La Nature
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- LA NATURE
- UKVl)E UES SCIENCES
- ET DE LEURS Al’l'I.lCATIONS AUX ARTS ET A L’INDUSTRIE
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- LA NATURE
- BEVUE DES SCIENCES
- ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A I,'INDUSTRIE
- JOURNAL HEBDOMADAIRE ILLUSTRÉ
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- Paius. Un an............................. 20 fr. »
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- Union postale. Un an. . — Six mois,
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- LES VINGT-CINQ VOLUMES PRÉCÉDENTS SONT EN VENTE
- avec, i,e volume des tables des dix premières années
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- Imprimerie A. Lahure, rue, de Fleurus, 0, à Paris.
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- REVUE DES SCIENCES
- ET RE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L’INDUSTRIE
- JOURNAL HEBDOMADAIRE ILLUSTRÉ
- HONORÉ PA B V. I,E MINISTRE DE I,'INSTRUCTION PUBLIQUE U’UNE SOUSCRIPTION- POUR LES BIBLIOTHÈQUES POPULAIRES ET SCOLAIRES
- RÉDACTEUR EN CHEF
- GASTON TISSANDIER
- Bibliothèque
- QUATORZIÈME ANNÉE
- 1886
- P II K 511 E n S K 51 K S T ii E
- PARIS
- <;. MASSON, KDITEUlt
- LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
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- 1 4e ANNÉE. — N» 655.
- 5 DÉCEMBRE 1885-
- LA NATURE
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- REVUE DES SCIENCES
- ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L’INDUSTRIE
- NOTRE QUATORZIÈME ANNÉE
- En commençant le vingt-septième volume de notre collection, la quatorzième année de la fondation de La Nature, nous croyons de notre devoir de remercier nos nombreux lecteurs, amis fidèles de notre œuvre, qui veulent bien nous suivre, et encourager nos efforts.
- Sans avoir en aucune façon la prétention de nous comparer en quoi que ce soit, à l’immortel auteur des Essais, nous oserons cependant dire comme lui, en parlant de notre Revue : « Ceci est un livre de bonne foi. » Nous l’avons créé en 1873, au lendemain de nos désastres, dans le seul but de répandre les notions utiles, de divulguer les inventions nouvelles, les découvertes sans cesse renouvelées, et de faire aimer la science que nous aimons tant nous-même.
- Notre tirage, qui a commencé, par le chiffre de 2000 exemplaires, n’a pas tardé à monter a 5000, a 4000, à 5000; s’accroissant sans cesse d’année en année, il atteint aujourd’hui le chiffre de quinze mille (15 000).
- L’accueil si favorable que le public intelligent veut bien réserver à La Nature, est facilement explicable. Notre siècle appartient avant tout à la science et à ses applications; tout le monde veut être renseigné sur les progrès nouveaux, sur les observations les plus récentes, sur les appareils qui surgissent de toutes parts, dans le domaine infini de la physique, pu de la mécanique. La Nature est devenue un centre où les renseignements et les informations de ce genre abondent de tous les pays ; ses collaborateurs compétents les compulsent, les étudient et les présentent au lecteur, non sans les condenser sous la forme qui leur convient le mieux, s’efforçant de prendre ces deux mots pour devise : Clarté et concision. Les diagrammes, les figures explicatives, les gravures, les reproductions photographiques dont notre texte est rempli, sont les plus sûrs éléments de cette méthode éminemment favorable à notre époque de vie laborieuse et active.
- La Nature, qui s’adresse à tous, qui compte parmi aunée. — Ier semestre
- ses lecteurs les hommes les plus éminents, se préoccupe très vivement des intérêts de la jeunesse, avenir de notre patrie. La jeunesse française est aujourd’hui éminemment laborieuse, et avide de science, parce qu’elle a profité des terribles leçons d’un passé récent. Nous sommes avec elle de tout notre cœur et de toutes nos forces; nous ne lui parlerons jamais ici que de ce qui peut diriger son esprit vers le culte du Bien, vers l’amour de la Vérité. Comme' par le passé, nous lui apprendrons que si l’on veut* inspirer le respect de soi-même il faut savoir respecter les convictions des autres ; nous lui montrerons que le domaine de la Science est le véritable terrain de la concorde et de la conciliation, où le Travail règne en maître, pour le plus grand bien de ceux qui l’honorent.
- Nous attachons le plus haut prix à l’estime de nos lecteurs; leur témoignage de sympathie est notre plus belle récompense. Nous espérons qu’ils reconnaîtront, en nous suivant encore, que notre œuvre va toujours en s’améliorant dans la mesure de nos forces.
- En parcourant la collection de La Nature, on peut se rendre compte de l’étonnant progrès scientifique qui s’est manifesté dans un court espace de temps. Quand nous avons commencé notre premier volume, qui aurait pu croire qu’en,moins de treize ans, on allait avoir à enregistrer des inventions prodigieuses, comme*celles du téléphone et du microphone, des lampes électriques à incandescence, du photophone, du verre trempé; a signaler des découvertes comme celles du gallium, de la liquéfaction des gaz permanents, et des travaux qui ouvrent à la thérapeutique des horizons nouveaux comme ceux de Pasteur.
- Que de recherches exécutées depuis treize ans par l’activité scientifique, depuis les explorations des fonds de la mer par le Challenger jusqu’à celles du Travailleur et du Talisman ! Que de constructions grandioses réalisées, depuis les tunnels des Alpes, jusqu’au canal de Panama, destiné à réunir deux Océans! A peine toutes ces merveilles sont-elles enregistrées, qu’en voici d’autres qui s’annon-
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- cent : le transport de la force motrice par l’électricité, la navigation aérienne par les aérostats dirigeables; puis demain d’autres encore apparaîtront, et ainsi de suite indéfiniment dans le cycle du progrès qui s’agrandit toujours. Nous continuerons, pour notre part, à suivre, et à faire connaître de notre mieux, ce mouvement de la science qui marche sans cesse. Gaston Tissandier.
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- LA PLUIE D’ÉTOILES FILANTES
- DU 27 NOVEMBRE 1885
- Le phénomène des étoiles filantes de novembre a pris cette année une intensité assez rare ; cela était prévu à la suite des observations de la comète de Biéla ; il n’a été vu que dans peu de villes du Nord, où le ciel était généralement couvert, mais il a attiré l’attention d’un grand nombre d’observateurs dans le Midi. Notre collaborateur et ami, M. F. Zurcher de Toulon a voulu être le premier à nous signaler le phénomène, et dès samedi matin, 28 novembre, nous recevions de lui la dépêche suivante :
- Hier 27 novembre, dès le coucher du soleil, une magnifique pluie d’étoiles filantes a été observée, semblable à celle de même date, de 1872, décrite par Denza; cependant aucun bolide. Plusieurs égalant Yénus en éclat. Traînées de longueurs et couleurs diverses. Maximum huit heures, puis diminution rapide. Centre Gamma d’Andromède : F. Zurcher.
- Dans une lettre postérieure, adressée à M. Amédée Guillemin qui nous l’a communiquée, M. Zurcher rapporte qu’il y avait des groupes de 4, 6, 8, 10 et même 12 étoiles qui partaient ensemble. Il rappelle que Le Verrier lui écrivait, lors du phénomène de 1872 : « Nous avons passé par la comète de Biéla. La reproduction du phénomène, à treize ans de distance, est bien curieuse. »
- M. Henry Courtois, le savant astronome amateur du Lot-et-Garonne, nous a écrit la lettre suivante :
- J’ai observé hier 27, à l’entrée de la nuit, les étoiles filantes du 27 novembre 1885. Le spectacle quoique moins grandiose que le 27 novembre 1872, était splendide à six heures du soir ; les météores paraissaient s’éloigner d’un point situé entre Cassiopée et Bêla d’Andromède. A six heures du soir, un magnifique météore s’est dirigé de Cassiopée vers Bêta d’Andromède où il a disparu laissant une trace persistante ; il était suivi d’une longue queue et son éclat égalait celui de Vénus; un instant après, un autre météore s’est dirigé de Cassiopée vers Wéga de la Lyre, il était aussi brillant et également suivi d’une queue. Vers sept heures, le temps s’est couvert, ce qui a rendu les observations impossibles. (H. Courtois, à Muges, près Damazan, Lot-et-Garonne.)
- Nous avons reçu d’autre part, d’un de nos lecteurs de la Roche-sur-Yon, le récit que l’on va lire :
- Le phénomène prévu par les astronomes et porté à la connaissance du public par les journaux, s’est manifesté avec éclat. Dans notre localité, de sombres et larges
- nimbus encombraient le ciel, mais de temps à autre s’ouvraient entre les nuages inopportuns de vastes interstices qui ont permis aux observateurs de jouir du spectacle curieux de cette pluie de feux météorites qui éclatait parfois à l’instar d’un feu d’artifice. De six heures à sept heures du soir, il était impossible à un observateur seul, même attentif, de les compter : c’était par trois et quatre que ces lumières célestes s’élançaient des différents points de l’espace avec une direction générale de l'E. k l’W. ou E. S. W . A d’autres instants, je suis parvenu à en compter jusqu’à 95 en cinq minutes. (Rondenet, à la Roche-sur-Yon.)
- Un de nos lecteurs, de Nice, nous informe que le phénomène a été très bien observé dans cette région. Un de nos abonnés nous apprend qu’il en a été de même à Lille. De nombreuses observations analogues aux précédentes, nous ont été adressées de Niort, de Marseille, de Nîmes ; d’autres ont é>té faites dans le midi de l’Europe.
- M. le Dr F.-A. Forel nous envoie de Morges, en Suisse, une notice intéressante sur les observations faites dans son pays.
- La grande apparition des météores de la comète de Biéla a été observée partout. J’ai reçu des observations de Genève, Aigle, Neuchâtel, etc. Il semble que le feu d’artifice a été aussi brillant qu’en novembre 1872. Le nombre des étoiles filantes a été évalué à Genève de 50 à 60 par minute, le point d’irradiation était vers le centre d’Andromède. Le moment de l’apparition a été à Genève de 7 à 8 heures du soir.
- Nous reviendrons, s’il y a lieu, sur ce remarquable phénomène, et nous analyserons les autres communications qui pourront nous être encore adressées à ce sujet.
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- SÉPULTURES MÉROVINGIENNES
- DÉCOUVERTES A MONTCEAUX , COMMUNE DE BULLES
- (oise)
- M. Lemagnen, propriétaire à Montceaux, a découvert, le 13 octobre 1885, une sépulture mérovingienne, peut-être unique en son genre, remontant au quatrième ou au cinquième siècle de notre ère. Elle renfermait un guerrier frank à l’état de momie, avec ses armes et tous ses vêtements.
- Malheureusement cette sépulture, si intéressante au point de vue de l’histoire et de l’archéologie, n’a pu être conservée malgré les grandes précautions prises par M. Lemagnen. Néanmoins elle a pu être examinée par un certain nombre d’antiquaires, entre autres par M. l’abbé Hamard, curé d’Hermes (Oise), savant archéologue qui en a fait le croquis sur place.
- Le tombeau était en pierre calcaire, recouvert de deux pierres plates de même nature et qui fermaient fort bien le sarcophage.
- Le guerrier mérovingien présentait, comme le montre la figure, un manteau en laine et une chemise de toile blanche. Son scramasaxen fer, la boucle de son ceinturon, la plaque, la contre-plaque et la plaque supplémentaire étaient intacts et dans la position donnée par le dessin. Des bandelettes en cuir, de deux centimètres de largeur, retenaient ses chaussures qui étaient en bon état de
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- conservation. Aux pieds du soldat, était un vase funé- .
- raire. !
- AI. Lemagnen désirant j emporter chez lui le sarco- j phage, avait replacé les deux ! pierres sur le tombeau et ! mis de la terre par-dessus. Mais ces précautions devaient être inutiles, car des malfaiteurs sont venus secrètement, durant la nuit, enlever la terre, afin de s’emparer du guerrier et de ses ornements. A peine ces voleurs d’un nouveau genre eurent-ils touché au squelette, que tout tomba en poussière, os, vêtements, chaussures et armes.
- Parmi les nombreuses sépultures mises à jour à Alontceaux, on remarque celle d’une dame mérovingienne inhumée avec ses bijoux. Al. Lemagnen a recueilli deux grandes boucles d’oreilles en bronze doré enrichies de grenats de diverses couleurs, deux médaillons en argent chargés de filigranes et de verroteries, une boucle et une plaque de'ceinturon en bronze artistement ciselées, un beau style guiJloché et orné de verroterie. Il y avait encore une rouelle ou châtelaine en bronze doré avec dessins découpés à jour, et portant encore des objets de toilette suspendus : petits ciseaux, couteau, etc... Un collier de perles présentait des formes et des couleurs fort variées.
- Aux pieds de cette dame, le vase traditionnel en terre noire, orné de guirlandes de dessins sur la panse.
- Dans la tombe voisine d’un gallo-romain, on a découvert un plat en poterie dite de Samos, et auprès la carcasse d’un poulet. Eugène Vimont.
- ——
- LES TÉLÉGRAMMES MÉTÉOROLOGIQUES
- DES ÉTATS-UNIS
- On s’est préoccupé dans ces dernières années de la possibilité d’améliorer la prévision du temps en Europe, par la réception de télégrammes météorologiques des États-Unis. Le Comité international météorologique, dans sa dernière session, tenue à Paris en septembre dernier, a examiné cette importante question, qui figurait a son programme sous la forme suivante.
- Question (3. — Discussion de l’utilité des télégrammes météorologiques d’Amérique proposés pap M. le général llazen et organisation éventuelle de leur distribution en Europe.
- Dans cet ordre d’idées, j’ai soumis au Comité une méthode permettant de transmettre par voie télégraphique l’état de l’atmosphère sur l’Amérique du Nord, d’une manière assez détaillée, au moyen d’un nombre de mots très limités. Nous allons reproduire dans ses traits généraux cette proposition qui a été prise en considération.
- L’utilité des télégrammes quotidiens indiquant l’état du temps sur l’Amérique du Nord, nous paraît évidente, à cause de la solidarité qui existe entre les mouvements de l’atmosphère en différents lieux, rendue plus grande encore par le passage assez fréquent de dépressions de l’Amérique au nord de l’Europe. De plus les mouvements de l’atmosphère sur l’Amérique du Nord permettent, en les rapprochant de nos observations d’Europe, de préjuger dans une certaine mesure de ce qui se passe sur 1 Océan, et, en particulier, des déplacements des grands maxima et minima barométriques. Aussi M. lioffmever, dans son intéressant mémoire sur les tempêtes sur l’Océan, a-t-il compris les Etats-Unis dans le réseau qu’il considérait comme utile pour améliorer la prévision du temps en Europe. M. Rol-lin a d autre part indiqué, dans les Annales du Bureau central météorologique de France (t. 1, 1881) le parti que l’on peut tirer pour la prévision du temps, de la connaissance simultanée des dépêches d’Europe, de Sibérie et des États-Unis.
- Pour hâter la solution pratique de cette question, il faudrait trouver un moyen simple et peu coûteux d envoyer par le télégraphe les renseignements principaux sur letat du temps en Amérique. C’est ce que je me suis proposé de faire de la manière suivante.
- On remarque dans les cartes du temps certaines dispositions des lignes isobares qui se reproduisent très souvent. Par exemple, en Europe, ces lignes peuvent se grouper autour d’un centre de basses pressions voisines de l’Irlande, pendant que vers la Russie, la pression monte et que les isobares contournent un massif de hautes pressions. Ces dispositions caractérisent l’état de l’atmosphère, nous les désignerons sous le nom de type d’isobares.
- Tout le monde, je crois, est d’accord sur ce point, que ce qu’il nous importe de connaître, c’est l’allure générale des isobares en Amérique avec les faits saillants du temps, et non le détail de la distribution des pressions, les petites inflexions des courbes et les phénomènes locaux,
- Il nous faut donc savoir tout d’abord quel type d’isobares règne en Amérique. Or, l’étude suivie des cartes du Signal Service montre qu’il n’existe guère qu’une vingtaine de ces types, que l’on peut classer de la manière suivante en les caractérisant par la position des fortes pressions, qui est assez; stable ; 1° types avec maximum barométrique à
- Sépulture mérovingienne,
- A. Sarcophage eu pierre tendre ;— B, Manteau eu étoffe de laine; — C, Chemise en toile blanche ; — 1), Sera-rriasax en fer; — E, Boucle du ceinturon; — F, Plaque en fer; —G, Contreplaqué; — II, Plaqr.e supplémentaire; — I, Vase funéraire; — J, Bandelettes eu cuir de 0“,02 de largeur; — Iv,Développement de la chaussure ; — M, Pied du guerrier; — N, Cordonnets en cuir pour serrer la chaussure autour du pied ; — 0, Extrémités de la chaussure pressées autour de la jambe avec les bandelettes; — P, Tibias du guerrier.
- Ce personnage (comme presque tous ceux de l’époque mérovingienne), a les pieds dirigés vers l’Orient. (Quatrième ou cinquième siècle après J.—C.)
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- LA NATURE.
- l'Ouest ; 2° types avec maximum au Sud ; 5° types avec maximum à l’Est ; 4° types avec maximum au Nord; 5° types avec maximum au Centre.
- En désignant par une lettre chacun de ces types et chaque variante, on a un moyen très simple de transmettre la carte d’isobares dans ses grands traits.
- Ces indications sur la disposition générale des isobares peuvent laisser quelques points dans le vague. Outre la forme générale des isobares, il faut connaître les extrêmes du baromètre sur la carte. Pour cela, la cote du maximum barométrique principal est donnée par une lettre, et sa position pour le cas fréquent ou il y a deux maxima est indiquée aussi par une lettre qui correspond à la position du centre des hautes pressions, la carte d’Amérique étant divisée en un damier dont chaque carré porte une des 26 lettres de l'alphabet. Ainsi est constitué un premier groupe de trois lettres : BND,par exemple.
- La première lettre B indique quel est le type d'isobares du moment de l’observation; la seconde N, nous montre que le centre du maximum principal est dans la région N, qui correspond à l’Arizona; la troisième D nous dit que la pression au centre d’après la table conventionnelle est égale à 767mm.
- La position des mi-nima de pression n’est pas moins importante.
- On trouve généralement deux centres de basses pressions : l’un, par exemple, sur la région voisine du Pacifique, l’autre, sur le bassin des grands lacs, et il y a lieu d’être renseigné sur ces deux centres. Les basses pressions les plus éloignées de l’Atlantique, ou mieux de l’Europe, nous intéressent seulement au point de vue de la disposition des * isobares sur l’Amérique. Au contraire, la dépression la plus voisine de nous fait non seulement partie de la carte de l’Amérique, mais d’un moment a l’autre peut, par sa marche vers l’Est, influer sur la distribution des pressions sur l’Océan, agir sur le temps en Europe, quelquefois prendre place elle-même dans nos cartes quotidiennes. C’est évidemment le phénomène sur lequel doit porter notre attention. *
- La position du minimum le plus éloigné de l’Europe est fixée par une lettre désignant la région; la pression au Centre est aussi donnée par une lettre, ce qui forme les deux premiers signes du second mot ou groupe de trois lettres : le troisième indique la latitude du minimum le plus voisin de l’Europe. La longitude du minimum est
- indiquée par la première lettre du troisième groupe, la cote de la pression barométrique dans cette dépression, par la seconde lettre du troisième mot. La troisième lettre désigne l’intensité du vent dans la dépression. Si on le juge convenable, on pourra envoyer un quatrième mot dans lequel la première lettre indiquera la direction dans laquelle marche la dépression, depuis la dernière observation distante de huit heures; la seconde fera connaître la vitesse de translation dans les huit heures ; la troisième, l’augmentation ou la diminution de pression au Centre, dans le même intervalle.
- Ainsi donc, avec 4 mots de 3 lettres, on peut transmettre la situation du temps, avec des détails sur la marche et l’intensité de la dépression la plus voisine de nos côtes, c’est-à-dire tout ce qui nous intéresse.
- Le télégramme météorologique serait ainsi très court elles frais peu élevés. Nous donnons ci-contre
- un exemple de l’application de cette méthode à la carte du 3 janvier 1879.
- L’expression télégraphique qui sert à représenter cette situation de l’atmosphère est
- oin gwi uhn hvj
- dont le sens est le suivant :
- o, type d’isobares avec maximum de pression au centre des États-Unis, minium à l’Ouest et à l’Est, i, maximum principal dans la région i (Minnesota), n, la pression au centre du maximum est de777mm. <7, le minimum barométrique le plus éloigné est dans la région g sur la côte du Pacifique, w, la pression au centre y est de 762mm. i, le minimum le plus voisin de l’Europe est à la latitude de 45° u, et à la longitude de la Nouvelle-Ecosse, h, la pression au centre y est de 732n,m. n, la vitesse du vent y atteint 20 mètres par seconde, h, dans les hûit dernières heures, ce minimum a marché vers l’Est 15 Sud. v, la vitesse de translation du centre du minimum est de 40 kilomètres à l'heure, j, la pression a baissé au centre, depuis huit heures, de 6 millimètres.
- Pour traduire la dépêche en clair on emploie : 1° une série de 20 cartes donnant les types d’isobares ; 2° deux cartes des Etats-Unis divisées en damier ; 3° une table conventionnelle indiquant le sens des lettres, cette table occupe moins d’une page. On voit donc que cette méthode qui nous fournirait des renseignements assez précis est d’une application pratique très simple. L. Teisserenc de Bort.
- 777.2
- Carte des Isobares, aux États-Unis, le 3 janvier 1879, à 7 h. 35. T. M. de Washington.
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- LA NATURE.
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- FABRICATION MÉCANIQUE
- DES CARTOUCHES
- La fabrication des cartouches à douille de cuivre se fait mécaniquement depuis plusieurs années, et différentes machines ont été imaginées à cet effet. L’une des mieux comprises et des plus perfectionnées figurait à la section italienne de l’Exposition uni-verselled’Anvers.
- Elle était actionnée par une petite dynamo Gramme qui recevait le courant produit par une autre dynamo placée dans le hall des machines à environ deux cents mètres de là. L’inventeur et le constructeur de cette machine est M. Marelli-Sante, de Rome, qui a déjà fourni aux arsenaux de différents pays des machines analogues, mais moins complètes.
- Nous ne pouvons ici entrer dans tous les détails de construction; mais la vue d’ensemble que nous donnons, et qui a été faite d’après nature, fera com-prendre d’une façon suffisante le fonctionnement des principaux organes. La première opération se fait sur la partie droite de la machine ; elle consiste à amorcer les douilles. Celles-ci sont placées dans une sorte d’entonnoir A qu’on voit sur le haut de la figure où des crochets, montés sur un axe horizontal animé d’un mouvement de rotation, viennent les saisir et les engager dans un tube qui aboutit à un plateau à barillet B tournant autour d’un axe vertical. Les amorces ont été placées au préalable sur un second plateau D situé derrière le premier. Elles arrivent sous la
- douille au moment où celle-ci sortant du tube vient de tomber dans l’un des trous du barillet B. Un poinçon descend alors qui entre dans la douille et va sertir l'amorce au fond.
- Le plateau continuant à tourner amène la douille en face d’une ouverture par laquelle elle est refoulée dans le tube recourbé*C. Celui-ci est fendu sur une partie de son extrémité inférieure et par cette fente
- passe un petit levier qui a un mouvement de va-et-vient égal à la longueur d’une douille ; il les pousse toutes les unes derrière les autres et elles viennent tomber dans un second plateau à barillet pareil au premier, situé sur la partie gauche de la machine où se fait la série des opérations qui constituent le chargement proprement dit. La douille passe d’abord sous le cylindre P, qui contient .la poudre; une soupape s’ouvre et laisse tomber la quantité qui a été déterminée à l’avance. Le plateau continue à tourner et amène la cartouche commencée sous un tube qui contient les bourres et en-suite sous un poinçon qui s’abaisse et les enfonce en comprimant légèrement la poudre ; de là elle arrive sous un plateau où on a disposé les balles qui poussées par un poinçon viennent s’enfoncer et se fixer à l’extrémité de la douille. La cartouche ainsi terminée sort alors du plateau à barillet où elle est entrée munie seulement de son amorce et ^ elle tombe dans un couloir qui la conduit vis-à-vis d’un troisième plateau à barillet E qu’on voit à l’extrême gauche de la figure. 11 tourne autour d’un axe horizontal et chacun de ses trous vient passer
- Machine à amorcer, charger et contrôler les cartouches.
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- successivement devant le couloir qui amène les car- ( touches. Celles qui ne dépassent pas le calibre voulu et n’ont subi aucune déformation entrent tout à fait dans les trous de ce barillet et sont entraînées par son mouvement de rotation. Un poinçon vient les faire sortir et tomber dans un panier disposé ad hoc quant à celles qui sont mal calibrées ou déformées, elles ne peuvent entrer entièrement dans les trous du barillet et dépassent plus ou moins. Elles sont entraînées quand même, mais la partie qui dépasse soulève un levier qui empêche le poinçon d’agir et de les faire tomber dans le panier des bonnes cartouches ; ce n’est qu’un peu plus loin qu’un deuxième poinçon les fait sortir du barillet et les rejette à part.
- On voit que la machine de M. Marelli-Sante fait tout automatiquement et supprime presque complètement la main-d’œuvre. Une femme et un apprenti suffisent pour la conduire et l’alimenter des fournitures nécessaires. La force nécessaire à son fonctionnement est d’environ un tiers de cheval-vapeur. Avec une vitesse de 40 à 45 tours à la minute, on peut faire 2500 cartouches à l’heure. Si l’un des organes fait défaut, ou si l’une des matières employées à la fabrication vient à manquer, une disposition spéciale rend folle à ce moment la poulie de commande et la machine s’arrête d’elle-même. Nous regrettons que la place qui nous est réservée ne nous permette pas d’entrer dans de plus grands détails au sujet du mécanisme, mais nous espérons que ces quelques explications suffiront à faire apprécier cette ingénieuse machine. G. Mareschal.
- ÉCLAIRAGE ÉLECTRIQUE A DISTANCE
- A QUÉBEC, AU CANADA
- Depuis plusieurs années, bon nombre de négociants et d’industriels de Québec se servaient de la lumière électrique. La Compagnie qui se chargeait des installations a eu l’idée, sur la suggestion de quelques-uns de nos électriciens, de mettre de côté ses dispendieuses machines à vapeur, pour transporter ses ateliers à la rivière Montmorency, une huitaine de milles en aval de Québec, sur les rives du Saint-Laurent. Son but était d’utiliser une partie de la force motrice de la célèbre chute Montmorency qui se trouve en cet endroit.
- La roue motrice qu’on y a installée ad hoc est une turbine horizontale du diamètre de *21 'pouces et large de 14 pouces, travaillant sous la pression d’une colonne d’eau de 160 pieds. Pour le service actuel on ne laisse passer dans la turbine que 2 pouces d’eau, et, dans ces conditions, elle développe assez de force pour actionner parfaitement une dynamo Thomson-Houston du type de 35 lampes, et deux autres du type de 25.
- Deux circuits distincts relient les dynamos, avec les lampes, à Québec. La longueur de chacun est de 34 milles et l’un d’eux alimente à lui seul au delà de 50 lampes. Le fil conducteur est en cuivre, épais d’environ 5 millimètres et sans enveloppe isolante. Il est installé sur des poteaux très élevés, à la manière des fils télégraphiques ordinaires, et, bien que ces conditions puissent paraître
- trop rudimentaires, la déperdition d’électricité, même en temps de pluie, est très faible eu égard à la longueur du parcours. L’affaibRssement du courant ne dépasse jamais un dixième d’ampère. Dans la ville, le fil est isolé par une enveloppe en coton.
- Le plant comprend dès maintenant au delà de 80 lampes à Québec, et ce nombre augmente tous les jours. Les trois dynamos qui fournissent le courant font 700 révolutions à la minute, et comme elles peuvent sans danger être poussées jusqu'à 1000 ou même 1200 révolutions, il sera facile d’avoir, quand on voudra, un courant plus intense sans augmenter le nombre des machines. Actuellement le courant, dans chacun des deux circuits, mesuré avec l’ammètre Ayrton-Perry, varie de 10 à 11 ampères; le plus souvent il se tient à peu près stable à 10 et demi. Quant à la force électromotrice, l’électricien qui a charge des dynamos croit qu’elle atteint 3000 volts aux bornes des machines.
- Voilà, en deux mots, notre installation électrique qué-becquoise. Je dois ajouter qu’au point de vue économique, l’utilisation de la chute Montmorency épargne plus de dépenses que n’en a exigé la nouvelle installation. Des gens bien renseignés affirment qu’aujourd’hui la Compagnie fait chaque jour un profit net de 15 à 20 dollars, ce qui conduit à un gain annuel de plus de 5000 dollars. Et comme les dépenses faites jusqu’ici ne dépassent guère 40 000 dollars, les actionnaires devront toucher de bons dividendes.
- Encouragé par ce premier succès, le gérant de la Compagnie étudie le problème de la transmission électrique de la force, de manière à utiliser doublement ses fils de ligne.
- Il est même fortement question de relier par un chemin de fer électrique Québec et le village de Sainte-Anne-de-Beaufré, distant de 21 milles et où se rendent chaque année au delà de 100 000 pèlerins. La force motrice serait encore et toujours empruntée à la chute Montmorency, et comme la force totale de cette dernière dépasse en moyenne 10 000 chevaux-vapeur, il y aura de la marge pour de nouvelles installations électriques.
- L’abbé J.-C.-K. Laflamme,
- Professeur à l’Université de Laval.
- Québec, 6 novembre 1885.
- NOUVEAUX MÉDICAMENTS
- l’hopéine et l'hypnose
- Les découvertes de la chimie, alcaloïdes nouveaux, composés de la série aromatique, ont, depuis quelques années, singulièrement étendu le champ de la pharmacologie et de la thérapeutique médicale. Chaque jour ce sont des composés inconnus jusqu’alors, doués de propriétés spéciales dont les uns n’ont qu’une vogue d’un moment, et dont les autres sont destinés à prendre une place définitive dans la thérapeutique.
- L’hopéine paraît rentrer, au moins d’après les premières expériences qu’on a faites, dans cette dernière catégorie. C’est un alcaloïde isolé du houblon et notamment des houblons sauvages d’Amérique, qui se présente sous la forme d’une poudre blanche cristalline, peu soluble dans l’eau, très soluble dans l’alcool, d’une saveur très amère, ayant un peu l’odeur du houblon.
- L’hopéine se rapproche, par ses effets narcotiques, des alcaloïdes de l’opium. Elle a, de plus, des propriétés antiseptiques très marquées. Le houblon et l’extrait de cette
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- plante sont doués de ce pouvoir antiseptique, qu’ils doivent vraisemblablement à l’alcaloïde nouvellement découvert. Les bières, dans la préparation desquelles entre une grande quantité de houblon, se conservent longtemps, sans aigrir, sans s’acidifier, alors même que le tonneau est entamé. Ce point a un certain intérêt industriel.
- Comme médicament, l’hopéine a des effets narcotiques très prononcés sans excitation consécutive. Le lupulin, poudre qu’on obtient par le tamisage des cônes de houblon, était déjà réputé pour ses propriétés anaphrodisia-ques et même narcotiques. MM. Smith, de Londres, et Roberts ont expérimenté l’hopéine sur les animaux et sur eux-mêmes, puis l’ont administrée à quelques malades avec le plus grand succès. A la dose de 5 milligrammes, prise à jeun, M. Smith a éprouvé, au bout d’un quart d’heure, une tendance au sommeil, difficile à surmonter. A 1 ou 2 centigrammes, on obtient un sommeil profond, qui survient quelques instants après l’ingestion du médicament. Le réveil n’est suivi d’aucune fatigue, d’aucune pesanteur de tête ou d’état nauséeux, comme cela est fréquent avec l’usage de la morphine. De plus, il ne semble pas s’établir une tolérance graduelle qui nécessite l’emploi de doses progressivement élevées. Une malade a eu un sommeil très calme, toutes les nuits, pendant un mois, en ne prenant que la même dose de 2 centigrammes. Roberts croit pourtant qu’à la longue, il doit se produire une accoutumance qui diminue un peu l’intensité des effets. L’habitude invétérée de l’alcool, du tabac, rend les sujets moins sensibles à l’action de l’hopéine. C’est du reste là un fait connu que cette résistance des alcooliques à un grand nombre de narcotiques.
- C’est un médicament destiné à remplacer la morphine ; mais il doit être manié avec une très grande prudence, car il est très toxique. 6 à 7 centigrammes, chez un enfant, 10 à 12, chez un adulte, peuvent amener des accidents sérieux. Pour corriger l’amertume insupportable de l’hopéine, Roberts propose de la donner dans de la bière concentrée ou dans un peu de vin de Porto.
- L’hypnone est également, comme son nom l’indique, un médicament hypnotique, narcotique. Ce n’est, du reste, qu’un nom destiné à rappeler ses propriétés. L’hypnone est, au point de vue chimique, le phénylméthyl-acétone ou acétophénone. M. le Dr Dujardin-Beaumetz et son assistant, M. Bardet, ont fait connaître à l’Académie les premiers résultats de leurs expériences.
- L’hypnone est un liquide, d’une coloration ambrée foncée, ayant une odeur qui rappelle à la fois l’amande amère et la benzine, peu soluble dans l’eau, et se décomposant dans l’organisme en acide carbonique et en acide benzoïque. Administrée à la dose de 5 à 10 centigrammes, mêlée à un peu de glycérine, l’hypnone détermine un sommeil très calme et profond. L’effet ne se produit qu’au bout de quelques heures ; en donnant le médicament vers 7 heures, le sommeil survient vers les 9 ou 10 heures. C’est chez les sujets alcooliques que les effets hypnotiques ont été le plus appréciables ; on obtient un calme plus complet qu’avec le chloral ou la paraldéhyde. Chez tous les malades, l’hypnone a paru bien tolérée ; l’odeur de l’haleine est rendue un peu désagréable par l’élimination de l’acétone par le poumon. Il sera intéressant de connaître les effets sur les diverses sécrétions, notamment la sécrétion urinaire. Ce sont des recherches à poursuivre ; mais il m’a paru bon de signaler ces deux agents, destinés à armer la thérapeutique contre le symptôme le plus pénible pour les malades qui souffrent, l’insomnie. Dr A. Cartaz.
- « LÀ NATURE » AUX ÉTATS-UNIS
- Dans notre livraison du 21 mars 1885, nous avons annoncé (p. 255) que M. Albert Tissandier venait de quitter Paris, pour entreprendre un long voyage aux États-Unis, et rapporter de nombreux documents, sur les industries américaines et sur les beautés naturelles dont ce magnifique pays abonde. M. Albert Tissandier a parcouru les différentes régions de l’Amérique pendant plus de six mois, il a visité les principales villes du Nouveau Monde, New-York, Philadelphie, Boston, Washington, Chicago, San-Francisco, etc., etc. Il a parcouru les régions presque absolument inconnues de l’Arizona, les pays magiques des canons et des défilés grandioses, il a été chez les Mormons, il a vu le lac Salé, l’exploitation des forêts et des mines, les grands arbres de la Californie, le parc National et ses geysers, la caverne gigantesque (mammouth cave), les fermes du Dakota et les chutes du Niagara. Sans cesse en correspondance avec nous, M. Albert Tissandier nous a raconté au jour le jour ses impressions d’observateur et d’artiste ; il a cru devoir conserver à ses lettres dont nous publierons ici des extraits, le ton familier du touriste, et le caractère des sensations du premier moment. Nous avons la conviction que ces récits inédits intéresseront nos lecteurs comme ils nous ont intéressé nous-mêmes. Notre frère a rapporté plus de cent cinquante dessins faits d’après nature, et plus de cinquante photographies. Nous avons choisi quelques-uns de ses plus curieux documents dont nos lecteurs auront la primeur.
- On ne saurait trop s’attacher à connaître, de ce côté de l’Atlantique, cet admirable pays des États-Unis où tout est grandiose, où la nature est majestueuse et puissante, et où l’homme est ingénieux, actif et laborieux. Comme nous le disait notre frère en revenant de son exploration, il n’est rien de plus instructif qu’un voyage aux États-Unis ; on y apprend ce qu’est la large existence en pleine lumière et au grand air, et ce qu’est le travail en pleine liberté.
- LETTRES D’AMÉRIQUE
- NEW-YORK. --- LES « ELEVATED )). - LES THEATRES.
- -- LA LUMIÈRE ÉLECTRIQUE AUX ÉTATS-UNIS
- Après douze jours de traversée, on est heureux de voir terre, surtout lorsque c’est l’admirable baie de New-York qui se présente à vos yeux, mais il faut se débarrasser des ennuis de la douane. L’administration américaine est inexorable; elle vous inflige un vrai supplice. A peine ai-je pu serrer la main démon ami G... qui m’attendait en dehors des barrières posées par les douaniers. Avec un peu de patience, beaucoup même, devrais-je dire, tout est terminé et mes malles me sont promises pour mon arrivée à l’hôtel. Me voici libre enfin et nous partons aussitôt avec mon compagnon faire une promenade dans la ville à l’aide des Elevated ou chemins de fer aériens1.
- Rien de plus curieux que ce chemin de fer qui décrit des courbes tortueuses à travers les rues et
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- 1 Voy. n° 398, 5 janvier 1881, p. 107, et n° 270, du3aoâ 1878, p. 151.
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- fait des détours les plus invraisemblables. J’en ai gardé une impression des plus bizarres et certainement on ne peut pas se figurer une manière de voyager aussi pittoresque et aussi rapide. Les wagons passent quelquefois dans d’étroits passages des rues ; ils arrivent alors presque à toucher les maisons et on est tout étonné de se trouver de plain-pied avec une chambre à coucher ou un salon dont les fenêtres ouvertes ont vue sur votre voiture. On pourrait alors serrer la main du locataire. Il y a foule dans les wagons, bien entendu. Les dames, en toilette fort élégante, sont toujours assises malgré tout; aucun homme ne resterait à sa place si une lad y devait rester debout; la politesse la plus stricte est observée partout. Dans tous les lieux publics, une dame est toujours certaine de passer la première et d’être respectée.
- Tout ce monde se meut silencieusement,- personne
- Fig. 1. — Chemin de fer aérien de New-York. Vué en dessous.
- ne cause, on a l'air absorbé. Cela est étonnant, car on devait s’attendre a tout le contraire d’après la réputation que l’on a faite aux Américains. Le silence est, paraît-il, le grand mot d’ordre ici. Dans les bars, les restaurants, les rues, pas un cri, pas de conversations à voix haute. Ce silence est d’autant, plus curieux, que le mouvement des rues est vraiment fébrile. La masse des voitures, des tramways, du public enfin allant dans tous les sens, vous offre un spectacle d’une animation extraordinaire.
- L’endroit le plus curieux de New-York, pour avoir l’idée d’une fourmilière humaine toujours en travail, est certainement le carrefour de Chatham et New-Rowery.
- Les différences de niveau ont forcé les Elevated a avoir deux étages en cet endroit. On voit alors la foule monter constamment les escaliers; elle va
- Fig. 2. — Chemin de fer aérien de New-York. Vue en dessus.
- prendre ses.billets et remplir les wagons qui partent sans cesse. Cette partie aérienne du tableau serait déjà, une curiosité à elle seule, mais il y a en outre sous le chemin de fer, au travers des colonnes de fonte qui le supportent, un monde d’omnibus, de camionneurs, et de voitures de toutes sortes. Le public enfin se faufile dans ce dangereux labyrinthe aux barricades mouvantes forméés de roues et de chevaux galopant dans toutes les directions.
- Ce Temue-ménage perpétuel est remarquable, étourdissant même, mais on est forcé de reconnaître que si les Elevated sont commodes, ils n’offrent pas un aspect agréable et motivent les réclamations fréquentes des riverains. Le dessous de ce chemin de fer aérien est surtout particulièrement affreux. La boue y séjourne presque toujours; elle ne saurait sécher facilement sous les planchers à jour qui portent les trains en marche, l’aspect est donc noir et peu agréable pour le public.
- Au mois de juin dernier, M. Edison a fait des essais fort intéressants et qui paraissent devoir réussir complètement.. 11 s’agirait de remplacer les machines à vapeur des Elevated par l’électricité. Les voitures auraient alors beaucoup moins d’ébranlement ; cela préserverait les viaducs de fer construits et qui en certains endroits déjà, paraît-il, ont besoin de fortes réparations. Pour les riverains, il n’y aurait plus de fumée ni tous les désagréments des locomotives.
- Si la journée est occupée au milieu de ce tourbillon de foule affairée, le soir n’est pas moins curieux dans un autre genre. Barnum, par exemple, joint à son cirque inouï une ménagerie complète. Tous les monstres de la terre sont là sur une estrade : la femme squelette, les Aztèques, les nains et les géants, les albinos, les femmes à barbe, puis des échantillons superbes d’animaux divers, 20 éléphants savants, etc. Dans le grand amphithéâtre où plus de quinze mille personnes peuvent trouver place, trois cirques sont
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- Fig. 3. — Vue d’ensemble du chemin de fer aérien de New-York, en vue d’East-River. (D’après une photographie.)
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- toujours occupés à la fois. Un voit tout un monde de clowns sautant, gesticulant au milieu des exercices des écuyers et écuyères, puis dans les combles de la salle, des saltimbanques des deux sexes occupés sur leur trapèze ou sur les cordes roides. Une musique infernale excite toute cette foule de clowns pendant deux heures durant, car il n’y a.pas d’entracte. On sort de là à dix heures et demie, absolument étourdi, mais on peut se vanter d’avoir vu un spectacle unique dans le monde entier.
- Je ne puis parler de toutes les salles de spectacle, leur directeur s’ingéniant à utiliser les lumières Edison de la façon la plus originale, mais il y un théâtre nouveau, le Lyceurn, ouvert depuis peu, qui offre une particularité assez curieuse.
- La salle contient 1200 personnes environ, elle est plutôt arrangée en salle de concert. La décoration est pleine de goût, sauf de rares détails; c’est un genre mélangé de persan et d’indien ; beaucoup de boiseries apparentes, surtout au plafond. Toutes ces boiseries sont incrustées d’argent, de nacre et d’ivoire (imitations, bien entendu).
- Le balcon de la première galerie est décoré de grandes rosaces de verre éclairées par la lumière Edison. Elles forment ainsi de grosses émeraudes encadrées de montures très délicates en argent et sont posées sur un fond marron du plus joli effet.
- Il n’y a pas de loges, mais trois avant-scènes situées de droite et de gauche, dont les séparations de bois ajourés et sculptés à l’indienne complètent l’effet gracieux de cette petite salle.
- L’idée originale de ce théâtre est d’avoir un orchestre de trente musiciens situé derrière la toile. Il est disposé sur un ascenseur aussi large que la scène même, et on le monte dans les frises lorsque l’entr’acte est terminé. Il redescend ensuite avec tous les musiciens aussitôt l’acte achevé.
- Cet orchestre mouvant est décoré d’une façon délicieuse. Colonnettes en bois niellé d’argent, lustres en forme d’œufs d’autruche rehaussés de mille perles de verres de couleurs diverses, vitraux chatoyants et banderoles de perles, tout cela"éclairé à la lumière
- Fig. 4.— Tourelle en elairage électrique (D'après nature.)
- fer pour l’é-de Détroit.
- est orné d’un vaste caisson rempli d’une centaine de globes de forme ovale suspendus par des fds d’or. Ils remplacent le lustre habituel et répandent dans la salle une douce lumière.
- La lumière Edison est fort employée à New-York dans les théâtres, les restaurants, les grands magasins et les clubs. Le First district central lighting Company se trouve non loin du pont de Brooklyn et il envoie la lumière dans la ville par 20 000 milles de conducteurs; 8 machines à vapeur de 150 chevaux sont en activité avec 8 dynamos de 1200 ampères1. Depuis l’année 4 882, où les premières installations ont été faites, il est facile de se rendre compte des progrès énormes de la lumière électrique dans la cité de New-York. La chambre des régulateurs et celle des instruments de mesure, la salle des dépôts des conducteurs de rechange, sont intéressants, mais la plus curieuse est celle où sont placées les machines et les dynamos. Toutes ces pièces différentes sont basses et construites en cloisons de planches; elles n’offrent aucun intérêt au point de vue de l’arrangement ou du goût, le côté pratique seul est remarquable. Tout cela est provisoire ; on voit que les agrandissements sont facilement faits au fur et à mesure des besoins du public. Les autres parties de la ville sont éclairées par les Compagnies Brush et Swan. Elles s’occupent principalement de l’illumination des rues et des places publiques. A Madi-son Square, entre autres, on peut admirer là grande couronne de lumière composée de six lampes qui se trouve suspendue en haut d’un mât de 50 mètres environ. Elles envoient leurs feux dans toute la place, et sous les beaux arbres du jardin on croirait volontiers à un clair de lune perpétuel.
- On monte tous les soirs cette couronne à l’aide d’une manivelle actionnant des poulies ; le matin on la redescend à la hauteur du balcon pour réparer ou nettoyer les appareils. Sur la place du Carrousel de Paris, l’appareil électrique offre un aspect agréable comme lumière, mais il est moins élevé et l’éclairage est loin d’être aussi intense que les
- Edison; c’est charmant. Enfin le plafond de la salle | ‘ * Voy. n° 488, du 7 octobre 1882, p. 208,
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- lampes Brusli dont Madison Square est pourvu1.
- Dans la ville de New-York ainsi qu’à San-Fran-cisco, etc., on s’est contenté d’un simple mat pour élever les lustres électriques Brush; mais dans la petite ville de Détroit, au bord du lac Saint-Clair, il y a une installation beaucoup plus jolie au point de vue de l’effet dans les rues ; elle est d’une hardiesse remarquable (fig. 4).
- C’est une carcasse triangulaire composée de tiges de fer assemblées en croix de Saint-André et ayant une élévation de 50 mètres environ. Cette sorte de tourelle a jour, d’une légèreté étonnante, est maintenue seulement en deux endroits de la hauteur par des fds tendus à des poteaux plantés dans les rues mêmes et qui ne figurent point sur notre croquis.
- Elle est posée sur une colonne de fonte à une certaine hauteur du trottoir pour ne pas gêner la circulation. Le gardien monte au premier balcon a l’aide d’une échelle ; là, il entre au centre du triangle dans une petite nacelle qu’il peut faire monter lui-même au balcon supérieur, en s’aidant des cordes enroulées autour des poulies. Un contrepoids qui descend au fur et à mesure que l’homme monte facilite l’ascension. Cent tours de ce genre éclairent la ville de Détroit, et elles sont placées à tous les 500 mètres environ. Dans les faubourgs, l’espace est plus grand, il est de 800 mètres. Pour les grandes places, les tours sont plus hautes, elles ont 60 mètres environ et sont munies de 8 lumières. Outre ces appareils électriques, la ville possède, comme New-York, les becs de gaz habituels.
- — A suivre. — ALBERT TiSSANDIER.
- RÉSISTANCE VITALE DES POISSONS
- On dit souvent que les poissons ont la vie dure. En voici un exemple bien remarquable qui nous est communiqué par M. Joussetde Bellesme, directeur de l’Aquarium du Trocadéro.
- Le 18 novembre dernier, un de nos grands commissionnaires en poisson d’eau douce aux Halles, M. II. Heydendave, recevait un assez fort lot de poissons qui lui étaient adressés de Gouda, centre de pêcheries situé aux environs de Rotterdam (Hollande). Ces poissons destinés à la vente étaient emballés et conservés avec de la glace. D’après la date d’arrivée, il était impossible qu’ils aient été pêchés postérieurement au 16 novembre; il est même assez probable qu’ils provenaient de pêches effectuées le 15. En les déballant, on s’aperçut qu’un brochet conservait quelques mouvements des ouïes. On eut alors l’idée de le laver à l’eau froide et de l’immerger dans un bassin, dans lequel les fonctions respiratoires de l’animal ne tardèrent pas à se rétablir. Au bout de quelques heures le brochet était revenu à l’état normal et paraissait très vif. M. Heydendave, enchanté de sa cure, fit don de ce poisson à l’Àquarium du Trocadéro, où l’on peut le voir.
- C’est un beau brochet, d’environ 70 centimètres de long, et dont la couleur dorée contraste avec la teinte plus sombre de nos brochets de Seine.
- Ainsi, voilà un poisson qui est resté hors de l’eau pen-
- 1 Voy. n° 470, du 3 juin 1882, p. 7.
- dant plus de quarante-huit heures, probablement durant trois jours, et qui, emballé sans la moindre précaution avec du poisson mort et des morceaux de glace, a pu effectuer un parcours de 450 kilomètres et revenir ensuite à la vie. C’est assurément là un fait de résistance vitale des plus intéressants à signaler, et il faut savoir bon gré à M. Heydendave d’avoir enrichi la science de ce cas extraordinaire. L’abaissement de la température a été évidemment très favorable à l’entretien des fonctions vitales. Le froid ralentit toutes les actions organiques, et chez les poissons notamment on connaît nombre d’espèces qui, lorsque l’hiver arrive, s’enfoncent dans des trous vaseux où elles doivent ne respirer que fort peu.
- On savait déjà que les carpes et les anguilles voyagent très bien à sec, maison n’avait jamais, croyons-nous, signalé d’une manière authentique un exemple de transport à aussi longue distance et dans de telles conditions, bien supporté par un brochet.
- LA. CENTENAIRE D’AUBERIYES
- La veuve Girard, l’archicenlenaire d’Auberives (Isère) dont nous avons donné le portrait dans notre livraison 622, du 2 mai 1885 (p. 557) èt qui semblait avoir dépassé l’àge de cent vingt-quatre ans, est morte le 10 novembre dernier après un mois de maladie. Notre correspondant, M. Ernest Odier, de Saint-André en Royans (Isère), nous écrit qu’il y a quelques mois il a fait présenter La Nature à la centenaire d’Auberives avec son portrait. M. Perrier, facteur, s’est chargé de cette mission. Quand elle a vu son portrait, la veuve Girard éprouva une grande surprise. « Et qu’est-ce que cela vaine rapporter? s’écria-t-elle.— Des étrangers viendront vous voir en plus grand nombre, lui répondit M. Perrier, et vous feront des présents, des cadeaux. — Eh bien, tout cela ne me fait pas envie, répliqua la centenaire, j’aimerais bien mieux retourner à mon petit pays des Boulognes ! »
- La veuve Girard a toujours beaucoup regretté son petit pays des Boulognes, bien qu’elle y ait vécu pauvrement. M. Perrier l’y a souvent rencontrée revenant des bois chargée d’un gros fagot, qu’il s’offrait à porter, mais la centenaire refusait toujours : « Grand merci, monsieur le facteur, répondait-elle, j’ai encore bon courage pour porter mon fagot. » Et la pauvre centenaire est morte sans revoir son pays natal !
- FILTRATION DES EAUX
- AÉRI-FILTRE MALLIÉ
- On ne saurait apporter trop d’attention à la pureté des eaux d’alimentation ; M. Pasteur et d’autres savants ont démontré que les eaux étaient non seulement les véhicules de toutes les épidémies, mais encore, par les matières organiques qu’elles contiennent, elles peuvent être la cause de fièvres et autres maladies, outre les goitres et la carie des dents dont sont atteintes les populations voisines des lacs et de certaines eaux stagnantes.
- Le principal moyen qu’on avait trouvé pour combattre leurs effets pernicieux était de les soumettre à l’ébullition.
- Les récents travaux ide Pasteur permettent de
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- remplacer l’ébullition par une filtration sévère à l’aide de la pression forçant l’eau à traverser une porcelaine spéciale qui arrête tous germes et microbes. Nous avons déjà fait connaître le filtre Chamberland1. Nous décrirons aujourd’hui l’aéri-filtre de M. Mallié, appareil basé sur un principe analogue.
- L’aéri-filtre donne, d’après le Rapport des expériences faites au Laboratoire municipal sous la direction de son chef M.
- Girard, des résultats qui ont établi que l’eau, au sortir de l’appareil est physiologiquement pure, exempte de germes ou microbes et essentiellement propre à tous les usages domestiques; de plus, cet appareil est disposé de façon à aérer l’eau qui devient ainsi en même temps légère et digestive.
- Le filtre est simple de construction et peut être nettoyé en quelques minutes de tous les résidus, de la chaux et autres matières en suspension qu’il a recueillis en quelques semaines, de manière à redevenir aussi bon que neuf et peut ainsi fonctionner indéfiniment.
- Le robinet qui supporte l’appareil peut être fixé partout et très rapidement sur n’importe quelle conduite. L’appareil est peu volumineux (0m,30 de hauteur) peu encombrant et peut être placé dans une office ou même une salle à manger.
- L’enveloppe en verre très épais protège ce vase filtrant et empêche le contact de l’air à l’eau qui s’échappe du filtre. Cela permet de constater le bon fonctionnement du filtre.
- i Voy. n° 587, «tu 30 août 1884, p. 109
- Le filtre pour ménage que nous représentons ci-contre (fig. 1) débite environ 60 à 80 litres par jour suivant la pression.
- Une disposition spéciale de l’aéri-filtre en batteries de 3 filtres sert à donner aux cafés, petits restaurants, hôtels, etc., une quantité d’eau suffisante à leurs besoins. Ils permettent de filtrer environ 250 litres par jour. Les batteries de 6 filtres à l’usage des hôpitaux, casernes, grands restaurants, etc., donnent environ de 600 à 650 litres par jour.
- Notre figure 2 montre la coupe du filtre Mallié. Le filtre en porcelaine spéciale est représenté en A ; l'eau y arrive sous pression par un ajutage E fixé à un robinet. Le vase en verre extérieur est figuré en B, il recueille l’eau purifiée, et laisse écouler l’eau par un téton inférieur. La fermeture est obtenue par un serrage figuré en C et qui est actuellement en voie de perfectionnement.
- La partie du chapeau D constitue un véritable réservoir contenant un certain volume d'air comprimé qui évite, grâce à son élasticité, les ruptures, conséquences des coups de bélier auxquels il fait coussin ; de plus, étant en contact avec l’eau à une forte pression, il la sature d’air ou plutôt en complète la saturation. Au sortir du filtre, l’eau apparaît troublée et presque laiteuse en raison du mouvement produit par • les minuscules globules d’air en suspension, et ce n’est qu’après un certain temps que l’eau prend une admirable limpidité tout en restant chargée d’oxygène, ce qui la rend très salubre.
- Fig. 1. —Aéri-filtre Mallié — Vue d’ensemble du système.
- Fig. 2. — Coupe de l’appareil avec ses différentes pièces démontées.
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- L’ETUDE
- DES COURANTS DE L’ATLANTIQUE
- M. le prince héréditaire de Monaco, tant en son nom qu’au nom de M. le professeur Pouchet, a fait connaître à l’Académie des sciences une importante expérience qu’ils ont organisée sur les courants de l’Atlantique, et qui, par une heureuse fortune, a déjà donné des résultats. Le prince Albert s’est chargé d’aller sur son beau yacht à voile ï Hirondelle, qui n’en est point à ses premiers services rendus aux sciences, jeter à la mer tout un matériel flottant.
- La dépense de celui-ci avait été couverte avec partie d'une somme mise, il y a quatre ans, par le conseil municipal, à la disposition de M. le professeur Pouchet, pour un voyage scientifique aux Açores. Aucun meilleur usage n’en pouvait être fait.
- Au mois de juin dernier,
- V Hirondelle, commandée par le prince Albert, quittait le port de Lorient, emportant plus de 250 flotteurs de trois catégories :
- 1° des bouteilles ;
- 2° des sphères de cuivre ; 3° des barils. Dans chacun de ces flotteurs on avait mis un tube de verre scellé à la lampe et renfermant une pièce imprimée dont nous reproduisons ici le fac-similé. Le papier est roulé dans les tubes de verre de façon qu’on voie bien qu’il est écrit en plusieurs langues et que chacun y puisse reconnaître la sienne.
- Les bouteilles, par-dessus le bouchon, sont coiffées d’un gant en caoutchouc qui peut résister des mois à l’action de la mer, garantit le bouchon et l’empêche de pourrir.
- La fermeture définitive des sphères de cuivre et des barils a été faite à l’arsenal de Lorient ou le
- ministre de la marine s’était empressé de donner des ordres pour que ces petits travaux fussent exécutés.
- Les sphères sont formées de deux moitiés munies de rebords saillants s’appliquant sur un cercle de caoutchouc et fortement serrés au moyen d’écrous de cuivre. 11 fallait en effet indiquer que les sphères étaient destinées à être ouvertes et contenaient quelque chose.
- Les barils sont de solides petits tonneaux comme ceux qui servent au transport de la bière. Ils sont en chêne, à douves extrêmement fortes, cerclés de fer et sans autre ouverture que la bonde, soigneusement bouchée elle-même par une plaque de caoutchouc recouverte d’une doublure de cuivre. Iis sont goudronnés en dedans, galipotés en dehors et peints. On les a remplis de balle d’avoine afin que l’attention soit appelée sur leur contenu avant qu’on songeât à les mettre en usage.
- Pour éviter l’action des vents, il fallait que les flotteurs plongeassent presque entièrement dans l’eau. Il était à prévoir d’autre part qu’ils augmenteraient forcément de poids par des infiltrations possibles, par l’imbibition à la longue des douves des fûts, enfin parles animaux, quelques-uns à test calcaire qui n’allaient pas manquer de s’y fixer. Mais les notions positives manquaient et le temps aussi, pour régler un allègement progressif des deux sortes de flotteurs. Le prince de Monaco et M. Pouchet s’arrêtèrent à un moyen forcément approximatif. Voici en quoi il consiste. Autour de chaque baril on a adapté deux cerceaux ordinaires que rien ne garantit contre l’action de la mer et des tarets. Dans ces deux cercles on a passé un fil de fer qui devra aussi se rouiller et auquel est suspendue une gueuse du poids voulu pour que la
- Fig. 1. — Réduction à 1/4 par l'héliogravure de l’avis imprimé, placé dans les llotteurs, pour l’étude des courants aériens. (Cette réduction est lisible à la loupe.)
- Fig. 2. — Flotteur de cuivre.
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- U
- LA NAT LUE.
- force ascensionnelle du baril ne dépasse pas beaucoup un kilogramme. De cette manière la partie émergée ne représente pas même un décimètre cube.
- On compte qu’au bout de quelque temps les cerceaux de bois, les fils de fer seront rongés, que la gueuse tombera et que le baril si alourdi qu’il soit d’autre part, sera en état de flotter encore longtemps.
- Dans le même but chaque sphère métallique est enfermée dans un sac grossier en jute avec du sable et des pierres. On compte que le sable s’écoulera peu à peu ; le jute à la longue pourrira ou sera mangé (M. Bouchet a constaté que les crustacés pé-lasgiques, Copépodes et autres, quoique essentiellement carnassiers, attaquent cependant aussi les textiles végétaux) et la sphère allégée continuera de
- A% Point ou ont'été lancés lesflotteurs le 27 et z8 Juillet. B+* Point ou 2 bouteilles ont été trouvées le i5 Septembre C ♦ Point ou un baril à été péché le 15 Octobre
- surnager malgré les infiltrations s’il s’en est produit, et la charge vivante qui se sera certainement attachée à elle.
- U Hirondelle partit pour les Açores le 5 juin dernier. Après une relâche a Fayal, puis à Florès, elle alla gagner le lieu où devaient être jetés les flotteurs entre 100 et 200 milles environ au nord-ouest de Corvo, la dernière île de l’archipel du côté de l’Amérique.
- Le lancement des flotteurs eut lieu le 27 et le 28 juillet de mille en mille. Il ne dura pas moins de 56 heures et tout l’équipage du yacht y mit du sien, paraissant s’intéresser à l’entreprise autant que le commandant lui-même. Puis, cette tâche scientifique accomplie, l'Hirondelle mit le cap sur Lorient où elle arriva vers la fin d’août.
- Déjà trois des flotteurs ont été retrouvés et les documents renvoyés avec les constatations officielles à notre ministre des affaires étrangères.Deux bouteilles ont été recueillies sur la côte nord de San-Miguel tout à l’est des Açores, le 15 et le 16 septembre ; un
- bai il a été pêché au sud de Sainte-Marie, la dernière des îles du côté de l’Afrique, le 15 octobre (Voir la carte ci-contre). Les flotteurs avaient donc contourné ou traverse les Açores à raison de 18 kilomètres à peu près par vingt-quatre heures.
- Où se dirigent-ils maintenant? On peut en tous cas regarder comme probable qu’aucun n’attérira en Europe.
- Donc les eaux de l’Atlantique, même à plus de 100 milles au nord-ouestde Corvo, ne sont pas portées vers nos côtes, ne viennent pas échauffer la France. S’il existe en réalité un courant chaud dans le nord de l’Atlantique qui influence le climat de la Bretagne et des Charentes, force est d’admettre que ce courant, après avoir remonté au nord du côté de l’Amérique, s’incurve tout d’un coup vers l'est, dans la région même où.il trouve les glaces et les eaux froides descendant du nord, qui doivent, beaucoup contribuer à le refroidir.
- L’expérience que viennent de réaliser M. le prince héréditaire de Monaco, et M. G. Pouchet en appelle d’autres, et ce n’est pas, nous en sommes convaincus, la bonne volonté qui manque k ceux qui ont su déjà conduire à bonne fin cette première tentative. G. T.
- CHRONIQUE
- L’origine et l’évolution de la parure. — Dans un intéressant mémoire publié dans la Revue d'anthropologie, M. P. Mongolie constate que l’habitude de s’orner, de se parer, est aussi vieille que l’humanité. Il rappelle les nombreuses parures que l’on rencontre dans les gisements préhistoriques. A mesure que la chasse à l’animal devenait plus rare, une autre plus terrible commençait; l’homme se trouva obligé de disputer sa place à l’homme, la concurrence humaine devint la loi de nature. Le guerrier vainqueur était irrésistible ; le plus estimé, le plus admiré, était celui qui avait exterminé un plus grand nombre d’ennemis, qui portait sur tout le corps des marques de sang. C’est là l’origine de la coutume si répandue de se teindre en rouge en allant au combat; à Rome même aux anciens âges, le triomphateur montait au Capitole le corps teint avec du minium. Dans maints pays, c’est avec le sang humain que l’homme doit rougir son corps, ses enfants mâles, ses armes. La pratique du tatouage s’explique de la même manière. Le guerrier faisait parade de ses balafres. Il y a des peuples où ceux qui se sont distingués au combat ont le droit de se faire une cicatrice. La peinture épidermique fut en bien des régions combinée avec la sculpture de la peau. L’homme l’apportait les dépouilles de l’animal tué, il restait couvert de son trophée, ici peau de lion ou de panthère, là chevelure ou barbe humaine scalpée. Les héros se firent un masque, une coiffure de la tête des fauves tués ; la tête de lion devint la couronne des rois; le casque, tête d’aigle ou d’épervier, la coiffure des guerriers. Les dents, les os restèrent attachés au cou, au bras; quand les métaux vinrent, l’art de la parure entra dans une phase nouvelle ; la décoration s’éloigna de plus en plus de son caractère primitif, devint purement symbolique (in fine): croix d’honneur, palmes académiques. Ainsi s’explique la
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- LA NATURE
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- première catégorie d’emblèmes destinés à manifester les prérogatives de celui qui les porte.
- « Un grand nombre de procédés, dit Tylor, de coutumes, d’opinions, ont été transportés par la force de l’habitude, dans un état social différent de celui où ils avaient pris naissance, et subsistent dès lors comme témoignages d’un ancien état moral et intellectuel dont un nouvel état est sorti. Ce que les sociétés anciennes considéraient comme une affaire sérieuse peut finir par n’ètre plus qu’un divertissement chez les générations suivantes »... C’est là l’histoire de nos pendants d’oreilles et de nos bracelets, chaînes plus ou moins déguisées, fers plus ou moins dégrossis.
- La vie apportée sur la terre par les météorites. — William Thomson a émis l’idée hardie que les premiers germes de la vie ont pu être apportés sur la Terre, jusque-là exclusivement minérale, par la chute d’un aérolilhe portant de la matière organisée, des cellules vivantes. Cette opinion a été partagée depuis par Pasteur. 11 y a, en effet, une barrière en apparence si absolue entre l’organique et l'inorganique, qu’on ne peut, dans l’état présent de la science, faire sortir le premier du second. Un peut bien remonter par la théorie de l’évolution, et avec quelque apparence de fondement, à de premiers êtres organisés, très simples, ancêtres des formes existantes ; mais il est impossible de se représenter les êtres primitifs sortant de la nature minérale. Qu’un aéro-lithe nous apporte la première cellule, et le problème sera résolu. Or, nous trouvons qu’avant Pasteur et William Thomson, l’idée de l’introduction de la vie organique sur la terre, par l’avénement d’un astéroïde portant des êtres organisés, se trouve déjà dans un ouvrage de 1821. On la verra exposée d’une manière assez explicite dans les Conjectures sur la réunion de la Lune à la Terre, par un ancien officier de marine. Le nom de l’auteur n’est pas donné. L’ouvrage a été imprimé à Paris, dans le format in-8°, et réimprimé en /1825. Il y en a une courte notice, par Francœur, dans le premier volume du Bulletin de Férussac. Mais on était si éloigné, à cette époque, des recherches sur la filiation des espèces et sur l’apparition de la vie auxquelles les progrès de la géogénie ont conduit notre génération, que l’auteur de l’article du Bulletin n’a pas même mentionné le passage du livre qu’il analysait, relatif à l’arrivée du premier être organisé. En signalant ce précurseur de William Thomson, nous n’avons nullement le dessin, dit le journal Ciel et Terre, d’amoindrir le mérite ni de contester l’originalité de l’hypothèse du savant écossais. Personne ne doute que cette hypothèse ne soit née dans son esprit. D’ailleurs, elle était le fruit de réflexions basées sur des connaissances étendues, tandis que l’opinion de l’ancien officier de marine ressemblait un peu à une conjecture faite au hasard.
- L-Épllation par l’électricité. — Au meeting annuel de l’association dermatologique américaine, le docteur Fox a rendu compte de la façon dont il a fait disparaître des poils, sur la figure de certaines de ses clientes, en employant l’électricité. Son procédé est des plus simples : une aiguille courbe en iridium est introduite dans le bulbe du poil, on fait passer un courant électrique, et il est foudroyé. Il faut une opération pour chaque poil. Le docteur Fox a cité le cas d’une cliente munie d’une véritable barbe et qui s’est soumise à cette opération 8000 fois ; il a fallu trois ans. Mais depuis, elle est tout à fait débarrassée, et c’est à peine si, bon .an mal an, il faut lui foudroyer quelques douzaines de poils follets. Le président, le
- docteur Hardaway, confirme les observations de son savant collègue; il a pratiqué lui-mêine ce genre de traitement depuis plusieurs années ; il ajoute que les taches de rousseur sont enlevées de même en les piquant avec cette aiguille électrisée.
- Hirondelle blanche.— Un observateur en Angleterre a rencontré une hirondelle complètement blanche, le 4 septembre dernier ; elle s’ébattait avec les autres, ce qui tend à prouver qu’il ne s’agit pas d’une espèce à part, mais seulement d’un cas d’albinisme particulier. Ce fait est tellement rare, que nous ne savons pas s’il a jamais été observé précédemment.
- Tremblements de terre. — Nous avons reçu avis des secousses suivantes observées dans la Suisse occidentale : 15 novembre, 2 h. 15 m. malin. Sion, Gryon, Ollon, soit la même région qui avait été ébranlée le 26 septembre dernier. — 18 novembre, 9 h. 25 m. soir. Chevroux et Cudrefin, rive S. E. du lac de Neuchâtel. — 20 novembre, 5 h. 45 m. matin. Gondo, versant sud du Simplon; Domo d’Ossola, Val Maggia. —21 novembre, 6 b. matin. Paverne (Yaud). F.-A. Forel, professeur.
- Morges, 22 novembre 1885.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 50 novembre 1885. — Présidence de M. l’amiral Jdrien de la Gravière.
- M. Bouley. — En entrant dans la salle, on sent qu’un grand malheur vient d’arriver. Tout le monde parle bas, toutes les figures sont consternées. M. Bouley, le président actuel de l’Académie, que nous avons vu à son fauteuil il y a si peu de semaines encore, est mort ce matin à 2 heures 1/2, à la suite d’une douloureuse maladie. M. Jurien de la Gravière, vice-président, dans un petit discours qu’une émotion poignante l’empêche de finir, exprime les regrets unanimes de l’Assemblée et lève la séance sans même que la correspondance ait été dépouillée. Stanislas Meunier.
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- CONFÉRENCE « SCIENTIÀ »
- Le cinquième banquet de la conférence Scientia a eu lieu le jeudi 2(3 novembre dans les salons de Lemardelay. Il avait pour président M. Renan et était offert à M. Berthelot. Quatre-vingt-six convives assistaient à ce dîner qui a inauguré la deuxième année de la fondationi.
- 1 Voici les noms des assistants, que nous énumérons au hasard des places qu'ils occupaient à table : M,nc J. Adam, MM. Janssen, D' Yerneuil, Levasseur,P.I*.Dehérain,Bischoitsheim, G. Masson, Ch. Garnier, T.Philimon, président du Conseil municipal d’Athènes, de passage à Paris, Noblol, A. Guillaume, Dr A. Richet, DrU. Trélat, E. Trélat, de Laeaze-Dutliiers, À. Burdeau, Gauthier-Villars, père et fils, Ledoux, de Comberousse, Boulé, Lyon, l)r Mendelssohn, Ch. Buloz, E. Planchut, Bihot, Etard, Cahours, Ogier, Beau, Dr Laborde, Berthelot fils, Maunoir, Gley, Dénia rçay, A. de Rochas, l)r Nicolas, Richcmond, Désiré Charnay, Flammarion, Simonin, L. Figuier, Léauté, Liébaut, Appert, Clémandot, Ch. Lauth, Chabrier, prince Roland Bonaparte. J. Jackson, Alfred, Albert et Gaston Tissandier, I)r Landouzy, Dr Segond, Dr Riehelot, René Ménard, Poyet, West, Stanislas Meunier, Bureau, Max de Nansouty, Ch. Richet, Talansier. Seyrig, Moissan, E. Landrin, Georges Petit, Vallot, Dr Assaky, l)r Picqué, Jacques Passy, Marion, Dr Crémail, Ed. Hospitalier, Lucien Marc, Schiller, Vallerv liadot, Georges Serre, Farjasse, Filhol, J. de Comberousse, Dr Dagincourt, de Varigny.
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- LA NATURE.
- M. Renan a ouvert la série des toasts, et il a tenu l’auditoire sous le charme de sa parole, en rappelant la naissance de son amitié avec M. Ber-thelot, aux jours de leur première jeunesse. « Nous avions, a dit M. Renan, ce qui crée le principal lien entre les hommes, je veux dire la même religion. Cette religion était le culte de la Vérité. » Et l’orateur a glorifié la science qui est l’unique maîtresse de la Vérité, qui rectifie les erreurs de l’humanité; il a montré le rôle que M. Berthelot a tenu, dans les récentes conquêtes de la science, et dans le progrès de l'esprit. « ...Dans la plus philosophique des sciences, la chimie, vous avez porté les limites de ce que l’on sait au delà du point où s’étaient arrêtés nos devanciers.
- Dilater le Pomœrium, c’est-à-dire reculer l’en-ceinte de la ville, était à Rome l’acte de mémoire le plus envié. Vous avez dilaté, cher ami, au secteur où vous travaillez,
- 1 e pomœrium de l’esprit humain...
- Vivez longtemps pour la science, pour ceux qui vous aiment, vivez pour notre chère patrie, qui se console de bien des défaillances en montrant au monde quelques enfants tels que
- VOUS. 33
- M. Berthelot a répondu, avec une grande modestie, que si M. Chevreul, un de ses prédécesseurs au banquet de Scientia, avait pu se présenter comme le doyen des étudiants de France, il demandait qu’on ne lui refusât pas le titre d’étudiant tout court. « ...11 y a quarante ans que mon ami Renan et moi, nous travaillons ensemble dans des voies différentes, mais avec une philosophie commune. Nous avons choisi chacun notre part, comme Marthe et Marie dans l’Evangile; plus heureux quelles, aucun de nous deux ne regrette son choix et n’envie la part échue à l’autre. Notre curiosité est infinie et le domaine de la Vérité n’a pas de limites... »
- ’ M. Gaston Tissandier a résumé le passé de la conférence Scientia, et a fait remarquer qu’on avait le
- 0îiix>,ïts c-—
- Meuu du cinquième banquet de la Conférence Scientia, offert à M. berthelot, sous la présidence de M. lïeuan, le jeudi 28 novembre 1885. (Réduction 1/2 environ.)
- droit d’être fier, pour le pays et pour la science, des hommes illustres dont on avait célébré les travaux et la gloire. On ne saurait rencontrer nulle part ailleurs, des Chevreul, des Pasteur et des Lesseps, auxquels succèdent aujourd’hui des Berthelot et des Renan.
- M. de Comberousse a porté un toast à Mme J. Adam qui a bien voulu s’inscrire parmi les membres de la conférence Scientia et qui était assise à la droite de M. Berthelot. —M. Timoléon Philimon atrèséloquem-ment parlé du rôle de la France au point de vue de l’intelligence humaine; il l’a comparé à celui de la
- Grèce antique.— M. Janssen a terminé la série des allocutions, en unissant dans un même toast les noms de M. Bee-thelot et de M. Renan, et en faisant savoir aux assistants que c’est M. Berthelot qui a jadis décidé M. Renan à suivre la carrière de la science. « C’est à M. Berthelot, a dit M. Janssen, que la science doit la conquête de ce grand esprit, de ce grand artiste, de ce grand philosophe. » Nous reproduisons ci-contre le menu du dîner de Scientia ; nous en supprimons le nom des plats, lui retirant ainsi son côté matériel, pour n’en laisser subsister que la partie artistique, dont la très heureuse composition est due à M. Poyet. Le portrait de M. Berthelot est dessiné au centre des signes emblématiques de la chrysopée de la Cléopâtre, que le savant chimiste a définie dans un de ses récents ouvrages, Les origines de l'alchimie; l’auteur des innombrables découvertes qui l’ont placé au premier rang des maîtres, est représenté au-dessus du laboratoire d’un souffleur du moyen-âge, et à côté d’une cornue de verre qui est l’emblème de la science aux progrès de laquelle il a si puissamment contribué.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Pans.
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- Nc 654. — 12 DÉCEMBRE 1885.
- LA NATURE.
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- H.-M. BOULE Y
- Henry-Marie Bouley, né à Paris le 17 mai 1814, avait à peine vingt-trois ans lorsqu’il fut nommé chef de service des hôpitaux à l’École vétérinaire d’Alfort. En 1859, il devint professeur suppléant, et en '1849 il fut nommé titulaire du cours de pathologie chirurgicale et de manuel opératoire. 11 occupa cette chaire avec la plus grande distinction jusqu’en 1866, date de sa promotion au grade élevé d’inspecteur général des écoles vétérinaires, dont il a conservé les fonctions jusqu’au jour de sa mort.
- L’importance des travaux de Bouley lui mérita l’honneur d’être élu, en 1868, membre de l’Académie des sciences dans la section d’économie rurale en remplacement de Rayer. Il reçut la croix de commandeur de la Légion d’honneur en 1881 des mains de M. Dcvès, ministre de l’agiicülture du cabinet de Gambetta. Enfin, à la mort de Claude Bernard, il fut nommé, au Muséum d’histoire naturelle, professeur d’un cours de pathologie comparée.
- Jamais carrière consacrée à la science vétérinaire et aux grandes questions de l’hygiène des animaux, si importantes pour l’agriculture nationale, ne fut plus brillamment et mieux remplie que celle de notre regretté confrère. Ce n’est ni le lieu, ni le moment de rappeler en détail les travaux et les nombreux écrits de Bouley, mais je ne saurais me dispenser de citer quelques-uns de ses titres à la reconnaissance des savants, du corps vétérinaire tout entier et de l’agriculture française.
- A l’époque où notre confrère débuta dans la carrière de l'enseignement, la morve était fort mal connue ; le jeune professeur fit de cette maladie une étude approfondie, fort remarquée des savants et des praticiens.
- La péripneumonie du gros bétail est un des plus redoutables fléaux de l’agriculture. Nommé membre de la Commission chargée en 1850 d’étudier cette maladie, Bouley donna dans son rapport la démonstration certaine du caractère contagieux de cette affection, et posa, dès cette époque, le principe des Ue année. — ter semestre.
- moyens administratifs qui permettent de la combattre aujourd’hui avec tant de succès.
- En 1865, une maladie inconnue sévissait avec violence en Angleterre sur le bétail. Bouley fut chargé d’aller étudier sur place la cause du mal. Le jour même de son arrivée sur le territoire britannique, il reconnut que cette maladie meurtrière n’était autre que le typhus contagieux des bêtes à cornes. Il en informa par le télégraphe le gouvernement français, signala l’imminence du danger, indiqua les mesures à prendre d’urgence pour l’éviter, et parvint, par sa perspicacité et son énergie, à préserver notre pays d’un fléau qui fit perdre à l’Angleterre et à la Hollande près de 500 C00 têtes de gros bétail. A la suite de plusieurs missions accomplies dans les contrées où sévissait le typhus contagieux, Bouley démontra, d’une part, que cette maladie originaire des steppes de l’Europe orientale ne se développe jamais spontanément dans l’Europe occidentale où elle ne peut être introduite que par la voie de la contagion, et d’autre part, que dans tous les pays de cette dernière partie de l’Europe, on est toujours maître d’arrêter les ravages du typhus si l’on sait étouffer, par des sacrifices faits à propos, les foyers de la contagion partout où ils tendent à s’allumer. Ces faits bien établis ont servi de bases aux mesures sanitaires qui jusqu’à présent nous ont préservés des ravages de ce redoutable fléau. Préparé par ses études des maladies contagieuses et par ses nombreuses missions, Bouley a été l’un des principaux auteurs de la réforme de notre législation sur la police sanitaire des animaux. On lui doit un très grand nombre de rapports et de documents officiels sur cette matière. Jamais la science appliquée n’a mieux éclairé les principes d’une législation nouvelle. L’expérience est aujourd’hui complète, et l’on peut affirmer que cette législation, due en grande partie aux travaux de Bouley, a diminué dans une énorme proportion et tend à réduire de plus en plus les pertes de bestiaux qui pesaient si lourdement autrefois sur notre agriculture.
- Pendant toute sa vie, Bouley a été attaché à l’enseignement vétérinaire. Il avait pour ses collègues,
- H.-M. Bouley, président de l’Académie des sciences, né à Paris, le 17 mai 1814, mort à Paris, le 30 novembre 1885. (D’après une photographie de M. A. Liébert.)
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- LA NATURE.
- presque tous <ses anciens élèves, un attaeliement et un dévouement sans bornes. Il a puissamment aidé aux progrès que l’art vétérinaire a faits dans l’estime publique depuis un certain nombre d'années. « Nul, disait récemment notre illustre confrère M. Pasteur, n’a plus honoré que Bouley l’art vétérinaire. Par son talent, par son caractère, par son enthousiasme pour les choses de la science, il a triomphé de certains préjugés qui sournoisement empêchaient la profession vétérinaire de prendre la place qui lui est due. »
- Ce n’est point en effet à des mesures législatives, comme le supposent certaines personnes, ce n’est point à ce que l’on appelle la protection de l’État que l’on doit demander le relèvement d’une profession libérale. C’est par la valeur et la dignité personnelle de ses membres qu’elle obtient l’autorité qui fait sa force et sa grandeur. La profession vétérinaire, pour continuer à grandir et à s’élever, n’a besoin, comme l’a dit M. Pasteur, que de conserver à sa tète une élite de professeurs et de savants, élèves de Bouley et continuateurs de son œuvre.
- Bouley fut des premiers a comprendre les idées et les théories de M. Pasteur. Il croyait fermement et avec raison qu’elles sont appelées à renouveler la médecine et l’hygiène. Ce sera son honneur de n’avoir jamais perdu une occasion d’exposer, de développer et de défendre les doctrines du maître. 11 mettait aœ service de cette grande cause sa parole élégante et facile, son éloquence aimable et persuasive, la grâce et le charme naturel de sa personne, toutes ces qualités en un mot qui faisaient de lui, dans les discussions scientifiques, un conquérant par la parole.
- Depuis quelque temps déjà, Bouley ressentait les atteintes de la maladie à laquelle il devait succomber ; il en suivait les progrès sans se faire aucune illusion. Ses amis voyaient avec douleur cet homme si robuste encore il y a quelques mois, lutter inutilement contre la mort avec un courage et une fermeté qui faisaient l’admiration des confidents de ses souffrances et de ses pensées intimes.
- Bouley était aimé de tous ceux qui le connaissaient, il laisse un grand vide dans le sein des nombreuses sociétés savantes auxquelles il appartenait. Ses travaux resteront dans la science, et l’agriculture ne cessera pas d’en profiter ; ses confrères ne l’oublieront jamais, et sa vie si bien remplie par d’utiles labeurs servira longtemps de modèle à ceux qui viendront après lui1, Hervé Mangon, de l’Institut.
- LES TEMPS PRÉHISTORIQUES
- DANS LA NEVADA ET DANS LE NICARAGUA
- Les découvertes faites en Californie montrent que l’Éonnne a vécu dans ces régions, alors que les volcans étaient en pleine ignition ; d’autres découvertes
- . 1 Extrait du discours prononcé aux obsèques de M. Bouley, au nom de l’Académie des sciences, ‘
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- permettent d’aftirmer que cet homme a été le contemporain et souvent la $ victime i des mammifères singulièrement redoutables qui l’entouraient et que l’on ne peut mieux comparer qu’à leurs congénères quaternaires en Europe.
- Ces temps reculés, dont aucun chronomètre connu ne permet de calculer la durée, ne seraient même pas de l’autre côté de L’Atlantique küimite extrême de notre race, s’il faut accepter îles faits nouveaux qui nous sont annoncés, ; n •
- La prison de Carson (Nevada) est située à'1300 mètres environ au-dessus du niveau de la mer, dans la carrière même dont les pierres ont été utilisées pour sa construction. On a recueilli dans les couches inférieures de cet immense dépôt calcaire, plusieurs fragments de défenses d’éléphants, des molaires d’équidés et avec elles des coquilles appartenant à des espèces encore vivantes dans le pays, des Âno-dontes et des Physas principalement. Ces mollusques avaient vécu dans un grand lac aujourd’hui disparu, auquel M. Clarence Ring a donné le nom de lac Lahontan1 et dont la carrière semble avoir marqué les limites extrêmes. Les déblais successifs ont mis au jour de nombreuses empreintes de pieds de mammifères tels que le mammouth, le cerf, le cheval, le loup, lahyène, venus se désaltérer dans les eaux du lac.
- Parmi ces empreintes on a distingué plusieurs séries offrant une certaine ressemblance à un pied humain, chaussé d’une sandale ou plus simplement recouvert d’un morceau de peau. Dans une des séries on a même remarqué que la forme de la sandale offrait une légère différence avec les autres.
- La première série à l’est de la carrière, la seule dont il est utile de parler, comprend seize empreintes imprimées dans un dépôt sédimentaire reposant sur un grès très compact. Le pied est tourné en dehors, contrairement à l’habitude des Indiens actuels qui marchent toujours les pieds très en dedans. La longueur des empreintes était de 47 centimètres2, leur largeur maxima de 20, et leur largeur minima prise au talon de il). La longueur du pas dépassait 0m,67 et la distance d’un pied à l’autre mesurée du centre de l’empreinte O111,50. Parmi les empreintes de cette série, on en a relevé huit régulièrement espacées, appartenant à un mammouth de taille remarquable. En se dirigeant vers le lac, pour y boire sans doute ou pour s’y baigner, il s’était croisé avec l’homme et le pas humain avait été effacé par celui du pesant mammifère. D’autres empreintes se rapportent à un équidé très voisin du cheval actuel et une dernière
- 1 Le lac Laliontan parait avoir deeupé, pendant la période quaternaire, toute la partie ouest de l’État de Nevada. Sa forme était très irrégulière et sa profondeur très variable. Les montagnes actuelles, de formation tertiaire, émergeaient de ses eaux sous la forme d’iles d’une étendue plus ou moins considérable.
- * La longueur des autres empreintes varie de 0”.45 à 0m,o2,
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- la nature,
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- de forme ronde et d’un diamètre de 0U1,12 a été attribuée au machaïrodus1 dont le professeur Dent croît avoir retrouvé une dent dans des couches d’asphalte situées dans le comté de los Angeles (Californie). Les oiseaux sont aussi très nombreux. Presque tous les pas sont ceux d’un échassier de la taille du héron. Cet oiseau n’avait que trois doigts, du moins ce n’est qu exceptionnellement que l’on rencontre des empreintes où le quatrième est marqué. Le doigt le plus long mesure 0m,12 et le pas varie de 0m,50 à 0m,50.
- Une nouvelle découverte est venue ajouter à l’intérêt de celles de Carson. Un autrichien, M. Low, a relevé auprès du lac Managua (Nicaragua), des pas humains imprimés à une profondeur variant de 8 a 14 centimètres sur un tuf très poreux et recouverts de onze couches différentes ne mesurant pas moins de 11 mètres de puissance et formées presque toutes d un conglomérat d’origine volcanique 2. Ces empreintes se rapportent à trois personnes distinctes dont 1 une était un enfant. Nous ignorons si l’on a également trouvé quelques traces de mammifères ou d’oiseaux, nous savons seulement que les couches supérieures renfermaient im grand nombre de leuilles fossilisées, qui ne sont pas encore déterminées.
