchel en Angleterre, se livrèrent à de sérieuses études sans qu’aucun résultat pratique vînt couronner leurs efforts.
- L’Académie française nomma une commission pour étudier la question. Dartigues écrivit un long mémoire. Aucune méthode n’existait, on en était réduit à chercher dans des masses considérables de verre que le hasard permette de trouver quelques fragments à peu près homogènes ; un morceau capable de produire un disque de 4 pouces ou 15 centimètres était considéré comme une rareté; c’était en Angleterre où la fabrication du cristal était plus avancée, que l’on allait chercher les rares objectifs qui se fabriquaient en France. Lerebours et Gauchoix allaient chercher à l’étranger les disques qu’ils mettaient en travail. Pierre-Louis Guinand, né aux Brenets, canton de Neuchâtel en Suisse, s’était mis aussi à la recherche de ce difficile problème; il découvrit une méthode sûre et pratique pour obtenir des verres parfaitement homogènes et débarrassés de stries ou veines. 11 enseigna ses procédés au célèbre Frauenofer et fonda avec lui le grand institut optique de Munich.
- Guinand mourut en 4.821. Ce fut alors que son fils Henry Guinand résolut de continuer l’œuvre de son père; c’est à lui que nous devons l’immense développement de l’industrie optique en France. Dumas, Arago, Thénard, Biot et Gambey encouragèrent ce modeste chercheur.
- Bontemps, directeur des verreries deChoisy-le-Roi, avait appris de Henry Guinand le procédé de fabrication. En 1848, il allait en Angleterre où il organisait la fonte des verres d’optique.
- Henry Guinand mourut en 1850. Feil, son petit-fils, reprit la suite de ses travaux. De grands progrès ont été réalisés grâce à la volonté énergique et à la haute intelligence des Guinand.
- Nous sommes loin aujourd’hui des petits objectifs même si rares d’il y a soixante ans ; des instruments dont on n’aurait osé rêver la puissance sont à la
- disposition des savants. Des objectifs de 1 mètre, de 0IU,80, de 0m,78, sont placés dans les observatoires, et nous avons la satisfaction de dire que tous ces grands verres sont demandés à la France.
- La fabrication des verres destinés à la construction des objectifs exige des soins particuliers; ils doivent être absolument homogènes, inaltérables par Faction de l’air, exempts de stries ; soumis à Faction d'un appareil polariseur, ils ne doivent montrer aucune trace de trempe.
- Il faut deux sortes de verre pour faire un objectif. La lentille Crown qui est convexe, et la lentille Flint qui est concave.
- Le Crown est un boro silicate de potasse et de chaux; le Flint, un silicate de potasse et de plomb.
- Les pouvoirs optiques de ces verres doivent être calculés avec le plus grand soin, leurs indices de réfraction et de dispersion doivent être dans des rapports particuliers, pour que l’opticien puisse déterminer exactement ses rayons de courbure et obtenir l’achromatisme.
- Les procédés inventés par Guinand s’appliquent également au Flint et au Crown, ils consistent dans un mélange intime des éléments divers composant le verre. L’opération se fait au moment de la fusion quand la matière est arrivée à son maximum de température; nous l’appelons brassage; elle est appliquée au moyen d’un agitateur en terre réfractaire. Suivant la nature de la fonte et de la température du four, elle est prolongée pendant des périodes variant entre 2 et 6 heures ; elle exige de grandes précautions; pour faciliter d’abord l’ascension des bulles et l’affinage, l’agitateur doit se mouvoir dans toutes les parties du creuset.
- Lorsque l’on juge que tout est parfaitement mélangé et qu’il faut arrêter l’opération, il s’agit alors de retirer l’agitateur, cette opération exige une grande expérience et une certaine habileté de main ; il faut bien choisir le moment où la masse vitreuse n’offre pas encore une trop grande résistance, car on pourrait s’exposer à produire dans la masse de longues traînées de fils ou veines et tout le fruit du travail se trouverait compromis.
- Quand il s’agit de préparer de grands disques, il faut opérer sur des masses considérables ; ainsi la potée de Flint glass qui a servi à faire le grand Flint de 1 mètre, représentait 900 kilogrammes de verre. Celle du disque Crown, 750 kilogrammes. Ces deux disques sont ceux de l’objectif de Mont Hamilton.
- Quand ce délicat travail est terminé, que la fonte a été bien conduite, il faut procéder au refroidissement gradué de l’appareil pour éviter des tensions inégales ; cela prend une période de treize à vingt jours; si tout a été bien dirigé, toutes les précautions bien prises, on doit sortir du four un bloc à peu près complet.
- Il faut alors procéder au polissage des faces ; si l’examen est satisfaisant et que l’on puisse trouver une partie de bloc absolument pur, on trace, au moyen du diamant, les parties à éliminer, ce travail
- p.282 - vue 286/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 285
- se lait au moyen d'un archet en lil de fer et de l’émeri. Quand la partie réservée est détachée du bloc, on le polit sur toutes les faces; si aucun détaut ne se révèle, on en prépare le moulage, car il faut que ce verre qui a coûté tant de soins, de travail et d’argent, affronte encore une fois le feu ; il est placé sur un moule en terre réfractaire, ayant la forme et le diamètre que doit avoir la lentille; on l’introduit ainsi dans un four à réverbère, on le place de façon k éviter tout contact avec l’air extérieur, on le protège contre l’action des tlammes; la température du four doit être dirigée avec prudence, un changement trop brusque de la température amènerait la rupture du bloc. Au bout de quinze jours, un disque de 80 k 100 kilogrammes doit arriver k un état de ramollissement suffi-ant pour commencer k prendre la forme du moule, il faut alors augmenter la température, pour que la pâte puisse s’étendre d’elle-même ; c’est alors que le verrier doit redoubler de soins; surchauffé, le verre entrerait en fusion et tout serait perdu, des milliers de bulles se formeraient, l’homogénéité serait détruite; si encore, k ce moment, un contact quelconque avec l’air extérieur se produisait, le verre Serait trempé et hors d’usage. Mais admettant que tout ait été conduit suivant les règles de l’art, après trois semaines ou un mois, on sortira du four un disque en état d’être travaillé, on lui donnera un commencement de travail optique, les faces seront jiolies; alors seulement on pourra l'examiner au moyen de procédés d’investigation d’une rigueur telle, que rien ne puisse échappera l’oeil des observateurs, soitpour la pureté, soit pour la trempe, soit pour l’hofnogénéité ; alors commencera l’œuvre de l’opticien. Il ne nous appartient pas d’en décrire les difficultés. Feil père et Mantojs.
- • —"—
- LE FUSIL A RÉPÉTITION
- La question des nouveaux fusils à répétition, que nous avons traitée précédemment1 a donné lieu à de nombreuses controverses. Un de nos officiers les plus compétents a émis, dans un de nos précédents numéros2, quelques objections, auxquelles un spécialiste a cru devoir répondre par la lettre suivante qui complétera les appréciations publiées dans La Nature :
- « Vous me permettrez de réfuter l’opinion de votre correspondant A. de P. sur le fusil à répétition.
- « La question n’est pas de savoir si un fusil à répétition tirera 15, 20, 100 coups plus vite qu’un fusil Gras, question sur laquelle je ferais des réserves; mais si à un moment donné le fusil à répétition peut fournir un tir plus rapide.
- « Quand deux lignes de tirailleurs sont couchées à 500 ou 800 mètres l’une de l’autre, le tir est plus effectif, on tire pour maintenir le moral des troupes, et l’on doit tirer en chargeant l’arme, le magasin restant complet. Arrive un moment où la ligne ennemie se lève pour se porter en avant ou en arrière, elle fait un bond de quel-
- 1 Voy. n° 665, du 27 février 1886, p. 195.
- * Voy. n° 668 du 20 mars 1886, p. 234.
- ques mètres pendant lequel elle s’expose un peu. Si pendant l’instant de ce bond, on peut lui envoyer 9 balles au lieu de 6, d y a avantage réel, et la supériorité du fusil à répétition devient incontestable.
- « Il y a un second cas où le fusil à répétition montre sa supériorité, c’est quand une troupe est assaillie par la cavalerie ou par un ennemi la surprenant à bout portant, la troupe assaillie peut dans ce cas tirer sans épauler ses
- 9 coups en 15". Nous pourrions citer le cas d’un détachement français de 40 hommes assailli subitement par 800 Chinois au Tonkin, qui n’a dù son salut qu’à la rapidité d’un tir ainsi effectué.
- « J’ai vu, sur l’escadre, un marin mettre ses 9 balles dans une cible en 27"; l’officier de tir estimait la rapidité du tir avec le Kropatchek à 15 coups par minute, charge du magasin comprise.
- « Le règlement sur l’instruction du tir pour l’infanterie donne (p. 292 et 281) une moyenne de 6 coups par minute pour le fusil Gras.
- « A supposer qu’un soldat ordinaire ne tire que
- 10 coups par minute avec un fusil à répétition, et qu’il pût arriver à les tirer sans répétition, il resterait les deux avantages signalés.
- « Un fusil à répétition, contenant le plus de cartouches possible, ayant une trajectoire la plus tendue possible, demeure, à mon avis, le désiderata de l’armée française. » J. B. P.
- LES VERS DU NEZ
- Dans le courant de l’année dernière une question était ainsi posée aux lecteurs de La Nature :
- « Quelle est la nature des points noirs qui constituent chez beaucoup de personnes une défectuosité de la peau du visage, du nez particulièrement, et quel est le moyen de les faire disparaître? »
- Dans le Supplément du 3 octobre suivant, le même journal donnait plusieurs réponses k cette question :
- 1° Les points noirs sont dus k un acarien (Demo-dex follicidorum) qui vit dans les glandes sébacées de la peau et particulièrement des ailes du nez ; on peut le recueillir et l’observer facilement au microscope. Les lotions à l’eau fraîche et l’usage d’un bon lait antéphélique me paraissent Je moyen le plus efficace pour combattre ce petit parasite. (Communiqué par M. L. Chaussât, k la Couronne.)
- 2° M. Paul Mook, k Hyères, rappelle que le docteur Bazin recommandait comme moyen efficace d’enduire, le soir, d’une légère couche de savon noir, la partie affectée d'acné sébacé. — M. Geo. Belleval, k Tours, conseille la pâte détersive de la parfumerie Pinaud, k Paris. — M. A. Podd, chimiste k Bruxelles, recommande les frictions avec le savon noir.
- 3° Enfin, M. Emile Julien, pharmacien k Paris, donne des points noirs du visage, l’explication et le traitement suivant :
- « Les points noirs du nez et du visage sont constitués par un amas de substance graisseuse; cet amas de graisse est occasionné par la présence, dans les follicules adipeux, du Demodex folliculorum. On recommande pour se débarrasser de ces hôtes l’em-
- p.283 - vue 287/432
-
-
-
- 284
- LA NATURE.
- ploi des arsenicaux à l’intérieur et de la liqueur de Gowland à l’intérieur. Le plus sûr est encore d’extirper l’animal en serrant entre les doigts le point noir qu’il a déterminé. »
- Dans ces diverses explications, il y a un mélange d’erreurs et de vérités qu’il importe de dégager.
- 11 est très vrai que dans les follicules sébacés du visage de l’homme, on rencontre quelquefois un acarien vermiforme assez curieux, connu sous le nom de Demodex folliculorum, dont nous allons faire l’histoire; mais sa rareté même prouve qu’il n’est pas la cause certaine des points noirs que l’on remarque sur certains visages et que les médecins connaissent sous le nom d'acné simplex, acné punctata et le vulgaire sous le nom de tanne.
- Voyons ce que c’est que la tanne.
- Il y a dans l’épaisseur de la peau de petites glandes ou follicules chargées, les unes, de sécréter la sueur, les autres de fournir une sorte de graisse qui a pour usage d’entretenir la souplesse de la peau sur laquelle elle forme un enduit imperceptible et que l’on nomme sébum cuta-neum, ou matière sébacée. Ces diverses glandes communiquent avec la surface de la peau par des ouvertures imperceptibles à l’œil nu et qui en constituent les pores.
- Les glandes sébacées de la peau et particulièrement celles du visage , peuvent être le siège de diverses affections connues sous le nom générique d'acnés.
- Il y a des acnés simplex dus, simplement à une exagération de la sécrétion sébacée ; il y a des acnés plus graves, dus à la congestion, à l’inflammation, à l’hypertrophie ou à l’atrophie de la glande sébacée, et caractérisés par une éruption de boutons plus ou moins gros et rouges, isolés et enchâssés dans l’épaisseur de la peau, suppurant incomplètement et accompagnés d’un état gras.
- Les points noirs du visage et particulièrement du nez, connus sous le nom de tannes, constituent la variété d'acné la plus simple et la plus légère : le produit de sécrétion se concrète et bouche le conduit excréteur, la couche la plus superficielle et durcie prend une coloration foncée au contact de l’air et par l’addition de particules de poussière, et forme alors un point noir caractéristique. Quelquefois ces altérations sont très nombreuses etdonnent un aspect sale aux personnes qui les portent; on dirait que la
- peau est tatouée par de petits grains de poudre. (Dr Lallier.)
- Si l’on vient à comprimer la peau de chaque côté d’une tanne, on fait sortir un corps cylindrique, blanc, vermiforme, avec une extrémité noire, que le vulgaire prend pour un ver : c’est là le proverbial ver du nez. — Mais si on examine de près ce corps cylindrique, si on l’écrase, on voit qu’il est constitué entièrement par de la graisse concrète (matière sébacée) et que sa prétendue tête n’est que la même substance un peu plus dure et unie à des particules de poussière.
- Si on délaye la partie la plus fluide de ce prétendu ver du nez dans une goutte d’huile d’olive ou mieux d’éther qui la dissout, on voit— quelquefois seulement, nous le répétons à dessein, — à l’aide du microscope et à un grossissement de 2 à 300 diamètres, flotter dans cette dissolution des animalcules
- très curieux que l’on a nommés Demodex folliculorum (fig. 1 ) ; cette rencontre n’est pas très fréquente, et il faut examiner le contenu d’un grand nombre de tannes avant de pouvoir constater leur présence ; ils sont beaucoup plus fréquents dans les boutons d'acné rosacé ou d'acné pustuleux et ils nous semblent plutôt attirés dans les simples tannes par la graisse qu’elles contiennent et dont ils vivent, qu’ils ne paraissent être les provocateurs de leur formation ; car, s’ils en étaient réellement la cause, on les trouverait dans toutes, ce qui n’est pas : à peine en trouve-t-on dans une sur dix. Ils sont donc plutôt la cause de la transformation de l'acné simplex en acné rosacé ou acné pustuleux que du développement de la première.
- Quoi qu’il en soit, nous allons donner quelques renseignements sur ce singulier parasite :
- C’est en cherchant à se rendre compte de la nature de la maladie connue sous le nom d'acné sebacea et en examinant le contenu des pustules qui les constituent que le docteur Simon, de Berlin, en 1842, fit la découverte du parasite en question.
- 11 trouva des animalcules dans la matière des tannes du nez sur trois sujets vivants : un homme de quarante ans, un de trente et un de vingt-deux, tous trois en bonne santé et fort propres; chez sept autres personnes, la matière des tannes ne lui fournit aucun animalcule; sur huit cadavres d’hommes
- Fig. 1. — Dtmodex folliculorum de l’homme, animalcule se rencontrant parfois dans la tanne dite ver du nez. Reproduction par l’héliogravure d’un cliché photomicrographique de M. Yvon. (Grossissement 280 diamètres.)
- p.284 - vue 288/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 285
- dont six étaient affectés d’acné, il trouva des ani malcules; il n’en rencontra jamais sur des enfanls.
- Les animalcules des follicules trouvés par Simon, n’avaient pas tous le même aspect et ils différaient surtout par la longueur du prolongement ver-miforme de l’abdomen; il crut que ces différences caractérisaient des âges divers, mais c’était une erreur aussi bien que la prétendue constatation d’individus à six pattes au lieu de huit. Nous avons reconnu que la différence de longueur de la partie abdominale était le résultat de contractions post-mortem, de même que l’absence de la quatrième paire de pattes chez certains individus était l’effet d’une erreur d’observation.
- Simon, s’appuyant sur l’opinion du docteur Erichson, naturaliste dont il avait réclamé les conseils, rangea son animalcule dans la classe des Arachnides et dans l’ordre des Aca-res a cause du nombre de pieds (huit) et de la composition de la tête, privée d’antennes, mais munie d’une lèvre inférieure, de palpes maxillaires et de mandibules, et il regarde ces acariens comme étant dans un état encore incomplet de développement et non sexué, l’état adulte étant inconnu. Cette idée du docteur Erichson, de voir dans l’acare des follicules, un état in complet d’un acare encore inconnu, lui était suggérée par les travaux d’un autre naturaliste, Artig, qui avait observé et décrit une mite vermiforme trouvée dans des gales du sapin et supposé qu’elle était l’état larvaire de YOribata genicu-lata, un acarien des mousses. Nous savons rtiainte-nant que ces mites vermi-formes des galles de certains végétaux, que d’autres naturalistes ont cru être des acariens parfaits et nommés Phitoplus, sont les larves tétrapodes et ver-miformes d’acariens du groupe des Tétraniques.
- Nous savons aussi que les acariens des follicules arrivent à l’état parfait et sexué tout en conservant leur aspect vermiforme caractéristique et leur habitat, et nous-même l’avons démontré en ce qui concerne l’acare des follicules
- Fig. 2.— Follicule pileux du chien affecté de gale folliculaire et dilaté par une accumulation de Démodé.r (Owen), variété Cani-vns (150/1). D’après Mégnin.
- Fig. 5. — Demodex folliculorum (Owen). Variété Caninus A. vu de face; A', sa larve. BC, le mâle vu de profil et de face. (Grossiss. 500 diamètres.) D’après Mégnin.
- du chien. Simon venait de communiquer la découverte de son Acarus folliculorum à la société des naturalistes de Berlin, lorsque le professeur Ilenle, de Zurich, lui apprit par une lettre datée du 3 mars 1842, que dans le courant de l’automne précédent, il avait observé un animal semblable au sien, dans les follicules pileux du conduit auditif externe, et qu’il avait annoncé le fait provisoirement dans l’Observateur de Zurich du mois de décembre.
- Aussitôt la découverte de Simon, une foule d’observateurs se mirent à étudier le nouveau parasite : Owen, à Londres, qui le nomma Demodex folliculorum ; Miescher, Macrogaster platypus ; Erasmus Wilson, Entozoon folliculorum; Paul Gervais, Simonea folliculorum, etc., etc. C’est le nom d’Owen, le plus ancien en date, qui lui est resté.
- A [très avoir trouvé le Demodex folliculorum chez l’homme, on le trouva aussi chez plusieurs animaux : Simon le retrouva dans les glandes de Meibomius du mouton; Topping et Tulk, dans les follicules pileux du chien (fig. 2 et 3); d’autres auteurs l’ont retrouvé dans la peau des boeufs en Amérique; enfin, il y a quelque temps, nous l’avons rencontré dans l’oreille de plusieurs chats. L’action du Demodex folliculorum n’est pas la même chez toutes les espèces animales chez lesquelles il a élu domicile ; ainsi s’il est peu dangereux chez le chat, chez le mouton et chez l’homme, il a au contraire une action terrible chez le chien, chez lequel il détermine une maladie des plus graves qui le conduit sûrement à la mort, si elle n’est arrêtée à temps, ce qui est très difficile. Aussi pensons-nous qu’il s’agit d’espèces différentes et notre opinion est corroborée par quelques différences anatomiques , que nous avons fait ressortir dans le mémoire que nous avons consacré au Demodex folliculorum dans le Journal d’anatomie de M. le professeur Ch. Ilobin, année 1877. Voici les caractères zoologiques du Demodex folliculorum :
- p.285 - vue 289/432
-
-
-
- 286
- LA NATURE
- Acariens vermilormës à thorax distinct de l’abdomen, sans poils ni spinules d’aucune sorte ; thorax cylindroïde, rigide, à face dorsale demi-cylindrique, cuirassée, aplatie antérieurement, à face inférieure plane donnant insertion à quatre paires de pattes tri-articulées supportées par un squelette composé d’un sternite médian unissant quatre épimérites doubles parallèles et le croisant à angle droit ; les articles des pattes sont très courts et le terminal est armé de trois ongles; abdomen mou, conoïde, allongé, finement strié transversalement, à extrémité arrondie fortement contractile après la mort; rostre à mandibules et à lèvre soudées en boutoir, longé par une paire de palpes tri-articulés à article terminal muni de crochets. Mâles à organe sexuel placé immédiatement en avant de l’anus, qui est en forme d’une courte fente. Femelle à cloaque en forme de fente longitudinale situé à l’extrémité extérieure et inférieure de l’abdomen.
- La femelle donne naissance à de petites larves plates apodes, ressemblant à de petites soles microscopiques arrondies en avant, anguleuses en arrière. Ces larves subissent quatre mues avant de devenir adultes et sexuées; après la première mue, elles acquièrent trois paires de petites papilles ambulatoires, coniques, aiguës sans traces d’articulation; après la seconde mue, elles ont quatre paires de ces papilles; après la troisième mue, le squelette apparaît et les pattes sont articulées ; enfin après la quatrième mue les sexes sont distincts.
- Le Demodex folliculorum de l’homme a le thorax plus grêle et plus court, mais l’abdomen plus long, en proportion, que celui du chien, et sa larve est plus cordiforme que celle de ce dernier. Ce sont certainement des espèces distinctes dont l’une, celle du chien, est très venimeuse, et celle de l’homme ne l’est nullement. Pierre Mégmn.
- CHRONIQUE
- La conférence « Scientia ». — Jeudi 25 mars a eu lieu la septième réunion de la conférence Scientia. Le banquet offert à M. le professeur A. Richet était présidé par M. le professeur Yerneuil; les membres de la conférence rendaient ainsi hommage à la chirurgie française dans les personnes de ses deux représentants les plus autorisés. A la fin du dîner, M. Verneuil a prononcé une allocution aussi savante que spirituelle, dans laquelle il a rappelé les travaux de M. le professeur Richet, et les innombrables services que lui doit la pratique. M. Richet a répondu avec beaucoup d’à-propos, en faisant valoir la nécessité de soumettre les innovations trop hâtives à une critique sévère, et de ne les accepter qu’après les épreuves de l’expérience. M. le DrRochard a pris la parole, pour joindre dans un même toast les noms des deux présidents qui personnifient l’union désormais indissoluble de la médecine et delà chirurgie. — La septième réunion de la conférence Scientia a été non moins brillante que les précédentes; plus de quatre-vingts convives y avaient pris part. Nous citerons parmi ceux-ci, MM. Léon Say, Cail-laux, Frédéric l’assy, Guillaume, Durand Claye, Alphonse
- Guérin, Lannelonguc, Villard, Dehérain, Chamberland, Roux, Bisehoffsheim, Trélat, Eiffel, marquis de Nadaillac, Ch. Richet, de Nansoutv, Tissandier frères, Ch. Buloz, Cahours, Léon Vidal et un grand nombre de médecins et de savants.
- Tremblements de terre en Espagne. — La
- province de Grenade vient d’être de nouveau victime d’un tremblement de terre assez fort, numéros VIII à IX de l’échelle Rossi-Forel; on l’a senti non seulement à la capitale, mais à Loja et en beaucoup de localités ruinées lors du tremblement de terre de 1884. Dimanche 14 mars à onze heures du soir, une forte secousse se fit sentir ; le mouvement oscillatoire dura trois à quatre secondes. La population de Grenade eftrayée quitte précipitamment les maisons et cherche un abri dans les rues larges et sur les places publiques ; la majeure partie de la population, plongée dans le premier sommeil, se réveille épouvantée et affolée, et à moitié habillée se précipite dans les rues. Au théâtre, la panique arriva à son comble, et la sortie se fit dans une telle confusion, qu’il y eut péril pour diverses personnes. A onze heures et demie trois nouvelles secousses se firent sentir presque sans aucun intervalle entre elles ; mais elles furent de moindre intensité que la première. A Grenade même, il n’y eut que des dégâts insignifiants ; mais on craint qu’à Arenas del Rey où les habitants vivent encore dans les locaux ruinés par le fameux tremblement de terre du 25 décembre 1884, il n’y ait des disgrâces personnelles. A. Noguès.
- Séville, 18 mars 18S6.
- Origine du magnétisme de rotation. — Arago remarqua en 1824 que les oscillations d’une aiguille aimantée, placée dans une boîte de cuivre, décroissaient avec une très grande rapidité quand l’aiguille se rapprochait du fond de la boîte, comme si l’aiguille se trouvait, près de ce fond, plongée dans un fluide visqueux. 11 en conclut que, puisque le voisinage de la plaque de cuivre ralentissait les oscillations d’un aimant, la plaque en mouvement pourrait entraîner l’aimant. L’expérience confirma son hypothèse et ce fut le point de départ de toute une branche de la physique qui a reçu le nom de magnétisme de rotation. L’observation d’Arago avait déjà été faite au siècle dernier et elle est indiquée à la page 35 du Dictionnaire encyclopédique des amusements des sciences mathématiques et physiques, Paris, 1792, en ces termes : « Un navigateur anglais a rapporté avoir observé que du suif tombé sur la glace qui recouvre une boussole, troublait l’aiguille aimantée et que le laiton produisait le même effet. » Je ne crois pas qu’on ait expérimenté de nos jours l’effet du suif. A. R.
- Le charbon en Chine. — Le baron de Richthofen, * qui, depuis quelque temps, a exploré quatorze des dix-neuf provinces en lesquelles la Chine est divisée, a envoyé à une revue de Vienne quelques renseignements intéressants sur les gisements de charbon du Céleste-Empire. Bien que, dit-il, il n’y ait aucune province qui ne contienne plus ou moins de charbon, les principaux gisements se trouvent dans la moitié méridionale du Chan-Si, dans le sud du Ilunan et dans l’ouest du Chan-Ting. Les gisements de charbon du Chan-Si ont une superficie de 22 000 kilomètres carrés et contiennent 730 000 000 000 de tonnes. En prenant 300 000 000 de tonnes pour la consommation annuelle de charbon dans le monde entier, ce gisement seul durerait 2453 ans. Comme qualité, c’est le meilleur anthracite; il est supérieur même à celui de Pensylvanie. Dans le sud-est de la même pro-
- p.286 - vue 290/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 287
- viace, se trouve un autre gisement presque aussi étendu, mais le charbon est d’une qualité plus bitumineuse. Il s’extrait très facilement, et le baron de Richthofen ajoute que les missionnaires catholiques de Tai-Yuen, la capitale de cette province, ne payent que 3 fr. 75 pai tonne rendue à la bouche du puits, tandis que le transport jusqu’à Tai-Yuen coûte environ deux fois autant. Il estime l’extraction totale de charbon à 2 965 000 tonnes pour l’ensemble des dix-huit provinces et la Mandchourie méridionale. Il ajoute que lorsque ces mines seront presque toutes exploitées, comme cela arrivera, des usines s’établiront sans doute en Chine, sous la direction d’Européens, et les matières textiles et autres seront produites à des prix qui défieront la concurrence européenne. Dans ce cas, les nations occidentales auront sans doute à payer en espèces, au lieu d’expédier leurs marchandises en échange du thé et de la soie qu’elles importent de la Chine.
- Eucalyptus fluide pour le nettoyage «les chaudières. — Les feuilles de cet arbre, curieux à tant de titres, ayant été reconnues très propres au nettoyage des chaudières, une Compagnie s’est établie en Californie pour la fabrication du jus des feuilles d’eucalyptus, en traitant 12 tonnes de feuilles par jour. Ce liquide « qui est vendu en bouteilles, et dont l’usage est adopté par la marine des Etats-Unis, est introduit dans la chaudière avec l’eau d’alimentation, à laquelle il se trouve mélangé dans une certaine proportion, et il empêche la formation d’incrustations, tout en réduisant la quantité de celles déjà formées. » .l.-A. B.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 29 mars 1886. — Présidence de M. l’amiral
- JüRIEN DE LA GrAVIÈRE.
- Election. — La yreat attraction de la séance est l’élection d’un secrétaire perpétuel à la place laissée vacante par le décès de M. Jamin. La commission chargée de présenter les candidats avait dressé une liste portant par ordre d'ancienneté : M. Vulpian et M. Alphonse Milne Edwards. 51 votants étaient présents. Au premier tour du sci'utin, 25 voix se portent sur M. Vulpian, 24 sur M. Milne Edwards, 1 sur M. Cahours et 1 sur M. Berthe-lot. Personne n’ayant la majorité absolue qui était de 26 voix, on procède à un second tour. Cette fois M. Vulpian et M. Milne Edwards ont chacun 25 suffrages; M. Cahours conserve 1 voix. Enfin, au troisième tour, M. Vulpian est nommé par 26 suffrages contre 24 acquis à M. Milne Edwards ; il y a un billet blanc. _
- Le canal de Panama. — On fait un succès à M. de Lesseps, retour de Panama, et le célèbre académicien donne des détails intéressants de son voyage. Des chantiers où travaillent 50 000 hommes sont échelonnés sur le parcours du canal de Colon à Panama et au milieu .de l’isthme une usine, comparable à celle du Creusot, a été construite. C’est en présence de M. de Lesseps qu’on a fait sauter la butte de Gamboa qui se trouvait exactement dans l’axe du travail et qui représentait 30000 mètres cubes. Dans ce massif, de 23 mètres de hauteur et de 55 mètres de front d’attaque, on a percé trois galeries de 1 mètre de section distantes réciproquement de 15 mètres et ayant 20 mètres de profondeur. Au fond de chacune d’elles, on fit une chambre qui fut remplie de dynamite
- et de poudre dans la proportion de deux parties de la première substance pour une de la seconde. Les paquets de dynamite étaient disposés en assises séparées par des lits de poudre de 2 millimètres 1/2 de grosseur de grain. L’allumage électrique mit simultanément le feu à toute la masse : la montagne fut soulevée d’une seule pièce, puis, après un temps appréciable, réduite en fragments lancés de toutes parts. M. de Lesseps estime que dans trois ans tout le travail sera terminé.
- Toxicité de l'urine. — Continuant l’exposé des recherches dont il avait déjà entretenu l’Académie dans sa séance de lundi dernier, M. Bouchard annonce aujourd’hui que l’urine du sommeil est moins toxique que l’urine de la veille : en huit heures de sommeil l’homme sécrète deux à quatre fois moins de matière vénéneuse qu’en huit heures de veille. C’est au moment où l’homme s’endort, que le liquide est le moins empoisonné ; il se charge ensuite régulièrement et c’est neuf heures après le réveil que la toxicité est maxima. En outre, le poison sécrété pendant les veilles est narcotique et c’est lui qui déterminerait le sommeil, tandis que le poison sécrété pendant le sommeil est convulsivant et c’est lui qui provoque le réveil. Ce sont là, comme on voit, des faits d’une bien grande nouveauté et certainement fort imprévus de la plupart de nos lecteurs.
- Recherches sur le fluor. — Un jeune chimiste dont nous avons plus d’une fois applaudi les découvertes, M. Moissan, s’était demandé si le fluorure de phosphore qu’il a récemment étudié ne fournissait pas le moyen d’isoler le fluor. Il a donc fait passer un courant de ce gaz sur de la mousse de platine convenablement chauffée : du photofluorure de phosphore a donné du pentafluorure de phosphore, ce qui prouve que ce phosphore avait été absorbé par le platine ; mais tout a fondu, et l’expérience, des plus intéressantes, est à recommencer. C’est l’avis exprimé par M. Debray et par M. Fremy.
- Antiquité de l'homme. — La onzième livraison du beau mémoire de M. Emile Rivière sur la paléoethnologie des cavernes des Alpes-Maritimes parait aujourd’hui. On y trouve la description d’une série d’objets des plus intéressants, tels que des lissoirs et des poinçons en os, des poignards en bois de cerf, un sifflet fabriqué avec une phalange de cerf, etc. Deux belles planches en couleur reproduisent des colliers faits de coquillages et des instruments très variés en silex, en os, et en coquilles. Nous renouvelons nos sincères félicitations à l’auteur de ce beau travail.
- Varia. — Un mémoire sur les chromatophores des céphalopodes est transmis par M. de Lacaze-Duthiers.
- — M. Mouchez dépose des observations de la comète Fabry faites à Alger du 24 février au 14 mars. — M. Van Beneden terminant sa cinquantième année de professorat à l’Unanimité de Louvain, ses élèves et ses amis ont résolu de lui offrir une médaille d’or ; une liste de souscription est déposée au secrétariat de l’Académie.
- — On annonce la mort à 69 ans d’un correspondant de l’Académie pour la section de botanique, M. Lallemand, doyen de la Faculté des sciences de Poitiers. — Un mémoire sur la combinaison de l’acide vanadique avec les acides sulfurique, arsénique, phosphorique, est adressée par M. Ditte. — La décomposition de l’acide hypophosphorique occupe M. Jolly. Stanislas Meunier
- —»<><—
- p.287 - vue 291/432
-
-
-
- 288
- LA NATURE.
- JOUETS SCIENTIFIQUES
- l’œuf DE CHRISTOPHE COLOMB
- Cet objet est vendu à un prix très modique dans les bazars de Londres ; il est confectionné en fer blanc peint en rouge; il se nomme l'œuf de Christophe Colomb, parce qu’il est presque impossible à ceux qui ne sont pas initiés à son mode de construction de le faire tenir sur la partie saillante située à la base. Cet omf que l'on ne peut ouvrir, est creux ; il contient une balle de plomb qui le fait tomber sur le côté, à moins qu’elle ne se trouve sur son grand axe. La figure I est une vue extérieure du jouet en question; les figures 2 et 3, des coupes verticales destinées à faire connaître son méca nisme et à montrer comment on peut amener la balle de plomb dans la position voulue pour que l’équililibre ait lieu.
- La soudure ou jonction bb (tig. 2) placée équatorialement, constitue, intérieurement, une séparation ou cloison entre la partie supérieure ou pointe de l’œuf et sa partie intérieure ou base. Cette cloison affecte intérieurement la forme d’un canal de section semi-circulaire faisant le tour d’un tube central T. La balle, figurée en B, peut, l’œuf étant tenu verticalement, tourner tout autour dudit tube central T.
- Tant que la balle B restera dans ce canal, elle se trouvera en dehors de la verticale du grand axe de l’œuf et causera la chute de celui-ci chaque fois que l’opérateur essayera de le faire tenir sur sa petite base C.
- L’œuf ne peut tenir debout qu’à la condition de faire passer la balle du compartiment supérieur de l’œuf dans le compartiment inférieur; dans ce cas, l’œuf étant tenu droit, la balle vient prendre position en B'", dans l’axe de l’œuf et à sa base même.
- Ce résultat est obtenu de la manière suivante :
- Le tube central est percé, un peu au-dessous de son extrémité supérieure, d’un trou faisant communiquer ensemble les deux compartiments de l’œuf;
- ce trou est de dimension suffisante pour donner passage à la balle de plomb B. Un petit chemin de fer dont les deux rails présentent une saillie à peine perceptible, part du milieu environ de la hauteur de la paroi intérieure pour se rendre à l’orifice du tube central. En regard de l’orifice, et extérieurement à l’œuf, se trouve un point de repère o à peine visible. Si l’œuf est penché suffisamment vers ce point de repère comme dans la figure 3, le boulet B vient prendre sa position en B' à l’origine du chemin de fer conduisant à l’orifice B".
- Si à ce moment l’œuf est renversé doucement en sens contraire , le boulet étant maintenu dans le plan formé par le point o et l’axe de l’œuf, il voyagera sur le petit chemin de fer, arrivera à l’orifice B" (fig. 2) et tombera, par le tube central dans le compartiment inférieur. L’œuf étant redressé, le boulet viendra prendre, à la base, la position B"' et le système pourra alors être posé debout.
- Le renversement de l’œuf sens dessus dessous fera retomber le boulet B dans le compartiment supérieur, rétablissant les choses dans leur état primitif. Avec un peu de pratique et d’habileté, il n’est même pas nécessaire de rechercher la position du point de repère o, recherche qui observée par les profanes peut conduire à la solution inconsciente du problème à résoudre. En donnant à l’œuf un lent mouvement angulaire, la main perçoit le passage du boulet sur la petite saillie présentée par les rails; le boulet s'installe naturellement sur le siège offert par ces deux rails et le double mouvement indiqué produira le résultat désiré. Effectué de cette dernière façon, et la main recouverte d’un foulard, le mode d’opérer échappe absolument aux spectateurs non initiés.
- J.-A. Bercy.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissakdier.
- Fig 1. — L’œuf de Christophe Colomb.
- Fig. 2 Fig. 3.
- Figures explicatives montrant la disposition intérieure de l’œuf.
- Imprimerie A. Luhure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- p.288 - vue 292/432
-
-
-
- .N* 671. - 10 AVRIL 1886.
- LA NATURE.
- 289
- COMMUNICATIONS PERMANENTES
- AVEC LES TRAINS EN MARCHE
- Les accidents de chemins de fer viennent trop périodiquement donner un triste regain d’actualité à la question difficile et cependant si intéressante et si importante des communications permanentes, télégraphiques ou téléphoniques, entre les trains en marche et les stations voisines. Sans insister sur l’utilité évidente de la solution d’un pareil problème, nous nous proposons de passer en revue les principes des dispositions proposées ou expérimentées
- jusqu’ici, en signalant plus particulièrement celles qui, depuis un an environ, produisent quelque sensation en Amérique, et, par contre-coup, en Europe. Nous ne nous occuperons que des communications permanentes.
- L’idée d’établir des communications permanentes avec les drains en marche est déjà très ancienne. Le premier moyen proposé1 consistait en un rail spécial continu établi entre les deux rails ordinaires sur lequel un frotteur mobile établissait un contact permanent. Un système ainsi constitué fut expérimenté pendant un mois, en 1856, sur une ligne d’essai établie entre Argenteuil et Saint-Cloud. On
- Fig. 1. — Communications téléphoniques des trains en marche, système Edison. — Employé muni de l'appareil téléphonique, recevant une dépêche dans l’intérieur d’un wagon en marche. 1
- dut y renoncer en pratique au bout d’un mois de service.
- Une étude plus approfondie des actions électriques à distance, la découverte de relais polarisés, des diapasons électriques, et enfin celle du téléphone, ont considérablement augmenté les ressources de l’ingénieur - électricien, et plusieurs inventeurs ont cherché s’il ne serait pas possible d’utiliser ces découvertes nouvelles en supprimant la communication métallique permanente, et en la remplaçant par des actions inductrices qui se transmettent avec une très grande rapidité à travers tous les diélectriques, l’air en particulier. C’est ce principe qui caractérise les nouveaux systèmes, déjà fort nombreux, et qui peuvent se subdiviser en deux grandes classes :
- U* nmée. — 4" seœeitre
- lü Systèmes à induction magnétique, dans lesquels on met à profit les actions magnétiques du courant.
- 2° Systèmes à induction électrostatique, dans lesquels entrent en jeu des actions électrostatiques.
- Chacune de ces classes comporte d’ailleurs des subdivisions fondées sur la nature des appareils transmetteurs et récepteurs qui, suivant les cas, sont des relais télégraphiques, des téléphones ou une combinaison des deux.
- Systèmes à induction magnétique. — Le, premier appareil de télégraphie avec les trains en marche,
- 1 Th. du Moncel, Exposé des applications de Vélectricité, t. V, p. 7.
- 19
- p.289 - vue 293/432
-
-
-
- 290
- LA NATURE
- fondé sur le principe de l'induction magnétique, a été imaginé par M. Lucius J. Phclps, et établi il y a plus d un an, à titre d’expérience, sur une ligne d’environ 22 kilomètres de longueur, à New-York, entre Harlem-River et New-Rochelle-Junction. Il est en service courant journalier depuis cette époque, et a récemment prévenu un accident en informant le conducteur d’un train en marche qu’un train le précédant venait de rompre son attelage, et que plusieurs des voitures de queue de ce train obstruaient la voie. Voici le principe du système Piielps :
- Un conducteur fixe est placé au milieu de la voie entre les deux rails ; il est isolé dans une gaine en bois, communique à la terre par une de ses extrémités et au manipulateur de la station par son autre extrémité.
- Le manipulateur permet d’envoyer sur ce fil une succession de courants longs et courts qui viennent
- agir sur le circuit induit mobile pofté par le train.
- Ce circuit induit mobile est constitué par une bobine verticale allongée portant 90 tours, occupant toute la longueur du fourgon télégraphique et présentant environ 2400 mètres de longueur, sur lesquels 1000 mètres sont amenés très près du conducteur placé entre les rails, et 1000 autres mètres en sont éloignés autant que possible.
- Les bouts libres aboutissent à un poste télégraphique installé dans le fourgon. Deux cas se présentent, suivant que le fourgon reçoit ou transmet.
- Pour la réception, la bobine induite est reliée à un relais très sensible qui ferme le circuit d’une pile locale sur un sounder. Pour la transmission, la pile est fermée sur la bobine induite par l’intermédiaire d’un buzzer ou vibrateur, qui envoie une série de courants interrompus dans cette bobine. Ces courants induisent sur la ligne une série de courants
- Fig. 4.
- Poste de station avec transformateurs,
- Fig. 3.
- Poste dans le train en marche.
- Fig. 2.
- Poste de station avec condensateurs.
- qui influencent un téléphone à la station de réception, et permettent de lire les signaux Morse au son. M. Phelps estimant que le téléphone ne pouvait être employé comme récepteur sur le train, à cause du bruit, s’est servi d’un relais et d’un sounder qui produisent des clics perceptibles à 5 mètres de l’appareil, même lorsque le train est lancé à toute vitesse.
- La construction du relais était particulièrement délicate, car il devait obéir à des courants induits très faibles, tout en restant insensible aux secousses, trépidations et mouvements souvent très violents du train en marche. Ce résultat a été obtenu en donnant à l’armature une très faible masse, un très petit moment d’inertie, et en faisant mouvoir cette armature dans un champ magnétique très intense constitué par deux puissants aimants permanents.
- Un n’a réalisé jusqu’ici que des communications permanentes entre un train en marche et une station ; on conçoit qu’il serait possible d’établir une communication entre deux trains en marche, mais, au
- point de vue pratique, la question présente moins d’intérêt, car l’utilité de la communication existe surtout entre le train et la station qui l’a expédié, qui le tient ainsi sous sa dépendance jusqu’à ce qu’il change de section.
- M. Phelps avait même prévu le cas d’une station complètement isolée mise en communication par induction avec la ligne, en disposant une bobine induite fixe, de longueur appropriée parallèlement au conducteur principal. Tels sont les principes appliqués dans le système Phelps.
- Systèmes à induction électrostatique. — R y a plusieurs années, vers 1881, M. Wm.-YV. Smith pensait qu’il serait possible d’établir une communication permanente avec les trains en marche en se servant d’actions électrostatiques, et il prit même un brevet dans cet ordre d’idées, sans pousser la question plus loin, jusqu’au jour où M. E.-T. Gil-liand et Edison s’en emparèrent, la développèrent et en rendirent l’application possible.
- p.290 - vue 294/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 291
- Le principe consiste à constituer un vaste condensateur dont l’une des armatures, fixe, est constituée par les fils télégraphiques longeant la voie, l’autre armature, mobile, par le toit des wagons des trains, toits métalliques, convenablement isolés et reliés électriquement entre eux, et le diélectrique n’étant autre chose que la couche d’air comprise entre les fds du télégraphe et les toits des wagons. Chaque fois qu’on élèvera le potentiel des fds télégraphiques ou des toits des wagons, on chargera ce condensateur à armature mobile, et la charge de ce condensateur produira un courant de charge momentané qu’on pourra utiliser pour actionner un récepteur approprié. Pour avoir des charges sensibles, capables d’actionner des récepteurs, il faut, puisque la capacité du condensateur est faible, employer de hauts potentiels de charge, ce qu’on obtient à l'aide de transformateurs.
- Les télégrammes arrivent aux stations sous forme de signaux Morse reçus dans deux téléphones que l’employé placé dans le train maintient aux oreilles d’une façon permanente (tîg. 1) à l’aide d’un serre-tête qui lui laisse les mains libres.
- Les combinaisons étant très nombreuses, nous nous contenterons d’indiquer une de celles dont l’explication est la plus simple. La figure 2 indique les dispositions d’une des stations ; la figure 5 montre celles du poste ambulant dans le train.
- On voit sur la figure 5 que le poste comprend quatre circuits distincts : 1° Le circuit d’un vibrateur commandé par une pile spéciale P et faisant 500 contacts électriques environ par seconde. Ce vibra teur marche d’une façon continue, pendant tout le temps de la transmission ; 2° Le circuit d’une pile P' communiquant avec le circuit inducteur à gros fil d’un transformateur ou bobine d’induction B, bobine dans laquelle on envoie des courants interrompus chaque fois qu’on appuie sur le manipulateur M ; 3° Le circuit induit de la bobine B, qui, dans la position de transmission, communique par une extrémité avec la terre par l’intermédiaire des roues de la voiture et des rails, et par l’autre extrémité avec la toiture isolée des voitures par l’intermédiaire du commutateur S. Dans la position de réception, le circuit induit est ouvert en S ; 4° Le circuit du téléphone T relié à la terre par une extrémité et dont l’autre communique avec le toit des voitures dans la position de réception.
- En appuyant sur la clef, on induira, par l’intermédiaire de la bobine B, une série rapide de courants de haute tension qui se communiqueront à la ligne ou au réseau de lignes parallèles sous forme de charges et de décharges successives.
- La figure 2 permet de comprendre comment ces charges du réseau de lignes pourront, à leur tour, charger des condensateurs c, c', c", et influencer enfin le téléphone récepteur en lui faisant rendre une véritable série de sons longs ou courts, suivant le temps pendant lequel on appuie sur la clef du manipula” teur M. Les deux postes sont d’ailleurs absolument
- symétriques et réciproques, permettant à volonté la réception ou la transmission d’un poste quelconque.
- On peut aussi, dans la station fixe, substituer aux condensateurs des bobines d’induction dont un des circuits est embroché sur la ligne elle-même, et dont l’autre circuit vient se fermer localement, soit sur le téléphone, dans la position de réception, soit sur le manipulateur et le vibrateur dans la position de transmission. C’est la disposition représentée figure 4 ; l’action s’explique facilement d’après ce que nous ayons dit à propos des autres combinaisons.
- Il va sans dire que, dans toutes ces applications, on emprunte les fils télégraphiques ordinaires sans les déranger de leur service ; il convient alors de leur appliquer les dispositions anti-inductrices et graduatrices de M. Yan Rysselberghe, pour que les transmissions télégraphiques ordinaires ne soient pas perçues par les téléphones.
- M. Phelps, dont nous avons fait connaître le système à induction magnétique, a aussi breveté de nouvelles dispositions fondées sur les actions électrostatiques. Dans l’une d’elles le busz-er ou vibrateur est supprimé ainsi que la bobine d’induction, et les sons se réduisent à des clics caractéristiques au moment de la fermeture et de la rupture du circuit. Enfin, en remplaçant la clef de Morse par un microphone, M. Phelps se propose de téléphoner avec les trains en marche, mais ce n’est là qu’un projet qui n’a pas encore reçu la sanction de l’expérience.
- Le problème d’une communication télégraphique permanente avec les trains en marche peut donc être aujourd’hui considéré comme résolu. Est-ce à dire pour cela qu’il soit appelé à recevoir un grand développement pratique? Jusqu’à nouvel ordre, nous ne le pensons pas. Il faut ne pas perdre de vue, en effet, que le système immobilise une ou plusieurs lignes pour une seule communication, et que pour en- effectuer plusieurs à la fois sur les mêmes conducteurs, dans des sections différentes, il faudra isoler téléphoniquement ces sections, séparer les messages à l’arrivée,etc., réaliser en un mot des transmissions téléphoniques musicales simultanées.
- Si l’on en croit les journaux américains, ces phénomènes de charges et de décharges auraient conduit Edison à une véritable découverte relative au mode de propagation des charges électriques à travers l’air.
- Selon lui, l’air serait conducteur pendant une fraction de temps extrêmement petite, mais après cet instant très court, il* se trouverait polarisé par le passage du courant, il augmenterait de résistance et cesserait de conduire.
- Nous avouons ne pas comprendre cette théorie dont la portée nous échappe, mais les expériences elles-mêmes présentent un haut intérêt ; nous en suivrons le développement et nous en enregistrerons les pro^ grès avec tout le soin qu’elles méritent.
- E. Hosiutalikr.
- p.291 - vue 295/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 292
- NOUVEAUX
- APPAREILS PHOTOGRAPHIQUES
- CAISSE-LABORATOIRE POUR PHOTOGRAPHIE EX VOYAGE. — CHAMBRE NOIRE A SYSTÈME COMPOSTEUR
- Caisse-laboratoire. — Les amateurs de photographie savent combien il est souvent difficile, en voyage, de trouver un cabinet noir qui puisse servir au développement des clichés. Un de nos lecteurs de Lille nous fait connaître une caisse-laboratoire que l’on peut faire construire par un menuisier intelligent, et qui rend de grands services au praticien. Cette caisse, très solide, sert au transport du matériel photographique. Le voile qui complète
- le laboratoire, par suite de ses grandes dimensions, protège parfaitement le contenu contre les cahots du voyage et supprime les accessoires d’emballage. La caisse fermée mesure 0m,72 de longueur, 0'“,58 de largeur et O'11,57 de hauteur. Elle est en chêne, très solide quoique formée de feuillets de 0[n,013 à 0m,014 d’épaisseur seulement.
- Les angles sont réunis à queue d’aronde, les joints sont munis de rainures, de sorte qu’aucun filet de lumière ne peut pénétrer dans l’intérieur.
- La paroi antérieure est mobile et peut se rabattre horizontalement : elle forme avec le fond de la boîte le plancher du laboratoire. L’ensemble du plancher mesure environ 52 décimètres carrés, espace plus que suffisant pour loger une cuvette à
- Fig. 1. — Caisse-laboratoire pour le photographe eu voyage.— 1. La caisse presque fermée. — 2. La même, avec les châssis relevés.
- 3. La même, formant le cabinet noir.
- révélateur, une cuvette de lavages, une cuvette à hyposulfite, une boîte à glaces, un châssis négatif et quelques flacons de réactifs, le tout pour la dimension plaque entière. Avec le même laboratoire on pourrait facilement développer des plaques 21x27.
- La paroi antérieure rabattue n’est pas située exactement au même niveau que le fond et formerait un plan incliné si elle n’était munie à chacun de ses deux angles supérieurs d’une petite pièce de bois formant support et destinée à rétablir sa parfaite horizontalité : ces deux accessoires ont un autre rôle important que nous indiquerons un peu plus loin.
- Le couvercle est formé de deux parties : une partie postérieure fixe de Om,l l de largeur sert à consolider les parois latérales qui, sans cela, seraient maintenues par deux de leurs côtés seulement. On pourrait encore placer sur cette partie
- fixe un réservoir à eau de lavages communiquant par un tube de caoutchouc avec l’intérieur du laboratoire dans le cas où l’on voudrait développer consécutivement un certain nombre de clichés. La partie mobile du couvercle peut être maintenue entr’ou-verte sous un angle de 45° environ par deux taquets mobiles placés dans l’intérieur de la caisse.
- La paroi postérieure est percée d’un orifice carré de 0m,20 de côté, garni à l’extérieur d’un volet mobile qui, fermé, est de niveau avec la paroi de la caisse. Enchâssé dans celte ouverture, se trouve un verre orangé sur lequel on peut amener à volonté, dans l’intérieur du laboratoire, un verre rouge rubis mobile dans une double coulisse horizontale.
- La caisse étant posée sur une table, la paroi antérieure horizontalement rabattue et le couvercle à demi soulevé, il s’agit de monter le châssis destiné à supporter le voile, partie principale du labora-
- p.292 - vue 296/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 295
- toire. Le châssis est formé de trois barres de bois, deux verticales (les montants), munis d’un tenon à chacune de leurs extrémités mesurant 0m,G5 (tenons non compris), et d'une barre horizontale (la traverse) ayant 0,u,68 de longueur.
- La paroi antérieure de la caisse rabattue porte :t chacun de scs deux angles libres une mortaise creusée dans son épaisseur et pénétrant dans le pied support cor-respondant; la mortaise peut atteindre ainsi une profondeur double de celle qu’elle aurait si elle était simplement creusée dans la paroi de la caisse. On introduit dans
- ces mortaises les tenons inférieurs des deux montants qui sont ainsi solidement maintenus dans une
- situation verticale. La traverse porte, à chaque extrémité, une mortaise dans laquelle s’engagent les tenons supérieurs des montants. Tous les angles et les arêtes de la traverse sont soigneusement arrondis pour éviter la fatigue du voile qu’elle supporte.
- Le voile est en étoffe noire : une satinette à tissu très serré, convient parfaitement; dans toute son étendue, le voile est constitué d’une double épaisseur de cette étoffe. 11 forme un sac de forme irrégulière et ou-
- Fig. 5. — Fac-similé réduit d’uue épreuve de photographies multiples obleuues sur uu seul cliché, à l’aide de l’appareil ci-dessus.
- vert à ses deux extrémités. Il est cloué par une de de la paroi percée d’une fenêtre, sur les bords la-ses extrémités sur les bords supérieurs et latéraux téraux et le bord libre du plancher. Dans sa plus
- p.293 - vue 297/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 29 i
- grande longueur il mesure 2ra,20, son extrémité libre a une circonférence de 5m,50 ; par cet orifice on introduit la tête et le tronc et on serre l’ouverture autour de la taille à l’aide d’un cordon glissant dans une coulisse; en pratique, il est plus rapide et plus simple, après avoir tendu l’extrémité du voile autour de la taille, de pincer entre les genoux les plis formés : on assure ainsi une fermeture parfaite du laboratoire. Par suite de l’ampleur du voile et de la hauteur du châssis qui le supporte, les mouvements de la tête et des bras sont libres.
- Le cube d’air du laboratoire est très grand et l’on peut sans incommodité développer en été au moins deux clichés, en hiver un plus grand nombre. Si l’on voulait travailler longtemps sans avoir le voile, il serait très facile d'adapter deux tuyaux coudés l’un à la partie fixe du couvercle, l’autre sur le fond de la caisse pour assurer la ventilation.
- Chambre noire A système composteur. —
- Un habile photographe, M. Bretagne, a récemment présenté à la Société de photographie son nouveau système de chambre noire qui permet de diviser en pleine lumière la surface sensible de la plaque sensibilisée, en un nombre plus ou moins considérable de parties égales ou inégales, et de prendre ainsi un certain nombre de vues sur un même cliché.
- La manière d’obtenir ce résultat est très simple ; le châssis de la chambre noire est pourvu de quatre rideaux -ABCD (fig. 2) qui peuvent se mouvoir facilement, et qui permettent de mettre la surface sensibilisée à l’abri de la lumière, et à le diviser instantanément en tel format qu’il est besoin. Ces rideaux se roulent et se déroulent horizontalement ou verticalement et donnent la faculté de prendre par exemple sur un même cliché de 18/24, deux, trois, quatre, cinq, six fois et plus le portrait de la même personne. Nous donnons ci-contre le fac-similé réduit (fig. 3) d’un positif tiré sur un cliché qui ne comprenait pas moins de quarante poses différentes, portraits, paysages, etc. Cet appareil permet de prendre la vue d’un monument au centre d’un cliché, et de prendre tout autour, les détails de ce monument, statues, etc., de manière à former une vignette faite en une seule fois. Le bagage avec son emploi se trouve réduit, le nombre des glaces à emporter en voyage étant moins considérable.
- A côté de ces avantages, le système offre quelques inconvénients; le développement du cliché se fait d’un seul coup, dans le même bain et dans les mêmes conditions; si l’une des impressions nécessite un long développement, l’autre impression voisine peut exiger, au contraire, un développement rapide, et l’opérateur n’a pas la faculté de varier à volonté le mode de développement pour chaque vue. Mais il n’est pas de système, si ingénieux qu’il soit, qui n’offre son «ôté défectueux; l’appareil de M. Bre=-tagne est basé sur un principe nouveau, ingénieux; il nous a paru digne d’être signalé aux praticiens.
- Gaston Tissandieu.
- LES BILLETS DE BANQUE
- On croit généralement que lorsqu’un billet de banque se perd ou est détruit, par le feu ou autrement, la Banque bénéficie de la somme qu’il représente, et beaucoup de personnes font entrer en ligne de compte dans les bénéfices de la Banque ces billets de banque égarés ou détruits, que l’on ne lui présente pas au remboursement.
- C’est là une erreur : lorsqu’on détruit un billet de banque de mille francs, par exemple, outre le tort que l’on fait à la société, c’est d’abord une perte de mille francs que l’on impose à la Banque, plus une somme de cinquante centimes par an qu’on la force à payer pendant toute la durée de son existence.
- Expliquons-nous : la création d’un billet de banque répond à un besoin; en supprimant ce billet delà circulation et en ne le remplaçant pas (ce que fait toujours la Banque, quand elle détruit les billets hors d’usage), on cause évidemment un préjudice à la société qui se servait de ce billet.
- D’un autre côté, la Banque paye à l’Etat, pour chaque billet en circulation, un droit qui est identique à celui payé par les billets à ordre du commerce : 50 centimes par mille francs. Tant qu’un billet émis n’est pas représenté au commissaire du gouvernement et brûlé en sa présence, le billet est censé en circulation et la Banque paye tous les ans le droit de 50 centimes par mille.
- En outre, comme ce billet est toujours censé en circulation, on ne peut le remplacer et, dans le cas d’une liquidation de la Banque, celle -ci serait obligée d’en verser le montant à la caisse des dépôts et consignations, où, après trente ans, cette somme serait acquise à l’État.
- Ce serait donc, en réalité, une somme de mille francs qui aurait été perdue par la Banque par le fait de la disparition du billet. Voici,à ce sujet, un exemple assez curieux :
- Lors du naufrage de Y Atlas, M. C. (Casteras), changeur, à Alger, établit, par des preuves irrécusables, qu’il lui avait été expédié par ce courrier-là une somme de 24 000 francs en billets de banque. L’agent de change de Marseille qui avait fait l’expédition avait conservé les numéros de tous les billets et M. C. les donnait avec les autres preuves à l’appui de la réclamation qu’il adressait à la Banque en payement des 24 000 francs perdus.
- La Banque de l’Algérie, sans contester la validité des pièces qui lui étaient soumises, refusa de payer, se basant sur ce que le remboursement des billets n’était exigible que sur leur présentation. Il y eut procès, M. C. perdit en première instance : il fit appel et gagna à la cour. La Banque de l’Algérie se pourvut en cassation ; le premier arrêt fut cassé et la Banque eut gain de cause.
- Depuis cette époque, les billets en question sont inscrits sur les registres de la Banque avec cette mention : « Perdus dans le naufrage de l'Atlas.)) Mais ils figurent dans la circulation et, chaque année, la Banque paye pour eux à l’État le droit de 50 centimes par mille.
- Dans le cas d’une liquidation de la Banque, celle-ci, ne pouvant représenter ces billets, serait tenue d’en verser la valeur dans les caisses de l’État, où elle resterait trente ans à la disposition des ayants droit.
- Passé ce délai, l’État en resterait le seul propriétaire et la Banque aurait réellement perdu et remboursé les 24 000 francs, pour lesquels elle versera, tant qu’elle existera, le droit de 50 centimes par an et par 1000 francsl.
- 1 D’après le Moniteur de la papeterie française.
- p.294 - vue 298/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 295
- LETTRES D’AMÉRIQUE1
- YELLOWSTONE PARK, DANS LE YVYOMING. ---- LES MAM-
- MOTII HOT SPRINGS. — LES GEYSERS.
- De San-Franc-isco à Yellowstone Park. la distance est considérable ; il ne faudrait pas moins de cinq à six jours en chemin de fer pour la parcourir sans s’arrêter. On traYerse une partie du territoire de la Californie, dont les champs bien cultivés sont admirablement fertiles; on parcourt l’Orégon, mais le chemin de fer est inachevé, les abords de la grande montagne Shasta Mount (4800 mètres) doivent être passés en voiture. On remonte en chemin de fer aussitôt les monts franchis pour se rendre à Portland, puis c’est le bateau à vapeur pour voguer sur Columbia river, fleuve magnifique bordé de nombreuses roches volcaniques et de colonnes basaltiques, avec la montagne Hood toute couverte de neige à l’horizon, apparaissant comme une immense pyramide. Le chemin de fer est repris encore pour longer les lacs féeriques Pend' d'oreille lake, traverser les interminables forêts de l’Idaho et deMontana, etsuivre les bords de Clark's river. Enfin les prairies sans fin de la même province apparaissent à la vue, toutes peuplées de chevaux et de bestiaux, puis les rivages du Missouri.
- On est transporté à la vue de tous ces paysages intéressants. C’est l’étonnement à perpétuité. Nous arrivons ainsi à la station de Livingston. Un changement de train pour Cinnabar, un énorme char à bancs attelé de six chevaux ensuite, et nous voilà enfin au cœur de Yellowstone Park, à Mavnmoth hotsprings2.
- Yellowstone park occupe, dans la province du Wyoming, une surface de 5575 milles carrés, y compris celle de son grand lac, qui est de 530 milles carrés (5 752 175 mètres carrés.) Des montagnes couronnées de neiges éternelles, les Teton's range ou les Titans, ont des sommets qui atteignent 5500 et 4000 mètres au-dessus du niveau de la mer, le parc lui-même dans ses parties les plus basses est à 2000 mètres. Les montagnes et le sol de Yellowstone sont d’origine volcanique, mais les siècles ont passé et nous voyons à présent les vestiges extraordinaires de tous les changements opérés par les caprices de la nature.
- Un voyage à Yellowstone était, il y a quatre ans, assez pénible; aujourd’hui, si le trajet est long, il n’offre plus de difficultés. L’hôtel construit est considérable, c’est comme un grand caravansérail situé à l’un des plus curieux endroits du parc. On y trouve les guides, les chevaux et les provisions nécessaires pour faire les excursions intéressantes. Il faut camper dans les forêts, et dormir à la belle
- 1 Suite. Voy. p. 7, 44, 82, 150,198 et 247.
- 2 Voy. n° 41 du 14 mars 1874, p. 228, et n° 47 du 25 avril 1874, p. 324 ; n° 211 du IG juin 1877, p. 33, et n° 212 du 25 juin 1877, p. 49.
- étoile, un peu comme dans le plateau de Kaïbab (Arizona) ; mais tout y est plus facile, on a de l’eau partout, et aux endroits les plus célèbres, des commencements d’hôtel où l’on peut se ravitailler et loger même si l’on veut. Encore deux ou trois ans, les Américains pourront aller là aussi confortablement qu’au mont Blanc ou dans les Pyrénées.
- Le parc de Yellowstone, ou plutôt cet immense territoire, aussi grand qu’un département de France, est conservé parle gouvernement et classé pour ainsi dire par lui comme nos monuments historiques. On lui a donné un gardien chef et neuf gardiens en sous-ordre. Pour les travaux importants, tels que routes, ponts, etc., ce sont les soldats de l’armée qui sont réquisitionnés. Ils vont camper dans le point du parc désigné et achèvent toutes choses. La chasse y est expressément défendue, les oiseaux, le gibier peuvent y vivre en paix. La pêche seule y est tolérée, aussi c’est le rendez-vous des amateurs américains, pêcheurs à la ligne émérites, qui viennent y faire d’abondantes récoltes de truites.
- On parle toujours des merveilles de Yellowstone park. Cela est vrai si on entend par là, les sources d’eau chaude, le canon de Yellowstone river, les solfatares, les geysers, les volcans de houe, etc. Ce sont des choses uniques, je pense, dans le monde entier ; elles forment un ensemble absolument inouï, extraordinaire, qu’on ne saurait voir que là,(tout au complet. Mais les paysages de la forêt qu’il faut parcourir pour aller d’un point à un autre, les torrents et les cascades sont loin d’égaler ceux des Alpes ou des Pyrénées.
- Pour bien voir les curiosités, connues maintenant, douze à treize journées d’exploration suffisent. Les gorges ou canons de Yellowstone river sont les premières beautés à visiter. On campe tout auprès des rapides de Yellowstone, au milieu des pins. Les eaux s’écoulent en deux chutes superbes au travers de l’étroit couloir creusé par elles, et sont encaissées dans des murailles de 300 mètres de hauteur.
- Ces murailles sont remarquables, les rochers qui les composent, calcinés par l’action volcanique, ont pris des teintes extraordinaires. Le jaune de soufre, les couleurs ferrugineuses, verdâtres, violacées, noires, ou d’une blancheur de neige, sont semées dans toute la hauteur du précipice de la manière la plus heurtée et sont d’un éclat incomparable, surtout lorsque le soleil brille. Les eaux d’émeraude de Yellowstone roulent au fond de ces gouffres étranges et la forêt de pins sombre et épaisse couronne tous les rochers.
- On remonte, en suivant les bords de Yellowstone river, à la source même, c’est-à-dire au lac de Yellowstone, situé à 2475 mètres au-dessus du niveau de la mer, avec la chaîne de montagnes des Titans et les forêts comme horizon.
- Sur les bords du lac et dans le chemin qu’on suit pour y arriver, on remarque de nombreuses sources d’eau chaude, des solfatares et des volcans de boue.
- p.295 - vue 299/432
-
-
-
- Î296
- LA NATURE
- Le premier dont j’ai pris le croquis (fig. 1), est tout au fond du cratère qui peut avoir un diamètre de 10 auprès de la rivière. Une boue épaisse et bouillante est à 12 mètres/De noires vapeurs s'échappent et rejet-
- Fig. 1. — Volcan de boue dans Yellovvstone-Park, Fig. 2. — Autre volcan de boue jaillissante dans Yellowstone-Park
- aux Etats-Unis. aux Etats-Unis.
- Fig. o. — Intérieur d’une source ancienne d’eau bouillante Fig. 4. — Le geyser géant eu éruption dans^Vellowstone-Park,
- dans Yellowstone-Park, aux États-Unis. aux États-Unis. (Dessins d’après nature.)
- tent sur les parois latérales de nombreuses gouttes I les formes délicates de légères stalagmites dentelées, de boue de couleur grise qui prennent en séchant | Les vapeurs, en s’élevant, laissent tomber aux alen-
- p.296 - vue 300/432
-
-
-
- LA NATURE
- 297
- tours les fines poussières toutes blanches et sili- | ceuses. Elles recouvrent le sol et les arbres voi-
- Fij. 5. — Le geyser Old Faithful (le Vieux Fidèle) dans Yellowstone-Park, aux Étals-Unis. Vue générale. (D’après nature.)
- Fig. G. — Cascade pétrifiée (Pulpit Terrace) dans Yellowstoue-l’ark, aux États-Unis. (Dessins d’après nature par M. Albert Tissandier.)
- sins. La végétation meurt alors dans le voisinage des | sources pour reprendre un peu plus loin tous ses
- p.297 - vue 301/432
-
-
-
- LA NATURE.
- ‘298
- droits. II semblerait parfois que le sol est caché sous la neige, tant le dépôt*siliceux est éclatant. Auprès du lac aux eaux glacées, on voit les sources bouillonnantes ; leurs teintes d’émeraude ou d’azur sont admirables. Une truite pêchée dans le lac peut être bouillie à l’instant dans la source, à la grande satisfaction du touriste. Les eaux chaudes s’écoulent dans le lac en laissant sur le sol des traces d’oxyde de fer et de soufre, de teintes diverses qui témoignent des différentes couches des terrains avec lesquelles elles ont été en contact dans les profondeurs de la terre.
- On traverse assez longtemps les forêts pour aller du lac Yellowstone au bassin supérieur des Geysers. Ce sont d’assez longues étapes paraissant quelquefois un peu monotones. Il y a des régions entières de forêts brûlées ou mortes, puis les bords du lac Shoshone. Enfin des bois de pins fort épais presque tous de même grosseur. Ils paraissent avoir le même âge. Les beaux arbres, grands et séculaires, sont rares dans la forêt. Sous tous ces feuillages épais et sombres, au bout de quelques heures de marche très pittoresque cependant, on se laisse aller malgré soi à une certaine tristesse. Les montées et les descentes se multiplient à travers les arbres. Mon guide me montre de hautes vapeurs s’élevant dans le ciel : nous voici dans la région des Geysers.
- Aussitôt notre arrivée dans Upper Geyser Basin, nous voyons le Old Faithful ou le Vieux Fidèle. 11 veut fêter notre venue sans doute. Des grondements souterrains se font entendre. Presque aussitôt une énorme colonne d’eau bouillante s’élève jusqu’à 50 mètres de hauteur et retombe sur le sol en minces gouttelettes. Les vapeurs formées s’élèvent dans le ciel en colonne épaisse jusqu’à 200 mètres et plus encore lorsque le temps est calme, c’est un spectacle solennel, presque émouvant. J’en ai conservé une impression que je ne pourrai oublier.
- Nous restons deux jours entiers dans ce vaste territoire des grands Geysers. Quelques touristes campent comme nous sous les pins ou au bord de Fire hole river. Ses eaux rapides sont chaudes dans leur passage sur les terres siliceuses des Geysers, aucun poisson n’y saurait vivre; pour eux, c’est la mort que ces eaux empoisonnées par les dépôts sulfureux et les dépôts volcaniques de toute nature que les sources d’eau bouillante lui envoient. Nous nous y baignons avec plaisir cependant, et sous les pins nous trouvons quelques sources d’eau fraîche et réconfortante.
- Le bassin supérieur des Geysers est le plus important; dans une journée on est presque sûr de voir quelques-uns de ces jets d’eau naturels, mais l’heure de leur jaillissement est variable, et ne saurait être indiqué à l’avance. Le Vieux Fidèle est exact : toutes les soixante-trois minutes il est possible de l’admirer. Le grand Geyser son voisin ne part environ que toutes les vingt-quatre heures. Nous l’avons attendu en compagnie, avec des dames et des touristes, tous assis sur le tapis blanc du sol siliceux. Presque en plein soleil, car on ne peut compter le
- maigre ombrage de quelques pins rabougris, nous avons guetté près de deux heures le moment d’éruption comme on attend un feu d’artifice. Les jeunes dames commençaient à s’impatienter, tapant le sol du bout de leur ombrelle; enfin les eaux se sont élevées, montant jusqu’à soixante mètres de hauteur, pendant dix minutes environ.
- L’enthousiasme devient général, on pousse des cris de joie et d’admiration. Peu d’instants après, à quelques centaines de mètres de distance, voilà le Splendid Geyser qui nous attire. On monte vite à cheval, il faut traverser le Fire hole et courir au bon endroit, il est encore temps ! Le Splendid nous offre quelques minutes de contemplation grandiose. L’élévation de ses eaux bouillantes atteint presque celle des tours Notre-Dame de Paris ; les vapeurs immenses colorées par des arcs-en-ciel à l’heure du coucher du soleil ont un aspect merveilleux, elles montent jusqu’aux nues. Dix à quinze minutes se passent, tout est redevenu calme. Les eaux lancées se sont écoulées en ruisseaux, le cratère du Geyser est vide, quelques murmures souterrains encore, puis silence complet : en voilà pour quatre ou cinq heures et ce sera un nouveau spectacle. f
- La journée se passe ainsi à courir d’un Geyser à l’autre; le Vieux Fidèle a le plus de succès. Nous le revoyons au clair de lune et au lever du jour. Les touristes oublient de dormir dans ces parages. Le croquis que je représente (figure 5) montre le Vieux Fidèle pendant son beau moment. C’est malheureusement donner une faible idée de la grandeur des forêts de pins qui encadrent ce Geyser et des plateaux à l’aspect neigeux qui lui servent de base. On voit aussi sur le dessin un coin de Fire hole river et au milieu des arbres, un hôtel nouvellement construit qui sert à ceux qui ne veulent point camper en plein air dans la forêt.
- Le lendemain matin, il nous était réservé un bonheur assez rare : le plus beau Geyser, le Géant, a jailli devant nous; il ne part guère que tous les quatre jours. Il est très irrégulier, mais si la hauteur de ses eaux bouillantes n’est pas plus grande que celle du Splendid, le spectacle donné est beaucoup plus beau puisqu’il dure plus d’une heure et demie, quelquefois trois heures, paraît-il. Un des croquis ei-conire (fig. 4) donne un des aspects de cette merveille. Les vapeurs qui s’élèvent à plus de 300 mètres dans le ciel, obscurcissent parfois le soleil; son cratère admirable, tout sculpté par les dépôts siliceux, disparaît dans la masse énorme des eaux lancées. On peut s’approcher cependant en allant du côté du vent. On évite ainsi une pluie de gouttes bouillantes formant sur le sol un torrent d’eau et de vapeur qui vont se perdre dans le Fire hole.
- Nous rentrons à Mammoth hôtel springs après avoir passé par le bassin inférieur des Geysers et les Gibbon ou Norris Geysers. Ceux-là sont moins importants que les précédents, mais les solfatares y sont nombreux ; ils sont mêlés à des sources bouillantes et forment ainsi une sorte de vallée avec
- p.298 - vue 302/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 299
- des lacs azurés et des collines fumantes d'un as-, pect fantastique. Nous passons aussi dans la région des painted pots ou sources aux bords colorés. Quelques volcans de boue y sont remarquables. L’un d’eux (fig. 2) de couleur gris perle, lance à tous moments de grosses gouttes de boue à 5 ou-4 mètres de hauteur environ; tout à côté un autre volcan forme de petits mamelons siliceux d’un blanc éclatant, en forme de cloches ; ils éclatent et se fondent en crème épaisse dans toute la largeur du cratère. Le grand hôtel est au centre même des immenses sources bouillantes ou Mammoth hot springs. Ces sources très puissantes ont formé depuis des siècles des dépôts de silice et de calcaire qui, en s’accumulant couche par couche, ont produit des collines. L’eau bouillante s’échappant toujours des entrailles de la terre s’écoule le long des parois de ces monticules artificiels et retombe en cascades, puis en ruisseaux dans Gardiner river. C’est ainsi qu’on admire les formes variées et les couleurs merveilleuses des stalactites, vasques sculptées et broderies sans pareilles, construites par les cascades bouillantes. Les Pulpit Terrace (fig. 6) donnent un exemple frappant de l’aspect de ces sources. Malheureusement, elles sont changeantes, et cet endroit, le plus beau entre tous, tombera bientôt en ruines. Les dépôts siliceux, lorsqu’ils sont entretenus par les légères cascades d’eau bouillante, sont durs et se conservent aisément, mais si la source cesse d’être abondante, ils deviennent friables et se détruisent à l’action des pluies et de la neige. Pulpit Terrace est dans ces conditions, la source meurt et les formations admirables, sculptées par le dépôt continuel des eaux, tombe peu à peu en poussière.
- Tout auprès de Mammoth hôtel springs on peut descendre dans l’intérieur d’une de ces sources, tarie depuis longtemps. L’entrée est étroite d’abord, elle a deux mètres environ de diamètre. A l’aide de deux échelles on arrive a une vingtaine de mètres de profondeur, au-dessus d’un orifice où l'on peut encore pénétrer en s’attachant à une corde. Arrivé à cinquante mètres environ dans ces noirs abîmes, il faut s’arrêter. Les odeurs sulfureuses vous suffoquent. Mon guide m’a donné ces détails, car je n’y suis point descendu. L’intérieur de cette source est intéressant (fig. 5) ; on voit distinctement les couches de calcaires siliceux qui se sont superposées avec la suite des années; l’humidité et quelques mousses vertes qui les recouvrent détruisent peu à peu leur forme.
- Malgré la réputation à présent universelle de Yellowstone parle, on est étonné du peu de touristes qui y vont encore tous les ans. Deux mille personnes voient toutes ces merveilles par saison. Nos Pyrénées et nos Alpes françaises sont visitées par vingt-cinq à trente mille personnes chaque année ; il est vrai que les moyens de transport sont plus aisés et le voyage plus facile. Albert Tissandier.
- — A suivre. —
- POSTES TÉLÉPHONIQUES EMBROCHÉS
- Le nombre des abonnés au téléphone sur le réseau de Paris n’est pas aussi considérable qu’on aurait pu s’y attendre lors de l’invention de ce merveilleux appareil ; cela tient principalement à ce que le prix d’abonnement est encore trop élevé.
- La nécessité dans laquelle on se trouve d’avoir une ligne spéciale à double fil allant du bureau central chez chaque abonné n’a pas permis jusqu’à présent d’abaisser le prix au-dessous de 600 francs par an; sauf dans le cas spécial dont nous allons nous occuper et que nous croyons utile de signaler, parce qu’il permet de réduire ce prix de moitié. Par l’emploi des postes embrochés, on peut en effet desservir quatre abonnés au lieu d’un sans augmenter de beaucoup les frais; mais il faut,bien entendu, que les quatre abonnés soient, ou bien dans le même immeuble, ou tout au moins dans le voisinage l’un de l’autre. Nous allons expliquer comment l’on arrive à rendre, malgré l’emploi d’une seule ligne, les quatre postes indépendants les uns des autres.
- Le système imaginé par M. C. Ader est basé sur l’emploi du rappel par inversion, bien connu en télégraphie. 11 se compose, comme on sait, d’un aimant permanent, dont l’un des pôles sert d’armature à l’une des branches d’un électro, de telle sorte que si l’on envoie un courant d’un certain sens (positif, par exemple) le pôle développé dans l’électro est de même nom que celui de l’armature qui est alors repoussée ; tandis que, au contraire, les pôles sont contraires et l’armature reste en place si le courant envoyé est de sens contraire. Dans le premier cas on utilise le mouvement de l’armature pour produire un travail quelconque (fermer le courant d’un circuit local, par exemple),et dans le second cas, le courant envoyé, traversant l’appareil sans rien actionner, peut être utilisé plus loin.
- Pour le cas spécial qui nous occupe, on est obligé par économie d’employer les courants d’une pile qui existe déjà pour d’autres usages, et il pourrait arriver que ces courants fussent assez puissants pour que celui qui est destiné à produire la répulsion de l’aimant occasionne un renversement des pôles, ce qui mettrait l’appareil hors de service. Aussi pour éviter cet inconvénient, M. Ader a employé un relais d’une construction spéciale. L’aimant permanent ne sert pas d’armature, il est fixe, et son magnétisme est puissant; mais l’armature mobile, au lieu d’être constituée par une pièce magnétique, se compose d’une petite bobine très plate, en cuivre, montée à l’extrémité d’un levier. C’est cette bobine qui reçoit le courant et qui, suivant le sens de celui-ci, reste appliquée contre le pôle de l’aimant placé en regard, ou se trouve repoussée par lui. De cette façon, on peut employer des courants d’une intensité quelconque sans craindre de produire l’accident signalé.
- La figure 1 est un schéma montrant la disposition du poste placé au bureau central à l’extrémité d’une
- p.299 - vue 303/432
-
-
-
- 300
- LA NATURE.
- ligne commune à quatre abonnés. (On sait qu’à Paris, afin d’éviter les bruits produits par l’induction des fils télégraphiques, chaque ligne téléphonique se compose d’un fil d’aller et d’un fil de retour.) Les boutons 1,2, 3, 4(fig. 1) sont montés sur des lames de ressort, et, à l’état de repos, viennent buter contre les contacts supérieurs a de telle façon que la boucle de la ligne se trouve fermée sur le téléphone ou la sonnerie; on met l’un ou l’autre à volonté au moyen d’un commutateur.
- Dans cette position, le bureau central peut être appelé par l’un quelconque des abonnés, demander quel est celui qui a appelé, et le mettre en relation avec une autre ligne du réseau.
- Voici comment il peut appeler l’un d’eux sans déranger les trois autres. Les contacts inférieurs b, b' sont reliés deux à deux, comme l’indique la figure et chaque groupe ainsi obtenu correspond, l’un b b, au pôle positif d’une pile P dont le négatif est à la terre ; l’autre b' b', au pôle négatif d’une pile P' ayant son positif à la terre. Dans ces conditions, on voit qu’en appuyant sur l’un des boutons i ou 4 on enverra toujours un courant positif, mais que celui-ci suivra soit le fil x, soit le fil y, suivant le bouton touché.
- On enverra de même un courant négatif en # et en y en appuyant sur 2 ou 3. Mais les piles P et P' étant reliées à la terre par un de leurs pôles, ces courants ne pourront prendre naissance que si les extrémités des fils.r et y sont aussi reliées à la terre. C’est ce qui a lieu en effet, ainsi qu’on peut s’en rendre compte par l’examen de la figure 2 qui représente la disposition de la ligne à la boucle comprenant les quatre abonnés.
- On voit au point B le fil qui va à la terre. Un relais RI, construit comme nous l’avons indiqué plus haut, est placé chez chaque abonné; d’après sa construction le n° 1 ne peut être actionné que par un courant positif, et d’après sa position on voit qu’il faut que ce courant parte du bouton 1, passe par le fil x et prenne terre en B. On voit de même que
- .le relais n° 2 ne marche que par un courant négatif partant du bouton 2 et passant par le même fil x, et que les mêmes choses se répètent pour les postes et les boutons 3 et 4 desservis par le fil y.
- Il y a donc indépendance complète. Le jeu de chacun des relais RI a simplement pour but de fermer le circuit local de la pile du microphone sur la sonnerie 5 et de prévenir ainsi l’abonné. (Nous n’avons indiqué sur la figure que le fil principal dans
- la position où il actionne le relais; tou les les communications secondaires qui rendraient le schéma illisible ont été supprimées1.) Lorsque au poste appelé on décroche le téléphone du levier auquel il est suspendu, celui-ci se relève sous l’action d’un ressort auquel le téléphone faisait contrepoids et produit des communications qui ont pour clfet : de relier le poste micro-téléphonique à la ligne en coupant la communication sur sonnerie ; de fermer le circuit d’une pile spéciale, commune aux quatre postes, qui actionnera l’électro-aimant c; celui-ci attirant son armature coupera la communication à la
- terre pour remettre la ligne x y dans les conditions ordinaires. En meme temps, le courant de cette pile spéciale sera envoyé chez les trois autres abonnés dans un tableau indicateur Y où un voyant apparaîtra pour indiquer que la ligne est occupée.
- Ils ne devront pas toucher à leur téléphone jusqu’à ce que le numéro appelé ait raccroché le sien, ce qui remet toutes les choses en l’état primitif ; c’est là le seul inconvénient du système, mais il est faible en comparaison de l’abaissement de prix que son emploi permet d’obtenir. G. Mareschal.
- 1 Les communications non représentées sont les suivantes : circuit local dans chaque poste desservant le microphone et la sonnerie ; circuit commun aux quatre postes desservant le coupe-terre et les indicateurs; enfin, circuit spécial (système Lartigue) commun aux quatre postes, pour assurer le secret de la conversation.
- Téléphone, Sonnerie
- ou une ligne au réseau.
- f- Terre +V
- Fig. 1. — Schéma de la disposition au bureau central, pour les boutons d’appel des quatre postes embrochés.
- Microphone (
- Microphone et sa pile
- Microphone
- et sa pile
- et sa pile
- Pile spéciale du coupe terre et des indicateurs V
- Terre
- Fig. 2. — Schéma de la disposition de la boucle comprenant les quatre postes
- p.300 - vue 304/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 501
- LAMPE SANS FLAMMES
- POUR PÜRIFJER L’AIR
- Le petit appareil représenté ci-dessous est une ingénieuse application de l’expérience bien connue des chimistes et des physiciens sous le nom de lampe sans flamme; il est destiné à purifier et a revivifier l’air dans une chambre de malade, dans un appartement clos, etc.
- Le système, des plus simples, se compose uniquement d’une lampe à alcool et d’une spirale en fil de platine, haute de quinze millimètres environ.