- A quel âge remontent les dépôts lacustres de Carson et les dépôts volcaniques du lac Managua? Une distinction est nécessaire pour les dépôts de Carson. M. Clarence King hésite entre le pliocène et le quaternaire inférieur. Écartons tout d’abord les coquilles ; toutes appartiennent, il est vrai, à des espèces actuellement vivantes, tandis qu’un tiers au moins des mollusques pliocènes a disparu, mais le petit nombre d’espèces conservées ne permet aucune conclusion. Les mammifères fournissent des indications plus sérieuses ; ni les éléphants, ni les chevaux n’ont vécu en Amérique durant le miocène. Au quaternaire, au contraire, deux espèces d’éléphants, YAmericanus et le Primigenius, parcouraient en hordes nombreuses le Nouveau Monde.
- M. Whitney affirme de son côté qu’aucun éléphant n’a survécu en Californie à l’époque quaternaire et qu’il n’a jamais été rencontré dans les graviers subjacents aux laves pliocènes. Les équidés paraissent sur le continent américain dès les temps tertiaires. Ils vivaient durant 1 eocène et le miocène; mais pendant ces périodes, Yequus est toujours poly-dactyle'et ce n’est guère qu’a la fin du pliocène que parait le cheval solipède. Or, c’ëst à ce dernier que se rapportent les diverses espèces reconnues à Carson. La faunç nous permet donc d'attribuer les empreintes dont il s’agit, soit au pliocène supérieur, soit au quaternaire inférieur, sans que cette distinction puisse tirer à grande conséquence, car tous les
- *'Le machaïrodus n’à jamais été signalé jusqu’ici en Amérique. L’empreinte pourrait être mieux rapportée au sinilodon, puissant carnassier assez commun dans l’Amérique du Sud.
- 3 M. Low a fait scier avec -grand soin les empreintes ; elles sont aujourd'hui au Musée de Vienne.
- géologues savent l’impossibilité où Ton est d’établir des limites absolument exactes entre ces périodes.
- Les dépôts volcaniques du Nicaragua n’autorisent pas des conclusions aussi affirmatives. Il est très probable, nous l’avons dit, que l’homme a vécu sur le continent américain, alors que les volcans étaient en pleine ignition, avant la grande extension des glaciers, dans des temps où la faune et la flore étaient bien différentes de la faune et de la flore actuelles. Mais si sur divers points de l’Amérique du Nord, la déjection des grandes masses de matières volcaniques a commencé dès le pliocène, nous savons qu’elle a continué durant le quaternaire et même durant les temps modernes. Toutes dates initiales ou finales font donc défaut, et s’il était même possible de les connaître, des phénomènes aussi terribles que les éruptions volcaniques ont dù amener des remaniements qui enlèveraient toute certitude à nos conclusions.
- Une seconde question se pose naturellement. Ces empreintes sont-elles dues à un homme? Les renseignements que nous possédons sur celles découvertes auprès du lac Managua ne sont pas encore assez complets pour permettre de la trancher. Quant aux empreintes de Carson, les photographies, les gravures, les moulages transmis en Europe, ne permettent point de les attribuer à un être semblable à nous. Nous ne connaissons dans le passé, si haut que nous remontions, aucune race de géants dont le pied dépasse 50 centimètres en longueur, 20 en largeur, et dont le pas égale celui signalé à Carson. Si ces hommes avaient vécu, on aurait retrouvé leurs ossements sur quelques points des continents baignés par l’Atlantique et le Pacifique; et tant que cette preuve ne sera pas faite, nous sommes en droit de résoudre par la négative leur existence. Il est non moins difficile d’admettre que dans des temps aussi reculés, l’homme fût déjà assez avancé en civilisation pour fabriquer et porter des chaussures. Nous attendrons donc des faits mieux justifiés, avant d’accepter l’homme préhistorique du Nicaragua ou de la Nevada.
- Marquis de Nadaillac.
- DE M. CH. PALMERS
- Nous ayons signalé à plusieurs reprises les tentatives intéressantes qui ont été faites dans les constructions de ce genre, la petite voiture à vapeur que représente la figure ci-après, et qui figurait à l’Exposition d Anvers, est un véhicule intermédiaire entre le phaéton à vapeur de MM. Dion, Bouton et Tré-pardoux l, et le tricycle à vapeur de M. PérauxL
- ‘Voy. n° t>49, du 7 novembre 1885, p. 357. s Voy. u° 480, du 12 août I8s2, p. 101.
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- LA NATURE
- C’est plutôt une locomotive routière portant le conducteur et pouvant remorquer une voiture montée sur roues d’acier et pesant 15 kilogrammes, qu'on attache à la suite du véhicule et sur laquelle deux personnes peuvent prendre place.
- Le véhicule moteur constitue un tricycle porté sur deux roues de lw,40 de diamètre à l’arrière et une roue directrice de 60 centimètres de diamètre a l’avant.
- La chaudière, chauffée au coke est un petit générateur système du Temple, ne pesant que quatre-vingts kilogrammes et d’une puissance d’environ deux tiers de cheval. Cette chaudière ne renfermant
- que quelques litres d’eau, se met très rapidement en pression et constitue, eu égard à cette faible quantité d’eau soumise à chaque instant à l’action de la chaleur, un véritable générateur inexplosible d’une sécurité presque absolue. La vapeur produite par ce générateur actionne un petit moteur à deux cylindres ayant 40 centimètres de longueur et 20 centimètres de large : les cylindres ont 4 centimètres de diamètre et 8 centimètres de course. Pour gagner de la place et du poids, la transmission de mouvement à l’arbre de la petite machine se fait sans bielles ; à cet effet les tiges des pistons sont munies de coulisses verticales dans lesquelles glissent les boutons des manivelles,
- Voiture à vapeur, système Palmers.
- comme dans les moteurs Rikkers. La vitesse du moteur étant très grande relativement à celle des roues motrices, on réduit la vitesse initiale dans le rapport convenable par un arbre intermédiaire.
- Une chaîne de Galle relie le moteur à l’arbre intermédiaire; deux chaînes à maillons ordinaires, placées de chaque côté et à chaque extrémité de l’arbre intermédiaire, transmettent le mouvement de l’arbre intermédiaire aux roues motrices. Ces chaînes permettent, par suite de leur flexibilité, l’emploi des ressorts très doux.
- . Le conducteur a sous la main tous les organes nécesairesa l’entretien du feu, à la mise en marche et à l’arrêt, ainsi qu’a la direction du véhicule.
- La chaudière est alimentée d’une façon continue
- par une pompe placée sur la gauche ; de plus, il y a sur la droite un injecleur minuscule pour parer à toute éventualité.
- La roue d'avant, qui est la roue directrice, est commandée par un volant et une vis qui permet de lui faire prendre toutes les directions : un système ingénieux rend le véhicule indépendant des chocs reçus par la roue directrice, ce qui assure la direction du véhicule et rend sa conduite plus facile.
- D’après les renseignements qui nous sont communiqués par M. Gh. Palmers, la vitesse de ce petit locomoteur ^ur routes pourrait atteindre 10 à 12 kilomètres par heure.
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- LA NATURE.
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- BASCULE A TIRELIRE
- DE M. EVERITT
- On trouve dans presque toutes les fêtes foraines, dans beaucoup de promenades publiques et même dans certains grands magasins de nouveautés, des balances ou bascules plus ou moins perfectionnées, où, moyennant une somme modique, chacun peut se faire peser. Mais toutes ces machines exigent la présence d’une personne qui pèse et perçoit la rétri-ljution. M. Everitt, de Londres, a pensé qu’il v aurait avantage à ce que la bascule fasse elle-même la perception, et il a été amené à imaginer le curieux appareil que représente notre première gravure et qui ne donne l’indication demandée qu’après versement de la somme fixée.
- Pour bien comprendre son fonctionnement, il faut distinguer trois parties. La première comprend le jeu de leviers supportant la plateforme et ne diffère pas de la disposition bien connue des bascules ordinaires. Nous ne la décrirons donc pas.
- Le crochet du dernier levier vient s’appuyer sur l’extrémité d’un ruban en acier k (fig. 2), qui le relie à la seconde partie. Celle-ci se trouve placée en arrière de l’appareil et elle est entièrement séparée de la troisième partie placée immédiatement derrière le cadran. (La ligne AB tracée sur la figure 5, projection horizontale, indique bien cette séparation.)
- Elle se compose d’un axe horizontal n, sur lequel s’enroule le ruban k, et qui porte, tournant avec lui, la poulie q et le bras du levier l (fig. 2). On voit de suite que tout objet placé sur la plate-forme fera tourner la poulie q dans le sens de la flèche jusqu’à ce que l’équilibre s’établisse par l’effet des contrepoids / et c. Un secteur denté r, fixé sur la poulie, communique le mouvement à un pignon s' monté sur un axe t '(fig. 2 et 3) ; une tige u se trouve fixée perpendiculairement k l’extrémité postérieure de cet axe et prend des positions différentes suivant l’importance des poids placés sur la plate-
- forme. C’est, en un mot, l’aiguille indicatrice, mais on ne la voit pas de l’extérieur. Pour connaître quelle position elle occupe, il faut mettre en mouvement la véritable aiguille indicatrice qni est solidaire de la troisième partie de l’appareil. On sait que pour cela il faut introduire une pièce de dix centimes dans une fente f ménagée k cet effet près du cadran. Cette pièce h vient tomber dans une boîte d (fig. 2) portée k l’extrémité d’un levier c'b' qui pivote en a'. II porte un secteur denté z actionnant un pignon y' (fig. 3) monté sur un axe x. Celui-ci porte k l’une de ses extrémités l’aiguille
- indicatrice v et k l’autre une tige qui est recourbée en crochet à l’un de ses bouts de façon à venir buter contre la tige u lorsqu’elle la rencontre.
- On comprend dès lors facilement le fonctionnement de l’appareil. Lorsqu’une personne monte sur la plateforme, la tige u prend immédiatement une certaine position ; puis, quand une pièce de dix centimes tombe dans la boîte, elle fait basculer le levier c'b' jusqu’à ce que la tige V vienne rencontrer n, dont la position est alors indiquée sur le cadran par l’aiguille v.
- Il nous reste maintenant quelques mots à dire pour expliquer les précautions prises afin que les pièces de dix centimes actionnent seules l’appareil. Disons d’abord que la fente par laquelle on les introduit a exactement leurs dimensions. La languette e (fig. 2) qui conduit de cette fente f k la boîte d, est percée d’une ouverture e3 qui laisse tomber toute pièce d’un diamètre plus petit avant qu’elle n’arrive à la boîte. En outre le fond i' de cette boîte est mobile et pivote en /, il est équilibré en k' de telle sorte que si une pièce trop lourde (en plomb par exemple) arrive, il bascule et la laisse tomber avant que son poids puisse agir sur le levier c'b'.
- On voit (fig. 2), à l’extrémité du fond i' un petit levier m' ; il est monté sur une charnière n' qui permet de le faire pivoter de bas en haut, mais non de haut en bas ; il se soulève donc k la rencontre du crochet o lorsque le levier bascule sous l’action
- Fig. 1. — Bascule à tirelire et à cadran donnant le poids sous l’action d’une pièce de dix centimes au’on y jette.
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- de la pièce de dix centimes h': mais lorsqu’on est descendu de la plate-forme et que tout le système reprend sa position primitive, m' rencontrant o' force le fond mobile i' à s’ouvrir et la pièce tombe
- Fig. 2. — Détail du mécanisme. Coupe
- dans la boîte destinée à contenir la recette de la journée.
- La tige r' (fig. 2) qui est fixée sur la poulie r est attachée à un piston plein d’eau de façon «à ralentir
- —1
- Fig. 3. — Projection horizontale
- le mouvement de retour lorsqu’on descend de la plate-forme.
- Cette ingénieuse machine figurait cette année à différentes expositions en France et à l’étranger; elle a obtenu partout de la part du public un très grand succès. G. Mareschal.
- LE LABORATOIRE MUNICIPAL
- DE PORTO
- Le laboratoire municipal de chimie de Porto est dû à l'initiative éclairée de M. Correia de Barros, président actuel du Conseil municipal de Porto.
- Dans la séance du 26 septembre 1881 il exposait, dans un Rapport très étendu et très important sur les améliorations dont la ville de Porto était susceptible, la convenance de fonder un établissement où le public pouvait se renseigner sur la qualité ou la nature de substances alimentaires, moyennant une modeste rétribution.
- Cette pensée a été approuvée par le Conseil.
- M. Arnaldo Braga, professeur honoraire de l’Ecole polytechnique, en sa qualité de membre du Conseil municipal, a été chargé de la haute direction du laboratoire.
- Le monument destiné au laboratoire a été construit en
- 1883. Ce n’est, cependant, qu’au mois de janvier 1884 que l’établissement était en état de permettre que l’on commençât les travaux.
- La direction effective des services du laboratoire a été confiée à M. Ferreira da Silva, professeur de chimie à l’Ecole polytechnique et membre de la Société chimique dé Paris. s
- Les mois de février, mars et mai 1884 ont été consacres à l’installation du laboratoire.
- Le laboratoire a été ouvert au public le 2 juin
- 1884. Il se trouve au rez-de-chaussée et se compose : d’un laboratoire pouvant servir à quatre Chimistes; d’une salle pour les balances et dépôt de réactifs; d’une salle pour l’analyse volumétrique; d’une chambre noire ; d’une salle pour dépôt d’échantillons de genres alimentaires et de substances employées pour les frauder; d’un bureau du directeur ; d’un bureau de réception d’échantillons et d’une antichambre pour le public.
- Voici la disposition de ces pièces :
- Le laboratoire a trois tables de travail, avec armoire pour réactifs les plus usités et des robinets polit* gaz d’éclairage; à côté on a des robinets à eau et des cuvettes à fermeture hydraulique. Le chimiste a ainsi h sa disposition les moyens de travail les plus nécessaires. On trouve dans cette dépendance deux cheminées et. trois niches à évaporation où vont se rendre des tubes à eau et à gaz. Dans ces niches peuvent s’installer très commodément les bains-marie à niveau constant.
- Dans l’autre moitié de cette même salle on voit un grand fourneau a gaz pour incinérations, un fourneau à moufle, le fourneau de Perrot pour fusions, l’appareil d’analyse organique de Glaser, la lampe d’émailleur à gaz, la trompe soufflante de Lionnet, les trompes hydropneu-
- Robinet à gaz
- Plan d’ensemble du laboratoire de chimie municipal de Porto.
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- matiques à eau, l’appareil à distillation chauffé au gaz, les cuves au mercure et à l’eau, et le lavoir et évier. Deux tables sont disposées, l’une pour les gros pesages et pour les grandes cages à dessiccation, et l’autre pour l’appareil à dosage simultané de l’alcool dans quatre échantillons de vins. Dans cette table se trouve le réservoir a eau, constamment renouvelée, où peuvent se placer les crémomètres dans l’analyse du lait.
- Dans la salle des balances on trouve, entre autres, une balance de haute précision, système Bunge, donnant le 1/10 de milligramme; et d’autres appareils, tels que la machine pneumatique d’Edmond Carré pour la congélation de l’eau, l’essoreuse de Sourdat, une pile au bichromate à six éléments et la bobine Ruhmkorff.
- Dans la chambre noire est disposée une table avec le saccharimètre à pénombres de Laurent, le spectroscope ordinaire et celui de vision directe.
- Dans la salle où se trouvent les appareils jaugés et gradués pour les essais volumétriques, il y a deux grandes vitrines avec l’outillage en verre du laboratoire et quelques instruments de précision. Nous mentionnerons les thermomètres et les densimètres construits avec son habileté bien connue, par M. Baudin. Les vases en verre à extraits et les capsules de platine à fond plat pour incinérations se trouvent ici. Il y a encore à remarquer la presse de Samain et ordinaire, le laminoir et les appareils gazogènes d’Alvergniat, modification avantageuse de ceux de Sainte-Claire Deville.
- Le bureau du directeur a une grande vitrine avec des appareils, une table pour les observations microscopiques devant la fenêtre, une bibliothèque. Les microscopes sont construits par M. Nachet; il y en a trois modèles.
- Le personnel du laboratoire se compose actuellement du directeur, d’un aide-chimiste, d’un secrétaire et d’un homme de service.
- Les analyses que le public peut demander sont ou qualitatives ou quantitatives. Les premières se payent à 2 fr. 50 et donnent droit à un certificat du directeur, déclarant si l’échantillon analysé est bon, passable, mauvais, nuisible ou non nuisible.
- Les deuxièmes donnent droit à un bulletin, donnant la composition de l’échantillon analysé ; et leur taux est de 25 francs, ou de 12 fr. 50 selon le genre analysé.
- Le laboratoire municipal de Porto ne possède pas encore un service d’inspection comme celui de Paris. Pour réaliser cette organisation, il faudrait un accord entre la municipalité et l’administration. Le laboratoire de Porto est donc, en Portugal, un laboratoire essentiellement municipal, semblable à ceux qui fonctionnent actuellement à Lyon, à Saint-Etienne, à Marseille, à Rouen, au Havre, h Lille et dans quelques autres villes de France.
- I.ÈGENDE EXPLICATIVE DD PLAN D’ENSEMBLE.
- A. Laboratoire : AA. Cheminées. — B. Fourneau à vent. — C. Grand four carré pour incinérations. — D. Four Perrot. — E. Four de Carius. — F. Four de coupellation à gaz. — G. Grille de Glaser pour analyses organiques. — H. Cuve à mercure ordinaire. — 1 Cuve à mercure profonde. — J. Machine pneumatique à mercure d’Alvergniat. — K. Étuve à 9 portes. — L. Étuve Wiessnegg. — M. Trompe soufflante de Lionnet.— N. Niches à évaporation.— 0. Alambic Dupré pour dosage de l’alcool dans les vins.— P. Ar-moires-exsiccateurs Dupré. — Q. Cloches pour le vide. — R. Grand hlambic chauffé au gaz. — T. Balance de Roberval. — S. Lampe et table à émailleur au gaz. — U. Cuvette en fonte émaillée, à clôture hydraulique, pour écoulement de l’eau. — V. Évier en ardoise. — X. Lavoir. — Y. Tables de travail.
- B. Chambre voire : A. Évier en ardoise. — B. Table avec spectro-scopes et le saccharimètre à pénombres de Laurent.
- C. Salles de balances et dépôt de réactifs : A. Balances de préci-
- sion.— B. Bobine de Rulmlkorff.— C. Turbiné Sourdat,— D. Appareil gazogène Alvergniat. — E. Pile à bichromate à 6 couples.
- — F. Grande boîte aux réactifs, et, au-dessus, vitrine à produits-
- — G. Vitrine à produits chimiques, et, au-dessous, armoires d’instruments, — II. Machine Carré»
- D. Salle pour essais volumétriques : A. Laminoir. — B. Presse à percussion. — C. Presse Samain. — B. Burette double à remplissage automatique. — E. Appareils gazogènes Alvergniat. — F. Vitrine aux instruments gradués et aux liqueurs-titrées. — G. Vitrine à verrerie et aux ustensiles de porcelaine, de grès et de métaux précieux; articles en caoutchouc.
- E. Bureau du Directeur : A. Vitrine aux appareils. — B. Bureau.
- — C. Table pour microscopes. — D. Bibliothèque. 1
- F. Salle pour les collections de types alimentaires, et dépôts des scellés : A. Vitrine à collection des types alimentaires, et des substances employés à les frauder. — B. Bureau.
- G. Piècé pour la réception du public.
- H. Pièce pour réception des échantillons à analyser.
- LA PLUIE D’ÉTOILES FILANTES
- -r (. .
- DU 27 NOVEMBRE 1885
- t
- Nous compléterons ici lés documents que nous avons publiés à ce sujet dans notre précédente livraison (p. 2). Le phénomène qui apporte une importante confirmation à la théorie des étoiles filantes a pu être observé à Bruxelles, à Liège et à Louvain, à Londres où le ciel s’est éclairci pendant quelques heures, et dans plusieurs autres villes. En France, le phénomène a été observé, en outre des localités que nous avons mentionnées antérieurement, à Lorient, à Clermont, à Biarritz, etc. — M. Emile SoTël nous écrit du Havre que les nuages ayant momentanément disparu à sept heures du soir on a pu voir de nom-bruses étoiles filantes s’épanouissant en un bouquet dont le centre était le zénith. — M. Léon Arnoye, à Montauban, nous écrit que le phénomène a été observé dans cette ville, dans tout son éclat. De la région presque zénithale s’échappaient de véritables gerbes de fusées. Quelques-uns de ces météores se faisaient remarquer par une trajectoire très longue et très persistante. — M. P. Feyeux nous informe d’autre part que le phénomène s’est manifesté à Alger, depuis six heures du soir jusqu’à 9h,30. — L’Académie des sciences a reçu dans sa dernière séance de très intéressantes communications qui sont analysées plus loin (p. 50).
- LA PHOTOGRAPHIE ASTRONOMIQUE
- a l’observatoire de paris
- Quelques essais de photographie céleste tentés l’année dernière à l'aide d’un instrument tout à fait rudimentaire, ayant donné de bons résultats1, M. le directeur de l’Observatoire voulut bien autoriser la construction d’un appareil spécial dont nous donnons ci-joint un dessin (fîg. 3). La partie mécanique a été exécutée d’une façon extrêmement remarquable par notre habile artiste M. Gautier; nous avons taillé nous-mêmes l’objectif.
- Ce nouvel instrument se compose de deux lunettes juxtaposées, renfermées dans un tube métallique unique en forme de parallélépipède, et séparées dans toute la longueur par une mince cloison; l’un des objectifs, de 0m,24 d’ouverture et de 3m,60 de
- 1 L’épreuve de la Lune, reproduite ici par l’héliogravure, a été obtenue à l’aide de cet appareil provisoire (fig. 1).
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- longueur focale, est destiné à l’observation visuelle et sert de pointeur; l’autre, de 0m,34 d’ouverture et de 5"\43 de foyer, est achromatisé pour les rayons chimiques et sert à la photographie. Les axes optiques de ces deux objectifs étant parallèles, tout astre maintenu au centre du champ de l’oculaire de la première lunette, produit son impression au centre de la plaque sensible de l’appareil photographique.
- L’équatorial est monté dans la forme dite anglaise, c’est-à-dire que le(centre du tube reste toujours dans l’axe polaire de l’instrument. Cette disposition permet de suivre un astre depuis son lever jusqu’à son coucher, sans qu’il soit nécessaire de retourner l’instrument dans le voisinage du méridien; elle a, de plus, l’avantage de donner, pour toutes* les régions du ciel, la position directe et la position inverse, ce qui permet d’éliminer certaines erreurs de décentrage.
- Il est muni, comme un équatorial ordinaire,-dé cercle horaire, de cercle de déclinaison et d’un mouvement d’horlogerie qui peut entraîner l’appareil pendant trois heures sans être remonté.
- Il existe , en outre, des mou-r vements indépendants de rappel • très lent permettant de maintenir l’axe dé la lunette sur un point déterminé du ciel, malgré quelque légère irrégularité dans le mouvement d’horlogerie, l’orientation de la lunette ou les variations de la réfraction atmo-
- Fig. 1. — Photographie de la Lune, obtenue à l’Observatoire de Paris, le 31 mai 1884. Reproduction directe .du cliché par l’héliogravure.
- sphérique. L’objectif photographique,' le plus grand qui ait encore été exécuté, est formé d’un système achromatique simple, et, quoique d’un rapport focal extrêmement court ,, il peut couvrir nettement, sans l’emploi d’aucun diaphragme, le champ très, considérable de 5 degrés de diamètre.
- Quoique monté depuis fort peu de temps, cet appareil a permis déjà d’exécuter de nombreux travaux. La carte, très réduite, reproduite ici (fig. 2), est un spécimen de ce qu’il est possible d’obtenir. Sur une surface représentant une étendue du ciel d’environ 5 degrés carrés, on peut compter plus de 3000 étoiles, dont 2 seulement sont visibles à l’œil nu, comprises entre la 6e et la 14e grandeur; on peut même distinguer, sur le cliché, les traces des étoiles de 15e grandeur,
- Fig. 2. — Photographie d’une portion de la Constellation du Cygne, obtenue à l’Observatoire de Paris, le 10 juin 1885, reproduite par l’héliogravure ; très réduite.
- trop faiblement indiquées pour supporter le report sur papier. Les étoiles de 14e grandeur se présentent sous un diamètre de 1/40 de millimètre.
- On comprend que des points aussi petits seraient facilement confondus avec les impuretés de la couche sert-J sihle, si on ne prenait la précaution de multiplier les poses. Dans la carte ci-contre (fig; 2), chaqué étoile, est formée d’un groupe de trois points formant un triangle équilatéral et dont chaque côté n’a pas plus de 1/12 de millimètre. À l’œil nu ces trois petits points paraissent’ se confondre en un seul ; mais si on les examine à-
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- l’aide d’une loupe un peu forte, les trois poses deviennent distinctes, et il est alors facile de reconnaître sur le cliché et d’éliminer tout ce qui n’appartient pas au ciel.
- La construction d’une telle carte, obtenue en trois heures, aurait certainement exigé plusieurs mois d’un travail assidu par les procédés ordinaires.
- Voici la durée de pose nécessaire pour obtenir l’image des étoiles1.
- lre grandeur........................ 0",005
- 2e................................... 0\0I3
- 3»................................ 0,03
- 4»...............:................ 0\08
- 3e............................... 0%2
- 6e, dernières étoiles visibles à l’œil nu. 0“.5
- 7e........................................ 1%3
- 8e................. , „........... 5'
- 9e................................ »
- 10M........................................i 20»
- 11° > grandeur moyenne dos astéroïdes > 50’
- 'JQ1® I ^ # ^ t . » <2 m
- 15e................................. 5m
- 14e.....................................15m
- 15' ) dernières étoiles visibles avec la ) 55m
- ? moyenne des grands instrù- [
- 16e ) ments................... . . } 1>>,23
- Tous ces cliiffres représentent un minimum • pour obtenir de bonnes reproductions sur papier, il faut tripler ce temps de pose.
- Ün voit par ce tableau que, entre la première et la dernière grandeur d’étoiles, la durée .de pose varie de 1 à 1 000 000. (Le rapport adopté entre leclat de deux grandeurs consécutives est 2,512.)
- En dehors de la construction des cartes célestes, comme autre étude très importante, nous pouvons signaler la découverte des astéroïdes, devenue aujourd’hui possible par la photographie. Les petites étoiles s’inscrivant sur le cliché comme un point pour ainsi dire mathématique, les planètes s’en distinguent par un petit trait parfaitement net, indiquant leur mouvement propre en grandeur et en direction pendant la durée de la pose : c’est ainsi que nous avons pu obtenir déjà le tracé d’une petite planète de 11e grandeur indiquant sa marche par un petit trait excessivement net au milieu des étoiles fixes.
- On pourra étudier de même le mouvement des satellites autour de leur planète, et peut-être en découvrir de nouveaux.
- L’étude des étoiles doubles et multiples sera grandement facilitée, et l’on pourra également appliquer la photographie à la recherche des parallaxes.
- Enfin il faut citer la photométrie comme une des branches de l’astronomie qui pourra recueillir maintenant de très utiles documents de l’emploi de la photographie.
- Remarquons, en terminant, que ces nouveaux progrès ont sensiblement augmenté la puissance de la vue humaine. Ils permettent en effet d’obtenir
- 1 Nous nous sommes servis pour ces expériences de plaques au gélatino-bromure de Monckhoven.
- l’image d’un astre qui resterait invisible avec des instruments de même ouverture que ceux dont la photographie fait usage.
- Paul et Prospf.r Henry.
- LES BICYCLES ET LES TRICYCLES
- EN ANGLETERRE
- Dans une communication récente à YInsiilulion of Mechanical Engineers de Londres, M. Robert E. Phillips a fourni des renseignements curieux et intéressants sur les cycles modernes ; nous allons rapidement les résumer. On peut apprécier combien les inventeurs se sont appliqués à perfectionner les bicycles et les tricycles pars ce fait que plus de 1000 brevets d’invention ont été pris sur la question jusqu’à la fin de 1883. En 1884, sous la nouvelle loi qui régit les brevets en Angleterre, il n’a pas été déposé moins de 657 spécifications. Il n’existe pas actuellement dans ce pays moins de 170 usines qui fabriquent 5000 modèles différents et occupent au moins 5000 ouvriers; la vente est de 40 000 appareils par an, ce qui, au prix moyen de 20 livres (500 francs) l’un, représente un mouvement d’affaires de 20 000 000 de francs. Le tableau suivant résume les différents résultats obtenus dans les courses les plus remarquables sur des terrains appropriés.
- (Les longueurs sont comptées en miles de 1609 mètres et les temps en heures et fractions décimales d’heure.)
- DISTANCE TEMPS de la course en heures. VITESSE MOYENNE en miles par heure.
- parcourue —^ —
- en miles Bicycle. Tricyle. Bicycle. Tricycle.
- 1 0,044 0,050 22,6 20,0
- 5 0,238 0,489 0,272 21,0 18,4
- 10 0,543 20,5 18,4
- 20 0,985 1,145 20,3 17,5
- 25 1,278 1,442 19,6 17,3
- 50 2,733 3,054 18,3 10,4
- 100 5,835 6,726 17,1 14,0
- Les courses sur des routes ordinaires, non spéciale ment appropriées, donnent des résultats différents :
- NATURE DE LA COURSE BICYCLES TRICYCLES
- heures. heures.
- Distance de 100 miles. De Land’s End à John O’Groat 7,19 7,58
- (900 miles) Même course, aller et retour, et de- Land’s-End à Londres 160,17 197,33
- (2050 miles) : . Plus grande longueur parcourue 456 »
- en 24 heures (en miles). . , . Vitesse moyenne en 24 heures (en 266,25 231,50
- miles par heure) 11,1 9,6
- Il résulte des chiffres des tableaux ci-dessus que, dans les courses courtes ou les courses de durée, le bicycle a l’avantage sur le tricycle au point de vue de la vitesse, mais lorsque la longueur du trajet augmente de 1 mile à 100 miles, la vitesse moyenne des deux espèces de cycles
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- LÀ NATURE.
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- diminue de 5 à 5,5 miles par heure. Suit une classification méthodique des bicycles et des tricycles qu’on ne pourrait reproduire avec fruit qu’en donnant une description de chaque type, ce qui nous entraînerait trop loin.
- LES LITRES NOUVEAUX
- A cette époque de l’année les livres abondent, et notre table de travail en est remplie ; nous mentionnerons ici quelques beaux livres, édités avec luxe, et dignes de faire honneur aux bibliothèques qu’ils sont destinés à garnir.
- Les nouvelles conquêtes de la science
- par Louis Figuier. {Librairie illustrée.)
- Après ses ouvrages devenus classiques, les Merveilles de la science, les Merveilles de l’industrie, M. Louis Figuier vient de terminer la publication de ses Nouvelles Conquêtes de la science (4 vol. in-4°, avec de nombreuses gravures). Nous avons annoncé précédemment la publication des deux premiers volumes qui traitent de Y Électricité (1er vol.) et des Grands tunnels et railways métropolitains (2 volumes) ; nous signalerons aujourd’hui les deux volumes complémentaires qui font connaître les Isthmes et les canaux, d’une part, et les Voies ferrées dans les deux mondes, d’autre part. L’œuvre nouvelle de M. Louis Figuier a été couronnée par l’Académie française, et elle mérite de l’être, comme tout ce qui a été publié par notre savant confrère, que nous nous plaisons à appeler le père des vulgarisateurs de la science. M. Louis Figuier, par ses livres remarquables, où il sait si bien rendre la science accessible à tous, où il excelle à montrer l’enchaînement des faits par l’histoire, aura puissamment contribué à inspirer le goût de l’étude chez un nombre considérable de jeunes gens. M. Louis Figuier est un novateur, car ses premiers livres ont été écrits à une époque où l’on ne lisait guère que des romans. Il aura eu le grand mérite de montrer le premier que l’histoire réelle d’un inventeur, qui se trouvant aux prises avec les difficultés matérielles et morales, triomphe des obstacles par la persévérance, le travail, la volonté, est souvent tout aussi attrayante et incontestablement plus instructive, que celle d’un héros de convention dans une histoire fictive. Son nouveau livre aura certainement le succès de ses devanciers.
- j. Œuvres de Rabelais, illustrées par A. Robida.
- (Librairie Illustrée.)
- M. A. Robida, dont on connaît le talent, la verve et Y humour de dessinateur, de caricaturiste et d’écrivain, est comme beaucoup d’hommes d’esprit : il a la passion de Rabelais, et il a voulu illustrer ce livre étonnant qui a déjà séduit tant d’artistes. L’entreprise était téméraire; M. Robida a montré qu’elle n’était pas au-dessus de ses forces, en publiant le tome premier des Œuvres de Rabelais (grand in-4", édition conforme aux derniers textes revus par
- l’auteur, avec une notice et un glossaire par Pierre Jannet).— Les innombrables dessins de M. Robida sont l’interprétation la plus excellente que l’on puisse imaginer du texte de Rabelais; le livre est animé, vivant, grouillant d’une foule bariolée, et de personnages du bon vieux temps à l’humeur joyeuse; vignettes à chaque page, grandes illustrations hors texte, dessins en couleur, c’est une orgie de gravures et de peintures. Que d’esprit, que de goût, .que de franche gaieté M. Robida a su prodiguer dans cette œuvre incomparable! Elle restera assurément comme une des plus belles edî{ tions de Rabelais, et comme une des meilleures inj spirations de M. Robida. j
- i ?
- A travers l’Asie centrale, par Henri Mosf.r.1 • (Librairie Plon1.) i
- « Ni science, ni philosophie, ni politique, mais un récit sans prétention, gai ou émouvant suivant le& heures ou malheurs de la route, » dit modestement; l’auteur. Il y a beaucoup plus que cela dans cé beau livre, surtout à une époque où la question d’Orient toujours pendante, donne un grand intérêt d’actualité à l’étude des peuplades asiatiques, ap* pelées à entrer en relations avec l’Europe par l’intermédiaire de la Russie. M. Moser est un fin obser1-vateur, et un bon écrivain ; son livre en dehors de son intérêt géographique et ethnographique, est plein d’entrain et d’animation.
- L’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande, par P. Villars, (A. Quantin, éditeur.)
- Ce volume (grand in-4° de 676 pages, contenant 4 cartes en couleurs et 600 gravures, d’un choix excellent et d’une heureuse exécution) fait partie d’une collection considérable que vient d’entreprendre M. Quantin, sous le titre le Monde pittoresque et monumental. M. P. Yillars nous offre aujourd’hui Y Angleterre ; nous aurons, dans la suite, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Russie, etc. — Si Y Angleterre est un beau livre au point de vue typographique, il est d’un grand intérêt à lire et à étudier. L’auteur connaît à fond le pays qu’il décrit et il le décrit avec beaucoup d’exactitude, en un style correct, et sous une forme très agréable. La richesse des gravures fait en même temps de ce volume un véritable album de salon.
- Nous empruntons à M. Villars un intéressant passage sur la production du fer en Angleterre :
- « Bien que la production du fer soit loin d’égaler celle de la houille, elle vient immédiatement après celle-ci dans l’énumératiôn des richesses minérales de l’Angleterre. On trouve des mines de fer en abondance dans les provinces du Nord et de l’Ouest, et dans tous les districts qui renferment de la houille. C’est même la réunion des deux minéraux qui seule donne au fer une valeur industrielle, car le fer, loin de la bouille, n'a qu’une valeur relative,
- 1 1 vol. grand in-8 avec plan, 170 gravures, 16 héliotypies et une carte itinéraire du voyage à travers l’Asie centrale.
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- LA -NATURE
- puisqu’il est impossible, dans de pareilles conditions, de produire à bon marché....
- « Il y a en ce moment en Angleterre et dans le pays de Galles 770 haut» fourneaux, dont 550 sont en activité. Les plus importants sont ceux du district de Cleveland, en Yorkshire, dont la ville de Middlfesbrough est le point central.
- « C’est au minerai de fer qui abonde dans les environs, que cette ville doit son existence. On parle
- souvent du développement rapide de certaines villes de l’Amérique; le même fait se produit en Angleterre, et cependant personne ne semble s’en apercevoir. Pourquoi? Est-ce parce que cela se passe près de nous et que l’éloignement grossit les faits alors qu’il diminue les objets?... Middlesbrough, qui n’avait qu'une maison en 1820, compte maintenant plus de 55 000 habitants et prend tous les jours de l'extension. Les bords de la Tees, autrefois
- Hauts fourneaux à Middlesbrough (Angleterre). .
- déserts, sont maintenant le centre d’une activité fiévreuse.... (Voy. la gravure ci-dessus.)
- « Les hauts fourneaux d’Eston appartenant à MM. Bolckow et Yaughan sont, dit-on, les plus vastes du monde : on y emploie plus de 6000 ouvriers occupés à convertir le minerai en fer et le fer en acier. Aux forges fondées par eux sont venues s’en ajouter d’autres; il y a, aux environs de Middlesbrough, une centaine de fourneaux qu’on pourrait de loin prendre pour les tours de quelque gigantesque forteresse, sans le nuage de flamme et de fumée qui s’en échappe. Hauts de 25 à 30 mètres,
- ces énormes cylindres de briques sont d’une telle capacité que l’on peut y fabriquer 500 tonhes de fer par semaine. En 1880, il en est sorti 1500 000 tonnes de fer en gueuses. Tous Ces établissements, de création récente, sont admirablement installés et outillés; les machines sont construites sur les modèles perfectionnés et d’après les principes scientifiques reconnus par l’expérience comme étant les plus parfaits. Les forges fonctionnent nuit et jour, et la lumière électrique y est employée régulièrement; c’est un mouvement, une animation continuelle. »
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- Le Monde physique, par Amédée Guillemin.
- (Librairie Hachette et Ci0.)
- Entreprise depuis plusieurs années, la publication éditée sous ce titre est actuellement terminée. Elle comprend 5 forts volumes grand in-8°, contenant chacun des centaines de superbes gravures, et de
- nombreuses planches hors texte en chromolithographie. C’est un véritable monument élevé à la science; il restera comme la plus complète histoire de la physique à notre époque. Le premier volume comprend la pesanteur, la gravitation universelle et le son; le second, la lumière; le troisième, le magnétisme et Y électricité ; le quatrième, la cha-
- Fig. 1. — Expérience'sur lu formation des courants aériens. Fig. 2. — Déviation apparente des gouttes de pluie.
- leur; et le cinquième et dernier, la météorologie.
- M. Amédée Guillemin est un homme de grande érudition, qui, mieux que tout autre, était à même de mener à bonne fin un travail de si longue haleine. Ordonné, minutieux, correct, d’une exactitude scrupuleuse,'il ne sacrifie absolument rien à la vérité, et a tou-jours recours aux sources originales pour alimenter son texte.
- Son œuvre est une grande et belle entreprise, qui est destinée à rendre des services signalés aux. savants, aux gens du monde et à la jeunesse. La maison Hachette n’a rien négligé pour que le livre soit aussi beau que possible au point de vue typographique, et les gravures en .couleur sont particulièrement remarquables. Dans l’impossibilité où nous sommes d’en reproduire un spécimen dans notre texte, nous empruntons au livre de M. Guillemin quelques-unes des petites figures explicatives dont l’ouvrage abonde. Nous les accompagnons des explications qu’elles comportent.
- La figure t est une expérience bien connue de physique sans appareils due à Franklin. « Elle a pour but de mettre en évidence la production du vent, en tant qu’elle résulte de l’inégalité de température. Si l’on ouvre en hiver la porte qui fait communiquer deux chambres, l’une froide, l’autre bien chauffée, il se produit aussitôt un double courant d’air. L’air de la chambre chauffée, plus léger, pénètre en montant dans la chambre froide, tandis que l’air plus dense de celle-ci s’écoule par en bas pour le remplacer. En plaçant deux bougies allumées à la partie inférieure et à la partie supérieure de la porte, li direction contraire de leurs flammes indique nettement le sens de deux courants opposés. C’est la même raison qui détermine les courants ascendants à l’intérieur des cheminées sans lesquels le tirage ne serait pas possible, et qui produit les mouvements de l’air à l’intérieur d’un verre de lampe, le long des tuyaux de poêle. »
- Fig. 3. — Image double des objets vus à travers un cristal de spath d’Islande. Double réfraction.
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- La figure 2 a pour but d’expliquer l’aberration de la lumière par une comparaison très heureuse que décrit M. Amédée Guillemin : « Un piéton qui resterait immobile, protégé par un parapluie contre une pluie tombant verticalement, ne recevrait pas une goutte ; qu’il se mette à courir dans une direction quelconque, il se trouvera atteint et croira recevoir la pluie obliquement, précisément en sens opposé à celui de la direction qu’il suit en courant. Si l’on suppose qu’il parcourt ainsi toute une circonférence de cercle, la pluie lui fouettera le visage, comme si elle venait successivement de tous les points de l’horizon. C’est un phénomène de tous points analogue à celui de l'aberration de la lumière, et dont les maximums et les minimums varieraient de meme, si l’on supposait que la pluie, au lieu de tomber verticalement, prenait en réalité toutes les directions possibles d’obliquité à l’horizon. La terre reçoit en tout temps, dans toutes les directions, des rayons de lumière émanés de toutes les parties de la voûte étoilée ; c’est une pluie continue de molécules, ou, si l’on préfère, d’ondes lumineuses. »
- La figure 3, qui représente le phénomène de double réfraction obtenu à l’aide d’un cristal de spath d’Islande, montre le soin avec lequel ont été exécutées toutes ces gravures de démonstration : elles sont d’une netteté parfaite qui n’exclut pas le côté artistique de ce grand et bel ouvrage. G. T.
- ; ——
- CHRONIQUE
- Le ptilt» artésien de Pesth. — La municipalité de la ville de Pesth a voté un subside de 100000 francs pour la construction d’un grand puits artésien destiné à fournir l’eau chaude nécessaire aux établissements et aux bains publics. Le puits a actuellement dépassé la plus grande profondeur de puits artésien connue, c’est-à-dire 951 mètres. Il fournit journellement près de 800 mètres cubes d’eau à une température de 70°C et on compte l’approfondir jusqu’à ce que l’eau débitée atteigne 80°.
- Une araignée phénoménale. — Madame veuve Canu, d’Argentan, a découvert dans sa maison une araignée de dimensions extraordinaires pour nos pays tempérés. L’abdomen de cet arachnide est particulièrement remarquable, d’abord à cause de sa grosseur qui atteint celle d’une volumineuse cerise, ensuite par quatre taches qui figurent presque une tête humaine et qui se trouvent sur son dos qui est légèrement aplati. Cette araignée, mise dans un bocal, n’est nullement farouche et se nourrit de mouches qu’on lui fournit avec prodigalité.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 7 décembre 1885. — Présidence de M. l’amiral
- JüRIEN DE LA GRAVURE.
- La pluie d'éloiles filantes du .27 novembre. — Nos lecteurs ont déjà eu le résumé d’un grand nombre d’observations de la pluie d’étoiles filantes qui sont tombées
- sur la terre, le 27 novembre dernier. Ils savent que ces météores, dont l’arrivée était prévue, représentent l’état ultime de la désagrégation spontanée dont la comète de Biéla a été le théâtre. C’est comme confirmation de cette importante notion acceptée généralement sans un contrôle suffisant que M. Faye signale un travail réalisé, à Upsal, par M. Ilildebrand Ilüdebrandson. Le ciel ayant été partagé entre 12 observateurs, 41 000 météores ont été notés en deux heures et demie. La trajectoire des plus remarquables ayant été portée sur la carte, il en est résulté la position précise du point radiant. Grâce à cette notion, et connaissant le demi-grand axe de l’ellipse suivie par les météores, les astronomes suédois ont pu calculer tous les éléments du phénomène. La trajectoire de la comète de Biéla ayant une inclinaison de 15°, son nœud ayant une longitude de 248°, la longitude de son périhélie étant de 109“, et son excentricité de 0,70, on trouve pour les éléments correspondants des astéroïdes de novembre : I5“, 240°, 109°, 0,75, c’est-à-dire l’identité.
- Comme on le pense, les communications relatives à ce grand phénomène sont extrêmement nombreuses aujourd’hui. Le savant directeur du Journal le Ciel, M. Vinot, annonce que, pour sa part seule, il a reçu 34 communications de ses correspondants. M. Ilirn a vu le phénomène à Colmar; M. Colladon, à Genève; M. Stéphan, à Marseille; M. Perrotin, à Nice; M. André, à Lyon; M. Denza, à Montcalieri. Dans cette dernière localité, on a vu 39 000 étoiles et l’on calcule que s’il avait été possible de tout voir, l’horizon de l’observatoire en aurait montré 150000. Comme l’hémisphère qui a reçu l’averse cosmique comprend un très grand nombre de pareils horizons, on peut avec M. Faye estimer le total des astéroïdes à plusieurs millions. Beaucoup d’entre eux ont abandonné des traînées lumineuses visibles pendant des minutes entières ; à Nice, un nuage incandescent d’un diamètre apparent supérieur à celui du soleil, est resté visible auprès d’a, de Cassiopée. Il résulte de ces faits que l’atmosphère terrestre s’est enrichie de beaucoup de particules matérielles, et qu’une grande quantité de chaleur y a été développée, que décèleraient peut-être des observations thermométriques dans des pays à météorologie très régulière.
- Des analyses spectrales ont été tentées par M. Thollon qui a constaté la présence de la raie D du sodium, comme l’avait du reste fait antérieurement M. Wolf dont l’analyse indiquait aussi le fer et le magnésium.
- Parmi ces innombrables observations, on fera sans doute une place à part avec M. Faye, à la lettre d’un fabricant de pruneaux du Midi qui se rendait, sans s’attendre à rien, à son clos de pruniers, récompensé d’ailleurs, récemment, nous dit-on, par une médaille d’argent. Il fut très surpris de voir, selon son expression, « neiger des étoiles » ; mais ce qui est plus digue encore d’éloge, car son industrie n’avait pas dù l’y préparer, il eut l’idée de soumettre ce phénomène grandiose à une observation très intelligente. Utilisant un appareil destiné jusque-là à la dessiccation des pruneaux, et se couchant dessous sur le dos il releva le direction des étoiles filantes qui passaient exactement au zénith. La conclusion est que ces météores croisaient le méridien sous un angle de 30° environ ; il ajoute que durant l’apparition, cet angle s’ouvrit progressivement d’une petite quantité.
- Application de l’osmose. — M. Albert Levallois a reconnu que des plantes fraîches placées dans des solutions aqueuses de sels suffisamment concentrées, leur abandonnent une quantité plus ou moins grande de leur eau
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- constituante. Des brauehes d’oranger ainsi plongées dans la solution de chlorure de calcium perdent une très notable partie de leur poids el deviennent cassantes. Leurs huiles essentielles ne se diffusent pas, et l’auteur pense que l’industrie des parfums pourra tirer parti de sa découverte en y trouvant le moyen de conserver à sec des plantes odorantes pour les distiller pendant l’hiver.
- Archéologie préhistorique. — M. E Rivière appelle l’attention de l’Académie sur une nouvelle station préhistorique, la station du Trou-aux-Loups, située aux portes de Paris. 11 s’agit d’un atelier de l’époque néolithique qu’il a découvert, au mois de mars de l’année dernière, dans les L is de Glamart, atelier ou station dans laquelle il a recueilli, à la suite de nombreuses recherches poursuivies depuis cette époque, près de neuf cents silex entiers ou brisés (silex de la craie), tes uns taillés, les autres simplement éclatés par la main de l’homme, quelques-uns enfin brûlés. Tous ces silex gisaient à la surface du sol ou à quelques centimètres de profondeur. Notre confrère cite parmi eux des fragments de haches polies, des grattoirs dont quelques-uns fort beaux (l’un d’eux mesure près de 9 centimètres de longueur) des lames, pointes, etc., enfin deux ou trois petits polissoirs. Cet atelier se trouve à quelques minutes à peine des dernières maisons du village de Clamart, au sommet du plateau d’où la vue s’étend assez loin du côté de Châtillon, à l’entrée du bois, dans un taillis où l’on a fait récemment une coupe assez considérable; il occupe une étendue de terrain très limitée, une centaine de mètres carrés seulement.
- Nature phanérogame des Sigillaires à tige lisse. — Un épi de Sigillaire presque identique de forme, de grandeur et d’organisation, avec l’épi de S. Brardii, a été récemment trouvé, dans le terrain houiller de Blanzy et, remis par M. Roche à mon savant collègue et ami M. Renault. L’étude de cet échantillon a fourni des renseignements précieux sur les organes fructificateurs de ces plantes curieuses et qui ont été l’objet de si nombreuses controverses.
- Traitement du diabète. —- Contrairement à la pratique généralement suivie, M. le docteur Boucheron, ancien interne des hôpitaux, conseille aux diabétiques de restreindre les aliments albuminoïdes et les alcools, tout en restreignant aussi les aliments hydrocarbonés. Par cette méthode, suivant l’auteur, le sucre et Pazotille disparaissent en trois ou quatre mois, la boulimie et la polydipsie sont les premiers symptômes qui s’atténuent; bientôt les forces reviennent avec l’amélioration générale.
- Varia, — Plusieurs réclamations de priorité concernent l’application du sulfate de cuivre au traitement du mil-dew. A celte occasion, M. de Lacaze-Duthiers rappelle un mémoire de Bénédict Prévost, de Genève, où, dès 1807, le sulfate de cuivre est recommandé contre la carie du blé. — Une comète a été découverte le l*r décembre à l’Observatoire de Paris ; l’état du ciel a permis de la revoir le 4 décembre ; elle a été observée à Alger, à Lyon et à Nice. — L’influence des lésions de la moelle sur la forme des convulsions dans les attaques d’épilepsie occupe M. Vulpian. — D’après M. Cazenave, de Lyon, beaucoup de pâtes alimentaires sont colorées en jaune par une matière tirée de la houille et qui est très nettement toxique. — M. le colonel Perrier annonce que le travail géodé-sique relatif au triangle Paris, Milan, Nice, est terminé dans les conditions les plus satisfaisantes. — M. le professeur Georges Pouchet décrit un mégaptère récemment échoué sur notre côte méditerranéenne. —- Un très inté-
- ressant mémoire de M. Lliôle concerne le chlorure de vanadium dont un échantillon très pur est déposé sur le bureau par M. Pehgot. C’est un liquide fumant, bouillant à 126°, et dont la densité est égale à 1,854.
- Stanislas Meunier.
- RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES
- NOUVEAU PANTIN ELECTRIQUE
- Voici un charmant petit jouet électrique que nous nous empressons de faire connaître à nos lecteurs.
- C’est d’un danseur ou plutôt d'une danseuse électrique qu’il s’agit. Le pantin est suspendu au bas d’un ressort à boudin, ou solénoïde, électriquement parlant, dont l’axe est occupé par un barreau aimanté, le tout maintenu par une colonne à potence. L’extrémité inférieure du ressort à boudin T (Voy. la figure ) traverse le pantin et se termine un peu au-dessous des pieds du sujet et à 0m,003 environ du niveau d’un godet G contenant du mercure. Ce mercure est en communication électrique avec l’une des bornes B comme l’est la colonne qui soutient le ressort avec l’autre borne BA. Ces bornes sont rattachées à une pile de courant relativement énergique (une pile-bouteille au bichromate de 1 litre suffit cependant). Les bornes B et B' sont signées convenablement afin que les pôles du solénoïde soient en concordance avec ceux du barreau aimanté qui le traverse. Les pôles de la pile sont rattachés respectivement à chacune des bornes portant le signe de leur notation. On met la pile en action, on fait plonger l’extrémité de la tige T dans le mercure en exerçant une traction sur le ressort et on lâche aussitôt. Lors du contact, la réaction du ressort tendu à laquelle se joint l’action attractive des spires du solénoïde qui constituent des courants parallèles et de même sens, fait remonter le pantin ; alors le courant se rompt, car la tige T quitte le mercure, la réaction du ressort cesse, l’action électrique n’existe plus. La pesanteur agit ensuite, le pantin retombe tout à coup, le contact se rétablit el une action ascensionnelle se manifeste comme la première fois à la suite de laquelle se répètent alternativement les mêmes effets qui font exécuter au pantin une danse d’autant plus rapide que le courant de la pile employée est énergique.
- Le petit appareil est construit par M. Bassée-Crosse; la disposition en est très simple : le jouet en lui-même est par suite peu coûteux et il a surtout le grand mérite à nos yeux de donner la démonstration des principes du solénoïde et d’une des lois d’Ampère. G. T.
- Petite danseuse électrique fonctiouuaut sous l’action d’un solénoïde.
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- LA NATURE.
- LE GRAND PEUPLIER DE SAINT-JULIEN
- TRÈS DE TROl'ES
- Dans notre beau pays de France, nous n’avons pas les Séquoias géants de la Californie, mais il se trouve encore ça et là de grands arbres, témoins séculaires de la gloire de nos ancêtres* et qui, souhaitons-le, verront celle de nos descendants.
- Dans notre livraison du 27 juin 1885 ( page 65 ), nous avons cité comme extraordinaire le peuplier du jardin botanique de Dijon, d’après une communication adressée à ce sujet par M. Joly à la Société nationale d'horticulture.
- Un de nos lecteurs, M. Dufeu, de Paris, nous communique quelques curieux documénts photographiques et manuscrits, au sujet d’un autre arbre remarquable de la propriété de M. Gustave Huot, agriculteur à Saint-Julien près de Troyes (Aube) ; nous les reproduisons ici.
- L’arbre dont il s’agit est un peuplier blanc de Hollande ; ses dimensions colossales, sa tige droite, saine et élevée, son bran-cliage immense et régulier, sa vigueur, sa santé, en font le plus beau monument 'végétal de la région ; il est, croit-on, trois fois centenaire.
- Yoici ses dimensions : circonférence de la tige .rez-de-terre,, 12m,65; à 50 centimètres, 8m,70; à 1 mètre, 7ra,35; à 2 mètres, 6“,50; à 9m,50, 5m,78; hauteur de la tige, 9m,50 ; hauteur totale de l’arbre, 4‘2m,60; circonférence de la tète, 80 mètres; 3 branches commencent le couronnement à 9m,50 du sol; la plus grosse a 4m,48 de tour.
- Ces • documents sont empruntés à l’Almanach du Nord-Est agricole et horticole de 1877. Les rensei-
- gnements suivants sont donnés par M. Ch. Baltet, lo pépiniériste bien connu.
- La lrê branche a 2m,80 dé circonférence ; la 2e 3m,70 ; la 3e 4,n,40.
- En 1852 le cube de la tige était de 32m,85 , en 1861 il était de 35™,04, soit une différence en plus de 2m,19. La tige aurait donc grossi en circonférence de 2 centimètres environ par année.
- Les jeunes rameaux ont l’épiderme de couleur vert olive for fement chargé d’un duvet blanchâtre, la feuille de couleur blanc d’argent mat à la face inférieure, vacille continuellement par suite de son pétiole aminci dans un sens perpendiculaire au limbe.
- Le peuplier de Saint - Julien est, comme on le voit, digne d’être men -tionné, à côté du peuplier de Dijon; malgré les orages, et les effets des grands hivers, il a gardé toute sa force et toute sa beauté ; il dépasse de quelques mètres la hauteur de deux maisons de cinq étages de Paris ; mais il n’atteint pas la moitié de quelques-uns des plus grands Séquoias de la Californie, dont le sommet des branches extrêmes dépasse parfois l’altitude prodigieuse de 100 mètres au-dessus du niveau du sol.
- Il y a en France un grand nombre d’autres arbres fort remarquables par leur taille et par leur âge; mais ce sont généralement des arbres à bois dur comme les Chênes,les Hêtres, les Châtaigniers, etc. Nous avons réuni jadis quelques détails au sujet de ces arbres extraordinaires dans' notre n° 40, du 7 mai 1874.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier,
- Le peuplier de Saint-Julien, près de Troyes. (D’après une photographie.)
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de FJeuru?, à Pans.
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- y 055.
- 19 DÉCEMBRE 1885.
- LA NATURE.
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- LÀ LOCOMOTIVE À SOUDE
- SYSTÈME HOXINGMANN
- Nous avons précédemment donné quelques détails sur le condenseur Honingmann, et sur les essais qui ont été entrepris pour l’appliquer à la traction mécanique des véhicules sur les voies ferrées1. Ces essais ont été poursuivis, depuis cette époque, avec des résultats relativement satisfaisants, et bien que ce type de condenseur ne soit pas encore définitivement entré dans la pratique, on peut dire qu’il a supporté néanmoins cette première épreuve d’une applica-
- tion un peu prolongée, et qu’il en est sorti avec succès. Deux machines de ce type fonctionnent en effet d’une manière continue sur la ligne de tramway d’Aix-la-Chapelle à Burtscheid, et sur une section du chemin de fer allant à Juliers : M. Honingmann voulant défier les difficultés en quelque sorte, construit même actuellement une locomotive qu’il veut appliquer sur les rampes d’accès du tunnel du Saint-Gothard. Si cette audacieuse tentative donne des résultats favorables, l’inventeur réalisera ainsi un moteur silencieux fonctionnant poür ainsi dire sans aucun danger, sans produire aucune projection d’escarbilles, d’étincelles ou de fumée,
- Fig. 1. — Nouvelle locomotive à soude pour tramway, de M. Houiugmann.
- admirablement approprié par conséquent à la traction mécanique sur les lignes de tramways, notamment à l’intérieur des villes, et qui réussirait en même temps à remorquer des charges relativement importantes sur les fortes pentes de nos voies ferrées a peine accessibles aux locomotives. .
- L’appareil comprend une machine à vapeur sans foyer dont la chaudière est réchauffée par une dissolution de soude, ainsi que nous l’avons dit ; le principe, que nous rappellerons en peu de mots consiste a diriger la vapeur d’échappement dans une capacité fermée remplie d’une dissolution saline formant en quelque sorte une chaudière extérieure dans laquelle baigne la chaudière à vapeur proprement dite.
- » Voy. n6 562, du 8 mars 1884, p. 254.
- U* année. — t6r semestre.
- D’après une propriété connue des dissolutions salines, et généralement des, liquides ayant une haute température d’ébullition, l’absorption de la vapeur d’eau y produit un échauffement entraînant une élévation de température supérieure a celle même de la vapeur. Ce fait avait été observé déjà par Clément] Desormes, et il a été signalé depuis, en 1822, par Faraday qui indiquait qu’il se produisait toujours une élévation de température sur la boule d’un thermomètre, plongé dans un courant de vapeur d’eau lorsqu’on venait à y répandre un peu de sel. On avait songé déjà à utiliser cette propriété dans la pratique, et on pourrait citer à cette occasion les essais entrepris en Angleterre par M. Loftus Perkins en 1864, et en 1874 par M. Spence; mais ceux-ci sont restés toutefois jusqu’à présent sans
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- L A N A ÎT II U.
- application industrielle. Le sel employé par M. Honingmann est la soude du commerce contenant 10 à 20 pour 100 d’eau. La chaudière à vapeur est de forme quelconque, mais du type tubulaire pour multiplier les points de contact avec la dissolution de soude formant source de chaleur. On se rend facilement compte de l’action qui s’opère dans ces conditions : l’eau surchauffée est chargée au départ de la machine à une température de 200°, par exemple, qui correspond à une pression de 15 atmosphères, et la dissolution de soude fortement concentrée contenant au plus 20 pour 100 d’eau ne peut entrer en ébullition qu’a 220°. La vapeur qui se dégage de la chaudière est refoulée dans la dissolution de soude après s’être détendue dans les cylindres de la machine et y avoir effectué son travail utile ; elle est complètement absorbée dans le bain formé par cette dissolution quelle traverse dans toute sa hauteur. Celle-ci arrive ainsi graduellement a une température supérieure a 200° : elle réchauffe l’eau de la chaudière et contribue par suite a la production d’une nouvelle quantité de vapeur, la température de l’eau demeurant constante. Le même effet se produit tant que la dissolution n’est pas arrivée, par l’apport continu de vapeur d’échappement, à un degré de dilution déterminant l’ébul-Jitionà200°.L’absorption de va-peureesseàpartir de ce moment, et si le réservoir était ouvert à l’air libre, la vapeur se dégagerait alors dans l’atmosphère, sans contribuer désormais au réchauffement. Cette disposition était adoptée primitivement par M. Honingmann; mais actuellement le réservoir est complètement clos malgré la contre-pression qui en résulte dans les cvlindres et la vapeur s’y accumule en produisant une certaine pression qui a pour effet de relever le point d’ébullition de la dissolution et détermine par suite une nouvelle absorption de chaleur qui s’interrompt au moment où ce point est ramené à la température de la vapeur. Comme d'autre part, la marche même de la machine détermine une réduction continue de la pression et par suite de la température de la vapeur, celle-ci retombe bientôt au-dessous du point d’ébullition, et assure encore l’absorption. Il se produit un nouvel arrêt dès que l’égalité est atteinte, mais le phénomène d’absorption recommence un peu plus tard aussitôt que la température de la vapeur s’est abaissée, et la machine procède ainsi par périodes d’absorption alternativement reprises ou suspendues jusqu’à ce que le degré de dilution empêche toute nouvelle absorption. A ce moment, la dissolution de soude a perdu toute action, et elle doit être remplacée par une dissolu-
- lution fraîche, ou revivifiée pour servir à nouveau. Cette opération se pratique très simplement d’ailleurs par une simple évaporation dans des chaudières fixes installées au dépôt des machines.
- M. Honingmann a exécuté sur ce type de machine de nombreux essais pour déterminer les dimensions convenables à leur donner en pratique; nous n’y insisterons pas en raison des détails que nous avons déjà donnés dans le numéro du 8 mars 1884; nous décrirons seulement l’un des derniers types auxquels il s’est arrêté, et dont nous reproduisons la vue dans les figures 1 et 2, empruntées à la Revue générale des chemins de fer.
- La locomotive, représentée figure 1, présente une disposition analogue à celle des deux machines faisant le service du tramway d’Aix-la-Chapelle à Burtscheid, celles-ci sont seulement de dimensions plus réduites. La chaudière est verticale, elle a un diamètre de lm,20, elle est divisée en deux compartiments affectés, l’un à la dissolution saline, et l’autre à la production de vapeur. L’eau renfermée dans la chambre supérieure est échauffée par l’intermédiaire de 120 tubes eu laiton type Field, de
- 41 millimètres de diamètre, qui plongent dans la dissolution saline ; la surface de chauffe qui n’est au départ que de 5 mètres carrés va continuellement en augmentant à mesure que l’absorption de la vapeur d’échappement élève le niveau de la dissolution. Chacune des deux chaudières est munie d’un manomètre spécial, et l’ensemble est entouré de matière non conductrice pour prévenir toute perte de chaleur. La vapeur se rend aux cylindres par le tuyau H, et elle revient à la dissolution saline en suivant le tube E qui débouche dans le fond de la chaudière, par une extrémité de forme annulaire percée d’un grand nombre de petits orifices pour assurer le mélange intime. La pression de marche est de 4 à 5 atmosphères, et on prévient toute élévation anormale en alimentant en marche avec un injecteur comme dans les locomotives ordinaires. L’eau d’alimentation est renfermée, comme on le voit, dans une caisse à eau disposée au-dessous de la chaudière entre les essieux moteurs. La machine a deux cylindres de 0m,18 de diamètre, et 0‘“,22 de course, le piston actionne la roue motrice par l’intermédiaire de deux engrenages; celle-ci a 0*",70 de diamètre.
- La provision de soude emportée au départ est de 500 kilogrammes dans une dissolution à 80 pour 100. Avec ce chargement, la machine fait un service régulier de quatre heures et demie en remorquant la voiture du tramway sur une ligne de 1 kilomètre
- Fig. 2. — Locomotive à soude d’une grande puissance.
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- de longueur qui présente des rampes de 55 millimètres et des courbes de 20 mètres de rayon. Elle parcourt environ 27 kilomètres et vaporise 600 à 650 litres d’eau, ce qui représente une vaporisation de 19 litres par mètre carré et par heure en évaluant la surface de chauffe moyenne à 7 mètres carrés 5. A la fin du service, la pression est encore de 4 atmosphères dans la chaudière à vapeur, et de 1/3 d’atmosphère dans la chaudière à soude. La vaporisation des locomotives ordinaires atteint en moyenne 40 kilogrammes par mètre carré et par heure sur les machines à voyageurs, mais sur les machines à marchandises où le tirage est moins actif, on s’est contenté longtemps de 20 kilogrammes environ, tandis qu’on a reconnu maintenant qu’on pouvait atteindre sans difficulté des chiffres comparables à ceux des machines rapides. 11 faut bien observer, suivant la remarque présentée a la réunion des ingénieurs allemands par M.Lentz, directeur des ateliers Hohenzollern auprès de Düsseldorf, qu’il est impossible d’obtenir avec la machine Ho-ningmann une vaporisation aussi active que sur les locomotives chauffées à la houille, puisque sur celles-ci la température des gaz de combustion atteint facilement 1200° ou 1500° et sur la machine Honing-mann, la température de la dissolution de soude qui forme source de chaleur ne dépasse pas au départ 200° à 220° et au retour, elle surpasse à peine de 2° ou 5° la température de la chaudière à vapeur. Cette remarque montre qu’il est toujours difficile d’obtenir avec cette machine la même puissance de vaporisation qu’avec les locomotives ordinaires ; cependant M. Honingmann a essayé d’appliquer des machines de son type à la remorque des trains sur les voies ferrées et l’expérience paraît donner des résultats favorables.
- Les premiers estais ont été pratiqués avec une veille locomotive dont la chaudière a été transformée, et celle-ci a fait pendant dix jours le service régulier des voyageurs sur la section de Winselen à Stolberg de la ligne d’Aix-la-Chapelle a Juliers, et elle a servi en outre à des expériences importantes sur la marche de la température dans les deux chaudières. Les diagrammes relevés ont montré dans les pentes que la température de la soude est allée croissant comme celle de la vapeur à raison de la grande consommation de vapeur ; à la descente, la température de la soude est restée stationnaire.
- La température de la soude a varié de 168° au départ à 159° a la fin des essais ; elle n’a jamais dépassé de plus de 18° la température de la vapeur qui, partie de 158°s’est abaissée jusqu a 143°au cours du dernier voyage pour remonter k 152° à l’arrivée.
- M. Honingmann a fait enfin construire deux machines, et nous donnons (fig. 2), la vue de l’une d’elles, elles ont 6 roues accouplées de 1“',20 de diamètre et pèsent 45 tonnes, elles sont destinées k faire le service de la section d’Erstfehi k Goschenen sur la ligne du Saint-Gothard dont les rampes atteignent 25 millimètres. Actuellement l’une d’elles est mise en service
- sur la ligne d’Aix-la-Chapelle k Juliers où elle remorque un train de 3 k 10 voitures sur une section de 54 kilomètres présentant des rampes de 12 k 15 millimètres pour une différence de niveau de 200 mètres. La consommation kilométrique de vapeur varie de 0k,83 à lk,l suivant la charge remorquée.
- La machine fait journellement le voyage aller et retour, ce qui représente un trajet de 108 kilomètres, puis elle retourne au dépôt où sont installées les chaudières servant k concentrer la solution étendue. Celle-ci est refoulée dans les chaudières et remplacée par une dissolution revivifiée ; cette manœuvre peut s’exécuter d’ailleurs en un temps très court qui ne dépasse pas 20 minutes. Pour la machine de tramway dont le service est continu, on alimente la chaudière k vapeur pendant l’évacuation de la soude, ce qui fait tomber la pression k 1 atmosphère et demie, mais l’introduction de la dissolution concentrée suffit ensuite pour relever la pression qui remonte a 5 atmosphères. D’après les chiffres donnés par M. Honingmann, la consommation de charbon dans les chaudières fixes serait relativement faible, elle correspondrait k une dépense de 1 kilogramme pour une production de vapeur de 6 kilogrammes.
- Les expériences faites sur la ligne d’Aix-la-Chapelle k Juliers ont montré qu’on combattait efficacement la corrosion des tôles de fer formant les parois des chaudières k soude en ajoutant dans la dissolution concentrée une certaine quantité d’oxyde de fer. Cet oxyde en se déposant, forme sur les tôles un dépôt adhérent d’oxyde magnétique qui reste insoluble tant que la température de la dissolution ne dépasse pas 155°. Au delà, on doit remplacer le fer par du cuivre pour éviter toute corrosion.
- Les expériences dont la machine Honingmann a été l’objet sont encore beaucoup trop récentes, pour qu’il soit possible d’émettre une appréciation définitive au sujet de ce système malgré les premiers résultats favorables déjà obtenus ; mais on ne saurait méconnaître qu’il n’y ait là une application fort intéressante d’un principe nouveau en quelque sorte, et qui pourra rendre dans l’avenir des services réels pour l’exploitation des lignes de tramways et peut-être même de quelques sections particulières des voies ferrées. L. B.
- ÀR0IDÉES ORNEMENTALES
- Parmi les plantes de serre que la mode adopte successivement, les Aroïdées commencent k prendre place dans nos appariements ; on voit dans les salons élégants depuis quelques années une fleur remarquable par son coloris brillant et sa longue durée; c’est V Anthurium de Scherzer. La fleur, disons plus exactement, l’inflorescence (car les fleurs sont très petites et étroitement réunies en forme d’épi), est constituée par un corps cylindrique plus ou moins
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- LA AA TU HE.
- courbé en spirale; il est entouré ou plutôt accompagné par une sorte de feuille épaisse, coriace, d’un rouge éclatant comme lui. Dans les bouquets, cet Anthurium est d’un effet puissant.
- Une autre espèce, Y Anthurium d’André, plus grande, plus haute, mais aussi plus délicate, offre une fleur semblable; la feuille florale, également rouge, y est bien plus large, bien plus ornementale; la surface est lisse et brillante, d’un ton extrêmement beau. M. Edouard André, l’heureux voyageur qui a découvert cette belle espèce au cours de son voyage dans la région de l’Ecuador, a pu montrer la même fleur, à sept semaines d’intervalle, encore fraîche et brillante.
- Un certain nombre d’aroïdées, et c’est le plus grand nombre, sont cultivées pour leur feuillage qui est très ornemental.
- Elles présentent souvent des coloris très beaux ; on trouve les teintes les plus variées; vert sombre ou jaunâtre, brillant ou terne ; les nervures sont blanches, rouges, cristallines, etc. ; il y en a qui ont des reflets métalliques, des parties argentées, cuivrées, bronzées : le revers des feuilles offre quelquefois une opposition des plus singulières avec la face supérieure. La forme rappelle le plus souvent celle d’un fer de flèche ou d'un cœur ; elle est également très variable. On observe, ce qui est rare dans le règne végétal, des perforations, des incisions profondes, qui donnent une apparence tout à fait particulière au feuillage.
- La plante qui est représentée dans la gravure ci-dessus est intéressante à cause de la longueur très
- remarquable de son inflorescence et la couleur de ses fruits : c’est Y Anthurium hybride; cette espèce a été mise au commerce vers 1875, par M. Linden de Gand, le très habile horticulteur, célèbre à plus d’un titre.
- Les feuilles sont très longues, elles ont un mètre de long, leur queue ou pétiole mesure une longueur analogue : elles s’y attachent par une sorte d’articulation. Leur couleur est d’un v^rt intense, et elles sont munies de nervures élégantes ; leur disposition n’est pas raide et disgracieuse comme dans certaines espèces à feuilles très amples.
- Une fois la flo-raison passée, l’axe qui porte les fleurs grossit, s’allonge et atteint une taille considérable, près d’un mètre aussi ; il se couvre de petits fruits, blancs et roses, gros comme de petits pois sphériques, qui produisent un effet assez agréable. Cette plante a fleuri et fructifié abondamment au Muséum de Paris, en 1884.
- On sait que le Gouet ou Arum vulgaire, désigné souvent sous le nom de Pied-de-Yeau dans les campagnes, donne des fruits rouges, disposés en grappe, dressée à l’extrémité d'une courte tige verte: à l’instant où ses fruits sont formés, très souvent tout vestige de feuille a disparu et on ne sait à quelle plante rapporter cette production singulière. L’Arum vulgaire possède des feuilles assez élégantes, en fer de flèche dont la forme générale se retrouve dans beaucoup d’espèces de la famille des aroïdées et peut en donner une assez bonne idée.
- Floraison de Y Anthurium hybridum au Jardin des Plantes de Paris.
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- BAROMÈTRE ENREGISTREUR
- Nous avons construit depuis quelque temps un petit inscripteur barométrique qui nous a donné des résultats qui ont dépassé nos espérances. Cet appareil, d’une grande simplicité, facile à construire par tous, sera en outre accessible à toutes les bourses. Ces différentes raisons nous engagent à en donner une description succincte.
- Le tube rempli de mercure de notre inscripteur est semblable à celui des baromètres Redier, mais il en diffère en ce sens que ses chambres barométriques sont beaucoup plus grandes, leur diamètre intérieur est de 15 millimètres; elles sont réunies par un tube plus étroit, disposition fautive, car elle rend l’instrument un peu paresseux et surtout elle empêche qu’il soit complètement soustrait aux variations de la température.
- Dans la branche ouverte de ce tube se trouve un flotteur très léger actionnant le levier ou fléau F (fig. 1) par l’intermédiaire d’un fil de soie ciré. Ce fléau est formé par ce que l’on nomme vulgairement « flèche de la canne à sucre » , c’est la tige droite et rigide qui supporte la panicule de cette plante ; d’autres graminées, d’un port élevé, telles que les sorghum, les gynérium, pourraient fournir des tiges analogues.
- Ce fléau mesure 0m,55 de longueur totale, son poids est de 2 grammes ; il accomplit ses oscillations autour d’un axe a (fig. 2), formé par une fine aiguille d’acier, le traversant perpendiculairement à sa longueur et reposant dans deux fragments d’un tube de verre d’un très petit diamètre T (fig. 2), soudés aux extrémités des branches d'un aimant en forme de fer à cheval. Cet aimant A est destiné à supporter la plus grande partie du poids du fléau F et, par conséquent, à réduire au minimum les frottements de l’axe a sur ses coussinets de verre T (fig. 2). Une pince en bois P, fixée à la planchette du baromètre, soutient cet aimant et lui permet de se déplacer de haut en bas et d’avant en arrière,
- suivant les besoins du réglage de l’appareil. Le fléau est traversé à sa partie antérieure par une aiguille très fine S (fig. 4), se mouvant librement dans un petit canal de verre t et appuyant à la surface d’un cylindre mû par un mouvement d’horlogerie1. Pour assurer un bon contact entre l’extrémité de l’aiguille traçante et la surface du cylindre, cette aiguille est fixée au sommet d’un mince chaume de graminée R (fig. 3-4) adhérent par son autre extrémité au fléau de l’inscripteur; cette tige forme un ressort d’une très grande flexibilité. L’amplification des mouvements du mercure donnée par le levier est égale à 5 ; pour cet effet, le grand bras du levier possède une longueur de 0IU,50. celle du petit bras mesure 0m ,05 ; cette partie du fléau est terminée par un arc de cercle a (fig. 3), d’un rayon égal à sa longueur, sur lequel est fixé le fil qui supporte le flotteur. Cet arc sert non seulement à maintenir le fil vertical dans toutes les positions du fléau, mais encore il diminue le poids de la partie antérieure de ce fléau.
- Pour mettre l’appa* reil en fonction, il suffit de calculer le poids du flotteur f (fig. 1) de manière à ce que le levier puisse se mouvoir de haut en bas, sans inertie, dans toutes les positions possi bl es. Quand les frottements de toutes les pièces de l’appareil sont réduites au minimum, le poids excédent à ajouter au flotteur pour détruire l’équilibre horizontal du fléau, par exemple, est excessivement petit; c’est de la faiblesse de ce poids, du reste, que dépend en grande partie la sensibilité de l’instrument, car s’il excède, par exemple, le poids du mercure qui sera déplacé par une hausse ou une baisse de 1 /10e de millimètre, le flotteur n’en sera pas influencé et, par conséquent, les indications données par la courbe seront restreintes. C’est pour ce motif qu’il est nécessaire d’avoir un tube barométrique aussi large que possible afin de disposer d’une plus grande force. Pour éviter l’adhérence constante qui se produit
- 1 Ce mouvement très simple nous a été fourni par M. Destouche, à Paris.
- Fig. 1. — Baromètre enregistreur que l’on peut construire soi-même.
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- LA NATURE.
- dans le tube du baromètre entre ses parois et le mercure et qui empêche ce dernier de suivre immédiatement toutes les variations de la pression atmosphérique, nous nous sommes très bien trouvé de placer derrière la planchette qui supporte le tube de l’instrument une de ces petites pendules à mouvement bruyant nommées réveil-malin, que l’on trouve très facilement dans le commerce.
- L’enregistrement se fait sur un cylindre cy (fig. 1 ) faisant une révolution complète en sept jours. Ce cylindre mesure 0m,2133 de diamètre et 0m,30 de hauteur. Il est recouvert d’une feuille de papier fortement glacé que l’on recouvre de noir de fumée en promenant à sa surface la flamme d’une chandelle ou celle d’une lampe fumeuse comme cela se pratique habituellement. La courbe tracée, on détache cette feuille et on fixe l’image obtenue en la passant dans un bain formé d’une solution faible d’une résine dans l’alcool.
- Les courbes obtenues par l’instrument sont très nettes, et peuvent fournir au météorologiste des documents d’une grande précision.
- On gradue ce baromètre enregistreur par comparaison ; à cet effet, on pointe sur la courbe, à des heures voulues, la hauteur barométrique absolue
- obtenue avec un ba-Fig1.3 v romètre étalon, ces
- F \ points servent à déter-miner, une fois pour toutes, la hauteur d une ligne de repère tracée d’une manière continue à la base du cylindre par une pointe R (fig. 1 ). Quant aux divisions de la feuille par jours et par heures, on peut les tracer à la main lorsque la courbe est fixée, mais il est plus simple et plus exact de tracer un petit trait vertical sur la courbe tous les jours, à midi, par exemple, et de noter à côté la date, la hauteur barométrique absolue ainsi que la température du mercure de l’inscripteur1. C’est là la marche que nous avons suivie depuis dix-huit mois que ce barographe fonctionne à la station météorologique de Marly-le-Roi. G. Raymond.
- 1 Pour faire le relevé de la courbe barométrique, on peut faire un calibre avec une feuille de corne transparente, on grave sur cette feuille, avec une pointe, des ordonnées courbes d’un rayon égal à la longueur du grand bras du fléau ; ce sont les lignes horaires. Puis on trace des lignes parallèles à celle du repère et on les distance de cinq en cinq millimètres : ces traits forment l’échelle des hauteurs. Pour faire une lecture, on superpose ce calibre sur la courbe, en faisant coïncider les traits du calibre avec ceux tracés à midi, chaque jour, et avec la ligne de repère ; la lecture se fait ainsi immédiatement et sans calculs.
- LES HABITANTS DE MARS
- La nouvelle extraordinaire, d’une correspondance possible avec les Martiens et dont les journaux se sont occupés depuis quelques mois nous est arrivée d’Italie, en passant par la Belgique. Il y aurait dans la vallée de Teramo un astronome amateur, du nom de Gemignani, qui aurait construit un télescope de 18 mètres de longueur, supportant des grossissements de 6500 fois. Observant Mars avec assiduité depuis deux ans il a fini par distinguer de plus en plus nettement d’énormes foyers de lumière blanche, semblables à des foyers électriques, qui dardent leurs rayons à travers la lumière rouge de Mars, et qui sont disposés géométriquement au nombre de trois, toujours aux mêmes heures et offrant les dispositions variées que nous indiquons, avec des intermittences d’éclat. On arrivera, dit-on, à lire ces signaux comme on est arrivé à lire les hiéroglyphes ; du reste, un M. Nizardi s’en est déjà chargé. M. Giacopino, disciple émérite du P. Secchi, se déclare convaincu de la sincérité de la découverte. On le voit, rien n’y manque, pas même l’instrument qui a servi, ni les noms de ceux qui s’en occupent. Malheureusement, il y manque la nouveauté. Il y a longtemps, en effet, qu’il a été dit que lorsqu’on voudrait correspondre avec les habitants d’une autre planète, il faudrait employer des signes géométriques. En outre, si les habitants de Mars voulaient se faire reconnaître de nous, ce ne serait pas des signaux lumineux qu’ils nous feraient, ce serait des signaux noirs. Ils sauraient bien, en effet, que des lumières, si blanches soient-elles, échapperaient à la vision au milieu de la lumière solaire réfléchie. Les prétendus canaux d’il y a deux ans, s’ils disparaisent, pour reparaître ensuite, seraient beaucoup plus concluants. En 1832, un industriel-astronome a déjà trouvé moyen de mystifier ses contemporains en leur vendant des portraits d’habitants de la Lune, obtenus en éclairant avec une bougie quelconque 'image de notre satellite qui se trouvait dans sa lunette. Il ne faudrait pas, dit le journal le Ciel auquel nous empruntons ces informations, se laisser berner deux fois dans le même siècle.
- EXPÉDITION LEMSTROM
- EN FINLANDE
- Une expédition scientifique, défrayée par le gouvernement de la Finlande, et dirigée par le savant physicien Lemstrôm,*a recueilli, pendant les années 1883 et 1884, des observations météorologiques et magnétiques intéressantes dont il a déduit les résultats suivants :
- 1° Il existe une zone entourant le pôle Nord a dont la limite boréale se trouve située par 68 degrés de latitude, dans laquelle les courants terrestres sont plus variables et plus intenses que dans les zones voisines.
- 2° Près de Sodankyla on a- constaté l’existence d’un courant dirigé de l’atmosphère vers la terre. L’appareil employé était un réseau formé par des pointes conductrices; il fut placé au sommet du mont Orantunturi, haut de 350 mètres et il donna naissance à une lumière jaunâtre diffuse qui, soumise au spectroscope, produisit le spectre ordinaire de l’aurore boréale. Plus tard un véritable rayon d’aurore fut engendré sur le mont Pictarin-lunturi, voisin de Kultala. Par la mesure de l’un et de l’autre courant, on constata les lois connues des courants électriques. L’appareil était réuni à la terre par un fil
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- LA NATURE
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- métallique et par une plaque de zinc plongée dans l’eau. Un appareil semblable fut placé sur la colline de Komat-tivaara, dont la hauteur ne dépasse pas 130 mètres. Il était composé d’un réseau carré de pointes de fer hautes de 0m,5 et dont chaque côté mesurait lm,5. Le tout était posé sur des isolateurs Mascart. Un fil qui traversait un galvanomètre conduisait à la terre.
- Les courants observés se dirigeaient de la terre vers l’atmosphère. Pour mesurer la force électromotrice, on la comparait à celle d’un élément Leclanché.
- Le courant atmosphérique fut aussi mesuré à Kultala et on porta encore trois appareils sur le Pictarintunturi. On avait de cette manière des instruments situés aux altitudes : 1-324 mètres, 11-334 mètres, III-246 mètres et IV-255 mètres. La distance entreletIVétaitde 549 mètres.
- A la suite de nombreuses expériences il fut constaté :
- a. Qu’entre deux appareils placés à la même hauteur il ne se développait aucun courant.
- b. Qu’entre II et I le courant marchait dans la direction II—I à travers l’air. Dans l’intervalle de quatre jours d’observation, la force électromotrice a varié entre 0,03 et 0,005 volts par mètre.
- c. Tout près du sol, se trouvait une couche chargée d’électricité positive. Le potentiel diminuait à partir du sol jusqu’à un minimum et augmentait ensuite de nouveau avec la hauteur.
- L’année était très défavorable pour l’observation des phénomènes lumineux. Ils ne sont visibles que par un temps tout à fait serein et seulement quand le clair de lune n’est pas intense. Il neigeait presque tous les jours, mais en petite quantité. Le nombre des aurores n’atteignit pas le dixième du nombre normal.
- On reconnut que l’appareil donnait fréquemment une lumière diffuse et que par l’introduction d’une machine de Holz dans le courant, la lumière augmentait d’intensité, — le clair de lune faisait disparaître le phénomène qui pourtant pouvait être reconnu alors à l’aide du spectro-scope ; — que pour la production du phénomène sous forme de rayon il fallait un ciel clair, une basse température et une pression atmosphérique relativement forte.
- M. Lemstrôm conclut que ce sont certainement des courants électriques qui donnent naissance aux aurores boréales ; que ces courants ont pu être mesurés par les moyens dont disposait l’expédition. Il considère également comme acquise l’existence d’une zone de courants terrestres analogue à celle qui existe dans l’atmosphère pendant les aurores polaires. F. Zurcher.
- CORRESPONDANCE
- MÉTIER DES TISSERANDS EN TRANSCAUCASIE.
- Lyon, 1er décembre 1885.
- Monsieur le Rédacteur,
- La description très intéressante d'un petit nqptier à tisser qu’a publiée précédemment La Nature (n° 647,
- du 24 octobre, p. 336), me rappelle les appareils simples et pratiques qu’emploient les tisserands en Transcaucasie pour la confection des rubans, des ceintures, des galons, etc., et auxquels j’ai vu produire les articles les plus riches et les plus variés. Peut-être quelque industrieux lecteur de votre publication sera-t-il tenté de construire un de ces petits métiers, qui sont plus qu’une récréation instructive, puisqu’on les emploie encore industriellement au Caucase.
- Tout l’appareil se compose de deux chevilles sur lesquelles se tend la chaîne, d’un paquet de vieilles cartes, d’un petit peloton de fil de trame et d’une lame de bois servant de battant; un couteau à papier convient fort bien pour cet office.
- Et maintenant qu’on se reporte à la figure ci-jointe et l’on comprendra au premier coup d’œil comment des objets aussi rudimentaires peuvent constituer un métier à tisser.
- Pour monter le métier, on passe le premier fil de la chaîne dans le haut de la première carte du paquet, et le second fil dans le bas de cette même carte ; on continue ainsi, en suivant l’ordre des fils de chaîne et celui des cartes : le troisième fil dans le haut de la seconde carte, le quatrième dans le bas de cette même carte, etc. On comprend fort bien qu’une fois cette opération terminée, et la chaîne étant convenablement tendue, les fils sont maintenus ouverts comme dans un véritable métierde t isser and. On donne alors un coup de trame, puis du revers delà main on fait basculer le paquet de cartes, de façon à ce que les fils qui se trouvaient en haut passent en bas et réciproquement. C’est le moment de donner un coup de battant avec le couteau à papier. Le fil de trame est ainsi parfaitement fixé, les fils se sont entre-croisés, et on n’a qu’à continuer pour avoir un tissu armure taffetas très régulier.
- Ce que ce petit métier présente surtout de curieux, c’est qu’il permet de tisser un grand nombre d’armures unies : le satin, le sergé, etc. Si, en effet, on emploie des cartes percées de quatre trous, dans chacun desquels passe un fil de chaîne, on comprend qu’on ne peut tisser les mêmes articles que sur un métier à quatre remisses suivant qu’on passe la trame à chaque quart ou à chaque trois quarts de révolution du paquet de cartes, suivant aussi la façon dont on fait tourner les cartes. Ce petit appareil offre donc des ressources variées à l’opérateur.
- Un détail pour finir : j’avais remarqué que les oustas qui se livrent à ce curieux travail, à Noukha, emploient toujours des cartes françaises; j’en demandai la raison : « Ce sont les meilleures, » me répondit-on, « les fils y glissent mieux. » Voilà donc pour nos vieilles cartes un emploi dont beaucoup ne se doutent guère ; et cela faisait dire à un de mes amis, qui avait peut-être quelques remords de jeu, qu’il était singulier de voir des cartes ne servir à quelque chose, qu’après avoir été mises hors d’usage.
- Veuillez agréer, etc. , Pierre Pagnon.
- Métier à tisser fait à l’aide de cartes à jouer et servant dans le Caucase.
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- LA NATURE.
- LÀ PHOTOGRAPHIE INSTANTANÉE
- La photographie instantanée, à laquelle les procédés au gélatino-bromure ont donné un si grand développement, compte un nombre de praticiens de plus en plus considérable; elle produit de jour en jour des résultats de plus en plus intéressants, dont les conséquences commencent déjà à se faire sentir dans toutes les branches de la science et de l’art. Les travaux de M. Muybridge et de M. Marey ont montré quelles incomparables ressources les nouveaux procédés au gélatino-bromure peuvent fournir à la physiologie, en ce qui concerne surtout l’étude de l’animal et de l’homme en mouvement.
- MM. Paul et Prosper Henry, les savants opérateurs de l’Observatoire de Paris, ont fait comprendre ici même l’intérêt de la photographie, au point de vue astronomique. Les artistes n’ont pas moins à emprunter à la photographie instantanée, qui leur fait voir la réalité de mouvements dont ils n’a-vaientjamaispu soupçonner 1 existence, par la raison qu’ils échappent à notre vision.
- A\ez-vous remarqué que dans des épreuves de photographie instantanée , il arrive souvent de voir figurés des personnages qui marchent, et qui cependant au point de vue de l’art, manquent de mouvement ? Cela tient à ce que la photographie saisit des positions extrêmes que notre œil ne perçoit pas, et que le peintre par conséquent n’a jamais représentées. Il est probable que les photographies instantanées accoutumeront peu à peu notre œil à ce mode de figuration auquel nous n’étions pas habitué jusqu’ici, et modifieront notre appréciation , tout en apportant au peintre des documents nouveaux. J’ai eu l’honneur d’assister dans l’atelier de M. Meissonier à la première exhibition que M. Muybridge faisait à Paris de ses photographies d’un cheval au galop, projetées sur un écran, et je me rappelle que notre grand peintre se frap-
- pait parfois le front d’étonnement en s’écriant : « Mais c’est une révélation : jamais je n’ai pu voir de semblables mouvements. »
- Si la photographie instantanée, qu’on a pu appeler déjà la photographie du mouvement, est quelquefois rude, et peu agréable au point de vue de l’art proprement dit, elle représente parfois la réalité, de la façon la plus merveilleuse et la plus étonnante.
- Des habiles opérateurs bien connus, MM. Lumière de Lyon, sachant l’intérêt que nous portons aux nouveaux procédés de la photographie, nous ont récemment adressé une série d'épreuves obtenues à
- l’aide de plaques extra-sensibles de leur fabrication. Nous avons choisi la plus curieuse d’entre elles que nous reproduisons ci-contre par l’héliogravure. Notre gravure typographique a été faite par M. Petit, directement, sur le cliché de verre de MM. Lumière et sans aucune retouche ; c’est donc la photographie elle-même que le lecteur a sous les yeux. Elle représente un homme qui lance un seau d’eau contre un mur qu’il veut nettoyer. C’est un chef-d’œuvre de photographie instantanée et c’est en même temps un délicieux tableau, plein de vie, de mouvement et d’expression.
- L ’ épreu ve ci-con tre a été obtenue par un plein soleil comme l’indique la vigueur de l’ombre portée. L’objectif employé est l’antiplanat de Steinheil sur lequel a été monté un obturateur provenant de la maison Tury et Amey de Genève. Le temps d’exposition a été de 1 /300 de seconde ; l’image a été révélée à l’oxalate de fer.
- Ah! si Niepce, Daguerre, Poitevin, pouvaient admirer ces résultats de la photographie moderne ! Us verraient de quels progrès immenses leurs successeurs ont enrichi leur œuvre.
- Et comme nous aurions plaisir à fêter aujourd’hui ces grands inventeurs ! Gaston Tissandier.
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- Reproduction directe par l'héliogravure (procédé Petit) d’une photographie instantanée de MM. Lumière. — Temps de pose, 1/300 de seconde. (Réduction de 1/3.)
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- LES HOMMES INCOMBUSTIBLES
- La brûlure est incontestablement le genre de don- | leur contre lequel l’organisme se révolte avec le
- ment manier des charbons ardents ou un fer rouge, toucher de la fonte ou du plomb fondu, ceux qui résistent aux flammes, à l’eau ou à l’huile bouillantes, ont de tout temps excité fortement l’admiration et la curiosité publiques.
- Les métaux en fusion. — Plonger la main dans un métal en fusion est une expérience connue dès la plus haute antiquité; l’histoire nous rapporte que Z oroastre, voulant confondre ses calomniateurs, se laissa verser sur le corps de l’airain fondu et n’en reçut aucun mal. Un grand nombre d’auteurs du moyen âge, notam-
- qui semblent y échapper, ceux qui peuvent impuné- j ment Ambroise Paré et Cardan, racontent avoir vu
- Fig. 1. — Ouvrier coupant un jet rte fonte liquéfiée avec sa main.
- plus d’énergie.La crainte de la brûlure est extrême chez l’homme comme chez les animaux, et l’on peut dire qu’elle existe dans le règne animal à l’état de puissant instinct.
- Les animaux sauvages craignent le feu, les animaux domestiques, le chien, le chat, peuvent en apprécier la chaleur, aimer à se chauffer ; mais qu’un tison vienne à tomber près d’eux, qu’une étincellejaillisse, immédiatement leur peur est extrême et ils se sauvent.
- Cette crainte, cette horreur de la brûlure, si puissante chez les hommes, fait que ceux
- Fig. 2. — Saltimbanque léchant un fer rougi au feu.
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- LA NATURE.
- des charlatans plonger les mains dans du plomb fondu et s’en laver le visage.
- De nos jours nombre de charlatans exécutent des expériences analogues. Dans les plomberies, les ouvriers mettent sans hésiter la main dans une bassine de plomb en fusion pour en retirer une pièce d’argent qu’y a jetée un visiteur. On voit souvent dans les fonderies des ouvriers couper avec la main un jet de fonte ou d’acier sortant du creuset (fig. 1).
- M. Boutigny, d’Evreux, qui a étudié cette question et dont nous rapportons plus loin la théorie, répéta ces mêmes expériences, et voici d’après lui le récit de ses premiers essais : « Cowlet ayant, dit-il, pris l’initiative, nous avons coupé le jet de fonte avec les doigts. Nous avons plongé les mains dans les moules et dans les creusets remplis de la fonte qui venait de couler d’un Wilkinson et dont le rayonnement était insupportable, même à une grande distance. Nous avons varié les expériences pendant plus de deux heures. Mme Coivlet, qui y assistait, permit à sa fille, enfant de huit à dix ans, de mettre la main dans un creuset plein de fonte incandescente; cet essai fut fait impunément. »
- L’explication de la résistance de l’organisme au contact des métaux en fusion dont la température est très élevée, le fer, le cuivre, se trouve, d’après M. Boutigny, dans l’état sphéroïdal dans lequel se met la légère humidité de la peau de l’expérimentateur.
- Sans entrer dans des détails que l’on pourra trouver dans les traités de physique, rappelons qu’une goutte d’eau tombant sur une plaque de métal fortement chauffée, au lieu de se vaporiser immédiatement, prend la forme d’une petite sphère et reste dans cet état jusqu’à ce que la plaque s’étant suffisamment refroidie la gouttelette s’évapore brusquement. Or, d’après M. de Boutigny, la multitude de petites 'gouttelettes d’eau qui occupent les pores de la peau, se trouvant tout à coup en contact avec un corps dont la température est excessivement élevée, comme la fonte en fusion, se mettent à l’état sphéroïdal, s’interposent entre la fonte et la surface de la peau et constituent pour celle-ci un véritable gant protecteur.
- Les incombustibles au fer rouge et aux flammes. — Dans l’antiquité, les exemples d'individus doués de l’incombustibilité sont très nombreux, les auteurs grecs et romains nous ont conservé le récit de leur pouvoir extraordinaire, l’attribuant le plus souvent à une intervention divine, mais d’autrefois à une préparation purement physique. Voici quelques-uns des exemples cités :
- Les prêtresses de Diane Parasya, à Castabala en Cappadoce, s’attiraient la vénération des fidèles en marchant pieds nus sur des charbons embrasés, d’après Strabon. Le même auteur raconte que les plus fervents adorateurs de la déesse Féronie acquéraient le pouvoir de marcher impunément sur des charbons ardents. « Ceux que la déesse daigne inspirer de son souffle puissant, dit-il, marchent, sans se faire aucun mal, sur des brasiers et des monceaux de cendres
- rouges ; ce prodige se renouvelle tous les ans à la fête de la déesse. »
- Les Hirpi, pendant la fête annuelle qu’on célébrait sur le mont Socrate en Etruric, renouvelaient le même miracle; leur prétendue incombustibilité héréditaire leur valait l’exemption du service militaire et plusieurs autres privilèges accordés par le sénat, de Rome. Mais Varron dit que cette incombustibilité n’était due qu’à un enduit avec lequel ils se frottaient la plante des pieds, et dont ils avaient le secret.
- Cette supposition d’une substance rendant incombustible se retrouve aussi dans un ancien conte oriental : le héros de ce conte traverse une eau qui bout sans le secours du feu et marche sur des lames d’acier rouges et brûlantes, cela grâce à une pommade dont il s’est frotté le corps.
- Les épreuves judiciaires par le feu montrent qu’un grand nombre d’individus étaient à même de se rendre ou d’être rendus, sans qu’ils le sachent, incombustibles.
- Dans lTIindoustan, l’ancienneté de ce genre d’épreuve remonte jusqu’aux dieux : Sitah, épouse de Ram (VIe incarnation de Wishnou), pour se disculper de soupçons injurieux, marcha pieds nus sur un fer rouge. « Le pied de Sitah, disent les historiens hindous, étant enveloppé dans l’innocence, la chaleur dévorante fut pour elle un lit de roses. »
- Un voyageur racontait, il y a quelques années, avoir vu encore dans l’Inde deux accusés soumis à l’épreuve judiciaire par le feu. L’un porta, sans se brûler, une boule de fer rouge.
- Le second fut horriblement brûlé par l’huile bouillante et déclaré coupable : il est vrai que son accusateur était un brahme.
- En Grèce, l’épreuve par le feu était aussi en usage. « Nous sommes prêts à manier le fer brûlant et à marcher à travers les flammes pour prouver notre innocence, » s’écrient dans Sophocle (Antigone) les Thébains accusés.
- Au moyen âge nous retrouvons l’épreuve par le feu plus employée que jamais. Pachymère, vers le treizième siècle, dit qu’il a vu plusieurs accusés prouver leur innocence en maniant le fer rouge.
- A Didymothèque, vers 1340, une femme accusée par son mari doit subir l’épreuve du fer rouge; elle avoue en confession son crime à l’évêque de la ville qui l’engage cependant à se soumettre à l’épreuve.
- Le jour de celle-ci, elle prend dans ses mains le fer rouge sur l’ordre de son mari, fait trois fois le tour d’une chaise, sur laquelle elle dépose le fer incandescent, et la paille de la chaise s’enflamme aussitôt .
- Au commencement du onzième siècle, dans le but de ramener au christianisme Suénon II, roi de Danemark et ses sujets, le diacre Poppon mit sa main et son bras nus dans un gantelet de fer rougi a blanc et alla au milieu des Danois terrifiés le déposer aux pieds du prince. Sa main retirée du gantelet était intacte.
- Un autre exemple datant de la même époque ;
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- Harold, fils de Magnus, roi de Norwège, prouve ses droits au trône en marchant impunément pieds nus sur des fers rougis au feu.
- On retrouve même cette incombustibilité chez des peuples sauvages. En Afrique, par exemple, des voyageurs portugais ont vu des Cafres se justifier d’une accusation en maniant des fers rouges.
- Chez les Yoloff (d’après le voyageur G. Mollien), si un homme nie le crime dont il est accusé, on lui applique sur la langue un fer fortement rougi; s’il est innocent, le fer ne lui occasionne aucune brûlure, et ce dernier fait se présente très fréquemment.
- Parmi les épreuves auxquelles sont soumis les apprentis sorciers des tribus Peaux-Rouges, le jour de leur consécration, se trouve la marche sur des charbons ardents.
- A plusieurs reprises on a pu voir, à Paris, des exhibitions d’arabes Aïssaoua marchant sur des plaques de fer rougies à blanc.
- L’épreuve du fer rouge au moyen âge était surtout réservée aux personnes qui, par suite de leur vieillesse, de leur état maladif ou de leur profession, comme les moines et les prêtres, ne pouvaient se justifier des accusations portées contre eux en combattant leurs accusateurs en champ clos, par le duel judiciaire.
- L’épreuve du feu avait un caractère religieux, elle se faisait dans l’église, sous la direction du clergé. Les fers étaient consacrés. Les prêtres diri-gaient tous les préparatifs, l’accusé restait sous leur garde les trois jours précédents et les trois jours suivants. Pour empêcher de sa part une préparation de ses mains, celles-ci étaient recouvertes et mises sous scellés pendant ces six jours. Il est permis de préjuger de ces faits que les accusés dont l’innocence devait être proclamée avaient, durant cette période, les mains soumises à une préparation les rendant incombustibles. Ceux qui devaient être déclarés coupables étaient, au contraire, mis dans l’impossibilité de se préserver de la brûlure.
- Ce n’est qu’à la fin du dix-septième siècle, vers 1677, que la question de l’incombustibilité humaine fut envisagée au point de vue scientifique, et cela> par le médecin Dodart, membre de l’Académie des sciences. Cette étude fut provoquée par les merveilleuses expériences qu’exécutait en ce moment, à Paris, un chimiste anglais nommé Richardson.
- Richardson marchait impunément pieds nus sur des charbons ardents. Il faisait fondre du soufre qu’il plaçait tout allumé sur sa main et le déposait ensuite sur sa langue où il achevait sa combustion. Il plaçait sur sa langue des charbons allumés, y faisait cuire un morceau de viande; un spectateur, au moyen d’un soufflet, activait l’action du feu.
- Il tenait un fer rouge dans sa main sans qu’il en restât la moindre trace de brûlure. Il prenait entre ses dents une barre de fer rouge et la lançait au loin. 11 léchait ce fer rougi comme le font de nos jours quelques saltimbanques dans les foires (fig. 2).
- Il avalait également des substances en fusion.
- Dans toutes ces expériences, sa figure restait calme sans donner le moindre signe de douleur.
- Dodart expliquait que ces expériences peuvent être exécutées sans le secours d’aucune préparation chimique, simplement en prenant quelques précautions, et aussi par suite du durcissement que peut acquérir l’épiderme sous l’influence d’une action souvent répétée.
- Indépendamment des faits relatifs aux substances enflammées (dont nous parlerons dans la suite de ce travail, en citant les mangeurs et les souffleurs de feu), Dodart fait remarquer combien l’épiderme des paysans est épais et insensible comparativement à celui des citadins, combien la main calleuse du travailleur est différente de celle de la femme oisive, combien devient dure la plante des pieds du campagnard ou de l’individu qui marche continuellement sans chaussure ; l’épiderme, dans ce cas, se change en véritable corne complètement insensible. Nous examinerons dans notre prochain article, les explications plus complètes que l’on peut donner de ces faits curieux. Guyot-Daubés.
- — A suivre. —
- L’INTELLIGENCE
- ET LE VOLUME DU CERVEAU
- M. le Dr Adolphe Bloch a publié dans la Revue d'anthropologie un savant mémoire sur les rapports qui existent entre l’intelligence et le volume du cerveau chez l’homme. Il arrive à formuler, d’après l’observation, les conclusions suivantes :
- 1°11 n’y a pas de rapport absolu entre l’intelligence et le volume du cerveau, car des individus très intelligents peuvent avoir un petit cerveau, au lieu que des individus très ordinaires peuvent avoir un gros cerveau. Cela est connu. D’un autre côté dans certaines races, dites peu intelligentes, l’on peut rencontrer un cerveau ou une capacité crânienne d’une ampleur relativement considérable. 2° Les raisons, qui font que le cerveau est plus ou moins gros, sont multiples; car le volume de l’encéphale peut être en rapport avec la taille, avec le poids du corps, avec la puissance musculaire. Enfin, le cerveau proprement dit peut devenir volumineux dans la race et dans l’individu par suite du degré de l’activité intellectuelle. 3° Le facteur le plus important dans le degré de l’intelligence chez l’individu, est la qualité de la cellule cérébrale. Cette qualité est constituée par l’impressionnabilité ou l’excitabilité plus ou moins forte de la cellule cérébrale envisagée comme substratum de l’intelligence. Cette impressionnabilité de la cellule peut être native ou acquise. La première est la marque d’une intelligence supérieure. La deuxième peut s’obtenir par un travail soutenu dont aucun homme de génie ne peut se passer. Certaines névroses peuvent aussi la produire. 4° Dans une race, ce sont des influences, ne dépendant pas de l’individu, mais agissant sur tous, qui contribuent au perfectionnement de l’intelligence et à la sélection des hommes remarquables. La nature et le degré de l’intelligence sont aussi variables suivant les races elles-mêmes, mais nulle part le volume seul du cerveau ne peut constituer le facteur principal de l’intelligence.
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- LA NATURE.
- LETTRES D’AMÉRIQUE1
- PHILADELPHIE. -- LES FILS TÉLÉGRAPHIQUES. - LE DIMANCHE ET LES PHARMACIENS-LIMONADIERS. ------ LES
- (( BOULES PAYANTES )) DES GRANDS MAGASINS. ----
- i/üSINE BALDAYIN.
- Un dimanche, à Philadelphie, n’est pas une chose absolument gaie, il s’en faut.
- 900 000 habitants sont chez eux, retirés et tranquilles, les rues sont presque désertes : c’est un vaste cimetière ! Dans les principales voies cependant les tramways courent encore et à la sortie du Temple, on voit quelques personnes se hâtant de rentrer chez elles.
- Sous les nombreux fils télégraphiques, téléphoniques et autres, les rayons du soleil ne sauraient vous atteindre. Les ombrages de fils métalliques les plus épais sont situés à l’angle de Chest-nut Street et de Third Street (fig. 4). Les poteaux télégraphiques remplacent les arbres, les feuilles vert tendre du printemps sont représentées par les isolateurs de verre ou de porcelaine perchés sur leur tige de bois. Us maintiennent l’immense toile d’araignée formée par les innombrables fils de fer.
- Les magasins restent ouverts en apparence dans les rues, il n’y a point de volets ; de sorte que les devantures sont brillantes et parées comme dans la semaine. Cette mesure gêne les voleurs, paraît-il; le soir, une lumière est placée dans le fond du magasin et les policemen pourraient voir facilement les travaux malfaisants de ces messieurs. Il est certain que le vol qui a eu lieu a Paris chez un bijoutier de l’avenue de l’Opéra, n’aurait pu être réalisé à Philadelphie. Les volets du magasin enlevés, nos sergents de ville auraient vu les
- 1 Suite. Vov. page 7.
- tentatives nocturnes de nos pick-pockets parisiens.
- Les rues désertes de Philadelphie ne sauraient vous retenir longtemps et on se sent attiré vers les rives de l’admirable Delaware.
- Les bassins grandioses remplis de navires de commerce et les belles lignes bleues tracées par les eaux du fleuve au courant rapide, offrent un spectacle superbe qu’on voit avec plus de plaisir le dimanche. On peut tout contempler à loisir et rêver à l’aise. Les autres jours, c’est le business perpétuel et l’ardeur fiévreuse du travail.
- Sous un des nombreux hangars situés auprès
- des bassins, je suis bientôt arrêté à la vue d’un assez grand nombre de spectateurs; beaucoup d’entre eux sont debout, quelques-uns sont assis sur des ballots de marchandises diverses, au milieu d’eux un soi-disant clergyman chante des canti-ques avec sa femme. Il fait ensuite un long discours sur la malignité des temps. Il menace la foule des foudres du ciel; Philadelphie, New-York, etc., seront brûlés, précipités dans les abîmes, si nous autres, pauvres audi teurs, nous ne voulons pas suivre ses préceptes.
- Après ces avis charitables, mais effrayants, écoutés sous un soleil ardent, on éprouve le besoin de se reposer un instant et même de prendre un rafraîchissement. Hélas, c’est dimanche! les bars, sans exception, sont fermés. Un pauvre touriste a soif cependant; comment faire? II est avec les règlements dominicaux des accommodements. Les bars sont fermés, vive le pharmacien ! On trouve chez lui tous les sodas et limonades inventés par la civilisation humaine. Les pharmaciens ont dans leur magasin, à côté de toutes les drogues, des vasques à l’antique en marbre rare; elles sont munies de beaux robinets à col de cygne et, pour quelques sous, on a le dimanche tous les rafraîchissements
- Fig. 1. — Les fils électriques aériens, à Philadelphie.— Angle de Chestnut Street et de Third Street. (D’après nature.)
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- réconfortants que les bars ne sauraient vous vendre ce jour-là. Nous autres Français, nous ne comprenons guère ces nuances, fort délicates, paraît-il; mais enfin le but est rempli; on avait soif, on a bu. Le touriste a trouvé ainsi de nouvelles forces et c’est le splendide Fairmount Park qui va l’attirer. Ce parc est aux environs de la cité, il est grandiose. De hautes collines, des arbres séculaires et la jolie rivière la Schuylkill le traversé. La nature a tout arrangé elle-même dans ces lieux charmants et il faut avouer qu’ils ne ressemblent en rien à notre bois de Boulogne.
- Le dimanche passé, Philadelphie reprend son mouvement extraordinaire. Les maisons de briques avec fenêtres aux chambranles de marbres reprennent leur aspect accoutumé. C’est la résurrection. Les magasins sont remplis de clientes venant faire leurs achats.
- Dans Chestnut Street, la rue élégante par excellence, les grands magasins de MM. Sharpless frères, qu’on peut considérer comme le Bon Marché ou le Louvre de Philadelphie , possèdent un appareil curieux; c’est le cash railway, le chemin de fer des recettes, qu’on peut appeler la houle payante. M. Lamcon en est l’inventeur. Rien de plus ingénieux et de plus commode, et le système est employé déjà dans plusieurs villes des Etats-Unis, Philadelphie, Cincinnati, San-Francisco, etc.
- Au Louvre et au Bon Marché, les dames surtout le savent, on est fort ennuyé pour aller payer à la caisse. Il y a toujours une bousculade à affronter. Dans ce beau magasin de Chestnut Street cela n’existe pas. Les acheteurs n’ont pas à se déranger. Ils payent directement à l’employé qui les a servis et s’assoient à l’aise. Celui-ci met l’argent et la note dans une boule de bois B (fig. 2). 11 la fait
- Fig. 2. — La Boule payante des
- monter jusqu’à la petite glissière CC qui s’abaisse aussitôt la boule reçue et la lance sur un petit chemin de fer incliné à rails de bois bordés de cuir pour éviter le bruit (Voir la coupe n° 1). La boule arrive ainsi au centre du magasin, aux bureaux de la caisse. Ces bureaux sont au nombre de deux; ils sont suspendus, comme la nacelle d’un ballon, au milieu du -grand Iiall de l’établissement. Ils communiquent cependant aux galeries par de légers escaliers en fer. Il y a tout un réseau de rails de bois pour le parcours de ces boules, correspondant aux différents comptoirs; ils desservent le rez-de-chaussée et le premier étage des magasins. Les acheteurs ont la vue perpétuelle de cette sorte de canalisation aérienne avec les boules courant en silence à leur destination respective. C’est un aperçu qui ne manque pas d’originalité.
- Les comptoirs sont nombreux, les boules on t toutes un diamètre différent et portent des numéros pour éviter la confusion. Les diamètres différents o b 1 i-gent la boule à suivre un em-brancli ement voulu, les rails grands magasins de nouveautés. de bois étant de
- largeur correspondante, et les numéros rappellent aux employés la place de leur comptoir. Lorsque le caissier central a reçu l’argent envoyé, il donne la monnaie, acquitte la note et met le tout dans la même boule. Il la lance sur le plan incliné inférieur. La boule arrive à destination, l’employé n’a plus qu’à tirer à lui le filet E (Voir détail n° 2), ouvrir la petite boîte et remettre le contenu à l’acheteur qui a pu attendre à sa place sans être inquiété. L’opération tout entière n’a pas duré plus de deux minutes.
- Si les magasins sont remplis d’une foule élégante, dans les usines de la ville, des armées d’ouvriers sont à leur intéressante besogne.
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- LA NATURE.
- Les immenses ateliers Baldwin, entre autres, sont extraordinaires en leur genre. C’est la plus grande fabrique de locomotives et de wagons-réservoirs à pétrole des Etats-Unis.
- A l’entrée de ce palais du travail, grâce à la recommandation d’un de mes bons amis de la ville, on me remet obligeamment un laisser-passer pour visiter tous les ateliers.
- J’entre d’abord dans l’immense pavillon où s’achève le montage des locomotives et des wagons-réservoirs à pétrole. Le mouvement y est extraordinaire. On s’y fait cependant, on admire alors l’entrain des ouvriers et le soin qu’ils mettent à terminer et perfectionner leur œuvre; on pénètre ensuite dans un autre pavillon de même grandeur. L'a se trouvent les machines à vapeur destinées a percer ou à tailler les pièces de tôle et de fonte ; puis toutes les fonderies, les marteaux pilons en marche, les salles où la fonte liquide coule dans les moules, les nombreux ateliers où l’on fait les pièces de moindre importance pour les machines, tels que vis de toutes sortes, objets de cuivre ou d’acier, etc., les salles de dessins pour les modèles, etc.; on sort de là ébloui. Le bruit assourdissant des travaux vous fatigue dans ces forges de Vulcain où le mutisme absolu chez les ouvriers est commandé. Il est absolument défendu de causer ou de questionner les travailleurs enveloppés de flammes et de fumée qui sont occupés dans l’usine, où l’application et l’intelligence régnent en maîtres. Albert Tissandier.
- — A suivre. —
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- CHRONIQUE
- Tremblement de terre en Algérie. — De fortes secousses de tremblements de terre ont fait sentir leur action sur un grand nombre de points de l’Algérie dans la soirée du 5 décembre 1885. A Alger les secousses ont eu lieu vers huit heures du soir. Les secousses ressenties dans cette ville n’ont pas été assez fortes pour produire une grande émotion parmi la population ; néanmoins elles ne sont point passées inaperçues, tant s’en faut. Sur d’autres points, il y a de grands désastres à signaler. En voici le résumé d’après les nouvelles qui nous sont parvenues.
- Province d’Alger. — Ménerville, Fort-National, Blida, Boufarik, Maison-Carrée, Ilammam-Rhira, Orléansville, Aumale, Médéa et Boghari, ont éprouvé presque à la même heure (huit heures et demie), jeudi soir, des secousses assez violentes de tremblement de terre. A Bou-Saâda (territoire militaire) le phénomène a été d’une plus grande intensité ; cinq secousses se sont produites de huit heures vingt minutes à deux heures cinquante-cinq minutes du matin. L’église, le presbytère, et 71 maisons se sont écroulées. Une jeune femme et un enfant ont été tués et plusieurs personnes blessées. La dépêche ajoute qu’une panique indescriptible s’est emparée delà population qui a passé toute la nuit hors des habitations.
- Province d’Oran. — Mascara et Saida semblent seules avoir été atteintes par la commotion terrestre.
- Province de Conslantine. — Celle-là a été terriblement éprouvée. C’est à M’Sila (territoire civil) que le cataclysme a fait le plus de désastres. Le nombre d’oscillations a été
- de 17 du jeudi soir à huit heures et demie, au vendredi à six heures et demie du matin. A dix heures et à une heure on sentait de nouveaux ébranlements du sol. Des dépêches datées de M’ Sila, 5 décembre quatre heures trente minutes du soir, enregistrent 341 maisons détruites sur 1200 et presque tout le reste lézardé. Le bordj,où habite l’administrateur, M. Albert, s’est effondré et c’est miraculeusement que lui et toute sa famille ont pu être sauvés. Le fort est également très endommagé. Les travaux de déblaiement poussés avec activité ont mis à nu 33 cadavres inhumés peu de temps après.
- Dix-sept indigènes ont été blessés, plusieurs assez grièvement. M. le secrétaire général de la préfecture de Con-stantine et M.le sous-préfet de Sétif se sont rendus sur les lieux du sinistre qu’ils ont visités en prodiguant des secours aux infortunés.
- Tout le monde est unanime à louer d’une façon spéciale l’héroïque et belle conduite de M. Albert, administrateur de la commune mixte de M’ Sila qui, dans ces tristes circonstances, quoique entouré de sa famille, a fait preuve à l’égard de ses administrés d’un grand dévouement. Il était assisté de son personnel auquel des félicitations ont été adressées.
- A Sétif, des oscillations dirigées du sud au nord se sont manifestées, la croix du clocher est tombée. Biskra même n’est pas resté étranger à cette agitation terrestre.
- Francis Drouet,
- Attaché au Cabinet du Préfet d’Alger.
- Alger, le 8 décembre 1885.
- La robe de Sitting-Bull. — D’après une curieuse communication que vient d’adresser M. de Semallé à la Revue d’ethnographie, Mgr Martin Merry, évêque et vicaire apostolique du Dakota, est récemment passé à Paris, porteur d’un présent tout à fait original envoyé au pape Léon XIII, par le fameux chef indien Sitting-Bull. C’est une robe en peau de bison, monument de sa conversion au catholicisme, exécuté suivant les procédés traditionnels des tribus des Prairies. On y distingue trois bandes ou enceintes concentriques entourant un sujet central. La bande extérieure nous montre Sitting-Bull, armé généralement d’une lance, détruisant ses ennemis, prenant des chevaux, etc. La seconde bande ou enceinte représente les squaws debout par groupes. Dans la troisième sont accroupis les guerriers du Conseil. Enfin, au milieu, on voit l’évêque debout, et à sa droite Sitting-Bull incliné, lui présentant le calumet. Les sorciers se sauvent, effrayés par la présence de la Bobe Noire, et emportent avec eux les engins de leurs sorcelleries.
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 14 décembre 1885. — Présidence de M. l’amiral
- JCRIEN DE LA GRAVIÈRE.
- Paléontologie végétale. — Il résulte des recherches persévérantes de M. B. Renault, aide-naturaliste au Muséum, que les végétaux confondus sous le même nom générique de sigillariées appartiennent à deux groupes bien distincts. Ceux dont la tige est cannelée sont probablement des cryptogames voisines des Isoètes d’à présent, mais dont la structure interne n’est pas encore complètement connue. Ceux dont la tige est lisse sont au contraire très évidemment des végétaux phanérogames gymnospermes. C’est ce qui résulte du magnifique épi signalé par M. Renault à l’Académie et qu’il a bien voulu me faire examiner dans son laboratoire. On y voit fixés à des
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- LA N AT U II K
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- bractées de forme très spéciale, des sacs polliniques et dans leur voisinage des grains de pollen parfaitement reconnaissables, ayant même conservé parfois leur couleur jaune-orangé originelle.
- Enrichissement en azote d'un sol maintenu en prairie. — Notre savant collaborateur, M. Dehérain, professeur au Muséum, donne les résultats d’une longue expérience commencée en 1875 au champ d’expériences de Grignon ; des parcelles dont la richesse en azote a été déterminée au commencement des essais, sont cultivées pendant trois ans en betteraves, pendant une année en maïs fourrage; on constate que pendant cette période leur teneur en azote combiné a beaucoup baissé et que les pertes sont bien supérieures aux prélèvements des récoltes. En 1879, ces parcelles sont mises en prairie, d’abord de sainfoin, puis de graminées, et l’on constate d’abord en 1881, puis en 1885, que bien que le sol n’ait pas reçu d’engrais, bien qu’on ait enlevé les récoltes, la terre s’est beaucoup enrichie. Pendant ces quatre dernières années, le gain surpasse 200 kilogrammes d’azote par hectare et par an.
- M. Dehérain attribue ce gain non seulement aux apports d’ammoniaque atmosphérique (M. Schlœsing), d’azote libre (M. Berthelot, puis M. Joulie,) mais aussi aux eaux souterraines chargées de nitrates que les longues racines des plantes vivaces de la prairie peuvent aller puiser dans le sous-sol. Ces nitrates nourriraient les plantes dont les débris s’accumulent dans les couches superficielles où par suite du mode même de culture la pénétration de l’oxygène est difficile et où les combustions qui déterminent la disparition de la matière organique, sont bien plus faibles que dans les terres remuées chaque année par le travail de la charrue.
- Le Scélidolhérium. — La galerie de paléontologie du Jardin des Plantes vient de s’enrichir d’un magnifique échantillon dont la description est présentée par M. Gau-dry au nom de M. le Dr Fischer, aide-naturaliste au Muséum. Il s’agit du squelette entier d’un grand édenté fossile des pampas, auquel on a donné le nom de Scèli-dothérium heptocephalum. M. le professeur Gaudry en met des photographies sous les yeux de l’Académie, et constate que loin de faire double emploi avec le Mégathérium, son voisin, il ajoute beaucoup à nos connaissances sur les édentés.
- Embryogénie. — M. le Dr Henri Gervais, aide-naturaliste au Muséum, disséquant des fœtus de cétacés, a retrouvé dans la région pelvienne de ces animaux deux points d’ossification correspondant évidemment à l’os iliaque et à l’ischion. C’est un fait important à l’appui de l’opinion qui fait dériver les cétacés et les Siréniens des animaux terrestres à l’encontre de l’ancienne théorie ter-l’ipète jadis en honneur et maintenant abandonnée.
- Transport électrique de la force. — On sait que lors de l’expérience récente répétée par M. Marcel Deprez entre Paris et Creil devant l’Académie des sciences, un accident imprévu est venu interrompre les mesures. M. Sartiaux, chef de la traction des chemins de fer du Nord, annonce que l’enquête ouverte à la suite de cet événement en a révélé la cause dans le contact inopiné du fil de transport avec un fil télégraphique,
- La phosphorescence. — C’est d’une manière toute spéciale que M. le secrétaire perpétuel signale les recherches de M. Henri Becquerel, aide-naturaliste au Muséum sur les propriétés phosphorescentes des composés de l’Uranium.
- Ayant à comparer l’absorption de la lumière par ces composés et l’émission de la phosphorescence à laquelle ils donnent lieu, l’auteur a pour la première fois substitué aux mesures d’intensités lumineuses l’étude des natures de radiations. La conséquence très nette consiste en ce que les raies spectrales de la lumière émise succèdent exactement à celles de la lumière absorbée de façon à constituer quant aux longueurs d’onde une progression dont l’auteur détermine la raison. C’est une voie nouvelle ouverte à l’optique.
- Activité chimique de la chlorophylle. — Il résulte d’expériences présentées par M. Paul Bert au nom de M. le ür Regnard que la chlorophylle, extraite des cellules végétales où elle est normalement emprisonnée et même précipitée de ses dissolutions, conserve la propriété de fabriquer de l’oxygène aux dépens de l’acide carbonique sous l’influence de la lumière solaire. C’est, comme on voit, le pendant de l’activité inverse conservée par l’hémoglobine extraite chimiquement du sang.
- Le microbe de la rage. — M. le professeur Hermann Fol (de Genève), veut bien m’adresser en même temps qu’à l’Académie le résumé de très remarquables recherches qui lui ont révélé, dans la moelle rabique, l’existence de certains éléments qu’on ne retrouve pas dans la moelle saine, ayant l’aspect de microcoques et mesurant en moyenne 2 dix-millièmes de millimètre de diamètre. Si l’on ensemence un milieu de culture approprié avec de l’encéphale rabique, il s’y développe, à l’étuve, un léger nuage qui tombe au fond le quatrième jour. Le dépôt, inoculé à des animaux sains, leur transmet quelquefois une rage bien caractérisée ; seulement la duréè de l’incubation est plus prolongée que celle du virus qui a servi à l’ensemencement. L’auteur n’a d’ailleurs pas recours à l’inoculation par trépanation. Il injecte le liquide virulent à l’aide d’une canule pointue qu’il introduit à travers la conjonctive dans le fond de l’orbite et il perce la lamelle osseuse, très mince chez les rongeurs, qui sépare l’orbite de la base du cerveau.
- Varia. — L’explosion fulminante des chaudières à vapeur occupe M. Luvini (de Turin). — M. Quesnault adresse une note sur les mouvements lents du sol. — Une importante série d’expériences a permis à M. Deslandes de préciser plusieurs faits relatifs au spectre de l’azote. — Les hydrates de l'acide arsénieux sont étudiés par M. Joly. — M. Cazin a suivi chez des embryons de poulets le développement de la couche cornée du gésier. — Comme suite à ses recherches sur l’albumine, M. Schutzenberger donne aujourd’hui la composition de la leucéine. — La comète Barnard a été observée à Paris par M. Bigourdan et à Alger par M. Trépied. Stanislas Meunier.
- LÀ MÉTHODE FRŒBEL
- Parmi les objets qui servent à l’enseignement de la première enfance, il en est peu d’aussi ingénieux, et d’aussi utiles que ceux de la méthode Froebel, bien connue à l’étranger, et bien digne d’être recommandée parmi nous. La méthode Frœbel consiste à donner aux jouets du premier âge, la forme d’objets qui sont susceptibles de l’instruire. Les balles qu’elle a adoptées, sont colorées de nuances diverses ; il en est de bleues,'de blanches, de rouges :
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- LA NATURE
- voilà la notion des couleurs qui apparaît à l’enfant. D’autres jeux sont formés de cubes, de cylindres, et de sphères en carton, avec lesquels l’enfant s’amuse tout aussi bien qu’avec des quilles vulgaires, mais qui lui permettent d’acquérir à son insu la notion des solides géométriques. Des multitudes de jeux d'adresse, de patience, à l’usage des deux sexes, font partie de la méthode Frœbel. Nous signalerons aujourd’hui à nos lecteurs un nouvel exemple des Travaux utiles qui font partie de cette nombreuse série de petits appareils usuels. Frœbel a appelé le marteau et l'enclume, le petit outillage que nous allons faire connaître, et qui est tout entier contenu dans une boîte de carton.
- L’enfant trouve dans la boîte, des modèles en
- papier peint très épais; il les découpe. Notre figure \ représenteâ par exemple, en 1 et 2, deux côtés d’un fauteuil à patin; quand cela est découpé, on perfore chaque côté du papier, suivant les traces indiquées, de petits trous cylindriques. Ces trous se font à l’aide d’une enclume de bois, d’un emporte-
- pièce et d’un petit maillet qui se trouvent dans la boîte. Une série de petits bâtonnets de bois blanc dont nous indiquons un morceau en TT' (fig. 1) sont également contenus dans la boîte ; il suffit de les passer à travers les trous du papier-carton perforé, pour obtenir le fauteuil dont on voit l’aspect dans le n° 3 (fig. 1).
- La figure 2 représente une série d’autres petits objets que l’enfant peut fabriquer avec son outil-
- £Jtfoi{iîu Sc.
- Fig. 2. — Spécimen de quelques objets confectionnés avec des papiers-cartons perforés et des baguettes de bois.
- lage, toujours formé de papiers-cartons qu’il découpe, qu’il perfore, et qu’il monte à l’aide des bâtonnets. On voit représentés des coquetiers, des paniers, des chevalets, • des caves à flacons, etc. — Il est facile de préparer soi-même et à peu de frais l’outillage nécessaire à ces petites opérations ingénieuses et récréatives.
- Les petits bâtons de bois sont coupés à la lon-
- gueur voulue pour chaque objet. Cette occupation est pour l’enfant un sujet de réflexion qui développe son aptitude à raisonner, en même temps qu’elle exerce son habileté manuelle. Dr Z...
- Le propriétaire-gérant : G. Tissajsdier. Imprimerie A. Lahure,' 9, rue de Fleuras, à Paris.
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- N» 656. - 26 DÉCEMBRE 1885.
- LA NATURE.
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- U TMGTION ÉLECTRIQUE
- SUR LE CHEMIN DE FER AÉRIEN DE NEW-YORK
- La traction électrique présente de nombreux avantages sur la traction ordinaire par la vapeur dans les villes, et si le développement n’en est pas plus rapide, il faut l’attribuer d’une part à certaines difficultés techniques qui n’ont pas encore reçu de solution complète au point de vue pratique, et, d’autre part, à la question économique qui joue, chaque fois que le transport de force motrice à distance entre en jeu, un rôle important, souvent exclusif.
- Trois systèmes sont en présence : le système à accumulateurs1, qui convient plus spécialement à la traction des tramways existants, puisqu’il ne demande aucune modification de la voie ; le système à conducteurs aériens*, dont on a pu voir un spécimen à l’Exposition d’électricité en 1881, et enfin le système à rail-conducteur spécial, dont le premier type a fonctionné en 1879 à l'Exposition de Berlin3 .
- C’est a ce dernier type de chemin de fer électrique qu’il convient de s’adresser chaque fois qu’on dispose d’une ligne spéciale, réservée uniquement k l’exploitation du chemin de fer, comme c’est le cas du chemin de fer aérien de New-York.
- Fig. 1. — Vue d’ensemble de la station et du train électrique de YElevaled Railroad, à New-York.
- Les expériences poursuivies sur ÏElevated railroad présentent un intérêt tout particulier par ce fait qu’elles revêtent le caractère d’un concours entre le système de la Daft Company, qui a obtenu la permission d’équiper une certaine section de la neuvième avenue, et un autre groupe, connu sous le nom à'Edison-Field, auquel est réservée la seconde avenue.
- Ce sont les expériences de la Daft Company que nous font connaître les journaux américains auxquels nous empruntons les éléments de cet article.
- La longueur de la ligne est d’environ deux miles (3200 mètres); le courant qui lui arrive par un rail central isolé et retourne par les rails ordinaires, comporte trois machines génératrices Daft, commandées par un moteur a vapeur, plus une petite machine 14e année. — 1er seratstre
- spéciale destinée k l’éclairage de la station pendant la nuit, par des lampes k arc.
- La locomotive électrique qui a fonctionné pour la première fois sur la ligne, le 26 août 1885, porte le nom de Benjamin Franklin. Les figures 1, 2, 3, 4, la représentent en perspective, en vue latérale, en plan et en bout; dans la première gravure (fig. 1), que nous reproduisons d’après le Scientific American, un arrachement de la paroi de la locomotive en montre les dispositions intérieures.
- Cette locomotive se compose d’un châssis sur lequel est fixé le moteur électrique supporté par quatre roues : deux roues motrices de lm,20 de
- 1 Voy. n° 446, du 6 mai 1882, p. 355.
- a Voy. n° 436, du 8 octobre 1881, p. 289.
- 5 Voy. n° 347, du 24 janvier 1880, p. 119.
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- LA NATUHE
- diamètre, et deux roues d'arrière de 90 centimètres : la longueur totale de la locomotive ne dépasse point 4ra,o5 ; son poids est d’environ 9 tonnes. L’arbre de la dynamo tourne cinq fois et demie plus vite que celui des roues motrices, mais la vitesse tangen-• tielle de l’anneau n’est que 2,8 fois plus grande que celle des jantes des roues motrices.
- Le moteur lui-même n’est autre chose qu’un anneau de Gramme tournant entre des inducteurs Siemens. Le changement de marche s’effectue à l'aide d’un levier commandant quatre balais convenablement calés, deux pour la marche en avant, et deux pour la marche en arrière. Ces balais peuvent d’ailleurs être décalés à volonté suivant la vitesse et la charge, de façon à éviter les étincelles, quelles que soient l’allure de la machine et l’in tensité du courant qui la traverse. On modifie cette allure en agissant, à l’aide d’un commutateur approprié, sur le couplage des inducteurs de façon à faire varier la résistance intérieure de la machine et de modifier à volonté ses éléments de fonctionnement, vitesse et puissance*, sans introduire de résistances auxiliaires. La machine se trouve ainsi dans les meilleures conditions de rendement, quel que soit l’effort de traction.
- Le même principe est applique aux freins électriques dont on varie l’action en changeant aussi la résistance intérieure.
- Le contact avec le rail central isolé, s’effectue à l’aide d’un galet en bronze phosphoreux qu’on peut élever ou abaisser à volonté au moyen d’un levier.
- Sur l’axe de la machine et de chaque côté, sont disposées deux poulies dont la jante présente une surface ondulée, formant un certain nombre de cannelures circulaires dans lesquelles viennent s’engager des cannelures analogues ménagées, sur deux
- poulies de plus grand diamètre calées sur l’arbre moteur. Pour obtenir une adhérence suffisante et variable, le moteur est articulé sur un pivot horizontal placé à l’avant et repose par ses
- deux poulies sur les deux poulies plus grandes de l’axe moteur.
- En soulevant ou en abaissant l’extrémité d’arrière de la machine à l’aide d’une vis verticale manœuvrée par une roue à volant, on peut faire varier la pression entre les poulies cannelées et maintenir toujours une adhérence suffisante pour empêcher le glissement, sans gaspillage de travail par un excès de
- pression. La même vis permet de soulever entièrement la machine et d’effectuer facilement et rapidement l’enlèvement et la mise en place de l’anneau.
- Le moteur est construit pour développer une puissance mécanique de 75 chevaux-vapeur et une vitesse normale de 18 milles (29 kilomètres) à l’heure, mais pouvant atteindre à certains moments 4-0 miles (64 kilomètres) à l’heure.
- Pour amortir les chocs et les trépidations, tout le mécanisme est supporté par un système élastique composé de plaques alternatives de fer et de caoutchouc remplaçant les ressorts de suspension ordinaires. Le but de cette disposition est d’empêcher les déplacements relatifs que permettent les ressorts et dont la transmission par frottement ne saurait s’accommoder, tout en donnant une élasticité suffisante pour franchir les voies les plus mal entretenues sans trépidations extraordinaires.
- Le rail conducteur est en acier; il repose sur des supports en fonte en forme d’ombrelle, plantés sur des blocs de bois dur saturés d’asphalte, formant un isolement très suffisant en pratique.
- Nous n’avons pas encore de chiffres sur les conditions de fonctionnement de la locomotive suivant
- Fig. 2. — Elévation de la locomotive électrique.
- Fig. 5. — Plan de la locomotive électrique.
- Fig. -i. — Vue par l’avant de la locomotive électrique.
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- LA NATURE.
- les différentes vitesses, rampes, pentes et charges. Les expériences ont été faites surtout au point de vue de l’application. La locomotive a déjà parcouru plusieurs centaines de miles, traînant le plus souvent quatre voitures, et d’autres fois deux voitures seulement, pour étudier les différentes consommations de charbon. Les résultats ne pourront d’ailleurs être que très satisfaisants si l’on en juge par les résultats d’une ligne analogue établie à Baltimore, où une. locomotive franchit une courbe de 22,5 mètres de rayon sur une rampe de 1/16 sans aucune difficulté.
- Sans faire beaucoup de bruit, on voit que les Américains savent faire de bonne besogne, et n’attendent pas les conseils de la vieille Europe pour entreprendre de grandes expériences et surtout d’utiles applications. Nous ne perdrions rien à les imiter, en abordant les questions électriques par le côté pratique et non par le côté spéculatif. E. II.
- LE
- TREMBLEMENT DE TERRE DU NICARAGUA
- Dü 11 OCTOBRE 1885
- Il y a deux ans, au moment où quelques ingénieurs hostiles à l’œuvre de Panama s’efforçaient, de l’autre côté de l’Atlantique, de ressusciter l’idée, tant de fois abandonnée, d’un canal par Nicaragua, la nature se chargeait soudain, par une de ses manifestations les plus redoutables, de rappeler au monde l’impossibilité pratique d’un pareil projet : je veux parler du tremblement de terre du printemps 1884.
- Le même phénomène vient de se reproduire, et, cette fois, ses conséquences ont été terribles. C’est le 11 octobre 1885, à 9 heures et demie du soir, que se sont fait sentir les premières secousses ; elles ont été d’une violence extrême. « Les villes de Léon et de Chinandega, écrit un journal du pays, sont transformées en un monceau de ruines. A Managua, des bruits effrayants se firent soudain entendre, tels que nous les annonce l’Écriture sainte, pour le jour du Jugement dernier; il semblait que le pays tout entier s’abîmait, et qu’il n’allait plus rester pierre sur pierre. » Et, au milieu du fracas épouvantable des toits semant leurs tuiles, des murailles croulant à terre, et des mille objets venant se briser sur le sol, des cris s’élevaient, cris de douleur et d’angoisse de la population affolée, perdue dans une atmosphère étouffante, et ne sachant où chercher un refuge. Le tremblement a duré une demi-minute; il a été suivi, pendant toute la nuit et le jour suivant, de frémissements du sol, qui faisaient craindre de nouveaux désastres; aussi personne ne s’est-il résolu à rentrer chez soi, et chaque patio a vu s’élever des ranchos pour mettre les habitants à couvert des pluies diluviennes de cette saison ; plusieurs durent s’installer dans la rue.
- Le nombre des morts et des blessés a cependant
- été assez faible; cela tient sans doute au mode de construction des maisons, qui, pour la plupart, sont faites de torchis ou d'adobes, et n’ont qu’un étage. Les quelques édifices un peu importants de ce pauvre pays sont en ruine ; la cathédrale de Léon, le seul monument architectural de la République, présente de* toutes parts de larges crevasses qui peuvent amener la chute complète de ses murs.
- Toutes les églises ont souffert de même (fig. I).* Les dommages matériels sont énormes.
- C’est, comme toujours, sur la partie de l’isthme, comprise entre les grands Lacs et le Pacifique, que la secousse du 11 octobre s’est faite sentir (fig. 2) ; toutefois elle s’est étendue, mais en s’atténuant, jusqu’aux mines de la Libertad et à Juigalpa, dans la chaîne granitique des Andes. Elle a eu son centre d’intensité dans la région qui avoisine Léon et Chinandega; à Granada et à Rivas, quelques vieilles murailles seules sont tombées: au \Talle Ménier, dans l’admirable hacienda de cacao, de MM. Ménier, un toit découvert et un mur lézardé de bas en haut sont les seuls dégâts ; il est vrai de dire que l’habitation principale est construite en bois, et que tout est aménagé en prévision de ces accidents.
- La secousse a eu, comme il arrive souvent, son contre-coup sur les eaux de la mer; le capitaine d’un navire, alors à 20 miles du rivage, raconte s’être fort bien rendu compte du phénomène. D’autres prétendent qu’il y a eu éruption sous-marine; la question vaudrait la peine d’être examinée, ne fùt-ce qu’au point de vue pratique de la navigation dans ces parages.
- Toute cette région est volcanique; on y compte une douzaine de volcans; plusieurs sont en éruption permanente, et, parmi ces derniers, les plus remarquables sont : dans le lac de Granada, l’Ometepe, superbe cône de déjection, haut de 1780 mètres, qui, en avril 1883, a vomi des torrents de lave; dans le lac de Managua (voy. la carte, fig. 2), le Momotombo (2000 mètres), autre cône dont la cime jaune et chauve laisse échapper sans cesse une fumée bleuâtre; plus loin c’est l’Asososcà; puis, las Pilas, l’Orota, le Telica, le santa Clara, le Viejo (2100) mètres), le Chonco, le Goségüina, tous avec des sources d’eau chaude ou des cratères boueux. Certains semblent complètement éteints; tel est le Masaya, qui, depuis 1858, n’a plus donné signe d’activité; au siècle dernier, il fut le théâtre d’une explosion terrible, et ses laves couvrirent une plaine immense, où, après plus de cent ans, la végétation envahissante des tropiques n’a pu encore reconquérir ses droits. Rien de désolé comme ce linceul sombre plaqué çà et là de reflets rougeâtres, çà et là moisi, avec les tons grisaille du noir usé; sur les bords, des trous laissent passer quelques arbustes rabougris, comme harassés d’avoir eu à soulever la lourde chape qui pesait sur eux depuis si longtemps ; à droite et à gauche, la verdure l’encadre; au loin, vers le nord, le lac de Managua, mugissant sous Balisé qui le fouette, semble venir aü-devant de cet affluent gi-
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- LA NATURE.
- gantesque dont les flots se sont figés dans leur course; au sud, se dresse, menaçant, le monstre fauve, la gueule toujours béante ; lui aussi paraît avoir été frappé d’une immobilité soudaine; sans qu’il tressaille, on peut s’en approcher; mais, un jour peut venir où, secouant son sommeil de pierre, il jettera une fois encore son épouvantable rugissement, et recommencera à baver son horrible écume.
- Il existe aussi, dans le pays, plusieurs cratères d’explosion ; les plus remarquables sont, près de Managua, ceux de Tiscapa et d’Asososca; chaque année à la fin de la saison des pluies, des mouvements se produisent dans l’onde toujours tranquille, et une odeur insupportable d’acide sulfhydrique s’en exhale, empestant les environs; l'a encore, l’activité volcanique est loin d être éteinte.
- Les déjections de cette longue série de volcans se sont accumulées sur la contrée dans la suite des siècles ; la sierra de Managua est formée en grande partie de leur superposition ; là où se sont produits des éboulements, des dislocations, des failles, on en voit les couches parallèles de cendres, de scories et de boue alterner sur des épaisseurs considérables, parfois semées d’énormes blocs retombés là pêle-mêle, après l’explosion d’un nouveau cratère.
- La période d’activité volcanique, commencée il y a bien des siècles, se poursuit encore à l’heure actuelle; les tremblements de terre en sont les phéno- j mènes concomitants, et le sol se trouve soumis à | des remaniements continuels. Aucune éruption nou- j velle, de quelque violence, n’a signalé le trem- |
- blement de terre du 11 ; toutefois, depuis quelque temps, leSanta Clara et le Telica donnaient des signes manifestes de convulsions internes; des bruits sourds se faisaient entendre, et les habitants du voisinage commençaient à être inquiets; enfin, le Coségüina semblait aussi vouloir secouer le demi-
- sommeil qui a succédé à la terrible éruption de 1855. Les mouvements du sol ne sont pas toujours brusques : en certains points le relief de la contrée change insensiblement; ici des éminences s’élèvent; là, la vallée se creuse ; près de la ville de Léon, une colline lentement a surgi;àTipitapa, entrée du thalweg par lequel s’écoule vers le lac de Granada le trop - plein du lac de Managua, le lit de la rivière s’est exhaussé peu à peu, à tel point que ce n’est que dans les très fortes crues, que la communication directe peut s’établir; dans le voisinage, abondent d’ailleurs de
- toutes parts, les sources thermales sulfureuses.
- Ainsi, sans trêve, le Nicaragua est soumis à des bouleversements qui en changent continuellement la face; les Améii-cains le savent bien, d’ailleurs, et, l’an dernier, la commission que nous débarqua le Lakawan-na ne paraissait pas avoir en elle le feu sacré que donne la certitude du succès. Et, en effet, quelle sécurité les travaux d’un canal trouveraient-ils sur ce sol mouvant où s’abîmerait en un instant l’œuvre d’années et de millions : quand on bâtit sur le sable, on sait à quoi l’on s’expose. Marcel Blanchard.
- Fig. 1. — Eglise du Laborio, à Léon de Nicaragua, après le tremblement de terre du IL octobre 188o. (D’après une photographie.)
- Fig. 2. — Carte du tremblement de terre du Nicaragua.
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- LA NATURE.
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- « ENCÀRTEUSE » ÉLECTRIQUE
- MACHINE A ENCARTER LES BOUTONS
- Les machines prennent de plus en plus la place de l’ouvrier dans l’industrie; tout se fait automatiquement, même les opérations les plus compliquées et que la main seule paraissait pouvoir exécuter. Les inventeurs ont maintenant du reste une ressource de plus à ajouter à celles de la mécanique : c’est l’électricité, qui leur permet de résoudre bien des problèmes insolubles sans elle. Nous en avons un exemple dans la curieuse machine que représente
- notre gravure et qui met à contribution les propriétés de l’électro-aimant. Elle est destinée à fixer les boutons de bottine, par trois ou quatre douzaines, sur les cartons tels qu’on les trouve dans le commerce. Les boutons sont versés sur un plan incliné A en forme d’éventail muni de rainures, qui à leur extrémité inférieure arrivent à n’avoir que la largeur d’un bouton. Ce plan incliné est animé d’un mouvement de trépidation qui sollicite constamment les boutons à descendre ; mais ils sont retenus à l’extrémité des rainures par un petit grillage B monté sur I une traverse. Les cartons, destinés à recevoir les boutons sont maintenus à la suite les uns des autres
- Nouvelle inaehine à encarter les boutons.
- par de petits crochets sur deux bandes de cuivre DD montées sur des. poulies de renvoi à la manière des courroies sans fin. Elles glissent sur la table (dont la partie antérieure a été enlevée pour montrer le mécanisme) et entraînent avec elles les cartons. Ceux-ci viennent ainsi passer sous le plan incliné et au-dessus d’un électro-aimant E dont le pôle M est en forme de peigne, disposé de telle sorte que chacune de ses dents soit placée sous Tune des rainures par lesquelles arrivent les boutons.
- Les choses étant ainsi disposées, voici comment fonctionne la machine. Elle reçoit son mouvement par la poulie à gorge qu’on voit à gauche. Au moyen de cames montées sur l’arbre de cette poulie, la traverse et le grillage B se soulèvent à intervalles
- égaux, de manière à laisser passer une rangée de boutons, puis retombent aussitôt. Les boutons sont reçus par le carton qui se trouve au-dessous d’eux et à ce moment un courant étant envoyé dans l’élec-tro E, chacune des dents du pôle M attire le bouton qui se trouve en face par sa queue, qui est en fer, bien entendu, et le tient dans une position verticale la tête en haut et la queue pressée contre le carton. La traverse C, qui est commandée par l’excentrique F s’abaisse alors sous l’action d’un fort ressort à boudin et vient appuyer sur les têtes des boutons, forçant les queues à traverser le carton où ils sont ainsi fixés. Le courant de l’électro est alors interrompu et les bandes de cuivre avancent d’une certaine quantité, déterminée par l’espace qui doit
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- LÀ NATURE.
- exister entre chaque rangée de boutons. Elles reçoivent leur mouvement au moyen d’un rocliet H, monté sur l’arbre des poulies DD, qui agit à intervalles réguliers aussitôt que la traverse G commence à se relever. Lorsqu’un carton est rempli, une disposilion spéciale fait agir le rochet de plusieurs dents à la fois pour faire arriver immédiatement le carton suivant sous les rainures qui amènent les boutons.
- Une ouvrière est chargée de verser les boutons en A, et au fur et à mesure de l’avancement des bandes de cuivre, de placer à la partie postérieure de la table les cartons vides et d’enlever à la partie antérieure les cartons pleins.
- Cette machine est très curieuse à voir fonctionner; elle est construite par M. Olagnier à la manufacture de boutons de MM. Rosenwald. Les nombreux visiteurs de la dernière Exposition du travail au Palais de l’Industrie ont été à même d’en voir un modèle réduit qui était actionné par un petit moteur à gaz du système Forest; ce constructeur avait également installé un peu plus loin un autre moteur de son système qui actionnait la dynamo destinée à fournir le courant nécessaire à l’électro-aimant de la machine. Dans la pratique c’est le même moteur, bien entendu, qui fait tout fonctionner. G. Mareschal.
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- L’ARITHMÉTIQUE EN BOULES
- Cet article a pour but l’exposition de quelques principes sur le calcul, et même sur l’arithmétique supérieure par des procédés de démonstration qui ne supposent au lecteur d’autres connaissances mathématiques que les quatre premières règles et les définitions de la géométrie élémentaire. C’est encore un essai de restauration des méthodes dont se servaient peut-être les ancêtres de la science, dans la Chine et dans l’Inde, pour arriver à la découverte des propriétés et des lois du nombre et de l’étendue. Nous n’ignorons pas que les savants qui s’occupent des origines de l’arithmétique et de la géométrie sont divisés sur la question de savoir si les solutions des problèmes relatifs à la mesure des surfaces et des volumes ont ou n’ont pas précédé celles des problèmes de même ordre dans le calcul des nombres polygonaux et des nombres figurés que nous définissons plus loin ; mais nous devons dire que cet article et le suivant viennent apporter un nouvel appoint à ceux qui prétendent que l’étude de l’arithmétique a précédé celle de la géométrie ; mais nous n’y reviendrons que plus tard, pour demeurer fidèle à notre méthode d’enseignement et de vulgarisation qui consiste toujours à passer du simple au composé ; nous commencerons par les questions les plus élémentaires.
- Avec des boules, des billes, des noix, ou mieux encore avec les pions d’un ou de plusieurs jeux de dames, nous pouvons successivement représenter les
- nombres entiers 1, 2, 3, 4, 5,..., ainsi que nous indiquons ci-dessous (fig. 1).
- Quatre Cinq
- Fi". 1. — Les cinq premiers nombres.
- L’arithmétique et par suite toutes les mathématiques reposent sur cet axiome, que le nombre est toujours égal à la somme de ses unités, quelle que soit la manière de les assembler ou de les grouper. Ainsi, en partageant le nombre 6 en deux parties on peut obtenir les dispositions représentées ci-contre (fig. 2).
- Donc le nombre 6 est la somme de 5 et de 1, par définition, mais aussi de 4 et 2, de 5 et 3, de 2 et 4, et enfin de 1 et 5. Par suite la somme de deux nombres ne change pas lorsque l’on intervertit l’ordre des nombres ajoutés; il en est de même pour la somme d’autant de nombres que l’on voudra.
- La multiplication de 4 par 6 est l’addition de six nombres égaux à 4 ; nous l’avons représenté (fig. 3) ;
- 0 0-0-0
- 0 0-- 0 0 4
- I H | 4
- 0 0"'0 0 4 0 0-0-0 4
- 0 0 0 0 4 ____
- .Le produit 4X6 Fig14. Le produit renversé 6*4
- le résultat s’appelle le produit de la multiplication ou le nombre rectangulaire de côtés 4 et 6. Si l’on fait tourner la figure d’un quart de tour, le nombre des unités ne change pas; on obtient alors le rectangle, (fig. 4) provenant de la multiplication de 6 par 4.
- La comparaison des figures 3 et 4 démontre cette proposition, que le produit de deux nombres ne change pas lorsque l’on intervertit l’ordre des facteurs, ainsi qu’on peut le constater sur la table de multiplication. Cette démonstration est classique.
- LES NOMBRES TRIANGULAIRES.
- Supposons toujours les nombres représentés par des boules juxtaposées en ligne droite et plaçons successivement (fig. 5) le premier nombre sur le second, les deux premiers sur le troisième, les trois premiers sur le quatrième, et les quatre premiers sur le cinquième, et ainsi de suite. Nous formons ainsi successivement ce que l’on appelle les nombres triangulaires. -
- 0 0 0 0 0 0 5 et I
- 0 0 0 0 0—0 4 et 2
- 0- 0~0 0-0 0 3et 3 0 0-0- 0- 0 0 l et 5
- Fig. 2. — L’addition.
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- LA NATURE.
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- Si Ton veut construire la table des nombres triangulaires, et la calculer aussi loin qu’on voudra, on écrit sur une première ligne les unités 1, 1, 1,... ; sur une seconde ligne les nombres successifs 1,2,5,...
- de telle sorte que chaque nombre de cette ligne soit la somme de celui qui le précède dans la ligne et de l’unité 1 qui est au-dessus de lui; c’est la loi même de formation des nombres entiers.
- Unités .... 1 I 1 1 1 1 1 1 t 1
- Entiers. ...1 2 3 4 5 ü 7 8 9 10
- Triangulaires. 1 5 6 10 15 21 28 30 45 55
- Sur une troisième ligne oii forme la suite des nombres triangulaires en ajoutant au dernier nombre obtenu, celui qui se trouve au-dessus dans la colonne suivante; ainsi, par exemple 28 = 21 + 7, et de même pour tous les autres. Pour avoir les cent premiers triangulaires, on a donc à faire cent additions successives de deux nombres.
- LA PILE D OBUS.
- Mais il vient se placer ici tout naturellement une question importante. Comment peut-on déterminer directement le centième triangulaire, ou plus généralement, comment peut-on calculer un triangulaire de rang donné?
- On sait que dans les arsenaux les projectiles emmagasinés sont de deux espèces : les uns sont des boulets destinés aux pièces lisses ; les autres, qui servent à la charge des pièces rayées, ont une forme cylindro-conique. Nous ne nous occuperons pour l’instant que de ces derniers. Une première tranche verticale représente un nombre triangulaire dont le profil est représenté (fig. 6). Pour donner plus de solidité à la pile, on place plusieurs rangées verticales semblables ; et le nombre total des obus est le produit du nombre des tranches par le triangulaire correspondant qu’il s’agit donc de calculer.
- Pour cela, considérons, par exemple, le cinquième
- Fig. 6. — La pile d’obus.
- triangulaire et plaçons à côté, en sens inverse (fig. 7) le même triangulaire représenté par des boules blanches ; nous formons ainsi un parallélogramme ; chaque ligne contient (5-4-1) boules et puisqu’il y a 5 lignes, le nombre total des boules qui repré-
- • 0-0-0-00 A
- o-o-o-o
- 0-0-0
- sente le double du 5fi triangulaire est le produit de 5 par 5 -h 1 ou 6 ; ainsi le 5° triangulaire est la moitié du produit de 5 par 6.
- Par cette démonstration absolument pareille à celle qui démontre (fig. 8) que l’aire du triangle est la moitié de l’aire du parallélogramme de même base et de même hauteur, on voit donc que : Le double d'un nombre triangulaire de rang quelconque est le produit du nombre qui indique son rang par le nombre suivant.
- Le rang est d’ailleurs égal au nombre de boules sur le côté, et nous considérons ces deux expressions comme équivalentes.
- Ainsi en résumé, on peut calculer les nombres triangulaires soit par additions successives de manière à les obtenir tous; mais aussi on peut les calculer isolément par une seule multiplication, ainsi que nous venons de le voir. Le second procédé sert de vérification au premier en calculant directement les triangulaires de dix en dix.
- Le tableau précédent peut être allongé indéfiniment dans le sens de la longueur, en ajoutant autant de colonnes que Ton veut ; mais on peut aussi l’allonger dans le sens de la largeur en ajoutant des lignes. Il existe deux procédés d’extension absolument différents : le premier donne la théorie des nombres polygonaux ; c’est, pour ainsi dire, l'arithmétique de Diophante; nous l’exposerons dans ce chapitre. Le second procédé donne la théorie des nombres figurés; c’est plus spécialement Y arithmétique de Fermât; nous l’exposerons dans un travail postérieur intitulé : l'arithmétique en bâtons.
- __ ^ suivre. _ EdOUABD LUCAS.
- LE SCARABÉE ÉLÉPHANT
- Le nom de Scarabée a été d’abord donné à tous les Coléoptères de forte taille et n’a pris une signL fication précise qu’après que Latreille eut établi sa famille des Lamellicornes (cornes ou antennes à lamelles flu petites feuilles). Ces Coléoptères offrent des antennes insérées dans une fossette profonde, sous les bords latéraux de la tête, toujours courtes, de neuf ou dix articles, terminées en une massue composée des derniers, disposés le plus souvent en
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- LA NATURE.
- éventail à la façon des feuillets d’un livre s’étalant surtout quand l’insecte vole, comme on le voit si bien dans l’antenue du Hanneton. Ces feuillets sont plus développés dans les mâles que dans les femelles, car l’antenne est le siège de l’odorat et probablement aussi de l’ouïe, sens qui aident puissamment les mâles dans la recherche des femelles.
- Les auteurs actuels ont restreint le nom de Scarabées à des Lamellicornes vivant à l’éjpt de larves de bois décomposé, réduit en fibres séparées ou même en poudre comme il se trouve dans la tannée. Ils se nourrissent donc de matières végétales et non d’excréments des grands Herbivores, nourriture qui caractérise d’autres Lamellicornes parmi lesquels les Rouleurs de boules, l’ancien Scarabée sacré des Egyptiens, dont les caractères sont très différents de ceux des vrais Scarabées. Ces derniers, pendant le jour, se cachent dans le bois pourri, les troncs des vieux arbres, sous les feuilles sèches, etc. Réveillés pendant la nuit, ils déploient leur activité, se préparent au vol par de longues aspirations à la façon des Hannetons, puis soulèvent simplement leurs élytres sans les écarter d’une façon complète. Leur vol est lourd et bruyant et s’entend de très loin. Presque tous ces Scarabées possèdent des organes stridulants formés généralement de rides transverses ou flexueuses, de rugosités situées sur la partie terminale et arrondie de l’abdomen qui déborde un peu les élytres, sans se terminer en pointe courbe comme chez les vrais Hannetons, le Hanneton commun et celui du châtaignier. Sur ces rides, vient frotter le bord postérieur des élytres; parfois ce sont les élytres qui portent les stries. Les larves qui vivent dans le vieux bois, et certaines pendant plusieurs années, se construisent à la fin de leur existence une coque solide au moyen des débris ligneux qui les entourent; l’adulte attend quelque temps après qu’il est éclos de la nymphe, jusqu’à ce que ses téguments aient acquis la dureté nécessaire pour s’ouvrir un passage, ce qui nécessite une durée assez longue pour les mâles, souvent armés de cornes monstrueuses et d’excroissances étranges exigeant une solidification complète. Nous avons, en France, un typé de ces Scarabées bien connu des enfants sous le nom de Rhinocéros ou de Licorne. C’est YOryctes nasicornis, rare dans les forêts où il ne trouve pas facilement le bois très vermoulu dans lequel il doit vivre, commun au contraire par le fait de l’homme dans les tanneries et dans les couches à melons des maraîchers formées de tannée ou écorce de chêne très divisée, en entier d’un brun marron luisant, de 27 à 56 millimètres de long, à corps très convexe, à pattes épaisses et robustes. Le mâle a sur la tête une forte corne un peu arquée, remplacée par un simple tubercule pointu chez la femelle, le corselet des mâles a de chaque côté une impression fortement ponctuée, excavé en avant, relevé au milieu en une saillie obtusément tridentée, dans les femelles il est seulement très ponctué.
- A la taille près, cette forme donne parfaitement
- l’idée des énormes et massifs Scarabées des vieux arbres des régions les plus chaudes de l’Amérique, qui sont les géants des Coléoptères. Les différences sexuelles sont tranchées d’une manière saisissante. Le plus souvent les mâles ont le corselet ainsi que la tête surmontés de prolongements ên forme de cornes ou de pointes de l’aspect le plus étrange, d’excroissances dont on ignore en général la signification physiologique. Ces ornements doivent être inutiles aux femelles qui en sont dépourvues; ils seraient même incommodes et gênants à un haut degré lorsqu’elles s’enfoncent dans les arbres vermoulus pour y pondre leurs œufs. De plus petite taille en général que leurs mâles, elles ont souvent le corselet élargi d’avant en arrière et recouvert de rugosités granuleuses, ce qui facilite leur pénétration dans la terre, dans le terreau, dans les troncs pourris où elles déposent leurs œufs. Le type le plus connu de ces insectes est le Scarabée Hercule \ du genre Dynastes (roi, fondateur de dynastie), qu’on trouve à partir des Antilles dans l’Amérique méridionale chaude jusqu’aux environs de Rio-Ja~ neiro, où il est rare, et qui forme sa limite méridionale d’extension. Cette grande espèce, souvent rapportée, est assez répandue dans les collections. Beaucoup moins fréquent est le Scarabée Eléphant (.Megasoma ou Megalosoma Elephas, Fabricius), dont le nom de genre veut dire corps grand, corps massif. Il est très anciennement connu, car il est grossièrement figuré par un ancien historiographe des insectes, Moufet, dans son Theatrum insectorum, London, 1634. Moufet le donne comme du Mexique et rapporte naïvement qu’il n’a pas de femelle, qu’il est à lui-même son propre auteur. Une croyance analogue datant des Pharaons a longtemps régné à propos de l’Ateuque ou Scarabée sacré de la Basse-Egypte. Les voyageurs, très ignorants, surtout autrefois, rapportaient depuis longtemps les insectes aux belles couleurs ou aux formes étranges , achetés pour les cabinets des riches curieux. La collection du Muséum possède six Scarabées Eléphants, cinq mâles et une seule femelle, notés comme provenant du Guatémala, de Cayenne et de la Colombie. La taille des mâles varie en longueur, sans la corne, de 80 à 55 millimètres, avec une largeur médiane de 47 à 53 millimètres. (Voy. la gravure ci-contre.) La femelle a 58 millimètres de long sur 31 de large. Ces différences s’expliquent par des accidents de nourriture de la larve qui ne trouve pas toujours à satisfaire tout son appétit.
- Les deux sexes ont le fond du corps noir, couvert en dessus d’une courte pubescence d’un ferrugineux grisâtre. Sur la tête du mâle, est au milieu une longue corne plissée en dessus, d’un noir très brillant, bifide et recourbée au bout, qu’on a comparée à la trompe de l’Eléphant ; à sa base et en dessus est un tubercule recourbé, à duvet ferrugineux. Le corselet offre latéralement deux pointes presque
- 1 Voy. n° 450, du 14 janvier 1882, p. 104.
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- Le scarabée éléphant (Megasoma elephas) de la Colombie, mâle et femelle. (D’après des individus de la,collection cntomologique
- du Muséum d’histoire naturelle de Paris.) Grandeur naturelle.
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- droites à bout d’un noir brillant (simulant les défenses) ; au centre un mamelon mousse. Il y a un grand écusson un peu cordiforme. Les élytres sont bombées, avec deux ou trois côtes a peine apparentes, arrondies au bout, comme chez tous les vrais Scarabées et recouvrant l’abdomen. Les pattes sont d’un noir brillant, assez épineuses, les jambes de devant dentelées; les tarses, de cinq articles, se terminent par deux crochets entre lesquels est une pulville en forme de tige avec un pinceau de poils; c’est un organe de tact. La femelle a la tête et le corselet noirâtres et granuleux, avec très peu de duvet, la base des élytres et les épaules sans duvet, la tête et le corselet sans cornes, avec un petit tubercule central sur la tête et deux petites pointes, à peu près d’un millimètre, sur le chaperon. Les antennes, pareilles dans les deux sexes, ont une tige de sept articles, puis une masse de trois feuillets.
- Il y a des insectes qui dépassent en longueur les massifs Scarabées, ainsi certains Phasmes dans les Orthoptères et surtout des formes fossiles des houilles de Commentry, si bien étudiées par M. Charles Brongniart. Les gros Scarabées américains présentent la limite de hauteur possible pour les insectes, car il ne faut pas croire qu’avec l’organisation de chaque type animal la nature puisse lui donner une grandeur quelconque compatible avec les fonctions vitales. Un Scarabée ne pourrait pas atteindre la hauteur de certains gros Crustacés, qui ont des dimensions comparables à celles d’un Lièvre. Chez les Crustacés le sang revient au cœur dorsal par des vaisseaux cylindroïdes ; dans les Insectes le sang chemine, sauf une petite aorte vers la tête, dans des lacunes, c’est-à-dire dans les intervalles entre les viscères accolés, par suite comme entre des lames parallèles. Or la physique nous apprend que l’ascension des liquides mouillants, dans ce dernier cas, est moitié de ce qu’elle est dans un tube fermé de toute part ayant pour diamètre la distance des lames. On voit donc dans quelle condition d’infériorité sont les insectes pour que le sang remonte à la région dorsale où sont les cœurs dont les systoles doivent lui rendre l’impulsion. Il est facile d’imaginer des géants dans toutes les classes animales, il serait souvent fort mal aisé de les faire vivre. Les vieux Parisiens se souviennent du gros Eléphant de la Bastille, modèle provisoire de charpente et de plâtre qu’un illustre écrivain a donné pour domicile nocturne à Gavroche. Si quelque magicien avait pu animer ce massif simulacre, il serait resté étalé et aplati sur le sol sans pouvoir marcher. C’est l’eau avec le principe, d’Archimède qui permettent la locomotion des Cachalots et des Baleines qui demeurent échoués sur les rivages.
- En nous bornant aux Mammifères, nous dirons qne les plus grandes espèces dans un groupe donné sont les aquatiques. Ainsi l’ordre des Cétacés dépasse tous les autres pour la taille; les Phoques présentent les plus grandes espèces de l’ordre des anciens Carnassiers, telle le Macrorhine, ou jadis
- Phoque à trompe de Péron, presque détruit maintenant, atteignant jusqu a 10 mètres; dans la tribu des Mastéliens, la Loutre est l’espèce de la plus forte dimension. Le genre Desman, à sécrétion musquée abondante, a une espèce très rare et terrestre, le Besman des Pyrénées, plus petite qne le Desman de Moscovie, à pattes palmées et à queue comprimée en aviron. Maurice Girard.
- LE
- CODE DES SIGNAUX DE CHEMINS DE FER
- La sécurité de l’exploitation des chemins de fer repose surtout sur l’exacte observation des signaux. Les règlements de toutes les Compagnies sans exception contiennent l’article suivant : Tout agent, quel que soit son grade, doit obéissance passive aux signaux. C’est dire que la question des signaux présente une importance capitale. Et, en effet, l’existence des voyageurs est d’autant mieux garantie que le système des signaux est meilleur et qu’il est mieux observé.
- Depuis la création des chemins de fer français, c’est-à-dire depuis un demi-siècle au plus, les différentes Compagnies ont été laissées libres de mettre en usage les signaux qui leur paraissaient remplir le mieux les conditions requises, et l’administration supérieure, tout en se préoccupant des inconvénients que pourrait présenter, à un moment donné, la diversité des appareils optiques ou acoustiques employés, n’a pas cru devoir leur imposer des règles uniformes à cet égard. On a considéré que l'industrie des chemins de fer était encore à son début, et qu’il ne pouvait qu’être profitable de laisser expérimenter différents systèmes, afin d’en bien constater les avantages ou les inconvénients : c’est de là qu’est résultée la grande diversité dans les moyens employés pour transmettre les indications nécessaires aux mécaniciens chargés de la conduite des trains. Les seules conventions à peu près uniformes qui se soient établies sont relatives aux couleurs : ainsi, sur toutes les lignes, le rouge signifie danger, arrêt; le vert, prudence, ralentisse-ment; le blanc, voie libre, marche. Quoi qu’il en soit, et malgré des différences souvent très notables dans la forme des signaux, ceux-ci ont toujours été partout disposés et organisés dans les conditions voulues pour assurer la sécurité, pourvu que leurs indications fussent respectées.
- En Angleterre, au contraire, l’uniformité existe depuis longtemps : on se trouvait en présence d’un nombre considérable de Compagnies, dont les réseaux étaient très enchevêtrés les uns dans les autres, et l’uniformité absolue de réglementation s’imposait sans conteste : on est arrivé ainsi à un règlement commun en 583 articles, auxquels chaque Compagnie ajoute, si elle le veut, des articles additionnels, mais dont elle ne peut rien retrancher. Ainsi le London and South Western en a ajouté 3 ;
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- LA NATURE.
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- le London and JSorth Western en a ajouté 13, etc.
- Les funestes événements de 1870-1871 ayant fait ressortir clairement le rôle considérable des chemins de fer au point de vue stratégique, on a été amené à prendre une série de mesures en vue de la défense de notre territoire : c’est ainsi que le personnel des compagnies a été organisé militairement en neuf sections techniques destinées à être mobilisées en cas de guerre, et qu’on a rédigé un nouveau règlement très complet sur le service des transports militaires parchemins de fer. La question de l’uniformité des signaux a été soulevée encore une fois devant la Chambre des députés, et le Comité de l’exploitation technique des chemins de fer a été consulté à ce sujet. Ce comité, présidé par M. Brame, inspecteur général des ponts et chaussées, a adopté le texte d’un Code des signaux ayant pour objet d’unifier le langage des signaux optiques et acoustiques échangés entre les agents des trains et les agents de la voie ou des gares. Cet important travail a été, il y a quelques jours, l’objet d’un rapport remarquable adressé au ministre des Travaux publics, par M. A. Picard, directeur général des ponts et chaussées, des mines et des chemins de fer. Le ministre, adoptant les conclusions de ce rapport, a pris un arrêté qui institue le code des signaux et le rend obligatoire sur tout le réseau français dans un délai qui sera déterminé, pour chaque compagnie, par une décision ministérielle spéciale.
- La mise en vigueur du nouveau code des signaux va nécessiter des transformations, et, par suite, des dépenses assez considérables sur certaines lignes : c’est ce qui explique la résistance opposée pendant longtemps par plusieurs compagnies à cette unification. On a mis en avant les dangers auxquels on serait exposé pendant la période de transformation et les inconvénients qu’il y a toujours à modifier les règlements et les habitudes du personnel : on a fait observer que les trains ne passent presque jamais d’un réseau sur un autre, du moins sans changer de machine; que les parcours communs, tels que ceux de Sainte-Colombe à Châtillon-sur-Seine, ou de Morvillars à Delle, sont de peu d’étendue, et qu’au besoin on pourrait avoir recours à un pilotage des trains; enfin, en ce qui concerne les transports stratégiques, on a fait valoir que les trains militaires devant être remorqués et conduits, sur chaque réseau, par les machines et le personnel de la compagnie exploitante, la différence des règlements des divers réseaux qu’ils auront à traverser ne saurait influer en rien sur la sécurité et la régularité de leur circulation d’un bout de la France à l’autre. Mais ces objections n’ont pas convaincu l’administration, et elle a pensé avec juste raison que, malgré tout le soin et toute l’habileté qui ont présidé à la préparation des transports militaires, certaines éventualités pourraient se produire, à la suite desquelles les agents de la traction seraient amenés à passer d’un réseau sur un autre : aussi le ministre des Travaux publics n’a-t-il pas hésité à donner la con-
- sécration officielle aux systèmes de signaux reconnus les meilleurs par le Comité de l’exploitation technique des chemins de fer.
- Nous allons résumer brièvement les principales dispositions du nouveau code des signaux.
- Signaux fixes. — Les signaux fixes sont les disques, les signaux carrés d’arrêt absolu, les sémaphores, les signaux de ralentissement, les indicateurs de bifurcation et les signaux d’aiguilles.
- Le disque ou signal rond (fig. 1) peut prendre deux positions : l’une parallèle et l’autre perpendiculaire à Taxe de la voie. Le disque effacé, c’est-à-dire disposé parallèlement à la voie, le jour, ou présentant un feu blanc, la nuit, indique que la voie est libre. Le disque fermé, c’est-à-dire présentant au train sa face rouge perpendiculaire à la voie, le jour, ou un feu rouge, la nuit, commande l’arrêt. Le disque doit être suivi d’un poteau indiquant, par une inscription, le point à partir duquel le signal fermé assure une protection efficace (fig. 2).
- Le signal carré d'arrêt absolu (fig. 3) peut prendre également deux positions : l’une parallèle et l’autre perpendiculaire à l’axe de la voie. Le signal effacé, c’est-à-dire disposé parallèlement à la voie, le jour, ou présentant un feu blanc, la nuit, annonce voie libre. Le signal fermé, c’est-à-dire présentant au train, le jour, perpendiculairement à la voie, un damier rouge et blanc, ou un double feu rouge, la nuit, commande l’arrêt absolu, c’est-à-dire qu’il ne doit être franchi sous aucun prétexte.
- Le sémaphore (fig. 4) consiste [en un mât muni de bras mobiles pour les signaux de jour, et de lanternes pour les signaux de nuit. Il est destiné à maintenir entre les trains les intervalles nécessaires. Le bras qui se présente à gauche, en regardant le sémaphore vers lequel un tram se dirige s’adresse seul à ce train. Le jour, le bras étendu horizontalement et présentant sa face rouge commande l’arrêt ; le bras incliné à angle aigu commande le ralentissement; le bras rabattu indique que la voie est libre. La nuit, le sémaphore commande l’arrêt par un feu donnant en même temps le vert et le rouge;’ le ralentissement par le feu vert; enfin le feu blanc annonce voie libre.
- Le signal de ralentissement (fig. 1) n’est autre chose qu’un disque peint en vert. Ce signal fermé, c’est-à-dire présentant au train sa face verte perpendiculaire à la voie, le jour, ou un feu vert, la nuit, commande le ralentissement. Le même signal effacé ou présentant un feu blanc annonce voie libre.
- L'indicateur de bifurcation est formé, soit par une plaque carrée (fig. 3) peinte en damier vert et blanc et éclairée la nuit, soit par une plaque (fig. 5) portant le mot bifur., également éclairée la nuit.
- Le signal d'aiguilles (fig. 6) se compose d’une flamme simple ou double peinte en violet et présentant la nuit un feu violet : il sert à indiquer la position des aiguilles et la direction qu’elles donnent.