- Voici le mode d’emploi : après avoir rempli la lampe d’alcool à 90° et en avoir humecté la mèche, on place la spirale, préalablement trempée dans l'alcool, de façon a ce qu’clle entoure de très près la mèche, sans toutefois la toucher ; cette dernière précaution est essentielle.
- Puis, on allume la lampe, et le fil de platine ne tarde pas à être porté au rouge. Au bout de trois à quatre minutes, ou éteint la flamme avec un éteignoir constitué par un couvercle de verre; il faut éviter, autant que possible, de produire des courants d’air qui feraient vaciller la flamme et mettraient à nu les spires de platine. Aussitôt que la lampe est éteinte, on retire l’étei-gnoir; la spirale demeure incandescente et reste en cet état tant qu’il y a de l’alcool dans la lampe. Il se dégage alors peu a peu une odeur suave, quelque peu éthérée, et l’air le plus méphitique se trouve promptement purifié.
- On peut répéter cette expérience dans un fumoir; après un quart d’heure, l’odeur de la fumée, pourtant si persistante, a tout a fait disparu.
- Pour essayer de comprendre ce phénomène assez complexe, il faut d’abord se rappeler que le platine forgé, de même que la mousse de platine, jouit à une température élevée, de la propriété de condenser les gaz et de favoriser, dans ses pores, la combinaison de l’oxygène de l’air avec les gaz combustibles (lampe sans flamme) ; puis il faut tenir compte d’une action réflexe : la chaleur dégagée par les spires provoque une abondante évaporation d’alcool; la vapeur d’alcool en passant sur le platine incan-
- descent, se dissout et met en liberté de l’oxygène, dont une partie sert à activer l’incandescence. Ainsi, l’incandescence du platine accélère l’évaporation de l’alcool et cette évaporation contribue à maintenir l’incandescence du platine. L’autre partie de l’oxygène mis en liberté se répand dans la pièce et en assainit l’atmosphère; peut-être se produit-il aussi de l’ozone et de l’aldéhvde. La production d’aldéhyde est probable. Le labricant assure qu’il y a une production d’ozone, quand on mêle a l’alcool une petite quantité d’un liquide qu’il nomme ozogène, et qui doit contenir des éthers.
- Quoi qu’il en soit, la purification de l’air est manifeste et rapide.
- Cet appareil, imaginé par M. Dôbereiner, est peu coûteux et les médecins belges s’en servent fréquemment. En terminant, nous ne croyons pas inutile de rappeler à nos lecteurs quelques -unes des propriétés du platine, a l’état divisé. Le noir de platine, ou la mousse de platine, ont des propriétés très remarquables; quelques gouttes d’acide formique concentré versées sur de la mousse de platine, déterminent l’incandescence du métal. Sous l’influence du platine divisé, plusieurs substances sont soumises à des décompositions ou à une combustion qui ne se manifestent, en l’absence de ce métal, qu’à des températures très élevées. La mousse de platine détermine par son seul contact la combustion du gaz hydrogène, etc. Berzélius, qui a étudié ces phénomènes, a voulu les expliquer par l'action de présence, la force catalytique ; ces mots n’expliquent rien en réalité, et l’on ne connaît encore aucunement la véritable cause de cette action.
- Le platine laminé possède encore, quoique à un degré moindre, les propriétés du platine divisé. On le démontre dans les cours au moyen de l’expérience de la lampe sans flamme, dont nous avons écrit le nom au commencement de la présente notice, et, dont nous donnerons en finissant, le mode d’exécution.
- On verse au fond d’un verre une petite quantité d’alcool mélangé d’éther ; on suspend une spirale de fil de platine à un carton qui peut couvrir le verre ; et qui permet à cette spirale d’affleurer seulement le liquide. On fait rougir la spire de platine dans la
- Lampe à spirale de platine incandescente pour la purification de l’air.
- p.301 - vue 305/432
-
-
-
- 502
- LA NATURE
- llatnme d'uue lampe a esprit-de-vin ; quand elle est rouge, onia place dans le verre au-dessus de l’alcool : elle continue a rester incandescente. D' Z...
- DEUX EXPÉRIENCES
- DE PHYSIQUE AMUSANTE
- Voici deux expériences de physique amusante dont le principal mérite est d’èlre d’une exécution facile.
- Première expérience. — Remplissons aux trois quarts un flacon de verre d’un litre de capacité avec une dissolution extrêmement concentrée de glucose. Renversons ce flacon, qu’on aura préalablement bouché, de manière à le laisser dans une position verticale sur son goulot.
- Regardons ce qui va se passer.
- Le liquide sirupeux détruit lentement son équilibre en s’évidant dans sa partie centrale. Au bout de quelques instants, un cylindre vide s’est formé dans toute la masse, laissant contre les parois de verre une couche très épaisse de sirop. Cette couche, s’écoulant à son tour à la partie inférieure du flacon, on peut croire que le liquide a repris son équilibre définitif. Mais il n’en est rien : c’est maintenant, au contraire, qu’un phénomène curieux va se produire.
- Regardons le sommet du flacon, Voici un cône très
- Fig. 1. Fig. 2.
- obtus de sirop qui s’en détache. Le cône s’allonge peu à peu, et prend une forme qui rappelle à s’y méprendre celle des trombes dans les mers des tropiques. C’est alors un filet liquide qui finit par atteindre le niveau du sirop. Il se contourne sur lui-même et prend un mouvement lent mais uniforme de giration (fig. 1). Le phénomène dure ainsi pendant un grand quart d’heure, jusqu’à ce que le glucose adhèrent à la base du flacon, ait fini de s’écouler. Au dernier moment, le filet se rompt à des intervalles de plus en plus rapprochés, donnant lieu chaque fois à de petites trombes semblables à celle du commencement.
- Cette expérience, qui est du domaine de l’hydrostatique des sirops, me semble fort curieuse. La suivante est encore plus étonnante.
- Deuxième expérience. — Prenons un vase de verre à fond plat, comme on en trouve chez tous les marchands de produits chimiques, d’une capacité de deux litres environ. Versons une couche de mercure de cinq centimètres environ. Enfin, plaçons le vase sous un robinet d’eau à forte pression. Le vase commence d’abord à se remplir jusqu’au bord ; puis, si la force du jet est convenablement réglée, on verra de grosses boules de mercure se promener lentement au sein de l’eau (fig. 2.)
- Ces boules de mercure sont naturellement vides de ce métal. Elles contiennent de l’air. Il y en a qui persistent fort longtemps, quinze à vingt secondes, avant de crever.
- Pour réussir cette expérience un peu délicate, il faut que le jet d’eau soit assez violent pour qu’il traverse toute la masse d’eau du vase et atteigne la surface du mercure. Il entraîne avec lui de l’air; c’est cet air qui emporte avec lui une couche très légère de mercure et forme des ballons si curieux dans l’eau qui surmonte le mercure.
- A. Bleunabd.
- CHRONIQUE
- Un nouveau corps simple. — M. Clémens Win-kler, chimiste allemand, vient d’isoler du minéralAn///-rodite un nouveau corps simple auquel il donne le nom de Germanium. Ce minéral se trouve dans une mine d’argent très riche à Ilimmelsfürst, près de Fribourg, et le nouvel élément qu’on y a découvert ne l’a été qu’après de très longues recherches. Il ressemble beaucoup à l’antimoine dans ses propriétés, mais s’en distingue cependant. M. Winkler s’occupe de déterminer son poids atomique afin de voir s’il prend la place vacante entre l’antimoine et le bismuth dans le système périodique.
- Les plantations sur les routes. — Dans le dernier Bulletin qu’il vient de publier, le Ministère des travaux publics donne l’état des plantations sur les roules nationales, au 1" juin 1885. Sur 24 000 kilomètres, susceptibles d’être plantés, il en reste encore environ 9300 ki-‘ lomètres, qui ne le sont pas. Le nombre total des arbres existants s’élève à 2 871384 et les essences principales sont le peuplier, l’orme, l’acacia, le frêne, le tilleul, le sycomore, le platane ; dans quelques rares départements, on trouve des cerisiers, des châtaigniers, des noyers, des pommiers, des mûriers, des poiriers.
- Une machine h vapeur centenaire. — Une machine à vapeur du type Soleil el Planète (Sun and Planet), dessinée par James Watt et portant la date 1785, peut être vue, fonctionnant journellement à la brasserie de MM. Whitbread and C° dans la Cité à Londres. Cette machine a subi quelques modifications destinées à augmenter sa puissance, mais ses parties principales sont restées telles qu’elles étaient sorties des mains du constructeur.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 5 avril 1886.— Présidence de M. l’amiral Jdrien de la Gravière.
- M. Chevreul. — C’est avec la plus vive satisfaction qu’on voit M. Chevreul occuper de nouveau le siège d’où la maladie l’avait éloigné depuis quelques semaines. L’illustre doyen des étudiants de France paraît un peu fatigué, mais il a conservé toute la verdeur qu’on lui connaît; le président lui ayant souhaité la bienvenue en termes excellents, il a répondu par une allocution que son médecin en titre, M. Vulpian, a dù interrompre au nom de l’intérêt de sa santé.
- Constitution de l'écorce terrestre. — M. Faye continue l’exposé de ses idées si ingénieuses sur la géologie profonde. Malgré les objections qui lui ont été faites et aux-
- p.302 - vue 306/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 503
- quelles il a répondu, il persiste à penser que l’écorce du glo'oe est plus épaisse sous les mers que sous les régions continentales. Il rappelle la carte de M. Issel qui montre dans ses Oscillazioni lente del suolo que ies régions sous-marines tendent à s’affaisser tandis que les portions continentales se soulèvent généralement. Les inégalités de la surface de la terre résultent, suivant les vues d’Elie de Beaumont, de la contraction du noyau interne que suit nécessairement l’écorce dans son mouvement centripète. Après avoir abandonné la doctrine du réseau pentagonal, on a essayé de prouver que la forme définitive de la terre sera celle d’un tétraèdre tordu autour d’un de ses axes. Or, outre que les sommets de ce tétraèdre, qui seraient les Alpes, l’flimalava et les monts Rocheux sont loin d’être équidistants, on reconnaît que les astres plus avancés dans leur évolution, comme la Lune, ne montrent aucun indice de cette forme et sont semblables à des sphères parfaites. La conclusion, c’est que l’hypothèse développée par l’auteur est jusqu’ici la seule qui rende compte des phénomènes.
- Entomologie du Tonkin. — Un médecin militaire, ayant réuni plus de 650 espèces d’insectes dans le Delta du Tonkin, a donné sa collection au laboratoire d’entomologie du Muséum. M. Blanchard a étudié cette première contribution à l’histoire de la faune de notre nouvelle colonie. Le résultat est qu’aucun genre ne parait spécial à la région, mais que beaucoup d’espèces inédites s’y rencontrent. Le caractère général de la faune indique des analogies fort intimes avec celle de la Chine méridionale, de l’Indo-Chine et de la Cochinchine.
- Une nouvelle société. — On annonce la fondation à Autun d’une Société d’histoire naturelle et tous les amis des sciences en apprendront la nouvelle avec plaisir. Vouée d’avance à l’étude d’une des régions les plus intéressantes de la France, la Société a un gage de succès dans le nom de ses fondateurs, MM. Bernard Renault, aide-naturaliste au Muséum, Gaudry et Naudin, membres de l’Institut, de Mortillet, député, Ernest Chantre, directeur du muséum de Lyon, etc., etc. Le Plan d'études que nous avons sous les yeux est riche de promesses ; il ne se passera pas longtemps, sans doute, avant que nous ayons à applaudir aux succès de la Société.
- Perturbation magnétique. — M. Mascart signale une remarquable perturbation notée par les enregistreurs magnétiques des observateurs de Saint-Maur, de Lyon, de Perpignan et de Nice, le 29 mars dernier, à 8 h. 36 m. du matin.
- Vaisseau sous-marin. — La mort de M. Dupuy de Lomé est venue l’interrompre quand il poursuivait le problème de la navigation sous-marine : pensant que les mêmes conditions sont imposées à celle-ci et à la navigation aérienne, M. Zédé, son élève et son collaborateur, transmet aujourd’hui les résultats de ses études et décrit un premier projet d’embarcation qui pourra servir pour la guerre, pour les explorations scientifiques et même simplement pour éviter l’agitation superficielle des flots.
- Lithologie sous-marine. — Chargé par M. Milne Edwards d’examiner les roches provenant des dragages du Talisman, M. Fouqué y a trouvé les espèces lithologiques les plus diverses : ce qui domine, ce sont les gneiss am-phiboliques et les roches volcaniques. Les unes et les autres ont les affinités les plus intimes avec les éléments pierreux des régions septentrionales, Scandinavie et Islande
- et tout porte à croire que des courants ou des icebergs les ont charriés vers le sud. Les calcaires sont nombreux, ainsi que les grès et les schistes ; des fossiles triasiques et tertiaires ont été reconnus. Le sol sous-marin est recouvert d’une couche d’escarbilles provenant des bateaux à vapeur; parfois des cristaux depéridotel d’anorthite s’y sont développés ; la loupe y fait reconnaître plus d’une empreinte de fougère.
- Varia. — La planète 254 a été observée par M. Bi-gourdan. — Une notice sur M. Lallemand est lue par M. Mascart. — M. Prillieux pose sa candidature à la place de M. Tulasne, décédé ; et M. Brown-Séquart à celle de M. Vulpian, devenu secrétaire perpétuel. —M. Hirn continue ses recherches expérimentales sur la vitesse d’écoulement des gaz. — Une élude du roulis des navires est lue par M. l’amiral Paris. — M. d’Arsonval lit une note sur un enregistreur automatique de la chaleur dégagée par un être vivant. SxA.MstAS Meunier.
- LES CARRELAGES BICHROMES
- Commençons par rappeler à nos lecteurs le sens de quelques expressions usitées dans le langage algébrique.
- On nomme Combinaisons ou Produits différents d’un nombre m de lettres de l’alphabet prises deux à deux, ou trois a trois, ou quatre à quatre, etc., les différents résultats qu’il est possible d’obtenir en écrivant, les unes à la suite des autres, deux, ou trois, ou quatre, etc., de ces m lettres , sous la condition qu’il ne se trouve pas deux résultats formés des mêmes facteurs. Ainsi, par exemple, les combinaisons ou produits deux à deux des quatre lettres a, b, c, d sont :
- ab, ac, ad, bc, bd, cd.
- Les combinaisons ou produits trois à trois de ces mêmes lettres seraient :
- abc, abd, acd, bcd.
- On appelle Permutations d’un nombre n de lettres les résultats qu’on obtient en écrivant ces n lettres les unes à la suite des autres, et cela, de toutes les manières possibles. Ainsi les permutations des deux lettres a et b se réduisent évidemment à ab et ba; celles des trois lettres a, b, c sont :
- abc, acb, cab, bac, bca, cba.
- On désigne enfin sous le nom d'Arrangements de m lettres deux à deux, trois à trois, quatre à quatre, etc., tous les résultats que l’on peut obtenir en écrivant deux, ou trois, ou quatre, etc., de ces lettres les unes à la suite des autres, et cela, de
- 1 2
- 4
- Fig. 1 à 4. — Carreaux divisés en triangles de deux couleurs.
- p.303 - vue 307/432
-
-
-
- 304
- LÀ NATURE.
- toutes les manières possibles. Ainsi, par exemple, les arrangements deux à deux des quatre lettres a, b, c, d sont :
- ah, ba, ac, ca, ad, da, bc, cb, bd, db, cd, de.
- Des formules algébriques très simples donnent le moyen de déterminer à priori le nombre des arrangements de m lettres prises deux à deux, ou trois à trois, etc. ; — le nombre des permutations possibles de deux, trois, quatre .. lettres; — enfin,
- le nombre des produits différents de m lettres prises deux à deux, trois à trois, etc.
- L’application de ces formules conduit, dans divers ordres d’idées, à des résultats extrêmement curieux.
- Les règles relatives aux permutations font facilement connaître le nombre d’anagrammes que comportent les différents mots d'une langue quelconque.
- Ainsi des mots de quatre lettres, tels que Roma,
- Paul, peuvent subir chacun vingt-quatre métamorphoses. Roma donne, par exemple, amor, mora, omar, ramo, orma, etc.,
- Des mots de cinq lettres tels que Paris, Émile donnent lieu à cent vingt permutations ; des mots de six lettres, comme Madrid, Eugène, à sept cent vingt; des mots de sept' lettres, tels que Londres,
- Gustave, comportent chacun cinq mille quarante anagrammes.
- Le principe des permutations peut s’appliquer à des objets très divers. Il en est, par exemple, des mots d’une phrase comme des lettres d’un mot. Ainsi le vers latin :
- Tôt tibi sunt dotes, Virgo, quoi sidéra cœlo
- est dëmeuré célèbre à raison du nombre de permutations qu’on peut faire subir aux huit mots dont il se compose, sans enfreindre pour cela les règles de la prosodie. Le nombre absolu des permutations possibles est de 40 320 ; mais, sous la condition restrictive qui vient d’être indiquée, le chiffre s’abaisse à 3312. Jacques Bernouilli, qui a déterminé celui-ci, déclare avoir rejeté les vers spondaïques, mais admis ceux qui n’ont point de césure.
- Voici un autre vers latin aussi fameux que le premier, attendu que, sans en altérer le sens ni le
- rythme, on peut l’écrire de bien des manières différentes :
- Mars, mors, sors, lis, vis, Styx, pus, nox, fex, mala, crux, fraus.
- Même en satisfaisant à la condition de toujours réserver la dixième place au mot mala afin d’avoir un dactyle à la hauteur voulue par les règles de la prosodie, on arrive à 39 916 800 arrangements différents des douze mots de ce vers.
- Arrivons enfin aux carrelages bichromes, sujet du présent article. Supposons un type de carreau divisé en deux triangles de couleurs différentes. On voit d'abord que, suivant l’orientation qu’il peut prendre, un seul carreau nous offre quatre dessins différents. Toutefois, ces quatre dessins se réduisent en réalité à deux, attendu que les premier et troisième (fig. 1 et 3), les deuxième et quatrième (fig. 2 et 4) ne diffèrent qu’en ce que les triangles teintés et clairs sont mutuellement transposés. Voyons à quelle variété de résultats peut aboutir le fait de la juxtaposition de deux carreaux seulement. Sur chacun des quatre côtés du premier carreau, représenté sous ses orientations diverses par les figures 1, 2, 3, 4 (page 303), on peut placer un second carreau, lequel peut prendre, lui aussi, quatre orientations différentes. On aboutit donc à 4 X 4 X 4 ou 64 arrangements dont une moitié ne fait, il est vrai, que répéter l’autre. Le nombre de dessins différents se réduit, en définitive, à 32. On peut juxtaposer trois, quatre, etc., carreaux. Les assemblages méthodiques de trois carreaux fournissent 128 dessins; ceux de quatre carreaux, 256, etc. Nos figures 5, 6, 7, 8, 9 et 10 exposent quelques spécimens des assemblages décoratifs entre lesquels les architectes peuvent exercer leur choix, quand ils ont a procéder à l’exécution des carrelages d’une maison. Des motifs de ce genre s’emploient aussi très avantageusement s’il s’agit de faire oeuvre d’ornementation de quelques parties des murs d’un édifice, notamment d’une architrave ou d’un soubassement. <•)' ' E. IIennebert.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissaniher. Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fier rus, à Paris *.
- rujrwuun
- 34B34E
- jr\JUk\jr±
- Fis
- . 5 à 10. — Spécimen de quelques combinaisons fournies par les carrelages bichromes
- NV,!
- 10
- iNvvrr
- iAMAA
- ArniA
- p.304 - vue 308/432
-
-
-
- N- 672. — 17 AVRIL 1886. LA NATURE.
- LES EXPEDITIONS POLAIRES INTERNATIONALES
- MISSION AMÉRICAINE A LA POINTE BARItOW, ALASKA
- 503,
- *T
- Les expéditions polaires internationales qui ont été exécutées dans ces dernières années pour l’étude du magnétisme terrestre, compteront parmi les plus belles campagnes scientifiques de notre époque.
- Nous avons donné de nombreux détails sur la mission française du cap Horn1, dirigée par un de nos officiers de marine les plus distingués et les plus énergiques, M. Martial, capitaine de frégate, mort depuis dans les mers de Chine, en soutenant vaillam-
- 1 Yoy. 1774, premier semestre, p. 273, 303, 510.
- U‘ JDDce. — !•' semestre.
- ment l’honneur du drapeau national. La mission américaine dont la scène d’exploration avait été fixée dans l’Alaska, à la pointe Barrow, a récemment publié les résultats de ses travaux en un magnifique ouvrage où nous puiserons pour nos lecteurs quelques renseignements i n t é -ressants L
- Le commandant de l’expédition américaine, le lieutenant P.-II. Ray, a donné le récit complet de la cam-
- * Report on the international polar expédition to point Barrow Alaska. 1 vol. in-4°. avec de nombreuses gravures, cartes et tableaux. — Washington, 1885.
- 20
- p.305 - vue 309/432
-
-
-
- 306
- LA NATURE.
- pagne commencée en juillet 1881 et terminée a la lin de 1883. Une de nos gravures (fig. 2) montre l’observatoire construit au milieu des neiges et des ; glaces, à l’extrémité de la pointe Barrow, au bord même de l’Océan. La construction consistait en une cabane de bois, surmontée d’une girouette donnant la direction du vent. Une petite tourelle en planches, surmontée d’une plate-forme, servait de base à l’anémomètre de Robinson. L’intérieur de la maison comprenait un cabinet de travail pour le chef de l’expédition, trois chambres à coucher, une salle à manger, une cuisine, un cabinet de toilette, une salle pour les instruments, et un grand laboratoire. L’installation a été exécutée avec un soin tout particulier, en ce qui concerne les appareils destinés aux observations magnétiques; les savants américains ont exécuté d’autre part, d’une façon continue, des observations météorologiques très complètes, et ont entrepris des recherches intéressantes sur la température du sol et de la mer.
- Ces observations météorologiques ont été commencées le 18 octobre 1881, et n’ont été interrompues que le 7 octobre 1883. La température la plus haute observée n’a jamais dépassé 15° centésimaux, tandis que la température la plus basse a souvent dépassé — 23°.
- Des aurores boréales multiples brillaient constamment dans le ciel de ces régions, quand les rafales de neige ne voilaient pas les hautes régions de l’atmosphère. Elles ont été enregistrées au jour le jour avec une exactitude rigoureuse.
- En outre de ces travaux multiples, le commandant Ray a exécuté en traîneaux plusieurs explorations importantes qui lui ont permis de rapporter les documents les plus curieux et les plus précis sur les indigènes esquimaux qui habitent le nord de l’Alaska, sur l’ethnographie et la géographie de ces régions encore peu connues. Les indigènes, qui sont d’une humeur douce et sociable, vivent presque exclusivement de pêche; ils ont un outillage qui ressemble absolument à celui de l’âge du renne : llèches en silex emmanchées sur des os, haches de pierre et grattoirs.
- La faune de l’Alaska a été étudiée par les naturalistes de l’expédition, et dans le Rapport que nous analysons, de belles planches coloriées, représentant quelques curieux spécimens d’ornithologie, notamment d’un fort bel oiseau, Rhodostethia Rosea, fort abondant dans ces régions. Les poissons, les insectes, les mollusques, ont été également l’objet d’études intéressantes.
- La physique du globe a eu une large part dans les recherches des savants américains, et plusieurs photographies reproduisent le spectacle des glaces dans le voisinage de la pointe Barrow. Nous reproduisons l’une des plus curieuses d’entre celles-ci (lig. 1). Elle montre le singulier aspect d’un glaçon observé au bord de la mer, pendant le mois d’août 1883. Un autre phénomène glaciaire a encore été observé plusieurs fois par les membres de l’ex-
- pédition américaine; nous voulons parler de voûtes de glaces, formées par la compression latérale de deux glaçons qui sont ainsi conduits à se surélever en formant une arche naturelle, au-dessous de laquelle il ne tarde pas à se former des stalactites d’eau congelée.
- L’expédition américaine dont nous ne saurions exposer d’une façon complète tous les résultats scientifiques, aura apporté un beau contingent de faits et de découvertes, dans le concert des expéditions polaires internationales. Gaston Tissandieu.
- LA NOUVELLE GARE DE BORDEAUX .
- La Compagnie du chemin de fer du Midi avait été invitée, à diverses reprises, par le Ministre des travaux publics à prendre les dispositions nécessaires pour l’établissement de sa gare définitive des voyageurs à Bordeaux. Déférant à cette invitation, elle avait préparé un projet qui maintenait, en l’étendant, la nouvelle gare sur l’emplacement de la gare provisoire actuelle. Au moment où elle se disposait à présenter ce projet, une autre proposition, émanant de l’initiative privée, fut adressée à l’Administration centrale des travaux publics. Cette proposition, appuyée par la municipalité de Bordeaux, repoussait Remplacement choisi par la Compagnie et installait la gare en cul-de-sac sur les terrains de l’ancien hospice des Enfants-Trouvés, de manière à relier ses voies à celles du réseau du Midi et aux voies de raccordement avec le réseau d’Orléans par un rebroussement court et a courbes de très faible rayon.
- En même temps qu’elle saisissait la Compagnie du Midi de ce contre-projet, l’Administration centrale instituait une commission spéciale dont furent appelés à faire partie M. le maire de Bordeaux et un membre du Conseil général de la Gironde, et qui avait pour mission d’entendre les auteurs de la proposition et les observations de la Compagnie, puis de formuler son avis sur le choix de l’emplacement à adopter pour la gare définitive de Bordeaux.
- La commission, après visite des lieux, reconnut que Remplacement de l’hospice des Enfants-Trouvés était inadmissible, et qu’il convenait, pour éviter tout rebroussement, de maintenir cette gare sur Remplacement de la gare provisoire actuelle, en en reportant les bâtiments, le plus possible, vers les quais, et en donnant aux cours d’accès ainsi qu’aux installations de toute nature les dispositions que nécessitent aujourd’hui les gares importantes, qui sont à la fois gares de passage et gare de banlieue. Dans cet ordre d’idées, elle formule les conclusions suivantes :
- « Le bâtiment des voyageurs sera placé à cheval sur le cours Saint-Jean et reporté le plus possible vers le quai.
- « Le cours Saint- Jean sera prolongé sous la gare par une galerie souterraine.
- « Le viaduc de Paludate sera exhaussé et la hauteur portée à un minimum de 4m,30.
- p.306 - vue 310/432
-
-
-
- LA NAT U U K.
- 507
- « Les dispositions des cours d’accès des voies, des quais et des bâtiments devront être étudiées de manière à bien donner à la gare de Bordeaux, son caractère de grande gare de passage et de grande gare de banlieue. »
- Ce programme lut communiqué, par le Ministre des travaux publics à la Compagnie du Midi, le 7 juillet 188i, avec invitation de présenter, avant le 1er janvier 1885, un projet conforme aux indications de la commission.
- Le projet demandé a été produit par la Compagnie le 5 décembre 1884. Il comprend les dispositions suivantes :
- Installation des bâtiments. —La gare est du type unilatéral, généralement adopté aujourd’hui pour les gares qui n’ont pas le caractère exclusivement terminales. Les bâtiments se développent le long de la rue de la Gare et comprennent deux grands corps principaux, séparés l’un de l’autre par des ailes formant également pavillons.
- Le corps principal d’amont est affecté au départ : il contient, au centre, un grand vestibule commun à la distribution des billets et à l’enregistrement des bagages; à gauche les salles d’attente; a droite les installations du buffet. Son axe correspond à celui du cours Saint-Jean.
- Le corps d’aval est exclusivement réservé à l’arrivée, il comporte un vestibule de sortie, une salle d’attente et une vaste salle pour la distribution des bagages.
- Dans les pavillons centraux sont réunies les installations communes aux deux services du départ et de l’arrivée, dépôt des bagages, télégraphe, lieux d’aisances et lavabos, lampisterie et chaufferetterie, cabinets des chefs et sous-chefs de gare, etc.
- Les services annexes sont dans les pavillons d’ailes; le service médical, dans celui d’amont; et le service des postes, dans celui d’aval.
- Les pavillons, outre le rez-de-chaussée, ont un entresol, deux étages et des mansardes. On ménage de même un entresol et un étage dans certaines parties des bâtiments principaux, au-dessus des pièces du rez-de-chaussée, qui n’ont pas besoin d’une très grande hauteur sous plafond.
- Dans ces divers étages seront installés, outre un logement pour le chef de gare et un autre pour le buffetier, tous les services de la Compagnie actuellement disséminés dans des maisons particulières aux alentours de la gare.
- Les surfaces prévues dans le projet satisferont, sans exagération, à tous les besoins, de manière à éviter des remaniements ultérieurs très clifficiles et très dispendieux.
- Cours et trottoirs. — Deux coui-s sont prévues : l’une devant les installations du départ, l’autre devant celles de l’arrivée. Contrairement à l’usage généralement suivi en France, elles ne sont point clôturées et communiquent directement avec les voies publiques, afin de rendre les accès plus faciles et les dégagements plus commodes. Il est entendu
- d’ailleurs que les clôtures seraient établies s'il était démontré, par la suite, que leur suppression a des inconvénients pour le service. En les supposant établies, la cour de départ aurait une largeur de 17m,58 et celle d’arrivée une largeur de 28“*,45, non compris les trottoirs munis de marquises longeant les bâtiments.
- Voies, trottoirs intérieurs et halle métallique. — Le projet prévoit un trottoir de rive de dix mètres de largeur et six voies principales, séparées par des trottoirs de neuf mètres de largeur, sauf le premier qui n’en aurait que six.
- Les six voies et les trottoirs qui les bordent seront couverts par une halle métallique de 518 mètres de longueur et de 56 mètres de largeur.
- Messageries. — Le service des messageries sera installé, en totalité, sur le côté gauche de la gare, avec accès parla rue des Terres-de-Bordes, dont l’une des‘extrémités aboutit aux quais et dont la partie d’aval sera raccordée avec le pont du Cuit.
- Voies accessoires. — L’ensemble des voies de remisage présente un développement de 5200 mètres. Les voies sont desservies par aiguilles et chariot à vapeur; les autres par chariot seulement.
- Des réserves de matériel pour les besoins extraordinaires pourront être placées sur des voies ad hoc, d’une part au voisinage des faisceaux de voies de marchandises à l’aval du pont de Guit, d’autre part dans la plaine d’Armagnac.
- En adressant son projet au Ministre des travaux publics, la Compagnie a présenté les explications ci-après pour justifier quelle s’était conformée, dans la mesure du possible, aux divers points du programme tracé par la commission spéciale.
- Emplacement de la gare. — La Compagnie a reporté l’axe du bâtiment du départ sur le prolongement de celui du cours Saint-Jean. Elle n’a pu faire avancer les bâtiments de la gare davantage* vers les quais, tant à cause dés impossibilités ou des difficultés techniques qui s’y opposent qu’en raison des dépenses exagérées auxquelles conduirait une solution plus radicale.
- Tel qu’il est conçu, le projet oblige aux sujétions suivantes :
- 1° Le viaduc de Paludate devra être remanié sur presque toute sa longueur et élargi en éventail, de façon à permettre, dans des conditions acceptables, le raccordement des voies principales avec les voies courantes en amont de la gare ;
- 2° Le palier de la gare devra être relevé de ü!U,90, afin de n’avoir à la sortie amont de la gare qu’une rampe de 0m,009, qui ne peut être dépassée.
- 5° Ce relèvement placera le sol intérieur des bâtiments à lm,20 au-dessus de la cote du point où le cours Saint-Jean aboutit à la cour du départ. Pour racheter cette différence, on sera forcé de donner a cette cour une assez forte pente transversale et de ménager, devant le bâtiment, trois marches d’escalier pour donner accès au vestibule central, le nom*
- p.307 - vue 311/432
-
-
-
- 508
- LA NATüUE.
- bre des marches allant en s’accroissant successivement des deux côtés du vestibule et le long des ailes en retour.
- Exhaussement du viaduc de Paludate. — Ce viaduc sera remanié de façon à obtenir une hauteur sous poutres d’au moins 4IU,30.
- Prolongement du cours Saint-J eau. — Le projet
- ne prévoit pas le prolongement du cours Saint-Jean sous la gare. Outre qu’elle conteste l’utilité de ce prolongement, la Compagnie du Midi estime qu’elle ne saurait être tenue a l’exécution de ce travail.
- Caractères généraux de la gare. — Afin d’assurer à la gare, au point de vue de la sécurité des voyageurs, son caractère de grande gare de banlieue
- Fig. 1. — Plan d’ensemble de l’état actuel de la gare de Bordeaux.
- en même temps que de gare de passage, la Compagnie, à l’instar de plusieurs des gares de l’étranger, prévoit l’établissement de larges passages souterrains
- communiquant par des escaliers, d’une part avec les trottoirs de la halle couverte, de l’autre avec le trottoir de rive et le vestibule d’arrivée, de manière à
- Fig. 2. — Projet de la gare déünitive. — Bâtiment des voyageurs. — Elévation.
- épargner aux voyageurs les dangers auxquels la I séquence de cette organisation a été l'élargissement" traversée des voies principales les exposerait. La com | des trottoirs sur lesquels déboucheront les escaliers
- Fig. 5. — Plan d’ensemble de l’état projeté.
- d’accès, pour y assurer une circulation facile des voyageurs et du tricycle.
- Le projeta été communiqué, pour examen, au service du contrôle de l’exploitation. Au cours de cet examen, M. l’inspecteur général des mines, directeur du contrôle, a entendu les observations de la municipalité de Bordeaux, au sujet des dispositions projetées. Dans le rapport qu’il a adressé au Minis-
- tre, ce chef de service estime que les dispositions générales proposées par la Compagnie du Midi sont satisfaisantes et conçues d’une façon suffisamment large, au point de vue tant des besoins actuels de l’exploitation qu’à celui des nécessités qui pourront se produire dans l’avenir. X...,
- p.308 - vue 312/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 309
- LE SIPHON-POMPE
- Parmi les nombreuses pompes qui figuraient à la dernière Exposition agricole, il en est une qui a particulièrement attiré notre attention autant à cause de la simplicité de sa construction, que pour les avantages qu’elle peut offrir dans le maniement de certains liquides tels que les acides, par exemple. Il n’y a ni piston, ni soupape, et aucune pièce métallique n’entre en contact avec le liquide.
- Cette pompe se compose d’un tube en caoutchouc AB assez épais et disposé suivant une courbe sur un support en fonte, ainsi que le représente la figure. Un volant monté sur le même support porte deux galets C et D, disposés suivant l’un de ses diamètres, de telle manière qu’ils viennent tour à tour aplatir le tube. Celui-ci est préservé du contact direct des galets, d’abord par une gaine de cuir et ensuite par une lame d’acier qui se trouve placée au-dessus dans toute la longueur. Pour comprendre le fonc-tionnement de cet appareil, supposons que l’une des extrémités,
- B, par exemple, trempe dans le liquide à transvaser , et qu’on tourne le volant dans le sens des aiguilles d’une montre. La galet D écrase le tube et chasse devant lui l’air qui s’y trouve renfermé; à mesure qu’il avance, le tube par suite de son élasticité reprend sa forme primitive et l’air ne pouvant rentrer, la pression atmosphérique fait monter le liquide. Lorsque le galet D est arrivé au bout de sa course, c’est C qui le remplace, de sorte que l’aspiration est continuelle et quand, au bout de quelques tours du volant, le liquide est arrivé dans la partie AB, les galets le chassent devant eux à mesure qu’ils avancent au lieu de chasser de l’air comme au commencement de l’opération.
- C’est donc une pompe aspirante et foulante dont le fonctionnement est très simple. L’aspiration peut se faire aussi bien par un bout que par l’autre, il suffit de changer le sens de la rotation.
- Il y a en outre un avantage sur lequel nous allons insister et qui explique le nom de siphon-pompe donné à l’appareil. Aussitôt que le liquide circule dans tout le tube, si l’on supprime l’action des galets,
- et que l’extrémité par laquelle s’écoule le liquide soit un peu plus basse que l’autre, l’écoulement continuera automatiquement, car on aura alors un siphon ordinaire.
- Dans un premier modèle, pour arrêter le fonctionnement des galets, il suffit d’arrêter le volant au moment où ceux-ci se trouvent dans la position horizontale; la courbe AB n’est pas absolument un arc de la circonférence, elle va un peu en s’évasant vers le haut, de sorte que, dans cette position des galets, le tube n’est presque pas comprimé et le liquide peut circuler librement. Mais ce qui est un avantage pour le siphon est un petit inconvénient pour le bon fonctionnement de la pompe, car on comprend que, au moment où aucun des galets n’appuie sur le tube, il n’y a plus ni aspiration, ni refoulement.
- Aussi dans un nouveau modèle, l’un des galets
- est monté sur une coulisse qui permet de le rapprocher du centre du volant et par suite de supprimer complètement son action au moment voulu. Avec cette nouvelle disposition, on a pu donner à la courbe AB exactement la forme d’un arc de la circonférence et l’effet utile des galets se produit sans interruption, ce qui a permis de porter la puissance de l’aspiration à une hauteur de six mètres et le refoulement à dix-huit ou vingt mètres. Le débit varie suivant les modèles depuis 5000 jusqu’à 7000 litres à l’heux'e. Les grands modèles destinés à fonctionner à poste fixe sont disposés pour être montés sur un bâti et munis d’une partie destinée à recevoir la courroie du moteur qui doit les actionner. Les autres modèles sont montés sur quatre pieds en fonte, et deux sont munis de roulettes, ainsi que le représente notre gravure, ce qui les rend facilement transportables. Outre son emploi tout indiqué dans les jardins et dans les fermes, cet appareil rendra des services, comme nous le disions plus haut, à tous ceux qui ont à manier des acides ; il est à remarquer aussi que par suite de l’absence de piston et de soupapes il ne produit aucun bouillonnement qui puisse troubler le liquide, ce qui le fera rechercher pour la manutention des vins. G. Mahesciial.
- Le siphon-pompe. — Pompe sans piston et sans soupape.
- p.309 - vue 313/432
-
-
-
- 510
- LA NATURE.
- LA
- MALLE DE L’INDE ET DE L’AUSTRALIE
- La malle de l’Inde et de l’Australie constitue à coup sûr le service postal le plus important qui existe dans le monde entier, tant sous le rapport de la longueur du trajet qu’au point de vue de la rapidité avec laquelle il est effectué. On conçoit aisément que l’Angleterre entretienne des relations politiques et commerciales très suivies avec ses possessions d'extrême Orient et d’Océanie, et que des monceaux de lettres, sans compter les télégrammes expédiés par les différents câbles, soient échangés quotidiennement entre ces colonies et la métropole : aussi le Post-Office a-t-il depuis longtemps organisé, pour le transport des correspondances, un service régulier qui a fonctionné d’abord une fois par mois, ensuite une fois par semaine dans chaque sens. Ce service emprunte naturellement une grande partie de notre réseau de voies ferrées, et c’est à ce titre que nous en avons cru devoir entretenir les lecteurs.
- Autrefois, la malle de l’Inde, débarquée à Calais, traversait toute la France jusqu’à Marseille ; arrivée à la gare du Nord, à Paris, elle était aiguillée sur le chemin de fer de petite ceinture et gagnait Bercy, où elle prenait la grande ligne du P.-L.-M.; enfin un service de bateaux emmenait les sacs de dépêches jusqu’à Alexandrie d’Egypte, d’où ils étaient dirigés sur leur destination par la mer Rouge.
- Mais depuis lors, l’itinéraire a déjà été modifié deux fois, et il est probable qu’il le sera encore dans l’intérêt de la rapidité des communications.
- Dès que l’Italie eut construit ses principales lignes de chemins de fer et que la communication par rails eut été assurée entre les localités principales de la Péninsule, le Gouvernement s'attacha à raccorder scs voies ferrées avec tous les grands réseaux européens, dont ils étaient encore séparés par l’énorme massif des Alpes. Le mont Cenis est un des premiers points où cette communication ait été établie, d’abord par un chemin de fer à ciel ouvert système Fell, qui fut inauguré en 1868, ensuite par le grand souterrain qui s’étend de Modane à Bardonnèche sur une longueur de 12 kilomètres, et dont le percement n’a pas exigé moins de treize années de travail. Les Italiens qui attachaient, on ne sait trop pourquoi, une importance extraordinaire au passage de la malle de l’Inde, firent des démarches auprès du Gouvernement anglais en vue de lui faire modifier l’itinéraire de la malle et d’obtenir qu’elle empruntât la voie du mont Cenis et les chemins italiens jusqu’à Brindisi. Le Post-Office accueillit favorablement les propositions de l’Italie, et dès l’automne de 1869, on mit en circulation dans les deux sens, à titre d’essai, une malle supplémentaire, qui suivait le même itinéraire que la précédente depuis Calais jusqu’à Mâcon, où elle quittait la grande ligne du P.-L.-M. pour passer par Chambéry et le mont Cenis, et parcourir ensuite les lignes de la péninsule
- jusqu’à Brindisi, d’où un service de bateaux la transportait à Alexandrie d’Egypte. Le résultat de ces expériences ayant été favorable au nouvel itinéraire, cet itinéraire fut définitivement adopté et l’ancien fut abandonné à dater de cette même année. La voie de Brindisi permettait à la malle se dirigeant sur l’Angleterre de gagner quelques heures, et d’autre part, elle donnait aux habitants de Londres la faculté de ne mettre leurs lettres à la poste que le samedi matin au lieu du vendredi soir, délai qui peut avoir parfois son importance dans les affaires. D’ailleurs le Post-Office^estime avec juste raison que, dans le trajet de la malle de l’Inde, on doit chercher autant que possible à réduire les parcours par mer, attendu qu’on peut atténuer ainsi les causes de retard, plus nombreuses sur mer que sur terre : c’est pour ce motif qu’on a préféré de tout temps la traversée de Douvres à Calais, et c’est probablement une considération de ce genre qui a fait prévaloir la traversée de Brindisi à Alexandrie sur celle de Marseille à Alexandrie. Depuis le 9 janvier 1872, la malle de l’Inde traverse le tunnel du mont Cenis, ce qui lui fait encore gagner plusieurs heures sur la durée de son trajet.
- A partir du 20 novembre 1884, l’itinéraire a été de nouveau modifié aux environs de Paris : les trains spéciaux qui assurent entre Calais et Brindisi, et vice versâ, le transport de la malle de l’Inde et de l’Australie ont cessé de passer par le chemin de fer de petite ceinture et ils empruntent maintenant les voies du chemin de fer de grande ceinture récemment inaugurées; par conséquent, ils ne pénètrent plus dans Paris et ne prennent plus de voyageurs à la gare du Nord, comme ils le faisaient autrefois. Actuellement, l’itinéraire est donc le suivant : Calais (gare maritime), Boulogne, Amiens, Creil, Stains-Picrrefitte, le chemin de fer de grande ceinture jusqu'à Villeneuve-Saint-Georges, Melun, Sens, Joignv, Tonnerre, Dijon, Chalon-sur-Saône, Mâcon, Bourg, Ambéneu, Culoz, Aix-les-Bains, Chambéry, Modane, Turin, Alexandrie, Plaisance, Parme, Reggio, Modène, Bologne, Rimini, Ancône, Castellamare, Foggia, Bari et Brindisi.
- Les trains de la malle de l’Inde et de l’Australie ont lieu normalement une fois par semaine dans chaque sens savoir : de Calais vers Brindisi, le samedi, et dans le sens de Brindisi vers Calais, à des jours et heures qui sont susceptibles de variation et qui dépendent de l’arrivée de la malle venant d’Alexandrie d’Egypte. En conséquence, une marche rapide spéciale a été tracée entre Calais et Brindisi pour être utilisée régulièrement tous les samedis; dans le sens inverse, l’administration des chemins de fer de l’Italie méridionale, de concert avec celles- des chemins de fer romains et des chemins de fer de la Haute-Italie, et avec les Compagnies françaises de Paris à Lyon et à la Méditerranée et du Nord, a trace neuf marches rapides spéciales facultatives, dont l’une est utilisée un jour quelconque de chaque semaine en correspondance avec l’arrivée du
- p.310 - vue 314/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 511
- paquebot ; toutefois nous devons dire que le départ de la malle d’Alexandrie est normalement fixé au lundi soir, et son arrivée à Brindisi au jeudi soir.
- Les trains spéciaux de la malle de l’Inde et de l’Australie sont considérés, pour leur circulation sur les voies de la grande ceinture, comme des trains de transit échangés entre les Compagnies du Nord et de P.-L.-M. Dans le sens de Stains-Pierrefitte à Villeneuve-Saint-Georges, ils sont remorqués par les machines de la Compagnie du Nord et desservis par les conducteurs de cette Compagnie. Dans le sens de Villeneuve-Saint-Georges à Stains-Pierrefitte, leur service est assuré par les machines et par les conducteurs de la Compagnie P.-L.-M. Les machines sont renvoyées à leur dépôt, soit par accouplement aux trains ordinaires, soit isolément.
- Toutefois, comme le nouveau Code des signaux1 n’est pas encore appliqué sur toutes les lignes françaises et qu’il existe encore des différences très notables entre les signaux des diverses Compagnies, certaines mesures de précaution sont nécessaires pour le passage sur la grande ceinture.
- Ainsi un conducteur-pilote de grande ceinture (agent de la Compagnie de l’Ouest entre Stains-Pierrefitte et Noisy-le-Sec et réciproquement, agent de la Compagnie de l’Est entre Noisy-Ie Sec et Villeneuve-Saint-Georges et réciproquement) est chargé d’accompagner les trains spéciaux de la malle de l’Inde et de l’Australie, pour renseigner les mécaniciens et faire assurer, sur les voies du chemin de fer de grande ceinture, l’exécution des prescriptions réglementaires, notamment l’observation des signaux. Ce pilote accompagne également les machines Nord ou P.-L.M. en retour, lorsqu’elles ne sont pas accouplées à des trains d’exploitation. La place du pilote est nécessairement sur la machine qu’il est chargé d’accompagner ; il lui est interdit de monter dans un des véhicules du train. Au passage à Noisy-le-Sec, le train ou la machine en retour doit marquer l’arrêt pour permettre au conducteur-pilote de l’Est de remplacer celui de l’Ouest, et réciproquement.
- Les lettres à destination de l'Inde et de l’Australie partent de Londres tous les vendredis en deux fois : dès le matin, on expédie sur Calais, par le London Chatham and Dover railway et les paqubots, toutes les correspondances arrivées pendant la semaine des différentes villes du Royaume-Uni ; le soir une dernière levée est faite et le départ définitif a lieu à huit heures (heure anglaise) ; les lettres de cette dernière levée, embarquées à Douvres sur un steamer spécial, rejoignent à Calais, vers minuit et demi, celles qu’on avait expédiées dans la matinée. Les sacs de dépêches sont aussitôt débarqués et transbordés dans un train spécial préparé à l’avance, et le départ a lieu immédiatement. Un agent du Post-Office accompagne ces sacs.
- Le train spécial de la malle de l’Inde et de l’Australie représente un poids relativement peu considé-
- 1 Voy. n° 656, «tu 26 décembre 1885, p. ,‘8.
- rable ; sa composition est ordinairement la suivante : trois allèges du Ministère des postes et des télégraphes, pour le transport des sacs de dépêches; un sleeping-car de la Compagnie internationale des wagons-lits et des grands express européens, pour les voyageurs ; un fourgon de tête ; un fourgon de queue ; enfin une machine à grande vitesse, dont les roues motrices ont plus de 2 mètres de diamètre, ce qui veut dire que la vitesse sera considérable : en effet chaque tour de roue correspond à environ 7 mètres de chemin parcouru, et une pareille machine attelée en tête d’un convoi peu chargé, enlève le train avec facilité et développe à plaisir, pour employer le pittoresque langage de nos mécaniciens.
- Le train parti de Calais le samedi matin à minuit trente-six minutes (heure française), arrive à Brindisi le lundi à une heure vingt minutes du matin (heure italienne). Or la distance qui sépare ces deux gares n’est pas inférieure à 2193 kilomètres. Ce colossal voyage s’accomplit donc exactement en quarante-sept heures et cinquante-neuf minutes, si l’on tient compte de ce que l’heure de Rome est en avance de quarante-cinq minutes sur celle du méridien de Paris. Les sacs de dépêches sont aussitôt transbordés sur un bateau de la Peninsular and Oriental steam navigation Company, et à 5 heures du matin, on part pour l’Egypte. Le train de la malle de l’Inde, avons-nous dit, ne prend plus de voyageurs à Paris-Nord; mais il transporte toujours les voyageurs en provenance de Londres ou de Calais, qui sont munis de billets directs pour Bologne ou Brindisi, ou qui se rendent en Egypte ou dans l’Inde.
- Tel est, quant à présent, le fonctionnement de la malle de l’Inde et de l’Australie. Il est question de modifier encore une fois l’itinéraire adopté, afin de gagner de nouveau quelques kilomètres et quelques minutes, et, dans ce cas, le train, quittant a Amiens sa route actuelle, serait dirigé, par Laon, Reims, Châlons-sur-Marne et Chaumont, sur Dijon, où il retrouverait la grande ligne du P.-L.-M.
- D’autre part, nos voisins les Allemands préconisent une combinaison qui aurait pour effet de faire passer la malle par le tunnel du Saint-Gothard. L’itinéraire serait, dans ce cas, ainsi fixé : Calais, Boulogne, Amiens, Tergnier, Laon, Reims, Châlons-sur-Marne, Chaumont, Vesoul, Belfort, Belle, Bâle, Olten, Lucerne, le Saint-Gothard, Bellinzona, Lugano, Chiasso, Milan, Plaisance, Bologne et Brindisi. Il nous semble peu probable que cette nouvelle route soit adoptée, car, si d’un côté elle offre l’avantage d’économiser qnelques kilomètres, d’un autre côté, le profil des lignes suisses, qui présentent de nombreuses rampes, se prêterait difficilement à l’organisation d’un service rapide et occasionnerait certainement des pertes de temps qui compenseraient largement la réduction du parcours, sans parler des mécomptes qui ne pourraient manquer de se produire par suite de l’obstruction des lignes alpestres pendant la saison d’hiver.
- p.311 - vue 315/432
-
-
-
- 3 ! 2
- LA NATURE.
- Nous pensons donc que ce n’est pas dans ce sens que s’effectuera la modification définitive de l’itinéraire de la malle de l’Inde et de l’Australie. La vraie solution de la question interviendra plus tard, lorsque le Grand central asiatique, sorti du domaine des conceptions, sera devenu une réalité et mettra Paris et Pékin en communication par trains directs, avec embranchement sur les Indes : alors le service de la malle, après avoir été mensuel et hebdomadaire, sera rendu quotidien. Nos descendants assis-
- teront sans doute à cette dernière transformation. Et qui sait? le temps marche si vite dans ce siècle qui a vu éclore tant de merveilles, depuis la locomotive jusqu’au téléphone, plus d’un lecteur actuel de La Nature est peut-être appelé à faire plus tard le voyage de Paris à Calcutta par le train direct de la malle de l’Inde et de l’Australie!
- Alexandre Laplaiche,
- Commissaire de surveillance administrative des chemins de fer.
- .INDES.
- AF R I Q U E
- magne
- Australie
- Légende
- XÀ. U T R
- C H E
- J SJLS F
- lUnerYtzres primitif
- Second/ itinéraire;
- Üinérair&proj'etépar Hdltemapne>~
- C/H E\^
- de la malle des Indes.
- Carte du
- vidus vivant au Jardin des Plantes, et celle du Sé-leucide, entouré de l’image d’autres oiseaux de la Nouvelle-Guinée. Aujourd’hui nous pouvons compléter cette première notice par quelques détails inédits sur les Paradisiers et par les portraits du Magnifique et du Manucode dont nous avons parlé précédemment. De ces deux espèces, la première se reconnaît facilement au camail de plumes d’un jaune paille qui est attaché au-dessus de ses épaules et aux deux brins déliés qui partent en divergeant du milieu de ses pennes caudales, tandis que la seconde se distingue par son écharpe verte, ses parements
- LES PARADISIERS
- DE LA NOUVELLE-GUINÉE
- Il y a quelques années, en publiant, dans ce même recueil, un aperçu de la faune ornithologique de la Nouvelle-Guinée, nous avons particulièrement insisté sur les Oiseaux de Paradis et nous avons décrit successivement les espèces de ce groupe qui étaient alors connues des naturalistes ; mais nous nous sommes contentés de mettre sous les yeux de nos lecteurs les figures de deux Paradisiers, savoir celle du Petit-Emeraude, exécutée d’après des indi-
- p.312 - vue 316/432
-
-
-
- Paradisiers de la Nouvelle-Guinee. Le Magnifique (Diphyllodes speciosa) et le Manucode (Cininnurus regius).
- p.313 - vue 317/432
-
-
-
- LA NATURE.
- ÔU
- ornés d’une bordure émeraude et ses filets terminés chacun par une palette arrondie. Toutes deux, après avoir été fort rares dans les collections, sont représentées maintenant, dans tous les musées, par de nombreux spécimens et fournissent journellement à la mode des dépouilles qui sont utilisées comme objets de parure. Ces dépouilles, dont la valeur sur le marché de Paris varie de 15 à 60 francs, proviennent les uns de la Nouvelle-Guinée, les autres des différentes îles de la Papouasie, car Paire d’habitat du Manucode et du Magnifique est beaucoup plus étendue qu’on ne le supposait primitivement. Le premier, le Manucode ou Cicinnurus regim, habite en effet non seulement les parages de la baie Lobo et de la baie du Triton et les flancs du mont Epa, mais encore une partie de la côte septentrionale de la Nouvelle-Guinée, ainsi que les îles de Jobi, de Salwatti, de Woxam et de Wonoumbai. Dans ces deux dernières îles, qui font partie de l'archipel des îles Arou, les Manucodes sont connus des indigènes sous le nom de Goby-Goby. Ils se tiennent plutôt dans les taillis que dans les forêts épaisses et se nourrissent de petits fruits à noyau qu’ils recueillent en sautillant de branché en branche. Ils sont sans cesse en mouvement et se plaisent, de temps en temps, à faire resplendir au soleil les touffes de plumes, à bordure métallique, qui ornent les côtés de leur poitrine, tout en étalant leurs ailes, à la manière des Manakins. Leur vol produit un bruit strident qui s’entend à une grande distance.
- Le Magnifique (Diphyllodes speciosa) dont le voyageur Sonnerat a donné la description dès la fin du dix-huitième siècle et qui a été figuré dans les Planches enluminées de Daubenton, est assez commun dans l’île de Salwatty, où les indigènes le connaissent sous le nom de Sabelo et dans Pile de Mysol où il est appelé Àrung-Arung. D’après Bernstein, il n’est pas rare non plus à Sorong, sur la côte de la Nouvelle-Guinée qui fait face à Salwatty; enfin MM. d’Albertis, Bruijn et Laglaize Pont rencontré communément dans la chaîne des monts Arfak.
- Dans le sud et dans le sud-est de la Nouvelle-Guinée et dans l’île de Jobi, le Diphyllodes speciosa est remplacé par des espèces extrêmement voisines ou plutôt par des races locales qui ne diffèrent de la forme typique que par les proportions des diverses parties du corps et par les nuances des ailes et du manteau et qui ont été désignées par M. Meyer et par feu M. Gould sous les noms de Diphyllodes chrysoptera, Diphyllodes Hunsteini et Diphyllodes jobiensis. Au contraire, dans l’île de Waigiou se trouve une espèce bien tranchée qui a été découverte par M. de Musschenbroek, ancien résident hollandais à Ternate et décrite par M. A.-B. Meyer, directeur du Musée de Dresde. Cette espèce, dédiée à Sa Majesté le roi de Hollande et nommée Diphyllodes Gulielmi III, offre un curieux mélange de traits empruntés au Cicinnurus regius et au Diphyllodes speciosa. Elle porte, comme celui-ci, un camail formé de plumes d’une nature particulière;
- mais ce camail n’est pas d’un jaune paille; il offre à peu près la même teinte que les parties voisines, c’est-'a-dire un rouge aussi éclatant que celui du manteau du Cicinnurus regius. En revanche, la gorge n’est pas rouge comme chez le Manucode ; elle est couverte d’un superbe plastron d’un vert métallique qui descend jusque sur la poitrine, mais qui n’est pas recoupé par un rabat de plumes brillantes et irisées comme chez le Magnifique. Enfin les deux brins de la queue sont moins grêles à l’extrémité que chez le Diphyllodes speciosa sans porter la palette caractéristique du Cicinnurus.
- Le Diphyllodes Gulielmi IIf, qui habite les montagnes de l’île de Waigiou, constitue encore un des desiderata de la plupart des grands musées européens : outre les types de l’espèce qui sont, si je ne me trompe, dans la collection particulière du roi de Hollande, il n’en existe, en effet, qu’un spécimen à Varsovie, un au Muséum d’histoire naturelle de Paris, un ou deux au Musée britannique. Cependant malgré la bizarrerie de son plumage, ce Paradisier n’est pas, à beaucoup près, aussi remarquable que le Paradisornis Rudolphi qui vient d’être décrit, et figuré par MM. Finsch et Meyer dans le recueil ornithologique publié à Budapest sous la direction de M. J. de Madarasz. Ce Paradisornis ne se distingue pas seulement de tous les Oiseaux de Paradis précédemment connus par son bec épais, comprimé latéralement et brusquement recourbé, et par sa queue ornée de deux longs brins terminés en spatule, il porte de chaque côté du corps une magnifique touffe de plumes d’un bleu d’outremer passant au lilas vers la pointe. Le mâle seul est pourvu de ces riches parements qui contrastent par leurs teintes avec la couleur noire de l’abdomen et avec le vert bleuâtre de la poitrine. Sa tête est couverte d’un capuchon d’un noir de velours, rehaussé par une plaque d’un brun pourpré sur l’occiput et par une double tache blanche au-dessus et au-dessous de l’œil; son dos est revêtu d’un manteau d’un noir nuancé de vert et de bleuâtre, et ses ailes offrent également de ces teintes bleues qui sont si rares sur la livrée des oiseaux et qui n’avaient été observées jusqu a présent chez aucun Paradisier.
- Cette magnifique espèce, qui a été dédiée au prince héritier d’Autriche-Hongrie, a été obtenue par un voyageur allemand, nommé Karl Hunstein, dans une partie de la Nouvelle-Guinée qui n’avait pas encore été explorée, sur les hauteurs du mont Hufeisen, situé entre le mont Owen Stanley et le mont Orbée, dans le sud-est de la Nouvelle-Guinée. Le même explorateur a recueilli en outre plusieurs spécimens appartenant à d’autres espèces de Paradisiers qui ont été appelées par M. Finsch et par M. Meyer Astriarchia Stephanœ, Epim.achus Meyeri, Paradisia Finschi et Phonygama purpureovio-lacea. Quelques-unes de ces espèces se rapprochent du Paradisier petit-émeraude, du Phonygame de Keraudren et du grand Epimaque dont nous avons parlé dans une notice précédente; mais l’As-
- p.314 - vue 318/432
-
-
-
- LÀ NATURE.
- 515
- trarchia Stephanœ, dédiée à l’archiduchesse Stéphanie, princesse héritière d’Autriche-Hongrie, n’est pas moins remarquable que le Paradisornis Ru-dolphi. Celte Astrcirchia, tout en offrant sur son plumage ces reflets veloutés et ces brillants métalliques que l’on admire chez les Astrapies, présente des caractères bien tranchés dans la conformation de ses pennes caudales dont les latérales restent assez courtes, tandis que les deux médianes s’allongent démesurément en se creusant en nacelle sur leur face supérieure.
- Nous ajouterons enfin que, grâce à M. Hunstein, le Musée d’histoire naturelle de Dresde s’est enrichi encore de plusieurs espèces d’Üiseaux de Paradis déjà connus, mais extrêmement rares dans les collections, telles que la Lophorhina minor, le Paro-tia sexpennis et l'Âmblyornis subalaris. Cette dernière espèce, qui avait été décrite d’après un individu femelle, mais dont on possède maintenant les deux sexes, diffère nettement de ïAmblyornis inor-nata, vulgairement connu sous le nom d'Oiseau jardinier. En effet, dans YAmblyornis inornata du nord de la Nouvelle-Guinée, les deux sexes portent une livrée terne, à laquelle l’espèce doit son nom spécifique, tandis que chez Y Amblyornis du sud le mâle a la tète ornée d’une énorme touffe de plumes d’un rouge vif, de l’effet le plus étrange. 11 est extrêmement probable que YAmblyornis subalaris possède les mêmes instincts artistiques que son congénère, qu’il construit comme lui de petites cabanes, précédées d’une sorte de pelouse, mais il serait très intéressant de posséder quelques renseignements à cet égard.
- Pouvons-nous espérer que ces renseignements seront recueillis par un naturaliste français? Peut-être, car il nous semble difficile qu’un de nos voyageurs ne se laisse pas tenter par le désir d’explorer celte région orientale et méridionale de la Papouasie qui a fourni aux Anglais, aux Allemands et aux Italiens des spécimens si nombreux et si variés.
- E. Oustalet.
- L’AGE DES POISSONS
- On a souvent parlé du grand âge que pourraient atteindre les poissons. Pour nombre de personnes, il est certain qu’il existe à Fontainebleau des carpes remontant à l’époque de François Ier. Ces faits ont été démentis par les naturalistes. Cependant M. Baird, membre de YUniled States Fish Commission, pense que l’on peut admettre l’âge de deux cents ans pour certaines carpes. « Il n’y a rien, dit-il, qui empêche les poissons de vivre presque indéfiniment, comme ils n’ont pas de période de maturité et croissent chaque année de leur vie. » Il y a à Washington des poissons dorés qui sont dans la même famille depuis cinquante ans, et ils ne paraissent guère plus gros qu’à l’époque où on les acquit : ils ont la même vivacité qu’autrefois. A Saint-Pétersbourg, il y aurait dans les aquariums royaux des poissons ayant authentiquement l’âge de cent quarante ans ; les uns sont beaucoup (5 fois) plus gros qu’à l’époque où on les intro-
- duisit, les autres n’ont pas gagné deux centimètres dé longueur. Nous nous bornons quant à présent à mentionner l’opinion de M. Baird sans en prendre la responsabilité. Nous rappellerons que MM. Heckel etKner attribuent seulement douze à quinze années de vie à la carpe libre. Il y a là une divergence extrême d’opinions qu’il serait intéressant d’élucider.
- L’EXPLOITATION DES MINES
- A TRAVERS LES AGES
- I. L’antiquité.
- Suivant la Genèse, l’art de travailler les métaux aurait été imaginé par Tubal-Caïn, frère de Jubal, l’inventeur de la musique. Son père Lamech étant devenu aveugle, Tubal-Caïn se chargea pieusement de guider ses pas. Mais cet acte de dévouement n’aurait point empêché l’infortuné inventeur de la plus utile des industries, d’être victime d’une tragédie aussi sanglante que celle des Atrides, et peut-être encore plus touchante.
- Jubal ayant aperçu Caïn, qui portait sur son front la marque de la colère divine, crut qu’un animal sauvage s’approchait de son père, qui malgré sa cécité, tenait un arc entre ses mains. 11 engagea donc Lamech à lancer une flèche contre l’ennemi dont il lui indiqua si exactement la position, qu’il le frappa d’un coup mortel. Mais avant de rendre son âme, Caïn eut le temps d’apprendre à son meurtrier qui il était.
- Cette légende barbare a été reproduite sous mille formes différentes par diverses nations, cherchant à exprimer leur sentiment de terreur et de mépris pour les travaux qui s’exécutent dans l’intérieur de la terre, et qui ont pour but principal l’extraction des métaux.
- Si l’on en croit ce qu’Ovide nous rapporte de l’origine des maux sur le globe, c’est l’introduction des métaux dans les usages de la vie quotidienne qui a produit la corruption universelle et rendu nécessaire le déluge de Ileucalion. Les poètes et les philosophes de l'antiquité ont imaginé une échelle descendante du bonheur et de la moralité, dont chaque degré était caractérisé parla découverte d’un métal nouveau. Le fer, qui ne se trouve presque jamais à l’état natif et dont la préparation est le plus généralement due à l’action du feu, était à l’époque où l’auteur des Fastes pleurait ses disgrâces, le dernier agent de corruption que le crime de Promélhée ait introduit dans le monde.
- De nos jours, nous serions incontestablement bien plus enfoncés dans le crime et dans l’impureté, car nous vivons dans l’âge du charbon. Ceux qui le trouvent, le taillent, ou l'apportent à la surface de la terre, devraient donc, en vertu des idées anciennes, participer d’une façon beaucoup plus directe au supplice dont l’inventeur du feu fut frappé.
- On doit même avouer, indépendamment de ces idées mythologiques, que l’œuvre des ouvriers qui vont chercher la houille jusque dans les entrailles de
- p.315 - vue 319/432
-
-
-
- 516
- LA NATURE.
- la Terre est beaucoup plus audacieuse que celle des Titans qui se contentaient d’entasser Pélion sur Ossa pour escalader l’Olympe. En effet les intrépides
- mineurs parvenus dans les profondeurs de l’abîme où ils portent la vie de la science, la pensée, rencontrent à la fois tous les obstacles que Virgile ou
- Fig. 1. — Coupe de la mine romaine de Lamb Boitom.
- Fig. 2. — Pelle romaine.
- Pie romain
- Homère ont semés sur la route d’Enée et d’Ulysse descendant dans l’empire souterrain. L’imagination des poètes s’appliquant à ces grandes fictions n’a point dépassé les bornes de la stricte réalité. L’histoire des travaux ' souterrains offre même des scènes terribles auxquelles ces géants de la pensée humaine n’avaient pu songer.
- L’horreur que les anciens éprouvaient pour les mines et pour les mineurs, provenait en partie des idées superstitieuses , qu’ils se faisaient du caractère des dieux ou des génies ayant établi leur demeure dans l’intérieur de la terre, et qui tous sont plus ou moins repoussants. Pluton lui-même, le Dieu des enfers, est obligé d’enlever la compagne qu’il s’est choisie. Il ne réussit qu’après avoir triomphé de la résistance désespérée de la jeune déesse, et de la nymphe qui l’accompagnait. De même ce n’était que par la contrainte que les travailleurs de l’anti-
- quité pouvaient être retenus dans les galeries souterraines. On peut dire que chez les Grecs et chez les Romains les mineurs étaient tous des esclaves choisis parmi les plus rebelles à la servitude, ou des criminels expiant leurs forfaits, quelquefois même des proscrits. Le régime des mines mystérieuses de Sibérie peut nous donner peut- être encore aujourd’hui une idée assez exacte de celui des exploitations romaines et grecques ou phéniciennes dont on a trouvé des traces importantes dans plusieurs régions différentes, et dont les restes ont fait de nos jours la base d’exploitations fructueuses et célèbres : nous voulons parler des mines fameuses de Laurium, reprises récemment après une interruption de près de deux mille ans. D’autres travaux antiques non moins importants et bien mieux connus, sont ceux que les Romains ont exécutés en Grande-Bretagne pour y extraire du plomb ou de l’étain,
- Fig. 5. — Lingot de cuivre du temps des Romains.
- p.316 - vue 320/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 517
- comme les Phéniciens leur avaient appris à le faire. Afin de donner une idée de l’importance réelle de ces anciens établissements, nous avons fait dessiner la caverne de Lamb Bottom, découverte au milieu du dix-septième siècle dans les environs de Bath, près des rives méridionales de la Severne (fig. 1). Les savants qui ont retrouvé ces travaux abandonnés depuis plus de mille ans y ont pénétré par un puits vertical de 20 mètres de profondeur. Après avoir débouché l’entrée d’une galerie latérale descendant en plan incliné A, et dont la longueur était d’environ 80 mètres, ils arrivèrent à une excavation B ayant de 40 à 50 mètres d’élévation, et dans
- laquelle les captifs assujettis au travail souterrain avaient fait un séjour prolongé.
- Tout le sol que le pas des galériens et des argou-sins romains avait si souvent foulé était couvert de gazon du plus merveilleux aspect, où une flore gracieuse et délicate avait prodigué ses merveilles loin de la lumière du jour.
- Derrière cette première caverne s’en trouvait une seconde, CD comme le montre notre dessin, et l’on a pénétré dans ce second réduit par un couloir pareil au premier, tapissé de même. Partout les cavernes portaient les marques de veines soigneusement exploitées, de'sorte que ces travaux indiquaient un éta-
- Fig. 6. — Les mineurs esclaves, au temps des Romains, conduits par un centurion.
- blissement minier qu’on n’avait abandonné qu’après en avoir tiré tout le parti possible. Il est probable qu’à l’entrée de la caverne se trouvait le campement des légionnaires qui veillaient sur les esclaves et sur les appareils permettant de descendre dans les souterrains.
- Cette opération, qui pouvait avoir lieu soit avec des échelles, soit avec des cordages, devait demander un certain temps. Aussi est-il assez probable que les esclaves ou les condamnés ne sortaient de terre que lorsque la mine était épuisée ou lorsqu’ils devaient recevoir la sépulture. Le régime des chevaux qu’on enferme actuellement dans les galeries peut donner une idée du sort qui leur était réservé.
- Il est facile de deviner ce que devait être le ré-
- gime intérieur de ces établissements pénitentiaires qui devaient être nombreux dans la Grande-Bretagne si l’on en juge par le discours que Tacite fait prononcer par Galcacus, chef des Calédoniens révoltés contre Rome. En effet pour exciter ses compagnons à défendre héroïquement leur liberté contre l’avidité des étrangers, c’est la perspective de se voir renfermés dans le fond des mines qu’il met devant leurs yeux avec l’éloquence entraînante d’un vrai fils de Spartacus déterminé à périr plutôt que d’accepter des fers.
- C’est en s’inspirant de la lecture de la Vie de Jules Agricola que M. Férat a retracé une scène de la vie des mineurs de l’antiquité. Son dessin (fig. 6) montre le point de départ des industries souter-
- p.317 - vue 321/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 518
- vaiues; placé sous les yeux des grévistes contemporains, il les obligerait à reconnaître le chemin que le progrès a déjà parcouru grâce au travail, à la science et à la paix.
- Les outils que les Romains mettaient de force entre les mains de leurs esclaves, étaient dignes du régime barbare auquel le travailleur était alors assujetti. Nous avons donné le dessin d’une pelle et d’une bêche (fig. 2 et 5) qui ont été découvertes au siècle dernier à Parr-Moor dans la paroisse de Saint-Eive (comté de Cornouaille) où existent encore des traces nombreuses d’anciennes exploitations. Les lingots de cuivre que nous avons également montrés (lig. 5) ont été découverts un siècle encore après les outils de Parr-Moor dans l’île d’Anglesey (1871) par un paysan. Les lettres IVLS, ont été évidemment imprimés avec un morceau de bois qui les portait en relief. Cette première application des principes de l’imprimerie, faite pendant que le métal était encore chaud, était évidemment destinée à revêtir les lingots d’une véritable marque 1 de fabrique ; plus de mille ans se sont écoulés avant que l’art songeât à faire un nouveau pas, tant il est parfois difficile et long de comprendre la portée des opérations le plus souvent pratiques.
- Le pic romain qui termine la série des objets que nous reproduisons d’après l’excellent ouvrage de M. Robert llunt sur les mines d’Angleterre (lig. 4) a été découvert en 1858 parM. Weston de Maehynlette près de Wyddyn dans des mines abandonnées que l’on nomme Ogo. La tradition locale prétend qu’on exploite encore dans le pays des gisements métallifères, dont la découverte et l’usage remontent aux esclaves romains. AV. de Fon vielle.
- — A suivre. —
- CHRONIQUE
- i
- | Les chemins de fer de l’Inde. — D’après la statistique des chemins de fer de l’Inde, que vient de publier la direction générale, l’Inde possédait, au 51 mars 1885, 42004 milles de chemins de fer ouverts au trafic et 3655 milles en construction. Dans le courant de l’année, 1218 milles ont été terminés. Sur le nombre total, 4454 milles appartiennent à l’Etat, 6906 à des Compagnies et 664 milles à des Etats indigènes. Le coût total du réseau indien a été de 156 millions de livres sterling, et le produit de l’année dernière a légèrement dépassé 5 0/0 du capital.
- NÉCROLOGIE
- Charles de Laboulaye. — Le savant ingénieur que la mort a récemment- enlevé à ses travaux et à sa famille, est né à Paris le 17 juillet 1813. Elève de l’École polytechnique, puis officier d’artillerie, Laboulaye, en 1836 résolut de se consacrer entièrement à l’industrie et aux études scientifiques. Après avoir parcouru l’Allemagne et l’Espagne, il fut successivement directeur de la Fonderie générale en caractères, où il devint un maître en ce qui concerne l’art de la typographie. Il édita les Annales du
- Conservatoire des arts et métiers de 1862 à 1869, et fut nommé président du Gercle de la librairie. « Il avait depuis longtemps, dit un de ses biographes, M. llaton de la Goupillière, acquis une notoriété qui lui valut l'honneur de représenter la France dans les jurys internationaux de Londres en 1862, et de Paris en 1867 et 1878. Il était, depuis 1862, chevalier de la Légion d’honneur. » Charles Laboulaye a publié des ouvrages remarquables, notamment son Traité de cinématique et son Dictionnaire des arts et manufactures, véritable monument encyclopédique de l’industrie moderne, qui a rendu et rendra encore les plus grands services. Economiste distingué, ingénieur éminent, esprit clair et pratique, travailleur infatigable, tel était Charles Laboulaye comme savant et comme écrivain. Secrétaire du conseil de la Société d’encouragement, aux développements et à la prospérité de laquelle il ne cessa de travailler, M. Laboulaye a consacré entièrement sa longue et belle carrière à des œuvres éminemment utiles qui laisseront longtemps leur trace dans l’histoire des sciences appliquées.
- A. Bouchardat. — A la fin de la semaine dernière avaient lieu à l’église Notre-Dame, au milieu d’une affluence considérable de notabilités scientifiques et d’étudiants, les obsèques du docteur Bouchardat, membre de l’Académie de médecine. Le deuil était conduit parles deux fils du défunt, dont l’aîné est médecin-major au 131“ de ligne. Derrière la famille, venaient les députations de l’Académie de médecine, de la Faculté, de la j Société d’agriculture, de l’Administration des hôpitaux, du j Conseil municipal, des internes et du Laboratoire municipal dont il avait été le fondateur. Bouchardat est né dans le département de l’Yonne en 1806; il se destina de bonne heure à la pharmacie, et il vint à Paris faire ses études spéciales. Eu 1852, il fut nommé agrégé de la Faculté. Après avoir été pharmacien en chef de l’ilôtel-Dieu jusqu’en 1855, il résigna ses fonctions pour se consacrer entièrement à des travaux scientifiques. Nommé professeur d’hygiène à la Faculté en 1852, il était déjà entré à’ l’Académie de médecine dès 1850. Bouchardat lut nommé officier de la Légion d’honneur en 1866. On a du savant professeur des ouvrages considérables, et de nombreux mémoires fort appréciés des spécialistes.
- Marcel Palat. — Un de nos jeunes officiers les plus distingués, qui avait entrepris un grand voyage d’exploration, de l’Algérie au Sénégal en passant par Tombouctou, vient d’étre lâchement assassiné à deux jours de marche d’In-Çalah par des fanatiques qui ne paraissent pas étrangers à la mort du colonel Flatters. M. Marcel Palat était un homme de cœur et de vaillance; né à Verdun le 2 mars 1856, élève de l’école de Saint-Cyr, il avait servi comme sous-lieutenant au 11e hussards dans les bureaux arabes de l’Algérie. Il s’était fait connaître en outre sous le pseudonyme de Marcel Frescati, comme un littérateur de mérite.
- A. Lallemand. — Un des doyens de la science française vient de mourir en la personne d’un physicien distingué, M. Lallemand, correspondant de l’Académie des sciences. Auteur de travaux importants sur les actions électrodynamiques, sur l’illumination des corps transparents, et de recherches en chimie organique qui le conduisirent à la découverte d’un camphre nouveau, le thymol, Lallemand avait su prendre un rang des plus honorables dans l’histoire de la science.
- « Né à Toulouse le 25 décembre 1816, M. Lallemand est entré à l’École normale en 1856; il fut d’abord pro-
- p.318 - vue 322/432
-
-
-
- LA N AT U HE.
- 31 9
- fesseur de physique à Grenoble, à Aimes, à Limoges et au lycée de Rennes, puis dans les Facultés des sciences de Rennes et de Montpellier et enfin à la Faculté de Poitiers, dont il était doyen depuis plusieurs années. Dans les différentes fonctions qu’il a remplies, il a laissé, dit M. Mas-cart, auquel nous empruntons ces renseignements biographiques, le souvenir d’un professeur émérite et d’un homme de bien. Il s’est éteint à Poitiers, en quelques jours, au milieu de la sympathie générale et emportant les regrets de tous ceux qui l’ont connu. »
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 12 avril 1886. — Présidence de M. l'amiral
- JüRIEN DE LA GrAVIÈRE.
- M. Chevreul, tout a fait remis, assiste à la séance.
- La rage du loup. — L’émotion causée dans le public par la mort de trois Russes traités à l’Hôtel-Dieu, a déterminé M. Pasteur à communiquer des faits prouvant, suivant lui, que la rage mortelle est beaucoup plus fréquente après la morsure de loup qu’après celle de chien. Ces faits résultent de huit récits que nous résumerons ici :
- 1° Le 27 février 1706, huit habitants de Saint-Julien de Civry, aujourd’hui dans le département de Saône-et-Loire, sont mordus par un loup : l’un d’eux succombe le jour même et les sept autres meurent après une incubation dont la durée a varié de 17 à 68 jouis.
- 2° Le 26 décembre 1806, neuf personnes sont mordues par un loup enragé aux environs de Lyon : huit succombent en peu de temps.
- 5° Le 16 octobre 1812, dix-neuf personnes de Bar-sur-Ornain ayant été mordues, onze sont mortes de la rage en un laps de temps variant de 7 à 70 jours.
- 4° Un berger est mordu par un loup enragé le 23 février 1819 aux environs de Darbon : 52 jours après, il succombe.
- 5° Le 7 janvier 1866, trois personnes de l’Aveyron sont attaquées par une louve enragée : après 22,23et 28 jours, elles sont mortes toutes trois.
- 6° Le 5 octobre 1874, à Rochet (Charente), deux hommes et un enfant sont mordus par un loup : l’enfant meurt le jour même (est-ce de la rage?) et les deux hommes après 23 et 30 jours.
- 7° Près d’Allevard (Isère) on a noté 4 cas en 1882. La mort est survenue en 9, 13, 15, et 19 jours.
- 8° Enfin, les 11 et 12 mai 1875, un loup blesse six personnes qui meurent toutes après un délai de 13 à 20 jours.
- En rapprochant ces récits, on trouve une mortalité de 82 pour 100 parmi les mordus, et M. Pasteur en conclut que les 19 Russes qu’il a traités auraient sans les inoculations fourni 15 ou 10 décès au lieu de 3. On voit que la durée d’incubation a été d’ordinaire bien plus courte qu’après les morsures de chien et cependant le virus parait être le même dans les deux cas : c’est ce qui résulte des expériences faites sur des lapins avec la cervelle de l’un des Russes morts à l’hôpital. M. Pasteur se demande si le traitement de la rage, après morsures de loup, ne doit pas être fait par des inoculations plus abondantes et plus répétées.
- On se rappelle qu’au lor mars dernier, le nombre des personnes traitées étaient de 350; aujourd’hui 12 avril, il est de 726, comprenant 505 Français, 40 Algériens, 75 Russes, 25 Anglais, 24 Italiens, 13 Autrichiens, 10 Bel-
- ges, 6 Américains du Nord, 5 Finlandais, 5 Espagnols,
- 5 Portugais, 3Grecs, l Suisse, 1 Brésilien, etc. Sur ce nombre, 688 ontété mordus par des chiens et 58 par des loups.
- Astronomie. — De la part de MM. Henry, M. Mouchez dépose une remarquable gravure obtenue d’après la photographie des Pléiades.
- M. Janssen transmet une note de M. Rico, astronome de Païenne qui attribue à la diffraction la présence d’une ligne claire dans certaines raies obscures ou d’une ligne obscure dans certaines raies brillantes observées au spec-troscope dans l’atmosphère.
- En poursuivant des études dont nous avons déjà parlé sur les raies telluriques, M. Janssen a constaté qu’au moment où l’on refoule l’air dans les tubes pour le comprimer, la lumière fournie par des sources très intenses est interceptée. Quand le mouvement se calme, on voit la lumière, mais le champ est traversé de bandes obscures. M. Slanowievicz s’est demandé si ces faits n’expliqueraient pas le réseau phosphorique si bien enregistré par les photographies et qui serait dès lors un effet de diffraction. Il a, en effet, obtenu une reproduction de ce phénomène en photographiant, au travers d’une vitre, un mur recouvert de granulations régulières.
- Projet de chemin de fer. — Nous avons noté, dans la dernière séance, la proposition émanée de M. Aristide Dumont, de construire un chemin de fer parallèle au canal de Suez, depuis la Syrie jusqu’au golfe Persique. Dans une sorte de petit rapport, M. de Lesseps émet l’opinion que ce chemin de fer est très praticable et même qu’il pourra produire des bénéfices. Il se fonde sur l’encombrement permanent des lignes égyptiennes. Il paraît cependant ne pas prévoir un grand transit de marchandises par cette voie nouvelle.
- Varia. — Le centenaire de Parmentier sera célébré le 26 avril ’a Montdidier. — M. Recoura étudie les oxydes de chrome au point de vue thermochimique. —Une étude des lombriciens du Muséum est adressée par M. le professeur Perrier. — La compressibilité des gaz occupe M. Antoine. — D’après M. Felz (de Nancy), les urines fébriles ont des propriétés toxiques très manifestes. — M. Colladon traite de l’origine électrique des nuages orageux. — De la part d’un auteur dont le nom nous échappe, M. Milne Edwards dépose un mémoire sur le régime alimentaire des tortues marines. Stanislas Meunier.
- CORRESPONDANCE
- sur l’aimantation des montres par les dynamos
- Paris, le 7 avril 1886.
- Monsieur le rédacteur,
- La Nature du 16 janvier dernier (n° 659, p. 111) contenant un article sur la désaimantation des montres, nous pensons qu’il vous sera agréable de connaître le moyen pratique que nous employons.
- Le nombre des montres aimantées étant devenu assez considérable, nous avons construit un appareil dont voici la description. Il se compose d’une boîte en métal (contenant les pièces à désaimanter) animée d’un mouvement de rotation et de translation devant un électro-aimant. L’électro est actionné par une pile dont la puissance va décroissante, jusqu’à ce qu’il ne donne plus d’attraction sur les fers doux, C’est en somme le principe de rompre les pôles magnétiques indiqué dans votre journal.
- p.319 - vue 323/432
-
-
-
- 320
- LA NATURE.
- Nous avons opéré avec le plus grand succès sur plusieurs pièces et nous serons heureux si le procédé que nous indiquons, peut être utile à vos nombreux lecteurs.
- Veuillez agréer, etc. Le Roy et fils,
- Horlogers de la marine.