- Signaux à la main. — Les signaux à la main s’exécutent, le jour avec un drapeau vert ou rouge ;
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- LA NATURE
- la nuit avec une lanterne pouvant donner, à volonté, un feu blanc, vert ou rouge. Pendant le jour, le drapeau roulé indique que la voie est libre; le drapeau vert déployé commande le ralentissement ; le drapeau rouge déployé commande l’arrêt. Pendant la nuit, le feu blanc annonce voie libre ; le feu vert commande le ralentissement; le feu rouge commande l’arrêt. A défaut de drapeau rouge, l’arrêt est commandé, soit en agitant vivement un objet quelconque, soit en élevant les bras de toute leur hauteur. A défaut de feu rouge, toute lumière vivement agitée commande l’arrêt.
- Signaux de trains. — Tout train circulant de jour doit porter, à l'arrière du dernier véhicule, un signal de queue, consistant, soit en une plaque
- rouge, soit dans la lanterne d’arrière dont tout train doit être muni la nuit. Tout train, circulant la nuit, doit porter à l’avant au moins un feu blanc, et à l'arrière un feu rouge; vers la partie supérieure du dernier véhicule, sont placées deux autres lanternes disposées de façon à lancer un feu blanc vers l’avant et un feu rouge vers l’arrière.
- Signaux acoustiques. — Parmi ces signaux, il faut distinguer : les signaux détonants, les signaux de mécaniciens, enfin les signaux faits au moyen du sifflet de poche, de la corne et de la cloche du tender.
- Les signaux détonants ou pétards servent à compléter les signaux optiques, lorsque, soit de jour, soit de nuit, ces derniers ne sont pas suffisamment
- Signaux de chemins de fer adoptés pour toutes les lignes françaises. (D’après le nouveau Code.)
- perceptibles par suite de troubles atmosphériques ou pour toute autre cause.
- Le mécanicien communique avec les agents des trains ou de la voie par le sifflet de sa machine. Un coup de sifflet prolongé commande l’attention et annonce la mise en marche ; deux coups de sifflet brefs et saccadés ordonnent de serrer les freins ; un coup bref, de les desserrer. Aux bifurcations, le mécanicien demande la voie en donnant le nombre de coups de sifflet prolongés correspondant au rang qu’occupe la voie qu’il doit prendre, en comptant à partir de la gauche. Voici la signification de ces signaux. Iæ mécanicien doit donner : un coup pour prendre la première voie ; deux coups pour prendre la deuxième voie; trois coups pour prendre la troisième voie; quatre coups pour prendre la quatrième voie.
- L’ordre du départ d’un train est donné au conducteur de tête par le chef de gare au moyen d’un coup de sifflet de poche.
- Le conducteur de tête commande à son tour au mécanicien la mise en marche du train, au moyen d’un coup de cornet. Le train étant en mouvement, le conducteur de tête communique avec le mécanicien par la cloche du tender : un coup de cloche commande l’arrêt. Si le train mis en marche doit être aussitôt arrêté pour une cause quelconque, le chef de gare en donne le signal par des coups de sifflet saccadés, et le conducteur de tête sonne la cloche du tender.
- Alexandre Laplaiche,
- Commissaire de surveillance administrative des chemins de fer.
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- ÉQUATORIAL D’AMATEUR
- Parmi les instruments intéressants à divers titres qui figuraient à T Exposition du travail au Palais de l’Industrie, nous voulons signaler un nouveau pied de lunette astronomique (du genre des équatoriaux) qui, par les conditions de sa forme, de la simplicité du mécanisme, et de son prix réduit, semble appelé à servir efficacement la cause de l’astronomie.
- Ce nouvel équatorial, ainsi que l’indique la figure ci-jointe, se compose essentiellement :
- 1° D’une plate-forme en fonte ouvragée, mesurant en longueur 0m,40, et dans sa partie verticale 0m,37 : c’est elle qui supporte les deux arbres d’acier et leurs cercles gradués de 17 et de 20 centimètres de diamètre ;
- 2° D’un mouvement d’horlogerie monté sur châssis de fonte et renfermé dans une solide cage de noyer : le régulateur est un court pendule battant la demi-seconde , ou bien, au gré du client, un volant 'a ailettes mobiles sur pivot ;
- 3° D’un trépied en sapin du Nord supportant le système.
- L’inventeur a voulu mettre à la disposition des astronomes amateurs une monture équatoriale qu’ils pourraient emporter en excursions ou en villégiature, et régler instantanément à la latitude du lieu d’observation. Dans ce but, l’arbre antérieur, appelé arbre horaire, est maintenu par sa base dans un coussinet pivotant tandis que le coussinet supérieur glisse sur deux rainures en arc de cercle : ce qui permet une plus ou moins grande ouverture d’angle proportionnée au degré de latitude du lieu d’installation.
- Mais il fallait, en prévision du déplacement de l’arbre horaire, ménager un contact constant : 1° entre la vis tangente et le cercle des ascensions droites mobile par le réglage des diverses latitudes ; 2° entre le pignon denté de cette même vis sans fin et la roue motrice du mouvement d’horlogerie qui, lui, est à demeure dans le socle de l’équatorial.
- Le premier contact est obtenu, en donnant comme support à l’axe de la vis sans fin deux bras qui ont leur point d’attache au coussinet pivotant de l’arbre horaire, de telle sorte que le déplacement de cet arbre, dans un sens ou dans un autre, entraîne nécessairement le déplacement des deux supports de la vis tangente, laquelle est à portée constante d’engrenage avec les dents de la roue ou cercle horaire.
- Pour établir le second contact, entre le pignon denté de la vis sans fin et le mouvement d’horlogerie, on a interposé entre ce pignon et la roue motrice une roue intermédiaire pouvant, au moyen d’une platine qui la supporte décrire un arc de cercle autour de la roue. De celte disposition il résulte que la roue intermédiaire est par sa partie inférieure en continuel contact avec l’engrenage, tandis que sa partie supérieure, grâce à son déplacement en arc de cercle va toujours rejoindre le pignon denté de la vis sans fin, quelle que soit la place où l’ait fixé le réglage de la latitude du lieu d’observation.
- 11 y a, par ce double jeu, engrenage constant entre les deux parties de l’instrument dont l’une est fixe et l’autre doit subir les modifications des diverses latitudes.
- Un trépied de fonte, avec cage d’horlogerie à plaque tournante, facilite, pour les amateurs qui le désirent, la détermination exacte de la méridienne.
- Ce nouvel équatorial, inventé par M. l’abbé Blain, aumônier des sourds-muets de Poitiers, et construit par la maison Lussault frères, a reçu du jury de l’Exposition du travail, une médaille d’argent. La Commission a reconnu les avantages que présentait, pour les observations astronomiques et la démonstration des lois qui régissent les mondes, ce modèle simplifié et d’un prix accessible aux Facultés, aux lycées et aux cabinets d’amateur. * Nous croyons que cet ingénieux appareil sera apprécié par tous ceux qui auront occasion d’en faire usage.
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- LA NATURE.
- CHRONIQUE
- Xou»elle lampe & incandescence. — M. Delau-rier vient de construire une nouvelle lampe électrique à incandescence. Voici en quoi elle consiste : « Au lieu de faire le vide, comme dans les lampes ordinaires, je m’arrange, dit l’auteur, pour qu’il y ait de l’acide carbonique et de l’azcte dans la mienne. Pour qu’il en soit ainsi, au lieu d’un seul filament dans l’ampoule en verre, j’en mets deux et je la bouche hermétiquement sans faire le vide. En faisant passer un courant assez fort dans un des fils, qui doit être gros et court, on pourra le brûler assez pour qu’il ne reste plus d’oxygène dans la lampe. Il ne faut cependant pas trop chauffer pour que l’ampoule ne se brise pas par la dilatation brusque du verre. On pourra opérer cette combustion de l’oxygène et du fil de carbone par un courant électrique puissant mais intermittent. Je ferai remarquer que, après le refroidissement, le volume du gaz doit être exactement le même que celui de l’air avant l’opération, s’il ne se forme pas d’oxyde de carbone. »
- Les ïlns français en Angleterre. — La consommation des vins français prend en Angleterre des proportions de plus en plus satisfaisantes au préjudice des vins d’Espagne qui étaient autrefois les seuls accueillis dans ce pays. Suivant un relevé officiel, la consommation des vins de France en Angleterre a été, du 1 "janvier au 31 octobre de cette année, savoir : en vins rouges, de 3 434 097 gallons, contre 5556 049 pendant la période correspondante de 1884, soit une augmentation sensible; en vins blancs, de 1 286516 gallons, contre 1 255 118, soit une augmentation importante. La consommation des vins espagnols a été, toujours pendant la même période, en vins blancs et rouges, de5308085 en 1885, contre 3404696 en 1884, soit une diminution de près de 100 000 gallons. (On sait que le gallon anglais vaut environ 4 litres 1/2.)
- Peinture à 1844 francs 33 centimes le centimètre carré. — Parmi les œuvres d’art composant la collection de feu Lord Dudley se trouvait le tableau intitulé : Les Trois Grâces, par Raphaël, 1506. Ce bijou, qui ne mesure que sept pouces anglais (0m,l828) vient d’être acquis par le duc d’Aumale, pour la modeste . somme de vingt-cinq mille livres sterling. Cette somme, convertie en francs au taux de 25 francs 25 centimes par livre sterling, représente 651250 francs, et un petit calcul démontrera que le coût du centimètre carré de cette (peinture ne s’élève pas à moins de la somme mentionnée en tête de ce paragraphe. La fable du centime placé à intérêts composés, à la naissance du Christ ne sera bientôt plus une chimère si le prix des peintures continue à,suivre cette marche ascendante : le tableau en question, ainsi qu’un autre de même dimension et de même valeur artistique ét possédé actuellement par h National Gallery, ont été achetés dans la première partie du siècle présent par Sir Thomas Laurence pour une somme d’environ ' 7000 francs chacun. J. B.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance publique annuelle dutl décembre 18§5
- Présidence de M. l’amiral Jurien de la Gravière.
- Discours de M. Jurien de la Gravière. — Les premières paroles du vice-président de l’Académie, remplissant, par suite du décès de M. Bouley, les fonctions de
- président, sont un hommage au caractère de l’illustre mort. L’Académie, contrairement à ce qui avait lieu depuis longtemps, a eu sa grande séance avant la fin de l’année. « M. Bouley, dès les premiers mois de sa présidence, n’avait cessé de stimuler le zèle des Commissions, de leur rappeler la date à laquelle il était désirable que leurs rapports fussent déposés. Sa voix a été entendue : au jour fixé nous étions prêts... M. Bouley se sentait mourir et il voulait avoir la joie suprême, avant d’entrer dans l’éternel repos, de proclamer les noms des nombreux lauréats qui sont tout à la fois l’espoir de la science, et, pour la plupart, le légitime orgueil de notre pays.
- « Bien peu s’en est fallu que ce vœu touchant ne fût réalisé. M. Bouley est mort le 30 novembre, il n’y a pas-un mois. »
- Ensuite 31. Jurien de la Gravière rappelle la séance mémorable du 26 octobre 1885 — l’avant-dernière que M. Bouley ait présidée — pendant laquelle M. Pasteur annonçait qu’il guérissait la rage.
- Après un regret donné à l’absence momentanée, nous l’espérons, de M. Jamin, l’orateur salue les morts, trop nombreux, de l’Académie, pendant cette année de 1885 : Dupuy de Lôme, Serrel, Rolland, Desains, Tresca, Milne— Edwards, Bouquet, Robin, Bouley, (( neuf confrères, neuf flambeaux éteints dans l’espace d’une seule année. »
- Prix décernés :
- Géométrie. — Prix Bordin. — Etude générale du problème des déblais et remblais de Monge. Le prix est partagé de la manière suivante : M. P. Appel, deux mille francs, M. Otto Ohnesorge, mille francs. — Prix Fran-cœur, M. Emile Barbier.
- Mécanique. — Prix extraordinaire de six mille francs.
- — Progrès de nature à accroître l’efficacité de nos forces navales. Le prix est partagé de la manière suivante : M. Hélie, deux mille francs, MM. Ilugoniot, Doneaud du Plan, Ph. Hatt et Lucy, mille francs. — Prix Poncelet, à M. Henri Poincarré. — Prix Montyon, à M. Amsler-Laffon. — Prix Plumey, à M3I. Bienaymé et Y. Daymard.
- — Prix Dalmont, à M. Félix Lucas. — Prix Fourneyron porté exceptionnellement à trois mille francs, à 31. Jean-Daniel Colladon.
- Astronomie. — Prix Lalanie, à M. Thollon. — Prix Damoiseau : le concours est prorogé à l’année 1886.
- — Prix Valz, à M. Spærer.
- Physique. — Prix Bordin. Rechercher l’origine de l’électricité atmosphérique. Le prix est décerné à M. Edlund. — Grand Prix des sciences mathématiques : le concours est prorogé à l’année 1877. — Prix Lacazc, à M. Gernez. >
- Statistique. — Prix Montyon, à MM. le Dr de Pietra Santa et 0. Keller.
- Chimie. — Prix Jacker. Le prix est partagé : MM. Prunier et R. D. Silva ont une somme de quatre mille francs chacun, et 31. G. Rousseau une somme de deux mille francs. — Prix Lacaze, à 31. A. Ditte.
- Géologie. — Prix Delesse, à 31. A. deLapparent.
- Botanique. — Prix Barbier, à 31. R. Dubois, Heckel et Schlagdenhauffen. — Prix Desmazières, à 31. Leclerc du Sablon. —Prix Montagne, à 31. Patouillard.
- Anatomie et zoologie. — Grand Prix des sciences physiques. Etude de la structure intime des organes tactiles dans l’un des principaux groupes d’animaux invertébrés. Le prix est décerné à M. Joannès Chatin. — Le prix Bordin est prorogé à l’année 1887. — Prix de Gama Ma* chado, à 31. Paul Girod.
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- LA NATURE.
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- Médecine et chirurgie. — Prix Montyon, à MM. Augustin Charpentier, L.-H. Farabœut', J. Regnauld et E. Vil-lejean. — Prix Brcant, à M. le l)r Mahé. — Prix Godard, à M. E. Desnos. — Prix Lallemand, à M. le Dr Grasset.
- Physiologie. — Prix Lacaze, à M. Buclaux. — Prix Montyon, à M. C.-À. Rémy.
- Géographie physique. — Prix Gay, à M. le capitaine Refforges.
- Prix généraux. — Prix Montyon, Arts insalubres, à M. Ch. Girard et Chamberland. — Prix Cuvier, à M. Van Beneden.— Prix Trèmont, partagé entre MM. Bourbouze et Sidot. — Prix Gegner, à M. Valson. — Prix Petit d’Ormoy, Sciences mathématiques, à M. G.-H. Halphen.
- Prix Petit d’Ormoy, Sciences naturelles, à M. Sappey.
- — Prix Laplace, à M. Coste, sorti le premier, en 1885, de l’Ecole polytechnique.
- Discours de M. J. Bertrand, secrétaire perpétuel. — L’éminent académicien avait à faire deux éloges : celui de M. Charles Combes, membre de la section de mécanique, et celui de M. de la Gournerie, académicien libre.
- « Si Combes, a-t-il dit, n’a pas laissé de chef-d’œuvre immortel, peu de savants plus laborieux ont appliqué plus utilement une science plus assurée et plus haute. Aucun n’a fait paraître, avec plus de droiture dans l’esprit, plus de sagesse dans les affaires. Aucun n’a caché plus de mérite sous une modestie plus insouciante et plus candide. Aucun n’a laissé le souvenir d’un cœur plus dévoué, d’une bienveillance plus sincère. Aucun n’a réuni à un plus haut degré ces dons d’une aimable et belle nature, plus rares peut-être que le génie, plus précieux certainement que la gloire, a De la Gournerie, qui a débuté dans l’art de l’ingénieur par la construction du phare des Héaux de Bréaux, est le constructeur de la digue du Croisic qui, depuis quarante ans,' brave le flot sur une longueur de 860 mètres. Il fut chargé ensuite de l’exécution du port de Saint-Nazaire. « Un échec aurait été grave; on oublia le succès. » Notons dans son Eloge un passage curieux :
- « La perspective, à l’Ecole polytechnique, est résumée et montrée, comme en raccourci, dans quelques épures simples et faciles. Attentif à la pratique et gardien de la théorie, de la Gournerie, pour les concilier, conférait sans cesse les principes à la tradition. Les judicieuses conclusions, mises à profit à l’Ecole des Beaux Arts, fortement établies dans ses leçons au Conservatoire des Arts çt Métiers, forment la partie la plus originale et resteront la trace la plus profonde, peut-être, d’un enseignement toujours admiré. i
- (( Plus d’un tableau vanté par les bons juges blesse dans ses détails les règles de la perspective. En corrigeant par compas les contrariétés théoriques, de la Gournerie gâta d’excellentes gravures. Avec l’incorrection disparaissait la grâce. Singulier problème et utile leçon! Quelle apparence que la justesse puisse éloigner la perfection? Les règles d’Euclide sont trop droites, ses préceptes sont" absolus, ses conventions trop subtiles. Les jeux de l’entendement se jouent à la rigueur. L’art est plus étendu et, sans transgresser la règle assouplie, le goût peut rester libre et demeure souverain. Est-ce fantaisie? Non pas. Insouciance? "Moins encore. C’est nécessité et justice. Le spectateur s’approche, regarde chaque détail, s’éloigne, les embrasse d’une seule vue, et, de [ près comme de loin, veut ouvrir les deux yeux. Le géo- , mètre ignore ces licences, le peintre les suppose. Cette différence démêle l’énigme et explique la contradiction. De la Gournerie discute les expédients nécessaires, cher-
- che la limite des tolérances permises, et celte savante élude forme l’originalité de ses leçons et la supériorité du beau livre qui les résume. » Stanislas Meunier.
- RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES
- SUR LES CARRÉS MAGIQUES
- Un problème bien connu est le suivant : avec les as, rois, dames et valets d’un jeu de cartes, former un carré tel que dans chaque ligne, colonne et diagonale, on ail une carte et une seule de même valeur, une carte et une seule de même couleur.
- Il est susceptible d’un certain nombre de solutions qu’on peut obtenir comme il suit :
- Formez un carré magique de 16 cases avec les chiffres 1, 2, 3, 4 en ne répétant qu’une seule fois un de ces chiffres dans une même ligne diagonale, puis adjoignez-lui en un second obtenu tout simplement en faisant tourner le premier de 90°, par exemple :
- ) nif 1 Vjsr i
- ! Hfi «j ♦ K
- 1 jtjPfc WfgLi I IglA
- WÊmr s¥+ .1 1
- Fig. 2.
- Supposez alors que 1 représente l’as, 2 le valet, 5 la dame et 4 le roi, dans le premier carré ;
- 1 le carreau, 2 le cœur, 3 le pique, 4 le trèfle, dans le second carré.
- En rapprochant les deux carrés ci-dessus, vous avez la solution. Comme on le voit facilement, cette solution peut avoir de nombreuses variantes. L. Gutode.
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- LA NATURE.
- LE « YACHTING » EN FRANCE
- La navigation de plaisance prend, depuis quelques années, en France, une extension considérable.
- Nous donnons ici quelques chiffres curieux de statistique, empruntés à l’intéressante Liste des yachts français, publiée par MM. Vuillaume et Clerc.
- Il y a actuellement dans les ports français plus de 600 yachts de plaisance d’un tonnage dépassant 5 tonneaux. Dans ce nombre on compte environ 150 yachts à vapeur, dont quelques-uns, comme la Velléda, à M. II. Menier, dépassent 600 tonneaux; d’autres atteignent environ 100 tonneaux, comme les
- goélettes de M. Jules Verne ou de MM. Menier. Les cotres ou sloops à voile sont au nombre de 300. Les yachts de plaisance français de plus de 5 tonneaux donnent un tonnage total de 17 000 tonneaux.
- Parmi les plus belles goélettes à vapeur à hélice, nous citerons Eros, de 750 tonneaux, à M. le baron Arthur de Rothschild (Havre) ; Saint-Joseph, de 750 tonneaux, à M. le marquis dePreaulx (Nantes) ; Margaret, de 164 tonneaux, à M. le baron Oppen-heim (Havre) ; Korrigan, de 175 tonneaux, à M. le comte de Montaigu (Nantes) ; Gabrielle, de 260 tonneaux, à M. Siéber (Havre); Naïade, de 169 tonneaux, à M. Verminck (Marseille) ; puis viennent plusieurs goélettes de 250, de 170, de 100 tonneaux
- Canots de plaisance éclairés à la lumière électrique.
- et au-dessous. Le plus grand bateau à vapeur français d’amateur est la Bretagne, de 1172 tonneaux. C’est un trois-mâts de 76 mètres de longueur, appartenant a M II. Say. La machine compound à deux cylindres est de 120 chevaux nom.
- Le plus petit bateau â vapeur est le Microbe, de 4 tonneaux, appartenant à M. Mors, et dont nous avons précédemment donné la description.
- Le canotage de rivière n’est pas moins cultivé en France, et nos principaux fleuves, pendant la saison deté, comptent aussi de nombreux amateurs. Sur la Seine et sur la Marne, aux environs de Paris, c’est par milliers que l’on pourrait citer les canots et les yoles. Pour de si petites embarcations, les machines à vapeur ne sauraient être employées, mais les mo-
- teurs dynamo-électriques sont très fréquemment usités. Depuis quelques années M. Trouvé a livré plusieurs centaines de machines dynamo-électriques pour des canots d’amateur. Pendant la saison dernière, de nombreux bateaux de plaisance étaient aussi munis d’un système de lumière électrique qui servait de fanal pendant la nuit. La lampe à incandescence, placée au centre d’un réflecteur, est alimentée par une batterie de 6 éléments au bichromate de potasse de M. Trouvé. Notre gravure représente l’aspect de ce curieux éclairage.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier,
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- N° 657. — 2 JANVIER 1886.
- LA NATURE.
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- LES DINOCÉRÀTIDÉS DU WYOMING
- Tous les naturalistes ont entendu parler des étonnantes découvertes paléontologiques qui ont été faites en Amérique dans les territoires de l’Ouest1. Depuis l’établissement du chemin de fer qui traverse l’Amérique, des côtes de l’océan Atlantique à celles de l’océan Pacifique, des contrées jusqu’alors fermées à la civilisation et à la science ont été explorées. On y a trouvé une multitude d’animaux fossiles dont plusieurs sont très différents de ceux que nous connaissons en Europe. *
- La région du Wyoming, comprise entre les mon-
- tagnes Rocheuses, à l'est et la chaîne du Wahsatch, à l’ouest, est une de celles qui ont fourni le plus de surprises aux paléontologistes. A lepoque éoeène, la mer qui l’occupait pendant lepoque crétacée a été remplacée par de vastes lacs d’eau douce, sur les bords desquels s’est épanouie une riche végétation et s’est développée la famille des gigantesques Pachydermes auxquels on a donné le nom de Dinocératulés. M. Marsh vient de publier un grand ouvrage sur ces étranges créatures, et il a bien voulu m’envoyer, pour le Jardin des Plantes, une série de modèles qui permettent de s’en faire une idée très exacte.
- La vue des crânes de Dinocératidés explique
- Crâne d’un Dinocératidé, d’après un des modèles envoyés par M. Marsh au Muséum d'histoire naturelle de Paris.
- (1/6 de grandeur naturelle.)
- pourquoi on leur a donné leur nom (cîuv<k, terrible, xépaç, corne). Jamais on n’avait vu de tètes aussi cornues : les os du nez portent deux petites protubérances osseuses; les maxillaires produisent au-dessus des canines deux fortes protubérances; une troisième paire de protubérances encore plus grosses et plus extraordinaires est formée par les pariétaux; elles se continuent avec une énorme crête qui borde le haut de la partie postérieure de la tête, laissant un grand creux dans le milieu; il n’est pas aisé de comprendre quel pouvait être l’aspect d’une pareille tête à l’état vivant.
- 1 Voy. n0 29, du 20 décembre 1873, p. 33; n° 44, du 4 avrifl874, p. 284.
- U’ aanéf.. — 1* semeatre.
- Le cerveau n’est pas moins étonnant; il laisse complètement à découvert les lobes olfactifs ainsi que le cervelet, et il est plus petit que dans aucun autre Mammifère: il a l’aspect d’un cerveau de reptile. M. Marsh a constaté que la petitesse du cerveau est un caractère propre à plusieurs Mammifères du tertiaire inférieur; cet organe a pris plus de développement chez les genres du tertiaire moyen et surtout chez ceux de l’époque actuelle. Gomme il y a en général quelque relation entre le développement du cerveau et celui de l’intelligence des animaux, on peut croire que les anciens Mammifères ont eu moins d’intelligence que ceux d’aujourd’hui.
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- G(i
- Evidemment, le Coryphodon est l’animal fossile qui, par ses membres et sa dentition, se rapproche le plus des Dinocératidés ; mais notre éminent confrère, M. Hébert, auquel on doit une étude sur le Coryphodbn, jugera sans doute que cet animal est encore bien éloigné des Dinocératidés. Malgré leur taille énorme et certaines dispositions de leurs membres, les grandes bêtes cornues des Western-Territories ne peuvent être rapprochées des Probos-eidiens, car elles n’avaient ni trompe, ni incisives supérieures et, bien que leurs pattes présentent de la ressemblance avec celles des Eléphants, elles diffèrent en ce que leur cuboïde supporte l’astragale, et non le naviculaire. En réalité, les Dinocératidés sont des créatures qui, après avoir contribué à donner une physionomie propre au monde éocène, ont disparu sans laisser de postérité.
- On éprouve quelque étonnement en voyant apparaître, dès l’époque du tertiaire inférieur, des bêtes si puissantes, car les recherches qui ont été faites dernièrement en Amérique, comme celles qui ont eu lieu en Europe, n’o:it jusqu’à présent fourni que des Mammifères secondaires assez chétifs.
- Outre son grand \olume sur les Dinocératidés, M. Marsh a déjà fait paraître un volume sur les oiseaux fossiles qui ont eu des dents, et il va bientôt en donner un troisième sur les Dinosauriens, ces gigantesques et étranges reptiles qui ont joué sur les continents de l’époque secondaire le rôle que les Mammifères ont joué sur les continents de l’époque tertiaire.
- Avant les vastes travaux de M. Marsh sur les Vertébrés fossiles des Western-Territories, il y a eu ceux de M. Leidv, qui ont été aussi très importants. M. Cope, qui a fait de grandes publications sur les mêmes animaux, vient, cette année, de consacrer un gros volume à leur étude. M. Osborn commence à suivre les exemples de MM. Leidy, Marsh et Cope. L’ensemble des découvertes de ces naturalistes a singulièrement enrichi le domaine de la paléontologie. Les savants de notre vieille Europe ne peuvent manquer de suivre avec un intérêt sympathique les courageuses et fécondes explorations des savants de la jeune Amérique1. Albert Gaudry,
- de l’Institut.
- L’ARITHMÉTIQUE EN BOULES
- (Suite. Yoy. p. 54)
- LES NOMBRES CARRÉS.
- Plaçons des boules aux sommets de carrés égaux distribués comme ceux des cases d’un échiquier. Nous avons représenté dans la figure 1 le carré de 5 ; ce carré est un nombre rectangulaire dont les côtés sont égaux; par conséquent, le nombre des unités qu’il renferme est 5x5 ou 25. Nous savons donc calculer, par multiplications successives, tous les carrés; ainsi le nombre des cases de
- 1 Note présentée à l’Académie des sciences.
- l’échiquier de 8 cases de côté est 04; le nombre des cases du damier de 10 cases de côté est 100; mais pour le nombre des sommets de toutes les cases, on doit augmenter le côté d’une unité. Ainsi, dans la figure 9, il y a 16 cases et 25 sommets; de même, le nombre des sommets de l’échiquier est 81 et le nombre des sommets du damier est 121.
- Contrairement à ce que nous avons fait pour les nombres triangulaires, nous trouvons ici tout d'abord le procédé de calcul pour chaque carré pris isolément ; nous allons chercher le procédé par lequel on peut les obtenir par additions successives. Dans ce but,
- ^ous déterminerons ce qu’il faut ajouter à un carré pour obtenir le carré suivant ; nous avons représenté par des boules blanches, dans la figure 2, le nombre qu’il faut ajouter à chacun des carrés pour obtenir le carré suivant. Ce nombre que l’on appelle accroissement, excès ou différence, est formé d’une ligne brisée à angle droit et renferme successivement 3, 5, 7, 9 unités, c’est-à-dire continuellement 2 en plus; il en sera toujours de même, comme il est facile de s’en convaincre. Ainsi les accroissements des carrés sont représentés par les
- o~o~o
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- Fig. 2. — Les accroissements des carrés.
- nombres impairs et l’on voit alors d’une manière évidente que le second carré est la somipe des deux premiers impairs 1 et 3 ; que le troisième carré est la somme des trois premiers impairs; que le quatrième carré est la somme des quatre premiers impairs, et ainsi de suite. On a done cette proposition : La somme des premiers impairs à partir de 1 est égale au carré de leur nombre On la trouve dans l’arithmétique de Nicomaque, de Gérase, qui vivait vers la fin du premier siècle de T ère chrétienne.
- LA TABLE T)ES CARRÉS.
- 2 22 2 2222 2
- Impairs ... 1 5 5 7 9 11 15 15 17 19
- Carrés ... 1 4 9 16 25 7*6 49 64 81 100
- Nous profiterons du théorème précédent pour construire rapidement la table des carrés. Sur une
- Fig. 1.
- Le carré de cinq.
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- LA NATUHF
- première ligne on écrit constamment le nombre 2 ; sur une deuxième ligne on forme successivement les impairs en ajoutant 2 au dernier impair obtenu; sur une troisième ligne, on forme les carrés en ajoutant au dernier carré obtenu le nombre placé au-dessus de la colonne suivante ; ainsi, par exemple, 49 = 56-1-13. On vérifie d'ailleurs le calcul en plaçant à l'avance les carrés des nombres terminés par des zéros, et on doit les retrouver dans le courant de l’opération.
- La table des carrés est d’une extrême importance pour l’arithmétique théorique et pratique, et nous pensons que son emploi est beaucoup plus utile et plus étendu que celui de la table des logarithmes. Nous y reviendrons plus d’une fois dans le courant de cet ouvrage. Nous supposerons donc que l’on possède une telle table, que l’on peut rapidement construire soi-même d’après les indications précédentes. Il n’est pas douteux que c’est par son secours que Fermât a obtenu et démontré la plupart de ses inventions arithmétiques.
- Nous nous servirons de cette table pour résoudre diverses questions. On reconnaîtra tout d’abord si un nombre est carré en le cherchant dans la table, puisque les carrés sont rangés par ordre de grandeur, et nous supposerons d’ailleurs que ce nombre
- Fig. 3 — Théorème de Diophnnte.
- ne dépasse pas les limites de cette table, et par exemple cent millions, si l’on a calculé la table des dix mille premiers carrés. Gomment reconnaître maintenant avec la table des carrés si un nombre donné est triangulaire; on se servira pour cela du théorème suivant que l’on trouve dans l’arithmétique de Diophante :
- Voctuple d'un triangulaire augmenté de l'unité est toujours un carré. La démonstration de ce théorème résulte immédiatement de la vue de la figure 3 ci-dessus.
- Inversement, tout carré impair diminué de l'unité est l'octuple d'un triangulaire.
- Par conséquent pour savoir si 55 est un triangulaire, on le multiplie par 8 et l’on ajoute 1, ce qui fait 441 ou le carré de 21 ; donc 55 est un triangulaire; pour avoir son côté, on prend la moitié du côté du carré diminué préalablement de 1 et l’on trouve 10. Ainsi 55 est le dixième triangulaire.
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- LES RESTES DES CARRÉS.
- A la seule inspection de la table des carrés, on reconnaît immédiatement que ceux-ci sont terminés par l’un des chiffres 0, 5,1,4,6, 9 et ne sont jamais terminés par l’un des quatre chiffres 2, 3,7, 8 ; cela résulte de ce que le dernier chiffre d’un produit est le même que celui du produit de ses deux derniers chiffres. On peut donc affirmer que si un nombre est terminé par 2,3,7, 8, il ne peut être un carré parfait. On dit que les nombres 0,5,1,4,6,9 sont les restes des carrés par 10, et que les autres sont des non-restes ou des non-résidus.
- De même les triangulaires ne sont jamais terminés par l’un des chiffres 2, 4, 9, 7, parce- que leur octuple augmenté de l’unité donnerait pour dernier chiffre un non-reste de carré ; ces observations permettent de simplifier dans beaucoup de cas les recherches pour savoir si un nombre est triangulaire ou carré.
- LES DÉCOMPOSITIONS d’üN CARRÉ.
- Si nous plaçons au-dessous du tableau des triangulaires la ligne des carrés, nous obtenons ainsi la nouvelle table :
- Unités .... 1 1 t 1 1 1 1 1 1 1
- Entiers. ... 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
- Triangulaires. 1 3 6 10 15 21 28 36 45 55
- Carrés .... 1 4 9 16 25 36 49 64 81 100
- On reconnaît immédiatement que tout carré est la somme du triangulaire de même rang et du triangulaire précédent. Cette propriété est visible sur la
- Fig. 4. Fig. 5.
- figure 4; de même la figure 5 nous montre que tout nombre carré est égal à son côté augmenté de deux fois le triangulaire de rang précédent.
- — A suivre. — EDOUARD LüCAS.
- L’AFFAISSEMENT DU PONT-NEUF
- A PARIS
- Lors des fortes crues de la Seine qui ont eu lieu vers le milieu du mois de décembre 1885, une des piles, du côté amont du Pont-Neuf, à Paris, s’est alfaissée, probablement par suite d’un affouillement du sol déterminé par les eaux. Cette pile est une de celles qui se trouvent au milieu du pont, dans sa partie qui traverse le petit bras de la Seine et unit le quai des Orfèvres au quai des Augustins. L’accident a produit un grand émoi à Paris, car s’il est dans le monde des ponts plus importants que le Pont-Neuf,
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- LA A ATI K K.
- il en est peu qui soient aussi célèbres, et dont l’histoire se rattache à tant d’événements.
- Les ingénieuzs de la Ville ont immédiatement pris les précautions nécessaires pour éviter que l’accident ne puisse s’aggraver dans des proportions inquiétantes. Onainterrompu la circulation des voitures, ne laissant qu’un étroit chemin de passage pour les piétons du côté aval. On a débarrassé le tablier du pont de tout le poids qui le chargeait, dalles des trottoirs, pavés, moellons du sol; on a enlevé les becs de gaz, coupé les canalisations de gaz et d’eau. Les matériaux inutiles ont été jetés dans la Seine, à la base même de la pile affaissée, afin de former à sa base un talus de consolidation et de tasser le sol du fond de la rivière. Ces travaux ont été exécutés sous la haute direction de M. Alphand. Notre première gravure
- (fig. 1) montre l’aspect du Pont-Neuf quelques jours après l’accident, on voit que l’affaissement de la pile a déterminé un curieux plissement du tablier, qui forme une courbe très appréciable. A la surface de l’eau est amarré le chaland où des ouvriers jetaient les matériaux au fond du fleuve.
- La partie endommagée du Pont-Neuf va être reconstruite, et un nouveau chapitre va s’ouvrir dans l’histoire de ce Pont qui touche de si près à celle de Paris. Il a été édifié du temps de Henri 111 qui y mit lui-rnême la première pierre le 30 mai 1578. « Le Pont-Neuf, dit Piganiol de la Force dans sa Description historique de la ville de Paris (nouvelle édition, 1775), s’étend sur les deux bras de la Seine qui ont formé l’île du Palais. C’est un des plus beaux ponts de l’Europe. Sa longueur est de
- Fig. 1. — Vue du Pout-Xeul, à Pari», montrant l'affaissement de la jiile du milieu. 22 décembre 1885. (D'après nature.)
- soixante et dix toises, et sa largeur qui est de douze a été partagée en trois parties. Celle du milieu a cinq toises et sert pour les carrosses et autres voitures. Les deux autres sont des banquettes élevées des deux côtés pour la commodité des personnes qui sont à pied. Ces banquettes s’élargissent en demi-cercles sur chaque pile du pont, et c’est là qu’on tendait tous les jours ouvriers de misérables tentes qui embarrassaient la route et offusquaient la vue de ce pont, qui est charmante du côté du cours de la rivière. Ces boutiques ont été supprimées en 1756. »
- Le Pont-Neuf fut commencé le jour même ou Henri III avait vu mettre en terre ses plus chers mignons, de Quelus et de Maugiron. « Les rieurs, dit Piganiol de la Force, disaient qu’il donnerait à ce pont le nom de Pont-des-Pleurs. » Jacques An-drouet en fut l’architecte. Les travaux furent inter-
- rompus jusqu’au règne de Henri IV, qui le fit achever en 1604 sous la direction de Guillaume Marchand.
- La Samaritaine était un des ornements du Pont-Neuf. Ce bâtiment important avait été construit sous le règne de Henri III, à la seconde arche du Pont-Neuf du côté du Louvre (fig. 2). Il renfermait une pompe qui élevait l’eau du fleuve et la distribuait par plusieurs conduites au Louvre et à quelques autres quartiers de la ville. Ce monument de la Samaritaine, reconstruit en 1772, avait été édifié avec beaucoup d’art et de goût, comme on le voit ci-contre, d’après la reproduction que nous donnons d’une ancienne gravure du temps de Louis XIII (fig. 5).
- La Samaritaine était très aimée des promeneurs parisiens qui venaient en écouter le carillon. Elle fut abattue en 1813.
- La statue de Henri IV qui est sur le terre-plein du
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- Pont-Neuf a été commencée en 1614 et ne fut Pendant de longues années, et pendant tout le complètement achevée que longtemps après, en 1655. dix-septième sièode surtout, le Pont-Neuf était le
- Fig. 2. — Le Pont-Neuf au dix-septième siècle, d’après une gravure de Perelle.
- 1. Les tours Saint-Jean. — 2. La pompe de la Samaritaine. — 3. Le portail Saint-Gervais. — 4. Le Pout-au-Change. — 5. Horloge du Palais — 6. La Sainte-Chapelle. — 7. Tours de Notre-Dame. — 8. Collège des Quatre-Nations.
- Fig. 5. — La Samaritaine. Façade donnant sur le Pont-Neuf. (D’après une gravure du dix-septième'siècle.)
- centre de Paris. Là s’y réunissaient toutes les petites industries parisiennes, là y venaient tous les pro-
- meneurs et les flâneurs : Charlatans, colporteurs, bouquinistes en plein air, porteurs d'eau, chanteurs
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- et musiciens nomades, arracheurs de dents, farceurs et comédiens populaires, tout affluait à ce cœur bruyant de la grande Ville, dont le cheval de bronze et la Samaritaine formaient les deux pôles1. Plusieurs gravures de l’époque représentent le fourmillement prodigieux de ce qui était alors le « roi
- des Ponts. » G. T.
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- L’action est égale et contraire à la réaction, nous enseigne un axiome de mécanique. C’est ce que semblerait établir la lutte aux péripéties desquelles nous assistons depuis quelques années entre les machines dynamoélectriques et les piles secondaires et primaires, entre les foyers électriques à arc, à incandescence et les brûleurs à gaz perfectionnés; entre le gaz au charbon ou à l’eau et le gaz d’huile, etc. La dernière production signalée se rapporte à un système d’éclairage au moyen d’un mélange d’huiles lourdes d’hydrocarbone et d’air sous faible pression, dans la proportion de quatre volumes d’air pour un volume d’huile.
- Un réservoir cylindrique contenant environ 130 litres de créosote est muni d’un brûleur auquel se rendent deux tuyaux concentriques, le tuyau intérieur descendant jusqu’au fond et le tuyau extérieur n’allant qu’à la surface. L’air comprimé arrivant par l’espace annulaire, refoule la créosote par le tube intérieur, et celle-ci, avec une portion de l’air comprimé sous pression, brûle vivement, une fois allumée, la lumière défiant l’action du vent ou de la pluie. Un foyer éclaire efficacement un cercle d’un rayon d’environ 200 mètres. Cette lumière est donc essentiellement applicable pour tous les travaux en plein air comme les travaux de ports, constructions de ponts (elle est employée aux travaux du Forth Bridge), gares de marchandises, éclairages de docks, etc., et surtout en cas d’accidents de chemins de fer, chaque fois que dans un sinistre de cette catégorie la chaudière de la locomotive ne sera pas endommagée et pourra fournir la vapeur nécessaire à la production de la force motrice.
- Nous ne voyons pas pourquoi l’emploi de ce système ne serait pas général en cas d’accident de chemin de fer. une chaudière à mise en pression rapide, comme la chaudière Field suffirait à tous les besoins et nous ne sachons pas que le service des pompes à incendie à vapeur dépende d’une production de vapeur indépendante ou hasardée.
- Les inventeurs du système sont MM. Lvle et Hannav.
- J. B.
- UNE SÉPULTURE PRÉHISTORIQUE
- Une découverte fort intéressante au point de vue préhistorique a été faite au commencement de cette année à Dampont, petit hameau dépendant de Ws-Marines, seconde station du chemin de fer de Paris à Dieppe (après Pontoise). Un tombeau a été fouillé ; il remonte à l’époque de la pierre polie et répond parfaitement, par ses dispositions, au fameux Cimetière des Anglais de Vauréal, situé à deux lieues environ et décrit par M. Stanislas Meunier dans sa Géologie des environs (le Paris, mais il en
- 1 Victor Fournel. Les rues du vieux Paris. Firmin- Di-dot, 1879.
- diffère par les particularités suivantes : Trois crânes trépanés en ont été extraits, la couronne de trépan est aussi nette que si elle venait d’être pratiquée par un chirurgien exercé. La dalle qui sépare les deux chambres est percée d’une ouverture qttadrangulaire munie d’une feuillure dans laquelle une fermeture de bois pouvait être maintenue à l’aide d’une poutre, pour laquelle deux trous ont été creusés de chaque côté dans l’épaisseur du grès. La couronne des dents appartenant aux squelettes renfermés dans la chambre funéraire, est manifestement usée et prouve que leurs possesseurs se nourrissaient surtout de grains ou de racines. Les objets transportables ont été déposés chez le garde-chasse et mis gracieusement à la disposition des visiteurs. J’ai recueilli quelques silex, un fragment de maxillaire inférieur et quelques ossements, et les ai déposés au Muséum d’histoire naturelle. Il serait à désirer que les instruments, haches, poteries grossières, ainsi que les crânes restés dans la petite exposition installée chez le garde-chasse, fussent visités parle plus grand nombre possible de personnes compétentes.
- Dr Tiielmier.
- ALLUMOIRS ÉLECTRIQUES
- AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE
- J’ai eu l’occasion de me procurer récemment une bien curieuse brochure in-8° de 36 pages, imprimée à Strasbourg, il y a plus d’un siècle, en 4780, et intitulée Description et usage de quelques lampes à air inflammable, par F.-L. Ehrmann, démonstrateur de physique expérimentale à Strasbourg. Cet opuscule donne la description, le croirait-on? de véritables allumoirs électriques, analogues à ceux que nos constructeurs ont imaginés dans ces dernières années. Il nous a semblé curieux de faire connaître ces ingénieux appareils dans lesquels les inventeurs mettaient à profit l’inflammabilité du gaz hydrogène récemment découvert, sous l’influence de l’étincelle électrique obtenue au moyen d’un électrophore. « Il y a quelques années, dit l’auteur en 1780, que M. Néret a donné la description d’un réchaud à air inflammable. Ces lampes sont d’autant plus commodes, surtout la nuit, qu’étant couché on peut se procurer dans l’instant, par leur moyen, de la lumière, sans être obligé de se servir du briquet et respirer l’odeur du soufre des allumettes. »
- La première lampe que nous allons décrire et que nous reproduisons est, d’après M. Erhmann, de l’invention de M. Fürstenberger, « citoyen de Bâle et physicien très éclairé. » La figure 1 représente l’appareil ; il consiste essentiellement en deux flacons communicants A et B séparés par une tubulure E, a robinet R. Ces récipients sont munis de viroles H et D qui les relient à la tubulure.
- Le vase inférieur A est rempli de gaz hydrogène que l’on a recueilli sur une cuve à eau. Le vase supérieur B contient de l’eau. Si l’on ouvre le robinet R, l’eau tombe dans le gazomètre inférieur A, et chasse l’hydrogène par le tube g. A cet effet, on a ouvert le robinet S. Le gaz hydrogène s’é-
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- chappe en K ; si l’on fait jaillir une étincelle électrique entre les deux points métalliques oo, qui glissent entre deux cylindres de métal m et de verre n à l'extrémité de supports isolants LL on détermine l’inllammation du gaz combustible, et l’on
- peut allumer ainsi une bougie qu’on en approche. Lorsqu'on veut éteindre la lampe, on ferme d’abord le robinet S qui conduit le gaz, puis le robinet R pour arrêter l’écoulement de l’eau. L’étincelle électrique est obtenue au moyen d’un élec-trophore, comme cela est indiqué dans la gravure suivante (fig. 2).
- Cette figure 2 représente un autre allumoir électrique ou lampe à air inflammable pour nous servir de l’expression du temps, imaginée par M. Erbmann et son jeune frère. Une bouteille A
- Fig. 2. — Autre allumoir électrique de la même époque.
- remplie d’bydrogène est enfermée dans un grand bocal B plein d’eau. Cette bouteille A porte à sa partie inférieure, un orifice que n’indique pas la figure, et que l’on peut ouvrir et fermer extérieurement, par une petite vis placée au fond de l’appareil. Quand l’orifice est ouvert, l’eau pénètre dans le vase A, en chasse l’hydrogène qui s’échappe par l’orifice supérieur II, le robinet R fixé à la boîte D
- étant ouvert. L’électrophore L K permet de faire jaillir l’étincelle entre les tiges métalliques I G et d’allumer une petite mèche placé dans la llamme ainsi produite de l’hydrogène.
- M. F.-L. Ehrmann décrit encore quelques autres lampes analogues dans sa brochure, mais nous ne croyons pas devoir prolonger cette notice que nous avons écrite dans un intérêt purement historique. Gaston Tissandier.
- LES CIMENTS DE LA PORTE-DE-FRANCE
- La fabrication des ciments constitue une des branches les plus importantes de l’industrie de la région du Dauphiné. Pendant leur séjour à Grenoble, les membres de Y Association française ont pu étudierde près, en 1885, les diverses opérations d’exploitation des carrières, de cuisson des calcaires qui fournissent les ciments si renommés de ce pays. Un groupe fort nombreux a visité la belle exploitation de la société dite de la Porle-de-France, qui comprend sous la même raison sociale, trois maisons occupées de cette fabrication : les maisons Dumollard et Viallet, Arnaud, Vendre et Carrière, Dupuy, de Bordes et Cie.
- Sur les flancs du mont Radiais, aux pieds duquel est située la ville de Grenoble, s’étagent successivement le couvent de Sainte-Marie d’en haut, le fort Rabot et la Bastille. Du haut de la forteresse (485 mètres d’altitude) le visiteur voit se dérouler un des plus merveilleux panoramas que l’on puisse rencontrer. Si l’on poursuit l’ascension, on arrive sur un des contre-forts du mont Rachais, le mont Jalla, au sommet duquel se trouvent les galeries d’exploitation de MM. Dumollard et Viallet; on est encore loin de la pointe du Rachais (1035 mètres d’altitude), mais on domine de plus de 300 mètres la Bastille. C’est dire que le panorama est encore plus grandiose. Pour arriver jusque-là, but de l’excursion industrielle, la promenade était longue et un peu pénible, sous les chauds rayons d’un soleil d’août; mais les excursionnistes ont été vite dédommagés de leur peine par l’accueil si cordial et si aimable des directeurs et des ingénieurs de la société et par l’étude des détails si intéressants de cette exploitation.
- C’est dans les flancs du mont Jalla que le colonel Breton découvrit en 1842 le filon qn’on exploite actuellement; ce filon ou plutôt ces filons, car, à côté du principal qui a environ 4 à 5 mètres de largeur, il en existe de moins importants, s’étendent du haut en bas de la montagne, avec une inclinaison d’environ 15 degrés. Ils sont formés par une couche de calcaire argileux, bitumineux, de couleur noire à grains très fins, à cassures conchoïdes. La proportion d’argile est d’environ 24 pour 100. C’est la teneur la plus apte, d’après les recherches de Yicat, à donner un ciment parfait. Tout calcaire marneux homogène contenant, naturellement ou par suite de mélanges convenables, de 23 à 50 pour 100
- Fig. 1. — Allumoir électrique inventé en 1780, par Fürstenberger.
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- d’argile, peut, par une cuisson bien dirigée, donner des ciments. Au-dessous de 23 pour 100 il ne produirait que des chaux : chaux grasse ou maigre, si la proportion d'argile est inférieure à 10 ou 12 pour 100; chaux hydraulique, si elle est comprise entre 12 et 20. Au-dessus de 30 pour 100 d’argile, le calcaire ne donne qu’un ciment médiocre .
- L’exploitation du calcaire se fait dans 40 galeries superposées ayant chacune 3m,50 de hauteur séparées par des plafonds de même épaisseur ; quelques-unes dépassent un kilomètre de long. Pour assurer la régularité de la fabrication, on a du créer diverses installations ; la plus importante, située à la partie supérieure de la couche, présente un grand intérêt au point de vue de l’art de l’ingénieur. Elle comprend l’exploitation de 20 galeries, étagées sur une hauteur d’environ 140 mètres, dont la principale se trouve à la cote 400 mètres au-dessus du niveau supérieur des fours. Les pierres extraites des galeries supérieures (au nombre de 14) y sont amenées dans la galerie centrale par des puits inclinés ; celles provenant des 6 galeries inférieures y sont remontées par un monte - charge et chargées dans des wagonnets qui roulent, par simple déclivité de niveau, sur une voie ferrée établie sur le flanc de la montagne et d’une longueur de plus de 800 mètres.
- Pour franchir les 400 mètres qui séparent cet étage de l’usine des fours, on ne pouvait songer à aucun système de puits, de plan incliné; le rocher est à pic sur une grande hauteur et plus bas, le sol est hérissé d’obstacles de toute nature. La disposition adoptée est celle d’un câble aérien, d’une portée énorme. Entre la gare de départ et la gare d’arrivée,-la distance verticale est de 310 mètres. 11 s’agissait d’établir un câble de 600 mètres, sans supports intermédiaires et capable de supporter des charges constantes de 1000 kilogrammes par wagonnet. La
- portée était double de celle qu’on avait donnée jusque-là à ces câbles et la charge dépassait de moitié les charges ordinaires. Le résultat complet ne fut pas obtenu du premier coup. On avait d’abord relié les deux gares par deux câbles de fil d’acier de 45 millimètres de diamètre servant de support aux caisses de transport. Pour assurer la traction (descente et remonte) d’une façon régulière, on avait eu l'idée de relier les caisses par un câble de retenue ; mais la résistance offerte par cette masse de 600 kilogrammes déterminait de grandes irrégularités dans le mouvement et des changements rapides de
- tension dans les câbles de retenue, d’où des accidents nombreux et une usure très notable.
- On remédia à ces inconvénients en reliant les caisses à la partie inférieure par un câble semblable au premier, de façon à équilibrer les poids. La régularité de tension est assurée dans ce câble sans fin de 1200 mètres de longueur par son enroulement à la gare d’arrivée, sur une poulie portée par un wagon tendeur qui glisse sur un plan incliné de 20 mètres de long, suivant les variations de la tension. Les résultats de cette installation, la plus importante qu’on connaisse en Europe sont parfaits. Je dis en Europe, car en Australie, les mines de diamants sont tapissées de câbles de toute dimension pour remonter les terres au niveau du sol. Les wagonnets glissent rapidement, sans oscillations sur le câble, avec une vitesse de 6 mètres à la seconde. Dès que le wagonnet est chargé, une sonnerie électrique donne le signal de la mise en marche, et la caisse, pleine de calcaire, descend pendant que remonte la caisse vide. Les besoins croissants de l’exploitation ont nécessité l’adjonction d’un second câble, disposé de la même manière, et l’on peut voir sur la figure 1 les quatre câbles, qui de loin représentent de vrais fils télégraphiques, traverser le précipice qui sépare les deux usines. (Voy. détails, fig. 2 et 3.)
- Fig. 1.— Exploitation des ciments de la Porte-de-France, près de Grenoble. Vue d’ensemble du câble automoteur servant au transport de la pierre à ciment. (D’après une photographie.)
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- Fig. 3. — Exploitation des ciments de la Porte-de-Frânce, près Grenoble. Partie intérieure du câble aérien avec le détail des wagonnets.
- (D’après une photographie.)
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- L’établissement Arnaud, Vendre et Carrière, qui fait partie de la société et qui est situé à mi-hauteur du mont Jalla, a une installation analogue pour descendre les calcaires de ses galeries. Le câble est de moindres dimensions; il n’a qu’une portée de 500 mètres.
- A la gare d’arrivée, au point d’attache inférieure du câble, les pierres sont encore loin des fours ; elles y arrivent par un puits vertical de 90 mètres de hauteur et tombent dans les wagonnets qui les conduisent par une galerie de 400 mètres dans 47 fours, d’une capacité moyenne de 80 mètres cubes, qui cuisent sans arrêt le précieux calcaire.
- Pour la cuisson, la pierre est mélangée par couches alternatives à de l’anthracite; la durée de l’opération est variable. Au défournement, on trie les pierres surcuites, vitrifiées, de couleur noire, donnant le ciment lent, dit Portland naturel de la Porte-de-France, et les pierres cuites, non vitrifiées, de couleur jaunâtre, de densité inférieure, donnant le ciment prompt, enfin les incuits que l’on rejette.
- Ces produits sont transportés aux moulins de Saint-Robert et de Grenoble, la force motrice manquant au voisinage des fours.
- Sorti des moulins, le ciment passe sur des blute-ries où il est tamisé et de là est emmagasiné dans de vastes silos de la capacité totale de 20 mille mètres cubes.
- La fabrication comporte quatre variétés de ciments :
- 1° Ciment prompt ;
- 2° Portland naturel à prise demi-lente ;
- 5° — artificiel à prise lente ;
- 4° Ciment blanc.
- Je me bornerai à citer les principales applications de ces diverses variétés, bien connues des ingénieurs : avec le ciment prompt, les conduites d’eau sous pression, adoptées dans un grand nombre de villes; les conduites en béton de ciment pour les transmissions électriques, télégraphe et téléphone, appliquées pour la construction d’une partie du réseau télégraphique souterrain ; les égouts et conduites à grande section, les revêtements et consolidation de tunnels, etc. Avec le ciment Portland artificiel à prise lente, la confection des trottoirs, dallages, rues et chaussées. À Grenoble, on a remplacé le pavé de plusieurs rues par un dallage en ciment qui résiste admirablement aux intempéries des saisons. Pour qui connaît le pavé pointu abominable, de plusieurs de nos petites et même de nos grandes villes, on ne peut que souhaiter à la Société Delune de la voir chargée, à bref délai, à défaut de pavage en bois, de la réfection de toutes les chaussées de France. Les membres de l’Association française ont conservé de cette visite le plus charmant souvenir et je suis heureux, pour ma part, de l’occasion qui m’est offerte d’exprimer aux propriétaires et directeurs de cette exploitation mes sincères remerciements. Dr A. Cartaz.
- LA NYCTÉRIBIE
- On sait combien l’histoire des parasites révèle de particularités intéressantes, soit au point de vue de l’organisation, soit au point de vue du développement. Nous allons étudier succinctement un parasite, assez généralement peu connu.
- La Nyctéribie (Nycleribia vcspertilionis Latr.) vit aux dépens de la Chauve-souris grand fer à cheval (Rhi-nolophus unihastatus) que l’on trouve assez fréquemment dans le midi de la France. Ce parasite est un Diptère que l’on place généralement à côté des Hippoboscides ; il mesure à peu près de 3 à 5 millimètres de longueur. A un grossissement modéré, la Nyctéribie offre un aspect
- Gr.nat-
- Parasite de la chauve-souris. (Nycteribia vesperlilionis Latr.) — 1. Nyctéribie grossie et grandeur naturelle. — 2. Tarse d’une patte. — 5. Stigmate.
- des plus bizarres ; avec ses six pattes démesurément longues, ses poils, ses griffes, elle ressemble plus à une araignée qu’à un Diptère dont elle n’a pas du tout le faciès caractérisque.
- Quand on prend une Chauve-souris infestée de ces parasites (celles que j’ai eues entre les mains en avaient de 5 à 5), on voit les Nyctéribies qui courent rapidement sur les poils, puis s’enfoncent et disparaissent, mais sur le sol elles sont inaptes à se mouvoir avec agilité. Tout en elles est disposé de façon à s’attacher à leur hôte assez solidement pour résister aux mouvements du vol.
- Tout le corps et surtout les pattes sont revêtus de longs poils, qui contribuent à lui donner sa singulière physionomie ; ce sont tous des poils tactiles, c’est-à-dire mobiles et insérés dans une cupule. Ces poils affectent souvent une disposition pectinée, sur le thorax et le premier article de la troisième paire de pattes.
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- Le tarse est merveilleusement disposé pour la préhension; outre les griffes terminales, il y a deux appendices latéraux, armés de pointes courtes, qui les aident puis samment, en agissant comme les deux mors d’une pince.
- L’armature buccale esi tout entière dorsale, de sorte que les Nyctéribies sucent le sang renversées sur le dos. Ce fait a été constaté par diverses observateurs, mais la raison me semble difficile à trouver.
- Il n’y a pas d’ailes (ce qui jure un peu avec le nom de Diptères), mais les balanciers subsistent, de sorte que si l’on admet que les balanciers représentent les ailes de la deuxième paire chez les Diptères, on est amené à admettre que la première paire d’ailes s’est seulement atrophiée. On voit parfaitement le mouvement de ces balanciers chez les Nyctéribies vivantes.
- Le premier article de l’abdomen recouvre les suivants en formant une espèce d’élvtre ; enfin deux appendices pourvus de quatre longs poils terminent le corps.
- Il y a deux stigmates placés entre les deux premières paires de pattes, comme chez les Hippobosques, chaque stigmate est recouvert par un peigne dont l’usage est tout à fait inconnu.
- Les Nyctéribies ne subissent pas de métamorphoses, du moins d’après Latreille.
- On voit combien le parasitisme peut déformer le plan général du Diptère; mais on retrouve toujours les grands caractères morphologiques qui permettent de rattacher la Nyctéribie à ce groupe. L. Cuénot,
- Licencie es sciences naturelles.
- U CATASTROPHE DE CHANCELADE
- PRÈS DE PÉRIGUEUX
- Les carrières de Chancelade, dont l’écroulement subit a fait de nombreuses victimes et a eu dans toute la France un douloureux retentissement, sont situées à 7 kilomètres de Périgueux, dans la vallée de la Beauronne, et tout près du chemin de fer de Périgueux à Paris. Elles étaient exploitées depuis un grand nombre d’années. Plus de 200 000 mètres cubes en ont été extraits et employés à divers usages. La pierre de Chancelade, d’abord très tendre, durcit à l’air, et n’est pas gélive quand elle a perdu son eau de carrière.
- La partie exploitée représente a peu près un segment de cercle dont le diamètre serait de 350 mètres et la flèche de 200. La surface fouillée est d’environ 5 hectares, et la hauteur des bancs de bonne qualité est de 5 à 6 mètres. De nombreux piliers, ménagés assez irrégulièrement, soutenaient le plafond de la carrière.
- A un moment donné, tous ces piliers se sont écrasés pour ainsi dire instantanément, ensevelissant sous leurs débris six victimes; la montagne tout entière s’est affaissée, des fissures nombreuses se sont produites à sa surface et ont déterminé la chute ou l’ébranlement de toutes les constructions établies sur le coteau, et formant le petit hameau d’Empeyraud bas.
- En même temps, le front de la carrière, projeté en avant, s’éboulait à grand fracas, et ensevelissait
- sous ses débris plusieurs personnes qui suivaient le chemin dit de la Beauronne.
- Nous ne connaissons aucun exemple d’un écrasement aussi subit et aussi général. II a fallu que les piliers aient supporté depuis longtemps une charge supérieure à leur limite d’élasticité ; sans doute ils s’étaient lentement désagrégés, et l’ébranlement, produit par la chute du premier d’entre eux, aura déterminé la destruction complète de cette masse en partie désorganisée.
- Telle est, au point de vue purement matériel, la catastrophe de Chancelade. II nous reste à en taire en quelque sorte l’historique, à décrire l’impression qu’elle a produite, et à faire connaître les efforts qui ont dû être faits pour sauver les victimes.
- Le dimanche 22 octobre 1885, dans l’après-midi, les personnes qui se trouvaient aux environs deCban-celade entendirent un grondement sourd et de peu de durée, ressemblant assez au bruit du tonnerre. On vit en même temps sortir des ouvertures des carrières, comme de la bouche d’un canon, un immense nuage de poussière et de gravats. Les spectateurs comprirent qu’un éboulement venait d’avoir lieu dans les carrières, mais ils ne purent en ce moment se faire une idée complète du désastre.
- Plusieurs personnes, parmi lesquelles le maire de la commune, se rendirent immédiatement à Périgueux pour prévenir les autorités. Aussitôt, le général commandant la division, le préfet, les ingénieurs, des médecins, partirent pour Chancelade.
- Le spectacle qu’ils aperçurent à leur arrivée était navrant. Sur la colline, des maisons détruites, dont on ne voyait plus que les toits au niveau du sol ; les bouches des carrières obstruées par des éboulements qui fermaient sur divers points le chemin de la Beauronne; les ateliers ou maisons, aux abords des carrières, renversés. Un bloc énorme, détaché de la colline, surplombait et menaçait de s’ébouler sur la voie ferrée. Partout le chaos et l’image de la désolation ; les parents des victimes erraient affolés au milieu des ruines.
- Les premiers renseignements pris, on courut au plus pressé. Des ouvriers, dont on ignorait encore le nombre, étaient ensevelis dans les carrières; la nuit tombait, et la colline étant encore en mouvement, on ne pouvait rien tenter de ce côté; mais des femmes, des enfants, enterrés sous les décombres des maisons, étaient peut-être vivants encore et devaient être dégagés immédiatement. On escalada le coteau, sillonné de fissures qu’il fallait à chaque instant enjamber ou sauter, et on parvint au petit hameau d’Empeyraud bas, composé de six ou sept maisons dont les décombres étaient confondus. La nuit venait, on se procura des torches, des lanternes, des pioches, et sur divers points on organisa le déblaiement.
- D’un amas de débris partaient des gémissements; c’était une jeune femme ensevelie avec son enfant. Heureusement le plancher de sa maison avait, en
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- s’écroulant, formé un petit réduit dans lequel elle avait pu être préservée de l’écrasement. Après avoir enlevé les premiers décombres, on put la toucher et même la voir. Tout le monde rivalisa de zèle, et en creusant, à travers les débris, une sorte de galerie étayée, on parvint à la dégager au milieu de dangers sérieux ; car à chaque instant les décombres menaçaient de s’ébouler sur les sauveteurs. Une grosse pierre, provenant du manteau de la cheminée, qui s’engageait sous les éboulis, et pesait sur les jambes de la malheureuse, paralysa longtemps les efforts des sauveteurs. Enfin, vers minuit, elle fut retirée dans un état assez satisfaisant. Elle est aujourd’hui rétablie. Le corps de son enfant ne put être dégagé que le lendemain.
- Pendant que ce sauvetage s’accomplissait, on retirait des ruines d’une autre maison deux cadavres, ceux d’un enfant, et d’une femme âgée. Ils paraissaient avoir été étouffés, presque sans souffrance, au moment de la chute de la maison.
- Le même soir, une reconnaissance le long des carrières put permettre d’apprécier la difficulté ou pour mieux dire la presque impossibilité d’arriver par là aux ouvriers ensevelis. Toutes les ouvertures étaient fissurées ou obstruées; l’une d’elles était presque entièrement remplie par les eaux que l’ébou-lement avait fait refluer, et on ne pouvait alors y entrer qu’en bateau.
- Le lendemain fut consacré à l’exploration des carrières. Des hommes dévoués s’engagèrent à plusieurs reprises au péril de leur vie au milieu des masses rocheuses en voie d’écrasement. Ils eurent le bonheur d'en sortir sains et saufs ; mais leur excursion fut inutile. En vain ils essayaient d’appeler ; ils n’entendaient que le bruit de nouveaux éboulements qui se produisaient autour d’eux. Ils ne trouvaient aucun passage qui ne fut fermé par des éboulis, et rien ne leur permit d’espérer qu’on pût arriver par cette voie jusqu’aux carriers ensevelis. Ce même jour, le père d’un de ces malheureux ouvriers, désespéré, s’engagea à son tour dans ce dédale, à la recherche de son fils. On ne l’a plus revu et on ignore sur quel point des carrières et de quelle manière il a trouvé la mort.
- Il parut dès lors impossible d'arriver par les carrières jusqu’aux ouvriers ensevelis, morts ou vivants.
- Au moment de la catastrophe, ils étaient occupés à creuser, au fond de la carrière, une galerie d’avancement, à l’endroit du plan où est indiqué un forage. On supposait que, surpris par l’éboule-ment, ils avaient pu être enfermés dans cette gale-
- rie restée intacte, parce qu’elle était creusée dans le massif même de la montagne. 11 aurait fallu pour cela que l’éboulement, absolument instantané pour les personnes placées à l’extérieur, n’eût été précédé, à l’intérieur, par aucun craquement précurseur de l’écrasement des piliers. Cette hypo-_ thèse est bien peu vraisemblable, et elle est contredite par l’affirmation de la veuve d’un des carriers, qui s’était engagée dans les galeries quelques instants avant la catastrophe, à la recherche de son mari. Elle distinguait déjà les voix des ouvriers, lorsqu’elle entendit le bruit sourd d’un grand éboule-ment. Epouvantée, elle rebroussa chemin et réussit à sortir des carrières avant la catastrophe.
- Il est donc probable que les ouvriers, prévenus par ce premier mouvement, avaient quitté leur travail et cherchaient leur salut dans la fuite lorsque tout s’est éboulé. Peut-être ont-ils été écrasés à quelques mètres seulement de l’entrée des carrières.
- Quoi qu’il en soit, on admettait alors que les ouvriers ne pouvaient exister sains et saufs que dans la galerie où ils travaillaient. Deux moyens
- se présentaient à l’esprit pour arriver jusqu’à eux. Le premier consistait à pratiquer dans la montagne soit un puits, soit un trou de forage, afin d’arriver ainsi à la galerie d’avancement, dont un des propriétaires des carrières indiquait, sur le sol de la colline, l’emplacement probable. Nous disons probable, parce qu’il n’existait aucun plan exact des nouvelles galeries.
- Mais ce puits ou ce trou de forage devait être ouvert dans des terrains rocheux extrêmement durs, coupés par des couches d’argile, d’une épaisseur de 63 mètres. Le percement devait prendre un temps considérable, et il paraissait impossible de délivrer par ce moyen les malheureux carriers.
- M. Tournaire, inspecteur général des mines, envoyé à Chancelade par M. le ministre des Travaux publics, pensa qu’en suivant l’extrême limite des exploitations, vers la gauche (Voy. le plan figure 2), on aurait chance de rencontrer des galeries non entièrement éboulées, et de se rapprocher ainsi peu à peu du point indiqué. Ce travail fut immédiatement commencé, sous sa direction ; il était hardi, dangereux même ; et on fut bientôt obligé de l’interrompre à la suite d’un éboulement qui menaça d'écraser un certain nombre de personnes, parmi lesquelles le préfet du département1.
- Nous ne parlerons que pour mémoire d’une ten-
- 1 Le chemin suivi par M. Tournaire a, depuis, été entièrement obstrué par des ébou) ements.
- Terrains récents. Eboulis et dépôts meubles. 3*rrt,Mhi,argü^s0ke. A
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- Fig. 1.— Carrières de Chancelade. Prolilen travers avec indieationdes couches géologiques
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- LA AATUUE
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- tative faite par des carriers de Jonzac pour percer, à travers la montagne, à l’aide d’un trépan, un trou de quelques centimètres, qui, dans leur opinion, devait permettre d’entrer en communication avec les carriers, s’ils existaient encore et de leur faire passer quelques aliments. Cette tentative échoua par suite d’une avarie à la tige du trépan, qu’on ne put retirer et qui resta dans le trou de forage.
- Une tentative plus sérieusefut commencée le 14 novembre par un comité d’initiative privée, formé à Périgueux. L’exécution du forage fut confiée à une des premières maisons de Paris, qui se mit immédiatement à l’œuvre, munie des engins les plus perfectionnés. Le diamètre du trou était de 0m,20. Les travaux se continuent très activement, sans autres incidents que ceux qu’on doit s’attendre à rencontrer en pareil cas, et dont on doit toujours tenir compte dans ses prévision s.
- Le 26 décembre, ce forage était arrivé à 58 mètres. Le percement moyen a donc été d’environ 1 m,40 par jour et l’opération aura duré plus de six semaines.
- Les journaux ont annoncé que le but du comité d’initiative était de se procurer, par le moyen du trou de forage, des photographies de la cavité, prises à la lumière électrique* alin de savoir si elle renferme les cadavres des carriers. Si ce but n’est pas atteint, la tentative du comité aura toujours eu pour résultat de fournir des données assez positives sur le temps qu’il aurait lallu pour arriver jusqu’à la galerie au moyen d’un puits praticable, et pour en retirer les ouvriers morts ou vivants.
- Ici se termine l’historique des tentatives faites pour délivrer ces infortunés.
- Il nous reste à faire connaître quelques effets curieux de la catastrophe de Chancelade.
- Au premier moment, la masse d’air contenue dans les galeries a été si violemment comprimée, qu’elle a produit les effets les plus variés et les plus singuliers.
- Un jeune enfant a été enlevé par cette sorte de trombe et jeté violemment à quelque distance dans
- les prés, pendant que ses parents, qui étaient en dehors delà sphère d’action de l'ouragan, étaient écrasés par des éboulis.
- L’air chassé avec violence a déposé, comme une sorte de crépissage, les menus gravats provenant des carrières sur les murs d’une maison voisine. Des arbres ont été déracinés, une charrette et des poutres enlevées et transportées au loin.
- Un phénomène qui a excité la plus vive émotion s’est produit deux ou trois jours après la catastrophe. Une fumée abondante est sortie par les fissures du terrain et même par les orifices des carrières. De nombreuses explications de ce phénomène ont été données; aucune ne satisfait complètement I l’esprit. L’une des plus vraisemblables consiste à
- penser que des bougies laissées par les explorateurs ont pu met • tre le feu à des amas de paille et de fumier desséchés , qui servaient dans une partie des carrières à la culture des champignons. On a pensé dans le public que cette- fumée provenait d’un feu allumé par les carriers,pour attirer l’attention sur leur situation ; mais cette hypothèse parait peu vraisemblable et le résultat le plus certain de la pro-duction d’une aussi grande quantité de fumée
- aurait été tout d’abord de les faire périr par asphyxie.
- Beaucoup plus tard — il y a dix jours à peine — on a vu ou cru voir sortir de nouveau de la fumée de quelques fissures et du trou de forage.
- Il est permis de penser que l’air, chaud et saturé d’humidité, que contiennent les cavités restant dans les carrières, aura été expulsé soit par un tassement du coteau, soit par suite d’un abaissement de la pression barométrique, et qu’en se mêlant à l’atmosphère extérieure plus froide, il aura développé une vapeur qu’on aura prise pour de la fumée, d’autant plus facilement qu’à la suite du premier incendie, l’atmosphère des carrières a pu conserver une odeur de brûlé. Nous tiendrons les lecteurs de La Nature au courant des nouveaux phénomènes qui pourraient se produire et des résultats du forage entrepris par le comité d’initiative.
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- Fig. 2. — Plan de surface et souterrains des carrières de Chancelade.
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- LA NAT U LE.
- Les événements de Chaneelade et leurs diverses péripéties ont donné lieu, dans la presse locale et dans le public, à de violentes polémiques auxquelles nous voulons rester étranger dans cet article. Nous nous sommes efforcé d’exposer, en quelque sorte scientifiquement, les faits tels qu’ils se sont produits, sans discussion et sans appréciation, laissant aux lecteurs le soin d’en tirer les conclusions qu’ils ju- , geront convenable.
- CHRONIQUE
- La péninsule de Kola. — M. Charles Rabot a communiqué récemment à la Société de géographie les résultats de la nouvelle exploration qu’il a entreprise dans l'Europe arctique. Ce voyageur a visité, l’été dernier, la Laponie russe ou péninsule de Kola, une des régions les moins connues de l’Europe. Les cartes figuraient cette presqu’île comme un pays de plaines ; M. Rabot y signale, au contraire, l’existence de chaînes de montagnes atteignant et même dépassant l’altitude de 1000 mètres. Ces chaînes formeraient entre l’océan Glacial et la mer Blanche trois grands reliefs séparés les uns des autres par de larges dépressions couvertes de forêts, de marais et de lacs.
- Un canon sous-marin. — L’artillerie sous-marine vient de s’enrichir d’un canon monstre, fabriqué aux Etats-Unis pour le compte du gouvernement britannique, et récemment amené à l’arsenal de Woohvich par un lieutenant de la marine anglaise, chargé d’aller en prendre livraison en Amérique. Ce canon est l’invention du capitaine Ericson et est destiné au lancement sous-marin de projectiles ou de torpilles. Le canon et le projectile ont environ la même longueur : malgré que la différence de poids soit considérable, celui-ci ne pesant qu’une tonne tandis que 40 tonnes d’acier entrent dans la construction de celui-là. Le canon a 9 mètres de long, un alésage lisse de 0m,41 et se charge par la culasse; la lumière est axiale et est scellée, prévenant l’échappement des gaz résultant de la combustion de la poudre. Le projectile a 7m,50 de long et il est creux. Il est déchargé à l’avant d’un navire, à une profondeur de 2m,70 au-dessous de la ligne de flottaison. Le projectile traverse à la décharge une membrane en caoutchouc dont la gueule du canon est pourvue pour empêcher au repos l’eau de rentrer dans Pâme ; il est muni d’une aiguille à percussion armée sur un ressort de sûreté d’une tension d’environ 500 kilogrammes et sa position est déterminée par un taquet l’arrêtant à quelques centimètres de la membrane en caoutchouc. Une charge de poudre de 9 kilogrammes est, dit-on, suffisante pour un tir précis à 270 mètres sous l’eau ; cependant une précision convenable à cette distance est considérée douteuse. Le projectile est lesté, de manière à rester immergé et sa profondeur d’immersion ainsi que sa position latérale, sont maintenues au moyen d’une plaque supérieure laquelle s’ouvre au moment où le projectile sort du canon, et agit à la façon d’un gouvernail. Ce nouvel engin sera probablement essayé prochainement à Portsmouth. J. B.
- Alliage ayant l’aspect de l’or. — On obtient un alliage ayant entièrement l’aspect de l’or avec 16 parties de cuivre, 1 de zinc et 7 de platine. Cet alliage est exclusivement malléable et peut être laminé et étiré en feuilles et en fils excessivement minces lorsqu’il est dépourvu de fer. 1/2000 de fer diminue déjà sensiblement la malléabilité de l’alliage. Ce dernier ne subit aucune altération
- lorsqu’il est exposé aux actions atmosphériques et n’est pas attaquable par l’acide azotique. On fait d’abord fondre en présence d’une certaine quantité de borax, et sous une couche de charbon en poudre, le cuivre et le platine, puis on ajoute, en enlevant la masse en fusion du feu et en ajoutant convenablement la quantité voulue de zinc.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 28 décembre 1885. — Présidence de JI. l’amiral
- JCRIEN DE LA. GRAVIÈRE.
- M. Tulasne. — M. le président annonce à l’Académie la perte qu’elle vient de faire en la personne de M. Tulasne décédé à Ilyères le 22 décembre, à la suite d’une attaque d’apoplexie. M. Tulasne était entré à l’Académie des sciences le 9 janvier 1854 en occupant le fauteuil d’Adrien de Jussieu. D’un caractère très timide il ne prit que rarement la parole dans les séances ; sa santé toujours chancelante le força de quitter Paris pour Hvères, dès 1864. On sait quels importants travaux il laisse sur les végétaux inférieurs et cependant presque toutes ses recherches sont circonscrites dans une période de vingt-cinq années. Elles ont porté principalement sur les champignons, et dans le champ de leur étude il a non seulement agrandi, mais réformé. Ce qu’il a publié sur les lichens est également considérable et l’on sait que ce sont ses travaux qui ont ruiné la doctrine allemande du pollen embryon.
- Oscillations du sol. — Les gouvernements de Suède et d’Italie ont organisé depuis longtemps des commissions chargées d’étudier les mouvements du sol. Un député de la Manche, M. Quesnault, qui a étudié les mouvements des côtes de ce département a sollicité pour la France l’organisation d’une commission semblable. Le ministre, par une lettre, demande à l’Académie de choisir quelques-uns de ses membres pour étudier la question.
- La marine des anciens. — Un ouvrage de M. le contre-amiral Serre sur les marines de guerre des anciens est présenté et analysé par M. le Président. L’auteur, qui s’était occupé d’abord de la marine grecque, a eu de grandes difficultés à se faire une opinion. Il admet que les navires grecs avaient des superpositions de rangs de rames qui servaient en temps ordinaires ou dans les revues, mais qu’en cas de combat on ne conservait qu’un seul rang, une autre disposition étant absolument impossible. A ce propos M. Jurien de la Gravière fait observer que, sous Napoléon Ier lorsqu’il s’était agi d’une descente en Angleterre, on avait essayé tous les systèmes de bateaux à rames et qu’un chantier pour leur construction avait été installé aux Invalides. La marine romaine qui est étudiée également dans cet ouvrage n’aurait pas été, d’après M. Serre, ce que les historiens les plus autorisés ont cru. Polybe aurait d’ailleurs un peu abusé de la crédulité de ses contemporains. Les trirèmes carthaginoises, loin de pouvoir contenir 500 hommes, n’auraient été que de petits bâtiments mus par trois paires de rames. La réalité d’une pareille assertion impliquerait de graves erreurs dans nombre de descriptions historiques. M. Jurien de la Gravière qui, du reste, ne partage pas les opinions de M. Serre sur la marine antique, constate que la marine actuelle tend à se rapprocher de la marine ancienne, car on donne un grand développement, en Russie et en Allemagne au moins, aux flottilles côtières. C’est l’apparition de ces flottilles qui a déterminé beaucoup d’hommes spéciaux à chercher des enseignements dans l’antiquité.
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- LA NATURE.
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- Les cyclones. —• Grâce au téléphone, deux observateurs peuvent déterminer la hauteur des nuages, leur vitesse, en faisant leurs observations simultanément; on peut obtenir ainsi des résultats intéressants. Dans une note, présentée par M. Mascart, M. llildebrandson résume des observations qu’il a faites pendant dix ans. 11 a constaté que pendant les mouvements giratoires de l’air, les nuages inférieurs ont des mouvements convergents ; à une hauteur moyenne ils suivent des directions circulaires; enfin dans les parties supérieures de l’atmosphère ils ont des mouvements divergents. Eu étudiant les mouvements verticaux des cirrus, l’auteur a toujours vu qu’au voisinage des cyclones ces nuages suivaient une marche ascendante.
- Les Annélides. — Un travail important de M. Saint-Joseph sur les Annélides de Dinart et de Saint-Malo est présenté par M. Milne-Edwards ; 186 espèces dont 44 nouvelles y sont décrites. Dans ces 186 espèces, 42 se retrouvent dans les mers du Nord et 87 dans la Méditerranée; l’une d’elles était venue du Groenland à la suite du grand hiver de 1879-1880; elle s’est reproduite pendant deux ans et a disparu.
- Electricité. — L’un de nos physiciens les plus sympathiques et les plus célèbres, M. Gaston Planté, vient d’adopter une disposition nouvelle pour sa machine rhéostatique de quantité, et il signale quelques-uns des effets qu’elle lui a permis d’obtenir et qui imitent des coups de foudre extraordinaire et certaines particularités des trombes. Par exemple, si l’on fait déboucher le courant de cet appareil à la surface d’un liquide conducteur par un fil métallique introduit jusqu’à 2 ou 3 millimètres de l’extrémité d’uu tube capillaire, il se produit un véritable jet d’eau continu, formé de gouttelettes extrêmement fines qui s’élèvent à plus d’un mètre de hauteur.
- Le passage des étincelles par le tube immergé dans le liquide est accompagné de chocs violents ainsi que d’un bruit très intense, et la force mécanique en jeu dans cet étroit espace est si considérable, qu’elle détermine quelquefois la rupture du bassin en verre dans lequel se fait l’expérience.
- Si le pôle qui débouche dans le tube est positif, l’autre électrode étant entièrement plongée dans le liquide, le jet d’eau se produit également, mais s’élève à une hauteur moindre que si ce pôle est négatif.
- Lorsque l’électrode aboutit simplement à la surface du liquide, sans que son extrémité soit renfermée dans un tube de verre qui l’isole partiellement, le liquide n’est projeté qu’à une hauteur de 0m,50 environ, mais forme une gerbe de gouttelettes plus grosses, et le vase dans lequel se fait l’expérience, se trouve bientôt presque entièrement vidé par cette projection en dehors du liquide qu’il contenait.
- Enfin si, renversant la disposition de l’appareil, l’extrémité du petit tube capillaire, près de laquelle se termine le fil, est tournée vers le haut, au lieu de plonger dans le liquide, et maintenue simplement humectée par de l’eau salée, l’autre électrode touchant d’ailleurs la partie supérieure du tube, l’étincelle produite et constamment renouvelée, affecte la forme d’une flamme irrégulière, accompagnée d’une bruyante crépitation, due à la fois à la pulvérisation mécanique de l’eau, à la détonation des gaz provenant de sa décomposition, et. à la combustion du sodium mis en liberté.
- Eléments de botanique. — Le savant professeur de botanique du Muséum d’histoire naturelle, M. Van
- Tieghem, vient de publier, chez Savy, un Traité élémentaire de botanique générale, appelé certainement au plus grand succès. C’est un résumé admirablement condensé du gros ouvrage du même auteur, et qui, malgré son petit format, est au courant des derniers progrès de la science.
- Encyclopédie Frémy. — Cette magnifique publication continue de paraître avec une activité qui fait le plus grand honneur à l’éditeur, Mm“ Ch. Dunod. Quatre nouveaux fascicules viennent de voir le jour : la Porcelaine, par M. Dubreuil, président de la chambre de commerce à Limoges; le Molybdène, le Vanadium et le Titane, par M. Parmentier, professeur à la Faculté des sciences de Montpellier ; le Cuivre et le Mercure, par MM. Rousseau et Joannin ; Y Analyse chimique des végétaux, par le Dr Dragendorff et de Schlagdenhauffen. Dès maintenant,
- Y Encyclopédie chimique est un monument incomparable.
- Varia. — M. Chatin rappelle ses travaux sur la respiration végétale. — M. Mascart analyse un travail sur les limites de la mousson dans la mer des Indes et dans les mers de Chine. — Citons une note de M. Carette sur les produits d’oxydation de l’acide sébacique. — M. le général Favé rappelle que ce fut en 1873 que l’on fit les premiers essais de transports de la force par l’électricité. La machine est au dépôt de l’artillerie. Stanislas Meunier.
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- DEUX NOUYEÂUX JOUETS
- LES VALSEURS. -- LA TOUPIE HARMONIQUE
- On ne saura jamais combien d’enseignements l’on peut tirer d’un simple jouet qui, pour l’observateur superficiel, n’est souvent qu’un objet futile.
- Deux nouveaux jouets que nous apporte l’année nouvelle nous serviront à prouver ce que nous avançons : le premier illustre des phénomènes mécaniques, le second y joint des phénomènes acoustiques, pour ne pas dire musicaux.
- Observez d’abord ces jeunes valseurs (fig. 1) : dès qu’ils seront en mouvement, leur légèreté nous surprendra et nous fera oublier qu’ils sont en plomb l’un et l’autre : c’est la jeune femme qui est l’âme du mouvement; sa jupe bleue et constellée d’étoiles n’est qu’un lourd volant auquel on imprime un mouvement de rotation rapide en enroulant une ficelle autour de sa taille, et tirant cette ficelle rapidement, tout en tenant le cavalier entre le pouce et l’index de la main gauche.
- Sous cette forme, nous avons un giroscope d’une forme simple, et si nous n’avons pas eu soin de tenir le couple danseur dans une position parfaitement verticale, nous éprouverons, lorsque nous .voudrons le poser sur la surface plane et unie où il doit prendre ses ébats, une résistance spéciale qui nous démontrera parfaitement bien le principe connu en mécanique sous le nom de conservation de l’axe de rotation.
- Une fois posé, le couple se met à valser, de moins en moins vite, à mesure que s’épuise la puissance vive emmagasinée dans le volant représenté par les jupes de la danseuse.
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- LA NATURE.
- Le mouvement complexe produit dans le système mécanique ainsi livré à lui-mème est plus facile à concevoir qu’à expliquer.
- On peut s’en faire une idée en considérant que le danseur constitue un poids en porte-k-faux sur l’axe de rotation ; ce poids a pour effet de faire pencher l’axe et tend à le faire tomber toujours du même côté; mais dès que les pieds du danseur touchent le sol, ils y prennent un appui en même temps qu’ils diminuent l’action oblique sur l’axe de rotation.
- Lorsque l’axe est vertical, c’est lui qui sert de centre instantané de rotation, et le danseur entraîné par frottement tourne autour de la danseuse. Dès que ses pieds touchent le sol, c’est l’inverse qui se produit : la danseuse tourne autour du danseur comme axe. En réalité, ces mouvements que nous avons séparés pour l’explication, se produisent simul-lanément et la résultante est une véritable valse autour d’un axe instantané de rotation placé entre les deux danseurs.
- La toupie harmonique (fig. 2) est fondée sur d’autres , principes. Pour en comprendre le fonctionnement , il faut se reporter à une expérience que nous faisions tous au collège : un bouton percé de deux trous et un bout de fil en faisaient tous les frais. On formait une boucle fermée avec le fil après avoir eu soin d’engager les deux extrémités du fil dans les deux trous, puis après avoir fait faire quelques tours au bouton pour communiquer au fil une torsion initiale, on exerçait une traction sur les deux extrémités de la boucle à l’aide des deux index. Le bouton prenait un mouvement de rotation rapide, et en vertu de la puissance vive acquise enroulait
- le fil en sens inverse; on exerçait une nouvelle traction, et ainsi de suite, le bouton recevait ainsi un mouvement de rotation alternatif.
- C’est, ce jouet perfectionné qui constitue la toupie harmonique : le bouton classique est remplacé par une sorte de boîte eu fer-blanc dont les extrémités sont garnies de deux hélices, une à chaque extrémité. Sous l’influence d'une rotation rapide, ces hélices aspirent l’air extérieur et le refoulent vers la circonférence avec d’autant plus de force que la vitesse est plus grande ; l’air ainsi insuftlé traverse un jeu d’anches et les met en vibration ; il s’échappe ensuite par des ouvertures ménagées sur l’équateur.
- Les hélices sont disposées en sens inverse de telle sorte que l’une agit pendant la rotation dans un sens, et l’autre pendant la rotation, en sens inverse ; on produit ainsi deux accords successifs, de la le nom d'harmonique donné à l’instrument.
- Malgré l’ingéniosité de ce nouveau jouet, nous préférons, pour notre part, la disposition décrite ici même l’année dernière1 et à laquelle on communiquait le mouvement initial comme aux petits valseurs que nous venons
- de décrire. La
- mise en marche de
- la toupie harmonique demande un certain effort, et la ficelle casse souvent, ce qui en rend l’emploi difficile et même un peu dangereux pour les jeunes enfants auxquels ce jouet est destiné. Dr Z...
- 1 Voy. n° 616, du 21 mars 1885, p. 256.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissanmer.
- imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- V 058. — a JANVIER 1886.
- LA NATURE.
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- LE TÉLÉPHONE COLSÛN
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- Cet appareil vient (l’être dernièrement
- d’expériences à la suite |------------------
- desquelles il a été définitivement adopté dans l’armée. Nous pensons que nos lecteurs en liront la description avec intérêt. Son mode de construction est basé sur la conception théorique des lignes de force que l’inventeur, M. le capitaine du génie Colson, expose de la façon suivante dans son Traité élémentaire d'électricité : « A chaque position de la plaque de fer-blanc d’un téléphone magnétique par rapport aux pôles de l’aimant correspond une certaine répartition des lignes de force; celles-ci se déplacent lorsque la plaque vibre ; si la bobine est rencontrée par ces lignes en mouvement, il se développe dans son fil une différence de potentiel qui est, d’après la loi de Faraday, proportionnelle à leur nombre. Un téléphone transmetteur sera donc d’autant plus énergique, toutes choses égales d’ailleurs , que les lignes de force mises en mouvement par les déplacements de la plaque, et rencontrant le fil de la bobine, seront en plus grand nombre. De même un téléphone récepteur sera d’autant plus
- puissant que les I' -.j n Fig. 3.
- lignes de lorce
- mises en mouvement par les variations des 14* année. — lnr scmeslre.
- Fig. 1. — Soldat muni du téléphone Colson.
- l’objet | induits qui parcourent la bobine, et rencontrant la —-—-----------------------------j plaque, seront plus nom-
- breuses. On voit par conséquent que, d'une façon générale, il y a intérêt à faire passer au travers de la bobine et de la plaque le plus grand nombre possible de lignes de force. »
- Pour obtenir ce résultat, la plaque vibrante, en fer-blanc mince, a été placée entre les deux pôles de l’aimant. L’un, qui porte la bobine de fil fin, agit d’un côté et au centre de la plaque, tandis que l’autre se prolonge en un épanouissement et agit sur le bord et de l’autre côté; une rondelle de cuivre le sépare de la plaque qui se trouve ainsi entièrement plongée dans le champ magnétique. Les lignes de force la traversent dans le sens des rayons.
- Ce téléphone est construit par M. de Branville avec le pl us grand soin sous la forme de transmetteur (fig. 2) et sous celle de récepteur (fig. 3). On voit enAl’aimantavec son pôle central P et son pôle excentrique P'. Ce dernier traverse la plaque vibrante M par un trou garni de caoutchouc, la rondelle de cuivre R, et va se relier à l’anneau de fer doux F formant l’épanouissement polaire. Ces pièces sont enfermées
- — Récepteur. Pièces démontées.
- courants | dans une cuvette en cuivre nickelé et maintenues
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- LA NAT IKK.
- au moyen d’un couvercle G qui se visse sur la cuvette. La résistance de la bobine est de 200 ohms pour le transmetteur, comme pour le récepteur.
- Le transmetteur a 9 centimètres de diamètre, il est muni d’un cornet amplificateur. On le règle au moyen d’une vis fixée dans le fond de la cuvette et qui permet d écarter ou de rapprocher de la plaque le noyau qui constitue le pôle central de l’aimant. Le réglage une fois fait se maintient indéfiniment. Le récepteur n’a que 6 centimètres de diamètre, son réglage est fait une fois pour toutes par le constructeur. Un des avantages du téléphone Colson est d’ètre indéréglable. Il possède, en outre, une puissance et une netteté remarquables; il n’est pas nasillard, ce qui tient sans doute à ce que toutes les molécules de la plaque sont plongées dans le champ magnétique, et à ce que les actions des deux pôles ont lieu concentriquement à la plaque. Ainsi que nous le disions en commençant, cet appareil commence à être apprécié et fait déjà l’objet de plusieurs applications dans l’armée. Le transmetteur est employé par le service de l’artillerie dans l’organisation des observatoires de tir; le récepteur est ajouté au matériel de la télégraphie militaire; ailleurs les deux petits récepteurs sont maintenus sur les oreilles de l’opérateur au moyen d’une courroie jugulaire, tandis que le transmetteur est suspendu dans un étui maintenu par une bretelle sur la poitrine, le cornet à portée de la bouche comme le représente notre première gravure (fig. 1). On a laissé l’étui ouvert pour faire voir le transmetteur; le compartiment vide au-dessous est destiné à recevoir les récepteurs pour le transport ainsi que les courroies et les cordons souples. Cette disposition permet de faire l’appel sans le secours d’appareils spéciaux ; elle a en outre l’avantage de laisser à l’homme placé en observation, l’entière liberté, ce qui est indispensable dans un grand nombre de cas.
- Dans certaines applications on peut, bien entendu, combiner les récepteurs avec un microphone; cependant en ligne aérienne comme en ligne souterraine le transmetteur produit des effets comparables comme intensité et comme netteté à ceux qu’on obtient avec les transmetteurs à pile.
- On peut organiser des postes entièrement magnétiques en ajoutant au transmetteur et aux deux récepteurs un appel phonique Sieur qui les actionne énergiquement et leur fait produire un son très intense et tout à fait suffisant pour l’appel. 11 serait intéressant d’essayer ce téléphone sur un réseau de ville, et à grande distancé sur les lignes télégraphiques munies du système Van Rysselberghe, comme celles qui sont établies entre Rouen et le Havre, entre Reims et Paris. On obtiendrait certainement d’excellents résultats, car, ainsi que nous avons pu en juger récemment, dans le téléphone Colson, la voix a une intensité remarquable tout en conservant parfaitement son timbre. G. Mareschal.
- LETTRES D’AMÉRIQUE1
- PITTSBURG ; LE GAZ .NATUREL ET LE PÉTROLE. UNE
- VILLE DE QUATRE MOIS. LE PLAN INCLINÉ DE CINCINNATI.
- A Philadelphie, j’ai laissé mes amis pour voyager dorénavant sans compagnon. Mais dans ce pays d’Amérique on n’est jamais seul, j’ai grand plaisir à le dire. Combien de fois, durant mes longues excursions, ai-je été touché de la bienveillance extrême des Américains et de leur sympathie pour un Français isolé dans leur immense territoire, poussé simplement par son désir de voir et de s’instruire. Ils sont toujours prêts à vous obliger et leur complaisance pleine de cordialité est telle, qu’il faudrait être bien ingrat pour l’oublier.
- Me voici à Pittsburg, ville toujours enveloppée des fumées des usines dont elle est pleine, mais très pittoresquement située sur les rivières l’Al-Ieghany et le Monongahela qui forment à elles deux le superbe fleuve l’Ohio (fig. 1).
- Cette ville est sale, l’odeur constante des fumées y est désagréable, on n’en voit le côté pittoresque qu’au travers des vapeurs noires et cependant on éprouve du plaisir à y rester quelques jours. C’est l’ardeur au travail qu’on admire en ces lieux, et qui vous laisse dans l’esprit des traces inoubliables.
- Avec les aimables lettres données par le célèbre professeur Hayden, de Philadelphie, le savant géologue qui a découvert une grande partie de Yel-lowslone Park et les bons conseils de M. Ashburner, le geologist in charge of Pensylvanta, j’ai pu visiter l’intéressante usine Bessemer andC0 et les localités ou le pétrole est recueilli, dans Butler County.
- L’usine Bessemer est située à 10 milles de Pittsburg. Elle est construite sur le bord du Monongahela près City Farm. On y fabrique l’acier par les procédés Siemens, mais au lieu de houille, c’est le gaz naturel qu’on emploie comme combustible pour la plupart des opérations métallurgiques et dans le foyer des chaudières multiples qui font agir les machines de l’usine. L’eau d’alimentation est élevée du Monongahela par des machines hydrauliques.
- 6000 tonnes de houille étaient employées par mois; avec le nouveau combustible, l’usine fait une économie considérable.
- Le gaz naturel de l’usine Bessemer vient des environs de Murrayville situé à 14 milles de City Farm, c’est la Acme gas C° de Lyon qui le fournit. Jusqu’à Braddick les tuyaux de conduite ont 0m,18 de diamètre *et, de là à l’usine, ils n’ont plus que 0m, l5. Depuis deux années que ce gâz est utilisé, il semble que sa pression à Murrayville n’ait pas diminué. Il arrive froid à la surface de la terre, 0 degré environ, mais son expansion au dehors des tubes le rend plus froid encore , la glace se produit sur leur bord.
- On estime que dans l’épaisseur de la terre ce gaz
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- Suite. Yoy. p. 44.
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- doit avoir environ 14 k 15°. La profondeur des puits est de près de 420 mètres.
- L’usine Bessemer produit tous les mois 7000 tonnes d’acier, et bientôt elle sera montée pour en donner 10 000. Les saumons qu’elle fournit à l’industrie varient de 25 à 2000 kilogrammes, elle fabrique aussi des rails d’acier pour les chemins de fer, des essieux pour les voitures, etc., etc.
- La plupart des usines de Pittsburg consomment aujourd’hui le gaz naturel, et tous les jours on cherche k forer des puits nouveaux. S’ils sont abondants à Murrayville, ils le sont plus encore sur les bords de l’Alleghany ; on en trouve un peu partout dans ces régions. Les grandes villes n’emploient point pour l’éclairage le gaz naturel k cause de sa qualité très inférieure au gaz de houille, mais, en revanche, il est fort employé dans les petites localités. C’est ainsi que la nouvelle petite cité de Mac Bride située au milieu des bois de Butler County a pu être éclairée.
- Mac Bride avait quatre mois d’existence lorsque j’y fus, en avril 1885. Elle possédait déjà 1000 habitants environ. Un des propriétaires de puits, M. Campbell, a bien voulu me conduire k cette petite localité, située k 6 milles de distance de Butler City.
- Le pays est charmant : partout des coteaux boisés de beaux arbres, des cours d’eaux ; mais il est difficile de se faire idée des chemins horribles qu’il faut prendre.
- Les chevaux ont souvent de la boue jusqu’au ventre ; ils se tirent en barbotant de ces vilains passages. Quant k nous, ce sont des éclaboussures sans fin que nous envoient les roues de notre buggy, et des cahots à vous faire sauter k tous moments hors de cette petite voiture à deux places, merveille d’élasticité et de légèreté. Quand M. Campbell m’a demandé si nos routes, en France, étaient mieux entretenues que celles de son pays, je n’ai pu m’empêcher de rire en lui montrant notre ligure mouchetée d’éclaboussures, mélange d’huile, de pluie et de sable. Je ne suis pas sur cependant qu’il m’ait cru sur parole quand je lui ai raconté que nos chemins étaient propres, unis comme un parquet et admirablement entretenus.
- Nous arrivons, et je vois la grande rue de la ville avec ses maisons de bois. Mac Bride a un bureau télégraphique et postal. Elle possède quelques boutiques, un bureau de tabac, un hôtel, un skating rink pour les jeunes gens, enfin une école et un trottoir de planches le long des maisons pour éviter de patauger dans la boue (fig. 2) ; tout cela terminé en quatre mois, c’est k peine croyable.
- Ces régions de Butler County étaient connues depuis vingt-cinq ans environ, époque où l’on cherchait le pétrole, mais les fouilles avaient été mal conduites sans doute et ces lieux étaient restés non exploités. Depuis quelque temps, de nouvelles fouilles ont été faites et ont donné de beaux résultats. De lh la création immédiate de cette nouvelle cité k la-
- quelle on a donné le nom d’un des principaux propriétaires de puits à pétrole de l’endroit.
- Aux environs de Mac Bride on voit une quantité d’échafaudages en forme de tours de 82 pieds de hauteur environ. Ce sont 1k les puits à pétrole. Ils sont en pleine exploitation : pendant la durée du mois de mars 1885, 95 d’entre eux donnaient par jour en moyenne 53 900 barrels. Thorn Creek, localité voisine, en fournissait 7329.
- Le produit d’une bonne journée, pour un seul puits, donne 200 barrels d’huile; on en a pompé quelquefois jusqu’à 700, mais c’est un rendement qui ne continue pas longtemps.
- Auprès des puits sont installées de grandes cuves pouvant contenir environ 600 barrels.
- L’huile s’écoule de là dans des réservoirs de volume beaucoup plus considérable. Dans le pays du pétrole il y a plus de 2000 de ces réservoirs. Ils sont la source de petits fleuves maintenus dans des tuyaux de 5 pouces de diamètre qui vont porter l’huile dans les grandes villes telles que Cleveland, Buffalo, Pittsburg, etc.
- Pour pomper l’huile et l’amener à la surface de la terre on emploie des machines à Vapeur. Mais la vapeur nécessaire est produite par l’eau des petits ruisseaux de Mac Bride et par le gaz naturel qu’on trouve en même temps que l’huile en cette région. La houille n’est employée que par exception. Les puits sont situés sur les collines à des hauteurs différentes; souvent la même machine k vapeur fait marcher quatre ou cinq pompes. Sur les hauteurs plus de 60 puits viennent d’être creusés et ils fonctionnent tous au grand contentement des propriétaires.
- La profondeur de ces puits varie entre 1400 et 1800 pieds. Les tuyaux traversent différentes couches de sable et d’eau salée, etc. On reconnaît assez facilement les bons sables qui renferment l’huile ; il y a aussi des soins k prendre pour connaître leur qualité1. S’il se trouve une roche pendant l’opération du creusement, la dynamite est employée pour la briser. Le gros tuyau qui sert de base au puits a G pouces de diamètre, on en met ensuite d’autres qui n’ont pas plus de 2 pouces.
- Mac Bride possédait en avril 200 puits k pétrole. Ils coûtent à établir une somme d’environ 4000 dollars, bien vite regagnée si la récolte est bonne. Le barrel d'oil vaut actuellement 78 cents (4 francs environ) ; il valait, il y a une vingtaine d’années, 12 dollars (60 francs).
- Il y a quelques années c’était la région qui avoisine Oil City2 qui fournissait le plus d’huile, mais maintenant le rendement paraît décroître et ce sont les régions de Butler County, Yenango et Brad-ford qui sont devenues les centres les plus importants.
- Revenu k Butler City après mon excursion k Mac
- 1 Voy, n° 275, du 24 août 1878, p. 207, et n« 640, du 5sep* tembre 1885, p. 215.
- - Yoy, u° 208, du 20 mai 1877, p. 408.
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- Bride, je dois dire encore le plaisir que j’ai éprouvé de l’aimable accueil de plusieurs personnes de la petite ville, mais je ne pouvais rester longtemps avec ces nouveaux et sympathiques amis. Après les adieux, il faut remettre sa valise entre les mains d’un porteur pour aller à la gare, mais est-ce bien un porteur? C’est un jeune homme presque correctement habillé qui m’offre de me prendre mon léger paquet. Je le lui confie et nous marchons de compagnie. Sachant que j’étais Français, le voilà qui me parle de mon pays et du désir qu’il a de voir Paris. 11 me fait une foule de questions dénotant beaucoup d’intelligence et un grand désir de s'instruire. Il
- me portait cependant ma valise et a bien accepté aussi un pourboire à la gare. Mon curieux porteur m’a souhaité un bon voyage en me serrant la main.
- Jamais je n’ai vu, en France,- de commissionnaire semblable. Nous sommes loin d’avoir un sentiment naturel d’égalité aussi complet qu’en Amérique et cependant toujours plein de convenance et de politesse.
- — Vous êtes d’un pays bien plus ancien que le nôtre, m’a-t-on dit souvent, et vous avez encore des préjugés qui n’existent pas chez nous.
- Revenu à Pittsburg, j’ai visité les curieux plans
- Fig. 1. — Vue de Pittsburg. Côté du mont Washington. (D’après nature, par M. Albert Tissandier.)
- inclinés à l’aide desquels on fait l’ascension du mont Washington situé de l’autre côté du Monon-gahela; il en a été parlé dans La Naturel. J’insisterai seulement sur ceux de la ville de Cincinnati qui sont d’ailleurs plus intéressants encore.
- Toujours bcàties sur le même plan, ces cités américaines n’ont point de caractère différent; monuments peu curieux, rues toujours mal entretenues, leur situation naturelle seule les rend pittoresques.
- Cincinnati est admirablement posée sur les rives de l’Ohio. Son superbe pont suspendu, construit en 1865, est le premier modèle de celui de Brooklyn de New-York; il relie la cité a des faubourgs déjà fort
- 1 Voy. nü 586, du 23 octobre 1880, p. 527.
- populeux. Cincinnati couvre actuellement tout le large espace compris entre le fleuve et les monts Adam, Auburn, Harrison, etc.
- La ville grandissant toujours, on ne pouvait cependant songer à enlever les montagnes ; les Américains n’ont point cédé, ils portent sur les sommets : tramways, chevaux et voyageurs. La circulation ainsi établie, un second Cincinnati non moins grand que le premier se construit tous les jours sur les monts et il s’étend, s’augmentant sans cesse.
- Le croquis que j’ai pris d’une voiture de tramway sur plan incliné (fig. 5) représente le système qui relie le bas de la ville au sommet du mont Adam.
- Le car arrive directement sur la plate-forme qui
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- est montée sur une charpente de fer dont Je poids est Après un arrêt de quelques instants seulement, de 18 tonnes malgré son apparence d’extrême légèreté. pour que les employés puissent s’assurer que tout
- est bien en place, l’ascension commence et en moins de trois minutes, les 80 mètres de hauteur de la montagne sont gravis.
- La longueurdu trajet parcouru est de 510 mètres, l’angle d’in-clinaison étant de 19°.
- La charpente de fer est munie de roues, et deux gros câbles qui vont s’enrouler autour d’un treuil de fonte lui font faire l’ascension.
- En même temp^ qu’un tramway monte, un autre descend, les câbles s’enroulent et se déroulent sur le même treuil. Pour éviter tout accident, un câble de fer est placé entre les deux autres; celui-là est
- attaché au centre des deux charpentes de fer et glisse autour d’une large poulie. Si les câbles se rompaient
- malgré toutes les prévisions, ils maintiendraient en équilibre les cars montant et descendant et un accident sérieux ne saurait arriver.
- Le poids du car, compris chevaux, voyageurs, est de 9 tonnes; la machine à vapeur nécessaire pour faire faire l’ascension des plates-formes est de 600 chevaux.
- Au sommet du mont Adam , a l’arrivée même des tramways, un immense établissement construit en bois, est installé pour recevoir les voyageurs. C’est
- Fig. 5. — Voiture de tramway élevée sur un plan incliné, à Cincinnati. (D’après nature, par M. Albert Tissandier.)
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- une brasserie colossale pouvant contenir plus de 5000 personnes. Des terrasses d’où l’on domine toute la ville et les courbes grandioses décrites par l’Obio, des salles de bals d’hiver et d’été, des jeux de toutes sortes, des orchestres, sont les principaux attraits de ce curieux établissement. Loin d’être, comme à Philadelphie, d’une sévérité excessive pour le dimanche, les Américains de Cincinnati aiment à s amuser et ils vont dans ces immenses brasseries passer avec leur famille une partie du jour et de la soirée. Sur les différents monts de la cité, il existe plusieurs endroits analogues où l’on joue d’assez bonne musique. L’élément allemand domine assez à Cincinnati pour avoir apporté cette différence de mœurs dans la ville où l’on est moins rigide que dans quelques autres cités des Etats-Unis.
- Albert Tissandier.
- — A suivre. —
- LE BUREAU YERITAS
- La bibliothèque spéciale installée par le Bureau Yeritas au Palais de l’Industrie, lors de l'Exposition du travail, nous a fourni l’occasion d’apprécier l’importance et la diversité des fonctions de cette Société, peu connue dans le public étranger aux affaires maritimes, mais dont l’action s’étend sur la marine marchande de toutes les nations du globe. Nos lecteurs nous sauront gré de leur communiquer les renseignements que nous avons recueillis sur l’organisation et le mode de fonctionnement de cet important service.
- Le Bureau Veritas exerce un contrôle général sur la construction et l’entretien des navires de commerce, k cet effet, il publie des règlements de construction et de classification soigneusement revus chaque année et tenus au courant des progrès de l’art naval : ces règlements servent de base à l’estimation de la valeur des navires, tant au point de vue des échantillons des matériaux qu’à celui de la main-d’œuvre et de l’état d’entretien. Des experts au nombre de 200 environ, choisis parmi les hommes les plus expérimentés en matière de construction navale, résident dans les principaux ports du monde ; ils sont chargés de surveiller la construction des navires qui demandent à être classés, d’essayer les matériaux, de vérifier leur concordance avec les prescriptions du règlement et de contrôler le travail des constructeurs; puis, quand ces navires ont' pris la mer, ils les visitent périodiquement, à des époques fixées par le règlement, et adressent à l’administration des rapports détaillés qui servent à statuer sur la classification méritée dans chaque cas. Les renseignements ainsi obtenus sont résumés dans un registre publié chaque année avec suppléments mensuels : les assureurs maritimes, les armateurs, les affréteurs, y trouvent des indications indispensables pour leur industrie.
- Au siège de la Société un bureau technique comprenant un ingénieur en chef qui exerce son autorité sur tout le personnel des experts, deux ingénieurs et un certain nombre de dessinateurs, a pour mission d’examiner les plans de navires à construire, et d’indiquer les modifications à apporter aux projets qui lui sont soumis de décider, d’après les rapports des experts, la classification à donner aux navires visités ; enfin, de poursuivre les études nécessaires à l’amélioration des règlements,
- dont l’influence sur les méthodes de construction est considérable.
- En outre du registre dont il vient d’être parlé, le Bureau Veritas publie annuellement un répertoire général de la marine marchande du monde entier, contenant la liste de tous les voiliers au-dessus de 50 tonneaux et de tous les vapeurs au-dessus de 100 tonneaux, avec l’indication des registres auxquels ils sont classés, les lettres de signaux, les dimensions principales, le tonnage, le nom du constructeur, du capitaine, du propriétaire, etc.
- Le Bureau Veritas publie encore tous les mois un état des navires de toutes les nations perdues en mer ou avariées, avec les causes des accidents : cette statistique, reproduite par un grand nombre de journaux, est bien connue du public.
- Enfin, le Bureau Veritas prépare actuellement un ouvrage qui portera le titre de Guide maritime universel, et qui contiendra des renseignements détaillés sur les ressources de tous les ports du monde au point de vue technique, en outre de toutes les indications pratiques nécessaires aux navigateurs.
- Telles sont les principales attributions du Bureau Veritas ; cette société, fondée en 1828, est établie à Paris dans le local qu’elle occupe encore actuellement, depuis 1832. Son importance s’est accrue d’une façon continue et se développe tous les jours, malgré la concurrence d’autres institutions analogues dont la plus importante est le Lloyd’s Register, fondé à Londres en 1834. Le Registre Veritas renferme actuellement environ 11 500 navires, c’est-à-dire quelques centaines de plus que le Registre anglais, malgré l’avantage que donne à ce dernier sa nationalité.
- L’AÉROSTAT DIRIGEABLE
- DE CHAI. A IS-JIEUDON
- Expériences de I88S*.
- La question de la navigation aérienne par les aérostats allongés à hélice préoccupe au plus haut degré l’opinion publique, depuis les expériences qui ont été exécutées dans ces dernières années à l’aide des aérostats à propulseurs électriques. Nous avons commencé, mon frère et moi, à exécuter les premières tentatives ; nous devons reconnaître que les officiers de Chalais-Meudon ont obtenu des résultats bien plus concluants, avec des ressources plus considérables, il est vrai, et dans un atelier installé d’une façon grandiose ; mais comme nous l’avons déjà dit, ce qu’il importe de considérer, ce sont les résultats obtenus et non les moyens à l’aide desquels on a pu les obtenir. Lorsqu’il s’agit de question s aussi importantes, qui touchent à de si grands intérêts, les considérations de personnes doivent à notre avis disparaître ; et nous ne discuterons jamais de droits de priorité quand les intérêts de la patrie ou de la science se trouvent en jeu. La navigation aérienne est appelée à changer la face du monde : c’est un problème immense au succès duquel personne "ne saurait être indifférent.
- Nous applaudissons donc au succès obtenu par le capitaine Renard et ses collaborateurs et nous publions le Mémoire que le savant officier a récemment présenté à l’Académie des sciences; nous le ferons suivre de quelques considérations qui résumeront l’état de la question. G. T.
- 1 Voy. Tables des matières des précédents volumes.
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- LA NATURE
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- RAPPORT DE H. I.E CAPITAINE RKN’ARI).
- Nous avons fait connaître l’année dernière les résultats obtenus au moyen du ballon dirigeable construit aux ateliers militaires de Chalais1.
- Le même aérostat a exécuté en 1885 trois ascensions nouvelles dont nous allons rendre compte sommairement dans cette note.
- Disons d’abord qu’avant de recommencer une nouvelle campagne, le ballon dut être modifié dans certaines parties. Il s’agissait, en effet, de combler les lacunes des essais de 1884 et d’exécuter surtout des mesures exactes de la vitesse du ballon par rapporta l’air ambiant. L'expérience nous ayant montré que pour exécuter convenablement des mesures, un équipage de deux aéronautes était insuffisant, il fallut tout d’abord alléger l’appareil. J’y réussis facilement en modifiant le mode de construction de certaines parties (ventilateur, piles, commutateurs, voile de queue, etc.).
- La machine motrice ayant donné lieu à divers accidents (notamment le 12 septembre où l’anneau mobile fut mis hors de service et dut être remplacé par un anneau construit chez M. Gramme, et le 8 novembre (2e ascension) où le courant fut fermé en court circuit par suite de la chute de parties de fiis de balais), je résolus de la remplacer, d’y substituer un nouveau moteur à deux balais seulement, plus faciles à visiter et à remplacer.
- Je la remplaçai par une autre dont la construction fut confiée à M. Gramme. Notre éminent ingénieur électricien me livra un moteur excellent, admirablement équilibré et d’un poids sensiblement égal à celui du premier.
- La transmission du mouvement dut aussi être modifiée. Gomme, en raison des déformations inévitables de la nacelle, le pignon calé sur le moteur et la roue fixée à l’arbre de l’hélice étaient exposés à des variations dans leurs positions relatives, variations qui avaient produit l’année dernière des dégrèvements partiels et des ruptures de dents, je suspendis tout le train d’engrenages à l’arbre même de l’hélice. De plus, l’arbre du pignon lut relié à celui du moteur par un manchon à calage élastique permettant au train de se déplacer notablement sans que la transmission cessât de se produire et constituant une sorte de double joint à la cardan.
- Enfin des précautions minutieuses furent prises pour assurer le graissage continu at le refroidissement des coussinets du pignon qui pouvait, à un moment donné, être lancé à la vitesse de 5500 tours par minute.
- Un premier es«ai fait dans le hangar de Chalais nous donna une entière confiance dans le nouveau dispositif : le moteur tournant à 5600 tours pendant plusieurs heures développa facilement une force motrice de neuf chevaux.
- On profita de cette expérience pour mesurer la
- 1 Note sur un aérostat dirigeable, par WM. Ch. Renard et A. Krebs, 18 août 1884; hôte du 10 novembre 1884.—
- poussée de l’hélice. On trouva qu’elle était reliée à l’intensité du courant par la formule H = 0,755 C—17,5 (Il poussée de l’hélice en kilogrammes, G courant en ampères).
- Cette formule se vérifie très exactement pour des valeurs de G variant de 0 à 108 ampères. On peut admettre sans grande erreur qu’elle s’applique au cas où le ballon obéit librement à l’effort de l’hélice G
- Enfin je m'attachai à améliorer la pile pour prolonger la durée de son action sans augmenter son poids et je fus assez heureux pour y réussir en modifiant légèrement la composition du liquide des éléments.
- J’arrive au procédé très simple, mais très exact, destiné à la mesure de la vitesse propre. Comme l’hélice est à l’avant du ballon, on ne peut songer à employer un anémomètre dont les indications seraient trop fortes ; en revanche, rien ne gêne pour l’emploi d’un loch aérien.
- Je l’organisai de la manière suivante ;
- Un ballon en baudruche de 120 litres de capacité fut rempli en partie de gaz d’éclairage de façon à rester exactement en équilibre dans l’air. Ce ballon fut attaché à l’extrémité centrale d’une bobine de fil de soie ayant exactement 100 mètres de longueur.
- Le plus léger effort suffit à dérouler $ette bobine quand on tire le fil central. L’autre extrémité du fil est enroulée autour du doigt de l’opérateur. Pour faire une mesure, on lâche le ballon, qui s’éloigne rapidement vers l’arrière et qui, arrivé à l’extrémité, produit sur le doigt qui retient le fil un choc sensible. L’instant du départ et celui du choc final sont pointés sur un chronomètre indiquant les dixièmes de seconde.
- Bien que l’effort transmis au petit ballon pendant le déroulement du fil fut très faible, il fallait en tenir compte. Des essais répétés dans un local fermé montrèrent que le ballonnet dérivait de 7 mètres à la minute ou de 0111,117 par seconde sous l’influence de ce léger effort. Si donc on appelle t la durée du déroulement en secondes, le chemin parcouru par l’aérostat dirigeable pendant l’opération du déroulement sera 100 -+- 0,117 t et la vitesse sera donnée par la formule
- Les choses étant ainsi préparées, on profita du premier beau jour pour essayer le nouveau mécanisme en l’air. Cet essai eut lieu le 25 août et
- Ces deux communications ont été faites à l’Académie par M. Hervé-Mangon.
- 1 Bien que pour le même courant moteur, l’hélice tourne un peu plus vite (1/5 environ) quand le ballon est libre, que quand il est retenu par une corde, ce qui augmente un peu la part de la résistance au mouvement dépendant du frottement des ailes dans l’air; comme il ne s’agit là que d’une différence portant sur un terme de correction, on peut, comme première approximation, appliquer la formule au cas du ballon eu marche. Des essais en petit ont confirmé cette manière de voir.
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- LA NATURE.
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- Fig. i,— Ascension de l’aérostat dirigeable la France le 22 septembre 1885. Diagramme du parcours horizontal sur le sol, dressé par M. le capitaine Renard.
- montra que le nouveau mécanisme ne laissait rien à désirer.
- Ascension du 25 août. — La première ascension eut lieu le 25 août par un temps sec et un ciel pur.
- Le ballon gonflé depuis un certain temps ayant perdu une notable partie de sa force ascension-nelle,jefusobligé de renoncer pour cette fois au troisième aéronaute, et je partis seul avec mon frère le capitaine Paul Renard. Le vent soufflait de l’est.
- La vitesse mesurée à une faible hauteur au moyen de ballons perdus ne paraissait pas supérieure à 5 mètres par seconde. En nous basant sur les évaluation ^approximatives n de _
- l’année dernière, nous comptions obtenir à peu près 7 mètres de vitesse propre. Aussi fûmes-nous très étonnés de ne pouvoir remonter le courant aérien qui régnait à 250 mètres au-dessus du vallon de Chalais.
- L’hélice lancée à 55 tours par minute marchait avec une régularité parfaite ; cependant nous reculions, lentement à la vérité, mais continuellement. Voulant néanmoins prolonger l’expérience et craignant d’être entraînés au-dessus des bois du côté de Chaville, j’obliquai le cap un peu à droite et bientôt, sous l’action combinéè du vent et de la vitesse propre, l’aérostat se dirigea vers le sud et vint pla-nér^àtf-dessus du plateau dénudé de Villacou-
- blay, très favorable à l’atterrissage. Le mouvement de recul continua à se produire, et, après 50 minutes de voyage, l’aérostat vint descendre près de la ferme de Yillacoublay où je l’avais dirigé tout en reculant, et où l’équipe des ouvriers militaires de Chalais nous attendait. Cette première expérience, qui nous don-
- nait pleine confiance dans notre mécanisme moteur, nous causa néanmoins une déception. Nous avions trop présumé de nos forces, les vitesses du ballon évaluées sans mesures directes l’année dernière étaient moins grandes que nous ne l’avions cru, et,
- d’autre part, le vent régnant à 250 mètres était évidemment plus fort que dans le voisinage du sol.
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- Nous sentions la nécessité d’exécuter enfin des mesures précises de vitesse et nous attendîmes patiemment un temps très maniable.
- En raison du mauvais temps, l’expérience définitive ne put avoir lieu que dans le courant du mois suivant.
- Ascension du
- Fig. 2.-
- 22 septembre. — Le 22 septembre, le vent soufflait du N. N. E., c’est-à-dire de Paris, et sa vitesse dans les basses régions variant de 3 mètres à 3'“,50 par
- seconde, nous décidâmes le départ. Cette fois, le ballon était monté par trois aéronautes :
- Le capitaine Paul Renard, chargé des mesures et des observations diver-M. Duté-Poitevin,
- ses
- aéronaute civil employé à l’établissement de Chalais, et moi. (J’avais conservé la manœuvre du gouvernail et de la machine motrice.)
- Le départ eut lieu à 4 h. 25 m. par un temps humide et brumeux. L’hélice fut mise en mouvement et le cap dirigé sur Paris; nous eûmes d’abord quelques embardées, mais je réussis bientôt à les éviter
- Carte des voyages aériens de l’aérostat dirigeable la France en 1885, dressée par M. le capitaine Renard.
- et dès lors, malgré le vent, le ballon, s’engageant au-dessus du village de Meudon, traversa le chemin de fer au-dessus de la gare à 4 h. 55 m., et atteignit la Seine à 5 heures vers l’extrémité ouest de l’île de Billancourt.
- A ce moment, nous exécutâmes une mesure de
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- Fi*. 3. _ L’aérostat dirigeable la France, au-dessus du Point-du-Jour, à Paris. Fae-similé d’une photographie instantanée exécutée à l’Observatoire d’astronomie physique de Meudou ° (Communiquée par M. Janssen, de l’Institut, directeur de l’Observatoire de Meudon.)
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- 1 j A NATURE.
- vitesse. Elle fut trouvée exactement de G mètres j par seconde1. Cependant le ballon, continuant sa course contre le vent, se rapprochait des fortifiea- 1 tions de Paris. |
- A 5 h. 12 m., après 47 minutes de voyage, il entrait dans l’enceinte par le bastion 65. j
- Le temps très brumeux se chargeait de plus en plus, le brouillard humide nous alourdissait et nous forçait à sacrifier de très grandes quantités de lest. Dans ces conditions, il était imprudent de nous éloigner davantage et le retour fut décidé.
- Le virage s’effectua facilement, et, favorisé cette fois par le courant aérien, l’aérostat se rapprocha de son point de départ avec une rapidité surprenante.
- Nous n’apercevions plus Chalais, complètement caché par le brouillard, et nous dûmes nous diriger en prenant successivement comme point de direction le pont de Billancourt et la gare de Meudon.
- Onze minutes suffirent pour nous ramener au-dessus de la plaine d’atterrissage et nous faire parcourir ’au retour un chemin qui nous avait coûté à l’aller 47 minutes d’efforts.
- L’aérostat vira de bord pour tenir tète au vent, et 10 minutes plus tard la nacelle touchait le sol de la pelouse des départs.
- Le ballon s’était élevé à 400 mètres d’altitude seulement pendant ce voyage.
- Ascension du 25 septembre. — Le lendemain, devant M. le général Campenon, ministre de la guerre, et M. le général Bressonnet, président du comité des fortifications, le ballon la France exécuta une nouvelle ascension qui réussit aussi bien que celle de la veille.
- On y renouvela les mesures de vitesse et les résultats des deux journées furent concordants. L’itinéraire fut sensiblement le même que le 22 septembre. Le vent était plus faible et nous portait vers Paris. La durée du trajet fut de 17 minutes à l’aller et de 20 minutes au retour. L’atterrissage fut très facile et le ballon revint exactement à son point de départ.
- Le voyage ne put pas être prolongé davantage faute de lest, l’ascension de la veille ayant fait perdre au ballon une partie de sa force ascensionnelle.
- Formides du travail. — Les expériences que nous venons de décrire nous ont permis d’établir sur des bases sérieuses les formules fondamentales qui peuvent servir à l’évaluation de la résistance des ballons analogues à la France, en y comprenant le filet et la nacelle.
- Nous croyons devoir les donner ici, car elles diffèrent profondément de celles qu’on pouvait déduire des essais antérieurs, très incomplets, dont nous avons dû nous-mêmes nous contenter pour l’établissement de potre projet.
- Les résistances mesurées sont beaucoup plus grandes que nous l’avions cru et que le monde le croyait avant nous.
- 1 Durée du déroulement : 17", d’où
- v = ~ + 0,t 17 =f»,882 + 0,117 = 5m, 999.
- Si l’on désigne par B la résistance en kilogrammes du ballon la France se mouvant par la pointe ; par v sa vitesse en mètres par seconde; par @ le travail de traction directe (travail moteur en kilogramme t re s) ; par T le travail de l’arbre de l’hélice (en kiiogrammètres) et par T' le travail aux bornes du moteur (en kiiogrammètres), on déduit de nos expériences les tormules suivantes :
- R —1,189 r2 0 1,189»*
- l'J ) T = 2,5001>3
- { T' = 2,800
- A l’allure de 10 mètres, qui suffirait pour avoir la direction dans la plupart des cas, on aurait :
- R = 118k*îm,9.
- 0 = 1189 kiiogrammètres.
- T =2300 kiiogrammètres ou 31 chevaux.
- T'= 2800 kiiogrammètres.
- D’une manière générale, on aurait pour un ballon de diamètre D (en mètres) :
- / R = 0,01683I)2V2 \ 0 = 0,01685 D2 i’3 j T = 0,0526 D2 »3 ( T'= 0,0397 D2»3
- Nous terminons cette note en résumant dans un tableau les résultats obtenus dans les sept ascensions du ballon la France. Les vitesses des ascensions de l’année dernière ont été rectifiées d’après les résultats des ascensions des 22 et 25 septembre 1885.
- CC H o -o
- t/3 y xi o O 3> S B O Se ^ a J O g ë CQ c/3
- 'S H ZZ y DATES a S B o g. OBSERVATIONS
- O < -
- £7 t/3 OS 3 ea vh CO «J
- a S s O o Ï5 H g
- ëc o>
- î 9 août, 1884. 42 4m,58 Le ballon est rentré
- à Chalais.
- 2 12 septembre 1884. 50 5m,45 Avarie de machine.
- — Le ballon descend à Yélisy.
- 5 8 novembre 1884. 55 6m 00 Le ballon rentre à
- Chalais.
- 4 8 novembre 1884. 35 3“,82 Le ballon rentre à
- Chalais.
- 5 25 août 1885. 55 6;n,00 Vent supérieur à la
- vitesse propre. — Atterrissage à Vil-lacoublay.
- 6 22 septembre 1885. 55 6“,00 Le ballon rentre à
- Chalais.
- 7 23 septembre 1885. 57 6™, 22 Le ballon rentre à
- Chalais.
- L’aérostat est rentré cinq fois sur sept à son point de départl.
- 1 Le rapport que nous publions a été lu à l’Académie des sciences le 23 novembre 1885 par M. le capitaine Renard, et a été inséré dans la Revue scientifique le 28 du même mois. Nous y ajoutons le diagramme et la carte publiés dans les Comptes rendus de l’Académie, le 7 décembre 1885, et lare-production de la magnifique photographie exécutée par M. Jans-scn à l’Observatoire de Meudon.
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- LA NATURE.
- Di
- Il résulte des expériences dont on vient de lire la description, qu’un aérostat allongé d’une forme favorable à son passage au milieu du fluide où il est immergé, et muni d’un propulseur mécanique, peut se diriger dans l’atmosphère et remonter des courants aériens, toutes les fois que ces courants ont une vitesse inférieure à sa vitesse propre. Ces faits étaient indiqués par la théorie, ils étaient évidents depuis les mémorables tentatives de Giffard,en 1852 et en 1855, mais ils n’avaient jamais reçu d’une façon aussi probante la consécration de l’expérience. L’aérostat de Chalais-Meudon n’est dirigeable que chaque fois que le vent a une vitesse inférieure à 6 mètres à la seconde; son moteur électrique ne fonctionne, en outre, que pendant une durée limitée, et assez courte ; on sera conduit ’a objecter qu’on se trouve là dans des conditions de fonctionnement bien restreintes, et qu’il y a loin, de semblables résultats, à la navigation aérienne rendue pratique. Cela est vrai assurément, mais nous ne devons pas oublier que le vieux proverbe « il n’y a que le premier pas qui coûte » s’applique parfaitement aux applications de la mécanique, et aux découvertes en général. Le paquebot à vapeur qui va du Havre à New-York, en neuf jours, n’a pas été construit tout à coup et d’une seule pièce, il a eu pour ancêtre, le minuscule bateau à vapeur de Papin, le modeste navire du marquis de Jouffroy, le bateau de Fulton, et de bien d’autres inventeurs. Il en sera de même pour la navigation aérienne.
- On vient de voir que les mesures du capitaine Renard nous donnent des chiffres un peu décevants ; il faudrait, d’après ses essais, une machine de 51 chevaux de force pour donner au ballon la France une vitesse propre de 10 mètres à la seconde. Cela est assurément difficile à obtenir actuellement, en considération du faible poids qu’un tel moteur devrait avoir pour ne ne pas excéder la force ascensionnelle du ballon. Mais le problème devient beaucoup plus facile en augmentant le volume des aérostats, parce que la résistance n'augmente que comme la surface des ballons, tandis que la force ascensionnelle s'accroît comme le cube des dimensions. Comme l’a très bien dit Alphonse Pénaud : « Pour les ballons, le volume c’est la puissance, la surface c’est l’obstacle. » Or la surface ne croissant pas avec lé volume, il y a un immense avantage à construire de très grands aérostats, auxquels il est possible de donner actuellement la vitesse propre favorable pour se diriger dans l’atmosphère, presque constamment, sauf les jours de grands vents ou de tempêtes; les navires aériens, dans ces circonstances, devront rester à terre au port de remisage.
- La navigation aérienne n’est plus aujourd’hui qu’une affaire d’argent, de travail et de persévérance; il n’y a aucune impossibilité matérielle à la réaliser.
- Nous voudrions qu’en dehors de l’usine de Chalais-Meudon, spécialement consacrée aux opérations militaires, ce grand problème soit poursuivi par l’initiative privée, avec le concours de quelque Mécène de la science, qui consacrerait une fraction de sa fortune à la réalisation d’une si belle entreprise.
- Nous allons avoir l’occasion de décrire prochainement l’Observatoire du mont Hamilton fondé en Californie par M. James Lick, ce richissime Américain, qui n’a pas consacré moins de trois millions et demi de francs à la construction de cet établissement !
- Il faudrait que la navigation aérienne puisse trouver en France, un autre James Lick (?) Ne désespérons pas, puisque l’astronomie y a bien rencontré un Bischoffsheim.
- Gaston Tissandier.
- LE TIMBRE ET LÂ COULEUR
- Dans son article sur la Musique des couleurs \ M. de Brial attribue le phénomène de l’audition colorée à une simple association d’idées; je vais essayer de montrer que certaines personnes perçoivent bien réellement la sensation d’une couleur quand elles entendent un son, et que c’est à cette propriété, possédée, plus ou moins inconsciemment, par beaucoup de personnes qu’il faut attribuer les rapprochements unanimement établis entre le timbre et la couleur.
- M. le Br Charles Féré a exposé dans la Revue philosophique2 et dans divers rapports de la Société de biologie le résultat de ses recherches relatives à l’action des impressions sensorielles sur l’organisme humain. Il a établi nettement les points suivants :
- 1° L’intensité de la sensation de l’ouïe et celle de la sensation de la vue croissent proportionnellement à l’amplitude et à l’intensité de l’onde sonore ou lumineuse; par suite, la vibration semble pouvoir être considérée comme l’unité d’excitation pour l’ouïe et pour la vue.
- 2° L’excitation de l’un quelconque de nos sens se traduit par un effet appréciable au dynamomètre et qui peut avoir pour résultat de faire entrer en action un autre sens3.
- On comprend, dès maintenant, comment l’audition d’un son peut provoquer la perception d’une couleur; mais, grâce à l’obligeance de M. le ÏKFéré, je puis serrer de plus près encore la question et mettre sous les yeux du lecteur l’appareil dont il s’est servi, ainsi que la reproduction exacte des tracés qu’il a obtenus dans ses études sur l’action des couleurs.
- Le jeune et savant médecin de la Salpêtrière ayant reconnu que, parmi les hystériques de l’hospice, quelques-unes paraissaient être impressionnées différemment suivant la nature du rayon lumineux qui frappait leurs yeux, il chercha à comparer entre elles ces impressions en se servant de l’une de leurs manifestations les plus faciles à mesurer, c’est-à-dire au moyen de l’effort musculaire développé par la main sous leur influence.
- Pour cela, le sujet prend à la main, ainsi que
- 1 La Nature. 1885, 2e semestre, p. 545.
- - Octobre 1885.
- 3 J’ai déjà dit que, chez plusieurs personnes de ma connaissance, une saveur ou une odeur éveillaient parfois l’idée d’un son et inversement. Un professeur de philosophie m’écrivait, il y a quelques jours : « Ne croyez-vous pas que, chez certaines personnes, les sensations visuelles peuvent être suggérées non seulement par les perceptions de l’ouïe, mais aussi par toute espèce de perception sensorielle? Autrefois, je souffrais assez fréquemment de maux d’intestins, de maux de dents, de maux de tête, etc.; j’associais très spontanément, à ces diverses sensations de douleurs, diverses sensations colorées. C’était d’ailleurs quelque chose de très confus, et, comme la psychologie subjective et objective m’importait peu à cette époque, je serais incapable de vous donner maintenant à ce sujet aucun renseignement précis. »
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- LA NATURE.
- l’indique la ligure 5, un dynamomètre à ressort métallique qui, à l’aide d’un levier coudé et d’une tige, transmet l’effort à un tambour en caoutchouc rempli d’air; la pression de l’air se transmet elle-même, au moyen d’un tube en caoutchouc, jusqu’à un style qui inscrit ses oscillations sur un cylindre tournant autour de son axe sous l’action d'un mouvement d’horlogerie1.
- L’appareil étant mis en marche, le sujet opère avec la main une série de contractions au commandement d’une autre personne, et ces contractions
- Jaune.
- Contraction normale.
- Orandé.
- Violet
- Fig. 1.— CoHtractions d’un sujet sensible à l’état de veille sous l’inQuenee des diverses couleurs du spectre.
- produisent sur le cylindre des courbes de formes variables suivant la nature de la lumière perçue.
- La figure 1 montre ces courbes, d’abord sous l’inQuenee de la lumière normale, puis sous celle des lumières rouge, orangée, jaune, verte, bleue et violette. On voit qu’elles ont une forme bien caractérisée pour chaque couleur, et cette forme se reproduit non seulement quand on fait agir la même cou-
- Fig. 2. — üodilication de la contraction normale d'un sujet sous l’influence de l’interposition d’un verre rouge.
- leur sur le même sujet, mais encore quand la même couleur agit sur des sujets différents2. La courbe normale se rapproche beaucoup de la courbe jaune ;
- 1 Cet appareil sort des ateliers de JI. Collin, constructeur à Paris ; il est un perfectionnement du dynamographe de Du-chenne (de Boulogne).
- â Le Dr Féré a obtenu des résultats concordants avec plusieurs sujets même non hystériques; toutefois le nombre des expériences n’est point encore assez grand pour que I on puisse considérer cette loi comme générale. La sincérité de ces expériences dynamométriques est corroborée par d’autres expériences sur l'énergie des mouvements purement rellexes. Par exemple, lorsqu’on frappe sur un tendon, le mouvement involontaire qui suit le choc est plus considérable si le sujet est soumis à l’influence des rayons rouges.
- ce qui est tout naturel puisque les rayons jaunes tiennent une place prépondérante dans la lumière solaire.
- La figure 2 montre comment s’opère la modification de la courbe normale quand on pose brusquement un verre rouge devant les yeux du sujet.
- Ainsi, en généralisant ce qui n’est mis en évidence que pour des sujets exceptionnellement sensibles, on pourrait dire que notre esprit perçoit les couleurs à la suite de certains mouvements vibra-
- , Contraction normale Hallucination iaune
- a I état de somnambulisme. J
- Hallucination rouge Hallucination verte.
- Fig. 5. — Contractions obtenues par la suggestion des idées de couleurs sur un sujet à l’état somnambulique.
- toires communiqués à notre organisme tout entier par les vibrations de ce que l’on appelle l’éther. On peut aller plus loin et dire que, si notre esprit évoque l’idée d’une couleur, notre organisme entier entrera dans l’état vibratoire correspondant à cette couleur.
- En effet, mettant en somnambulisme l’un de ses sujets, M. le l)r Féré lui a suggéré de voir rouge, orangé, jaune, vert, etc., et, par les procédés décrits
- Polarisation du vert.
- Polarisation de l'oranée.
- Fig. i. — Polarisation du vert et de l’orangé.
- plus haut, il a obtenu les courbes reproduites dans la ligure 3, où l’on remarque les mêmes formes caractéristiques que dans la figure l, mais moins tremblées, parce que le sujet était mieux isolé des causes perturbatrices.
- La figure 4 montre la transformation des courbes correspondant aux hallucinations du vert et de l’orangé en courbes correspondant aux complémentaires de ces couleurs sous l’inQuenee de l’approche d’un aimant.
- En résumé, on voit que les contractions musculaires exercées sous l’inQuenee de diverses couleurs semblent dénoter chez le sujet des états vibratoires variés où les vibrations diffèrent non seulement par
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- LA A AT U KL.
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- l’intensité, mais encore par la forme. Or, nous savons que dans les courbes tracées sur les appareils enregistreurs par les extrémités vibrantes d’un corps sonore, c’est la forme de la courbe qui est la caractéristique du timbre A II y a là un rapprochement qui, pour n’être point rigoureux, n’en mérite pas moins d’ètre noté parce qu’il est confirmé par d’autres observations.
- On se rappelle en effet2 que, dans les phénomènes de l’audition colorée, c’est le timbre qui joue le principal rôle pour la vision de la couleur; et ce rapport intime entre le timbre et la couleur est tellement senti par certaines races que les Allemands appellent le timbre la couleur du son (Klangfarbe).
- Ce que bien des gens ne considéraient jusqu’à ce jour que comme des comparaisons plus ou moins
- hasardées est en réalité l’expression d’une impression physique; je vais en citer quelques exemples.
- Dans son Esthétique, M. Eugène Véron dit : « Si l’on emploie des instruments qui ne donnent qu’un son fondamental, on ne produit que de la musique terne, de la musique grise; elle se colore au contraire avec des cordes dont rien ne gêne la vibration et qui, par conséquent, émettent un son fondamental augmenté d’un grand nombre de sons harmoniques. »
- M. Sully-Prudhomme, dont on ne saurait contester l’autorité en pareille matière, est du même avis 1 : « Il existe, dans les divers sons qu’émet un même corps vibrant, une qualité essentielle et la plus constante de toutes, celle qui persiste sous toutes les variations de hauteur et d’intensité que
- Fig. 5. — Dynamomètre Collin servant à enregistrer les courbes produites par les efforts musculaires.
- peut subir sa sonorité : c’est le timbre. Aussi est-ce par son timbre que chaque instrument de musique est surtout spécifié. Tandis qu’il y a des notes communes à tous les instruments, chacun d'eux a son timbre qui lui est exclusivement propre. De même, il existe dans les sensations visuelles une qualité qui est propre à chacune et persiste quand varie la quantité de lumière reçue par le corps et la vivacité de sa coloration ; c’est ce qu’on appelle précisément sa couleur, qualité qui spécifie sa relation essentielle et la plus constante avec le nerf optique. Ainsi un
- 1 I/acuité du son détermine l'amplitude de la vibration et par suite la hauteur de la courbe; l'adjonction des harmoniques qui constitue le timbre fait varier la forme de la courbe en contrariant le développement régulier de la vibration.
- 2 Voir à ce sujet les articles sur Y Audition colorée, publiés par La Nature (1885, 1er semestre, p. 506 et 406; 1885, 2e semestre, p. 274.
- corps rouge, par exemple, reste coloré du même rouge bien qu’il soit plus ou moins éclairé et que ce rouge soit plus ou moins vif, comme lorsqu’un aquarelliste délaie dans plus ou moins d’eau la couleur donnée par un même pain de vermillon. Cette couleur spécifique est pour l’œil la qualité qui correspond au timbre pour l’oreille. »
- D’après Berlioz2, c’est par l’emploi de divers instruments qu’on peut colorer la mélodie, l’harmonie, le rythme. Meyerbeer désignait certains accords de Weber dans la Chasse de Lutzow comme des accords pourprés, et M. Eugène Fromentin dit5 d’un morceau de musique : « La palette de Rubens y retentit déjà dans les quelques notes dominantes, le rouge, le noir et le gris. Inversement, M. Eugène
- 1 L’expression dans les Beaux-Arts.
- 2 Grand Traité d'instrumentation.
- 5 f.en maîtres d'autrefois.
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- LA NATURE.
- Sylvestre analysait ainsi le tableau d’Eugène Delacroix représentant le Naufrage de Don Juan : « Delacroix poursuit entre le bleu et le vert l’immensité du ciel et de la mer, fait retentir le rouge comme le son des trompettes et tire du violet de sombres gémissements. »
- Tous ces écrivains, tous ces artistes, ne sont-ils point, à des degrés divers, des sensitifs, comme cet ancien élève de l’Ecole polytechnique qui décrit ainsi ses impressions et les circonstances où pour la première fois il s’en rendit compte ?
- « Je travaillais avec plusieurs camarades dans une salle d’étude, lorsque l’un d’eux qui discutait tout bas avec son voisin éleva la voix et dit en s’adressant à nous tous : N'est-ce pas que Va est rouge ? Sans quitter mon travail, je répondis : c'est évident, car pour moi le son a est rouge. A cette réponse, tous nos camarades partirent d’un grand éclat de rire, car aucun d’eux ne comprenait. 11 en résulta une grande discussion et, séance tenante, on nous soumit à cette expérience : on nous montrait successivement des objets de couleur quelconque, en nous demandant quel était à notre avis le son correspondant. En général, nos réponses étaient peu différentes, cependant elles n’étaient jamais identiques. Je me souviens, par exemple, d’un livre dont la couverture était vert d’eau un peu sali par l’usage ; je donnai pour syllabe correspondante bæil, tandis que mon camarade donna, je crois, meil ; ces deux sons ne sont pas les mêmes, mais ils se ressemblent néanmoins.
- « Une des différences qui existaient entre nos appréciations provient de ce que pour moi le son é est jaune terne tirant sur le gris, tandis que mon camarade le trouvait gris perle.
- « J’ai essayé de définir soit la couleur que je perçois pour les sons les plus simples, soit inversement les sons auxquels je pense en voyant un objet coloré. Voici le résultat auquel je suis arrivé :
- « a rouge; â grenat ; é jaune grisâtre ; ê jaune orangé ; e jaune. — i brillant, reflet métallique.— o bleu ; ô gros bleu : ô (prononcé comme dans trône par les Marseillais), bleu de Prusse clair. — u violet.
- — eu vert jaunâtre ; ou bleu sale. — ai groseille vif ; ei jaune brillant; oi bleu de ciel limpide; ui violet éblouissant (métal chauffé au blanc soudant).
- — aê orange. — ia rouge mélangé de gouache blanche; ieu gris perle; iu gouache blanche. — di blanc mat ; id blanc légèrement translucide comme le blanc d’œuf cuit dur.
- « Le blanc absolu ne peut pas s’exprimer par un son; d’ailleurs il n’existe pas dans la nature. De même aucun son ne peut rendre le noir, et c’est le silence absolu qui en donne le mieux l’idée.
- « Les consonnes modifient les tons et, en général, les salissent. Le son n nazillard implique l’idée d’une couleur terne, le son b indique une couleur passée : ainsi des papiers vieux, poussiéreux, ont une couleur qu’on peut exprimer par le son beu, b un.
- « Le son des grosses cloches, du canon dans le lointain, les notes basses du piano, sont des sons bruns tirant plus ou moins sur le rouge; —un coup de canon entendu de près est brun avec des points brillants.
- « La lumière du soleil par un beau ciel pur se représente assez bien par l’accord parfait obtenu avec des timbres d’argent ou de verre donnant un son très limpide. — Le reflet de la lune sur la mer par un temps calme donne l’idée de notes aiguës et piquées comme une série de petits coups de sifflet doux et harmonieux, et, si mes souvenirs ne me trompent point, on a orchestré ainsi cet effet dans un opéra.
- « D’après ce qui précède, on voit qu’en général la couleur d’un objet est représentée par un son assez complexe, et il est aussi difficile de rendre la couleur qu’on voit par un son bien approprié que de trouver sur sa palette les couleurs qui rendent l’effet qu’on veut reproduire. »
- La comparaison est très juste, et la sensibilité exceptionnelle dont est doué notre correspondant expliquera au lecteur ce qu’on m’a rapporté d’un peintre distingué de Paris : cet artiste n’emporte en général avec lui dans ses excursions qu’un crayon noir et du papier ; pour se rappeler les teintes, il se contente d’inscrire sur ses croquis des voyelles et des diphtongues aux endroits convenables, de telle sorte qu’on peut véritablement dire de lui qu'il peint avec des sons. àlhert de Rochas.
- CHRONIQUE
- Une sonde magnétique. — Une application ingénieuse de l’aimant aux opérations des mines a récemment été faite à Edimbourg. En creusant un puits par forage, on a trouvé nécessaire de relier le puits, à une profondeur de 200 pieds, avec un puits existant à 18 pieds 3 pouces de là, au moyen d’un passage souterrain. On creusa ce passage de l’ancien puits dans la direction où on pensait trouver le nouveau, mais on ne trouva pas celui-ci après avoir dépassé la distance entre les deux. En effet, le puits avait dévié de la verticale et il s’agissait maintenant de trouver sa position à la profondeur indiquée. M. Andrew Haddow, un ingénieur des mines, eut l’idée d’appliquer le magnétisme pour trouver la vraie position du trou. 11 se procura donc huit aimants droits qu’il plaça bout à bout de manière à en faire un long aimant et il les lia ensemble entre deux longues lattes en bois. On descendit alors cette tige magnétique dans le puits jusqu’à la profondeur du passage souterrain dans lequel on avait placé un compas magnétique. Le pôle sud de l’aimant était en bas, et le pôle nord en haut ; le pôle nord de l’aiguille magnétique se déplaça d’abord à l’ouest, ensuite à l’est du zéro, ce qui prouvait que la tige était à l’ouest du compas. Un nouveau passage fut construit dans cette direction et M. Haddow trouva alors, en observant les déviations de l’aiguille à différents points et en les marquant sur un plan du terrain, l’endroit où passait la tige magnétique et où se trouvait par conséquent la vraie position du puits.
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- LA N A TLUK
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- Une sonde chimique.— Lu ville de Boston (Etats-Unis d’Amérique) a en main un projet de reconstruction de ses égouts. Des sondages ont dù être exécutés à divers endroits pour déterminer la hauteur des eaux souterraines et ceux-ci ont été faits économiquement de la manière suivante : environ vingt tubes d’essais de petits diamètres ont été enfoncés dans le sol à des profondeurs plus grandes que celles des eaux souterraines ; un ruban métallique gradué, et lesté au moyen d’une petite masse de plomb, fut descendu successivement dans chacun desdits tubes; un bouchon, enfoncé dans la masse de plomb, portait une aiguille verticale et à la pointe supérieure de celle-ci était enfoncé un petit morceau de métal potassium; la position du morceau de métal correspondait au zéro du ruban gradué et l’altitude du rebord supérieur de chaque tube d’essai avait été rigoureusement déterminée par une expérience préalable. Le ruban gradué étant descendu lentement, un éclair et une explosion simultanés, causés par le contact du potassium avec l’eau, indiquaient le moment de ce contact et, à ce moment, la lecture faite de la division du ruban gradué correspondant au rebord du tube donnait la profondeur de l’eau à cet endroit. J. B.
- Le menthol et les crayons antimigraine. —
- Nous avons récemment parlé du menthol et de ses propriétés thérapeutiques (n° 647, du 24 octobre 1885, p. 354). M. Blankenberg nous a écrit à ce sujet que le menthol associé à la parraffme est bien en effet la base du crayon autimigraine ; mais l’addition de paraffine a surtout pour but de diminuer le prix de revient ; presque tous les crayons que l’on vend aujourd’hui à bas prix renferment beaucoup de paraffine. M. Blankenberg nous adresse un crayon uniquement composé de menthol du Japon absolument pur. Les crayons à paraffine ont l’aspect de la bougie ; le crayon à menthol pur a un aspect cristallisé. Un seul coup d’œil permet d’apprécier la différence. Quand on fait agir le crayon sur la peau, on constate aussi que son action est plus énergique. La sensation de froid est intense et la réaction plus forte. Ce crayon se fabrique en France où, parait-il, on purifie aussi le menthol tout comme en Allemagne et en Angleterre. Si nous sommes envahis par les crayons de provenance étrangère, nous le devons encore à une question douanière. M. Blankenberg fait remarquer que, il y a deux ans environ, le droit de douane d’importation était de 25 francs le kilogramme de crayons finis; depuis, ce droit a été réduit à 1 fr. 20, au même taux que le menthol brut. Or beaucoup de maisons parisiennes préfèrent acheter directement des crayons finis. Aussi, généralement, a-t-on renoncé à purifier le menthol à Paris, dans l’impossibilité où l’on s’est trouvé ainsi de lutter avec le commerce étranger; et d’autant mieux que les crayons allemands arrivent sur le marché à bas prix, mélangés à la paraffine.
- Ustensiles en nickel pour laboratoires. —
- M. F. Stolbe recommande l’emploi du nickel pour la fabrication de certains appareils de laboratoire en remplacement d’objets en platine dont le prix est beaucoup plus élevé. Le nickel ne s’oxyde pas ; il résiste très aisément à la chaleur rouge, et, dans bien des cas, il peut remplacer avantageusement le platine. Il faut toutefois prendre certaines précautions, ne pas exposer les objets en nickel au contact du charbon ou du coke incandescent, ni à l’action prolongée de flammes de gaz d’éclairage ; le nickel deviendrait en effet cassant (peut-être à la suite d'une combinaison avec le carbone). Lorsqu’on chauffe des
- objets en nickel à l’aide du gaz, il faut avoir soin de donner le plus d’air possible à la (lamine; ces objets sont spécialement utiles pour le recuit et l’incinération de certaines substances, et pour la fusion à l’aide d’alcalis ou de nitrates alcalins. M. Stolbe cite certaines expériences qu’il a laites avec des creusets en nickel et dit, entre autres, que l’on peut sans danger les employer pour la décomposition des minéraux à l’aide d’acide sulfurique concentré et de spath fluor.
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 4 janvier 1886. — Présidence de M. l’amiral
- JüBIES DE LA GbAVIÈBE.
- Séance très courte consacrée en grande partie au renouvellement du bureau. Les votants étant au nombre de 52, 28 voix appellent M. Gosselin au fauteuil de la vice-présidence. Son concurrent, M. Hervé-Mangon, réunit 23 suffrages ; 1 bulletin est au nom de M. Duchartre. On renouvelle aussi les pouvoirs de la commission centrale administrative qui continuera d’ètre composée de M. Freiny et de M. Becquerel.
- Culture de la betterave à sucre. — Notre savant collaborateur, M. Dehérain, professeur au Muséum, adresse, en collaboration avec M. Porion, un très important mémoire d’agronomie analysé par M. Peligot. Les auteurs ont voulu savoir si la loi actuelle, qui fait porter l’impôt qui pèse sur l’industrie sucrière, non plus sur le sucre achevé,mais sur la betterave pénétrant à l’usine, était favorable aux intérêts des cultivateurs. Ils ont fait un marché avec une sucrerie stipulant que le prix de la betterave serait d’autant plus élevé que la richesse en sucre était elle-même plus considérable; ils ont semé des graines appartenant aux variétés Vilmorin et Deffin, les betteraves étant bien terrées, et la fumure composée de tourteaux, d’azotate de soude et de superphosphates, ils ont vendu leurs racines de 35 à il francs la tonne; le produit brut à l’hectare a varié de 1500 à près de 1900 francs, laissautun pioduit net de 700 à 960 francs.
- Ces résultats ont été obtenus non seulement sur de petites parcelles d’expériences, mais sur des pièces de plusieurs hectares et il en découle manifestement que sous l’empire de la loi votée en 1884, la culture de la betterave peut être très avantageuse.
- Fougères fossiles. — Deux de nos paléobotamstes les plus distingués, M. Bernard Renault, aide-naturaliste au Muséum, et M. R. Zeiller, communiquent le résultat de leurs études sur les troncs de Fougères du terrain houiller de Coinmentry : ils ont constaté que les genres Caulop-teris et Ptychopteris ne représentent que des parties différentes des mêmes troncs, les Caulopteris correspondant à la surface externe de l’écorce, les Ptychopteris au pourtour du cylindre ligneux central, généralement sillonné par les racines adventives qui descendaient sous l’écorce. Ils ajoutent que le faisceau foliaire formé d’une simple bande à son origine, soude ensuite ses deux bords et se ramifie de manière à donner naissance à une cicatrice annulaire fermée, accompagnée à son intérieur d’une seconde cicatrice en forme de V renversé. Ils ont reconnu en outre l’identité des fossettes observées sur l’écorce des Caulopteris avec les fossettes aérifères des tiges de Fougères arborescentes actuelles.
- Causeries scientifiques. — M. le secrétaire perpétuel Bertrand présente, avec les plus grands éloges, la 23° et la 24° année des Causeries scientifiques de Henri de Bar-
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- ville. Dans ces deux charmants volumes, le brillant vulgarisateur aborde successivement de 400 à 500 sujets différents et presque partout il fait preuve d’une grande compétence en même temps que d’un grand talent d’écrivain. M. Bertrand signale spécialement les chapitres relatifs aux dragages zoologiques du Talisman et au passage de Vénus. 11 aurait pu allonger beaucoup cette liste et tout le monde a été de son avis quand il a dit qu’il pensait bien faire en appelant l’attention des amis des sciences sur cette utile et agréable publication.
- Histologie. — On se rappelle comment un de nos histologistes les plus autorisés, M. Vignal, a protesté contre les assertions de M. Adainkievicz qui pensait démontrer l’existence d une véritable circulation sanguine dans chaque cellule nerveuse. D’après cet anatomiste étranger, la cellule serait enveloppée d’un réseau artériel et son prétendu noyau ne serait autre chose qu’un cul-de-sac en communication avec tout le système veineux. L’attaque de M. Vignal portait sur le mode opératoire de M. Adam-
- kiewicz ; or celui-ci, dans une réponse qu’il adresse aujourd’hui, laisse précisément de côté le point de vue technique. Il se borne à s’étonner que par trois ou quatre expériences, son contradicteur puisse prétendre à annuler ses centaines d’observations à lui. Dans ces conditions, il est à présumer que cette réponse n'aura rien de décisif.
- Varia. — M. Charles Richet continue ses études sur l’action toxique des sels alcalins et ses premiers travaux sur cette question sont l’objet d’une réclamation de priorité de la part de M. James Black (de San-Francisco). — La morphologie de l’oeuf chez les insectes occupe M. Sabatier. — Les observations magnétiques faites au parc de Saint-Maur sont adressées par M. Moureaux. — En signalant un traité de météorologie récemment publié à Hombourg, M. Faye se félicite d’y voir adoptée la plus grande partie de sa théorie cyclonique. — Un nouveau système de canaux est proposé par M. Nouguès. Stanislas Meunier.
- LES CANOTS-PLIANTS DE - BEBTHON
- On a souvent cherché à construire des canots portatifs qu’un homme puisse facilement transporter à terre, et mettre lui-même à l’eau pour s’en faire une embarcation. Le système que nous allons faire connaître aujourd’hui est très bien combiné, il est d’une grande légèreté, très facilement démontable, et obtient depuis plusieurs années un succès très appréciable.
- Les canots-pliants de M. Ber thon sont en toile vernie imperméable ; leur forme de canot est obtenue à Laide de deux arêtes rigides en bois, qui sont additionnées de traverses transversales que l’on met en place et que l’on retire soi-même très facilement. Le modèle que nous représentons (fig. 1) est ponté à l’aide du tissu huilé. Il est muni d’une rame godille a deux palettes et d’une petite voile. La figure 2 montre le canot plié et transporté à terre.
- M. Ber thon en confectionne un autre modèle encore plus simple, qui est muni de deux avirons à la façon d’un canot ordinaire. Ce modèle qui est très usité en Angleterre par les pêcheurs et par les chasseurs de gibier d’eau, a été également adopté depuis plusieurs années par la marine française, qui l’a rendu réglementaire pour le service des défenses mobiles. Chaque torpilleur, aujourd’hui, a dans son armement un ou deux de ces canots, composés chacun de deux moitiés indépendantes qui peuvent se mettre à la mer séparément ou eon-jugées ensemble au moyen d’une simple tige de fer. Ces canots tiennent très bien la mer, et sont très précieux pour explorer les parages où les torpilleurs ne pourraient s’aventurer sans danger.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- N' 659. - 16 JANVIER 188 6.
- LA NATURE.
- LE LABORATOIRE ARAGO
- STATION ZOOI.OGIQUE DE UANYULS- SUR - MER
- Un grand nombre des lecteurs de La Nature intéressent aux progrès de la zoologie, et ils ont
- encore présent à la mémoire, un article récemment publié dans ce journal sur la station zoologique de Roscoff1. O’est à l’autre bout de la France que nous allons les transporter aujourd’hui pour leur présenter le laboratoire maritime de Banvuls, situé dans un des coins les plus pittoresques des
- Fig. 2. — Vue intérieure de l’aquariuni du Laboratoire Arago. (D'après nature.)
- Pyrénées-Orientales et placé sous les auspices du grand Arago, un enfant du pays. Que ceux qui désirent en outre connaître l’historique de sa fondation, consultent le volume des Archives de zoolo-li° année. — 1er semestre
- gie expérimentale paru en 1881; ils trouveront là quelques pages qui, dès l’instant où M. de Lacaze-
- 1 Voy. u° 648, du 51 octobre 1885, p. 544.
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- LA NAT l! U K
- Luthiers les a signées, ont pris place dans l’histoire de la science.
- « Je désire, écrivait alors le savant professeur, compléter une station d’été par une station d’hiver, pour permettre de s’éloigner des conditions défavorables que chacune d’elles présente en son moment, pour pouvoir éviter les grandes chaleurs qui s’opposent souvent au travail en revenant au Nord pendant qu’elles sévissent, et fuir les mauvais temps en abandonnant le Nord pour le Midi, et cela en se retrouvant pour ainsi dire dans le même établissement, dans les mêmes conditions de travail, avec le même matériel et les mêmes moyens.
- x Réaliser ces améliorations, paraît être l’idéal d’une organisation bien propre à faire progresser la zoologie française. »
- Soutenu par une infatigable énergie, secondé par le généreux concours du département des Pyrénées-Orientales et de la ville de Ba-nyuls *, M. de La-caze - Duthicrs a réalisé cet idéal, et voici la quatrième année que la station zoologique du Midi ouvre ses portes aux savants français et étrangers.
- Le laboratoire Arago s’élève à l’extrémité du promontoire de Fontaulé bordant au sud la baie de Banyuls (fig. 1).
- A l’est la pleine mer, l’élégante mer Méditerranée, a l’ouest les derniers sommets des Pyrénées avec leurs crêtes décharnées dominées par la Tour-du-Diable, et au pied des collines le village de Banyuls assis derrière ses bateaux de pêche. Les bâtiments de la station, adossés aux roches du promontoire, sont construits sur une base rectangulaire dont le grand côté n’a pas moins de 50 mètres. Une large terrasse longeant la façade et conduisant directement à un môle qui s’avance jusqu’à l'île Grosse, domine de quelques mètres un quai inférieur de plain-pied avec une jetée perpendiculaire au môle. La balancelle du laboratoire est à l’ancre, à l’extrémité de cette jetée qui est le véritable quai d’embarquement.
- La disposition intérieure de l'établissement est
- 1 Le conseil général du département et le conseil municipal de Banyuls ont contribué, pour une large part, à la fondation de la station, et la commune de Banyuls assure en outre uu Laboratoire une rente annuelle.
- des plus simples et des [dus commodes. Le rez-de-chaussée a été réservé à l’aquarium avec toutes ses dépendances et au logement du gardien, les cabinets de travail étant tous situés au premier étage, à l’exception d’un seul destiné aux recherches de physiologie et qui est placé à l’entrée de l’aquarium. On comprend l’utilité d’une pareille disposition qui isole les travailleurs du va-et-vient du personnel et surtout des visiteurs souvent très nombreux, quelquefois un peu bruyants. Le [dan ci-joint (fig. 5) donne la distribution des divers étages mieux que foule description ne saurait le faire.
- Suivons maintenant un travailleur arrivant au laboratoire. Nous entrons à sa suite dans un vestibule sur lequel s’ouvre le logement du gardien, cl de là nous montons au premier étage. Ici, de part et d’autre d’un long corridor sont distribués les
- cabinets de travail, la bibliothèque, salle de collection , cabinet de réception du directeur, magasin d’instruments, réactifs, etc. Seule, la salle de conférence, distraite de cet ensemble, est placée au deuxième étage, où le directeur et le préparateur ont chacun leur pied-à-terre dont, par discrétion, je ne ferai pas l’inventaire; acest Spartiate,'!) disait en visitant l’établisse m en I, M. Dumont, le regretté directeur de l’enseignement supérieur.
- Arrivé au premier étage, le nouvel hôte du laboratoire est installé dans un cabinet de travail à lui seul destiné et dont l’emménagement est des mieux compris. En face du travailleur une large fenêtre ; devant, à droite et à gauche des tables que commande un fauteuil tournant; dans un angle une armoire surmontée d’étagères ; je ne parle pas d’un assortiment complet de cuvettes, flacons, etc.
- Voilà donc le naturaliste entouré de ses instruments, muni de tous les réactifs qu’il désire, tout étonné de se trouver chez lui à 200 lieues de Paris, si commodément, si libéralement. Mais ce n’est pas tout : il lui faut des matériaux de recherche, des animaux; qu’à cela ne tienne, le lendemain, le soir même peut-être de son arrivée, le bateau de la station rapportera une ample moisson et, si le cœur lui en dit, il pourra lui-même assister à la pêche, traîner le chalut, le faubert, ou tirer sur la drague,
- REZ DECHAUSSEE
- flot»..
- mw. -v •
- Terrasse inferieure
- 1er ETAGE
- Réservoir d eau ; (120n?c)
- A.Cabinets detravail. B.Préparatei
- Fig. ô. — Plan du Laboratoire Arago, à Bauyuls-sur-Mcr.
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- LA NATURE.
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- car ici pas de marées et partant pas de longues excursions sur la grève. Il ne faudrait pas croire pour cela que l’abondance des matériaux de travail soit moindre qu’à Roscoff, et si le naturaliste ne peut recueillir lui-même à la main qu’un nombre d’animaux relativement restreint, les engins de pêche fournissent et au delà tout ce qu’on peut désirer.
- Chaque jour le patron des embarcations du laboratoire vient prendre les ordres du directeur ou de son représentant, puis il met à la voile; l’équipage est robuste et actif, le bateau bon voilier et les fonds d’une merveilleuse richesse, c’est dire que chaque soir la récolte est abondante. Les animaux demandés sont distribués à chaque travailleur et les autres vont prendre place soit dans la collection, soit dans les bacs de l’aquarium sur lequel nous allons maintenant attirer l’attention.
- C’est une vaste salle de 250 mètres carrés de superficie autour de laquelle sont disposés dans l’épaisseur des murs 8 grands bacs recevant la lumière de l’extérieur et dans lesquels un jet sous une pression de 10 mètres, renouvelle constamment l’eau et l’oxygène (fig. 2). Depuis trois ans les mêmes animaux vivent là en captivité, ils s’y nourrissent et bon nombre s’y reproduisent. Voici des Actinies qui à leur moment rejettent des nuées d’embryons; plus loin des milliers de Pentacrines fixés un peu partout, là une Filigrane tapisse la glace d’un bac de ses réseaux délicats, les Dendrophyllies bourgeonnent, les Ilydraires laissent échapper leurs méduses et dans le bac des Mollusques les délicates pontes de Doris, de Bulles et d’Àplysies s’accrochent aux rameaux des Gorgones tandis que d’énormes Tritons se promènent lentement.
- Ces bacs avec leur population si bien vivante font justement l’admiration des visiteurs ; ils servent de réservoir aux travailleurs qui ont, en outre, leurs bacs spéciaux disposés au milieu de la salle. Ceux-ci, dont les plus petits ne contiendront pas moins de 250 litres d’eau seront supportés par de belles tables de marbre et constamment pourvus d’eau et d’oxygène. Là, le travailleur élèvera commodément ses animaux et à chaque instant il pourra les observer en circulant librement autour d’eux.
- Ne sortons pas de l’aquarium sans nous arrêter auprès d’un grand bassin elliptique placé au milieu de la salle et alimenté par un jet d’eau sans cesse jaillissant. Ce bassin est très propre à recevoir toutes sortes d’animaux et convient très bien aux grosses espèces qui réclament beaucoup d’eau et un grand espace. C’est là que le physiologiste pour ses expériences a sous la main de nombreux individus. Enfin, toutes les eaux qui ont circulé dans la grande salle de l’aquarium sont recueillies par une canalisation spéciale et conduites au dehors, en dessous du perron d’entrée dans un réservoir où fourmille tout un monde de Bernard-VErmite au milieu de Poulpes, d’Astéries, d’Eponges, d’Ascidies et de Mollusques de toutes formes.
- Telle est l’organisation de l’aquarium ; voyons maintenant par quels moyens est assurée la circulation incessante de l’eau de mer.
- Revenons au premier étage en suivant le corridor dont nous avons déjà parlé, nous arrivons de plain-pied sur une terrasse supérieure dominant la pleine mer à l’est du batiment. Là, un moulin à vent à régulateur automatique actionne une pompe qui aspire l’eau du large et l’emmagasine à 15 mètres de hauteur dans un réservoir en maçonnerie creusé dans la roche. C’est de ce réservoir dont la capacité est de 120 mètres cubes que vient toute l’eau alimentant l’aquarium; une pareille réserve d’eau est nécessaire pour faire face aux calmes subits qui se produisent quelquefois dans la belle saison. D’ailleurs, si un arrêt est nécessité par un accident quelconque, une petite installation hydraulique est là, avec sa pompe de secours, son réservoir, etc., toujours prête à fonctionner.
- J'en ai dit assez pour montrer quelles incomparables ressources offre la station de Banyuls; il serait superflu d’insister. Je dois ajouter cependant que le laboratoire Arago, quoique spécialement destiné aux études zoologiques est aussi largement ouvert aux botanistes pour lesquels les sujets d’études sont sans nombre tant au point de vue de la flore marine que terrestre ; en outre un cabinet spécial destiné aux études d’agriculture est réservé pour les savants qui veulent faire des études dans la région.
- Les travailleurs ont bien compris les avantages précieux offerts par un laboratoire installé de la sorte et si largement ouvert à tous, aussi ont-ils accouru, alors même que les maçons n’avaient point achevé leur besogne. Depuis lors, ils n’ont cessé de s’y succéder à chaque campagne et les travaux datés de Banyuls sont déjà nombreux.
- Apprécier le mérite du savant qui a doté la France d’établissements tels que les laboratoires de Banyuls et de Roscoff, n’appartient qu’à l’un de scs égaux, mais nous, ses élèves, nous avons le droit de publier sou dévouement à la science, nous avons le devoir de dire ce que M. de Lacaze-Iluthiers a fait pour la zoologie française. H. Prouho.
- FABRICATION
- DES PLAQUES SÈCHES PHOTOGRAPHIQUES
- AU GÉLATINO-BROMURE D’ARGENT
- Les amateurs de photographie sont devenus légion, à tel point que nous nous rappelons cet été, nous trouvant pendant quelques jours à l’une de nos stations maritimes, avoir vu les opérateurs avec leurs chambres noires se toucher presque les uns les autres sur la plage à l’heure du bain. Il est peu de touristes aujourd’hui qui ne soient devenus photographes ; aussi n’est-il pas étonnant que la fabrication des appareils et des produits photographiques ait pris un développement considérable. Nous avons
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- déjà donné précédemment.1 une statistique de la fabrication des glaces au gélatino-bromure qui évaluait
- à 50 millions de francs le montant de la production annuelle en Europe. Quelques autres documents
- Fig. 1. — Fabrication tics plaques sèches photographiques. Couchatje de l’ëmulsiou au gélatino-bromure d’argent sur les verres.
- analogues publiés sur le papier sensibilisé montreront à quel chiffre d’affaires s’élève le trafic photographique.
- Le papier qui sert a faire les images, est fabriqué à peu près entièrement par une seule maison française et cette fabrique livre annuellem ent 50 000 rames de papier. Ce papier est ensuite recouvert d’une couche d’albumine et rendu sensible. Le papier ainsi préparé vaut au bas mot 300 francs la rame, sa production atteint donc le chiffre de 15 millions de francs. Les autres pa
- 1 Yoy. n 645, du 26 septembre 1885, p. ‘201.
- piers sensibles au gélatino-bromure d’argent, papiers au charbon, etc., montent au chiffre de 5 millions.
- Si l’on ajoute à cela les 'produits chimiques et l’ébénisterie, on arrive encore au total annuel de 50 millions de francs.
- On voit que la fabrication des glaces , ou plaques sèches, atteint à elle seule la moitié de la fabrication totale des objets photographiques. Tous les photographes de profession, tous les amateurs, s’en servent aujourd’hui. En est-il beaucoup qui connaissent leur mode de fabrication? Nous ne le croyons pas. Pour notre part nous avons voulu nous en rendre compte ; nous nous
- Fig. 2 — Le séchoir des plaques recouvertes de l’émulsion
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- sommes adressé à cet effet à l’un de nos plus grands fabricants français, M. I). Hutinet qui a bien voulu nous montrer, dans tous ses détails, son usine de l’avenue Parmentier à Paris. Il nous a semblé intéressant pour tous, et très instructif pour les praticiens, de connaître le mode de confection des plaques sèches dont ils se servent constamment. C’est ce qui nous a décidé à écrire la présente notice.
- Les plaques sèches sont des verres recouverts d’une émulsion au gélatino-bromure d’argent.
- Leur fabrication comprend une série d’opérations que nous allons passer en revue.
- 1° préparation de l'émulsion. — line grande quantité de formules ont été publiées dans les traités spéciaux. Une des plus simples est la suivante. On introduit (en opérant dans une pièce éclairée par la lumière rouge ru-bis)dansun flacon à large ouverture :
- Eau distillée,
- 300 centimètres cubes ; bromure d’ammonium,
- 18 grammes; bonne gélatine,
- 12 grammes.
- Lorsque la gélatine est gonflée, on porte le flacon dans un bain-marie et on élève la température à 40°. Dans un autre flacon on fait dissoudre 27 grammes d’azotate
- Fig. 3. — Le découpage des plaques.
- Fig. A.
- d’argent cristallisé
- soin de remuer l’émulsion avec une longue baguette de verre et de continuer l’ébullition du bain-marie pendant 15 à 20 minutes; après quoi on laisse tomber la température de 55" à 40" environ et l’on ajoute 12 à 15 grammes de gélatine, préalablement
- gonflée dans un peu d’eau distillée.
- Après ces opérations' successives, on verse l’émulsion dans une cuvette et on la laisse refroidir dans l’obscurité. Après la prise en gelée, on la lave pour la débarrasser des sels inutiles et nuisibles; on lapasse à travers un filtre et on la recueille dans une mousseline posée sur un tamis. On lave pendant 20 minutes sous un robinet. L’émulsion est alors remise dans le flacon où l’on introduit une troisième dose de gélatine, 12 a 15 grammes, que l'on fait fondre
- avec l’émulsion qui peut être alors coulée sur les verres.