- LA MONTRE SANS AIGUILLES
- JIM. Scliwob ont récemment mis à la mode une nouveauté : une montre sans aiguilles. Une montre qui n’a pas d’aiguilles ! comment peut-elle marquer l’heure? Tout simplement en l’indiquant directement en chiffres. Ordinairement, il faut que l’esprit fasse certain effort d’attention pour lire l’heure; l’œil doit se porter sur les deux aiguilles à la fois et bien voir chaque division du cadran, pour que nous puissions enfin nous répondre à nous-même : il est telle heure et telle minute. Et c’est, paraît-il, plus difficile qu on ne serait tenté de le penser tout d’a-
- bord, car, sur dix personnes mises à l’épreuve, nous n’en avons trouvé que quatre qui aient exactement lu la minute marquée; on se trompe généralement d’au moins une minute h une minute et demie. La montre sans aiguilles évite cet inconvénient. Son cadran, sans aucunes divisions, porte seulement côte à côte, l’une au-dessus de l’autre, deux petites ouvertures, deux guichets. Sur celui d’en' haut, on lit l’heure; sur celui d’en bas, les minutes. Il n’y a plus d’hésitation possible : l’heure ou les minutes apparaissent nettement en noir sur fond d’argent; par exemple : guichet du haut, 5 heures; guichet du bas, 10 minutes. Une trotteuse marque d’ailleurs les secondes (lig. 1).
- Le secret de cette combinaison n’est pas difficile à deviner. Le fond argenté sur lequel est inscrite l’heure en chiffres noirs appartient à un disque, à un petit cadran, si l’on veut, qui porte sur sa circonférence les douze heures de la journée. Le bord
- Fig. 1, — Montre sansjaiguilles. Aspect jlu cadran.
- du disque et le chiffre se montrent seuls sous le guichet. Toutes les soixante minutes, le disque tourne à l’intérieur d’une division, de façon à pousser sous le guichet l’heure suivante.
- Sous le guichet des minutes, tournent de même deux petits cadrans tangents dont on n’aperçoit que les bords qui se juxtaposent. Le cadran de droite porte les minutes, celui de gauche les dizaines de minutes. Toutes les soixante secondes, le chiffre des unités change ; toutes les dix minutes, le chiffre des dizaines. L’apparition successive et répétée des nouveaux chiffres sous le guichet, véritables changements à vue, ne sont pas sans intéresser les curieux. En somme, c’est une montre avec ses rouages ordinaires, dans laquelle les dents intermédiaires manquent et qui n’engrènent que toutes les minutes et toutes les heures (fig. 2).
- Ce système, qui peut sans doute présenter quelques inconvénients à certains points de vue, offre d’autre part de véritables avantages. Non seulement il donne beaucoup de précision à la lecture, mais
- Fig. 2. — Montre sans aiguilles. Détail du mécanisme.
- il permet de bien apprécier le temps qui sépare chaque minute écoulée; il y a apparition d’un véritable signal optique et même acoustique, car l’oreille perçoit nettement à chaque changement de chiffre un petit bruit sec ; il devient ainsi inutile de regarder sa montre pour mesurer un intervalle de temps donné. C’est une qualité précieuse pour les ingénieurs, pour les médecins, pour les officiers, pour les voyageurs et pour tous les observateurs. L’expérimentateur sait exactement quand commence et finit la minute. La seconde indépendante ne donne pas ce résultat. Aussi « la montre sans aiguille » nous paraît devoir rendre des services que l’on ne pourrait même réclamer d’un chronomètre coûteux. On l’a présentée comme un objet de curiosité, sans trop apercevoir peut-être ses qualités spéciales. Curieuse, soit! mais utile aussi, cette nouvelle montre sans aiguilles! Henri de Parville.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissahdier.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleuras, à Pans.
- p.320 - vue 324/432
-
-
-
- .V 0 75.
- ‘24 AVRIL 1886,
- LA NATURE
- 321
- LES MANÈGES A PLANS INCLINÉS
- a l’exposition agricole ru palais de l’industrie EN 1886
- Nous avons signalé précédemment1 l’intérêt croissant que présentait l’Exposition de machines annexée au concours agricole du Palais de l’Industrie. L’importance de ces expositions grandit chaque année, et les principaux constructeurs français tiennent à honneur d’y prendre part à côté de leurs concurrents étrangers, montrant ainsi qu’ils ne redoutent pas de soutenir la comparaison pour cette catégorie d’appareils, restée trop longtemps l’apanage exclusif
- des constructeurs anglais et surtout américains. Nous avons donc pu y admirer de belles machines de provenance nationale, moissonneuses-lieuses, faucheuses, semoirs, coupe-racines, charrues, etc., conservant l’élégance et le cachet français tout en présentant les formes robustes, la grande simplicité de type tout à fait indispensable à ces appareils destinés à être maniés sans précaution et soumis à des chocs fréquents. Malheureusement la situation actuellement si critique de l’agriculture, dans nos provinces les plus fertiles, ne permet guère au cultivateur de faire les frais de ces engins perfectionnés qui contribueraient cependant, pour une large part, à améliorer sa situation en réduisant les frais de
- Manège à plan incliné utilisant le poids du cheval qui le fait fonctionner.
- main-d’œuvre dont la prédominance devient exagérée dans les revients de toutes les cultures; et les constructeurs se voient réduits trop souvent h conserver pour les expositions des machines dont ils ne trouvent plus l’écoulement.
- Quoi qu’il en soit, sans se laisser décourager, ils ne cessent cependant d’améliorer leurs types ou d’en inventer de nouveaux mieux appropriés aux besoins ; et on ne saurait nier que la mécanique agricole n'a fait durant ces vingt dernières années des progrès continuels, qui sont pour ainsi dire sensibles d’une année à l’autre. Les charrues, par exemple, se sont complètement transformées, en même temps que le
- 1 Voy. n° 670, du 3 avril 1886, p. 275.
- 14e année. — 1er semestre.
- fer y a définitivement remplacé le bois dans la construction, la forme de l’âge, la direction oblique à donner à l’effort de traction pour assurer l’enfoncement, la forme du soc, la courbure du versoir, tous ces éléments abandonnés jusque-là à la routine ont été scientifiquement étudiés, et ont permis d’augmenter dans une forte proportion le travail de cet outil primordial qui s’était transmis à nous à travers les siècles, sans avoir subi aucune modification pour ainsi dire depuis Yaratrum romain. Les mêmes études ont été appliquées à tous les autres outils de la ferme, en même temps qu’on en créait de nouveaux pour suppléer à la main-d’œuvre devenue trop chère ou trop rare, et nous avons vu apparaître les herses, les râteaux à cheval, les coupe-racines,
- 21
- p.321 - vue 325/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 522
- les extirpateurs, les semoirs, les faucheuses ou les moissonneuses, qui vont remplacer ces outils antiques, la faucille, la serpe ou la faux, et enfin les lieuses dont la réalisation aurait paru impossible auparavant. Le battage des grains s’effectue mécaniquement, et nous pourrions citer également tous ces nouveaux engins qui figuraient déjà à l’Exposition de meunerie de 1884 et qui paraissent appelés à transformer complètement cette industrie. Nous avons retrouvé enfin au Palais de l’Industrie les petits moteurs mécaniques que nous avions déjà signalés précédemment, comme le moteur Davey, Abel Pifre, etc., et qui rendront aussi des services précieux pour remplacer la main-d’œuvre.
- A côté de ceux-ci, on s’est attaché également à perfectionner les appareils servant à utiliser le travail des chevaux, et l’antique manège lui-même n’a pas échappé a ces transformations. L’Exposition de 1885, par exemple, renfermait de nombreux exemples du manège à plan incliné d’un type dont nous représentons la vue dans la figure ci-contre.
- Ce manège est disposé de manière à utiliser le poids du cheval qui le met en marche en même temps que l’effort de traction qu’il peut développer; la construction repose sur un principe analogue à celui qui a guidé M. Gaston Bozérian, pour son baromoteur, ce curieux appareil dont nous avons donné la description dans un numéro précédent de La Nature L
- L’homme qui fait mouvoir le baromoteur agit, comme on sait, principalement par son poids ; il fait les mêmes mouvements que pour s’élever en se tenant sur des marches qui se dérobent continuellement sous lui. Celles-ci sont supportées par des pédales articulées qui reçoivent ainsi un mouvement oscillant qu’on peut transformer en mouvement circulaire ou utiliser directement sous cette forme. Le travail développé dans ces conditions est beaucoup plus élevé que si l’homme se bornait à utiliser la force musculaire de ses bras en agissant sur une manivelle ordinaire. Dans ce dernier cas, le travail fourni ne dépasse pas 6 kilogrammètres par seconde, tandis qu’un homme employant sa force a monter les échelons d’une roue à chevilles peut développer un travail de 9 kilogrammètres. Il est donc très important de faire consister le travail de l’homme dans la simple élévation de son corps pour obtenir le rendement maximum ainsi que l’a fait M. Gaston Bozérian dans son ingénieux baromoteur.
- Le même principe peut-être appliqué au travail des chevaux, et au lieu de les faire marcher en tournant continuellement sur une piste horizontale dans un manège ordinaire, on utilise l’effort de la gravité, et on les fait travailler en s’élevant sur une piste inclinée : Celle-ci doit alors nécessairement se dérober sous leurs pas, et elle reçoit la forme d’une sorte de toile sans fin, constituée par des planches
- 1 Voy. a» 223, du 8 septembre 1877.
- articulées qui roulent sur des galets parallèles comme l’indique la figure. Le mouvement ainsi déterminé est recueilli sous les rouleaux extrêmes munis tous deux de poulies rattachées entre elles par une courroie, et il est transmis à l’arbre récepteur par des engrenages appropriés. La piste reçoit la longueur et la largeur du cheval, et celui-ci se trouve enfermé dans l’appareil comme dans une sorte de boîte; il est attaché par la bride aux parois de la boîte, et il agit en essayant continuellement de s’élever, et poussant les planches de la toile de la piste. Dans ces conditions, il fournit par son poids une composante parallèle à la piste qui s’ajoute à l’effort de traction développé par lui. Comme le poids moyen d’un cheval de culture est de 450 kilogrammes, on voit que cette composante, multipliée par le sinus de l’angle d’inclinaison, peut atteindre encore une valeur très sensible malgré la faible inclinaison de la piste, si on considère que l’effort de traction d’un cheval attelé à un manège et marchant au pas ne dépasse guère 45 kilogrammes. Il serait fort intéressant, à ce point de vue, d’avoir des comparaisons précises fournissant une mesure exacte du surcroît de travail ainsi obtenu ; nous ne croyons pas que ces expériences aient été faites, mais nous avons pu constater en pratique qu’un manège ainsi disposé, adapté à une batteuse, comme c’est le cas habituel représenté sur la figure, permet de battre avec un seul cheval une quantité de grain qui exigerait deux ou même trois chevaux, avec les manèges ordinaires dont le montage est souvent trop imparfait et entraîne ainsi des frottements énormes.
- Les manèges à plans inclinés dont nous venons de donner la disposition, sont généralement complétés par des régulateurs de vitesse avec freins, dont le type varie suivant les constructeurs, et qui permettent de prévenir les brusques variations de vitesse résultant de l’irrégularité des efforts du cheval. L. B.
- LES EXPOSITIONS FLOTTANTES
- allemandes
- Le Bulletiti du Musée commercial de Bruxelles publie l’extrait suivant d’un journal portugais, le Diario de Noti-cias : « Nous avons été invités aujourd’hui k visiter un navire commercial allemand, faisant partie de la flotte du commerce universel, organisée par la Société de géographie de Berlin, en vue de faire apprécier dans le monde entier les produits de l’industrie allemande, en concurrence avec les produits similaires des‘autres nations. Yoilà un merveilleux moyen de lutter en pleine paix par la civilisation. Le vapeur Gallorps vient visiter notre port avec ces intentions pacifiques. C’est une grande maison de commerce flottante. Bon Marché, Ménagère, Printemps, Louvre, d’un nouveau genre, elle vient nous offrir les produits des fabriques d’Allemagne, elle nous les vend, prend nos commandes, et cela à des prix d’autant plus bas qu’elle représente les intérêts du commerce allemand réunis en association et qu’elle est soutenue par la So-
- p.322 - vue 326/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 523
- eiétéde géographie de Berlin, qui a mis à son service une flottille de vapeurs. Ces vaisseaux, aménagés d’une façon toute spéciale, visiteront les ports du monde entier, pour distiibuer leurs catalogues et mettre en vente leurs produits. Celui qui nous visite aujourd’hui, après avoir pris nos commandes, ira dans les ports de la Méditerranée, en laissant à Lisbonne une maison succursale. Le président de la Société de géographie de Berlin est à bord, et sa présence indique bien le véritable caractère de l’entreprise. Docteur en philosophie et en droit, il a compris qu’il est indispensable aujourd’hui d’appliquer ces sciences à l’industrie et au commerce, pour faire de la bonne économie politique. Le docteur Jaunnasch a fait une visite aux rédacteurs de tous les journaux. »
- LAMPE ÉLECTRIQUE A ARC
- DE MM. STREET ET MAQUAIRE
- Dans la description qui a été donnée dernièrement dans La Nature, des Arènes nautiques de la rue Saint-Honorél, il a été question des différents modèles de lampes électriques adoptés pour l’éclairage de la piste, des loges, des couloirs, etc..., chaque système employé devant produire un effet différent en rapport avec la nature du lieu où il se trouve. Parmi ces lampes, il en est une d’un modèle nouveau dont nous n’avons pas encore donné la description, c’est celle de MM. Street et Maquaire. Elle présente un intérêt tout particulier à cause de son système régulateur qui sort complètement de l’ordinaire.
- Dans la presque totalité des régulateurs à arc imaginés jusqu’à présent, c’est la pesanteur (ou un ressort) qui agit pour rapprocher les charbons à mesure qu’ils s’usent, et le courant n'intervient que pour enrayer plus ou moins son action. Ici rien de pareil; le courant seul entretient l’arc à sa longueur normale en actionnant un petit moteur d’une très grande simplicité qui commande directement le charbon supérieur.
- C’est en se basant sur l’emploi des courants alternatifs que MM. Street et Maquaire sont arrivés à la conception de cet ingénieux régulateur.
- Imaginons un électro-aimant placé sur le circuit d’une machine à courants alternatifs et une armature de fer doux maintenue par un ressort à une petite distance des pôles de cet électro. Aussitôt que la machine entrera en mouvement, l’électro sera aimanté et attirera son armature ; mais les courants qui le traversent changeant de sens à chaque instant passent nécessairement par zéro, et à ce moment l’armature est abandonnée à l’action du ressort antagoniste. Elle est donc animée d’un mouvement alternatif et on peut la munir à la partie supérieure d’un rochet qui actionnera une roue dentée. Cependant ce mouvement alternatif de l’armature a une amplitude très faible, c’est un mouvement vibratoire; il faudrait que les dents de la roue fussent infiniment petites, et encore le rochet ne les prendrait-il pas bien régulièrement. Les inventeurs ont
- 1 Vov, n" 669, du 27 mars 1886, p. 262.
- tourné la difficulté en les supprimant complètement ainsi que le rochet et en les remplaçant par l’adhérence magnétique. A cet effet, la roue motrice M (fig. 1) est en fer doux ainsi que l’armature A qui lui est tangente; aussitôt qu’il y a attraction par la bobine, l’armature et la roue s’aimantent par influence, il y a adhérence entre elleg, et l’une entraîne l’autre. Mais lorsque l’attraction de la bobine cesse, l’aimantation par influence cesse en même temps et l'armature revient en sens inverse sans entraîner le disque M qui tourne par suite toujours dans le même sens. Tel est le principe du moteur. On voit qu’il tend constamment au rapprochement des charbons, et si rien ne venait s’y opposer il les amènerait au contact. Afin de régler son action, on a ajouté un frein en fer doux FOF' pivotant en O et qu’un ressort Ii tend constamment à presser sur le disque M ; l’attraction de la bobine sur l’extrémité F' tend au contraire à diminuer cette pression. 11 suffit donc, lorsque l’arc a atteint sa longueur normale, d’agir
- Fig. 1. — Lampe Street et Maquaire. — Principe du moteur et de son frein.
- sur une vis K de façon à ce que l’action du ressort l’emporte sur l’attraction en F', ce qui a pour effet d’arrêter le disque M. La lampe est alors réglée. En effet, comme la bobine B est à fil fin et montée en dérivation sur l’arc, les choses resteront dans cet état tant que celui-ci aura la même longueur, c’est-à-dire offrira la même résistance au courant; mais dès que, par suite de l’usure des charbons, il se sera tant soit peu allongé, sa résistance augmentant, le courant de la dérivation en B augmentera aussi et c’est alors l’attraction en F' qui l’emportera sur l’action du ressort R, laissant au disque M toute liberté pour obéir à l’entraînement de l’armature.
- C’est, en résumé, une sorte de balance électromagnétique.
- Ce système de réglage est très sensible et rien n’est plus curieux que de l’examiner quand il fonctionne. On voit le disque M, obéissant à toutes les variations de résistance de l’arc, se hâter, puis s’arrêter tout à coup, ou bien ralentir sa course, marcher régulièrement pendant un certain temps, puis s’arrêter de nouveau quand il a tout remis en ordre.
- p.323 - vue 327/432
-
-
-
- 524
- LA NATURE
- On croirait assister au travail d’un être organisé ayant conscience de ses importantes fonctions.
- La figure 2 (a) représente en perspective le mécanisme qui se trouve placé à la partie supérieure de la lampe (b). Afin de doubler l’action du moteur, il y a deux disques M montés sur le même axe, et ils sont actionnés par deux armatures A et A' attirées par chacune des extrémités de la bobine B dont la partie inférieure actionne également l’extrémité F' du frein.
- L’axe des disques moteurs porte à sa partie inférieure une tige filetée qui s’engage dans un écrou faisant partie du porte-charbon supérieur. C’est celui-là seul qui se déplace , l’autre restant fixe. Les deux charbons s’usent également, du reste, puisqu’on emploie des courants alternatifs. Le point lumineux descend naturellement peu à peu; son déplacement total est d’environ 14 centimètres en huit heures d’éclairage; c’est pourquoi on emploie des globes allongés en forme d’œuf.
- Le système de réglage que nous venons de décrire ne tendant jamais à écarter les charbons, et d’un autre côté leur contact étant nécessaire pour l'allumage, on a dû compléter le mécanisme de la façon suivante :
- A la partie inférieure de la lampe se trouve une bobine de gros fil ou solénoïde S(fîg. 2,c) avec un noyau fixe en fer doux. Le porte-charbon, en cuivre, traverse ce noyau et porte à son extrémité inférieure un cylindre de fer doux qui fait armature et qui est attiré de bas en haut dès qu’un courant traverse le solénoïde. Au moment où le courant est envoyé dans la lampe, les charbons ne se touchant pas, il n’a qu’un seul chemin, celui de la bobine B du moteur. En face de la partie supérieure du noyau de cette bobine, et outre la pièce A dont nous avons déjà parlé, se trouve une autre armature qui est disposée à l’extrémité d’un levier qu’on voit en V (fig. 2, a); elle est vivement attirée au moment où la bobine B reçoit tout le courant de la dynamo çt son attraction produit en Y un contact qui envoie une partie du courant dans le solénoïde S et en même
- temps dans une troisième bobine à gros fil dont nous n’avons pas encore parlé et qu’on voit en E. Elle a pour but de maintenir le contact V en attirant une armature invisible sur le dessin et de constituer une résistance qui avec S est un peu supérieure à celle de l’arc normal. Le courant se trouve donc maintenant partagé en deux : la bobine B à fil fin en reçoit une partie, les deux autres E et S reçoivent le reste. Par suite de son passage en S, le noyau s’est aimanté, il y a eu soulèvement du charbon inférieur par l’armature, pas assez cependant pour qu’il vienne toucher l’autre; mais le moteur marche
- et rapidement puisque la résistance de E plus S est supérieure à celle de l’arc normal qu’elles remplacent provisoirement. Donc, au bout de peu de temps, il y aura contact entre les deux charbons, ce qui ouvre une troisième voie au courant, et comme c’est la moins résistante, c’est celle-là qu’il prend immédiatement, abandonnant le circuit de E qui ne peut plus alors maintenir le contact en V. Le solénoïde devient inactif, le porte-charbon inférieur retombe, l’arc jaillit entre lesdeuxcharbons, la lampe est allumée. A partir de ce moment, aucune consommation d’énergie électrique n’a lieu en dehors de l’arc et de sa faible dérivation en B. Lorsque les charbons sont consumés et que le porte-charbon supérieur est à bout de course, il rencontre un arrêt qui produit la fermeture en court-circuit. La lampe s’éteint et ne consomme plus rien ; le courant la traverse facilement pour aller alimenter les autres régulateurs montés en tension avec elle.
- Ces dispositions qui demandent d’assez longues explications, sont en résumé très simples ; elles constituent un régulateur d’un prix relativement peu élevé, d’un fonctionnement sûr et donnant une lumière très régulière. Les différents types en service depuis environ un an fonctionnent parfaitement et nous font présumer qu’ils se répandront rapidement dans les nouvelles installations. G. Markschal.
- Fig. 2. — Lampe électrique Street et Maquaire. — a. Mécanisme moteur placé à la partie supérieure. — b. Aspect île la lampe. — c. Disposition du porte-charbon inférieur.
- p.324 - vue 328/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 525
- UN TROU A LA TERRE. - GRAND PUITS D’OBSERVATION
- PROJET DE M. MARTINEZ
- Nous avons reçu d’un savant de la République Argentine, M. J.-J. Martinez, une curieuse brochure
- qui ne saurait manquer d’exciter l’attention. Voici ce que propose M. Martinez : « Qu’y a-t-il dans le centre
- Pôle Nord
- Fig. 1.__Coupe du globe terrestre à une échelle de 1 centimètre pour 1 000 000 de mètres. Le relief des montagnes est exagéré 50 fois.
- de la Terre? Forons la croûte terrestre et avançons vers l’intérieur pour connaître les phénomènes qui s’y produisent. »
- Le premier appel de M. Martinez a été envoyé, d’après ce qu’il nous apprend, à toutes les sociétés savantes du monde. Aujourd’hui le persévérant géologue publie un second appel, où il revient avec insistance sur le projet de son puits d’observation scientifique. 11 propose à chaque nation civilisée d’unir ses efforts, de fournir 15 à
- 20 millions de francs par an, qui permettraient d’entreprendre ce grand travail : « 11 est certain, dit l’auteur, que plusieurs générations passeront avant qu’on ait atteint le centre de la Terre ; mais la science ne doit pas travailler seulement pour les générations présentes. »
- Nous ne connaissons rien de l’intérieur de notre globe, et la perforation d’un puits d’une grande profondeur dépassant celle de tous les puits forés jusqu’à ce jour, offrirait assurément un
- Fig. 2. — Ligne de 1/5 de millimètre qui représenterait, à l’échelle ci-dessus, la surface terrestre, comprenant les plus hautes montagnes et les mers les plus profondes.
- p.325 - vue 329/432
-
-
-
- LA NATURE,
- 526
- intérêt scientifique considérable. Mais M. Martinez, quand il parle d’aller au centre de la Terre, ne nous paraît pas avoir conscience de la faiblesse de Tbomme et de son impuissance. Admettons que l’humanité tout entière consacre toutes ses richesses et toutes ses forces à entreprendre un tel travail, elle n’arriverait encore qu’à de bien piètres résultats. 11 suffit, pour s’en rendre compte, de se représenter le globe terrestre tel qu’il est.
- On a souvent dit que la terre pouvait être comparée à une orange, dont les dépressions de la peau représenteraient les montagnes et les vallées. Cela n’est pas tout à fait vrai. Les plus hautes montagnes du globe qui sont des masses colossales à côté d’un être humain, sont si peu de chose en comparaison du diamètre de la terre, qu’elles deviennent presque inappréciables. La terre pourrait se comparer plutôt à une bille de billard qu’à une orange ; sa surface pour un Micromégas qui pourrait la considérer d’un seul coup d’œil, serait absolument lisse et unie ; quant aux océans les plus profonds, ils ne forment qu’une pellicule li-
- quide, également inappréciable à la surface de cette sphère.
- La figure 1 représente le globe terrestre dont le rayon est de 6565000 mètres, à une échelle de 1 centimètre pour 1000 kilomètres. Le relief des montagnes et des mers que nous avons figurées, a dù être exagéré 50 fois pour devenir nettement visible. A l’échelle de la figure 1, il aurait fallu indiquer les dépressions des océans et les montagnes, dans une ligne de 1 /5 de millimètre, de l’épaisseur de celle que nous avons représentée fig. 2. Ainsi, même à l’échelle réduite de notre diagramme, les plus hautes montagnes du monde disparaissent, et l’homme, ne l’oublions pas, est la six-millième partie environ en hauteur de ces plus hautes montagnes! Nous avons représenté, en haut du dessin, l’un des puits les plus profonds qui aiént été forés jusqu’ici : il faut diviser la ligne qui le représente par 50 pour que sa dimension soit à l’échelle de la figure !
- La figure 5 ci-dessous donne la hauteur des plus grandes montagnes et la plus grande profondeur des mers à une échelle de 1 millimètre pour 1000 mètres.
- LeGaurisankar 881*0”?
- Fig. 5. — Hauteur des montagnes et profondeur des mers figurée à l’échelle de 1 millimètre pour 1000 mètres.
- A cette échelle, le centre de la terre se trouverait sur le prolongement de la ligne CD à une distance de 6m,565 du point C. On voit quelle pauvre figure fait encore le puits le plus profond de 1170 mètres.
- Admettons que l’on puisse forer un puits quatre, cinq, dix fois même plus profond; on ne ferait encore qu’égratigner légèrement la surface terrestre dont les profondeurs nous seront toujours, hélas! aussi peu connues que les profondeurs des cieux.
- La terre est une sphère immense, lisse et unie à sa surface, les mers y forment une pellicule infime, à peu près comparable à celle que vous obtiendriez, en proportion, en mouillant du doigt une bille de billard. Que devient l’homme et l’humanité sur cette boule emportée dans l’espace? Que deviennent ses constructions et ses travaux? Et que peut devenir le projet du puits au centre de la terre de M. Martinez? Gaston Tjssamher.
- LA CATASTROPHE DE MONTE-CARLO
- Le mois qui vient de s’écouler a vu s’ajouter un nom nouveau à la liste déjà trop longue des accidents de chemins de fer. Cette fois, la catastrophe que nous avons à enregistrer a eu pour théâtre la ligne de Marseille à Nice et à Vintimille, cette ligne
- ensoleillée qui court sur le littoral de la Méditer ranée au milieu des villas et des jardins, des bois d’oliviers et des bosquets d’orangers.
- La ligne de Marseille à Vintimille est, certainement une des plus ravissantes qui existent : d’un côté, la Mediterranée aux flots bleus, que l’on côtoie à partir de Fréjus et de Saint-Raphaël, et dont on contourne les falaises ; de l’autre côté, les montagnes plus ou moins- rapprochées de la voie ferrée, et dont les contreforts viennent mourir dans la mer en formant de nombreux promontoires que le chemin de fer coupe par des souterrains ou des tranchées taillés dans le roc ; partout une végétation splendide : sur les plus hautes pentes des montagnes, les pins ; sur les pentes inférieures, les oliviers; enfin sur le rivage, les citronniers, les orangers, les arbres exotiques. Depuis Marseille jusqu’à Nice, la ligne est à double voie ; mais à partir de Nice, elle n’est plus qu’à voie unique jusqu’à la frontière de l’Italie. 11 va sans dire que cette voie unique se dédouble dans les gares pour permettre le croisement des trains. A quelques kilomètres au delà de Nice, le chemin de fer pénètre dans la principauté de Monaco, enclavée dans le département des Alpes-Maritimes, où il dessert les stations de Monaco et de Monte-Carlo ; puis il rentre sur le territoire français et va se raccorder, à Vintimille, avec les lignes de la Haute-Italie, après avoir tra-
- p.326 - vue 330/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 327
- versé les gares de Cabbe-Roquebrune et de Menton. C’est précisément sur le territoire de la principauté, entre les gares de Monte-Carlo et de Cabbe-Roquebrune, que l’accident qui nous occupe s’est produit dans l’après-midi du 10 mars 1886, accident épouvantable, puisqu’il s’agit d’une collision entre deux trains de voyageurs lancés en sens inverse sur voie unique, et qu’il y a eu des morts et des blessés.
- Les dépêches et les comptes rendus publiés aussitôt par tous les journaux grands et petits ont fourni des détails plus ou moids inexacts sur les causes et sur les circonstances de cet accident : ainsi on a parlé de dédoublement de trains, ce qui, pour toute personne au courant du service des chemins de fer, était faux a priori, puisque les trains supplémentaires ne peuvent avoir lieu sur voie unique; en outre, on a émis des appréciations plus ou moins fantaisistes sur les moyens dont dispose le personnel des compagnies pour assurer la sécurité de l’exploitation sur les lignes à voie unique et pour prévenir les funestes conséquences d’une erreur précédemment commise, cloches électriques, freins continus, etc. Nous allons essayer de reconstituer la série des événements qui se sont accomplis dans la jour • née du 10 mars, et de présenter un récit aussi fidèle que possible de ce drame de quelques instants.
- Pour faciliter l’intelligence de ce qui va suivre et pour éviter des redites, nous rappellerons tout d’abord à nos lecteurs que, sur toutes les lignes françaises, les trains qui s’éloignent de Paris portent des numéros impairs, tandis que ceux qui se dirigent vers Paris portent des numéros pairs : par conséquent, sur la ligne du littoral, les trains allant de Marseille à Vintimille seront dès trains impairs, et ceux allant de Vintimille 'a Marseille seront des trains pairs. D’autre part, dans les gares où la voie unique est dédoublée pour permettre le croisement des trains, les trains suivent toujours la voie de gauche par rapport au sens de leur mouvement ; la voie de gauche en s’éloignant de Paris est désignée sous le nom de voie 1 , et la voie de gauche en allant vers Paris prend le nom de voie 2 : en conséquence, les trains impairs prennent la voie 1, et les trains pairs la voie 2.
- Chaque jour, à 4 heures 57 minutes du soir, le train 479, venant de Marseille, arrive à Menton et en repart à 4 heures 42 minutes pour gagner Vintimille; 3 minutes après son départ, c’est-à-dire à 4 heures 45 minutes, le train 502, formé à Menton même, quitte cette gare pour se diriger sur Marseille. Comme on le voit, il s’effectue déjà,
- en gare de Menton, une sorte de croisement entre le train 502 et le train 479, puisque ce n’est qu’après le passage de celui-ci que le train 502 peut être lancé en sens inverse.
- Le train 502, parti de Menton, arrive à Cabbe-Roquebrune à 4 heures 52 minutes et en repart à 4 heures 53 minutes dans la direction de Monte-Carlo, après une minute seulement de stationnement. Mais derrière le train 479, et à 20 minutes environ d’intervalle, vient le train 485 qui, parti de Monte-Carlo à 4 heures 43 minutes est arrivé à Cabbe-Roquebrune à 4 heures 50 minutes, pour en repartir à 4 heures 57 minutes dans la direction de Menton, après un stationnement de 7 minutes. Un nouveau croisement s’effectue donc, en gare de Cabbe-Roquebrune, entre le train 502 et le train 483.
- Telle est l’organisation du service en temps normal, c’est-à-dire quand aucun retard n’oblige à apporter des modifications dans les points de croisement. Le petit graphique que nous avons joint à notre texte (fig. 1) permettra d’embrasser d’un seul coup d’œil le mouvement de la circulation entre Monte-Carlo et Vintimille, depuis 4 heures 18 minutes du soir, heure d’arrivée du train 479 à Monte-Carlo, jusqu’à 5 heures 30 minutes, heure d’arrivée du train 483 à Vintimille.
- Le règlement général n° 2 de la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée, détermine d’une façon très nette et très précise les mesures de précaution à prendre, tant pour assurer la sécurité de la circulation sur voie unique dans les circonstances ordinaires que pour changer les points de croisement quand il y a lieu.
- Ainsi tout train arrivant dans une gare où, d’après le tableau de marche, il croise un autre train régulier ou facultatif, doit ralentir sa marche, alors même que les signaux avancés indiquent que la voie est libre, de manière à aborder à la vitesse d’un homme marchant au pas l’aiguille de jonction de la voie unique avec les voies 1 et 2. Le mécanicien s’assure, le jour, par la position du signal d’aiguille, la nuit, par la couleur du feu qui surmonte ce signal, que la voie utile est bien donnée, et porte en même temps son attention sur les signaux du sémaphore : Si le sémaphore est au ralentissement, il entre en gare avec précaution ; si le sémaphore est à l’arrêt, il s'arrête immédiatement et ne se met en marche qu’après que l’entrée en gare lui a été donnée au moyen du signal de ralentissement. Les mêmes précautions doivent être prises, autant que possible, à l’arrivée des trains aux gares où doivent s’effectuer des croisements accidentels.
- Lorsque deux trains doivent se croiser à une gare,
- Monte Carlo
- Cabbe-
- Roquebrune
- Menton..
- Fig. 1. — Graphique indiquant la marche des trains -179, 48ô et 502 entre Monte-Carlo et Vintimille.
- p.327 - vue 331/432
-
-
-
- 328
- LA NATURE.
- les sémaphores et les disques avancés de cette gare doivent être mis à l’arrêt, dans les deux sens, dix minutes avant l’heure réglementaire de l’arrivée du premier train. L’entrée est ensuite donnée à celui des deux trains qui se présente le premier, si rien ne s’y oppose d’ailleurs, en effaçant d’abord le signal d’arrêt du disque, puis en mettant le signal du sémaphore au ralentissement. Ces signaux sont ensuite remis à l’arrêt pour couvrir le train. Lorsque le premier train est complètement arrêté en gare sur la voie qu’il doit occuper, le disque avancé, du côté opposé à celui par où il est arrivé, doit être effacé, et le signal du sémaphore correspondant à
- cette direction doit être mis au ralentissement, afin de permettre l’entrée en gare du dernier train.
- Les journaux de train doivent être visés à chaque croisement par le chef de gare, qui indique, en regard de sa signature, dans une colonne spéciale, le numéro du train ou des trains croisés. Cette prescription s’applique aux croisements avec les trains facultatifs indiqués sur le tableau, alors même que ces trains n’ont pas lieu. Dans ce dernier cas, le visa est donné en ces termes :
- « Train na pas lieu. »
- En outre, les gares intermédiaires, dans lesquelles naissent ou meurent normalement ou accidentelle-
- Fig. 2. — La catastrophe de Monte-Carlo.'— L’état de la voie après l’accident. — Vue prise du côté de Cabbe-Roquebrune. (D’après une photographie de MM. Giletta et Gilly, photographes à Nice.)
- ment un ou plusieurs trains, sont considérées comme gares de croisement : 1° pour tous les trains qui y prennent naissance ; ces trains ne peuvent, par suite, se mettre en marche avant que le chef de gare ait inscrit sur leur journal le numéro du dernier train en sens contraire, arrivé à cette gare ou l’ayant franchie sans arrêt; — 2° pour le premier train qui s’y présente après l’heure réglementaire d’arrivée d’un train en sens contraire se terminant normalement ou accidentellement à cette gare ; ce premier train ne peut continuer sa route avant que le chef de gare ait visé son journal en y mentionnant l’arrivée du train en sens contraire, ou lui ait délivré un bulletin de changement de croisement avec ce dernier.
- Enfin, lorsque deux trains se croisent à une gare, aucun de ces deux trains ne doit être expédié avant que le chef de gare ait communiqué avec les deux conducteurs chefs, et se soit enquis auprès de chacun de ces agents des avis ou instructions qu’il pourrait être utile de donner à l’autre. Afin d’éviter les oublis et les erreurs, le chef de gare doit toujours avoir soin de viser le premier le journal du train arrivant le dernier au croisement.
- Donc, en règle générale, un train ne doit pas partir d’une gare où un autre train doit le croiser, avant l’arrivée de ce dernier.
- Cette règle n’admet d’exception que dans le cas suivant : Un train A étant arrivé à une gare où il doit réglementairement croiser un train B marchant
- p.328 - vue 332/432
-
-
-
- 329
- LA NATURE.
- en sens contraire, si le train B est en retard, le chef de gare doit immédiatement se rendre compte de la possibilité de faire continuer le train A jusqu’à la gare suivante, sans attendre l’arrivée du train B. Pour cela, il se concerte, par le télégraphe, avec le chef de la gare suivante, et s’il reçoit l’assurance :
- 1° Que le train B n’est pas arrivé à cette gare;
- 2° Que, quand il y arrivera, il sera retenu et gardé jusqu’à l’arrivée du train A ; il doit donner à ce dernier train l’ordre de continuer jusqu’à la gare suivante. Là, le chef de gare peut à son tour, en prenant les mêmes précautions, faire continuer le train jusqu’à la première gare
- suivante, et ainsi de suite jus ju’à la gare où le croisement des deux trains peut avoir lieu.
- Or, le 10 mars dernier, le train 502 était prêt à partir de Menton, mais le train 479, qui avait éprouvé un retard de vingt minutes environ en cours de route, n’était pas encore arrivé à l’heure où il devait réglementairement le croiser, c’est-à-dire à 4 heures 37 minutes. Conformément aux prescriptions du règlement de la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée, le chef de gare de Menton a du passer à la gare de Cabbe-Roquebrune la dépêche suivante :
- Première dépêche.— Train 479 est-il arrivé à votre gare?
- Fig. 5. — La catastrophe de Monte-Carlo. —Les débris projetés au pied du remblai. — Vue prise au bord de la mer (D’après une photographie de MM. Giletta et Gilly, photographes à Nice.)
- A quoi la gare de Cabbe-Roquebrune a du répondre ainsi :
- Réponse. — Non, train 479 en retard de 20 minutes.
- Le chef de gare de Menton a dù transmettre alors à la gare de Cabbe-Roquebrune une nouvelle dépêche ainsi conçue :
- Deuxième dépêche. — Arrêtez train 479; je vous enverrai train 502.
- La gare de Cabbe-Roquebrune a dû donner son acquiescement en ces termes :
- Réponse. — J’arrêterai train 479; expédiez train 502.
- Avant de faire cette réponse, le chef de gare de Cabbe-Roquebrune devait faire mettre à l’arrêt le
- disque avancé et le sémaphore de sa gare, du côté où le train 479 était attendu, c’est-à-dire du côté de Monte-Carlo.
- Dans ces conditions, le croisement du train 502 et du train 479 était donc reporté à la gare de Cabbe-Roquebrune. Alors même que le chef de gare de Menton eût été informé par des avis antérieurs que le retard du train 479 était assez considérable pour permettre au train 502 d’atteindre la gare de Cabbe-Roquebrune longtemps avant l’arrivée du train 479 à cette gare, il ne devait, quoi qu’il arrivât, expédier le train 502 qu’après s’être assuré, en se conformant rigoureusement aux dispositions que nous venons d’indiquer, que la circulation de ce train ne pouvait rencontrer aucun obstacle jusqu’à
- p.329 - vue 333/432
-
-
-
- 330
- LÀ NATURE.
- la gare suivante. L’ordre de continuer jusqu’à la gare de Cabbe-Roquebrune, dans les conditions sus-énoncées, a été donné réglementairement par le chef de gare de Menton au conducteur chef et au mécanicien du train 502 au moyen de bulletins écrits remis à chacun de ces agents.
- A Cabbe-Roquebrune, le croisement du train 502 et du train 479 a bien eu lieu, ainsi que cela avait été convenu de part et d’autre à la suite de l’échange dés dépêches dont nous avons donné le texte officiel. Le train 479 a donc pu continuer sur Menton, où il est arrivé sans encombre.
- Mais le train 502, qui devait normalement croiser le train 483 à Cabbe-Roquebrune, ne devait pas quitter cette gare avant l'arrivée du train 483. Or ce dernier se trouvait lui-même en retard, par suite du retard du train 479. Au moyen d’un nouvel échange de dépêches entre Cabbe-Roquebrune et Monte-Carlo, le croisement du train 502 et du train 483 aurait pu être reporté à Monte-Carlo, ainsi que nous l’avons expliqué tout à l’heure. Mais, par un oubli inexplicable, le facteur chef Didelot, qui remplaçait le chef de gare de Cabbe-Roquebrune, ayant vu un croisement s’effectuer dans sa gare, s’imagina avoir devant les yeux, non le train 479, mais le train 483, qui n’était pas encore arrivé, et il donna le signal du départ au train 502, sans aucune entente préalable avec Monte-Carlo. A partir de ce moment, la fatalité semble s’en mêler, car tous les agents sans exception accumulent fautes sur fautes. Ainsi le facteur chef Didelot, se figurant qu’il a reçu en gare le train 483, et non le train 479, signe sur le journal du train 502 le croisement du train 48 a. D’autre part, le conducteur chef Féraud et le mécanicien Domergue du train 502, qui avaient quitté Menton munis d’un ordre écrit constatant que le croisement avec le train 479 était reporté à Cabbe-Roquebrune, ne devaient pas ignorer qu’ils n’avaient pas croisé le train 483, et ils auraient dû refuser de quitter cette dernière gare sans un nouvel ordre écrit constatant que le crobement des trains 502 et 483 était reporté à Monte-Carlo ; mais ils ne font aucune objection, et le train se met en marche.
- Pendant ce temps, le train 483 était arrivé à Monte-Carlo, et le chef de gaie qui n’avait pas à compter sur un croisement, puisqu’il n’avait reçu aucune dépêche, donne à ce train le signal du départ.
- Voilà donc deux trains, le train 502 et le train 483 engagés en sens contraire sur voie unique entre Monte-Carlo et Cabbe-Roquebrune, et une collision est inévitable, à moins qu’un agent de l’une de ces deux gares ne vienne à s’apercevoir de la faute commise et ne lance sur la ligne le signal d’alarme, au moyen des cloches électriques dont elle est pourvue ; mais personne n’aura cette présence d’esprit, et dans quelques minutes, l’épouvantable catastrophe va se produire.
- Nous avons déjà eu l’occasion de décrire ici
- même1 les cloches électriques, que nous avons divisées en cloches allemandes ou Siemens et en cloches autrichiennes ou Leopolder. Nous ne reviendrons donc pas sur leur description. Nous rappellerons seulement que ces cloches sont destinées à assurer, sur les lignes à voie unique une sécurité sensiblement égale, au point de vue des accidents d’exploitation, à celle que l’on obtient sur les lignes à double voie au moyen du block-system. Recommandées d’abord aux Compagnies par diverses circulaires du Ministre des travaux publics, les cloches électriques furent rendues obligatoires, par la circulaire du 13 septembre 1880, sur les sections à voie unique où circulaient plus de six trains réguliers par jour, dans chaque sens ; finalement l’emploi de ces cloches a été imposé aux Compagnies, par la circulaire ministérielle du 12 janvier 1882, sur toutes les lignes à voie unique, quelle que fût l’importance de leur trafic, et le système Leopolder a été particulièrement recommandé par l’Administration supérieure. C’est précisément ce système qui a été adopté depuis longtemps par la Compagnie P.-L.-M. L’introduction des cloches Leopolder sur son réseau a eu lieu à la suite de l’accident de Châtillon, survenu le 17 décembre 4876, et la ligne de Nice à Vintimille, en particulier, est pourvue de ces signaux depuis plusieurs années déjà.
- Parmi les signaux qui peuvent être transmis, à l’aide des cloches électriques, à tous les postes échelonnés sur la ligne entre deux gares, nous citerons : le signal n° 1, pour l’annonce des trains pairs; le signal n° 2 pour l’annonce des trains impairs ; enfin le signal n° 9, ou signal d’arrêt général, qui est le plus important de tous. Si nous désignons les coups de cloche par des points, et les intervalles entre les groupes de coups par un trait, la représentation graphique des signaux que nous venons d’indiquer sera la suivante :
- 3 Annonce d’un train impair.
- 2 Annonce d’un train pair.
- Aucun train ne peut quitter une gare d’une ligne à voie unique avant que le signal à cloches de départ ait été passé complètement. Le conducteur chef est responsable, au même degré que le chef de gare, de l’accomplissement de cette prescription.
- Cela posé, supposons qu’un chef de gare lance à tort un train à la rencontre d’un train venant en sens contraire, et cela au mépris de toutes les prescriptions réglementaires : dans ce cas, le train ne pouvant partir avant que le signal à cloches ait été passé (généralement par un autre agent que le chef de gare), il faut pour qu’un accident arrive :
- 1° Qu’aucun des agents de la gare (et tous enten-
- 1 Voy. n° 569, du 26 avril 1884, p. 347.
- p.330 - vue 334/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 331
- dent les signaux à cloche) ne remarque la distraction du chef de gare et n’aille à lui pour lui faire remarquer qu’il se trompe, qu'un autre train déjà cloché et attendu en sens contraire n’est pas arrivé ; 2° qu’aucun des agents de la voie, travaillant sur la ligne, ne remarque qu’on a cloché un train impair, par exemple, avant que le train pair ne soit passé; 5° qu’aucun agent de la gare voisine ne s’aperçoive que le temps normal pour permettre l’arrivée à la gare suivante du train qui vient de partir në s’est pas encore écoulé et que l’on cloche déjà un autre train en sens inverse; 4° enfin il faut encore, pour que l’accident s’accomplisse, que le chef de gare qui a lancé à tort un train, par distraction ^c’est presque toujours le cas), persiste assez longtemps dans cette distraction pour n’avoir pas le temps de passer lui-même le signal d’arrêt général avant que le choc ne se produise.
- Eh bien ! ce concours de coïncidences fâcheuses indispensable pour qu’une collision puisse avoir lieu, et qui paraît impossible à réaliser, s’est produit dans la funeste journée du 10 mars. La gare de Cabbe-Roquebrune a bien passé le signal n° 2 à Monte-Carlo pour annoncer le train 502; mais le chef de cette dernière gare, n’ayant pas fait suffisamment attention au nombre de coups de cloche, a confondu ce signal avec le signal lancé par un agent de sa propre gare, pour annoncer le train 483 à Cabbe-Roquebrune. Aucun agent ne le lui a fait remarquer, et de même, à Cabbe-Roquebrune, aucun agent n’a remarqué que l’annonce du train 483 avait lieu bien avant que le train 502 eût eu le temps de gagner Monte-Carlo. Enfin la garde-barrière qui se trouve aux environs de Monte-Carlo, et qui a entendu coup sur coup l’annonce de deux trains de sens contraire avant d’en avoir vu passer un seul, n’a pas eu l’idée de lancer sur la ligne le signal n° 9, ou tout au moins de faire le signal d’arrêt à l’aide de pétards placés sur les rails ou du drapeau rouge déployé.
- Entre Monte-Carlo et Cabbe-Roquebrune, la ligne décrit de nombreuses sinuosités, et les agents chargés de la conduite des trains n’ont en vue, devant eux, qu’une portion assez restreinte de la voie : aussi les trains 483 et 502 arrivèrent-ils, pour ainsi dire, l’un sur l’autre avant que l’alarme eût été donnée, et quand les mécaniciens s’aperçurent mutuellement, il était trop tard; une équipe de poseurs qui travaillaient à la réfection de la ligne n’eut que le temps de se jeter sur le côté de la voie : un choc effroyable se produisit, dans lequel les deux locomotives furent brisées, ainsi que trois fourgons et quatorze voitures à voyageurs. Pour comble de malheur, l’accident eut lieu précisément au quartier de Saint-Roman, à la hauteur de l’anse de Tenao, dans un endroit où la voie s’appuie sur un mur de soutènement très élevé, dont la base repose sur les rochers qui bordent lu mer, et une partie des wagons se trouva précipitée jusqu’au bas de ce mur, dans une propriété appartenant à M. l’abbé Brun,
- ancien curé de Roquebrune. Sous ces décombres gisaient cinq morts et quarante-trois blessés : telle était la conclusion brutale d’un moment de distraction de quelques agents !
- 11 faut avoir assisté, comme cela nous est arrivé, à des catastrophes de ce genre pour pouvoir se faire une idée de l’état de destruction du matériel et de l’enchevêtrement inextricable de ses débris informes, pour pouvoir se figurer surtout les angoisses des spectateurs qui entendent les plaintes et les gémissements des blessés ensevelis sous ces débris, et qui parfois les voient mourir dans d’atroces souffrances sans avoir pu leur porter secours.
- La maison Giletta et Gilly, de Nice, a bien voulu nous autoriser à reproduire plusieurs vues photographiques très bien réussies prises quelques heures seulement après l’accident. La première de ces vues (fig. 2) a été prise du côté de Cabbe-Roquebrune : elle montre l’état de la voie au-dessus du mur de soutènement dont nous avons parlé, aussitôt après la catastrophe et avant tout travail de déblaiement. La deuxième vue (fig. 3), prise sur le bord de la mer, n’est pas moins navrante que la précédente : elle représente les débris du matériel entraîné avec plusieurs voyageurs au bas du remblai. Enfin la troisième (fig. 4), qui a été prise du côté de Monte-Carlo pendant la période des travaux de déblaiement, fait bien ressortir toutes les difficultés de cette opération, exécutée à l’aide de deux locomotives et d’une équipe d’ouvriers tirant sur de longues cordes, tandis que des milliers d’étrangers venus de Monaco, de Nice et de Menton se livrent aux commentaires les plus variés.
- Des deux trains 502 et 483, ce dernier seulement était, paraît-il, pourvu de freins continus à air comprimé, ce qui a permis au mécanicien et au chauffeur d’amortir beaucoup leur vitesse et d’échapper à la mort en sautant sur la voie. Quant au train 502, qui n’avait que des freins ordinaires, il n’a pu ralentir assez vite, et c’est, en quelque sorte, lui qui a donné à l’accident toute sa gravité. Depuis quelques années, la compagnie P.-L.-M. a entrepris de pourvoir tout son matériel roulant de freins Westinghouse ; malheureusement cette transformation n’est pas encore terminée et il faudra sans doute encore quelque temps pour que tous ses trains de voyageurs, sans exception, soient pourvus de ce nouveau frein.
- Nous n’avons pas à nous prononcer ici sur le degré de culpabilité de chacun des agents impliqués dans cette tragique aventure. Disons seulement que le facteur chef de Cabbe-Roquebrune, qui remplaçait régulièrement le chef de gare, et qui, d’ailleurs, a été immédiatement arrêté, paraît avoir commis la première faute ; après lui viennent le conducteur chef et le mécanicien du train 502, qui ont commis la légèreté de quitter Cabbe-Roquebrune sans avoir satisfait aux prescriptions réglementaires, et qui ont été cruellement punis de leur insouciance, puis-< qu’ils sont au nombre des morts; ensuite, c’est le
- p.331 - vue 335/432
-
-
-
- 332
- LA NATURE.
- chef de gare de Monte-Carlo, qui n’a pas prêté une attention suffisante au signal n° 2 annonçant le train 502, et qui est également arrêté; puis c’est le conducteur chef du train 483, qui a commis la même erreur que le chef de gare de Monte-Carlo et qui a été suspendu de ses fonctions; enfin c’est la garde-barrière qui a complètement manqué de présence d’esprit lorsqu’elle eut entendu l’annonce des deux trains de sens contraire.
- Quant à la peine applicable en pareil cas, elle a été fixée par l'article 19 de la loi du 15 juillet 1845, que tous les agents des chemins de fer connaissent, et qui est ainsi conçu : « Quiconque, par mala-
- dresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des lois ou règlements, aura involontairement causé sur un chemin de fer, ou dans les gares ou stations, un accident qui aura occasionné des blessures, sera puni de huit jours à six mois d’emprisonnement, et d’une amende de 50 a 1000 francs. Si l’accident a occasionné la mort d’une ou de plusieurs personnes, l’emprisonnement se rade six mois. » Remarquons, d’ailleurs, que la catastrophe s’est produite dans des circonstances telles qu’elle devait occasionner deux procès distincts, bien qu’en réalité il ne s’agit que d’une seule et même affaire. En effet, la collision ayant eu lieu sur le territoire de
- [ Fig. i. — Déblayement de la voie. — Vue prise du côté de Monte-Carlo. (D'après une photographie de MM. Giletta et Gilly, phot. à Nice.)
- la {principauté, c’était a la justice monégasque de prononcer sur le sort du conducteur chef du train 483, ainsi que du chef de gare de Monte-Carlo et de la garde-barrière, tandis que le facteur chef de Cabbe-Roquebrune devait compte à la justice française de la fatale méprise qu’il avait commise sur le territoire français.
- Les débats, en ce qui concerne ce dernier, ont eu lieu, le 16 de ce mois, devant le tribunal correctionnel de Nice, qui a condamné Didelot à quinze mois d’emprisonnement et aux dépens. Ce premier procès a mis en lumière la belle conduite du mécanicien Ollagnier du train 483, qui n’a abandonné sa machine qu’après avoir serré les freins et alors qu’il n’était plus qu’àenviron un mètre du train 502. Quant aux autres accusés ils devaient être jugés
- le lendemain par le tribunal de Monaco, mais l’étal de santé de la garde-barrière ne lui ayant pas permis de venir à l’audience, le procès a été ajourné à une date indéterminée. Al. Laplaiche,
- Commissaire de surveillance administrative des chemins de fer.
- L’OUMGÂN DU GOLFE D’ÂDEN
- EN JUIN 1885
- J’ai l’honneur d’exposer à l’Académie1 le résumé de l’enquête que je viens de faire sur l’ouragan qui a ravagé le golfe d’Aden, au commencement de juin 1885.
- 1 Note présentée à l’Académie des sciences.
- p.332 - vue 336/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 333
- Un sait que 42 grands navires ont traversé l’ouragan ; 23 l’ont essuyé à la mer, et 19 au mouillage. 5 grands navires ont péri ; nous comptons parmi eux la corvette allemande l'Augusta, montée par 238 hommes, et l’aviso français le Renard, ayant à bord 107 personnes.
- On a recueilli ça et l'a sur des épaves 49 hommes appartenant à divers autres navires, presque tous des Arabes, et l’on a constaté 425 victimes. 11 est probable que leur nombre atteint le double de ce chiffre, car il me paraît impossible qu’aucun des nombreux caboteurs du pays qui se trouvaient à la mer ait pu échapper à cet ouragan.
- Le navire le plus à l’est, parmi ceux sur lesquels j’ai pu avoir des renseignements, est le steamer anglais le Mergai. Ce bâtiment a rencontré le cyclone le 30 mai au soir, à 250 milles à l’est de l’île de Socotra. Tous les autres navires sont échelonnés dans le golfe entre le Mer-gui etObock; leurs journaux et rapports de mer ont permis d’établir exactement la route suivie par le cyclone, ses dimensions, et la vitesse du transport du
- centre. Cet ouragan est très remarquable par son imprévu, car, de mémoire d’homme, on ne se souvient pas d’avoir vu dans le golfe d’Aden un pareil événement météorologique. Nulle part le baromètre n’a annoncé l’approche de l’ouragan, dans le port d’Aden comme en ville, et sur la rade, à bord de la Bacchante, la baisse du baromètre a été à peine sensible, mêm'e dans le plus fort du cyclone. Cependant, sur le steamer anglais Duke of Devonshire, placé, par rapport à Aden, symétriquement de l’autre côté du centre de l’ouragan, le baromètre a baissé de 14 millimètres. 11 est d’autres navires à bord desquels la baisse du baromètre a dépassé 40 millimètres. La direction de la course du cyclone , droit à l’ouest jusqu’à Aden (le centre passant à 6 milles au nord de Socotra), constitue aussi une exception. Cependant, à Aden, la trajectoire, qui passe à 12 milles au sud de la ville, prend la direction 0. 13q S., peut-être sous l’influence des terres de l’Arabie ? Quant au diamètre de l’ouragan, il va diminuant progressivement, en même temps que la vitesse du centre aug-
- p.333 - vue 337/432
-
-
-
- 334
- LA NATURE.
- mente. Ainsi, au navire observé le plus a l’est, c’est-à-dire à 250 milles dans l’est de l’île de Socotra, le diamètre du cyclone est de 150 milles et la vitesse du centre est de 8 milles à l’heure vers l’ouest. A Socotra, le diamètre est de 140 milles et la vitesse du centre de 8 milles, 5. Le cyclone passe le cap Guardafui avec un diamètre de 130 milles et une vitesse de 10 milles à l’heure, qui continue d’augmenter graduellement pendant que le diamètre diminue, de sorte que, lorsque le cyclone atteint Aden, la vitesse du centre est de 14 milles et le diamètre de 60 milles seulement. À l’ouest d’Àden, la vitesse du centre est de 14 milles, 5 ; elle atteint 15 milles à ÜOock, mais le diamètre de l'ouragan n’est plus alors que de 50 milles, et il est probable que le diamètre continue de diminuer dans l’intérieur de l’Afrique, où le cyclone atteint le 4 juin et met en désordre une caravane partie depuis huit jours de Sangallo, se dirigeant vers le Choa.
- Ainsi, au lieu de se dilater comme cela a lieu ordinairement, le cyclone se contractait à mesure qu’il pénétrait au fond du golfe, sans doute parce qu’il ne recueillait sur sa route aucun aliment. Cette masse orageuse se consumait sans se renouveler. L’ouragan a du prendre tin dans l’intérieur des terres comme une simple trombe.
- La ville d’Aden a beaucoup souffert ; un grand nombre de petits navires ont été coulés dans le port et les autres ont été jetés à la côte. Quant aux grands navires, ils ont arraché leurs corps-morts, se sont abordés, et ont fait de nombreuses avaries. L’île Périm a été peu maltraitée, n’ayant été qu’effleurée par le bord nord de l’ouragan ; mais Obock a été presque rasé, Tadjourali, situé plus à l’ouest, n’a pas été fortement éprouvé par le mauvais temps. Zeïlah a repenti seulement quelques orages, et toute la côte Saumali située à l’est de cette ville, jusqu’à environ 40 milles à l’ouest du cap Guardafui, est restée en dehors de l’action de l’ouragan. Par conséquent, s’ils avaient pu prévoir le cyclone, les navires qui se seraient dirigés franchement et d’assez bonne heure vers la côte d’Afrique pouvaient échapper à son atteinte. Mais rien ne pouvait indiquer que la partie sud du golfe serait épargnée.
- L’étude comparative des vents qu’ont ressentis les divers navires, selon qu’ils étaient d’un côté ou de l’autre de la trajectoire, fournit une nouvelle preuve en faveur de la gyration ; et cette preuve est surtout frappante lorsque plusieurs navires se rencontrent dans le même cercle, parce qu’alors on constate que ceux qui se trouvent sur le même diamètre, mais de côtés différents du centre, ressentent des vents contraires. Etant donné l’espace resserré dans lequel se trouvaient la plupart des navires dont nous avons examiné les journaux ou les rapports; étant donné l’imprévu du mauvais temps qui les a frappés, il aurait fallu, pour qu’ils pussent échapper au cyclone, qu’ils fussent avertis assez longtemps à l’avance pour chercher un abri, ou conserver celui qu’ils avaient déjà. Cela ne pouvait avoir lieu qu’à l’aide
- d’un système de postes de signaux, communiquant entre eux par l’électricité. Si, le 31 mai, un télégramme de l’île de Socotra avait prévenu qu’un ouragan entrait dans le golfe d’Aden, ÏAugustci serait restée à l’île Périm et la Renard n’aurait pas quitté Obock. La frégate anglaise la Bacchante, qui a failli se perdre en rade d’Aden, se serait sans doute réfugiée dans la mer Rouge, et plus de la moitié des autres bâtiments seraient restés dans cette mer, au lieu d’entrer dans le goife d’Aden. On eut évité ainsi bien des malheurs.
- Il est donc vivement à désirer qu’un service de signaux sémaphoriques soit établi dans ces parages, si fréquentés depuis l’ouverture du canal de Suez. J’espère que l’Académie des sciences voudra bien prêter son bienveillant et puissant appui à cette œuvre éminemment utile. C’est par l’énergie d’un de ses membres que cette grande route maritime a été ouverte à tous les navigateurs du globe : un service de prévision du temps, tel qu’il existe sur les côtes d’Europe et sur celles de l’Amérique du Nord, en serait le complément.
- Vice-amiral Cloué, de l’Institut.
- CHRONIQUE
- Le développement du téléphone en Amérique.
- — Le développement de l'industrie téléphonique est certainement le plus remarquable dans l’histoire des inventions. En août 1877, les appareils employés aux États-Unis n’étaient qu’au nombre de 780, tandis qu’en février 1885, il y en avait 525574 en service. Le nombre des bureaux centraux ont passé de 100 en 1880, à 782 en 1885. En janvier 1886, il n’y avait pas moins de 137 223 milles de fils téléphoniques posés et 5186 personnes employées dans les bureaux centraux. C’est également le téléphone qui donne lieu au plus grand nombre de brevets : 1521 brevets pendant ces dix dernières années.
- Utilisation des os. — La Californie exporte en Europe de grandes quantités d’os provenant de membres d’animaux; ils sont employés à fabriquer des manches de couteaux et d’autres objets du même genre. Us valent environ 200 francs la tonne. Les pieds provenant du bétail servent à faire de l’huile; les quatre pieds d’un bœuf rendent un peu plus d’un demi-litre. Les côtes, qui sont très recherchées, vont jusqu’à 400 francs la tonne ; on en fabrique des manches de brosses à dents et autres. Les os provenant des jambes servent à confectionner des boutons, des manches d’ombrelles, etc. ; ils valent environ 150 francs la tonne. Les autres os ainsi que les débris sont calcinés et fournissent du noir animal pour la clarification du sucre. L’eau elle-même, dans laquelle on a fait bouillir les os, est utilisée pour faire de la colle, de sorte qu’on tire parti de tout.
- La lumière électrique à Paris. — Un grand nombre d’établissements publics ont, dans ces derniers temps, adopté l’éclairage électrique. Nous sommes heureux d’annoncer à nos lecteurs que la lumière électrique va être installée au Conservatoire des Arts et Métiers, dans la Bibliothèque et dans le grand Amphithéâtre. La lampe Cance a été adoptée.
- p.334 - vue 338/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 535
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 19 avril 1886.— Présidence de M. l’amiral Jdiuen de la Gravière.
- Puissance magnétique du soleil. — En quittant l’observatoire de Greenwich qu’il a dirigé pendant trente-six ans, l’illustre M. Airy a publié un volume dans lequel M. Faye signale aujourd’hui des recherches sur les variations périodiques de l'aiguille aimantée. Chaque jour l’ensemble de ses situations constitue une courbe fermée dont l’amplitude varie avec les saisons et qui subit dans le cours des années des élargissements et des contractions. A cet égard les années 1842, 1857, 1867, représentent des mi-nima; tandis que 1848, 1860, 1870, sont des maxima. M. Faye s’étant demandé quel rapport ces variations peuvent avoir avec celles qui concernent les taches solaires, il a trouvé une coïncidence exacte des deux phénomènes ; et, comme l’intensité de la chaleur ne varie pas sensiblement avec le nombre des taches, il faut admettre que la radiation solaire contient des effluves non sensibles au thermomètre, mais qui impressionnent fortement l’aiguille aimantée. Pour rendre compte de ces dernières, M. Faye rappelle sa belle théorie des taches qui ont pour effet d’amener dans la chromosphère des masses de matières denses d’ordinaire confinées dans les régions profondes, et il pense que c’est aux propriétés physiques spéciales de ces matières qu’il faut attribuer les effets signalés.
- Géologie du Tonkin. — M. le commandant Jourdy, parcourant, les armes à la main, la route de Hanoï à Lang-son par Bâclé, a constaté que la roche dominante est un calcaire compact constituant un pli anticlinal souvent brisé en escarpements à pic. Plusieurs fossiles y ont été recueillis et le Spirifer mosquensis permet d’en rattacher l’âge à l’époque carbonifère. Au voisinage, se trouvent les couches de combustible déjà étudiées par M. Fuchs et par M. Zeiler et qui contient des plantes rhéliennes. Non loin se montrent des dépôts de conglo-. nierais qui renferment quelques fossiles et qui paraissent être triasiques. L’auteur, contrairement à des assertions qui ont été publiées, assure que la bouille tonkinoise est de très mauvaise qualité : pour l’usage des chaudières, il faut la mélanger à deux fois au moins son poids de combustible d’autre provenance.
- U or de l'Andalousie, r— Plusieurs compagnies financières se sont constituées pour exploiter l’or natif de la sierra Penafior, d’où les anciens et les Arabes ont tant tiré de métal précieux. Le directeur de l’une de ces Compagnies, M. Noguès, ingénieur bien connu, a étudié avec soin le gisement dont il s’agit et il adresse à cet égard, par l’intermédiaire de M. Hébert, des renseignements fort intéressants.
- Les animaux perfectibles. — Sous ce titre, M. Victor Meunier publie un volume que M. Albert Gaudry dépose en son nom sur le bureau de l’Académie. « Chacun sait, dit le savant professeur du Muséum, que M. Victor Meunier est un de nos plus habiles écrivains ; ce que tout le monde ne sait pas, c’est qu’il est un très habile naturaliste, ancien élève de Geoffroy Saint-Hilaire. Il a su s’inspirer des travaux de celui-ci et croit à la perfectibilité des animaux. Dans cet ordre d’idées, il a su réunir dans son ouvrage une multitude de traits d’intelligence du chien, du chat, du lion, de l’éléphant, réservant les singes
- pour un autre volume qui s’appellera les Singes domestiques. Les paléontologistes croient que les êtres anciens ont subi de grandes mutations, et, pour notre part, nous consacrons notre vie à leur étude. Mais il leur serait fort difficile de dire combien les êtres actuels changeront maintenant et jusqu’à quel point ils sont perfectibles. Aussi doit-on être fort obligé à M. Victor Meunier d’avoir fait ressortir d’une manière souvent charmante un ensemble de données importantes dont nous n’avons pas jusqu’ici tiré tout le parti possible. »
- Election. — Ayant à remplacer M. Bouley, la section d’économie rurale présentait : en première ligne, M. Chauveau; en seconde ligne, ex equo et par ordre alphabétique MM. Arloing, Baillet, et Saint-Cyr. Les votants étant au nombre de 51, M. Chauveau obtient 47 suffrages ; M. Arloing en a 3, et M. Collin qui n’était pas sur la liste, en a un.
- Maladie de s pêchers. — Les cultivateurs de Monti*euil se plaignent depuis quelque temps d’une maladie très grave qui s’attaque à leurs pèches : il se fait des taches sur l’écorce et la partie nécrosée laisse bientôt exsuder de la gomme pendant que l’arbre perd la faculté de donner du fruit. M. Prillieux s’est assuré que le mal a pour auteur un champignon du genre Coryneum dont le mycélium envahit toute l’écorce. En même temps les régions à dégénérescence gommeuse présente des nombres incalculables de bactéries, dont l’auteur se réserve de déterminer le rôle.
- La rouille du pin. — Déjà M. Maxime Cornu a étudié une rouille qui s’attaque aux feuilles de pin et qui a besoin pour se développer de faire un stage, par un phénomène de génération alternante, sur le senneçon. II appelle aujourd’hui l’attention sur une autre rouille des mêmes végétaux, s’attaquant au bois et tout à fait distincte de la première. Celle-ci passe alternativement du pin au dompte-venin [asclepias vince toxicum) et c’est un nouveau cas très intéressant de génération alternante chez les cryptogames.
- Flore du Tonkin. —Il résulte d’un important mémoire de MM. Bureau et Franchet, qu’au point de vue Botanique le Tonkin est lotn d’être homogène : le nord a les affinités les plus étroites avec la Chine, le sud avec l’Inde. C’est seulement dans le sud et spécialement vers Ké-So que doit être tenté l’acclimatement des arbres à gutta-pereha. L’herbier sur lequel ces auteurs ont travaillé comprend 847 espèces; il a été donné au Muséum par M. Bon.
- Reptiles permiens. — M. le professeur Gaudry met sous les yeux de l’Académie un relief dans lequel M. Fritsche, de Prague, a essayé de restaurer des reptiles du terrain permien de la Bohème : ils sont remarquables par leurs petites tailles et contrastent avec cet égard avec l'actinodon,le slereorachys et autres reptiles permiens des schistes bitumineux d’Autun.
- Théorie des tremblements de terre. — J’ai proposé naguère pour expliquer l’introduction de l’eau dans les laboratoires souterrains d’où partent les impulsions sismiques, une théorie fort simple à laquelle des savants illustres ont bien voulu faire un très bon accueil. Dans une note que M. le secrétaire Vulpian analyse de la manière la plus bienveillante, je montre comment des faits d’observation nombreux trouvent leur explication naturelle dans cette manière de voir. Elle consiste à penser que des roches imprégnées d’humidité introduisent l’eau dans
- p.335 - vue 339/432
-
-
-
- 556
- LA NATURE.
- les espaces chauds où elle ne pourrait évidemment pénétrer ni par des fissures plus ou moins larges, ni par la force de la capillarité.
- Varia. — MM. Bornet, De Seynes et Cornu posent leur candidature à la place vacante dans la section de botanique. — Les hydrates de la silice occupent M. Maumenée. — MM. Duguet et Iléricourt prétendent connaître les transformations du microphyte (Microsporon furfur) auquel on attribue la tuberculose.
- Stanislas Meunier.
- LA MARMITE ANTISEPTIQUE
- DE M. SC1IRIBAUX
- Nous reproduisons dans la figure ci-contre la vue d’une marmite antiseptique d’un type breveté imaginée par M. Schribaux, directeur du laboratoire d’essai de graines à l’Institut national agronomique, et présentée par son inventeur à la dernière session de la Société des agriculteurs de France où elle a été accueillie avec le plus grand intérêt.
- Cette marmite, établie d’après les idées de M. Pasteur sur la propagation des ferments, est disposée de manière à prévenir la fermentation des liquides putrescibles qu’on y renferme après les avoir fait bouillir,et M. Schribaux a pu y conserver, en effet, du bouillon gras ordinaire pendant près d’un mois sans altération. On se rendra compte de cette propriété curieuse en se rappelant que les ballons en verre où M. Pasteur parvient à conserver des ferments sans altération pendant un temps indéfini, pour ainsi dire, ne sont pas cependant tout à fait fermés et conservent bien un canal de communication entre l’air extérieur et le liquide qu’ils renferment. Le col de ces ballons se termine, en effet, par un tube ouvert à l’extrémité, et où l’air peut, il est vrai, pénétrer librement; mais ce tube présente une forme contournée avec de nombreuses chicanes disposées de manière k empêcher l’entraînement des poussières que l’air pourrait emmener avec lui, et celles-ci se déposent donc nécessairement sur les parties en saillie qu’elles rencontrent.
- Avant d’abandonner le ballon k lui-même, on y fait bouillir le liquide de manière k remplir de sa vapeur l’atmosphère du tube et k détruire les germes qu’il pourrait renfermer; l’air extérieur se réintroduit ensuite graduellement k mesure de la condensation de la vapeur, mais il abandonne ses pous-
- sières ainsi que nous l’avons expliqué et, dans ces conditions, il ne détermine aucune fermentation. Les mouvements d’air qui peuvent s’opérer dans la suite en raison des changements de pression atmosphérique, sont presque insensibles a l’intérieur du ballon et ne peuvent y introduire aucun ferment nouveau.
- La marmite de M. Schribaux est constituée par un vase cylindrique en grès ou en métal dont le tube abducteur est remplacé par un rebord continu obtenu en quelque sorte en faisant tourner ce tube autour de l’axe du ballon. On retrouve alors sur ce rebord et sur le couvercle qui en conserve exactement la forme toutes les chicanes et les sinuosités ménagées k dessein sur le tube en verre pour prévenir l’accès des ferments. L’air extérieur ne peut pénétrer dans la marmite recouverte de son couvercle qu’en suivant le contour sinueux formé par ces différentes chicanes, et il se dépouille ainsi, comme dans le cas du ballon en verre, de tous les ferments qu’il pourrait entraîner. On peut donc arriver ainsi k conserver sans altération les liquides et les aliments divers susceptibles de bouillir; il est bien entendu, d’ailleurs, que ceux-ci sont conservés dans le vase même où on les a portés a l’ébullition , puisque cette opération préliminaire est indispensable pour purifier le volume d’air qui doit rester en communication permanente avec le liquide k conserver.
- M. Schribaux a réussi avec ce vase k conserver pendant un temps fort long des liquides éminemment putrescibles, il a réalisé ainsi, comme on voit, une application fort intéressante de la théorie des ferments, et cette marmite paraît appelée k rendre des services signalés dans l’économie domestique, notamment dans les campagnes, où on a souvent k conserver du bouillon ou d’autres aliments pendant un temps assez long. Le modèle représenté est seulement d’ailleurs un spécimen d’essai, et M. Schribaux étudie actuellement la forme définitive k donner k ces vases avant de les répandre dans le commerce.
- Nous ne manquerons pas de revenir sur ce sujet intéressant, quand les nouveaux essais auront donné un résultat.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissasdier
- Marmite antiseptique.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- p.336 - vue 340/432
-
-
-
- 6 74. - i°' MAI 1886.
- LA NATURE.
- 357
- LES MOTEURS A AIR COMPRIMÉ
- et l'éclairage électrique
- Dès qu’un nouveau moyen de produire la force motrice est à la disposition du public ou des industriels, on s’empresse de l’utiliser à la production de l’éclairage électrique dont les avantages sont chaque jour plus et mieux appréciés.
- L’énumération des tentatives plus ou moins heureuses faites pour résoudre le point délicat de la question : production commode et économique de l’énergie électrique, suffisait a prouver l’exactitude d’un fait qui n’est d’ailleurs .plus contesté aujour-
- d’hui ; l’application de l’air “"comprimé à l’éclairage électrique en fournira une nouvelle preuve.
- Pour comprendre comment ce mode de production de l’énergie électrique a pu recevoir un certain développement, il faut que nous exposions tout d’abord la naissance de cette canalisation d’air comprimé directement applicable à la production de l’énergie électrique, et, par suite, à l’éclairage.
- Le fonctionnement des horloges pneumatiques établies à Paris et dont nous avons donné autrefois la description1, exige une certaine quantité d’air comprimé dont la production au centre de la ville, sur le point même où se fait la distribution de l’heure, présentait de nombreux inconvénients.
- Application de la distribution d’air comprime à l’éclairage électrique. Usine installée dans le sous-sol du Calé de Paris, avenue de l’Opéra.
- M. Popp, le directeur de la Société des horloges pneumatiques, a donc du établir une usine de fabrication d’air comprimé rue Sainl-Fargeau, et amener cet air comprimé jusqu’à la rue Sainte-Anne à l’aide d’une conduite de distribution en fer forgé de 8 centimètres de diamètre intérieur, placée dans les égouts, arrivant jusqu’à la place du Chàteau-d’Eau parles rues Saint-Fargeau, Ménilmontant, Oberkampf le boulevard Richard-Lenoir et la rue de la Douane. De la place du Château-d’Eau, la canalisation suit les grands boulevards jusqu’à la place de l’Opéra, l’avenue de l’Opéra et aboutit au n° 7 de la rue Sainte-Anne.
- Il y a donc possibilité, sur tout le trajet de cette canalisation, d’établir des dérivations ou prises iic auiiéc. — l°r semestre.
- d’air comprimé directement utilisable à la mise en mouvement de moteurs actionnant des machines quelconques, et, en particulier, dans le cas qui nous intéresse, des machines dynamo-électriques.
- Les moteurs sont disposés pour utiliser une pression de 5 kilogrammes environ par centimètre carré : ils sont rotatifs pour les petites puissances, depuis 5 kilogrammètres par seconde jusqu’à 1 cheval-vapeur, et à cylindre et piston pour 1 cheval et au-dessus. Us fonctionnent à détente fixe et à pression initiale constante. Cette pression initiale, variable suivant les différents points de la canalisation, e9t maintenue constante pour chaque moteur à l’aide
- 1 Voy. u° 365, du ‘29 mai 1880, p. 407.
- ‘22
- p.337 - vue 341/432
-
-
-
- 538
- LA NATURE
- d’un petit régulateur automatique de pression d’une construction très simple. C’est la pression de l’air elle-même qui ouvre plus ou moins le robinet d’arrivée de l’air dans un réservoir distributeur dont le but est de régulariser et d’atténuer les variations de pression produites à chaque coup de piston moteur. La vitesse est maintenue sensiblement constante à l’aide d’un régulateur à force centrifuge qui règle par étranglement l’admission de l’air comprimé dans le cylindre moteur.
- La détente de l’air comprimé dans le cylindre, produit un certain refroidissement, et il se formerait bientôt une épaisse couche de givre si l’on n’avait soin, pour empêcher ce refroidissement et augmenter un peu le travail produit par la détente de l’air, de réchauffer cet air en le faisant traverser un petit calorifère à gaz où sa température s’élève à 50° centigrades environ. Après la détente, l’air s’échappe du cylindre complètement froid, et sensiblement à la température ambiante.
- Le travail par tour et la dépense d’air comprimé étant sensiblement constants pour un type donné, il suffît d’adapter un compteur de tours à l’arbre de chaque moteur, pour compter l’énergie mécanique fournie au client dans un temps donné, et dresser sa facture de force motrice. Le prix moyen actuel est, croyons-nous, de 70 centimes par cheval-heure, soit très sensiblement 1 centime par kilogrammètre-heure.
- La figure ci-contre montre une des installations d’éclairage électrique faites d’après le système que nous venons d’esquisser à grands traits. Le moteur à air comprimé, dont la vitesse normale est de 160 tours par minute, commande une machine Gramme excitée en dérivation, du type dit supérieur, tournant à 1400 tours par minute et pouvant donner 40 ampères et 100 volts aux bornes en pleine marche, ce qui représente 4000 watts ou 5,5 chevaux électriques utiles.
- Les lampes à incandescence de MM. Woodhouse et Rawson sont montées par deux en tension, et prennent chacune 48 volts et 0,9 ampère, avec une puissance lumineuse d’environ 15 bougies.
- On aperçoit au fond, un tableau de manœuvre sous lequel sont placés les différents appareils de mesure et de réglage : voltmètre, ampèremètre, rhéostat de réglage de l’excitation, etc.
- Les lampes s’allument par groupes indépendants, par un commutateur établi au rez-de-chaussée, à portée de la main d’une des caissières du café chargée de la manœuvre. Les petites variations d’intensité lumineuse que pourraient produire les extinctions et les allumages successifs sont très atténuées par une série de 48 accumulateurs montés en dérivation sur les bornes de la machine.
- Le système de réglage adopté dans cette installation et d’autres analogues, ne paraît pas d’ailleurs convenir aux exigences spéciales de l’installation. Le régulateur employé a pour effet de régler les écarts de vitesse de la machine, mais par le fait même du système, c’est lorsque la machine produit
- le moins de travail qu’il permet la plus grande vitesse alors que, logiquement, ce devrait être l’inverse, la machine ayant besoin de tourner un peu plus vite lorsque toutes les lampes sont allumées que lorsqu’un petit nombre de lampes seulement sont en service.
- Le régulateur devrait donc agir, dans le cas particulier, non seulement sur la vitesse de la machine, pour en limiter les écarts, mais encore sur le circuit d’excitation, de façon à augmenter la résistance de ce circuit lorsque la machine marche un peu trop vite, ce qui indique qu’elle alimente peu de lampes, et à diminuer cette résistance lorsque la machine tourne plus lentement. On pourrait encore faire usage d’un gouverneur électrique maintenant constante, non plus la vitesse, mais la différence de potentiels aux bornes de la machine. C’est à cette condition qu’on réalisera une véritable distribution, et qu’on pourra assurer l’indépendance absolue des lampes.
- Des installations analogues, soit pour l’arc, soit pour l’incandescence, sont établies sur le parcours de la canalisation, d’autres sont en voie d’installation : les demandes dépassent la puissance maxima de cette canalisation, et M. Popp cherche à donner satisfaction à ces demandes, en augmentant le diamètre de la canalisation et en réalisant des éclairages indirects, à l’aide d’accumulateurs chargés pendant le jour, au moment du chômage des éclairages directs. C’est la meilleure preuve du succès obtenu par cette distribution de force motrice, mais il ne faudrait pas que ce succès fit considérer l’emploi de la distribution de la force motrice par l’air comprimé comme un système avantageux et supérieur aux autres systèmes connus. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que le rendement d’une distribution d’air comprimé est très faible, inférieur à 40 pour 100, qu’il diminue très rapidement à mesure qu’on augmente la pression initiale, qu’il ne fournit que de la force motrice et, indirectement, de l’énergie électrique après une nouvelle transformation, une nouvelle installation, tandis qu’une distribution d'énergie électrique fournirait directement, avec un meilleur rendement et des commodités plus grandes, soit l’énergie électrique nécessaire aux lampes à incandescence, soit la force motrice exigée par d’autres industries.
- Tout en reconnaissant les avantages du système, en déclarant même que nous nous empresserions d’en profiter si nous nous trouvions sur le chemin de la canalisation, nous devons déclarer, qu’à notre avis, la distribution de l’air comprimé ne constitue qu’une solution provisoire, d’attente et de transition, et que l’avenir est réservé à une distribution d’énergie électrique qui nous fournira directement et à volonté, sans qu’on ait autrement à s’en préoccuper, si ce n’est à l’usine centrale, la lumière et la force motrice. E. Hospitalier»
- p.338 - vue 342/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 559
- L’OR ALCHIMIQUE
- « Assurément, l’existence définitive et immuable de soixante-six éléments distincts, tels que nous les admettons aujourd’hui, ne serait jamais venue à l’idée d’un philosophe ancien, ou bien il l’eût rejetée aussitôt comme ridicule; il a fallu qu’elle s’imposât à nous par la force inéluctable de la méthode expérimentale. Est-ce a dire cependant que telle soit la limite définitive de nos conceptions et de nos espérances? Non, sans doute ; en réalité cette limite n’a jamais été acceptée par les chimistes que comme un fait actuel, qu’ils ont toujours conservé l’espoir de dépasser. »
- La phrase que nous venons de citer se trouve dans les Origines de Valchimie, par M. Berthelot (p. 288); elle explique comment tant d’hommes distingués usèrent leurs jours à chercher la transmutation des métaux.
- Y sont-ils arrivés? D’excellents esprits assurent que non, parce qu’aujourd’hui, nous ne pouvons décomposer aucun métal malgré les forces infiniment plus puissantes que nous avons à notre disposition, telles que l’électricité et les matières explosives. D’autres prétendent que la raison n’est point absolument concluante; car une foule de procédés industriels se sont perdus et l’on connaissait l’art de transformer l’alcool en vinaigre bien avant d’avoir pu faire l’analyse de ces deux substances ; il est de plus un élément que les modernes, avec leur vie intensive, ne savent plus employer comme autrefois : c’est le temps; où trouver de nos jours des savants qui s’astreindraient, pour fabriquer la poudre de projection ou pierre philosophale, ce ferment des matières inorganiques, à prolonger une opération pendant des années entières et qui compteraient assez ‘sur l’avenir pour en léguer la suite à leur fils, comme l’ont fait certains adeptes ?
- On connaît, du reste, des cas nombreux d’alchimistes ayant, malgré la définition satirique de leur art : ars sine arte, cujus principiam mentiri, me-diumlaborareet finis mendicare, acquis des richesses considérables dont l’origine s’expliquerait difficilement d’une autre manière : M. Louis Figuier en a rappelé sommairement les principaux dans les pages 462 à 464 de son Histoire de l'alchimie.
- Je me suis proposé, dans cet article, de faire connaître les monnaies ou médailles frappées avec de l’or qu’on prétend avoir été composé. J’ai eu l’occasion de voir une de ces pièces sur laquelle je reviendrai tout à l’heure ; j’aurais voulu l’acquérir pour la faire analyser, mais le marchand, fixé par moi sur son origine, n’a plus voulu me la vendre; peut-être un des lecteurs de La Nature sera-t-il plus heureux et arrivera-t-il à jeter quelques clartés sur ce curieux problème en déterminant la nature des alliages qui, probablement, ont servi à tromper le public. Il y a là, du reste, le sujet d’une intéressante collection dont les numismates, ignorant géné-
- ralement l’histoire des sciences, semblent n’avoir jamais eu l'idée.