- 2°Etendagede l'émulsion sur les verres. — Lorsqu’il s’agit d’une grande fabrication, Yéten-daeje ou le couchage de l’émul-sion sur les verres, offre de très sérieuses difficultés. Le temps du couchage des verres doit être aussi court que possible, car l’émulsion change constamment être exécutée très
- dans 150 centimètres cubes d’eau distillée tiède. On verse la solution d’argent en un mince filet de liquide dans la gélatine qu’un mouvement circulaire du bras tient constamment agitée, même lorsque les deux liquides sont réunis dans le même flacon. On reporte ensuite le flacon dans le bain-marie dont on élève la température jusqu’à l’ébullition. On a
- Machine à paqueter les plaques.
- d’état ; l’opération doit promptement pour que
- donc
- a couche soit bien homogène. Le couchage à la main est toujours imparfait à cause de l’inégalité d’épaisseur de la couche qui est toujours plus considérable du côté où on a fait couler la gélatine en penchant, le verre.
- L’opération du coulage de l’émulsion se fait mécaniquement dans l’usine de M. Hutinet. Notre obli-
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- géant cicérone nous était absolument indispensable pour visiter ses ateliers, car seuls nous n’aurions osé faire un seul pas à cause de l’obscurité qui y règne. A notre entrée dans le laboratoire, nous n’avons rien aperçu que des murs noirs et quelques foyers lumineux rouges. Mais peu à peu l’œil se fait aux ténèbres, il trouve bientôt appréciable la lumière de petites lanternes à verres rouges posées çà et là. Nous avons peu à peu aperçu des ombres; c’étaient les ouvriers au travail; enfin, après un quart d’heure, notre œil étant fait à cette obscurité, nous sommes montés à l’atelier de couchage où se trouve la machine que représente notre première gravure (fig. 1).
- Cette pièce mesure en longueur 20 mètres. Les verres préalablement nettoyés ont exactement la largeur qu’ils doivent conserver une fois coupés ; leur longueur est de im,20. Chaque verre est posé sur deux courroies sans fin qui sont actionnées par une machine à vapeur.
- Le verre, ainsi entraîné, passe sous un rouleau qui appuie très légèrement sur sa surface, un contrepoids servant à l’équilibrer. L’émulsion est contenue dans un récipient chauffé au bain-marie, et que l’on voit au milieu de notre figure; elle s’écoule lentement et en quantité voulue à l’aide d’un robinet en verre et tombe dans une cuvette ayant la largeur du rouleau. Cette cuvette est percée à sa base de petits trous qui permettent à l’émulsion de se répandre uniformément sur le rouleau, qui, dans son mouvement de rotation, couvre le verre d’émulsion. Les verres sont placés les uns à la suite des autres. Ils continuent leur marche sur une longueur de 12 mètres et, pendant ce temps, l’émulsion est figée.
- 5° Séchage des verres. — Au bout de la table, les verres sont pris et placés dans le séchoir (fig. 2). Il se compose de rayons en bois dans une pièce qui a une ventilation peu appliquée jusqu’alors. L’air pris du dehors passe à travers des tampons de ouate et il vient se chauffer sur les tubes où circule de la vapeur sous le double plancher du séchoir ; après s’ètre ainsi chauffé, il monte dans les quatre coins de la pièce jusqu’au plafond, pour se répandre ensuite dans toutes les parties de celle-ci. Au-dessous des rayons, et de chaque côté, se trouvent des claies laissant passer l’air qui est appelé par le tirage de la cheminée d'usine de 24 mètres de hauteur. Ainsi l’air chaud, arrivant par le haut, descend en se chargeant de l’humidité produite par le séchage des plaques. De cette manière il y a peu ou point de poussière, les plaques sont placées sur les rayons la face émulsionnée en dessous.
- 4° Découpage des plaques. — Une fois sèches, c’est-à-dire six à huit heures après leur mise en rayon, les plaques sont portées dans l’atelier de découpage. A l’aide d’une machine très simple qu’une seule ouvrière fait agir, chaque plaque est coupée à la grandeur voulue (fig. 3). Cette machine est composée de deux rainures en bois dont on fixe la largeur à volonté à l’aide d’écrous. Comme
- nous l’avons indiqué, la largeur exacte de la grande plaque est faite avant le couchage; elle est introduite dans cette glissière qui vient se buter à un endroit fixe de manière que la distance comprise entre la règle qui doit guider le diamant et une plaquette qui arrête la glace, soit de la longueur nécessaire au format de la petite plaque qui est alors coupée à l’aide d’un diamant.
- Pendant le coupage, les glaces sont examinées une à une par d’autres ouvrières ; celles qui ont quelque défant sont rejetées tandis que les autres sont remises au paquetage.
- 5° Mise en paquet. — La machine à paqueter (fig. 4) se compose de trois parties essentielles à rainures ; celle du dessous dépasse l’affleurement de la table; elle a six rainures; de petits papiers tuyautés qui y sont préalablement placés s’adaptent exactement dans ces rainures; de chaque côté de la rainure du dessous, s’élèvent deux autres planchettes verticales mobiles à rainures et correspondant aux divisions de celle de la table. Les glaces sont introduites une par une dans ces rainures, et, lorsqu’il y en a six, on place dessus des papiers tuyautés. Cela fait, le système du bas, par un mouvement mécanique, descend au-dessous de l’affleurement de la table en même temps que les deux planchettes verticales s’écartent; les six glaces sont alors serrées entre elles par l’ouvrière et séparées par les petits papiers tuyautés. Elles sont ensuite paquetées et deux paquets sont placés ensemble dans une boîte. Une bande de papier est collée sur l’ouverture des boîtes, qui peuvent après ce travail, être transportées au jour.
- Toute cette fabrication demande de grands soins et un agencement considérable. M. D. Hutinet nous faisait remarquer que pour combattre pendant l’été la chaleur pour le couchage des glaces il avait été obligé de faire un petit canal au-dessus des glaces qui ne sont pas encore figées et que ce canal était alimenté par de l’eau à 12° provenant d’un puits qu’il avait dû faire forer à 40 mètres de profondeur. Gaston Tissandier.
- EXPOSITION DE L’OUTILLAGE
- DES TRAVAUX PUBLICS
- L’Exposition de l'Outillage des travaux publics organisée à la salle des États, du Louvre, par le syndicat des entrepreneurs de travaux publics de France, sous la présidence d’honneur de M. Ferdinand de Lesseps, vient d’être close après une durée d’une vingtaine de jours. Le caractère un peu spécial de cette manifestation industrielle ne nous a pas permis de lui consacrer dans La Nature une description en rapport avec l’importance qu’elle présentait pour les intéressés. Mais l’idée primordiale des organisateurs, de montrer que l’industrie nationale pouvait suffire à satisfaire à tous les besoins des grandes entreprises modernes, mérite les plus grands éloges, et l’empressement de nos constructeurs à répondre à l’appel qui leur était fait, prouve qu’elle a été hautement appréciée
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- LA NATURE.
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- Hâtons-nous d’ajouter qu’ils ont amplement justifié la confiance que leur témoignent les organisateurs. L’ensemble des appareils représentés démontre que nos chantiers peuvent s’affranchir du concours des constructeurs étrangers. Dragues, excavateurs, locomotives et voies pour entreprises, tout le matériel indispensable à l’exécution économique des grands travaux est étudié avec un soin judicieux, les modèles sont adaptés aux cas les plus divers de la pratique, les dimensions sont établies largement en vue des efforts à vaincre, sans préoccupation d’un bon marché plus apparent que réel, car les répara lions et les arrêts sont bien plus préjudiciables à la production que le prix élevé des appareils quand ils répondent aux conditions de résistance nécessaire.
- Une excellente innovation, due à l’initiative du comité d’organisation, consiste à demander aux exposants de publier leurs catalogues et notices dans un format uniforme, afin qu’ils puissent être réunis ultérieurement en volume.
- Nous féliciterons, en terminant, le comité d’organisation, composé de MM. Dulau, président ; Gellercet, vice-président ; Couvrcux fils, commissaire; Ch. Bourdon, secrétaire et de plusieurs autres membres, du succès qui a couronné leur œuvre, succès qui les encouragera, nous l’espérons, à la renouveler dans des conditions de temps et de local qui permettent de la rendre plus complète encore. G. R.
- LES HOMMES INCOMBUSTIBLES
- (Suite et lin. — Yoy. i>. 4t.)
- Nous allons chercher à donner l’explication des faits que nous avons cités précédemment.
- Le durcissement de l’épiderme, chez les ouvriers, doit être d’abord pris en sérieuse considération.
- En 1774, à la forge de Laune (près la Ferlé-Rernard) un homme marchait, sans se faire aucun mal sur des barres de fer ardentes, tenait sur sa main des charbons embrasés et les soufflait avec sa bouche; la peau de cet homme était épaisse et naturellement enduite d’un suintement gras et onctueux.
- Les Aïssaoua ne semblent devoir leur faculté do marcher sur des fers rouges qu’au simple durcissement do leur épiderme, les Arabes avant l’habitude de marcher toujours pieds mis, et cela depuis leur enfance.
- On voit quelquefois des forgerons mettre un morceau de fer chauffé au rouge dans leurs mains et le transporter à quelques pas. Nous avons même vu un jeune ouvrier aux mains très calleuses transporter un morceau de fer rouge, à une distance de 100 mètres, et cela à la suite d’un pari; seulement, pendant ce transport, il jetait rapidement et continuellement le morceau de fer d’une de ses mains dans l’autre de façon à éviter un contact trop prolongé.
- Nous avons vu aussi un maréchal ferrant prendre avec la main et jeter un fer rougi, qui était tombé sur la cuisse d’un cheval entravé. Certains maréchaux prennent également avec leurs mains, dans le feu de la forge, un fer à cheval chauffé a blanc et le posent sur l’enclume. Un vieil ouvrier de la Com-
- pagnie des omnibus (dépôt de U Alma) exécute celte prouesse avec la plus grande tranquillité.
- Les cuisinières prennent entre leurs doigts un charbon embrasé tombé de leur fourneau.
- L’ouvrier de la campagne éteint également une chandelle entre le pouce et l’index, ou en raccourcit la mèche. Il étouffera de même le papier en flamme avec lequel il vient d’allumer sa pipe.
- Ce sont, là des exemples d’incombustibilité à des degrés divers dns au simple durcissement de l'épiderme par le travail.
- Cela ne suffit [tas cependant pour expliquer d’une façon complète les tours des individus s’exhibant on public comme incombustibles.
- Les expériences du médecin et chimiste italien Sémentini ont montré qu’il existe en effet des préparations, des enduits qui, mis sur la peau, la rendent absolument insensible au contact du feu ou des corps incandescents.
- Au commencement de ce siècle, un Espagnol se montra à Paris comme doué d’une incombustibilité surnaturelle; ses expériences étaient à peu près celles de Richardson, dont nous avons parlé dans notre précédent article; elles eurent également pour effet de provoquer parmi les médecins et les savants français, des discussions sur la manière dont elles pouvaient être obtenues.
- A peu près à la même époque, un Italien nommé Lionctti exécuta des tours d’incombustibilité à Naples et fut soigneusement observé par Sémentini, alors premier professeur de chimie à l’Université de cette ville.
- Lionctti commençait par promener une barre de fer rouge sur ses cheveux sans que ceux-ci fussent brûlés, il la faisait ensuite passer sur ses bras et sur ses jambes. De la pointe du pied ou du talon il frappait à plusieurs reprises un morceau de fer rougi à blanc; il mettait un fer rouge entre ses dents; il buvait de l’huile bouillante, trempait ses doigts dans du plomb fondu et en faisait tomber des gouttes sur sa langue ; il y passait aussi une baguette de 1er rouge sans paraître en souffrir le moins du monde. Il exposait son visage à la flamme de l’huile, ou aux vapeurs qui se dégageaient quand on versait sur des charbons embrasés, de l’acide sulfurique, azotique ou chlorhydrique.
- Sémentini résolut de chercher le secret de ces expériences. 11 remarqua notamment qu’au moment où l’incombustible promenait sur sa tôle une barre de fer rouge, il se dégageait de ses cheveux une quantité considérable de vapeur blanchâtre et opaque; qu’il en était de mênte quand ses bras, ses jambes ou ses pieds, se trouvaient être en contact avec la barre rouge; que lorsqu’il versait sur sa langue du plomb fondu ou la touchait d’un fer chaud, la surface de celle-ci était couverte d’un enduit blanc à peu près semblable à la saburre qu’y dépose la fièvre. Sémentini conclut de ces observations (jue Lionelti se servait de préparations qui préservaient momentanément l’épiderme et résolut de déterminer la nature de celles-ci.
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- Ses premiers essais n’eurent aucun résultat. Enfin après s’être soumis à tles frictions répétées d’acide sulfureux, il put s’appliquer sur la peau impunément une barre de fer rouge. Continuant ses essais il trouva qu’une dissolution d’alun avait la même propriété. Un jour, par hasard, ayant frotté de savon la surface de sa main préalablement imprégnée d’alun, il trouva que l’incombustibilité de celle-ci avait beaucoup augmenté. 11 osa alors mettre un fer rouge sur sa langue.
- Il découvrit même qu’une couche de sucre en poudre recouverte de savon suffit pour rendre cet organe complètement insensible.
- Sémentini, à la suite de toutes ces expériences, de tous ces essais réitérés, était parvenu à être beaucoup plus incombustible que le charlatan qui lui avait suggéré ce genre d’étude.
- Tel est, d’après le savant chimiste, le secret de l’homme incombustible au fer rouge et aux charbons ardents. Il est certain que les pauvres saltimbanques qui exécutent dans les fêtes foraines des expériences de ce genre, emploient, soit la préparation découverte par le chimiste italien, soit d’autres du même genre.
- Les mangeurs de feu.
- — Les incombustibles joignent ordinairement à leurs expériences l’ingestion plus ou moins réelle de substances en-llammées. Nous venons de le voir pour ceux dont nous avons parlé,
- Lionetti, l’Espagnol et Richardson. Un témoin enthousiaste des expériences de ce dernier racontait ceci (dans les Transactions philosophiques) : « 11 avalait du fer fondu, de la poix, du soufre, de la cire mêlés ensemble, le tout enflammé de façon que la flamme sortait de sa [bouche, et cette composition faisait autant de bruit dans sa gorge qu’un fer chaud qu’on trempe dans l’eau. »
- En outre, comme nous l’avons vu, il mettait dans sa bouche des charbons ardents, et faisait cuire sur ceux-ci un morceau de viande.
- Vers la même époque (fin du dix-septième siècle), le médecin Thoisnard assurait avoir vu une dame a Orléans qui faisait dégoutter sur sa langue de la cire d’Espagne allumée.
- De nos jours, manger du feu est devenu un simple tour d’adresse exécuté par des acrobates, des saltimbanques, s’exhibant en public.
- Tous ces faits, qui semblent d’abord si extraordinaires, s’expliquent, en somme, très facilement. Dodart, à propos des expériences de Richardson, faisait remarquer que la langue, si sensible aux saveurs, est relativement peu impressionnable, surtout à sa surface, à la chaleur. On voit des personnes très délicates avaler des mets à une température extrêmement élevée. 11 fait remarquer que le charbon se dépouille de son calorique sitôt qu’il est éteint et que beaucoup de personnes peuvent placer sur leur langue un petit morceau de charbon incandescent pourvu qu’elles humectent celle-ci d’un peu de salive. Dodart montre que le charbon sur lequel Richardson faisait cuire un morceau de viande ou une huître, était à plus d’un pouce de sa langue, qu’il avait soin de l’envelopper d’un morceau de chair et que le soufflet qui était censé attiser le feu, servait plutôt à rafraîchir la langue du physicien qu’à embraser davantage le charbon. Pour le mélange enflammé de poix, de soufre et de cire, Dodart assure qu’il a pu y tenir le doigt pendant deux secondes sans ressentir aucune douleur. Il fait observer que la plupart des matières enflammées (pie l’on porte à la bouche s’éteignent aussitôt que celle-ci est fermée, et que la nature du gaz qui s’exhale de nos poumons doit encore hâter cette extinction.
- Cette dernière remarque est l'explication du tour attribué à un capitaine de navire qui, « avalant devant quelques Hottentots de l’eau de-vie enflammée, les vit se prosterner à ses pieds et fut proclamé par eux le plus grand féticheur de l’univers. »
- Souffler du feu, des flammes* de la fumée, n’est guère plus difficile. On voit journellement ce tour exécuté dans les plus pauvres baraques foraines, par les pitres des carrefours (fig. 1) ou bien encore dans les cirques.
- Les procédés employés par les souffleurs de feu sont des plus simples. Certains mangeurs d’étoupes enflammées se contentent de faire une petite pelote d’étoupe qu’ils pressent fortement, puis ils l’allument et la laissent se consumer presque en totalité; alors l’enroulant dans de l’étoupe nouvelle pour préserver la muqueuse de la bouche du contact de la pelote incandescente, ils soufflent doucement en
- Fig. 1. — Saltimbanque avalant (les éloupes enflammées.
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- Fig. 2. — Expérience de liquide combustible, brûlant sur un chapeau, sur un mouchoir, etc., sans produire d’incendie, exécutée
- au Conservatoire des ,\rts et Métiers en 1881,
- Fig. 5. — Homme vêtu d’un costume incombustible, sauvant un entant d'un incendie
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- ayant soin do no rospiror qno par lo nez et. projettent ainsi de la famée et des étincelles. Un autre procédé plus perfectionné consiste à introduire dans la bouche une sorte de fourneau de pipe en lerre ou en métal bourré de matières charbonnées, et à souf-11er doucement par un mécanisme analogue à celui que l’on emploie quand on se sert du chalumeau en chimie.
- Les liquides volatils. — Quelques liquides ont la propriété de s’enflammer et de brûler sans endommager les objets sur lesquels ils sont répandus ou sur la peau sans produire sur celle-ci de sensation douloureuse. Ce sont, en général, des liquides très volatils comme les essences, l’éther, etc. Certaines personnes mettent un pou d’éther dans le creux de leur main, l’allument et le laissent briller sans éprouver la moindre sensation de brûlure. Il y a quelques années, l’inventeur d’un nouveau produit pour l’éclairage, M. Kordig, a fait devant plusieurs sociétés savantes et dans une soirée donnée par M. Hervé Mangon au Conservatoire des Arts-et-Mé-tiers, de très curieuses expériences. Voici comment La Nature en rendait compte à cette époque :
- « M. Kordig verse abondamment le liquide sur son chapeau et il le fait brûler; une grande flamme s’élève jusqu’au plafond ; au grand étonnement des spectateurs, il place son chapeau sur sa tète et attend que la flamme se soit éteinte; le chapeau est intact (fig. 2). L’opérateur répand du liquide sur le parquet, où il le fait brûler, le parquet n’est nullement endommagé. On peut verser quelques gouttes du liquide dans le creux de la main et l’y faire brûler sans éprouver une sensation de chaleur appréciable. » Un explique comment des substances peuvent brûler sur des objets sans les endommager, ou sur la peau sans occasionner de brûlure, de la façon suivante : Ces substances, éther ou essence, sont très volatiles, leur tension de vapeur est considérable et, en réalité, quand elles brûlent, ce n’est que leur vapeur qui est enflammée. Celle-ci, même alors, tend à emprunter du calorique au liquide. D’où celui-ci peut rester à une température relativement basse, tandis que sa surface est en flamme ; c’est là l’explication rationnelle de ce fait très curieux, un liquide brûlant dans la main sans blesser celle-ci.
- Les vêtements incombustibles. — On a cherché à obtenir des vêtements incombustibles permettant de pénétrer impunément au milieu des flammes, soit pour sauver des personnes, soit pour combattre plus aisément les incendies. Parmi les essais faits dans ce sens, on cite ceux du chevalier Àldini ; ses vêtements étaient formés de toile métallique et de drap fort, imbibé d’alun ; la tète était préservée par un capuchon d’amiante, les mains garnies de gants également en amiante. Pour montrer l’efficacité de son vêtement, l’inventeur a exécuté, vers 1830, une série de curieuses expériences : ainsi, revêtu de son costume, il prit une barre de fer rouge qu’il porta plus de cinquante pas, put enflammer de la paille par son seul contact et revint la mettre dans le four-
- neau. 11 porta, une autre fois, une poutre enflammée. 11 put se promener sur une grille de fer au-dessous de laquelle brûlaient des fagots. Entre une série de feux lormantun couloir de, plus de 10 mètres de, long rempli de flamme et de fumée, six hommes revêtus du costume incombustible passèrent à petits pas. Un des expérimentateurs traversa la fournaise en portant un panier recouvert d’un tissu métallique et dans lequel se trouvait un enfant. Des hommes courageux, à l'aide de costumes incombustibles, ont pu, dans des incendies, pénétrer ainsi au milieu des flammes et opérer de merveilleux sauvetages (fig. 3).
- 11 y a quelques années, des expériences ont également été faites à Paris avec un vêtement incombustible d’un autre système : ce vêtement se composai! de plaques d’éponges juxtaposées et réunies de façon à former une enveloppe complète. Ces éponges, une fois imbibées d’eau, constituaient une véritable cuirasse liquide qui, interposée entre les flammes et le corps, préservait celui-ci de toute brûlure. De temps en temps, un jet de pompe était dirigé sur l’expérimentateur pour maintenir les éponges toujours humides et, conserver au vêtement son incombustibilité. Cuyot-Daurès,
- H.-M. STANLEY
- ET SON OUVRAGE SUR LE CONGO.
- Depuis sa descente du Congo, depuis qu’il a reconnu, contre l’avis de Livingstone et de tous les géographes de son temps, que le Lualaba et la chaîne de lacs qui l’alimente est la tête du Congo et non celle du Nil, M. II. M. Stanley s’est classé au premier rang des explorateurs contemporains. Le très important ouvrage qu’il vient de publier sur le Congo et la fondation de son Etat libre contient des données trop nouvelles et trop intéressantes sur l’Afrique centrale pour que La Nature n’en donne pas un résumé à ses lecteurs.
- A peine était-il de retour en Europe, que Stanley entrait en relations avec le roi des Belges, Léopold II, qui avait conçu le projet d’ouvrir an commerce et à la civilisation l’immense area que le voyageur venait de parcourir.
- Dès que son état de santé le lui permit, Stanley fut mis à la tête d’une expédition organisée par le Comité d’études du haut Congo qui allait devenir, peu de temps après, l’Association internationale africaine.
- Il commence par recruter à Zanzibar une partie des noirs qui l’ont accompagné pendant son premier voyage et arrive, le 14 août 1879, devant l’embouchure du Congo à la pointe de la Banane.
- Un bâtiment chargé de chaloupes à vapeur démontées, de vivres, de provisions de toute sorte, d’objets de campement et d’outils de toute nature, l’a précédé. Il s’agit de transporter tout ce matériel
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- jusqu’au point terminus de la navigation du Congo, c’est-à-dire au pied des chutes Yellala qui ont arrêté l’expédition Tuckey en 1816. Ce devait être la première étape du voyageur, et, si elle ne fut pas exempte de certains dangers, car on n’était encore aucunement familiarisé avec la navigation de ce fleuve immense, au courant violent, qui ne peut être comparé qu’au fleuve des Amazones, elle ne mérite pas du moins (pion s'y arrête longtemps.
- Quand on aura cité les factoreries de Conta da Lenlia cl de Borna, on aura enregistré toutes les localités occupées par les blancs à'cette époque. Si Stanley se plaint de la monotonie de la navigation sur le bas Congo, de sa solitude et du manque absolu des marques de la présence de l’homme, il n’en est plus de même aujourd’hui, et l’on ne compte plus les steamers, les péniches, les barques, les canots qu’on croise sur le fleuve devenu le siège de factoreries importantes sur lesquelles flottent côte à côte les pavillons de l’Angleterre, de la Hollande ou de la France.
- Si peu connu que fut le cours inférieur du Congo, il l’était un peu du moins, mais plus le voyageur se rapprochait de Yellala, plus la solitude se faisait, plus il lui semblait difficile de réunir les documents (pii lui faisaient défaut pour la navigabilité du fleuve à toutes les époques de l’année. Son expérience personnelle, celle des quelques Européens qui l’accompagnaient allaient y suffire.
- Dans une localité qui paraît réunir toutes les conditions désirables, facilité d’accès, voisinage des chutes, fertilité, possibilité de défense avec un petit nombre d’hommes, à Yivi, M. Stanley achète un terrain, l’approprie, y élève ses maisons de bois, y creuse dans le roc un jardin, installe des étables et des magasins à provisions ; bref, en fait une tête de ligne.
- Ces travaux achevés, il part afin de reconnaître la contrée jusqu’à la cataracte d’Issanghila et de déterminer les endroits les plus propices pour l’établissement d’une route carrossable de 15 pieds de large par laquelle, vu l’impossibilité où il se trouve de faire passer ses embarcations par-dessus les cataractes, il compte les traîner sur des wagons jusqu’à l’endroit où il trouvera un bief navigable.
- Le récit de ces travaux d’Ilercule, l’expression n’est pas exagérée, qui lui demandent une année entière, dans un pays fort accidenté, où les gorges et les ravins, les rivières et les torrents succèdent aux collines dont quelques-unes n’ont pas moins de 1000 mètres de haut, est on ne peut plus instructif. Jusqu’alors Stanley n’a été qu’un journaliste, un reporter devenu par occasion explorateur ; il devient ingénieur, préside à la construction des plans, à l’empierrement des chaussées, à l’ouverture, à travers les rochers et les bois, sur les pentes abruptes des collines, d’une route qui'dui permet, à force de voyages et grâce à l’aide des naturels aussi bien qu’à l’endurance de ses compagnons, de transporter jusqu’à Issanghila son matériel et ses provisions.
- C’est pendant l’exécution de ces travaux que S tan . ley reçut la visite de notre compatriote de Brazza, qui, après avoir installé à Stanley pool un petit poste et s’être fait céder par le Makoko un territoire en toute propriété, regagnait la cote, épuisé par un long-voyage dont le point de départ avait été l’estuaire de l’Ogoué.
- Les populations que Stanley avait jusqu’alors rencontrées l’avaient accueilli amicalement et s’étaient empressées de lui fournir les travailleurs et les vivres dont il avait besoin. Aussi superstitieuses que les noirs de la côte, ces tribus sont exploitées par des sorciers qui leur vendent bien cher des amulettes et des r/risgris et qui leur font adorer de bizarres idoles, recouvertes de loques bigarrées agrémentées de plumes aux couleurs éclatantes.
- A peine arrivées à Issanghila, les embarcations sont lancées sur le fleuve. Elles remontent le courant jusqu’à Manyanga où une nouvelle station est établie et de là gagnent Stanley pool, sorte de lac formé par le fleuve, au milieu duquel se trouve l’île Banni. Sur la rive méridionale du Congo, Stanley installe un nouvel établissement, Léopoldville. Là, cette future capitale de l’Etat libre du Congo est représentée par un fortin dressé sur une colline qui commande le pays, par quelques centaines de huttes indigènes et de magasins à provisions dont les environs ont été entourés de jardins potagers. La situation paraît bien choisie. L’eau et le bois sont abondants, la terre est fertile, les indigènes paraissent animés de dispositions bienveillantes et la position stratégique de Léopoldville qui domine tout le pool permet une résistance facile.
- Au-dessus de Stanley pool, sur la rive méridionale du Congo, débouche un important cours d’eau, le Koua,chez les Wabuma. Stanley en entreprit la reconnaissance et apprit qu’il reçoit sur sa rive sud une grosse ri vière, le Mbileh, qui n’est vraisemblablement que le cours supérieur du Kuango. Le Mfini, qui forme le cours supérieur du Koua n’est autre, ainsi que nous venons de l’apprendre par la très intéressante exploration du lieutenant Wissmann, que le Kassaï. Déjà, au cours d’un voyage accompli pendant les années 1881 et 1882 de concert avec le docteur P. Pogge, le lieutenant Wissmann avait exploré une partie du cours supérieur du Kassaï et reconnu un certain nombre de ses affluents entre lesquels le Louloua ; il vient cette fois-ci de résoudre un problème très important, qui préoccupait depuis longtemps les géographes; et cette découverte le range du coup au premier rang des voyageurs africains.
- C’est après son intéressante découverte, en 1882, que Stanley reprit la route d’Europe où l’accueil bienveillant qui lui fut fait ne put lui faire oublier l’ennui que lui avaient causé les découvertes et les travaux de ses émules sur le noir continent. Il eut même le tort de laisser trop ouvertement percer sa mauvaise humeur en plus d’une occasion et de trai-
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- ter notamment notre compatriote, M. de Brazza, avec un dédain blessant et une injustice flagrante.
- A la fin de l’année, Stanley regagnait le Congo et le 9 mai 1882 partait de Léopoldville pour le liant fleuve avec deux chaloupes à vapeur et deux embarcations portant quatre-vingts hommes d’équipage et les approvisionnements nécessaires.
- On ne faisait guère par jour que 25 milles et l’on descendait à terre tous les soirs pour renouveler les provisions de combustible et d’eau potable. Nul incident extraordinaire ne vint marquer cette navigation presque toujours paisible. Enfin par 0°,1/ de latitude nord fut fondée la station dite de l’Équateur dans une région fertile, chez des peuples bienveillants qui s’empressaient de livrer aux Européens toutes les provisions qu’ils pouvaient désirer à très bon marché.
- Equator station est presque à l’embouchure d’un gros cours d’eau, le Buruki ou Mo-hindu, la rivière noire qui pourrait être la tète du Kassai.
- Stanley reprit alors la route de Léopoldville afin d’y chercher son courrier d’Europe avec de nouvelles instructions. Trois mois plus tard il était a la station de l’Equateur prêt à s’élancer de nouveau 5 ou G00 milles plus loin. C’est ce qu’il fit jusqu’aux chutes qui ont gardé son nom où, sous le commandement, d’un Écossais nommé Binnia, il organisa un nouvel établissement de traite et de commerce.
- Mais déjà la contrée avait été envahie par les Arabes et les demi-sang, encore plus barbares, venus de la côte orientale d’Afrique, et ils avaient procédé, de concert, à leurs ravages accoutumés pour recueillir des esclaves, marchandises dont le prix s’est considérablement accru depuis que presque tous les marchés officiels se sont fermés et qu’on ne peut plus s’en défaire que d’une façon clandestine.
- Stanley, partout où il passa, eut la chance de nouer des relations amicales avec les indigènes. Ces mêmes peuples, qu’il nous représentait en 1879 comme des cannibales acharnés, qui lui livraient sur le Congo combat sur combat et qui le poursuivaient comme le loup chasse la brebis dont il compte se repaître, étaient devenus si calmes, si bienveillants, qu’on ne peut les reconnaître. L'un d’eux, le
- chef des Wenyas, disait même à Stanley au moment où celui-ci allait reprendre la route de l’ouest :
- « Allez en paix, vos hommes seront mes enfants pendant votre absence. Je me charge de les nourrir et, jusqu’à votre retour, je rêverai toutes les nuits que je vous revois. »
- Stanley, après avoir conclu tout le long du fleuve des traités de paix et d’alliance et avoir assuré par cette reconnaissance pacifique, qui tranche si étrangement avec sa primitive descente du Congo si mouvementée et si belliqueuse, reprit la route d’Europe où sa présence était nécessaire au Congrès qui allait régler le sort et les limites du nouvel Etat fondé par le roi des Belges.
- Mais ces détails étaient déjà en partie connus et la presse quotidienne nous avait tenus au courant des actions du reporter colonisateur ; ce ne sont pas eux, d’ailleurs, qui donnent au nouvel ouvrage qu’il
- vient de publier son originalité et son intérêt.
- Ce sont ses vues sur l’avenir du nouvel Etat, sur ses ressources et les moyens pratiques de les con-quérir. Nous avons dit que, sur une longueur de 226 kilomètres, le Congo est barré par des chutes et des rapides, mais •au - dessus il forme, jusqu’aux Stanley falls, sur un cours de 1789 kilomètres, un bassin parfaitement navigable.
- La partie de l’Afrique qu’il traverse est largement arrosée, très fertile et nourrit une population de 45 millions d’habitants. Ivoire, caoutchouc, arbres propres à tous les usages, mines, terres fécondes, telles sont ses ressources que Stanley, en se grisant un peu de ses propres paroles, évalue à des milliards.
- C’est ce noyau de l’amande, pour nous servir d’une de ses expressions, qu’il faut avaler. Naturellement l’explorateur n’en ferait qu’une bouchée, n’étaient les dentelures du sol entre Vellala et Is-sanghila.
- Un canal latéral n’étant pas possible pour atteindre son objectif, M. Stanley a pensé à un chemin de fer et, comme dit un proverbe latin, « en forgeant on devient forgeron, » il s’est improvisé ingénieur en perçant les routes destinées au passage de ses bateaux.
- En réduisant les dépenses au minimum, les frais
- Les idoles de Banza-Ouvana, village du Congo.
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- d’établissement nedépasseraient pas 15 500 000 francs, et 25 millions suffiraient pour relier, par une seule ligne à une voie, Vivi à Léopoldvilîe. Que serait cette dépense auprès des bénéfices de la vente d’articles européens aux do millions d'habitants? Que serait-ce auprès des trésors inappréciables que donneraient au commerce européen les ressources iné-
- puisables d’un aussi vaste pays, fertile, riche en denrées de toute sorte?
- On comprend que nous ne suivions pas l’auteur dans le développement de ces vues hypothétiques, mais il était bon de les indiquer, parce que si ses évaluations sont exagérées, il n’en est pas moins vrai qu’il y a là un champ immense ouvert à l’ini-
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- Cartes des progrès de la decouverte de l’Afrique. (Les parties teintées représentent les régions inconnues.
- tiative de nos commerçants ; et au moment où tout le monde se plaint de voir les marchés se fermer, la concurrence se faire plus active, il est bon de signaler ce débouché qui vaudra plus pour le commerce du monde entier que n’a rapporté la découverte de l’Amérique. Stanley aura été l’un des ouvriers de la première heure, un des plus tenaces et des plus habiles, et les services qu’il aura rendus à
- l’humanité, à la civilisation, sont considérables. Ce n’est pas une raison cependant pour oublier notre compatriote Savorgnan de Brazza qui, avec des moyens infiniment plus modestes, presque seul et sans autre argent que de maigres souscriptions ministérielles auxquelles il dut joindre une partie de sa fortune personnelle, sut assurer à la France un immense territoire et montrer par des voies exclu-
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- sivement pacifiques à ces populations barbares combien notre civilisation est supérieure à l’état misérable dans lequel elles ont été jusqu’ici maintenues par des despotes impuissants, jaloux, de leur semblant d’autorité et ennemis de tout progrès. La Nature parlera prochainement des grandes entreprises de M. de Brazza. Gabriel Marcel.
- NÉCROLOGIE
- Le D' Dechambre. — M. le docteur Amédée De-chambre, membre de l’Académie de médecine et de la Société des hôpitaux, médecin du Conseil d’Etat, officier de la Légion d’honneur, a succombé le 6 janvier, à l’âge de soixante-quatorze ans, aux suites d’une hémorragie cérébrale.
- L’Académie de médecine perd, en lui, un de ses plus dignes associés, le corps médical parisien, un de ses membres les plus distingués, la presse scientifique, le plus respecté, le plus incontesté de ses directeurs.
- Le Dr Dechambre avait fondé en 1853 la Gazelle hebdomadaire de médecine et de chirurgie qu’il n’avait cessé de diriger depuis cette époque. Directeur du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, qui compte aujourd’hui plus de quatre-vingts volumes, il a su élever à la médecine un monument comparable à celui qui a rendu a jamais illustre le nom de Littré.
- M. Dechambre était justement considéré par tous ses confrères comme l’arbitre des questions déontologiques, et son dernier liyre peut être regardé, à bon droit, comme un traité des droits et des devoirs du médecin. Tout à la fois savant, écrivain, moraliste, M. Dechambre laisse après lui un grand nombre de travaux qui touchent à toutes les branches de la médecine, et son nom restera toujours vénéré comme celui de l’un des plus laborieux et des plus honnêtes parmi les médecins contemporains.
- CHRONIQUE
- Concours international d’appareils anti-cryptogamiques et insecticides. — Le Ministère d’agriculture, industrie et commerce du royaume d’Italie, dans le but de favoriser et de faciliter l’application des remèdes en solution, eu poudre ou en mélanges contre les cryptogames et les insectes parasites des plantes eulli- j vées, et surtout l’usage du lait de chaux contre le Pero-nospora de la vigne (mildew), a établi d’ouvrir un Concours international qui aura lieu à l’Ecole royale de viticulture et œnologie de Conégliano (près de Venise).
- Le Concours comprendra : pompes et instruments d’arrosement, d’irrigation et de pulvérisation. Les prix destinés sont les suivants: 1 médaille d’or et 500 francs;
- 3 médailles d’argent et 150 francs chacune; 5 médailles de bronze.
- Les concurrents devront envoyer les demandes d’admission avec brève description des objets, à la direction de ladite Ecole royale de viticulture avant le 22 février 1886. A ces demandes on devra encore noter les prix de chaque objet que l’on envoie au concours.
- Le tunnel sous la Manche. — Le 23 décembre 1885 a eu lieu l’assemblée générale annuelle de la Submarine Continental Railivay Company Limited, dont
- sirE.-W. Walkins, M. P., est le Président. Sir Watkins, en proposant l’adoption du rapport, dit que le tunnel dont les travaux sont» complètement arrêtés depuis trois ans, ne montre aucun symptôme d’avarie. Environ 2 kilomètres ont été percés, depuis l’entrée à la base du puits, dans la direction de la Fiance. Une tour servant d’observatoire a été construite au-dessus de l’entrée, et depuis 15 mois, environ 50 000 à 75 000 francs ont été dépensés, en grande partie pour la construction de ladite tour et aussi pour le maintien du tunnel dans des conditions de drainage et de ventilation telles, qu’il soit possible, à tout moment, d’y conduire des groupes d’ingénieurs et de leur montrer les l’ésultats merveilleux qui ont été obtenus. Sir Watkins se propose, avec la sanction des actionnaires, de dépenser encore un peu plus d’argent en frais parlementaires, pour arriver à connaître l’opinion de la nouvelle Chambre des Communes sur le sujet. Tout récemment, les autorités militaires de Douvres ont prié l’ingénieur de la Compagnie du tunnel sous-marin de poser un tuyau allant de l’entrée du tunnel à l’extrémité de la jetée de Douvres, dans l’intention d’essayer l’emploi de l’air comprimé à la manœuvre du canon de 81 tonnes installé dans la tourelle à cet endroit. Cela fut fait, et les autorités militaires ont maintenant un agent précieux à leur disposition. Sir Watkins est toujours aussi confiant et plein d’espoir dans l’avenir du tunnel et espère qu’un changement d’opinion s’opérera forcément avec des explications plus détaillées et lorsque les avantages du projet auront reçu la considération calme qu’il mérite. J. B.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 11 janvier 1886. — Présidence de M. l'amiral
- JcRIEX DE LA GrAYIÈRE.
- De, Saint-Venant. — Une nouvelle perte est venue cette semaine éprouver l’Académie des sciences. Un membre de la section de mécanique connu par de très importants et très savants travaux, M. Barré de Saint-Venant, est mort mercredi dernier à Saint-Ouen près Vendôme. 11 avait contracté peu de jours avant, pendant un court voyage à Paris, la fluxion de poitrine qui l’a emporté. Né en 1797, il sortait de l’École polytechnique en 1816 pour entrer dans le service des poudres et salpêtres d’où il passait plus tard dans celui des ponts et chaussées. En 1852, il prit sa retraite avec le grade d’ingénieur en chef.
- Le véritable Métropolitain. — Sous ce titre, un de nos plus savants ingénieurs, depuis longtemps connu des lecteurs de La Nature, M. Ch. Tellier, adresse un projet destiné à fixer l’attention. Il s’agit d’établir dans Paris un chemin de fer mettant en rapport mutuel les principales gares, les halles, les postes, et n’apportant cependant par son installation aucun trouble sensible dans nos habitudes. La voie serait construite sous forme d’un pont prenant la Seine suivant son axe depuis le Point du Jour jusqu’au pont de Charenton. Des embranchements raccorderaient ce grand travail au chemin de ceinture. M. Tellier a étudié son projet à fond et va le soumettre à l’appréciation des Chambres.
- Culture rationnelle du blé. — C’est comme suite à leur récent travail sur la betterave, que MM. P.-P. Dehé-rain et Porion exposent à l’Académie par l’intermédiaire de M. Peligot les résultats obtenus dans la culture du blé
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- à Wadrecques (l'as-de-Calais) el à Bloringhen (Nord). Ko employant le blé à épi carré et en lui donnant de fortes fumures, les auteurs ont réussi à obtenir plus de 50 hectolitres dans un cas, plus de 60 dans un autre ; ce sont là des rendements considérables et qui laissent entre les mains des cultivateurs des bénéfices notables.
- Les brillants résultats ne peuvent être obtenus qu’avec des variétés présentant une grande résistance à la verse ; aussi les auteurs pensent-ils que les efforts des agronomes doivent être dirigés actuellement vers la découverte de variétés plus prolifiques et moins délicates que celles qu’on trouve habituellement. Le succès déjà obtenu dans la recherche de ces variétés montre que très probablement on pourra, en poussant les recherches dans ce sens, tirer le plus grand profit de l’extrême plasticité que présentent presque toutes les plantes cultivées.
- Un bolide. — Mon savant ami, M. Charles Durier, vice-président du club Alpin, me communique l’observation d’un bolide qu’il a faite le 17 novembre en compagnie de M. Paul Joanne. Ces messieurs suivaient à 6 heures du soir environ le quai des Tuileries et allaient vers les Champs-Elysées quand, un peu avant le pont de Solférino, ils aperçurent dans le ciel, (jp côté du Troca-déro, une boule lumineuse d’un vert d’émeraude brillant et de la grosseur apparente d’une orange, mais de forme un peu allongée dans le sens vertical. Après une trajectoire de 20 à 25 degrés dirigée vers le nord, le météore s’est éclipsé sans bruit.
- Photographie solaire. — On examine avec le plus vif intérêt la photographie d’une tache solaire obtenue à l’observatoire de Meudon par M. Janssen. On y voit que les facules où le télescope ne discerne que des amas de lumière sont réellement constituées par les mêmes granulations (grains de riz ou feuilles de saule) dont est faite toute la surface solaire. Ce qui ajoute beaucoup d’intérêt à ce résultat, c’est que la photographie a été obtenue avec des rayons violets, c’est-à-dire extrêmement peu lumineux. 11 confirme l’assertion déjà énoncée par M. Janssen que la photographie astronomique n’est pas seulement propre à l'enregistrement des faits, mais constitue encore un procédé de découvertes.
- Vitesse du son. — Une conduite d’eau de 6 kilomètres et demi environ destinée à la ville de Grenoble a fourni à M. Yiolle le moyen d’étudier la transmission du son à grande distance. L’explosion d’un coup de pistolet détermine d’abord une onde extrêmement confuse ; mais on la voit bientôt se simplifier; elle se réduit même finalement à une onde unique dont, par des réflexions successives, on a pu suivre la propagation jusqu’à 50 kilomètres : elle est insensible à l’ouïe.
- Election de candidats. — La mort de M. Yvon Villar-ceau a laissé vacante une place au Bureau des longitudes. L’Académie soumettra au choix du Ministre une liste de deux candidats portant : en première ligne, M, Bouquet de la Grye et en seconde ligne M. Callandreau.
- Transmission de la pustule maligne. — D’après les expériences de M. Felz, professeur à la Faculté de Nancy, le virus charbonneux subit dans la terre une atténuation progressive, comparable à celle qu’on sait lui infliger dans les laboratoires. Durant la première année d’enfouissement, il est mortel sans exception aux lapins; la deuxième année, il ne lue qu’une partie des lapins inoculés ; la troisième année, il n’en tue plus du tout, quoique restant funeste pour les cochons d’Inde.
- Varia.— M. Mourcaux annonce qu’il s’est produit samedi dernier une perturbation magnétique de plus de 1 degré, c’est-à-dire d’une intensité tout à fait exceptionnelle. — Les hydrates de l’acide hypophosphorique sont étudiés par M. Joly. — Des expériences démontrent à M. Yulpian que les lésions du bulbe rachidien déterminent l’hémianesthésie alterne. Stanislas Meunier.
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- ÉLECTRICITÉ PRATIQUE
- Les montres et les machines dynamo-électrique*. — C’est un accident assez frequent que les montres soient arrêtées et mises momentanément hors de service par le voisinage des machines dynamoélectriques : plusieurs visiteurs des expositions de ces dernières années, en ont été victimes ; il n’est donc pas sans intérêt de signaler les causes du mal ainsi que les remèdes à y apporter dans l’état actuel de nos connaissances.
- On sait que tout corps magnétique placé dans un champ magnétique, s’aimante dans la direction des lignes de force de ce champ, et avec d’autant plus d’intensité, que ce champ est lui-même plus intense.
- Les machines dynamo-électriques produisant autour d’elles des champs magnétiques intenses, il en résulte que toute pièce d’acier placée dans ce champ s’y aimantera et conservera l’aimantation qui lui aura été communiquée par le champ.
- Faisons remarquer en passant que ce champ magnétique intense produit autour de la machine, constitue une imperfection de cette machine : l’idéal, non réalisé jusqu’ici, serait celui d’une machine dont le champ extérieur serait nul,, toutes les lignes de force étant concentrées sur la bobine induite.
- En attendant des machines plus parfaites, ne rayonnant que peu ou point de magnétisme, il faut se mettre en garde contre ce rayonnement magnétique qui a pour effet d’aimanler fortement le spiral des montres et d’immobiliser ses mouvements. L’aimantation des axes et celle du ressort moteur n’ont qu’une importance secondaire, et le plus souvent il suffit que le spiral soit désaimanté, pour que la montre reprenne sa marche normale.
- Passons à l’examen des moyens préventifs ou curatifs de ces accidents.
- Moyens préventifs. — Le plus simple est de laisser sa montre chez soi ou au vestiaire avant de s’approcher des machines dynamo-électriques. C’est le moyen employé par les membres de l’Académie des sciences le 5 décembre 1885, lorsqu’ils visitèrent les installations de transport de force motrice de M. Marcel Deprez à Creil.
- Un autre moyen préventif consiste à modifier la nature du spiral en l’établissant avec un métal non magnétique suffisamment élastique. Nous possédons une montre ainsi construite par M. Webster, de Londres, qui reste insensible aux actions perturbatrices des champs magnétiques produits par les
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- machines les plus puissantes. Le spiral est en palladium. D’autres métaux ou alliages donnent également de bons résultats et sont employés par d’autres constructeurs.
- Ici le moyen préventif consiste, comme on le voit, à rendre l'organe susceptible de s’aimanter, indemne à la maladie : c’est une sorte de vaccination par substitution d’organe.
- Un dernier moyen préventif consiste à imiter la disposition imaginée par sir VV. Thomson dans son galvanomètre marin pour le mettre à l’abri de toutes les actions magnétiques extérieures. 11 consiste à enfermer la montre dans une boîte entièrement eu fer : les lignes de force du champ magnétique de la dynamo trouvant un chemin incomparablement plus facile à travers la boîte en fer qu’à travers la montre elle-même passent toutes dans l’enveloppe et ne forment pas de champ magnéti-q u e à 1 ’ i n t é-rieur : la montre ne peut donc s’aimanter.
- Moyens cura: tifs. — Lorsqu’on n’a pas pris les précautions n é-cessaires pour empêcher l’aimantation, il faut forcément la détruire pour remettre la montre dans son état primitif.
- Un procédé radical, mais long et pénible, est souvent employé par les horlogers : on démonte l’instrument pièce par pièce, on détrempe ces pièces en les chauffant, ce qui fait disparaître l’aimantation, et on les retrempe à nouveau.
- En 1881, M. lliram-Maxim a construit une machine à désaimanter les montres, décrite dans le Scientifie American du 27 août de la même année. Cette machine se compose en principe d’un électro-aimant droit horizontal, tournant autour d’un axe vertical passant par son milieu et d’un châssis dans lequel on place la montre à désaimanter. Ce châssis est susceptible de deux mouvements : l’un autour de son axe vertical, l’autre d’éloignement lent de l’électro-aimant tournant. On commence par placer le châssis portant la montre à désaimanter très près de l’électro et on met la machine en mouvement à l’aide d’une manivelle : la rotation de l’électro, celle de la montre et son éloignement, produisent des aimantations contrariées dans tous les sens et graduellement décroissantes. Sous l’action de ces variations d’aimantation rapides, la montre conserve une
- aimantation nulle et perd celle qu’elle avait accidentellement acquise.
- Le principe de la machine de M. Maxim peut s’appliquer très simplement sans aucun appareil. 11 suffit, pour désaimanter une montre, de l’approcher d’un des pôles d’une machine dynamo et de l’éloigner lentement en la faisant tourner entre les mains dans tous les sens. Un produit les mêmes effets qu’avec la machine et la montre se trouve désaimantée.
- Nous recommandons ce dernier procédé aux ingénieurs et aux ouvriers électriciens.
- Borne automatique de M. «le Commettes. — Les bornes ordinaires à vis ou à trou présentent certains inconvénients dans tous les cas où l’on fait des expériences nombreuses et où il est nécessaire de pouvoir substituer rapidement un appareil à un autre, modifier des montages, changer des tils, etc.
- La borne comporte un noyau central A venant reposer sur le socle de l’appareil par un épaule-ment D, et une partie mobile formant un cylindre creux muni d’un rebordB à sa partie supérieure et d’un épaulement G à sa partie inférieure. Un ressort intérieur maintient le rebord plat C fortement appliqué sur l’embase.En appuyant le pouce sur la tète A et en prenant le rebord entre l’index et le médius, on soulève le corps cylindrique mobile. On peut alors insérer entre C et D soit un fil roulé en boucle, soit une lame portant une encoche préalablement soudée au fil de liaison. En abandonnant ensuite la borne à elle-même, le ressort vient pincer le fil ou la lame, et assurer un contact suffisant lorsqueJes parties en présence sont bien propres. L’emploi de cette borne est tout indiqué pour les expériences de cours, conférences, appareils médicaux, télégraphiques et téléphoniques, etc., dans tous les cas enfin où l’on a besoin d’établir des communications fréquemment et avec rapidité entre des appareils électriques ; aussi cette description est-elle bien à sa place dans une note consacrée à l'électricitépratique. E. H.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Borne automatique de M. de M. de Combettes.
- A
- Imprimerie A. Lahure, 9, me de Fleurus, à Paris.
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- N'° GlîO.
- 25 JANVIER 1 886,
- LA NATURE
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- N.-W. KOBELKOFF OU L’HOMME-TRONC
- On raconte que, deux cul-de-jalle causant enseni- I es bien plus estropié que moi ; aussi on te donne ble, l’un disait à l'autre : « Tu as de la chance, lu | bien davantage. » 11 est malheureusement exact que
- Fig. 1. — Représentation deJN.-W. Robelkoff, dit l’Artiste-Tronc, à Paris, au boulevard Saint-Martin. (D’après nature.)
- deux jambes. Nous les décrirons plus loin en détail.
- L’artiste-tronc a un corps gros et bien musclé, le cou très court; il paraît fort et robuste. Dans le petit boniment qu’il débite au public, il raconte qu’il est âgé de trente-quatre arts, qu’il est né en Sibérie, à Troizk, gouvernement d’Orenbourg; sa mère avait eu treize enfants avant lui, tous constitués d’une façon normale. 11 a, dit-il, une excellente santé et n’a jamais été malade. 11 voyage et se montre par curiosité depuis 1870; il a parcouru la Russie, la Suède, la Norvège, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie. Il s’est marié en Autriche, en 1876, et a actuellement cinq enfants, cinq garçons bien constitués. Il se quels la plupart de ses spectateurs seraient obligés nomme îücolaï Wassiliewitsch Kobelkoff, se qua-
- d’employer, suivant les cas, leurs deux mains ou leurs \iik d'artiste-tronc; ses affiches portent : « Le phé-
- IilaiiD(!t‘. — l,T semestre. 8
- pour les pauvres individus auxquels il manque un ou plusieurs membres et qui n’ont d’autres ressources que la mendicité, pour ceux-là , les plus impotents, les plus monstrueux, seront ceux qui exciteront au plus haut point la pitié et la charité publique, ce seront ceux-là qui, aux yeux de leurs confrères, auront le plus de « chance ». Un individu, qui s’exhibe en ce moment à Paris sous le nom d’artiste - tronc et auquel il manque non seulement les deux jambes, mais encore les deux bras, utilise son infirmité d’une façon toute différente; cet individu, en effet, exécute en public une série d’actes, de tours d’adresse et même de tours d’acrobatie pour la répétition des-
- Fig. "2. — Nieolaï-Wassiliewitseh Kobelkoff. (D’après ime photographie.)
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- LA AA T LUE.
- nomène merveilleux, la plus grande curiosité du siècle ! »
- Ajoutons que l’artiste-tronc a l’air d’ètre très content de son sort, sa physionomie est souriante ; dans ses séances, en attendant que « la société » soit assez nombreuse, il cause et rit avec ses enfants, de jolis petits blonds (notre première gravure représente l’un d’eux) (lîg. 1), ou dit quelques paroles aimables aux personnes qui. entrent. Sa figure respire la franchise et la bonhomie (fig.*2).
- Au point de vue anatomique, l’artiste-tronc a été examiné plusieurs fois par des commissions médi-1 cales, notamment à Lyon, il y a quelques mois, où i il a séjourné pendant quelque temps.
- Il a deux rudiments de cuisse : dans l’une, la droite, le fémur a environ 15 centimètres de longueur; dans l’autre, il est un peu plus long et a de 20 à 22 centimètres.
- Le bras gauche manque complètement, un os arrondi, représentant la tête de l’humérus, occupe seul l’articulation de l’épaule.
- Le bras droit est représenté par une sorte de moignon conique de 20 centimètres de longueur, composé d’une partie de l’humérus recouvert de muscles bien développés; on distingue, notamment, le deltoïde, le gros muscle de l’épaule et du haut du bras, le grand rond et tous les muscles qui s’insérant d’une part sur les parois de la poitrine ou sur l’omoplate agissent sur la tête de l’humérus et sur la première portion de celui-ci; mais les muscles qui, chez l’homme bien constitué, partent de cette dernière région et vont agir sur la main ou l’avant-bras tels que les biceps, le brachial et le triceps, sont atrophiés et soudés par leur extrémité ; ils forment le sommet du cône du moignon, et ils semblent influer sur sa mobilité.
- C’est ce rudiment de bras que l’artiste-tronc utilise d'une façon des plus ingénieuses en l’opposant a sa joue, à son menton, à son corps, pour exécuter la série des curieux exercices qui font l’étonnement des spectateurs.
- Voici la description de ces exercices : l’artiste-tronc étant placé sur une chaise auprès d’une table sur laquelle se trouvent divers objets, prend un porte-plume, le fixe entre son bras et sa joue, trempe la plume dans un eperier, puis sur des carrés de papier, écrit le nom de chacun des spectateurs et le leur offre comme souvenir. L’artiste-tronc, sur notre demande, a écrit les lignes ci-contre à l’intention de nos lecteurs (fig. 3). Son écriture, comme on le voit, est très régulière avec de belles volutes aux majuscules, et un paraphe digne d’un professeur d'écriture.
- Il coupe du papier avec des ciseaux. Il prend une carafe, la débouche, verse du liquide dans un verre, place celui-ci sur son bras et l’approche de ses lèvres. Il prend une fourchette, pique des morceaux de pain placés dans une assiette et les porte à sa bouche. A l’aide d’une cuiller il fait le simulacre démanger du potage. Il tire sa montre d’une poche
- de côté, en ouvre le boîtier en pressant sur le bouton, regarde l’heure et remet la montre dans sa poche. 11 enfile une aiguille; pour cela il prend celle-ci dans sa bouche et la fixe sur une pelote; il saisit alors le fil entre ses lèvres, le fait passer par le chas de l'aiguille?, maintient avec son bras l’extrémité du fil qui dépasse, retourne la pelote, saisit ce bout de fil de nouveau entre ses lèvres et l’attire complètement. 11 exécute au tableau noir un calcul élémentaire. À l’aide d’un crayon ou d’un pinceau il trace sur une feuille de papier un dessin. 11 prend un pistolet, l’arme, vise une bougie allumée, tire et éteint la bougie.
- Au point de vue acrobatique, l’artiste-tronc saute de sa chaise sur le sol, puis il exécute une série de bonds simulant la course par une suite de flexions et de détentes de la colonne vertébrale ressemblant un peu aux efforts des individus exécutant la course en sac. 11 fait aussi une sorte de culbute : se renversant en arrière de façon à avoir le corps vertical porté sur les épaules et la nuque, il se redresse tout à coup et revient à la position normale. Enfin comme
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- i. — Spécimen de l’écriture de l’artiste-tronc. Réduction de moitié par l’héliogravure.
- exercice de force il porte un homme de taille moyenne placé debout sur son rudiment de bras.
- Tels sont les exercices de l’artiste-tronc.
- L’histoire des monstres humains a enregistré déjà un certain nombre d’exemples d’enfants nés sans membres. Les tératologistes les placent dans la classe des monstres par défaut et dans la catégorie des ectroméliens, c’est-à-dire des individus aux membres avortés. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire dans son traité de tératologie ou Histoire générale et particulière des anomalies de Vorganisation chez l'homme et les animaux, en cite plusieurs cas. L’année dernière même, les journaux médicaux ont signalé la naissance, en Espagne, d’une petite fille née sans bras ni jambes, mais bien vivante et d’une bonne constitution.
- En basse Bretagne nous avons vu, en 1875, au milieu de tous les mendiants qui garnissaient les deux côtés d’une route aboutissant à une petite ville (Saint-Pol-de-Léon) où se tenait un pardon, une petite fille de deux à trois ans n’ayant pas de membres, étendue sur un peu de paille ; son père et sa mère à genoux de chaque côté égrenaient leurs chapelets en marmottant des prières ; les sous tombaient abondamment dans la sébile placée près de la petite fille ; suivant la croyance du pays, les femmes, en faisant l’aumône à cette enfant, préservaient
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- pour l'avenir les leurs d'une pareille infirmité.
- Un certain nombre d'iiommes-troncs se sont exhibés en public et ont mérité, par leur adresse, que leurs noms passassent à la postérité.
- Ainsi un écrivain anglais du seizième siècle, Stow, raconte avoir vu à Londres, en 1581, un Hollandais qui, de naissance, n’avait que deux bouts de bras, sans mains « dont il se servait assez adroitement pour lancer, tout en chantant, une tasse qu’il recevait et renvoyait en l’air, des deux côtés alternativement ; il lançait également une flèche vers un but déterminé avec dextérité, faisait des armes et maniait la hache. » De plus, Stow donne sur cet individu le renseignement suivant : « il buvait chaque jour au moins dix pintes de la meilleure bière qu’il pouvait se procurer. »
- Le fameux Mathieu Buchinger, né à Anspach, en 1674, vint au monde sans mains, sans pieds et sans jambes; à la place des bras il avait, dit un auteur contemporain, « deux excroissances qui ressemblaient plutôt à des nageoires de poisson qu’a des bras humains », mais dont il se servait avec beaucoup d’adresse; il écrivait notamment d’une façon très lisible, mangeait en se servant d’une fourchette ou d’une cuiller, buvait dans un gobelet, etc. Le portrait de ce monstre est conservé au Bristish Muséum de Londres.
- Notons cette particularité que Buchinger, malgré sa difformité, se maria quatre fois.
- Au milieu du siècle dernier on exhibait en France, et notamment à la foire de Saint-Germain, une soi-disant jeune Vénitienne qui, n’ayant que des tronçons de bras, sans mains, « enfdait une aiguille très fine, faisait un nœud au fil avec sa langue, cousait, filait, tricotait et coupait avec des ciseaux toutes sortes d’étoffe ; même elle jouait du violon. »
- Il y a une cinquantaine d’années, un homme-tronc était célèbre en Angleterre, bien qu’il ne s’exhibât pas en public, c’était un jeune lord possesseur d’une immense fortune qui était né sans bras et sans jambes. Il avait reçu une excellente éducation, était uoué de beaucoup d’esprit, aimait la société; il assistait à toutes les fêtes et réceptions de l’aristocratie anglaise. Dans les salons on l’installait sur un escabeau très élevé dans une sorte de corbeille contenant un coussin sur lequel il se tenait debout. Malgré sa difformité, ce jeune homme aimait passionnément les chevaux et l’équitation; on le plaçait sur une selle d’une forme spéciale à laquelle on l’attachait à l’aide d’une courroie, les rênes de son cheval étaient fixées à ses épaules ; il parvenait ainsi à diriger sa monture.
- Les hommes-troncs sont donc non seulement de curieux exemples de ces singulières anomalies qui se rencontrent parfois dans l’espèce humaine, mais ils montrent aussi comment des individus à force de patience, do labeur et d’ingéniosité, parviennent à suppléer aux organes qui leur manquent.
- Guyot-Daubes.
- BOLIDE OBSERVÉ A TOULON
- Le 8 janvier, à 6k,10m du soir, un magnifique bolide est apparu à Toulon. Il a été aperçu par M. d’Agnel, agent voyer principal, qui nous a donné les renseignements suivants :
- De forme circulaire et d’un éclat au moins double de celui de la planète Vénus, visible actuellement au couchant, le bolide a franchi assez lentement l’espace qui s’étend entre la constellation de Cassiopée et l’étoile Aldébaran, auprès de laquelle il s’est progressivement éteint. La traînée qu’il a laissée jusque-là était très brillante et en ligne droite. Elle s’est ensuite élargie latéralement en devenant sinueuse et a semblé former deux bandes lumineuses parallèles avec un intervalle plus sombre au milieu, comme celles qu’on observe dans la queue des comètes. Elles ont fini par se confondre dans une nébulosité unique qui a subsisté pendant près d’un quart d’heure.
- Nous apprenons que le météore a été aperçu à Marseille et de plusieurs points de la côte. F. Zurcuer.
- ——
- LES FILS MICROMÉTRIQUES
- 1)ES LUNETTES ASTRONOMIQUES FU,S d’araignée. — FILS DE PLATINE. — FILS DE 5IAILLECIIORT.
- Un de nos lecteurs nous a demandé récemment quelques renseignements sur ce sujet qui intéresse tout à la fois les amateurs d’astronomie et les curieux. — Quelle est l’araignée, nous demandait notre correspondant, qui fournit aux astronomes les fils tendus sur le réticule des lunettes? Comment arrive-, t-on à tendre ces fils si minces et si délicats qu’on les voit à peine? Quels sont les autres fils qui peuvent remplacer Les fils d’araignée? Comment les fabrique-t-on?
- Ces questions nous ont paru dignes d’être étudiées ; nous avons été les résoudre à l’Observatoire de Paris. MM. Henry frères, les savants astronomes, nous ont initié à leurs procédés, et ils ont eu l’obligeance de nous remettre, pour que nous la fassions dessiner, l’une des araignées dont ils tirent habituellement les fils les plus fins qui leur servent pour la construction de leurs réticules. On utilise aussi les fils extraits des cocons de diverses araignées; ces derniers sont d’un diamètre un peu plus considérable que les précédents. M. Fraissinet, secrétaire de T Observatoire, nous a procuré d’autre part quelques échantillons de fils métalliques micrométriques; nous allons transmettre à notre correspondant et à nos lecteurs, tout ce que nous avons appris.
- L’araignée dont il est question plus haut est VEpeire des jardins (Epeira diadema), appelée aussi Porte-croix. L’individu qué nous figurons ci-après dans deux positions différentes (fig. 1) est un mâle ; la femelle est deux fois plus grosse. On conserve l’Epeire des jardins dans une petite boîte de carton , percée de trous ; on lui donne de temps en temps une mouche qui lui sert de nourriture. Cette araignée s’apprivoise très bien, et après quelques jours de captivité, elle vient chercher elle-même à l’extrémité de vos doigts, le repas
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- LA NATURE.
- Fis- 1.-
- que vous lui présentez. L’araignée de Pellisson ne
- serait donc pas une
- fable.
- Quand vous voulez tendre les fils de votre araignée sur le réticule d’un micromètre de lunette astronomique, vous avez d’abord pris soin de tracer, à la machine à diviser, les sillons dans lesquels doit se loger le fil. Vous prenez un crayon que vous présentez devant l’araignée en la contraignant de se placer sur ce perchoir improvisé; l’araignée ne tarde pas à se suspendre à son fil, quelle tient elle-même tendu verticalement, le poids de son corps formant fil à plomb. Vous présentez alors le fil ainsi tendu à la place qu’il doit occuper sur le réticule, et vous le fixez en haut et en bas sur le cuivre, au moyen d’une gouttelette de résine arcanson fondue à l’extrémité d’une pointe.
- Le fil est coupé aux endroits voulus et vous procédez de la même façon pour le fil suivant.
- En retournant le réticule de 90°, vous fixez de même les autres fils qui se trouvent perpendiculaires aux premiers, comme le montre la figure 2. Il y a généralement cinq fils tendus sur le réticule, mais il peut y en avoir un plus grand nombre.
- On se sert quelquefois, à la place des fils d’araignée, des fils de platine, dits de NVollaston. Ces fils s’obtiennent de la façon suivante :
- On prend un fil de platine très fin, directement étiré à la filière; on l’enveloppe d’une gaine d’argent que l’on obtient en plongeant le platine dans l’argent fondu. Cela fait, on étire aussi fin que possible le fil obtenu, puis on le soumet à l’action de l’acide nitrique qui dissout la gaine d’argent et laisse
- Araijnée des jardins, dont les fils servent aux micromètres des lunettes astronomiques.
- Fig. 2. — Fils d’araignée tendus sur le réticule d’une lunette astronomique.
- Fig 5. — Fils micrométriques vus au microscope. (Grossissement 250 diamètres.) — 1. Fil de platine à la Wol-laslon. — 2. Fil de raaiilecliort. — 3. Fil d’araignée.
- intact le fil intérieur de platine insoluble. On obtient
- ainsi des fils de platine qui ont 1/50 de millimètre de diamètre et beaucoup moins encore. Un habile métallurgiste, M. Mou-chel, est arrivé à étirer directement des fils de maillechort, en les faisant passer dans des filières de diamant ou de rubis ; il confectionne ainsi des fils qui ont aussi 1/50 de millimètre de diamètre, et leur fabrication peut être citée comme un tour de force de délicatesse.
- L’idée nous est venue, ayant a notre disposition quelques échantillons de fils micrométriques, de les examiner au microscope sous un même grossissement de 250 diamètres. Le fil de platine de Wollaston, obtenu par écrasement dans une gaine d’argent, est assez irrégulier à la surface, il n’est pas poli, et à l’aspect d’une barre rugueuse et noire. Le fil de maillechort, au contraire, est brillant et poli, comme une barre d’argent ; quant au fil d’araignée, il est bien plus mince que ses rivaux, et celui que nous avons examiné n’atteignait pas 1/100 de millimètre de diamètre ; il était, sous le microscope, d’une délicatesse admirable, et d’une transparence parfaite. Ici encore la nature a le dessus sur l’art humain.
- Nous avons dessiné l’aspect des trois fils micrométriques que nous avons examinés ; nous plaçons ce dessin sous les yeux de nos lecteurs (fig. 5), heureux s’ils trouvent autant d’intérêt à lire notre notice, que nous en avons eu à en recueillir les documents et a l’écrire. Gaston Tissandier.
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- LA NA'JTHE.
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- LE GRAND GALVANOMÈTRE
- DE I,’UNIVERSITÉ DE CORNEI.I,
- Le temps est loin, bien que quelques années seulement nous en séparent, où l’on appréciait les inten-
- sités des courants en degrés de déviation d’une boussole quelconque, sans qu’on puisse jamais avoir deux chiffres concordants.
- Grâce aux travaux de Y Association britannique et du Congrès international des électriciens, une véritable révolution s’est produite.
- Grand galvanomètre de l’Université de Cornell, aux États-Unis.
- Les appareils de mesure électrique vont se perfectionnant chaque jour, et l’on peut dire qu’ils ont atteint aujourd’hui le môme degré de précision que les appareils les plus délicats appliqués aux mesures. géométriques ou géodésiques.
- Le grand galvanomètre représenté ci-dessus réalise toutes les conditions exigées d’un appareil de
- haute précision, et satisfait à toutes les conditions indiquées par la théorie pour atteindre la plus grande exactitude compatible avec les moyens actuels d’investigation.
- Il a été construit sur les plans du professeur Anthony pour le laboratoire de physique de l’Université de Cornell, Ithaca, N.-Y. Les bobines sont
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- LA NATURE.
- établies d’après le principe du galvanomètre d’Helmholtz, et le cadre comporte trois circuits distincts, chacun d’eux formé par deux bobines parallèles placées symétriquement de chaque côté d’un point central où se trouve l’aiguille, la distance des plans des deux bobines étant, égale à leur rayon.
- Le but des grandes dimensions données à ces bobines est multiple : on peut d’abord déterminer leurs dimensions avec une grande précision et les introduire dans la formule qui fait connaître l’intensité du courant ; on peut ensuite négliger l’erreur due aux dimensions de l’aiguille ; on peut aussi lire des déviations sur un cercle gradué en fractions de minute; on peut enfin utiliser l’appareil à une détermination précise de l’intensité horizontale du magnétisme terrestre.
- Le circuit destiné aux courants intenses qui peuvent atteindre et dépasser 250 ampères est formé de quatre bobines d’un seul tour, constituées par des barres de cuivre de 19 millimètres de diamètre. Deux de ces bobines ont 2 mètres de diamètre, les deux autres lm,60. Pour des courants plus faibles, on emploie deux bobines de lm,50 de diamètre, roulées avec un fil de 2 millimètres de diamètre faisant 56 tours.
- L’aiguille se compose d’un certain nombre de fils d’acier très fins, collés sur un disque circulaire en aluminium, de sorte que leurs pôles se trouvent tous sur une circonférence de 5 centimètres de diamètre. Elle se meut au centre d’une cavité percée dans un gros bloc de cuivre, ce qui rend ses mouvements apériodiques; l’aiguille est suspendue à unfil de soie, avec des dispositions spéciales pour le centrage.
- Les lectures se font à la lunette sur un cercle gradué de lm,27 de diamètre, ce qui assure une grande précision. Notre gravure représente le mode d’emploi de l’instrument, et donne la position qu’occupent les expérimentateurs.
- L’appareil est monté dans un bâtiment isolé construit entièrement sans fer et mis à l’abri de toutes les causes d’irrégularité du champ magnétique terrestre; mais comme ce dernier subit des variations incessantes, il faut le déterminer à nouveau chaque fois qu’on a besoin de faire une mesure de haute précision. On fait usage à cet effet d’une méthode spéciale proposée par sir W. Thomson, a l’aide d’une bobine suspendue à un fil de bronze phosphoreux qui se substitue à l’aiguille et à son fil de soie. Les combinaisons de circuits et de bobines permettent de mesurer des courants variant entre 1 milliampère et 250 ampères. Le but que s’est proposé M. Anthony en faisant construire le gigantesque appareil dont nous venons de donner une description sommaire d’après les journaux américains, est, en dehors des recherches de haute précision, d’avoir un appareil d’enseignement et d’expérience pour le cours à'Electrical engineering qu’il professe, aussi bien que de pouvoir étalonner avec une précision suffisante les instruments employés dans l’industrie. Nous ajouterons que les publications américaines
- qui ont signalé le bel appareil de M. Anthony, n’ont pas manqué de le présenter sous la formule très goûtée de l’autre côté de l’Atlantique : « Le plus grand galvanomètre du monde. »
- THÉORIE DE LA CONSTITUTION DES GAZ
- TRAVAUX UE M. HIRN
- Les théories scientifiques sont sans cesse sujettes à variations. Quelle hypothèse paraissait mieux établie que la théorie dite kinétique (ou cinétique) des gaz, et en vertu de laquelle on considère ceux-ci comme formés de molécules indépendantes, parfaitement élastiques, se mouvant en tout sens, à grande vitesse et allant incessamment frapper les parois des vases où ils sont enfermés? N’est-ce pas à l’aide de ces données qu’on s’expliquait les phénomènes de pression, de température, de détente, etc. ? Cette théorie n’a-t-elle pas été l’objet d’importants travaux à l’étranger et n’avait-elle pas reçu une sorte de confirmation par les expériences si neuves, si originales et si intéressantes de M. Crookes sur la matière radiante? — C’est cependant cette théorie que M. Hirn combat et renverse dans un nouveau mémoire1 que M. Faye a présenté de sa part dans une des dernières séances de l’Académie. Exposons rapidement les objections que l’auteur fait à la théorie cinétique des gaz et voyons comment il procède. Soumettant l’hypothèse au calcul, il cherche une conclusion inhérente au sujet et susceptible d’être soumise à une vérification expérimentale, ce qui doit permettre d’en constater la réalité ou la non-réalité. La conclusion trouvée est la suivante : la résistance qu’un gaz ainsi constitué oppose au mouvement d’un corps quelconque devrait être une fonction immédiate de la température, c’est-à-dire devrait varier quand la température varie. Aussitôt, M. Hirn institue des expériences très délicates et conduites avec le plus grand soin entre des écarts de température de 0° à 200°. Ces expériences démontrent que la conclusion trouvée ne se vérifie pas, puisque la résistance du gaz maintenu à la même pression s’est montrée indifférente aux variations de température. Donc l’hypothèse kinétique mise en défaut sur une de ses conséquences essentielles doit être rejetée.
- Les idées de M. Hirn n’ont pas été admises en Belgique, où son mémoire avait d’abord été présenté. Les académiciens de Bruxelles rendaient justice à son mérite, mais pensaient que les expériences en elles-mêmes étaient trop délicates et trop difficiles pour trancher définitivement la question. L’adhésion aux idées de M. Hirn ne se faisait pas. C’est alors que, reprenant le problème par un autre côté, il est
- 1 Recherches expérimentales et analytiques sur les lois de l’écoulement et du choc des gaz en fonction de la température; conséquences physiques et philosophiques qui découlent de ces expériences, suivies des réflexions générales au sujet des rapports de MM. les commissaires examinateurs de. ce mémoire, par G. A. Hirn. (In-i°, avec figures. Paris, Gau-thier-Villars, éditeur, 1885.)
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- arrivé à montrer le point faible de la théorie kinétique des gaz. En effet, cette hypothèse impose une limite parfaitement nette à la vitesse d’écoulement d’un gaz, passant, d’un réservoir à pression déterminée et à température constante, dans une enceinte où la pression est moindre. Le calcul montre que cette limite est de 485 mètres par seconde pour l’air lorsqu’il s’élance dans le vide. M. Hirn institue de nouvelles expériences dans lesquelles il fait varier la pression de 40 centimètres a 1 centimètre dans le récepteur, et il arrive à cette conclusion que la limite de vitesse n’existe pas. En effet, avec la pression d’un centimètre dans le bief d’écoulement, la vitesse atteignait 4206 mètres par seconde, chiffre plus de huit fois supérieur à 485 mètres. Il est permis d’ajouter que, si le vide avait été poussé plus loin, cette vitesse aurait encore augmenté.
- Voilà donc encore une fois l’hypothèse cinétique en désaccord avec une de ses conséquences naturelles. « Cette fois, dit M. Fave, l’expérience porte sur un fait saillant qui n’exige pas d’effort d’analyse pour son interprétation ; elle est relativement facile à contrôler; enfin, elle intéresse l’étude si souvent reprise de la loi d’écoulement des gaz, car la formule la plus récente, celle de Weissbach, se trouve ébranlée du même coup. Je pense donc que cette fois les physiciens n’hésiteront pas à reprendre la question au point où M. Hirn vient de la placer et que leurs résultats, dûment vérifiés dans plusieurs laboratoires, prendront dans la Science une place considérable, indépendamment de leur valeur critique par rapport à l’hypothèse susdite. » —M. Faye n’a pas été surpris des résultats obtenus par M. Hirn, car il considérait comme très factice l’ingénieuse hypothèse généralement admise sur la constitution des gaz. I)r Tison.
- PÊCHE A LA BALEINE
- Le duc de Sutherland, dont l’un des passe-temps favoris est la pêche, ou plus correctement la chasse k la baleine, se propose d’inaugurer un nouveau système lors de la prochaine saison. Il vient, à cet effet, de faire armer son yacht à vapeur Sans Peur d’un canon à deux coups, de lm,55 de long, l’âme de l’un étant rayée et celle de l’autre lisse. Le canon rayé est destiné à lancer, sur tout gros gibier de mer comme requins, marsouins, etc., mais plus particulièrement baleines, un projectile explosif en acier de 285 grammes ou un projectile plein de 570 grammes, l’effet voulu étant de tuer le destinataire d’abord, puis de l’amener à bord au moyen d’un harpon lancé simultanément avec le projectile, par le canon à âme lisse; le harpon entraînant avec lui une corde d’acier enroulée sur une bobine placée sur le pont du yacht. Ce procédé qui estime variante du harpon explosif, constitue, sur celui-ci, un perfectionnement en ce sens que ce dernier avait une telle action locale que les chairs étaient trop déchirées pour donner au harpon aucune prise sur la victime tandis que le nouvel engin tuant d’abord l’animal laisse au harpon toute sa prise sur celui-ci. Ce système a beaucoup de chances d’être adopté parles baleiniers. MM. les cachalots n’ont qu’à bien se tenir. J. B.
- LES EUCALYPTUS GÉANTS
- DE 1,’aUSTUALIE
- Un botaniste français, Lhéritier, découvrit le premier, en 1788, dans la Tasmanie, la variété d’Eu-calvptus qu’il décrit sous le nom d'Obliqua. Quelques années plus tard, en 1792, Labillardière, botaniste qui faisait partie de l’expédition envoyée à la recherche de Lapeyrouse, remarqua, en abordant en Australie, des arbres géants dont les branches partaient à 60 mètres du sol. C'étaient des Eucalyptus globulus, ainsi appelés à cause du bouton auquel sont attachées les Heurs.
- Pendant longtemps, les semis, faits en Europe, restèrent chez nous à l’état de plantes de serre ou de collection, jusqu’au moment où M. F. Mueller, parcourant, en 1852, les forêts de la colonie de Victoria, fut frappé de la merveilleuse végétatation de ces forêts et eut l’idée de faire servir l’Eucalyptus au reboisement des régions dénudées du midi de l’Europe. Notre compatriote, M. Ramel, appelé en 1854 par ses affaires en Australie, s’enthousiasma pour cette idée dont il s’est fait l’apôtre pendant trente années, et ses généreux efforts furent enfin couronnés de succès. Aussi, dans l’histoire de l’introduction de l’Eucalyptus, la reconnaissance publique ne voudra pas séparer les deux noms de Mueller et de Ramel, l’un véritable prophète de l’avenir, l’autre enrôlé, toute sa vie, dans une mission de propagande.
- Dès 1862, l’Algérie vit réussir ses premières plantations : MM. Cordier, Trottier, Arlès-Dufour, Bertherand, Certeux, etc., contribuèrent pour une grande part à seconder les efforts de M. Ramel qui voulait, dit-il, faire reculer le désert devant son arbre colonisateur.
- En effet, par ses proportions gigantesques, par sa croissance rapide, par la résistance de son bois, par ses propriétés médicales, l’Eucalyptus répond à une foule de besoins de premier ordre : c’est l’arbre de la colonisation par excellence. Son introduction dans le midi de l’Europe et au nord de l’Afrique, comptera comme la plus intéressante acquisition de la sylviculture dans le dix-neuvième siècle. C’est là qu’est peut-être la solution du problème de l’utilisation des déserts et du repeuplement des portions de l’Europe aujourd’hui presque abandonnées faute de végétation.
- En France, à Hyères surtout et dans la région environnante, on fit, dès 1864, des essais des variétés d’Eucalyptus connues alors, et ces variétés se sont accrues successivement par des envois répétés de graines d’Australie, au point t|u’on en connaît aujourd’hui plus de 150. Les unes préfèrent les terrains humides aux terrains secs, celles-ci sont alpestres et croissent à des altitudes considérables, celles-là sont de première grandeur, d’autres ne sont que des arbrisseaux. On voit par là quelle confusion doit régner dans leur classification, mais
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- aussi quelles ressources on trouve dans une plante semblable.
- Aujourd’hui, dans le Midi, les Eucalyptus se trouvent dans toutes les grandes propriétés et y ont atteint déjà des proportions considérables. L'a, ils trouvent, comme dans leur pays d’origine, des sols et un climat analogues à ceux de l’Australie. C’est dans ce dernier pays que se développent si bien d’autres végétaux qui peuplent les forêts, comme les Acacia deal-bata, les Grevilea robusta, les Mimosa, etc., qu’on rencontre depuis Fréjus jusqu’à Gênes et dont les rameaux sont envoyés en si grande quantité sur le marché de Paris.
- Un trait commun à tous les Eucalyptus est l’existence de glandes oléifères dans la feuille, l’écorce et toutes les parties vertes de la plante ; c’est aux huiles essentielles sécrétées par ces glandes que les Eucalyptus doivent les odeurs balsamiques que l’on re-marque à leur approche et qui diffèrent beaucoup suivant les variétés.
- Un autre de leurs caractères est l’exsudation des substances oléo - résineuses des feuilles sous forme de poudre impalpable qui
- communique à la plante une teinte plus ou moins glauque ou blanchâtre. Quelle influence exacte ont les huiles essentielles et les odeurs balsamiques sur l’éloignement des insectes ou des miasmes, et finalement sur la santé humaine, personne ne l’a encore expliqué; toujours est-il qu’on a observé dans beaucoup d’endroits, et surtout en Algérie, une modification sensible dans la mortalité coïncidant avec des plantations considérables de ce qu’on appelle en Espagne « l’arbre à fièvre ».
- Qn a beaucoup contesté celte propriété assainis-
- Fig. 1. — Eucalitfihis globulus du jardin Dognin, à Cannes, d’après une photographie.)
- santé de l’Eucalyptus, mais comme il s’agit d’arbres à croissance rapide, on ne peut nier que les plantations peuvent servir à former des rideaux protecteurs contre les miasmes paludéens portés par les vents. On aurait dans l’Eucalyptus un effet tout contraire à celui que produit le Mancenillier. En outre, étant données les conditions dans lesquelles se forment les marécages, c’est-à-dire le défaut d’aération d’un sol riche en matières organiques, la
- stagnation de l’eau qui l’imprègne , puis la haute température qui favorise la fermentation, il est certain qu’un arbre qui a une végétation puissante et qui, de plus , possède certaines propriétés aromatiques, doit, par le rapide drainage du sol, exercer sur l’atmosphère une influence exceptionnelle, telle qu’on l’accorde d’ailleurs à toute végétation.
- Je ne parle ici que pour mémoire des nombreux produits qu’on extrait de l’Eucalyptus pour les maladies des voies respiratoires et qui agissent comme le goudron et la résine que l’on emploie journellement pour les affections des membranes muqueuses. Les trappistes du couvent des Trois
- Fontaines, près de Rome, et plusieurs pharmaciens d’Alger, de Paris, de Genève, etc..., font des préparations diverses dont les effets sous formes d’essences, de poudre en feuilles, de capsules, ou de sirops, rendent les plus grands services à la thérapeutique par leurs propriétés désinfectantes, antiseptiques et fébrifuges.
- Tout le monde a entendu parler des « Séquoia gigantea » ou arbres géants de la Californie, et j'ai publié une description de la vallée de l’Yosomite où se trouvent ces merveilles végétales du nouveau
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- Furalyptus géants de l'Australie. — Abattage d’un Ironr. (D’après une photographie communiquée pur le liaron Von Mueller
- ^directeur du Jardin botanique de Melbourne.'
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- monde1. Ce qu’on connaît moins, ce sont les Eucalyptus géants de l’Australie qui ont les mêmes proportions que les Séquoia 2 3 *. Je dois à l’obligeance du baron Ferd. von Mueller, directeur du Jardin botanique de Melbourne, quelques photographies faites par M. N.-J. Caire et représentant les troncs de la variété d’Eucalyptus qui semble avoir atteint les plus grandes dimensions, c’est-à-dire de l’Amygdalina5. Nous reproduisons ici l’un de ces curieux documents (fig. 2). Le paysage est pris près des sources de la rivière Yarra-Yarra, au nord-est de Port Philip. La photographie, qui montre un bûcheron occupé à abattre un de ces arbres gigantesques, ne donne qu’une idée imparfaite de la riche végétation de ce pays, et je n’ai pu me procurer en Europe des vues de l’arbre entier. Mais pour ceux qui n’ont pas visité nos plantations du midi de la France ou de l’Algérie, je dirai quelques mots d’un Eucalyptus parvenu déjà à un certain degré de développement : c’est l’Amygdalina Yera, variété introduite et semée en 1870, par M. le prince P. Troubetzkoy, dans sa propriété d’Intra, sur le lac Majeur; l’arbre a aujourd’hui 25 mètres de hauteur et 2m,10 de circonférence à 1 mètre du sol.
- L’Amygdalina atteint des proportions gigantesques; chose importante, il pousse droit comme une flèche, son bois est très serré, et il supporte jusqu’à 9 et 10 degrés de froid, ce qui le rend très précieux pour la région méditerranéenne; enfin, il l’emporte sur les autres variétés par sa richesse en huile essentielle qui, on le pense, joue un rôle dans l’assainissement des lieux marécageux.
- Des expériences ont été faites par M. A. Marchais, l’habile jardinier chef de la villa Thuret à Antibes, sur le rendement d’essence contenue dans 100 kilogrammes de feuilles fraîches d’une vingtaine de variétés d’Eucalyptus. Celles qui en contenaient le moins seraient le Rostrata, l’Occidentalis et le Calo-phylla qui n’en contiennent que 125 grammes; celles qui en contiennent le plus seraient le Globulus, le Siteroxylon et le Leucoxvlon, de 1 kilogramme à 1 kil. 125, enfin, l’Amygdalina en aurait fourni 1 k. 560.
- 1 Yoy. n° 525, du 23 juin 1883, p 51.