- En 1512, Raymond Lulle se rendit dans les lies Britanniques, pour tâcher d’entraîner le roi d’Angleterre Edouard III et le roi d’Ecosse Robert Bruce dans une croisade en leur promettant de subvenir par son art à toutes les dépenses de l’expédition. Le roi Edouard, beaucoup plus désireux de voir fabriquer de l’or que de partir pour la Terre Sainte, s’empressa de donner dans la tour de Londres un laboratoire au célèbre alchimiste qui, ainsi qu’il le dit lui-même dans son testament, y convertit pour une seule fois en or un poids de cinquante milliers de mercure, de plomb et d’étain. Cet or servit à frapper des nobles à la rose dont quelques-uns pesaient jusqu’à dix ducats et avaient par conséquent à peu près la grosseur d’une de nos pièces de 100 francs. La figure 1 représente l’une de ces pièces qui, connues sous le nom de nobles de Raymond, ont été fort recherchées par les collectionneurs anglais.
- On ne sait pas au juste à quoi se rapporte l’inscription du revers :
- Jésus autem transiens per medium illorum ibat.
- Quelques savants supposent que ce fut seulement sous le règne suivant qu’on frappa l’or ainsi fabriqué et que l’inscription rappelle la fuite de Raymond Lulle; car Edouard, insatiable dans sa cupidité, ne voulait plus laisser partir le malheureux savant qui fut obligé de se sauver en secret et de franchir le détroit sur une barque à travers les vaisseaux du roi.
- De 1456 à 1452, le roi Henri YI, l’un des successeurs d’Edouard 111, accorda à divers alchimistes le droit de fabriquer de l’or et de l’argent avec les métaux vils; ce sont vraisemblablement les produits de leur industrie qui servirent à frapper la fausse monnaie dont l’émission provoqua des mesures prohibitives de la part du parlement d’Ecosse. Un chimiste hollandais du commencement du dix-huitième siècle, ConradBarchusen, prétend que l’or de Henri VI s’obtenait en plaçant du mercure et du sulfate de cuivre dans un creuset de fer avec un peu d’eau ; le cuivre, mis en liberté par l’action du fer, formait avec le mercure un amalgame qui, lavé et comprimé pour chasser les matières solubles et le mercure en excès, donnait par la fusion un métal de la couleur de l’or, mais plus léger, et recevant facilement l’action du balancier.
- Vers la même époque Barbe de Cilley, épouse de l’empereur d’Allemagne Sigismond, femme savante et hardie, mais qui, par ses déportements, a mérité l’épithèle de la Messaline de /’Allemagne, prétendit avoir trouvé la pierre philosophale afin de faire accepter à ses sujets un alliage de cuivre et d’arsenic pour de l’argent, et un alliage d’or, de cuivre et d’argent pour de l’or pur. L’alchimiste Jean de Laaz* qui visitait alors les principales villes d’Europe pour se perfectionner dans son art, sollicita de l’impératrice la faveur d’assister à une de ses transmuta-*
- p.339 - vue 343/432
-
-
-
- 540
- LA NATURE.
- tions; ayant reconnu la fourberie, il eut la naïveté de lui reprocher d’avilir l’œuvre des adeptes et ce fut à grand’peine qu’il échappa à la prison.
- Jacques Cœur obtint du roi Charles VI, en considération du secret qu’il possédait, « pouvoir de forger inonnoie d’argent pur, qui estoienl des gros vallant trois sols, surnommez de J. Cœur, au revers desquels il y avait trois cœurs qui étaient ses armoiries, et desquels on en voit quelquefois. » (D. de Planis Campv. L'ouverture de l'école de philosophie transmutatoire. (Paris, 1635).
- Monconis 1 rapporte qu’un marchand de Lubeck transforma du plomb en cent livres d’or devant le roi de Suède, Gustave-Adolphe, à qui il donna cet or dont on fit frapper des ducats portant d’un côté l’eftigie du prince, de l’autre ses armes accolées de signes alchimiques en souvenir de l’origine du métal. Le marchand mourut quelques années après, laissant une fortune énorme, bien que son commerce eut toujours semblé de peu d’importance.
- En 1646, le roi de Danemark, Christian IV, nomma son alchimiste particulier, Gaspard Harbach, qui lui fabriqua de l’or avec lequel on frappa des mé-dailles portant pour exergue :
- Vide mira Domini,
- 1647, au-dessous du signe O—O désignant le mercure 2.
- Le 15 janvier
- 1648, un Autrichien nommé Richtausen reçut en héritage, de l'un de ses amis, une cassette renfermant de la poudre de projection; avec un grain de cette poudre, le comte de Rütz, directeur des inines de l’empire, transforma à Prague, sous les yeux de l’empereur Ferdinand III et hors de la présence de llichtausen, trois livres ou six marcs de mercure en cinq marcs d’or. Rodolphe fit frapper avec cet or une médaille qui existait encore à la trésorerie de Vienne en 1797 (fig. 2). Elle représentait le dieu du Soleil portant
- 1 Voyage d’Allemagne, tome II, p. 379. — Lyon, 1666.
- 2 L’arsenic (to àpcrsvtxov, le mâle), fut un des premiers corps sur lesquels on opéra pour arriver à la transmutation. Les vapeurs d’arsenic blanchissent en effet le cuivre (considéré comme élément femelle, dédié à Venus, et représenté par le signe $ ) en formant un arséniure, et cette altération fut longtemps regardée comme un commencement de transmutation. De là une énigme grecque se rapportant au mot arsc-nicon, et qu’on trouve dans les livres sibyllins.
- En voici la traduction :
- J’ai neuf lettres, je suis de quatre syllabes; connais-moi. Chacune des trois premières a deux lettres,
- Le reste a les autres lettres et il y a dix consonnes;
- Les centaines de tout le nombre sont deux fois huit Et trois fois trois dizaines puis sept. Si quelqu’un me devine, I'ar moi il connaîtra la sagesse.
- un caducée avec des ailes au pied pour rappeler la formation de l’or par le mercure1.
- En 1650, avec la même poudre, l’empereur fit une seconde projection, à Prague, sur du plomb. La médaille qu’il fit frapper à cette occasion porte l’inscription : Aurea progenies plcmbo prognata parente.
- On la montrait encore, au siècle dernier, dans la collection du château d’Ambras (Tyrol).
- Richtausen reçut en récompense le titre caractéristique de baron du Chaos.
- En 1706, le général Paykhiil fabriqua pour le roi Charles XII de Suède, avec du plomb et quelques grains de sa poudre, sous la surveillance du général d’artillerie Hamilton2 et du chimiste Hierne, une masse d’or qui servit à frapper 147 ducats; une médaille commémorative, frappée à cette occasion avec le même or, était du poids de 2 ducats et portait l’inscription : Iloc aitrum arte chimica conflavit Holmiæ 1706, 0. A. V. Paikhull.
- En 1704, un orfèvre de Leipsick, nommé Stolle, reçut la visite d’un inconnu, qu’on suppose être le
- célèbre adepte Lascaris, et qui, après une discussion au sujet de la transmutation des métaux, lui laissa comme preuve de sa possibilité un lingot pesant environ une demi - livre qu’il venait, dit-il, de fabriquer ; il le pria de le traiter par l’antimoine afin de le purifier, de le laminer et de le couper en sept pièces rondes. Il en laissa deux à Stolle comme souvenir en y ajoutant 8 ducats.
- L’une de ces pièces fut donnée à Auguste, roi de Pologne, et l’autre déposée dans la collection des médailles de Leipsick; elles portaient l’inscription :
- Un manuscrit de la bibliothèque de l’Arsenal, intitulé La cabale inlelleclive, nous a conservé des vers mnémoniques désignant la correspondance adoptée par les alchimistes entre les métaux et les planètes.
- Le Soleil marque l’or, le vif-argent Mercure ;
- Ce qu’est Saturne au plomb, Vénus est à l’airain;
- La Lune de l’argent, Jupiter de l'étain,
- Et Mars du fer, sont la figure.
- 1 Sur l’une des faces de cette médaille, on lisait l'inscription suivante : Divina melamorphosis exhibita Pragæ, 15 jau. A0. 1648, inpræsentia sac. cæs.majest. Ferdinandi Tertii. Sur l'autre face : Paris hoc ut hominibus est ars : ita raro in lucem prodit : laudelur Deus in æternum, qui partent suæ infinitæ polcntiæ nobis suis abjeclissimis creaturis communicat.
- 2 Berzelius a donné quelques détails sur celte transmutation dans son Traité de chimie (t. VIII, p. 7, trad. de Jourdan), d’après les papiers que lui avait communiqués l’un des descendants du général Hamilton.
- Fig. 1. — Noble de Raymond Lulle.
- p.340 - vue 344/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 541
- 0 tu.... philosophorüm, que l’adepte y avait probablement fait graver par l’orfèvre.
- En mai 1710, un serrurier de Provence nommé Jean Troins, qui se faisait appeler le sieur Delisle \ fabriqua sous les yeux de M. de Saint-Maurice, président de la monnaie de
- * -TA^
- Lyon, au château de Saint-Auban, deux lingots d’or, l’un avec du mercure, l'autre avec du plomb. On essaya d’en frapper des médailles à Lyon, mais le monnayeur le trouva « si aigre qu’il n’a pas été possible de le travailler ». On l’envoya alors à Paris au contrôleur général des finances qui en fit frapper un certain nombre de médailles portant, l’inscription : Aurdm ex arte factum. L’une de ces médailles fut déposée au cabinet du Roi et le carré existait encore à la monnaie, en 1762, d’après Len-glet-Dufresnoy.
- La figure 3 représente une pièce que j’ai eue entre les mains et dont j’ai pu prendre l’estampage. Bien que l’inscription ne soit pas identique à celle qu’indique cet auteur, il est très probable qu’elle provient du métal de Delisle 2; sa densité est
- 1 On accuse Delisle d’avoir été le domestique de I.ascaris et de l’avoir assassiné en Savoie pour lui voler sa poudre. C’est après ce méfait, en 170G, qu’il se serait établi à Sisteron, où il se maria et acquit bientôt dans le pays une grande notoriété en changeant en or ou en argent une partie de menus objets en fer ou en acier tels que clous, couteaux, boucles de souliers, anneaux, etc. , dont on retrouverait probablement quelques-uns dans le pays, si l’on se donnait la peine de les chercher. Delisle résida successivement à Sisteron, au château de la Palud,à Digne, où il enrichit, dit-on, un marchand nommé Taxis, à Castellane, à Senèz, où il opéra à plusieurs reprises devant l’évêque.
- 2 II serait possible cependant que ce fût un jeton satirique analogue à celui qui fut frappé en Angleterre en 1815, au moment où Napoléon partit pour Sainte-Hélène. Ce jeton avait complètement l’apparence d’une pièce de 20 francs présentant d’un côté l’effigie de l’empereur et de l’autre un navire, avec l’inscription : C'est du cuivre. (Catalogue de Van Pete-ghen. Numismatique, n° 1, 1874, n° 44.)
- EPAISSEUR 1)F. I.A MEDAILLE
- PRAGÆ. DCXLVIII/ SENTI A CÆSMA,
- IEST.FERDINANDI TERTII
- Fig. 2. — Médaille de Richtausen.
- sensiblement différente de celle de l’or, ce qui l’avait fait classer parmi les jetons sans valeur; quelques points de vert-de-gris ont disparu sous l’action de l’acide azotique qui n’a point attaqué le reste de la surface. Delisle fabriqua également dans les mêmes
- circonstances, mais avec une poudre différente, un lingot d’argent avec lequel on frappa à Lyon deux écus, deux demi-écus, cinq quarts et trois pièces de dix.
- En 1717, le landgrave Ernest Louis de Hesse-Darmstadt, qui se livrait en amateur à l’alchimie, reçut par la poste une petite caisse renfermant deux paquets de poudre, l’une rouge, l’autre blanche, avec une instruction sur la manière de les employer. Il put alors se donner le plaisir de changer lui-même du plomb en or et en argent. Avec l’or il fit battre quelques centaines de ducats qui portaient d’un côté son nom et son effigie, de l’autre le lion de Hesse et ses deux initiales E. L. Avec l’argent, il fit frapper cent tha-lers portant aussi d’un côté son nom et son effigie,
- et de l’autre l’inscription : Sic Deo placuit un TRIBULATIOJSIBUS, 1717, avec le lion de Hesse et ses initiales E. L. entourées de quatre couronnes.
- Ces opérations firent tant de bruit que l’Académie des sciences s’en émut : en 1722, le chimiste Geoffroy fut chargé de montrer à la docte compagnie comment ces choses extraordinaires n’étaient que le produit de la supercherie. Voici un extrait de son rapport lu dans la séance du 15 avril.
- ... Comme leur principale intention est, pour l’ordinaire, de faire trouver de l’or ou de l’argent en la place des matières minérales, qu’ils prétendent transmuer, ils se servent souvent de creusets ou de coupelles doublées, ou dont ils ont garni le fond de chaux d’or ou d’argent ; ils recouvrent ce fond avec une pâte faite de poudre de creuset incorporée avec de l’eau gommée ou un peu de
- p.341 - vue 345/432
-
-
-
- 54 2
- LA NATURE.
- cire : ce qu’ils accommodent de manière que cela paraît le véritable fond du creuset ou de la coupelle.
- D’autres fois ils font un trou dans un charbon, où ils coulent de la poudre d’or ou d’argent, qu’ils referment avec de la cire ; ou bien ils imbibent des charbons avec des dissolutions de ces métaux, et ils les font mettre en poudre pour projeter sur les matières qu’ils doivent transmuer.
- Ils se servent de baguettes, ou de petits morceaux de bois creusés à leur extrémité, dont le trou est rempli de limaille d’or ou d’argent, et qui est rebouché avec de la scieure fine du même bois. Ils remuent les matières fondues avec la baguette qui en se brûlant, dépose dans le creuset le métal fin qu’elle contenait.
- Us mêlent d’une infinité de manières différentes l’or et l’argent dans les matières sur lesquelles ils travaillent : car une petite quantité d’or ou d’argent ne paraît point dans une grande quantité de métaux, de régule d’antimoine, de plomb, de cuivre, ou de quelqu’autre métail.
- On mêle très aisément l’or et l’argent en chaux dans les chaux de plomb, d’antimoine et de mercure.
- On peut enfermer dans du plomb des grenailles ou des lingots d’or et d’argent. On blanchit l’or avec le vif argent, et on le fait passer pour de l’étain ou pour de l’argent. On donne ensuite pour transmutation l’or et l’argent qu’on retire de ces matières.
- Il faut prendre garde à tout ce qui passe par les mains de ces sortes de gens. Car souvent les eaux-fortes, ou les eaux régales qu’ils emploient, sont déjà chargées de dissolutions d’or et d’argent. Les papiers dont ils enveloppent leurs matières sont quelquefois pénétrés de chaux de ces métaux. Les cartes dont ils se servent peuvent cacher de ces chaux métalliques dans leur épaisseur. On a vu le verre même sortant des verreries chargé de quelque portion d’or, qu’ils y avaient glissé adroitement, pendant qu’il était encore en fonte dans le fourneau.
- Quelques-uns en ont imposé avec des clous moitié fer, et moitié or, ou moitié argent. Ils font accroire qu’ils ont fait une véritable transmutation de la moitié de ces clous, en les trempant à demi dans une prétendue teinture. Rien n’est d’abord plus séduisant; ce n’est pourtant qu’un tour d’adresse. Ces clous qui paraissent tout de fer, étaient néanmoins de deux pièces, une de fer et une d’or ou d’argent, soudées au bout l’une de l’autre très proprement, et recouvertes d’une couleur de fer qui disparaît en la trempant dans leur liqueur. Tel était le clou moitié or et moitié fer qu’on a vu autrefois dans le cabinet de M. le grand-duc de Toscane. Tels sont ceux que je présente aujourd’hui à la Compagnie, moitié argent et moitié fer. Tel était le couteau qu’un moine présenta autrefois à la reine Elisabeth en Angleterre, dans les premières années de son règne, dont l’extrémité de la lame était d’or; aussi bien que ceux qu’un fameux charlatan répandit il v a quelques années en Provence, dont la lame était moitié argent, et moitié fer. Il est vrai qu’on ajoute que celui-ci faisoit cette opération sur des couteaux qu’on lui donnoit, qu’il rendoit au bout de quelque tems, avec l’extrémité de la lame convertie en argent. Mais il y a lieu de penser que ce changement ne se faisoit qu’en coupant le bout de la lame, et y soudant proprement un bout d’argent tout semblable.
- On a vu pareillement des pièces de monnoye, ou des médailles moitié or et moitié argent. Ces pièces, disait-on, avaient été premièrement, entièrement d’argent : mais en les trempant à demi dans une teinture philosophale, ou dans l’élixir des philosophes, cette moitié qui avoit été trempée s’étoit transmuée en or, sans que la forme exté-
- rieure de la médaille, ni les caractères eussent été altérés considérablement. Je dis que cette médaille n’a jamais été toute d’argent, du moins cette partie qui est or, que ce sont deux portions de médailles, l’une d’or, et l’autre d’argent, soudées très proprement, de manière que les figures et les caractères se rapportent fort exactement : ce qui n’est pas bien difficile. Voilà de quelle manière cela se fait, ou plutôt, voici de quelle manière je jouerais ce jeu, si je voulois en imposer. Il faut avoir plusieurs médailles d’argent semblables, un peu usées : on en modellera quelques-unes en sable, qu’on jettera en or; il n’est pas même nécessaire qu’elles soient modellées dans un sable trop fin.
- Pour lors on coupera proprement une portion d’une des médailles d’argent, et une pareille portion d’une des médailles d’or. Après les avoir appropriées avec la lime, on soudera exactement la partie d’or avec la partie d’argent, prenant soin de les bien ajuster, ensorte que les caractères et les figures se rapportent autant qu’il sera possible, et s’il y a quelque petit défaut, on le réparera avec le burin.
- La portion de la médaille qui se trouve en or, ayant été jettée en sable, paraît un peu grenue, et plus grossière que la portion de la médaille, qui est en argent, et qui a été frappée, mais on donne ce défaut comme un effet, ou comme une preuve, de la transmutation, parce qu’une certaine quantité d’argent, occupant un plus grand volume qu’une pareille quantité d’or, le volume de l’argent se retire un peu en se changeant en or, et laisse des pores ou des espaces, qui forment le grenu. Outre cela, on a soin de tenir la partie qui est en or, un peu plus mince que l’argent, pour garder la vraye semblance, et ne mettre qu’autant d’or à peu près qu’il y avoit d’argent. Outre cette première médaille, on en préparera une seconde de cette façon.
- On prend une médaille d’argent, dont on émincit une moitié, en la limant dessus et dessous sans toucher à l’autre, de sorte que la moitié de la médaille soit conservée entière, et qu’il ne reste de l’autre moitié qu’une lame mince, de l’épaisseur environ d’une carte à jouer. On a une pareille médaille en or qu’on coupe en deux, et dont on prend la portion dont on a besoin, on la scie en deux dans son épaisseur, et l’on ajuste ces deux lames d’or de manière qu’elles recouvrent la partie émineie de la médaille d’argent, en observant que les figures et les caractères se rapportent : par ce moyen on a une médaille entière, moitié argent et moitié or, dont la portion d’or est fourrée d’argent.
- On présente cette médaille comme un exemple d’un argent, qui n’est pas totalement transmué en or, pour n’avoir pas trempé assez longtems dans l’élixir.
- On prépare enfin une troisième médaille d’argent, dont on dore superficiellement la moitié dessus et dessous, avec l’amalgame de mercure et d’or, et l’on fait passer cette médaille pour un argent qui n’a trempé que très peu de tems dans l’élixir.
- Lorsqu’on veut jouer ce jeu, on blanchit l’or de ces trois médailles avec un peu de mercure, en sorte qu’elles paroissent entièrement d’argent. Pour tromper encore mieux, celui qui se mêle de ce métier, et qui doit çavoir bien escamoter, présente trois autres médailles d’argent, toutes semblables et sans aucune préparation ; et les laisse examiner à la Compagnie qu’il veut tromper. En les reprenant il leur substitue, sans qu’on s’en apperçoive, les médailles préparées;-il les dispose dans des verres, dans lesquels il verse suffisante quantité de son précieux élixir à la hauteur qui lui convient, il en retire ensuite
- f. -
- p.342 - vue 346/432
-
-
-
- LÀ NATURE.
- 543
- ses médailles dans des teins marqués. 11 les jette dans le feu, il les y laisse assez de tems pour taire exhaler le mercure, qui blanchissoit l’or. Enlin il retire du feu ces médailles, qui paroissent moitié argent, et moitié or, avec cette différence, qu’en coupant une petite portion de chacune dans la partie qui paraît or, l’une n’est dorce qu’à la surface, l’autre est d’or à l’extérieur et d’argent dans le cœur, et la troisième est d’or dans sa substance.
- La chimie fournit encore à ces prétendus philosophes chimistes, des moyens plus subtils pour tromper.
- Telle est une circonstance particulière que l’on raconte de l’or d’une de ces prétendues médailles transmuées, qui est que cet or ne pesoit guère plus qu’un égal volume d’argent, et que le grain de cet or étoit fort gros, peu serré ou rempli de beaucoup de pores. Si cela est vrai dans toutes ces circonstances, comme on l’assure, c’est encore une nouvelle imposture qu’il n’est pas impossible d’imiter. On peut introduire dans l’or une matière beaucoup plus légère que ce métal, qui n’en altérera point la couleur, et qui n’abandonnera l’or, ni dans le départ, ni dans la coupelle...
- Je serais très reconnaissant aux personnes qui voudraient bien me communiquer des renseignements sur ce sujet curieux, et spécialement les estampages des médailles dont je me suis borné à faire mention. A. de Rochas.
- L’AYERTISSEUR POUR PASSAGE A NIYEAU
- DE MM. COÜARD ET PAGET
- M. Couard, inspecteur principal de la voie au chemin de 1er de Lyon, poursuit actuellement depuis plusieurs années des observations fort intéressantes sur les déformations presque insensibles qu’éprouvent les voies de chemins de fer sous le passage des trains en marche. Les rails en particulier subissent dans toutes les directions des mouvements de flexion dont l’existence était connue sans doute depuis longtemps ; mais M. Couard est le premier qui soit arrivé à les analyser en quelque sorte par l’observation et à en fournir une mesure précise. L’étude de ces flexions insignifiantes en apparence présente cependant une importance considérable dans l’exploitation des chemins de fer, car celles-ci peuvent acquérir dans certains cas une importance exceptionnelle et entraîner même des déraillements ; en outre, en se répétant continuellement, elles arrivent à imprimer au rail une déformation permanente qui pourra entraîner sa mise au rebut bien avant qu’il ait atteint la limite normale d’usure. Si on considère quet la durée probable des rails d’acier actuellement employés paraît presque illimitée, pour ainsi dire, en tenant compte uniquement de l’usure annuelle presque nulle, on comprendra l’importance que peuvent présenter ces déformations encore insensibles aujourd’hui, car elles devront s’aggraver sans doute dans l’avenir et pourront interrompre ainsi la longue carrière que les rails sont appelés à fournir autrement.
- M. Coüard exécute ses curieuses expériences en employant l’ingénieux appareil qui, entre les mains
- de M. Marey, avait donné des résultats si remarquables pour l’étude des mouvements de pulsation du cœur : nous l’avons déjà décrit dans La Nature en parlant des recherches du savant physiologiste, et nous nous proposons d’y revenir en résumant les observations de M. Coüard lorsqu’il aura établi les lois qui s’en dégagent. Nous avons tenu seulement aujourd’hui à signaler celles-ci à nos lecteurs, et nous décrirons l’avertisseur à niveau d’une simplicité si remarquable qu’il s’est trouvé amené, au cours de ces études, à réaliser de concert avec M. Paget.
- MM. Coüard et Paget, cherchant à transmettre électriquement les indications de l’explorateur à tambour donnant les flexions du rail observé, avaient interposé d’abord un contact formé d’une lame de ressort légèrement tendue, mais ils reconnurent bientôt que la transmission ainsi établie se trouvait toujours arrêtée aussitôt que cette lame entrait en vibration sous l’influence de l’ébranlement causé par le passage d’un train, par exemple. Ce fait inattendu amena immédiatement les observateurs à l’idée d’utiliser cette propriété pour la préparation d’un avertisseur du passage des trains dont l’interrupteur aurait ainsi la plus grande simplicité possible puisqu’il serait constitué par cette seule lame de ressort. MM. Coüard et Paget sont donc arrivés à constituer un avertisseur de passage à niveau particulièrement simple qui a reçu de nombreuses applications sur le réseau du chemin de fer de Lyon où il a toujours fonctionné dans des conditions entièrement satisfaisantes. Cet appareil est constitué comme la plupart des avertisseurs analogues, par un circuit électrique comprenant un interrupteur posé sur la voie au contact du rail à une certaine distance en avant du passage à protéger, et un relais qui, au moment de l’interruption du courant déterminée par l’arrivée du train, déclenche une pièce métallique retenue par un électro-aimant et actionne ainsi la sonnerie électrique prévenant le gardien du passage.
- L’interrupteur est représenté dans les figures 1 et 2 ; il comprend une simple planchette rectangulaire en bois portant une lame de ressort en acier fixée elle-même sur un petit tasseau de matière isolante en ébonite, l’extrémité fixe est reliée au fil conducteur rattaché au circuit du relais, l’extrémité mobile est écartée de deux millimètres de Ja ligne d’inertie indiquée en pointillé sur la planchette, et la pression qu’elle execrce par suite de la flexion initiale du ressort sur le contât intermittent rattaché au fil de retour, assure la continuité du courant tant que la planchette n’éprouve aucune vibration. Celle-ci est soutenue, comme on le voit, par une bride d’attache embrassant le patin du rail, et qui la rend ainsi solidaire de tous les mouvements qu’il peut recevoir; elle est placée sur la voie au-dessous du rail dans un dégagement ménagé à cet effet dans le ballast, et elle est recouverte d'un couvercle en zinc qui la tient à l’abri de la poussière. Le circuit est traversé par un courant continu dont l’interruption seule met en action la sonnerie trembleuse ainsi que nous l’avons
- p.343 - vue 347/432
-
-
-
- 344
- LA NATURE.
- dit; cette disposition avec courant continu présente des garanties de sécurité précieuses, puisqu’elle décèle immédiatement les avaries tandis qu’avec un courant intermittent celles-ci ne pourraient se découvrir autrement sans entraîner un accident.
- En fonctionnement normal, le courant se trouve interrompu, ou tout au moins perd l’énergie suffisante pour actionner l’électro-aimant du relais aussitôt que la lame métallique à travers laquelle il se transmet entre en vibration, entraînée elle-même par la planchette avec le rail qui la supporte. Cette interruption du courant se produit aussitôt l’àrrivée du premier essieu du train sur le rail, et cela même au moment où cet essieu se présente à l’extrémité d’amont opposée à l’interrupteur, et elle persiste tant que le train en marche n’a pas complètement quitté la barre qui en est munie.
- L’écart de 2 millimètres donné à la lame de ressort de l’interrupteur a été fixé par M. Coiiard à la suite de nombreuses expériences dont il a bien voulu nous communiquer les résultats, et il a reconnu ainsi qu’il ne convenait pas de dépasser ce chiffre, car 'avec une tension supérieure, la sonnerie ne serait pas toujours actionnée.
- Avec une tension de 1 millimètre, par exemple, tous les véhicules, même les wagonnets vides de pierres mettraient la sonnerie en marche, mais à 2 millimètres ces wagonnets vides deviennent seuls sans action. Au démarrage d’un train dont le tender se trouvait au-dessus de l’appareil, la sonnerie s’est mise en mouvement au passage de la troisième voiture.
- A la tension de 5 millimètres, dans un arrêt où
- la septième voiture du train est restée au-dessus de l’appareil, la sonnerie a fonctionné jusqu’au passage de la quatrième voiture. Avec des tensions supérieures, en arrêtant le train au-dessus de l’appareil,
- on n’ohtient d’indication qu’au passage des dernières voitures du train, soit la vingt-troisième pour la tension de 4 millimètres.
- Ces résultats mettent bien en évidence la sensibilité de l’appareil et font voir en même temps combien il importe de le régler avec pré-cison; mais dans tous les cas et avec ces limites de tensions, le passage des trains express et directs met toujours la sonnerie en action, et le tintement commence même à l’arrivée du premier essieu à l’extrémité du rail opposée à celle qu’occupe l’interrupteur. Le relais, représenté en détail sur 1 a figure 1, donne, comme on le voit, le circuit des différents fils pour un poste à deux directions; l’appareil n’oflre là d’ailleurs, aucune disposition particulière à signaler, il actionne la trembleuse qui sert d’avertisseur en empruntant le courant des piles locales.
- L’interrupteur qui forme la partie intéressante de l’avertisseur est, comme on le voit, absolument à l’abri de l’usure puisqu’il ne renferme pour ainsi dire, aucune pièce mobile et n’a ni articulation, ni contrepoids. _____ Ajoutons enfin que cet interrupteur peut s’adapter avec la même facilité au rail à double champignon comme au rail à patin; il suffit en effet, par exemple, de suspendre la planchette par deux tiges spéciales aux boulons retenant l’éclisse de joint.
- Relais des pédales
- 'Fil de la pédale Fîl de la pédale
- de la sonnerie et le fH Z est relié directement Bu fil de terre T. ! Le fil f reliant fc fil de terre ai interrupteur est dès lors supprimé.
- Nota—Lorsque le passage est gardé la nuit /installation figurant au croquis ci-joint est modifiée en ce sens que l'on n'a plu$ d'interrupteur.
- La disposition des fils serait dès fors modifiée comme suit ". Le fil A du zinc de la piteloca/esera re/ié directement au fil b
- Interrupteur
- Pile ; locale
- Fig. 1. — Schéma du relais de la Compagnie de Lyon appliqué à l'avertisseur électriqne pour passage à niveau.
- Fig. 2. — Coupe d’uurail de chemin^de ferJeC vue de l’interrupteur de l’avertisseur pour passage à niveau au moment du passage d’une roue de wagon.
- p.344 - vue 348/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 345
- DËROCHEMENTS S0US-M4RINS
- PAR LA CLOCHE PLONGEANTE DE M. HERSENT
- La Nature a décrit naguère la méthode adoptée par le général Newton pour faire sauter le récif de Hallet’s-Point d’abord, puis le Flood Rock dans la passe du Hell-Gate (New-York)1 ; elle a consisté, on
- se le rappelle, à pratiquer dans la masse a l’aide d’un puits central tout un réseau de galeries et une série de trous de mines, telle que par une explosion unique le rocher fut désagrégré en fragments de 10 à 15 tonnes susceptibles d’être, pour la plus grande partie au moins, enlevés par des dragues spéciales.
- La méthode a réussi à Flood Rock comme au
- Cloche plongeante de M. Hersent pour les dérochements sous-marins. Vue de l’appareil fonctionnant en vue du port de Brest.
- (D’après une photographie.)
- Ilallet’s-Point, et ce dut être un spectacle grandiose que l’explosion, le 11 octobre 1885, d’une mine gigantesque comprenant 40000 cartouches, 140 tonnes d’explosifs, désagrégeant d’un seul coup 170000 mètres cubes de roche sur une surface de 4 hectares.
- Mais plus il se fait de bruit autour des travaux du colonel Newton, plus il nous paraît opportun
- 1 Voy. Tablas des matières des années précédentes.
- d’une part de rappeler qu’en France on a, en 1862, fait sauter les rochers devant le bassin de radoub du port de Brest avec les mêmes procédés, et, d’autre part, de signaler la méthode appliquée à plusieurs reprises à des travaux du même genre par un de nos plus grands entrepreneurs, M. Hersent, actuellement président de notre Société des ingénieurs civils, méthode moins propre à frapper les imaginations, mais probablement plus économique.
- p.345 - vue 349/432
-
-
-
- 3 46
- LA NATURE.
- Elle a été appliquée pour la première fois pour l’arasement de la roche La Rose et des autres rochers sous-marins qui encombraient le fond du port de Brest. Elle consiste à opérer le dérochement sous l’eau au moyen d’une cloche flottante conçue sur le principe des caissons qui servent pour les fondations à l’air comprimé.
- Elle comprend cinq parties : 1° chambre de travail ; 2° flotteur surmontant la chambre de travail ; 3° cheminée centrale servant de puits d’accès et munie à sa partie inférieure de trois écluses ou sas à air; 4° deux cheminées d’extraction pour les déblais; 5° une plate-forme réunissant à la partie supérieure la cheminée centrale et les deux cheminées d’extraction.
- La chambre de travail a 10 mètres de long, 8 de large et 2 de haut ; 20 à 25 hommes peuvent y travailler à la fois. (Une cloche de 12 mètres de long sur 10 de large a été employée à Cherbourg.)
- Le flotteur a également 10 mètres de long sur 8 mètres de large, mais 5 mètres de haut : on peut le comparer à la vessie natatoire des poissons, et la cloche plonge ou flotte suivant qu’il est rempli d’eau ou d’air. Le vide compris entre les poutres qui soutiennent le fond est d’ailleurs rempli^ de béton afin de lester la cloche.
- La cheminée centrale a 3 mètres de diamètre; elle est munie d’un escalier tournant en fer ; et possède à sa partie inférieure trois sas a air indépendants; on sait que le sas à air est une chambre spéciale qui communique, tantôt avec l’air extérieur, tantôt avec l’intérieur de la chambre de travail, et permet aux ouvriers de pénétrer dans celle-ci sans la mettre en communication avec l’extérieur et sans passer eux-mêmes par des variations brusques de pression.
- La cloche plongeante est pourvue des appareils de sûreté suivants : 1° d’une soupape à ressort à la partie inférieure du tuyau amenant l’air comprimé dans la chambre de travail ; 2° de deux vannes en bronze pour évacuer les eaux du flotteur; 5° d’une soupape de sûreté sur le toit du flotteur; elle est toujours ouverte quand l’appareil fonctionne pour empêcher que l’air qui traverse le fond du caisson ne s’accumule dans le flotteur.
- Ceci posé, le fonctionnement de l’appareil est des plus simples. Le flotteur étant plein d’air, l’appareil est amené flottant, soit par un remorqueur, soit par traction sur des amarres fixes, à un endroit déterminé. Pour l’immerger, on laisse entrer l’eau dans une soupape à la partie inférieure de la chambre de flottaison : il s’enfonce verticalement, et on s'arrange pour l’échouer sur les parties les plus saillantes de la roche, afin d’obtenir des surfaces horizontales facilitant des échouages successifs ultérieurs.
- Quand le tranchant de la chambre de travail repose sur des pointes de rocher qui empêchent de refouler l’eau, on doit faire un petit mur avec des
- sacs d’argile et fermer les plus grandes ouvertures, puis venir couper les pointes. Une fois que la cloche repose horizontalement sur le rocher, on fait une sorte de joint avec de l’argile, et dès lors on peut venir pratiquer dans la masse des trous de mine.
- Le tirage des mines se fait parfaitement dans l’air comprimé, et le déblai s’effectue par couches de 1 mètre ou lm,20.
- Le poids total de la cloche y compris le lest atteint 550 000 kilogrammes, et le déplacement du flotteur et du lest, la chambre de travail étant remplie d’eau, est de 450 000 kilogrammes; la ligne de flottaison de l’appareil levé est donc à lm,50 en dessous delà plate-forme du flotteur puisque 10raX 8mXlm,50= 120 tonnes.
- Avec cet appareil M. Hersent a pu entreprendre les dérochements de Brest à 62 fr. 50 le mètre cube ; il est vraisemblable que le mètre cube, avec la méthode américaine, ressort à plus de 80 francs. Des appareils analogues ont fonctionné à Cherbourg ; un autre, mais de dimensions moindres, fonctionne en ce moment à Lorient.
- C’est a la maison Taza-Yillain d’Anzin que 'M. Hersent a confié l’exécution de ses cloches plongeantes. G. Béliard,
- Ingénieur des Arts et Manufactures.
- L’EXPLOITATION DES MINES
- A TRAVERS LES AGES 1
- 11. Au moyen Age.
- Les documents relatifs à l’histoire des mines dans l’antiquité sont assez rares et généralement peu explicites. Ils sont plus nombreux à l’époque du moyen âge, et quelques ouvrages curieux peuvent être consultés à ce sujet. Avant d’y avoir recours, nous ferons remarquer que la remarque enregistrée par Théophraste resta complètement inutilisée pendant bien des siècles. Pour se chauffer et pour les besoins de leur religion, de leur industrie ou de leurs foyers domestiques, on peut dire que les Grecs et les Romains n’employèrent jamais que des arbres de leurs forêts. Il fallut découvrir de nouveau cette matière noire qui pouvait servir à entretenir des feux bien plus ardents, bien plus économiques et bien plus commodes, auxquels la civilisation moderne doit une partie de sa supériorité, mais dont l’usage ne se répandit pas sans avoir à lutter contre de très grands obstacles. En effet, le parlement d’Angleterre discuta sérieusement une pétition d’individus qui demandaient qu’on en interdît l’usage. L’opinion que la phtisie, maladie si malheureusement commune de l’autre côté du détroit, tient à l’usage de la houille, était tellement répandue, que nous la trouvons men-
- 1 Suite, voy. n°672, du 17 avril 1880, p. 315.
- p.346 - vue 350/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 347
- tionnée dans la grande Encyclopédie. Il est vrai, l’auteur semble avoir crainte qu’on ne le confonde avec les adhérents de cette doctrine, car il se hâte de rapporter l’avis de médecins qui supposent que l’odeur de la fumée guérit des affections du foie, et d’autres qui prétendent que la fumée du charbon de terre a fait disparaître les maladies de poitrine de la ville de Halle depuis que l’on en fait usage. Nous nous rappelons très bien avoir assisté, dans notre enfance, a l’introduction dans les foyers parisiens de la houille, dont les ménagères repoussaient l’usage, non sans quelques motifs plausibles. En effet, les cheminées avaient de moins bons tirages que de nos jours, et l’on ne possédait pas encore les grilles que l’on a imaginées dans ces dernières années, pour fournir à ce genre de combustible tout l’air dont il a besoin pour ne point produire de fumées nuisibles ou désagréables.
- Les exploiteurs des mines ignoraient également l’art de raffiner en quelque sorte le charbon, et de mettre à part les sortes supérieures qui doivent être exclusivement réservées aux usages domestiques l.
- Quoi qu’il en soit, la tradition la plus répandue prétend que la découverte de la houille fut faite en 1198 par un forgeron du pays de Liège, nommé Hullos de Plai-necaux qui commença cette année à exploiter au haut de Publé-mont, sur la rive gauche de la Meuse, des affleurements se prolongeant jusque dans les terrains sur lesquels la ville a été construite à une époque bien antérieure.
- M. le baron de Gerlache, premier président de la Cour de cassation du royaume de Belgique, qui a publié une histoire complète de Liège, donne des détails très circonstanciés sur une charte octroyée à la ville par le prince évêque Albert de Cuyek en cette même année si importante dans l’histoire industrielle du monde civilisé; cependant ce sagace écrivain ne dit pas un mot du pauvre ouvrier, qui, à la même époque, avait découvert le grand instrument d’affranchissement et de travail dont Liège a si admirablement profité. En effet, il y a quelques années, le total des valeurs créées par l’industrie du fer, grâce à la houille, dépassait de beaucoup 100 millions de francs sur le seul territoire de cette an-
- 1 Nous devons cependant dire qu’il est possible que l’abondance des fumées qui s’élèvent des cheminées anglaises aient amené un changement défavorable dans le climat; mais cet effet ne serait dû qu’à des particules de charbon lancées dans l’air à la suite d’une combustion incomplète, et qui disparaîtraient en employant des cheminées plus perfectionnées.
- tique cité. Depuis il a augmenté, et tout porte à croire qu’il continuera à grandir malgré les événements sinistres que les ennemis de tout progrès ont provoqués au commencement de l’année où nous écrivons ces lignes.
- L’histoire telle que la rapporte une tradition naïve est réellement des plus touchantes.
- Hullos était si pauvre qu’il n’avait plus de pain à donner à ses enfants; il songeait aux moyens d’en finir avec la vie, lorsqu’il vit entrer un vieillard à barbe blanche qui lui demanda la cause de sa tristesse. Le pauvre ouvrier répondit que le charbon de bois était si cher qu’il ne pouvait réaliser le moindre bénéfice.
- « Mon ami, dit le vieillard qui n’était qu’un ange déguisé, allez de ce pas à la montagne de Publémont, et vous trouverez dans la terre du charbon qui vaut mieux que celui de la forêt, et que vous n’aurez que la peine de ramasser. »
- Hullos suivit le conseil que ce personnage surnaturel lui avait donné, revint avec une charge de matière noirâtre, reconnut sans peine qu’elle brûlait aussi bien que du charbon de bois de meilleure qualité. Comme il avait bon cœur , il prévint tous ses voisins qui, par reconnaissance, donnèrent son nom à la précieuse substance, qui est en effet le meilleur cadeau qu’un ange aurait pu faire à l’espèce humaine. On la nomma Huila qui figure dans le glossaire de Ducange, d’où, par corruption, houille.
- Littré a ignoré complètement cette curieuse étymologie, èt il avoue franchement qu’il n’en connaît aucune. D’autres plus hardis, mais trop paradoxaux, et même tout à fait fantaisistes, disent quelle vient du mot fouiller, nous croirions faire injure au bon sens de nos lecteurs en essayant de les contredire. Nous dirons cependant a ces étranges linguistes qu’ils oublient que c’est à Liège que le mot latin Huila a été fabriqué de toutes pièces a la fin du douzième siècle.
- Les superstitions qui désolaient la surface de la terre ne pouvaient évidemment respecter les obscures galeries que les ouvriers du moyen âge poussaient hardiment à des distances de plus en plus grandes de l’ouverture des puits, et 'a des profondeurs d’autant plus effrayantes que les mineurs n’avaient d’autre moyen de regagner la surface de la terre, que de grimper le long de gigantesques échelles, que l’on conserve encore aujourd’hui dans les mines pour les cas où les moyens mécaniques font défaut par suite d’un de ces nombreux sinistres auxquels le travailleur souterrain est exposé pendant
- Fig. 1. — Reconstitution d’un fossile de la houille au moyen âge. ( D’sprès le Monde souterrain, du Père Kircher.)
- p.347 - vue 351/432
-
-
-
- 548
- LA NATURE.
- tout le temps de son séjour dans les galeries. La perspective de se trouver aveuglé par une explosion, écrasé par la chute d’une boiserie, renfermé sans secours dans une cavité où il périra dans le supplice d’Hugolin, ne le préoccupe pas plus que celle d’un naufrage n’empêche le matelot de dormir profondément dans son hamac. Mais il vit dans un milieu si étrange, qu’il a toujours été disposé à créer les légendes les plus singulières. La croyance aux cobbolds, aux vampires ainsi qu’à un grand nombre de faits semblant démontrer la transformation des métaux, ou même leur érection par une sorte de végétation souterraine, ont évidemment pris naissance parmi les mineurs, adeptes nés de la sorcellerie du moyen âge, et qui ont fourni un contingent respectable aux spirites de nos jours. Nous ne citerons que l’usage de la baguette divinatoire que l’on peut suivre jusqu’au dix-huitième siècle de notre ère.
- A chaque instant l’ouvrier rencontre des débris étranges d’un monde à jamais disparu et que les feuillets de la terre ont conservés de la même manière que les pages d’un herbier gardent les fleurs les plus délicates. Mais les fossiles végétaux ou animaux, qui donnaient lieu à la surface de la terre à de si brillantes découvertes, produisaient un effet bien différent sur l’esprit des mineurs qui les rapportaient des galeries souterraines. En effet, passant une partie de leur vie dans les ténèbres, ces vaillants travailleurs n’ont pas toujours l’esprit bien équilibré. Au moyen âge, plongés dans la plus épaisse ignorance, ils attribuaient à toutes leurs sensations une influence surnaturelle. Leur
- imagination, surexcitée par la forme extraordinaire de squelettes dont ils voyaient l’empreinte, peuplait les galeries de vampires dont ils racontaient en tremblant les tristes exploits et que nous trouvons décrits dans une multitude d’ouvrages, quelques - uns dus à des savants d’un haut mérite. Les figures bizarres que nous avons reproduites (fig. 1 et 2) sont empruntées au Monde souterrain du père Ivircher, où l’on trouve, au milieu des preuves d’une crédulité lamentable, des marques d’un véritable esprit scientifique.
- Ces vampires habitaient les galeries abandonnées, et embusqués dans les ténèbres, venaient surprendre les mineurs occupés, soit à creuser les galeries, soit à compléter leur boisage. Aux dangers déjà trop réels qui les assiègent, les travailleurs de la terre en ajoutaient d’autres qui, quoique imaginaires, leur paraissaient les plus redoutables.
- On peut dire, en effet, que de tous les maux ceux que l’homme supporte le moins facilement sont ceux qu’il se forge lui-même, et que, le plus souvent, l'infortuné qui croit ne se débattre que contre la mauvaise fortune, n’est que le premier instrument de son malheur.
- L’extraction des matières que l’on tire des puits avait lieu d’une façon pénible à l’aide de manèges tellement incommodes que l’usage en était très limité, quelquefois d’habiles ingénieurs, comme ceux dont le père Kircher nous a montré les œuvres, employaient des moulins à vent dont l’action n’est qu’intermittente (fig, 3).
- Trop souvent les mineurs font l’épreuve de l’importance du progrès réalisé le jour où, pour des-
- Fig. 2. — Reconstitution d’un fossile de la houille au moyen âge. (b'après le Monde souterrain, du Père Kircher.)
- souterrain, du Père Kircher.)
- p.348 - vue 352/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 549
- cendre dans les parties les plus reculées de leur sombre empire, ou pour regagner la surface de la terre ils n’ont plus besoin que de mettre le pied dans la benne qui sert à ramener les berlines pleines de charbon sur la plate-forme où on le tient à la disposition de la grande industrie moderne.
- Mais, il y a quelques armées, ces échelles terribles étaient encore d’un emploi constant en Ecosse, et des femmes passaient leurs journées a monter du charbon de profondeurs qui, dans certains cas, dépassaient 100 mètres.
- Non seulement ces malheureuses étaient assujetties
- Fig. 4, — Les mines Je houille au moyen âge. Coupe montrant l’ascension au moyen des échelles.
- pendant de longues heures a un travail écrasant ne laissant même point à l’esprit le temps de songer, mais encore il suffisait qu’une courroie se cassât, qu’un bloc de houille se détachât des hottes où il était entassé à la hâte, pour que celles qui restaient en arrière fussent blessées grièvement ou tuées sur le coup. Suivant l'expression d’un chroniqueur, si la
- houille a été révélée par un ange, les échelles l’ont été par un diable. Le dessin remarquable que M. Férat a exécuté en s’inspirant d’une belle estampe du père Kircher (fig. 4), montre ce qu’était cette ascension déjà terrible pour des hommes, même quand ils n’étaient pas chargés et lorsqu’ils ne l’exécutaient que pour aller chercher le repos dans leurs demeures.
- p.349 - vue 353/432
-
-
-
- 350
- LA NATURE.
- On ne saurait trop insister sur la masse de souffrances que l’introduction de la machine à vapeur a épargnées à la population minière, souffrances qui ne pouvaient être évitées autrement. En effet, malgré toutes les grèves et toutes les prédications socialistes, il y aura toujours des mineurs ; leur condition serait dix fois pire, qu’il y aurait toujours de braves gens préférant cette profession à celle des assassins et des voleurs. On se tromperait beaucoup, du reste, si l’on supposait qu’ils détestent ou méprisent la leur, et qu’ils n’ont pas pour les galeries souterraines un attachement pareil à celui du marin pour l’Océan. W. de Fo.nvielle.
- — A suivre. —
- CHRONIQUE
- L’art militaire et l’industrie en Allemagne. —
- D’après le Waffenschmied on poursuit activement de l’autre côté du Rhin la fabrication de fusils à répétition dans les trois manufactures d’Erfurt, de Spandau et de Dantzig. La manufacture d’Erfurt en livre à elle seule plus de 200 par jour; mais il faudra plusieurs années pour fabriquer le nombre total d’armes nécessaires, qui s’élève, paraît-il, à 1 million. Le nouveau fusil est entièrement neuf et du même calibre que le fusil Mauser, modèle 1871 (llmm); il peut contenir une cartouche dans la chambre et huit dans le magasin.
- A ces efforts de l’organisation militaire nous rapprocherons ceux qui se font également en Allemagne en faveur de l’industrie. Les uns et les autres appellent toute notre attention : « En Belgique comme en France, lit-on dans VIndépendance belge, c’est l’arrivée soudaine de l’Allemagne sur le marché du monde qui occasionne les crises industrielles et ouvrières dont nous souffrons. Pour donner une idée de l’importance de ce phénomène, nous signalerons ces chiffres relevés dans un recueil spécial : de 1866 à 1875, les commandes de locomotives faites par les chemins de fer italiens ont été de 40 en Angleterre, de 265 en France et en Belgique, de 80 en Allemagne; de 1876 à 1885, c’est-à-dire pendant une période d’égale durée, l’Angleterre livre encore 50 locomotives, mais la France et la Belgique n’en livrent plus que 7, et l’Allemagne en livre, à elle seule, 522 ! Pas de commentaires, n’est-ce pas? »
- Les comètes en 1886. — La queue de la comète signalée par M. Fabry a une longueur de 4 degrés, soit huit fois le diamètre de la lune. Elle fut d’abord visible le soir; puis, vers le 12 mars, elle se vit au lever du soleil. Vers le 24-du mois d’avril, elle s’est plongée dans les rayons du soleil, dont elle se rapproche rapidement. C’est le 1er mai qu’elle passera le plus près de nous : à trente millions de kilomètres. A ce moment, la lumière éclatante du soleil où elle sera plongée, l’empêchera d’être nettement visible. Mais, à l’heure qu’il est, la queue qui augmente rapidement d’éclat est visible à l’œil muni d’une jumelle. L’astre se trouve dans la région N.-E. : on le distingue bien à trois heures dumatin, adroite de la constellation de Cassiopée, ce groupe d’étoiles connu detoutlemonde qui dessine sur la sphère céleste une sorte de W. Vers le 5 ou le 4 mai, elle émergera des rayons du soleil ; seulement, comme elle aura marché rapidement vers le sud, elle cessera d’être visible en Europe. Elle ira désormais s’éloignant de plus en plus du soleil et de nous. On pourra
- encore l’observer pendant trois mois environ dans le ciel du sud ; après quoi elle deviendra invisible dans l’éloignement où elle ira se perdre, décrivant l’une des branches infinies de sa parabole.
- Une autre comète, celle de Barnard, a été découverte en Amérique. Les deux astres ont eu à peu près la même fortune. Celui de M. Barnard a été découvert le 5 décembre 1885; c’était aussi à l’origine, une faible nébulosité visible au ciel du soir. Elle passait au méridien un peu plus tard que la première. Les deux comètes de Barnard et de Fabry se rapprochent simultanément du pôle. Quand ellesen sont relativement voisines, elles deviennent visibles le matin et le soir. Vers le milieu de mai, la comète de Barnard ne se verra plus que le matin. Elle aura alors un éclat considérable et sera 250 fois plus brillante que le jour de sa découverte. A la fin de mai, elle se plongera dans les rayons du soleil, et comme la comète de Fabry, se dirigera vers le sud, où elle disparaîtra quatre mois plus tard.
- Le Club alpin français en Algérie. — Le
- Club alpin français tient cette année sa session en Algérie, où il a été convié par la section de l’Atlas. M. Xavier Blanc, sénateur et président du Club alpin, est parti de Marseille le 20 avril à bord d’un paquebot de la Compagnie Transatlantique qui transportait avec lui 145 alpinistes. Environ 125 étaient déjà arrivés à Alger par d’autres voies. La section de l’Atlas ne compte pas moins de 210 membres, de sorte que l’on peut évaluer à 500 le nombre des explorateurs. On a organisé plusieurs itinéraires, et tous les districts curieux de l’Algérie seront simultanément visités. La caravane de l’ouest s’arrêtera peu à Orléansville et brûlera Mascara, afin de consacrer un temps plus considérable à l’exploration de Mecheria. La caravane de la province d’Alger ira jusqu’à Laghouat, en passant par Médéah et Boghari, avec prolongation facultative jusqu’à Goléah. Dans la province de l’est, il y aura deux caravanes ayant pour but l’exploration de la Kabylie. Les excursionnistes faisant partie de la première, partiront d’Alger sous la direction de M. Vagnon, secrétaire général de la section de l’Atlas, et se rendront à Fort-National par Tizi-Ouzou. Les autres, partiront de Bougie où ils arriveront à bord d’un steamer de la Compagnie Touache. Ils feront l’ascension du Gouraïa et traverseront les magnifiques gorges du Chobet-el-Àkra. Le départ, qui a eu lieu le 26, a été précédé de grandes fêtes, auxquelles prirent part la population coloniale et indigène ainsi que le Gouvernement. Il y aura des excursions dans les environs de la capitale, parmi lesquelles figure la visite de l’Observatoire, et naturellement, pour les touristes ne craignant pas de devancer l’aurore, l’observation de la comète Fabry. Un certain nombre de députés, guidés par les représentants de l’Algérie, se joindront aux caravanes. Les femmes ou les parentes des membres sont admises à faire partie des excursions. Des procès-verbaux des observations recueillies, seront rédigés et publiés dans le prochain volume de Y Annuaire du Club alpin français.
- Procédés de mesure des étoffes. — On vient de faire breveter en Allemagne un procédé destiné à faciliter le contrôle des longueurs de drap enroulées sur une balle. La manière ordinaire de mesurer les étoffes à l’aide du ruban-mètre ou du mètre en bois exige beaucoup de temps et ne donne pas l’exactitude désirable. Lorsqu’on veut connaître la longueur du drap sur une balle, on est obligé de la dérouler entièrement, et il est difficile en-
- p.350 - vue 354/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 351
- suite de l’enrouler de nouveau, de façon à lui donner la bonne apparence que lui donne l’enroulement à la machine. MM. Desbruères frères ont fait breveter il y a quelque temps un procédé qui consiste à imprimer sur le bord de l’étoffe la mesure exacte. Le procédé allemand repose sur l’emploi d’un ruban-mètre en papier solide qui est gradué à la mesure voulue, dont le zéro- est fixé intérieurement au bort de l’étoffe et qui est enroulé dans la balle en même temps que l’étoffe; dans le magasin on coupe le ruban en même temps que l’étoffe, il reste ainsi à l’acheteur un moyen de contrôle et au vendeur une indication exacte de la longueur d’étoffe qui reste sur la balle.
- La lumière électrique dans le canal de Suez.
- — Le premier navire qui ait exécuté de nuit la traversée du canal de Suez est le Carthage, de la Peninsular Oriental C°. Il a effectué son passage au moyen de l’éclairage de feux fixes établis sur les bords du canal : ce sont des feux de port ordinaires, alimentés à l’huile minérale. L’installation est complétée par des foyers électriques placés sur le navire et comprenant un puissant projecteur éclairant l’avant, deux lampes de côté et un foyer d’arrière munis de réflecteurs : ces deux derniers feux ne sont allumés que lorsque le navire passe dans les croisements ou dans les courbes.
- —«<$>-»—
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 27 avril 1886. — Présidence de M Blanchard.
- Vraie séance de vacances à laquelle manquent beaucoup de membres, y compris le président et le vice-président. M. Blanchard est appelé à présider.
- Rotation des météorites. — M. le général Favé, dans un mémoire que nous n’avons malheureusement entendu que d’une manière incomplète, applique les données de la balistique expérimentale à l’étude du mouvement des météorites qui traversent l’atmosphère à la suite de l’explosion des bolides. C’est un sujet qui a été étudié déjà à plusieurs reprises et tout spécialement par de Haidinger qui lui a consacré plusieurs mémoires très importants. M. Favé parle de ce fait bien connu que par suite de l’action des forces retardatrices sur les boulets, forces dont le point d’application n’est pas situé au centre de gravité du projectile, celui-ci, sous l’action d’un couple qui se développe, subit une rotation plus ou moins rapide. L’obus passe alternativement à droite et à gauche du plan de lie. Cette condition est bien autrement énergique pour les météorites dont la vitesse est bien plus grande, dont la densité est plus faible et dont la forme est bien plus irrégulière; aussi il n’y a aucun doute que les projectiles d’origine céleste ne tourbillonnent constamment sur eux-mêmes, et c’est comme conséquence de ce tourbillonnement que M. le général Favé considère l’érosion superficielle et spécialement l’émoussement des arêtes et des angles, ainsi que la production des cupules dont la surface des météorites est constamment recouverte. Comme résidu de cette érosion se font des poussières dont l’existence est surtout manifestée par la production des traînées plus du moins persistantes que les bolides laissent derrière eux. C’est encore par suite de la rotation, que les météorites se brisent avec explosion et que les fragments séparés s’écartent progressivement de plus en
- plus les uns des autres, de façon que les blocs volumineux tombent à l’avant des ellipses de dispersion, les plus petites à l’arrière et les moyennes dans les situations intermédiaires.
- Météorologie. — De passage à Paris, à l’occasion de la réunion des Sociétés savantes, M. Crova, professeur à la Faculté des sciences de Montpellier, lit un mémoire sur l’étude de la radiation solaire à l’aide d’appareils enregistreurs. L’un des résultats obtenus est que chaque jour se produisent deux maxima d’intensité calorifique, l’un un peu avant et l’autre un peu après midi.
- Pathologie végétale. — Il résulte du travail de M. Maxime Cornu qu’une maladie des pêchers consiste dans le développement sur les feuilles d’un cryptogame microscopique d’un rouge intense qui détermine la chute des feuilles.
- Contraste des couleurs. — C’est comme une espèce de testament scientifique que M"e veuve Trêve transmet à l’Académie un mémoire où son mari tente de donner une explication physiologique des couleurs complémentaires. M. Chevreul rend justice à l’esprit qui a inspiré ce travail et demande son insertion aux Comptes rendus.
- Varia. — M. le commandant Sebert pose sa candidature à la place vacante dans la section de mécanique. — Le mécanisme en vertu duquel se replacent les mordes vocales pendant la phonation occupe M. Sandras.l— Un volume de la Météorologie du soleil est adressé par M. Zeuger.— M. Rayet donne des observations de la comète Fabry faites les 7, 15 et 21 avril à l’Observatoire de Bordeaux. Stanislas Meunier.
- ——
- NÉCROLOGIE
- Édouard Morren. — Un botaniste belge, d’un rare mérite, a été récemment enlevé à la science. Né à Gand, en 1833, Edouard Morren était le fils d’un grand savant dont la Belgique s’honore à juste titre, Charles Morren ; il succéda à son père et continua dignement les travaux de celui-ci. Il se fit, dès le début de sa carrière, remarquer par des recherches importantes. Les plantes dites carnivores, les phénomènes de la motilité, de la sensibilité dans les végétaux, la théorie mécanique de la chaleur et de la lumière appliquée aux plantes, et de nombreuses questions concernant la botanique biologique, furent l’objet de ses incessantes observations, dont l’Académie royale de Belgique, qui lui avait ouvert ses portes, et d’autres sociétés savantes dont il était membre, se partageaient la publication. La botanique appliquée à l’agriculture eut une grande part dans son œuvre, et Morren présida avec une rare activité au mouvement de plusieurs sociétés horticoles. 11 dirigea, de main de maître, la Belgique horticole, magnifique publication, hautement appréciée des amis des plantes. Sa mort est une grande perte pour la Botanique horticole.
- Frédéric Melsens. — C’est encore un savant belge des plus éminents, dont nous avons à signaler la mort récente, en la personne de Louis-Henri-Frédéric Mel-sens,né en 1808 et décédé à Bruxelles le 20 avril 1886. Melsens avait fait ses études en France ; chimiste remarquable, il était l’un des plus anciens élèves de J.-B. Dumas,
- p.351 - vue 355/432
-
-
-
- 552
- LA NATURE.
- Il avait travaillé dans le laboratoire particulier du maître avec Stass et Le Blanc. Melsens ne tarda pas à revenir dans son pays natal, où il était appelé a devenir successivement professeur de chimie à l’Ecole de médecine vétérinaire, examinateur à l’Ecole militaire. membre de l’Académie royale des sciences de Belgique et de l’Académie de médecine.
- On doit à Melsens des travaux de chimie de premier ordre. Il a exécuté avec une grande ardeur et non sans un réel courage, des recherches importantes et souvent dangereuses, sur la poudre et surson pouvoir explosif; il a étudié l’anhydride sulfureux, ses dérivés et ses usages, il a publié enfin un mémoire qui restera comme un des travaux les plus curieux de la chimie contemporaine, sur la liquéfaction des gaz condensés par le charbon. Vers la fin de sa carrière, Melsens fit connaître ses paratonneres à pointes multiples et il fit généreusement don de l’un de ces appareils les plus complets, à l’Observatoire du mont Yentuux. Il a fait ce cadeau sous le nom de Louise, nom de sa fille unique, qui mourut à l’àge de vingt ans, entre les bras de son père désespéré. Melsens ajoutait que ce cadeau était adressé par lui, en souvenir de sa jeunesse passée au milieu des savants français. Le chimiste belge était un grand savant et un grand cœur. Il mérite toute notre affection, toute notre estime, car il aimait la France avec passion, et il n’a jamais cessé d’être , même . à l’heure funeste de nos désastres, l’un de nos meilleurs amis à l’étianger.
- Quelques semaines avant sa mort, il cnvojait à l’Académie des sciences tous ses manuscrits relatifs aux notes qu’il avait prises jadis aux cours de J.-B. Dumas à la faculté de médecine. Pieux hommage qu’il avait voulu rendre tout à la fois, à la France, tt à la mémoire de son maître vénéré! G. T.
- UN NOUVEAU BANC DE RAMEUR
- Les nombreuses courses à l’aviron, qui ont lieu chaque année au retour de la belle saison, nous engagent à décrire un nouveau banc de rameur imaginé par un Canadien, M. James J. Turpel,de Halifax, et qui nous semble devoir mieux utiliser la puissance musculaire du rameur que le système primitif du banc fixe, ou le procédé plus perfectionné du banc a coulisse.
- Dans le système avec banc à coulisse, le point d’appui des pieds est fixe et le siège recule pour permettre au rameur de développer et d’ajouter nécessai-
- rement les efforts musculaires des jambes, des reins et des bras. Ces trois mouvements successifs ne peuvent être utilisés qu’à la condition de permettre à l’extrémité de l’aviron une course d’une certaine étendue. M. JamesTurpel paraît avoir eu pour objet, en combinant le banc de rameur représenté ci-dessous, de ne rien changer à la manœuvre ordinaire de l’aviron, tout en réduisant le chemin parcouru par son extrémité. À cet effet, le banc et la planchette d’appui des pieds sont montés tous deux sur des coulisses et solidarisés dans leurs mouvements de glissement par un levier vertical placé à l’arrière, de telle sorte qu’ils effectuent à chaque instant des mouvements inverses : lorsque le banc recule, l’ap-puie-pieds recule, et réciproquement. Un ressort placé à l’arrière du banc est comprimé pendant le coup d’aviron et détendu au moment du retour. Pendant la période de compression du ressort, période qui correspond au premier temps, celui de l'allongement des jambes, le point d’appui des pieds recule d’une quantité égale à celle dont le banc avance dans le sens du déplacement; la course de l’extrémité de l’aviron se trouve ainsi réduite de moitié; les deux autres temps, flexion des reins et manœuvres des bras, produisent le même résultat qu’à l'ordinaire. Pendant la période de retour de la rame, le ressort, comprimé pendant la manœuvre précédente, sedélend et remet le siège dans sa position primitive. L’avantage du système, au point de vue mécanique, résulte donc de ce lait qu’à un même déplacement total correspond un moindre chemin parcouru par l’extrémité de l’aviron, une moindre grande obliquité de celui-ci de sa position extrême, et, finalement, un meilleur rendement, le travail total produit par le rameur restant d’ailleurs constant pour un coup de rame donné. Reste à savoir si les avantages apportés par cette dispositionne seront pas plus que compensés par l’augmentation de poids du mécanisme. Nous laissons nos lecteurs, membres des sociétés nautiques, juger cette question qui sort de notre compétence. Dr Z...
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Nouveau banc de rameur, système Turpel.
- imprimerie k. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Pans.
- p.352 - vue 356/432
-
-
-
- N’ G 75. — 8 MAI 188G.
- LA NATURE.
- BÂTEAU SOUS-MARIN
- SYSTEME GOUBET
- 353<5
- NC‘i
- Les essais de M. Nordenfelt, relatés précédemment \ répondent, comme on l’a fait remarquer, à une préoccupation générale des puissances maritimes de se créer une flottille de torpilleurs sous-marins destinés soit à l’attaque des escadres ennemies en haute mer, soit à la défense du littoral. La marine russe notamment avait, en 1881, après une série d’expériences poursuivies pendant plus d’une année, adopté les bateaux sous-marins de M. Goubet aîné, ingénieur à Paris. Depuis cette époque, M. Goubet a introduit, dans ses appareils, divers perfectionnements importants qui paraissent devoir leur assurer un excellent
- fonctionnement : ils consistent dans la substitution d’une force mécanique fournie par un moteur électrique, à la force musculaire de l’équipage employée primitivement, et dans l’amélioration du système destiné à assurer la stabilité. Nous nous proposons de donner une description un peu détaillée du nouveau bateau sous-marin, en indiquant à leur place les perfectionnements réalisés sur l’ancien. Ces renseignements sont empruntés aux Annales industrielles.
- Appareil de stabilité. — L’article précité fait connaître que la stabilité ne paraît pas encore obtenue d’une manière pleinement satisfaisante dans le bateau Nordenfelt, et c’est en effet l’un des problèmes les plus délicats de la navigation sous-marine. Il n’est possible de le résoudre complètement que si la stabilité se règle d’une manière automatique :
- Fig. 1. — Bateau sous-marin (système Goubet), adopté par la marine russe.
- autrement l’opération est généralement trop lente et se prête difficilement aux manœuvres de précision exigées pour la pose des torpilles. M. Goubet avait d’abord employé, dans les bateaux livrés à la Russie, un poids inférieur situé au centre du bateau et déplacé au moyen d’une vis commandée par un volant a portée de la main du chef pilote. Quelques bons résultats qu’ait donnés ce système, il est inférieur à l’appareil actuel dont notre première gravure (fig. 1) donne la coupe générale ; le fonctionnement est analogue à celui de l’appareil de démonstration représenté par la figure 2.
- Il se compose d’une enveloppe centrale a et de deux tuyaux b et b' faisant corps avec elle, et terminés chacun par une sphère creuse ce'. Chaque sphère est équidistante de l’enveloppe a, et l’en-
- 1 Yoy n° (370 du 5 avril 1886, p. 275. innée. — 1er semestre.
- semble, soutenu par une corde, demeure en équilibre. Une pompe à double effet e disposée dans l’enveloppe communique par des tuyaux dd' avec l’intérieur des sphères, et peut être mise en mouvement par deux engrenages. Ces derniers sont reliés entre eux par une roue intermédiaire qui change le sens de rotation de la pompe, suivant qu’un manchon d’embrayage f placé entre les roues de commande vient en contact avec l’une ou avec l’autre. Un levier i fixé à la partie supérieure de l’enveloppe et terminé par une lentille h actionne le manchon f, qui est commandé par un moteur quelconque et est retenu par un arrêt fixé à l’enveloppe centrale.
- Les sphères sont à moitié remplies d’eau et contiennent chacune un litre de liquide. Si on ajoute au crochet de celle de droite un poids de 1 kilogramme, l’appareil s’incline du même côté ; en même temps l’engrenage de droite vient s’embrayer avec
- 23
- p.353 - vue 357/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 551
- le manchon f. Celui-ci, dégagé de son arrêt et maintenu au même point par la lentille h, met en mouvement la pompe, qui aspire dans la sphère abaissée et refoule dans l'autre. Le déplacement d’un demi-décimètre cube d’eau rétablit l’équilibre.
- Dans la pratique, M. Goubet a conservé la lentille qu’on voit au centre du bateau (fig. 1); elle actionne, par un mode de transmission analogue à celui de l’appareil de démonstration, une pompe à double effet qui est en communication avec des réservoirs d’eau A et A' d’égale capacité, et situés symétriquement 1’u n à l’avant, l’autre à l’arrière du bateau.
- Appareils moteur et propulseur. —
- Le but de M. Goubet étant de mettre son bateau sous-marin à bord des navires de guerre et non de lui confier des missions indépendantes à grande distance des côtes, il en a réduit les dimensions au strict nécessaire ainsi que celles du moteur électrique.
- L’équipage ne compte que deux hommes; la longueur totale de la coque, qui présente une forme ovoïde, est de 5 mètres; sa hauteur, au milieu, de l‘n,780; et sa largeur, de 1 mètre. L’épaisseur des tôles varie suivant la profondeur à laquelle on veut parvenir.
- Le moteur électrique est calculé pour donner au bateau immergé une vitesse de cinq nœuds à l’heure, ce qui correspond à une dépense de force motrice de 42 kilogrammètres. Il comprend 30 accumulateurs dont 6 forment une réserve; ils ont Ü"‘,30 x 0m,30x0m,18, soit un volume total d’un demi-mètre cube environ.
- La réceptrice est une dynamo Siémens du type appliqué aux tramways ; elle pèse de 180 à 200 kilogrammes, et marche avec une tension de 48 volts et un débit de 8,8 ampères. Dans ces conditions, le bateau se suffit à lui-même pendant dix à douze heures. Il pourrait, d’ailleurs, en cas d’explorations sous-marines, être actionné, pendant l’immersion, par le moteur du navire auquel il serait attaché, au moyen d’une transmission à distance.
- L’appareil propulseur consiste en une hélice mobile qui peut prendre une direction oblique dans tous les sens par rapport à l’axe du navire, sans que son mouvement de rotation continu soit altéré. Pour obtenir ce résultat, M. Goubet dispose des charnières a articulées sur des axes fixés, l’un sur le support mobile e de l’hélice, l’autre sur l’étambot (fig. 3).La charnière supérieure a sert seule à dévier
- l’hélice; l’autre n’agit que comme pièce d’articulation. La première se termine par un secteur denté commandé de l’intérieur par un engrenage à vis sans lin c, auquel un volant m (fig. I) avec chaîne de Galle, placé sons la main du matelot, imprime le mouvement convenable. La partie supérieure de l’étambot porte également un secteur denté f fixe, sur lequel roule celui de la charnière a.
- L’arbre moteur est relié à celui de l’hélice par un joint universel constitué par un manchon reliant les extrémités des arbres qui sont sphériques, et
- toujours également incliné par rapport aux deux arbres.
- Ces dispositions permettent de supprimer le gouvernail, d’assurer le parallélisme parfait sous tous les angles de la charnière et du manchon établis dans un même plan, et d’exécuter sur place les évolutions nécessaires, quelque faible que soit la vitesse, avantage important pour la fixation d’une torpille sous un navire ennemi.
- Des rames sont destinées à suppléer au moteur en cas d’accident,. Manœuvrées par les deux hommes de l’équipage, elles peuvent imprimer au bateau une vitesse de 5 nœuds à l’heure.
- Organes de manœuvre du bateau. sous-marin. — Le bateau est fermé par un dôme de 0m,80 sur 0m,40, fixé sur la coque par des charnières et un verrou à vis. 11 porte sept ouvertures fermées par des glaces de 12 millimètres d’épaisseur, protégées par un grillage et munies d’obturateurs pour parer aux ruptures des glaces.
- Les organes principaux sont les suivants : un réservoir d’air comprimé qui sert de siège aux hommes de l’équipage; à l’avant les accumulateurs, à l’arrière le moteur électrique ; une pompe à eau c actionnée par le moteur au moyen d’un embrayage et servant à épuiser l’eau introduite, pour l’immersion, par le robinet à trois voies p (fig. 1) dans les réservoirs inférieurs h,h,'; une seconde pompe à eau V à double effet destinée à maintenir la stabilité, et puisant ou refoulant l’eau, suivant les cas, du réservoir A dans le réservoir A' et réciproquement; enfin une pompe à air d constamment en marche pour extraire l’air vicié.
- L’alimentation d’air est fournie par le réservoir à air comprimé. Il suffit de 50 litres à la pression de 50 atmosphères pour donner pendant huit heures, à la pression atmosphérique, les 800 litres absorbés à l’heure par les deux hommes de l’équipage.
- Fig. 2. — Appareil de démonstration relatif à la stabilité du torpilleur
- .— Elévation et plan de l’hélice molnle e t de la transmission.
- p.354 - vue 358/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 355
- L’ait’ pénètre dans la coque par le robinet e commandé par une vis sans lin, qui permet de suivre exactement les indications du manomètre, de ma-? nière à maintenir la pression intérieure à une atmosphère. L’air passe d’abord dans les réservoirs d’eau hlï, par le tuyau J, atin de se saturer d’humidité, et débouche dans l’intérieur du dôme par le tuyau k.
- La torpille est installée à l’arrière de la coque; un déclic, manœuvrable de l’intérieur du bateau, la maintient en position. Le lil transmetteur s’enroule sur un tambour extérieur et est relié au commutateur placé sous la main de l’officier. Le volume de la torpille varie suivant qu’elle doit monter vers la surface (cas de l’attaque d’un navire) ou descendre au fond (attaque d’un mur fortifié).
- A l’avant,, un sécateur, qui peut au moyen d'un levier T (tig. 1), sortir du bateau sur une longueur de 3 mètres, sert à couper les fils des torpilles de défense : il est éclairé par une lampe à incandescence, qui permet également, en connexion avec la mire n, d’assurer la direction du bateau.
- S il est utile de remonter très rapidement, ou en cas d’accident survenu à la pompée, l’équipage dispose d'un poids de sûreté égal au poids du volume d’eau nécessaire à l’immersion complète du bateau à une profondeur déterminée. Ce poids est fixé au-dessous de l’axe par une tige en acier g terminée par un écrou encastré dans sa masse. La tige pénètre dans l’intérieur et est assurée par un écrou-goupille. En tournant la tige g, le poids se détache de l’écrou encastré et laisse la coque libre de remonter à la surface.
- Manœuvres d’évolution. —Elles se font au moyen du volant m, qui commande le déplacement de l’hélice mobile et du levier u de changement de marche ou d’arrêt. Quand on veut aller poser la torpille sous un navire, le matelot met en marche à la ligne de flottaison. Après avoir pris la direction au moyen de la mire et d’une boussole, l’officier détermine l’immersion à la profondeur convenable en manœuvrant le robinet p, et se dirige ensuite sur le but à atteindre. Arrivé sous le navire qu’il peut apercevoir par le regard supérieur du dôme a, il fait actionner la pompe c pour se rapprocher verticalement du bâtiment ennemi, puis il fait là-cher la torpille qui monte en vertu de sa force ascensionnelle et vient s’appliquer sous la coque au moyen de griffes disposées en couronne. Le bateau fait ensuite machine arrière ; le fil enroulé sur le tambour se déroule et indique en même temps la distance parcourue. Lorsqu’il la juge suffisante, l’officier détermine l’explosion. Puis le bateau remonte à la surface en vidant ses réservoirs et regagne le vaisseau auquel il est attaché.
- La manœuvre est à peu près analogue quand il s agit de placer une torpille contre un mur fortifié, mais alors son volume est assez réduit pour qu’elle tombe au fond.
- L’équipage peut se maintenir en communication avec le navire principal, soit au moyen d’un fil
- téléphonique s’il évolue autour de lui, soit au moyen de fusées-signaux qu’on introduit dans un tube Z fermé par deux obturateurs solidaires l’un de l’autre. En ouvrant l’obturateur supérieur, la fusée, plus légère que l’eau, grâce à son volume, monte à la surface, et son mouvement d'ascension est encore augmenté par l’action de deux ailettes ; lorsqu’elle atteint la surface, les ailettes dépassent l’eau, et se rabattant par leur propre poids, déclenchent le percuteur. Un petit tuyau évacue l’eau introduite dans le tube Z et la conduit aux réservoirs hh'.
- Conclusions. — La pose d’une torpille sous un bâtiment doit offrir de sérieuses difficultés même pour un équipage exercé; si le navire ennemi est au mouillage, le choix du moment où il conviendra de laisser monter l’engin destructeur sera déjà fort délicat, car il faudra opérer sur une partie suffisamment plate de la coque pour obtenir une application suffisamment solide. La condition du contact entre la torpille et la paroi du navire est en effet rigoureusement nécessaire pour que l’explosion produise son effet, qu’une très faible distance suffit à réduire à néant. La difficulté deviendra bien plus grande si l’ennemi est en marche, car outre celle de saisir le moment propice au débrayage, la torpille peut être repoussée ou détachée parle mouvement de l’eau. Par contre, la pose contre un mur fortifié doit rencontrer beaucoup moins d’obstacles ; le bateau sous-marin de M. Goubet peut également trouver en de nombreuses occasions l’application de ses qualités principales, la stabilité, la grande facilité d’évolution et la sécurité de l'équipage. Parmi ces applications, nous citerons l’examen et la vérification des travaux sous-marins, les observations scientifiques, la destruction des épaves par explosion, et, en raison de la faible action des vagues, même en cas de tempête, à une certaine profondeur, les secours aux navires en détresse, auxquels un bateau de ce genre apporterait des filins qu’il laisserait remonter à la surface au moyen de bouées, etc. X...,
- lugéuieur.
- LETTRES D’AMÉRIQUE1
- I.ES FERMES DU DAKOTA ET LES MOULINS DE MINNEAPOLIS
- La ville de Bismarck, la plus ancienne du Dakota, la capitale de cette province, date de dix à douze années environ; elle compte 5500 habitants, dont le nombre s’accroît de jour en jour. Cette cité est célèbre aujourd’hui par son pont de fer construit sur des piles de granit, et qui traverse le Missouri. Ce beau travail a déjà occasionné une dépense de cinq millions; il est encore inachevé. Un viaduc provisoire en bois relie la partie terminée à l’autre rive du fleuve; c’est ainsi que nous entrons dans le pays des grandes fermes.
- 1 Suite. Voy. p. 7, 42, 82, 150, 198, 247 et 295,
- p.355 - vue 359/432
-
-
-
- 556
- LA NATURE.
- Cette contrée est vraiment extraordinaire à parcourir. Du haut de la plate-forme de notre wagon, nous avons devant les yeux une surface aussi grandiose et aussi unie que celle de l’Océan lui-même par un temps calme. C’est une mer de verdure luxuriante, composée de riches cultures de blé et d’avoine. Le spectacle est monotone sans doute, mais il est vraiment admirable à contempler. Que de richesses sont semées sur ces terres du Dakota !
- Je m’arrête à la station de Fargo, devenu l’un des principaux centres des fermes de la province, pour aller visiter les terres de M. Dalrymple, le célèbre fermier. Je dois ici le remercier de son cordial accueil.
- Reçu avec bienveillance dans sa maison, il a bien voulu me montrer lui-même les parties les plus intéressantes de son immense propriété.
- Le territoire occupé par M. Dalrymple est d’une contenance de 75000 acres. C’est un des plus considérables de la contrée, mais il n’est pas cependant d’un seul tenant. Une partie, connue sous le nom de Grandin farm, composée de 20000 acres, se trouve dans le Trail Counhj aux environs de Cas-selton, a vingt milles ouest de Fargo.
- Pour cultiver d’aussi immenses territoires, les méthodes européennes seraient loin d'être suffisantes, aussi au Dakota le système est-il tout différent.
- Fig. 1. — Les chutes de Saint-Antliony à Minneapolis, avec la vue des moulins à farines et des scieries. (D’après nature,
- par M. Albert Tissandier.)
- Il consiste à diviser les terres par sections d'une surface de 640 acres ou 2589440 mètres carrés chacune; ces sections sont divisées elles-mêmes en fermes de 200 acres. Un intendant général doit commander trois fermes. II est logé dans de grands bâtiments où se tient aussi son administration. Autour de ceux-ci sont construits des greniers, des écuries, des remises pour les machines, des forges, des ateliers de réparation, des magasins de toutes sortes. Ces différents services peuvent correspondre entre eux à l’aide du téléphone et ils se relient en outre au bureau principal de l’intendant général.
- M. Dalrymple possède environ 1000 chevaux ou mulets pour les travaux divers des champs, et il occupe plus de 400 ouvriers pour la moisson et plus
- de 500 pour le battage du blé dans les sections qui sont voisines de Fargo. Je n’ai pu cacher mon étonnement lorsque M. Dalrymple m’a mené vers une des sections où les travailleurs étaient occupés : 14 machines attelées chacune de 5 mules marchaient en ligne, commandées par l’intendant. Elles coupaient régulièrement le blé semé, en faisant le tour de la section et le rejetaient ensuite en bottes toutes liées à l’aide de fils de fer ; chaque botte était recueillie alors par des ouvriers qui les plaçaient en faisceaux sur le sol même (fig 2).
- La discipline est parfaite et toutes les manœuvres sont exécutées avec une précision étonnante. La voix seule du commandant se fait entendre au milieu du silence absolu des champs; elle n’est troublée que
- p.356 - vue 360/432
-
-
-
- LÀ NAT U H K.
- 557
- par le bruissement léger produit par le blé coupé, ou par les machines.
- Les opérations faites dans les terrains où la herse
- devient nécessaire (fig. 5), celles du labourage et de l’ensemencement, se font de même à l’aide de machines dont les modèles sont connus d’ailleurs. On
- les a vus aux différentes expositions agricoles. C’est un spectacle vraiment extraordinaire que ces travaux menés de cette façon; les hommes, les mules
- et les machines se meuvent comme une véritable armée. Les terres absolument planes de toute la contrée ont facilité l’usage des machines, il n’a fallu
- Fig. 5. — Travail agricole dans une ferme du Dakota. La manœuvre des herses. (D’après les croquis de M. Albert Tissandier.)
- aucun travail préalable, aucune préparation. En France, nos champs sont loin d’être aussi unis et des travaux d’aplanissement seraient souvent trop coûteux. Ici la nature semble avoir tout prévu
- par avance. Le sol est aussi tellement riche que depuis bien des années d’exploitation il n’a pas été nécessaire de le fumer. D’année en année on a pu planter aussi sans aucun changement, toujours du
- y
- p.357 - vue 361/432
-
-
-
- 558
- LÀ NATURE
- blé ou des avoines aux mêmes endroits. I/an dernier, M. Dalrymphe a pu récolter jusqu’à 000000 bottes de blé sans compter les avoines.
- Dans l’année 1882, il a pu faire un bénéfice net de 216000 dollars ou 1 080000 francs.
- Le chemin de fer passe dans les propriétés de ce cultivateur hors ligne; des élévateurs à blé sont disposés près de la station, qui porte le nom de Dalrymplc, de sorte que les récoltes peuvent être envoyées sans retard dans les villes. Une grande partie des grains est ainsi expédiée à Minneapolis dans les moulins gigantesques où la farine se fabrique.
- Minneapolis, rivale de Saint-Paul, compte près de 100000 habitants. Située sur le Mississipi, elle a un aspect tout particulier et le mouvement commercial y est extrême. Les scieries colossales ainsi que les moulins font la fortune de la cité.
- Sur notre premier croquis, on en voit quelques-uns des principaux, lesWashburn mill, etc. (fig. 1), puis enfin les travaux de l’immense barrage construit : les faits of Saint-Anthony. De chaque côté des chutes, le Mississipi apporte la force de ses eaux pour l’alimentation des usines, scieries et moulins ; elles s’écoulent ensuite au bas des chutes en mille cascades diverses. Le chiffre des affaires commerciales qui résultent des industries de Minneapolis est de plus de 175000000 de dollars ou 875000000 millions de francs.