- 2 Mentionnons ici une bonne mesure prise par le Gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud, dans le genre de celles qu’on a prises aux États-Unis pour isoler et réserver la vallée de Yosomite et le Parc national de Yellowstone. En Australie, on a réservé une des parties les plus intéressantes de la colonie pour en faire un parc national. Ce parc aura une étendue d’environ 900 hectares, dans le district de Ulawara, avec une façade de sept milles sur l’océan Pacifique. Inutile d’ajouter qu’on trouve là des forêts de Palmiers, de Fougères arborescentes, d’Eucalyptus et de toutes les espèces végétales indigènes. Deux rivières le traversent, le « Bolacreek » et le «Port Ilacking river » : un chemin de fer en construction en rendra les abords faciles. Aussi compte-t-on en faire un des parcs les plus vastes et les plus pittoresques du globe.
- 3 Dans le remarquable ouvrage publié par le baron Von
- Mueller, depuis 1879, sous le titre Eucalyptographia, et dont l’auteur avait amassé les matériaux depuis un grand nombre d’années, on voit citer un Amvgdalina dont la hauteur dépasse
- 150 mètres, et la circonférence 30 mètres, c’est-à-dire la hauteur de la cathédrale de Strasbourg ; ses premières branches sont à 100 mètres du sol.
- Pour montrer combien diffèrent d’aspect les diverses variétés d’Eucalyptus, je donne un peu plus haut la vue de la variété la plus connue chez nous et la plus fréquemment plantée en Algérie, l’Eucalyptus globulus (fig. 1). Cette figure a été photographiée dans la magnifique propriété de M.I)ognin,sur la route de Cannes à Antibes1 ; l’arbre, planté en 1867, a 30 mètres de hauteur et lm,25 de diamètre.
- Ch. Joly,
- Vice-président de la Société nationale d’horticulture
- de France.
- MANŒUVRE A. DISTANCE DES ROBINETS
- RES COMPTEURS A G ÀZ
- Dans les grands incendies de théâtre et de bâtiments publics survenus depuis quelques années, il y a presque toujours eu des hommes qui ont été victimes de leur dévouement en voulant aller fermer le compteur à gaz. Ces appareils ne sont pas toujours d’un accès facile, et, pour éviter de pareils accidents, M. Lenaerts, de Bruxelles, a imaginé une disposition qui permet d’opérer la fermeture à distance et sans s’exposer. Cette disposition
- Robinet à contact électrique signalant une fuite par omission
- de fermeture.
- A. Clef. — 11. Encoche ménagée sous la clef. — C. Ressort isolé
- par la pièce E. — E. Ébonite. — c. Fil conducteur. — Le négatif
- de la pile est relié à la conduite du gaz.
- très simple consiste à munir la clé du robinet d’un bras de levier, assez long et assez lourd, qui est maintenu dans la position d’ouverture par un fil de platine. Celui-ci fait partie d’un circuit électrique qui peut être fermé soit en appuyant sur des boutons placés en différents points du batiment, soit par le fonctionnement d’avertisseurs automatiques d’incendie; aussitôt que le courant passe, le fil de platine fond et le levier abandonné à lui-même retombe et ferme le robinet. Pour les théâtres, où l’obscurité résultant de cette fermeture pourrait occasionner de graves désordres, M. Lenaerts complète son appareil de sauvetage en disposant en différents points des lampes à incandescence. Le levier du robinet, dont nous venons de parler, fait manœuvrer, en tombant, le commutateur qui doit les allumer.
- Ces dispositions nécessitent l’entretien d’une batterie de piles ou d’accumulateurs, mais c’est un petit inconvénient en comparaison des malheurs qu’on peut éviter par leur application.
- 1 Nous renvoyons nos lecteurs à la description qui a été donnée du jardin Dognin dans une étude précédemment publiée : Les jardins du littoral méditerranéen, n° 587, du 50 août 1884, p. 201, et n° 591, du 27 sqitembre 1884, p. 263. ;. . . G. T.
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- LA N A T U R K.
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- L’inventeur a cherché les moyens d’étendre son idée au confort domestique, pensant qu’il était nécessaire, dans les maisons particulières, de fermer tous les jours le compteur tant pour s’assurer du fonctionnement régulier du robinet, que pour éviter les accidents qui peuvent résulter d’une fuite. Mais comme peu de personnes consentiraient à installer et entretenir des appareils électriques, il a disposé deux systèmes de transmission, analogues aux mouvements des sonnettes ordinaires, et par lesquels on commande, d’un point quelconque de la maison, la manœuvre d’une poulie à gorge rendue solidaire du robinet. On pourrait faire l’objection suivante : c’est que, dans une maison importante, il peut arriver qu’on ferme le compteur sans savoir qu’il reste un bec allumé quelque part; il se produira par là, lors de la réouverture, une fuite qui rendra le remède pis que le , mal. Pour éviter cet inconvénient, M. Lenaerts a pensé à une disposition qui nous paraît pratique, surtout là où existe déjà une installation de sonneries électriques ; c’est de disposer le robinet comme le représente la figure ci-contre, de façon à ce que dans la position ouverte pour le gaz il ferme un circuit électrique comprenant une sonnerie et, si l’on veut, un tableau indicateur; une seconde interruption étant faite dans le circuit par l’ouverture du compteur, la sonnerie ne fonctionne lorsqu’on fermera celui-ci que si l’un des becs est resté ouvert. Les différentes dispositions que nous venons d’exposer nous paraissent devoir rendre de réels services dans bien des cas et méritaient d’être signalées. G. M.
- LA NUMÉRATION ÉCRITE
- CHEZ LES CHINOIS
- Dès la plus haute antiquité les Chinois ont possédé la numération parlée décimale, et l’ont appliquée à leur système de poids et mesures. Mais les hommes de génie qui ont fait tant de découvertes surprenantes, n’ont point eu l’idée d’inventer un caractère spécial faisant les fonctions de notre zéro. Malgré les rapports intimes qu’ils ont eus avec l’Inde, à laquelle ils ont pris mille superstitions, ils n’ont point adopté ce signe essentiel qui est le fondement de toute numération écrite.
- Ce qui rend leur indifférence plus difficilement explicable, c’est qu’ils possèdent un symbole spécial pour indiquer l’absence d’une quantité, d’une qualité, ou même d’une unité. Mais ce caractère ne fait pas partie de la série numérique, c’est un nom substantif qui figure exclusivement dans la langue écrite.
- Dans les derniers siècles, les missionnaires ont essayé de l’introduire dans l’arithmétique et de le combiner avec les caractères qui représentent les unités des différents ordres, en un mot, d’importer le système arabe, en remplaçant les chiffres dont noiis nous servons par leurs analogues de l’écriture mandarine; mais l’empire de la routine est si puissant, que cette tentative n’a eu aucun succès, et que les Chinois se servent encore aujourd’hui d’un système de numération aussi barbare que celui des anciens Romains. L’absence de zéro les oblige à adopter un caractère spécial pour désigner les di-
- zaines, un autre pour les centaines, un troisième pour les mille, etc., etc. Cependant, ce qui rend plus difficile a comprendre l’obstination avec laquelle ils repoussent ce terme, c’est qu’ils savent joindre le signe dix et le signe cent au signe mille pour dire dix, ou cent mille, etc., etc.
- Nous n’avons pas cru nécessaire de joindre à ces caractères (fig. 2) la prononciation figurée, qui n’est pas du reste la même pour toute la Chine, et qui diffère notablement d’une province à une autre.
- Les signes numéraux de la langue mandarine sont susceptibles de recevoir plusieurs formes, la forme usuelle, une forme abrégée pour les écritures courantes, et une forme compliquée pour rendre les altérations plus difficiles. C’est de cette dernière
- Fig. 1. — Appareil à calcul chinois.
- que l’on se sert pour les billets de banque, les lettres de change et les effets de commerce, en un mot dans toutes les circonstances où l’on veut empêcher, suivant l’expression vulgaire, d’ajouter des queues aux zéros.
- Il n'est pas hors de propos de rappeler que, dans les mêmes circonstances, nous employons un procédé analogue, et que dans les reçus ou dans les actes notariés, etc., nous écrivons les nombres en signes alphabétiques.
- Mais l’absence du zéro est un obstacle considérable à la propagation des méthodes et des procédés triangles de notre arithmétique décimale. Afin de faire comprendre toute l’importance de cette funeste lacune, nous n’avons pas cru qu’il fût possible d’agir d’une façon plus éloquente, qu’en reproduisant d’après Perny la table de multiplication chinoise (fig. 3). Nous l’avons empruntée à son grand dictionnaire, mais pour la rendre plus facilement intelligible, nous avons accompagné chaque nombre
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- LA N AT (J HE.
- de la transcription littérale avec des signes algébri- | ques et des chiffres européens dont cli a-cun connaît le sens.
- La complication de l’écriture des nombres a conduit les Chinois à imaginer un petit instrument nommé souampan qu’on trouve dans les mains de tous les négociants, et quelque ingénieux qu’il soit, cet objet singulier doit être considéré comme un signe de l’infériorité de leur arithmétique, mais nous devons reconnaître qu’ils s’en servent avec une étonnante dextérité.
- Cet appareil ( fig. 1 ) se compose de dix lignes verticales, séparées par une ligne horizontale, et semblable aux bouliers en usage dans les écoles primaires pour faire comprendre aux enfants les principes des quatre règles.
- Deux conventions fort simple sont nécessaires et suffisantes pour l’usage du souampan. La première s’applique à toutes les colonnes verticales.
- Chacune des deux boules placées au-dessus de la barre horizontale représente cinq unités, tandis que celles qui sont placées au-dessous ne repré-sentent qu’une unité du même ordre. La seconde s’applique à la valeur représentative de chaque colonne verticale, et est la même que la convention fondamen-
- cliiffres significatifs. Si la sixième colonne à droite représente des unités, la septième représente des dizaines, la huitième des centaines, la neuvième des mille, et la dixième des dizaines de mille. Dans ce cas la cinquième représentera des dixièmes, la quatrième des centièmes , la troisième des millièmes, la seconde des dix-millièmes et la première des cent-millièmes.
- Ainsi, ce peuple manque tellement d’idées générales, qu’il n'a pas songé à transporter sur le papier le. système de numération qui se trouve pour ainsi dire matériellement réalisé sur son boulier !
- Ni les Américains, ni les Anglais, conservantun attachement si blâmable pour leur système de poids et mesures, et ne comprenant point par conséquent d’une façon complète les avantages de la numération décimale, ne possèdent les qualités nécessaires pour être ses instituteurs ; ne semble-1-il pas que nous soyons destinés par notre logique à être ses professeurs, et a le tirer, par notre vaillante initiative de son esclavage intellectuel quarante fois
- séculaire. W. de Fonvieli.e.
- —1
- taie réglant
- la valeur de nos
- Chiffres usuels — — — m 31 -t- s\ t A K t
- Chiffres simplifiés I «1 Ul X % -A *f % t
- Chiffres compliqués M SC Ê: m ft B $ m n
- 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
- W * 1 t n ..m.» M ü if m ± #
- Cent Mille WOMille Million (Millions tOOMdlions Billion lûBillions 100Billions Trillion tOTnIBons fOOTriUians Zéro
- Fig. 3. — Caractères de la numération chinoise.
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- LA NAT U UK.
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- LE CYCLOÏDOTROPE
- Tel est le nom d’un appareil de récréation optique très ingénieux, que nous présente M. Geo. M. Hopkins dans le Scieniific American. Le but de l’appareil est de tracer des courbes symétriques et de formes variables à l’intini sur des plaques de
- verre ; les courbes sont ensuite introduites dans des appareils de projection pour produire des effets variés.
- La figure 1 représente le cycloïdotrope ; quelques-unes des courbes des formes les plus simples obtenues avec l’appareil, sont reproduites au-dessous (fig- 2)-
- Les gravures de l’appareil s’obtiennent sur des disques en verre : ces disques en verre sont main-
- Fig. 1, — Cycloïdotrope, appareil pour tracer de» courbes symétriques.
- tenus sur une platine mobile à l’aide de deux ressorts munis de molettes exerçant leur pression aux extrémités d’un même diamètre. On imprime un mouvement de rotation continu a la platine qui supporte le disque de verre à l’aide d’une manivelle et d’un petit engrenage. Cette platine porte 202 dents et commande un pignon portant 33 dents. Sur ce pignon est montée une manivelle de longueur variable, ajustable à volonté; il peut recevoir un levier à l’extrémité duquel est fixée la pointe traçante.
- Un fil permet d’éloigner ou d’approcher à volonté la pointe traçante de la surfaee du disque.
- La glace est préparée au noir de fumée sur une bougie, une lampe, un bec de gaz, ou mieux encore, en la recouvrant d’une couche de collodion convenablement teinté avec une couleur d’aniline.
- Lorsque le disque de verre préparé est en place, on laisse retomber la pointe traçante sur le verre en détendant le fil qui la maintenait éloignée, et on met le système en mouvement en agissant sur la manivelle. A cause des dispositions complexes du disque, du pignon, de la manivelle et de la bielle qui porte la tige traçante, on obtient une série de ev-
- eloïdes qui viennent se juxtaposer et finissent par former un réseau de lignes symétriques et de formes variables à l'infini avec les rapports des longueurs et les positions relatives données aux différents organes.
- On peut rendre le dessin encore plus joli et plus curieux quand on recouvre les deux faces du disque de verre, de collodion diversement coloré; on peut produire , par exemple, une face bleue et l’autre rouge. En faisant le tracé sur la face bleue, les lignes paraîtront rouges sur un fond bleu; en faisant le tracé sur la face rouge, les lignes paraîtront bleues sur un fond rouge. Si l’on opère les tracés sur les deux faces, les points d’intersection des deux tracés apparaîtront naturellement en blanc, et les tracés eux-mêmes de deux couleurs différentes.
- En dehors des effets produits par les deux couleurs, on peut obtenir une illusion d’optique des plus curieuses due à l’épaisseur du verre qui sépare les deux tracés. Il suffît de projeter l’image et de mettre au point l’un des tracés, il semblera détaché de l’écran de plusieurs pouces et paraîtra flotter dans l’air.
- En imprimant un mouvement de rotation rapide au disque et en l’arrêtant brusquement, les tracés
- Fig. 2. — Spécimen de quelques-unes des courbes obtenues.
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- LA NATLUE
- sembleront tourner en sens inverse. On obtient ainsi des effets curieux et intéressants en substituant ces figures aux disques peints ordinaires du chroma-trope.
- Le cycloïdotrope exhibé depuis quelque temps en Amérique à titre de récréation, produit toujours d’après M. Geo. Hopkins, un murmure de satisfaction et de surprise parmi les spectateurs. Espérons qu’il rencontrera le même succès après avoir franchi TA tlantique.
- LÀ LUCERNAIRE
- Tout le monde connaît les Actinies, auxquelles des formes gracieuses et de brillantes couleurs ont fait donner le nom d’Anémones de mer.
- L’élégant animal que nous présentons aujourd’hui aux lecteurs de La Nature mériterait entre tous un nom de fleur tant il ressemble à une corolle animée.
- Fixée sur des algues par un pédoncule formant ventouse, la Lucernaire épanouit ses huit bras reliés par des membranes minces et transparentes , en 1 un disque coloré de brun fauve, piqueté détachés d’un beau vert émeraude peut-être lumineuses au sein des profondeurs. Chacun de ses bras est terminé par une pe-lotte hérissée de petits suçoirs qui servent à l’animal pour saisir sa proie lorsqu’il se contracte brusque-mentpour l’emprisonner dans son disque au centre duquel se trouve la bouche. On dirait alors d’une de ces plantes carnivores qui ont tant étonné les naturalistes par la rapidité de leurs contractions.
- Les Lucernaires sont assez rares. Lorsque la mer baisse plus que de coutume, dans les jours de grandes marées, on peut les trouver sur les rochers découverts.
- On voit alors comme une petite masse gélatineuse brune, contractée, pelotonnée, fixée à quelque fucus ; c’est la Lucernaire dont rien ne fait soupçonner alors l’élégante sveltesse.
- Portée dans un bocal rempli d’eau de mer limpide, elle s’épanouit, sort un à un chacun des petits suçoirs qui terminent ses bras, puis abandonnant son algue elle nage par des contractions régulières de son ombelle jusqu’aux parois du vase sur lesquelles elle s’attache.
- La symétrie rayonnée et le pédoncule de cette singulière Actinie font penser à ces autres calices animés, aux Crinoïdes, dont M. Perrier a écrit l’histoire ici même; et, pour peu qu’on soit transformiste, on serait tenté de voir dans la Lucernaire l’ancêtre de la Comatule.
- Mais, revenons à notre prisonnière qui se referme au moindre attouchement ; on peut la conserver très longtemps en captivité. J’ai eu il y a quelques années l’occasion d’en observer une pendant plusieurs mois au laboratoire de la Faculté de Toulouse ; elle venait de Roscoff. Non seulement elle avait parfaitement supporté le voyage
- dans un flacon bouché, mais encore en aérant quelquefois l’eau de son bocal elle vécut tout un hiver jusqu’au jour où elle fut disséquée. Un bras détaché du disque peut vivre isolément, mais on n’a pas, à notre connaissance, constaté la reproduction de l’animal entier par le bras, comme cela a été fait pour l’Astérie ou étoile de mer. Pour conserver les Lucernaires et en général toutes les Actinies dans l’alcool, il faut préalablement les tuer sans les contracter.
- On arrive à ce résultat en mélangeant goutte à goutte de l’eau douce à l’eau de mer dans laquelle vivent les animaux.
- Ils sont alors saisis par une stupeur progressive qui les envahit et les fait passer insensiblement de l’engourdissement à la mort. P. de Sède.
- CHRONIQUE
- Un monolithe monstre. — Les visiteurs à l’Exposition d’Anvers de 1885 ont pu admirer les énormes spécimens de granits, de marbres, et de pierres d’autres sortes, exhibés dans les jardins, et provenant de diverses carrières belges. Rien d’aussi considérable n’a cependant, croyons-nous, été exposé ni produit d’analogue au bloc de granit qui vient d’être extrait des carrières de Monson, dans l’état de Massachusetts, aux États-Unis. Le bloc en question n’avait pas moins de 108 mètres de long sur 5m,30 de large et 0m,90 à lm,20 d’épaisseur, cubant par conséquent 320 mètres cubes. Les plus grandes précautions ont dù être prises par les ouvriers carriers pour extraire ce bloc dont la valeur, en une seule masse aurait été considérable s’il avait pu être aisément transporté dans une des grandes villes du pays. Le monolithe a dù être cassé en morceaux pour les besoins ordinaires du bâtiment. J. B.
- Sol d’atelier économique. — On peut établir économiquement un sol d’atelier par les deux procédés suivants : le premier donne une surface dure et résistante ; il est employé avec succès pour les chapes de voûtes. Le second est encore plus économique, mais il donne un sol moins dur; il a été employé dans les magasins de l’arsenal’ de Toulon comme revêtement de la surface de la voie et de l’entrevoie du chemin de fer de service.
- Premier procédé. — Pilonner fortement le sol de l’atelier après avoir humecté au besoin le sous-sol par un arrosage préalable. Appliquer sur cette surface bien nivelée une couche de 0m,06 (six centimètres) d’épaisseur de mortier pulvérulent ayant la composition suivante : chaux de Teil en poudre, 540 kilogrammes ; sable tamisé, fin, 945 kilogrammes; eau 70 à 75 litres.
- Ce mortier est pulvérulent. On bat fortement la couche étendue sur le sol, avec une savate ou un pilon, jusqu’à ce que le mortier ait assez de consistance pour résister à la pression du doigt, puis on unit la surface en y passant fortement de plat de la truelle. On recouvre ensuite provisoirement cette surface de sable qu’on maintient constamment humide afin que le durcissement du mortier se fasse dans de meilleures conditions. Si l’on était pressé, on remplacerait la chaux du Teil par du ciment de Portland ou mieux encore par du ciment Yicat à prise lente qui durcirait beaucoup plus rapidement que la chaux.
- Après la prise du mortier, on enlève le sable, on lave la surface du mortier, puis lorsqu’elle est sèche on y éterid
- Lucernaires sur un fucus. (Demi-grandeur naturelle.)
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- LA A AT LU K.
- J -27
- (rois couches successives de goudron de houille (coaltar). Enfin on la saupoudre avec du sable sec et très lin.
- Deuxième procédé. — On recouvre le sol de l’atelier préalablement nivelé et damé, d’une couche d’argile sablonneuse qu’on pilonne fortement. Puis on étend à la surface de cette argile une légère couche, de goudron de houille chaud et appliqué au pinceau de manière à en laisser le moins possible à la surface. Ou laisse sécher cette première couche et on en passe une seconde de la même manière. Ensuite on saupoudre la surface de sable fin et bien sec. On obtient ainsi au bout de quelques jours une surface unie, assez résistante, qu’on croirait bitumée et qui a l’avantage de no coûter que dix à quinze centimes par mètre carré. A. Gobin,
- Ingénieur en chef des pouls et chaussées, à Lyon.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 18 janvier 1886. — Présidence de M. l’amiral
- JüRIEN DE LA GrAVIÈUE.
- Monument à Saussure. — Le maire de Chamonix, en annonçant qu’au mois d’août 1887 aura lieu la célébration du centenaire de la première ascension du mont Blanc par Horace Bénédict de Saussure, ajoute qu’en même temps sera inauguré un monument en l’honneur de l’illustre géologue. Les clubs alpins français, suisse et italien se sont associés d’avance à cette solennité et l’Académie des sciences est invitée à en faire autant. En conséquence, une liste de souscription est dès maintenant ouverte au secrétariat de l’Institut.
- Histoire de la marine. — Poursuivant avec la plus louable activité une œuvre dont plusieurs fois déjà nous avons entretenu nos lecteurs, M. l’amiral Paris dépose la troisième livraison de sa reconstitution des anciens navires. On y voit par exemple une galéasse, comme il en existait encore sous Louis XIV avec ses neufs galériens à chaque rame et ses mille marins ne disposant chacun pour vivre que de 7/10 de mètre! On y voit la trière athénienne restaurée par M. l’amiral Serre, la trière vénitienne, un navire américain avec six mâts, etc., etc.
- Photographie stellaire. — C’esl avec une très grande admiration qu’on examine les belles photographies de constellations présentées par M. Mouchez au nom de MM. Henry. M. Fave demande que la section d’astronomie soit invitée à en faire très prochainement l’objet d’un rapport et M. Faye se félicite de voir si complètement confirmées ses prévisions sur les services astronomiques qu’on doit attendre de la photographie.
- Spcctroscopie. — Un savant américain bien connu, M. Lengley, poursuivant de grandes études de physique du globe, a été amené a mesurer la longueur d’onde des radiations obscures. L’appareil qu’il emploie est si délicat que l’auteur a reconnu que la glace fondante émet des rayons dont la longueur d’onde est de 1 centième 1/2 de millimètre. De sorte que la distance si grande du temps de Newton entre les vibrations sonores et les ondes calorifiques et lumineuses est presque entièrement comblée.
- Géologie espagnole. — Dans un travail présenté par M. Hébert, M. Bertrand signale l’identité des couches jurassiques et crétacées du sud de l’Espagne avec celles
- des régions précédemment étudiées. Pour le lias et ses subdivisions, l’identité se poursuit jusque dans les petits détails de la manière la plus remarquable.
- Choléra. — Le fameux docteur Ferrand émet l’avis que dans ses injections anlicholériques, le bacille mort agit, par sa composition chimique, pour tuer le bacille vivant. La cause qui procure l’immunité (?) serait donc la même que celle qui amène la mort.
- Election. — Le décès de M. Tresca ayant laissé vacante une place de membre dans la section de mécanique, la liste de présentation portait : en première ligne M. Boussinesq et en seconde ligne ex æquo et par ordre alphabétique, MM. Marcel Deprez, Kretz, Léauté et Sarrau. Au premier tour, les votants étant au nombre de 55, M. Marcel Deprez réunit 25 suffrages, M. Boussinesq 23, MM. Léauté et Sarrau chacun 3, et M. Kretz en a 1. Aucun candidat n’ayant la majorité, on procède à un second vote, cette fois M. Boussinesq est élu par 29 voix contre 26 données à M. Marcel Deprez.
- Varia. — M. le docteur George fera au Conservatoire des Arts et Métiers, dimanche, 24 janvier, à 2 heures 1/2, une conférence sur l’hygiène du vêtement. — Un nouveau niveau à mesure, imaginé par M. Gauthier, va être adopté par l’Observatoire de Paris. — L’action du sulfure d’antimoine sur le sulfure de potassium occupe M. Ditte. — L’origine de l’enveloppe celluleuse externe des œufs d’insectes doit, d’après M. Pérès (de Bordeaux), être rat-; tachée à la paroi intérieure du cul-de-sac sécréteur, des œufs. — Une étude sur les palmiers. éocènes de l’ouest de la France est présentée par M. Crié (de Rennes).
- Stanislas Meunier.
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- BRÛLÉES VIVES
- Le public s’est vivement ému, dans ces derniers temps, de ce drame effroyable, dont tous les journaux quotidiens ont donné le récit : une jeune fille, brûlée vive chez ses parents à Paris, par la combustion de sa robe auprès du feu de la cheminée, et morte dans des souffrances horribles, au milieu des flammes qui l’environnaient. De semblables catastrophes ne sont malheureusement pas très rares.
- Pendant l’Exposition des inventions tenue l’année dernière à Londres, un fumeur imprudent ayant jeté une allumette-bougie sur le sol, à l’heure où la foule était réunie dans le jardin autour des fontaines et jets d’eau électriquement éclairés tous les soirs, le feu prit à l’habillement d’une spectatrice qui se sauva affolée, activant ainsi les flammes qui la dévoraient : la pauvre patiente mourut de ses brûlures dans les quarante-huit heures. La foule qui l’entourait ne montra guère plus de présence d’esprit, tout le monde se sauvant à l’envi. Un ouvrier électricien se trouvant la et ayant vu le danger, jeta la victime par terre et l’enveloppa de son patelot qu’il avait promptement quitté. Les flammes furent éteintes, mais il était trop tard.
- De nombreux accidents de personnes, la plupart dus à des explosions de lampes à pétrole, ont été signalés récemment ; on a été encore impressionné à Londres par la nouvelle de l’accident arrivé a
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- LA NATURE.
- deux jeunes lilles du monde aristocratique. L’une d’elles, au moment de partir pour un bal, et tenant a la main une bougie, vit sa toilette légère s’allumer, un courant d’air ayant fait dévier la 11 anime à l’ouverture d’une porte au moment de passer d’une chambre dans l’autre.Enveloppée soudainement dans les flammes, elle s’échappa terrifiée, et sa sœur, également habillée en toilette de bal, entendant ses cris et n’écoutant que son courage, se précipitait sur elle pour la sauver, mais elle paya de sa vie cet acte d’héroïsme , car elle fut aussi brûlée et ne survécut a ses souffrances que quelques heures. La première victime est affreusement brûlée et il est peu probable quelle survive elle-même.
- M. John Marshall, écrivant au Time* sur ce sujet dramatique, dit avec raison que le seul remède, en pareille occurrence , est de se coucher par terre et de prendre la position horizontale.
- Toute personne ainsi atteinte devrait s’étendre immédiatement contre le sol et toute personne venant au secours devrait tout d’abord commencer par jeter la victime par terre si elle n’y était déjà. M. Marshall donne la théorie à l'appui de sa thèse, et celle-ci est facile à comprendre. L’écrivain rappelle que dans une salle d’hôpital où il était de service, le feu ayant pris à des pansements d’une nature très inflammable le long du lit d’un malade, un étudiant les jeta au milieu de la salle et après des efforts inutiles pour éteindre le feu avec ses pieds, commençait k brûler lui-même lorsqu’à la grande
- surprise de tous, y compris l’étudiant en question, M. Marshall se jeta sur lui avec la plus grande rapidité, il le saisit au collet, lui donna un croc-en-jambes,
- l’étendit et le maintint par terre. Un assistant arriva alors et éteignit le fe.u en y jetant l’eau d’un simple pot d’eau.
- M. Marshall conclut en recommandant que des notices convenables avec texte explicatif, soient affichées sur les murs des écoles à l’entrée de l’hiver, et ajoute qu’une impression ineffaçable serait produite sur l’esprit des enfants par la simple démonstration de deux mannequins habillés légèrement, enflammés en même temps dans une position verticale et dont l’un serait jeté par terre deux secondes et l’autre trente secondes environ après le moment de l’allumage.
- Un conçoit, en effet, que si le feu prend aux vêtements, on active la flamme en se sauvant ; on ne tarde pas à être environné d’un brasier ardent. En se couchant au ;contraire, le feu se produit superficiellement; on peut l’étouffer avec ses mains, et les secours sont plus faciles. Notre première gravure (fig. 1), montre une dame brûlant, debout et entourée de flammes; dans notre deu x ième gravure (fig. 2), on a supposé que la victime était tombée à terre évanouie ; le vêtement ne brûle qu’au-dessus du corps avec beaucoup moins de violence. J.-A Beri,y.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier. Imprimerie A. Lalmre, rue de Fleurus, à l’aris.
- Fig. 1. — Étal d'une dame dont les vêtements sont en combustion, et qui active les flammes en se tenant verticale et en courant.
- l'ig. 2. — Dans cette gravure, on a représenté une dame dont la robe a pris feu et qui est tombée évanouie par la frayeur. Celte ligure montre que si l’on se couche par terre horizontalement, quand le feu a pris à ses vêtements, les Ranimes, au lieu d’entourer le corps, ne se produisent que superficiellement et avec moins d’intensité.
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- N° GG 1
- 50 JANVIER 1886
- LA NATURE
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- L’OBSERVATOIRE LIGK
- SUR LE MONT HAMILTON (CALIFORNIE)
- James Lick naquit en 1796 dans le comté de Le Lanon (Pensylvanie). Après avoir exercé à Philadel
- pi lie toute espèce de métiers, depuis celui de marchand de meubles et de pianos jusqu’à celui de directeur de théâtre, il se rendit, à Page de trente-cinq ans, dans l'Amérique du Sud, et s’établit à Buenos-Ayres, où il amassa une fortune de 45 000 dollars (225 000 francs). En 1847, il émiJ
- Fig. 1. — Vue d’ensemble de l’Observatoire du mont Hamilton, en Californie.
- Fig. 2. — Vue intérieure de la salle du grand cercle méridien à l’Observatoire du mont Hamilton.
- gra dans la région où se trouve actuellement San-Francisco, et plaça sa fortune en biens-fonds. Après un quart de siècle, il se trouva à la tête d’un capital cent fois plus considérable, que, par un acte fidu-\ 4e année. — lor semestre.
- ciaire, il mit entre les mains d’un conseil d'administration. 11 mourut à l’âge de quatre-vingts ans, un de ses principaux legs était une somme de 700 000 dollars (5 500 000 francs) destinée à la
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- LA NATl UK
- construction d’un grand observatoire sur le mont HamiltonC
- Le mont Hamilton, situé dans le comté de Santa-Clara, fait partie de la grande chaîne qui longe le Pacifique, et se trouve à 55 milles environ au sud-est de San-Francisco, et à 13 milles à vol d'oiseau de San-José, la ville la plus proche, à laquelle il est relié par un excellent chemin de montagne, et avec laquelle une ligne téléphonique le met en correspondance. U a trois sommets; le plus méridional, haut de 4500 pieds environ, fut choisi pour y construire l’Observatoire, et, comme il était très aigu, on fut obligé de l’épointer; 45 000 tonnes de rocs furent abattus, et on obtint un plateau présentant la forme d’un ovale irrégulier, long de 450 pieds, et ayant environ 235 pieds dans sa plus grande largeur; 1660 acres (670 hectares) de terrains situés autour de la montagne devinrent une dépendance de l’observatoire.
- Le conseil d’administration institué par M. Lick s’adressa a M. Sherburn W. Burnham, aux profes-
- Fig. 3. — Plan de l’Observatoire du mont Hamilton.
- seurs Holden et Newcomb et au capitaine Floyd, qui visitèrent le mont Hamilton, y firent des observations astronomiques, et étudièrent la disposition à donner aux bâtiments, dont les plans furent faits sous leurs yeux. On commença les travaux au printemps de 1880, et on les poussa activement. En 1881 on installa la lunette méridienne de 4 pouces et l’équatorial de 12 pouces, avec lesquels on observa le passage de Mercure. En 1882, on construisit deux réservoirs, l’un d’une capacité de 85 000 gallons (386 mètres cubes), qui est alimenté par l’eau d’une source voisine, l’autre, de 70 000 gallons (318 mètres cubes), qui reçoit les eaux pluviales. Dans cette même année, on observa le passage de Yénus. Le professeur Todd avait été chargé de diriger les travaux; l’emploi du photohéliographe donna d’excellents résultats, et on obtint des reproductions très exactes du soleil. L’é-
- 1 Ces sortes de libéralités sont fréquentes en Amérique, où l’initiative individuelle joue un si beau rôle pour le grand bien du pays. Ou ne saurait trop propager de si louables exemples. (1. T.
- dipse solaire du 16 mars 1885 fut aussi photographiée â l’observatoire Lick dans les meilleures conditions atmosphériques.
- Parmi les principaux instruments de l’Observatoire, il faut citer le cercle méridien de Repsold, dont les objectifs, d’un diamètre de 6 pouces 1/3, ont été faits par MM. Clark. La construction qui l’abrite a 43 pieds sur 45; les murs en sont doubles; le mur intérieur est de bois, le mur extérieur de fer, et ils sont assez éloignés l’un de l’autre pour qu’on puisse pénétrer dans l’espace qu’ils laissent libre ; les dispositions prises en vue d’obtenir la même température entre les deux murs et dans la pièce sont irréprochables.
- Outre les instruments déjà mentionnés, on trouve dès à présent dans l’Observatoire : une lunette méridienne de 4 pouces construite par Fauth; un appareil de mesures fait par Stackpole, et donnant les coordonnées tant polaires que rectangulaires; cinq horloges de Dent, Frodsham, Hohnü et Howard ; quatre chronomètres de Négus ; un télescope équatorial de 6 pouces 1 /5 ; un cercle vertical de Repsold de 2 pouces. L’établissement possède un atelier contenant des tours et tous les instruments nécessaires, et une bibliothèque astronomique composée avec grand soin, et qui a déjà coûté près de 5000 dollars ; un système de communications électriques réunit toutes les pièces d’observation et les pièces contenant les horloges.
- Le principal travail qui reste encore à faire, c’est de construire le grand télescope et d’édifier l’énorme dôme qui devra l’abriter. MM. Clark ont été chargés de faire l’objectif. M. Feil, de Paris, leur a déjà fourni d’abord la lentille de crown ; depuis peu, ils ont également en main la lentille de flint qui va leur permettre de commencer le travail. On espère que le télescope pourra être terminé en 1887. A partir de cette époque, l’Observatoire sera dirigé par les recteurs de l’Académie de Californie.
- Et maintenant, quelle sera la puissance de cet énorme télescope? Tous les astronomes qui ont observé les corps célestes du haut du mont Hamilton ont remarqué que l’homogénéité extraordinaire de l’atmosphère leur a permis d’adapter à leur télescope des oculaires qui grossissent deux ou trois fois autant que ceux qu’on emploie ordinairement. 11 y a donc lieu d’espérer qu’on trouvera chaque année quelques nuits où l’on pourra se servir avec avantage des pièces qui donnent le plus fort grossissement, lequel est de 3500 diamètres. La distance de la lune à la terre ne serait plus alors théoriquement que de 60 milles; mais les conditions idéales de vision ne peuvent jamais être atteintes; en tenant compte de différentes influences perturbatrices, et, entre autres, de celle de l’atmosphère terrestre, on peut espérer que l’observateur verra la lune comme il la verrait sans télescope si elle était éloignée de 100 milles. Si le point observé sur la lune était bien éclairé par le soleil, il est possible qu’il y pût distinguer assez nettement des objets dont la masse ne
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- LA NATURE.
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- serait pas plus grande que celle des plus grands monuments de la terre.
- Cherchons maintenant à nous rendre compte des avantages que l’observatoire Liek présentera sur les autres. L’altitude à laquelle il se trouve placé n’y fera pas paraître les objets célestes beaucoup plus brillants qu’on ne les voit ordinairement, ainsi que beaucoup de personnes le supposent; mais, ce qui est incomparablement plus important, l’homogénéité de l’atmosphère ambiante ne permettra pas seulement aux astronomes de faire usage de beaucoup de nuits claires qui, à des stations moins élevées, ne seraient pas très propices aux observations ; elle donnera encore à leurs travaux une extrême précision. Il en résultera qu’on sera obligé d’inventer, pour éliminer les erreurs personnelles et les erreurs dues aux instruments, des méthodes meilleures que celles qu’on possède actuellement. Les erreurs dues à la vision, dans la détermination des coordonnées d’une étoile, seront si petites que deux ou trois observations suffiront pour fixer sa position de la façon la plus précise.
- L’inllueuce de l’altitude sur l’atmosphère est moins heureuse pendant le jour qu’elle ne l’est pendant la nuit, et, s’il faut en juger par des expériences faites du mois de juillet au mois de décembre, les observations diurnes n’y réussissent pas mieux qu’à des stations moins élevées.
- Il ne faut pas omettre de faire ressortir ce fait que, de l’observatoire Lick, grâce à la hauteur exceptionnelle à laquelle il est situé, on commande une partie du ciel beaucoup plus grande que de l’une quelconque des autres stations situées à la même latitude. Du haut du mont Hamilton, on peut explorer des régions de l’hémisphère austral qu’il est impossible d’étudier dans nos laboratoires septentrionaux. A la latitude du mont Hamilton, le 53e parallèle de déclinaison australe coïncide à peu près avec l’horizon sud, et, parmi quarante-deux nouvelles étoiles découvertes par M. Burnham pendant son séjour sur la montagne en 1879, vingt se trouvent entre le 50e et le 40° degré de déclinaison sud (c’est-à-dire entre les limites de 23° et de 13° de hauteur maxima au-dessus de l’horizon), et cinq de ces étoiles sont entre le 40e et le 45e parallèle (c’est-à-dire entre les limites de 13° et de 9°).
- En général, aux altitudes ordinaires, les vents violents nuisent aux travaux micrométriques. D’après M. Burnham, les vents modérés ne semblent pas troubler l’homogénéité de l’atmosphère. Voici une expérience que j’ai faite à cet égard sur le mont Hamilton, et qui, autant que je sache, n’avait encore été faite nulle part. Dans la nuit du 2 décembre 1882, le vent ayant une grande intensité, je ne pus apercevoir Jupiter et Saturne qu’avec très peu de netteté ; dirigeant alors ma lunette vers Sirius, je vis son compagnon aussi distinctement que l’on peut voir un satellite de Jupiter dans de bonnes conditions atmosphériques.
- Ce qu’il faut signaler aussi comme un fait des
- plus heureux, c’est l’absence de nuages, pendant la plus grande partie de l’année, à la hauteur de l'Observatoire. Même pendant la saison pluvieuse, on y trouve parfois des périodes de plus de soixante-dix heures consecutives pendant lesquelles le ciel est parfaitement clair, tandis que la partie inférieure de la montagne est enveloppée comme d’une mer de nuages. On a tiré de ces nuages d’excellentes photographies.
- L’observatoire Lick possède dès à présent un nombre inusité d’instruments, tous d’excellente qualité.
- Les Irais de construction et d'installation n’absorberont guère que les 5/3 du legs de M. Lick. Les revenus du capital restant seront affectés à son entretien;* peut-être ne suffiront-ils pas; mais les services que ce bel établissement est appelé à rendre à la science donnent le droit d’espérer que des ressources lui viendront du dehorsl.
- David P. Todd.
- —x>«—
- LE MERCURE ENT SERBIE
- Un a découvert dernièrement, ou plutôt retrouvé, une mine do mercure à Schuppiastena, près de Belgrade.
- Pendant la construction de la ligne de chemin de fer qui passe par cette vallée, on trouva un bloc de quartz imprégné de sulfure de mercure. On chercha la provenance de cette roche et l’on fut assez heureux pour en retrouver le gisement en remontant la vallée à un endroit ou de nombreuses excavations firent reconnaître une ancienne mine, dont l’exploitation semble remonter au temps des Romains.
- Une galerie avait déjà permis, à l’automne dernier, de constater la continuité du filon sur une profondeur de 19 mètres ; ce filon est sillonné et parsemé de veines et d’amas de cinabre et de cristaux de calomel, en même temps que de nombreuses gouttes de mercure métallique. La gangue est un quartz corné, parfois crevassé et prenant alors l’apparence d’un silex calciné. Le filon de quartz a été reconnu sur une longueur de 8 kilomètres environ ; on y a trouvé de la saussurite et diverses roches chromées; il est compris entre des bancs de serpentine. L’exploitation de cette mine paraît devoir être très fructueuse, dit le Fer, mais elle ne parait point encore sortie de la période d’organisation.
- On sait qu’il n’existe que quelques mines de mercure dont le produit soit livré au commerce. Outre la célèbre mine d’Almaden, en Espagne, Idria (en Carniole, Autriche) fournit environ 10000 bouteilles, et New-Almaden, en Californie, la plus forle part des 100000 bouteilles de mercure versées annuellement sur le marché. On ne peut guère citer que pour mémoire leâ mines de Toscane et de Moschell-Landsberg (Palatinat). Quant à celles de l’Amérique du Sud, presque toute leur production est absorbée par le traitement des minerais d’argent.
- 11 est fort désirable qu’un accroissement sensible de la production européenne vienne faire baisser le prix du mercure qui est supérieur à 4 francs le kilogramme et à 55 francs le litre, et permette en même temps d’étendre l’emploi de ce précieux métal.
- 1 Traduit et abrégé par M. E. Puimppi.
- i —»
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- LA NATURE.
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- NOUVEL
- APPAREIL DE MICROPHOTOGRAPHIE
- DE M. YVON
- Cet appareil que nous représentons ei-dessous (fig. 1) permet de faire de la photographie microscopique soit avec un objectif seul, soit avec un objectif et un oculaire, soit enfin de fixer les spectres d’absorption ou d’émission. La disposition extérieure de l’instrument est la même que celle du microscope, mais le corps présente un diamètre de
- 10 centimètres et une hauteur de 0IU,30, que l’on peut porter à 0m,45 au moyen d’un tirage.
- 11 est fermé par une boîte horizontale à glissières qui peut recevoir divers châssis, contenant soit une glace spéciale pour la mise au point, soit les plaques sensibles au gélatino-bromure. La platine qui supporte l’objet que l’on veut photographier se meut au moyen d’une vis micrométrique que l’on voit en avant de l’appareil et dont la tête est graduée, ce qui per met de déterminer une fois pour toutes la valeur de la correction que l’on doit effectuer lorsque le foyer chimique de l’objectif ne coïncide pas avec le foyer optique. Le pas de vis de la pièce qui porte l’objectif, se prolonge dans l’intérieur de l’appareil, et l’on peut y visser un tube à tirage destiné à recevoir soit un oculaire, soit une lentille divergente dont j'expliquerai plus loin l’usage, soit un microspectroscope.
- Sous la platine porte-objet, se trouve un obturateur à déclenchement mécanique, ce qui permet de déterminer rigoureusement le temps de pose, et surtout de faire arriver brusquement et supprimer de même l’action de la lumière sur la plaque sensible, ce qui est une bonne condition pour obtenir des images nettes.
- L’éclairage de l’instrument est obtenu au moyen d’une lampe à incandescence alimentée par une batterie Trouvé de 6 éléments1. On obtient ainsi une
- 1 L'auteur se sert avec le plus grand avantage du photophore de Trouvé.
- Fig. 1. — Disposition de l’appareil pholoruierograpliiquc de M. Yvon
- intensité lumineuse sensiblement constante, ce qui permet de dresser un tableau des temps de poses, variables avec le grossissement employé.
- La mise au point rapide pour déterminer l’ensemble de l’image se fait au moyen d’un châssis garni d’un verre dépoli ; lorsque l’on a fait choix de la partie de la préparation que l’on veut photographier, on fixe cette dernière sur le porte objet au moyen de presselles, puis on procède à la mise au point rigoureuse.
- Pour cela, M. Yvon fait pratiquer au centre de la glace dépolie un trou dans lequel se trouve enchâssée
- une loupe achromatique faisant fonction d’oculaire. Cette loupe est à tirage et on la règle une fois pour toutes de manière à ce que son foyer coïncide e fortement avec le plante la face inférieure de la glace dépolie.
- En regardant dans cette loupe, on substitue à l’image réelle une image virtuelle dont on peut apprécier facilement tous les détails; la mise au point devient dès lors très facile. On peut également se servir d’une glace sur laquelle on promène une loupe pour la mise au point.
- Lorsque l’on veut obtenir de bons clichés, il ne faut se servir que de l’objectif seul ; le grossissement obtenu est, il est vrai, moins considérable que si l’on avait ajouté l’oculaire, mais la netteté de l’image fait une ample compensation. Après la mise au point, la durée du temps de pose est l'élément le plus important à déterminer. La constance de l’intensité lumineuse rend cette opération facile; le temps de pose doit être exactement mesuré avec un compteur à seconde.
- On fait successivement plusieurs clichés en augmentant ou diminuant pour chacun le temps de pose d'une seconde.
- Avant de procéder au développement, on marque avec une pointe sèche le nombre de secondes : on obtient ainsi une série dans laquelle on choisit le meilleur et l’on note le temps de pose correspondant.
- Avec le même objet, ce temps varie suivant le grossissement employé. Avec le même objectif, il
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- dépend de l’épaisseur et surtout de la coloration de l’objet; d’une manière générale, on est toujours porté à donner au temps de pose une durée trop
- giande. Voici quelques chiffres à titre de renseignements.
- Avec l’objectif n° 6, sons tirage, la durée de la
- pose pour obtenir de bons clichés de diatomées ou d’objets non colorés, aeares, coupes végétales translucides, etc., varie de 2 à 4 secondes; avec tirage, il faut poser de 5 à C secondes.
- Avec les objectifs à immersion homogène n° 10, la durée de la pose doit être de 20 à 50 secondes ; avec le n° 15, de 40 à 00 secondes.
- Pour les préparations histologiques colorées, le
- Fig. 4. — Trichodecte ou pou du poulet. Gross. 46/1.
- temps de pose est plus considérable et environ double. Les préparations colorées à l’acide osmique donnent les meilleurs clichés ; avec l’objectif 0 sans tirage, le temps de pose varie de 8 à 20 secondes.
- Avec les préparations teintes aux couleurs d’aniline, il faut, suivant la couleur, faire varier non
- Fig. 5. — Corne et papilles du sabot du cheval. Gross. 26/1.
- seulement le temps de pose, mais encore Y intensité de l'éclairage; ce que l’on obtient facilement, soit au moyen d’un rhéostat, soit par la manœuvre de la pile. 11 ne faut pas oublier que, pour la photographie microscopique, l’ordre photogénique des couleurs est inverse. La lumière eu elfet traverse
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- LA NATURE
- l’objet : le fond étant éclairé, le contraste sur le cliché sera d’autant plus grand que la couleur de la préparation se rapprochera plus du rouge ; autrement dit, pour la photographie à la chambre noire, par réflexion, l’ordre photogénique des couleurs suit celui du spectre : violet, indigo, bleu; pour la photographie microscopique par transmission, il laut commencer par le rouge. On obtient très facilement de bons clichés avec les préparations colorées à la fuchsine, à l'acide picrique, au picro-carmin, tandis qu’il est beaucoup plus difficile de les obtenir lorsque l’objet est coloré en bleu ou en violet.
- Ainsi qu’il a été dit précédemment, la netteté des images obtenues avec l'objectif seul est très grande, mais le grossissement n’est pas considérable, et on ne peut l'accroître que par le tirage. C’est ce qu’a fait le Dr Roux, sur les indications duquel M. Vériek a construit une chambre noire présentant un tirage de lm,20. M. Yvon a obtenu un résultat, analogue, sans augmenter la longueur de l’appareil. Pour cela il suffit de mettre au lieu et place de l’oculaire une lentille concave achromatique. On peut, avec des lentilles de courbures différentes, obtenir un grossissement aussi considérable que l’on veut. L’addition de cette lentille augmente la divergence des rayons qui la traversent et produit le même effet qu’une augmentation de tirage.
- Nous reproduisons (page 135) par l'héliogravure quelques-uns des clichés que M. Yvon a directement obtenus au moyen de son appareil, et qu’il a bien voulu nous communiquer.
- Lés trois premières gravures (fig. 2,5 et 4) représentent des acarus, gale du cheval et pou du poulet; la troisième reproduction (fig. 5) donne la photographie micrographique des curieux poils et papilles qui se trouvent sous le sabot du cheval. Elles montrent les services que peuvent rendre aux micrographes le nouvel appareil que nous venons de décrire.
- COMÈTES ATTENDUES EN 1886
- La première comète périodique dont le retour pourrait être observé cette année est celle de Weiss.
- C’est en 1873 que l’éminent directeur de l’Observatoire de Tienne découvrit cette comète; il crut pouvoir l’iden- | tifier avec une autre qui avait été trouvée par Pons en ! 1818. La nature de son orbite indiquant une période peu j supérieure à six ans et l’astre n’ayant été revu à aucune , autre époque, il est possible, sinon probable, surtout si l’on considère que les observations faites par Pons avaient été fort nombreuses, que les déductions de Weiss n’étaient pas exactes et que la comète de 1873 n’a pas de période assignable.
- Une comète périodique dont le retour a déjà été observé celle de Tempel-Swift, est aussi attendue en 1886. Découverte le 27 novembre 1869 par Tempel, à Marseille, on reconnut que des éléments paraboliques ne pouvaient représenter les observations et l’on soupçonna que* son orbite pouvait être elliptique. Elle fut revue en 1880 par Swift à Rochester (E.-U.) et par Lohse à Dun Echt; lors de cette seconde apparition, les observations s’étendirent
- du 11 octobre 1880 au 22 janvier 1881 et permirent de déterminer définitivement l’orbite de cette comète périodique, et de l’identifier avec celle qui avait été observée en 1869. Sa période fut trouvée approximativement égale à cinq années et demie, de manière qu’elle a dû repasser à sa moindre distance (au périhélie) vers le mois de mai 1875. A cette époque la comète n’a pas été revue, mais cette circonstance s’explique aisément par les positions relatives des orbites de la Terre et de la comète, et elle se représentera pendant longtemps encore, lors des passages d’ordre pair. Cette année, l’astre passera au périhélie vers le mois de mai et il est peu probable qu’on puisse l’observer. En revanche, on a observé les passages de novembre 1869 et 1880 et on pourra observer celui de 1891.
- La troisième comète périodique de 1886, celle de Winnecke, atteindra son périhélie au mois d’août. Cette comète a été découverte en 1858; Winnecke montra que son orbite est elliptique et identique à celle d’une autre comète qui fut observée en 1819. Sa période est voisine de cinq années et demie ; elle a été observée en 1819, 1 >«58, 18r'9, 1875 et 1880. Elle ne pourra être aperçue qu’au moyen de lunettes.
- Enfin, une quatrième comète devrait passer au périhélie en 1886 : c’est celle de Biéla. Mais on sait que cet astre, après s’ètre dédoublé sous les yeux des observateurs en 1846, s’est montré une dernière fois en 1852 et que, depuis, il n’a été revu à aucun de ses passages de 1859, 1866, 1875 et 1879.
- On a supposé que cette comète aurait été aperçue en 1872, mais le fait n’est pas certain. On sait, d’autre part, qu’elle paraît avoir été désagrégée par les Léonides (météorites du 13 novembre), dont l’orbite coupe la sienne, et que les particules qui composaient l’astre pourraient bien se mouvoir dans leur orbite ancienne et se présenter périodiquement à nous sous la lorme d’une averse d’étoiles filantes, dont la dernière avait été prédite, et a été observée le 27 novembre 1885 i.
- --C-Ç-0-
- LES FLÀMMÂNTS
- Comment doit s’écrire le nom français vulgaire des oiseaux que les anciens appelaient Phénico-ptères. et quelle place ces singuliers volatiles doivent-ils occuper dans la classification? Ce sont là deux questions sur lesquelles les ornithologistes n’ont pas toujours été d’accord. Dans les ouvrages classiques on trouve en effet aussi souvent Flamant que Flam-mant (par deux ni) et le genre d’oiseaux ainsi désigné est tour à tour rangé parmi les Palmipèdes et parmi les Echassiers, à moins que, pour tourner la difficulté, on ne le mette dans un groupe spécial, incertœ sedis.
- Pour ce qui est de l’orthographe, nous nous rangeons sans hésitation à l’opinion de Buffon qui fait dériver Elammant de flamme et qui pense que ce nom, comme le mot latin Phœnicopterus, fait allusion aux taches d’un rouge flamboyant qui couvrent une partie des ailes de l’oiseau. « Nos plus anciens naturalistes français, dit Buffon, prononçaient flam-
- 1 D’après Ciel et Terre.
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- bant ou flammant; peu à peu l’étymologie oubliée permit d’écrire flamant ou flamand, et d’un oiseau couleur de feu ou de flamme on fit un oiseau de Flandre; on lui supposa même des rapports avec les habitants de cette contrée où il n’a jamais paru. » Gesner, en effet, n’avait pas craint d’affirmer que les Pbénicoptères étaient, pour la plupart, originaires des Flandres et cpi’ils offraient dans leurs dimensions exceptionnelles certaines analogies avec la stature élevée des Flamands; mais avant Buffon le naturaliste Willughbv s’était, déjà chargé de faire justice de ces idées bizarres.
- D’autre part, si les Flarnmants rappellent les Canards par la structure de leur bec, garni de lamelles cornées sur le bord des mandibules, et par la conformation de leurs pieds, dont les doigts antérieurs sont reliés par des membranes natatoires, ils se rattachent aux Echassiers par la hauteur de leurs tarses, par la gracilité de leur cou, par les formes élancées de leur corps et par la disposition de leur charpente osseuse. C’est donc à tort que Linné, Wagner et M. Gray avaient rangé parmi les Palmipèdes, à côté des Anatidés, les Pbénicoptères dont la véritable place est dans l’ordre des Echassiers, où ils constituent néanmoins un groupe quelque peu aberrant. Ce groupe, il est vrai, n’est pas très riche en espèces, mais il présente une physionomie tellement caractérisée qu’il mérite d’être élevé au rang de famille distincte. En effet, tout en ressemblant par les teintes de leur plumage aux Ibis roses et aux Spatules de l’Amérique tropicale et aux Tantales de l’Indo-Cbine et de l’Afrique orientale, les Flarnmants diffèrent complètement de ces Échassiers par leur bec très épais et comme brisé vers le milieu, avec la mandibule supérieure beaucoup moins développée que la mandibule inférieure et s’adaptant sur celle-ci comme le couvercle d’une tabatière. En dépit de ses formes étranges, ce bec est admirablement adapté au genre de vie de l’oiseau ; c’est un instrument de pêche que le Phénicoptère manœuvre avec beaucoup d’adresse pour recueillir dans la vase les coquillages et les vers dont il fait sa nourriture.
- Les Flarnmants ne se rencontrent que dans les contrées chaudes ou tempérées de l’Ancien et du Nouveau Monde et ils sont complètement étrangers à l’Europe septentrionale, aussi bien qu’à l’Australie et aux îles de l’Océanie. Tous ont les mêmes allures, les mêmes mœurs, le même régime, et ils ne diffèrent les uns des autres que par les proportions des diverses parties du corps ou par la livrée plus ou moins éclatante. Sur le pourtour du bassin méditerranéen et dans l’Inde, ils sont représentés par une espèce à plumage blanc, nuancé de rose et rehaussé par deux plaques d’un rouge carmin sur la partie antérieure des ailes dont la pointe est d’un noir profond. Cette espèce qui porte les noms scientifiques de Phénicoptère rose (Phœnicopterus rosevs) et de Phénicoptère des anciens (Phœnicopterus antiquorum) était en effet bien connue des Romains et se trouve citée à plusieurs reprises dans l'Histoire
- naturelle de Pline, dans les œuvres de Suétone et dans les Satires de Martial, mais, chose curieuse, ne figure point dans {'Histoire des animaux d’Aristote. Du reste les Flarnmants ne paraissent pas, à beaucoup près, être aussi répandus sur les côtes de la Grèce qu’ils ne le sont en Italie et en Espagne. Dans le sud de cette dernière contrée ces oiseaux au brillant plumage se montrent en hiver le long des côtes, partout où il y a des lagunes et des marais salants, lis nichent même en grand nombre sur quelques îles de l’embouchure du Guadalquivir, où ils ont été observés récemment par un naturaliste anglais, M. A. Chapman. « Les îles habitées par les Flarnmants, dit M. Chapman l, sont situées à six milles de distance environ des côtes basses de la marisma, que l’on n’aperçoit point à cette distance. Quand je visitai ces îles au mois de mai, je fus frappé de l’aspect désolé du paysage. Seuls des groupes d’oiseaux rompaient la monotonie de cette vaste étendue d’eau et remplissaient les airs d’une clameur continue. A quelques mètres de nous, des Échasses, que la longueur de leurs pattes obligeait à s’enfoncer dans l’eau jusqu’aux genoux, cherchaient paisiblement leur nourriture, tandis qu’un peu plus loin de petites troupes d’oiseaux de rivage, les uns blancs, les autres noirs, se jouaient au soleil. C'était, pour la plupart, des Pluviers à collier, des Bécasseaux et des Courlis, ces derniers en plumage de noces. Un Busard de marais était houspillé et pourchassé par une horde de Vanneaux, et de temps en temps un vol de Canards, passant à une grande hauteur au-dessus de nos têtes, nous rappelait que l’hiver venait seulement de finir. Les derniers plans du paysage étaient occupés, dans toutes les directions, par des centaines de Flarnmants, les uns posés et formant de petits groupes ou des masses serrées, les autres volant le cou droit et les pattes étendues et dessinant sur le ciel des bandes brillantes ou des nuées d’un rose vif. Souvent nous voyions passer une paire d’oiseaux bien adultes, à livrée rouge, accompagnés d’un autre individu portant encore le costume du jeune âge. Mais ce qui produisait l’effet le plus extraordinaire, c’était l’innombrable multitude de Flarnmants qui, tout à fait à l’horizon, traçait une raie blanche presque continue entre l’azur du ciel et la teinte verte de la mer. »
- Cette raie blanche, toutefois, n’avait point partout la même épaisseur; sur certains points elle s’élargissait comme si les oiseaux eussent été empilés les uns sur les autres. A quoi pouvait tenir cette singulière apparence? Les maxima d’épaisseur de la ligne correspondaient-ils, comme l’affirmait Felipe, le chasseur espagnol qui accompagnait M. Chapman, à des pajareras, c’est-à-dire à des groupes de nids? M. Chapman résolut d’en avoir le cœur net et s’étant mis bravement à l’eau avec son guide, il reconnut bientôt que çà. et là une foule de Flam-
- 1 Note sur l’ornithologie de l’Espagne, publiées dans le journal Y Ibis, en 1884.
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- LA N ATI! KL.
- niants se tenaient les uns debout sur un îlot, les autres à demi plongés dans l’eau environnante. Par suite les corps des oiseaux n’étaient pas tous au même niveau et dessinaient trois ou quatre lignes superposées.
- Après avoir traversé péniblement un large chenal, M. Chapman réussit enfin à aborder, avec son compagnon, sur un des îlots où les Flammants avaient établi leur résidence, et là il se trouva en présence d’une foule de nids très rapprochés les uns des autres et donnant au terrain qui les portait l’aspect d’une vaste table, couverte de vaisselle. Ces nids, en effet, consistaient en des monticules de boue de 2 à G pouces de haut creusés au sommet d’une dépression circulaire et conservant souvent l’empreinte du corps de l’oiseau. Au milieu d’eux se trouvait une sorte de mare, remplie d’eau saumâtre que les oiseaux avaient évidemment formée en creusant le sol avec leur bec pour extraire le limon nécessaire à la construction de leurs nids. Enfin autour de cette_ colonie principale étaient disséminés d’autres nids, les uns isolés, les autres réunis deux à deux et émergeant de quelques pouces au-dessus de la surface de l’eau qui en cet endroit n'était d’ailleurs pas très profonde.
- Lors de cette première visite, le 9 mai, M. Chapman trouva les nids complètement vides et quelques jours après il ne put encore, malgré toutes ses recherches, découvrir un seul œuf; cependant, celte fois, étant parvenu, en rampant pour ainsi dire dans l’eau, à s’approcher à une distance d’une soixantaine de mètres sans éveiller l’attention des sentinelles, il avait vu nettement, avec sa lorgnette, les Flammants couchés sur leurs nids, leurs longues pattes repliées sous leur corps, avec les talons dépassant légèrement l’extrémité de la queue, la tête reposant sur la poitrine, et le cou gracieusement enroulé et à demi enfoncé dans les plumes du dos, à la manière des Cygnes au repos. Ce n’est que le 26 mai que le guide de M. Chapman put lui rapporter quelques œufs. Comme le fait observer ce naturaliste, on ne comprend pas quel mobile pousse les Flammants à retarder autant le moment de la ponte et la période d’incubation; car de cette façon, quand les jeunes sont complètement élevés, les marais d’alentour sont depuis longtemps desséchés et chaque famille se trouve échouée au milieu d’un véritable désert. Or tout le monde sait que les Phé-nicoptères ne sont heureux que lorsqu’ils ont autour d’eux des lagunes où ils peuvent barboter tout à leur aise.
- M. llenke, qui a séjourné plusieurs années dans la ville d’Astrakan, a vu, sur les bords de la mer Caspienne, les Flammants nicher absolument dans les mêmes conditions qu’à l’embouchure du Guadal-quivir. Leur principale colonie était située sur une bande de sable qui était comme perdue au milieu d’une vaste lagune : elle comprenait, vers la fin de juillet, plus de 169 nids, en forme de cône, excavés au sommet et entièrement formés d’un limon noi-
- râtre tout imprégné de sel. Pour se procurer cette boue, les oiseaux avaient dù percer, à grands coups de bec, la croûte dure qui couvrait la surface du sol. Lors de la visite de M. llenke, la lagune était desséchée et ressemblait à une vaste plaine toute saupoudrée de sel, mais, à d’autres époques, l’eau devait s'élever jusqu’à un pied au moins du sommet des nids. Ceux-ci étaient en partie occupés et contenaient les uns deux ou trois œufs à coquille rugueuse, les autres des jeunes en duvet. Pour nourrir ceux-ci, les parents s’en allaient chaque soir à une distance de 25 milles, chercher de grosses grenouilles dans une mare d’eau douce.
- Enfin l’enquête faite par M. J.-W. Clark, dans la Camargue, auprès des habitants du pays, enquête dont les résultats ont été consignés dans le journal l'Ibis, en 1870, confirme les observations de MM. Chapman et llenke. Un berger interrogé par M. Clark se rappelait en effet avoir trouvé, il y a une vingtaine d’années, sur la langue de terre qui sépare 1 étang de Valcarès de la mer, des tas de sable très rapprochés les uns des autres et excavés au sommet, qu’un chasseur lui avait affirmé être des nids de Flaminant.
- Ainsi se trouve justifiée la description du P. Labat, qui nous dépeint les nids du Flammant des Antilles (Phœnicoplerus ruber) comme de petits amas d’argile ou de fange, émergeant du sein d’un marécage et supportant les œufs que l’oiseau dépose simplement sur la terre battue; mais en revanche, tout semble prouver que Catesby s’est trompé en affirmant que les Phénieoptères ne couvaient pas tout à fait à la façon des autres oiseaux, mais qu’ils se tenaient sur leurs nids les jambes pendantes, à la manière d’un homme assis sur un tabouret.
- Les œufs du Flammant rose sont à peu près de la grosseur d’un œuf d’Oie, mais de forme beaucoup plus allongée et d’un blanc crayeux. Il y en a deux ou trois par nid, et au bout de trente ou trente-deux jours d’incubation, les petits viennent à la lumière et se montrent d’abord couverts d’un duvet très léger, d’un blanc de neige. Ce duvet est assez rare pour laisser apercevoir la peau, qui est d’une teinte grisâtre sur le corps et d’un noir profond dans l’espace compris entre l’œil et le bec. En outre, chez les jeunes, les pattes sont d’un brun noirâtre au lieu d’être d’un rouge carmin comme chez les vieux, et les mandibules, qui n’offrent pas encore la brisure caractéristique du bec de l’adulte, sont également d’une teinte foncée, tandis que, chez l’oiseau parvenu à son développement complet, elles sont roses avec la pointe noire.
- Les jeunes Flammants vont à l’eau presque au sortir de l’œuf et sont très difficiles à capturer. Avec l’âge, leur caractère devient encore plus méfiant, et la chasse des Phénieoptères présente, surtout en plein jour, des difficultés exceptionnelles. Ces oiseaux, en effet, ne fréquentent que les endroits découverts, et ils se font garder par des sentinelles qui, en cas de danger, avertissent la bande
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- Flaminauts. (D’après les individus vivant actuellement au Muséum d'histoire naturelle de Paris.)
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- par un cri retentissant, comparable à un appel de trompette. Il paraît cependant qu’au moment de la mue, les Flammants, ayant perdu les grandes pennes de leurs ailes, sont incapables de s’envoler et se laissent prendre à la main. M. Crcspon raconte dans son Ornithologie du Gard, qu’au mois de juin 1828, on prit de la sorte, dans l’étang de Yalcarès, une grande quantité de ces grands Échassiers, qui furent vendus à vil prix sur le marché. En 1819, suivant le même auteur, une quarantaine de Flammants furent assommés par des chasseurs qui les avaient rencontrés, les pieds pris dans la glace d’un étang voisin d’Aigues-Mortes. Mais, nous le répétons, il est rare que la capture des Phénicoptères puisse s’opérer aussi facilement, et les chasseurs sont obligés de surprendre ces oiseaux en se glissant au milieu des herbes ou de les faire tomber dans des fdets tendus entre deux barques de pêche. C’est par ce dernier procédé que sont pris la plupart des Flammants que l’on voit dans les jardins zoologiques.
- En captivité, les Flammants perdent leur défiance naturelle et s’habituent rapidement à leur nouvelle existence; ils reconnaissent leur gardien et vivent en bonne harmonie avec d’autres volatiles, comme on peut s'en assurer en étudiant le petit troupeau qui vit à la ménagerie du Jardin des Plantes. Sans insister sur les autres espèces de la famille des Phé-nicoptéridés, ce qui nous entraînerait beaucoup trop loin, nous rappellerons que l’espèce commune était tenue en haute estime par les gourmets de l’antiquité. C’est ainsi qu’Apicius avait réduit en corps de doctrine l’art d’assaisonner les Phénicoptères, que le célèbre Héliogabale faisait servir sur sa table des plats entièrement composés de langues de Flammants, et que Yitellius jugeait ce mets digne de figurer au milieu des cervelles de Faisans et des langues de Murènes. Du reste, si l’on croit Brehm, la réputation de la langue de Phénicoptère est parfaitement méritée, et le Flammant rôti constitue l’un des mets les plus exquis que l’on puisse manger.
- E. OüSTALET.
- CURIOSITÉS POSTALES
- EN ANGLETERRE
- Parmi les nombreux objets étranges, animés ou inanimés, confiés aux soins de T Administration postale par des gens naïfs et crédules, ou peut-être en avance sur leur siècle, nous extrayons des rapports annuels récents du Postmaster General la liste amusante suivante : poissons, saucisses, oiseaux à empailler, crème fouettée, fruits, salades, gelées, petits chats vivants, rats morts, etc. Il y a quelques années, un jeune épagneul vivant fut trouvé dans la boîte aux lettres du bureau de poste de Lombard Street, ayant une adresse sur étiquette en parchemin attachée autour du cou; le colis fut dûment livré à destination. Il est avéré que de temps en temps des paquets contenant des articles étranges continuent à être confiés à la poste, tels que des vers à soie vivants, dés souris, des lézards et des tortues. Un gentleman
- excentrique, passionné pour l’histoire naturelle, a éprouvé une grande déception lorsqu’on lui refusa de transmettre un serpent vivant. Ultérieurement, cependant, par exception, et pour ne pas heurter d’une façon exagérée les sentiments du naturaliste, le service postal ayant acquis la conviction que le serpent en question n’était autre qu’un favori ayant été en visite, consentit à en entreprendre la transmission, et le vertébré en question fut dûment, distribué par messager spécial.
- Un autre côté curieux du service postal est celui qui concerne le département des lettres retournées ou perdues (dead leltcr office). Il n’est pas peu étrange de voir que sur 3 792 89 i lettres, duquel nombre les destinataires de 511 660 n’ont pu être retrouvés, 11 505 ne portaient aucune suscription malgré qu’elles contenaient des valeurs montant à 85 000 francs. Une autre année, sur 3 millions et demi de lettres mal adressées, 80 000 contenant des valeurs n’ont pu être distribuées, 540 n’ayant aucune suscription; en outre, près de 11 000 objets de valeur furent trouvés dans les boîtes aux lettres du pays, ainsi qu’environ 50 000 timbres-poste. Le nombre totaf de lettres sans aucune suscription était de près de 15 000.
- En 1881, sur plus de 5 500 000 lettres avec suscriptions erronées ou insuffisantes reçues, 475 000 ne purent ni être distribuées aux destinataires ni retournées à leurs envoyeurs. Une contenait un chèque de 2500 francs qui n’a pas été réclamé depuis; au sceau d’une autre était attachée une livre sterling que l’envoyeur avait oublié de détacher et qui lui fut renvoyée par la poste ; 27 000 n’avaient aucune suscription; 1340 contenaient des valeurs d’environ 125 000 francs. Environ 30 000 articles furent trouvés sans couvertures, celles-ci étant trop faibles et ayant laissé échapper leur contenu.
- En 1882, sur 5 454 885 lettres à retourner aux envoyeurs, 542 811 ne purent l’être; 26 750 n’avaient pas de suscription et parmi celles-ci 1507 contenaient des valeurs dépassant 150 000 francs.
- En 1883, sur 5 651 443 lettres à renvoyer, 562 291 ne purent l’être; 26 293 n’avaient pas de suscription et 1604 contenaient environ 150 400 francs de valeurs.
- L’année 1884 accuse environ les mêmes chiffres.
- Dans une occasion, un paquet contenant une montre et 50 francs fut remis à la poste sans être ni recommandé, ni scellé, ni attaché, et dans une autre une montre en or et un médaillon, empaquetés négligemment, furent adressés en Amérique, sans autre indication de l’envoyeur ou du destinataire.
- En 1881, une compagnie de Hull remit à la poste 300 000 circulaires pesant environ 20 tonnes et‘dont l’affranchissement coûtait environ 60 000 francs. Le tout fut expédié et distribué, sans confusion ni délai, dans les quarante-huit heures, sept wagons supplémentaires ayant été requis.
- En 1883, une maison de Londres expédiait, un seul jour, 132 000 lettres, et une autre, 167 000 cartes postales ; d’autres maisons de Londres envoyèrent, d’un coup, l’une 144 000, l’autre, 456 000 circulaires.
- Cette année, une boîte expédiée par l’intermédiaire du nouveau service des colis postaux arriva à Greenock et fut ouverte par les autorités en-conséquence d’un bruit étrange et inexplicable provenant de l’intérieur. Un hibou ordinaire, presque mort d’inanition, fut découvert et fut, après avoir été soigneusement nourri et ramené à des conditions normales, expédié par rail à son destinataire.
- A Birmingham, deux chèques, l’un de 2925 francs, l’autre de 500 francs, l’un payable au porteur et l’autre
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- LA NATURE.
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- non croisé, lurent déposés dans une boîte aux lettres sans enveloppes ni adresses.
- A Liverpool, en janvier dernier, une circonstance advint, laquelle, si elle était fréquemment répétée, causerait les plus graves ennuis au service postal. Quelqu’un, influencé par des motifs d’économie ou par toute autre raison, écrivit une lettre de vingt-six mots sur le dos d’un timbre-poste de 10 centimes. Cette lettre d’un nouveau genre ayant été dûment distribuée, la farce fut renouvelée ; mais la troisième fois, le message ayant été écrit sur le dos d’un timbre de 5 centimes au lieu de 10, la somme de 10 centimes fut réclamée et obtenue à la distribution, par le facteur, pour affranchissement insuffisant.
- Le service postal, si admirablement organisé, n’est pas toujours à l’abri des reproches, mais l’administration a la satisfaction de ne pas recevoir que des plaintes. Il v a quelques années, un citoyen américain, débarqué en Angleterre et ignorant l’adresse actuelle de sa sœur, lui adressa une lettre à
- Upper Norwood ou autre part.
- Il reçut une réponse dans les délais ordinaires dans laquelle sa sœur l’informait que sa lettre lui avait été remise sur l'impériale d’une diligence, dans le pays de Galles. (Upper Norwood est un environ de Londres). L’Américain, en complimentant le Post Office, remarque qu’il doute qu'aucun autre pays puisse montrer quelque chose d’analogue ou voudrait, à aucun prix, prendre une pareille peine.
- Pendant la semaine de Noël, environ 16 millions de lettres, au delà du nombre ordinaire, passent par le bureau central (dont environ 210 000 chargées, pesant 5 tonnes). Le nombre moyen de lettres passant par ce bureau, en temps ordinaire, est d’environ 15 millions, de sorte que la correspondance extraordinaire due à l’habitude d’envoyer des cartes et des présents à Christmas est de plus de 100 pour 100 plus élevée que la correspondance ordinaire. Plus de 1200 employés temporaires assistent les 1800 clercs employés régulièrement, portant leur nombre à plus de 5000 et des malles spéciales sont fréquemment dépêchées, dans la journée, de Londres en province. J. A. Bf.rly.
- Londres, 18 janvier 1886.
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- MÉG4L0SC0PE ÉLECTRIQUE ET PILE
- DD D' BOISSEAU DD ROCHER
- Les efforts qui furent tentés pour arriver à faire l’examen direct des cavités du corps humain, principalement de l’estomac et de la vessie, remontent déjà à une époque assez éloignée. Nélaton, l’un des premiers, s’occupa de cette question et^ce nom seul prouve quelle importance on attachait à sa solution. Les recherches qui furent faites n’aboutirent pas cependant; et il fallut l’invention de la lampe électrique à incandescence, il fallut surtout qu’on arrivât à en réduire les dimensions à des proportions telles que le globe de verre n’ait que 3 ou 4 millimètres de diamètre, pour que le problème puisse être résolu d'une façon pratique. Différents appareils fu-
- rent alors construits pour les divers organes qu’il y avait intérêt à examiner par ce procédé. Plusieurs ont été décrits ici même ; mais, s'ils étaient suffisants dans tous les cas où l’œil peut voir directement, ou par réflexion, une assez grande surface do la cavité à examiner, ils devenaient tout à fait insuffisants lorsqu’il s’agissait d’un organe tel que la vessie ou l'estomac, où, malgré un éclairage de la cavité tout entière, l’oeil ne peut apercevoir qu’un seul point par le tube, ou sonde, ayant servi à l’introduction de la lampe. Dans de telles conditions on ne peut faire qu’un diagnostic imparfait, car il est alors impossible d’apprécier la position ou l’importance d’un calcul de la vessie, ni la nature des lésions ou des ulcérations de l’estomac. Tous les appareils imaginés jusqu'à présent péchaient donc par un même point : le champ d’observation de l’instrument était beaucoup trop restreint. L’appareil que M. le Dr Boisseau du Rocher a présenté dernièrement à l’Académie des sciences, à l’Académie de médecine et à diverses Sociétés savantes est tout à fait perfectionné sous ce rapport ; et, si par ses dispositions électriques il rappelle ses devanciers, il en diffère totalement par ses dispositions optiques qui sont telles qu’on peut voir, par l’orifice d’une sonde d’un très faible diamètre, une surface d’un diamètre moyen de 15 centimètres. Le nom de mégaloscope donné à cet instrument signifie voir l'image agrandie (piyai, grand; st/wv, image; cswirsiv, voir). La forme de l’instrument varie, bien entendu, suivant la nature de l’organe à examiner. Nous n’entrerons pas dans les détails de mécanisme, quelquefois très délicats, nécessités par certains d’entre eux et que M. Mathieu, le constructeur bien connu, a exécutés avec une perfection remarquable. Nous donnons seulement (fig. 1) un schéma de l’un des plus simples qui nous servira à décrire le principe optique. Le bec droit peut être remplacé par un bec recourbé, suivant les besoins.
- A l’extrémité inférieure de l’instrument on place la lampe à incandescence dans une cavité L ménagée à cet effet et qui forme réflecteur. Un peu au-dessus, et du même côté, se trouve ménagée une ouverture A où est placé un prisme de 3 millimètres de côté. De tous les rayons qui tombent sur la surface de ce prisme, l’œil placé derrière, à l’autre extrémité du tube, ne pourrait recevoir que ceux qui sortent parallèlement et on retomberait dans le défaut signalé plus haut, d’un trop petit champ d’exploration; mais deux lentilles B et B', à court foyer, sont placées immédiatement derrière et recueillent tous les rayons divergents émanés de la partie éclairée FFt pour en donner une image microscopique //j réelle et renversée dans l’espace; c’est-à-dire qu’on obtient l’image excessivement réduite de l’objet examiné. Il suffit alors de regarder cette image avec une lunette CD montée à l’extrémité supérieure de l’instrument pour lui rendre sa grandeur normale.
- L’objectif C donne une première image FF2 réelle, renversée et agrandie de ffi et l’oculaire D donne
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- LA NATURE
- AF
- une seconde image aérienne et virtuelle FF3 encore agrandie. Gomme nous le disions tout à l’heure, les lentilles C et D sont calculées de manière à ce que la somme des deux grossissements donne à l’objet examiné sa grandeur normale. Si on veut le voir en plus grande dimension, on ajoute un objectif D' qui constitue une véritable loupe et donne une image FF4 très agrandie.
- Tel est le système optique de ces instruments.
- Il est à remarquer qu’il est presque utile de diminuer, dans une certaine limite, le diamètre du tube, ou sonde, qui le porte ; car les lentilles RB' étant des demi-boules, la longueur des foyers diminue avec le diamètre, et le champ observé est d’autant plus considérable. En pratique, le diamètre adopté est d’environ 0 millimètres. En second lieu, il faut observer que la mise au point proprement dit est nulle ; car l’image réduite qui se forme dans l’espace ne se déplaçant que d’une très faible quantité en rapport avec le plus ou moins grand éloignement de l’objet observé, l’œil de l’observateur fait lui-même inconsciemment sa mise au point.
- Il était nécessaire, pour compléter cet appareil, de fournir au praticien la source d’électricité indispensable à son fonctionnement.
- M. le Dr Boisseau du Rocher avait reconnu par expérience que toutes les piles, plus ou moins portatives, destinées aux usages médicaux, n’étaient pas toujours commodes et il a imaginé l’ingénieuse disposition représentée dans les figures 2 et 3, qui est construite par M. Chardin. C est une pile au bichromate, à un seul
- Fig. 1. — Schéma du mégaloseope électrique.
- Fig. 2. — Pile à circulation par pression d’air, de M. le Dr Boisseau du Rocher.
- Fig. ?. — Principe de la pile montrant la disposition des réservoirs.
- liquide, qui est surtout destinée à la galvano-caus-
- tique, mais qu’un modèle réduit, muni d’un rhéostat G placé dans le couvercle, permet d’employer lorsqu’il s’agit de l’éclairage du mégaloscope. Elle se compose de deux cuves C et B placées l’une sur l’autre (fig.3). La première C ouverte à la partie supérieure reçoit les éléments zinc-charbon; la seconde B, fermée de tous côtés, est réunie à la première par un tube placé en B qui descend jusque près du fond et sert à introduire le liquide excitateur. Sur un second tube, partant de la paroi supérieure, on fixe une poire en caoutchouc par laquelle on peut introduire de l’air; la pression force alors le liquide à monter et à immerger plus ou moins les éléments placés en C. Pour que le liquide redescende dans le vase inférieur, il suffit de donner issue à l’air introduit et pour cela on n’a qu’à enlever la poire de dessus le tube où elle est placée. Cette disposition est très ingénieuse, très simple et rend la pile essentiellement transportable, car le liquide une fois dans le compartiment inférieur ne peut pas s’échapper même si on renverse complètement la pile.
- Les appareils de M. le Dr Boisseau du Rocher sont appelés à rendre de très grands services ; ils opéreront une véritable révolution dans la pathologie et dans la thérapeutique des maladies de la vessie et de l’estomac. On ne saurait trop attirer trop féciliter leur inven-G. Mareschai,.
- l’attention sur teur.
- eux, ni
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- LA NATURE.
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- VOITURE A VAPEUR DE M. BOLLÉE
- SIOIIÈLE II'AMATEUR
- Nous n’avons jamais manqué d’enregistrer les lentaiives faites par les mécaniciens, pour appliquer la vapeur à la locomotive terrestre sur les routes, et le nombre des voitures à vapeur que nous avons décrites est déjà considérable1. Parmi les constructeurs les plus persévérants, nous mentionnerons MM. Bolléc père et fds au Mans; nous avons précédemment fait connaître une voilure à vapeur que ces mécaniciens avaient construitei. M. Amédée
- Bollée nous adresse aujourd'hui quelques documents sur un petit modèle de voiture à vapeur qu’il vient de construire et d’expérimenter. Nous reproduisons ci-dessous l’aspect de la voiture, d’après une photographie qui a été faite par M. Sollier, amateur-praticien au Mans. Nous donnons en outre les détails de construction que nous transmet M. Bollée.
- Le châssis de la voiture, entièrement en 1er et en acier, a lm,90 de longueur sur 0m,85 de largeur; il repose sur quatre roues en acier par l’intermédiaire de ressorts, afin d’éviter les cahots de la route. Les roues motrices, placées à l’arrière, ont 1 mètre de diamètre, elles sont commandées par un mouvement
- Voilure à vapeur de M. Bollée. l'etit modèle d’amateur. (D’après une photographie.)
- différentiel qui fait que dans les courbes les 2 roues peuvent prendre des vitesses différentes. Les roues directrices d’avant ont O"1,80 de diamètre; elles ont un système de montage particulier qui rend la voiture inversable et la direction entièrement facile.
- Le générateur placé à l’avant, porte tous les appareils réglementaires. 11 est d’un système nouveau permettant une grande surface de chauffe pour peu de poids ; le nettoyage en est très facile. 11 renferme 35 litres d’eau, volume relativement considérable qui a pour effet de maintenir la pression plus régulière. 11 peut déployer facilement 2 chevaux 1/2.
- A l’épreuve, la pression a été de 20 kilogrammes
- 1 Voy. notamment n° Gi9 du 7 novembre 1885, p. 357.
- Voy. n° 524 du tü juin 1883, p. 53.
- par centimètre carré quoique la pression ordinaire ne soit que de 8 kilogrammes. Pendant la marche, l’alimentation de l’eau se fait par une pompe, et dans les arrêts par un injecleur. La machine motrice est à l’arrière, elle est à changement de marche et à détente ; sa puissance est de 200 kilogrammètres.
- Les voyageurs, placés derrière la chaudière, sont au nombre de deux, celui de droite a sous la main tous les organes nécessaires à la marche de la machine.
- Le combustible placé de chaque côté du générateur peut suffire pour faire 20 lieues. Le poids de la voiture vide est de 050 kilogrammes. Elle remonte facilement les plus fortes rampes, et sa vitesse moyenne est de 25 kilomètres à l’heure. À différentes
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- LA NATURE.
- reprises M. Amédée a obtenu des vitesses de 55 à 40 kilomètres.
- Le système peut affecter les formes et les dimensions les plus variées. Dans les machines de luxe, la chaudière est à l’arrière comme dans le modèle de calèche à vapeur qui figurait à l’Exposition de 1878 et que nous avons représenté dans La Nature en 1885. C’est avec une machine semblable que le constructeur a effectué un trajet de 12 kilomètres en 17 minutes. G. T.
- CHRONIQUE
- La conférence « Seientia ». — Le sixième dîner de la conférence Scienlia a été offert à M. P. Savorgnan de Brazza le jeudi 21 janvier. Il a été présidé par M. Jans-sen,de l’Institut, qui a souhaité la bienvenue à notre grand explorateur. Plus de quatre-vingts convives ont pris part au banquet. Mlle de Brazza et Mme Adam assistaient à la réunion. Au dessert, M. Janssen a éloquemment exposé l’œuvre toute pacifique de M. de Brazza : « Grâce à vous, a dit M. Janssen en terminant, la France étend son protectorat et son influence prépondérante, d’une part sur une vaste étendue des rives du Congo, et d’autre part sur tout le bassin de l’Ogooué et du Niari, c’est-'a-dire sur un ensemble de territoire grand comme la France et l’Italie réunies. » M. de Brazza a répondu avec une grande modestie ; il a fait comprendre, non sans finesse, les difficultés de sa lâche diplomatique avec les habitants du Congo : « Je n’entends pas grand’chose à la politique des blancs, mais je n’entendais rien à celle des noirs qui a ses surprises et ses casse-cou, comme l’autre. » — M. le Dr 'Prélat a porté un toast au Dr Ballay et au frère de M. de Brazza qui sont actuellement au centre de l’Afrique. — M. Broch, ancien ministre de Norvège, actuellement directeur du Bureau international des poids et mesures, a bu à la santé de M. Janssen, « l’illustre explorateur d’un autre monde », qui après avoir suivi les découvertes faites sur la terre, a fait lui-mème d’importantes découvertes dans un domaine bien autrement immense que cette infiniment petite planète.
- Les statues de Nicolas Leblanc et de Denis
- Papin. — La statue de l’inventeur de la soude artificielle dont l’exécution s’accomplit actuellement, grâce à une souscription internationale dont nous avons entretenu nos lecteurs, sera placée dans l’un des côtés de la cour d’honneur du Conservatoire des Arts et Métiers. M. le colonel Laussedat a obtenu, du Ministre du commerce, l’autorisation de mettre de l’autre côté de la cour, la statue de Denis Papin.
- « Les branches de l’industrie moderne, a dit le savant directeur du Conservatoire, même les plus variées, rentrent toutes dans l’une de ces grandes divisions : les arts chimiques et les arts mécaniques. La statue de Nicolas Leblanc symbolise merveilleusement les arts chimiques y celle de Denis Papin, cet autre grand homme, également méconnu de son temps, qui a, le premier, construit des machines fixes et automobiles, dont le principe avait été à peine entrevu avant lui, symboliserait également bien les arts mécaniques. On ne saurait contester, dans tous les cas,que le rapprochement de ces deux grandes figures, dans le meme lieu, à la porte de notre grand musée industriel, produirait le meilleur effet sur l’esprit de tous ceux qui viennent le visiter, dans le dessein de s’instruire,
- et ferait grand honneur à notre pays, aux yeux des étrangers eux-mêmes. » —• Il s’agirait de reproduire en bronze la statue de Papin érigée à Blois. Les frais nécessaires seront couverts par une souscription nationale, faite sous les auspices de la chambre syndicale des mécaniciens, chaudronniers et fondeurs de Paris. Les souscriptions doivent être adressées au secrétaire-trésorier de cette chambre syndicale, M. Bougarel, 24, rue de Dunkerque à Paris.— Nous applaudissons pour notre part à ce projet, qui consacrera le souvenir de deux hommes, à peu près égaux par les services rendus à l’humanité, et que l’on peut considérer, hélas ! comme deux frères de malheur et d’infortune.
- Production houillère en Angleterre. — La
- statistique minérale des 20 années écoulées pendant la période 1864-84 nous enseigne que, tandis que la production de cuivre en Angleterre est descendue de 30 250 000 francs en 1864 à 550 000 francs en 1881, celle du plomb de 50400 000 francs en 1864 à 2 250 000 francs en 1884; celle de l’argent de 4 400 000 francs à 1 700 000 francs, et celle d’autres métaux de 4 900 000 francs à 6 300 francs ; la valeur du charbon extrait a augmenté de 579 925000 francs à 1 086150000 francs. En 1872, l’extraction totale de 5001 mines était de 123500000 tonnes. En 4875, l’année de la famine de charbon, 526 nouvelles houillères étaient mises en exploitation, et en 1874 et 1875, 406 autres. En 1876, le nombre des houillères en exploitation était poi’té à 4002, mais en 1884 il était réduit à 3554. La quantité moyenne extraite par mine en 1876 était de 33 520 tonnes. Cette moyenne s’est élevée, en 1883, à 45170 tonnes, ce qui représente une augmentation d’environ 33 pour 100. L’octroi n’existe pas en Angleterre, mais un droit d’entrée sur le charbon a été établi par Charles Ier (1625-1649) et subsiste encore, variant suivant les besoins du jour. Il est actuellement de 1fr,7.5 par tonne; sur cette somme 80 centimes sont retenus par la corporation de la City, et 95 centimes par le Métropolitan Board of Works. Cette taxe a rapporté près de 200 000 000 de francs depuis 1861.
- Morts résultant d’explosion des mines. — Le
- nombre des mineurs tués en Angleterre, par des explosions de mines déterminées par la combustion du grisou, en 1885, a été de 525, contre 65 en 1884 et 134 en 1883. La majorité des sinistres arrivés en 1885 est attribuée à l’emploi de lumières nues et de la poudre pour l’abatage et peut par conséquent être prévenue. Deux de ces explosions, l’une ayant lieu en juin à la houillère de Clifton Ilull, et l’autre en décembre à celle de Mardy (pays de Galles), coûtèrent respectivement la vie à 178 et 79 mineurs. J. B.
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 25 janvier 1886. — Présidence de M. l’amiral Jdrien de la Gravière.
- Le Cymodoceiles parisiensis. — Adolphe Brongniarl a signalé dans le calcaire grossier des environs de Paris un fossile végétal fort répandu dans certaines localités, sous le nom de Caulinites parisiensis. Il consiste généralement en tiges plus ou moins ramifiées présentant comme des articulations successives, si bien que Watelet en a décrit divers spécimens sous le nom de Corallinites, les rapprochant des algues calcaires actuelles appelées coral-
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- LA NATURE.
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- Unes. M. le professeur Bureau, étudiant l’intéressant dépôt tertiaire d’Àrthon (Loire-Inférieure) que j’ai eu naguère la bonne fortune de visiter avec lui, y a trouvé en abondance, dans une mince couche de calcaire marneux jaunâtre, les vestiges du même végétal. Mais dans ce gisement, la plante, beaucoup mieux conservée qu'à Paris, présente, outre les tiges, des feuilles, des bractées et des racines dont l’examen a permis à l’auteur une détermination complète. Sa conclusion est qu’il s’agit d’une phanérogame pélagique, de la famille des naïadées, voisine des Potamots et des Zostères, mais plus encore du Cymo-docea de la mer Rouge et de la Méditerranée. M. Bureau donne une description détaillée de cet intéressant type botanique éocène, remarquable ’a la fois par son extension géographique et par sa longue durée qui va de la hase du calcaire grossier jusqu’aux marnes marines inférieures au gypse. Il lui attribue le nom de Cymodoccites parisiensis.
- Géologie de la Guyane française. — Mettant à profit les carnets d’observation rédigés et les échantillons recueillis par le docteur Crevaux, lors de ses trois premiers voyages ’a la Guyane, M. Ch. Vélain, maître de conférences à la Sorbonne, présente, par l’intermédiaire de M. Hébert, une esquisse géologique préparatoire de celte région. Il résulte de la carte jointe à ce travail que le fond du pays est constitué par des roches cristallopliylliennes (gneiss granitoïde, gneiss gris et schistes amphiboliques) recoupées par des dykes puissants de roches éruptives orientés généralement de l’est à l’ouest, c’est-à-dire perpendiculairement au cours des rivières, et dont les types dominants sont le granité, le diorite et surtout les granu-lites, les unes à mica noir et les autres à amphibole. Bans le sud s’étalent des schistes et des quartziles; sur les côtes et à l’embouchure des fleuves sont d’épaisses alluvions. Il doit y avoir aussi de l’éocène supérieur, car j’y ai signalé dans le temps de la bauxite. On verra avec intérêt, dans le travail deM. Vélain, plusieurs descriptions microscopiques de roches remarquables.
- Racines des Calamodendrons. — Depuis longtemps un très savant botaniste, M. B. Renault, aide-naturaliste au Muséum, défend l’opinion que les Calamodendrons, généralement considérés comme des cryptogames voisines des prêles, sont réellement des phanérogames. Son mémoire d’aujourd’hui est, suivant l’expression de M. Duehartre qui l’a présenté, un complément très heureux de ses publications antérieures. M. Renault, en effet, y démontre l’existence, dans la racine des Calamodendrons, d’un détail de structure très important et qui jamais n’a été rencontré dans les cryptogames : il s’agit de la présence, dans les racines, de bois secondaire très développé : le cylindre ligneux, par la disposition de ses faisceaux primaires et par celle du bois secondaire plus extérieur, simule un rameau de plante dipluxylée; l’écorce, très épaisse, renferme de grandes lacunes aériennes formées par des bandes rayonnantes aboutissant à la périphérie, à une couche cellulaire épaisse, elle-même limitée extérieurement par du liège dont les cellules renferment de nombreux filaments entre-croisés rappelant un mycélium de champignon. On voit que c’est un résultat très important qui aura des conséquences toutes naturelles au point de vue du classement.
- L'appareil digestif du Phylloxérai — M. le Dr Lemoine, professeur à l’Ecole de médecine de Reims, poursuit ses merveilleuses études anatomiques sur le Phylloxéra
- punclala, considéré successivement à ses différents âges et sous ses différentes formes. L’orifice buccal, petit, étroit, s’ouvre au milieu des divers appendices buccaux (lèvre supérieure, trompe, stylets) déjà décrits chez le Phylloxéra vaslatrix. A la bouche, fait suite une dilatation pharyngineuse longue, étroite, en partie chitineuse et qui se dilate et se resserre sous l’influence des muscles circonvoisins. Vient alors un œsophage court et étroit, une poche stomacale largement dilatée et qui représente plus du tiers de la longueur totale du tube digestif. C’est là que s’accumule la prodigieuse quantité de sève pompée par l’animal. L’intestin qui fait suite est d’abord étroit, puis relativement large, et ne présente plus qu’une simple courbure. M. Le Dr Lemoine, avec sa patience et son habileté ordinaires, est parvenu à étudier les éléments anatomiques de toutes ces parties. Les glandes annexées à la partie antérieure du tube digestif sont nombreuses, développées et peuvent d’après leur situation être classées en glandes maxillaires, thoraciques et linguales. Dans les formes sexuées ces glandes existent également, bien que fort réduites ; le tube digestif, toujours sans fonction, est représenté le plus souvent par une petite poche ovalaire jaunâtre. Parfois cette poche se prolonge jusqu’à la bouche en constituant un véritable •estomac ; parfois, mais rarement, elle se prolonge jusqu’à la partie postérieure du corps sous la forme d’un intestin. Ces diftérentes apparences sembleraient indiquer divers stades d’arrêt dans le développement normal d’un tube digestif qui dans les formes sexuées reste toujours rudimentaire, étroit et sans courbures.
- Une photogravure. — Nos lecteurs ont eu déjà la reproduction de la photographie instantanée, prise à Meu-don par M. Janssen, de l’aérostat dirigeable monté par M. le capitaine Renard. L’illustre directeur de l’Observatoire d’astronomie physique offre aujourd’hui aux membres de l’Académie et aux représentants de la presse qui assistent à la séance, une reproduction par la photogravure et de grand format de la photographie dont il s’agit. Elle sera conservée comme un document précieux de la navigation aérienne.
- Election. — La nomination de M. Bunsen à un siège d’associé étranger, a laissé vacante une place de correspondant dans la section de chimie. La liste de présentation portait : en première ligne : M. Reboul (de Marseille) ; en second ligne ex-æquo et par ordre alphabétique : MM. Ditte (de Caen), M. Isambert (de Poitiers), M. Raoult (de Grenoble). Les votants étant au nombre de 41, M. Reboul est nommé par 55 voix; M. Raoult en réunit 5 ; il y a 1 billet blanc.
- Varia. — M”' Paul Thénard offre à l’Académie le buste en marbre de son mari; c’est un très beau morceau de sculpture dû au ciseau de M. Lefèvre et qui est très ressemblant.— Au nom de M. Sappev, M. Gosselin dépose un exemplaire du monumental volume sur le système lymphatique de l’homme. — D’après M. Blondlot, le cuivre chauffé au rouge dans un courant d’azote, contracte avec ce gaz une combinaison qui est ensuite détruite, de sorte qu’une lame de platine placée dans le tube se couvre de cuivre transporté. — D’après M. Relier, les nuances dont s’enveloppe le Balanoglosse, échinoderme vermi-forme bien connu, dégage une très forte odeur d’iodo-forme. Stanislas Meunier.
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- LA NATURE.
- LES
- ANCIENNES CORPORATIONS
- d’arts et métiers
- Les corporations, connues sous le nom de maîtrises et jurandes, qu’il ne faut pas confondre avec les sociétés de comparfnonage, n’ont été officiellement organisées en France que sous Henri III par l’édit de décembre 1581. A la fin du dix-huitième siècle, elles comprenaient six corps de marchands :
- Drapiers et merciers. — Epiciers. — Bonnetiers, pelletiers et chapeliers. — Orfèvres, batteurs d’or et tireurs d’or. — Fabricants d’étoffes et de gaze, tissu-riers et rubaniers. — Marchands de vin;
- Et 44 communautés d’arts et métiers :
- Amidonniers. — Arquebusiers, fourbisseurs , couteliers. —
- Bouchers. — Boulangers. — Brasseurs. — Brodeurs, passementiers, boutonniers. — Gartiers.
- — Charcutiers. — Chandeliers.
- — Charpentiers. — Charrons. —
- Chaudronniers, balanciers, potiers d’étain. — Coffretiers, gainiers.
- — Cordonniers. ,— Couturières, découpeuses. — Couvreurs, plombiers , carreleurs paveurs. —
- Ecrivains. — Faiseuses et marchandes de modes, plumassières.
- — Faïenciers, vitriers, potiers de terre. — Ferrailleurs, cloutiers, épingliers. — Fondeurs, doreurs, graveurs sur métaux. — Fruitiers, orangers, grainiers. —
- Gantiers, boursiers, ceinturiers.
- -— Horlogers. — Imprimeurs en taille douce. — Lapidaires. —
- Limonadiers, vinaigriers. — Lin-gères. — Maçons. — Maîtres en fait d’armes. — Maréchaux ferrants et éperonniers. — Menuisiers, ébénistes, tourneurs et laye-tiers. — Paumiers. — Peintres, sculpteurs. — Relieurs, papetiers colleurs et en meubles.—Selliers, bourreliers. —Serruriers, taillandiers, ferblantiers, maréchaux grossiers.— Tabletiers, luthiers, éventaillistes. — Tanneurs, corroyeurs, hongroyeurs, peaussiers, mégissiers, parcheminiers.
- — Tailleurs, fripiers d’habits et de vêtements, en boutique et en échoppe. —Tapissiers, fripiers en meubles et ustensiles, miroitiers.—Teinturiers. — Tonneliers, boisseliers. — Traiteurs, rôtissiers, pâtissiers. .,
- On voit que les professions libres étaient, entre autres les suivantes : Bouquetières. — Brossiers. —
- Cardeurs. — Barbiers. — Coiffeurs. — Jardiniers.
- — Maîtres de danse. — Bouchonniers. — Vanniers.
- — Vidangeurs, etc.
- Les corporations formaient, dans les villes, de véritables corps constitués ayant à leur tête des syndics et gouvernés par des règlements spéciaux tendant h prévenir et à punir les fraudes envers le client ainsi qu’à concilier équitablement les intérêts opposés du patron et de l’ouvrier.
- Dans les cérémonies publiques elles marchaient, ainsi que les professions libres, à la suite de leurs massiers et de leurs bannières portant l’image de leurs patrons : saint Eloi pour les ouvriers en métal (orfèvres, serruriers, etc.); saint Biaise pour les ouvriers en pierre (maçons, meuliers, etc.); saint Fiacre pour les ouvriers en terre (potiers, tuiliers, etc.) ; saint Joseph pour les ouvriers en bois (charpentiers, menuisiers); saint Marc pour les vitriers ; saint Corne pour les barbiers, chirurgiens, etc. ; saint Amand pour les brasseurs; saint Nicolas pour les ouvriers en cire; le Saint Sacrement pour les bouchers; saint Jean-Baptiste pour les pelletiers, gantiers, tanneurs, etc. ; saint Crépin pour les cordonniers; l’Annonciation pour les tisserands de fil ; Notre-Dame pour les ouvriers travaillant à la confection du drap de laine ; Notre-Dame la Riche pour les tisseurs de soie ; saint Maurice pour les teinturiers; sainte Luce par les tailleurs; saint Se ver pour les bonnetiers ; sainte Claire pour les brodeuses ; saint François pour les fabricants de tapisserie ; saint Paul pour les cordiers; saint Jean-Porte-Latinc pour les fabricants de papier, les imprimeurs et les relieurs.
- Le beau bâton dont nous publions le dessin appartenait à la corporation des charpentiers et menuisiers de Blois dont l’enfant Jésus tient les outils entre les mains. II remonte certainement fa l’origine de la Société, c’est-à-dire à la fin du seizième siècle et se trouve aujourd’hui à l’église* Saint-Louis de cette ville. M. Mieusement, photographe des monuments historiques, a bien voulu en faire un cliché spécialement pour les lecteurs de La Nature. A. R.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissakciek. Imprimerie A. Lahure, 0, rue de Heur us, à Paris.
- Bâton de la corporation des charpentiers du seizième siècle, existant à l’église Saint-Louis, à Blois. (D’après une photographie.)
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- N« 662.
- 6 FÉVRIER 4 886.
- LÀ NATURE.
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- LÀ TÉLÉPHONIE DOMESTIQUE
- LE BOUTON-TÉLÉPHONE
- On n’est plus à compter les postes téléphoniques variés combinés par différents constructeurs dans le but de satisfaire aux besoins spéciaux de la téléphonie domestique : le problème est d’une solution délicate, car les appareils doivent être à la fois simples; peu volumineux, d’une installation-facile et d’un prix assez modique pour en rendre l’application possible dans tous les cas où l’on consent a établir des sonneries électriques ordinaires, avec ou sans tableau indicateur, suivant l’importance des locaux à desservir.
- En construisantle bouton-téléphone, M. Barbier s'est proposé de substituer aux boutons de sonnerie ordinaires un appareil de même forme et de mêmes dimensions permettant d’entrer en communication verbale directe avec la personne appelée par la sonnerie. Dans sa disposition la plus simple, l’appareil ne comporte que deux fds qui servent alternativement a l’appel par sonnerie ou à la conversation par téléphone magnétique, suivant que le bouton est dans la position de repos ou tenu à la main (fig. 4).
- Le bouton lui-même se compose d’un petit téléphone magnétique servant alternativement de transmetteur et de récepteur, disposé dans l’intérieur du bouton, et d’une planchette circulaire fixée au mur sur laquelle vient 44e innée. — iw semestre
- se placer le bouton-téléphone dans sa position de repos ; il est maintenu dans cette position par quatre lames élastiques dans lesquelles il s’introduit a frottement. La figure 5 montre la disposition intérieure du commutateur établi sur la planchette fixée au mur. Une lame élastique rompt le circuit téléphonique, et il suffit d’appuyer sur le bouton disposé sur la face antérieure de l’appareil pour actionner la sonnerie du poste que nous appellerons poste de service.
- En prenant le téléphone à la main, on ferme le circuit sur le téléphone et la conversation peut s’engager dès quet le poste de service a décroché lui-même son bouton-téléphone. Examinons maintenant les cas principaux qui peuvent se présenter.
- Le plus simple est celui dans lequel un certain nombre de boutons-téléphone répartis dans un appartement ont à communiquer avec le poste de service. Le diagramme (fig. 5) montre comment, dans ce cas, s’effectue le montage. 11 n’y a rien de changé dans l’installation générale que la substitution de boutons-téléphones aux boutons ordinaires, et l’adjonction au poste de service d’un bouton téléphonique spécial. Ce bouton spécial diffère des autres par deux particularités :
- 1° Il n’a pas de bouton d’appel, puisque le poste de service ne peut qu’être interpellé et ne peut pas interpeller lui-même.
- 2° il est muni d’un commutateur spécial (fig. 4), ayant pour effet de mettre la sonnerie sur la ligne
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- Fig. !. — Vue d’ensemble du boulon-téléphone.
- Fig. 2. — Poste de service d’une installation de boutons-téléphones avec tableau indicateur et appels par ce poste de serviee.
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- lorsqu’il est accroché, dans sa .position de repos, et de supprimer la sonnerie en mettant le téléphone sur la ligne lorsqu’on prend le bouton à la main.
- 11 est bon de convenir qu’on sonnera une fois lorsqu’on voudra parler dans le téléphone, et deux fois pour faire venir la personne de service. Le même appareil servant à la fois de transmetteur et de récepteur, on doit porter alternativement l’appareil à l’oreille et à la bouche, suivant que Ton écoute ou que l’on parle. Il y a là une petite difficulté pratique qu’un peu d'habitude fait aisément disparaître, et qu’on peut d’ailleurs résoudre à l’aide de postes à
- deux boutons-téléphones dont l’un sert à parler et l’autre à écouter.
- Un deuxième cas qui se présente est celui dans lequel l’installation de sonnerie comporte un tableau indicateur. Les communications entre les différents appareils s’établissent alors comme l’indique le diagramme (fig. 6). Il n’y a absolument rien de changé au mode de fonctionnement, si ce n'est que le poste de service est avisé chaque fois de l’endroit d’où part l’appel.
- Dans les cas que nous avons examinés jusqu’ici, le poste de service ne doit pas et ne peut pas inter-
- Sonnene
- Bouton
- Fig. S. — Montage simple de boulons-téléphones sans tableau indicateur ni appel par le poste de service.
- Fig. 3. — Commutateur d’un bouton-téléphone simple.
- Fig. A. — Commutateur d’un bouton de poste de service.
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- Fig. 6.— Boutons-téléphones avec tableau indicateur.
- 7. — Boutons-téléphones avec tableau indicateur et appel par le poste de service.
- peller les différents postes. Il en sera ainsi le plus généralement, mais il est telles circonstances où le poste de service doit pouvoir attaquer les différents postes de boutons-téléphones avec lesquels il est en communication. On a recours alors à une installation un peu plus complexe, représentée d’ensemble (fig. 2)et en diagramme (fig. 7.)
- Pour rendre l’appel possible, on a pensé à utiliser le téléphone lui-même comme appareil avertisseur. À cet effet, une bobine d’induction munie de son trem-bleur, placée au poste de service, envoie dans la ligne des courants induits qui agissent sur le téléphone et lui font produire un bruit particulier assez intense pour être entendu dans toute la pièce. A l’aide de boutons spéciaux, on dirige ces courants induits sur
- l’une ou l’autre des lignes pour n’interpeller que le poste avec lequel on veut entrer en communication.
- Mais, pour que ses appels puissent être faits, les téléphones des différents boutons doivent toujours être en circuit. Il faudrait donc que la pile toujours fermée sur ces téléphones dépensât d’une façon continue, ce qui est inacceptable, ou installer des fils supplémentaires spéciaux, ce qui serait une complication.
- La difficulté a été levée d’une façon très élégante et ingénieuse par l’application des coupe-circuit électrolytiques de M. le docteur dlArsonval. Le coupe-circuit se compose de quatre petits couples secondaires constitués par deux lames de fer plongeant dans une pâte humide à base de potasse, her-i métiquement fermés. Lorsqu’un courant traverse
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- ces petits couples, ils se polarisent en moins d’une seconde et développent une force contre-électromo-trice qui arrête complètement le passage du courant, pourvu que la force électromotrice de la source soit inférieure à la force contre-électromo-tricc des coupe-circuit. Le courant de la pile se trouve donc annulé, à cause de sa faible force électromotrice, tandis que les courants périodiques de la bobine d’induction, qui présentent une grande tension, franchissent facilement l’obstacle créé par le coupe-circuit.
- Ces coupe-circuit sont disposés dans le socle de chaque bouton-téléphone dont ils n’augmentent pas sensiblement les dimensions, puisque chaque clément n’a pas plus de 1 centimètre de diamètre et 4 centimètres de longueur.
- La clef à contacts multiples établie au poste de service sert à fermer à la fois le circuit inducteur de la bobine sur la pile, et le circuit induit sur la ligne du bouton-téléphone interpellé. Lorsqu’un des boutons-téléphone veut appeler le poste de service, il lui suffit d’appuyer sur son bouton qui met le coupe circuit en court-circuit. On supprime ainsi la force électromotrice de polarisation de ce coupe-circuit, et la pile du poste de service envoie alors un courant qui traverse sa propre sonnerie et l’actionne ainsi que le tableau indicateur correspondant au bouton-téléphone.
- Le poste de service engage alors la conversation en décrochant son appareil récepteur, ce qui établit toutes les communications sur téléphone, et en maintenant le doigt appuyé sur un bouton numéroté qui relie son appareil à la ligne de l’interpellant. Une fois la conversation terminée la mise en place des appareils dispose automatiquement toutes les communications pour un nouvel appel.
- On peut même installer des boutons-téléphones avec poste central, permettant d’établir des communications directes entre les différents boutons-téléphones, mais l’installation comporte alors des commutateurs, des annonciateurs, etc., ce qui enlève au système sa plus belle qualité : la simplicité.
- Sans s’exagérer l’importance des applications réservées au bouton-téléphone, il est cependant bon nombre de cas dans lesquels il remplit toutes les conditions exigées pour les usages domestiques; la substitution des boutons-téléphones aux boutons ordinaires se trouve alors tout indiquée, surtout lorsqu’on met en parallèle les services que peuvent rendre les
- uns et les autres. E. H.
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- LÀ VASELINE
- ET SON EMPLOI DANS L’ALIMENTATION Recherches de M. le D' R. Dubois1.
- Sur le rapport de M. Riche, le conseil d’hygiène et de salubrité de la Seine a considéré comme une falsification condamnable la substitution de la vaseline au beurre et
- 1 Yoy. l’article précédemment publié sur la Vaseline t n°blO, du 7 février 1885, p. 157.
- aux graisses dans la confection des préparations alimentaires et dans la pâtisserie. Le comité consultatif d’hygiène ayant eu connaissance de ce rapport, a examiné la question et a conclu à la prohibition de la vaseline pour cet emploi sur le territoire français. Mais, de part et d’autre, on n’a pas, faute d’expériences sur l’action de ce corps dans l’organisme, prononcé sur ce point important de savoir si la vaseline est ou n’est pas un produit toxique. On sait seulement que la vaseline a été employée à l’étranger, particulièrement en Allemagne, dans la bronchite, l’asthme, la phtisie ; qu’en Amérique et en France on a fait usage dans les mêmes cas des huiles lourdes de pétrole ; il n’a pas paru que son ingestion ait amené des effets nuisibles.
- M. le Dr R. Dubois a fait des essais en vue de résoudre celte question. Deux chiens ont été mis en observation au laboratoire de physiologie de la Faculté des sciences de Paris. Ces animaux (un griffon et un épagneul) ont été exclusivement nourris avec de la soupe dans laquelle la graisse, qui entre ordinairement dans sa composition, est totalement remplacée par de la vaseline : ils ont absorbé en dix jours 400 grammes de vaseline. Le chien griffon, plus vorace que l’épagneul, a mangé 250 grammes envi ron de ce carbure d’hydrogène, soit 25 grammes par jour, et l’épagneul 150 grammes, soit 15 grammes par jour. Pour un homme du poids de 40 kilogrammes, cela représente des doses quotidiennes de 100 grammes et de 60 grammes, quantité de beaucoup supérieure à celle que l’on peut introduire dans un gâteau.
- Malgré cette alimentation dépourvue de graisse et de viande, le poids des animaux a peu varié ; il a un peu augmenté cependant. L’état général est très bon ; il n’y a eu ni perte d’appétit, ni vomissement, ni diarrhée, mais les matières stercorales sont toujours demi-solides et jaunâtres.
- La température rectale n’a pas beaucoup varié non plus, elle a toujours été en moyenne de 59 degrés.
- La soif ne parait pas exagérée ; les urines, presque sans odeur, un peu pâles, ne contiennent ni sucre ni albumine. La quantité d’urée rendue est très faible, on n’en trouve guère que 4 à 5 grammes par litre, ce qui donne une quantité totale d’urée rendue par jour de 5 à 6 grammes au maximum. 11 convient de faire remarquer que ces chiens ne peuvent trouver d’aliments azotés que dans le gluten du pain qui y existe en faible quantité.
- On peut donc dire que les pétroles lourds, inodores, connus dans le commerce sous le nom de vaseline, sont bien tolérés par le tube digestif, malgré la constitution de ces carbures d’hydrogène qui ne se prêtent ni à l’oxydation ni à la saponification comme les graisses.
- La vaseline n’est donc pas susceptible, chez les chiens tout au moins, de déterminer des accidents toxiques aigus ou simplement des perturbations de quelque importance lorsqu’elle est administrée à haute dose.
- La suite de ces recherches apprendra si l’usage prolongé de cette substance est également exempt d’inconvénients. Il est nécessaire, avant de se prononcer sur ce point, de multiplier le nombre des expériences et de rechercher chaque jour si quelque modification particulière ne se produit pas dans la nutrition. Il est intéressant, en outre, de savoir si la vaseline introduite dans les voies digestives est réellement absorbée, ce qui n’est pas certain1.
- 1 Journal de chimie et de pharmacie. — On nous a affirmé que l'emploi des bonbons de vaseline était assez usité en An* gleterro. (Note de la Rédaction.) >
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- LA NATURE.
- UNE ORCHIDÉE RÂ.RE
- I.E (( VANDA LOWII ))
- Le Van<ia Loxvii est originaire de Bornéo. Quoique introduit en Europe dès 1840, il est encore très rare, car son introduction présente de grandes difficultés. 11 est vigoureux et pousse bien dès qu’on a trouvé la place qui lui convient. Les feuilles en sont longues, larges et d’un beau vert luisant; c’est une plan>e d’un effet très ornemental même sans fleurs. 11 lui faut la même température et le même traitement que les autres Vandas, c’est-'a-dire la serre à Orchidées des Indes avec une température variant
- selon les saisons de 18° à 26° centigrades de chaleur. 11 se plaît très bien dans un panier fait d’orme-galeux ou de pitch-pin avec un compost de spha-gnum, tessons et morceaux de charbon de bois. Les tiges florales sont très longues, flexibles, et ainsi que les pédoncules de fleurs velus ; il en est de même de la partie postérieure des pétales et des sépales, mais le duvet en est plus fin et plus clair-semé.
- Cette Orchidée présente un cas remarquable de dimorphisme, c’est là une de ses grandes curiosités. Elle a sur chaque hampe florale et à sa base deuv, plus rarement trois fleurs de couleur et de forme entièrement différentes des autres; elles sont d’un jaune d’or clair, avec des points bruns, le labelle
- Le Vanda Lowii, actuellement cultivé dans les serres de M. de Rothschild, à Ferrières. (D’après une photographie.)
- est petit et rose pâle, les pétales et sépales sont courts et larges. Les autres fleurs sont d’un beau rouge foncé légèrement maculé de crème, les pétales et sépales sont plus longs et plus étroits que dans les fleurs jaunes ; le labelle est le même. La durée des fleurs en parfait état est d’au moins un mois.
- Le spécimen que nous représentons ci-dessus appartient à M. le baron de Rothschild; il a été cultivé par M. Bergman dans les serres du domaine de Ferrières; il s’est trouvé une fleur de la base de la hampe florale qui était absolument intermédiaire entre les deux genres ayant un sépale de l’un et un pétale de l’autre. La plante dont nous donnons la gravure et qui est le plus beau spécimen de France mesurait lm,80 de haut, panier non compris, ce
- dernier ayant 25 centimètres de haut et 60 centimètres carrés. Elle a une tige principale de la base de laquelle partent quatre autres fortes tiges, donnant naissance à trois pousses plus petites. Elle porte 120 feuilles mesurant en moyenne 70 centimètres de long, toutes parfaites de santé et de nuance. Les 17 tiges florales avaient chacune 2m,50 de long avec une moyenne de 28 à 30 fleurs, ce qui nous donne un total d’environ 450 fleurs. Cette même plante, moins forte naturellement, avait fleuri en 1880 avec 2 tiges; en 1883 avec 11 tiges et 280 fleurs, et cela toujours au mois de juillet. C’est certainement une des plantes les plus intéressantes du genre Orchidée.
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- LES EFFETS DU COURANT ELECTRIQUE
- PRODUIT PAR LA MACHINE RHÉOSTATIQÜE
- Le flux d’électricité, obtenu à l’aide de l’appareil que nous avons désigné sous le nom de machine rhéostalique 1, présente des propriétés particulières quand l’appareil est déchargé en quantité, et permet de produire des effets qui diffèrent notablement de ceux qu’on obtient avec les piles voltaïques ou avec les machines ordinaires à électricité statique.
- Dans la machine rhéo-statique de tension, des condensateurs à lames de mica sont successivement associés en quantité pendant la charge et réunis en tension pendant la décharge.
- Dans la machine rhéostatique de quantité (fig. 1), ces condensateurs restent associés en quantité pendant la charge et pendant la décharge. Séparés par des plaques minces d’ébo-nite, ils forment une pile verticale disposée au-dessous d’un commutateur qui peut être animé d’un mouvement rapide de rotation, et les réunit alternativement, soit, à l’aide des ressorts G et B, avec une batterie secondaire de huit cents couples, destinée a les charger, soit, h l’aide des ressort? CetE, avec les branches d’un excitateur, ou de tout autre appareil destiné à être traversé par les décharges.
- Nous avons déjà signalé quelques-uns des effets particuliers produits par le courant sui generis qui résulte de cette série continue de décharges de condensateurs, rechargés sans cesse avec une grande rapidité par une source d’électricité voltaïque de haute tension. Ces effets sont à la fois mécaniques et calorifiques ; mais l’action mécanique joue un rôle beaucoup plus important que l'action calorifique.
- Si l’on introduit, par exemple, un fil de platine,
- 1 Yoy. La Nature, 5° année, 1er décembre 1877, p. 13.
- I en relation avec l’un des pôles de la machine rhéostatique de quantité, dans un tube capillaire ouvert à ses deux extrémités, et si l’on fait plonger le tube dans un vase d’eau salée, l’autre pôle étant en communication avec le liquide, des étincelles accompagnées d’un bruit sec particulier, apparaissent à l’extrémité du tube ; en même temps, à chacune d’elles correspond un saut brusque du liquide dans le tube, et comme ces étincelles se succèdent avec une extrême rapidité, le liquide n’ayant pas le temps de redescendre, est sans cesse élevé par saccades jusqu’à une hauteur de 0m, 25 à 0,m30, suivant la force électromotrice du courant. On obtient ainsi une sorte de bélier hydro-électrique dont les effets sont produits par une action mécanique de l’électricité.
- Lorsque le tube capillaire est réduit à une hauteur de 0m,20, le liquide apparaît sous forme de gouttes lumineuses à l’extrémité supérieure, et retombe en nappe le long du tube, tant que dure le passage du courant.
- Si l’on ne donne au tube qu’une longueur de 0m,03, et si le fil de platine introduit à l’intérieur s’arrête à 2 ou 3 millimètres de l’extrémité du tube plongé dans le liquide, de manière à limiter ainsi dans un espace exigu la quantité de matière soumise à l’action directe du courant, il se produit un véritable jet d’eau continu, formé de gouttelettes extrêmement fines qui s’élèvent à plus de 1 mètre de hauteur (fig. 2).
- Le passage des étincelles par le tube immergé dans le liquide est accompagné de chocs violents et d’un bruit très intense ; la force mécanique en jeu dans cet étroit espace est si considérable, qu’elle détermine quelquefois la rupture du bassin en verre dans lequel se fait l’expérience.
- Si le pôle qui débouche dans le tube est positif* l’autre électrode étant entièrement plongée dans le liquide, le jet d’eau se produit également, mais
- Fig. 1. — Machine rhéostatique de quantité.
- Fig. 2. — Expérience du bélier hydro-électrique.
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- s élève à une moindre hauteur que si ce pôle est négatif.
- Lorsque l’électrode aboutit simplement 'a la surface du liquide, sans que son extrémité soit renfermée dans un tube de verre qui l’isole partiellement, le liquide n’est projeté qu’à une hauteur de flm,50 environ, mais forme une gerbe de gouttelettes plus grosses, et le vase dans lequel se fait l’expérience se trouve bientôt presque entièrement vidé par cette projection, en dehors, du liquide qu’il contenait.
- Enfin, si, renversant la disposition de l’appareil, l’extrémité du petit tube capillaire, près de laquelle se termine le fil, est tournée vers le haut, au lieu de plonger dans le liquide, et maintenue simplement humectée par de l’eau salée, l’autre électrode touchant d’ailleurs la partie supérieure du tube, l’étincelle produite et constamment renouvelée affecte la forme d’une fiamme irrégulière, accompagnée d’une bruyante crépitation, due à la fois à la pulvérisation mécanique de l’eau, à la détonation des gaz provenant de sa décomposition, et à la combustion du sodium mis en liberté.
- L’expérience représentée (lîg. 2) imite d’une manière frappante l’effet d’un coup de foudre extraordinaire observé, le 50 juillet i884, à Dibnitz, dans le Mecklembourg-Schwérin, et pendant lequel un jet d’eau, partant du sol inondé par la pluie, s’est élancé sur le trajet même d’un éclair, et a pénétré dans une habitation par le trou étoilé que cet éclair avait percé dans la vitre d’une fenêtre.
- Ces expériences expliquent aussi comment, lorsqu’une trombe, fortement chargée d’électricité au point de manifester des effets lumineux ou des globes de feu à son extrémité, vient à atteindre la surface de la mer, il peut se produire tout autour une abondante gerbe d’eau pulvérisée, et quelquefois une ascension de l’eau le long du corps nuageux ou dans l’intérieur même du canal vaporeux de la trombe. Gaston Planté.
- LETTRES D’AMÉRIQUE1
- I.OCISVILLE ET LES CIMETIÈRES. - MAMMOTH CAVE. ---
- KANSAS CITY
- Louisville offre moins d’intérêt que Pittsburg ou Cincinnati quoiqu’il y règne cependant encore assez de mouvement. Des rues entières, proches du centre, sont bordées de charmantes villas construites en bois pour la plupart; elles sont entourées de jar^ dins et ombragées par de beaux arbres. Ce sont les installations riches et luxueuses du Kentucky. Sur les bords de l’Ohio, superbe en cet endroit, Louis-ville possède un pont pour le chemin de fer. Il passe au-dessus des rapides du fleuve; sa charpente de fer, posée sur de nombreuses piles en granit, a 1610 mètres de longueur. Ce travail est vraiment beau, mais les rues de la ville sont bien droites et
- 1 Suite. VoVi p. 7, 44 et 82.
- monotones et les quelques monuments qui s’y trouvent n’offrent aucun intérêt artistique.
- Une visite bien curieuse cependant est celle du cimetière Cave hill.
- On entre dans un parc anglais bien dessiné et planté d’arbres superbes. Les tombes construites, au lieu d’être serrées comme les nôtres, au point de se toucher, sont au contraire suffisamment espacées. Les colonnes, les obélisques se détachent gracieusement au milieu des fleurs et de la verdure foncée des pins. Si les monuments remarquables que nous avons dans nos cimetières ne se rencontrent guère dans ceux des américains, on n’y voit pas en revanche ces affreuses petites chapelles en forme de guérite qui pullulent chez nous et qui nuisent tant au bel effet des constructions artistiques qu’il est presque impossible de voir puisqu’elles sont étçuffées dans ces vilains cadres1.
- Ce qui attire le plus le touriste à Louisville, c’est l’excursion de Mammoth cave; il faut seulement six heures de temps pour s’y rendre. Le chemin de fer vous mène d’abord à Cave citij, puis on monte dans un char-à-bancs attelé de 4 chevaux pour aller à travers bois jusqu’aux grottes, par des routes impossibles. On ne pourrait pas croire au nombre de cahots épouvantables, aux trous et aux ornières du chemin, si l’on n’en était soi-même la victime. Mais il faut bien s’habituer à ce genre de voyage aux États-Unis et on rit de bon cœur. Les dames américaines qui faisaient l’ornement de notre petite excursion, étaient les premières à nous donner le signal; elles étaient enchantées, et plus le char-à-bancs étaient secoué, plus elles semblaient heureuses ; nous tâchions seulement de leur donner nos châles et couvertures pour adoucir les cahots, puis c’étaient encore de nouveaux éclats de rire. Il est vrai que si les routes n’existent pas, pour ainsi dire, le paysage est charmant ; les forêts du Kentucky sont belles au printemps. Elles semblent illuminées par les fleurs
- 1 Les cimetières des Etats-Unis sont, en quelque sorte, des bois sacrés. Les oiseaux, certains d’y être respectés, sont heureux d’y vivre ; ils chantent dans les fleurs et les grands arbres. A Pittsburg, à Philadelphie, ce sont des parcs splendides avec d’admirables points de vue, mais à Cincinnati le cimetière est encore plus remarquable.
- Le Spring grave Cemetery possède un lac, une rivière artificielle et des arbres séculaires. Il est hors la ville sur des collines boisées d’où l’on peut admirer les belles villas et propriétés construites sur les hauteurs voisines, au bord du lac et au milieu de petites îles de verdure plantées dans les eaux. Des tombeaux formés de colonnes de granit rose ou des marbres précieux du pays, sont parmi les roseaux et les plantes aquatiques ; partout des gazons soigneusement entretenus. Dans ce parc de grande surface on rencontre même souvent des lièvres qui se sauvent à peine en allant se cacher doucement à l’abri des tombes. Ils ont confiance, comme les oiseaux, dans les visiteurs qui viennent faire leur pèlerinage. Ces lieux sacrés ne sont point tout à fait publics. Il faut pour y entrer une permission spéciale, facile à obtenir d’ailleurs. A San-Francisco enfin, le cimetière est tout à fait merveilleux, il domine la ville presque tout entière avec la baie et son cadre de montagnes bleuâtres. Les tombes sont littéralement noyées dans les belles fleurs qui se plaisent auprès de l’océan Pacifique.
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- et sont égayées par les oiseaux à l'éclatant plumage, comme le cardinal huppé si recherché pour nos volières, etc., etc. ; il faut donc oublier les petits ennuis.
- L’entrée des cavernes est placée dans les bois sous les chênes et les pins, au bas d’un chemin en pente. Elle est pour ainsi dire fermée par une légère cascade qui s’échappe goutte à goutte des mousses délicates qui poussent sur les rochers (fig. 1); puis ce sont les bords de Green river presque voilés sous les arbrisseaux {le Dog wood ou Cornus florida) dont les bractées très développées de l’involucre sont blanches comme la neige.
- Les teintes bleues du Phlox divaricata et le Podophyllum peltatum (May apple) au beau feuillage vert, l’IIeucbera Americana, Y Adiantum peda-tum, etc., contribuent à faire de ces bois un véritable paradis. On passe volontiers la belle saison dans cette jolie partie du Kentucky. Cela est facile, grâce au grand hôtel qui s’y trouve — c’est une énorme construction en bois. — Elle se compose de grandes galeries à deux étages comme nous en voyons dans les anciens cloîtres. Dans le jardin intérieur, des pins élevés servent d'abri contre les rayons du soleil. Les touristes ont une chambre meublée des plus sommairement, c’est presque la cellule d’un moine, elle donne sur ces galeries fort primitives d’aspect ; il y a ainsi place pour quatre à cinq cents personnes. Les provisions ne sont pas aisées à avoir à Mammoth cave, aussi la nourriture y est-elle simple. Mais ce n’est pas dans cette dernière partie du programme qu’il faudrait chercher l’agrément du voyage. Il ne faut penser qu’au charme des bois de Green river, aux merveilles de Mammoth cave et des cavernes avoisinantes. On ne peut guère se figurer leur étrangeté.
- Ces immenses souterrains sont presque partout assez élevés pour pouvoir marcher à l’aise. La température y est égale et douce. D’après les expériences faites, la plus haute température, dans quelque point des cavernes que ce soit, est de 15° centésimaux et la plus basse de 11°. La moyenne en été paraît être de 12°, et en hiver de 11°,50. Les stalactites sont moins nombreuses que dans d’autres grottes connues comme le Trou du Han en Belgique1, etc., mais le travail accompli par les eaux depuis des siècles, y est merveilleux. Les roches creusées prennent souvent les formes les plus bizarres; elles sont polies, usées par la force des anciens courants. La masse des eaux a dû être énorme, car des galeries hautes de 10 mètres et souvent plus, ont été remplies entièrement. Les torrents s’écoulaient, rapides, effroyables, creusant des sillons dans les bancs de grès ou de calcaire. Le passage curieux, le Fat mans misery ou le Désespoir des gens obèses, en est un exemple frappant. Ce couloir étroit, dans lequel il faut s’introduire un à un pour aller plüs loin dans les grottes, fait de nombreux détours ; il a une
- 1 Voy. n‘>57G, du 14 août 1880. p. 1G3.
- centaine de mètres de longueur et arrive parfois à avoir à peine un mètre de hauteur. Il est certain qu’une personne un peu forte de taille ne pourrait s’introduire dans ce sillon de pierre. Nous voyons à présent les traces de toutes ces révolutions étranges. Une première visite de quatre heures, dans laquelle on passe en revue les principales curiosités décrites précédemment dans La Nature1 ne pouvait suffire pour tout bien examiner. II y a des endroits difficiles pour les dames; nous sommes descendus cependant jusqu’à la rivière souterraine sur b s bords du Styx. Malheureusement, en mai 1885, les eaux étaient trop basses pour pouvoir aller en bateau, ce qu’on peut faire en d’autres saisons et il a fallu rebrousser chemin. Le lendemain c’était un dimanche, mais grâce à l’obligeance du propriétaire des cavernes, j'ai obtenu la faveur d’avoir un guide. Lorsque j’ai expliqué que mon but était de faire des croquis pour La Nature, toutes les difficultés ont été aplanies et j’ai pu rester sept heures entières dans Mammoth cave.
- On me prête alors un costume complet pour pouvoir ramper à l’aise dans la boue des galeries basses et passer dans des trous étroits comme des tuyaux de cheminées. Peut-être même sont-ils un peu dangereux, mais ces passages ne sont pas bien longs à franchir : il s’agit de 5 ou 4 mètres à descendre ou à monter. Ces lieux sont glissants et de nombreuses gouttelettes d’eau vous arrosent. On s’accroche aux légères saillies des rochers; elles forment une sorte d’échelle naturelle. L’obscurité rend les choses mystérieuses et fantastiques et malgré soi on éprouve une certaine émotion. Si l’on a quelque peine à passer sans encombre dans ces sombres détours, on a bientôt sa récompense lorsqu’on se trouve au fond d’un des plus noirs gouffres qu’on puisse rêver, le Gorins Dom.
- Le guide allume un paquet de feux de Bengale ; aussitôt le saisissement vous prend. Il n’y a que dans Y Enfer du Dante qu’on puisse voir des choses semblables (fig. 2). Ce gouffre peut avoir cent mètres de hauteur environ, il est entièrement creusé par les eaux et relativement assez étroit. C’est une sorte de puits dont les parois sont usées, déchiquetées. On voit d’immenses draperies qui semblent presque détachées des murailles : ce sont d’épaisses stalactites ; aux lueurs des flammes, on croit les voir remuer, elles prennent mille nuances différentes et les gouttes d’eau qui descendent lentement le long des pierres s’échappent ensuite comme autant de perles lumineuses. En montant encore vers un autre endroit de Gorins Dom, on a d’autres aspects non moins beaux que le premier, mais il n’y a plus de stalactites. Mon guide avait des lumières assez vives pouvant durer chacune quelques minutes, de sorte que, malgré les douches légères qui arrosent l’album du touriste il est cependant possible de dessiner.
- 1 Voy. n° 410, du 21 mai 1881. p. 58".
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- LA NATURE.
- Dans d’autres lieux encore, les voûtes de pierres sont portées par six colonnes ciselées par les eaux. Des stalactites forment les chapiteaux. C’est le temple Egyptien. Ces blocs de pierre ont 26 mètres de hauteur et 8 mètres de diamètre environ ; ils forment au fond de la grotte une sorte d’exèdre im-
- mense. Pendant le temps que je dessinais, mon guide chantait des chansons indiennes. Tout à coup j’entends des plaintes au fond d’un précipice, on appelle au secours ; puis c’est une dame sans doute qui vient d’éteindre sa lampe, elle est effrayée, voilà un drame affreux ! mais mon guide
- rit aux éclats. Il est ventriloque et me donne pour me distraire cette émotion originale.
- Au plus bas de Mammoth cave, à 250 pieds de profondeur, les entomologistes peuvent faire de curieuses récoltes d’insectes. On rencontre entre autres, un grand nombre de sauterelles aveugles, très vivaces cependant. Elles ont des antennes fort lon-
- gues et les pattes très hautes. Elles sautent à merveille et on a peine a les atteindre, aidé par la faible lueur de la bougie que chacun a dans ses mains. Dans la rivière souterraine on pèche aussi une sorte de poisson aveugle et un joli crustacé de couleur blanche.
- On rêve à toutes ces belles choses pendant la
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- Fifç. 2. — Une vue intérieure île Mammot.'i Cave; le Gorin's Dont. (D’après nature, par M. Albert Tissaudier.)
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- nuit qu’il faut passer en chemin de fer pour se rendre à Saint-Louis. Aù point de vue des Américains, cette ville est antique : sa fondation date de Louis XV. C’est à lui qu’elle doit son nom. Les travaux exécutés sur le Mississipi, —un pont gigantesque qui a coûté 50 000 000 de francs, et les célèbres water works ou pompes à vapeur construites pour amener les eaux du fleuve dans la ville, sont grandioses et dignes d’être admirés.
- Il faut après Saint-Louis visiter Kansas city, la jeune capitale du Kansas. Celle-ci date de'quarante-cinq années à peine. Vers 1839, c’était un hameau; en 1857, elle devient une petite cité de 5000 habitants; en 1867, elle possède un chemin de fer, et la voilà devenue une ville de 15000 âmes en 1869.
- Elle augmente encore jusqu’à l’invraisemblance : en 1872, les habitants sont au nombre de 42000; én 1885 enfin, Kansas est une grande cité de 120000 habitants. Après cela, comment la ville ne serait-elle pas dans un désarroi constant? Ses rues, ses maisons, subissent des changements extraordinaires. Dans les premiers temps, les habitants bâtissaient leurs maisons sur les terrains naturels de la localité ; il y a de nombreuses collines sur les bords du Missouri et de Kansas river, les maisons de iTois se construisaient sur les pentes et les rues montaient et descendaient suivant les besoins. A présent cet état de choses devient impossible : les Américains de Kansas city, découpent leurs collines pour abaisser tous ces niveaux de fantaisie. Un monde d’ouvriers est occupé à ce gigantesque travail d’aplanissement.
- Une nouvelle percée est à peine tracée, que déjà des rails sont posés provisoirement. Les tramways circulent remplis d’une foule affairée. On ne prend pas garde à la poussière ou à la boue ; les charrettes pleines de terres enlevées, les poutres qui soutiennent les maisons de bois perchées encore sur les collines non démollies, les ouvriers au travail, rien ne saurait être un obstacle, le tramway passe. A côté d’énormes blocs de terre à déblayer, une boutique luxueuse s’installe déjà. Des villas élégantes sont construites sur les nouveaux alignements à peine terminés. Tout auprès, on voit de petits escaliers de bois, posés pour le service des anciennes maisons perchées encore sur les talus qu’il faudra détruire. La ville s’étale dans les campagnes, grandissant toujours. C’est une fourmilière envahissante, qui donne au voyageur un exemple plein d’enseignement pour l’avenir. Quel sang bouillonnant, quelle force vitale il y a, dans ce grand pays des États-Unis!
- A Kansas city, les habitants jouissent avec raison de cette prospérité étonnante. Leurs abattoirs rivalisent déjà avec ceux de Chicago et de Cincinnati, leurs usines de toutes sortes se multiplient. « Dans quelques années, disent-ils, notre ville sera la plus grande d’Amérique. »
- Cela ne nous paraît pas impossible.
- Albert Tissandier.
- LES TUNNELS SOUS LÀ MERSEY
- ET SOUS LA SEVEBX
- La cérémonie d’ouverture du tunnel sous la rivière Mersey a eu lieu le 20 janvier, avec la plus grande pompe et au milieu de grandes réjouissances, à Liverpool et à Birkenhead. Le tunnel réunit ces deux villes, aboutissant au centre de chacune d’elles. De grands préparatifs avaient été faits pour la réception du prince de Galles, qui assistait à la cérémonie de l’ouverture.
- Le tunnel en question est percé, à une assez grande profondeur au-dessous du lit de la Mersey, dans une couche de grès rouge offrant toutes garanties de sécurité et d’étanchéité, il a 7“”,70 de large, une hauteur totale de 7 mètres, dont 5ra,80 au-dessus de la double ligne de rails dont il est pourvu. Le trajet du train d’inauguration s’est effectué en quatre minutes. Le percement, commencé en 1870 par le foncement d’un puits à Bir-kenhead fut abandonné jusqu’en 1879, époque à laquelle il fut repris par le major Isaac et complété sans interruption grâce à l’énergie de ce dernier. Une galerie d’essai fut d’abord entreprise, des deux côtés à la fois, les opérateurs se rencontrant exactement au même point, au milieu du fleuve. Les résultats ayant répondu aux espérances, le travail du tunnel fut poussé vigoureusement, la machine à tunneller actionnée à l’air comprimé du colonel Beaumont rendant les plus grands services. Trois mille terrassiers furent employés sans interruption* aux travaux de percement du tunnel et de l’enlèvement des déblais; cette entreprise n’a pas coûté moins de 25 millions de francs pour être amenée à bonne fin. Une semaine environ avant la cérémonie, un train de charbon traversait pour la première fois le tunnel de la Severn.
- Ce tunnel est d’une longueur totale de sept kilomètres dont plus de 5 1/2 se trouvent sous le lit du fleuve. Il fut inondé dans le cours de sa construction et pompé à sec quelque temps après l’accident. Le tunnel et les travaux de construction et raccordement de voies, auxquels il a donné lieu a coûté environ 45 500 000 francs. J.-A. B.
- CONSOMMATION DU THÉ EN ANGLETERRE
- Le thé est une boisson consommée en Angleterre depuis plus de deux siècles. L’importation de ce produit, à Londres seulement, ne représente pas moins de 100 000 000 de kilogrammes. De cette quantité, environ 60 000000 dekilogrammes proviennent de Chine, les ports d’exportation étant principalement Hongkong, Shangaï, Canton et Foo Chow Foo; 27 000 000 de kilogrammes environ proviennent des Indes Anglaises, le port d’exportation étant Calcutta, et le reste provient principalement de Ceylan et de Java. Des flottes de steamers magnifiques sont engagées au transport du thé et effectuent le passage de Chine à Londres, par voie du canal de Suez (à peu près 11 300 kilomètres en six semaines environ).
- Une course intéressante a lieu tous les ans entre les navires faisant le transport du thé. Une forte sommé d’argent est décernée au navire arrivant le premier avec un chargement de thé de la saison ; de plus, ce thé, acheté d’avance à un prix relativement élevé procure au gagnant une source de profit. Il est remarquable que des navires ayant quitté la Chine en même temps, arrivent à Londres, à quelques heures d’intervalle seulement. J.-A.B.
- — A suivre. —
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- LE FROID
- La merveilleuse constitution de l’homme lui permet de braver l’excès du froid comme celui de la chaleur. Nous voulons citer quelques chiffres; ils montrent que des hommes de la même race que nous, peuvent supporter des différences de température qui confondent l’imagination et qui entraîneraient certainement la destruction de tous les autres êtres de la création.
- Au mois d’octobre dernier, les commissaires anglais et russes, réunis à Meruchak pour la délimitation des frontières de l’Afghanistan, signalaient un froid de
- — 4° F. (—50° C.) et ce froid était regardé comme très modéré. D’après les relevés officiels publiés par la Commission météorologique de la confédération du Canada, le plus grand froid observé en ces dernières années fut en 1873, à Pembroke, dans le IJaut-Outaouais ou le thermomètre descendit a
- — 42° C.1.
- On cite, dans l’Amérique du Nord, des températures plus rigoureuses encore ; ainsi le capitaine Back parle à Fort-Reliance d’un froid de — 56°,74 C. Iakoutsk (Sibérie) passait pour le lieu habité le plus froid du globe; certes, c’était à bon droit, car la température moyenne de l’année entière oscille autour de 0° et celle du mois de janvier s’abaisse jusqu’à — 45°. Les phénomènes physiques, les différences dans la distribution des terres et des mers jouent un rôle considérable qui n’e'tait guère soupçonné, il y a quelques années, dans les conditions climatériques. Ainsi Iakoutsk n’est qu’à 6° plus au nord qu’Edimbourg, et les îles de la Nouvelle-Zemble dans l’océan Arctique, vers le 75° de latitude, ont une température moyenne plus élevée, grâce au Gulf-Stream, si bien étudié par le commandant Maury, une des gloires scientifiques des Etats-Unis. Ce courant d’eau chaude se renouvelant sans cesse se fait sentir, nous dit-on, jusque dans ces latitudes élevées. Il existe un point habité où le froid est plus intense encore, paraît-il, qu’à Iakoutsk, c’est Werko-jansk, à une latitude un peu supérieure à 67° et où la colonne thermométrique est descendue, au mois de janvier, jusqu’à —55° C.
- Les explorateurs, les navigateurs, qui parcourent avec une si indomptable énergie les continents déserts et les mers couvertes de glaces perpétuelles ont eu à supporter des températures plus rigoureuses encore.
- Le plus grand froid dont parle Nordenskiôld dans un de ses derniers voyages fut de —47°,7 C.
- Le lieutenant Greely, dans l’expédition qui s’est si fatalement terminée, raconte que pendant un long séjour à Discoverv-Bay, la température maxima ne dépassa jamais —t— 52° F. et le thermomètre descendit, aux jours les plus froids, à — 66 F., soit une
- 1 Rappelons que la congélation du mercure commence à
- — 59° C. Seul l’alcool, à un haut degré, résiste à des froids plus rigoureux.
- différence de 118°. M. Martin, voyageant dans la Sibérie orientale, raconte que le 28 novembre 1882, par 59° de latitude et 132° de longitude, le thermomètre placé sur des pics à découvert, marquait
- — 50° 1/2 R., soit environ —63° C. ; et je puis assurer, ajoute-t-il dans une lettre adressée à la Société de géographie de Paris, que ces données sont exactes, car je me servais de trois thermomètres pour les contrôler. Dans la dernière expédition polaire entreprise par les Anglais, dès le mois de novembre, le thermomètre descendait à 60° C. au fort Rae près du grand lac de l’Esclave. Le 25 janvier 1883, il marquait — 65° C. à bord de la Varna et de la Dymphna, bloquées par les glaces dans la mer de Kara, à l’est du détroit de Way-gatz.
- Le froid le plus rigoureux subi par l’homme serait celui dont parle M. Gibier, reporter du New-York Herald et attaché, en cette qualité, à l’expédition envoyée à la recherche de Franklin, sous les ordres du lieutenant Schwatka. M. Gilder, dans les lettres adressées à son journal, durant l’hiver de 1879-1880, si rigoureux, on s’en souvient, dans nos propres climats, parle d’un froid de —103° C. qu’il ramène plus tard, faut-il ajouter, à —71°C. Ces chiffres ont été reproduits par un grand nombrS de journaux et de revues, et ils ont été donnés par Schwatka lui-même dans une séance de la Société de géographie de New-York. Un froid aussi extraordinaire était absolument inconnu jusqu’ici et nous avons quelque peine à l’accepter comme sérieux, surtout en présence des observations de M. Kluls-cliak qui cumulait à bord les deux postes importants de cuisinier et dp météorologiste attitré de l’expédition. Il nous apprend que le froid le plus intense que ses camarades et lui eurent à souffrir fut le 3 janvier 1880, à 6 heures du matin, où le thermomètre descendit à — 57° C. L En adoptant ce dernier chiffre qui nous paraît plus sincère, il reste acquis que des hommes de race blanche ont pu endurer pendant cinq mois, de novembre 1879 à la fin de mars 1880, un froid continu de —40° à
- — 57°-C.,et cela sans qu’un seul d’entre eux soit mort ou ait même été sérieusement malade.: Cette santé si remarquable au milieu des cruelles souffrances qui ne furent pas épargnées à l’expédition, tenait en partie à ce que les hommes avaient été acclimatés par un séjour au camp Daly depuis la mi-aoùt 1878 jusqu’à la fin de mars 1879 et qu’ils avaient déjà eu à subir sur ce point une différence de température de 65° entre le maximum et le minimum extrêmes (+14° G. et —510 C.). Après leur départ du camp, les mois d’avril et de mai offrirent des écarts non moins considérables; — 5° et — 37° en avril, -h 13° et —19° en mai.
- 1 Durant ce voyage, des chiffres à peu près semhiables se répètent souvent. Ainsi nous voyons à Starvation Cove, où les membres de l’expédition séjournèrent assez longtemps, un froid de —56° C. en décembre, et de — 55° en novembre et en février.
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- LÀ NATURE.
- Les Américains avaient adopté le genre de vie des Innuits qui les accompagnaient. Comme eux, ils se nourrissaient de la viande crue des phoques et des morses, ils absorbaient des quantités considérables de matières huileuses et graisseuses, échappant ainsi au scorbut, cause de si cruels ravages parmi les baleiniers qui fréquentent ces parages. Dès les premiers jours, ils avaient abandonné leurs tentes pour vivre à terre dans des iglom formés de blocs de neige taillés en parallélépipèdes allongés et divisés au besoin par des blocs semblables en plusieurs compartiments séparés. Renonçant enfin à tout le confort d’une société civilisée, ils portaient uniquement des vêtements de peau de renne qui coupent toute transpiration, tandis qu’au contraire elle est excitée par des chemises de toile comme celles que nous portons.
- Dans d’autres climats, la chaleur arrive à des excès non moins intolérables, la colonne ther-Tnométrique monte souvent en Algérie à -+- 50°
- C. et M. Duveyrier l’a vue dans le pays des Touaregs à —f-67°,7 C.
- Nous nous proposons de revenir sur les chaleurs extrêmes supportées par l’homme. Nous nous contenterons de comparer ici ce dernier maximum avec un des mi-nima (— 65° C.) qui nous paraît le plus sérieux. Cette comparaison nous apprend que la différence de température que peuvent supporter, comme nous le disions en commençant, des hommes de race blanche comme nous, des Européens comme nous, n’est pas moindre de 150°!
- Marquis de Nadaillac.
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- GRAVURE AU JET DE SARLE
- APPAREIL PERFECTION.NÉ
- La gravure que nous publions ci-dessus d’après le Scientific American, représente un perfectionnement dù à M. Mathewson, de Londres, de l’appareil imaginé par M. Tilghman pour couper, percer et graver la pierre, le métal et le verre au moyen d’un jet de sable1. Jusqu’à présent l’emploi de la vapeur,
- 1 Voy. n° 214, du 7 juillet 1877, p. 96.
- dans les machines de ce genre, était impossible dans la majorité des cas : on ne pouvait manier les objets sans se brûler, et, lorsqu’on voulait opérer sur du verre, il était brisé par la chaleur due à la condensation de la vapeur; en outre, les plaques découpées qui servaient de modèles étaient empâtées par le sable humide; on était d’ailleurs obligé de sécher après chaque opération le sable employé. Maintenant, grâce à la disposition adoptée par M. Mathewson, la vapeur n’arrive pas jusqu’aux objets mis en œuvre, et le sable est séché au cours même du travail. C’est ce dont notre gravure permet de se rendre facilement compte. La vapeur entre par le tuyau
- inférieur M dans le sens de la flèche; en ouvrant le robinet D, on en détourne une petite portion, qui pénètre dans le tuyau d’aspiration I, lequel aboutit en C à la partie supérieure de la chambre E. Cette aspiration de vapeur produit un fort courant d’air dans la direction indiquée par les flèches ; ce courant d’air, sèche le sable et entraîne toute la vapeur et toute l’humidité à travers le tuyau I dans la cheminée.
- Le rédacteur américain auquel nous empruntons ces documents a vu fonctionner l’appareil Mathewson, et il a constaté quiil donne les meilleurs résultats. On s’en sert pour graver une plaque de verre qui doit être placée en G pour donner un grand poli à des plaques d’acier laminé, que l’on chauffe ensuite et qu’on lamine de nouveau; après ces divers traitements, elles résistent parfaitement aux influences atmosphériques. Cet appareil permet également de graver avec une étonnante rapidité le granit ou toute autre pierre.
- Les machines les plus récentes sont munies d’une pédale; en appuyant sur cette pédale, on établit la communication entre le sable et la vapeur; dès qu’on relire le pied, celte communication cesse. En réglant la pression, on peut modifier l’intensité de l’action du sable. Avec une pression de 1/4 d'atmosphère, et en employant du gros sable, on peut obtenir en deux minutes un trou de 5 centimètres de diamètre dans une plaque de verre d’une épaisseur de 12 millimètres. E. Piiilipi-i.
- Nouvel appareil de M. Mathewson pour la gravure au sable.
- II. Réservoir de sable porphyrisé.— I. Tuyau d’aspiration. — M. Tuyau d’arrivée de la vapeur.— A. Tuyau d’accès du sable entraîné, — F. Chambre de circulation de l’air destiné à sécher le sable lancé en B. — G. Verre à graver. — E. Chambre métallique. — K. Porte pour le nettoyage et le montage de l’appareil.
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- LAMPE UTILISANT LA CHALEUR PERDUE
- On sait combien il est important dans l’industrie d’utiliser, avec le moins de perte possible, la chaleur produite par la combustion du charbon; on sait aussi combien cette perte est considérable, malgré les efforts qui sont faits pour la diminuer. Il en est à peu près de même dans l’économie domestique; nos cheminées, par exemple, ne nous donnent qu’une très minime fraction de la chaleur produite par notre combustible, et c’est le conduit de la cheminée et l’air extérieur que nous chauffons, bien plus que notre appartement. Il n’est pas un des appareils que nous mettons chaque jour en usage qui ne soit susceptible d’être perfectionné au point de vue économique.
- Un habile constructeur parisien, M. Legrand, s’est fait cette observation en considérant une lampe à huile ou à pétrole. Il s’est dit que la chaleur perdue qui s’échappe à la partie supérieure du verre de lampe, est considérable , et qu’au lieu d’être incommodé de ses effets, il serait bien plus agréable de l’utiliser pour chauffer ses pieds ou faire bouillir une tasse de thé, et il a apporté la solution de ce curieux problème, en imaginant la disposition que représente la gravure ci-contre.
- M. Legrand place une petite chaudière G au-dessus de la lampe ; cette chaudière est munie d’un niveau d’eau D; elle s’alimente par un réservoir de verre supérieur B dans lequel on verse de l’eau. Le vase supérieur B, renferme une tubulure A avec bouton, formant robinet, et permettant de régler le débit de l’eau dans la chaudière ou le générateur. A la surface de l'eau on voit en EE, dans cette chaudière, un tube qui se prolonge en F le long du support, et conduit la vapeur produite jusqu’aux robinets G et H. Le premier robinet G est muni d’un tube courbé que l’on introduit dans une théière, ou même directement dans une tasse contenant le liquide que l’on veut chauffer. L’élévation de température se produit assez vite par l’accès de
- la vapeur d’eau. A la partie inférieure du tube F, le robinet II permet de laisser échapper la vapeur par l’orifice J; où l’on place une petite cuvette K qui reçoit l’eau de condensation. On peut encore adapter en J un tube de caoutchouc qui conduit la vapeur dans un chauffe-pied «t boule d’eau. La petite cuvette K n’est mise en place que lorsque l’on ne se sert point du chauffe ; on y recueille les gouttelettes d’eau condensée comme on le voit sur la figure.
- En outre des avantages offerts par cette utilisation économique de la chaleur perdue, le nouveau système contribue à répandre dans l’air ambiant une petite quantité de vapeur d’eau salutaire, qui combat l’effet de sécheresse, déterminé par la combustion d’une lampe ordinaire.
- Nous avons sous les yeux un modèle de l’appareil, qui fonctionne très régulièrement. A vrai dire, il y a là une complication un peu considérable du matériel d’une lampe, mais les personnes habiles de leurs mains et les amateurs de petits appareils domestiques ingénieux et rationnels, feront, nous le croyons, bon accueil à un système qui mérite tout au moins d’être signalé pour le caractère incontestable d’originalité qu’il présente.
- Notre figure représente un appareil de petite dimension ; il est inutile d’ajouter que l’on peut très facilement construire des appareils plus considérables, installés même à poste fixe au-dessus d’un bec de gaz, dont la chaleur perdue est très considérable. Nous croyons qu’il y aurait un réel intérêt \ étudier le problème à ce point de vue ; il ne manquerait pas de trouver un nombre d’applications plus importantes et plus considérables. Les dispositions, on le conçoit, pourraient varier à l’infini, selon la place dont on dispose et le lieu où l’appareil serait aménagé. Dans les cuisines, dans les offices, dans les bureaux, ces systèmes ne manqueraient assurément pas de rendre des services, et le prix de leur installation serait probablement assez vite compensé par l’économie qui résulterait de leur emploi. G. T.
- Lampe utilisant la chaleur perdue pour chauffer au moyen de la vapeur d’eau, une théière, ou un chauffe-pieds.
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- NÉCROLOGIE
- La Landelle. — Né le 5 mars 1812, M. Gabriel de la Landelle, qui vient de mourir à la suite d’une longue maladie, était un ancien officier de marine il appartenait surtout à la littératuropar ses travaux, mais il touchait aussi à la science par ses études sur la navigation aérienne au moyen du plus lourd que l'air. M. de la Landelle était un aviateur passionné et convaincu, qui a pris part au mouvement soulevé par M. Nadar, en faveur du plus lourd que l'air ; il a publié sur ce sujet un grand nombre d’écrits et de mémoires intéressants. M. de la Landelle, à la fin de sa vie, s’était quelque peu rallié à la cause de la direction des aérostats, et il a porté un grand 1 intérêt aux expériences récentes qui ont été exécutées au moyen des aérostats allongés à hélice, munis de moteurs dynamo-électriques. M. de la Landelle était un homme de cœur et de talent, plein de charme et d’aménité qui sera regretté par tous ceux qui l’ont connu.
- Jules Guérin. — Ce célèbre médecin, membre de l’Académie de médecine, est mort le mois dernier à l’âge de quatre vingt-cinq ans; il était né à Boussu, ancien département de Jemmapes, le 11 mars 1801. 11 fut reçu docteur en médecine en 1826, et il prit bientôt la direction de la Gazette de santé, l’un des plus anciens journaux scientifiques. En 1830, il lui donna le nom de Gazette médicale de Paris. En 1837, Jules Guérin remporta le grand prix de chirurgie, au sujet des méthodes orthopédiques. Officier de la Légion d’honneur, M. Jules Guérin, auteur d’un grand nombre de travaux estimés, était membre de l’Académie de médecine depuis 1842.'
- Il avait le tempérament du polémiste; souvent trop passionné, il s’est signalé notamment comme un des adversaires les plus ardents des doctrines deM. Pasteur, qui a su répondre à ses objections par l’éclatante démonstration des faits.
- CHRONIQUE
- Le centenaire d’Arago. — Le centenaire de la naissance de François Arago, arrivant le 26 lévrier prochain, un comité de savants, de publicistes et de personnes qui prennent souci de nos gloires nationales, s’est formé sous la présidence de M. l’amiral Mouchez pour organiser une fête commémorative, et ouvrir une souscription publique destinée à élever une statue à ce grand homme sur le boulevard qui porte son nom, en face de l’Observatoire, où il s’est immortalisé. M. Floquet, président de la Chambre des députés et député des Pyrénées-Orientales, qu’Arago représenta pendant un si grand nombre d’années dans nos assemblées politiques, a été nommé président d’honneur. Il prononcera un grand discours dans le banquet qur terminera la fête, et où M.Fayea accepté la mission de retracer l’ensemble de la vie scientifique de François Arago. D’après le plan qui a été adopté, et pour l’exécution duquel M. l’amiral Mouchez vient d’écrire au préfet de la Seine, la fête commencerait le 25 février par une réception faite dans les salons de l’Observatoire, par la famille Arago, sous les auspices du directeur actuel. Le buste d’Arago, qui se trouve maintenant dans un des vestibules du rez-de-chaussée de l’Observatoire, serait transporté à la place que la statue doit occuper. Les députations qui se réuniront en cortège à l’Observatoire, défileront devant l’image de l’illustre astronome. Deux discours seront prononcés a
- cette occasion, l’un par M. Mouchez, et l’autre par M. Goblet, Ministre de l’instruction publique. Le bureau du Conseil municipal, dont Arago fut longtemps membre, s’est empressé d’adhérer au projet. Mais le nouveau président devant être nommé quelques jours seulement avant la cérémonie, il est impossible de déterminer la part qu’il réclamera dans la cérémonie. Un ballon doit aussi être lancé du carrefour de l’Observatoire.
- L’étoile nouvelle d’Orlon. — Située par 5 h. 49, 69°51, de sixième grandeur, à 20' de /.l d’Orion, celle étoile a été vue pour la première fois le 21 décembre, par M. Gore, en Irlande. Elle est rouge orangé, avec un spectre qui la rapproche des étoiles du 5e type. En sorte que cette étoile diffère complètement de celles de la Couronne et du Cygne qui ont montré les caractères d’une conflagration d’hydrogène subie, et que c’est probablement une nouvelle variable du genre de o de la Baleine. Le 25 décembre, dit le journal Le Ciel, l’étoile n’avait pas diminué de grandeur.
- Nouveau navire de guerre.—Un navire-torpille, (un vrai navire de guerre et non pas un torpilleur), Archer, a été lancé, l’avant-veille de Noël, aux chantiers de M. J, et G. Thomson, à Glasgow. Archer est le premier d’une série de six navires, du type Scout dont la construction a été confiée à ladite maison, et dont les plans ont été choisis parmi ceux de 58 compétiteurs. Nous donnons brièvement, ci-après, les détails les plus intéressants concernant ce bateau d’un nouveau type : longueur entre perpendiculaires 69 mètres, largeur au maître-couple 11 mètres, profondeur 5ra,80, déplacement 1630 tonnes en conditions normales et 1810 tonnes avec équipement complet et approvisionnement complet de charbon et vivres, etc., vitesse garantie 16 1/2 nœuds (30 kil. 7) ; les constructeurs espèrent atteindre une vitesse du 18 nœuds (55 kil. 5) ; force motrice 4000 chevaux indiqués, deux hélices ; poids des machines, 550 tonnes ; armement, 6 canons rayés de 15 centimètres se chargeant par la culasse, et montés sur affûts à pivot, huit mitrailleuses et dix tubes à torpilles distribués comme suit : un à l’avant, un à l’arrière, tous deux au-dessus du niveau de l’eau; deux de chaque côté, protégés par la poupe ; un de chaque côté, à découvert, au milieu du navire, et deux autres tubes placés sous l’eau, et dont un de chaque côté du navire. Avec les deux hélices tournant dans le même centre, le navire fait un tour complet en quatre minutes, décrivant un cercle de 27 mètres de diamètre; avec une hélice tournant marche avant et l’autre marche arrière, le temps occupé est le même mais le cercle décrit est beaucoup plus petit. La surface du gouvernail est de 9m2,25. L’approvisionnement de charbon est suffisant pour un voyage de 13 000 kilomètres à une vitesse de 18 1/2 kilomètres par heure ou d’environ 4600 kilomètres à pleine vitesse. Le navire est construit en acier et les parties de la coque les plus exposées à l’action corrosive de l’eau ont été galvanisées. L'Archer constitue certainement un engin de destruction formidable et nous avons cru intéressant de donner à nos lecteurs un aperçu de ses caractéristiques les plus remarquables. J.-A. B.
- Sur les incrustations et sur le nettoyage des statues en bronze1.— Les produits de décomposition des poussières organiques et notamment l’ammoniaque agissent assez énergiquement sur la patine des monuments en bronze. On sait que la patine est constituée par une
- 1 Dingler's polytechnisches Journal, et Bulletin de la Société’ chimique de Paris.
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- couche d’hydrates et de carbonates de cuivre. Sous l’action réductrice des poussières dont le dépôt est facilité par une surface tant soit peu rugueuse, la couche verte prend par places une teinte noire du plus désagréable effet due à la formation d’oxyde. Si l’action est prolongée, les statues finissent par se recouvrir d’une couche assez épaisse et adhérente de couleur noire. Ces incrustations sont constituées en majeure partie par des poussières atmosphériques, renfermant de la silice, des sels d’ammonium, des phosphates et le cuivre provenant de la décomposition du bronze ; le métal existe dans les incrustations à l’état de sulfure ou à l’état métallique finement divisé, ce qui lui donne une couleur noire. Une teneur élevée en plomb ne paraît pas s’opposer à la formation de la patine, car certains bronzes chinois et japonais qui renferment jusqu’à 15 pour 100 de plomb, présentent souvent un très bel aspect. Le meilleur moyen de nettoyer les statues en bronze consiste dans l’emploi d’une dissolution aqueuse de cyanure de potassium qui dissout les composés noirs du cuivre des incrustations sans attaquer le bronze. Pour que le bronze conserve une belle patine, jl est bon d’avoir une surface le plus polie possible. En ce qui concerne le nettoyage des statues en marbre, il est bon de les laver avec de l’eau ayant séjourné sur des fragments de marbre et saturée ainsi de carbonate de calcium. On évite ainsi l’action dissolvante des eaux pures qui renferment toujours de l’acide carbonique. On peut également remplacer l’eau pure par une dissolution très étendue et limpide de silicate de sodium. G. de B.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 1er février 1886. — Présidence de M. l’amiral
- JüRIEN DE LA GrAVIÈRE.
- En prenant place au fauteuil, M. le président annonce que, toute affaire cessante, l’Académie se formera en comité secret à quatre heures : il en est résulté une séance extrêmement peu fournie.
- Tremblement de terre expérimental. — En revenant de sa mission géologique en Andalousie, M. Fouqué avait manifesté son intention de soumettre certains points des phénomènes sismiques à une étude expérimentale. Il annonce aujourd’hui les premiers résultats que lui a fournis cette direction toute nouvelle. Grâce aux bonnes dispositions de M. Schneider, il a pu se servir du marteau-pilon de 100 tonnes pour rechercher avec quelle vitesse se propagent les vibrations dans le sol. Ayant choisi une station à une distance convenable de l’usine à laquelle il était relié par un téléphone, il y installa un bain de mercure : l’oreille annonçait la chute du marteau et l’œil indiquait les oscillations du métal liquide. On trouva que, suivant le sens des couches du grès permien qui constitue le terrain, la vibration fait 1200 mètres par seconde; tandis que dans le sens perpendiculaire elle en fait 1050 environ. M. Fouqué s’étant ensuite transporté à Meudon dont le sol est sableux et M. Janssen ayant fait construire par lui un mouton spécial, il trouva que dans ces nouvelles conditions géologiques, la vibration ne fait plus que 320 à 560 mètres par seconde. Dans les deux cas on trouve que de petites ondulations précèdent le maximum : sur le grès l’ébranlement qui suit le choc dure à peu près une seconde; il se prolonge trois ou quatre fois plus sur le sable.
- Malgré le soin apporté à ses expériences, M. Fouqué n’en a pas accepté les résultats sans quelque sçrupule : en
- effet le moment où a lieu le choc est indiqué par l’oreille et le moment d’arrivée de l’onde sur le bain est indiqué par l’œil. Or on sait que les erreurs personnelles de ces deux organes diffèrent beaucoup entre elles et il en résulte que leur collaboration introduit dans l’expérience des causes évidentes d’inexactitude. Aussi l’auteur s’est-il préoccupé dë rendre son dispositif plus homogène, et pour cela il élimine l’oreille. Un mécanisme électrique enregistre le mouvement du choc et le mouvement du bain est recueilli par une plaque sensibilisée sur laquelle il se photographie. Jusqu’ici ce deuxième mode opératoire n’a pas été employé sur le terrain ; mais M. Fouqué met sous les yeux de l’Académie quelques plaques obtenues dans des essais préliminaires tentés au collège de France. On y voit l’effet des coups de pied donnés sur le sol du laboratoire, ou même celui de voitures passant dans la rue.
- Astronomie égyptienne. — Un professeur de Montpellier, M. Romicux, ayant adressé naguère à l’Académie, des recherches sur l’astronomie égyptienne, M. Oppert, de la classe des inscriptions et belles-lettres, a été prié de donner sur elle une opinion motivée. Il a remis aujourd’hui son rapport qui sera lu avec un très vif intérêt, mais dont'nôus n’osons, après une simple audition incomplète, donner un résumé. Ce que nous pouvons dire, c’est qu’il -recommande le travail de M. Romieux à la bienveillante attention de l’Académie des sciences.
- Nature de l'éther des physiciens. — Le si regretté commandant Trêves, dont la fin tragique a été si prématurée, avait déposé deux plis cachetés relatifs, l’un à la matérialité de l’éther, l’autre à la pondérabilité de ce milieu. Mme Trêves transmet des passages du testament de son mari conformément auxquels M. le secrétaire perpétuel remettra les plis en question à M. l’amiral ( Bourgeois.
- Varia. — Notre savant confrère, M. le Dr Nicolas, est parti avec M. de Lesseps pour organiser le service médical à Panama. — La constante de la réfraction occupe M. Gaillon: — M. le Dr Antonin Bossu offre, par l’intermédiaire de M. Larrey, la IIe édition de son Anthropologie; nous reviendrons sur cet ouvrage.
- Stanislas Meunier.
- UNE CARICATURE
- SUR LA DÉCOUVERTE DE IA VACCINE
- JEPWXER. — M. PASTEUR
- Trois mois se sont écoulés depuis le jour où M. Pasteur a fait connaître à l’Académie des sciences les résultats de ses admirables expériences sur les moyens de prévenir la rage après morsure: Depuis ce jour, poursuivant lentement et sûrement la mission qu’il s’est donnée, l’illustre savant applique la méthode scientifique créée par lui de toutes pièces et qui semble jusqu’ici ne lui réserver que des succès.
- Rien ne paraît fait, n’est-ce pas, pour inspirer une plus profonde admiration? Aucune découverte ne serait plus utile et plus glorieuse pour le pays!
- Il s’est rencontré, cependant, deux ou trois personnes qui, n’ayant pas la moindre idée du problème a résoudre, ne soupçonnant pas les immenses difficultés qu’il recèler ont osé plaisanter de sa solution
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- * LA NATURE.
- possible. Le rire est à la portée de tout le monde, mais, Dieu merci ! il ne prouve rien, là moins que partout ailleurs.
- Que ce triomphe de la science française soit définitivement acquis, qu’il soit seulement probable, il n’en est pas moins juste de s’incliner avec respect devant des travaux, qui tels qu’ils sont, représentent une somme de dévouement et de savoir dont les rieurs sont absolument incapables, qu’ils le veuillent ou non.
- Presque toutes les grandes découvertes ont trouvé d’obscurs détracteurs, elles ont été, dès leur début, l’objet de plaisanteries de nationalités indécises, analogues à celles qui ont accueilli les recherches de M. Pasteur.
- On aurait dù comprendre que c’est à l’avenir seul qu’il appartient de juger sainement de ces choses. On se prend à espérer pourtant, quand, faisant un retour vers le passé, on songe qu’une question de même nature a divisé nos ancêtres.
- * Edouard Jenner, par sa grande découverte de la vaccine, avait déjà pris, dans la science, la place qui lui appartenait, que beaucoup de ses con frères, gens éclah rés cependant, discutaient encore , soit dans son pays, soit dans le nôtre, la valeur de ses travaux. Aujourd’hui, la preuve est faite; peut-être l’égoïste humanité a-t-elle quelque peu oublié le nom de l’un de ses plus dévoués, de ses plus passionnés serviteurs? Elle n’en a pas moins bénéficié de l’inappréciable bienfait qu’elle lui doit.
- La gravure que nous publions ici, et qui fait partie de notre collection personnelle, est de toute rareté. Elle se l’apporte aux discussions scientifiques soulevées par l’introduction de la vaccine en France et par les difficultés singulières qu’elle rencontra dans ses premières applications. La Faculté de médecine y est violemment attaquée. L’auteur de cette caricature a eu le bon esprit de ne point signer son œuvre; nos contemporains ne montrent pas autant de réserve.
- Jenner est né en 1749, dans le comté deGlocester, à Berkeley. L’histoire a gardé le nom du premier sujet auquel il inocula la variole : C’était un jeune garçon du nom de James Phipps. Cette mémorable expérience fut effectuée le 14 mai 1796, Jenner n’en a publié les résultats que deux ans plus tard, à
- Londres, dans un ouvrage intitulé : An inquiry into lhe causes and effects of the variolae vaccinae.
- La première classe de l’Institut (Academie des sciences) s’était adjoint Jenner comme correspondant le 20 juin 1808; elle lui décerna le titre à'associé étranger, le 13 mai 1811.
- 11 ne sera pas sans intérêt de consigner ici le nom du jeune enfant auquel M. Pasteur a inoculé la rage. Il s’appelle Joseph Meister. Au moment de l’inoculation, il était âgé de neuf ans; son père est marchand épicier à Meissengott, près de Schlestadt. Le 4 juillet 1885, à 8 heures du matin, Joseph Meister a subi les attaques d’un chien l’econnu enragé ; le 6 juillet, c’est-à-dire 60 heures après l’événement il a été inoculé. Aujourd’hui, sept mois après, sa santé ne laisse rien à désirer.
- La seconde expérience tentée par M. Pasteur n’est pas moins saisissante. Le jeune Jean-Baptiste Jupille, qui en a été l’objet, a été frappé sur un
- champ de bataille où les plus .hardis ne se hasardent pas toujours. L’Académie française lui a décerné un Prix de vertu, dans sa séance du 19 novembre 1885.
- M. Maxime du Camp, directeur de l’illustre Compagnie, a raconté ainsi qu’il suit, la généreuse, action qui lui est due :
- Pendant qu’il gardait son troupeau, des enfants qui jouaient auprès de lui ont été attaqués par un chien enragé. Il se jeta devant eux pour les protéger; à coups de fouet, il voulut chasser l’animal qui se précipita sur lui et lui saisit la main gauche qu’il déchira avec ses crocs. Sanglant et lacéré, il n’eut même pas la pensée de fuir, il fit face à la bête féroce et lutta contre elle. De la main droite il ouvrit la gueule écumante, en dégagea sa main gauche, lia le museau du chien à l’aide de la lanière de son fouet, puis il l’assomma à coups de sabot. Le chien était mort, les enfants étaient sauvés, mais Jupille était couvert de morsures. Il n’était pas seulement blessé, il était empoisonné par le virus rabique et destiné à expirer dans d’horribles souffrances.
- M. Pasteur a entrepris le traitement de Jupille, le 20 octobre dernier, six jours pleins après l’événement que nous venons de rapporter.
- ' Ernest Maindron.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Caricature du temps de Jenner sur la vaccine. Réduction 1/3.
- Imprimerie A. Labure, 9, rue de Fieurus, à Pans.
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- N° 605.
- 13 FEVRIER 1886.
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- LA STATUE DE CLAUDE BERNARD
- CÉRÉMONIE D’INAUGURATION DU 7 FÉVRIER 1886
- Il y a un peu plus d’un an, dans notre livraison du 27 décembre 1884, nous parlions ici même de l’essai de mise en place, à l’entrée du collège de France à Paris, de la statue de l’illustre physiologiste, essai qui venait d’avoir lieu devant les membres de la Commission du monumen