- J’ai visité la plupart des moulins, grâce à l’amabilité de leur directeur; c’est évidemment le Pillsbury mill le plus considérable d’entre eux. L’aspect extérieur est dénué de toute recherche artistique. Ces moulins forment de grands cubes de maçonnerie de six ou sept étages bâtis en granit ou pierre du pays. Mais à l’intérieur leur disposition est des plus intéressantes. Les grains sont portés tout d’abord au rez-de-chaussée. Une série de cylindres en acier trempé commence à les broyer. L’effet de cette première opération est peu sensible d’abord, mais à mesure que nous voyons le résultat produit par sept réductions semblables on comprend aisément l’action des rouleaux d’acier. A chaque réduction, une portion dont on tire la meilleure farine, le miildliny, comme on dit là-bas, est retirée de l’enveloppe extérieure du grain. Cette matière est portée à l’étage supérieur du moulin par une courroie sans fin de plus de 60 mètres de développement et envoyé ainsi dans un cylindre horizontal recouvert de toile métallique.
- Ce cylindre fait 28 tours à la minute ; il conduit par ce mouvement continu la matière déjà broyée au travers de sa toile; elle tombe à l’extrémité du cylindre, d’une hauteur de 7 étages, dans un purificateur et subit une deuxième réduction. Broyée encore plus menue, elle est remontée par une autre courroie sans fin à godets, et ainsi de suite, jusqu’à la septième et dernière opération. Toutes les matières nutritives ont pu être recueillies alors et envoyées au purificateur, il ne reste plus absolument que du son.
- L’action du purificateur ne suffit pas encore pour
- dégager entièrement la farine d'avec certains germes du blé de nature grasse qui ayant la même densité s’y trouvent encore mêlés. On lui fait subir de nouvelles opérations d’écrasement, en la faisant passer entre d’autres cylindres broyeurs; puis enfin elle est soumise aux effets du criblage et du blutage.
- La matière nutritive semble enfin bien dégagée de toute impureté, elle passe cependant encore au tamisage dans les mailles serrées d’une soie fine; la farine est alors parfaite.
- Le débit de chaque jour est de 6000 barils employant 27 000 boisseaux de blé. On en envoie dans tous les pays d’Europe.
- Dans le sous-sol du Pillsbury mill, à 10 mètres de profondeur, on voit les roues à eau ; deux turbines de 56 pouces de diamètre sont constamment alimentées par une épaisse nappe d’eau fournie par le Mississipi. Elles peuvent donner une force égale à 2700 chevaux-vapeur.
- Les gelées de l’hiver arrêtent les petites rivières tributaires du fleuve et les eaux diminuent. Une machine Corliss de 4400 chevaux-vapeur vient alors en aide au travail de l’usine qui est jour et nuit occupée.
- La lumière électrique y est installée. 40 lampes Brush, 200 lampes à incandescence Weston et 200 lampes Edison illuminent le moulin. Les propriétaires de cet établissement admirable, les quatre membres de la même famille Pillsbury, ont fait une dépense de plus de cinq millions de francs pour le porter à l’état de perfection et de prospérité où il se trouve aujourd’hui. M. John Jones, l’un des ingénieurs qui a bien voulu me diriger dans toutes les intéressantes parties du moulin, me disait avec joie que ses patrons donnaient aux employés, depuis deux ans, outre leurs appointements fixes, des intérêts sur les bénéfices qui ont produit la somme importante de 250000 francs. Quelques-uns d’entre eux ont pu recevoir annuellement jusqu’à 900 dollars (4500 francs) pour leur part, en outre de leurs appointements.
- « Notre reconnaissance est grande pour votre beau pays de France, m’a dit M. Jones en me quittant ; vous voyez ici le purificateur Lacroix, le purificateur Français! sans lui, nous étions des meuniers fort ordinaires, notre farine était noirâtre, souvent mauvaise et personne ne s’en souciait sur les marchés. C’est grâce à l’introduction de cet appareil en Amérique que nous sommes redevables de la prospérité extraordinaire dont nous jouissons aujourd’hui. L’effet produit a été magique, la transformation des moulins a eu lieu, Minneapolis, insignifiant village des provinces de l’Ouest il y a quelques années, sera bientôt la rivale de Chicago. »
- — A suivre. — ÀLBERT TlSSAKDIER.
- L’ÉGALITÉ DU NIYEAU DES MERS
- La récente polémique entre M. Faye et M. de Lappa-rent m’a rappelé Fane des objections que l’on faisait, il y
- p.358 - vue 362/432
-
-
-
- LA NATURE
- 559
- a. quelques années, au percement de l’isthme de Suez, eu disant qu’il y avait une différence de niveau entre la mer Mediterranée et la mer Rouge.
- Il y a longtemps que cette opinion de l’inégalité du niveau des mers a cours parmi les hommes. Lucien en fait déjà mention dans son dialogue intitulé : Le Percement, de l'isthme. C’était de l’isthme de Corinthe qu'il s’agissait.
- Muzonius, 1 un des interlocuteurs, s’exprime ainsi :
- « Il y avait cinq ou six jours que nous étions, pour ainsi dire, enchaînés sur l’isthme, lorsqu’un bruit vague se répandit à Corinthe que Néron avait changé d’avis. On disait que des géomètres égyptiens, ayant mesuré la hauteur des deux mers, ne les avaient point trouvées de niveau; ils croyaient que celle du golfe des Léchéens était plus élevée, et qu’il y avait à craindre qu’Egine ne fût submergée, si une mer aussi considérable venait tout à coup à s’y répandre. Ce n’était point assez pour arrêter Néron : Thaïes, lui-même, ce philosophe si sage, si versé dans l’étude de la nature, n’y eût pas réussi. Il en était plus jaloux que de chanter en public. Mais un soulèvement des nations occidentales, fomenté par un homme d’un caractère audacieux, nommé Vindex, vient d’arracher à la Grèce et à l’isthme, Néron qui donna vainement pour excuse l’objection des géomètres, car je sais très bien que les mers sont de niveau. »
- Lucien fait intervenir ici Thaïes parce que, d’après tous les anciens historiens, ce fut Thaïes (né en 548 et mort en 659 avant J.-G.) qui introduisit en Grèce la géométrie dont il avait puisé la connaissance en Égypte.
- Suivant Hérodote (Iiv. II, ch. cix), cette science aurait été déjà florissante sur les bords du Nil dès le règne de Sésostris : « Les prêtres me dirent encore que ce même roi fit le partage des terres, assignant à chaque Egyptien une portion de terre égale et carrée que l’on tirait au sort, à la charge néanmoins de lui payer tous les ans une certaine redevance qui composait son revenu. Si le fleuve enlevait à quelqu’un une partie de son lot, il allait trouver le roi et lui exposait ce qui lui était arrivé. Ce prince envoyait sur-le-champ des arpenteurs, pour voir de combien l’héritage était diminué afin de ne faire payer la redevance qu'à proportion de ce qui restait. Voilà, je crois, l’origine de la géométrie qui a passé de ce pays-ci en Grèce. A l’égard du pôle, du cadran solaire et de la division du jour en douze parties, les Grecs les tiennent des babyloniens, a A. R.
- LA POTERIE PALÉOLITHIQUE
- DE LA GROTTE DE NABRIGAS (LOZÈRE)
- Trois fois déjà1 La Nature a parlé de cette extraordinaire région des causses français restée si peu connue jusqu’à ces dernières années. Ce n’est, pas seulement par ses merveilles pittoresques que la Lozère peut aspirer à devenir célèbre : un autre ordre de curiosités contribuera à établir sa renommée, je veux parler des trouvailles préhistoriques. Depuis quinze ans les remarquables recherches du Dr Prunières (de Marvejols)dans les dolmens des causses et les grottes néolithiques des gorges du Tarn avaient fourni les plus curieuses données sur le mélange, la fusion d’une race de la pierre polie,
- 1 N° 597, 608 et 659.
- autochtone, des cavernes et d'une race d’envahisseurs, de la période du bronze, des dolmens. La transition ainsi reconnue est un fait intéressant au plus haut degré et qui a mérité à juste titre l’attenlion des anthropologistes.
- L’année dernière en compagnie de M. L. de Launay, ingénieur des mines à Moulins, j’ai fait une découverte importante aussi dans la grotte de Nabrigas, ouverte presque au sommet du causse Méjéan, à 50 mètres au-dessus de la vallée de la Jonte, à 6 kilomètres à 1 ouest de Meyrueis (Lozère) : dans une poche vierge de fouilles, et non remaniée par les eaux, nous avons recueilli en contact immédiat avec les restes d au moins deux squelettes d’Ürsus Spelœus (grand ours quaternaire des cavernes) neuf fragments de crânes humains divers (dont un maxillaire supérieur gauche avec trois dents) et un morceau de poterie très grossière, non faite au tour. La question de savoir si 1 homme paléolithique (de la pierre taillée),
- COUPE DE LA POCHE DE NABRIGAS
- Echelle rl85 e { 7 millimètre pour 8 centimètres 72}
- l.Têtes d'Ursus._2 Bas3În._3 Mâchoire humai-
- Poterie ^—Vertèbres «ÿ-_Dents.
- Formation argile-calcaire remplaçant la stalagmite.- ^Fragments de-crânes "humains.
- ----Limite de la formation argilo-calcaire
- Fouille du 28 Août Î885 par E.A.Martel et L.de Launay.
- ! * ê
- . Mi
- ',w*
- IHW GRAND
- W
- *Anfractuosité qui a révélé la poche
- LOIR
- ayé par
- Précédents
- “ailleurs
- Coupe de la poche de Nabrigas {Lozère).
- contemporain du renne et du grand ours, a connu l’usage de la poterie est très controversée : MM. de Mortillet, Trutat, Cartailhac, Gazalis de Fondouce, Evans, Lubbock, etc., soutiennent la négative; MM. Lartet, Christy, Joly, de Quatrefages, Hamy, Dupont, Garrigou, etc., défendent l’affirmative. L’embarras est grand réellement pour les juges impartiaux, qui voient ces deux opinions contraires adoptées par des autorités également compétentes et aussi puissantes que celles que nous venons de nommer de part et d’autre.
- Ce qu’il y a de bizarre dans notre rencontre, c’est que cinquante ans plus tôt, en 1855, avant la naissance de la préhistoire, alors que l’existence même de l’homme quaternaire était contestée, M. Joly trouvait dans cette propre grotte de Nabrigas un tesson de vase grossier en contact avec un crâne de grand ours fossile. Comme à tous les fouilleurs, rares jusqu’à présent, qui ont exhumé de la poterie des gisements paléolithiques, on lui opposa l’objection des remaniements, c’est-à-dire le bouleversement du dépôt par un courant postérieur et l’introduction for-
- p.359 - vue 363/432
-
-
-
- 360
- LA NATURE.
- tuite d’objets beaucoup plus modernes : et cela avec d’autant plus de succès que, pendant un demi-siècle, rien, dans la région des causses, ne vint confirmer la trouvaille de M. Joly; on disait même que l’homme de la pierre taillée n’avait pas pénétré dans les Cévennes du Languedoc.
- Nos fragments de poterie et de crânes humains démontrent le mal fondé de cette négation. Il est vrai qu'à notre communication à l’Académie des sciences (9 novembre 1885,) M. Cartailhac n’a pas manqué d’opposer l'hypothèse classique du remaniement ; mais nous croyons fermement l’avoir réfutée de point en point dans deux notices récentes1. Ce n’est pas ici le lieu de détailler cette discussion et nos arguments : nous voulons seulement signaler un fait de plus à l’appui de l’opinion qui admet la connaissance de la poterie à l’époque paléolithique.
- Faisons au moins remarquer, en interprétant le dessin ci-contre, qu’un mur de cailloux hermétiquement clos, épais d’un mètre et une formation argilo-calcaire stalagmitique protégeaient le dépôt d'Ursus où gisaient nos débris humains ; — qu’aucune trace de dérangement, qu’aucun objet néolithique n’ont été trouvés dans cette poche; — que la poterie reposait à deux mètres de la surface; —et que les os des squelettes d’Ours avaient conservé leur position relative naturelle, ce qui contredit l’hvpothèse du remaniement.
- Renvoyant pour plus de détails aux notices citées, nous estimons que l’homme fossile de l'époque paléolithique n’ignorait pas l’art du potier.
- E.-A. Martel.
- UNE NOCTUELLE GIGANTESQUE
- A la belle saison, lors des premières approches du crépuscule, commence à voltiger silencieusement tout un peuple de papillons de nuit. Les brillants papillons de jour ont tous quitté la scène : réfugiés dans l’épaisseur des buissons, blottis entre les feuilles, ils dorment d’un profond sommeil, réparateur des fatigues d’une journée agitée. Une nouvelle vie commence : l’espace appartient maintenant aux noctambules. Les Noctuelles commencent leurs ébats, les Sphinx bourdonnent en planant autour des fleurs dont ils recherchent les sucs parfumés; les Bombyx se poursuivent dans leur vol en zigzag à la découverte des femelles; les Phalènes tourbillonnent autour des haies.
- Les allures de tous ces rôdeurs de nuit sont discrètes, leur costume affecte des teintes sombres. Cette disposition se remarque surtout chez les Noctuelles. Leurs ailes supérieures sont presque toujours d’un ton sombre et grisâtre, et recouvrent, dans l’attitude du repos, les ailes inférieures qui
- 1 Bulletin de la Société géologique de France, séance du 7 décembre 1885 ; Bulletin delà Société d'anthropologie de Paris, séance du 19 novembre 1885.
- sont souvent brillantes de ton. Les gros yeux de ces papillons, leur corps ramassé et recouvert d’une épaisse fourrure, les ont fait comparer à des oiseaux | de nuit, aux hiboux et aux chouettes, auxquels ils ressemblent encore par leur vol silencieux. Certains de ces papillons ont des yeux qui brillent dans l’obscurité.
- Dans nos pays les Noctuelles sont des papillons de taille moyenne ou plutôt petite; mais les pavs tropicaux nous offrent plusieurs grandes espèces, et les dimensions atteintes par les Erebus et les Tliy-sania sont réellement gigantesques.
- Le beau papillon de nuit que nous figurons ici appartient à une famille de Noctuelles anciennement connues. La grandeur exceptionnelle de ces Hétéro-cères les avait signalés depuis longtemps à l’attention : des amateurs. Dès la fin du dix-septième siècle, Sibylle de Mérian donnait, dans ses planches des insectes de Surinam, une représentation plus naïve encore que grossière de la belle Thysania (Erebm strix) des auteurs. Celte Noctuelle, le plus grand papillon connu, a été nommée Thysania Agrippina, par Cramer, qui a peut-être voulu rappeler par ce nom la majestueuse beauté de la veuve de Germa-nicus.
- Cette Noctuelle, qui n’est pas rare à la Guyane, atteint jusqu’à 50 centimètres d’envergure dans les deux sexes. La teinte générale du dessus des ailes est d’un gris blanchâtre ; ce ton est rehaussé par des lignes en zigzag brun marron foncé, plus ou moins larges, formant par endroits des taches plus ou moins fondues. Sur l’aile supérieure, près de sa base, on remarque une lunule ovale. En dessous, les quatre ailes sont lie de vin foncé, rehaussé de taches et de lunules blanches. Le bord des ailes est largement découpé en dentelures arrondies. Le corps est d’un blanc jaunâtre, les yeux sont noirs.
- La chenille de la Thysania Agrippina est fort grande et remarquable par ses couleurs tranchées. Sibylle de Mérian nous la représente avec la tête jaune et les anneaux d’un bleu verdâtre avec une large tache noire recouvrant le dessus et envahissant les côtés de chacun d’eux. Une bande longitudinale jaune court le long des flancs. Sur l’avant-dernier anneau s’élève une petite corne ainsi qu’on l’observe chez les chenilles des Sphinx et d’autres Hétérocères. Cette chenille vit, d’après la savante Hollandaise, sur une espèce de gomme-gutte et ne paraît pas se ressentir de ce régime purgatif drastique. Il n’est pas sans exemple, d’ailleurs, de voir des chenilles s’accommoder des plantes les plus vénéneuses, et celle d'une espèce indigène de Sphinx (.Deilephila Euphorbiœ) vit sur la petite Euphorbe [Euphorbia cyparissias). Les oiseaux insectivores connaissent si bien les propriétés toxiques qu’acquiert ainsi cette chenille, qu’ils la laissent impunément étaler ses couleurs émaillées sur les pieds dégarnis de cette plante. Nous ne savons pas si la chenille de la Thysania Agrippina jouit de la même immunité.
- p.360 - vue 364/432
-
-
-
- ^Noctuelle de la Guyane (Tlujxnnin .\ijrippiita). Grandeur naturelle, d’après un individu île petite taille
- p.361 - vue 365/432
-
-
-
- 56 2
- LA NATURE.
- Cette chenille subit sa métamorphose dans un co- j con de soie grossière et lâche, gros comme un œuf j de poule, et dissimulé dans les broussailles. ;
- Une espèce, appartenant à un genre voisin, Y Ere- j bus odora, Linn., vit à la Jamaïque, à la Guadeloupe, j à la Guyane et au Brésil. C’est, également un papillon de grande taille, mais ne dépassant pas 14 centimètres d’envergure. h'Erebus odora, comme la majorité des Noctuelles, fuit la lumière et se plaît dans les endroits abrités, sombres et humides; il n’est pas rare de la voir pénétrer dans les maisons. Certaines Noctuelles indigènes, voisines des Erèbes, ont aussi des mœurs analogues. La Mania maura, que l’on rencontre souvent dans nos environs, est d’assez grande taille, atteignant 7 centimètres d’envergure. On la trouve parfois, pendant la belle saison, appliquée contre les murs des escaliers humides des caves, aux soupiraux des celliers ; elle se plaît aussi sous les voûtes des ponts où suinte l’eau, dans les grottes.
- Dans le même groupe viennent se ranger les Ophi-d'eres, ces curieux papillons de l’Inde, de Madagascar, de l’Australie et de la Malaisie, armés d’une trompe perforante. Maorice Maindron.
- LA COLORATION DES VINS
- SUR l’eMPI.OI DES OXYDES MÉTALLIQUES POUR RECONNAITRE DANS LES VINS LES COULEURS DÉRIVÉES DE
- LA HOUILLE.
- J’ai l’honneur de présenter une méthode générale, sûre et très précise, pour caractériser dans les vins les matières colorantes, fuchsines, azoïques et autres, si employées aujourd’hui, dérivées plus ou moins immédiatement de la houille. Cette méthode repose sur l’emploi des oxydes métalliques proprement dits. Nous avons essayé en particulier l’oxyde jaune de mercure, l’hydrate d’oxyde de plomb humide et l'hydrate de peroxyde de fer gélatineux.
- La matière colorante du vin, sorte de tannin, est un acide faible formant, on le sait, des laques insolubles avec un grand nombre de sels métalliques, sels de plomb, de mercure, de fer, etc. Toutefois, l’excès de ces sels soit redissout la laque métallique, soit agit sur les matières colorantes artificielles étrangères. J’ai pensé que l’intervention directe des oxydes de ces métaux, hases faibles et insolubles, fixerait la matière colorante normale du vin, sans exercer d’action destructive vis-à-vis de la plupart des colorants de la houille, et sans contracter de combinaisons avec eux.
- L’expérience a confirmé ces vues. Voici les faits :
- A. Oxyde jaune de mercure. — L’oxyde jaune de mercure retient à froid et à chaud la matière colorante normale du vin, et, de plus, la cochenille et les colorants végétaux utilisés pour les vins, et cela d’une façon complète. 0gr,20 environ d’oxyde jaune suffisent pour décolorer 10cc de vin.
- Il laisse passer au contraire à la filtration, à froid
- comme à chaud, le dérivé sulfoconjugué de la fuchsine même à l’état de traces ; puis surtout à chaud les colorants suivants : rouge de Bordeaux B, rouge soluhle (sel sodique du dérivé sulfoconjugué de la roccelline), rouge pourpre, crocéine 5 B, écarlate (rouge de Biébrich), ponceau R, ponceau B, orangé R, orangé ItRR, orangé II, orangé RR, tropéoline M, tropéoline II, jaune I, jaune solide, jaune de binilronaphlol, jaune NS.
- Ces colorants passent intégralement, même contenus en faible quantité.
- L’oxyde jaune semble retenir une partie de colorants suivants : orangé I, safranine, chrysoïdine, chrysoïne, méthyléosine, jaune II, rouge NN, rouge I, ponceau RR. Il retient totalement l’érythrosine, l’éosine J, le bleu de méthylène, le bleu Coupier, le bleu de diphénylamine.
- Tous ces essais, comme les suivants, ont été pratiqués avec de faibles quantités de matière colorante, représentant le quart, et souvent moins, de la coloration totale du vin. Ils ont été toujours pratiqués en présence du vin, les conditions du milieu changeant la réaction. Nous citerons l’érythrosine qui passe en solution aqueuse, mais qui est retenue en présence du vin. Gomme chauffe, on s’est contenté d’amener à l’ébullition.
- B. Hydrate d’oxyde de plomb. — Cet hydrate a été employé renfermant 50 pour 100 d’eau à la dose de 2*r pour 10lf de vin. A froid, il retient la matière colorante normale du vin en agitant une minute ou deux. A chaud, il suffit d’amener à l’ébullition. Tous les colorants végétaux et la cochenille sont aussi retenus.
- Contrairement à l’oxyde de mercure, cet oxyde laisse très bien passer les fuchsines. Nous avons essayé les chlorhydrate, sulfate, acétate, oxalate, arséniate de rosa-nihne; on acidifie le liquide filtré pour régénérer complètement le sel de rosaniline. Il laisse passer l’orangé 1 (avec teinte rose), la safranine, l’orangé R, l’orangé RRR (avec teinte rose), la tropéoline M, la tropéoline II, la chrysoïdine, la chrysoïne, l’orangé II; la méthyléosine, le jaune solide, le jaune de binitronaphtol, le jaune NS, le jaune I, le ponceau B. Il retient partiellement l’éosine J, le jaune II, le rouge I, le ponceau RR.
- Comme l’oxyde de mercure, il retient totalement le bleu de méthylène, le bleu Coupier, le bleu de diphénylamine, l’érythrosine; mais, à l’inverse de l’oxyde de, mercure, et le fait est remarquable, il retient le dérivé sulfoconjugué de la fuchsine, le rouge de Bordeaux B, le rouge pourpre et le rouge insoluble de roccelline.
- Hydrate de peroxyde de fer gélatineux. — Cet oxyde a été employé retenant 90 pour 100 d’eau environ à la dose de 10gr pour 1ÜC0 de vin. On mêle à froid, on amène à l’ébullition. Le vin pur est complètement décoloré. La cochenille et les colorants végétaux sont retenus.
- Les colorants suivants passent : d’abord l’érythrosine, précisément retenue par l’oxyde de mercure et l’oxyde de plomb, puis le dérivé sulfoconjugué de la fuchsine, le rouge de Bordeaux B, le pourpre, le rouge soluble, le jaune solide. Au contraire toutes les fuchsines autres que le dérivé sulfoconjugué sont retenues. Les autres colorants moins importants n’ont pas encore été examinés.
- Ajoutons que l’hvdrate stanneux, l’hydrate de zinc ont donné des résultats encourageants. Certains colorants passent, d’autres sont fixés ou totalement ou partiellement avec formation de laques colorées diversement et souvent d’une façon caractéristique.
- p.362 - vue 366/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 365
- On voit tout de suite une méthode générale pos- I sible, soit de distinction de ces colorants, soit de séparation. La comparaison avec une solution type, la teinture de la soie et de la laine, puis réaction de l’acide sulfurique concentré, l’action spectrale (Girard et Pabst), la solubilité dans l’alcool amylique, permettront de préciser leur nature, etc., etc.
- Nous dirons, à ce propos, que le traitement du vin par la magnésie et l’alcool amylique a chaud permet d’isoler et de distinguer un grand nombre de bleus artificiels retenus par les oxydes de plomb, de fer et de mercure.
- Nous espérons même généraliser la méthode et distinguer entre eux les colorants naturels. Nous signalerons l’hydrate stanneux, qui retient facilement la matière colorante du vin et laisse passer la cochenille et l’orseillc.
- Du vin, il n’y a qu’un pas pour retrouver les colorants artificiels dans les sirops, les liqueurs et autres produits alimentaires. P. Cazeneuve.
- UN
- PRÉJUGÉ SUR LU POROSITÉ DU VERRE
- Pendant les loisirs de leur villégiature au lac de Côme, les propriétaires des villas répètent souvent pour leur invités l’expérience suivante :
- Ils prennent une bouteille vide, à parois épaisses, comme une bourguignonne ou une bouteille à champagne, la bouchent à la machine avec le plus gros bouchon qu’ils puissent trouver, la cachettent soigneusement et, au moyen d’un poids suffisant et d’un long cordeau, ils l’immergent dans le lac, à une soixantaine de mètres de profondeur. L’extrémité de la corde est retenue par un flotteur. Après un séjour sous l’eau, de huit heures environ, la bouteille est retirée. Le bouchon et la cire sont parfaitement intacts et cependant la bouteille contient les deux tiers de son volume d’eau !
- Jusqu’à présent, les villegianti et même les barcaiuoli attribuaient le phénomène à la porosité du verre. L’eau, disaient-ils, sous une pression de six atmosphères, pénètre dans la bouteille à travers les pores du verre, et en chasse l’air par les mêmes pores. De temps à autre, des savants en vacance contestaient l’explication, eux qui savent que le verre est impénétrable, même par l’hydrogène. I)e là, discussions, paris, expériences renouvelées et modifiées ; le adhuc sub judice lis est, menaçait de durer éternellement.
- Un de nos compatriotes, propriétaire de la villa Ca-pouana (un pisciculteur qui réussit), prit le parti d’en finir avec le préjugé. Il fit souffler dans une verrerie une sphère complètement close, à parois égales à celles des trop fameuses bouteilles, et la fit immerger en présence des plus féroces partisans de la perméabilité du verre. Après huit heures, la boule est retirée : rien! pas une goutte d’eau! On immerge à 500 mètres et pendant douze heures : pas même un globule de rooée.
- On n’en parle plus. Il est admis maintenant de Côme à Bellaggio et de Menaggio à Colico, que l’eau, sous une forte pression, pénètre la cire d’Espagne la meilleure et le bouchon le plus dur sans les détériorer en rien. Le préjugé a disparu, et c’est dommage, car il était bien amusant. Ces merveilleuses bouteilles à champagne, qui
- cassaient souvent, avaient plus d’un agrément pour les invités, dont les dénégations étaient parfois inspirées par le fils de Sémélé. L. Standaert.
- Milan, 25 avril '1886.
- POMPE POUR REFOULEMENT
- A GRANDE HAUTEUR
- La construction de deux forts, actuellement en construction, sur les Monts-Chauves, à 8 kilomètres de Aire, a conduit les entrepreneurs des travaux de ces forts à résoudre un problème d’hydraulique fort intéressant, dont nous trouvons la description dans le bullelin technologique de la Société des anciens élèves des écoles nationales d'arts et métiers.
- Il s’agissait d’élever, pendant toute la durée des travaux, un volume de 40 mètres cubes d’eau par jour à une hauteur de 515 mètres, celte eau élant puisée dans le Magnan, à la cote 556m,7 et refoulée au sommet du Mont-Chauve d’Aspremont à la cote 849 mètres, dans une conduite d’un développement total de 1550 mètres, de 40 millimètres de diamètre, avec une consommation de charbon ne dépassant pas 7,5 kilogrammes par mètre cube d’eau élevée.
- M. Dumontant, ingénieur-constructeur à Nice, a accepté d’élever les eaux du Magnan à cette hauteur à l’aide d’une seule pompe, malgré les avis opposés de plusieurs personnes compétentes qui considéraient l’idée comme non pratique et devant rencontrer de très nombreuses et très sérieuses difficultés d’exécution.
- Lés appareils de refoulement devaient, si l’on tient compte des pertes de charge dues aux frottements dans les tuyaux et le passage dans les coudes, produire une pression équivalente à 595 mètres d’eau, soit cinquante-huit atmojfdières. On ne pouvait songer à une pompe à double effet à piston unique, à cause des coups de bélier aux moments des changements de sens de la course du piston, pas plus qu’aux réservoirs d’air qui n’auraient pas pu conserver leur provision.
- M. Dumontant a vaincu la difficulté en effectuant le refoulement d’une manière régulière et continue sans que les changements de marche puissent influer d’une manière sensible sur le refoulement. Il a employé, à cet effet, une pompe à effets multiples composée de sept corps de pompe fixés horizontalement sur un bâti circulaire, suivant les rayons d’un cercle, à égale distance l’un de l’autre, actionnées par un unique bouton manivelle central.
- Chaque piston a 5 centimètres de diamètre et 10 centimètres de course. Le bouton manivelle fait 30 tours par minute. La conduite est en fer soudé à recouvrement, elle a 6 millimètres d’épaisseur à la hase et 4,5 millimètres au sommet, les tuyaux ont été essayés à la pression de 200 à 250 atmosphères.
- Les épreuves de l’installation ont indiqué une dépense de 4,07 kilogrammes de charbon par mètre cube d’eau montée, chiffre bien inférieur à celui stipulé par le marché. Le rendement en volume a été de 0,94, alors que celui prévu et assuré n’était que de 0,90.
- C’est un résultat intéressant qui montre que le projet de M. Dumontant a été aussi bien exécuté que conçu, et nous en enregistrons le succès avec d’autant plus de plaisir que c’est la première fois, croyons-nous, que l’on effectue des élévations d’eau à une hauteur aussi considérable.
- --------
- p.363 - vue 367/432
-
-
-
- 364
- LA NATURE.
- LES AFFICHES ILLUSTRÉES1
- On a souvent prodigué les railleries et les quolibets au collectionneur qui s’attache à recueillir avec la patience du chasseur à l’affût, des objets futiles aux yeux du profane. Mais laissez faire le temps; ces objets que personne, à aucun prix, ne saurait plus avoir, auront acquis un intérêt de curiosité exceptionnel ; ils deviendront peut-être des documents précieux à l’archéologue et à l’historien, et l’on finira, tôt ou tard, par rendre justice à celui qui a su les réunir et les conserver.
- Un chercheur et un érudit, M. Ernest Maindron, a eu, depuis de longues années, l’idée éminemment originale de collectionner, ce que‘personne ne songeait à garder avant lui : des affiches, des placards que l’on colle sur les murs. Les années se sont écoulées. M. Maindron collectionnait toujours, entassant les affiches politiques ou littéraires peintes et coloriées, les affiches illustrées et bariolées, blan ches et multicolores ; affiches de théâtres, affiches de livres, discours officiels et proclamations , tout y passait; tout était mis de côté, classé et catalogué. Il recueillait chez les bouquinistes des affiches anciennes et, sans jamais se lasser, réunissait ainsi le passé au présent en se préparant une nouvelle ardeur pour l’avenir. Sa passion le conduisait jusqu’à jouer sa liberté pour une affiche. Pendant la Commune on voyait, à l’aube, le collectionneur allant décoller sur les murs les pro-el amations du Comité central !
- La collection de M. Ernest Maindron, composée de plus de dix mille pièces anciennes et modernes, est devenue unique dans son genre. Connue d’abord de quelques intimes, elle devait peu à peu attirer l’attention des artistes, des lettrés et des savants, et finir par donner naissance à un magnifique ouvrage que nous allons faire connaître à nos lecteurs et qui abonde en richesses inattendues de documents et de curiosités, d’un intérêt rare.
- L’affiche, qui a pour but de s’adresser au public, est une invention très ancienne dont on retrouve des
- 1 Les Affiches illustrées, par Ernest Maindron. Ouvrage orné de 20 chromolithographies, par Jules Chéret, et de nombreuses reproductions en noir et en couleur, d’après les documents originaux. 1 vol. grand in-8°. — Paris, Launette et O, 197, boulevard Saint-Germain, 1886.
- traces dans l’antiquité. Nous reproduisons ci-dessous, d’après le livre de M. Maindron (fig. 1), la Stèle que M. Clermont-Ganneau a découverte en 1872 dans le temple de Jérusalem, et dont l’exécution se rapporte au règne d’Hérode le Grand, c’est-à-dire aux dernières années du premier siècle avant Jésus-Christ. M. Clermont-Ganneau a donné de ce précieux monument la traduction suivante : « que nul étranger ne pénètre à l’intérieur du tryphactos (balustrade) et de l’enceinte (péribole) qui sont autour du hieron (esplanade du Temple) : celui donc qui serait pris (y pénétrant) serait cause (coupable, responsable envers lui-même) que la mort s’ensuivrait (pour lui). »
- On connaît une affiche de l’ancienne Egypte; c’est un papyrus de 146 avant J.-C. qui donne le signalement de deux esclaves échappés d’Alexandrie et promet une récompense à celui qui les fera prendre. Les affiches grecques sont mieux connues ; elles étaient inscrites sur des murs blanchis ou sur des
- tablettes de bois.
- A certaines époques de l’histoire, les afliclies disparaissent presque complètement; c’est ainsi qu’au moyen âge, le cri à son de trompe, soit par la voie du Héraut <l'armes, soit par celle des Crieurs jurés, leur est substitué : « Vers la fin du treizième siècle, dit M. Ernest Maindron, le Criage avait pris assez d’importance pour que le roi de France et l’évêque de Paris qui, jusque-là, s’en étaient réservé le bénéfice, aient songé à le vendre à la juridiction du Parloir aux Bourgeois qui l’exploita, à ses risques et périls, jusqu’au seizième siècle. C’est alors, car nous ne voulons que pour mémoire rappeler les placards populaires des mécontents du quinzième siècle, que les affiches réapparaissent officiellement sur les murs de la ville. »
- Nous ne suivrons pas l’auteur dans la curieuse et savante histoire qu’il nous donne de l’affichage, mais nous reproduisons ici, en les réduisant par les procédés d’héliogravure, quelques-uns des spécimens d’anciennes affiches bien originales par leur naïveté. Voici les parapluies « à porter dans la poche » dont un nommé M. Marius a trouvé le secret (fig. 2); l’affiche qui les fait connaître date de 1715 ; voici la musique des chats, affiche de foire de 1702 et qui pourrait bien se rapporter, selon nous, à un concert analogue à celui dont parle le père Kircher et qui consistait à faire miauler des chats en leur pinçant
- Fig. 1. — Stèle découverte en 1872, par M. Clermont-Ganneau, dans le Temple de Jérusalem.
- p.364 - vue 368/432
-
-
-
- LÀ NATURE.
- 365
- PARAPLU YES
- ET PARASOLS
- A PORTER DANS LA POCHE-
- LES Parapluy^s dontM' Marius a trouvé le fecret, ne pefent que 5. àA onces : ils ne tiennent pas plus de place qu'une petite Ecritoire , &i n’embaralîenc point la poche iainfi chacun peut fans s’incommoder en avoir un furfoypar précaution contre le mauvais temps. Ils font cependant aufli grands, plus folides, rentrent mieux aux grands vents,ôéfe tendent aufft Vite que ceux qui fonten ufage.
- C (fl k témoignage que Aîesficurs de C Academie Royale des Sciences en ont rendu.
- Cette nouvelle invention a paru avoir été bien reçue du Public par )c grand débit qui s‘cn cft fait, ce qui a excité 1 Auteur à la perfectionner,au point qu'il ne laifïe plus nen à fouhauer du cote de la fohditc.
- A1 égard de ceux qui font ornez.l‘on conviendra qu’il ne scRencore non vû en ParalTols de plus ag^able pour le goût &c la legcrcté. & que l’on peut contenter en ce genre les Curieux les plus difficiles, pour la nehefle des montures & des ornemens. 1/s auront tous fa marque
- Ils fe font & fe vendent àParis chez M MAR RJS demeurant rué des Foflez Saint Germain , aux trois Entonnoirs.
- Par tautorité d'un Privilezc du Roy portant dejJcnfe par toute l’étendue à» Royaume de les centre, faire, à peine de mille livres d’amende. ' .
- cet Invention es de Farapluves «it declû car leur r
- fanni..»*. celle de» Panpluye» dont les branches fc meteent dans une Sartwcanne.
- Puyc* déplu par leur peoteflè fit leur peu oc loüdu<; d'ailleurs il feUoit trop de temps pour les tendre
- Fig. 2. — Fac-similé d’une affiche de marchand de parapluie, en 1715. Fig. 3. — Fac-similé d une affiche de foire, en 1702.
- la queue au moyen des touches d’un piano L Voici enfin une bien amusante affiche de Racoleur (fig. 4), elle est de 1720. Le texte en est très curieux, et la phrase : Il récompensera ceux qui lui procureront de beaux hommes, mérite une mention spéciale.
- M. Maindron nous fait suivre ainsi l’histoire des affiches jusqu’à nos jours; après les curiosités anciennes, nous arrivons k des époques éminemment artistiques où les spécimens remarquables abondent, car les plus grands artistes n’ont pas dédaigné la confection des affiches illustrées : l’Histoire de Napoléon, de Nor-vins, a été annoncée par une magnifique affiche de Raffet. Calame, Grandville, Nanteuil, Daumier,Gavarni, Chain, ont fait des affiches dont les dessins sont dignes de la réputation de leur au-
- 1 Voy. n° 541 de La Nature, du
- AVIS A LA BELLE JEUNESSE.
- TROUPE LEGERE.
- A PIED ET A CHEVAL
- LÉGION
- DE FLANDRE
- DRAGONS.
- DE PAR LE ROY.
- ON fait fçavoir à toutes fortes de Perfonnes de quelle qualité & condition qu’elles,foyent, qui voudront prendre Parti dans la Légion de Flandre, n’auront qu’à s’adreffer,à Mon-fleur D E PIE S S A C Lieutenant des Dragons de ladite Légion, qui leur fera toutes fortes de bonnes compofitions Les jeunes Gens de Familles feront diftingués. .
- Il xecompenfera ceux qui lui procureront des beaux Hommes,
- Il loge- chez ______
- Fig. 4. — Fac-similé d’une affiche de Racoleurs (1720).
- 15 octobre 1883, p. 519. | œuvres délicieuses, de
- teur et dont les spécimens, aujourd’hui fort rares, ne déparent pas les plus belles collections d’estampes. A une époque plus récente, nous admirons de charmantes affiches de Nadar, de Gustave Doré, de de Neuville même ( affiche pour l’opéra d’Hamlet). L’auteur enfin réserve une place toute spéciale au maître moderne, M. Chéret qui, depuis plusieurs années, a couvert nos murs de ses ravissantes affiches en chromolithographie, véritables œuvres d’art où l’on rencontre le talent du dessinateur joint aux meilleures qualités du coloriste.
- L'ouvrage de M. Ernest Maindron est orné de vingt spécimens en couleur des affiches de M. Chéret, et il faut savoir gré k l’auteur de permettre k tous les amis de l’art, de garder désormais dans leurs bibliothèques, ces composition souvent exquise
- p.365 - vue 369/432
-
-
-
- 366
- LA NATURE
- qui, sans lui, auraient à jamais disparu, après avoir passé momentanément sur nos murs.
- Le livre les Affiches illustrées est édité avec grand luxe par M. Launette, à la Librairie artistique, d’où sont sortis dans ces dernières années tant de beaux livres, et qui a pris une place a part, justement méritée, parmi les éditeurs contemporains.
- Gaston Tissas dieu.
- NÉCROLOGIE
- Léon Boyer. — Une Lien triste nouvelle a été connue à Paris dimanche dernier ; nous voulons parler de la mort de l’un de nos ingénieurs les plus distingués, de M. Léon Boyer, directeur général des travaux du Canal interocéanique, qu’une terrible et subite attaque de fièvre a enlevé dans sa résidence de Panama.
- Léon Boyer n’avait que 35 ans ! Né à Florac, dans la Lozère, il fit ses études au Lycée de Lyon, et fut reçu dans un des premiers rangs à l'Ecole polytechnique dont il devint l’un des plus brillants élèves. Sorti de l’École, dans les ponts et chaussées, il ne tarda pas à être nommé ingénieur à Marvejols dans son département de la Lozère. Chargé de l’élude de la ligne du chemin de fer de Marvejols à Neussargues, il surmonta avec un rare talent les difficultés tout à fait exceptionnelles que présentait le tracé, .et il exécuta un grand nombre de travaux d’art remarquables. Le viaduc de Garabit, dont il est l’auteur, attira sur lui l’attention du monde industriel. Cette œuvre hors ligne, dont l’exécution a été confiée à M. Eiffel, constitue l’une des plus belles et les plus importantes constructions métalliques de l’Europe et de l’Amérique '.
- Après l’achèvement du chemin de fer de Marvejols à Neussargues, Léon Boyer se fixa à Paris, et il fut bientôt attaché à la direction des Chemins de fer au Ministère des travaux publics. C’est alors que la Compagnie du Canal de Panama lui proposa de remplacer M. Pingler comme directeur général des travaux. Léon Boyer n’hésita pas à accepter : l’importance de l’œuvre de M. Ferdinand de Lesseps était faite pour séduire cet homme de hardiesse, de volonté et de persévérance, qui avait la louable ambition d’attacher son nom à de grandes entreprises. Dès son arrivée à Colon, il dirigea les travaux avec l’activité et l’ardeur qui l’animaient. Il étudiait des modifications et des améliorations importantes dans le tracé du canal, quand la mort vint le surprendre. L’ingénieur rendit le dernier soupir quelques jours après avoir appris par un télégramme, que sa jeune et courageuse femme restée à Paris, venait de lui donner un fils !
- Léon Boyer, dont nous avions l’honneur d’ètre l’ami, joignait à une intelligence d’élite toutes les qualités d’un beau caractère. Il avait l’entrain du méridional, la fougue et l’élan de la jeunesse ; il se passionnait pour tout ce qui est grand et pour tout ce qui est noble.
- Il est mort au nom de la science, pour laquelle il combattait.
- Comme le soldat qui tombe au champ d’honneur, il trouvera des frères d’armes qui vengeront sa mémoire en achevant la conquête commencée.
- Gaston Tissandier.
- 1 Voy. n° 508, du 25 février 1883, p. 193, et u° 521 , du 26 mai 1883, p. 401.
- CHRONIQUE
- I/utilisation du combustible dans les locomotives. — M. G.-C. Cuningham, dans une note adressée à the Institution of civil engineers, de Londres, a établi,à l’aile de nombreux chiffres et renseignements puisés dans les documents des Compagnies des chemins de fer américaines, le pour-cent d’utilisation du combustible dans les locomotives, en faisant le rapport du travail mécanique réellement effectué pour la traction, à l’énergie théorique totale représentée par le combustible. La consommation moyenne de charbon par tonne traînée (poids brut) et par mille, varie entre 0,15 et 0,57 livre anglaise, suivant la Compagnie, mais elle est bien supérieure lorsqu’on la rapporte à la tonne utile. Il faut 1,86 livre de charbon par mille et par voyageur, tandis que la même quantité de charbon utilisée théoriquement pourrait transporter une tonne à 355 milles. Peu de voyageurs ont conscience des dépenses d’énergie auxquelles il faut consentir pour leur faire paraître le temps court en voyage, en leur faisant parcourir 55 à 40 milles à l’heure. En résumé, le travail utile produit par la traction n’est que les 5,5 pour 100 du travail total. La perte est de 00,5 pour 100. M. Cuningham conclut en disant qu’une machine qui gaspille 96,5 pour 100 de l’énergie du charbon ne saurait être considérée comme une machine parfaite. Nous le reconnaissons volontiers, mais il ne faut pas perdre de vue qu’on ne peut espérer de grandes améliorations à ce point de vue, tant qu’on fera usage de la vapeur comme intermédiaire dans la transformation de l’énergie calorifique en énergie mécanique, la plus grande partie de l’énergie du combustible étant dépensée pour la vaporisation, et se trouvant ensuite jetée en pure perte dans l’atmosphère.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 3 mai 1886.— Présidence de M. l’amiral
- JURIEN DE LA GrAVIÈRE.
- Pénétration de la lumière dans la profondeur de la mer. — Déjà l’année dernière, MM. II. Fol et E. Sarasin ont exposé à l’Académie les premiers résultats de leurs études pour déterminer la profondeur à laquelle la lumière du jour pénètre dans les eaux de la mer, dans les conditions les plus favorables d’éclairage. Poursuivant encore cette année le même genre d’expériences, ils se sont attachés à la recherche de la relation qui existe entre la profondeur que la lumière atteint dans l’eau et l’inclinaison du soleil ou les variations dans la force de l’éclairage. On se rappelle que la méthode employée consiste à rechercher l’effet produit sur des plaques photographiques au gélatino-bromure d’argent par une exposition de durée constante à différentes profondeurs dans la mer. On a opéré dans une localité présentant une profondeur de 550 mètres environ, afin que la pureté de l’eau et la limite de la lumière ne soient pas influencées par le voisinage du fond. L’endroit choisi se trouve à 1500 ou 1500 mètres au large du cap du Mont-Boron, qui sépare la rade de Villefranche du golfe de Nice.
- Une première série d’expériences, entre 1 h. 15 m. et 1 h. 25 m., le 7 avril 1886 par un soleil éclatant, a montré la limite de la lumière très exactement vers 400 mètres. C’est une confirmation de la conclusion fournie par la campagne précédente.
- Des expériences réalisées à des heures diverses et par
- p.366 - vue 370/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 567
- des temps très variés ont prouvé que les couches situées | à 500 mètres de profondeur sont éclairées chaque jour, non pas pendant un temps très court, mais pendant tout le temps que le soleil passe au-dessus de l’hcrizon. A 350 mètres, la lumière pénètre au moins pendant huit heures par jour. Les auteurs promettent une suite à ces intéressantes recherches.
- L'acide oxalique des piaules. — 11 résulte des analyses de MM. Berthelot et André que c’est dans les parties vertes des végétaux que s’élabore l’acide oxalique. On sait que la fonction chlorophyllienne a pour résultat de transformer le mélange d’acide carbonique et de vapeur d’eau en un hydrate de carbone avec élimination d’oxv-gène. Or, l’acide oxalique étant plus oxygéné que l’hydrate de carbone, il fallait, pour pouvoir en rattacher l’origine aux propriétés de la matière verte, trouver quelque part l’emploi de l’excès d’hydrogène correspondant. C’est ce que les auteurs ont fait en montrant que les plantes à acide oxalique sont en même temps riches en matières albuminoïdes. L’oseille, par exemple, contient 28 pour 100 de ces substances, et cette forte proportion rend compte en même temps des propriétés nutritives dé ta plante.
- Anatomie. — De très délicates dissections poursuivies au laboratoire d’histologie du collège de France conduisent M. W. Yignal à reconnaître que l’endothélium des vaisseaux des articulés a la même structure anatomique que l’épithélium interne des lymphatiques chez les vertébrés. Ce résultat, très important, confirme pleinement l’opinion qui rattache tout le système circulaire des anthropoïdes au système lymphatique des vertébrés et qui fait du sang des premiers tout simplement de la lymphe. On sait que le gésier des oiseaux se distingue, à première vue, du ventricule suceenturié parce qu’au lieu de présenter a sa face interne des glandes volumineuses sécrétant des sucs digestifs il est revêtu d’une couche cornée quelquefois très puissante. M. Cazin s’est assuré que la couche cornée n’est que le produit de la coagulation du produit fourni par des glandes toutes semblables à celles des ventricules et qu’à l’origine les deux estomacs sont tout à fait identiques.
- Un nouveau mitai. — M. Lecoq de Boisbaudran annonce la découverte d’un nouveau métal qu’il appelle d’un nom tiré du mot grec qui signifie d'un abord difficile. Cette qualification est très justifiée, car le métal n’a laissé saisir ses caractères spectroscopiques qu’après trois années de purifications nécessaires.
- Election. — La mort de M. Dessaignes, de Vendôme, ayant laissé vacante une place de correspondant dans la section de chimie, elle est accordée par 41 suffrages à M. Baeyer, Prussien; 4 voix sont pour M. Roscaë (de Manchester), 1 pour M. Grebb (de Genève) et 1 pour M. Kekulé (de Bonn).
- Varia. —M. Gorceix annonce la découverte de la xénolime dans les sables diamantifères de Minas Geraes. — D’après M. llautefeuille, l’acide phosphorique contracte avec la zircone une combinaison parfaitement cristallisée en octaèdres. — Une étude sur l’aimantation du fer est présentée par M. Mascart. — M. Bigourdan étudie la comète A 1886 Cruls et le spectre de la comète Favry. — Un nouveau crustacé parasite du crabe commun (Cancer menas, Vantoniscus menabis, est signalé par M. Giard, professeur à la Faculté des sciences de Lille. — A propos
- d’un récent travail de M. Zedé sur la navigation sous-marine, M. Alf. Bazin formule une réclamation de priorité. Stanislas Meunier.
- LE CHEMIN DE FER MÉTROPOLITAIN
- DE PARIS
- Le chemin de fer Métropolitain de Paris que le Ministre des travaux publics a récemment concédé à M. Christophle, gouverneur du Crédit foncier, comprend quatre lignes distinctes : un cercle intérieur, ligne continue d’un développement de près de 20 kilomètres, construite en viaduc sur les deux cinquièmes, et moitié en souterrain, moitié en tranchées ouvertes pour le reste de la longueur, plus, trois lignes transversales, et, enfin, des lignes de raccordement.
- Cercle intérieur. — Le tracé de cette ligne part du Champ-de-Mars, traverse la Seine, passe en souterrain sous le boulevard Delcssert, contourne la place du Trocadéro, suit en tranchée l’avenue du Trocadéro et l’avenue d’iéna, passe sous la place de l’Etoile, suit l’avenue Wagram et les boulevards extérieurs en restant en tranchées sous les contre-allées jusqu’au boulevard Barbés. A partir de ce point, il quitte les boulevards extérieurs, passe en souterrain sous le boulevard Magenta et sous la place Roubaix, où existe une gare de contact avec le chemin de fer du Nord, puis arrive à la gare de l’Est avec un contact analogue.
- Ensuite la ligne longe en viaduc le canal Saint-Martin jusqu’aux abords de la place de la République, où elle fait un crochet pour desservir cette place. Elle atteint la Bastille par l’avenue de la République et le boulevard Richard-Lenoir, puis la gare de Lyon.
- De là elle franchit la Seine en amont du pont d’Austerlitz, longe le quai Saint-Bernard, et se détourne par la rue des Fossés-Saint-Bernard vers la rue Monge. Au square Monge, elle redevient souterraine, elle passe sous la montagne Sainte-Geneviève près du Collège de France, emprunte la rue des Ecoles, croise le boulevard Saint-Michel près du musée de Cluny, passe sous la place de l'Odéon, sous la rue Garancière, sous la rue de Rennes à la rencontre du boulevard d'Enfer, touche la gare Montparnasse, suit le boulevard de Vaugirard, et débouche, en tranchées d’abord, et, en viadùc ensuite, aux abords de la rue Lecourbe. Enfin, elle suit en viaduc l’avenue de Suffren et rejoint ainsi le Champ-de-Mars. Ce parcours est de 19 kilomètres 890 mètres.
- Lignes transversales :
- 1° De la gare Saint-Lazare à la place Roubaix.
- Le viaduc part de la gare Saint-Lazare, traverse la rue Caumartin, la rue de la Chaussée-d’Antin près de l’Opéra, suit parallèlement la rue Lafayette jusqu’au carrefour Drouot, et s’enfonce en souterrain au delà de la rue de Roeroy. Le raccordement
- p.367 - vue 371/432
-
-
-
- 368
- LA NATURE.
- avec la ligne circulaire est en souterrain sous la rue Saint-Vincent-de-Paul. La longueur de la ligne est de 2245 mètres, plus 365 mètres de raccordement.
- 2° Du carrefour Drouot à l'avenue Daumesnil.
- Cette ligne s’embranche sur la précédente par deux raccordements partant, Pun de la station de la rue de Trévise, l’autre de la station du carrefour Drouot, et qui se soudent un peu en avant du boulevard Poissonnière. Elle court en viaduc parallèlement à la rue Montmartre, pour s’infléchir parallèlement à la rue Rambuteau afin de desservir le
- quartier du Temple, traverse la rue de Rivoli près de l’Hôtel-de-Ville, longe le quai des Célestins, franchit le bassin de l’Arsenal et finit par deux branches dirigées, la première sur la ligne de Vin-cennes et la seconde vers le boulevard Richard-Le-noir. Longueur, 5730 moires, plus 540 mètres de raccordement. Cette ligne aura quatre voies.
- 5° Ligne de la place de Strasbourg à la place Denfert-Dochereau.
- Cette ligne suit en souterrain les boulevards de Strasbourg, Sébastopol, Saint-Michel, l’avenue de
- Str»sbo'.»r&__ , _
- LÉGENDE
- Parties en viaduc.........
- Parties en tranchée ouverte—. Parties en souterrain________
- Chemins de fer existants
- PL>0« \\
- s// • \i // \\ .1 ___„
- . PLACÉ,) V}fL N A
- ÔAVÇ DAukESNÏL'-^^Sr;^ lB0ut%VlOtRÜT(P-LrM.)
- de v,v
- .PUCE/OEt, F EUT- ROtHtRtAU,
- Plan du chemin de fer Métropolitain adopté pour la ville de Paris.
- l’Observatoire et la rue Denfert-Rochereau. Elle passe sous les deux bras de la Seine et sous la Cité. Elle se raccorde à la ligne circulaire, sur la rive droite, au moyen de deux branches voisines de la place de Strasbourg; sur la rive gauche, à l’est, vers la rue Monge, par une courbe contournant la Sorbonne, desservant la place du Panthéon, aboutissant au square Monge; à l’ouest, vers la place Saint-Sulpice, par une courbe passant derrière l’O-déon. Longueur, 4750 mètres, plus 1645 mètres de raccordement.
- Les stations prévues sont au nombre de 64, dont 28 en viaduc, 15 en tranchées ouvertes et 21 en
- souterrain. La carte ci-contre en donne la désignation complète.
- La construction se fera en deux fois. Les trois premières lignes devront être terminées avant 1889; elles sont suffisantes pour relier les points principaux de la ville et de la banlieue.
- Le projet actuel ne porte déclaration d’utilité publique que pour la ligne circulaire et la ligne de raccordement, pour lesquelles l’enquête est terminée depuis 1882.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleuras, à Paris.
- p.368 - vue 372/432
-
-
-
- y 076. — 15 MAI 1886.
- LA NATURE.
- 369
- LES PIGEONS VOYAGEURS
- EN MONTAGNE
- On admet généralement que les massifs montagneux ou boisés déroutent la faculté merveilleuse d’orientation des pigeons voyageurs. On allègue que le pigeon, timide et craintif à l’excès, redoute instinctivement ces régions, refuge habituel des oiseaux de proie. On dit aussi que cet être éminemment impressionnable se trouve désorienté par l’interruption brusque (au contact des montagnes et des hautes masses végétales) des invisibles courants magnétiques qui piloteraient ce hardi voyageur.
- M. le l)r Edouard Audiguier, président de la Société colombophile de Toulouse, me proposa d’aller étudier la question en pleine montagne, au centre même de la chaîne pyrénéenne ; notre but n’était pas de rechercher directement les causes du phénomène, mais de vérifier par une expérience pratique la théorie émise. Cet essai avait contre soi le préjugé, les incertitudes du voyage et les chances d’insuccès. 11 avait, en revanche, le concours dévoué que les membres de la Société colombophile Les Amis toulousains offrent aux recherches scientifiques, si spontanément et si généreusement.
- Le 28 août 1885, à 10 heures du matin, je quittais Bagnères-de-Luchon, emportant avec moi 85 pi-
- geons voyageurs provenant des meilleurs colombiers toulousains, pour la Maladetta (Espagne). Un temps affreux nous suivit et tous les incidents désagréables nous attendirent; sans les soins du zélé colombophile M. Bernard, notre jeune colonie n’eût pas atteint, saine et sauve, le port de Venasque (altitude 2448 mètres) où nous franchîmes la crête frontière à la nuit tombante. (Le détail a son importance.) Nous voulions gagner la Rencluse (altitude 2125 mètres), mais les hautes régions étaient si violemment troublées qu’il fallut chercher un refuge sur le versant espagnol, à la base même du port de Yenasque, auprès du seüor Fransisco Cabellud, chez lequel la tempête, pendant plus de trente heures, nous retint prisonniers. Condamnés à l’inaction, je résolus de 41e année. — 4er semestre.
- saisir le premier moment d’accalmie et de lâcher mes pigeons au plus près, c’est-à-dire à la Peiia Blanca.
- Pour préciser les difficultés d’orientation que devaient surmonter nos vaillantes petites bêtes dans ce chaos de glaciers, de forêts, de montagnes, traçons une esquisse de cette région profondément bouleversée.
- La Pena Blanca, large promontoire calcaire formé de marbre blanc, comme son nom l’indique, se dresse fièrement au milieu de la vallée de l’Es-sera, en face de la Maladetta. Son altitude moyenne, au-dessus du niveau de la mer, est de 2390 mètres, et de 500 mètres environ au dessus du plan des I Etangs, petite plaine marécageuse qui longe sa base
- 24
- p.369 - vue 373/432
-
-
-
- 370
- LA NATURE.
- et s’étend jusqu’au pied du revers septentrional des Monts-Maudits.
- Au sud, la barrière colossale du massif granitique des Monts-Maudits, toute hérissée de pics géants, la sépare de l’Espagne. En suivant une direction ouest-est, on aperçoit : les pics d Albe, altitude 3096 mètres; deMaladetta, 3313 ; du Milieu. 3354; d’Aneto, 5404; Russell, 5201 ; Fourcanade, 2882; des Mou-lières, 2935; de las Salanques, 2998, etc., etc.
- A l'est, le pic Pouméro, altitude 2650 mètres; la tusse de Bargas, 2628; la tusse Blanche, 2680; la Picade, 2500, etc., etc., nous masquent les sommets dessinant le profil du grand axe de la chaîne pyrénéenne qui se prolonge, sur une longueur de 40 lieues environ, jusqu’à la Méditerranée.
- Au nord, l’horizon est borné à courte distance
- était remontée à 570 millimètres. A cette heure matinale le silence paraissait absolu au milieu de ces vastes solitudes ; car les petits lacs, les ruisse-lets, les cascatelles étaient immobilisés sous la glace. Le ciel avait retrouvé cet azur si limpide, si chaud et si vibrant, particulier aux grandes altitudes; et à l’horizon les premières rougeurs de l’aurore accusaient nettement le profil énergique des géants granitiques, lorsque, tout à coup, le soleil dominant les crêtes de la Picade embrasa le massif entier des Monts-Maudits, illumina l’espace et s’épanouit dans les glaciers, gigantesques girandoles, qui le réfléchissaient en faisceaux éblouissants : le plus beau des spectacles dans le plus superbe décor. « Temple sublime, — les Pyrénées, — dit II. Heine, mais dont les escaliers sont bien mauvais ! »
- par une crête déchiquetée formée en partie de pics de grand relief, parmi lesquels on distingue : La Picade (port), altitude 2540 mètres; le pic de la Mine, 2767 ; le port de Venas-que, 2448 ; le pic de Sauvegarde,
- 2756; le col de la Glère, 2325; le pic Sacrous,
- ,2678; Port-Yiel,
- 2840, etc.
- A l’ouest, les formidables escarpements rocheux que l’on rencontre sont formés par : la lusse de Maupas, altitude 3110 mètres; le pic Cra-bioules, 5119; le pic de Boum,
- 3010, etc. En un mot, le seul point où le rayon visuel ne se heurte pas à quelque obstacle immédiat, se trouve à l’angle sud-sud-ouest de cette cuvette, à l’entrée de la vallée de Venasque au fond de laquelle les eaux torrentueuses de l’Essera bondissent vers la plaine espagnole.
- Cette rapide description suffit pour montrer combien étaient nombreux les obstacles que nos pigeons allaient avoir à surmonter pour retrouver et regagner leurs colombiers. Aussi attendions-nous avec impatience la fin de la tourmente pour tenter l’expérience.
- Dans la nuit du 30 au 51 août, la pluie, la neige, la grêle semblèrent s’épuiser; la température nocturne descendit à —6°, et le 31, à 5 heures du matin, la pression barométrique qui, depuis notre arrivée, s’était invariablement maintenue à 565mm,3,
- Nos petits prisonniers, ragaillardis par le soleil levant, admiraient sans doute eux-mêmes comme nous, peut-être autant , peut-être mieux ; maisfran-chement, pouvaient-ils savoir où nous les avions transportés? soupçonner où Toulouse pouvait bien être? D’ailleurs, afin de garantir la loyauté absolue de l’expé-rience, M. le Dr Edouard Audi-guier avait fait sceller au plomb, en présence des membres de la Société, les paniers dans lesquels les pigeons me furent envoyés. Je brisai les cachets et contremarquai chaque pigeon d’un signe secret; j’eus le soin de placer sous l’aile gauche de quelques-uns un thermomètre fronde, qui me donna comme température moyenne générale, -(-28°; les pigeons étaient sains et dispos. A 8 h. 15 m., sur la Pena Blanca, tout était prêt pour le lâcher. En ce moment le vent d’est soufflait avec violence. De légers cumulus voltigeant entre 5500 et 4000 mètres d’altitude montraient que les courants supérieurs de l’atmosphère coïncidaient sensiblement avec les mouvements des couches inférieures. La température, au soleil, était de -h 9°,1. La pression barométrique = 574mm ,1. Vive agitation parmi la turbulente colonie, qui paraissait impatiente de liberté.
- A 8 h; 30 m., les paniers sont ouverts. Durant quelques secondes, un silence absolu ; puis soudain
- Fig. 2. — Itinéraire des pigeons voyageurs, dressé par Fauteur, d’après la carte des Pyrénées centrales de F. Sehrader.
- p.370 - vue 374/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 371
- la bande part avec un ensemble et un entrain indescriptibles. Elle s’élève de 2 ou 3 mètres au-dessus du sol,eflleure nos tètes, file, d’une aile rapide, horizontalement, vers l’ouest-sud-ouest, jusqu’à 150 mètres environ ; puis abandonne subitement la direction rectiligne, imprime à son vol un mouvement giratoire descendant et plonge brusquement de 150 à 200 mètres vers le fond de la vallée.
- La troupe légère gagne ainsi, sans se désunir, (direction sud-sud-ouest,) la vallée de Litayrolles. Parvenue à ce point (altitude approximative, 1800 mètres) un semblent d’hésitation paraît se rnaniiester. Nous aurions été curieux d’observer si les pigeons semblaient obéir à un ou plusieurs chefs de file, ou si chacun semblait ne consulter que soi-même. Malgré toute notre attention, il nous fut impossible de nous prononcer. Durant quelques secondes, nos hardis messagers décrivent, autour d’un axe vertical, qui ne paraît pas sensiblement se déplacer, une série de cercles, dont l’amplitude augmente au fur et à mesure que le mouvement ascensionnel, qui vient de commencer, se dessine de plus en plus, A partir de ce moment leur résolution est nettement accusée. Ils ont pris la direction nord-nord-est, qui doit les conduire à Toulouse. Continuant 'a s’élever en cercles concentriques (sans jamais intervertir le sens de la giration, qui demeure constamment opposé a celui des aiguilles d’une montre), la troupe passe comme un trait devant le Perdighero, rase les escarpements d» Port-Viel, franchit au-dessus du Sacrons la crête frontière à une aLtitude moyenne de 3000 mètres et finalement disparaît vers la France.
- L’arrivée du premier pigeon fut officiellemetii constatée au bureau de Toulouse à dix heures qua-vante-une minutes du matin. Le second et le troisième arrivèrent peu d’instants après. AH heures la rentrée du quarante-troisième était signalée. Le cinquante-huitième effectuait son retour à 11 h. 50 m., et enfin, à midi, tous les retardataires avaient regagné leurs colombiers respectifs.
- A vol d’oiseau, la distance peut être évaluée à 160 kilomètres. Mais en tenant compte des circuits fort nombreux, décrits par nos pigeons, on peut hardiment l’évaluer à 200 kilomètres. C’est donc à raison de 1 kilomètre 886 mètres par minute, soit 18 kilomètres 860 mètres par dix minutes ou bien 113 kilomètres à l’heure, que les premiers arrivants ont effectué le trajet.
- Le retard des quarante suivants réduit la vitesse moyenne à 1 kilomètre 333 mètres par minute, soit 80 kilomètres par heure, en nombre rond; vitesse encore fort honorable. Car tous les bisets ne peuvent égaler le fameux pigeon Gladiateur, qui franchit en une seule journée l’énorme distance qui sépare Toulouse de Bruxelles, ni les illustres vétérans de la guerre de 1870. Du reste, tout le monde sait que pendant le séjour de l’Assemblée nationale à Versailles, en 1872, ces messagers aériens ayant été chargés du service des dépêches, franchissaient régulièrement
- en dix minutes les 20 kilomètres qui les séparaient de Paris, ce qui donne une vitesse de 2 kilomètres par minute, soit 120 kilomètres à l’heure. D’ailleurs la vitesse est ici chose secondaire. L’essentiel était de prouver jusqu’à l’évidence : 1° que ni montagnes ni forêts ne déconcertent ces charmants messagers, puisque nos 85 pigeons ont traversé, avec décision et précision, un massif montagneux et touffu qui développe ses contreforts sur une IonT gueur de 50 kilomètres avant de rencontrer les premières plaines de la Haute-Garonne; 2° que l’ar cuité de la vue est négligeable ici. Leurs yeux leur indiquent les obstacles et nullement la direction. Si bonne vue qu’ait un oiseau, il ne voit pas à 160 kilomètres. D’autre part, nul souvenir visuel, nul point de repère; puisqu’ils ont été portés de Toulouse à Luchon la nuit, enfermés dans des wagons; et de Luchon en Espagne au milieu d’un brouillard si intense qu’il nous cachait parfois le sentier.
- Sur la Peu a Blanca ils se sont trouvés enserrés au milieu de montagnes abruptes, considérablement plus élevées que le point du lâcher. Du reste, s’il§ eussent voulu voir leur route, ils se fussent élevés, au lieu de descendre jusqu’à 1800 mètres, altitude inférieure de 523 mètres à la dépression la plus basse de la ligne de faîte nord qu’ils avaient à franchir; or c’est, au contraire, à ce niveau de 1800 mètres qu’ils ont commencé le mouvement ascensionnel et pris résolument la direction nord-nord-est 1/4, droit sur Toulouse. ; . -
- Puisque ce n’est pas la vue, quel est alors l’agent mystérieux qui les guide? L’instinct? Le mot est vague et n’explique rien. Seraient-ce, comme d’aucuns Font affirmé, des courants magnétiques rasant le sol? Ou bien faut-il admettre, avec certains philosophes, ce sixième sens qu’on a souvent célébré et jamais défini ? Ce serait résoudre une inconnue par une autre inconnue.
- En dépit des hypothèses ingénieuses et des progrès réalisés, avouons notre ignorance, observons et attendons. C’est le parti le plus sage, l’avis de mon savant ami, le Dr Edouard Audiguier, qui* depuis plusieurs années, poursuit avec ardeur ses études sur la physiologie animale. Aussi projetons-nous ensemble et avec le concours de la Société colombophile de Toulouse, une nouvelle sérié d’expériences. Heureux, si elles nous permettent d’entrevoir la vérité sur cette merveilleuse faculté d’orientation que possèdent les pigeons voyageurs.
- Mais comme Molière a raison de s’écrier i.
- Les bêtes ne sont pas si bêtes que l’on pense !
- Emile Belloc.
- THERMOMÈTRE ÉLECTRIQUE AVERTISSEUR
- DE M. GERBOZ
- Le thermomètre électrique d maxima que nous allons faire connaître a pour but de donner des indications sur la température des silos, des maga*
- p.371 - vue 375/432
-
-
-
- 572
- LA NATURE.
- sins à grains, des masses de houille ou de certains tissus qui sont susceptibles de s’enflammer spontanément et de déterminer des incendies dans les constructions industrielles ou dans les navires.
- Le thermomètre employé est un thermomètre métallique système Bourdon, enfermé dans une boîte solide et résistante en fonte de fer, munie d’un couvercle de même nature, que notre figure ne représente pas pour laisser voir le dispositif intérieur. Cette boîte est perforée de toutes parts afin que le thermomètre puisse être baigné par l’air environnant; les trous sont toutefois assez petits pour empêcher l’entrée de fragments de grains, de charbon, etc.
- L’appareil, placé au milieu d’une soute à charbon ou d’un silo, est relié avec l’extérieur au moyen de fils conducteurs qui traversent la masse de la substance, et qui serviront à indiquera tout instant que la température n’alteint pas un degré d’élévation dangereux. Une sonnerie fonctionne dès que l’aiguille du thermomètre métallique est venue buter contre l’index placé au degré de température qu’il importe de connaître, 50° par exemple, indiquant qu’il y a danger de combustion.
- Donnons quelques détails techniques de construction.
- L’axe de rotation de l’aiguille et celui de l’index étant sur le prolongement l’un de l’autre, le contact entre ces deux pièces a toujours lieu au même point, quelle que soit la position angulaire respective de ces deux pièces. Au lieu d’être une simple tige faisant corps avec le bouton destiné à le manoeuvrer, l’index est composé d’une chappe faisant corps avec ledit bouton et sur laquelle est monté un axe portant : 1° la tige index proprement dite; 2° un ressort antagoniste qui a pour but de maintenir cette tige dans une position constante par rapport à la chappe; 5Ü un pignon denté.
- Ce pignon engrène avec une roue dentée sur un même axe qu’une armature polarisée d’électro-aimant. Cette armature se meut dans un plan perpendiculaire à l’axe des bobines de l’élec-tro-aimant, et aussi près que possible de l’extrémité du noyau.
- Voici maintenant comment sont établies les communications électriques et comment se font les deux
- contrôles proposés : le câble est à trois conducteurs. L’un de ceux-ci se rend du pôle négatif de la batterie à l’aiguille du thermomètre et à l’un des fils de Ielectro-aimant. — Le second se rend de l’index à la cloche d’alarme et de là au pôle positif de la pile. — Le troisième se rend du même pôle positif de la pile à un galvanomètre, puis à un bouton ou interrupteur, puis au second fil de l’électro-aimant.
- Lorsque l’on a établi le contact au boulon, le courant, en traversant le galvanomètre et le faisant dévier indique que les deux fils employés et l’électro-aimant sont bons.
- Mais le courant, en traversant l’électro-aimant, polarise les noyaux, fait tourner l’armature, et par suite l’index mobile dans le sens de rotation autour de la chappe ; l’index tend ainsi sous l’action de l’armature à se déplacer à partir du point maxima pour aller chercher l'aiguille et établir avec elle un contact qui fait sonner la cloche d’alarme; on peut reconnaître le bon état du contact et du troisième conducteur.
- Lorsque le circuit est rompu au bouton ou interrupteur, le courant ne traversant pius l’électro-aimant, l’armature revient ainsi que l’aiguille maxima à la position du repos sous l’action du ressort antagoniste monté sur l’axe de l’index.
- Si on faisait frotter l’index du maxima sur une crémaillère métallique formant interrupteur électrique, dans un circuit spécial comprenant un compteur électrique, on pourrait compter le nombre de contacts entre le point maxima et l’aiguille, et par le fait se rendre compte de la position de celle-ci.
- On vient de voir que l’appareil peut être soumis à un contrôle permanent permettant de s’assurer qu’il est prêt à fonctionner régulièrement. Ce contrôle offre une importance capitale, car ce thermomètre est destiné à être placé dans des lieux inaccessibles, soute à charbon, silo, etc., dont l’humidité pourrait être contraire à la bonne conservation des contacts. En outre, les mouvements d’un navire à la mer pourraient occasionner une rupture du cable, bien qu’il soit à armature d’acier. Ces deux inconvénients ne peuvent se produire sans passer inaperçus.
- Thermomètre éleetrique avertisseur de M. Gerboz.
- p.372 - vue 376/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 573
- LA LAINE DE ROIS
- On trouve depuis quelque temps dans l’industrie un produit très intéressant qui consiste en copeaux de bois extrêmement minces et menus, comparables au papier découpé pour emballage, et que l’on désigne sous le nom de laine de bois.
- Ce produit fut d’abord introduit en Europe comme matière d’emballage ; il pèse environ 40 à 50 pour 100 de moins que les substances servant ordinairement à cet usage. Son bel aspect, sa finesse et son extrême propreté le désignèrent, de suite, au choix des expéditeurs.
- On reconnut ensuite que la laine de bois convenait très bien pour la confection des matelas, pour la litière des bestiaux, pour la filtration des liquides, la bourrelerie, la tapisserie, en appliquant à chacun de ces emplois l’essence de bois la plus convenable. Son élasticité la fait considérer après le crin comme la matière la plus convenable pour la literie; la laine de bois est même préférable à toute autre substance, lorsqu’elle provient de bois résineux, car elle n’absorbe pas l’humidité.
- Dans les ateliers, la laine de bois tend à remplacer les chiffons pour le nettoyage des machines; elle a également trouvé son emploi dans le matériel roulant des chemins de fer, pour le graissage des
- essieux des véhicules. A égalité de pouvoir absorbant de l’huile avec les déchets de coton, elle revient dix fois moins cher que ce dernier. Tous ces avantages expliquent pourquoi son emploi, si répandu en Amérique, se généralise rapidement en Autriche et en Allemagne et commence à se répandre en France.
- Nous avons parlé précédemment des appareils de MM. Anthon et fils, qui ont contribué à répandre cet intéressant produit1. Nous signalerons aujourd’hui une nouvelle machine construite par M. Arbey et fils, machine que nous représentons ci-dessus.
- La machine se compose d’un bâti-socle en fonte
- 1 Voy. n° 621, du 25 avril 1885, p. 32G.
- reposant sur trois pieds en fonte; sur ce bâti est fixé un arbre-moteur recevant le mouvement au moyen de deux poulies, fixe el folle. A l’extrémité opposée de cet arbre, est adapté un volant dont l’un des bras porte, à une distance calculée du centre, un tourillon fixant une bielle relevée à l’autre extrémité au porte-couteaux.
- Ce porte-couteaux, qui repose également sur le bâti-socle, glisse dans des glissières en fer. Il supporte un système de couteaux spéciaux disposés de telle façon que la paille est tranchée aussi bien dans la course d’aller que dans celle du retour du porte-couteaux.
- Le bois est maintenu sur la machine dans le sens de la hauteur par un levier avec contrepoids et sur
- p.373 - vue 377/432
-
-
-
- 574
- LA NATURE.
- les côtés par une butée fixe d’un côté et une mâchoire mobile de l’autre, permettant de mettre des blocs de bois plus ou moins longs à quelques milli-tnètres près. L’avancement du bois sous l’action des couteaux se fait à l’aide d’un cliquet qui le fait avancer de la quantité voulue à chaque tour du Volant.
- Le bois que l’on emploie de préférence pour le travail de cette machine est le sapin dit de Riga. Les blocs de bois doivent avoir au maximun 0,465 millimètres de longueur, 0,400 millimètres de largeur et 0,520 millimètres d’épaisseur; par conséquent la manière la plus pratique et la plus économique est d’acheter du madrier de sapin du commerce, qui a 0,520 millimètres de largeur et 0,080 millimètres d’épaisseur, que l’on coupe à la longueur voulue de 0,465 millimètres; de cette façon on peut travailler sur quatre morceaux de bois à la fois disposés l’un sur l’autre.
- La force nécessaire à mettre cette machine en action est de 4 chevaux-vapeur environ. La production peut atteindre 700 à 800 kilogrammes de paille par journée de dix heures de travail.
- Pour la conduite, il est inutile d’avoir un ouvrier spécial, un simple homme de peine quelque peu intelligent est apte à la faire travailler dans les meilleures conditions. X...,
- LES
- RECHERCHES SCR LE GULF-STREAM
- VISITE AUX AÇORES
- Les premiers navigateurs au long cours, ceux principalement qui visitèrent les côtes d’Amérique entre Terre-Neuve et la Floride, avaient déjà porté leur attention sur certains courants de l’Atlantique. La rapidité de leurs trajets vers le nord contrastait avec une force mystérieuse que des vents favorables ne leur permettaient pas toujours de vaincre au retour vers le sud.
- Par la suite, ces hommes qu’une pratique et un jugement merveilleux guidaient à défaut de connaissances scientifiques, modifièrent progressivement leurs routes au milieu des forces diverses qui régissent la surface de l’Océan.
- ‘ Les marins et les géographes du dix-septième Siècle auxquels on doit les premières considérations défendables sur les grands courants de l’Atlantique, eurent à lutter comme leurs maîtres dans la science : Copernic, Galilée et tant d’autres, contre l’amour du'surnaturel et les théories mystérieuses, qui, tout en séduisant la masse crédule et ignorante, fournissaient aux savants orthodoxes les moyens de la dominer. C’est ainsi qu’au moment où des marins posaient les bases de l’hydrographie expérimentale, un moine d’Oxford, James Knox of Bolduc, éleva, en l’appuyant sur de très antiques croyances, la théorie suivante peu faite pour encourager les navigateurs,
- et qui, sous forme d’une carte dont je joins ici l’exacte reproduction (fig. 1) inonda les bibliothèques.
- Il existe au pôle Nord un lieu vers lequel convergent les courants de toutes les mers, pour disparaître ensemble dans un gouffre. Quatre grandes îles entourent celte ouverture, et par quatre profonds canaux qui les séparent, toutes les mers s’unissent en une formidable chute. Un roc noir, qui a 55 lieues de tour, occupe le point môme du pôle. Les navires pris dans ce courant ne peuvent s’en tirer, même avec le secours d’un vent favorable.
- Plusieurs cosmographes sérieux ridiculisèrent du reste aussitôt cette théorie en s’appuyant sur les explorations circumpolaires de Davis, Hudson et de Frobisher, qui n’avaient pas rencontré l’irrésistible courant. On voit néanmoins, vers la fin du dix-septième siècle, un autre géographe fantaisiste, que préoccupe sans doute le sort de cette masse d’eau engouffrée par le pôle Nord, la reprendre à son compte et lui faire traverser notre planète suivant l’axe de rotation, jusqu’au pôle Sud d’où elle se répand de nouveau à la surface du globe.
- C’est pour observer la méthode expérimentale, qui seule de nos jours mène la science à de merveilleux résultats en exerçant une si heureuse influence sur le jugement et la sagacité des travailleurs, que les recherches de Y Hirondelle sur la direction du Gitlf Stream au delà dés Açores ont été résolues.
- La Nature a traduit, dans son numéro du 5 décembre 1885, le côté scientifique de cette campagne, mais les relâches, que j’ai du faire dans l’archipel susdit, bien rarement visité par des navigateurs m’ont permis d’y glaner sur plusieurs particularités intéressantes quelques observations accompagnées de photographies.
- D’abord l’île de Rico, placée vers le centre du groupe, fixe l’attention des marins par son cône volcanique s’élevant du premier jet à 2222 mètres, et tandis que le navire longe doucement les assises de lave descendues autrefois du sommet de cette île pour constituer son rivage actuel, le naturaliste admire ce résultat grandiose du mystérieux travail qui tourmente l’intérieur de notre planète, les couleurs métalliques et les lignes de son revêtement extérieur. Et comme toujours, devant la contemplation des merveilles de l’univers, Sa pensée pour un moment séduite par l’idéal faux et trompeur qui voudrait dorer l’horizon de la vie, retombe bientôt dans une désespérante rêverie !
- Cette île est un séjour de cultivateurs qui deviennent baleiniers à l’occasion.
- Bon nombre de goélettes indigènes armaient naguère pour la chasse des cétacés, mais les prises, qui ont bien diminué, ne couvrent plus les frais d’une organisation aussi complexe , et l’on se borne aujourd’hui à veiller du haut de la montagne, la présence des cachalots qui fréquentent spécialement la région des Açores, et à les poursuivre avec des embarcations tout spécialement installées que l’on nomme baleinières.
- p.374 - vue 378/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 375
- lies cachalots, habitants des mers chaudes, se rencontraient souvent jadis, dans ces parages limitrophes avec les baleines franches qui vivent dans des eaux froides, mais les baleiniers de Nantucket et leurs successeurs ont épuisé ou éloigné ces dernières.
- Sans entrer dans les longs et minutieux détails qu’exigerait une explication complète de cette chasse, en voici une description rapide :
- Les baleinières sont spécialement construites pour la vitesse. L’équipage, en quelque sorte inamovible, se compose d’un patron, de quatre hommes aux avirons et d’un harponneur (fig. 2) ; chacun de ces personnages conserve indéfiniment son rôle. C’est toujours le même qui harponne, qui gouverne ou qui nage, et par cette spécialisation, ils arrivent à manœuvrer supérieurement leur baleinière. Tant de soins s’expliquent par l’importance d’une capture qui vaut quinze ou vingt mille francs, par la difficulté et le danger qui l’accompagnent. Au moment d’aborder une baleine, le patron enlève le gouvernail qu’il remplace par un aviron plus agissant avec la longueur de son bras de levier ; les quatre hommes relèvent leurs avirons et font avancer très rapidement la baleinière, au moyen de pagaies courtes et larges tout à fait silencieuses. Enfin le harponneur, commodément placé sur l’avant, brandit son engin et va piquer. Le fer du harpon est tenu par une ligne de moyenne grosseur, longue de plusieurs centaines de mètres et soigneusement lovée dans des paniers au fond de l’embarcation. Près de ce harpon il s’en trouve un deuxième fixé sur la même ligne, et celle-ci en se dévidant le fait arriver sous la main du harponneur qui essaye encore de le planter sur l’animal. La baleinière porte aussi une arme souvent employée, c’est une lance avec laquelle on achève le cachalot, dès qu’il est abordable après avoir reçu le ou les harpons.
- Fréquemment la baleinière est entraînée bien longtemps avant que tout soit terminé. Aussi y a-t-il toujours des vivres et de l’eau à bord. Si l’animal ne s’épuise pas au bout d’un certain temps, on doit l’abandonner pour ne pas être conduit trop loin en mer.
- Des usages très respectés et une véritable jurisprudence existent entre les baleiniers qui font cette chasse ; il faut cela pour régler tous les cas prévus de concurrence, de collaboration ou d’accident.
- Le départ des baleiniers pour une de leurs tentatives intéresse vivement la population, surtout celle des petites îles dont l’existence calme n’est traversée par aucune émotion.
- Une très rare bonne fortune m’a fait jouir de ce spectacle.
- Par une chaude après-midi du mois de juillet, nonchalamment étendu sous l’ombrage des citronniers, je regardais la mer bleue que ridait une brise légère. Le pêcheur en vigie sur une colline dominant la bourgade fit entendre le signal accoutumé, en sonnant de la trompe; je veux dire qu’il soufflait
- dans un grand coquillage vieilli à ce service. Les marins composant l’équipage de sept ou huit baleinières accoururent de tous les côtés et se réunirent dans la petite baie qui abrite leurs embarcations; vingt minutes après, cette flottille de voiles blanches s'éloignait rapidement et manœuvrait en sorte de couper la route aux grands mammifères dont une troupe faisait blanchir la mer à douze milles de la côte.
- Des yeux je suivais ces captivantes évolutions et tout à la fois mon esprit, franchissant les mers, se reporta sur d’autres baleiniers, d’un plus vigoureux profil, qui vont enlever leurs habitants aux mers sombres et glacées du Croënland, parmi les brumes et les tristesses des hautes latitudes.
- Marins solides, qui finissent parfois leur rude carrière sous l’étreinte d’un iceberg, dans le silence et la solitude des nuits polaires; leur dépouille ensevelie sous la glace, longtemps agitée par les cataclysmes du Nord, voguera peut-être un jour vers des régions plus douces. Là enfin glissant du tom -beau erratique que baigne un chaud courant et dont seul, depuis des années ou des siècles, le scintillement des étoiles avait pénétré la transparence, elle gagnera en tournoyant les profondeurs de l’Atlan-*' tique.
- La population des Açores mériterait à plusieurs titres un examen spécial. Influencée tour à tour par les Espagnols, les Flamands, les Portugais et les Américains, elle présente aujourd’hui dans ses mœurs, ses traditions et ses tendances, des caractères particuliers à chacun de ces types. Les Américains surtout entretiennent maintenant avec cet archipel des relations de commerce très suivies dont les céréales font l’objet, et bien des marins indigènes naviguent sur leurs bâtiments. Les baleiniers américains ont dû être les premiers à établir ces rapports lorsque leurs grands cétacés occupaient la région-. Quelques bandes de touristes Yankees remplacent aujourd’hui ces anciens visiteurs, et pendant la belle saison de superbes clippers les débarquent sur plusieurs points.
- D’ailleurs ce choix d’excursion est très explicable, et il est douteux que la nature puisse être plus généreuse nulle part. Un climat chaud dans la plaine, tempéré sur les montagnes, permet toutes les cultures, au milieu de paysages calmes ou tourmentés, plats ou pittoresques, suivant le caprice des soulèvements, des orages de feu, des pluies de cendres et des coulées de lave qui jadis constituèrent cet archipel.
- Si nous visitons l’île San Miguel, par exemple, elle nous laissera de charmants souvenirs. Ponta Delgada, qui en est la capitale, chaudement couchée sur le rivage, achève en ce moment la construction d’un port très vivement désiré, car, sauf peut-être Fayal, aucune des îles n’offre un mouillage sûr. Cette ville est entourée de jardins qui feraient partout la réputation d’un horticulteur; celui de la propriété Borges notamment fournit une image de la nature équatoriale. Collines ensoleillées pour les
- p.375 - vue 379/432
-
-
-
- 376
- LA NATURE,
- arbres de haute venue, ravins sombres et humides cachant tout un fouillis d’arbustes qui vivent de fraîcheur, rien ne manque à ce jardin pour glorifier le climat des Açores. Et si nous visitions ces montagnes qui se profilent à trois lieues d’ici, nous y trouverions les fruits de l’Europe, dans leurs plus belles proportions et avec toute leur saveur.
- Une des plus intéressantes cultures du pays est celle des ananas ; on lui consacre de grandes et nombreuses serres, non pour suppléer 'a une température extérieure insuffisante, mais pour produire la maturité du fruit à des époques déterminées et successives, favorables à l’exportation. Ce résultat s’obtient en soumettant la lleur naissante à l’action d’une fumée légère. C’est le hasard qui, sous la forme d’un commencement d’incendie, fit connaître naguère ce procédé de culture hâtive.
- La production annuelle s’élevait, en 1879, à une cinquantaine de mille fruits. Les Anglais, gens pratiques, vont tous les mois en prendre un chargement, qui arrive à Londres presque sans dégâts.
- Vers l’extrémité orientale de l’île, voilà de hautes montagnes dont les crêtes se perdent souvent dans les nuages, et qu’il ne faut pas omettre d’explorer. Après deux heures d’ascension assez raide, par les plus pittoresques chemins surplombant la mer, nous avons sous les yeux un paysage étrange.
- Des lacs et d’anciens cratères au milieu de forêts accidentées, bouleversées par des tremblements de terre, arrosées par des sources d’eaux minérales bouillantes, véritables geysers qui lancent vers le ciel des colonnes de vapeur, font le thème de cette nature si variée, si imprévue dans ses aspects.
- Voici un groupe de geysers, qui réunit, sur l’espace de quelques hectares, plusieurs sources ferrugineuses et sulfureuses. Les unes sont captées et alimentent des bains qui ont une renommée très grande aux Açores. Les autres s’écoulent librement à travers la campagne et bien des gens viennent y faire cuire leur repas.
- Parmi ces fissures et ces grottes envahies par de
- la boue écumante et bouillante, il en est une dont le mince filet qui s’en échappe contraste par un son argentin avec le grondement des puissants voisins. C’est une eau très fraîche, gazeuse, analogue à l’eau de Saint-Galmier, qui étonne, par sa présence dans un tel milieu, les visiteurs non familiarisés avec les phénomènes géologiques ; celui-ci est pourtant d’une simplicité parfaite. Les sources chaudes s’élèvent des couches profondes du sol ; la source gazeuse, fraîche, descend au contraire des hauteurs environnantes ; les hasards des pentes et de la perméabilité ont seuls rapproché d’aussi discordants voisins.
- Quelques pauvres enfants déguenillés font les honneurs de cette eau vraiment agréable à boire ; ils la recueillent dans une feuille d’igname prise au champ voisin, et roulée en cornet, qui fait le tour des amateurs.
- Les terres arrosées par les eaux ferrugineuses chaudes ont une valeur spéciale, car elles acquièrent une extrême fertilité à l’égard de certains végétaux, notamment à l’égard des Ignames (ou Dioscorée) racine alimentaire très répandue parmi la population de ces îles.
- Les habitants aisés de Ponta Delgada viennent dans cette pittoresque région chercher une fraîcheur absente de la capitale et de ses environs pendant l’été; on y voit de superbes jardins et d’agréables villas où les réunions et les danses sont à peu près quotidiennes. 11 convient de dire qu’aux Açores la société est aimable, hospitalière, intelligente ; quoique isolée au milieu de l’Atlantique, elle suit tous les événements de la littérature, de la science et de la politique. Et si quelques représentants des anciennes familles, premières occupantes, Portugaises d’origine, souvent croisées d’Espagnol et de Flamand, restent l’objet d’une juste considération, d’autres, élevés chez nous ou plus avancés dans leur évolution, luttent pour notre libéralisme et pour notre philosophie scientifique modernes.
- Si l’aspect extérieur des femmes appartenant à l’aristocratie ou à la bourgeoisie de notre archipel
- Fig. 1. — Carte des courants de la mer de James Knox, au dix-septième siècle.
- p.376 - vue 380/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 377
- ne les distingue pas sensiblement des groupes correspondants de la mère patrie, lelément féminin populaire aisé, possède un cachet tout spécial, dont la reproduction
- chon comme au fond d’une grotte, nul ne reconnaîtrait même les siens. La première impression que produit une per-
- sonne dont l’abord très particulier intimide et saisit, n’est pas atténuée si, changeant de point de vue on essaye le profil (fig. 4), et les ondulations de cette
- forme disparaissent dans la poussière du chemin, laissant rêveur le nouveau débarqué. Quel peut être le but du la cause de cette enveloppe? Est-ce une protection , un masque ou simplement affaire de goût? Je ne saurais le dire en ce moment. Mais peut - être que la comparaison de cet objet avec un manteau à capuchon assez bizarre, encore porté aujourd’hui par les femmes du pays de Flandre, mettrait sur la bonne voie un chercheur patient;
- ci-jointe ne réussit guère à traduire l’étrangeté. Voici une de ces aimables personnes vue de face (fig. 3) : un long et ample manteau de drap noir l’enveloppe chastement été comme hiver. L’œil le plus perçant, le plus hardi, s’émousse contre une barrière infranchissable, et n’était-ce par la figure qui apparaît sous le capu-
- _ _- --- -
- Fig. 2.— Baleinière équipée pour la pèche. (D’après une photographie.)
- Fig. 5. — Femme des Açores, vue de face. Fig. L — Femme des Açores, vue de profil.
- (D’après les photographies de M. le prince Albert de Monaco.)
- Dans les lignes qui précèdent il ne s’agit que des plus importantes parmi les Açores, de celles qui forment le groupe oriental ; mais je ne voudrais pas m'éloigner de ces parages sans dédier un souvenir
- aux mélancoliques sentinelles avancées de l’Europe vers l’Amérique ; aux deux petites îles de Florès et de Corvo. Elles sont assez intéressantes, du reste, pour que l’on y passe agréablement quelques jours.
- p.377 - vue 381/432
-
-
-
- Ô78
- LA NATURE,
- Corvo surtout mérite une mention spéciale : longue de 6 kilomètres, large de 3, elle se trouve à 1100 milles (500 lieues géographiques) de tout continent, et à 15 milles de sa pittoresque voisine, Florès.
- Jamais aucun paquebot n’y touche ; le visiteur, se risquant à débarquer sur les rocs abrupts qui par un seul point en permettent l’accès, doit veiller attentivement la mer, car une houle à peine sensible l’empêcherait de regagner son navire et il pourrait se voir prisonnier sur Corvo pendant des semaines ou des mois. D’ailleurs le mouillage est dangereux aux voiliers.
- Pourtant cet îlot, si peu accessible et d’aspect rébarbatif, n’est rpas plus désert que stérile ; loin de là. Une population de huit cents habitants, groupée en un seul village, vit facilement des céréales que produit le terrain et du bétail qu’il nourrit. Le type physique et moral des audacieux marins portugais d’autrefois s’y est bien conservé; l’instruction, donnée par un instituteur et sans doute aussi par deux prêtres qui s’y trouvaient en pénitence lors de ma première visite, n’est pas inférieure à celle des villages portugais. Enfin, la paix absolue est un problème dont on a eu raison sur Corvo, où toute cette population vit fraternellement dans un calme profond. Je m’empresse d’ajouter que l’élément féminin s’y trouve en majorité de cent cinquante voix et volontés sur la population masculine.
- Comme chez les abeilles, tout le monde travaille à Corvo, et le fâcheux exemple d’une oisiveté scandaleuse n’est offert que par l’unique douanier que l’Etat impose à cette microscopique parcelle de son territoire. Ce fonctionnaire, venu des rives tant célébrées du Tage, semblait ne pas comprendre les douceurs d’une sinécure. L’esprit tendu vers l’horizon, il y cherchait plutôt ses lettres de rappel que les chargements capables de grossir le Trésor; ces trois choses se faisant, du reste, vainement désirer.
- Calme et modeste aujourd’hui, témoin et acteur jadis, dans ces drames géologiques d’où naquirent des volcans, où disparut peut-être la mystérieuse Atlantide, cet écueil, muet après avoir troublé la mer par ses éclats et ses projections de lave, tient un autre rôle plus moderne dans l’histoire du monde, s’il faut en croire une légende que j’ai recueillie dans l’archipel et qui n’est pas ignorée en Portugal.
- Sur la côte occidentale de notre îlot, en un point élevé surplombant la mer, se trouvait un roc isolé, que ses formes bizarres et des proportions géantes faisaient prendre de loin pour un cavalier dont le bras et l’index immuables se tendaient vers l’Amérique. Christophe Colomb, naviguant tout jeune dans ces îles, aperçut un jour l’imposante figure, et dès lors son esprit tombé dans une rêverie superstitieuse conçut le plan qui devait amener la découverte du nouveau monde. Depuis, sous la domination passagère de l'Espagne, un roi castillan voulant faire transporter a Madrid le colosse équestre, des apparaux furent péniblement installés sur l’île; mais au moment critique du travail, toute la masse se brisa
- en de nombreux morceaux. Le cavalier de Colomb n’est plus que poussière aujourd’hui.
- Ce croquis, forcément bien sommaire, des petites îles sur lesquelles 200 000 habitants vivent perdus en plein Océan, suffira aux chercheurs que tant de sujets peu connus attirent encore sur le domaine de l’Atlantique, pour leur faire entrevoir de précieuses ressources. Dans un repos encourageant, instructif, au milieu de ces paysages vigoureux, inondés de lumière; que ne trouble pas l’écho des agitations mondaines, l’esprit.et le cœur trouvent toujours des jouissances calmes, fortifiantes, l’intelligence rêve et prépare de nouvelles campagnes. Ali?ert,
- Prince héréditaire de Monaco.
- LA DISTRIBUTION DES COULEURS
- DANS LE RÈGNE ANIMAL
- M. Lorenzo Canierano s’est occupé delà distribution des couleurs dans le règne animal, et a communiqué les résultats de ses études à l’Académie de Turin. Il établit d’abord quelles sont les couleurs qui se rencontrent le plus souvent, et il les range dans l’ordre suivant: 1° le brun; 2° le noir; 5° le jaune, le gris et le blanc; 4° le rouge; 5° le vert; (j° le bleu; 7° le violet; c’est la couleur la plus rare. On remarquera que M. Camerano met au nombre des couleurs le blanc et le noir, ainsi que le gris, leur mélange. Ces couleurs ne sont pas distribuées également dans les principaux groupes du règne animal. Le noir, le brun et le gris, d’après l’auteur, sont plus fréquents parmi les vertébrés, le rouge et le jaune, parmi les invertébrés. Le vert se rencontre souvent chez les animaux inférieurs, jamais cependant chez les mollusques. Les vertébrés présentent souvent aussi cette couleur, qu’on ne voit guère, néanmoins, chez les mammifères. Le bleu est très rare, le violet l’est davantage encore, bien qu’on le rencontre dans tous les groupes animaux. Le blanc est distribué d’une façon très irrégulière; c’est chez les animaux aquatiques qu’on le rencontre le plus souvent.
- Les couleurs des animaux sont généralement en rapport avec le milieu qu’ils habitent; ainsi les animaux parasites ont des couleurs moins tranchées et moins variées que les autres. Les animaux aquatiques ont, dans la majorité des cas, des couleurs plus uniformes et moins vives que les animaux terrestres. Les espèces marines sont rarement de couleur foncée ; il faut rapprocher ceci de la fréquente transparence de leur corps. Les animaux marins qui vivent au milieu d’algues ou d’autres plantes sont doués de couleurs plus vives et plus variées que ceux qui séjournent au milieu des pierres ou sur le sable. Notons en passant la coloration sombre et terne des insectes d’eau douce. Les oiseaux au vol élevé et rapide n’ont pas en général de nuance bien accentuée. Les animaux terrestres qui vivent dans les bois, sur les herbes, dans les buissons ou sur les fleurs ont des couleurs plus variées et plus éclatantes que ceux qui habitent des endroits sablonneux et pierreux. Canon Tristram insiste particulièrement sur la « couleur de désert » de la faune de l’Arabie et du Sahara. Contrairement à l’assertion quelque peu aventurée de M. Grant-Allen, il n’v a pas de rapport constant entre la coloration des animaux et leur nourriture. Les animaux carnassiers, qui vivent sous le feuillage et au milieu des fleurs, ont souvent des couleurs variées et brillantes, tandis que les espèces frugivores, si elles ne se trouvent
- p.378 - vue 382/432
-
-
-
- LÀ NATURE.
- 579
- pas constamment au milieu des feuilles et des fleurs, présentent plus souvent des colorations ternes et monotones. Cependant cette généralisation rend aussi peu compte que celle de M, Grant-Allen des splendides couleurs des animaux du genre phaneus, qui dévorent la charogne et les excréments, au milieu desquels ils vivent.
- Plus un groupe animal est riche en espèces, plus variées, et, en général, plus vives sont ses couleurs. Les colibris sont un exemple saisissant de cette loi ; mais elle se trouve pourtant en défaut en bien des cas, notamment en ce qui concerne le vaste groupe des brackélytres, ou scarabées, les harpolides, et le genre aphodius.
- L’intensité delà couleur n’a pas de rapport direct avec la quantité de lumière à laquelle les animaux sont exposés. Elle est plutôt en rapport avec leur développement général, et diminue par le f;ÿt d’une alimentation défectueuse ou de la maladie. Les vues de M. Camerano, quant à l’influence de la lumière, s’accordent, d’une façon générale, avec celles de M. À.-R. Wallace.
- Un climat très sec semble assombrir les couleurs, tandis qu’un climat très humide les rend plus vives ou plus claires. Les couleurs qui affectent une espèce seraient modifiées, d’après M. Camerano, par l’altitude à laquelle elle se trouve. Plus on s’élève, plus on rencontre des colorations intenses. Voilà une assertion contre laquelle nous sommes obligés de nous inscrire en faux. La faune d’une montagne est, en général, de nuance plus sombre que la faune des plaines voisines. Ce fait, qui forme un contraste frappant avec le phénomène offert par la flore alpine, a été cité comme un argument contre la théorie de M. Grant-Allen sur la coloration des animaux.
- Les espèces inférieures qui habitent des îles ont souvent des couleurs plus sombres que celles qui vivent sur les continents, ce qui est facile à vérifier chez les variétés confinées dans de petites îles.
- On verra que la coloration d’une faune donnée résulte d’un ensemble de facteurs dont l’influence respective n’est pas facile à estimer. Chaque région de la terre semble offrir des couleurs plus ou moins prédominantes. Dans les contrées arctiques, le blanc, le gris, le noir et le jaune se rencontrent fréquemment; en Ethiopie, on trouve surtout du jaune et du brun ; dans les contrées tropicales, le vert et le rouge prédominent; dans les Indes, les tons jaunes se voient en abondance; en Australie, les couleurs sombres, et principalement le noir, l’emportent sur les autres. En général, dans tout le règne animal, les sujets de forte taille ont des couleurs plus monotones que les sujets plus petits appartenant au même groupe.
- Dans presque tous les groupes d’animaux, les parties les plus visibles sont souvent colorées vivement ou tachetées-, tandis que les autres parties du corps sont plus fréquemment unicolores et foncées. Remarquons cependant que chez les insectes, les couleurs les plus vives se trouvent généralement sur les parties proéminentes, telles que l’abdomen, les extrémités de l’élytre chez les coléoptères et les hémiptères, les bords des ailes chez les papillons. Ce phénomène est si fréquent que quelques naturalistes ont cru y voir une disposition faite en vue de protéger ces animaux, un oiseau, par exemple, devant plus facilement s’attaquer aux parties externes, brillamment colorées, qu’aux régions vitales, plus sombres.
- En publiant ces extraits du travail de M. Lorenzo Camerano, nous ajouterons qu’il nous semble que quelques-uns d’entre eux doivent être confirmés : ils ne nous ont pas paru dignes d’attirer l’attention des naturalistes.
- E. Pmuppt.
- HALO EXTRAORDINAIRE
- DU 3 MAI 1888
- Dans le n° 567 (12 avril 1884) le journal La Nature a donné la figure et la description d’un halo observé le 29 mars précédent au parc de Saint-Maur. Nous venons de revoir un phénomène semblable, mais encore plus rare, le 3 mai 1886.
- Dès le matin on voyait au ciel un halo avec les parhélies qui l’accompagnent assez souvent ; bientôt on aperçut le halo circonscrit, sorte d’ellipse un peu aplatie et déformée qui touche Je halo en haut et.en bas. Vers 10 heures apparut le cercle parhé-lique horizontal, blanc, passant par le soleil et faisant tout le tour de l’horizon; les parhélies disparurent comme toutes les fois que le soleil s^élève à une grande hauteur; mais nous vîmes alors à droite et à gauche, en dessous du soleil, deux arcs, d’un très grand rayon de courbure, faisant par conséquent presque l’effet de lignes droites, légèrement convexes néanmoins vers le soleil et présentant faiblement les couleurs de l’arc-en-ciel, avec le rouge en haut. Le halo ordinaire de 22° et le halo circonscrit qui l’enveloppe avaient un éclat extraordinaire et étaient complets, ce qui est rare pour ce dernier.
- Bravais, qui a donné la théorie de ces deux arcs supplémentaires, les a nommés arcs tangents infra-latéraux du halo de 46°. Ils sont, en effet, à cette distance du soleil.
- Le baromètre, à l’altitude de 49m,50, était fort élevé et atteignait 768mia,00 à 9 heures du mâtin avec une température de 9°,4, Celte température a varié dans la journée de lfl,5 à 15°,7, et le matin il y avait de la gelée blanche. Les cirrus, qui donnaient naissance à ces curieux halos, venaient du N. 55° \V. Toute la soirée le ciel a été très beau.
- Malgré le peu de durée que présentent quelquefois ces halos extraordinaires, ils n’échappent guère aux personnes qui s’y intéressent, parce que dès le matin il est aisé de voir que le halo présente un éclat inaccoutumé et des accumulations de lumière, surtout en haut et en bas. Nous pouvons affirmer qu’aucun autre halo n’a été visible au parc de Saint-Maur. Cela est d’autant plus remarquable que M. Garnier, dès 9 heures et demie du matin, a vu a Boulogne-sur-Seine le halo ordinaire, le halo circonscrit et le cercle parhélique sans les parhélies ni les arcs infra-latéraux ; mais il a vu de plus Yan-thélie situé sur le cercle parhélique à l’opposé du soleil et les arcs obliques de l’anthélie passant par cette lueur blanche et par le soleil. (Voy. la notice ci-dessous).
- L’abbé Maze m’écrit d’Harlleur que M. Saint, facteur chef à cette station, a vu le 3 mai, a 8 h. 20 du matin, le halo ordinaire, le cercle parhélique et les arcs obliques de l’anthélie.
- A Vendôme, on a vu les mêmes phénomènes qu’à Harfleur; à Moptdoubleau, près de Vendôme, on a
- p.379 - vue 383/432
-
-
-
- 380
- LA NATURE.
- vu de plus le halo*de 46° de rayon ; il est à remarquer qu’on n’a signalé nulle part d’arc circum-zénital, à 46° au-dessus du soleil, qui est beaucoup moins rare, et qui depuis a été visible au Parc de Saint-Maur, le 8 au matin, avec les parhélies ordinaires. E. Renou.
- M. L. Teisserenc de Bort a communiqué, d’autre part, à la Société météorologique la notice suivante de M. Paul Garnier sur le phénomène observé à Boulogne-sur-Seine.
- A 9 b. 30 m. du matin on apercevait :
- 1° Le halo intérieur (H)
- (fig. 2) de 22°, très brillam-mentcoloré des teintes de l’arc-en-ciel^ le vert seul faisait défaut. — 2° Le halo circonscrit (I) enveloppant le premier à une distance diminuant au fur et à mesure que le soleil s’élevait au-dessus de l’horizon. Il était aussi vivement coloré que le halo intérieur; circonstance rare. — 5° Les arcs tangents supérieur et inférieur (a.a) tout aussi brillants et aussi nets qu’un arc-en-ciel ordinaire, sauf la teinte verte qui ne s’est laissé apercevoir que faiblement au point de tangence de l’arc supérieur. Tous ces cercles avaient la couleur rouge à l’intérieur, le violet à l’extérieur s’observant même dans le halo circonscrit. Aucun parhélie ne s’est montré. —
- 4° Le cercle parhélique ou horizontal (CC) faisant uniformément le tour entier de l’horizon à la hauteur du soleil (46°). D’une largeur moitié plus grande que le diamètre solaire et d’un blanc pâle à contours diffus, il était parfaitement visible à tous les yeux. — 5° Au N. AV., un anthélie (A) à bords diffus ayant un diamètre double de celui du soleil avait la même teinte que le cercle parhélique, mais seulement deux fois plus brillant. — 6° De l’anthélie comme centre rayonnaient, en diminuant d’intensité, deux arcs d’un petit cercle de la sphère dont les branches inférieures se distinguaient, sur une longueur de 20° environ venant se perdre en s’affaiblissant à 30° au-dessus de l’horizon W. et N. W. (e.e). Ils faisaient entre eux un angle de 100° environ c’est-à-dire 40° avec le cercle parhélique.
- Les branches supérieures s’élevaient, toujours en diminuant d’éclat. A peine visibles en b.b., j’ai
- observé qu’elles passaient [à peu* près au milieu de da distance du zénith au cercle parhélique, ce qui donne 22° pour distance zénithale approximative de ces deux points.
- Au delà de b.b., ces arcs, très difficilement observables, demandaient à être suivis attentivement pour déceler leur existence en d.d. Il était impossible de les deviner à moins de 10° du soleil; mais l’observation est suffisante pour pouvoir affirmer que le second point d’intersection de ces deux arcs est le soleil. Leur éclat près de l’anthélie était moitié de celui du cercle horizontal, mais la largeur à peu près la même, c’est-à-dire 45' environ, les bords vagues et la teinte blanc pâle comme ce dernier. Ces arcs sont donc formés par la réflexion de la lumière solaire sur les prismes de glace convenablement inclinés.
- L’observation du halo circonscrit si brillamment coloré, celle du cercle parhélique, de l’anthélie et principalement des deux arcs eAbd est un fait extrêmement rare; peut-être les observerait-on plus souvent si on les cherchait attentivement à leur place respective, car ces phénomènes peuvent très bien ne pas atteindre un développement aussi complet et passer inaperçus. Pa.ul Garnier.
- Le phénomène a été étudié avec beaucoup de soin à l’observatoire de la Baumette près Angers par M. A. Cheux, qui nous adresse la note suivante accompagnée de deux excellents dessins que nous reproduisons (fig. 3 et 4).
- Le 3 mai 1886, à 7 h.30 m. du matin, j’ai aperçu un magnifique halo de 22° très irisé au sommet et à la base, en même temps qu’un grand halo de 46° assez vif se formait. A 7 h. 52 m., un halo assez vif de forme elliptique ou circonscrit se montrait tangent à la partie supérieure du halo de 22° avec un grand cercle parhélique très faible passant par le centre du soleil, le rouge à l’intérieur et le bleu à l’extérieur pour les deux halos de 22° et 46". A 8 h. 40 m., le halo de 46° a disparu un peu, mais celui de 22° est plus vif avec le sommet et la base d’un rouge et d’un bleu d’une grande vivacité ; le grand cercle parhélique est plus vit. A 9 h. 36 m. le phénomène avait pris un remarquable développement, le halo de 22° très vif avait l’intérieur d’un
- Fig. 1 — Halo solaire observé au Parc de Saint-Maur,
- . le 5 mai 1886. — S. Soleil. — HH. Haio de 22°. — CC. Halo circonscrit.— PP. Parhélies.— MN. Cercle parhélique.— TT. Arcs tangents infra-latéraux du halo de 46°. (D’après le schéma de M. E. Renou.)
- .Zénith
- Fig. 2. — Halo du 5 mai 1886, vu à l’Observatoire de Boulogne-sur-Seine, à 9 h. 50 m. du matin. (D’après le schéma de M. Paul Garnier.)
- p.380 - vue 384/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 381
- gris sombre et le halo circonscrit très vif aux parties supérieure et inférieure de celui de 22° était aussi très brillant. Le halo de 46° était très peu visible,
- mais le grand cercle parhélique très blanc avait son centre au zénith et présentait une large faeule à l’extrémité opposée au soleil. A 11 h. 5 m. le halo
- 7 heures 30 minutes du matin. 9 heures 36 minutes du malin.
- Fig. 5 et 4. — Halo solaire du 3 mai 1886, vu à l’Observatoire de la Beaumette, près Angers. (D’après les dessins de M. A. Clieux.)
- est moins brillant et le cercle parhélique disparaissait. A 3 heures soir, halo très faible, les cirrus se transforment en alto-cumulus.
- Le ciel depuis le matin jusqu’à 11 h. 20 m. avait une couleur bleu cendré produite par les cirrus épais ; le papier de l’héliographe a commencé à brûler à 9 h.
- 15 m. du matin. La moyenne du baromètre des 6 observations, réduite à 0° a été de 766mm,18. Température minima4°,7; température maxima 15°,0. Vent faible du N. E. toute la journée. Evaporation de la journée 4 m. 10. Les cirrus venaient lentement du N. N. W et l’horizon très pur toute la journée. Le lendemain, très beau temps.
- Température minima 4°,4, et température maxima 17°,1.Moyenne du baromèlreàÛü,767mm,54. Vent faible du N.E. A. Checx.
- Nous terminerons la publication des plus importants documents que nous avons reçus sur le halo du 5 mai, en
- insérant quelques extraits des intéressants et pittoresques détails que nous devons à M. E. Vimont, directeur de la
- Société scientifique d’Ar-gentan. Nulle part comme on va le voir le phénomène ne nous paraît avoir été aussi remarquable que dans l’ouest.
- Vers 7 heures du matin, a Argentan, au milieu d’un ciel légèrement couvert, l’on a vu se dessiner tout à coup une sorte de croix blanche, à bras égaux, ayant pour centre le soleil. Un halo circulaire assez sombre, d’un demi-degré de largeur (grandeur du diamètre solaire ), s’est formé en passant par les extrémités de la croix grecque.
- Ce premier halo a présenté successivement des couleurs d’abord ternes, indécises, puis peu à peu plus marquées, pour faire place à celles de l’arc-en-ciel, rouge en dedans, jaune et vert, puis bleu violet au dehors. Le cercle entier avait 46° de diamètre. Bientôt après, tout l’espace intérieur de cet arc-en-ciel s’est vive-
- Fig. 5. — Phases successives du halo solaire du 5 mai 1886, observées à Argentan (Orne). (D’après le dessin de M- E. Vimont.)
- p.381 - vue 385/432
-
-
-
- 382
- LA NATURE.
- ment coloré d’unoteinte gris violet des mieux prononcées et bien uniforme, contrastant par son curieux aspect avec le reste du ciel.
- Près d’une heure et demie plus tard, se détachait un second halo, coloré de la même façon que le premier, mais avec beaucoup moins de force. Ce deuxième halo était elliptique. La portion supérieure de son arc (nord) et la portion inférieure (sud) se confondaient, sur une longueur de 25°, avec les bords du précédent halo. Le grand axe du halo elliptique était horizontal et passait sensiblement par le soleil ainsi que le petit axe. Le grand axe mesurait 50° de longueur et le petit axe 40° seulement. La partie du ciel comprise entre les deux halos était d’abord grisâtre ; après quoi elle s’est colorée en gris violet, mais avec une teinte toujours plus faible, plus pâle que celle de la région située à l’intérieur du halo circulaire.
- Un grand cercle tout blanc, parallèle à notre horizon, a passé par le soleil et enveloppé la ville d’Argentan. Ce troisième halo on cercle parhélique était immense, sa largeur égalait celle du disque solaire et il coupait les deux premiers halos, à droite et à gauche de l’astre du jour.
- A mesure que le soleil s’élevait au-dessus de notre horizon, le grand halo blanc s’élevait aussi, pendant que son pôle ne cessait de coïncider avec le zénith de l’observateur.
- Pendant une demi-heure, chacun a pu suivre un quatrième halo, sorte de fragment de cercle blanc, tangent à la partie inférieure de la portion commune aux deux premiers halos. Ce petit cercle n’avait guère que 60° de longueur et sa cavité était dirigée du côté de l’horizon.
- Les deux derniers halos, colorés des nuances du spectre solaire, n’ont pas tardé à faire leur apparition au sud-est et au sud-ouest du soleil. Ils étaient disposés symétriquement et ne comptaient guère que 12° de longueur; ils étaient distants de 46° de l’astre du jour et de 23° du premier halo (fig. 5) leur convexité était tournée légèrement par en haut, vers le soleil, et tous deux présentaient des teintes très vives, le bleu le plus près de l’horizon, le rouge du côté du soleil.
- Ce phénomène météorologique, des plus rares, a vivement attiré l’attention de tous les habitants.
- Comme c’était le jour de la foire Quasimodo à Argentan, les halos ont eu pour témoins, dans notre ville, plus de 6000 spectateurs dont la plupart croyaient apercevoir une éclipse de soleil, un signe d’orage ou de guerre, voire la fin du monde. Aussi, sur le champ de foire, sur la place publique, les conversations allaient-elles leur train. C’était à qui découvrirait la solution la plus invraisemblable.
- Les nombreux renseignements que je reçois depuis trois jours m’annoncent que, dans toute la Basse-Normandie, les halos solaires du 3 mai ont été la cause d’une émotion générale.
- Eugène Vimont.
- CHRONIQUE
- Grand festival an profit de l'institut Pasteur.
- — Mardi dernier, 11 mai, a eu lieu k Paris, dans la grande salle du Palais du Trocadéro, le festival organisé par la Conférence Scientia au profit de l’institut Pasteur. Nos plus célèbres compositeurs et leurs plus éminents interprètes avaient donné le concours de leur talent à cette double manifestation de la science et de l’art, avec la générosité et l’élan qui caractérisent les grands artistes. Le soir, M. Pasteur avait accepté de prendre part au banquet que la Conférence Scientia lui avait offert, ainsi qu’aux principaux artistes qui s’étaient fait enteudre dans la journée. Le banquet, auquel assistaient plus de quatre-vingts convives, était présidé par M. l’amiral Jurien de la Gravière, président de l’Académie des sciences qui, à la tin du repas, a lu les paroles que M. Chevreul devait prononcer lui-même, s’il n’avait été retenu chez lui par la fatigue. M. Pasteur, avec une grâce et une simplicité exquises, a prononcé une allocution que nous reproduisons aussi fidèlement que possible :
- « Messieurs, voilà le seul moment de votre festival qui m’inspire de l’inquiétude, c’est le moment où je dois parler. Mais avant toutes choses, je veux exprimer à M. Chevreul mes sentiments de disciple reconnaissant. A chaque étape de ma vie, je l’ai retrouvé, m’offrant non seulement, comme à tant d’autres, l’appui de son autorité bienveillante, mais me donnant le spectacle de sa vigueur d’esprit infatigable. Hier encore, à l’Académie des sciences, il m’exprimait le désir de venir ce soir au milieu de nous, mais s’il n’a pu nous donner une des soirées de sa quatre-vingt-dix-neuvième année, il se promet de fêter avec nous son centenaire. Messieurs, tout dans celte journée aura été extraordinaire. Penser à inaugurer un institut scientifique par une fête au Trocadéro, c’était une idée téméraire, qui ne pouvait venir qu’à des jeunes gens; mais ces jeunes gens savaient que l’enthousiasme de la science pénètre aujourd'hui tous les esprits. Après avoir sollicité et obtenu l’approbation de mes chers et grands confrères de l’Académie, ces organisateurs nous ont fait entendre, dans cette fête d’un jour, des pages et des œuvres immortelles de compositeurs qui s’appellent Gounod, Delibes, Saint-Saëns, Massenet, etc. N’était-ce pas un spectacle touchant de voir ces grands charmeurs de l’humanité heureuse, apporter leur glorieux concours à ceux qui veulent étudier et servir l’humanité souffrante. Et vous êtes venus aussi vous tous, grands acteurs et grands artistes. On eut dit autant de généraux en chef qui consentiraient à rentrer dans le gros de l’armée pour mieux servir par leur élan un sentiment commun. Oserais-je vous avouer que je vous entendais presque toutes et presque tous pour la première fois ? Je n’ai pas, dans ma vie, passé dix soirées au théâtre ; mais je n’ai pas de regrets à avoir puisque vous m’avez offert, dans l’intervalle de quelques heures, comme dans une synthèse exquise, les sentiments que d’autres mettent des mois et des années à rassembler. »
- Le festival du Trocadéro aura été un grand succès pour l’institut Pasteur : la recette brute a dépassé la somme de 42 000 francs.
- La photographie astronomique. — Le 50 avril a eu lieu au Ministère de l’instruction publique la réunion annuelle des directeurs d’observatoire. MM. l’ami-
- p.382 - vue 386/432
-
-
-
- LÀ NATURE.
- 383
- ral Mouchez, Baillaud, Rayet, André, Perrotin, Trepied, y assistaient ainsi que MM. Siard, Cornu, Faye. Il a été décidé que l’on ferait exécuter trois lunettes de photographie astronomique semblables à celles dont MM. Henry frères ont fait usage pour l’exécution des cartes célestes qu’ils ont déjà relevées par ce procédé. L’exécution de la partie optique de ces instruments qui auront 54 centimètres d’ouverture et 540 de distance focale a été confiée à MM. Henry frères, et la partie mécanique à la maison Lichens. Le prix de chaque appareil dont la construction prendra 18 mois a été fixé à 40000 francs. On a décidé que le premier appareil en état de service serait destiné à l’Observatoire d’Alger, dont le climat exceptionnellement favorable permet d’espérer des résultats particuliè- I rement avantageux. La destination des deux autres sera ultérieurement déterminée. 11 n’est pas inopportun de remarquer que la petitesse de la longueur focale, qui n’est que le décuple de l’ouverture au lieu d’être de 15 à 15 fois plus considérable, tient à ce que l’on ne se préoccupe, dans la construction d’un télescope photographique, que de la concentration des rayons photogéniques dont la réfringence est supérieure à celle des derniers rayons visibles du spectre, et que le problème est l’inverse de celui que se posent les opticiens cherchant l’achromatique des rayons de différentes teintes émis par les objets lumineux.
- £<e puits le plus profond du monde. — Nous avons cité antérieurement un puits de 1170 mètres de profondeur. Le puits le plus profond est probablement celui de llomewood en Pensylvanie qui appartient à M. George Westinghouse. La profondeur moyenne des puits de llomewood est actuellement de 550 mètres. Actuellement la sonde atteint une profondeur d’environ 2,000 mètres. On garde avec grand soin tous les échantillons géologiques ramenés à la surface.
- Torpille Brennan. — De nouvelles expériences d’un caractère très important ont eu lieu à Garrison-Point-Fort, près de Sheernep, dans le but de constater si la torpille Brennan peut être dirigée aussi bien sous l’eau qu’au-dessus. La torpille a été lancée du fort et dirigée pour remonter le cours de la Medway. Au moyen de l’appareil mécanique dont il disposait dans le fort, M. Brennan a manœuvré avec succès sa torpille sous l’eau-jusqu’à une distance considérable.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 10 mai 1886. — Présidence de M. l’amiral
- JüRIEN DE LA GrAVIÈRE.
- Le golfe de Hanmauie!. — M. le D' Rouire décrit la configuration général du littoral compris entre llamma-rnet et Sousa et expose l’hydrographie de cette région encore peu connue. Le golfe de liammamet se termine par un grand cul-de-sac maritime qui le prolonge dans les terres et ne mesure pas moins de 55 kilomètres de longueur. C’est dans cette lagune que viennent se déverser toutes les eaux du bassin hydrographique de la Tunisie centrale. Un îlot de collines calcaires, jeté au milieu de la lagune, divise cette dernière en deux parties, la sebkha Djériba et la sebkba Halk-el-Mengel. Ces deux sebkha ne sont séparées de la mer que par un mince cordon littoral et communiquent avec le golfe de liammamet
- par diverses solutions de continuité existant dans l’épaisseur du cordon. A l’époque actuelle ces sebkhas pleines d’eau en hiver sont à sec pendant l’été, du moins en grande partie ; mais à l’époque romaine, elles étaient navigables. M. Rouire en donne pour preuve, l’existence d’un ancien chenal qu’il a retrouvé et qui permettait aux navires de pénétrer de la haute mer dans la lagune. Un port naturel se trouve en outre à l'entrée du chenal.
- L'île Julia. — Dans une note présentée en son nom par M. Faye, un astronome de Palerme, M. Rico, revient sur le parallèle déjà établi entre le soulèvement de l’île Julia en juillet 1851 et la grande éruption du Krakatau en 1882. On y a noté en effet les mêmes phénomènes généraux. Du 29 juin au 2 juillet de faibles tremblements de terre se firent sentir jusqu’à Palerme; les pêcheurs qui virent la mer trouble et sale crurent à de grands combats de poissons. Quelques jours après des cadavres de bêtes marines flottèrent en abondance et des vapeurs sentant le soufre firent bouillonner les flots. L’atmosphère fut encombrée de ces gaz et à Sciacca, c’est-à-dire à 52 kilomètres, tous les objets d’argent furent noircis par l’hydrogène sulfuré. Le 22, on vit s’élever une colonne de fumée évaluée à 18 kilomètres de hauteur et l’île bien éphémère se constitua. Alors comme à la suite de la convulsion de la Sonde on vit le soleil bleu et le crépuscule rouge. Mais l’auteur pense que des poussières solides n’y furent pour rien et que les colorations des hautes régions n’eurent d’autre cause qu’une formidable quantité de vapeur d’eau.
- Chute de feuilles mortes. — Passant le 25 avril dernier dans la tranchée du chemin de fer entre Connnentry et Neris, M. Charles Brongniart, préparateur au Muséum d’histoire naturelle, vit, à une très grande hauteur, d’innombrables feuilles de chêne. Elles tombèrent très lentement et recouvrirent le sol sur plusieurs kilomètres. Nul doute qu’une trombe ne se soit quelque part chargée de ces feuilles qui transportées dans les parties élevées de l’atmosphère ont été charriées peut-êlre très loin de leur point d’origine par des vents horizontaux.
- Halo solaire. — Un très grand nombre de personnes ont été témoins, lundi dernier 5 mai, d’un magnifique halo solaire. Il résulte des communications reçues par M. Mascart qu’on a observé, outre le halo ordinaire de 22°, la courbe en ellipse écrasée déjà décrite l’an dernier par M. A, Cornu, deux arcs latéraux tangents au halo de 46°; ce halo de 46° parfaitement complet ; le cercle parhélique de 180° avec les deux images latérales du soleil. Il est rare que les choses se présentent d’une manière aussi complète.
- Beurre rance. — Il résulte d’un travail de M. Duclaux, présenté par M. Pasteur, que si le beurre rancit, les microbes n’y sont pour rien. L’oxydation de la butyrine qui devient acide butyrique est due, comme M. Chevreul l’avait reconnu, il y a déjà fort longtemps, à l’action directe de l’oxygène de l’air. Les beurres les plus frais et les plus estimés contiennent déjà des traces d’acide butyrique. La lumière exalte le phénomène qui est aidé aussi plus tard par les mycéliums, développés dans la petite quantité de lait dont les beurres sont pourvus même après la fabrication la plus soignée.
- A cette occasion, M. Chevreul tient à signaler à l’Académie un important travail sur le même sujet dont s’occupe actuellement M. Arnault, aide-naturaliste au Muséum.
- p.383 - vue 387/432
-
-
-
- 384
- LA NATURE.
- Election. — C’est aujourd’hui que l’Académie avait fixé pour remplacer M. Tulasne. La section de botanique avait dressé une liste de candidats portant : en première ligne, M. Bornet; en deuxième ligne, M. Trillieux; en troisième ligne, ex æquo et par ordre alphabétique, MM. Bureau, Maxime Cornu, et de Seynes. Les votants étaient au nombre de £0, M. Bornet est élu par 36 suffrages, M. Bureau en réunit 10, M. Prillieux 6, M. Cornu 2. Un membre vote pour M. de Seynes ; il y a un bulletin blanc.
- Varia. — M. Salleron traite de la fabrication du vin mousseux en France : c’est une industrie qui produit de 23 à 24 millions de bouteilles représentant 80 millions de francs. — Des tables de transformations astronomiques sont adressés par M. Vinot. — M. Pierre Lazergue décrit un ozonomètre enregistreur. Stanislas Meunier.
- --->"y“®—
- RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES
- EXPÉRIENCE SUR LA TRANSFORMATION DES FORCES PHYSIQUES
- Un de nos lecteurs de Montevideo, M. E. Paccard, nous communique une disposition de la pile Bunsen au moyen de laquelle il réalise une expérience fort curieuse sur la transformation des forces physiques et dont notre figure donne la disposition d’ensemble.
- Yoici d’abord comment la pile est construite. Le zinc au lieu d’être formé d’une plaque cylindrique entourant le vase poreux, est un simple cylindre massif, suspendu sous une cloche de verre, fixée elle-même à un couvercle de bois qui doit fermer
- Pile Buusea disposée pour faire fonctionner à la fois un moteur à vapeur et un moteur électrique.
- t
- hermétiquement tout le système, à l’aide de cire ou de mastic.
- Cette cloche de verre traverse le couvercle; elle est fermée par un bouchon en caoutchouc à deux tubulures. L’une de celles-ci laisse passer la tige de cuivre qui supporte le zinc, et qui sert d’électrode. L’autre tubulure est munie d’un tube à robinet qui permet de laisser dégager le gaz hydrogène formé. Ce robinet, quand on l’ouvre ou quand on le ferme, ouvre et ferme le circuit. En effet dans le premier cas, l’hydrogène s’échappe, et dans le second cas, n’ayant pas d’issue il s’accumule dans la cloche et refoule le liquide : la pile cesse de fonctionner le zinc se trouvant à nu.
- A côté de la cloche que nous venons de décrire se trouvent disposés à la façon ordinaire le charbon et le vase poreux contenant l’acide nitrique.
- Voici maintenant l’expérience que cette pile per-
- met de réaliser; les conducteurs métalliques fixés aux deux pôles sont reliés à un petit moteur électrique que l’on voit à la droite de notre dessin, et qui fonctionne aussitôt que le contact est établi. L’hydrogène dégagé est d’autre part conduit, au moyen d’un tube de caoutchouc, au-dessous de la chaudière d’une petite machine à vapeur que nous avons figurée à gauche de la gravure. On l’enflamme, l’eau ne tarde pas à entrer en ébullition et la machine à agir.
- On se trouve avoir en même temps un générateur de chaleur et d’électricité : il y a là une jolie expérience de cours et de démonstration, que nous recommandons aux physiciens. G. T.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie k. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Pans.
- p.384 - vue 388/432
-
-
-
- > 6 7 7. — a y MAI 1886.
- LA NATURE
- 585
- LE CENTENAIRE DE PARMENTIER
- ET DE LA CULTURE DE LA POMME DE TERRE
- La ville de Montdidier, où est né Je philanthrope Parmentier, le 17 août 1757, a tenu à honneur de
- célébrer récemment le centenaire de l’un des événements les plus mémorables dans l’histoire des découvertes utiles : la culture de la pomme de terre, que l’on a si souvent appelée le pain des pauvres. Nous voulons, à notre tour, rendre homm un homme qui se signala par les plus importa
- Fi;;. 1. — Luuis XVI vUituul le premier chuuip de pommes de terre, dans la plaine des Sablons.
- services. On u dit que la pomme de terre lut apportée eu Europe bien avant Parmentier, au dix - septième siècle et même, d’après quelques historiens, au seizième siècle; M. Virey a démontré que l’honneur de la priorité devait revenir aux Espagnols qui, dans la première moitié du seizième siècle, avaient propagé ce précieux produit du sol américain dans leurs possessions d’Europe. Gela paraît incontestable, et l’on a beaucoup écrit a ce sujet, mais il n’en est pas moins vrai que la pomme de terre était presque partout ignorée quand Parmentier résolut de la cultiver, et que c’est à lui tout au moins que nous en devons les bienfaits dans noire pays. J Invalides. Ce fut a cette 1 i* année. — lor semestre.
- Parmentier eut une existence magnifique, qu’il consacra avec un rare dévouement, a l'intérêt de ses semblables. Orphelin de bonne heure, il entra comme élève chez un pharmacien avant d’avoir terminé ses études. 11 se rendit, en 1757, comme pharmacien militaire, a l’armée de Hanovre, où il se conduisit avec une grande énergie. Il fut fait cinq fois prisonnier pendant cette guerre,.et resta captif en Prusse jusqu’à la fin de la campagne.
- De retour à Paris, en 1765, il reprit ses études et, en 1774, il réussit a obtenir, au concours, la place de pharmacien à l’hôtel des époque qu’il commença à 2>
- p.385 - vue 389/432
-
-
-
- 386
- LA NATURE
- étudier les propriétés de la pomme de terre èt qu’k force de persévérance il sut vaincre les préventions aveugles qui s’opposaient en France, a l’emploi de cette plante utile. Parmentier cultiva le tubercule aux environs de Paris, mais l’opposition du peuple, des grands et de tout le monde s’acharna eontre l’inventeur. Louis XVI eut l’honneur de protéger la lutte de Parmentier contre de vains préjugés ; il fit défendre par ses troupes le champ de culture des Sablons, où les premières pommes de terre semées en France eussent été arrachées par des mains coupables, si elles n’avaient été protégées. D’après quelques historiens, le roi, visitant le champ de culture, reçut de Parmentier la fleur de pomme de terre. Cette scène a été reconstituée par notre dessinateur, M. Gilbert (V. fîg. 1). Le grand agronome fut reçu à la cour ; le roi lui donna la main, et le présenta à la reine Marie-Antoinette, une fleur de pomme de terre à la boutonnière.
- Parmentier ne se contenta pas de s’occuper de la pomme de terre; le maïs, le châtaignier furent également l’objet de ses études, et il épuisa tout ce qu’il était possible de dire en faveur de ces produits qui font encore aujourd’hui la richesse de quelques-unes de nos régions. Toujours anxieux d’accroître nos ressources alimentaires, il exécuta de longs et remarquables travaux sur la fabrication du pain ; il proposa la mouture économique, dont l’emploi augmente d’un sixième le produit de la farine. Pendant la révolution, Parmentier surveilla les salaisons destinées à la marine et contribua à rendre pratique la confection du biscuit de mer, véritable bienfait dans l’alimentation du navigateur.
- Nommé membre de l’Institut en 1801, inspecteur général du service de santé en 1805, Parmentier ne se lassa pas de se consacrer aux études utiles ; il améliora le pain des troupes, rédigea un excellent code pharmaceutique pour les hôpitaux civils, et s’occupa des recettes de soupes économiques. « Peu d’hommes, a dit un de ses meilleurs biographes, Silvestre, ont été assez heureux pour rendre à leur pays des services aussi importants. Un ardent amour pour l’humanité était le génie qui inspirait Parmentier ; dès qu’il voyait du bien à faire, des services à rendre, il s’animait, les moyens d’exécution se présentaient en foule à son esprit et ne lui laissaient plus, pour ainsi dire, de repos; il sacrifiait tout pour satisfaire cette passion; il interrompait les études qu’il aimait le mieux pour s’employer en faveur des infortunés ; sa porte était ouverte à toutes les sollicitations, et il était tous les jours au travail à 5 heures du matin. »
- Le centre des fêtes de Montdidier a été naturellement autour de la statue qui a été élevée dans cette ville au grand inventeur. Celte statue représente le philanthrope habillé à la française, coiffé de la perruque poudrée, et tenant a la main la fleur immortelle. Des bas-reliefs sont sculptés autour de la statue ; ils montrent le pharmacien des armées sur un champ de bataille du Hanovre, la plaine des Sa-
- blons envahie par des maraudeurs, et Louis XVI parant sa boutonnière de la fleur de pomme de terre. Les fêtes du centenaire de Parmentier se sont prolongées pendant les deux semaines qui ont suivi le jour de Pâques. Elles se sont terminées par un grand banquet, auquel assistaient les Ministres de l’agriculture et de l’instruction publique.
- Parmentier mourut à Paris le 15 décembre 1815. Il fut plus qu’un savant éminent : on doit le considérer comme un bienfaiteur de l’humanité.
- Gaston Tissandikr.
- EXPOSITION D’HYGIÈNE URBAINE
- (CASERNE LOBAU, A PARIS)
- Depuis quelques années seulement l’hygiène commence à tenir parmi nous la place que lui ont donnée les Anglais et surtout les Américains, dans les services publics. Ce mouvement si légitime et qu’il faut à tout prix accélérer pour conférer à nos demeures la salubrité qui leur manque et en faire connaître les dispositions vicieuses, et pour imposer à l’opinion la préoccupation de l’assainissement des édifices publics et des agglomérations urbaines, vient d’être habilement secondé par la création à la caserne Lobau (annexe de l’Hôtel de Aille) d’une Exposition d’hygiène urbaine.
- Organisée sous lepatronage du Conseil municipal de Paris, par la Société de médecine publique et d'hygiène professionnelle, cette exposition comprend environ deux cents exposants. Le caractère exclusivement technique et scientifique adopté pour leur œuvre par les organisateurs, en a soigneusement écarté tout produit ou appareil qui n’aurait présenté qu’un intérêt purement commercial. Elle offre donc un sujet d’études à la fois intéressantes et variées, sans laisser place au remplissage ordinaire des exhibitions même spéciales. Ce n’est pas à dire que les visiteurs dont les préoccupations sont moins habituellement dirigées vers les questions d’applications scientifiques n’y puissent également trouver matière à une instruction fort sérieuse et souvent bien nécessaire. À ceux-là s'adresse spécialement la remarquable exposition de la Ville de Paris, avec ses statistiques graphiques des maladies épidémiques, l’ingénieuse démonstration du nettoyage du siphon du Pont de l’Alma, la coupe d’un trottoir de voie publique montrant les appareils de distribution, les exemples frappants des qualités diverses des eaux distribuées dans la capitale, la coupe des dispositions à adopter dans les nouvelles constructions pour y assurer la salubrité, etc. ; d’autre part les appareils de filtrage, d’aération, de chauffage, les modèles de mobilier scolaire, et comme attrait particulier, le laboratoire de M. Pasteur, avec ses appareils pour l’étude des micro-organismes.
- A cette nombreuse catégorie qui ne manquera pas d’attirer également l’attention des spécialistes, ingénieurs, architectes, médecins, etc., viennent s’ajouter les plans d’architecture pour hôpitaux et hospices, maisons ouvrières, les modèles d’ambulances, et une très importante réunion d’étuves à désinfection nouvelles et efficaces et dé réservoirs de chasse qui peuvent les uns et les autres fonctionner sous les yeux du public, enfin les appareils de plomberie sanitaire, sur lesquels il y a tant à apprendre chez nous, pour arriver à maintenir nos habitations à l’abri des émanations insalubres, soit qu’elles se relient
- p.386 - vue 390/432
-
-
-
- LÀ NATURE,
- 587
- directement à l'égout, soit qu’elles déversent encore leurs excretu dans des fosses lises ou mobiles.
- L’Esposition d’hygiène urbaine n’est et ne pouvait être, d’ailleurs, dans la pensée même de ses organisateurs, qu’un prélude à une œuvre plus étendue et qui, nous l’espérons avec eux, sera entièrement réalisée au grand rendez-vous de 1889 ; mais, si l’on songe que c’est le premier essai fait en France d’une création de celle nature, on devra accorder de chaleureuses félicitations à la Société de médecine publique et d’hygiène professionnelle, initiatrice de l’œuvre, et au comité d’organisation qui compte parmi ses membres M. Gariel, président de la Société, et ses secrétaires généraux, Mil. les docteurs Napias et A.-J. Martin. G. R.
- LES TORPILLEURS CHINOIS
- Deux des torpilleurs de première classe arrivés récemment à Canton et fournis par la Société de construction navale Vulcain, de Stettin,en Allemagne, pour le compte du gouvernement chinois, ont été inspectés, près de Canton, par le vice-roi de cette ville et le commissaire impérial chargé de la défense des côtes. Au cours de cette inspection un accident est survenu à l’un d’eux. Les torpilleurs filaient à toute vapeur quand le\olant du ventilateur de l’un d’entre eux se brisa en éclats, jtoppant l’ingénieur en second et saccageant la salle des machines. M. Detts, ingénieur attaché au vice-roi, appelé en toute hâte ne put secourir le malheureux ingénieur qui mourut iqj bout de quelques instants. La salle des machines présentait l’aspect qu’elle aurait eu si un obus y avait fait explosion. La manivelle était tordue, les guides brisées et un trou de 15 centimètres environ percé dans la coque du bateau. Ce trou fut cloisonné en toute hâte ^le bateau échoué afin de l’empêcher de sombrer. A l’examen des fragments du volant, il fut impossible de trouver le moindre défaut dans le métal, mais la font^îtait à très gros grains et de qualité très inférieure avec beaucoup de bulles d’air. Les torpillent fournis à la Chine par la Compagnie Vulcain ont été particulièrement malheureux jusqu’aujourd’hui. A Tientsin, l’un d’entre eux vint frapper le vapeur Wenchou et fut gravement endommagé. Un autre sombra au mouillage à Chefoo et dut être renfloué plus tard. Neuf autres torpilleurs ont été expédiés à Canton.
- PIPETTE
- DESTINÉE A PRENDRE LA DENSITÉ DES LIQUIDES
- Voici un appareil simple, imaginé par M. Amat, que toute personne habituée à travailler le verre peut construire elle-même, et qui permet d’évaluer rapidement et avec une assez grande approximation la densité d’un liquide. Il offre, en outre, l’avantage de n’exiger qu’une très faible quantité de ce liquide.
- Il consiste simplement en une pipette droite AD à laquelle on a soudé latéralement, à la partie supérieure, un petit manomètre à eau en forme d’U.
- Les deux branches du manomètre ainsi que la pipette sont graduées en parties d’égale longueur. On peut, au besoin, effectuer simplement cette graduation en collant sur le verre des bandes de papier sur lesquelles on a tracé à l’avance une échelle divisée. Le zéro de la graduation de la pipette se trouve exactement à l’extrémité inférieure B. La graduation des deux tubes du manomètre s’étend de part et d’autre d’un zéro qui se trouve vers le
- milieu. Les zéros des deux branches doivent se correspondre aussi exactement que possible de manière qu’ils soient dans le même plan horizontal, lorsque l’appareil est fixé sur un support.
- Il ne reste plus pour compléter l’instrument qu’à adapter en A un tube de caoutchouc muni d’une pince et terminé par un petit tube de verre qui permettra d’aspirer avec la bouche. La pince est destinée à tenir le léger vide produit par l’aspiration.
- Pour prendre la densité d’un liquide, on plonge l’extrémité B dans ce liquide, on aspire, et on serre le tube de caoutchouc avec la pince. Il est essentiel que la pince tienne bien, de manière que les niveaux restent constants. On fait les lectures. Supposons, par exemple, qu’on lise 250““,5 sur la pipette; 147“”,7 et 152 millimètres sur les branches du manomètre. — Cela fait, on desserre la pince, et on laisse écouler le liquide. A cause de la capillarité, il reste en B une goutte dont on lit la hauteur, soit 6 miliimètres. Une hauteur de liquide soulevée, de 250““,5—6=244““,5, est donc équilibrée par une colonne d’eau de 147““,5 -f 152 = 299””,5. Or les hauteurs de ces deux liquides sont en raison inverse de leurs den sites,
- d___299,5
- ï
- d’où d = l,22
- '244,5
- on obtient d par une simple division.
- Quand on gradue l’instrument avec soin, ou qu’on s’adresse à un constructeur, on peut compter sur l’exactitude des deux premières décimales ; avec un peu d’habitude dans l’évaluation de la dernière goutte, en cherchant à évaluer la densité de l’eau, on peut même atteindre une approximation plus grande. Pour mesurer avec précision la hauteur de la goutte, on doit lire au moment où tombent
- Pipette pour prendre la densité des liquides.
- les dernières, la hauteur maximum à laquelle s’élève le liquide entre la chute de deux gouttes, car on peut constater qu’à cet instant, et à celui-là seul, le niveau inférieur de la bulle est plan. L’erreur dans cette lecture n’atteint pas un demi-millimètre, or, comme une hauteur convenable de l’appareil permet d’avoir des colonnes soulevées variant entre 15 et 30 centimètres, l’erreur, de ce chef, n’est que de 1/300. C’est là la limite de précision de la méthode.
- On peut remplacer avantageusement la pince du tube de caoutchouc par un robinet de verre, ou mieux encore terminer A par une poire de caoutchouc ; alors on ménage sur le côté de la pipette une tubulure latérale qu’on peut fermer ou ouvrir avec un bouchon de caoutchouc.
- Ce petit appareil est d’un maniement plus simple que ceux qu’on a imaginés jusqu’ici en se fondant sur le même principe. H pourra avantageusement aussi remplacer les aréomètres dans les déterminations courantes, car il permet de corriger l’erreur de capillarité, qu’on néglige dans les instruments et de plus on peut, quand on le désire, vérifier soi-même facilement l’exactitude de la graduation. IL E.
- p.387 - vue 391/432
-
-
-
- 388
- LÀ NATURE.
- L’ÉLECTRICITÉ DOMESTIQUE
- RÉVEILLE-MATIN. - ALLÜMOIR
- Le réveille-matin électrique que représente notre ligure 1, est désigné par son constructeur, M. Hector Levy, sous le nom de chronophone. Cet appareil a, comme on le voit, la forme extérieure d’un porte-montre en acajou; il contient, dans son intérieur, une sonnerie électrique et deux petits éléments système Leclanché, mais secs, et rendus inversables par l’addition de sable au liquide salé. La partie supérieure de ce petit meuble est pourvue d’un crochet destiné à maintenir une montre quelconque dont le verre percé d’un tout petit trou au centre sert d’appui à une tige métallique. Cette tige a pour but d’établir un contact électrique chaque fois que l’aiguille des heures vient à la rencontrer. Elle peut
- Fig. 1. — Réveille-matin électrique.
- distance quelconque dans la maison et reliée simplement au chronophone par deux fils qu’il suffit de serrer dans les deux petites bornes disposées près du commutateur.
- L’appareil est complété par deux petits boutons électriques destinés à actionner directement soit la sonnerie cachée dans le meuble, soit une sonnerie éloignée et reliée a l’appareil comme nous l’avons dit plus haut.
- Cette ingénieuse application de l’électricité est fort bien conçue. L’appareil sert en même temps de réveille-matin et de porte-montre; il peut remplacer la sonnerie destinée à appeler un serviteur peu éloigné; il permet d’éveiller, tout à la fois, le maître, et le domestique à distance, à l’heure que l’on aura jugé à propos d’indiquer en se couchant la veille. On peut l’utiliser enfin pour sonner à un endroit quelconque de la maison sans qu’il soit nécessaire d’installer une nouvelle pile.
- être amenée au-dessus du chiffre du cadran indiquant l’heure voulue en faisant tourner le verre qui lui sert d’isolant et auquel elle est fixée à l’aide d’un rivet.
- Un petit bras mobile en acier flexible est amené sur le rivet et établit de la sorte un contact permanent entre la pile contenue dans le petit meuble et la tige métallique. D’autre part, le crochet auquel est suspendue la montre établit la deuxième communication.
- On conçoit, dès lors, que chaque fois que l'aiguille des heures de la montre vient à toucher la tige fixée sous le verre, la communication s’établit aussitôt et la sonnerie fonctionne.
- Un petit commutateur placé au-dessus du meuble permet de changer la marche du courant et d’actionner soit la sonnerie qui se trouve dans le porte-montre, soit une sonnerie extérieure placée à une
- Fig. 2. — Polit allumoir électrique.
- Le second appareil que nous signalerons est un allumoir électrique construit par M. Delforge (tig .2) ; cet allumoir ne diffère pas en principe de ceux que nous avons fait connaître, mais il est élégamment construit et a le mérite d’être portatif, puisqu’il contient les deux éléments de pile Leclanché qui permettent de le faire fonctionner. Ces éléments sont enfermés dans une petite boîte de bois noir verni que l’on peut porter à la main à l’aide d’une poignée ou fixer à un mur au moyen de deux crochets. Un bouton commutateur placé à la partie supérieure permet de fermer le circuit et fait rougir une spirale de fil fin de platine qui allume une petite lampe à essence de pétrole, au-dessus de la mèche de laquelle elle est fixée. Quand la spirale de platine est détruite, elle peut être facilement remplacée, une petite provision de rechange se trouvant dans la boîte même. Dr Z...
- p.388 - vue 392/432
-
-
-
- LA NATURE
- 380
- UTILISATION DES FORCES DU RHONE A GENEVE
- Au mois de novembre 1883, le Conseil Fédéral votait, des grands travaux destinés à utiliser les forces du Rhône dans Genève.
- A sa sortie du lac Léman, le Rhône se trouve divisé en deux bras. Cette division prend naissance au rond-point du pont des Bergues et se prolonge
- Fis. 1. — Régularisation de l’écoulement des eaux du lac Léman. — Plan de situation.
- Fig. 2. — Canal aux turbines et salle des machines.
- jusqu'au Pont de la Machine au moyen d’une digue noyée (fig. 1).
- A la suite du Pont de la Machine, cette digue se trouve prolongée d’une façon toute naturelle par une île située au milieu du fleuve et qui s’étend presque jusqu’au pont de la Goulouvrenière.
- A la pointe aval de cette île, on a commencé par établir tout ün système de vannes de décharge qui
- servent à régulariser l’eau dans le canal de gauche créé de toutes pièces à la suite de ce point. Ce système de vannage se continue par une puissante digue en béton et maçonnerie, passant sous le pont de la Coulouvrenière. Sa longueur est de 150 mètres à laquelle il convient d’ajouter les 36 mètres du vannage. Cette digue, toujours en allant vers l’aval, se raccorde à tout un système de compartiments en
- p.389 - vue 393/432
-
-
-
- LA NATURE.
- S90
- béton, destinés ultérieurement a recevoir 15 turbines. Chaque compartiment est muni tant du côté du canal que du côté du Rhône, d’un double vannage à coulisse, permettant de rendre ce compartiment étanche pour rétablissement de l’appareil moteur. Enfin le canal ainsi constitué se termine par un retour à angle droit formant barrage et divisé aussi en G compartiments contenant chacun une turbine. Cinq d’entre elles sont déjà installées dans cette partie de la construction et les autres le seront au fur et à mesure des besoins. Chaque turbine, du système Fontaine, doit fournir une force brute de 520 chevaux ce qui avec un rendement moyen, donne une force nette de 210 chevaux environ. Quand les 20 compartiments contiendront chacun leur turbine, ce sera donc une force de 6400 chevaux bruts, 4200 chevaux nets dont disposera la ville de Genève.
- Tour arriver à disposer d’nne chute convenable, on a dù par des barrages successifs, approfondir le lit du Rhône dans la partie formée par le canal depuis le Pont de la Machine jusqu’à l’usine hydraulique actuelle. Sa chute ainsi constituée peut varier suivant la saison de lm,70 à 5m,50. Pour avoir une force à peu près constante, malgré cette différence notable dans la hauteur de chute, on a disposé trois couronnes sur chaque turbine que l’on met en jeu de façon à compenser les différences de chute et suivant les besoins. Ces turbines refoulent l’eau puisée au Rhône lui-même en amont de Genève, dans deux réseaux différents.
- Le premier réseau est surtout destiné aux besoins de la ville et aux services municipaux.
- Le second réseau, constitué pour une canalisation spéciale, recevra l’eau comprimée à 15 atmosphères au moyen d’appareils de régularisation contenant de l’air comprimé, ce qui évite l’emploi de réservoirs élevés. La combinaison de ces régulateurs est telle, que, en cas d’excès de pression, il y a en quelque sorte détente dans le premier réseau à 50 mètres de façon à éviter toute perte.
- Ce réseau à haute pression sera utilisé pour distribuer la force motrice à domicile au moyen de petites turbines, et à alimenter les hauts quartiers de Genève où le réseau à basse pression ne pourrait atteindre ou ne donnerait qu’une pression insuffisante. La gravure ci-jointe (fig. 2) donne l’état actuel des travaux et on vient d’introduire l’eau dans le canal où cinq turbines sont déjà prêtes à être mises en mouvement.
- L’inauguration doit avoir lieu prochainement. 11 reste encore à draguer tout le lit du Rhône dans la partie de droite pour l’amener à la même profondeur que celle du canal actuel et à établir au Pont de la Machine, du côté de la rive droite, un grand barrage du système à rideau permettant de régler le niveau des eaux à la sortie du lac, et par suite le niveau du lac lui-même.
- Ces travaux, conduits avec autant de rapidité que d’habileté font le plus grand honneur à M. Tur-
- rettini, ingénieur en chef de Genève, qui, avec la plus grande courtoisie, a bien voulu nous communiquer ces renseignements. La construction proprement dite était confiée à l’entrepreneur, M. Cliap -puis, ingénieur qui a su vaincre, lui aussi, toutes les difficultés que l’on rencontre dans ce genre de travaux. Enfin la partie mécanique avait été confiée à l'importante maison de construction de M. Escher-Wyss et Cip, à Zurich, qui ont aussi installé, dans la grande salle des machines, un immense pont roulant permettant de manier facilement ces énormes appareils.
- Quand cette salle des machines, que l’on voit sur notre gravure, sera complètement achevée, elle mesurera 125 mètres de longueur; la partie actuellement construite mesure 55 mètres de longueur, sur une largeur de 25 mètres et une hauteur totale de 12m,50. La hauteur sous le pont roulant est de 8m,50. La ville de Genève, en aval du confluent de l’Arve et du Rhône posséderait encore, si c’était nécessaire, une force considérable estimée à environ
- 10 000 chevaux. C. Durcir.
- ——
- HÉLIOGRAVURE
- TRANSFORMATION DES PHOTOGRAPHIES ORDINAIRES
- A MODELÉS CONTINUS EN CLICHÉS TYPOGRAPHIQUES
- Nous avons reçu de M. Dallas une intéressante communication : il s’agit d’essais qu’il a faits depuis quelques années, en vue de transformer des épreuves photographiques en clichés typographiques, c’est-à-dire en planches d’impression intercalables dans le texte et susceptibles d’être tirées en même temps que les caractères.
- Les quelques clichés de cette sorte qu’il nous a adressés, sans nous révéler le procédé à l’aide duquel il les a obtenus, nous ont paru dignes d’attention, ceux notamment qui sont ici publiés soit : un épi de blé (fig. 1) et une reproduction micrographique d’un sujet d’histoire naturelle (fig. 2).
- M. Dallas, dont le procédé porte en Angleterre le nom de Dallastint, a eu l’idée d’appliquer ses blocs typographiques exécutés directement d’après nature, à la formation, par voie de moulage, de timbres en caoutchouc pouvant servir à l’impression immédiate des portraits, de même qu’on le fait, si généralement, pour les noms et adresses; des timbres portatifs de ce genre pourraient, dans bien des cas, rendre d’utiles services pour donner des preuves d’identité, par exemple, et dans une foule de circonstances que nous n’avons pas à prévoir. Nous reproduisons un curieux spécimen des épreuves obtenues par ces timbres de caoutchouc ; c’est le portrait de M. Dallas lui-même (fig. 5).
- Il importe de remarquer que si l’idée que nous indique M. Dallas, en joignant, à l’appui, un spécimen de cette utile application est excellente, elle peut être mise en pratique en usant de tout cliché typographique obtenu par tous autres procédés que
- p.390 - vue 394/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 391
- celui qui a servi il notre honorable correspondant.
- A propos de cette communication, il nous a paru intéressant d’expliquer à nos lecteurs le principe des divers procédés conduisant à la transformation, en clichés typographiques, d’épreuves photographiques quelconques; c’est pourquoi nous avons fait appel au concours de M. Léon Vidal, qui a bien voulu nous adresser le complément de cet article. (1. T.
- Presque tout le monde sait aujourd’hui ce que c’est qu’une épreuve typographique ; néanmoins nous dirons, pour le très petit nombre de ceux qui l’ignorent encore, que l’on désigne ainsi des impressions obtenues sur des planches, ou clichés, dont les parties se chargeant d’encre sous le rouleau et transmettant celle-ci au papier, lors du tirage, sont en relief sur les tailles de la planche métallique ou du plateau de bois, suivant que la gravure a été exécutée sur bois ou sur métal.
- Ces clichés étant, le plus souvent, destinés a une impression simultanée avec le texte, — lequel résulte de caractères dont la seule surface prend l’encre, — il serait impossible d’arriver à l’impression, à la fois, du texte donné par des reliefs et de planches gravées dont l’image se trouverait produite par des parties creuses. Ceci étant dit, nous ajouterons, pour l’intelligence plus complète des explications qui vont suivre, que toute planche typographique, qu’elle soit exécutée par des procédés manuels ou photochimiques, présente toujours un réseau de lignes ou de points noirs, sans qu’il y ait des variations dans la gamme du noir; le point le plus imperceptible est tout aussi noir que la surface noire la plus étendue et quelle que soit la légèreté des tonalités d’ensemble; c’est par le rapprochement plus ou moins grand des points ou des lignes, de même que par leurs dimensions plus ou moins fortes, que l’on doit chercher l’effet, c’est-à-dire le modelé. Il suffit d’examiner une quelconque des vignettes de La Nature pour s’assurer du fait que nous venons d'indiquer.
- L’art du graveur qui, muni d’un document photographique direct, veut le copier tout en faisant de cette copie un cliché typographique, consiste donc dans une combinaison des tailles telle que le rendu, lors du tirage, rappelle aussi exactement que possible l’épreuve photographique originale.
- Si semblables que soient entre elles ces deux images, quant à leur aspect d’ensemble, il existe pourtant entre l’une et l’autre une différence considérable ; la photographie ne contient que des modelés continus formés par des dépressions graduelles du blanc au noir, tandis que l’autre image ne montre, sur aucun point de sa surface, une seule demi-teinte continue; tous les effets d’ombre et de lumière y sont obtenus par des agencements de tailles ou de points. Il n’y a, sur toutes les parties de la gravure, qu’un seul et même noir plus ou moins divisé.
- On s’est demandé, il y a quelques années déjà, si l’on ne pourrait arriver à produire, par voie auto-
- matique, soit sans le secours du graveur au burin, des clichés typographiques directs; si habile que soit le graveur, il ne peut jamais être [un copiste aussi fidèle que l’est la photographie ; il paraissait donc fort avantageux de pouvoir se mettre à l’abri de toute interprétation, en recherchant un moyen de faire des clichés en relief sans y employer ni le burin, ni la traduction, si artistique qu’elle put être.
- Ce moyen a été trouvé : on y est arrivé des façons diverses que nous allons expliquer succinctement.
- U s’agissait de produire la division du modelé continu en reliefs formés par un réseau de points ou de lignes. Des réseaux de ce genre peuvent, tout en concourant à l’effet désiré, varier à l’infini; on en a expérimenté de toutes sortes, en débutant par des trames d’étoffes finement tissées, telles que des mousselines serrées ou bien des toiles à tamis, ou bien encore, des tulles à mailles très fines ; puis on a essayé un grain moins uniforme, ainsi qu’on l’obtient à l’aide de la boîte à grain pour la gravure à l’aquatinte. On a aussi employé le grain, ou mieux, la réticulation qui se produit à la surface d’une mince couche de gélatine bichromatée dans les parties où elle a été plus ou moins influencée par une action lumineuse ; on a remarqué que la granulation qui en résulte, — assez semblable à ce qu’on appelle, en style de décoration ornemaniste, un vermiculé,— est proportionnelle à l’intensité de l’action lumineuse : le grain, plus prononcé dans les parties fortement impressionnées, retient plus d’encre imprimante, tandis que, moins marqué dans les endroits faiblement actionnés, il donne des effets de demi-teintes plus adoucis. C’est en contre-moulant ce grain, pour ainsi dire naturel, qu’on arrive à la formation directe ou photographique de clichés en relief très complets et aussi ressemblants que possible à l’original photographique.
- L’examen attentif des épreuves de M. Dallas, dont il vient d’être question, semble révéler l’emploi du vermiculé de la gélatine. Si, à l’œil on ne le voit pas très clairement, on n’a qu’à recourir à une loupe pour distinguer nettement la granulation propre à la gélatine bichromatée et insolée.
- A notre avis, cette granulation ne convient qu’à des sujets d’une certaine dimension, mais elle est désagréable dans des vignettes d’un format réduit et, surtout, quand il s’y trouve de petites figures; il vaut donc mieux n’user de ce grain que dans les cas où l’aspect du rendu n’a pas trop à y perdre.
- Pour atteindre à plus de perfection, l’on a exécuté des réseaux plus convenables à un usage photographique que ceux qui ont été énumérés plus haut : ce sont ceux dont se servent actuellement les maisons Meisenbacli, de Munich; Angerer, de Vienne (Autriche); Boussod et Valadon, de Paris (ancienne maison Goupil et Cie), et avec le plus grand succès.
- Ces réseaux que nous appellerons artificiels, sont formés de points ou de lignes plus ou moins rapprochés suivant qu’ils doivent servir à des transformations d’un format plus ou moins grand ; géné-
- p.391 - vue 395/432
-
-
-
- 592
- LA NATURE.
- râlement on crée le réseau à lignes en faisant graver sur des plaques de zinc, et mieux de cuivre, un grisé parallèle à deux des côtés opposés de la plaque, coupé en croix par un grisé semblable parallèle aux deux autres bords; ou bien encore, on exécute cet enchevêtrement par des lignes diagonales donnant naissance, par leur intersection, a de petits
- points figurant des losanges au lieu des points carrés que produit le premier de ces deux systèmes.
- La figure 4 donne une idée très nette de ces deux réseaux.
- Indiquons maintenant comment on fait usage de l’un quelconque de ces réseaux : tout d’abord, on doit chercher un moyen de l’intercaler, soit entre la
- plaque sensible et l’image aérienne, dans la chambre noire, soit, lors du tirage positif, entre le cliché et la couche sensible. L’image ne doit arriver sur la surface sensible qu’après avoir traversé les parties translucides du treillis interposé; il en résulte forcément une impression toute différente de celle que l’on obtient lorsque le tirage a lieu sans réseau interposé.
- Dans ce dernier cas les modelés sont;continus, tandis qu’ils sont découpés en petits carrés ou losanges dans l’épreuve imprimée sous la trame.
- L’explication de l’effet produit par le réseau n’est pas aisée à donner sans l’appuyer d’un exemple; quoi qu’il en soit, a défaut de figure, nous allons tâcher de faire comprendre la chose à l’aide d’indications un peu plus longues et aussi nettes que possible. Ce que l’on comprend fort bien, c’est que le réseau formé de lignes noires et de lignes translucides, donne lui-même sa contre-épreuve sous l’action des rayons lumineux ; mais là où l’on ne saisit plus ce qui se passe, c’est quand il s’agit de la transformation des demi-teintes en points simplement noirs et plus ou moins espacés de façon à rétablir, par un arrangement semblable à celui qu’emploient
- les graveurs à la main, l’aspect réel, aux tailles près, de l’original copié.
- Si les mailles du réseau, au lieu d’être très serrées, avaient (admettons un instant cette hypothèse) un centimètre de côté, chaque portion de l’image, comprise entre les limites d’une maille, y existerait avec les mêmes demi-teintes de l’original, et l’effet typographique ne serait pas obtenu ; mais il n’en est pas de même si le réseau est formé de li gnes très rapprochées : la lumière ne le traverse pas dans un rapport proportionnel à la translucidité des raies blanches ainsi que cela arriverait si l’on imprimait directement ce treillis sur du papier sensible. Dès qu’il y a superposition du cliché photographique, le résultat est tout autre : aux parties opaques du cliché correspondront des parties entièrement blanches, sur le papier sensible; on n’y apercevra aucune trace du réseau; aux endroits parfaitement translucides du cliché correspondront, au contraire, des espaces parfaitement noirs sur le même papier; donc là, comme dans le premier cas, encore aucune trace visible du réseau artificiel. Entre ce maximum d’effet et ce minimum il y a les actions intermé-
- p.392 - vue 396/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 593
- diaires, soit celles qui se produisent sous l’influence des rayons admis a traverser les demi-opacités et les demi - transparences ; les lignes du réseau s’y trouvent, mais diminuées ou agrandies dans un rapport égal, par suite d’un effet d’interférence qui est cause que, sous les parties plus ou moins opaques, la lumière se diffuse moins dans la couche sensible, de part et d'autre d’une ligne blanche, qu’elle ne le fait dans les parties de cette couche, correspondant à des translucidités plus ou moins grandes du cliché ; dans ces parties la lumière produit, au contraire, une irradiation qui élargit l’épaisseur du trait blanc; de là des variations dans la distance qui sépare chaque ligne ou chaque point, et la substitution de parties absolument noires aux demi-teintes de l’épreuve initiale.
- Ajoutons que le procédé de morsure vient compléter l’effet de la trame en permettant de creuser le métal plus ou moins suivant
- que la couche sensible qui le recouvre a subi une action lumineuse plus ou moins intense; mais nous allons y revenir.
- Qu’on nous pardonne l’aridité des quelques détails qui précèdent, nous n’avons pu éviter de les infliger à nos lecteurs désireux de se faire une idée approximative des procédés en question.
- Nous résumons la description d’un de ces procédés, de celui qui est le plus généralement employé, en en indiquant les phases successives :
- 1° Une plaque de cuivre, bien planée, est recouverte d’un mince enduit de gélatine bichromatée que l’on fait sécher, à chaud, dans un milieu obscur. Cet enduit est très sensible à la lumière et de la façon que voici : la gélatine bichromatée est rendue imperméable à l’eau dans les parties actionnées par la lumière, et ce, proportionnellement à son action. 2° Une des trames dont nous venons de parler, imprimée sur un support excessivement mince, tel
- Fig. 3.— Fac-similé de l’empreinte d’un timbre de caoutchouc donnant le portrait photographique. (Procédé Dallas.)
- Fig. L — Spécimen d'un tableau reproduit par l’héliogravure.
- qu’une feuille de papier pelure ou de gélatine, est I cette trame, on place le négatif à modelés continus, posée directement sur la plaque sensible, puis, sur J et le tout, étant mis dans un châssis-presse photo-
- p.393 - vue 397/432
-
-
-
- 394
- LA NATURE
- graphique, est exposé à la lumière pendant un laps de temps qu’indique l’expérience.
- 3° Après une insolation suffisante, la plaque à graver est recouverte d’un enduit isolant, partout où l’action du mordant ne doit pas s’exercer, et on l’introduit dans une cuvette contenant une dissolution aqueuse de perchlorure de fer à 45° ; ce liquide a la propriété de ronger le cuivre énergiquement.
- Voici ce qui se passe dès que la surface impressionnée de la plaque est atteinte par le perchlorure de fer : partout où la lumière a complètement imperméabilisé la gélatine, aucune absorption du mordant n’a lieu, et le cuivre n’est pas attaqué sous ces parties-là ; dans les endroits, au contraire, où l’opacité du négatif était telle que les rayons lumineux n’ont pu agir sur la gélatine, celle-ci a conservé sa propriété d’absorber la liqueur aqueuse, le mordant traverse l’enduit et arrive au contact du métal qu’il creuse. Dans les parties où la lumière n’a produit que des effets intermédiaires, la pénétration à travers Ja gélatine est proportionnelle à ces actions et le mordant produit des tailles ou des points creux plus ou moins espacés.
- On voit l’image, jusqu’alors latente, se révéler en noir dès que le liquide a traversé toutes les parties de la gélatine demeurées perméables ; évidemment il faut une certaine habitude de ce procédé pour bien diriger l’action du mordant.
- ^Souvent une première morsure est insuffisante, l’on y revient alors deux et même trois fois, en recommençant chaque fois la même série d’opérations qui vient d’être indiquée; il faut seulement avoir bien soin de repérer très exactement les diverses impressions successives. En pareil cas, la traîne doit être adhérente au négatif.
- Au lieu de faire usage de cuivre enduit de gélatine bichromatée, on emploie souvent des plaques de zinc sensibilisées avec une dissolution de bitume de Judée dans de la benzine; la liqueur mordante est de l’eau acidulée d’acide sulfurique ou nitrique.
- On a imaginé d’autres moyens, tout à fait différents de ceux qui viennent d’être décrits : soit la transformation d’un sujet à modelés continus en une image typograp'hiable ; de ce nombre est le procédé de M. Guillaume Petit.
- Le principe de ce procédé est tout différent, il repose sur une autre propriété de la gélatine bichromatée consistant dans la complète insolubilité, dans l’eau chaude, de ce produit, dans les parties impressionnées, tandis que sa solubilité est complète partout où un enduit de cette sorte a été préservé des atteintes lumineuses; de plus la profondeur des parties insolubilisées dans l’épaisseur de la couche de gélatine est proportionnelle à l’intensité des actions lumineuses; il résulte de l’application de ce principe que l’on obtient une image en bas-relief, en gélatine, après exposition à la lumière sous un cliché, d’une couche de gélatine bichromatée traitée ensuite par l’eau chaude.
- Ce relief est comprimé, après avoir été complè-
- tement noirci, sur une surface malléable portant, en creux et sans teinte, un réseau tel que ceux dont il vient d’être question.
- Par l’effet de la compression (le support étant une surface bien plane), les reliefs de la gélatine pénètrent plus ou moins dans la couche plastique quadrillée et écrasent ce quadrillé creux sur une plus ou moins grande profondeur ; le noir déposé sur la feuille blanche, quadrillée en blanc également, est d’autant plus intense qu’il pénètre plus profondément dans l’épaisseur de la couche : le noir est complet, évidemment, partout où sont entièrement écrasés les sillons creux, tandis que l’on voit des demi-teintes graduées partout où le relief en gélatine n’a pas atteint la profondeur des tailles ; le blanc est pur là où aucun relief n’a pu exercer la moindre compression.
- Après la compression qui s’obtient aisément sous le cylindre d’une machine à satiner ou d’une machine propre aux impressions en taille-douce, on a, sur le papier quadrillé, une image complète en tout semblable à l’original, avec cette différence que les modelés y sont discontinus. Pour créer le cliché typographique, il est nécessaire de reproduire à la chambre noire l’image quadrillée, obtenue par compression, ce que l’on fait en réduisant un peu cette image pour avoir plus de netteté ; ce n’est qu’avec ce négatif qu’on arrive à créer enfin la planche gravée. Ce procédé peut conduire à de fort beaux résultats, mais il est vraiment trop long à mettre en pratique, ce qui fait qu’on n’en use guère; il serait aussi bien plus coûteux que les autres procédés ci-dessus décrits.
- L’épreuve qui accompagne cet article (fig. 4) est due à une application de la trame posée entre la plaque sensible et l’image aérienne; dans la chambre noire, le négatif qui en est résulté a été imprimé sur une plaque bitumée que l’on a fait mordre à l’acide après une insolation suffisante; c’est une reproduction d’un tableau à l’huile qui aurait donné un négatif à teintes continues sans l’interposition d’un treillis. Ce beau cliché phototypographique sort des importants ateliers de la maison Angerer et Gôschl, à Vienne (Autriche). L’examen de cette gravure montre jusqu’à quel degré de finesse peut être poussé le réseau destiné à produire la transformation des originaux à modelés pleins en clichés typographiques; quand le sujet à transformer est moins réduit, on se contente d’une trame plus claire ; le rendu y gagne en brillant et en vigueur.
- Léon Vidal.
- LE ROSOLÈNE
- On sait que la résine vierge, extraite du pin, fournit l’essence de térébenthine.
- Le résidu de cette opération prend, selon les cas, les noms de colophane jaune, brai clair, hrai noir, et sert à la fabrication de la résine du commerce. Ce résidu, soumis à son tour à la distillation, donne, comme le savent
- p.394 - vue 398/432
-
-
-
- LÀ NATURE.
- 595
- les chimistes, les huiles de résine qui se composent de plusieurs hydrocarbures très distincts.
- Parmi ces hydrocarbures, on trouve le rosolène qui vient d’être étudié spécialement par M. Emile Serrant. Le rosolène, après qu’il a été isolé et soumis à un traitement spécial, constitue un produit très intéressant. Dans la distillation de la colophane, il passe à 280°, se présentant sous l’aspect d’une huile lourde, d’une couleur brune ou vert foncé, et avec une odeur goudronneuse. On distille de nouveau cette huile avec un égal volume d’eau légèrement alcaline, puis on lave le produit avec un peu de litharge finement pulvérisée. On obtient ainsi le rosolène.
- Le rosolène ressemble à l’huile d’œillette ou d’amande douce. Saveur spéciale faible, odeur presque nulle. — On peut en avaler plusieurs cueillerées, sans qu’il produise autre chose qu’un léger effet purgatif. C’est un hydrocarbure huileux qui contient en dissolution divers principes, comme l’acide phénique, la créosote, etc. — Malgré la formule C52 II16 qui lui a été assignée, M. Serrant le considère comme étant composé de plusieurs hydrocarbures.
- Le rosolène peut agir, dans bien des applications, à la façon des huiles et corps gras ordinaires, mais il a l’avantage de ne rancir ou s’oxyder sous aucune influence.
- Pour l’usage thérapeutique, et en raison des principes qu’il renferme en dissolution, il possède de remarquables propriétés comme antiseptique, tonique, modificateur et cicatrisant.
- Le rosolène mérite encore l’intérêt à cause de son prix de revient peu considérable, car on pourrait l’obtenir à des prix deux ou trois fois moindres que ceux des huiles ordinaires.
- plus soutenue par le liège se fendille et laisse pénétrer l’eau tout autour du goulot. L’eau qui comprime ainsi le bouchon extérieurement et diminue son diamètre, n’éprouve aucune difficulté pour pénétrer dans la bouteille, elle la remplit bientôt en partie tandis qu’un égal volume d’air s’échappe par les mêmes interstices. Quand nous relevons la bouteille hors de l’eau, la pression-diminuant, le liège, par sa propre élasticité, reprend son volume primitif, et rien, quant à l’apparence du bouchage et du verre, ne semble avoir changé.
- Je prévois l’objection qui ne manquera pas de m'être faite ; on me dira : Comment se fait-il que ni le vin, ni le gaz, ne s’échappent d’une bouteille de vin de Champagne qui est également bouchée avec du liège et qui supporte souvent une pression supérieure à 6 atmosphères? La réponse est facile. Quand un bouchon ferme une bouteille de vin mousseux il est fortement serré sur le goulot par des ficelles et des fils de fer ; la pression intérieure qui comprime la surface du liège immergée dans le vin tend à chasser le bouchon au dehors mais les armatures qui le retiennent l’empêchent de sortir; alors il se raccourcit et, comme il est flexible, il s’élargit en adhérant plus fortement contre les parois du verre ainsi que cela se produit d’ailleurs dans les cuirs emboutis dits de Bramah qui assurent l’étanchéité des pistons des presses hydrauliques.
- Il faut conclure de l’expérience des ùllegianti italiens que le liège constitue un bouchage excellent quand il s’agit d’empêcher les bouteilles de se vider, mais qu’il serait très insuffisant s’il s’agissait de les empêcher de se remplir. J. Salieron.
- L’UTILISATION INDUSTRIELLE
- UN
- PRÉJUGÉ SUR LA POROSITÉ DU YERRE
- LES BOUCHONS DE LIÈGE
- L’expérience de la bouteille qui se remplit quand elle est profondément immergée dans l’eau1, malgré qu’elle soit solidement bouchée, paraît extraordinaire quand on ne connaît pas la constitution physique du liège ; mais quand on sait que l’écorce du quercus suber est composée de cellules creuses analogues aux alvéoles des ruches d’abeilles dont les parois sont formées par une substance élastique et insoluble dans l’eau, la subérine, l’explication de cette curieuse expérience devient très facile.
- Je vais tacher de la faire comprendre. Si nous renfermons un bouchon de liège dans un vase de verre très solide, rempli d’eau et bien fermé, et si nous comprimons au moyen d’une pompe foulante cette eau sous la pression de six atmosphères, nous voyons le liège changer de forme, il se raccourcit, se recroqueville, s’aplatit et perd au moins la moitié de son volume. Sous la pression de l’eau qui étreint le liège de toutes parts, les parois des cellules - creuses qui le constituent, fléchissent, elles se resserrent, et le bouchon tout entier se rapetisse. Enfonçons fortement un bouchon de liège dans le col d’une bouteille vide, recouvrons le liège et le goulot d’une bonne couche de cire à cacheter. Immergons maintenant la bouteille dans l'eau a une grande profondeur, à 60 mètres, par exemple. Sous cette pression de 6 atmosphères, la tête du bouchon diminue de volume ; la cire à cacheter n’étant
- DU GAZ NATUREL A TITTSBURG (ÉTATS-UNIS)
- Les industries multiples qu’alimente le gaz combustible naturel à Pittsburg, ont depuis longtemps attiré l’attention des ingénieurs. Nous avons déjà publié de nombreux détails à ce sujet1, nous les compléterons aujourd’hui par de nouveaux et intéressants documents empruntés à Y Engineering, de Londres.
- Pittsburg, qui renfermait seulement 262 204 habitants au recensement de 1870, en avait, en 1880, 555 869 et dépasse aujourd’hui 400 000 habitants. Le district d’Alleghany, dont elle est la capitale, atteint aujourd’hui le sixième de la production métallurgique des Etats-Unis, il ne renferme pas moins de 19 hauts fourneaux produisant 840 000 tonnes de fonte. 11 comprend 1009 fours à puddler, et 25 aciéries dont 17 fabriquent l’acier au creuset. La production totale d’acier, limitée à 6000 tonnes en 1874, s’élevait déjà à 546402 tonnes en 1885, et pour les rails en particulier qui forment le principal aliment de la métallurgie, elle représentait à cette dernière époque 55 pour 100 de la production totale des Etats-Unis et elle dépasse aujourd’hui 68,5 pour 100.
- Le district de Pittsburg possède également des usines produisant et travaillant les autres métaux, comme le plomb pour lequel la statistique indique
- Voy. n° 675,du 8 mai 1886, p. 363.
- Voy. n° 663, du 13 février 1886, p. 171.
- p.395 - vue 399/432
-
-
-
- 596
- LA NATURE.
- une production de 22 000 tonnes en 1885, le enivre 250 tonnes, l’argent 158 000 kilogrammes en 1885 contre 39 000 en 1874, l’or 500 kilogrammes en 1885 contre 200 kilogrammes en 1874; il renferme aussi d’importantes verreries et cristalleries au nombre de 47, dont les produits, prétendent les Américains, peuvent rivaliser avec ceux de nos cristalleries françaises.
- L’abondance du charbon dans les gisements de la région a été le point de départ de cette prospérité industrielle à laquelle l’apparition du gaz naturel est venue donner, ces dernières années, un nouvel essor. La production du coke s’est encore élevée, en 1885, jusqu’à 3 250 000 tonnes, mais elle subit toutefois un temps d’arrêt par suite du développement continuel que prennent tous les jours les applications du gaz naturel dans les usines du pays. Elles trouvent là, en effet, un combustible dont l’usage devient gratuit, pour ainsi dire, une fois que les travaux d’appropriation nécessaires sont terminés. Celui-ci vient, en outre, se présenter de lui-même dans les fours où il est utilisé, la combustion en est plus facile, elle donne une température plus élevée avec des produits plus purs qui ne souillent pas les matières à échauffer. Cet emploi du gaz naturel a donc modifié les conditions du travail industriel et changé complètement les habitudes des ouvriers qui ont même tout à fait oublié, parait-il, l’usage du charbon ordinaire.
- Ce fait était constaté récemment lors de la réunion de l’Institut américain des ingénieurs métallurgistes qui s’est tenue à Piltsburg du 16 au 19 février dernier. M. William Metcalf de Pitts-burg a pu dire qu’il serait presque impossible de concevoir maintenant la ville sans l’usage du gaz naturel, car les ouvriers forgerons ne sauraient plus puddler le fer, réchauffer un lingot d’acier sans le brûler, ou même mettre en pression une chaudière à vapeur avec le seul charbon de terre. Nous voyons en outre, en lisant le compte rendu de cette réunion, que le gaz naturel a complètement transformé la cité ensevelie jusque-là dans un nuage de vapeur et de fumée, pour y faire briller la lumière du soleil, et que le changement d’aspect a même été si profond que, dans bien des cas, le prix de location des appartements a pu être sensiblement augmenté. 11 y a là, sans doute, une exagération assez sensible, ou il faut penser que cette transformation si radicale n’était pas encore réalisée au mois d’avril 1885, lors du passage de M. Albert Tissandier1, et l’ap-
- 1 Voy. n° 658, (tu 0 janvier 1880, p. 82.
- plication du gaz naturel n’a pas dû donner, d’ailleurs, des résultats aussi merveilleux en raison probablement de l’imperfection des moyens de combustion employé. Quoi qu’il en soit, il y a là un phénomène industriel malheureusement trop rare, et, comme nous avons trouvé dans ces comptes rendus des renseignements curieux sur les dispositions appliquées pour assurer l’utilisation du gaz, nous avons cru intéresser nos lecteurs en les reproduisant ici.
- Dès que le forage d’un puits à gaz est terminé, celui-ci est garni à l’orifice d’un tube en fer occupant toute la section et relié à une conduite qui amène le gaz dans un premier réservoir en tôle où se dépose l’eau salée qu’entraîne toujours le gaz. La proportion d’eau ainsi entraînée est assez variable, mais elle atteint en moyenne 45 à 60 litres par jour. Comme la pression du gaz dégagé dans le puits peut atteindre parfois une valeur considérable, l’orifice est toujours muni d’un indicateur de pression, d’une soupape de sûreté et d’un tube de trop-plein avec une colonne d’eau de 10 à 15 mètres de hauteur. La pression moyenne du gaz est de 7 kilogrammes environ par millimètre carré.
- En sortant du réservoir où il se débarrasse de l’eau salée entraînée, le gaz est amené dans la ville de Piltsburg par des conduites en fer de 0m,25 de diamètre, et il est emmagasiné sur toute la surface de la ville dans un grand nombre de petits réservoirs d’une disposition tout à fait analogue à celle de nos cuves à gaz. La compagnie Westinghouse du gaz de Philadelphie, l'une des plus importantes qui exploitent le gaz naturel de Pittsburg, possède ainsi un réseau de conduites de plus de 400 kilomètres de longueur qu’elle fait surveiller incessamment, car les fuites y sont très fréquentes. Les petites cuves à gaz, installées dans la ville, sont toutes munies de compteurs enregistrant le débit et de soupapes permettant de régulariser la pression. Celle-ci peut y atteindre une valeur maxima de 1 kilogramme, mais elle est maintenue en service à un sixième environ de ce chiffre. Les différentes cuves sont toutes reliées, d’ailleurs, par le téléphone avec le réservoir central, et dans ce désir d’économiser toute communication inutile, qu’on retrouve toujours en Amérique, on est même arrivé à attribuer au simple appel du téléphone, au hallo caractéristique, le sens d’une demande d’augmentation de la quantité de gaz envoyée. Lorsque la pression s’élève d’une manière inquiétante par suite d'un arrêt prolongé des ateliers qui consomment le gaz, on n’hésite pas à le brûler directement à l’orifice de grosses
- Fig. 1. Fig. 2.
- Applications domestiques du gaz naturel, à Pittsburg, aux États-Unis. Fig. 1. Poêle fermé. — Fig. 2. Grille de cheminée ouverte.
- p.396 - vue 400/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 397
- conduites dressées verticalement comme des mâts de navires. Lors de la réunion de l’Institut américain, les membres présents ont pu admirer un feu de près de 70 mètres de hauteur, allumé au sommet d’une grande pyramide formée de quatre conduites de O'ViO de diamètre.
- La combustion du gaz était d’ailleurs fort imparfaite, car ce grand phare produisait, paraît-il, autant de fumée que de lumière. Cependant différentes usines, qui appliquent le gaz au chauffage de leurs fours, s’en servent aussi, paraît-il, pour l’éclairage proprement dit; mais, avec un gaspillage énorme, elles obtiennent relativement peu de lumière.
- Nous représentons dans les figures ci-contre, d'après l'Engineering, quelques exemples des dispositions adoptées pour assurer la combustion du gaz. Los
- figures 1 et Ü représentent deux exemples dap-plications domestiques, l’une ,à un poêle fermé, et l’autre à une grille ouverte. Le gaz est amené par l’un des tuyaux représenté, et il se brûle au contact de l’air aspiré par le second tuyau. On ajoute souvent dans le foyer des fragments d’argile qui y deviennent incandescents, et donnent ainsi, comme l’indique la figure, l’aspect d’un foyer chauffé au charbon : la figure 5 montre l’application du gaz naturel au foyer d’une chaudière à vapeur dont on a conservé la grille. Le gaz est amené, comme on voit, au-dessous du bouilleur par une série de petites conduites horizontales percées de trous, il vient se dégager au-dessus d’une voûte creuse qui l’isole de la grille. La combustion est assurée par I un courant d’air appelé par les carneaux inférieurs
- Fig. 3. — Foyer il'une chaudière ù vapeur brûlant le gaz naturel, à Pittshurg, aux États-Unis.
- du cendrier qui traverse la grille à l’arrière et vient se mélanger avec le gaz en passant sous la voûte creuse, comme l’indique le tracé des flèches. La grille est recouverte à l’avant d’une feuille de tôle laissant à l’arrière une ouverture de lm,50 environ de longueur pour le passage de l’air. Celui-ci s’échauffe ainsi au contact de la tôle, et il assure par suite une température de combustion plus élevée. Si le gaz venait à manquer, il suffirait d’enlever la tôle pour brûler du charbon sur la grille.
- Le gaz naturel est particulièrement explosif, lorsqu’il est mélangé avec l’air, et il importe d’empêcher qu’il puisse se dégager accidentellement sans être brûlé. Un a soin, à cet effet, d'entretenir continuellement la combustion en conservant à l’orifice de la conduite un petit bec toujours allumé.
- Toutes les prises de gaz sur les conduites principales sont d’ailleurs munies d’un régulateur auto-
- matique maintenant toujours la pression a une limite donnée, et fermant même aussi l’arrivée du gaz aussitôt que le débit vient à s’arrêter dans la conduite principale. On est obligé ensuite d’ouvrir la prise de gaz à la main lorsqu’on veut le rallumer, et on n’a donc pas à craindre que le gaz ne vienne à se répandre dans l’atmosphère sans se brûler par une conduite ouverte.
- Ainsi que nous le disions plus haut, l’application du gaz naturel comme combustible dans les forges et les différentes usines aurait modifié complètement l’aspect de celles-ci en même temps qu’il aurait changé celui de la ville : les murs peints à la chaux se maintiendraient parfaitement blancs, les planchers resteraient également propres, et auraient perdu ce revêtement noir et poudreux qui caractérise partout les usines et même les pays de forges. L. B.
- p.397 - vue 401/432
-
-
-
- LA NATURE
- r>98
- CHRONIQUE
- La rage à Paris en 1885. — Le nombre des individus qui ont succombé 'a cette terrible affection s’est élevé à 19, chiffre supérieur à ceux qui avaient été relevés pendant les années précédentes. La fréquence dans les cas de rage humaine est proportionnelle aux cas de rage observés chez les animaux. Cependant, dans le courant de l’année 1885, des mesures rigoureuses ont été prises contre les chiens erants — mesures bien insuffisantes puisque le chiffre de ceux-ci dépasse encore trente mille — et le nombre de ces animaux conduits à la fourrière a été plus élevé que dans les années précédentes. Ce nombre s’est élevé à 5060 au lieu de 4000 environ pour les années précédentes. Quant au tableau des cas de rage humaine suivis de mort et observés en 1885, il est intéressant à plus d’un litre. Nous y relevons en effet les faits suivants : 1° Sur les 19 individus qui ont succombé, 15 appartiennent au sexe masculin et 4 seulement au sexe féminin ; 2° Le plus jeune d’entre eux, une petite fille, avait 5 ans et demi; le plus âgé, un homme, avait 65 ans; 5° La durée de l’incubation a varié entre 19 mois (un jeune homme de 26 ans) et 29 jours (un enfant de
- 11 ans). Dans un seul cas la date de la morsure était inconnue. Ce cas étant donc excepté, ainsi que celui des 19 mois, qui est un fait tout à fait exceptionnel, nous trouvons une moyenne de 58 à 56 jours, soit 2 mois, eu chiffre rond, pour la durée de l’incubation de la rage communiquée des animaux à l’homme; 4° Quant à la durée de la maladie, ses limites extrêmes ont été : durée minima, 1 jour; durée maxima, 8 jours, et durée moyenne, 3 jours et demi ; 5° Au point de vue du siège de la morsure, nous remarquons cette particularité que dans aucun cas les membres inférieurs n’ont été mordus; mais,
- 12 fois sur 18, c’est le membre supérieur qui a été mordu par l’animal enragé, et notamment la main (9 fois sur 12), le poignet 2 fois; dans les 6 autres cas, c’est la face (5 fois) et le crâne (1 fois) qui ont été atteints; 6° Enfin, 17 fois sur 18, les morsures ont été faites par des chiens, 1 fois par un chat. (Conseil d'hygiène de la Seine. — M. Dujardin-Beaumetz.)
- Le cerveau de Gambetta. — A l’une des dernières séances de la Société d'anthropologie, M. Mathias-Duval a présenté en son nom et au nom de M. Schudzinsky, son préparateur, le moulage du cerveau de Gambetta. Bien que M. Mathias-Duval en faisant cette présentation ait fait remarquer que ses observations ne devaient être considérées que comme documents à ajouter à la collection des faits relatifs à l’étude du cerveau, elles ont été présentées avec une telle abondance de preuves, et de documents à l’appui, qu’on peut en déduire de très importantes conclusions. Le cerveau de Gambetta présente cette particularité que la troisième circonvolution gauche, celle à laquelle l’illustre Broca attribuait la fonction du langage articulé, cette circonvolution sur le cerveau de Gambetta, est développée à l’extrême et de plus présente une complication des subdivisions qui ne se rencontrent pas sur les cerveaux ordinaires. Pour faire ressortir ce fait, M. Mathias-Duval a présenté de grands tableaux sur lesquels se trouvait tracé le dessin de la troisième circonvolution gauche pris sur des cerveaux d’individus de races inférieures, puis sur ceux d’individus de races civilisées et enfin d’orateurs connus, notamment de deux savants et jurisconsultes anglais; à côté se trouvait le dessin de la même partie du cerveau de Gambetta. Dans ces différents dessins la cir-
- convolution de Broca représentait une série de développement dont la circonvolution du cerveau de Gambetta occupait incontestablement le summum. On retrouve donc dans le cerveau de Gambetta la trace de ce fait incontestable que Gambetta avait la faculté du langage articulé portée à l’extrême, que chez lui la mémoire des mots, la promptitude et la facilité de les avoir présents à l’esprit, étaient développées d’une façon extraordinaire, autrement dit, le cerveau de Gambetta montre que celui-ci était un orateur hors ligne. Par ailleurs le cerveau ne présente qu’un développement moyen, soit comme poids, soit comme complication des circonvolutions, 11 est donc permis d’aller plus loin que les conclusions purement techniques de M. Mathias-Duval et de faire remarquer que l’étude du cerveau vient confirmer l’appréciation généralement admise de la vie de Gambetta, c’est que celui-ci était incontestablement un grand orateur, un patriote ardent, qu’il était doué d’une grande énergie ; mais qu’il n’était ni homme de science, ni penseur, ni philosophe, ni économiste; il se livrait du reste fort peu à des travaux intellectuels. Le poids du cerveau de Gambetta était d’environ 1400 grammes; or, d’après les recherches de M. Broca, il est de 1410 grammes chez l’homme moyen de 40 ans. On se rappelle que le cerveau de Cuvier pesait 1829 grammes, celui de Byron 1807 grammes.
- Un corset magnétique. — Voici encore une nouvelle action de l’électricité à laquelle personne n’avait assurément songé et que les Américains viennent de découvrir. Une jeune femme de Columbus avait à visiter la station centrale de lumière électrique établie dans cette ville; conseillée par des personnes compétentes, elle eut le soin de laisser sa montre chez elle afin d’éviter les dérangements que le voisinage des machines dynamos occasionnent toujours. Néanmoins le lendemain de la visite la montre ne marchait plus ; elle fut envoyée à un horloger qui n’y vit rien à faire et fut obligé de constater qu’elle fonctionnait régulièrement. Et cependant elle s’arrêtait dès que la personne la reprenait sur elle. D’où cela pouvait-il provenir? Ce fut seulement au bout de quelques jours qu’on pensa à examiner le corset que la jeune lady avait porté en allant visiter la salle des machines dynamos : ce corset était complètement magnétisé !
- La ventilation par l'électricité. — Sur les nombreuses demandes de ses abonnés, la Compagnie Edison, de New-York, s’occupe, paraît-il, de disposer dans les pièces des maisons où elle fournit déjà la lumière, des petits ventilateurs, actionnés par des moteurs électriques. Ces appareils, dont le volume est très faible, peuvent se monter sur les lustres mêmes qui portent les lampes à incandescence; ils n’exigent donc pas de canalisation spéciale et sont d’un prix d’installation peu élevé ; leur dépense journalière est minime.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du il mai 1886.— Présidence de M. l’amiral
- JüRIEN DE LA GrAVIÈRE.
- Le centenaire de M. Chevrcul. — En entrant dans la salle on remarque tout d’abord, devant le bureau, un volumineux objet dissimulé sous une serge verte. C’est, paraît-il, une œuvre d’art que les membres de l’Académie
- p.398 - vue 402/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 399
- vont offrir à M. Chevreul pour célébrer son centenaire dont l’époque vraie tomberait en août, aux vacances, c’est-à-dire alors que beaucoup de personnes auront quitté Paris. L’illustre doyen des étudiants ne tarde pas à pénétrer dans la salle au bras de son successeur à la direction du Muséum, M. Frémy. Sur son passage tout le monde se lève respectueux, et c’est devant toute l’assistance debout que M. le Président lit une allocution dont nous regrettons de ne pouvoir reproduire que l’esprit général. « Recevez, lui a-t-il dit à peu près, le témoignage de l’admiration de l’Académie : ce n’est pas un hommage ordinaire, mais qui pourrait le mériter mieux que vous qui nous donnez le spectacle de votre verte et majestueuse vieillesse. Ce que nous fêtons en vous, ce n’est d’ailleurs pas la durée de votre vie ; c’est l’emploi que vous avez su faire de ce bienfait exceptionnel de la Providence. Avec quel orgueil vous pouvez regarder en arrière : vous avez fait le bien et vous avez cherché la vérité dans la mesure de vos forces. Votre exemple est un phare pour la jeune génération à laquelle vous prodiguez vos conseils. »
- A ce moment le secrétaire perpétuel enlève le voile vert et le président offre à M. Chevreul Le penseur, de Dubois, l’un des chefs-d’œuvre les plus purs de la sculpture moderne, puis l’embrasse avec effusion.
- Visiblement ému, M. Chevreul répond quelques mots qui sont accueillis par d’unanimes applaudissements.
- Variation de la verticale. — M. Bouquet de la Grve dépose, de la part de M. Germain, des recherches sur la déviation de la verticale dans les régions de la France. II trouve que la déviation est à Nice de 16",6, à Saint-Raphaël de 12",7, à Toulon de 14", à Marseille de 5". Les choses se passent comme si la puissance attractive émanait d’un point situé à 50 kilomètres au nord de Nice.
- Les Bilobites. — Au moment où M. Delgado (de Lisbonne) publie sur les bilobites un magnifique volume sur lequel nous reviendrons spécialement, des observations que nous avons faites nous-mêmes sur ces curieux fossiles ont un caractère d’actualité. Dans une très récente excursion nous en avons recueilli un très grand nombre dans le terrain kimméridien d’Equihen (Pas-de-Calais) et nous avons pu les comparer aux bilobites classiques du terrain silurien. Les vestiges jurassiques constituent une espèce non décrite encore à laquelle nous proposons de donner le nom de Cruziana Boursaulli. Avec eux sont des empreintes d’un Tigillites tout à fait comparable à ceux de Bagnoles de l’Orne, et que nous appelons T. Dereunesi. Des observations consignées dans notre note pourront intervenir dans la discussion si chaude qui continue, sur la nature des bilobites^ entre M.de Saporta et M. Nathorst.
- La peur. — M. Charcot signale sous ce titre un volume de M. Mosso, professeur à Turin, qui vient d’être traduit par M. Félix Dément. Laissant de côté les parties trop abstraites du sujet, il a adopté le ton animé d’une causerie tour à tour familière et élevée, enjouée et sérieuse. L’auteur examine d’abord l’influence des émotions sur le cerveau, sur le système nerveux et sur la circulation sanguine, ce qui donne lieu aux phénomènes de pâleur, de rougeur, aux battements de cœur, à la respiration haletante, aux tremblements, etc., phénomènes bien connus, mais encore inexpliqués pour les gens du monde. Il étudie ensuite la peur chez l’enfant, les songes, les maladies produites par la frayeur et la terreur, et enfin la transmission héréditaire et l’éducation au point de vue du développement et de la guérison de
- cette maladie. Car suivant lui, et c’est sa conclusion, la peur est une maladie qu’il faut guérir, et si l’homine intrépide peut quelquefois se tromper, le peureux se trompe toujours.
- Récompense bien méritée. — Un des plus célèbres correspondais de l’Académie, le vénérable M. Gustave Adolphe llirn, vient de recevoir la plaque de commandeur de l’ordre de la Rose. Cette décoration qui se compose d’une plaque en or d’un très beau travail, enrichie de roses et d’autres pierreries, était accompagnée d’un décret ainsi conçu : « Don Pedro II, par la grâce de Dieu et l’unanime acclamation du peuple, empereur constitutionnel et défenseur du Brésil, envoie à M. llirn un témoignage public de sa considération impériale et le nomme commandeur de l’ordre de la Rose et pour qu’il puisse porter les insignes de l’ordre, il lui envoie ce décret écrit dans son palais, de Rio-de-Janeiro, le 27 janvier 1886, la soixante-cinquième année de l’Indépendance du Brésil. )i Nous joindrons nos respectueuses félicitations à celles de tous les admirateurs des beaux travaux de M. llirn.
- Bolide. — D’après une lettre reçue par M. Faye, M. Aubouis, lieutenant de vaisseau à bord de VAlgérie, a vu récemment dans le golfe de Smyrne un magnifique bolide, dont l’explosion fut suivie de la chute dans la mer d’un corps qui tomba à 1800 mètres du navire.
- Varia. — MM. Barcena et Castello adressent de Mexico un intéressant travail d’anthropologie préhistorique intitulé El hombre del Pchon. — De Prague, M. Philippe Pocta envoie plusieurs brochures de paléontologie concernant la formation crétacée de la Bohème. — Une réponse à M. Schlœsing est adressée par MM. Berlhelol et André qui poursuivent leur dosage de l’ammoniaque dans le sol. — D’après M. Renou, la baisse barométrique du 15 mai courant n’a pas eu d’analogue depuis le 6 mai 1807. — La comète Brooks a été observée à Alger par M. Rainbaud, et à Paris par M. Lebœuf. — M. Amagat formule contre M. Wroblewsky une réclamation de priorité relativement au volume atomique de l’oxygène. Stanislas Meunier.
- TRAILLE DE SOUK-EL-ARBA
- EN TUNISIE
- La gravure que nous publions ci-contre a été faite d’après une photographie envoyée par M. Larget, payeur de l’armée à Aïn-Draham. Elle représente la traille ou pont-volant établi par les pontonniers sur la Medjerdah près de Souk-el-Arba. Lorsqu’on vient de Tunis ou de Bône pour se rendre dans la Khrou-mirie, l’on s’arrête à cette station où se trouvent un poste français et un centre agricole de récente formation. La route quitte Souk-el-Arba se dirigeant sur Aïn-Draham et la Calle, en traversant les massifs forestiers des Selloul et des Atatfa. A 1500 mètres de la station, l’on est obligé de traverser la Medjerdah; aussi, l’autorité militaire a-t-elle fait établir une traille en ce point.
- La gravure représente le bac chargé quittant l’ap-pontement et allant atterrir à la rive opposée : des officiers, des cavaliers indigènes, des chevaux ont
- p.399 - vue 403/432
-
-
-
- 400
- LA NATURE.
- pris place sur le pont, les pontonniers ont largué l’amarre et le bateau dérive lentement vers l’autre bord. La Medjerdab, en cet endroit, mesure près de 80 mètres de large; ses berges sont élevées, corrodées par les eaux, son fond est vaseux, et le courant, en temps normal, est peu rapide.
- Cette rivière fut célèbre dans l’antiquité, ce fut le Bacara de Procope, fleuve profond sur lequel, 238 ans av. J.-G., Amilcar Barca remporta sur les mercenaires une victoire qui releva le courage et la confiance des Carthaginois ses compatriotes. Régu-lus, plus tard, tua sur ses bords, le fameux serpent dont la peau fut, dit-on, envoyée à Rome. Sous les Romains, le Bagradas fut célèbre aussi; la grande
- voie de Carthage à liippône suivait la vallée dans laquelle il coule, et plusieurs cités numides s’élevaient non loin de ses rives : Yacca, la Béja moderne, Bulla Régia, le hammam Derradji de nos jours, ancienne ville où les princes numides déposaient leurs trésors, Simittu Colonia (Schemtou) renommée pour ses marbres et Ad Aquas, hammam à 5 kilomètres nord de la station de Ghardimaou.
- La Medjerdab coule lentement, comme l’indique du reste son nom phénicien Bagradas, qui, d’après M. le président Debrosses, signifiait rivière lente. La vallée est très fertile, les terres excellentes; les récoltes moyennes donnent un rendement de 8 a 10 pour J. Des marchés importants se tiennent sur ses
- La traille de Souk-el-Aiba, en Tunisie. (D’après une photographie.)
- rives; c’est bien le pays qui était appelé à juste titre le grenier de Rome. La Medjerdab, à la suite des pluies d’hiver et de la fonte des neiges, atteint quelquefois 8, 40 et même 12 mètres au-dessus de l’é-tiage. Elle déborde alors et inonde la contrée ; ses eaux boueuses roulent des gourbis, des arbres, des animaux, enlèvent des douars, et les populations affolées fuient vers les hauteurs avoisinantes. Quelques heures après, elle rentre dans son lit et ne laisse plus, dans cette vaste plaine, qu’une boue jaunâtre qui se dessèche bientôt aux rayons du soleil.
- Le 29 janvier de cette année, elle a débordé; il y avait plus de soixante ans que cela était arrivé. On connaît les dégâts importants survenus à la suite de
- cette inondation. La (raille dont nous donnons la gravure avait été heureusement mise à l’abri au moment où la crue prenait des proportions inquiétantes. Le détachement des pontonniers, aidé des zouaves composant le poste de Souk-el-Arba, avait procédé au sauvetage des matériaux. C’était la nuit, sous une pluie battante, nos soldats travaillaient avec énergie, lorsque l’un d'entre eux glissant tomba dans la rivière; un pontonnier, le nommé Gélino, n’écoutant que son courage, se jeta à l’eau et réussit à le sauver. Ce brave garçon a été l’objet d’un ordre du jour pour sa belle conduite. E. Y.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- p.400 - vue 404/432
-
-
-
- N* 6 78.
- 2 9 MAL 1886.
- LA NATURE.
- M. PASTEUR ET LE TRAITEMENT DE LA RAGE
- Le 28 avril dernier, un de nos lecteurs, grand | amateur de photographie, traversait le jardin du
- Fig. 1. — Groupe des Arabes mordus par des chiens enragés, venus à Paris pour subir le traitement prophylactique de M. Pasteur.
- (D’après une photographie par un amateur.)
- Luxembourg à Paris, avec son appareil instantané sous le bras. Son attention fut attirée par un rassemblement de promeneurs qui entouraient un groupe d’Arabes. C’étaient « les Arabes de M. Pasteur », suivant l’expression des assistants, ou plutôt les Arabes mordus par des chiens enragés et traités par M. Pasteur. Voici l’appareil braqué sur les Arabes, qui consentent à obéir au « ne bougeons plus », et voilà le positif obtenu reproduit dans La Nature (fig. 1).
- Nous remercions notre lecteur de nous avoir communiqué ce précieux document, nous offrant
- Fig. 2. — Blessure produite par la morsure d’un loup enragé. — Russe venu à Paris au Laboratoire de M. Pasteur. (D’après une photographie de M. Pierre Petit.)
- ainsi l’occasion de com-
- pléter ce que nous avons publié déjà sur le traite-Ue année, — l,r semestre.
- ment prophylactique de M. Pasteur1.
- Les Arabes que nous représentons appartiennent à deux villages distincts, voisins de Bougie. Us ont été mordus par le même chien enragé, quelques-uns assez grièvement. La troupe comprend deux jeunes filles, l’une de dix-neuf ans, très timide, conduite par son père, le seul avec le cheik qui n’ait point été mordu. Il y avait en tout six malades qui ont subi leurs onze jours de traitement. Ils sont partis le 29 avril pour Bougie pleins de reconnaissance pour M. Pasteur, qui les a guéris, et pour la France, qui leur a donné l’hospitalité. 1 Voy. u° 666, du 6 mars 1886, p. 211.
- 26
- p.401 - vue 405/432
-
-
-
- 402
- LA NATURE
- A l’heure actuelle, M. Pasteur a traité environ 1100 personnes mordues par des chiens enragés ; toutes sont guéries et sauvées.
- il faut mentionner à part les dix-neuf Russes qui ont été mordus par un loup enragé. Il existe de profondes différences entre les suites des morsures par les loups ou par les chiens enragés. Le loup, en s’acharnant sur ses victimes, introduit en plus grande quantité le virus rabique. Si l’on retarde de quelques jours le traitement préventif, on risque d’arriver quand l’économie tout entière est déjà envahie par le mal. Nous reproduisons, page 401, la photographie de l’un de ces Russes (fig. 2) pour montrer quelle énorme déchirure la morsure du loup enragé avait pratiquée. Un autre Russe avait eu les lèvres arrachées; un autre avait été mordu au front avec tant de fureur qu’une des dents de la bêle était restée incrustée dans le crâne; tous avaient été soumis à des blessures graves, trois d’entre eux sont morts.
- Mais si l’on appliquait aux dix-neuf russes de Smolensk les statistiques de mortalité établies à la suite des morsures par les loups enragés, la proportion serait renversée ; sur les dix-neuf, seize auraient succombé.
- Toutes les autres personnes, traitées après morsures de chiens enragés, vont bien. II n’y a eu aucun insuccès, sauf le cas d’une petite fille, traitée beaucoup trop tardivement; elle était arrivée au laboratoire trente-sept jours après avoir été mordue.
- La démonstration est absolument faite, et M. Pasteur aura sauvé, de la plus cruelle des morts, des Français et des étrangers, des Russes, des Arabes, des Italiens, des Portugais, des Autrichiens, des Espagnols, des Américains qui, venus à Paris, condamnés à mort, s’en retournent chez eux pleins dejie et de santé, bénissant à jamais le bienfaiteur qui les a sauvés.
- Il faut avoir visité le cabinet de M. Pasteur, à l’École normale, à l’heure du traitement quotidien, pour se rendre compte de l’admirable simplicité avec laquelle peuvent s’accomplir de si grandes choses. M. Pasteur appelle lui-même ses malades, ayant pour chacun d’eux quelques paroles bienveillantes, et M. le Dr Grancher pratique les inoculations comme nous l’avons décrit précédemment. Le matin où nous avons assisté à ces opérations, un paysan était arrivé à son dernier jour de traitement; en partant, il demanda à M. Pasteur, qu'il était destiné à ne plus revoir, s’il pouvait rentrer chez lui sans inquiétude. « Allez, dit M. Pasteur avec l’assurance du savant sur de ses expériences, allez, mon ami, vous êtes guéri, à jamais guéri. » Et l’homme se prosternait presque devant son sauveur.
- A côté du paysan, se trouvaient des dames, des jeunes filles, des enfants, qui tous venaient là chercher le salut! Scène admirable, qui ne s’efface pas de l’esprit de celui qui l’a vue. Quand on songe que M. Pasteur pourrait recevoir l’or à pleines mains, quand il traite les favorisés de la fortune, et que,
- pour le riche comme pour le pauvre, il opère gratuitement, inspiré par le seul dévouement à la science et à l’humanité, on sent les larmes vous mouiller les yeux d’émotion et d’admiration.
- Lors du banquet que la conférence Seientia a récemment offert à M. Pasteur, au moment où notre grand savant entrait dans la salle de réunion, une charmante petite jeune fille de douze ans s’avança vers lui et lui offrit un énorme bouquet de roses. C’était la fille du prince et de la princesse Ghiska, appartenant à l’une des premières familles de Roumanie. L’enfant avait été mordue par un chien enragé, et sa mère l’avait conduite elle-même à M. Pasteur qui l’avait sauvée.
- Une jeune Italienne, ainsi arrachée à la mort, embrassa les mains de M. Pasteur, quand son traitement fut terminé, comme elle l’eût fait pour un saint *.
- L’expression de cette reconnaissance est inspirée non pas seulement par l’acte accompli, mais par l’abnégation de son auteur.
- M. Pasteur fait plus actuellement pour la grandeur de notre pays que ne l’ont jamais fait les conquérants. Il est de ceux auxquels peut s’adresser cette belle pensée de Plutarque : Deus est juvare mor-talem. Gaston Tissandier.
- DENSITÉ D’UN CORPS POREüX ET FRIABLE
- La méthode indiquée par M. P. Pauze dans le Journal de physique convient à la détermination de la densité d’un sol à l’état aggloméré normal, tel que celui des mottes qui se forment par la dessiccation à Pair, mais on peut l’appliquer, sans modification à des corps poreux de toutes natures, sels, bois, minéraux, etc.
- On prend un petit bocal de 1/4 de litre environ et on le remplit exactement d’une graine lisse et régulière, millet ou lin (le lin est préférable), du petit plomb ou de la cendrée, après avoir, au préalable, déterminé le poids du bocal et le poids de l’objet p.
- Soit P le poids de la graine qui remplit le bocal ; P' le poids de l’eau qui remplit le bocal; P" le poids de la graine et de l’objet introduit dans le bocal après l’arrosement de l’excès de graine qui dédorde le goulot. La densité est alors donnée par la relation :
- ci—-------El.-----
- (P-h/7 — P") P'
- On a soin, pour obtenir un tassement uniforme de frapper, à petits coups, le bocal sur le bord d’une table, jusqu’à ce qu’on n’observe plus d’abaissement de niveau. Le moyen est simple, rapide et n’exige aueun instrument spécial.
- 1 Le lecteur trouvera le récit de faits analogues à ceux que nous signalons ici dans la neuvième édition du remarquable livre de M. Vallery P.adot : La vie d'un savant, par un ignorant (Hetzel, éditeur). Cet ouvrage mérite te succès qu’il a obtenu; il résume avec un rare talent d’exposition et une grande clarté de style, l’œuvre de M. Pasteur; il intéresse et il émeut, parce qu’il est écrit avec sentiment et avec cœur. La neuvième édition est accompagnée d’un chapitre complémentaire sur le traitement prophylactique de la rage.
- p.402 - vue 406/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 403
- LE SUCRE DE BETTERAVES
- ET LES NOUVEAUX PROCÉDÉS DE FA13RICATION
- La fabrication du sucre de betteraves a subi de mauvaises années par suite de la concurrence étrangère et de l’avilissement du prix de ce produit.
- Pour faire cesser la gravité de cette situation, l’État a dù remplacer son mode d’impôt sur le sucre par l’imposition directe de la matière première. Le nouveau moyen ne pouvait guère être admissible qu’en répondant aux conditions suivantes : Ne pas réduire les ressources du budget et permettre au fabricant de sucre d’obtenir un gain par la production d’un rendement supérieur au rendement prévu et déterminé par la loi. Une partie de la fabrication peut ainsi rester indemne de droit.
- Il va sans dire que le fabricant ne peut obtenir ce rendement excédent qu’en perfectionnant ses moyens : d’abord en culture pour obtenir des racines plus riches et puis dans l’usine par un travail d’extraction plus complet, plus savant et plus économique. Cette nouvelle situation a exigé la création d’outils spéciaux et la mécanique s’est mise en recherche.
- Parmi les appareils créés se trouvent des moyens assez originaux pour les soumettre à nos lecteurs.
- En fabrication il faut d’abord se préoccuper du pesage des betteraves. C’est une des parties sérieuses parmi les opérations nouvelles, puisque l’impôt repose sur le poids brut des racines et que la taxe est fort élevée.
- Il est donc fort intéressant de ne peser que la matière nette qui contient le sucre et d’éliminer toutes les non-valeurs qui peuvent rester adhérentes aux racines : eaux, terres, cailloux, sujets gâtés ou mal préparés.
- L’appareil, dont nous donnons un croquis ci-après (fig. 1) et que nous allons décrire, remplit parfaitement ce but et a fait ses preuves en application. Il est désigné par son constructeur sous le nom de transporteur-essayeur à brosses tour- , nantes. L’appareil se compose d’une série de brosses cylindriques placées parallèlement et tournant dans le même sens. Les brosses cylindriques sont garnies solidement de piassava, de fortes baleines ou de til d’acier. L’àme de la brosse est un rouleau de bois calé sur un arbre de fer, son axe. Toutes les brosses s’alignent entre deux bâtis fer ou fonte. Leurs axes sont portés par des supports-coussinets. L’un des bouts de chacun des axes est garni d’une roue d’angle. La série des roues d’angle, dont sont armées toutes les brosses, reçoit son mouvement rotatif par une série de pignons calés sur un arbre longitudinal. C’est celui-ci qui actionne l’appareil.
- 11 est placé et fixé par des supports sur le flanc de l’entraîneur et relié par une courroie au moteur.
- Voici l’appareil en fonction. Les betteraves sortent du laveur toutes remplies d’eau et souvent aussi de parties de terre non enlevées par le lavage : elles
- tombent de là sur le transporteur-essuyeur. Celui-ci a pour mission de les faire arriver à la trémie du pesage en les débarrassant, dans son parcours, de l’eau et des terres dont elles sont chargées. Sans l’essuyage, sans le nettoyage, les non-valeurs vont au pesage et payent l’impôt au même titre que la matière sucrée.
- Les betteraves entrent au transporteur sur la face supérieure des rouleaux et là elles sont aussitôt prises par la partie barbue des brosses. Elles sont tournées et frottées, sur toute leur surface, par cha- ' cune des brosses, tour à tour, depuis l’entrée jusqu’à la chute à la trémie de pesage.
- La marche des racines est très mouvementée. Isolées elles roulent entre deux brosses, sollicitées en sens contraire par la brosse-avant et par la brosse-arrière. Dans cette situation, les racines pivotent sur elles-mêmes, présentant toutes leurs faces au frottement des brosses : c’est le moment de l’essuyage.
- Les racines qui arrivent à la suite tombent sur celles qui pivotent entre deux brosses ; elles les isolent de la brosse-arrière et la brosse-avant les porte plus loin. La même opération de frottement et de déplacement successif se fait entre chaque paire de brosses, d’une façon incessante très symétrique et assez rapide.
- Les betteraves subissent le frottement vigoureux de la partie barbue des rouleaux depuis l’entrée au transporteur jusqu’à la chute au pesage. Elles le parcourent sous la poussée des betteraves qui viennent, et sous l’entraînement de la surface ’ des brosses tournant vers la sortie.
- Quand les racines ont accompli cette promenade mouvementée, tournant et dansant d’une façon vraiment curieuse, elles sont séchées et nettoyées. Elles sont de plus débarrassées, au passage, des sujets gâtés ou mal décolletés.
- Alors elles peuvent se présenter à l’impôt d’une façon convenable et économique et surtout sans le regret de payer une taxe pour les non-valeurs. Le lourd impôt n’atteint plus que la matière sucrée. 11 passe ainsi sur le transporteur, de 150 000 à 200 000 kilogrammes par jour et 20 000 000 kilogrammes pendant le cours d’une fabrication.
- Après ce premier mécanisme, nous signalerons l’appareil de pesage à contrôle automatique pour la réception des betteraves en sucreries. L’administration des contributions indirectes applique maintenant son impôt sur la betterave brute au lieu de le recueillir, comme autrefois, lorsque le sucre produit sortait des usines.
- La Régie et le fabricant ont donc besoin de soigner tout spécialement l’importante opération du pesage.
- Les deux parties ont a prendre bien des précautions pour éviter les causes d’erreur, et parfois les fraudes possibles, dans la formation des pesées et dans le relevé contrôlé de chacune d’elles. Toutes les prévoyances ont été retenues avec une minutie remarquable par la loi.
- p.403 - vue 407/432
-
-
-
- 404
- LA NATURE.
- 11 a fallu créer des appareils de pesage et de contrôle automatique qui pussent tranquilliser la Régie et en même temps satisfaire les producteurs du sucre.
- Ces appareils ont à remplir toute une série de conditions pour être admis par l’administration, et en même temps ils doivent rester relativement simples pour être appliqués avec facilité et sans arrêt dans leur fonctionnement.
- L’appareil que nous décrivons est dans les conditions les meilleures et les moins complexes, étant donnée la diversité des emplois imposés.
- L’appareil de pesage doit, d’après la loi :
- Fermer la porte à l’arrivée de nouvelles betteraves quand la benne de pesée a son compte et ne pouvoir ouvrir au déchargement tant que les betteraves peuvent entrer au pesage.
- Il doit, de plus, ne pouvoir s’ouvrir au déchar-
- gement quand le poids n’est pas réglé au taux déterminé (500 kilogrammes, par exemple), ni non plus quand n’est pas fermé le couvercle de la benne de pesée. On a pensé à tout.
- Cette fermeture de couvercle empêche que l’on puisse mettre à la main quelques racines dans la benne de pesée, pendant que celle-ci est ouverte au départ de la pesée faite.
- L’appareil doit encore barrer le passage (en excellent douanier) à l’arrivée des betteraves dans la benne de pesée, tant que celle-ci n’est pas rigoureusement et mécaniquement fermée. Alors un mouvement automatique fait s’ouvrir le couvercle et enclenche la porte.
- Chaque pesée s’inscrit mécaniquement dans un compteur placé sous clé et sous verre.
- Voilà l’office multiple que doit remplir l’appareil de pesage et voici comment se fait l’opération, qui
- Fig. 1. — Transporteur-essuyeur à brosses tournantes pour les fabriques de sucre de betteraves.
- doit être aussi rapide que précise, car elle se reproduit quatre cents fois dans une journée.
- Les betteraves arrivent d’abord dans la benne supérieure À (fig. 2); un obturateur, une vanne B glissant de haut en bas, ferme cette benne d’attente.
- Quand l’obturateur B est baissé, la benne d’arrivée est ouverte et les racines tombent dans la benne de pesée D placée directement sur la bascule. Le couvercle K se trouve alors forcément ouvert.
- Les bennes d’arrivée et de pesée sont des récipients en tôle à fond incliné, forme wagonnets, d’une contenance réglée (à 500 kilogrammes, par exemple).
- Pendant que la benne d’attente A se vide dans la benne de pesée D, il est impossible d’ouvrir la porte C de déchargement.
- Deux secteurs E solidaires de l’axe de la porte C sont placés à chacun de ses bouts. Le dessin les
- représente dans la position de fermeture. Dans cette position les deux secteurs se trouvent bloqués par l’obturateur B. Celui-ci, descendu en avant des secteurs, les cale en rendant impossible l’ouverture de la porte C.
- Quand la benne de pesée D a son compte, on relève l’obturateur B à l’aide d’un levier à contrepoids. La benne d’attente A se trouve alors close. Les secteurs E n'ont plus d’obstacle qui les empêche de marcher vers la gauche, c’est-à-dire de suivre le mouvement de la porte C quand celle-ci s’ouvre pour le déchargement de la benne de pesée. Avant d’en arriver là, il faut régler la pesée à 500 kilogrammes et fermer le couvercle K, c’est-à-dire franchir encore deux obstacles. Sur l’axe commun des secteurs de barrage E et de la porte C existe aussi un levier rigide II qui maintiendra la vanne fermée tant qu’il reposera sur le mentonnet I. Ce mentonnet, ou
- p.404 - vue 408/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 40,S
- rochet, I, ne laissera libre le levier H et ne permettes par suite l’ouverture de la vanne G, que quand le poids de la pesée sera arrivé exactement à 500 kilogrammes ni plus ni moins. Voici comment :
- Le poids étant réglé, les deux index placés sous l’œil de l’employé de sucrerie sont au pair. Celui-ci appuie alors sur le couvercle K qui était relevé et lui fait prendre la position du dessin. En se fermant, le couvercle K vient buter sur la tête J du levier coudé JPL pivotant sur le sommet R de son angle : il s’y accroche, ramenant en arrière la partie verticale J P du levier coudé et relevant par suite son boutL. Le bout L est venu se placer en face de la coulisse M du secteur E. Avant ce relèvement, le bout L se trouvait en face de l’un des guides du coulisseau M ; il fermait encore le passage au secteur E : il empêchait d’ouvrir la porte C parce que le couvercle K n’était pas fermé.
- La pesée est maintenant réglée et le couvercle fermé empêche toute nouvelle addition. On peut enfin décharger la pesée avec la permission de l’employé de la Régie. Celui-ci met la main sur la poignée U de la tige R et la tournant, par un mouvement de gauche à droite, il rejette en arrière le mentonnet I calé sur la même tige R. Le levier H qui reposait sur le mentonnet I et qui maintenait la porte fermée devient libre ; et la porte C, sous la poussée des betteraves contenues dans la benne D, s’ouvre en pivotant sur son axe.
- L’employé de la Régie a pu déclencher la porte C parce que le poids était exact et les index d’accord. Dans ce cas seulement la tête du petit levier P, solidaire aussi de la tige R qui porte le mentonnet I, peut pénétrer dans l’encoche O d’une plaque de barrage N.
- Il faut cette entrée de la butée P dans l’ouverture O pour permettre le mouvement accentué qui peut dégager le crochet de fermeture I du levier H.
- La plaque de barrage N, fixée sur la tige mobile des index de la bascule, voyage avec elle, descendant si la charge de la benne est au delà de 500 kilogrammes et remontant si la pesée est incomplète. Quand le poids est surchargé, la butée P
- vient frapper dans le plein du barrage N au-dessus de l’encoche O. Quand la charge est légère, la butée P vient se heuiter au-dessous de l’encoche O. Dans l’un et l’autre de ces deux cas, l’employé de Régie n’aurait pas pu dégager le mentonnet I ni laisser, par suite, la porte G libre de s’ouvrir.
- C’est là l’âme du système : il faut pouvoir ramener à gauche le crochet I pour dégager la porte de vidange C et l’on ne peut faire ce mouvement que quand la butée P se présente bien en face de l’encoche O, découpée dans la plaque de barrage N, et quand ladite butée peut entrer au fond de cette encoche O sous l’effort imprimé à la poignée II. Pour obtenir cette position, il est indispensable que la pesée soit exacte et les index au pair. Le nombre
- des pesées se chiffre au compteur F par l’action de la bielle G reliée au secteur E. Celui-ci marche avec la vanne G dont il est solidaire: allant à gauche quand celle-ci s’ouvre, rentrant à droite quand elle se referme. Chaque mouvement, le va-et-vient compris, inscrit une unité au compteur F. Le secteur E, quand la porte C est fermée, est placé en arrière de l’obturateur ouvert R et celui-ci forme obstacle à l’ouverture. Quand, au contraire, l’obturateur B est relevé-fermé et la porte G ouverte le secteur E vient se placer sous la vanne obturatrice et il devient impossible de descendre-ouvrir celle-ci, tant que la porte restera ouverte au déchargement. Cette condition est également imposée par la Régie.
- L’appareil décrit paraît bien complexe, si l’on en juge par la longueur et la difficulté de la description. Cependant la manœuvre se résume : pour l’employé de sucrerie, à ouvrir et fermer l’obturateur de la benne d’attente à l’aide d'un levier à contre-poids, puis à fermer le couvercle quand la pesée est complète et réglée. Alors le douanier remplit son office, en touchant la poignée U qui commande le déclenchement du mentonnet 1. Par un mouvement de main, il met en liberté la porte de décharge. Celle-ci s’ouvre d’elle-même sous la poussée des betteraves contenues dans la benne. Le déchargement opéré, l’employé de la sucrerie
- Fig. 2. — Appareil de pesage à contrôle automatique pour la réception des betteraves eu sucrerie.
- p.405 - vue 409/432
-
-
-
- 406
- LA NATURE.
- ramène la porte au point de fermeture, et par le même mouvement tous les éléments de barrage se trouvent enclenchés solidement. Le couvercle est ouvert et l’obturateur de la benne d’attente est redevenu libre de se baisser pour laisser arriver une nouvelle provision de racines au pesage. Ni le représentant de la Régie, ni le représentant de la sucrerie ne peuvent toucher aux précieux organes qui garantissent et l’exactitude de chaque pesée et le chiffre de leur quantité : un entourage, grillagé, vitré et illustré du sceau de l’Etat, les met hors de toutes tentatives d’attouchement. Les intérêts de l’industriel et du fisc sont ainsi parfaitement gardés par l'honnête et mécanique adjudant de la douane.
- Les curieux appareils que nous venons de décrire ont été construits par MM. Denis Lefebvre de Saint-Quentin et ils sont assurément destinés à rendre de réels services à l’industrie sucrière. X...,
- Ingénieur.
- L’ASEPTOL
- L’attention du corps médical, à l’etranger, est de nouveau fixée sur les propriétés d’un nouvel agent antiseptique, Yaseptol, dont on a déjà parlé l’année dernière. L’aseptol, ou acide orthoxyphénylsulfureux, possède les propiiétés antiseptiques, antifermentescihles et désinfectantes des acides salicylique, phénique, sulfurique et sulfureux, mais à un degré supérieur. Déjà connu en 1841, l’acide orthoxyphénylsulfureux, décrit successivement par Laurent, Schmith, Kékulé, Solomanoff, etc., est le produit de la combinaison, à la température ordinaire, de l’acide phénique et de l’acide sulfurique concentré à équivalents égaux. 11 n’avait guère fait l’objet d’études spéciales ; ce n’est que récemment que des recherches, faites sur les propriétés antiseptiques des composés phéniqués, ont mis à jour l’énergie de son pouvoir antiputride. L’aseptol, que les derniers perfectionnements dans la préparation rendent aujourd’hui de composition constante, est un liquide d’une consistance sirupeuse à 15°, qui devient visqueuse à une température moins élevée ; il est onctueux au toucher comme la glycérine et a une odeur rappelant celle du phénol, mais plus agréable et beaucoup plus prononcée. Sa densité est 1,40. Il est soluble en toute proportion dans l’eau, l’alcool, l’éther alcoolisé, la glycérine; insoluble dans l’éther, le chloroforme, le sulfure de carbone, les huiles grasses. Il dissout le brome et l’iode; il se combine directement avec l’ammoniaque et réagit vivement sur l’acide azotique comme l’acide phénique. Employé pur, il a une saveur aigrelette et franche d’abord, puis piquante, mais il est d’une acidité agréable en solution. De l’ensemble des propriétés de l’aseptol, on a pu déduire son action curative, son emploi et ses applications en médecine et en chirurgie pour détruire les microbes, germes ou ferments morbides ayant déjà envahi l’organisme. En outre, l’aseptol possède d’une façon remarquable un pouvoir styptique et astringent régulier, qui le rend propre à tous les usages où on emploie le tannin et les tanniques, l’alun, le perchlorure de fer : tonifiant la peau et les muqueuses, resserrant les tissus mous et blafards, arrêtant les hémorrhagies, etc. Ce sont ces propriétés qui expliquent aussi son action toute spéciale en certains cas.
- LES VENTRILOQUES
- La ventriloquie n’est aujourd’hui qu’un exercice curieux, qu’un spectacle amusant; autrefois elle a joué un rôle relativement considérable. Dans les mystères des religions païennes, elle a servi souvent à faire rendre des oracles par des grottes, des cavernes, des rochers ; à faire parler des statues, des ombres, des animaux ou des objets inanimés. Aussi loin, pour ainsi dire, qu’on remonte dans l’histoire des peuples, on trouve la ventriloquie employée comme un moyen efficace de faire croire aux profanes, à l’intervention d’une puissance surnaturelle.
- Il est à remarquer qu’en hébreu les termes employés pour désigner les oracles rendus par une voix mystérieuse étaient ob ou obotk signifiant également outre ou vase, termes qui se justifient par la voix sourde et voilée, parfois bien peu intelligible, employée le plus souvent par les oracles ventriloques.
- D’après la description des mystères qui avaient lieu dans les temples ou les lieux sacrés en Perse, en Egypte, de même qu’en Grèce, on trouve l’explication de beaucoup d’entre eux dans l’acoustique et notamment dans la ventriloquie. Un arbre parla devant Apollonius, au commandement du chef gymnophiste de la Haute-Egypte : « La voix qu’on entendit était distincte, mais faible et semblable à une voix de femme. » (Philostr.) On sait que les chênes de Dodone rendaient des oracles. Pytbagorc adressa solennellement la parole au fleuve Nessus, qui lui répondit d’une voix claire : « Salut, Pytha-gore! »
- Même chez les peuples sauvages on retrouve des sorciers ventriloques. Le voyageur Labat (Nouveau voyage aux îles françaises de VAmérique, 1701) raconte avoir vu à l’île Saint-Thomas un esclave noir qui faisait parler une grossière figure de terre. Cet esclave fit même rendre des oracles à un bâton que portait un des habitants. Convaincu de sorcellerie, il fut brûlé vif.
- Les planteurs ont eu souvent recours aux sorciers pour connaître les auteurs de crimes commis sur leurs propriétés, et parfois ces sorciers faisaient dénoncer le coupable par une voix venant d’un fétiche et assouvissaient leurs rancunes ou leur haine en vouant à d’affreuses tortures de malheureux esclaves innocents peut-être du crime dont on les accusait.
- Suivant une croyance barbare qui règne dans un grand nombre de pays de l’intérieur de l’Afrique et aussi de la côte, la mort, même naturelle, d’un individu, est le résultat d’un sort, d’un maléfice, provenant d’un autre individu soit de la même tribu, soit d’un village voisin. Il en résulte qu’après la mort d’un adulte, d’un chef de famille, ses parents pour le venger appellent le sorcier qui par son art dénonce le coupable. Celui-ci est désigné soit par l’épreuve du poison, soit, mais beaucoup plus rarement, par la voix mystérieuse de la victime, c’est-à-dire par la voix d’un sorcier ventriloque.
- p.406 - vue 410/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 407
- Un ingénieur, revenu il y a quelques années du royaume des Àschantis, racontait avoir été témoin d'une scène de sorcellerie de ce genre. Un homme était mort; toute la tribu, quelques jours après ses funérailles, fut réunie solennellement afin de connaître le coupable. La réunion eut lieu dans une grande case au centre de laquelle se trouvait un morceau de bois grossièrement sculpté personnifiant le défunt, paré de ses amulettes, de ses bijoux, des objets qu’il affectionnait le plus (fig. 2).
- Auprès de cette statuette se tenait le sorcier féticheur, qui, après avoir longtemps dansé et chanté en tournant, l’interrogea, lui demanda si le défunt était satisfait des funérailles qui lui avaient été faites, des honneurs qui lui avaient été rendus, des provisions qui lui avaient été données, et la statuette répondait à ses interrogations. Puis il la somma de dénoncer hauteur de sa mort, et alors le sorcier nommant chacun des membres de la tribu, la statuette répondait négativement à la grande joie de ceux-ci qui se trouvaient ainsi déchargés de tout soupçon ; mais, arrivé au nom d’un pauvre diable qui n’avait pu ou n’avait pas voulu faire de cadeaux au sorcier à l’occasion de cette cérémonie, la voix le désigna par deux fois successives comme étant le coupable.
- Le misérable fut saisi, garrotté et livré à un supplice d’autant plus affreux que chaque membre de la tribu avait à se venger, pour ainsi dire, de la crainte qu’il avait eue d etre désigné par le sorcier.
- En Chine des devins font rendre des oracles par la bouche de grossières statuettes représentant le dieu Bouddha ou Pouthaï. Tout récemment un voyageur, M. Rogozinski, racontait avoir été témoin, dans l’ile de FernandojPo (côte ouest d’Afrique), d’une cérémonie religieuse dans des grottes consacrées au culte d’Umo, cérémonie dans laquelle la ventriloquie semble jouer un grand rôle : « Les indigènes, dit-il, s’approchent du prêtre, chacun à son tour, déposent a ses pieds quelques dons ou de l’huile de pajme, et le prient de questionner l’Umo sur telle affaire qui les concerne.
- « Bientôt le prêtre devient très agité : l’est l’Umo qui s’approche ! puis on entend une voix sonore qui paraît venir du sol et qui répond à la question posée par le prêtre. L’illusion est complète et je ne puis me l’expliquer, dit M. Rogozinski, qu’en soupçonnant le prêtre d’être ventriloque. »
- Au siècle dernier un voyageur, le capitaine Lyon, (cité par Brewster) avait été témoin, chez les Esquimaux de Iglooliek, d’une scène analogue. Grâce à des cadeaux le sorcier consentit à évoquer l’âme de Tornga, son esprit familier, dans la cabine même du capitaine, et voici, d’après celui-ci, la description de cette curieuse scène :
- « Toute lumière fut enlevée, le sorcier se mit à chanter avec une grande véhémence, puis 'a tourner en rond en appelant Tornga. Soudain sa voix devint étouffée et le son en fut ménagé de manière qu’elle semblait venir de dessous le pont, s’éloignant de plus en plus, paraissant s’enfoncer à plusieurs pieds
- sous la cabine jusqu’à ce qu’elle cessât entièrement; sa femme alors me répondit sérieusement qu’il avait plongé pour aller trouver Tornga; en conséquence, après une demi-minute, un souffle éloigné se fit entendre, s’approcha très lentement et une voix différente de celle qui s’était fait entendre jusqu’alors se mêla au souffle jusqu’à ce que le son en devint distinct.
- « Une voix creuse et forte, très différente de celle du sorcier, se mit à chanter pendant quelque temps avec un étrange mélange de sifflements, de soupirs, de cris et de gloussements semblables à ceux d’une poule d’Inde; ensuite la voix s’éloigna graduellement, comme la première fois, et un sifflement très peu distinct lui succéda.
- « Un sifflement semblable à celui d’une fusée volante vint ensuite, puis le sorcier annonça son retour par un hurlement. »
- Un grand nombre de sorcières au moyen âge furent d’habiles ventriloques; en voici quelques exemples :
- Vers la fin du seizième siècle, une petite vieille se montrait en Italie et conversait à haute voix avec un démon qu’elle appelait Cincinnatulus. Elle fut examinée notamment dans la ville de Rovigo par Cœ-lius Rodiginus, qui entendit distinctement une voix qui partait du ventre de cette femme. Celle-ci était donc manifestement possédée du démon. « J’ai souvent, dit-il, ouï la voix de cet esprit immonde, fort gresle et toutefois entendibles en tous les mots, parlant des choses présentes et passées au grand estonnement de tous ; mais pour le regard de ce qui estoit à venir plus souvent vain et mensonger. »
- Vers la même époque une femme ventriloque, nommée Cécile, vint à Lisbonne; elle faisait varier sa voix de telle sorte que celle-ci semblait sortir, d’après les historiens du temps, parfois de son pied, de sa main, de son cou ou de différentes parties de son corps; elle interrogeait un être invisible qu’elle appelait Pierre-Jean et qui répondait, d’une voix claire et distincte, à toutes ses questions. Arrêtée, jugée et convaincue d’être sorcière et possédée du démon, elle eut la chance d’échapper au bûcher et fut déportée à vie à l’île Saint-Thomas.
- Dans le même siècle, un ventriloque, nommé Pierre Brabançon, ancien valet de chambre de François 1er, devint célèbre par ses escroqueries. « Iceluy, dit un auteur du temps, quand bon luy sembloit, par-loit du ventre, tenant la bouche ouverte sans remuer les lèvres : et par tel art et dextérité ou par l’imposture du diable il affrontoit beaucoup de gens. » Il devint amoureux d’une belle et riche Parisienne dont le père était mort récemment, il la demanda en mariage à sa mère, celle-ci refusa. Alors un jour qu’ils étaient réunis, l’on entendit tout à coup la voix du mari défunt qui poussait des gémissements et se plaignait d’être fort tourmenté en purgatoire à cause de la défiance de sa femme « qui ne vouloit bailler leur fille, comme femme, à Brabançon qui l’avoit tant de fois demandée et qui
- p.407 - vue 411/432
-
-
-
- 408
- LA NATURE.
- estoit si homme de bien. » La femme,- pour obéir aux prétendus ordres de son mari, consentit alors au mariage. Six mois après celui-ci, Brabançon ayant gaspillé la fortune de sa femme, s’enfuit à Lyon où, grâce à son talent de ventriloque, il parvint à se faire remettre une somme considérable par un jeune et crédule financier en lui faisant entendre la voix de son père décédé récemment. On ne sait pas ce que devint ensuite Pierre Brabançon, mais il est à remarquer que son talent de ventriloque et l’usage qu’il en faisait l’exposaient, étant donnée l’époque, à être pendu comme voleur ou brûlé comme sorcier.
- Quelque temps auparavant, en effet, une femme, nommée Rolande de Vernois, convaincue d’être tout à la fois sorcière, possédée et ventriloque , fut pendue et brûlée « pour l’exemple des méchants et la consolation des bons », ainsi que le rapporte le grand juge Henry Boguet.
- En 1683, on parlait beaucoup d’une femme ventriloque, nommée Barbara Jacobi, qui vivait a l’hôpital de Harlem; chaque jour, pour ainsi dire, elle donnait des preuves de son talent en présence d’un public nombreux et choisi parmi lequel se trouvèrent fréquemment des docteurs ou de savants théologiens, venus parfois de très loin pour contempler le prodige.
- Bans ses séances Barbara Jacobi était debout, le visage à moitié caché dans les rideaux de son lit; elle tenait alors une conversation très suivie et en général très gaie avec un prétendu Joachin qu’elle accusait des méfaits les plus invraisemblables et dont celui-ci se défendait avec une énergie des plus comiques. Bien des fois les spectateurs soulevèrent les rideaux pour découvrir le personnage qu’ils y supposaient caché; mais alors Joachin protestait et se faisait entendre soit dans un des coins de la chambre ou derrière la porte.
- Bien que les docteurs fussent portés a croire que Barbara Jacobi était possédée du démon, ils’se montrèrent en Hollande plus tolérants que ne l’étaient généralement à cette époque leurs confrères des autres pays de l’Europe, et la ventriloque de Harlem mourut tranquillement dans son lit.
- On raconte que le cardinal de Richelieu utilisa le talent de ventriloque d’un gentilhomme de la cour
- pour persuader à un évêque de quitter celle-ci et de retourner dans son diocèse.
- Un soir que le cardinal et l’évêque étaient assis près du feu et le gentilhomme à quelques pas derrière, une voix lointaine tout à coup se fait entendre ; l’évêque surpris écoute attentivement ; la voix l’appelle de nouveau. « C’est la voix de mon père, » dit-il tout ému. Le cardinal l’engage à lui demander ce qu’il veut; alors l’évêque se jette à genoux et entend la voix mystérieuse lui dire : « C’est pour ton salut que je viens te parler! retourne dans ton diocèse et attache-toi plutôt à convertir les hérétiques qu’à demeurer à la cour. » Dès le lendemain l’évêque obéissant à la voix mystérieuse quittait Paris.
- Le Magasin pittoresque a rapporté, d’après un texte anglais accompagné d’une gravure du temps (fig. 1 ) une curieuse anecdote relative à l’effet produit au siècle dernier dans un petit village d’Angleterre par un ventriloque faisant parler un ours.
- Un jour de marché dans le petit village d’Hoplield la foule se pressait autour d’un ours savant que montrait un bateleur. Un voyageur tant soit peu ventriloque qui se trouvait parmi les curieux s’approcha du bateleur, et, d’un ton très sérieux, lui demanda si son ours parlait.
- — Interrogez-le et vous le saurez répond le bateleur croyant à une facétie de mauvais plaisant.
- Le ventriloque s’approche de l’ours et lui demande :
- — De quel pays êtes-vous, mon gentleman?
- L’ours répond d’une voix sonore :
- — Des Alpes, en Suisse.
- Les spectateurs saisis d’étonnement se reculent de quelques pas. Le ventriloque continue :
- — Y a-t-il longtemps que vous appartenez à votre maître?
- — Assez longtemps pour que j’en sois ennuyé, répond l’ours.
- — Est-ce qu’il n’est point bon pour vous ?
- — Oh oui, répond l’ours, comme un forgeron avec son enclume.
- — Et que ferez-vous pour vous venger?
- — Un de ces jours, je le mangerai comme une rave à mon déjeuner.
- A ces mots, la foule se recule précipitamment
- Fig. 1. — Le montreur d’ours et le ventriloque.
- p.408 - vue 412/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 409
- avec terreur, le bateleur veut tirer la chaîne de l’ours ; mais celui-ci fait entendre un sourd grognement, et la foule épouvantée, croyant que l'ours allait mettre sa menace à exécution, s’enfuit éperdue de toutes parts.
- Jusqu’à la fin du siècle dernier, la ventriloquie a été considérée comme un art mystérieux qui, pour la grande majorité du public comme pour certains savants fanatiques, ne s’expliquait que par l’intervention du démon en personne.
- En 1770, un épicier de Saint Germain-en-Laye nommé Saint-Gilles, doué d’un talent de ventriloque fort remarquable, utilisait celui-ci à l’amusement
- de ses amis,-soit directement, soit en faisant des mystifications ou des facéties ; il ne prétendait être ni sorcier, ni magicien, ni possédé du démon, et ne faisait aucun mystère de son emploi de la ventriloquie.
- Au dire d’un témoin, « tantôt sa voix paraissait descendre du milieu des airs, tantôt sortir d’un souterrain, il l’éloignait, la rapprochait à sa fantaisie, lui donnait toutes les nuances qu’on désirait. » On rapportait sur son compte un grand nombre d’anecdotes. Un jour il convertit un chanoine dur et avare en lui faisant entendre les remontrances d’une voix céleste. Un autre jour, dans un couvent de moines,
- il fait parler une tombe dans leur église au milieu des assistants terrifiés. Il convertit un jeune débauché en lui faisant entendre au milieu de la forêt de Saint-Germain une voix mystérieuse qui lui reprochait sa conduite. «•
- Un esprit des plus ingénieux, l’abbé de la Chapelle, inventeur notamment d’un appareil de natation auquel il donna le nom de scaphandre, ayant assisté à l’une des expériences du ventriloque Saint-Gilles, demanda à celui-ci d’étudier son singulier talent. Saint-Gilles s’y prêta de bonne grâce.
- Saint-Gilles racontait que son talent de ventriloque ne lui avait guère coûté plus de huit jours de travail et qu’il l’avait acquis en essayant d’imiter un ventriloque qu’il avait rencontré à la Martinique et dont il était devenu l’ami.
- L’abbé de la Chapelle proposa même à l’Académie des sciences de nommer une commission pour aller étudier les expériences du ventriloque Saint-Gilles ; cette commission avait pour rapporteur M. Leroy, elle se rendit à Saint-Germain le 19 août 1770; afin d’éviter toute supercherie qui eût pu se produire dans l’intérieur d’une maison, il fut résolu que les expériences auraient lieu au milieu de la forêt dans un endroit choisi par les commissaires ; de plus, pour juger l’impression que la voix du ventriloque pouvait produire sur des personnes non prévenues, un certain nombre d’invités ignoraient le but de la réunion. Saint-Gilles fit parler un prétendu esprit et l’illusion fut complète.
- La première séance de cette commission de l’Académie des sciences n’eut d’autre résultat que de dé-
- p.409 - vue 413/432
-
-
-
- 410
- LA NATURE.
- montrer le talent du ventriloque. Une seconde séance, dont le but était de se rendre compte des procédés employés par Saint-Gilles, eut lieu quelque temps après à l’auberge delà Chasse-Royale, à Saint-Germain.
- Un rapport très long et très circonstancié sur les observations faites par les commissaires fut lu dans la séance de l’Académie des sciences du 16 janvier 1771. La principale constatation de ce rapport, c’est que les ventriloques ne parlent en aucune façon du ventre et que le nom de ventriloque comme celui d’engastrimythe leur est improprement appliqué. « Dans cet examen, disent les commissaires, ayant mis la main sur le ventre de Saint-Gilles, nous reconnûmes que cet organe n’avait pas un mouvement particulier qui pût concourir à la formation de la voix du ventriloque et nous nous assurâmes qu’elle venait uniquement d’une certaine eonstric-tion de la gorge acquise par l’habitude.
- Cette remarque est plutôt une simple constatation qu’une explication. L’explication de la ventriloquie est plus compliquée, comme nous le verrons après avoir examiné dans leurs diverses spécialités les ventriloques modernes. Guyot-Daübès.
- — A suivre. —
- LES MAISONS « SALUBRE ET INSALUBRE »
- DE L’EXPOSITION d’iIYGIÈNE DE LONDRES
- Au moment où l’Exposition d’hygiène urbaine vient de s’ouvrir pour la première fois à Paris, nous pensons que la notice suivante, qui se rattache à Ja précédente Exposition d’hygiène de Londres, ne sera pas lue sans intérêt. Les questions d’assainissement des habitations sont en effet plus que jamais a l’ordre du jour en France, et la promulgation très prochaine d’un arrêté préfectoral qui imposera aux propriétaires parisiens de nouvelles obligations au sujet de l’évacuation des matières de vidange, va faire sortir la question du domaine des études et des discussions, pour l’introduire dans celui de la pratique ordinaire des constructeurs ; les lecteurs de La Nature ne sauraient donc y être indifférents, soit au point de vue professionnel, soit simplement à titre de locataires de maisons ou d’appartements.
- On sait quelle importance les Anglais attachent, très justement, à ce que leurs habitations soient établies dans les conditions sanitaires les plus conformes aux préceptes de l’hygiène.
- Ces préceptes font tout d’abord l’objet d’études suivies de la part des spécialistes ; puis des ingénieurs portant le titre de « Sanitary Engineers », s’occupent d’une manière particulière de leurs applications dans l’assainissement des villes et la construction des édifices; et, grâce au caractère semi-scientifique, semi-industriel de la profession qu’ils exercent, ils ont créé une branche toute spéciale d’industrie, desservie par de nombreuses maisons, dont quelques-
- unes occupent une situation commerciale considérable.
- Aussi les progrès ont-ils été rapides et importants, et la notoriété de certains noms de spécialistes, tels que ceux de R. Rawlinson, Baldwin-Latham, etc., a passé le détroit. En même temps est née une littérature technique, qui comprend aujourd’hui des recueils périodiques estimés et un grand nombre d'ouvrages intéressants destinés , d'une part, à instruire le publicet à propager les notions d’hygiène, et d’autre part, à diriger les hommes du métier dans leurs travaux.
- Inutile de rappeler que si les études scientifiques et les discussions théoriques sur les sujets d’hygiène n’ont pas manqué chez nous, il n’en est pas de même du personnel des ingénieurs, architectes, entrepreneurs et industriels spéciaux, ni des ouvrages techniques; le nombre des premiers est des plus restreints, pour l’excellente raison que, jusqu’à présent, leur rôle dans la construction eût été à peu près nul ; et quant à la littérature, on citerait à peine un ou deux volumes où les questions d’assainissement, soient traitées avec les détails nécessaires et une autorité suffisante.
- Poursuivant leur méthode logique d’action persévérante sur l’opinion publique, les Anglais ont exposé en 1884 une construction formée de deux maisons accolées, identiques en apparence, mais très différentes au point de vue de la salubrité. Toutes deux sont pourvues d’une abondante distribution d’eau, de siphons intercepteurs des mauvaises odeurs ; enfin, suivant la coutume généralement adoptée à Londres, toutes deux sont « drainées », c’est-à-dire assainies par une canalisation qui amène à l’égout la totalité des eaux souillées et des matières de vidange-Seulement le séjour dans l’une d’elles est rendu incommode et dangereux par une série de dispositions vicieuses, de négligences dans l’exécution ou dans le choix des matériaux, qui viennent détruire l’effet de l’application du principe juste et fécond de l’écoulement direct à l’égout; tandis que l’autre offre un véritable modèle dans tous les détails qui concernent l’hygiène des locaux habités.
- On ne saurait imaginer, pour le propriétaire et le locataire, comme pour le constructeur, de leçon plus fructueuse que l’étude comparative des détails de ces deux édifices. Nous ne pouvons en donner ici qu’un très bref aperçu; on la trouvera d’ailleurs fort bien exposée dans l&Reèue d'hygiène G
- Les figures 1, 2, 3, 4, 5, représentent les façades en élévation, le plan et trois coupes de la double construction. Chaque maison, précédée d’une petite
- 1 N°‘ de janvier et février 1885, texte de MM. L. Masson, conducteur des ponts et chaussées, inspecteur du service d’assainissement de la Seine, et le Dr A. -J. Martin, commissaire général de la section française de l’Exposition ; accompagné de dessins d’après des croquis levés sur place. Une édition spéciale à l’usage de l’administration présente un atlas très complet des détails exposés, ainsi que des coupes de maisons de Berlin et de Paris, desservies par différents systèmes ; nous y avons emprunté les dessins du présent article.
- p.410 - vue 414/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 411
- cour, suivant lu mode anglaise,' bâtiment en façade, avec aile en retour d’équerre éclairée par une cour intérieure, était élevée de deux étages sur rez-de-chaussée et sous sol. On en commençait la visite par le sous-sol de la maison insalubre, puis on parcourait les trois étages, après quoi l’on pénétrait directement par le deuxième étage dans la maison salubre que l’on examinait en sens inverse.
- Nous passerons en revue les principales dispositions sanitaires qu’on rencontrait dans la construction modèle. La lecture des légendes qui accompagnent les figures complétera les indications que nous ne pouvons que résumer très brièvement.
- Les numéros entre parenthèses se rapportent à ceux des figures.
- 1° Ventilation des appartements. — Appareils dont les uns introduisent l’air frais, et les autres servent à la sortie de l’air impur. (Modèles nombreux et variés.)
- Afin d’augmenter les surfaces en contact avec l’air extérieur, une sorte de courette était ménagée dans l’aile de la maison salubre, et assurait l’éclairage et l’aération despiècesintermédiaires, ce qui n’avait pas lieu dans la maison insalubre (voir le plan), notamment pour les cabinets d'aisances.
- 2° distribution d'eau.
- — La maison salubre était munie de deux réservoirs placés au premier étage, dans une pièce aérée et d’accès
- et composée d’un | l’eau potable. Le premier
- Fig, 1. — Vue de la maison insalubre et de la maison salubre,
- 5. Id. sur pierre d’évier. —6. Siphon avec coupe-air.sous le plancher. — 10. Réservoir d’eau potable alimentant la pierre d’évier et les cabinets d’aisances, placé à côté du tuyau de chute (13) sous le water-closet du rez-de-chaussée, et communiquant avec la canalisation par un tuyau de trop-plein (12) non siphonné. —14. Water-closet mal placé sous un rampant d’escalier, sans lumière, ni air. — 15. Mauvaise jonction à angle droit de deux tuyaux de canalisation. — 16. Mauvais raccord de la chute avec la canalisation. — 17. Tuyau de chute mal placé, à l’intérieur de la maison. — 75. Evier de cuisine, avec vidange siphonnée. — 78. Water-closet pour les domestiques,éclairé et ventilé; cuvette montée sur siphon et munie d’un effet d'eau , manœuvre par une chaîne. — 79. Réservoir de chasse. — 94. Tuyau de décharge de l’évier. — 95. Siphon de cour. — 99. Tuyau de chute des cabinets d’aisances. — 100. Regard de visite au fond duquel les tuyaux de chute et le drain du siphon de cour (102) viennent se raccorder avec la canalisation ; ce regard est ventilé par deux prises d’air (110) en parement. — 104. Canalisation recevant dans le regard (108) le drain du siphon de cour (112), puis traversant un siphon intercepteur (109). — 111. Autoclave pour visite de la canalisation.
- facile (40), l’un fournissant l’eau pour les usages domestiques (cabinets d’aisances, baignoires), l’autre1, * Invisible sur les figures.
- desservait les cabinets d’aisances par l’intermédiaire de réservoirs de chasse (54, 61. 79), de dix litres de capacité environ, établis de manière à se vider tout entiers par le tirage d’une chaîne à la portée de la main ; il n’était donc pas possible que l’air vicié des cuvettes vînt souiller l’eau du réservoir principal, ce qui arriverait certainement avec la disposition vicieuse (55) adoptée dans la maison insalubre, où l’on ne trouvait d’ailleurs qu’un seul réservoir (52) en communication directe avec une cuvette (29). On y voyait aussi, à tort, les tuyaux de trop-plein (31) du réservoir et de la baignoire (20), ainsi que les tuyaux de vidange de la baignoire et de l’évier (26) venir aboutir dans le siphon D placé au-dessous de la cuvette (29) des cabinets d’aisances; comme le montrent les dispositions de la maison salubre, ces derniers tuyaux (51,65) (fig. 4) doivent être munis de siphons et aboutir à la conduite spéciale de descente des eaux pluviales (86,87) (fig. 5).
- 5° Cabinets d'aisances. — Les cabinets d’aisances étaient obscurs et non aérés dans la maison insalubre (fig. 2), et munis d’appareils défectueux, bien que fondés sur l’emploi du siphon dans le but d'intercepter le retour de l’air vicié du tuyau de chute.
- Cet emploi, excellent en principe, demande â être judicieusement effectué. Ainsi, il ne faut pas que le liquide qui forme la fermeture hermétique puisse disparaître facilement par évaporation (fig. 3, bondes siphoïdes) ; il ne faut pas que la forme du
- p.411 - vue 415/432
-
-
-
- LA NATURE.
- m
- lp~lp—g
- Fig. 3. — Maison insalubre. Coupe AB. — 2,7 Bondes siphoïdes. — 6. Siphon coupe-air sous plancher. — 10. Réservoir mal placé. — 11. Siphon D, de forme défectueuse, pour cabinets d'aisances, laissant accumuler les immondices. — 13-17-19. Tuyaux de chute mal placés. — 14-21-29-. Water-closets non éclairés, ni ventilés, systèmes défectueux. — 22. Cuvette-lavabo, recevant les émanations du siphon 1111. — 26. Évier domestique mal aéré et recevant les émanations du siphon (11). — 30. Baignoire recevant les mêmes émanations. — 32. Réservoir supérieur unique recevant les mêmes émanations par ses tuyaux de trop-plein et de décharge, et celles de la cuvette (29) par la boîte de distribution (33).
- Fig. 4. — Maison salubre. Coupe CD. — 40. Réservoir d’eau pour service domestique (le réservoir d’eau potable est caché dans le dessin^ posé sur terrasson (45) disposé en pente avec tuyau d’assèchement traversant le mur.— 48. Baignoire, sur terrasson (49).— 51-75. Eviers de cuisine, avec tuyaux de décharge siphonnés. — 53-60-78. Water-closets, systèmes perfectionnés, desservis par réservoirs de chasse (54,61,79). — 63. Lavabos avec décharge siphonnée. — 112. Siphon de cour.
- Fig. 5. — Maison salubre. Coupe EF.— 81. Tuyau de descente des eaux pluviales aboutissant dans un siphon de cour (95) et portant les cuvettes intermédiaires (88, 92) où aboutissent les tuyaux de décharge de la baignoire et des éviers (86, 87). — 94. Tuyau de trop-plein de l’évier de cuisine du sous-sol. —99. Tuyau de chute en plomb, de O” ,10 de diamètre. — 100. Regard de visite, ventilé (110). — 104. Canalisation. — 103. Deuxième regard de visite; avec prise d’air (110), siphon obturateur (109) et autoclave (111).
- b rn
- Fig 6. Fig. 7.
- Fig. 6. — Maison desservie par une fosse fixe. —B. Cabinets d’aisances communs disposés sous un appentis adossé au bâtiment, et ouvrant sur l’escalier, aux deux tiers de chaque étage.— b. Cuvettes dites plombs, placées à chaque palier, au-dessous de la croisée éclairant l’escalier, et déversant les eaux ménagères dans le tuyau c de descente des eaux pluviales ; celui-ci, ainsi que les deux tuyaux d, aboutit dans la gargouille e, qui passe sous le trottoir pour s’ouvrir dans le ruisseau de la rue. — f. Fosse fixe en maçonnerie, munie d’une bonde de vidange et d’un tuyau d’évent g, ouvrant au-dessus du toit. — h. Tuyau de chute recevant par des pipes en plomb o, les matières provenant des cuvettes i, en fonte et non fermées. — p,q. Puits et pompe fournissant l’eau à l’habitation.
- Fig. 7 — Maison desservie par un appareil diviseur. — A. Égout public. — B. Branchement particulier. — b. Distribution d’eau alimentant les cuisines et la fontaine de la cour, avec prise en charge a sur la conduite, robinets d’arrêt et de vidange b et compteur c. — C. Cuisines avec éviers d, munis de bondes siphoïdes et se vidant dans la conduite de descente spéciale f. — D. Cabinets d’aisance, avec appareil Ilavard g, valve à tirage et effet d’eau provenant d’un réservoir h rempli à la main. —j. Tuyau de chute, en fonte, de 0", 19 à 0“,22 de diamètre. —k, l. Tuyaux de descente des eaux pluviales; les tuyaux f et k, admettant les eaux ménagères, aboutissent à la canalisation r, par l’intermédiaire d’un siphon en fonte n,m, siphon de cour à bonde siphoïde. — U. Urinoirs, généralement sans effet d'eau, avec tuyau d’évacuation o, muni d’une bonde siphoïde. — p. Tinette-filtre, communiquant avec la canalisation par le col de cygne en caoutchouc "q. — r. Canalisation en fonte de 0“,19 à 0",25 de diamètre, aboutissant au déversoir x, dit gueule de cochon.— v. Ventilateur de la chambre des tinettes.
- p.412 - vue 416/432
-
-
-
- LA NATURE,
- 413
- siphon permette l’accumulation des immondices (siphons D, (11) des cuvettes; il ne faut pas enfin que le jeu d’un siphon puisse être annulé par celui d’un autre, branché sur la même conduite. De là une série de dispositions de détail figurées dans les coupes de la maison salubre, particulièrement dans les divers types d’appareils de cabinets d’aisances ; et parmi lesquelles nous citerons un tuyau spécial de ventilation des siphons, qui maintenait une pression constante dans les branches d’aval1.
- Canalisation (maison salubre). — Le tuyau de chute, en plomb, 0m,10 de diamètre, est extérieur et ouvert à la partie supérieure ; il vient aboutir dans le collecteur général, constitué par une conduite de 0m,15, en tuyaux de grès vernissé, système Doulton. Le raccord se fait sous un angle aigu dans un regard de visite pratiqué dans la cour et ventilé.
- Le collecteur reçoit en outre, mais par l’intermédiaire de siphons, le tuyau de descente des eaux pluviales (fig. 5), ceux de l’évier de la cuisine du sous-sol, enfin les eaux des cours.
- Disposé en pente continue de 0,05, il arrive à l’égout public, après avoir traversé un deuxième regard, puis u n dernier siphon muni d’un autoclave de visite qui sépare entièrement l’habitation de l’égout.
- Les mêmes dispositions existent en principe dans la maison insalubre, mais mal appliquées. Le siphon de cour est une simple bonde siphoïde (2) dont le rôle est illusoire à cause de la trop faible quantité d’eau qui y séjourne; un autre siphon placé près de l’évier de cuisine (6) est un simple coupe-air où s’accumulent les immondices; l’un des raccords sur la canalisation se fait à angle droit, de même que celui du collecteur avec l’égout; la canalisation présente des coudes, des joints mal faits, etc.
- Nous n’insisterons pas davantage sur cette étude*
- 1 Invisible sur les figures.
- 2 Les numéros des figures non reproduits dans les légendes correspondent à des détails dont nous ne parlons pas ici, pour
- et nous passerons sans transition à Paris, où nous mettrons sous les yeux du lecteur les types des maisons actuelles, soit : 1° la maison desservie par une fosse fixe; 2° la maison desservie par l’appareil diviseur; 3° la maison assainie suivant les prescriptions étudiées par la commission d’assainissement (Yoy. fig. 6, 7, 8). Il suffira de résumer très brièvement les dispositions caractéristiques, les inconvénients et les avantages de chacun d’eux.
- 1° Maison à fosse fixe (fig. 6). — L’eau doit forcément être à peu près exclue des cabinets, dont les cuvettes s’ouvrent directement sur le tuyau de chute; les eaux ménagères sont versées dans des plombs, d’où elles se rendent dans une gargouille, recevant déjà les eaux pluviales, qui vient déboucher dans le ruisseau en passant sous le trottoir. La fosse
- est munie d’un tuyau d’évent qui débouche au-dessus du toit. C’est le système barbare, condamné par tous les hygiénistes, et dont les inconvénients ne sont que trop connus.
- 2° Maison desservie par l'appai'eil diviseur (fig. 7). — Eau fournie par la Ville et distribuée à tous les étages au-dessus des éviers.
- Ecoulement des eaux ménagères par une conduite spéciale. Cabinets d’aisances munis d’appareils Havard à soupapes, avec ou sans effets d’eau provenant de réservoirs remplis à la main. Le tuyau de chute vient aboutir à la tinette-filtre qui retient les matières solides; les liquides descendent par un raccord en caoutchouc dans la canalisation en fonte, qui reçoit les eaux ménagères et pluviales et s’ouvre dans le branchement particulier par un appareil siphoïde, dit gueule de cochon. Il y a aujourd’hui environ 30 000 appareils de ce genre en usage à Paris ; mais le système est, comme le précédent, condamné d’un commun accord par les hygiénistes, qui n’y voient
- abréger, tels que la ventilation des appariements, l’assèchement du sous-sol, les dispositions hygiéniques à adopter pour l’éclairage, pour la peinture et la décoration des murs, le chauffage, etc.
- Fig. 8. — Maison pourvue de l’écoulement direct à l’égout. — A. Égout public séparé par un mur du branchement particu-
- lier À’.— B. Cuisines avec éviers à décharge siphonnée, se vidant dans la conduite spéciale d par les cuvettes c. — C. Cabinets d’aisances avec cuvettes siphonnées q et effets d’eau à tirage o, provenant de réservoirs de chasse alimentés par une conduite montante d’eau de rivière. Les siphons sont ventilés par le tube en plomb p, et les cuvettes sont posées sur terrasson asséché par le conduit t, débouchant à l’extérieur. — a. Tuyau de chute en plomb, placé extérieurement, de 0”,U de diamètre, et ouvert au-dessus du toit. — h. Siphons intercepteurs entre les descentes ou chutes et la canalisation. — D. Lavabos avec décharge siphonnée n, se vidant dans les cuvettes c de la descente b. — b' Desceute spéciale d’eaux pluviales. — e. Canalisation en poterie vernissée , de 0“,15 de diamètre, recevant les eaux des siphons de cour f, g, et les produits des tuyaux de descente d et de chute a. — k. Regards de visite munis de prises d’air en parement. — j. Siphon intercepteur entre l’habitation et l’égout.
- p.413 - vue 417/432
-
-
-
- LA NATURE.
- que le « Tout à l’égout » déguisé et mal appliqué, j
- 3° Maison assainie par Vécoulement direct à j l'égout (fig. 8). — C’est l’application à Paris des j principes mis en œuvre dans le modèle de maison salubre de l’Exposition de Londres, avec les modifications résultant de la présence du branchement, qui doit être fermé par un mur au droit de l’égout, et ouvert, au contraire, à l’aplomb du mur de face de la maison, de manière à constituer un espace utilisable par le propriétaire. On voit aussi que la ! maison est pourvue de deux distributions d’eau, l’une d’eau de l’Ourcq ou de Seine pour les usages domestiques, l’autre d’eau de source (Vanne ou Ühuys) pour la boisson. Les dispositions dont il s’agit ne seront légales qu’après la promulgation de l’arrêté préfectoral mentionné plus haut, qui a été élaboré par la commission spéciale d’assainissement.
- Cette étude rapide nous permet de conclure que l’application des principes du drainage anglais à nos maisons de Paris, est non seulement possible, mais indispensable, et que, bien exécutée, elle ne peut que relever l’état hygiénique de notre capitale, que tant de causes diverses et surtout l’accumulation de la population tendent à rendre peu satisfaisant.
- A. G. Bazaine,
- Ingénieur, ancien élève de l’École polytechnique-
- LÀ QUESTION DES GERMES
- AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE
- Voici une curieuse expérience qui intéresse non seulement les pêcheurs, mais encore ceux qui s’occupent de l’histoire des théories scientificfües. Elle est extraite d’un ouvrage publié en 1648 à Paris par Henry de Rochas, sieur d’Àyglun, conseiller et médecin du Roi, sous le titre : La physique réformée, contenant la réfutation des erreurs populaires et le triomphe des vertus philosophiques, la généalogie des éléments et des principes, Vorigine et les opérations de la nature en la génération des animaux, végétaux et minéraux.
- « Quelqu’un me lit part d’un secret pour faire une certaine paste, de laquelle il faut graisser les bras et les jambes, pour se mettre dans l’eau en laquelle il y ait quantité de poissons qui suivent la personne par l’opération de cette paste et s’y frottent si fort que l’on en peut prendre autant que l’on veut. Et parce que dans celte composition, il entrait les pieds d’un héron, je voulus sçavoir la cause de cet effet qui me semblait occulte et merveilleux, comme il arrive à plusieurs qui admirent tout ce qu’ils ignorent; mais ce qui est occulte à l’un est manifeste à l’autre. Me voulant donc rendre cette con-noissance familière, j’examinay si curieusement la nature du héron, qu’enfîn je trouvay qu’aussitost qu’il met ses pieds dans l’eau où il y a du poisson, ces petits animaux ne manquent jamais de s’y venir frotter, suivre et caresser ainsi passionnément leur destructeur : car le héron n’a point d’autre aliment ordinaire. Pour m’instruire davantage, j’eus moyen d’avoir un héron tout en vie, lequel je plongeais moy-mesine dans l’eau où je prenois le plaisir d’esprouver la vérité de ce que je viens de dire. Enfin mon oyseau estant mort, sans m’avoir fait eonnoître durant sa vie le secret plus interne de cette opération, je le
- ! trouvay inopinément après sa mort. Il fut jetté en un ; coing du fossé, auquel il y avait l’eau d’une source voi-| sine ; et l’on fut bien étonné que dans quelque temps après on y apperceut quantité de poissons. Chacun en estoit émerveillé, ne pouvant sçavoir d’où il estoit venu; par où je commencay à croire que la charogne de cet oiseau l’avait produit. Je m’en voulus éclaircir et asseurer davantage, faisant en sorte d'en avoir un jeune en vie et un vieux mort, lequel je jettay pour le faire pourrir en un autre endroit, où il y avait de l’eau, mais sans aucun | poisson, il en produisit la même quantité que le précé = dent. Je fis nourrir le petit avec du pain, de la viande ou autre sorte d’aliments et point de poisson ; lequel estant mort et jetté dans l’eau toute pure ne fit voir aucun effet en sa putréfaction comme avoyent fait tous les autres. C’est que celui-cy avoit éténourry avec des choses mortes et les autres dévoraient continuellement les petits poissons tout en vie.... »
- CÀRB0N1SÀTI0N DU BOIS
- PAR LA CHALEUR
- Hans une conférence récente faite à Louisville et publiée en partie par le Scientific American, le docteur Tanner a examiné le danger que présentent les tuyaux de vapeur ou d’air chaud qui servent au chauffage des habitations, s’ils ne sont pas convenablement installés.
- Le docteur Tanner a cité l’opinion émise en 1846 par M. James Braidwood, qui fut longtemps chef de la Fire Brigade de Londres. M. Braidwood disait qu’une température de 100°, agissant pendant longtemps sur le bois, peut le transformer assez profondément pour qu’il prenne feu spontanément. Il faut pour cela huit à dix ans. Entre autres exemples, M. Braidwood mentionnait le cas d’un incendie causé, à la Banque d’Angleterre, par réchauffement de solives en bois placées sous un poêle, avec interposition d’une plaque en fonte de 25 millimètres d’épaisseur et d’une couche de béton de plus de 6 centimètres. Ije docteur Tanner a cherché à se rendre compte de ces faits.
- La carbonisation plus ou moins profonde des pièces de charpente voisines d’un tuyau de chauffage a été souvent constatée. Dans certains cas, la carbonisation du bois dans les arts s’effectue à une température de 150°. Le docteur Tanner, en chauffant des morceaux de sapin pendant quelques heures, dans son laboratoire, à 150°, a observé une carbonisation partielle. D’après cela, on peut admettre qu’une chaleur de 100°, longtemps prolongée, peut produire le même résultat.
- Cela admis, la combustion spontanée du charbon se produit à une température d’autant plus basse, que la carbonisation elle-même a une température plus basse.
- Il faut maintenant faire observer que, dans les cas où l’on se sert de vapeur à haute pression pour le chauffage, la température des tuyaux de conduite peut atteindre et même dépasser 150°.
- Le docteur Tanner admet que la surface carbonisée du bois absorbe l’humidité de l’air. Par suite des variations de température, cette humidité s’évapore et laisse la couche charbonneuse dans un état de division favorable à l’absorption rapide de l’oxygène de l’air, quand des appels d’air frais se produisent. Ce charbon poreux, imprégné d’oxygène, doit prendre feu à une température relativement basse.
- Le docteur Tanner voit une autre cause d’incendie
- p.414 - vue 418/432
-
-
-
- LA NATURE.
- 415
- dans la formation de la rouille des tuyaux. Cette rouille, qui est de l’oxyde de fer, se réduit en présence du bois carbonisé et donne naissance à du fer pulvérulent qui arrive facilement à l’incandescence en présence du courant d’air *.
- NÉCROLOGIE
- Auguste Marc. — C’est avec le plus vif regret que nous enregistrons ici la mort de M. Auguste Marc, directeur de VIllustration, décédé la semaine dernière dans sa propriété de Suresnes. M. Marc a succombé à une maladie de cœur dont il souffrait depuis longtemps. Né à Metz en 1818, M. Marc manifesta de bonne heure un goût prononcé pour la peinture et fut élève de Paul Delaroche. Après avoir exposé régulièrement pendant une dizaine d’années, il devint peu à peu le principal collaborateur artistique de Y Illustration, dont la direction lui fut confiée après la mort du fondateur, M. Paulin. Le fils du défunt, M. Lucien Marc, succède à son père dans la direction de l'Illustration qui, depuis sa fondation, a tant contribué aux progrès de la gravure sur bois. C’est avec raison que VIllustration avait pris pour devise les vers d’Horace que nous traduisons ici : « Les choses qui arrivent à l’esprit par l’oreille sont moins faciles à retenir que celles qui lui viennent par les yeux. » Nous nous associons de grand cœur aux regrets que M. Auguste Marc, qui fut un homme actif, aimable et laborieux, a laissés chez tous ceux qui l’ont connu.
- CHRONIQUE
- La science au Japon. — Les Européens qui croient que les progrès récents de la civilisation au Japon se bornent à une imitation purement superficielle de nos mœurs occidentales peuvent se désabuser en examinant les comptes rendus des sociétés scientifiques de ce pays. La ville de Tokio est devenue entre autres une des principales stations pour l’étude des mouvements sismiques. Tous les phénomènes de ce genre qui se produisent au Japon sont observés et enregistrés d’une façon régulière avec des instruments perfectionnés placés les uns dans la plaine, d’autres sur les montagnes ou les collines, d’autres enfin dans les galeries de mines. En ce qui concerne l’utilisation des mines de houille pour les recherches scientifiques, le Science-Gossip reconnaît que les Japonais laissent les Anglais fort loin derrière eux. Les travaux relatifs à la physique de notre globe qui s’exécutent au Japon au-dessous de la surface du sol sont tout à fait remarquables et du plus haut intérêt. Quant à la chimie, il est rare qu’un numéro du Journal of the Chemical Society ne contienne une ou plusieurs communications intéressantes envoyées du Japon. Pour ne citer qu’un exemple, le numéro d’octobre renferme un article consciencieux sur la composition de l’huile de camphre, par M. Kikorokuro Yoshida, chimiste du Bureau géologique impérial et membre de la Société de chimie de Tokio.
- La production minérale et sidérurgique du monde. — D’après la dernière statistique la plus complète qui ait été publiée, la production de houille du monde entier est de 381 millions de tonnes, et celle de fonte, fer et acier, atteint 36 millions de tonnes. Pour la
- 1 D'après le Mémorial industriel.
- production totale, le premier rang appartient à l’Angleterre, le deuxième aux Etats-Unis, le troisième à l’Allemagne et le quatrième à la France. La valeur de cette production surpasse 7 milliards de francs par an. L’or et l’argent y figurent pour une moyenne de 1 milliard 100 millions. C’est une valeur notablement supérieure à celle du cuivre, du plomb, du zinc et des autres métaux réunis, la fonte étant mise à part. Cette dernière comporte à elle seule une valeur bien supérieure. Les combustibles minéraux valent plus de 2 milliards 700 millions de francs.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 24 mai 1886. — Présidence de M. l’amiral Jdrien de la Gravière.
- Elections. — Le décès de M. de Saint-Venant ayant laissé vacante une place dans la section de mécanique, la liste de présentation portait : en lro ligne, M. Léauté; en 2a ligne, M. Sarrau; en 3e ligne, M. le colonel Sebert; et en 4° ligne, M. Hugoniot. Les votants étant au nombre de 59, SI. Sarrau est nommé par 30 suffrages, M. Leauté en réunit 26. Il y a deux bulletins au nom de M. Sebert et un bulletin blanc.
- On a pi’océdé aussi au remplacement de M. Plateau, comme correspondant de la section de mécanique. C’est M. Terquem (de Lille), qui a été élu par 50 suffrages contre 3 donnés à SI. Crova, 2 à SI. Alluard et 1 à SI. Ainagat.
- Les canaux de Mars. — Disposant du grand équatorial qui vient d’être monté à l’observatoire de Nice, SI. Per-rotin a pu observer les canaux de Mars. Il s’agit d’un détail de la physique aréographique qui n’avait été jusqu'ici aperçu que par M. Schiapparelli : des sillons de 25 kilomètres de large, à bords absolument parallèles jetés sur les continents, e*tre les mers, dans des conditions à peu près quelconques. Rien d’analogue n’existe ni sur la terre, ni sur la lune, ni sur aucune des planètes étudiées; et par conséquent on ne saurait faire aucune hypothèse plausible sur la signification de ces accidents. MM. Trépied et Thollon ont contrôlé les observations de M. Perrotin.
- Le cyclone de Madrid. — Tous nos lecteurs savent que Madrid a été ravagé, dans la nuit du 12 mai, par un tornado tout à fait analogue à ceux qui visitent si fréquemment les Etats-Unis. Un savant géologue français, établi en Espagne, M. Noguès, a réuni tous les documents relatifs à ce terrible phénomène, dans une note que M. Faye dépose sur le bureau de l’Académie. M. Noguès a d’autre part adressé à La Nature un article très complet, qui sera inséré dans le prochain numéro.
- Théorie mécanique du vol. — Un Français, professeur dans un lycée russe dans le cœur de l’Asie centrale, adresse à M. Marey le récit d’expériences qu’il a faites pour trouver comment se produit la résistance de l’air quand l’aile le frappe. Ses résultats, sommairement exposés par le célèbre professeur du collège de France, présentent, parait-il, un sérieux intérêt.
- L'Encyclopédie chimique. — Trois nouveaux volumes viennent encore enrichir la monumentale encyclopédie à laquelle M. Frémy a attaché son nom. L’un, qui traite des éthers, n’a pas moins de 877 pages; il a pour auteur M. Leidié, pharmacien en chef de l’hôpital Necker, maître de conférences a l’École de pharmacie. Un autre volume
- p.415 - vue 419/432
-
-
-
- 416
- LA NATURE
- dû à M. Edme Bourgoin, professeur à l’École supérieure de pharmacie, professeur agrégé à la Faculté de médecine, a pour sujet les alcalis organiques artificiels de la série grasse. Enfin, dans le troisième volume mis en vente aujourd’hui par la librairie Dunod, M. Boutan, ingénieur au corps des mines, traite du Diamant. Ce dernier, illustré de 147 gravures sur bois, renferme en outre 17 très belles planches en héliogravures. Le diamant y est successivement étudié à tous les points de vue : propriétés naturelles, gisements, origine, reproduction artificielle, taille, usage et commerce. Les diamants célèbres sont soigneusement décrits. L’ouvrage se termine par une bibliographie très complète.
- Varia. — M. le colonel Perrier dépose, de la part du Ministre de la guerre, une série intéressante de cartes
- géographiques. — D’après M. Galippe, un champignon se développe parfois dans la salive humaine : c’est le Monilia sputicola. — Un nouveau procédé d’inflammation électrique des mines est décrit par M. Cailletet, de la part d’un auteur dont le nom n’arrive pas jusqu’à nous. — Une illusion visuelle est décrite par M. Charpentier.
- Stanislas Meunier.
- —*<>«—
- TROMBE DANS LA RADE DE TOULON
- Le 4 mai, par un ciel couvert d’épais nuages noirs et un peu pluvieux, ce phénomène a apparu dans le goulet de Toulon, vers 10 heures du matin, après avoir marché au large du sud-est au nord-ouest. Il
- Trombe observée dane la rade de Toulon, le 4 mai 188(5. (D’après un croquis de M. d’Agnel.)-
- est rare qu’on puisse l’examiner d’aussi près et la population s’est rapidement portée vers le rivage pour le contempler. Poussée par le vent de sud-est, la trombe s’est avancée assez lentement vers l’entrée de la rade. Réunie à un nimbus à l'aspect menaçant par un large entonnoir, la colonne élégamment courbée en S qui la formait descendait en s’amincissant progressivement. Le diamètre augmentait ensuite rapidement jusqu’à la mer qui bouillonnait en se couvrant d’une écume blanche. C’est la partie que les météorologistes désignent sous le nom de buisson. Dès que la base de la trombe rencontra la grande jetée de défense qui se dirige de la Grosse Tour vers Saint-Mandrier, elle commença à se dissiper. A l’endroit le plus mince de la colonne, elle se rompit. Sa partie
- inférieure s’affaissa et la supérieure disparut comme attirée par le nuage. Plusieurs spectateurs remarquèrent dans cette dernière un mouvement en spirale dirigé de bas en haut et tournant de gauche à droite. Le temps resta couA’ert toute la journée et ce n’est que le lendemain qu’un coup de mistral balaya le ciel et lui rendit sa sérénité habituelle. 11 résulte de l’estimation qui en a été faite, que le sommet de la trombe devait se trouver à 700 ou 800 mètres au-dessus du niveau de la mer.
- F. Zurcher.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier. Imprimerie A. Laliure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- p.416 - vue 420/432
-
-
-
- LA NATURE
- quatorzième
- PREMIER
- ANNÉE
- SEMESTRE
- 18 8 6
- INDEX ALPHABÉTIQUE
- A
- Abat-jour à rotation sphérique (Porte-), 192.
- A'’' lémic des sciences (Comptes rendus ^s séances hebdomadaires), 15, 50, i, 62, 78, 95, 110, 127, 142, 159, ' - 75, 191, 207, 225, 255, 271, 287,
- 303, 319, 335, 551, 566, 583, 598, 415.
- Acide oxalique des plantes, 367.
- Açores (Visite aux), 374.
- Aérostat dirigeable de Chalais-Meudon,
- 86.
- Affiches illustrées (Les), 564.
- Aimantation des montres par les dynamos, 319.
- Air au point de vue de la navigation aérienne (Sur la résistance de P), 162.
- Algue gigantesque (Une), 225.
- Alliage ayant l’aspect de l’or, 78.
- Allumoir électrique, 387.
- Allumoirs électriques au dix-huitième siècle, 70.
- Amérique (Lettres d’), 7, 44, 82, 150, 218, 198, 247, 295, 355.
- Andalousie (Or de I’), 335.
- Animaux perfectibles (Les), 335.
- Annélides (Les), 79.
- Annonces en Angleterre et aux États-Unis (Les), 222.
- Arago (Le centenaire d’), 158, 209.
- Araignée phénoménale (Une), 50.
- *
- Arbre fossile de Méons (L’), 280.
- Arbres et la foudre (Les), 183. Archéologie préhistorique, 51.
- Arènes nautiques (Les), 262. Arithmétique en boules (L’), 54, 66, 166, 218.
- Aro'idées ornementales, 35.
- Art militaire de l’industrie en Allemagne (L’), 350.
- Ascenseurs (Les premiers), 250, 255. Aseptol (L’), 406.
- Astronomie égyptienne, 159.
- Avertisseur pour passage à niveau de MM. Coüard et Paget, 343.
- Azote d’un sol en prairie (Enrichissement en), 47.
- B
- Baleine (Pêche à la), 118.
- Ballon perdu en mer (Fausse nouvelle d’un), 174.
- Bambou (Huile de), 255. Banyuls-sur-Mer (Station zoologique de), 97.
- Baromètre enregistreur, 37.
- Bascule à tirelire de M. Everilt, 21. Bateau (Double), 256.
- Bateau sous-marin, système Goubet, 553. Bateau sous-marin, système Nordenfielt, 273.
- Bernard (La statue de Claude), 161.
- Bert (Le départ de M. Paul), 175.
- Bêtes fauves en Algérie, 207.
- Betterave à sucre (Culture delà), 95. Beurre rance, 585.
- Bilobites (Les), 599.
- Blanchiment des matières grasses de toutes sortes (Procédé de), 258.
- Blé (Culture rationnelle du), 110.
- Blés indiens (Les), 175.
- Bois par la chaleur (Carbonisation du), 114. Bois (Transformation du), 255.
- Bolide (Un), 111, 115.
- Borne automatique, 112.
- Bouchardat, 318.
- Bouley (H.-M.), 15, 17. Bouton-téléphone, 145.
- Boyer (Léon), 566.
- Brûlées vives, 127.
- G
- Caisse-laboratoire, 292.
- Calamodendrons (Racines des), 145, 255. Canal de Panama, 287.
- Canon à dynamite, 231.
- Canon sous-marin d’Ericsson, 257. Canots-pliants de Bcrlhon. 96. Carrelages bichromcs, 305.
- Carrés magiques, 63.
- Cartouches (Fabrication mécanique des), 5.
- Catastrophe de Monte-Carlo (La), 526. Causeries scientifiques, 95.
- Centenaire d’Auberives (La), 11. Cerveau de Gambetta (Le), 598.
- 27
- p.417 - vue 421/432
-
-
-
- 418
- Cerveau (L’intelligence et le volume du), 45.
- Chambre noire à système composteur, 294.
- Chanceladc près de Périgueux (La catastrophe de), 75, 271.
- Charbon en Chine (Le), 286.
- Chemin de fer aérien de New-York (Traction électrique sur le), 49.
- Chemin de fer (La sécurité en), 179. Chemins de fer à crémaillère, 227. Chemins de fer de l’Inde, 318.
- Chevreul (Le centenaire de), 398.
- Chien (Un maître), 255.
- Chinois (Numération écrite chez les), 123. Ciments de la Porte de France (Les), 71. Cirque (Le nouveau), 262.
- Cliiti^mètre (Le), 203.
- Clodion (Un groupe inédit de), 184.
- Club alpin français en Algérie (Le), 350. Comètes attendues en 1886, 134, 350. Concours d'appareils insecticides, 110. Congo français (Le), 177.
- Constellations (Remaniement des), 207. J Corporations d’arts et métiers (Les anciennes), 144.
- Corset magnétique (Un), 598.
- Couleurs (Distribution dans le règne animal), 278.
- Couleurs (Le contraste des), 266.
- Courant électrique produit par la machine rhéostatique (Les effets du), 149.
- Courants de l’Atlantique (Etude des), 15. Crapaud roulant (Le), 275.
- Cuivre (Age du), 191.
- Cycadées (Floraison de quelques), 240. Cycadées houillères, 176.
- Cycloïdotrope (Le), 125.
- Cyclone de Madrid (Le), 414.
- Cyclone où s’est perdu le Renard (Le), 239.
- Cyclones (Les), 79.
- Cymodoceites parisiensis, 142.
- D
- Dechambre (Le Dr), 110.
- Densité des corps poreux, 402. Dérochements sous-marins, par la cloche plongeante de M. Hersent, 345.
- Dessins par transmission de signaux (Reproduction de), 239.
- Diabète (Traitement du), 31.
- Diamant monstre (Un), 270.
- Diamantifères du Cap (Sables), 250. Dinocératidés du Wyoming (Les), 65.
- Doigt magique (Le), 250.
- E
- Éclairage électrique à distance, à Québec, C.
- Éclairage électrique de l’Eldorado, 163. Éclairage électrique domestique, 237. Éclipse historique de Colomb, 238. Électricité domestique, 388.
- Électricité pratique, 111.
- Électricité de la ville de Tours (Usine centrale d’), 215.
- Éléphants savants (Les), 167.
- Encarteusc électrique, 53.
- Encyclopédie Frcmy, 79.
- INDEX ALPHABÉTIQUE.
- Enregistreur solaire, 224.
- Épilation par l’électricité, 15.
- Équatorial d’amateur, 61.
- Étiage des ponts à Paris, 206.
- Ether des physiciens, 159.
- Étoile nouvelle d'Orion (L'), 158.
- Étoiles filantes du 27 novembre 1885 (La pluie d’), 2, 25, 30.
- Eucalyptus fluide pour le nettoyage des chaudières, 287.
- Eucalyptus géants de l’Australie (Les), 119.
- Exposition de l’outillage des travaux publics, 102.
- Expositions llottantes allemandes (Les), 322.
- F
- Feuilles mortes (Chute de), 385.
- Fils micrométriques des lunettes astronomiques, 115.
- Filtre Maignen (Le), 244.
- Filtre Mallié (Aéri-), 11.
- F’inlande (Expédition Lemslrom en), 3Ï • Flammants (Les), 134.
- Flore du Tonkin, 256.
- Fluor (Recherches sur le), 287.
- Fonçage des puits de mine par la méthode de congélation, 204.
- Forêts de la France (Les), 255.
- Fossile de Méons (Arbre), 280.
- Fougères fossiles, 95.
- Frcebel (La méthode), 47.
- Froid (Le), 155.
- Fumées par l’électricité statique (Condensation des), 241.
- Fusils à répétition (Les), 195, 254, 283.
- G
- Galvanomètre de l’Université de Cornell (Le grand), 117.
- Gare de Rordeaux (Nouvelle), 506.
- Gaz naturel aux États-Unis (Le), 171,395. Gaz (Théorie de la constitution des), 118. Germes au dix-seplicme siècle (La question des), 414.
- Golfe de Ilammamet, 383.
- Gravure au jet de sable, 15 ).
- Grenadiers cultivés en Grèce (Variété de), 186.
- Grotte de Nabrigas, 559.
- Guérin (Jules), 158.
- Gulf-Stream (Les recherches sur le), 574.
- Guyane française (Géologie de la), 345.
- H
- Halo extraordinaire du 5 mai 1886, 579, 383.
- Héliogravure, 390.
- Hctzel (P.-J.), 270.
- Hirn (Travaux de M.), 118.
- Hirondelle blanche, 15.
- Homme (Antiquité de F), 287.
- Hommes incombustibles (Les), 103. Hopéine (L’), 6.
- Houillère en Angleterre (Production), 143.
- Hygiène urbaine (Exposition d’), 380. Uypnonc (!,’), 6.
- I
- Iguanes (Les), 253.
- Incendie (Suites d’un), 206. Incombustibles (Les hommes), 41. Insectes et des plantes (Rapports des), 225 Jamin (J.), 191, 195.
- J
- Jupon (La science au), 415,
- Jouets (Deux nouveaux), 79.
- Jouets scientifiques, 288.
- Julia (Ile), 385.
- K
- Kobelkolfou l’homme-tronc, 113. Kola (La péninsule de), 78.
- L
- Laboratoire Arago, 97.
- Laboratoire municipal de Porto (Le), 22 Laboulayc (Ch. de), 318.
- Lactomètre (Un), 250.
- Laine de bois (La), 375.
- La Landelle, 158.
- Lallemand, 518.
- Lampe à arc de MM. Street et Maquuire, 323.
- Lampe à incandescence (Nouvelle), 64. Lampe sans flammes, 301.
- Lampe utilisant la chaleur perdue, 157. Langage (L’origine du), 242.
- Laveur automatique, 235.
- Leblanc (Félix), 254.
- Leblanc (Statue de), 142.
- Livres nouveaux (Les), 27.
- Locomotive à crémaillère de M. Abt, 227. Locomotive à soude système llonning-mann, 33.
- Locomotive colossale, 207.
- Locomotives (Utilisation du combustible dans les), 366.
- Lucernairc (La), 126.
- Lucigène (Le), 70.
- Lumière dans les profondeurs de Ja mer (Pénétration de la), 566.
- Lumière électrique dans le canal de Suez (La), 351.
- M
- Machine à vapeur centenaire, 302. Magnétisme de rotation (Origine du), 286.
- Maisons « salubre et insalubre », 410. Malle de l’Inde et de l’Australie (La,, 310.
- Manèges à plans inclinés (Les), 321.
- Marc (Auguste), 414.
- Marine des anciens (La), 78.
- Marine (Histoire de la), 127.
- Marmite antiseptique de M. Schribaux (La), 556.
- Mars (Les habitants de), 58.
- p.418 - vue 422/432
-
-
-
- INDEX ALPHABÉTIQUE.
- 419
- Mars (Les canaux dé), 415. j
- Masques chez les peuplades sauvages , (Les), 259.
- Médicaments nouveaux, 6. !
- Mégaloscope électrique et pile du doc- ( teur Boisseau du Rocher, 139.
- Melsens (Frédéric), 351.
- Menthol et les cravons antimigraine (Le), 95.
- Mercure en Serbie (Le), 131.
- Mers (Égalité du niveau des), 358. Mesmer, 250.
- Mesure des étoffes (Procédé de), 350. Méthémoglobine, 271.
- Météorites (La vie apportée sur la terre par les), 15.
- Météorites (Rotation des), 351. Météorologiques des États-Unis (Télégrammes), 3.
- Métier des tisserands en Transcaucasie, 39.
- Métropolitain de Paris (Le chemin de fer), 367.
- Métropolitain (Le véritable), 110. Microphotographie (Appareil de), 132. Minérale du monde (La production),(415. Mines à travers les âges (Exploitation des), 315, 346.
- Monolithe monstre (Un), 126.
- Monte-Carlo (La catastrophe de), 326. Montre sans aiguille (La), 320.
- Montres et les machines dvnamo-élec-triques (Les), 111.
- Morren (Édouard), 351.
- Mort apparente, 272.
- Morts résultant d’explosions de mines, 142.
- Moteur à gaz vertical, 189.
- Moteurs à air comprimé et l'éclairage électrique (Les), 337.
- Moules (Empoisonnement par les), 191.
- N
- Navire de guerre (Nouveau), 158. Nicaragua (Temps préhistoriques au), 18, 190.
- Nickel pour laboratoire (Ustensiles en), 95.
- Noctuelle gigantesque (Une), 360. Numération écrite citez les Chinois, 123, Nyctéribie (La), 74.
- 0
- Oasis tunisiennes (Les), 267.
- Observatoire de Rio-de-Janeiro, 207. Observatoire Lick en Californie, 129. Observatoire météorologique de Limoges, 233.
- Œuf de Christophe Colomb (L’), 288.
- Or alchimique (L’), 339.
- Or (Dissémination naturelle de P), 238. Orchidée rare (Une), 148.
- Os (Utilisation des), 334.
- Oscillations du sol, 78.
- Osmose (Application de F), 30.
- Ouragan du golfe d’Aden (L’), 532.
- P
- Palat (Marcel), 318.
- Paléontologie végétale, 46.
- Pantin électrique (Nouveau), 51.
- Papier et les industries qui s’y rattachent (Le), 191.
- Papiu (Statue de Denis), 142.
- Paradisiers de la Nouvelle-Guinée (Lesi, 312.
- Parfums artificiels des confiseurs, 194. Parmentier (Le centenaire de), 385.
- Parure (L’origine et l'évolution de la), 14. Pasteur et le traitement de la rage M5, 401.
- Pasteur (Institut), 239, 255, 582.
- Pêchers (Maladie des), 335.
- Peguère près Cauterets (La combe de),
- 220.
- Peinture à 1844 francs le centimètre carré, 64.
- Peuplier de Saint-Julien, | rès de Troycs (Le Grand), 32.
- Peur (La), 599.
- Photographie astronomique à l'Observatoire de Paris (La), 23, 186, 582. Photographie instantanée (La), 40. Photographie pratique, 235.
- Photographie solaire, 111.
- Photographie stellaire, 127. Photographique à mise au point automatique (Appareil), 173. Photographiques (Fabrication des plaques sèches), 99.
- Photographiques (Nouveaux appareils:, 292.
- Phylloxéra (Appareil digestif du), 143. Physique amusante (Deux expériences de), 302.
- Pigeons voyageurs en montagne (Les), 569.
- Pin (Rouille du), 535.
- Pipette destinée à prendre la densité des liquides, 587.
- Plantations sur les routes, 302.
- Plaques sèches photographiques (Fabrication des), 99.
- Poissons (Age des), 515.
- Poissons (Résistance vitale des), 11. Polaires internationales (Les expéditions), 305.
- Pompe à incendie au dix-septième siècle, 208.
- Pompe (Le siphon), 309.
- Pompe pour refoulement à grande hauteur, 565.
- Pont-Neuf à Paiis (I/affaissement du), 67. Postales en Angleterre’ (Curiosités), 138. Postes téléphoniques embrochés, 299. Poterie paléolithique, 359.
- Poussières charbonneuses (Explosions de), 203.
- Préhistoriques dans la Névada et dans le Nicaragua (Les temps), 18, 190.
- Puits artésien de Peslh, 50.
- Puits de mine par congélation (Fonçage des), 204.
- Puits le plus profond du monde, 583. Pustule maligne (Transmission de la), 111.
- Q
- Quatorzième année (Notre), 1.
- R
- Rage à Paris, 598.
- Rage (Traitement prophylactique de M. Pasteur), 211, 223.
- Rage du loup (La), 319.
- Rameur (Un nouveau banc de), 352. Récréations scientifiques, 51, 63. Réveille-matin électrique, 388.
- Rhône à Genève (Utilisation des forces du), 389.
- Rivière en feu (Une), 206.
- Robinets de compteurs à gaz (Manœuvre à distance des), 122.
- Roches (Analyse immédiate des), 239. Rosclènc (Le), 394.
- Roue sans essieu (La), 275.
- S
- Saint-Venant (De), 110.
- Saussure (Monument à), 127. Scarabée-éléphant (Le), 55. Scélidolherium (Le), 47.
- Scientia (Conférence), 15, 142, 28.1. Sépulture préhistorique (Une), 70. Sépultures mérovingiennes, 2.
- Sigillaires à tige lisse (Nature phanérogame des), 31.
- Signalcur optique de poche, 277. Signaux de chemins de fer (Le code des), 58.
- Simœdosaure (Le), 224.
- Siphon-pompe (Le), 309.
- Sitting Bull (La robe de), 46.
- Sol d’atelier économique, 126.
- Soleil (Puissance magnétique du), 534. Son (Vitesse du), 111.
- Sonde chimique (Une), 95.
- Sonde magnétique (Une), 94. Spectroscopie, 127.
- Sphéromètre llervier, 270.
- Stanley et son ouvrage sur le Congo, 106.
- Statues en bronze (Nettoyage des), 158. Stephenson et la vache, 270.
- Sucre de betteraves (Le), 403.
- T
- Taches solaires (Constitution des), 235. Téléphone Colson (Le), 81.
- Téléphone en Amérique (Le développement du), 554.
- Téléphonie domestique, 145.
- Terre (Un trou à la), 525.
- Terre. (Sur la figure delà), 271, 279. Terres arables aux États-Unis, 239. Terrestre (Constitution de l’écorce), 302. Thé en Angleterre (Consommation du), 154.
- Thermomètre électrique avertisseur, 371. Timbre et la couleur (Le), 91.
- Tomates (Empoisonnement par les conserves de), 238.
- Tonkin (Entomologie du), 505.
- Tonkin (Flore du), 175, 335.
- Tonkin (Géologie du), 335.
- Torpille Brennan, 383.
- Torpilles (Explosion de), 165.
- Torpilleur sous-marin, 174.
- Torpilleurs anglais, 186.
- Torpilleurs chinois, 387.
- Traille de Souk-cl-Arba en Tunisie, 599. Trains en marche (Communications permanentes des), 289.
- p.419 - vue 423/432
-
-
-
- 420
- INDEX ALPHABÉTIQUE.
- Transformation des forces physiques (Expérience sur la), 384.
- Transport électrique de la force, 47. Tremblement de terre du Nicaragua (Le), 51.
- Tremblement de terre en Algérie, 46. Tremblement de terre experimental.
- 159.
- Tremblements de terre, 15, 46, 51,335. Tremblements de terre en Espagne, 286. Tricycles en Angleterre (Les bicycles cl les), 26.
- Trombes, 207, 223, 416.
- Tronc (L'homme-'), 113.
- Tuberculose (Guérison expérimentale de la), 206.
- Tulasne, 78.
- Tunnels sous la Mcrsey et sous la Sc-vern (Les), 154.
- U
- Urine (Toxicité de 1’), 271, 287.
- y
- Vaccine (Une caricature sur la découverte de la), 159.
- Vanda Lowii, 148.
- Vaseline dans l’alimentation (La), 147. Vélocipède à pédale perfectionnée (Notr-veau), 272.
- Ventilation par l’électricité (La), 398. Ventriloques (Les), 406.
- Veritas (Le bureau), 86.
- Verre (Un préjugé sur la porosité du), 363, 395.
- Verres destinés à la haute optique (Fabrication des), 282.
- Vers de terre (L’instinct chez les), 222. Vers du nez (Les), 283.
- Verticale (Variation de la), 399. Vêtements incombustibles, 175.
- Vins (Coloration des), 362.
- Vins français en Angleterre, 62.
- Voiture à vapeur de M. Bollée, 141. Voiture à vapeur de M. Ch. Palmers (La 19.
- Vol (Théorie mécanique du), 415.
- Vues d’optique (Les), 176.
- Y
- Yachting en France (Le), 64.
- p.420 - vue 424/432
-
-
-
- LISTE DES AUTEURS
- PAR ORDRE ALPHARÉTIQUE
- .4i.iif-.iiT, prince île Monaco. — Les recherches sur le Gulf-Stream. — Visites aux Açores, 574.
- Bâclé (L.). — La locomotive à soude système llonningmann, 35. — Fonçage des puits de mine par la méthode de congélation de M. Pœtseh, 204. — Les chemins de 1er à crémaillère. Progrès réalisés dans la construction par M. Abt, 227. — La roue sans essieu, 275. — Les manèges à plan incliné à l’exposition agricole du Palais de l’Industrie en 1886,321.
- Bazaine (A.-G).— Les maisons salubres et insalubres de l'Exposition d'hygiène de Londres, 410.
- Béliard (G.). — Dérochemcnts sous-marins par la cloche plongeante de M. Hersent, 545.
- Belloc (Emile). —Les pigeons voyageurs en montagne, 569.
- Beri.it (J.-A.). — Brûlées vives, 127. — Curiosités postales en Angleterre, 158. —Les tunnels sous la Mersey et sous la Severn, 154. — Consommation du thé en Angleterre, 154. — Les annonces en Angleterre et aux États-Unis, 222. — Un lactomèlre, 250. — Jouets scientifiques, l’œuf de Christophe Colomb, 228.
- Blanchard (Marcel). — Le tremblement de terre du Nicaragua, du 11 octobre 1885, 51. — Les temps préhistoriques au Nicaragua, 190.
- Bleünard (A.). — Deux expériences de physique amusante, 502.
- Cartaz (Dr A.). — Nouveaux médicaments. L’hopéine et I’hypnone, 6. — Les ciments de la Porte de France, 71. — La rage, traitement prophylactique de M. Pasteur, 211.
- Cazkxecve (P.). — La coloration des vins, 562.
- Ciieux (Albert). — Halo extraordinaire du 5 mai 1886, 580.
- Cloué (Vice-amiral). — L’ouragan du golfe d'Adcn, en juin 1885, 552.
- Cuénot(L.). — La nycléribie, 74.
- Dkmontzey. — La combe de Péguère, près de Cautercts (Hautes-Pyrénées), 220.
- Dupuï. Utilisation des forces du Rhône à Genève, 589.
- Feil père et Mantois. — Fabrication des verres destinés à la haute optique, 282.
- Fonvielle (W. de). — La numération écrite chez les Chinois, 123. — L’exploitation des mines à travers les âges, 315,347.
- Garnier (Paul). — Halo extraordinaire du 5 mai 1886, 579.
- Gauohy (Alrert). — Les dinocéralidés du Wyoming, 65.
- Gavoy (Dr E ). — Signalcur optique de poche, 277.
- Gennadius (P.). — Les variétés de grenadiers cultivées en Grèce, 186. —
- Girard (Maurice). — Le scarabée-éléphant, 55.
- Gobin (A.). — Sol d’atelier économique, 127.
- Gutode (L.). — Recréations scientifiques. Sur les carrés magiques, 63. —Les ventriloques, 406.
- Gbyot-Daubès. — Les hommes incombustibles, 41, 103. — N.-W. Kobclkoff, ou l’bommc-tronc, 113. — Les éléphants savants, 167. — Les ventriloques, 406.
- IIart (G.). — Canon sous-marin d’Ériesson, 257.
- Hëxsebert (Lieutenant-colonel). —Les fusils à répétition, 195.— Les oasis tunisiennes, 267. — Les carrelages bichromes, 305.
- Henry (Paul et Prosper). — La photographie astronomique à l’Observatoire de Paris, 25.
- Hospitalier (Ed.). — La traction électrique sur le chemin de fer aérien) de New - York, 48. — Électricité pratique. Les montres et les machines dynamo-électriques. — La borne automatique de M. de Combettes, Ml. — la téléphonie domestique. Le bouton-téléphone, 145. — L’usine centrale d’électricité de la ville de Tours, 215. —Communications permanentes avec les trains en marche, 289. — Les moteurs à air comprimé et l’éclairage électrique, 537.
- Janssen. — La constitution des taches solaires et la photographie en astronomie, 255.
- Joly (Gu.) — Les eucalyptus géants de l’Australie, 119.
- Lah.amse (L’abbé J.-C.-K.). — L’éclairage électrique à distance, à Québec, au Canada, 6.
- Laplaiciie (Alexandre). —« Le code des signaux de chemins de fer, 58. — La sécurité en chemin de fer, 179. — La malle de l'Inde et de l’Australie, 310. — La catastrophe de Monte-Carlo, 326.
- Le Roy et fils. — Sur l’aimantation des montres par les dynamos, 319.
- Lucas (Édouard). — L’arithmétique en boules, 54, 66, 166f 218.
- Maindron (Ernest). — Une caricature sur la découverte de la
- p.421 - vue 425/432
-
-
-
- 422
- LISTE DES AUTEURS PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE.
- vaccine. Jenner. M. Pasteur, 159. — Histoire de la science. Mesmer. Le doigt magique, 250.
- Maixdron (Maurice). — Rapports des infectes et des plantes. La faculté protectrice par imitation, 225. —Une noctuelle gigantesque, 560.
- Mangon (Hervé). — H.-M. Bouley, 17.
- Marcel (Gabriel). — Stanley et son ouvrage sur le Congo,
- 106.
- aresuial (G.). — Fabrication mécanique des cartouches, 5. — Bascule à tirelire de M. Everitt, 21. — « Encarteusc électrique », 53. — Le téléphone Golson, 81. — Manœuvre à distance des robinets des compteurs à gaz, 122. — Méga-loscope électrique et pile du l)r Boisseau du Rocher, 139. — Postes téléphoniques embrochés, 299. — Le siphon-pompe, 309. — Lampe électrique à arc de MM. Street et Maquaire, 323.
- Martel (E.-A.). — La poterie paléolithique de la grotte de Nabrigas (Lozère), 359.
- Megnix (Pierre). — Les vers du nez, 283.
- Meunier (Stanislas). — Académie des sciences (comptes rendus des séances hebdomadaires), 15, 30, 46, 62, 78, 95, 111, 127, 142,159, 175,191, 207, 223, 239, 255, 271,287, 302, 319, 535, 351, 566, 383, 598, 415.
- Mouchez (Contre-amiral). — Photographies astronomiques de MM. Paul et Prosper Henry, 186.
- Nadaillac (Mu de).— Les temps préhistoriques dans la Nevada et dans le Nicaragua, 18. — Le froid, 155. — Les masques chez les peuplades sauvages, 259.
- Noury (Gaston). — Les iguanes, 253.
- Oustalet (E.).— Les flammanls, 131. — Les paradisiers de la Nouvelle-Guinée, 512.
- Pagnon (Pierre). — Métier des tisserands en Transcaucasie, 39.
- Piiilippi (E.). — Gravure au jet de sable. Appareil perfectionné, 156. — Nouveau vélocipède à pédale perfectionnée, 272.
- La distribution des couleurs dans le règne animal, 578.
- Planté (Gaston). — Les effets du courant électrique produit parla machine rhéostatique, 149.
- Pôle (William). — Sur la résistance de l’air au point de vue de la navigation aérienne, 162.
- Prouho (H.). — Le laboratoire Arago. Station zoologique de Banyuls-sur-Mer, 97.
- Renard (Le capitaine). L’aérostat dirigeable de Chalais-Meu-don, 86.
- Raymond (G.). Baromètre enregistreur, 37.
- Rbnou (E.). Halo extraordinaire du 3 mai 1886, 379.
- Riciiou (G.). Exposition de l’outillage des travaux publics, 102. — Les arènes nautiques ou le nouveau cirque de Paris, 262. — Exposition d'hygiène urbaine, 586.
- Rochas (Albert de). Le timbre et la couleur, 91. — Les anciennes corporations d’arts et métiers. 142. — Les premiers ascenseurs, 231. — L’origine du langage, 242. — Le contraste des couleurs, 266. — L’or alchimique, 359.
- J. Salleron. Les bouchons de liège, 595.
- Sède (P. de). La lucernaire, 126.
- Standaert (L ). Un préjugé sur la porosité du verre, 363.
- Storck (A.). Une pompe à incendie au dix-septième siècle, 208.
- T. (C. de). L’observatoire météorologique de Limoges et la Société Gay-Lussac, 233.
- Teisserenc de Bort (L.). Les télégrammes météorologiques des Etats-Unis, 5.
- Thei.mier (Dr) Une sépulture préhistorique, 70.
- Tison (Dr) Théorie de la constitution des gaz. Travaux de M. Ilirn, 118.
- Tissandier (Albert). Lettres d’Amérique, 7, 44, 82, 150, 198. 247, 295, 355.
- Tissandier (Gaston). Notre quatorzième année, 1. — L'étude des courants de l’Atlantique, 13. — Les livres nouveaux, 27.
- — Récréationsscientifiques. Nouveau pantin électrique, 31. — La photographie instantanée, 40. — L’affaissement du Pont-Neuf à Paris, 67. — Allumoirs électriques au dix-huitième siècle , 70. — L’aérostat dirigeable de Clialais-Meudon, 86, 91. — Fabrication des plaques sèches photographiques au gélatino-bromure d’argent, 99.—Les fils micrométriques des lunettes astronomiques, 115. — Voiture à vapeur de M. Bol-lée. Modèle d’amateur, 141. — Lampe utilisant la chaleur perdue, 157. Appareil photographique à mise au point automatique, 173. — Les vues d’optique, 176. — Le Congo français, 177. — Curiosités aérostatiques de, l’origine des ballons. Un groupe inédit de Clodion, 184. —Eclairage électrique domestique, 237. — Condensation des fumées par l’électricité, 241. — Nouveaux appareils photographiques, 292. — Les expéditions polaires internationales : Mission américaine à la pointe Barrow, Alaska, 305. — Un trou à la terre. Grands puits d’observation. Projet de M. Martinez, 325. —Les affiches illustrées, 364. — Léon Boyer, 566. — Expérience sur la transformation des forces physiques, 384
- — Le centenaire de Parmentier, 385. — M. Pasteur et le traitement de la rage, 401.
- Todd (David P.) L’observation Lick sur le mont llamilton (Californie), 129.
- Vidal (Léon'. Héliogravure, 393.
- Vimont (Eugène). Sépultures mérovingiennes â Montceaux, commune de Bulles (Oise), 2. — Halo extraordinaire du 3 mai 1886, 381.
- X... ingénieur. Le filtre Maigneu,244. — Le bateau sous-marin système Nordenfelt, 273. — Nouvelle gare de Bordeaux, 506.
- — Bateau sous-marin, système Goubet, 353. — La laine de bois, 573.— Le sucre de betteraves et les nouveaux procédés de fabrication, 403.
- Z.. (Dr). La méthode Frœbel, 47, — Deux nouveaux jouets. Les valseurs. La toupie harmonique, 79. — Porte abat-jour à rotation sphérique, 191. — Un double bateau, 256.— Lampe sans flammes pour purifier l’air, 301. — Un nouveau banc de rameurs, 352. — L’électricité domestique. Réveille-matin allumoir, 388.
- Zurcher (F). Bolide observé à Toulon, 115. — L’enregistreur solaire, 224.— Une trombe dans la rade de Toulon, 416.
- p.422 - vue 426/432
-
-
-
- TABLE DES MATIÈRES
- N. B. Les articles de la Chronique, imprimés dans ce olnme en petits caractères, sont indiqués
- dans notre table en lettres italiques.
- Astronomie.
- La pluie d’étoiles filantes du 27 novembre 1885. 2, 23, La photographie astronomique à l’Observatoire de Paris
- (Paul et Prosper Henry)...........................
- Les habitants de Mars................................
- Équatorial d’amateur..........................
- Les fds micrométriques des lunettes astronomiques (G.
- Tissandier).......................................
- L’observatoire Lick sur le mont Hamilton (Californie)
- (David P. Tood)...................................
- Comètes attendues en 1886............................
- Photographies astronomiques de MM. Paul et Prosper
- Henry (contre-amiral Mouchez).....................
- La constitution des taches solaires et la photographie en
- astronomie par M. Janssen.........................
- Fabrication des verres destinés à la haute optique (Feu.
- père et Mantois) ... -............................
- Photographie solaire............................111,
- Spéclroscopie........................................
- U étoile nouvelle d’Or ion...........................
- Astronomie égyptienne................................
- Travaux de l’observatoire de Rio-de-Janciro ....
- Remaniement des constellations.......................
- Physique solaire.....................................
- L’éclipse historique de Colomb.......................
- Puissance magnétique du soleil.......................
- Les comètes en 1886..................................
- La photographie astronomique.........................
- Les canaux de Mars...................................
- 30
- 23
- 38
- 61
- 115
- 129
- 131
- 186
- 283
- 127
- 127
- 158
- 159 207 207 207 238 555 550 382 115
- Physique.
- Éclairage électrique à distance à Québec, au Canada
- (l’abbé J.-C.-K. Laflamme).............................. 6
- Nouveau pantin électrique (G. T.).......................... 31
- La photographie instantanée (G. Tissandier)............... 40
- Allumoirs électriques au dix-huitième siècle (G. Tissa.v-dier)..................................................... 70
- Le téléphone Colson (G. Mareschal)......................... 81
- Électricité pratique. — Les montres et les machines dynamo-électriques. —Borne automatique deM. Com-
- beltes (E;-H.)..........................................111
- Le grand galvanomètre de l’Université de Cornell. . . 117
- Théorie de la constitution des gaz (Dr Tison)..............118
- Le cycloïdotrope...........................................125
- Nouvel appareil de microphotographie de M. Yvon. . . 152
- La téléphonie domestique. Le bouton téléphone (E.-II.). 145
- Les effets du courant électrique produit par la machine
- rhéostatique (Gaston Planté)............................149
- Éclairage électrique de l’Eldorado (X... ).................165
- Appareil photographique à mise au point automatique
- (G. T.).. . ............................................175
- Les vues d’optique.........................................176
- Usine centrale d’électricité de la ville de Tours (E. Hospitalier)...............................................215
- La photographie pratique. Laveur automatique (G. M.). 235
- Éclairage électrique domestique (G. Tissandier)............257
- Condensation des fumées par l’électricité statique (G. Tissandier) ...............................................241
- Communications permanentes avec les trains en marche
- (E. Hospitalier)........................................289
- Nouveaux appareils photographiques. Caisse-laboratoire. — Chambre noire à système composteur (G. Tissandier) ...............................................292
- Postes téléphoniques embrochés (G. Mareschal). . . 299
- Deux expériences de physique amusante (A. Bleunard).. 502
- Lampe électrique à arc de MM. Street et Maquaire (G.
- Mareschal)............................................. 523
- Les moteurs à air comprimé et l’éclairage électrique (E.
- Hospitalier)............................................537
- Thermomètre électrique avertisseur de M. Gerboz (G.
- Tissandier).............................................371
- Expérience sur la transformation des forces plivsiques
- (G. T.)........................................ . 384
- Électricité domestique. Réveille-matin allumoir (Dr Z...). 388
- Densité d’un corps poreux et friable.......................401
- La phosphorescence......................................... 47
- Nouvelle lampe à incandescence............................. 64
- Vitesse du son.............................................111
- Photographie solaire.......................................111
- p.423 - vue 427/432
-
-
-
- m
- TABLE DES MATIÈRES.
- Nature de Véther des physiciens...................... 150
- Prix de l’éclairage électrique des rues aux États-
- Unis........................................ r . 175
- Polarisation rotatoire magnétique.....................207
- Origine du magnétisme de rotation.....................286
- Le développement du téléphone en Amérique. . . . 554
- La lumière électrique à Paris.........................554
- La lumière électrique dans le canal de Suez. . . . 351
- Un corset magnétique..................................598
- Ventilation par l’électricité.........................398
- Chimie.
- Filtration des eaux. — Aéri-ültre Mallié...............
- Le laboratoire municipal de Porto......................
- Le lucigène............................................
- Le filtre Maignen. — Clarification, purification par le filtrage..................................................
- Un lactomètre..........................................
- Lampe sans flammes pour purifier l’air (Dr Z.. 1. . . .
- La marmite antiseptique de M. Scribaux.................
- L’or alchimique (A. de Rochas).........................
- La coloration des vins (P. Cazeneuve)..................
- Pipette destinée à prendre la densité des liquides (11. E.).
- Héliogravure (Léon Vidai.).......................... . .
- Le rosolène............................................
- Un préjugé sur la porosité du verre (Standaërt. — J. Su.-
- leron)........................................ 365,
- Le sucre de betteraves et les nouveaux procédés de fabrication..............................................
- L’aseptol..............................................
- La question des germes au dix-septicnic siècle. . . .
- Carbonisation du bois par la chaleur...................
- Application de l'osmose................................
- Alliage ayant l'aspect de l’or......................
- Ustensiles en nickel pour laboratoires.................
- Sur les incrustations et le nettoyage des statues en
- bronze.............................................
- Vêtements incombustibles...............................
- Propriétés du fer......................................
- Procédé de blanchiment des matières grasses de
- toutes sortes (Grognot)............................
- L’huile de bambou. . ..................................
- Recherches sur le fluor................................
- Un nouveau corps simple................................
- Utilisation des os.....................................
- Un nouveau métal. . . ...........................
- Beurre rance...........................................
- 11
- 22
- 70
- 244
- 250
- 301
- 536
- 559
- 365
- 587
- 590
- 594
- 593
- 405
- 406 414 414
- 50
- 78
- 95
- 158
- 175
- 207
- 238
- 287
- 502
- 334
- 367
- 385
- Météorologie. — Physique du globe. Géologie. — Minéralogie.
- La pluie d’étoiles filantes du 27 novembre 1885. . 2, 23, 50
- Les télégrammes météorologiques des États-Unis (L. Teis-
- SEllENC DE BoRt)....................................... 3
- L’étude des courants de la mer (G. T.). ...... . 15
- Baromètre enregistreur (G. Raymond)....................... 57
- Expédition Lemstrom en Finlande (F. ZuRcntu). ... 38
- Le tremblement de terre du Nicaragua du 11 octobre
- 1885 (M. Blanchard)................................... 51
- Fabrication des plaques sèches photographiques au gélatino-bromure d’argent (G. Tissandier)............. . 99
- Bolide observé à Toulon (F. Zurcher)................!.. 115
- Le froid (marquis de Nadaillac) . ..................... 155
- Les arbres et la foudre...................................183
- L’enregistreur solaire................................. 224
- L’observatoire météorologique de Limoges et la Société
- Gay-Lussac (C. de T.)......................... . . . . 235
- La-ligurc de la terre.................................. 279
- • Les expéditions polaires internationales. — Mission américaine à la pointe Barrow, Alaska (G. Tissandier). . 305
- Un trou à la terre. — Grand puits d’observation. —
- Projet de M. Martinez (G. Tissandier)..............525
- L’ouragan du golfe d’Aden en juin 1883 (vice-amiral
- Cloué).............................................553
- Halo extraordinaire du 3 mai 1886 (E. Renou. — Paul Garnier.—A. Cheux. — Eugène Vimont). . . . 379, 585
- Une trombe à Toulon (F. Zurcuer)......................416
- La vie apportée sur la terre par les météorites. . . 15
- Tremblements de terre................................. 15
- Tremblement de terre en Algérie....................... 46
- Oscillations du sol................................... 78
- Les cyclones.......................................... 79
- Un bolide.............................................111
- Géologie de la Guyane française.......................145
- Tremblement de terre expérimental.....................159
- Une rivière en feu....................................208
- Trombes........................................ 207, 225
- Roche nouvelle........................................207
- Cartes géologiques à grande échelle...................224
- Dissémination naturelle de l'or.......................238
- Analyse immédiate des roches..........................239
- Le cyclone où s’est perdu « le Renard »...............239
- Salles diamantifères du Cap...........................250
- Un diamant monstre....................................270
- Sur la figure de la Terre............................ 271
- Tremblements de terre en Espagne......................286
- Le charbon en Chine...................................287
- Constitution de l'écorce terrestre....................502
- Géologie du Ton/, in..................................355
- L’or de l’Andalousie................................. 535
- Théorie des tremblements de terre.....................555
- Rotation des météorites.................. 551
- Pénétration de la lundire dans les profondeurs de
- la mer............................................ 567
- Le golfe de Hammamet..................................585
- L'île Julia...........................................585
- Chute de feuilles mortes. . ................... , 383
- Le cyclone de Madrid..................................415
- Sciences naturelles. — Zoologie. — Botanique. Paléontologie.
- Hésistance vitale des poissons.........................
- Le grand peuplier de Saint-Julien près de Troycs. . .
- Aroïdécs ornementales.................................. .
- Le scarabée éléphant (Maurice Girard)..................
- Les dinocératidés du Wyoming (Albert Gaudry). . . .
- La nyetéribie (L. Cuénot).. ...........................
- Le laboratoire Arago. — Station zoologique de Banyuls-
- sur-Mer (Prouho)....................................
- Les eucalyptus géants de l’Australie (Ch. Joly)........
- La lucernaire (P. de Sède).............................
- Les flammants (E. Oustalet)............................
- Une orchidée rare. — Le « Vanda Lovvii »...............
- Les éléphants savants (Guyot-Daubès)...................
- Les variétés de grenadiers cultivés en Grèce (P. Genna-
- DlUs)................................. .............
- Rapports des insectes et des plantes. — La faculté protectrice par imitation (Maurice Maindron)..............
- Floraison de quelques cycadécs dans les serres du Jardin
- des Plantes de Paris................................
- Les iguanes (Gaston Noury).............................
- L’arbre fossile de Méons (Houillères de Saint-Étienne). . Les paradisiers de la Nouvelle-Guinée (E. Oustalet). .
- L’àge des poissons.....................................
- Une noctuelle gigantesque (Maurice Maindron)...........
- Les pigeons voyageurs en montagne (Émile Bflloc). . . Distribution des couleurs dans le règne animal (E. Pm-
- lippij............................................... .
- Hirondelle blanche.....................................
- Nature phanérogame des sigillaires à tige lisse. . .
- Paléontologie végétale.................................
- Le scelidotherium............................... ;
- 11
- 32
- 55
- 55
- 65
- 75
- 97 119 J 26 154 148 167
- 186
- 225
- 240
- 255
- 280
- 312
- 515
- 560
- 369
- 578
- 15
- 51
- 46
- 47
- p.424 - vue 428/432
-
-
-
- TABLE DES MATIÈRES. 425
- Fougères fossiles................................... 95
- Le cymodoceites parisiensis.......................1 42
- Racines des calamodendrons. — Fructification. 145, 255
- Flore du Tonkin.............................175, 535
- Cycadées houillères................................ 170
- L’instinct chez les vers de terre. . . 222
- Une algue gigantesque...............................225
- Le simœdosaure......................................224
- Un maître chien. . ....................... . . 255
- Transformation du bois..............................255
- Flore du Tonkin.....................................256
- Entomologie du Tonkin...............................303
- Lithologie sous-marine. ............................505
- Reptiles permiens...................................555
- L’acide oxalique des plantes........................507
- Géographie, — Voyages (l’exploration.
- Lettres d’Amérique. — New-York, les E/evaled, les théâtres, la lumière électrique aux Etats-Unis. — Philadelphie, les (ils télégraphiques, etc. — Pittsburg. —
- Une ville de quatre mois. — Le plan incliné de Cincinnati. — Louisville et les cimetières. — Mamvnolh cave.
- — Kansas city. — Utah et Arizona. — Un mois à lvanab. — Les Indiens. —Les canons dn Colorado.—
- Les Mormons. — San Francisco. — China town. — Woodwards gardens. — Yellovvstone park. — Los Mammoth hot springs. — Les geysers. — Les fermes du Dakota et les moulins de Minneapolis (Albert Tis-
- sandier)............ 7, 44, 8-2. 150, 198, 247, 295, 535
- Expédition Lemslrom en Finlande (F. Zurcher). ... 38
- Stanley et son ouvrage sur le Congo (Gabriel Marcel). . 100
- Le Congo français (Gaston Tissandier)...................177
- Les recherches sur le Gulf-Stream. — Visite aux Açores
- (Albert, prince de Monaco)...........................374
- Traille de Soukel-Arba (Tunisie) (E. V.)..............599
- La péninsule de Kola.................................... 78
- Anthropologie.— Ethnographie. — Sciences préhistoriques.
- s
- Sépultures mérovingiennes découvertes à Montceaux,
- commune de Bulles (Oise) (Eugène Vimont).............. 2
- La centenaire d’Auberives............................. 11
- Les temps préhistoriques dans la Nevada et dans le Nicaragua (marquis de Nadaillac).......................... 19
- Une sépulture préhistorique (Dr Tiielmieu).............. 70
- Les temps préhistoriques au Nictragua (Marcel Blanchard)................................................-j 90
- L’origine du langage (A. de Rochas).......... . . 042
- Les masques chez les peuplades sauvages (marquis de Nadaillac) ...............................................259
- La poterie paléolithique de la grotte do Nabrigas (Lozère). 559
- L’origine et l’évolution de la parure.................. il
- Archéologie préhistorique............................... 51
- La robe de Sitling-Rull................................ 40
- L âge du cuivre....................................... 19}
- Antiquité de l'homme....................................287
- Mécanique. — Art de l’ingénieur. — Travaux publics. —Arts industriels.
- Fabrication mécanique des cartouches (G. Maresciial). . 5
- La voiture à vapeur de M. Ch. Palmers................... 19
- Bascule à tire-lire de M. Éverilt (G. Mareschal). . ... 21
- Les bicycles et les tricycles en Angleterre............. 20
- La locomotive à soude, système Iloningmunn (L. B.). . 55
- Métiers de tisserands en Transcaucasie (Pierre Pag non). 59
- La traction électrique sur le chemin de fer aérien de
- New-York (E. II.).................................. 49
- Encarteuse électrique. — Machine à encarter les boutons (G. Mareschal)...................................... 53
- 1 e code des signaux de chemins de fer (Al. Laplaiche) . 59
- L’affaissement du Pont-Neuf à Paris (G. T.). . . . 07
- Les ciments de la Porte de France (Dr Cartay). ... 71
- La catastrophe de Chancelade près de Périgueux. . 75, 271 Manœuvre à distance des robinets des compteurs à gaz
- (G. M.).............................................. 122
- Sol d’atelier économique (A. Gobin)......................120
- Le mercure en Serbie..................................131
- Voiture à vapeur de M. Boliée. Modèle d’amateur (G. T.). 141
- Les tunnels sous la Mersey et sous la Scvern (J.-A. B.;. 154 Gravure au jet de sable. Appareil perfectionné (E. Piu-
- um).................................................. 150
- Lampe utilisant la chaleur perdue (G. T.).............157
- Le gaz naturel aux États-Unis...................171, 395
- La sécurité en chemin de fer (A. Laplaiche)........... 179
- Moteur à gaz vertical, sytème Bénier.................... 189
- Le papier et les industries qui s’y rattachent........191
- Porte-abat-jour à rotation sphérique................... 192
- Explosions de poussières charbonneuses...................203
- Fonçage des puits de mine par la méthode de congélation de M. Pœtsli (L. B.).............................. 204
- Une pompe à incendie au dix-septième siècle (A. Storck). 208 Usine centrale «l’électricité de la ville de Tours (E. Hospitalier)............................................. 215
- La courbe de Péguère près Gauterets (IIles-Pyrénées)
- Demontzey).......................................... 220
- Les chemins de 1er a crémaillère. Progrès réalisés dans
- la construction par M. Abt (L. P>.)................227
- Les premiers ascenseurs (A. R.)................... 230, 255
- Les arènes nautiques, ou le nouveau cirque de Paris
- (G. Riciioc). ...................................... 262
- Les oasis tunisiennes (lient.-colonel Hennebert). . . . 267
- Nouveau vélocipède à pédale perfectionnée (E. Philippi). 272 La roue sans essieu. — Le crapaud roulant (L. B.). . . 275
- La nouvelle gare de Bordeaux (X., ingénieur)..........500
- Le siphon-pompe (G. Mareschal)...........................309
- La malle de l’Inde et de l’Australie (Al. Laplaiche).. . 510
- L’exploitation des mines à travers les âges (\Y. de Fon-
- V,ELLE)........................................ 315, 540
- La montre sans aiguilles (II. de Parville)...............520
- La catastrophe de Monte-Carlo (A. Laplaiche).............520
- L’avertisseur pour passage à niveau de MM. Couard et
- ^Paget.............................................. 543
- Derochemcnls sous-marins par la cloche plongeante de
- M. Hersent (G. Béliard)...............................545
- Pompe pour refoulement à grande hauteur..................303
- Le chemin de fer métropolitain de Paris..................307
- La laine de hois (X..., ingénieur).......................573
- Utilisation des forces du Rhône à Genève (G. Dupiy). . 389
- Transport électrique de la force.................... . 47
- Une sonde magnétique..................................... 94
- Une sonde chimique....................................... 95
- Le tunnel sous la Manche..................................no
- Le véritable Métropolitain................................no
- Un monolithe monstre................................... 120
- Production houillère en Angleterre.......................142
- Morts résultant d’explosion des mines....................142
- L’étiage des ponts à Paris............................. 200
- Suites d’un incendie:....................................200
- Une locomotive colossale.................................207
- Reproduction de dessins par transmission de si-
- ffi^ux.............................................. 259
- Sphéromèlre llervicr.....................................270
- Le charbon en Chine......................................280
- Eucalyptus fluide pour le nettoyage des chaudières. 287
- Le canal de Panama.......................................287
- Les chemins de fer de l’Inde........................... 518
- Projet de chemin de fer................................ 319
- Procédés de mesure des étoffes...........................350
- L’utilisation du combustible dans les locomotives. . 366
- Le puits le plus profond du monde........................383
- p.425 - vue 429/432
-
-
-
- 426
- TABLE DES MATIÈRES.
- Physiologie. — Médecine. — Hygiène.
- Médicaments nouveaux. L’hopéiue et l’hypnone (Dr A.
- Cartaz).............................................. 6
- Les hommes incombustibles (Guyot-Daubès) . . . . 41, 103
- L’intelligence et le volume du cerveau................... 43
- Le timbre et la couleur (Albert de Rochas).............. 1)1
- N.-W. Kobelkoff, ou l'homme-tronc (Guyot-Daubès) . . . 113
- Mégaloscope électrique et pile du Dr Boisseau du Rocher
- (H. Maréchal)..........................................159
- La vaseline et son emploi dans l’alimentation. Recherches
- de M. le Dr R. Dubois. ..............................147
- Une caricature sur la découverte de la vaccine. Jenner.
- M. Pasteur (Ernest Maindron)......................... 159
- Les parfums artificiels des confiseurs et des liquoristes. 194 La rage. Traitement prophylactique de M. Pasteur (Dr A.
- Mesmer. Le doigt magique (Ernest Maindron)...........250
- Le contraste des couleurs (A. de Rochas) ...... 206
- Les vers du nez (Pierre Mégnin)......................285
- Exposition d’hygiène urbaine (G. R )..................586
- M. Pasteur et le traitement de la rage (G. Tissa.ndier) . 401
- Les ventriloques (Guyot-Daubès).......................406
- Les maisons « salubre et insalubre » (Bazaine)........410
- L'épilation par l'électricité......................... 15
- Traitement du diabète................................. 51
- Le microbe de la rage................................ 47
- Le menthol et les crayons antimigraines............... 95
- Transmission de la pustule maligne....................111
- L'appareil digestif du phylloxéra.....................143
- Empoisonnement par les moules.........................191
- Guérison expérimentale de la tuberculose..............206
- Institut Pasteur.............................. 259, 255
- Toxicité de l'urine........................... 271, 287
- Méthémoglobine........................................271
- Mort apparente........................................272
- La rage du loup.......................................519
- La rage à Paris en 1885.............................. 598
- Le cerveau de Gambetta................................598
- Agriculture. — Acclimatation. Pisciculture, etc.
- Les manèges à plans inclinés à l'Exposition agricole du
- palais de l’Industrie en 1886 (L. B.)..............521
- Enrichissement en azote d’un sol maintenu en prairie. 47
- Activité chimique de la chlorophylle.................... 47
- Culture de la betterave à sucre....................... 95
- Culture rationelle du blé...............................110
- Les blés indiens........................................175
- Les terres arables aux États-Unis.......................259
- Les forêts de la France................................ 255
- Les plantations sur les routes..........................302
- Maladie des pêchers.....................................555
- La rouille du pin.......................................355
- Art militaire. — Marine.
- Signaleur optique de poche (Dr E. Gavoy) . .... 277
- Le fusil à répétition (J. B. P.).......................285
- Un nouveau banc de rameur (Dr Z.. ). ..................352
- Bateau sous-marin. Système Gouhet (X..., ingénieur). . 353
- Les torpilleurs chinois................................387
- Un canon sous-marin.................................... 78
- La marine des anciens.................................. 78
- La pêche à la baleine..................................118
- Nouveau navire de guerre...............................158
- Torpilleur sous-marin..................................174
- Vaisseau sous-marin....................................503
- L'art militaire et T industrie en Allemagne............350
- Torpille Brennan.......................................383
- Aéronautique.
- L’aérostat dirigeable de Chalais-Meudon (G. Tissa s -
- dier)......................•......................86, 91
- Rapport de M. le capitaine Renard.................... 87
- Sur la résistance de l’air au point de vue de la navigation aérienne (William Pôle)........................... 162
- Curiosités aérostaiiques de l’origine des ballons. Un
- groupe inédit de Clodion (G. Tissandier).......... 184
- Fausse nouvelle d'un ballon perdu en mer............. 17 4
- Théorie mécanique du vol................................ 415
- Notices nécrologiques. — Histoire de la science.
- II.-M. Bouley (Hervé Mangon......................15. 17
- Tulasne................................................. 78
- I)r Dechambre............................................110
- De Saint-Venant.....................%................110
- La Landelle..............................................158
- Jules Guérin.............................................158
- Une caricature sur la découverte de la vaccine. Jenner.
- M. Pasteur (E. Maisdron)............................. 159
- La statue de Claude Bernard. Cérémonie d’inauguration
- du 7 février 1886.................................... 161
- J.Jamin..........................................191, 193
- Le centenaire de François Arago.........................209
- Histoire de la science. Mesmer. Le doigt magique (E.
- Maisdron). . ........................................‘230
- Félix Leblanc...........................................‘254
- P.-J. Hetzel.............................................270
- Charles de Laboulayc.....................................318
- A. IBouchardat...........................................518
- Marcel Pellat...........................................518
- A. Lallemand............................................318
- Edouard Morren.......................................... 551
- Frédéric Melsens (G. T.).................................551
- Léon Boyer (Gaston Tissanuieh;...........................566
- Le centenaire de Parmentier et de la culture de la
- pomme de terre (G. Tissandier).......................585
- Monument à Saussure.....................................127
- Les statues de Nicolas Leblanc et de Denis Papin. . 142
- Le centenaire d’Arago....................................158
- Le départ de M. Paul Bert...............................175
- Grand festival au profit de l’institut Pasteur. . . . 582
- Le centenaire de M. Chcvreul.............................399
- Le «Yachting » en France................................. 64
- Les canots pliants de Berthon............................. 96
- Les explosions de torpilles............................... 165
- Torpilleurs anglais (J.-A. B.)............................ 186
- Les fusils à répétition (lieutenant-colonel IIennebeut). . 195
- Le clinomètre.............................................205
- Canon à dynamite...........................................231
- Le fusil à répétition et le fusil de petit calibre (A. de P.). 254
- Un double bateau (Dr Z...).................................256
- Canon sous-marin d’Éricsson (G. Hart).....................‘257
- Bateau sous-marin, système Yordeul'clt (X..., ingénieur . 275
- Sociétés savantes. — Congrès et associations scientifiques. — Expositions.
- Académie des sciences. Comptes rendus des séances hebdomadaires (Stanislas Meunier), 15, 51, 46, 65, 78. 95, 110, 127, 142, 158, 175, 191, 207, 225, 255, 271, 287, 302, 519, 535, 351, 366, 383, 398,
- Conférence Scienlia..........................15, 142,
- Exposition de l'outillage des travaux publics (G. II.) . . Les expositions flottantes allemandes.................
- 415
- 286
- 102
- 522
- p.426 - vue 430/432
-
-
-
- TABLE DES MATIÈRES.
- 437
- Exposition d’hygiène urbaine (G. U.)...................
- Concours international d'appareils insecticides. . . Le Club alpin français en Algérie......................
- Variétés. — Généralités. — Statistique.
- Notre quatorzième année (G. Tissandier)................
- Récréations scientifiques.......................... .
- La méthode Frœbel......................................
- L’arithmétique en boules (Édouard Lucas), 54, 60, 166, Récréations scientifiques. Les carrés magiques (L. Gutode . Deux nouveaux jouets : Les valseurs, la toupie harmonique (Dr Z...)........................................
- Le bureau Veritas......................................
- La numération écrite chez les Chinois (W. de Fonviellë)
- Brûlées vives (J.-A. Berly)............................
- Curiosités postales en Angleterre (J.-A. Berly)........
- Les anciennes corporations d’arts et métiers (A. R.).
- Consommation du thé en Angleterre (J.-A. lî.)..........
- Les annonces en Angleterre et aux États-Unis (J.-A.
- Berly)..............................................
- Jouets scientiliques. L’œuf de, Christophe Colomb (J.-A.
- Berly). . ..........................................
- Les billets de banque..................................
- Les carrelages bichromes (E. Hennebert,................
- Les affiches illustrées (Gaston Tissandier)............
- | Les vins français et étrangers..................... 6‘2
- Peinture à 1844 francs le centimètre carré........ 62
- Stephenson et la vache............................270
- La science au Japon...............................415
- Production minérale et sidérurgique du monde. . . 415
- Correspondance.
- Métiers des tisserands en Transcaucasie (Lierre Pagnon). 39 Sur la résistance de l’air au point de vue de la navigation
- aérienne (William Pôle)..............................162
- Sur l’aimantation des montres par les dynamos (Le Roy et fils)..............................................319
- Bibliographie.
- Les livres nouveaux. — Les nouvelles conquêtes de la science, par Louis Figuier. — Œuvres de Rabelais, illustrées par Robida.—.4 travers l’Asie centrale, par Henri Moser. — L'Angleterre, VÉcosse et l'Irlande, par P. Yillars. — Le monde physique, par Amédée
- Guillemin (G. T.). . ............................. 27
- Causeries scientifiques. ............................ 95
- Histoire de la marine.................................127
- L’Encyclopédie chimique...............................415
- 386
- 110
- 350
- 1
- 31
- 47
- 218
- 63
- 79
- 86
- 123
- 127
- 138
- 144
- 154
- 222
- 288
- 291
- 303
- 364
- FIN DES TABLÉS.
- p.427 - vue 431/432
-
-
-
- ERRATA
- Page 351, col. 2, ligne 24. .1m lieu de : commandant.
- Il faut : colonel.
- Page 383, col. 1, ligne 32. Au lieu de: actuellement la soude
- atteint.
- Il faut : la sonde du nouveau puits atteint.
- Imprimerie A. Lalmre, 9, rte de Fleuras, à Paris
- p.428 - vue 432/432
-
-